Médiateur francer

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Rapport annuel 2010

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  • 1. Rapport annuel 2010
  • 2. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 Un acteur essentiel de la dfense des liberts publiques Cre en 1973, lInstitution du Mdiateur de la Rpublique est une autorit indpendante qui met gracieusement ses comptences au service des citoyens, personnes physiques ou morales, pour amliorer leurs relations avec ladministration et les services publics. Elle traite les litiges au cas par cas, vrifie si lorganisme objet dune plainte sest ou non conform la mission de service public dont il a la charge, relve les dysfonctionnements et rtablit les droits du requrant. Lorsquune dcision administrative, pourtant conforme la rgle de droit, vient heurter les droits de la personne, le Mdiateur de la Rpublique dispose dun pouvoir de recommandation en quit. Il peut galement faire usage de son pouvoir dinjonction lorsque ltat ne se conforme pas une dcision prise par la justice en faveur des administrs Le Mdiateur de la Rpublique est galement dot dun important pouvoir de proposition de rformes qui lui permet de contribuer lamlioration des procdures administratives et de la lgislation pour que le droit soit adapt aux volutions de la socit et que cessent les iniquits. LInstitution doit sa ractivit et son efficacit la qualit de ses collaborateurs du sige, sa prsence territoriale assure par prs de trois cents dlgus, sa souplesse daction et au travail en rseau qui la caractrisent. Nomm en Conseil des ministres, le Mdiateur de la Rpublique, qui dispose dun mandat unique de six ans, est irrvocable et inamovible. Le Mdiateur de la Rpublique est membre de droit de la Commission nationale consultative des droits de lHomme. Les donnes chiffres de ce rapport portent sur lanne 2010. Sa date de rdaction est arrte au 10 mars 2011. Mdiateur de la Rpublique 7, rue Saint-Florentin 75008 Paris Tl. : 01 55 35 24 24 Fax : 01 55 35 24 25 www.mediateur-republique.fr
  • 3. SOMMAIRESommaire02 ditorial_04 Lanne en chiffres_07 Tableau des rformes_08 La conception de laction publique est-elle en phase avec la ralit du terrain ?09 Des politiques publiques brouilles par lempilement lgislatif13 Les dommages collatraux dus aux rformes prcipites15 Quand les ambitions politiques se heurtent aux moyens limits20 Mconnaissance des textes par les citoyens22 Une loi pas toujours applicable_26 Le foss se creuse-t-il entre pratiques des acteurs et attentes des citoyens ?27 Excs de zle et application mcaniste de la loi30 Des dcisions prises au mpris de la loi32 Excs de prcipitation et excs de lenteur36 Des procdures dshumanises38 Expliquer, communiquer : un chanon manquant40 Collectif mis mal et sourances individuelles non identies_46 En quoi le Mdiateur peut-il aider resserrer les liens entre citoyens et administration ?47 Le Mdiateur, parfois le derniers recours pour les usagers49 Prvenir plutt que gurir52 Des prises de conscience fondamentales53 Les volutions dune administration plus lcoute56 Le rle de facilitateur du Mdiateur59 Relations avec les ministres : des volutions contrastes60 Les dlgus dfendent les droits des dtenus en prison64 Le Mdiateur, une rfrence internationale68 Les droits de lHomme en France, une priorit rarme70 Du Mdiateur de la Rpublique au Dfenseur des droits_72 Portrait de lInstitution_82 Remerciements_83 Gestion administrative et nancire 2010_84 Index 1
  • 4. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 s-victimes-recours liation-combattre-ingalits ditorialonctionnement-servicespublics us-juste-respect-solution mer-proximit-rtablir-causes gue-litige-quit-simplier Le burn out de la socit franaise trahit un besointe-droits-victimes-recours urgent de btir de nouvelles esprances la hauteur des eorts fournis. La fbrilit du lgislateur trahit lillusion liation-combattre-ingalits de remplacer par la loi le recul des responsabilits indi- viduelles et de la morale. Le maintien sous perfusion deonctionnement-servicespublics citoyens assists permet de soulager nos consciences mais pas de rsoudre nos problmes. us-juste-respect-solution Les enjeux dterminants pour notre avenir ne trouvent s-victimes-recours pas de rponse politique la hauteur. Les dbats sont mins par les discours de posture et les causes dfendre noyes liation-combattre-ingalits parmi les calculs lectoraux. Or, les ressorts citoyens sont uss par les comportements politiciens.onctionnement-servicespublics Paradoxe : jamais us-juste-respect-solution lengagement individuel et collectif na t aussi mer-proximit-rtablir-causes ncessaire, jamais le dcouragement gue-litige-quit-simplier et la lassitude nont tte-droits-victimes-recours aussi grands. liation-combattre-ingalits Jean-Paul D, Le gnral de Gaulle lexprimait en ces termes :onctionnement-servicespublics Quand les Franais croient en la grandeur de la France, ils Mdiateur de la Rpublique font de grandes choses ; quand ils se sentent abandonns ils us-juste-respect-solution font de petites choses . Les confrontations politiques sont ctives car le rel clivage nest plus entre la droite et la gauche mais entre ceux qui acceptent la mondialisation et ceux qui la rcusent. La conqute du pouvoir oblige des alliances contre nature : les convictions seacent lorsque les int- rts sentrechoquent ; les convictions seacent galement lorsque les intrts convergent ! Nous ne sommes pas racistes mais rticents partager avec ceux qui nont rien. Nous sommes pour la mixit sociale condition de ne pas tre embts ou gns par nos voisins. Nous sommes pour la gratuit, celle dont on prote et non celle que lon nance. Il nous faut retrouver le combat pour les causes alors que nous pensons tous la dfense de nos intrts et la prservation de notre confort. Les politiques, aujourdhui, suivent lopinion plus quils ne la guident, tandis que les opinions, soumises aux motions plus quaux convictions, sont volatiles. Cela me dsole, cela minquite ! Nos socits sont rgies par trois grands sentiments les peurs, les esprances, les humiliations ; les esprances actuelles sont creuses et fragiles tandis que les droites grent les peurs, les gauches cultivent les humiliations. Chaque camp pouvant gagner alternativement dans leuphorie de la 2
