Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    HIEROGLYPHES

    Nicolas ROERICH

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    SIGNES SACRES

    INCANTATION

    Flamme dans le calice !Pre - feu. Fils - feu. Esprit - feu.Les trois gaux. Les trois indivisibles.Flamme et chaleur - sont leur cur.Le feu - leurs yeux.Le tourbillon de la flamme - leur bouche.

    Flamme de la divinit - feu.Le feu desschera les forces du mal.La flamme brlera les forces du mal.La flamme arrtera les forces du mal.Elle purifiera les forces du mal.Arrire, flches des dmons.Que le poison du serpent tombe surles forces du mal !

    Aglamide, Commandeur du Serpent,Artan, Arion ! tendez l'oreille !Tigre, aigle, lion des immensits dsertiques,Gardez-vous des porteurs du mal !Comme le serpent, enroulez-vous !Que le feu vous consume;Dissipe-toi, pris, mal !Flamme dans le calice !

    Pre - le pacifique.Fils - le pacifique.Esprit - le pacifique.Les trois gaux. Les trois indivisibles.La mer bleue - est leur cur.Les toiles - leurs yeux.Le crpuscule - leur bouche.Profondeur de la divinit - la mer.Le mal marche sur la mer.Mme pour eux, aveugles sont les flches des dmons.

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    Lynx, loup, gerfaut,Gardez les forces du mal !Keios, Keyosavi, laissez-les entrer -Le mal.

    Connais, pierre ! Garde, pierre !Feu, cache-toi ! Sois illumin par le feu !Par le rouge, le courageux;Par le bleu, le pacifique;Par le vert, le sage.Connais, pierre ! Garde, pierre !Foo, Lo, Ho, portez la pierre.Rcompense le fort.Remercie le fidle.Yenno, Guyo, Dja,Accourrez l'aide !

    1911

    SIGNES SACRS

    Nous ne savons pas. Mais ils savent.Les pierres savent. Mme les arbresSavent.Et ils se souviennent.Ils se rappellent qui a nomm les montagnesEt les fleuves,Qui a construit les premires

    Cits.Qui a donn les nomsAux pays immmoriaux -Mots de nous inconnus -Ils sont plein de sens !Tout est plein de ralisations.PartoutLes hros ont pass. "Connatre" -

    Est un mot doux. "Se rappeler" -Est un mot terrible. Connatre etSe rappeler, se rappeler et connatre

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    Signifient avoir foi.

    Les vaisseaux ariens volaient.Ils vinrent dverser un feu liquide.

    Vinrent lancerL'tincelle de vie et de mort.Par le pouvoir de l'esprit des masses rocheusesS'levrent.Une pe merveilleuse fut forge.

    Les critures gardaient de sages secrets.Et nouveau tout est rvl.Tout nouveau.Contes de fes - lgendes -Sont devenus vie. Et nous vivons nouveau.Et nouveauNous toucherons terre.Le grand "Aujourd'hui" s'effaceraDemain.Mais des signes sacrsApparatront. Puis,Lorsque ncessaireIls passeront inaperus. Qui sait ?Mais ils crerontLa vie. Alors o sontLes Signes Sacrs ?

    1915

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    NOUS LES VERRONS

    Nous partons la recherche des Signes

    Sacrs. Nous marchons avec attention,En silence.Passent des gens. Ils rient.Ils nous appellent les suivre.D'autres se htentMcontents. D'autres nous menacentIls veulent saisir ce que nous possdons.Les passantsNe savent pas que nous sommes partisA la recherche des signes sacrs.Ceux qui nous menacent s'loigneront,Ils ont tant faire. Nous, nousChercherons les Signes Sacrs.

    Personne ne sait oLe Matre a laiss Ses signes.Ils peuvent tre sur le bordDes routes. Ou dans les fleurs.Ou dans les eaux de la rivire.Nous pensons les trouver.Dans la vote de nuages, la lumire du soleil la lumire de la lune la lumire des tincelles de rsineEt des feux de camp, devons-nous chercherLes Signes Sacrs.Nous marchonsLongtemps.Avec acuit nous observons.Maintes personnes nous dpassent.Rellement, il nous semble qu'ilsConnaissent le commandement : trouverLes Signes Sacrs. L'obscurit tombe.Il est difficile de discernerLe chemin. Indistincts les traces.

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    O peuvent-ils treLes Signes Sacrs ? Aujourd'hui peut-treNous ne les trouverons pas.Mais demain il fera jour.

    Je saisNous les verrons.

    1915

    AUX DERNIRES PORTES

    On nous a dit "Impossible !"

    Nanmoins nous sommes entrs,Nous avons approch les portes.Partout nous avons entendu "Impossible !"Nous voulions voir les signes.On nous a dit "Impossible !"Nous voulions allumer la lumireOn nous a dit "Impossible !"

    Mornes gardes qui voyez et connaissez,Vous tes dans l'erreur.Le Matre a permis de connatre,Le Matre a permis de voir,Aucun doute, Il souhaiteQue nous connaissions, que nous voyions.

