Mémoire DU médiateur IFOMENE-ICP Valérie COLLARD

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1 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays Institut Catholique de Paris IFOMENE Institut de Formation à la Médiation et à la Négociation ________________________________________________________________ Diplôme Universitaire de Médiateur (2 ème partie) Promotion 2012-2013 ________________________________________________________________ La résolution des conflits en matière de négociation collective transnationale : Quel rôle pour la médiation ? Valérie COLLARD Octobre 2013

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Institut Catholique de Paris

IFOMENE

Institut de Formation à la Médiation et à la Négociation ________________________________________________________________

Diplôme Universitaire de Médiateur

(2ème partie)

Promotion 2012-2013

________________________________________________________________

La résolution des conflits en matière

de négociation collective transnationale :

Quel rôle pour la médiation ?

Valérie COLLARD

Octobre 2013

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Table des matières Introduction 4 Première partie : Etat des lieux de la négociation collective transnationale et de la médiation 5 Section 1 : La négociation collective transnationale de dimension européenne 5

A. Ce que recouvre la négociation collective transnationale de dimension européenne 5 1. La « négociation collective » transnationale issue du dialogue social européen 6

a) Notions 6 b) Les résultats du dialogue social européen 7

2. La négociation transnationale d’entreprise 7 a) Notions 7 b) Les expériences de la négociation transnationale d’entreprise 8

B. Les enjeux de la négociation collective transnationale de dimension européenne 9 1. Le débat actuel : opportunité d’une réglementation européenne ? 9 2. L’intérêt de recourir à la médiation 10

Section 2 : La médiation comme méthode alternative de résolution des conflits 11 A. La directive européenne 2008/52/CE 11 B. Les autres instruments européens et internationaux consacrant les méthodes alternatives

de résolution des conflits pour les conflits du travail 13 1. La charte sociale européenne 13 2. La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs 14 3. La recommandation n°92 de l’OIT sur la conciliation et l’arbitrage volontaires 14 4. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales 14

C. Les aspects nationaux de la médiation 15 1. Les conflits collectifs de travail 15 2. Les conflits individuels de travail 16

Section 3 : Les aspects nationaux des conflits liés aux conventions et accords collectifs 18 A. Les difficultés d’interprétation 19 B. La violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation des accords collectifs 20 C. La violation des conventions et accords collectifs 21

Deuxième partie : La résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale : l’intérêt grandissant pour les techniques alternatives de résolution des conflits, vers quelle médiation sociale européenne ? 22 Section 1 : Le rôle de la médiation dans le règlement des conflits liés à la négociation collective Transnationale 22

A. Le recours au processus de médiation 23 1. Les conflits liés à la négociation collective transnationale 23 2. Bilan des expériences de gestion et de résolution des conflits liés à la négociation

collective transnationale 24 3. Principes théoriques sur l’utilisation de la médiation en matière de négociation collective

transnationale 25 a) Médiation nationale 26 b) Médiation internationale et/ou litiges transfrontaliers 26

B. Le recours à d’autres méthodes alternatives de résolution des conflits 27 1. La conciliation 27 2. L’arbitrage 29

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Section 2 : Quelle médiation en pratique pour la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale ? 30

A. Une médiation conventionnelle ordinaire ou ad hoc 30 B. Une médiation spécifique à construire posant la question de la régulation des méthodes

alternatives de résolution des conflits du travail au niveau européen ou transnational 31 1. Une médiation inspirée des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des

entreprises multinationales 31 2. Une médiation sociale européenne inspirée du modèle social belge 33 3. Une médiation sociale spécifiquement européenne 33 4. Une médiation sociale laissée aux mains des partenaires sociaux 34 5. Une médiation interne dans l’entreprise transnationale 35

Conclusion 36

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Introduction

La négociation collective transnationale se réfère à des pratiques de négociation collective qui dépassent le territoire national. Ces pratiques connaissent ces dernières années un développement considérable et font l’objet d’études de plus en plus nombreuses. La négociation collective transnationale se développe aujourd’hui pratiquement en dehors de tout cadre juridique, ce qui engendre de nombreuses questions. Parmi celles-ci, se pose la question du règlement des litiges qui sont susceptibles de résulter de la conclusion ou de l’exécution des textes adoptés par les partenaires sociaux lors de la négociation collective transnationale.

La Commission européenne s’est penchée sur les méthodes alternatives de résolution des conflits dans le cadre de ses travaux sur les accords transnationaux d’entreprise. On peut y voir un signe positif en faveur d’un élargissement des domaines d’application des méthodes alternatives de résolution des conflits. On s’interrogera donc sur la place qui peut revenir à la médiation dans la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale, plus spécifiquement européenne. Il s’agit par la même occasion de s’intéresser à une question plus vaste qui a trait aux possibilités de mise en œuvre d’une médiation « sociale » pour résoudre les conflits sociaux transnationaux qui peuvent apparaître dans le contexte d’une internationalisation croissante des entreprises et de la mondialisation de l’économie. L’Europe, qui a déjà contribué au développement de la médiation par le biais de la directive n°2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, peut être amenée à soutenir d’autres initiatives au niveau européen pour faciliter le recours à cette méthode alternative de résolution des conflits.

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Première partie

Etat des lieux de la négociation collective transnationale

et de la médiation

Cette première partie a pour but de préciser les notions qui font l’objet de cette étude, à savoir la négociation collective transnationale de dimension européenne et la médiation en tant que méthode alternative de résolution des conflits. La démarche consiste à dresser un état des lieux actuel.

Section 1 : La négociation collective transnationale de dimension européenne

A. Ce que recouvre la négociation collective transnationale de dimension européenne

Il convient avant tout de délimiter les formes de négociation collective qui sont concernées par cette étude. La négociation collective transnationale entendue au sens « d’expériences de négociation collective dépassant le cadre national » est en effet susceptible d’inclure aujourd’hui un large éventail de pratiques.

Une première distinction peut être opérée en fonction du champ d’application dont relève la négociation collective transnationale, selon qu’elle intervient au niveau mondial ou au niveau européen.

La deuxième distinction relève du cadre dans lequel ces pratiques de négociation collective interviennent. Au niveau européen (qui est le niveau sur lequel nous nous concentrerons plus particulièrement ici), des formes diverses de négociation collective peuvent prendre place dans le cadre du dialogue social européen pour les niveaux interprofessionnels et sectoriels ou résulter de la négociation transnationale au niveau de l’entreprise par le biais des « accords d’entreprise transnationaux » (en abrégé AET).1 Cette dénomination est celle qui est retenue par la Commission européenne.

Si on ne peut parler à l’heure actuelle de véritables conventions collectives européennes, on assiste bien à plusieurs formes d’expérimentation d’une négociation collective transnationale concourant à la création d’un système de relations professionnelles à l’échelon européen.

1 Dans le cadre du projet EuroAtca portant sur les AET, l’accord collectif « transnational » a été défini comme l’accord conclu entre les représentants des travailleurs et une entreprise transnationale pour couvrir plusieurs pays : S. LEONARDI, « Les accords d’entreprise transnationaux : un tremplin vers l’internationalisation des relations professionnelles », Liaisons sociales Europe, supplément « La négociation collective transnationale », décembre 2012, p.25

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1. La « négociation collective » transnationale issue du dialogue social européen

a) Notions

Le dialogue social européen au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE) s’entend généralement par le dialogue social qui intervient entre les partenaires sociaux européens au niveau interprofessionnel et sectoriel européen. Ce dialogue social est encadré partiellement par le TFUE et, pour ce qui concerne plus spécifiquement le niveau sectoriel européen, par une décision de la Commission européenne du 20 mai 1998.

L’article 155 du TFUE énonce que « le dialogue entre partenaires sociaux au niveau de l’Union peut conduire, si ces derniers le souhaitent à des relations conventionnelles, y compris des accords ». Ce texte constitue la base du développement des accords européens et, plus largement, des textes de nature diverse issus de la discussion et de la négociation des partenaires sociaux européens au niveau interprofessionnel et sectoriel.

Une distinction est faite pour l’application des dispositions du TFUE entre le dialogue social européen qui intervient dans le cadre institutionnel (soit à la suite d’une initiative législative) et le dialogue social européen initié par les partenaires sociaux sur une base autonome. Le premier relève des articles 153 à 155 TFUE alors que le second ne se voit appliqué que le seul article 155 TFUE.

Deux modalités de mise en œuvre sont prévues par l’article 155 TFUE pour les accords résultant du dialogue social européen. Il peut s’agir d’une mise en œuvre :

- « selon les procédures et les pratiques propres aux partenaires sociaux et aux Etats membres » ;

- ou « dans les matières relevant de l’article 153 à la demande des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la Commission ».

Le dialogue social institutionnalisé a donné lieu à plusieurs accords-cadres qui ont été mis en œuvre par directives.2 On observe que le dialogue social autonome est aujourd’hui en nette augmentation, surtout au niveau sectoriel depuis l’institution des comités de dialogue social sectoriel (CDSS) en 1998. Des accords-cadres autonomes ont ainsi été conclus.3 Une évolution vers plus d’autonomie résulte également du choix des modalités de mise en œuvre des accords européens. On constate que les partenaires sociaux optent plus fréquemment qu’autrefois pour la première modalité de mise en œuvre,

2 On retrouve pour le niveau interprofessionnel la directive 96/34 du 3 juin 1996 sur le congé parental, la directive 97/81 du 15 décembre 1997 sur le travail à temps partiel, la directive 1999/70 du 28 juin 1999 sur les contrats de travail à durée déterminée. Signalons pour le niveau sectoriel la directive 1999/63 du 21 juin 1999 sur l’aménagement du temps de travail des marins et la directive 2000/79 du 27 novembre 2000 sur l’aménagement du temps de travail des travailleurs mobiles dans l’aviation civile 3 Il s’agit notamment au niveau interprofessionnel de l’accord-cadre autonome sur le télétravail (2002), l’accord-cadre autonome sur le stress lié au travail (2004), et l’accord-cadre européen sur le harcèlement et la violence au travail (2007). On retrouve également des accords autonomes au niveau sectoriel, niveau privilégié du dialogue social autonome. Mentionnons l’apparition récente d’accords multisectoriels autonomes, dont l’accord multisectoriel du 25 avril 2006 sur la protection de la santé des travailleurs par l’observation de bonnes pratiques dans le cadre de la manipulation et de l’utilisation de la silice cristalline

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soit en faveur de la mise en œuvre conventionnelle autonome.4 Ce choix pose des difficultés pratiques car n’offrant pas les mêmes garanties que la deuxième modalité de mise en œuvre qui intervient par le biais d’une directive.

Un cadre spécifique a été prévu pour le dialogue social sectoriel européen. La décision de la Commission du 20 mai 1998 précise les règles d’institution et de fonctionnement des comités de dialogue social sectoriel européen (CDSS). Ces CDSS constitue les nouvelles enceintes du dialogue social au niveau sectoriel européen. Environ 40 CDSS ont été institués à ce jour.

Il n’y a à ce jour pas de régime juridique prévu pour la négociation collective européenne, à l’exception des règles institutionnelles prévues par le TFUE susmentionnées (d’où la question de l’opportunité d’une réglementation européenne, voir infra).

b) Les résultats du dialogue social européen

Les résultats du dialogue social européen ont donné lieu à de nouvelles pratiques conventionnelles qui formalisent l’expérimentation d’une négociation collective transnationale en devenir à l’initiative des partenaires sociaux européens. Cette expérimentation relève pour la plupart du niveau sectoriel européen.

Une multitude de textes ont été adoptés dans le cadre du dialogue social initié au sein des CDSS, mais on ne peut à proprement parler de négociation collective car la majorité des résultats se rapprochent de la notion de « soft law » et au mieux de celle de contrat de droit privé. Les accords juridiquement contraignants sont en effet largement minoritaires aujourd’hui.5

Néanmoins, tant la structure de ces textes que les dispositions prévues se perfectionnent au fil des expériences. Ainsi, des modalités de mise en œuvre et de suivi sont davantage précisées que par le passé, ce qui démontre une expérimentation plus aboutie d’une forme de négociation collective en cours d’évolution au niveau européen.

2. La négociation transnationale d’entreprise

a) Notions

On parle généralement de négociation transnationale d’entreprise pour viser le dialogue social qui intervient entre les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise multinationale. La négociation transnationale d’entreprise est en plein essor depuis le début des années 2000. Cet essor s’explique par le contexte d’une internationalisation croissante des entreprises. Ses résultats sont prometteurs au point que l’on peut considérer que la négociation transnationale d’entreprise dépasse peu à peu le dialogue social européen en termes d’accords novateurs.