  • 5. DITORIALvictoire dun jour pour une France qui descendra de division Lespoir doit aujourdhui changer de camp : la main chaque lection et progressera pas pas vers les popu- invisible du march a gi les plus faibles, la main de ferlismes et les extrmismes. des collectivistes a broy la libert de lHomme, il nous faut trouver un nouvel quilibre alliant la performance Notre contrat social nest pas un contrat de services collective et le bonheur individuel.mais dengagement. Or, aujourdhui la citoyennetdcline des deux cts : celui qui paie limpt a perdu la Sindigner est une bonne chose, car cela signie quildimension citoyenne de limpt et, sil y consent encore, y a encore assez dnergie pour se rvolter ; mais se mobi-sestime nanmoins ls. De mme, celui qui bncie de liser est encore mieux, car la vie est un combat. Ceux quila solidarit publique a perdu le sens de cette solidarit vivent, ce sont ceux qui luttent, ce sont ceux dont un desseinet, ne recevant pas assez, se sent humili. ferme emplit lme et le front, ceux qui dun haut destin gravissent lpre cime , crivait Victor Hugo. Lducation, en chec aujourdhui sur lacquisition dessavoirs, laptitude au travail et lveil la citoyennet, inter- Partout sur le terrain, isolment, des initiativesroge notre systme administratif global qui choue sur sa formidables se dveloppent, fondes sur les ressorts decapacit dinclusion et devient une machine exclure. la solidarit et de la proximit. Des hommes et femmes conjuguent leurs eorts, recrent du lien et produisent du sens lchelle locale. Il sagit de citoyennet en action,Nous devons retrouver le sens qui se droule hors des circuits administratifs et parfoisde lengagement, de la solidarit contre eux. Le sommet de Rio a rig en doctrine lede proximit, du partage mais penser global, agir local . Ne faut-il pas aujourdhui inverser cette logique et penser local pour agir global ?aussi du respect de lHomme. Quelle dirence entre un homme sage et un homme intelligent ? Un homme intelligent sait sortir dun Chaque citoyen doit pouvoir tre coproducteur du problme quun homme sage a su viter. Notre mondefutur. De mme quil faut duquer lenfant en lui montrant a besoin de morale publique. Notre peuple retrouverason amour par le sens de linterdit, il faut duquer un conance en ses lites si elles sont exemplaires.peuple non par la satisfaction de ses dsirs mais par lesens des responsabilits. Notre socit doit retrouver le Lanne 2011 doit tre celle de lthique, de la trans-chemin des valeurs, sinon ses tensions internes seront parence pour toutes celles et ceux qui exercent le pouvoir,suicidaires. Elle sera compltement bouleverse dans les notamment sagissant des nancements et des conitsquinze annes qui viennent. La dmographie va changer dintrt. Lautorit, pour tre accepte, ne pourra sela donne politique, conomique, socitale, modier les fonder sur la justication dun titre ou dune lectionquilibres conomiques entre pargne et activit, les mais reposera sur la dimension morale de celui ou cellequilibres territoriaux et sanitaires entre hpital et domi- qui lexerce. De plus, les changements ne seront acceptscile, les quilibres nanciers entre scalit et solidarit, que si ceux qui sont en premire ligne sen approprientcrer une implosion intergnrationnelle ou une dyna- les enjeux.mique nouvelle. Limmigration ncessaire (lUnion euro-penne a annonc que dici 2050, la population active Les solutions seront bien sr lies aux dcisionseuropenne ncessiterait, pour atteindre lquilibre, lar- politiques : il faut restaurer la politique. La force durive de cinquante millions dindividus trangers) pose changement tient ladhsion de lopinion. Il nous fautle problme de lassimilation, de lintgration, lidentit, construire sur un socle de convictions et non btir surla diversit, du multiculturalisme, de la lacit, qui selon le sable des motions. Sachons nous poser les bonnesnotre rsistance au populisme ou lextrmisme produi- questions : nos problmes seront demi rsolus.ront des conits intenses ou une formidable russitecollective. La crise rend plus sensible et plus irritable lpiderme collectif mais favorise en parallle une crativit, une La comptitivit de la France nous permettra de inventivit quil faut librer et non entraver. Notre nationgarder notre rang de puissance conomique ou nous fera doit intgrer le fait quelle subit la contrainte individuellereculer et risquer lexplosion de toutes nos politiques de et linnovation locale, que la loi du monde pse sur sonsolidarit. conomie et celle du citoyen sur sa capacit dagir. Les moteurs de la russite seront la conance en soi Elle peut et doit concilier les deux car sa russite neet dans le collectif. Nous devons quitter le champ de lin- passera que par une mobilisation collective nourrie parsouciance pour celui de la lucidit, de la franchise et du un projet densemble et une vision dont les valeurs et lescourage. Nous devons quitter la culture du conit, qui ne esprances mritent lengagement de chacun.rete et ne fait quaccrotre nos faiblesses, pour adhrer celle du dialogue permanent qui donnera du crdit auxacteurs et du temps laction. Il faut en eet passer de lasduction la conviction, de la dtestation ladhsion,de lindignation la mobilisation pour un projet soutenupar des valeurs qui mritent lengagement. 3
  • 6. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 s-victimes-recours liation-combattre-ingalits Lanneonctionnement-servicespublics us-juste-respect-solution mer-proximit-rtablir-causes en chiffres gue-litige-quit-simplierte-droits-victimes-recours liation-combattre-ingalitsonctionnement-servicespublics us-juste-respect-solution Les rsultats globaux de lInstitution s-victimes-recours En 2010, le nombre daffaires transmises au Mdiateur de la Rpublique, services centraux et dlgus, liation-combattre-ingalits a augment de 3,6 % par rapport 2009, avec un total de 79 046 affaires reues. Les demandes dinformations et dorientation auprs des dlgus ont diminu de 1,3 % par rapport lanneonctionnement-servicespublics prcdente. LInstitution a trait 46 653 rclamations dont 15 552 via les services centraux du Mdiateur de la Rpublique, Paris. us-juste-respect-solution Saisine directe mer-proximit-rtablir-causes Traites par les services gue-litige-quit-simplier 15552 centraux (sige de lInstitution) 13 997te-droits-victimes-recours Nombre daffaires Rclamations reues (+ 17,6 %) par lensemble (+ 17,6 %) liation-combattre-ingalits de lInstitution Traites par Saisine indirecteonctionnement-servicespublics 46 653 les dlgus (chelon de proximit) 1 555 ( 4,3 %) us-juste-respect-solution (+ 7,3 %) Demandes 31 101 dinformations (+ 2,8 %) et dorientation (traites par les dlgus du Mdiateur de la Rpublique) 79 046 (+ 3,6 %) 32 393 ( 1,3 %) Lactivit des services centraux Nombre de rclamations reues 13 222 15 552 1 669 Formulaires Web 3 530 Formulaires Web, Environ 20 620 appels demandes dinformations tlphoniques au standard 7 176 2 387 Courriels 3 824 Formulaires Web, dossiers instruits de lInstitution. 6 716 Services centraux Services centraux dont 11 880 appels au centre 9 166 dont 2 723 de Ple Sant 8 198 2 175 de Ple Sant et Scurit des Soins dappel du Ple Sant et Scurit des Soins et Scurit des Soins. 2007 2008 2009 2010 4