    Derrire les portes se tient un messager.

    Il nous apporte quelque chose."Laissez-nous entrer, gardes !""Impossible !" nous a-t-il t dit.Et les portes sont restes fermes.Malgr tout, nombreuses furent les portesQue nous passmes. Nous nous fraymes un cheminEt "Possible" resta derrire nous.Les gardes aux portes nous arrtrent.

    Ils supplirent. Ils menacrent.Ils nous mirent en garde. "Impossible !"Nous avons explor de tout ct. "Impossible !"

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    Tout est impossible ? Tout impossible ?Impossible tous ?Et seulement derrire nous "Possible ?"Mais aux dernires portes

    Il sera inscrit "Possible !"Et derrire nous "Impossible ""Ainsi inscrivez !" commanda-t-IlSur les Dernires Portes.

    1916

    LE MENDIANT

    minuit notre Roi est arriv.Il s'est retir dans sa chambre, dit-on.Au matin le Roi s'est ml la fouleEt nous ne le savions mme pas.Nous n'avons pas russi le voir.Nous devions apprendre sesCommandements.

    Mais peu importe; dans la foule nous approcheronsEt Le touchant, nous dirons et demanderons :"Quelle multitude ! Comme sont innombrables les rues !Que de routes et de traces ! Voyez,Il pourrait aller loin.Et retournera-t-il encore dans sa chambre ?"

    Partout des traces de pas sur le sable

    Pourtant nous arriverons les distinguer.Un enfant a pass. Ici une femme avec un fardeau.Ici, aucun doute, un boiteux. Il s'est prostern.Est-il possible que nous n'arrivions pas distinguer ?Le roi, toujours, a sa cour.Nous distinguerons les empreintes de ceux qui se prosternent.Ici le pas tranchant d'un guerrier.Aucune ressemblance ! Plus vaste

    Est la cour du RoiEt plus calme le maintien.Bien orientes seront les marques de la cour.

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    D'o sont venus tant de gens ?Comme s'ils s'taient entendus pour croiser notre chemin.Mais il faut se hter.Je vois une empreinte majestueuse, accompagne par

    Une cour paisible et mesure.Pas de doute,C'est notre Roi. Nous devons allonger le pas pour nousrenseigner.Nous avons jou des coudes pour passer devant.Nous nous sommes presss.Mais, avec la cour, majestueusement marchaitUn mendiant aveugle.

    1916

    TRACES

    Nous atteindrons le Roi dans la fort -Nul ne nous en empchera.L nous Lui demanderons.

    Mais toujours le Roi marche seulEt la fort regorge de traces.On ne sait pas qui a pass par ici.Les habitants de la nuit sont passs.En silence ils ont gliss et s'en sont alls.Le jour, la fort est dserte.Silencieux les oiseaux. Silencieux le vent.Loin notre Roi est all.

    Muets sont les chemins etLes traces.

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    PUIS-JE LES CROIRE ?

    Pouvons-nous croire ? -

    Finalement nous avons apprisO le Roi est all :A la vieille place carre aux trois tours.L Il enseignera.L Il donnera Ses commandements.Il parlera une fois. Le RoiN'a jamais parl deux fois.

    Nous nous prcipiterons vers la placeNous passerons par une ruellevitant ainsi les foules presses.Nous parviendrons la base de laTour du vent. Ce chemin est inconnuA la plupart.Partout il y a du monde.Tous les raccourcis sont envahis par la foule.Autour des portes d'accs les gens se bousculentEt, l, dj Il parle.Nous n'irons pas plus loin.Qui est arriv le premierPersonne ne sait.Par moments, on aperoit vaguement la tour.Parfois il semble que la Parole Royale [le Mot]Rsonne. Mais non.On ne peut entendre les paroles du Roi.Les gens se les transmettent,De l'un l'autre.Une femme - un guerrier.Un guerrier - un grand seigneur.Un cordonnier, mon voisin, -A moi.Les entend-il correctementDu marchandDebout sur le perron ?Puis-je les croire ?

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    DEMAIN ?

    Je connaissais tant de choses utiles

    Et maintenant je les ai toutes oublies.Comme un voyageur dpouillComme un mendiant qui a perdu ses biens.En vain je me souviens des richessesQui depuis longtemps taient miennes;Je m'en souviens l'improviste,Sans y penser,Sans savoir quand cette connaissance perdueRessurgira.

    Hier encore je connaissais beaucoup de chosesMais pendant la nuit tout s'est obscurci.En vrit, le jour avait t long.Longue et sombre fut la nuit.Puis vint le matin parfum,Frais et merveilleux,Illumin par ce nouveau soleil.J'oubliai et fut priv de ceQue j'avais accumul.Sous les rayons du nouveau soleilToute la connaissance a fondu.A prsent, je ne distingue plusL'ennemi de l'ami.Je ne sais plus quand le dangerMenace. Je ne sais plus quandViendra la nuit. Et le nouveau soleilJe ne pourrai pas le regarder en face.Tout cela je le savais auparavant,Mais maintenant je suis orphelin.