La négociation transnationale d’entreprise de dimension européenne se développe spontanément en dehors de tout cadre juridique, à l’exception des directives relatives au comité d’entreprise européen et

4 Les accords initiés par les partenaires sociaux et mis en œuvre par ceux-ci sont les plus parfaits sur le plan de l’autonomie. Ils consacrent la dévolution d’un véritable pouvoir normatif aux partenaires sociaux européens qui se sont mutuellement reconnus pour négocier : J-P. LHERNOULD, « La négociation collective communautaire. Petit manuel de diversité », Droit social, 2008, p.46 5 Voir J-P. LHERNOULD, article précité

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à la société européenne.6 Ces textes ne traitent toutefois que de l’information et la consultation des travailleurs. La négociation transnationale d’entreprise, qui intervient hors de portée des dispositions du TFUE sur le dialogue social européen, expriment une autre forme d’autonomie des partenaires sociaux.7

La Commission européenne s’est tout particulièrement intéressée ces dernières années à la négociation transnationale d’entreprise. Le document des services de la Commission européenne du 2 juillet 2008 définit « l’accord d’entreprise transnational » (AET) comme « un accord comportant des engagements réciproques, dont le champ d’application s’étend au territoire de plusieurs Etats, conclu entre un ou plusieurs représentants d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises d’une part, et une ou plusieurs organisations de travailleurs d’autre part, portant sur des conditions de travail et d’emploi et/ou les relations entre les employeurs et les travailleurs ou leurs représentants ».

La Commission européenne soutient ces accords notamment par des échanges d’expériences, des mesures de surveillance et des études A cette fin, un groupe d’expert a été créé et différents rapports ont été établis. Des études ont également été réalisées dont l’une traite spécifiquement des aspects de droit international privé et du règlement des litiges.8

Les AET sont désormais largement perçus comme une des composantes les plus prometteuses et intéressantes du processus d’« internationalisation » ou d’« européanisation » des relations professionnelles.9

b) Les expériences de négociation transnationale d’entreprise

Au début de l’année 2012, on dénombrait 224 AET enregistrés dans 144 entreprises, la plupart ayant leurs quartiers généraux en Europe, et couvrant plus de 10 millions de salariés.10 La singularité de ces textes se trouve dans leur bilatéralité et dans le fait qu’ils sont négociés, à la différence des codes de conduite et des autres documents de nature unilatérale par lesquels l’entreprise exprime sa politique de responsabilité sociale. Par ailleurs, le contenu des AET est plus varié et plus riche que celui des accords-cadres internationaux (ACI).11

Comme pour les textes récents issus du dialogue social sectoriel européen, la portée des AET varie considérablement allant d’une simple portée déclaratoire jusqu’à des accords contraignants produisant des effets juridiques.12 Bien souvent, les AET ne sont pas clairs quant au statut juridique des

6 Directive 94/45/CE révisée par la directive 2009/38/CE du parlement européen et du conseil du 6 mai 2009 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprise de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs ; directive 2001/86/CE du conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs 7 J-P. LHERNOULD, o.c., p. 47 8 Les études sont disponibles sur le site www.ec.europa.eu/social rubrique accords d’entreprise transnationaux 9 S. LEONARDI, o.c., p. 24 10 Commission staff working document « Transnational company agreements : realizing the potential of social dialogue », 10.9.2012, SWD (2012) 264 final, p.2 11S. LEONARDI, o.c., pp.25-26. Les AET traitent une grande diversité de questions telles que les restructurations et l’anticipation du changement, les droits fondamentaux au travail portant référence aux normes de l’OIT, les mesures d’accompagnement des changements par la formation et la mobilité, les politiques de gestion des ressources humaines, la santé et la sécurité des salariés, les droits syndicaux, le dialogue social et la participation financière des salariés 12 Commission staff working document précité, p. 14

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engagements qui y sont contenus.13 En l’absence de réglementation, ce sont donc des accords sui generis qui sont initiés et mis en œuvre de façon autonome.14

Les fédérations sectorielles sont souvent associées à la signature des AET concrétisant ainsi le développement de liens entre le niveau de l’entreprise et celui du secteur européen. D’autre part, les comités d’entreprise européens sont généralement impliqués dans la négociation des AET ce qui suscite des questions en terme de légitimité des acteurs habilités à conclure ces accords.15

Les AET contiennent parfois des dispositions concernant le règlement des litiges. Si les termes utilisés sont souvent vagues, certains accords prévoient des dispositions détaillées et l’implication de comités de contrôle conjoint (« joint monitoring committees ») établis spécifiquement pour l’accord en question.16

A ce jour, aucune partie à un AET ou personne affectée par un AET ne semble avoir porté un conflit devant les tribunaux ou devant une instance de résolution des conflits extrajudiciaire. On se situe donc au début de l’expérimentation de la négociation collective transnationale mais ces litiges devraient être amenés à se présenter au fur et à mesure du développement et de la diffusion des accords transnationaux.

B. Les enjeux de la négociation collective transnationale de dimension européenne 1. Le débat actuel : opportunité d’une réglementation européenne ?

Aucun régime juridique spécifique ne régit actuellement les accords européens. Les règles du droit international privé n’abordent pas la question des contrats collectifs. Les discussions entamées au sein de la Commission européenne ont donc pour objet de déterminer s’il convient d’adopter une réglementation européenne en matière de négociation transnationale d’entreprise.

Le débat est difficile car les organisations patronales européennes se prononcent aujourd’hui clairement en défaveur d’une réglementation au niveau européen. Il a été envisagé de prévoir un cadre optionnel sur une base volontaire des acteurs, mais cette idée est également rejetée par les représentants des employeurs.

Alors que le niveau sectoriel et le niveau de l’entreprise étaient tous les deux visés dans la première phase des discussions, la Commission européenne a par la suite décidé de concentrer le débat sur le seul niveau de l’entreprise.17 La Commission semble justifier cette décision par le fait que les niveaux 13 « Les aspects de droit international privé et de règlement des différends liés aux accords transnationaux d’entreprise », Résumé de l’étude finale réalisée par A. Van HOECK et F. HENDRICKX en collaboration avec N. BETSCH, A. DAVIES, R. KRAUSE, J. MALMBERG, F. MONTICELLI, S. ROBIN-OLIVIER, D. SARI, N. ZEKIC 14 S. LEONARDI, o.c., p.27 15 En particulier, se pose la question de savoir si la conclusion des AET doit être réservée aux organisations syndicales européennes et quelles articulations il peut y avoir entre le CE européen et les syndicats : I. DAUGAREILH, « Le dialogue social dans les instances transnationales d’entreprises européennes », Liaisons sociales Europe, supplément « la négociation collective transnationale », décembre 2012, p. 18. La négociation collective communautaire se caractérise en effet par une démultiplication des parties prenantes. La diversité des acteurs est étroitement associée à des enjeux de pouvoir : J-P. LHERNOULD, o.c., p.35 16 Commission staff working document précité, p. 16 17 Voir le document des services de la Commission du 2 juillet 2008

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interprofessionnel et sectoriel bénéficient déjà des dispositions du Traité contrairement au niveau de l’entreprise. Les niveaux interprofessionnel et sectoriels sont donc clairement délaissés dans les discussions actuelles ce qui peut interroger. Pourquoi distinguer le niveau de l’entreprise alors que les questions sont pour la plupart les mêmes (exceptés les particularités propres aux AET mais la question de la nature et des effets juridiques est très similaire).

Dans les derniers travaux menés au sein de la Commission, l’idée d’une résolution extrajudiciaire des litiges en matière d’AET par le recours à la médiation ou la conciliation a émergé.

Le Parlement européen a aussi pris part au débat sur la nécessité d’une intervention des institutions européennes pour encourager la négociation transnationale d’entreprise. Ainsi, la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen a établi une proposition de résolution « sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational ».18 La proposition de résolution se dit favorable à la mise en place d’un cadre juridique optionnel ou facultatif pour la négociation transnationale à l’échelon européen et préconise l’idée d’une légitimité exclusive des organisations syndicales européennes, sur celle des comités d’entreprise européens, pour négocier des accords européens d’entreprise. Elle évoque également la nécessité de mettre en place un organisme européen de règlement extrajudiciaire des conflits, de même qu’une juridiction européenne du travail autonome et tripartite.

2. L’intérêt de recourir à la médiation

Une raison essentielle fonde l’intérêt de recourir à la médiation dans le domaine qui nous occupe. En effet, il n’y actuellement pas de régime juridique portant sur la négociation collective transnationale, d’où l’intérêt pour les parties de prévoir les modalités de gestion et de résolution des conflits dans l’accord ou le texte conclu. Ceci se justifie d’autant plus que la perspective de l’adoption d’un cadre juridique, même optionnel, est incertaine compte tenu de la réticence des partenaires sociaux.

Indépendamment de cette question, l’idée d’utiliser la médiation pour gérer les conflits en matière d’AET émerge peu à peu. En témoigne un projet de recherche qui explore actuellement l’intérêt de recourir à une procédure de médiation en cas de conflits entre les signataires.19

La proposition de la résolution du Parlement européen estime également que la médiation est particulièrement recommandée pour le règlement extrajudiciaire des litiges étant donné que les parties concernées élaborent elles-mêmes une solution dans le cadre d’une procédure équitable.20

18 Projet de rapport sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational, 2012/2292(INI), Commission de l’Emploi et des affaires sociales, Parlement européen, rapporteur T. HÄNDEL. La résolution se rapporte aux accords d’entreprise transnationaux à l’échelon européen, qui sont en général conclus « au niveau sectoriel » par des confédérations syndicales européennes et des employeurs européens ou des organisations patronales européennes. Elle ne se rapporte pas à des accords d’entreprise transnationaux à l’échelon international qui sont conclus entre des confédérations syndicales internationales et des entreprises 19 Il s’agit d’une recherche menée pour la Confédération européenne des syndicats par André SOBCZAK directeur de la recherche à l’Audencia Nantes School of management, Silvan SCIARRA de l’Université de Florence et Maximilian FUCHS de l’Université d’Eichstätt (voir site www. responsabiliteglobale.com) 20 Proposition de résolution du Parlement européen « sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational », p. 10

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Section 2 – La médiation comme méthode alternative de résolution des conflits

Cette section sera consacrée à l’analyse du cadre juridique applicable à la médiation ; elle comprendra les différents niveaux de régulation dans une perspective transnationale.

On s’intéressera tout d’abord à la notion de médiation en tant que mode alternatif de résolution des conflits. Cette technique vise un processus auquel les parties peuvent avoir recours lorsqu’elles se trouvent en situation de conflit. Elle implique l’intervention d’un tiers neutre qui n’est pas habilité à rendre une décision. Le rôle du médiateur consiste dès lors à aider les parties à gérer leur conflit, essentiellement en structurant le débat et en rétablissant un mode efficace de dialogue. Le médiateur ne prend pas position sur le fond des questions abordées dont les parties gardent la maîtrise, mais il est en revanche responsable de la conduite du processus.21

A/ La directive européenne 2008/52/CE

La directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale a été adoptée dans le but d’encourager le règlement amiable des litiges et de faciliter en particulier le recours à la médiation.22

Cette directive s’applique aux litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale dans lesquels les parties tentent volontairement de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur.23

Il peut être utile de préciser quelques définitions données par la directive avant d’énoncer les principes essentiels qu’elle contient.

La médiation y est définie comme « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent, par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un Etat membre ».24

Le médiateur doit être entendu au sens de « tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit l’appellation ou la profession de ce tiers dans l’Etat membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé pour mener ladite médiation ou dont il a été chargé de la mener ».25

21 J. CRUYPLANTS, M. GONDA, M.WAGEMANS, « Droit et pratique de la médiation », Bruylant, 2008, pp.1-2. Les auteurs proposent de définir la médiation comme « un cadre mis à la disposition des parties confrontées à une situation conflictuelle et destiné à leur permettre de redéfinir leurs relations » 22 Cette directive fait suite au livre vert de La Commission européenne de 2002 sur les modes alternatifs de résolution des conflits et au Code de conduite européen pour les médiateurs rédigé en 2004 23 Notons que certaines matières sont exclues : il s’agit des matières fiscales, douanières, administratives et de la responsabilité de l’Etat pour des actes ou omissions dans l’exercice de sa puissance publique. Elle ne s’applique pas au Danemark. 24 Art. 3 a). La directive inclut la médiation menée par un juge qui n’est chargé d’aucune procédure judiciaire ayant trait au litige en question. Elle exclut par contre les tentatives faites par la juridiction ou le juge saisi d’un litige pour résoudre celui-ci au cours de la procédure judiciaire relative audit litige 25 Art. 3 b)

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Le litige transfrontalier au sens de la directive s’entend par « tout litige dans lequel une des parties au moins est domiciliée ou a sa résidence dans un Etat membre autre que l’Etat membre de toute autre partie à la date à laquelle:

a) les parties conviennent de recourir à la médiation après la naissance du litige b) la médiation est ordonnée par une juridiction c) une obligation de recourir à la médiation prend naissance en vertu du droit national ; d) les parties sont invitées par une juridiction à recourir à la médiation »26

Le litige transfrontalier peut également désigner tout litige dans lequel des procédures judiciaires ou d’arbitrage suivant une médiation entre les parties sont entamées dans un Etat membre autre que celui dans lequel les parties sont domiciliées ou ont leur résidence habituelle à la date dont il est question ci-dessus.27

Parmi les principes qui ont été édictés par la directive, on mentionnera les plus importants d’entre eux :

- Exécution des accords obtenus à l’issue de la médiation

Les Etats membres doivent veiller à instaurer une procédure par laquelle le contenu d’un accord écrit obtenu à l’issue de la médiation peut, à la demande des parties, être rendu exécutoire. Le contenu d’un accord peut être rendu exécutoire par une juridiction ou une autre autorité compétente au moyen d’un jugement ou d’une décision ou dans un acte authentique (homologation de l’accord).28

Cette procédure permet la reconnaissance mutuelle et l’exécution dans toute l’U.E des accords issus d’une médiation, aux mêmes conditions que pour la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale.