  • 7. LANNE EN CHIFFRES La plate-forme Le Mdiateur et vous (www.lemediateuretvous.fr) 196 504 visites 1 213 utilisateurs 1 149 contributions 5 347 rponses Lance en fvrier 2010, la plate-forme du Mdiateur de la Rpublique www.lemediateuretvous.fr est un outil pour favoriser lchange dmocratique. Cet espace de dialogue et de rexion sur la dfense des droits permet aux internautes de proposer des thmes de rexion, de ragir des dbats dj existants ou de formuler des propositions de rforme. Vingt-quatre experts apportent bnvolement un clairage technique sur les questions voques. La plate-forme est devenue au l des semaines un vritable observatoire des problmes que les citoyens rencontrent quotidiennement. Ainsi, les diffrents dbats ont permis didentier que les indus de la Caf ou encore la question du surendettement taient de rels problmes de socit. Elle permet donc de mieux exprimer la ralit du terrain et ainsi, de montrer les consquences pratiques de certaines insufsances des lois ou dinjustices dans leur application. Si cette plate-forme na pas vocation devenir un site de traitement des rclamations en ligne, elle prsente tout de mme un rel intrt pour les citoyens puisque les tmoignages qui y sont partags nourrissent le secteur des rformes et peuvent soutenir, ou mme dclencher, une action du Mdiateur. Taux de russite des mdiations 7% 6% Mdiations russies 2009 2010 93 % 94 % Mdiations non russies Rpartition des dossiers clos par domaines dintervention 8% 7,1 % 47 % 31,3 % Justice 7% 6,7 % Social Affaires gnrales 2009 201013,5 % 14,8 % Agents publics-pensions Fiscal 9,8 % Ple Sant et Scurit des Soins 14,3 % 18,2 % 10,2 % 12,1 % Autres mdiateurs de services publics 5
  • 8. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 Lactivit des dlgus droits- concil dysfon dlgu Information domaines concerns inform 17 % 17 % Demandes relatives un service public, dont : 25 % 25 % Justice Social dialog 11 % 2009 33 % 11 % 2010 34 % Affaires gnrales coute concil Agents publics-pensions 4% 4% Fiscal dysfon 75 % 75 % 35 % 34 % Affaires dordre priv dlgu Rclamations% rpartition par domaines dintervention 35 34 % droits- 10 % 10 % 10 % 10 % 3% 3% Justice + trangers Social Affaires gnrales + urbanisme 2009 2010 39 % 40 % Agents publics-pensions Fiscal 38 % 37 % Rclamations suites donnes 3% 6% 3% 6% Dossiers instruits 5% 4% Autres transmissions12% 71 % 12% 72 % Rclamations non justies 2009 2010 Abandons/dsistements 3% 3% Transmission au sige (comptence du sige) Rejet sans suite (hors comptence) Rclamations taux de russite des dlgus 17,7 % 16,7 % Mdiations russies 2009 2010 Mdiations non russies 82,3 % 83,3 %6
  • 9. TABLEAU DES RFORMES -victimes-recoursliation-combattre-ingalits Tableaunctionnement-servicespublicsus-juste-respect-solutionmer-proximit-rtablir-causes des rformesgue-litige-quit-simpliere-droits-victimes-recoursliation-combattre-ingalitsnctionnement-servicespublicsus-juste-respect-solution Propositions de rforme satisfaites en 2010 -victimes-recours Objet Reconnaissance de lenseignement dispens dans les lyces denseignement professionnel pour permettre la conduite accompagne Indemnisation des victimes des essais nuclaires franais Document quivalent, pour les ressortissants communautaires, lavis franais dimposition sur le revenu pour lattribution dun logement social ou dautres avantages sociaux Droit daccs des personnes physiques au chier de centralisation des retraits de cartes bancaires Majoration de dure dassurance vieillesse pour les pres ayant lev seuls leurs enfants Rvision des conditions de validit de lpreuve thorique gnrale du permis de conduire Accs linformation immobilire Perception de revenus diffrs par les personnes non imposables Renouvellement des cartes didentit et des passeports dlivrs aux Franais ns ltranger ou dont lun des parents est tranger Simplication de laccs la profession de transport lger de marchandises Possibilit de passer le permis moto sur un scooter de plus de 125 cm Consquences de linscription au Fichier national des incidents de remboursement des crdits aux particuliers (FICP) pour les personnes en situation de surendettement Modication du taux dusure Paiement des centres de loisirs en Cesu Rvision de la situation des praticiens hospitaliers temps partiel Amlioration du fonctionnement du FICP Impt sur le revenu et solidarit des personnes constituant un couple au sens juridique Reprise des logements devenus vacants du fait de leur abandon par les locataires Cumul des revenus dune activit non salarie avec une pension dinvalidit Tribunal comptent et frais dexcution force lors de litiges portant sur le droit la consommation Indemnisation des sapeurs-pompiers contamins la suite dune vaccination contre lhpatite B Aide au mrite pour les tudiants relevant du ministre de la Culture Propositions de rforme non satisfaites en 2010 Objet Majoration dassurance pour les parents denfants handicaps Rforme de laide dgressive lemployeur (ADE) en faveur de lemploi des seniors et des chmeurs de longue dure Prise en compte des replis commerciaux dans la scalit agricole 7
  • 10. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 La conception 1. de laction publique est-elle en phase avec la ralit du terrain ? Le bon fonctionnement de la socit franaise ne dpend pas que des lois qui lencadrent. Encore faut-il que celles-ci aient t conues pour bien fonctionner ensemble et quelles soient facilement comprises, absorbes et applicables. Or, du texte au terrain, du principe lapplication effective, il y a parfois plus quun pas, souvent un grand cart. Absence de vision transversale, ambitions dmesures, manque de moyens de mise en uvre... Les dfaillances dans la conception de laction et des politiques publiqueses-recours portent prjudice aux citoyens. Par les rclamations ombattre-ingalitsquil reoit, le Mdiateur de la Rpublique dispose dun posteement-servicespublics dobservation privilgi pour pointer les dysfonctionnements, les oublis, les contradictions de textes qui se tlescopente-respect-solution et les situations inenvisages qui laissent les citoyensximit-rtablir-causes dmunis face un systme administratif encore trop souvente-quit-simplier hermtique.-victimes-recours ombattre-ingalitsement-servicespublicse-respect-solutiones-recours ombattre-ingalits 8