    Dommage que je ne puisse reconnatreL'indispensable avant demain.Mais aujourd'hui est encore longQuand viendra donc -Demain ?

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    LE TEMPS

    Dans la foule, il nous est difficile de marcher.

    Tant de forces et d'envies hostiles.De sombres cratures se sont abattuesSur les paules et les visages des passants.Nous irons l'cart; lSur la colline o se dresse la colonneAntique - nous nous assirons.Ils passeront ct.Toute cette engeance s'arrtera en basEt nous attendrons.

    Et si surgit le messageDes signes sacrs.Il faudra aussi nous hter.S'ils se prcipitentNous nous lveronset leur rendrons hommage.Nous aiguiserons notre regard, notre coute,Nous tendrons notre force, notre volont,Alors nous descendronsQuand viendraLe Temps

    DANS LA FOULE

    Mon habit est prt. A prsentJe mets le masque.Ne t'tonne pas, mon ami, si le masqueFait peur. Ce n'est qu'unMasque. Nous devonsQuitter notre maison. QuiAllons-nous rencontrer ? Nous ne savons pas.Pourquoi nous montrer ?Face aux assaillants nousNous dfendrons avec le bouclier.

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    Le masque te drange ?Il ne me ressemble pas ?Sous le sourcil on ne voit pasL'clat de l'oeil ? Le front est

    Creus de sillons ?Mais trs vite nous enlveronsLe masque. Et nous nous sourirons.Maintenant nous allons entrerDans la foule.

    1918

    EN VAIN

    Invisibles sont les Signes Sacrs.Laisse reposer tes yeux.Ils sont fatigus, je sais. Ferme-les.Je regarderai pour toi. Je te diraiCe que je vois. Ecoute !A l'entour s'tend la mme plaine.

    Les buissons ples frmissent.Les lacs scintillent comme de l'acier.Indiffrentes, les pierres restent muettes.Glaces dans la prairie elles tincellent etFrissonnent. Froids sont les nuagesQui se replient en un sillon. Ils passent.Ils savent, ils se taisent,Dans l'immensit ils gardent.

    Je ne vois pas d'oiseaux.Le cerf ne court pas dans la plaine.Comme avant, il n'y a personne.Personne ne vient. Pas unSigne. Pas un voyageur.Je ne comprends pas. Je ne vois pas.Je ne sais pas.Tu fatiguerais tes yeux

    En vain.1918

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    DANS LA DANSE

    Redoute le calme lorsqu'il se mettraEn mouvement, les vents parsLorsqu'ils tourneront la tempte. La paroleLorsqu'elle s'encombrera de mots absurdes.Tremble lorsque dans la terre, comme un trsor,Les gens enfouiront leurs richesses.Redoute, lorsqu'ils ne croirontLeurs biens en sret queSur eux. Redoute lorsque, tout cot,Les foules s'assemblent. Lorsqu'elles ne cherchent plusA comprendre, et allgrement dtruisentCe qui tait acquis.Et aisment mettent excution leurs menaces.Lorsque votre connaissance ne sera pas transcrite.Lorsque les crits deviendront fragiles,Et les mots pernicieux, Ah mes voisins !Vous vous tes leurrs.Vous avez tout ruin. Il n'y a pas de mystreAu-del du prsent. Et avec le fardeau du malheur

    Vous tes alls errants conqurirLe monde. Dans votre folie vous avez appelLa femme la plus hideuse "dsire" !Petits malins qui dansezVous tes prts vous perdreDans la danse.

    1916

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    JE M'LEVERAI

    Une fois encore mon appel retentira.

    O tes-vous alls loin de moi ?A nouveau je ne vous entends plusVos voix se sont teintesSur les rochers. Je ne distingue plusVotre voixDe la branche qui craque -D'un oiseau qui s'envole. Mes appelsSe sont perdus.Je ne sais si vous voulez continuerMais je dsire toujours ardemmentAtteindre le sommet. Les pierresDj sont nues. Les mousses se fontPlus rares, et le genvrier a sch.Vos cordes me seraient d'un grand secours;Mais, mme seul,Je m'lverai.

    1917

    TU VERRAS

    Qu'est-ce qui me chauffe le visage ?Le soleil brille. Notre jardin s'emplit de chaleur.

    Qu'est-ce qui bruisse l-bas ?C'est la mer. Bien qu'on ne la voit mme pasDerrire la roche.

    D'o vient ce parfum d'amandes ?Le merisier s'est panoui.Les arbres ne sont plus que fleurs blanches.Les pommiers aussi sont en fleurs.

    Toutes les couleurs resplendissent.Qu'y a-t-il devant nous ?

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    Tu es sur une butte.L-devant s'tend le jardin en penteDerrire la prairie, le bleu de la mer,

    De l'autre ct des collines etDes forts, la tache sombre des montagnesde pins. Les contours s'estompentDans le bleu lointain.

    Quand verrai-je tout cel ?DemainTu verras.

    1917

    LE GARDIEN DU SEUIL

    "Gardien, dis-moi pourquoiFermes-tu cette porte ?Que gardes-tu inlassablement ?"