- Suspension des délais de prescription

Les Etats membres doivent veiller à ce que les parties qui choisissent la médiation pour tenter de résoudre un litige ne soient pas empêchées par la suite d’entamer une procédure judiciaire ou une procédure d’arbitrage du fait de l’expiration des délais de prescription pendant le processus de médiation.29

- Garanties de confidentialité et de qualité

Les Etats membres doivent veiller à ce que, sauf accord contraire des parties, ni le médiateur, ni les parties participant à l’administration du processus ne soient tenus de produire, dans une procédure judiciaire ou lors d’un arbitrage, des preuves concernant les informations résultant d’un processus de médiation ou en relation avec celui-ci.

26 Art. 2 27 Ibid. 28 Art.6 29 Art.8

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Deux exceptions sont toutefois prévues :

a) lorsque cela s’avère nécessaire pour des raisons impérieuses d’ordre public, notamment pour assurer la protection des intérêts des enfants ou l’intégrité d’une personne ;

b) lorsque la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour mettre en œuvre ou exécuter ledit accord.30

De plus, les Etats membres doivent encourager l’élaboration de codes de conduite et d’autres mécanismes efficaces de contrôle de la qualité des services de médiation. Ils doivent également promouvoir la formation initiale et continue afin de veiller à ce que la médiation soit menée avec efficacité, compétence et impartialité à l’égard des parties.31

Cette directive a fait l’objet de transposition dans les Etats membres, et notamment en France et en Belgique qui sont les deux Etats sur lesquels nous concentrerons notre analyse (voir infra).

B/ Les autres instruments européens et internationaux consacrant les méthodes alternatives de résolution des conflits pour les conflits du travail

Plusieurs instruments et textes européens et internationaux ont consacré le recours aux méthodes alternatives de résolution des conflits (en abrégé MARC) pour le règlement des conflits du travail. Même si la médiation n’est pas toujours expressément visée, il est intéressant de voir que les MARC sont préconisées en matière de conflits du travail en ce compris la négociation collective.

1. La charte sociale européenne

On retrouve une disposition juridique traitant du règlement des litiges sociaux dans la charte sociale européenne de 1961 (version révisée).

Ainsi l’article 6 §3 de la charte sociale européenne révisée prévoit que « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit de la négociation collective, les parties s’engagent (…) à favoriser l’institution et l’utilisation de procédures appropriées de conciliation et d’arbitrage volontaire pour le règlement des conflits du travail ».

Le comité de supervision de la charte sociale, le Comité européen des droits sociaux, a développé une jurisprudence à propos de cet article 6 §3 selon laquelle il ne s’appliquerait qu’aux seuls conflits d’intérêts tels que des conflits concernant la conclusion d’une convention collective ou la modification, par convention collective, de conditions de travail fixées dans une convention ou un accord collectif existant. Dès lors, il ne s’appliquerait pas aux conflits de droits comme des conflits concernant l’application ou la mise en œuvre d’une convention ou d’un accord collectif.32

30 Art.7 31 Art. 4 32 S. CLAUWAERT, « Alternative ways of settling (collective) labour disputes in European (Community) Law » in «Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail? », sous la direction de M. RIGAUX et P. HUMBLET, Bruylant, Bruxelles, 2011, p.53

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2. La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs

La charte européenne des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 dispose à son article 13 que « afin de faciliter le règlement des conflits du travail, il convient de favoriser, conformément aux pratiques nationales, l’institution et l’utilisation, aux niveaux appropriés, de procédures de conciliation, de médiation et d’arbitrage ».

3. La recommandation n°92 de l’OIT sur la conciliation et l’arbitrage volontaires

On retrouve au sein de l’OIT une courte recommandation n°92 sur la conciliation et l’arbitrage volontaires datant de 1951.

Sous le titre « conciliation volontaire », la recommandation prévoit que des organismes de conciliation volontaire adaptés aux conditions nationales devraient être établis en vue de contribuer à la prévention et au règlement des conflits du travail entre employeurs et travailleurs. Tout organisme établi sur une base mixte devrait comprendre une représentation égale des employeurs et des travailleurs. La procédure devrait pouvoir être engagée, soit sur l’initiative d’une des parties au conflit, soit d’office par l’organisme de conciliation volontaire. Les parties devraient être encouragées à s’abstenir de grève et de lock-out pendant que la conciliation est en cours. Tous accords auxquels aboutissent les parties devraient être rédigé par écrit et assimilés à des conventions normalement conclues.

Sous le titre « arbitrage volontaire », la recommandation se limite à préciser que si un conflit a été soumis pour règlement final à l’arbitrage avec le consentement de toutes les parties intéressées, celles-ci devraient, tant que la procédure est en cours, être encouragées à s’abstenir de grève et de lock-out et à accepter la décision arbitrale.

4. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales

Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales prévoient une procédure particulière de médiation qui sera analysée dans la deuxième partie. Il faut préciser que cette procédure ne vise pas à proprement parler les conflits du travail, mais son objectif est plutôt de résoudre les difficultés qui peuvent apparaître dans la mise en œuvre des principes directeurs qui ont été prévus à l’intention des entreprises multinationales. Cet instrument international de responsabilité sociale des entreprises contient néanmoins un chapitre sur l’emploi et les relations professionnelles.

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C. Les aspects nationaux de la médiation

L’examen des principes applicables à la médiation se limitera au système français et belge que nous avons plus particulièrement choisi d’étudier.

Une distinction générale s’impose en France entre la médiation conventionnelle et la médiation judiciaire. A la différence de la première qui relève essentiellement des parties, la deuxième intervient dans le cadre d’une procédure judiciaire. Le processus mis en œuvre présente la particularité de faire l’objet d’un certain contrôle du juge qui est plus contraignant pour la médiation judicaire. En Belgique, trois types de médiation ont été prévues (voir infra).

La médiation relève de principes juridiques inscrits dans le Code de procédure civile (ci-après CPC) en France et dans le Code judiciaire (ci-après CJ) en Belgique. Des principes juridiques résultent également de la jurisprudence. Par ailleurs, une déontologie propre à la profession de médiateur s’affirme peu à peu. Sous l’impulsion du Code européen de conduite pour les médiateurs rédigé en 2004, un code national de déontologie du médiateur a été adopté en France le 5 février 2009.33 Il existe aussi en Belgique un code de bonne conduite du médiateur agréé daté du 18 octobre 2007.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement la résolution des conflits du travail, on distingue tant en droit français qu’en droit belge entre les conflits collectifs et les conflits individuels. Le critère de distinction est discuté en pratique, mais l’intérêt réside dans l’application de dispositions légales différentes pour le règlement de ces litiges.

1. Les conflits collectifs de travail

Un conflit collectif de travail s’entend au sens d’un différend qui met en jeu des intérêts collectifs, c’est-à-dire commun à l’ensemble des salariés. Le conflit collectif oppose le plus souvent l’employeur et les salariés ; la grève en est l’exemple classique. Un conflit portant sur la négociation collective est susceptible de répondre aux caractéristiques du conflit collectif s’il met en cause des intérêts communs aux salariés.

En France, le Code du Travail prévoit trois voies de résolution extra-judiciaire des conflits collectifs du travail. Il s’agit de la conciliation, de la médiation et de l’arbitrage. La procédure de médiation, énoncée aux articles L-2523-4 à 9, intervient en cas d’échec d’une tentative de conciliation préalable. Le code du travail prévoit que lorsque le conflit porte sur l’interprétation ou la méconnaissance des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles, le médiateur recommande aux parties de soumettre le conflit, soit à la juridiction compétente, soit à la procédure contractuelle d’arbitrage prévue aux articles L 2524-1 et 2.

Soulignons que, dans le système français, les accords de branche peuvent instituer une commission paritaire d’interprétation et de conciliation chargée non seulement d’interpréter l’accord mais également de résoudre les conflits du travail résultant de son application (il s’agit le plus souvent de conflits collectifs mais les conflits individuels sont parfois également visés). L’on parle de procédures conventionnelles de règlement des conflits du travail. La procédure de conciliation diffère d’un accord

33 Ce code de déontologie a été adopté par un rassemblement des organisations de la médiation

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à l’autre (voir infra sur les conflits liés aux conventions et accords collectifs). Il arrive que différents niveaux de conciliation soient prévus.34

Deux constatations résultent de la pratique :

- les modes de règlement des conflits collectifs prévus par le Code du travail sont délaissés au profit de négociations de fin de conflit plus souples. La nature juridique des règlements de conflits négociés -qualifiés tantôt de protocoles ou de procès-verbaux de fin de conflit négociés- dépend des signataires de ces textes. La jurisprudence considère que les protocoles signés par les délégués syndicaux sont de véritables accords collectifs d’entreprise, à la différence des règlements négociés signés par les élus du personnel ou un comité de grève qui sont qualifiés d’engagements unilatéraux de l’employeur.35

- on observe l’apparition de pratiques de médiation intervenant en dehors du cadre du Code du Travail qui connaissent un intérêt croissant.36

En Belgique, le droit du travail prévoit la possibilité de saisir certaines instances spécifiques en cas de conflits collectifs.37 Les parties sont libres de choisir la personne ou l’instance chargée de la conciliation ou de la médiation, sauf si une convention collective de travail l’impose. Les parties peuvent décider de recourir au bureau de conciliation de la Commission paritaire dont elles relèvent. Les commissions paritaires ont ainsi notamment pour mission de prévenir et de résoudre les différends entre les employeurs et les travailleurs.38 D’autre part, des médiateurs sociaux sont institués au sein du Ministère fédéral de l’Emploi et du travail (SPF emploi, travail et concertation sociale). Ces médiateurs, qui dépendent directement du Ministre, sont chargés -à la demande d’une des parties ou du ministre ou de leur propre initiative- d’une mission de médiation en cas de conflits collectifs.

2. Les conflits individuels de travail

Pour les litiges individuels du travail, les principes usuels relatifs au mécanisme de la médiation sont applicables.

En France, nous l’avons déjà mentionné, une différence est faite entre la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle. La médiation judiciaire, qui est ordonnée par un juge après avoir recueilli l’accord des parties, est visée aux articles 131-1 à 131-15 du CPC. Le CPC contient en outre un Livre V dédié à la résolution amiable des différends. La médiation conventionnelle, qui relève de l’accord

34 P. AUVERGNON, « A propos des modes non juridictionnels de règlement des conflits collectifs du travail en France », in « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ? », Bruylant, 2011, pp.125-126 35 J-M. VERDIER, A. COEURET, M-A. SOURIAC, « Droit du travail », vol.1 Rapports collectifs, Dalloz 2009, pp. 303 et ss spéc. p. 313 36 Ces pratiques de médiations sont mises en œuvre par l’inspecteur du travail, par le Ministère du Travail nommant une figure respectée ou par un médiateur désigné par le Président du TGI : voir A. JEAMMAUD, « Conciliation, Médiation and Arbitration in (collective) labour disputes – Report for France », Etude pour la Commission européenne, p. 15 37 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, « Compendium droit du travail 2007-2008 », pp. 1441-1442 38 Article 38 §2 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires. Il faut noter que l’avis du bureau de conciliation de la Commission paritaire ne lie pas les parties : G. COX, « Le règlement des conflits collectifs de travail en droit belge » in « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ? », ouvrage précité, p.97

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des parties, est régie aux articles 1530 à1535 du CPC. Les articles 1565 à 1568 du CPC traitent quant à eux de l’homologation de l’accord aux fins de le rendre exécutoire. On notera que les différends qui résultent d’un contrat de travail sont soumis, pour ce qui concerne la médiation conventionnelle, à un régime particulier.39

En droit français, la question s’est longtemps posée de savoir si un accord collectif de travail pouvait contenir une clause de conciliation et de médiation qui impose le recours à ces techniques avant de porter le litige devant un juge. Dans un arrêt du 13 janvier 2010 la chambre sociale de la Cour de cassation a complété la construction du régime des clauses de conciliation et de médiation.40 Elle a validé et confirmé le principe de l’effet d’une clause de conciliation, même lorsque celle-ci figure dans un accord collectif. En l’espèce, il s’agissait d’un accord collectif du personnel navigant commercial, conclu entre Air France et des organisations syndicales.