  • 11. 1. LA CONCEPTION DE LACTION PUBLIQUE EST-ELLE EN PHASE AVEC LA RALIT DU TERRAIN ?Des politiques publiquesbrouilles par lempilementlgislatif Chaque anne, de nombreuses lois, circulaires et dcrets sajoutent et sesuperposent au corpus des textes dj en vigueur. Comment les administrationspeuvent-elles se reprer dans cette jungle normative ?Une telle ination dans un contexte lgislatif dj satur apparat parfois commeune rponse de circonstance au traitement de nouveaux cas particuliers alors quedes doutes ne cessent de surgir sur les capacits de ladministration absorbercette dmultiplication de particularits. Le Mdiateur en dresse le constatquotidien : cette profusion rglementaire opacie laccs des citoyens linformationet complique la tche des excutants, confronts lincessante complexit du droitet au foisonnement de la jurisprudence. Normes peine intgres et dj obsoltes,rgimes drogatoires, arrts qui contredisent la loi : cette ination de droitserait-elle en train de crer une illusion de protection alors quelle est prcisment lorigine dune inscurit juridique ? cette instabilit juridique sajoute aussiune instabilit des pratiques ds lors que la confusion quelle gnre au seindes services publics ouvre la voie des comportements administratifs inappropris, des dicults dinterprtation des textes, un durcissement de la loi, des ajoutsde conditions pour loctroi davantages. Quand les modalits dapplication au rsultat oppos. La recrudescence de rclamations dune disposition drogatoire concernant les pompes chaleur le montre : en cas dac- tendent durcir la loi quisition et dinstallation par deux entreprises distinctes, le crdit dimpt est assujetti un lien de sous-traitance Les dispositifs daide fiscale en sont un exemple. entre le fournisseur et linstallateur des pompes chaleur.Mesures rtroactives, changements de doctrine, succes- Ces conditions dapplication particulirement restrictivession et superposition de textes parfois illisibles, souvent privent nalement le contribuable dun avantage pourcomplexes et trs techniques conduisent durcir ces des raisons qui lui chappent et sur lesquelles il na pasrgimes scaux. Les contribuables, devant cette instabi- de pouvoir.lit juridique, se retrouvent dsempars et peuvent avoirle sentiment dtre ous. Dstabiliss, ils oscillent alors Concernant lavantage scal li lachat de vhi-entre rsignation et rsistance une politique scale cules fonctionnant au gaz de ptrole liqu (GPL), laquils peroivent comme injuste, voire arbitraire. rglementation peu lisible, en privant lors du rempla-Lexemple des crdits dimpt instaurs en faveur de len- cement du crdit dimpt par le bonus cologique lesvironnement et du dveloppement durable illustre cette contribuables dun avantage incitatif dans le choix dedrive. Alors quils se veulent trs incitatifs et inscrits en vhicules conomes en nergie et non polluants, a nale-phase avec les principes environnementaux du Grenelle ment desservi lesprit de la loi comme le montre lexemplede lenvironnement, leur mise en uvre aboutit parfois suivant. ... 9
  • 12. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 ... En octobre 2007, Monsieur B. commande Le fauteuil roulant comme critre des un vhicule GPL qui lui a t livr et factur en personnes ges et personnes handicapes fvrier 2008 et demande bncier au titre de lanne 2007 du crdit dimpt prvu. Aprs avoir bnfici dun crdit dimpt Cet avantage lui a t refus en raison de pour linstallation dune cabine de douche conue labrogation du crdit dimpt compter de 2008, pour les personnes ges, Monsieur G. se voit anne au titre de laquelle il aurait d bncier contester cet avantage parce que son installation de cet avantage, compte tenu de la date de la ne correspondrait pas la dnition des quipe- facture. Aprs examen du dossier, le Mdiateur ments concerns. conrme lapplication correcte de la rglemen- Aprs avoir observ les articles du Code tation mais demande le maintien de lavantage gnral des impts qui ne mentionnent pas de en tenant compte de lobjectif de la rforme, qui conditions restrictives aux quipements ligibles visait favoriser lachat de vhicules conomes en au crdit dimpt, le Mdiateur conteste la lga- nergie, et du fait quil tait priv du bonus colo- lit dune instruction publie en 2005 qui ajoute gique en raison dune commande prmature. en eet plusieurs critres restrictifs tels que des dimensions permettant lutilisation en fauteuil roulant de la cabine de douche. Le Mdiateur Un dispositif unique souligne que dans le cas de Monsieur G., g qui cre des amalgames de 70 ans mais qui nest pas handicap, lattribu- tion du crdit dimpt pourrait tre accorde au De la mme manire, lorsque les critres de certains prorata des seules dpenses correspondant aux avantages fiscaux associent dans un mme et unique seuls critres dnis par la loi, savoir cabine de dispositif des personnes ges et des personnes handi- douche intgrale et bac et porte de douche . capes, lapplication de la loi se rvle incohrente. Le Mdiateur a donc demand le rexamen du Quelles sont prcisment les dpenses dinstallation ou dispositif en vigueur, an que les personnes ges de remplacement dquipements spcialement conus ne soient pas de facto assimiles des personnes pour les personnes ges ou handicapes qui permet- handicapes. tent de bncier dun crdit dimpt ? Une instruction scale qui a pour eet daligner les dirents quipe- ments sur les mmes critres alors que la vieillesse et le Un droit sans cesse plus complexe handicap sont en soi des situations trs direntes, ou sujet interprtation mme dassimiler les situations de handicap la seule utilisation dun fauteuil roulant, cre des dicults dans Plusieurs cas le montrent, quand les instructions lapplication de la loi. sont complexes, leur application est malaise et propice aux interprtations, crant ainsi un risque dapprciation divergente suivant les services. Il arrive en effet que les volutions rglementaires se succdent, ajoutant conditions et critres, chaque anne, au rythme de nouvelles prcisions et spcications, et contribuent un brouillage gnralis. Ainsi, un avantage scal destin dynamiser lemploi des jeunes dans une lire qui connat des dicults de recrutement, aprs avoir t accord suivant certaines conditions (jeune de moins de 26 ans, six mois conscutifs dactivit salarie, dbut dactivit compris entre le 1er juillet 2005 et le 31 dcembre 2007, secteur en pnurie de main-duvre), a vu son champ dapplication se restreindre. En eet, ladministration ne la accord quau titre du seul premier emploi, rpondant au critre dfini par la loi, occup pendant la priode du 1er juillet 2005 au 31 dcembre 2007. Aprs intervention du Mdiateur, ladministration a reconnu le caractre restrictif de son instruction. Dans un autre domaine, concernant la pnalit de 10 % prvue larticle 1758 A du Code gnral des impts, le Mdiateur a relev, dans certains des dossiers de contrle scal dont il avait t saisi, que ladminis- tration appliquait cette majoration aux taxations forfai- taires domission dclarative de revenus, alors que cest lintgration de labattement de 20 % dans le barme de limpt sur le revenu (loi de nances pour 2006) qui a conduit la cration de larticle 1758 A, pour ne pas10