    "Je gardeLe secret de la quitude""Mais la quitude est vide.Des gens dignes de confianceL'ont dit : 'Il n'y a rien'.""Je connais le secret de la quitudeEt j'ai pour mission de le garder""Mais la quitude est vide !"

    "Pour toi, elle est vide !" rpondit le gardien du seuil.

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    LA CL DES PORTES

    "Un enchanteur, je serai aujourd'hui

    Et je transmuerai l'chec en succs"Les silencieux se mirent parlerCeux qui allaient partir revinrent.Les hostiles se mirent hsiterLes menaants s'adoucirentSe posant comme des colombes, des pensesFurent reues pour gouverner le monde.Les paroles les plus pacifiques soulevrentUne tempte. Et tu marchais comme l'ombre deCe qui devait arriver.Et tu deviendras un enfantPour que la honte ne te gne pas.

    Tu t'asseyais aux carrefoursAccessible tout chenapan.Tu demandais qui voulaitTe dfier ? ... Est-ce tonnant ? ...Un bon chasseur trouveraUne proie digne. Il la trouvera sans peur.

    Mais atteignant mon but,En partant, je sais que je ne vous ai pasTous vus. Les meilleuresRencontres sont restes sansLendemain. Et bien des bravesSont passs ct ouNe sont pas encore arrivs. Mais je ne les connaissais pas.Dguis, je m'asseyais parmi vous.Et vous vous enveloppiezDans diffrents vtements. SilencieusementVous gardiez les cls rouillesdes portes.

    1917

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    LUI

    Finalement, j'ai trouv l'ermite.

    Tu sais comme il est difficileDe trouver, ici sur terre, un ermite.Je lui demandai s'il me montreraitLe sentier et s'il accepteraitGracieusement mes uvres ?

    Il me fixa longuement et me demandaDe toutes mes possessionsCe que j'aimais le plus.

    "Ce que j'aime le plus ?" rpondis-je"La Beaut".

    "Ce que tu aimes le plus,Tu dois l'abandonner"

    "Qui l'ordonne ?" demandai-je

    "Dieu" rpondit l'ermite.

    "Que Dieu me punisseJe n'abandonnerai pas la BeautQui nous conduiraA Lui"

    1920

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    NOTRE CHEMIN

    Voyageurs, nous suivons prsent

    Une route de campagne. Les fermesSuccdent aux champs et aux bois.Des enfants gardent les troupeaux.Ils s'approchent de nous.Un garon nous donne des airellesDans une corbeille tresse.Une fillette nous tend une poigneD'herbes odorantes. Un petit garsNous abandonne sa canne sculpte.Il pense qu'ainsiNous marcherons d'un pas plus lger.

    Nous continuons.Jamais plus nous ne rencontreronsCes enfants.Frres, nous nous sommes peine loignsDes fermes,Que dj les cadeaux vous ennuient.Vous avez parpill les herbes odorantes.Vous avez cass la jolie corbeilleVous avez jet dans le foss la petite canneOfferte par le jeune garon. A quoi nousServirait-elle ? Sur notre long chemin.

    Les enfants n'avaient rien d'autre.Ils nous ont donn ce qu'ils avaientDe mieux pour adoucirNotre chemin.

    1917

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    JE NE L'OUVRIRAI PAS

    mon ami, cesse de sourire.

    Tu ne sais pas ce queJ'ai cach ici.J'ai rempli ce coffreSans toi. Sans toi,je l'ai recouvert d'une toileEt j'ai tourn la clef dans la serrure.Tu ne pourras obtenir de rponseDe personne d'autre.Parle, si tu veux,Mais tu mentirais.Invente, falsifie, ton gr.Le coffre, prsentJe ne l'ouvrirai pas

    1917

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    LUEURS : LE MESSAGER

    GOUTTES

    Ta grce emplitMes mains. En abondance elle couleEntre mes doigts. Je ne peuxTout retenir. Je n'arrive pas distinguerLe flot tincelant de la richesse. TonOnde bienveillante, travers mes mains, s'coule

    terre. Je ne vois pas qui recueilleraLe prcieux fluide. Ces embruns,Sur qui tomberont-ils ? Je n'aurai pas le tempsD'arriver la maison. De toute la grce,Dans mes mains fermement serres,Je n'emporterai que desGouttes.

    1920

    C'EST L'HEURE

    Lve-toi, mon ami. Le message a t reu.Fini, ton repos.Je viens d'apprendre o l'on gardeL'un des Signes Sacrs.

    Pense la joie siNous pouvons trouver l'un des signes.Avant le lever du soleil, nous devrons partir.Dans la nuit, nous devons tout prparer.Regarde le ciel de la nuit ...Il est plus beau que jamais auparavant;Je ne me souviensD'aucun ciel semblable.

    Rien qu'hierCassiope tait triste et embrume.

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    Aldbaran clignotait terriblementEt Vnus ne se montrait pas.A prsent, elles scintillent toutes.Orion et Arcturus resplendissent.