La chambre sociale s’est donc alignée sur la position de la chambre mixte dans son arrêt du 14 février 2003. Depuis cet arrêt, la clause contractuelle qui prévoit une conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge est analysée comme une fin de non-recevoir qui s’impose aux parties. Cette décision a consacré une nouvelle avancée en matière de portée et de force obligatoire des clauses contractuelles de médiation.7 Un revirement de jurisprudence provenant d’un arrêt récent de la chambre sociale du 5 décembre 2012 doit toutefois être précisé. Dans cet arrêt, la chambre sociale a énoncé le principe selon lequel, en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, la clause de conciliation préalable insérée dans un contrat de travail n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend.

En Belgique, la loi du 21 février 2005 modifiant le Code Judiciaire a introduit une septième partie consacrée à la médiation (articles 1724 à 1737 du CJ).41 Une distinction est établie entre trois types de médication : la médiation judiciaire et la médiation volontaire (toutes deux visées par le CJ) et la médiation libre (non visée par le CJ). Seul un médiateur agréé peut être désigné pour la médiation judiciaire et volontaire, à la différence de la médiation dite libre.42 Les articles 1730 à 1733 CJ visent la médiation volontaire et les articles 1734 à 1737 CJ concernent la médiation judiciaire.

39 L’ordonnance du 16 novembre 2011 n’a envisagé la médiation conventionnelle pour les différends qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail que lorsque ces différends sont transfrontaliers. En dehors de la saisine du juge, on admet que le droit commun des contrats s’applique. L’ordonnance n’a pas exclu le droit du travail du champ d’application de la médiation conventionnelle mais elle n’autorise pas le juge à homologuer l’accord issu de la médiation conventionnelle portant sur un différend né à l’occasion d’un contrat de travail. D’autres solutions existent toutefois telles qu’une homologation par un notaire ou une saisine du Conseil de prud’hommes en vue de réaffirmer l’accord devant le bureau de conciliation : voir B. BLOHORN-BRENNEUR, « La médiation pour tous », Médias et médiation, 2013, p.106 40 Cass. soc 13 janvier 2010, n° 08-18.202 41 P. DELVAUX de FENFFE, « La médiation en droit du travail », l’indicateur social, n°2, janvier 2011, pp.2 et ss. On notera que le législateur belge n’a pas défini ce qu’il faut entendre par « médiation ». Toutefois les travaux préparatoires de la loi du 21 février 2005 précisent qu’il s’agit d’un « processus de concertation entre parties désireuses d’y recourir sur une base volontaire » : P-P.RENSON, « La médiation civile et commerciale. Comment éviter les aléas, le coût et la durée d’un procès », Anthemis, 2010, p.15 L’auteur définit la médiation comme un « processus confidentiel et structuré de concertation volontaire entre parties entre lesquelles il existe un différend géré par un tiers neutre, indépendant et impartial, qui n’a aucun pouvoir juridictionnel et dont le rôle consiste avant tout à créer les conditions nécessaires pour (r)établir et faciliter la communication entre parties, mais aussi à conduire ces dernières à redéfinir leurs relations, entre autres, en les aidant à trouver elles-mêmes une ou plusieurs solutions au différend et à en sélectionner une. » 42 Une commission fédérale de médiation est chargée de désigner les médiateurs agréés. L’article 1726 du Code judiciaire fixe les conditions d’agrément. La médiation libre se distingue des autres en ce qu’elle ne bénéficie pas

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Il convient de remarquer que, selon la pratique belge, seuls les conflits individuels sont susceptibles d’être réglés par la médiation visée par le CJ. Les conflits collectifs du travail restent de la compétence des conciliateurs sociaux de la Commission paritaire compétente.43 Rien n’empêche pourtant de résoudre un conflit collectif par la voie de la médiation, mais tout au plus les acteurs traditionnels de la résolution des conflits collectifs ont-ils enrichi leur réflexion et leur méthode de travail par des outils propres à la médiation.44

Section 3 : Les aspects nationaux des conflits liés aux conventions et accords collectifs

On complètera l’analyse par une rapide description des règles applicables en matière de conflits liés aux conventions et accords collectifs dans les deux droits nationaux qui nous concernent plus particulièrement.

En droit belge, les conflits en matière de conventions collectives sont assez peu fréquents. On se réfère à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires pour ce qui est des règles juridiques applicables aux conflits liés aux conventions et accords collectifs.

Les principes applicables sont les suivants :

- l’article 4 dispose que les organisations représentatives peuvent ester en justice dans tous les litiges auxquels l’application de la loi donnerait lieu et pour la défense des droits que leurs membres puisent dans les conventions conclues par elles. Ce pouvoir des organisations ne porte pas atteinte aux droits des membres d’agir personnellement ou d’intervenir dans l’instance.45 Les travailleurs et les employeurs, qu’ils soient membres ou non d’une organisation représentative signataire, peuvent également soumettre un litige né de l’application d’une convention collective au pouvoir judiciaire par application des règles normales d’introduction d’une action en justice46 ;

- la convention collective doit satisfaire à certaines conditions sous peine de nullité ; - les commissions et sous-commissions paritaires ont pour mission de prévenir et de concilier

tout litige entre employeurs et travailleurs47 ; - le juge dispose d’un pouvoir d’interprétation des conventions collectives.48

d’une protection légale particulière et ne permet pas d’obtenir l’homologation judiciaire de l’accord conclu. Elle dépend donc de l’initiative et de l’accord exclusifs des parties : P-P. RENSON, « La médiation civile et commerciale. Comment éviter les aléas, le coût et la durée d’un procès », Anthemis, 2010, p. 18 43 P. DELVAUX de FENFFE, o.c., p. 5. Voir cependant l’article 1724 du Code Judiciaire qui prévoit que tout différend susceptible d’être réglé par transaction peut faire l’objet d’une médiation 44 M. GONDA, « Les spécificités de la médiation sociale » in « La médiation : voie d’avenir aux multiples facettes ou miroir aux alouettes ? », sous la coordination de P-P. RENSON, Anthemis, 2008, p. 126 45 L’article précise encore que des dommages et intérêts du chef de l’inexécution des obligations découlant d’une convention ne peuvent être réclamés aux organisations que dans la mesure où la convention le prévoit expressément 46 V. VANNES, « Questions approfondies de droit collectif du travail », Volume 1, Presses universitaires de Bruxelles, 6ème éd., 2011, p. 122, n°236 L’article 578, 3° du CJ est entendu dans un sens large et vise les contestations nées de l’application des conventions collectives de travail 47 Article 38 §2 de la loi du 5 décembre 1968 48 L’étendue du pouvoir d’interprétation du juge dépend de l’existence ou non d’un arrêté royal rendant la convention collective obligatoire. L’interprétation que le juge du fond donne d’une convention collective de travail qui n’a pas été rendue obligatoire est souveraine lorsqu’elle ne viole pas la foi due à cet acte: voir Cass. 28 décembre 1987 (juridat)

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En droit français, des règles et principes juridiques sont appliquées aux conflits liés aux conventions et accords collectifs. On distingue entre les difficultés d’interprétation des conventions et accords collectifs et les conflits liés à la violation des conventions et accords collectifs.49 S’y ajoutent les conflits liés à la violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation des accords collectifs.

A. Les difficultés d’interprétation

Il existe en France plusieurs possibilités de résolution des difficultés d’interprétation des conventions et accords collectifs.

- La conclusion d’un avenant

Une difficulté d’interprétation d’une disposition conventionnelle peut être résolue par les parties signataires elles-mêmes en ayant recours à la conclusion d’un avenant. Cet avenant, signé par toutes les parties initiales, a un caractère impératif et s’impose de manière rétroactive, même au juge.50

- Une procédure ad hoc prévue

Les conventions et accords collectifs peuvent établir une procédure ad hoc dans le but d’assurer le traitement des questions d’interprétation qui sont susceptibles de se poser.

Deux situations peuvent alors se présenter lors de l’intervention de la commission d’interprétation. Si la convention ou l’accord collectif prévoit que l’avis de la commission d’interprétation aura la même valeur que le contrat collectif, le juge doit surseoir à statuer le temps que la commission se prononce et l’avis rendu s’imposera à lui. A défaut, la saisine immédiate du juge reste possible et l’avis de la commission d’interprétation ne le liera pas, bien qu’il puisse s’y rallier. L’avis ne lie pas non plus employeurs et salariés.

En droit français, les commissions paritaires d’interprétation peuvent être mise en place sur une base purement volontaire des négociateurs ou par obligation légale.51 L’étendue des pouvoirs conférés à la commission relève de la libre appréciation des négociateurs. Comme nous venons de le voir, les avis peuvent être dépourvus de valeur contraignante et se limiter à un guide d’interprétation ou au contraire constituer de véritables avenants qui s’incorporent à la convention ou l’accord collectif.52

Pour le sujet qui nous concerne, la question de l’admission d’une procédure de conciliation ou d’interprétation comme préalable obligatoire à la saisine du juge en cas de différend en matière d’interprétation ou d’application de la convention ou de l’accord collectif relève un intérêt particulier. Cette question particulière n’a semble-t-il pas encore été tranchée par la chambre sociale, bien qu’elle ait admis la validité d’une clause insérée dans un accord collectif. La question se pose surtout dans l’hypothèse où les signataires ont prévu que l’avis de la commission doit avoir valeur d’avenant

49 B. TEYSSIE, « Droit du travail. Relations collectives », LexisNexis, 8ème édition, 2012, pp. 765 -770 50 Cass. soc. 1er déc.1998, Cass. soc. 31 mai 2000, Cass. soc. 5 déc. 2001 51 La loi impose la mise en place de commissions paritaires d’interprétation au niveau des branches et au niveau interprofessionnel (art. 2232-4 et 2233-9 du Code du travail). Le rapport de Virville de 2004 a suggéré de rendre obligatoire la mise en place de commission d’interprétation aux niveaux des groupes et de l’entreprise 52 Lamy Négociation collective, Droit et pratique, 2013, n°550

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interprétatif qui s’impose au juge. La clause reviendrait alors à empêcher le recours au juge, ce qui ne peut raisonnablement être admis.53

- Intervention du juge

En tant qu’elle/il constitue un contrat de droit privé, conformément à la théorie de la dualité des conventions et accords collectifs54, la convention ou l’accord collectif relève de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

Ainsi, les difficultés nées de l’exécution des conventions et accords collectifs (qui peuvent être des problèmes d’interprétation) rentrent dans le champ de la compétence du conseil de prud’hommes si elles donnent naissance à un litige d’ordre individuel. Dans le cas où la demande est introduite par un salarié à son seul profit, le litige conservera un caractère individuel, et ce bien que la difficulté soulevée soit susceptible d’intéresser tous les travailleurs soumis à la convention ou l’accord. Le juge prud’homal est compétent pour connaître de l’interprétation d’une convention ou d’un accord qui est nécessaire à la solution d’un litige lié au contrat de travail. Ces difficultés d’exécution rentrent dans le champ de compétences du tribunal de grande instance si le litige présente un caractère collectif.

L’interprétation retenue par le juge du fond est soumise au contrôle de la Cour de Cassation. Cette solution résulte de l’autre nature, à savoir la nature réglementaire de la convention et l’accord collectif.