  • 13. 1. LA CONCEPTION DE LACTION PUBLIQUE EST-ELLE EN PHASE AVEC LA RALIT DU TERRAIN ? favoriser les contribuables dfaillants soumis au barme Dix ans pour une procdure de limpt sur le revenu. Les rponses divergentes des de remembrement services scaux ont conduit le Mdiateur solliciter le ministre comptent. Dans le cadre dun remembrement foncier survenu en 2001 dans la commune de M., en Haute- Pnalit de 10 % et taxation proportionnelle : Corse, Monsieur V. et Madame S. attendent depuis quand ladministration donne raison cette date que les terrains dont ils sont propri- au Mdiateur de la Rpublique taires soient inscrits au service des hypothques. En raison des direntes volutions lgislatives Monsieur V. a t impos raison dune plus- ayant eu lieu entre-temps, la comptence de value ralise en 2007 correspondant la cession ltat pour ce type dopration a t transfre aux des parts sociales de son entreprise, qui navait pas conseils gnraux, comme lindique le courrier du t dclare dans les revenus de la mme anne. sous-prfet de Calvi du 5 novembre 2008. cet Ces rappels ont t assortis dintrts de retard gard, le conseil gnral de la Haute-Corse devait et de la pnalit de 10 %. Aprs avoir demand prendre en charge les frais arents au gomtre- successivement auprs des ministres concerns un expert charg du document darpentage, obli- rexamen de sa situation scale, sa demande de gation conrme par le courrier de la Direction remise gracieuse a t rejete. Monsieur V. a alors dpartementale de lquipement et de lagriculture saisi le Mdiateur qui observe que si les rappels (DDEA) en date du 9 dcembre 2008 adress au dimpts semblent fonds, en revanche la majo- conseil des rclamants. ration de 10 % applique la plus-value nest pas Ces derniers, rests sans nouvelles, saisissent justie, la pnalit nayant pas vocation sappli- le dlgu du Mdiateur, qui contacte simultan- quer aux revenus taxs proportionnellement. Une ment le prsident du conseil gnral et le direc- direction dpartementale des nances publiques teur dpartemental des territoires et de la mer. ayant partag cet avis, ses services ont procd au Le Dpartement linforme que la transmission dgrvement correspondant. lenregistrement des hypothques relve de la comptence de ltat, compte tenu de lantriorit du dossier, et que la DDEA a t avertie en ce Empilement des rformes : sens par courrier du 2 novembre 2009. Aprs de le contribuable ls nombreuses relances, le dlgu est inform en aot 2010 quun arrt prfectoral vient dtre Lorsque lempilement des rformes et rorganisa- transmis pour avis au conseil gnral et la tions conduit un retard dans la prise des dcisions, il conservation des hypothques. Dici quelques dstabilise les services de ladministration eux-mmes, les semaines, les intresss pourront enn esprer plaant dans une situation derrance de responsabilits voir leurs terrains inscrits au service des hypo- entre les dirents acteurs. thques et leurs frais darpentage rembourss. ...Le regard du Mdiateur Le problme nest pas lination des lois mais leur application Quand la morale personnelle ou individuelle recule, on a tendance la compenser par la loi. La popu- les nergies renouvelables en partie pour les avantages fiscaux quelles procurent voit ses avantages remis Emploi, ces lois donnent des droits sur lesquels pse la responsabilit de ltat. Mais celui qui dicte les lois lation franaise accorde un crdit en cause au bout dune ou plusieurs ne prend pas en compte les dicults excessif la loi, simaginant quelle annes. Lmotion suscite par un fait que ladministration peut rencontrer peut apporter une rponse chaque divers prcipite llaboration dune dans leur application. Si ceux qui les problme pos. En ralit, alors que la loi sans rellement sinterroger sur appliquent ne sont plus capables de loi devrait tre un lment de stabilit les possibilits de sa mise en uvre, suivre, on imagine les consquences et de pondration, paradoxalement, comme en tmoigne la loi Dalo (droit pour ceux qui la subissent. Si les par la superposition de textes, elle au logement opposable), partie dun lois taient mieux appliques, elles devient un vritable facteur dinsta- bon sentiment mais inapplicable en nauraient pas autant besoin dtre bilit. Celui qui dcide dinvestir dans ralit. Loi sur les trangers, loi Ple dmultiplies. 11
  • 14. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 ... Des indices de dfaillance globale (Espace tmoignage) Malgr des amliorations sensibles au sein de ladmi- nistration scale, certains blocages persistent sporadique- ment, soulevant des questions sur la viabilit de certains fonctionnements. Le service charg de limposition des Limpt est un non-rsidents peine encore corriger ses erreurs et ses retards, sources de litiges rcurrents. Dans ces cas-l, des piliers de notre limposition se rvle inexacte ou infonde et oblige les contribuables se justier en engageant des dmarches parfois lourdes. pacte rpublicain. Les questions techniques non rsolues du fait de Dans lesprit des citoyens, limpt existe avant logiciels inadapts ou dun manque dadaptabilit des tout comme un prlvement obligatoire. Mais sil est systmes informatiss deviennent des rvlateurs de consenti, cest--dire peru comme juste et quitable, dysfonctionnements globaux, voire systmiques. il est compris et accept par le plus grand nombre et devient alors lun des piliers de notre pacte rpublicain. Par ailleurs, sans contester lintrt pour ladminis- Cest la raison pour laquelle une fracture ventuelle, tration scale dvaluer son fonctionnement, le choix de dans le domaine scal, entre citoyens et politiques certains indicateurs soulve des questions lorsquil aboutit publiques peut conduire au sentiment dune dgrada- des dysfonctionnements, certes peu nombreux, mais tion de la justice sociale. particulirement srieux et surtout diciles corriger. Ces situations se rencontrent lorsquune erreur atypique partir des rclamations reues et compte tenu survient, notamment dans le traitement de masse des des rponses qui leur sont apportes, le secteur scal du dossiers scaux (par exemple, encaissement dun chque Mdiateur constitue un poste dobservation sur lvolu- par un service du Trsor public autre que celui charg tion de ce lien entre contribution limpt et politique du recouvrement de la crance). Le contribuable est scale. Il peut apprcier si la notion de consentement alors victime des rigidits dun systme administratif limpt rencontre ou non ladhsion des citoyens. certes ecace pour assurer la mission gnrale dont il Mme si ladministration fiscale prsente un bilan est charg, le recouvrement de limpt, mais qui nest globalement satisfaisant par lamlioration de ses rela- pas en mesure, malgr les lments de preuve fournis, tions avec les contribuables, par de meilleurs dlais de de corriger le dysfonctionnement avant double paiement rponse, par exemple, ou lors de la campagne annuelle indu et menace de poursuites infondes. dimpt sur le revenu, certaines pratiques administra- tives