    Loin derrire AltarDe nouveaux signes toilsBrillent et l'clatDes constellations est clair et transparent.Ne vois-tu pasLe chemin vers ceQue, demain, nous trouverons ?Les masses stellaires sont veilles.Saisis ta chance.Nous n'aurons pas besoin d'armure.Attache bien tes chaussures,Serre bien ta ceinture,Notre chemin sera pierreux.L'Est s'embrase.Pour nous,C'est l'heure.

    1916

    TOI QUI ENTRANES

    Toi, qui viens dans le calme de la nuitOn dit que tu es invisibleMais ce n'est pas vrai.

    Je connais des centaines de gensEt chacun T'a vu,Ne serait-ce qu'une fois.Quelques pauvres ignorantsN'ont pas russi voir Ton image,Changeante, aux multiples facettes.Tu ne veux pas perturber notre vie.Tu ne veux pas nous terrifier

    Et Tu passes dans le calme et le silence.Tes yeux peuvent foudroyerTa voix peut tonner

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    Et Ta main se faire lourdeMme pour la pierre noire.Mais Tu ne foudroies pasTu ne tonnes pas.

    Tu n'apportes pas la dsolation. Tu saisQue la destruction s'estompe devant la paix.Tu sais, que le silence crie plus fort que le tonnerre.Tu sais, dans le calme, Toi qui viensToi qui entranes.

    1916

    AU MATIN

    Je ne sais pas, Je ne peux pas.Quand je veux, je pense --Quelqu'un veut-il plus fort ?Quand j'apprends --Quelqu'un ne sait-il pas encore mieux ?Quand je peux --

    Quelqu'un ne peut-il pasMieux, plus fond ?Et voil, je ne sais pas, je ne peux pas.Toi, qui viens dans le calme,Dis en silence ce que je voulais dans la vieEt ce que j'ai accompli.Pose Ta main sur moi -- nouveau, je pourrai, je voudrai,

    Et ce que j'aurai voulu la nuitMe reviendraAu matin.

    1916

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    LA GRCE

    Accepte mon offrande, cher ami !

    Je l'ai accumule force de travailEt de science. Pour la donner,Je l'ai fabrique. Je savaisQue je l'offrirai. mon offrande, tu ajouterasLes joies de l'esprit, le silence et la paix. l'heure o ton esprit s'lvera, porte tes regardsSur mon offrande.Et si tu veux ordonner ton serviteurD'apporter l'offrande, nomme-lala Grce.

    1918

    OUVRE

    Sur tes tagres le long du mur

    Il y avait de nombreuses fioles.De toutes les couleurs. Toutes fermes avec soin. Certainestaient emballes serr pour que la lumire ne passe pas.Je ne sais ce qu'elles contiennent.Mais tu les gardes farouchement.Quand tu restes seul la nuit,Tu allumes et inventesUne nouvelle formule.

    Tu sais quoi servent ces potions.J'ai besoin de ton aide.Je crois en tes potions.Ouvre celle qui peut m'tre utile,Ouvre

    1910

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    J'AI LAISS

    Je suis prt prendre la route

    J'ai laiss tout ce qui m'a appartenu.Vous le prendrez, mes amisMaintenant je vais une dernire foisFaire le tour de ma maison. Pour la dernire foisJe regarderai mes affaires. Je jetteraiUn dernier regard sur les portraits de mes amis.Pour la dernire fois. Je sais djQu'il ne reste plus rien moi ici;Mes affaires, tout ce qui me gnait,Je le donne de bon cur. Sans elles,Je me sentirai plus libre. Je me tourneraiVers Celui qui m'appelle, une fois libr.Maintenant je vais une fois encoreTraverser la maison. Je regarderai une fois encoreCe dont je me suis libr.Je suis libre et affranchiEt ferme dans ma dcision. Les portraits de mes amis,La vue de mes anciennes affaires ne m'branle pas.J'avance. Je me hte.Mais, une fois, une fois encore,Une dernire fois, je ferai le tour de tout ce queJ'ai laiss.

    1918

    LUMIRE

    Comment verrons-nous Ton visage ?Ce visage omniprsent,Plus profond que les sentiments et l'esprit.Impalpable, inaudible,Invisible. J'en appelle

    Au cur, la sagesse et au labeur.Qui a reconnu ce qui ne connatNi forme, ni son, ni got,

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Qui n'a ni dbut ni fin ?Dans la pnombre, quand tout s'arrteraTout, la soif du dsert et le selDe l'ocan ! J'attendrai Ta clart.

    Devant Ton visageLe soleil ne brille pas. Ne brilleLa lune. Ni les toiles, ni la flamme,Ni l'clair. L'arc-en-ciel ne resplendit pasNi l'aurore borale.L o brille Ton VisageTout brille de ta lumire.Dans la pnombre tincellentLes parcelles de Ta clartEt dans les yeux closLuit ta merveilleuseLumire.

    1918

    COMMENT S'LANCER ?