B. La violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation des accords collectifs

M-L. MORIN relève que le contentieux en matière de négociation collective proprement dite n’est pas important dans le système français en termes de volume. Les situations les plus fréquentes sont celles où un syndicat non-signataire conteste la validité de l’accord en critiquant les conditions de sa négociation.55 Les contestations concernent le non-respect des conditions de validité de l’accord collectif. Il peut s’agir des conditions de régularité de la négociation56ou de la loyauté de la négociation collective.57

Ce contentieux tend à l’annulation de l’accord collectif comme sanction des règles de la négociation.58

53 Voir M-L. MORIN, « Le dualisme de la négociation collective à l’épreuve de réformes : validité et loyauté de la négociation et interprétation de l’accord », Droit social, 2008, spéc. p. 33 54 Selon la théorie de la dualité, la nature juridique de la convention ou de l’accord collectif comporte à la fois un aspect contractuel et un aspect réglementaire (loi de la profession). Sur la dualité, voir N. DAUXERRE, « Le rôle de l’accord collectif dans la production de la norme sociale », Presses Universitaires d’Aix-Marseille, pp. 155 et ss. 55 M-L. MORIN, o.c., p. 26 56 On vise notamment la qualité des acteurs, la participation de tous les acteurs nécessaires et les conditions de majorité pour la signature de l’accord. 57 Il s’agit notamment de l’interdiction de décisions unilatérales pendant le cours de la négociation et de l’interdiction de négociations séparées et la procédure de signature des accords collectifs 58 La nullité de l’accord collectif peut être demandée en cas de défaut de qualité des signataires, de non-respect des procédures de négociation, de non-respect des conditions de forme ou de fond, et de violation de l’ordre public ou du principe de faveur (Lamy Négociation collective, Droit et pratique, 2013, n°580)

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C. La violation des conventions et accords collectifs

La violation des clauses d’un contrat collectif peut donner lieu à la mise en œuvre d’actions civiles, de nature collective ou individuelle, prévues aux articles L 2262-9 à L 2262-12 du Code du Travail.

L’action civile tend à obtenir -à l’encontre des organisations ou groupement, ainsi que leurs membres ou toute autre personne liée par la convention ou l’accord collectif et méconnaissant les engagements souscrits- l’exécution des engagements contractés et le cas échéant des dommages et intérêts pour non-respect de la convention ou de l’accord collectif.

- Actions collectives

L’action collective peut être exercée en leur nom par un groupement professionnel lié par une convention ou un accord et ayant la capacité d’ester en justice pour méconnaissances des engagements souscrits. Cette action est en principe introduite devant le tribunal de grande instance. Une action collective peut également être exercée en raison de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession.59

- Actions individuelles

Il peut y avoir exercice individuel d’une action individuelle. Dans ce cas, l’action en justice est personnellement exercée par celui qui est victime de la méconnaissance d’une convention ou d’un accord collectif. Il peut également y avoir exercice collectif d’une action individuelle par les organisations ou groupements ayant la capacité d’ester en justice et dont les membres sont liés par la convention ou l’accord collectif de travail. Il suffit que l’intéressé ait été averti et n’ait pas déclaré s’opposer à cette initiative. Cependant, le travailleur est toujours en droit d’intervenir à l’instance engagée.

Une organisation ou un groupement pourvu de la capacité d’ester en justice peut, par ailleurs, intervenir en cours d’instance en raison de l’intérêt collectif que la solution du litige est susceptible de représenter pour ses membres liés par la convention ou l’accord.

59 La jurisprudence considère que le défaut d’application du contrat collectif cause « nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession » (voir Cass. soc. 3 mai 2007, Cass. soc.16 janv.2008 ; Cass . soc. 30 nov. 2010). Il s’agit d’une action sur le fondement de l’article 2132-3 du Code du Travail qui dispose que « les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent »

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Deuxième partie

La résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale de dimension européenne : l’intérêt grandissant pour les techniques alternatives de résolution des conflits, vers

quelle médiation sociale européenne?

La deuxième partie a pour but d’envisager le rôle de la médiation dans les conflits liés à la négociation collective transnationale. Il s’agit à cette occasion de réfléchir à la médiation à laquelle on pourrait recourir -en théorie et en pratique-, ce qui nous conduira à examiner l’éventuelle nécessité d’une médiation sociale européenne.

Section 1 : Le rôle de la médiation dans le règlement des conflits liés à la négociation collective transnationale Nous avons voulu nous interroger sur le rôle qui peut revenir à la médiation dans le règlement des conflits liés à la négociation collective transnationale. Dans cette optique, il semble utile de s’intéresser à l’ensemble des techniques alternatives de résolution des conflits pour déterminer l’intérêt propre à la médiation. Comme nous l’avons vu, l’idée d’un règlement extrajudiciaire des conflits en matière de négociation collective transnationale s’affirme peu à peu dans les études et les travaux récents. Il faut remarquer que le mouvement des modes alternatifs de règlement des conflits est apparu en réaction au mode juridictionnel étatique estimé légaliste, procédurier, trop lent et difficilement accessible au citoyen. En réponse à ces déficiences, plusieurs techniques ont été mobilisées dont principalement la négociation, la conciliation, la médiation et l’arbitrage.60 On observe que les relations du travail n’échappent pas à ce mouvement.61 Précisons d’emblée que la question de la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale, en particulier de dimension européenne, ne fait l’objet d’aucune réglementation à ce jour. De manière plus générale, comme le souligne J-M SERVAIS, les conflits de travail d’ordre privé qui dépassent les frontières d’un Etat n’ont pas reçu à ce jour de véritable réponse d’un point de vue juridique à l’échelle européenne au autrement transnationale.62 60 J. DESMARAIS, « Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit du travail » in « Médiation et modes alternatifs de règlement des conflits : aspects nationaux et internationaux », Association Henri CAPITANT sous la direction de J-L. BAUDOIN, Ed. Yvon Blais, 1997, p.71 61 Voir notamment en droit belge M. GONDA, « Les spécificités de la médiation sociale », o.c., pp.125 et ss. ; P. DELVAUX de FENFFE, P. VAN LEYNSEELE, E. ROEGIERS, « La médiation et l’arbitrage en droit du travail », Kluwer, 2011. En droit français, voir M. BOURRY d’ANTIN, G. PLUYETTE, S. BENSIMON, « Médiation sociale » in « Art et techniques de la médiation », Litec, 2004, pp. 369 et ss. 62 J-M. SERVAIS, « Médiation et autres modes de règlement pacifique des conflits de travail : une interface » in « Conciliation, médiation et arbitrage : vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail » sous la direction de M. Rigaux et P. Humblet, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 227

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On ne peut, par conséquent, à proprement parler de modes « alternatifs » de règlement des conflits dans ce domaine, mais plutôt de modes « extrajudiciaires » ou encore « para-juridictionnels »63de règlement des conflits.

A. Le recours au processus de médiation

1. Les conflits liés à la négociation collective transnationale

Tout d’abord se pose la question de la nature des conflits que l’on entend résoudre aux moyens des techniques de résolution des conflits et de la médiation en particulier. En l’absence de réglementation, le choix de résolution des conflits sera en principe laissé aux parties, sauf exceptions.64 Le conflit peut apparaître entre les parties lors de la phase de discussions de la négociation collective transnationale, soit avant sa signature. On peut également viser le règlement d’un différend apparu postérieurement à la signature de l’accord. Il s’agit de résoudre des difficultés d’interprétation d’un accord issu de la négociation collective transnationale. Il peut également s’agir de résoudre un conflit né de la négociation collective transnationale, qu’il s’agisse de sa violation par les parties signataires ou toutes autres personnes ou groupements liés par celle-ci ou d’une demande d’exécution ou d’indemnisation pour non-respect des dispositions de l’accord par toute personne pouvant se prévaloir de cet accord. Les conflits apparaissant entre les parties signataires dans le cadre d’un accord européen définissant une procédure propre en matière de règlement des conflits ne devrait pas susciter de difficultés. Toutefois, on peut se demander s’il est possible de transposer la distinction opérée traditionnellement en matière de négociation collective entre partie obligatoire et partie normative de l’accord.65 Les conflits portant sur la partie obligatoire viseraient les seules parties signataires, tandis que les conflits sur la partie normative concerneraient toutes les personnes susceptibles d’être visées par les dispositions énoncées dans l’accord. En réalité, en l’absence actuelle d’une réglementation européenne prévoyant le statut de la négociation collective transnationale, l’opportunité de cette distinction n’est pas évidente. Les accords sont aujourd’hui tout au plus des contrats de droit privé, sauf s’ils sont mis en œuvre par directive (ils bénéficient alors d’un effet erga omnes) et les cas exceptionnels où ils pourraient être qualifiés d’accords collectifs en droit interne.

Par ailleurs, des conflits plus spécifiques à la négociation collective transnationale sont susceptibles d’apparaître. On pense, d’une part, au statut juridique incertain des accords qui peut être sujet à contentieux66et d’autre part, aux conflits liés à la « nationalisation » de l’accord en raison des applications très diversifiées d’un pays à l’autre.

63 Cette expression est utilisée par I. DAUGAREILH à propos des mécanismes prévus dans les organisations internationales, voir « Les modes de règlement para-juridictionnels des différends relatifs aux droits sociaux dans les organisations internationales » in « Justice et mondialisation en droit du travail », Dalloz, 2010, pp. 235 et ss. 64 On pense aux règles nationales qui peuvent s’appliquer si l’accord est qualifié d’accord collectif en droit interne. Il peut également y avoir une évolution des règles du droit international privé. 65 Voir les articles L 2262-1 et ss. du Code du Travail 66 Dans ce sens, voir S. LEONARDI, o.c., p.28

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2. Bilan des expériences de gestion et de résolution des conflits en matière de négociation collective transnationale

Quel bilan peut-on tirer des expériences de gestion et de résolution des conflits en matière de négociation collective transnationale?

Le site de la Commission européenne contient une base de données qui reprend les textes issus du dialogue social européen et de la négociation transnationale d’entreprise. Il conviendrait d’effectuer un examen de l’ensemble des textes existants afin d’évaluer si la médiation a déjà été prévue dans certains de ces textes. Cependant, cette exploration dépasserait les limites de cette étude. En outre, l’intérêt pour les méthodes alternatives de résolution des conflits dans ce domaine est récent et il n’est pas sûr qu’il existe de nombreux accords contenant des dispositions dans ce sens.

On peut alors se référer aux observations sur la mise en œuvre et le suivi des accords européens et transnationaux. On admet que les procédures de mise en œuvre autonome et de suivi n’en sont qu’à leur début, même si les dispositifs se perfectionnent peu à peu. En réalité, la question du suivi des accords fait l’objet de vives critiques en l’absence le plus souvent de caractère contraignant des textes adoptés. Dans les accords d’entreprise internationaux (ACI), on retrouve néanmoins des procédures de règlement interne des différends afin d’assurer le suivi des engagements volontairement assumés par les entreprises (mécanismes paritaires accordant un rôle aux représentants des travailleurs et procédures de plaintes).67 On se rapproche a priori plus de la conciliation que de la médiation lorsque des comités ad hoc ou l’intervention du comité d’entreprise européen sont prévus.68 Ces expériences présentent donc une similarité avec les procédures de droit interne en matière de négociation collective (voir les commissions de conciliation et d’interprétation dans le système français). Cependant, le recours à un organe d’arbitrage est parfois prévu.69

Le recours à la médiation devrait néanmoins être encouragé à côté des autres procédures car il participerait du même esprit de recherche d’une solution souple au conflit. L’avantage de cette méthode serait que les parties trouvent elles-mêmes la solution à leur conflit en toute confidentialité. L’absence actuelle de règlementation justifie d’autant plus le recours à la médiation compte tenu des incertitudes quant à l’application des règles de droit international privé.

67 Sur les accords-cadres internationaux (ACI) voir R-C. DROUIN, « Procédures de règlement interne des différends de droit du travail dans l’entreprise multinationale » in « Justice et mondialisation en droit du travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs», Dalloz, 2010, pp. 185 et ss. L’auteur indique que certains accords-cadres prévoient laconiquement que « tout problème, ou difficulté, concernant l’interprétation ou la mise en œuvre de l’accord-cadre sera examiné conjointement ». Le traitement des plaintes est confié soit à un groupe conjoint composé de représentants de salariés et de l’entreprise, soit aux dirigeants de l’entreprise 68 Pour le suivi et la mise en œuvre des accords européens, les fédérations syndicales européennes et les comités d’entreprise européens ont un rôle privilégié : I. DAUGAREILH, « Le dialogue social dans les instances transnationales d’entreprises européennes » in Liaisons sociales Europe, supplément « La négociation collective transnationale », décembre 2012, p.18 69 R-C. DROUIN, o.c., p. 194. L’auteur évoque l’accord conclu entre IBB et Skanska qui prévoit que s’il est impossible pour les parties de s’entendre sur l’interprétation ou l’application de l’accord au sein du groupe de surveillance responsable de la mise en œuvre de l’accord, un litige pourra être soumis à un organe d’arbitrage composé de deux membres et d’un président indépendant. Les décisions de cet organe lient les parties. On notera que le recours à un tribunal arbitral reste exceptionnel.

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3. Principes théoriques sur l’utilisation de la médiation en matière de négociation collective transnationale

Le recours à la médiation s’est intensifié ces dernières années en Europe sous l’influence de la directive européenne qui a joué un rôle d’impulsion pour le développement de cette technique alternative de résolution des conflits dans les Etats membres.