conduisent encore une incomprhension, voire une rsistance chez des contribuables de bonne foi, impression de nature nourrir un sentiment din- justice. Les contribuables contestent dautant plus la lgitimit de la contribution limpt et de son recou- vrement quils se considrent victimes dun systme social injuste. Il faut donc viter dans laction publique, tant dans la conception de la loi scale que dans son application, tout ce qui peut aecter le consentement limpt et par l mme la cohsion sociale. Ladministration doit ainsi mieux prendre en compte les situations particulires an dassurer, dans lin- trt gnral, les conditions dune vritable galit des citoyens devant limpt. cet gard, on constate dores et dj une adqua- tion croissante entre les dcisions des administrations nancires et les mesures ncessaires sur le terrain, notamment pour les contribuables en dicult. Les actions de mdiation individuelle du Mdiateur de la Rpublique et de rforme des textes scaux y contribuent aussi. Jean-Michel Rougi, conseiller secteur Fiscal du Mdiateur de la Rpublique12
  • 15. 1. LA CONCEPTION DE LACTION PUBLIQUE EST-ELLE EN PHASE AVEC LA RALIT DU TERRAIN ?Les dommages collatrauxdus aux rformes prcipites Tous les secteurs de lInstitution lobservent : les rformes de notre paysse font trop vite sans que les dommages collatraux quelles induisent en soientsusamment mesurs. La rvision de la Constitution de 2008 prvoit que les rformessoient prcdes dtudes dimpact pour mesurer les eets pervers quelles pourraientproduire, mais elles le sont rarement, faute de temps et de moyens investis.Il aurait par exemple t souhaitable que les crations du RSI (rgime socialdes indpendants), de Ple Emploi, de la Camieg (Caisse dassurance maladiedes industries lectrique et gazire), qui ont gnr de vritables petites rvolutionsdans les services administratifs des organismes sociaux, soient prcdes de misesen commun progressives accompagnes par un management attentif et pdagogueet quelles se mettent en place dans un contexte de rodage et de calage. Mais les agentsont d, tout en grant les dossiers des deux millions de cotisants au RSI et ceux destrois millions et demi de chmeurs, absorber et sapproprier en urgence de nouvellespratiques sans cadre spcique, sans accompagnement adapt. Rsultat : ce sont lesusagers qui font les frais de cette absence de pdagogie de la dcision et de dfaillancesmanagriales et /ou technologiques. Et ce sont les agents qui sont injustement stigmatiss.Le Mdiateur sest donc fait un devoir dalerter sur les risques insusammentprvus des consquences ngatives de certaines rformes comme celles provoquespar la cration du statut dauto-entrepreneur. Un accs au statut dauto-entrepreneur plus compliqu que prvu Artisan euriste, MadameA. souhaite adhrer en fvrier 2009 au rgime de lauto-entrepre- neur. Elle nimagine pas que le passage du statut classique de travailleur indpendant celui plus spcique dauto-entrepreneur lentranera dans des mandres obscurs. Sans lintervention du Mdiateur, le RSI continuerait la considrer comme un travailleur indpendant et lui rclamer des cotisations provisionnelles en plus des cotisa- tions dauto-entrepreneur dont elle sacquitte. La mise en place du RSI, le rgime social des ind- pendants, qui a rassembl trois structures et trois cultures de gestion direntes, a t immdiatement suivie de linstauration de linterlocuteur social unique (ISU) qui, ... 13
  • 16. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 ... sil constitue une relle simplication pour une majorit Des cas comme celui-ci, le Mdiateur en a observ de cotisants, a aussi provoqu de nombreux bugs infor- beaucoup en 2010. Il sest mu du fait qu ces avis de matiques. Des milliers de chiers de retraits ont par dtresse humaine, gnrs par des dysfonctionnements au exemple t ractivs. Des personnes se sont soudain vues sein des services du RSI, ait souvent t oppos un silence mettre en demeure de payer des cotisations quelles ne pesant ou, pire encore, lintervention dun huissier. Un devaient pas, avec des majorations de retard, alors qua dossier de Mdiateur Actualits a dailleurs t consacr contrario des appels de cotisations nont pas t adresss ces problmes. Le directeur gnral et le prsident du en temps opportun dautres. Ce bug de lISU les a RSI ont t reus par le Mdiateur pour lui exposer le parfois plonges dans des situations catastrophiques. processus exceptionnel mis en place par le rgime (et par les Urssaf partenaires de lISU), pour tenter de rsoudre Un chier RSI indment ractiv ces dicults. Jusqu prsent, les services du Mdia- teur ont pu uvrer en collaboration avec la sous-direc- En juillet 2008, Madame G. demande sa tion charge de la relation client du RSI et rsoudre un radiation du registre spcial des agents commer- grand nombre de litiges en sappuyant sur un rseau de ciaux avec eet au 7 avril 2008. Cependant, elle correspondants mobiliss. Toutefois, le Mdiateur de la reste le conjoint collaborateur de son mari, grant Rpublique demeure extrmement vigilant concernant dune agence immobilire en SARL, jusquau les rponses apportes lensemble des cotisants, lesquels 31 dcembre 2008. Les cotisations correspondant nont que trop subi les rpercussions de la rforme initie. cette activit sont rgles par prlvement auto- Le traitement de masse, qui fonctionne bien pour 99 % matique sur le compte de lagence immobilire. des personnes, ne doit pas devenir la massue avec laquelle Ne prenant pas en considration cette nouvelle est assomm le 1 % restant, qui est atypique. situation, le RSI rclame Madame G. des cotisa- tions au titre de son activit dagent commercial, activit quelle na pas exerce. Malgr plusieurs courriers adresss au RSI pour dnoncer ces appels de cotisations, Madame G. nobtient pas de rponse et saisit le Mdiateur, via un dlgu territorial. Aprs intervention de ce dernier auprs du RSI Limousin, Madame G. reoit enn un courrier de cet organisme lui indiquant que sa radiation en tant quagent commercial a bien t enregistre la date du 7 avril 2008, et quil sagit dune anomalie de leurs services.Le regard du Mdiateur De nombreuses propositions de rforme naissent des observations des fonctionnaires Le lgislateur na pas toujours conscience de lapplication des lois quil vote et ne mesure pas la capa- corriger les textes. Le bon sens et la ralit du terrain doivent permettre de rendre les lois plus justes. Dans formulons. Il ne faut pas oublier que les fonctionnaires ne font quappli- quer la loi qui est prpare et vote cit dabsorption des textes par le ce sens, les tmoignages qui nous par les parlementaires : les agents systme administratif. Or, une loi mal remontent des fonctionnaires eux- sont souvent les premiers subir la applique est une mauvaise loi. En mmes sont trs prcieux : ils sont loi et ses incohrences. France, on ne tient pas assez compte aujourdhui lorigine de 20 % des des rclamations des citoyens pour propositions de rforme que nous 14