    Magnifiques oiseaux de Soma (1)Vous n'aimez pas la terre. JamaisVous ne descendrezSur terre. Vos poussinsNaissent dans les nidsDe nuages. Vous tes plus prs du soleil.Pensons lui qui tincelle.

    Mais les dvas terrestres font des miracles.Sur les sommets des montagnes et au fondDes mers, cherche-les patiemment. TuTrouveras la bonne pierreDe l'amour. En son curCherche Vrindavan (2), le sjourDe l'amour. Cherche patiemmentET tu trouveras. Et que pntre

    En nous le rayon de la sagesse. AlorsTout ce qui se meut s'affermira,L'ombre deviendra corps.

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    L'esprit de l'air se tourneraVers les terres. Le rveDeviendra pense. Nous ne serons pasEmports par la tempte. Nous retiendrons

    Les chevaux ails du matin.Nous dirigerons les lans des ventsDu soir. Ta Parole est un ocanDe vrit. Qui dirigeNotre vaisseau vers le rivage ?Que la Maya ne vous pouvante. SaForce extraordinaire et son pouvoir,Nous les surmonterons. coutez !coutez ! Vous avez finiVos discussions et vos disputes ? AdieuAraniani (3), adieu l'argentEt l'or du ciel ! Adieu,Chnaie paisible !Quelle chanson t'crire ?Comment s'lancer ?

    1916

    Notes :Soma : divinit du ciel

    TON SOURIRE

    Sur le quai, nous nous sommes embrasss, avons fait nos adieuxLa nef (1) a disparu dans les vagues dores

    Nous, nous sommes sur l'le. La vieille maison est nous.La cl du sanctuaire, c'est nous qui l'avons. La grotteEst nous. nous, les greniers, les rserves et les mouettes. nous, les mousses. nous, les toiles au-dessus de nous.Nous ferons le tour de notre le. Nous ne rentreronsQu'au soir au bercail. DemainMes frres, nous nous lverons tt.

    Si tt que le soleil ne sera pasIllumin de sa grande clart.Que la terre s'veillera peine.

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Les hommes dormiront encore.Librs, loin de leurs soucis,Nous serons conscients de nous-mmes.C'est comme si nous avions cess

    D'tre des hommes. Nous nous approcherons de la limiteEt nous regarderons. Dans le silence et sans un mot.Et celui qui se tait nous rpondra.Matin, dis ce que tu as laiss partirDans la pnombre et ce qu'accueille de nouveauTon sourire.

    1916

    Note Ladia : vaisseau russe ancien ressemblant un drakkar on en voitdans les tableaux de Rorich

    SANS AVOIR COMPRIS

    Je ne sais pas quand ta parole est forte.Parfois tu deviens ordinaire.

    Et tu restes tapi parmiLes bents qui en saventSi peu. Parfois tu parles et on croiraitQue tu ne te dsoles point de ne pas tre compris.Parfois tu regardes celui qui ne sait pasAvec tant de tendresse que j'envieSon ignorance. Comme si tu ne te souciais pasDe montrer ton visage. Et quand

    Tu coutes les paroles de la veilleTu baisses mme les yeux, comme pourChercher les mots les plus simples.Qu'il est difficile de deviner toutes tesIntentions. Qu'il est malais de te suivre.Hier, par exemple, quand tuParlais aux ours, il m'aSembl qu'ils sont partis

    Sans avoir compris.1920

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    JE PRSERVERAI

    Viens, viens plus prs de moi, Etre radieux,En rien, je ne t'effrayerai.Hier tu voulais m'approcher,Mais mes penses erraient et mon regardFuyait. Je ne pouvaisTe voir. Alors que tu tais dj parti,J'ai ressenti ton souffle,Mais c'tait dj trop tard. Aujourd'huiJ'abandonnerai tout ce qui me gnait.J'immergerai mes penses dans le calme.Plein de joie de l'esprit, je pardonnerai tous ceuxQui m'ont tracass aujourd'hui. Calme,Je resterai calme. Rien ne me gne.Les sons de la vie fortuite ne meDrangent pas. J'attends. Je sais que tuNe m'abandonneras pas. Tu viendras moi. Ton image en silenceJe prserverai.

    1917

    ET L'AMOUR

    Et l'amiti, qu'en est-il advenu ?Alors que j'ai t admisDans le sjour aux cent portes !

    Si ton ami, jadisAim de toi, t'a courrouc,Ne le punis pas, Puissant,Pour ses fautes. Tout le monde affirmeQue tu t'es dtourn. En est-ce bien ainsi ?Quand mon cur rassurTe verra-t-il rconcili ? Accept !Tu connais la source de mes paroles.Voici mes pchs et mon bien !Je te les apporte en offrande.Prends-les tous.

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Voici ma science et mon ignorance !Prends-les toutes.Laisse-moi la fidlit que je te porte !Voici la puret et la souillure !

    Je ne veux ni l'une ni l'autre !Voici les bonnes et les mauvaises intentions.Je t'apporte les unes et les autres.Les rves qui induisent en tat de pchEt les songes de vrit, je te les donne.Fais en sorte qu'il me resteLa fidlit que je te porteEt l'amour.