Bien qu’il existe une certaine résistance en France dans le domaine social pour les conflits individuels du travail réglé par la médiation conventionnelle, la médiation devrait continuer à se développer dans les Etats membres, notamment grâce à l’influence positive des juges à l’égard de la médiation judiciaire.

Un séminaire d’experts, qui s’est tenu à Paris les 17 et 18 septembre 2009 dans le cadre du Forum pour la régulation de l’Europe sociale (REGES Forum), s’est penché sur les modes alternatifs de règlement des conflits collectifs du travail en Europe. Il a révélé l’utilisation conséquente des techniques de la conciliation, de la médiation et de l’arbitrage pour la résolution des conflits collectifs du travail.70 La plupart des Etats disposent en effet de mécanismes de résolution des conflits sociaux dont les principales formes sont l’arbitrage, la médiation et la conciliation souvent combinées entre elles. Généralement, la médiation s’intercale entre la conciliation et l’arbitrage.71

Ce constat est prometteur pour envisager le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits, et en particulier de la médiation, pour les différends résultant de la négociation collective transnationale.

Stefan CLAUWAERT considère que la construction, lente mais néanmoins régulière, d’un réel système européen de relations professionnelles conduit à se demander si le moment ne serait pas venu de réfléchir et d’opérer pour la mise en place d’un système européen de règlement alternatif des conflits (collectifs) du travail. A cet égard, il convient de voir le rôle que les partenaires sociaux européens pourraient -ou devraient- jouer dans la procédure judiciaire au sein de la CJCE, surtout quand les affaires concernées impliquent des accords-cadres qu’ils ont négociés.72

M-A. MOREAU souligne quant à elle que « le développement des normes privées et de l’autorégulation dans les entreprises transnationales montre la nécessité de trouver des modes de résolution alternatifs (…) On voit sans aucun doute apparaître la nécessité de créer des règles de procédures, des modes originaux de plaintes, des commissions ad hoc de règlement des conflits, qui correspondent au cadre juridique ou institutionnel d’élaboration de la norme à appliquer, et qui puissent contraindre l’employeur, en tant qu’entreprise multinationale, à respecter ses engagements au niveau local ou au niveau transnational ».73

Sur le plan des principes, rien n’empêche de recourir à la médiation pour résoudre des difficultés ou de véritables conflits liés à la négociation collective transnationale de dimension européenne.

70 L’ouvrage précité « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail» reprend les interventions dans le cadre de ce séminaire 71 J-P. TRICOIT, « La médiation dans les relations de travail », LGDJ, 2008, p. 92 72 S. CLAUWAERT, article précité, pp.65-66 73 M-A. MOREAU, « Mondialisation et justice : les enjeux théoriques des conflits sociaux transnationaux », in « Justice et mondialisation en droit du travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs», Dalloz, 2010, p.11

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La nature juridique controversée des textes issus de cette négociation peut-elle être un obstacle à la médiation ? La qualification juridique des résultats issus de la négociation collective transnationale suscite des interrogations en l’absence actuelle de réglementation européenne, à l’exception des accords européens transformés en directive. L’accord peut être interprété comme un contrat de droit privé entre les différents partenaires sociaux. A défaut d’intention des parties de se lier juridiquement, il s’agira de « soft law » à la portée juridique variable. Des litiges peuvent également naître d’actes de « soft law », a fortiori s’il s’agit de déterminer la portée juridique des engagements souscrits. On peut envisager l’élargissement du recours à la médiation pour l’ensemble des textes issus de la négociation collective transnationale de dimension européenne, pourvu bien entendu que les parties soient d’accord d’y recourir (caractère volontaire de la médiation).

De manière exceptionnelle, la négociation collective transnationale d’entreprise revêt la forme d’un accord collectif en droit national. La négociation collective transnationale peut également avoir fait l’objet d’une mise en œuvre nationale et il convient alors d’avoir égard à l’instrument utilisé (loi, convention collective ou autre).

Selon le cas, il s’agira d’une médiation nationale ou internationale en fonction de la présence ou non d’un élément d’extranéité. A défaut de règlementation spécifique, on se réfèrera au cadre et aux principes juridiques existants.

a) Médiation nationale

La médiation peut être considérée comme « nationale » si les parties en conflit sont établies dans le même pays. Soulignons que les organisations de partenaires sociaux européens du niveau interprofessionnel et sectoriel, qui peuvent être signataires des accords, sont pour la plupart établies à Bruxelles en Belgique. Pour tous les litiges, il convient cependant d’avoir égard aux circonstances de l’espèce (lieu du domicile ou du siège social, loi applicable, clause attributive de juridictions).

Il est nécessaire de se rapporter à la législation et aux principes juridiques applicables dans le pays concerné.

b) Médiation internationale et/ou litiges transfrontaliers

La première question qui se pose en présence d’un élément d’extranéité est de déterminer s’il s’agit d’un litige transfrontalier. La médiation en matière de négociation collective transnationale est alors susceptible de rentrer dans le champ d’application de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation civile et commerciale.74

La directive a vocation à s’appliquer à toute médiation dans les matières civiles et commerciales. A priori un litige concernant un accord résultant de la négociation collective transnationale pourrait être visé (la directive ne définit pas ce qu’il faut entendre par « matière civile et commerciale »). La directive ne s’applique toutefois qu’aux litiges transfrontaliers, c’est-à-dire aux litiges dans lesquels une des parties au moins est domiciliée ou a sa résidence habituelle dans un Etat membre différent de l’Etat membre de toute autre partie. Les litiges en matière de négociation collective transnationale peuvent constituer des litiges transfrontaliers de par l’implication de différents acteurs pouvant avoir

74 Directive du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matières civile et commerciale publiée au JO du 21 mai 2008

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leur domicile ou leur résidence habituelle dans des Etats différents (syndicats nationaux, fédérations européennes et internationales).

Si la directive s’applique, il conviendra de respecter les règles prévues par celle-ci particulièrement pour ce qui concerne l’homologation et les délais de prescription.

Par ailleurs, il s’agira d’une médiation internationale si l’on admet que le conflit présente des aspects internationaux, même si les parties sont du même pays notamment parce que l’évènement à l’origine du conflit peut provenir d’un autre pays.

Une médiation internationale peut être envisagée sous deux formes.75 Il peut s’agir d’une médiation institutionnelle engagée par les parties conjointement ou sur l’initiative de l’une d’entre elles avec l’appui d’un centre ou d’une institution de médiation (ex. CCI, CMAP, IEAM). Dans cette hypothèse, les parties peuvent s’en remettre au centre ou à l’institution pour la gestion de la procédure et le choix du médiateur. Il peut également s’agir d’une médiation ad hoc organisée par les parties elles-mêmes avec l’appui de leurs conseils. Dans ce cas, les parties décident de ne pas avoir recours au centre ou à l’institution de médiation. Un accord préalable pourra être établi entre le médiateur et les parties pour préciser les règles à suivre lors de la procédure.

Les aspects de droit international privé devront être envisagés. Comme le relève S. TANDEAU de MARSAC des questions peuvent résulter des litiges transfrontaliers, et notamment celles de savoir :

- si la loi applicable au contrat admet la médiation comme mode alternatif de résolution des conflits ;

- si les parties ont la capacité de consentir à une médiation (mandat) ; - le lieu de la médiation ; - la langue des débats ; - le tribunal compétent pour homologuer l’accord et désigner le cas échéant le médiateur ; - l’exequatur de l’accord obtenu et sa portée ; - les conséquences fiscales de l’accord pour les parties et le médiateur ; - le lieu d’exécution forcée éventuelle de l’accord.

Ces aspects devraient être précisés dans l’accord préalable de médiation.

B. Le recours à d’autres méthodes alternatives de résolution des conflits

Il existe aujourd’hui une variété de méthodes alternatives de résolution des conflits (en abrégé MARC). Deux d’entre elles semblent plus adaptées dans une réflexion sur la négociation collective transnationale, à savoir la conciliation et l’arbitrage.

1. La conciliation

Les termes médiation et conciliation sont souvent confondus. Cette confusion peut être accentuée par le fait que ces deux processus sont généralement abordés ensemble. Rappelons en effet que le livre V du CPC français traite des modes amiables de résolution des conflits. L’article 1530 du CPC vise tant la médiation que la conciliation conventionnelle.76 De plus, la jurisprudence de la Cour de Cassation 75 S. TANDEAU de MARSAC, « La médiation internationale » in « La médiation », Dalloz, 2009, pp. 50 et ss. 76 L’article 1530 du CPC définit la médiation et la conciliation conventionnelle comme un « processus structuré par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire, en

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française traite des clauses préalables de conciliation, mais les principes définis s’appliquent également aux clauses de médiation. Rappelons que de telles clauses insérées dans un contrat prévoient l’obligation contractuelle pour les parties d’entamer une conciliation ou une médiation préalablement à toute instance judiciaire.

En réalité, la conciliation ne correspond pas vraiment à un concept spécifique, à la différence de la médiation. On vise ici la conciliation qui intervient en dehors du cadre judiciaire.77 La conciliation consiste en principe en l’interposition d’un tiers entre les parties en litige, mais elle peut aussi avoir lieu entre les parties seules.78 On admet que le conciliateur peut avoir un rôle plus actif que le médiateur dans le processus de règlement amiable, notamment par la suggestion de différentes solutions aux parties en litige. Par ailleurs, à la différence de la médiation, la conciliation n’est pas confidentielle par nature.79

Les expériences en matière de conflits du travail se rapprochent davantage de la technique de conciliation. Le monde du travail fait appel depuis longtemps à la conciliation pour favoriser le règlement des conflits collectifs.80 Le système belge dispose ainsi d’une longue tradition de conciliation pour résoudre les conflits collectifs. On retrouve par ailleurs des commissions de conciliation et d’interprétation pour les conflits relatifs à la négociation collective dans le système français. Les mécanismes de suivi prévus dans les accords de négociation collective transnationale semblent également s’inscrire dans une idée de conciliation, bien que les procédures varient d’un accord à l’autre.

Cependant, la médiation imprègne chaque jour un peu plus les relations du travail et la négociation collective transnationale peut s’inscrire dans cette évolution.81

On sait que la médiation, dans son approche « humaniste »82 se distingue par la volonté d’aller au plus près du conflit relationnel, le rétablissement de la relation et l’apaisement du conflit entre les parties étant au cœur du processus. Dès lors, cette technique peut-elle s’adapter à la négociation collective qui ne requiert pas nécessairement une démarche humaniste ? Toutefois, on retrouve d’autres approches de la médiation axées sur le processus de négociation. La théorie de la négociation raisonnée83 issue de de l’école de Harvard constitue ainsi un autre outil à la disposition du médiateur qui peut s’adapter à la matière de la négociation collective.

Indépendamment de l’approche choisie, l’attrait de la médiation se justifie compte tenu des liens spécifiques qui existent entre les parties dans la démarche d’une négociation collective. Le maintien de bonnes relations à long terme peut s’avérer essentiel pour l’ensemble des parties.

vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence » 77 Il faut mentionner que le préalable de conciliation est obligatoire pour les conflits du travail portés devant Conseil de prud’hommes en France et les tribunaux du travail en Belgique 78 T. GARBY, « La gestion des conflits », Economica, 2004, p. 38 ; J. CRUYPLANTS, M. GONDA, M. WAGEMANS, o.c., p.33 79 P-P. RENSON, o.c., p. 15 80 J. DESMARAIS, o.c., p. 71 81 Voir l’article L 1152-6 du code du travail français qui prévoit une procédure de médiation en cas de harcèlement moral au travail 82 On vise notamment l’approche de Carl ROGERS, grande figure de la psychologie humaniste 83 Voir notamment R. FISCHER et W.URY, « Getting to yes: Negotiating Agreement Without Giving in», Penguin Books, 1991. Pour la version française : R. FISHER et W. URY, « Comment réussir une négociation», Seuil, 1994

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Pour finir, rappelons que la directive vise indistinctement médiation et conciliation et que la dénomination peut ne pas être déterminante dès lors que la volonté est avant tout de mettre en œuvre un processus de résolution amiable d’un différend avec l’aide d’un tiers neutre et impartial, dans le respect de la confidentialité.