  • 17. 1. LA CONCEPTION DE LACTION PUBLIQUE EST-ELLE EN PHASE AVEC LA RALIT DU TERRAIN ?Quand les ambitionspolitiques se heurtentaux moyens limits Des attentes plus longues, des dlais de traitement qui stirent, des dmarchessupplmentaires eectuer... comment ragit un citoyen confront ce qui estprsent comme une amlioration du service public et qui se traduit en ralitpar un service dgrad, plus complexe et moins accessible ? Dans les prfectures,les communes de taille modeste, les organismes en charge dun service publicrenforcs se trouvent en ralit profondment fragiliss par les restrictionsbudgtaires. Fermeture plusieurs semaines dans lanne, diminution des plageshoraires douverture, restriction des accs au tlphone, au courrier, Internet :les eets sont dautant plus criants dans les prfectures quils interviennent un moment o les avances souhaites par la loi sont particulirement attenduesen termes decacit et de service rendu aux usagers. La Charte Marianne mise mal ? Dans un rapport remis au Snat le 13 octobre 2010, la snatrice Michle Andr dresse un constat convergent Il suffit parfois dune visite en prfecture pour et alarmant sur la rvision gnrale des politiques publi-constater combien les principes de la Charte Marianne, ques (RGPP), destine raliser des gains de productivitqui prnent laccs plus facile aux services ou laccueil grce une organisation plus performante des services etattentif et courtois (cf. encadr), sont mis mal dans un recours accru aux nouvelles technologies. Malgr soncertains services de ltat. objectif louable, cette rforme dbouche parfois sur une dgradation des conditions de travail pour les agents et une Dans une prfcture de la rgion parisienne, le seul mise en pril de la qualit des services rendus lusager.moyen dobtenir un rendez-vous pour dposer un dossierde naturalisation passe par un numro unique, ouvert un seul aprs-midi par semaine entre 14 h et 16 h. Ce Les cinq engagementsnumro est la plupart du temps indisponible car pris de la Charte Mariannedassaut lors de ces troits crneaux. Lorsque les deman- La Charte Marianne traduit lengagement pris par chacundeurs parviennent nanmoins obtenir un serveur vocal, des services dconcentrs de ltat pour :un message dinformation leur indique que le planning 1 faciliter laccs des usagers aux services ;est complet jusqu une date donne et que la bote vocale 2 accueillir de manire attentive et courtoise ;est pleine, les laissant compltement dmunis. Rensei- 3 rpondre de manire comprhensiblegnements pris, les dlgus du Mdiateur apprennent et dans un dlai annonc ;que seuls vingt-quatre rendez-vous peuvent tre pris 4 traiter systmatiquement la rclamation ;chaque semaine mais suivant un accs au service tout 5 recueillir les propositions des usagersfait alatoire. De tels exemples montrent quel point la pour amliorer la qualit du service public.volont du lgislateur, ache notamment dans le cadre Elle a aussi vocation tre applique par les tablissementsde telles chartes, se trouve nalement bafoue en raison publics sous tutelle et, au-del, par tout autre acteur publicde la rduction de moyens humains et matriels. qui souhaiterait se lapproprier (les collectivits locales, par exemple). Elle est en vigueur depuis janvier 2005. 15
  • 18. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 De la mdiation la rforme Rformes repousses car trop chres ou trop complexes La pression budgtaire et les contraintes de gestion sont de redoutables adversaires de la rforme des lois. Tributaires de la rvision gnrale des politiques publiques, les dcideurs publics rechignent rformer des textes aux eets injustes, parce que ces rformes sont nancirement coteuses ou quelles poseraient des problmes de gestion. Illustration avec cinq propositions de rforme non abouties. Couples pacss privs le principe dune rpartition des dengager une procdure dinaptitude de pension de rversion prestations familiales entre deux professionnelle qui empche le salari parents qui assument de manire de reprendre son activit et le prive Il est admis aujourdhui que la gale lducation de leur(s) enfant(s). ainsi de rmunration. Incohrent vie commune lgitime louverture Une premire mesure, vote dans le et injuste ! Pour autant, les mesures de droits sociaux et lattribution de cadre de la loi de nancement de la de principe que lengagement du la qualit dayant droit en matire Scurit sociale pour 2007, permet le Mdiateur sur ce dossier a permis dassurance maladie, mais, et cest partage des seules allocations fami- de faire merger, en prvoyant une une curiosit franaise dnonce liales. Il convient de poursuivre cette consultation pralable entre ces galement par la Halde, le droit la rforme concernant les autres pres- instances mdicales pour faciliter la pension de rversion (cest--dire le tations familiales, ce qui fait lobjet reprise dactivit de lintress, ne droit pour le conjoint survivant de dune rexion avec les ministres et parviennent pas tre suivies deets percevoir la pension de retraite du organismes concerns. concrets. Cest pourquoi le Mdiateur conjoint dcd) reste circonscrit a interpell de nouveau les pouvoirs dans le cadre dune union maritale. publics sur ce problme, en deman- Les couples pacss nen bncient Mdecins du travail dant un renforcement du dispositif toujours pas, malgr linterpellation et mdecins-conseils : de concertation. des pouvoirs publics par le Mdiateur, un manque de coordination en 2010, notamment loccasion du coupable dbat sur la rforme des retraites et Prcarit des vacataires les initiatives de certains parlemen- Avoir russi modier les textes de lenseignement taires en ce sens. mais pas la culture et les prati- secondaire ques administratives, cest ce que regrette le Mdiateur propos dune Le ministre de lducation Pas de partage meilleure collaboration entre mde- nationale a de plus en plus recours de prestations familiales cins du travail et mdecins-conseils des enseignants vacataires ou en cas de rsidence de la Scurit sociale. Leur mauvaise contractuels, qui constituent une alterne coordination est souvent source de population prcaire croissante. Ils prjudices pour les salaris dont la sont souvent pays avec plusieurs Les rgles actuelles dattribution reprise du travail, faisant suite un mois de retard, connaissent des di- des prestations familiales en cas de arrt maladie, est subordonne lavis cults pour toucher une indemnit divorce ou de sparation ne sont pas de ces mdecins. Linterruption du de suivi et dorientation des lves, adaptes aux parents qui choisissent versement des indemnits journa- etc. Par ailleurs, ne pouvant travailler la rsidence alterne des enfants. Ce lires prononce par la Caisse das- plus de deux cents heures par an, ils mode de garde, qui concerne pour- surance maladie, sur la base de lavis ne peuvent percevoir des allocations tant 15 % des parents qui se spa- de son mdecin-conseil estimant de chmage ou des indemnits de rent est en augmentation constante que lassur est apte reprendre un congs pays ; les agents contrac- depuis 2002. Or, la loi na toujours emploi, peut en effet aller de pair tuels connaissent, quant eux, de pas t rforme pour instaurer avec la dcision du mdecin du travail nombreuses interruptions de service,16