    INSONDABLE

    Toi, le Puissant, prsent en tout lieu et en tout.Tu nous veilles la lumire, la nuit, Tu nous glisses dans le sommeil,Tu nous guides dans notre errance.

    Aller l'aventure nous plaisait.Trois jours, nous errmes.Nous avions du feu, des provisions et des vtements.Autour de nous maints oiseaux et cerfs sauvages.Quoi de plus ? Au-dessus de nous les couchers de soleil,Les levers, le vent parfum, charg d'effluves.D'abord nous traversmes une large valle.Verts taient les champs et bleus les lointains.Puis des forts et des marcages moussus.La bruyre fleurissait.Des mousses rouilles nous nous dtournmes.Nous vitmes des gouffres insondables. Nous nous basionsSur le soleil. Il se voile.Nous coutons le vent. Sur le versant humide,Les rafales nous assaillaient. Le vent se calma.La fort s'claircit. Nous suivmesUne crte rocheuse. Comme des os blanchisRsistaient les genvriers. Sous laLumire, des masses de rochers veins se pressaient

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    En un lent travail de cration.Elles descendaient et se jetaient enCascades. Au-del de la crte rocheuse,On n'y voyait rien. La nuit tombait.

    Sur les marches du temple gigantesque,Nous devions descendre. Des nuages. ToutS'assombrit. En-dessous la brumeS'tendait. Les pas de la descenteSe faisaient de plus en plus abrupts.Avec difficult, nous glissonsSur la mousse. Plus bas, le pied ne peutRien toucher. Ici, nous devonsPasser la nuit. Sur le parapet moussuNous dormirons jusqu'au matin. Une longueNuit paisible.

    En nous veillant, nous n'entendmesQue le sifflement confus de vols.Rgulirement rsonnait une lointaine plainte.L'Est s'illumina.Les nues couvraient la valle.Aigus comme de la glace,En masse bleues, elles se dressaientSerres. Pendant longtemps, nous demeurmes assisHors du monde. Jusqu' ce queLe brouillard se disperse.Au-dessus de nous s'levait la paroi.En-dessous bleuissait un abmeInsondable.

    1918

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    AMOUR ?

    Quelle journe ! Tant de gens la fois

    Vinrent vers nous.Ils amenrent avec euxDes inconnus. Avant leur venue,Je ne pus poser de questions leur sujet.tonnants, ils parlaientDes langues inconnues.Et je souriais, coutantLeurs mots tranges.La langue de certainsRessemblait au cri des aiglesDes montagnes. D'autres sifflaientComme des serpents. L'aboiement des chiensJ'ai parfois reconnu.Comme du mtal tincelaient leurs paroles. Les motsDevenaient menaants. travers euxTonnaient les pierres des montagnes travers eux, tombait la grle travers eux chantait la cascade.Et je souriais. Comment pourrai-jeConnatre le sens de leurs paroles ? Eux,Dans leur propre langage, peut-tre,Rptaient le mot qui nous est si cher :Amour.

    1920

    TU NE T'ES PAS LOIGN

    Tu m'as laiss le travail commenc.Tu as voulu que je le poursuive.Je sens ta confiance en moi.J'y mettrai toute mon attention

    Et tout mon srieux. Car Toi-mmeTu faisais ce travail. Je m'assirai ta table. Je prendrai ta plume.

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Je disposerai tes affaires commeAvant. Puissent-elles m'aider !Mais tu ne m'as pas dit grand-choseQuand tu es parti. Sous les fentres rsonnent

    Le vacarme et les cris des marchands.Le lourd pas des chevaux surLes pavs. Et le fracas des rouesBrinquebalantes. Le sifflement du ventSous le toit. Le grincement des filetsSur les quais. Et des ancresLe choc lourd. Et les crisDes oiseaux marins. Je n'ai pas pu te demander :Tout cela te gnait-il ?Ou bien puisais-tu ton inspirationDans la vie. Pour autant que je sache,Dans toutes tes dcisions, de la terreTu ne t'es pas loign.

    1919

    JE REMARQUE

    Un tranger est venu s'tablirPrs de notre jardin. Chaque matinIl joue de la harpe (1)Et chante sa chanson. Nous pensonsParfois qu'il rpteSa chanson; mais le chant de l'inconnu

    Est toujours nouveau. Et toujours des gensS'attroupent prs de sa porte.

    Du temps a pass ... Maintenant notre frreS'est mis travailler et notre surS'est fiance. Mais l'inconnuContinue de chanter.Nous allmes l'inviter

    chanter aux fianailles de notre sur.L-dessus, nous lui demandmesO il prenait les mots nouveaux

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Et comment, depuis si longtemps,Sa chanson tait toujours nouvelle.Il fut tonn, nous sembla-t-il, etLissant sa barbe blanche, il dit :

    "Il me semble que c'est hier seulementQue je suis venu m'tablir prs de vous. Je n'ai pas encoreEu le temps de dcrire ce qu'autour de moiJe remarque

    1919

    Note : gousli : sorte de harpe dont on pince les cordes

    UNE PERLE

    De nouveau, un messager. De nouveau un ordreDe Toi ! Et un cadeau de Ta part !Seigneur, Tu m'as envoyTa perle fine et m'a ordonnDe l'inclure mon collier.