2. L’arbitrage

L’arbitrage est aujourd’hui un instrument usuel de la gestion des conflits. Il est né du désir de certaines entreprises d’éviter que leur litige soit soumis aux tribunaux.84 L’arbitrage est un mode alternatif de résolution des conflits qui implique l’intervention d’un tiers appelé arbitre dont le rôle consiste à juger le différend qui lui est soumis. L’arbitre dispose donc d’un pouvoir décisionnel dont ne dispose pas le médiateur qui doit rester neutre et impartial par rapport au litige.85

On se rappellera que le droit français a prévu une procédure d’arbitrage pour la résolution des conflits collectifs du travail. Aussi, l’arbitrage peut-il être un instrument de résolution des litiges transnationaux du travail ? C’est la question à laquelle s’est intéressée E. LOQUIN dans le contexte actuel de la mondialisation des relations de travail qui concerne plus particulièrement les groupes internationaux.86

L’auteur constate l’apparition de nouvelles règles matérielles internationales qui échappent à la création normative des Etats et qui pourraient être amenées selon une vision optimiste à former une lex laboris transnationale.87 Selon lui, ce phénomène ne peut laisser indifférents les spécialistes de l’arbitrage international et a fortiori ceux qui considèrent que l’arbitrage international constitue un vecteur privilégié de la création et de l’application de règles matérielles internationales dont les sources peuvent être très diverses.88 Il serait alors possible de considérer que l’arbitrage peut contribuer à révéler une lex laboris posant les prémisses d’un droit transnational du travail.

Cependant, cette perspective n’est pas évidente si l’on tient compte des obstacles à son utilisation. D’abord, le droit du travail est en général rebelle à l’arbitrage.89 Ensuite, le droit de l’arbitrage international a été construit pour juger des litiges économiques et commerciaux. Si l’arbitrage commercial s’est fortement développé, il n’est pas certain que cette méthode de règlement des conflits connaîtra le même succès pour les litiges transnationaux du travail.

R-C DROUIN considère néanmoins que l’intégration généralisée d’une clause compromissoire dans le texte des accords-cadres internationaux (ACI) constituerait fort probablement le mécanisme de

84 T. GARBY, o.c., p. 127-128 85 P-P.RENSON, o.c., 15 86 E. LOQUIN, « L’arbitrage comme instrument d’application des droits sociaux fondamentaux » in « Justice et mondialisation en droit du travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs » sous la direction de M-A. MOREAU, H. MUIR WATT et P. RODIERE, Dalloz, 2010, pp. 223 et ss. 87 On vise les normes nouvelles de droit du travail constituant une soft law interne à un groupe multinational, telles que les codes de bonne conduite ou les accords-cadres internationaux 88 E. LOQUIN, o.c., pp. 223-224 89 Voir notamment en droit belge l’article 9 §2 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires qui dispose que sont nulles les dispositions d’une convention collective qui confient le règlement de litiges individuels à des arbitres. Cette restriction ne vise pas le règlement de litiges qui pourraient naître entre les organisations. D’autre part, les matières relevant du tribunal du travail (578 à 583 du Code judiciaire) ne peuvent pas faire l’objet d’une convention d’arbitrage avant la naissance du litige. Les employeurs et les travailleurs ne peuvent s’engager à l’avance à soumettre leur litige à l’arbitrage par le biais d’une clause compromissoire

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résolution des différends le plus adapté dans le contexte des rapports transnationaux de travail. Pour lui, cette procédure permettrait l’adjudication d’une mésentente issue de la mise en œuvre d’un ACI par un arbitre ou un tribunal d’arbitrage indépendant et impartial, dont les décisions lieraient les parties.90 L’intérêt des clauses d’arbitrage consiste en effet à soustraire un litige aux juridictions étatiques pour les confier à un tribunal arbitral, ce qui a vocation à satisfaire les entreprises dans un domaine où l’insécurité juridique demeure.91

En définitive, rien n’empêche de concevoir une procédure de résolution des conflits combinant médiation et arbitrage comme cela existe déjà dans la pratique de l’arbitrage en matière civile et commerciale (« med-arb » ou « arb-med »).

Section 2 : Quelle médiation en pratique pour la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale ?

Quelle médiation interviendrait pour la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale de dimension européenne ? On peut envisager, d’une part, le recours à une médiation conventionnelle ordinaire ou ad hoc et, d’autre part, le recours à une médiation spécifique à construire. Nous verrons que différentes options sont possibles pour l’organisation d’une médiation spécifique.

A. Une médiation conventionnelle ordinaire ou ad hoc

Selon nous, le recours à la médiation peut être intéressant pour tous les niveaux de la négociation collective transnationale de dimension européenne (soit, les niveaux interprofessionnel, sectoriel, et de l’entreprise), même si les discussions actuelles se concentrent sur les AET.

La médiation présente l’avantage de préserver une relation durable entre les parties ce qui correspond bien à la matière de la négociation collective où les parties sont amenées à se voir régulièrement et à négocier ensemble la conclusion d’accords.

Il s’agirait bien entendu ici d’une médiation conventionnelle ou ad hoc résultant de l’accord des parties.92 On la conçoit avant tout pour les conflits entre les partenaires sociaux signataires. Mais elle pourrait le cas échéant intervenir pour tous litiges impliquant des personnes qui souhaitent se prévaloir des textes issus de la négociation transnationale de dimension européenne.93 Le recours à la médiation pourrait être décidé à toutes les phases de la négociation collective transnationale en cas de divergence de vues entre les parties pour parvenir à une solution amiable au conflit (négociation, conclusion, exécution). Il pourrait donc s’agir d’une médiation large incluant la prévention et la résolution des conflits.

90 R-C. DROUIN, o. c., p. 198 91 Dans ce sens, voir C. MARZO, o.c., p. 217 92 Par médiation « ad hoc » on entend une médiation spécialement instituée pour les besoins concernés dont le déroulement résulte essentiellement de la volonté des parties 93 On pense surtout aux travailleurs, mais il peut aussi s’agir des employeurs. La question se pose toutefois de savoir si les travailleurs et les employeurs peuvent se prévaloir de la négociation collective transnationale à défaut de réglementation européenne (pas d’effet erga omnes), exception faite d’une mise en œuvre d’un accord européen par le biais d’une directive ou d’un accord européen ou transnational répondant aux conditions d’un accord collectif en droit interne

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Un accord préalable de médiation devrait être conclu pour éviter toutes discussions quant au déroulement de la procédure. L’avantage serait de pouvoir adapter l’accord à chaque situation particulière.

B. Une médiation spécifique à construire posant la question de la régulation des méthodes alternatives de résolution des conflits du travail au niveau européen ou transnational

Les structures nationales ou internationales existantes peuvent ne pas être adaptées aux différends qui sont susceptibles de se présenter en matière de négociation collective transnationale. Il convient alors de réfléchir à la possibilité de créer une médiation spécifique. La Commission européenne considère dans ce sens qu’il est nécessaire de favoriser la réflexion en matière de résolution extrajudiciaire des litiges pouvant intervenir dans le cadre des AET.94

Les partenaires sociaux pourraient se mettre d’accord sur le recours à la médiation en cas de conflits ou considérer plus largement le recours aux méthodes alternatives de résolution des conflits. Dans ce sens, le document des services de la Commission mentionne que les partenaires sociaux européens du niveau interprofessionnel ou sectoriel pourraient être invités à travailler sur un guide ou à négocier un accord sur les mécanismes de résolution des conflits ou sur les conflits de premier niveau («first level dispute resolution mechanisms »), qu’il s’agisse de conciliation ou de médiation. La démarche viserait à faciliter la prévention et le règlement extrajudiciaire des conflits en matière d’AET.95

1. Une médiation inspirée des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales

La Commission européenne a suggéré que les approches développées dans les instruments de responsabilité sociale des entreprises et notamment les procédures de médiation, dont celle prévue par les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, puissent enrichir les discussions en matière d’AET.

Selon I. DAUGAREILH, la mondialisation de l’économie réactualise l’intérêt pour les modes de règlement para-juridictionnels des organisations internationales qui créent une pression par le haut sur les Etats et sur les entreprises en mobilisant l’opinion publique internationale.96

Les pays de l’OCDE ont adopté en 1976 des principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales. Ces principes directeurs constituent des recommandations non contraignantes que les gouvernements adressent aux entreprises multinationales exerçant leurs activités dans les pays adhérents ou à partir de ces derniers, et qui visent à définir des règles de conduite responsables.

94 Document des services de la Commission, « Le rôle des accords d’entreprise transnationaux dans le contexte d’une intégration internationale croissante », 2 juillet 2008, SEC (2008) 2155, p. 11 95 Commission staff working document « Transnational company agreements : realizing the potential of social dialogue », 10.9.2012, SWD (2012) 264 final, pp.17-18 96 I. DAUGAREILH, « Les modes de règlement para-juridictionnels des différends relatifs aux droits sociaux dans les organisations internationales », o.c., pp.237-238

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Il convient de préciser le mécanisme de médiation prévu par l’OCDE dans cet instrument (bien que le texte mentionne à la fois la médiation et la conciliation, on s’accorde à parler de médiation). Les principes directeurs, modifiés en 2000, fournissent en effet une plateforme de médiation et de conciliation pour résoudre les questions pratiques qui peuvent se présenter dans la mise en œuvre des principes directeurs.97

Les points de contacts nationaux (ci-après PCN) permettent à la société civile de soumettre des plaintes, appelées « circonstances spécifiques », sur les activités des entreprises multinationales. Chaque pays qui a souscrit aux principes directeurs doit établir des points de contacts nationaux (PCN) dont le but est notamment en cas de litige « d’engager des discussions avec les parties concernées sur toutes les questions couvertes par les principes directeurs, afin de contribuer à la solution des problèmes qui peuvent se poser à ce sujet ». Ce sont des services gouvernementaux chargés de promouvoir les principes directeurs et d’effectuer des enquêtes au niveau national. Ces PCN sont investis d’un rôle de médiateur.

Les PCN sont tenus de suivre une procédure en trois étapes principales :

- la procédure débute par l’examen de la recevabilité des circonstances spécifiques soulevées par une des parties ;

- si le PCN saisi considère que la circonstance spécifique mérite d’être approfondie, il propose « ses bons offices ». Par « bons offices », l’on entend que les PCN « proposent et, avec l’accord des parties impliquées, facilitent l’accès à des moyens consensuels et non contentieux, tels que la conciliation ou la médiation, afin d’aider à régler les questions soulevées ». En cas de succès, un rapport sera publié. Le règlement peut prendre plusieurs formes et toutes les modalités pratiques sont possibles (par ex. suivi impliquant le PCN) ;

- si les parties ne s’entendent pas, le PCN publie un communiqué et éventuellement des recommandations sur la mise en œuvre des principes directeurs.

Cette procédure consacre donc une médiation extrajudiciaire qui associe les parties concernées à la recherche de la solution dans un cadre souple et confidentiel.98

Il faudrait engager une réflexion pour voir s’il convient de s’inspirer du mécanisme prévu par l’OCDE en matière de négociation transnationale. Il s’agirait de prévoir une procédure institutionnelle de médiation spécialement conçue au niveau européen, ainsi que des organes de médiation spécifiques au niveau national chargés d’analyser les plaintes et d’engager une médiation entre les parties pour régler les litiges qui découlent de la négociation transnationale. A priori, cette option semble séduisante. Elle présenterait l’avantage de pouvoir uniformiser les procédures de médiation en matière de négociation collective transnationale en Europe. Il devrait toutefois s’agir d’un mécanisme optionnel préservant la liberté des parties de recourir à toute autre procédure.

97 Voir « Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales » Editions OCDE, 2011 ; Y. QUEINNEC, « Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. Un statut juridique en mutation », Sherpa, juin 2007 98 I. DAUGAREILH, o.c., p. 246

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2. Une médiation sociale européenne inspirée du modèle belge

On mentionnera également le projet de médiation sociale européenne né au cours de la présidence belge de l’Union européenne en 2001. L’idée défendue dans ce projet consistait à prévoir la création d’un corps de médiateurs sociaux européens indépendants qui agiraient sur une base strictement volontaire dans des situations de litiges transnationaux au sein d’entreprises ayant des activités dans plusieurs Etats membres. Ce projet de médiation sociale européenne a été jugé comme se fondant largement sur le système de conciliation sociale qui est en vigueur en Belgique.99

Ce projet est depuis lors en suspens bien que la question de la résolution extrajudiciaire des conflits en matière de négociation collective transnationale, et plus particulièrement des AET, revient à l’ordre du jour dans le débat lancé au sein de la Commission européenne.

3. Une médiation sociale spécifiquement européenne

Le rapport final d’EUROACTA s’est intéressé aux accords d’entreprise transnationaux (AET) comme tremplin vers l’internationalisation des relations professionnelles.100 Les auteurs ont identifié les défis qui découlent de la situation actuelle et en particulier du manque de règles formelles et légales concernant les AET. Ils se sont interrogés sur la question de savoir comment on pouvait passer de l’expérimentation telle qu’elle se présente actuellement à des dispositifs plus stables.