  • 19. 1. LA CONCEPTION DE LACTION PUBLIQUE EST-ELLE EN PHASE AVEC LA RALIT DU TERRAIN ?Rformes en chantier sant substituer un revenu ctif. Par ailleurs, ce dispositif comporte des exceptions qui accentuent linjustice de la rgle gnrale. Ces constats ont incit le Mdia- teur de la Rpublique prconiser la suppression de cette mthode dva- luation et le retour lapplication du droit commun, savoir le calcul du montant des prestations familiales et de logement attribu sous condition de ressources sur la base des revenus rels perus lors de lanne de rf- rence. noter que cette suppression est souhaite par les caisses dallocations familiales qui mesurent, sur le terrain, les eets injustes et le contentieux que gnre lapplication de cette mthode. Elle fait galement partie des recom-ce qui leur rend le passage en CDI pas titulaires dun master (bac + 5), mandations du Conseil conomique,ou laccs la titularisation par les de la validation des acquis de lexp- social et environnemental.concours internes compliqus. En rience (VAE). La ministre en charge Hlas, la runion du 18 janvier 2010bref, sils font fonction denseignants de lEnseignement suprieur a mis du comit interministriel de suivi des part entire, ils nen ont pas les de srieuses rserves sur la proposi- propositions de rforme du Mdia-droits. tion relative la VAE. Le Mdia- teur na pas fait avancer le dossier. Et teur espre que la rforme en cours pour cause : le ministre du Budget En 2008, le Mdiateur de la de ngociation, et visant rduire la a rappel le cot de cette rforme,Rpublique a formul une proposition prcarit dans la fonction publique, estim 65 millions deuros pour lesde rforme aux ministres comptents, sappliquera pleinement aux agents seules allocations de logement.allant dans le sens dune clarication de lducation nationale.des rgles et dune moralisation de Le Mdiateur de la Rpubliquecertaines pratiques. Quelques avan- estime, ds lors, quun arbitrage duces ont t obtenues. Le ministre Prestations familiales Premier ministre est ncessaire sur cede lducation nationale a envoy, le et de logement : dossier, compte tenu galement des24 septembre 2008, une instruction imaginer un autre calcul divergences dapprciation entre lesaux recteurs dacadmie leur deman- des ressources dirents ministres.dant de rmunrer sans dlai les vaca-taires et de leur verser lindemnit de Le dispositif dvaluation forfai-suivi et dorientation des lves. La taire des ressources, appliqu pourmise en place dindemnits kilom- dterminer le droit aux prestationstriques et dune indemnit de n de familiales et de logement, conduit contrat proposes par le Mdiateur a des consquences injustes. En eet,en revanche t repousse. Protant des personnes qui auraient droit aude la mise en place de la mast- montant maximal de lallocationrisation des concours de recrute- en raison de la faiblesse de leursment des enseignants, le Mdiateur ressources lors de lanne de rfrence,de la Rpublique a mis cette autre se voient attribuer une allocationproposition : faire bncier les ensei- moindre, voire sont prives de leursgnants non titulaires, qui dsirent se aides sociales, du fait de lapplicationprsenter aux concours mais ne sont de lvaluation forfaitaire aboutis- 17
  • 20. MDIATEUR DE LA RPUBLIQUE RAPPORT ANNUEL 2010 De la mdiation la rforme Rformer partir dune vision globale des problmatiques La Constitution de la Ve Rpublique donne beaucoup de pouvoirs lexcutif. Les ministres sont lorigine de la plupart des lois votes. Soumises la pression publique et nourries par la politique de lmotion, de nombreuses lois voient le jour et sempilent les unes sur les autres sans harmonisation, sans souci de cohrence et sans tenir compte de rapports manant dinstances danalyse et de propositions telles que le Conseil conomique, social et environnemental, la Cour des comptes ou dautres comits dexperts. Do de nombreuses iniquits et lacunes. laguer le maquis dinvalidit, allocation aux adultes entre allocataires dune prestation non des minima sociaux handicaps), aux chmeurs dpourvus contributive ntant pas lgitime, le dindemnits (allocation de solidarit Mdiateur a formul deux propositions Au nom de la solidarit natio- spcique, revenu de solidarit active de rforme : une harmonisation des nale, la collectivit accorde aux plus [RSA]), aux personnes isoles (alloca- modalits dvaluation des ressources dmunis un minimum vital, sous la tion de parent isol intgre au RSA, applicables aux minima sociaux et lali- forme de prestations sociales appeles allocation de veuvage supprime puis gnement sur le montant de lallocation minima sociaux . En vertu de notre rtablie) ou aux dtenus librs (allo- aux adultes handicaps des minima Constitution, tout tre humain se cation dinsertion) Ce paysage de vieillesse et invalidit, de manire trouvant dans lincapacit de travailler minima sociaux est si complexe quil ce que leurs attributaires disposent de a le droit dobtenir de la socit des gnre des disparits, notamment ressources au moins gales. moyens convenables dexistence. au niveau des conditions daccs, et des ingalits des droits attachs Ces minima sociaux se sont multi- aux direntes prestations. Ainsi, Rformer les retraites plis et regroupent aujourdhui neuf pathologie ou handicap identique, en partant du vcu prestations, sadressant aux personnes les revenus des attributaires de lallo- des personnes ges (allocation de solidarit aux cation adulte handicap peuvent tre personnes ges, allocation quiva- suprieurs ceux des bnciaires des La ncessaire rforme des retraites lent retraite), aux personnes handi- minima vieillesse ou invalidit. a pour but de renforcer le pacte capes (allocation supplmentaire Une telle diffrence de traitement social entre les actifs et les retraits mais aussi de corriger les iniquits. Cela fut au cur des propositions du Mdiateur de la Rpublique. loccasion de lexamen du projet de loi portant sur la rforme des retraites, quil juge ncessaire, le Mdiateur de la Rpublique a transmis au rapporteur du texte six propositions de rforme. Celles-ci ont t labores partir des nombreuses rclamations indi- viduelles portant sur ce sujet, mais galement des suggestions des obser- vateurs de terrain (dont les dlgus18
  • 21. 1. LA CONCEPTION