Parmi les pistes envisagées, figure l’importance pour les parties de prévoir de nouvelles solutions pour la gestion des conflits et la résolution des litiges. Les auteurs estiment qu’il est indispensable que tous les textes mettent en place des procédures de contrôle internes par le bais de l’arbitrage et de la médiation.101

Actuellement, il n’y a pas de section de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) consacrée au travail, pas plus que de juridiction ordinaire pour les demandes concernant les accords-cadres européens. Ils considèrent dès lors qu’il serait utile de créer un organisme de conciliation/arbitrage tripartite au niveau de l’Europe. La « chambre », terme utilisé par les auteurs, pourrait être accessible sur une base volontaire et ses décisions ne s’opposeraient pas à ce que les parties saisissent la Cour officielle. En définitive, la meilleure solution selon eux serait de mettre en place une sorte de jurisprudence transfrontalière -pouvant être privée- dans le but de contribuer à l’interprétation légale des pratiques qui seraient jugées en fonction de la justice de la parité des intérêts européens des acteurs concernés.102

La proposition de résolution du parlement européen sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational recommande, dans le même sens, de mettre en place un organisme européen de règlement extrajudiciaire des conflits « afin de développer et de mettre en œuvre une solution viable, avec la participation des parties au contrat ». Elle estime que cet organisme européen devrait intervenir à la demande des partenaires sociaux, sur une base volontaire et au cas par cas, pour

99 J-P. TRICOIT, o.c., pp. 74 et ss. 100 S. LEONARDI, E. ALES, S. ADAMCZICK, P. BENEYTO, F. ROCHA, M. CILENTO, P. MARKOVA, M. MONACO, E. RIBAROVA, B. SURYKOWSKA, V. TELLJOHANN, C. TEISSIER, G. VERRECCHIA, R. ZIMMER, « Action européenne sur les Accords d’entreprise transnationaux : les AET comme tremplin vers l’internationalisation des relations professionnelles », EUROACTA Rapport final, pp. 1-18 101 Ibid., p.12 102 Ibid.

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résoudre des conflits de façon extrajudiciaire.103 Parmi les différents modes de règlement extrajudiciaires des litiges, la médiation est, selon la proposition de résolution, particulièrement recommandée étant donné que les parties élaborent elles-mêmes une solution à leur litige.104 Il s’agit bien là d’envisager un organisme européen de médiation.

Dans cet objectif, le texte suggère de faire appel aux expériences dans d’autres domaines à des fins de comparaison et de recueillir des exemples existants comme la médiation et la procédure d’accord dans la loi allemande sur l’organisation des entreprises.105

Par ailleurs, il faut rappeler que la proposition de résolution recommande également en raison de l’internationalisation des relations du travail, d’établir à moyen terme une juridiction européenne du travail autonome et tripartite.106 Peut-on alors aller plus loin dans la prospection et envisager un jour une médiation judiciaire européenne ?

4. Une médiation sociale laissée aux mains des partenaires sociaux

Un accord collectif européen peut également prévoir une procédure de conciliation ou de médiation propre à l’accord concerné. Ce dispositif existe déjà dans les systèmes nationaux. On pense aux procédures conventionnelles de résolution des conflits du travail et aux commissions paritaires de conciliation et d’interprétation dans le système français. Les pratiques récentes de négociation collective transnationale semblent se diriger dans une voie similaire pour l’interprétation de l’accord et le règlement des différends (organe spécifique institué ou recours à un organe déjà existant).

On peut être amené à s’interroger : est-il souhaitable de laisser la médiation dans le champ de la liberté conventionnelle des partenaires sociaux ? Plus précisément, faut-il laisser libre cours à un processus de médiation « auto-régulé » par les partenaires sociaux107? Convient-il au contraire d’impliquer les institutions européennes et/ou internationales dans l’organisation des modes alternatifs de résolution des conflits pour la négociation collective transnationale? Une procédure conventionnelle de médiation devrait pouvoir coexister avec d’autres procédures ou d’autres méthodes alternatives de résolution des conflits.

Par ailleurs, peut-on confier un rôle particulier aux secteurs européens dans la mise en place d’un organe et d’une procédure de médiation ou de conciliation spécifiques pour chaque secteur concerné (voir le rôle confié aux commissions paritaires dans les systèmes nationaux)?

103 Proposition de résolution du parlement européen, pp. 6 et 10 104 Ibid. 105 Ibid. 106 Ibid. 107 Expression de S. DU BLED « Les modes alternatifs de règlement des conflits (collectifs) du travail : généralités » in « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ? », Bruylant, 2011, pp. 2-25

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5. Une médiation interne dans l’entreprise transnationale

On observe que des processus de médiation internes aux entreprises se développent aujourd’hui de plus en plus, notamment en France. Une évolution vers la mise en place de règlements internes des différends en droit du travail se retrouve également dans l’entreprise multinationale (voir supra).108 L’internationalisation des conflits par les entreprises multinationales a ainsi vocation à prévenir un procès par le règlement d’un différend au sein de l’entreprise.109

Une médiation interne à l’entreprise pourrait-elle alors inclure les conflits liés à la négociation collective transnationale ? Un litige est susceptible de concerner la négociation collective transnationale s’il implique un accord en cours de négociation ou conclu par l’entreprise (par ex. un litige lié à l’interprétation d’un accord ou un litige avec les syndicats ou les représentants des salariés qu’ils soient ou non signataires de l’accord). Une procédure interne propre à l’entreprise peut être prévue pour régler les conflits spécifiques à l’entreprise. Selon les circonstances, cette procédure pourra inclure les litiges sociaux tels que les conflits liés à la négociation collective transnationale menée par ou au sein de l’entreprise. On aura le plus vraisemblablement recours à une médiation conventionnelle ou ad hoc dans ce cas.110

Il faut à nouveau mentionner la proposition de résolution du Parlement européen sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational. Dans sa recommandation de mise en place des mécanismes de règlement extrajudiciaire des conflits, le texte considère qu’il devrait être convenu d’un « premier point de contact ad hoc à l’échelon de l’entreprise » afin de trouver une solution en cas de conflit entre les parties contractantes.111 On retrouve les caractéristiques d’une procédure de médiation interne à l’entreprise.

108 R-C. DROUIN, o.c., pp. 185 et ss. 109 C. MARZO, « Les risques juridiques créés par les accords-cadres internationaux : opportunités, dangers, stratégies » in « Justice et mondialisation au travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs», Dalloz 2010, p. 217 110 La médiation institutionnelle vise plus spécifiquement les conflits entre une institution ou une organisation et les usagers ou consommateurs (cf. notion d’ « ombudsman » en anglais). 111 Proposition de résolution du parlement européen sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational, p.6. Dans le même sens, voir Commission staff working document 10.9.2012, pp.17-18

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Conclusion

L’émergence de la négociation collective transnationale s’inscrit dans les transformations profondes qui résultent de la mondialisation de l’économie et de l’internationalisation des entreprises. La conséquence de ces transformations réside dans le fait que les conflits sociaux sont susceptibles de revêtir une dimension transnationale ou transfrontalière croissante. L’internationalisation de plus en plus marquée des relations de travail soulève alors la nécessité de procédures de résolution des conflits adaptées à ces évolutions. Il convient de voir si la médiation peut répondre à ces défis.

Nous pensons que la médiation peut se développer comme technique de résolution des conflits en matière de négociation collective transnationale.112 Ses avantages résident notamment dans la souplesse de son utilisation et dans le rôle essentiel joué par les parties dans ce processus (les parties sont censées trouver elles-mêmes la solution à leur conflit). Ces éléments combinés à la confidentialité du processus peuvent être le garant de bonnes relations entre les acteurs à long terme.

Il s’agit alors de déterminer l’organisation du processus de médiation envisagé. La question se pose de savoir quel est le niveau auquel on souhaite intervenir (international, européen ou national). Il faut également voir la nécessité éventuelle de relier les structures de médiation entre ces différents niveaux. Si on s’accorde sur la nécessité d’une structure de médiation adaptée à la nature transnationale de ces conflits, il convient d’identifier l’objectif qu’on souhaite assigner à la gestion et à la résolution des conflits dans ce cadre.

Faut-il opter pour la médiation institutionnelle en créant un organisme de médiation au niveau de l’Europe (U.E)? Est-il souhaitable d’intervenir plutôt au niveau international (OIT) ? Est-il au contraire souhaitable de laisser libre cours à un processus de médiation « auto-régulé » par les partenaires sociaux ?113

Pour ce qui est des procédures et de la mise en œuvre, les parties peuvent-elles choisir de combiner plusieurs mécanismes de résolution des conflits (conciliation/médiation ou médiation/arbitrage)? Quels médiateurs seraient qualifiés pour de tels conflits et susceptibles de gagner la confiance des parties? Peut-on envisager un jour une médiation judicaire pour les conflits sociaux au niveau européen ? Ces questions se posent de plus en plus.

En outre, il faut se demander s’il convient d’aborder différemment les conflits collectifs du travail au niveau européen. Est-il nécessaire de prévoir un système à part ? Le développement des accords transnationaux peut être l’occasion de mettre sur pied un système qui aurait vocation à traiter de la résolution de l’ensemble des litiges sociaux dotés d’une dimension transnationale ou européenne.

Quoi qu’il en soit, on ne peut faire l’impasse des règles du droit international privé et il conviendra d’être attentif sur les évolutions qui pourraient intervenir à ce sujet.

112 Et ce même s’il existe une tradition de conciliation dans les relations du travail individuelles (conciliation préalable obligatoire au conseil de prud’hommes en France et devant les tribunaux du travail en Belgique) et les relations du travail collectives (commissions de conciliation et d’interprétation en France, mission de conciliation des commissions paritaire en Belgique). Voir également la définition large de la médiation donnée par la directive 2008/52/CE 113 Expression de S. DU BLED « Les modes alternatifs de règlement des conflits (collectifs) du travail : généralités » in « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ? », Bruylant, 2011, pp. 2-25

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Cette étude s’est plus spécifiquement intéressée aux enjeux de la médiation dans le domaine de la négociation collective transnationale, mais elle conduit à l’interrogation suivante : « la médiation sociale européenne est-elle une utopie ou sera-t-elle un jour réalité»? Il n’est pas déraisonnable de penser, compte tenu des travaux en cours et des évolutions actuelles, que cette idée se concrétisera un jour. Il s’agit en définitive d’organiser à l’échelle européenne un mécanisme de résolution amiable des conflits sociaux qui intervient par ailleurs de plus en plus au niveau national.

Si l’idée théorique ne soulève pas de difficultés réelles, il convient de voir les limites qui peuvent restreindre le recours pratique à la médiation. La médiation peut certainement trouver sa place dans les litiges sociaux, qu’ils soient nationaux ou de dimension transnationale ou qu’il s’agisse de litiges transfrontaliers. Cependant, on en vient toujours au même constat pour envisager le développement pratique de la médiation indépendamment de son domaine d’application. Les modes amiables de résolution des conflits appartiennent avant tout aux acteurs. Dès lors, en tant que la médiation constitue un processus volontaire, la décision des parties d’y recourir sera déterminante pour favoriser son émergence en Europe.

Il est par conséquent nécessaire de réfléchir aux moyens de promouvoir cette technique de résolution des conflits et d’encourager son recours pour les nouvelles expériences de négociation collective qui s’inscrivent dans un contexte européen ou international. Différentes pistes sont envisageables.

On pense naturellement à introduire la médiation dans la négociation collective transnationale par une insertion plus systématique de clauses de médiation ou de conciliation préalable dans les accords conclus.

Il s’agit également de permettre que les conditions de son utilisation soient facilitées pour tous les litiges sociaux transnationaux ou transfrontaliers, notamment par une information diffusée auprès de l’ensemble des acteurs concernés.114 Il faut en effet se rappeler que la garantie d’un meilleur accès à la justice concerne les modes de résolution des litiges tant judiciaires qu’extrajudiciaires.115

Il convient aussi de soutenir la recommandation prévue dans la proposition de résolution du parlement européen de mettre en place un organisme européen de règlement extrajudiciaire des conflits avec la participation des partenaires sociaux européens. La médiation pourrait avoir un rôle important à jouer dans cet organisme européen, soit qu’il s’agisse d’un organisme exclusivement consacré à la médiation ou offrant la possibilité de recourir à plusieurs modes de règlement extrajudiciaire des conflits au choix des parties.

On peut enfin suggérer à court terme la création d’une enceinte ou d’une plateforme dédiée spécialement à la conduite d’une réflexion sur la médiation sociale en Europe.

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114 On pense logiquement aux partenaires sociaux, soit les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs du niveau international, européen et national, mais d’autres organismes peuvent également avoir un rôle à jouer 115 Voir le considérant 5 de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation civile et commerciale