    Mais tu le sais, Seigneur,Mon collier est factice.Il est long commeSeules les choses irrellesPeuvent l'tre. Ton tincelantCadeau parmi les ternes babiolesSe perdra. Mais Tu as command.J'obirai.

    O vous badauds, mon collier,donn par le Seigneur,se trouveUne perle !

    1920

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    POUR NOUS ?

    Dans la vie, il y a tant de prodiges !

    Chaque matin, prs de notre rive,Navigue un chanteur inconnu.Chaque matin, doucement derrire la brumePasse une lgre embarcation.Et un nouveau chant toujours rsonne.Et, comme toujours, le chanteurSe cache derrire le promontoire suivant.Il nous semble que nous pourrons jamaisSavoir qui estCe chanteur, ni vers quoi il vaChaque matin. Et pour quiChante-t-il son chant toujours nouveau?Oh, quel espoir emplitLe cur et pour qui chante-t-il ?Peut-tre,Pour nous ?

    1920

    RJOUIS-TOI

    Derrire ma fentre, le soleil nouveauBrille. D'arc-en-ciel sont vtusLes petits brins d'herbe.

    Sur les parois se dploientLes brillantes bannires de lumire. De joieFrmit l'air vigilant.Pourquoi n'es-tu pas tranquille, mon esprit ?Es-tu effray par ce que tu ne comprends pas ?Pour toi, le soleil s'est couvert d'obscurit. Et la danseDes joyeux brins d'herbe a cess.

    Mais hier, tu en savais si peu, mon esprit. Juste autantQue ton ignorance. cause de la tempte

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Tout tait si pauvre que tuTe croyais riche. Et le soleilA brill pour toi aujourd'hui. Pour toiLes bannires de lumire se sont dployes.

    Les brins d'herbe t'ont apport la joie.Tu es riche, mon esprit. La connaissanceVient toi. L'tendard de lumireBrille au-dessus de toi.Rjouis-toi !

    1918

    PAR LE SOURIRE ?

    Messager, mon messager !Tu es l et tu souris.Et tu ne sais pas ce que tu m'as transmisTu m'as apport le donDe gurir. Chacune de mes larmesGurira les plaies du monde.

    Mais, Seigneur, o puiserai-jeTant de larmes et quelle plaie du mondeAccorder le premier torrent ?Messager, mon messager, tu te tiens lEt tu souris. Me donnerais-tuL'ordre de gurir les malheursPar le sourire ?

    1921

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    JEUNESSE : AU GARON

    L'TERNEL

    Mon garon, tu disQue, vers le soir, tu te tiens prt partir.Ne tarde pas, mon garon bien-aim,Au matin, nous partirons avec toi.

    Nous entrerons dans la fort parfume

    Au milieu des arbres silencieux,Dans le froid miroitement de la rose.Sous d'tranges et clairs nuagesNous prendrons la route avec toi.Si tu tranes, cela signifieQue tu ne sais pas encore queL se trouve le commencement, la joieLe primordial et

    L'ternel.1916

    LUMIRE

    Mon garon, avec un sincre chagrin,Tu m'as dit que le jour raccourcit

    Que, de plus, le jour s'assombrit.C'est qu'une nouvelle joie peut jaillir :L'exultation pour la naissance de la lumire.La joie venir, je la connais.Nous devons l'attendre patiemment.Maintenant, comme le jour raccourcit,Sans parole, attrists, nous disons au revoir la lumire.

    1916

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    LA BAGUETTE

    Tout ce que j'ai entendu de mon grand-pre

    Je te le rpte, mon garon.De son grand-pre, l'a aussi entendu mon grand-pre.Tous les grands-pres parlent;Tous les petits-fils coutent. ton petit-fils, mon cher enfant,Tu rpteras tout ce que tu apprends.

    On dit que le septime petit-fils accomplira.Ne te ronges pas trop siTu ne fais pas comme je t'ai dit.Souviens-toi que nous sommes encore des tres humains.Mais je peux te fortifier.Casse une branche de noyer,Porte-la devant toi. voir sous le sol, elle t'aidera,Celle que je t'ai donne :La baguette.

    1915

    TU ES ENVOY

    N'approche pas d'ici, mon garon.Au coin de la rue, les grands jouent,

    Ils crient et jettent diverses choses.Ils peuvent aisment te tuer.Ne touche ni les gens, ni les btes sauvagesQuand ils jouent.Les jeux des grands sont cruels,Ils ne ressemblent pas aux tiens.Rien voir avec ton berger de boisEt les tendres agneaux la laine colle.

    Attends, les joueurs vont se lasserLes jeux des hommes vont se terminer,Et tu iras l o

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

    38/74

    Tu es envoy.

    1910

    ORNE-LA

    Mon garon, prends garde aux choses.Souvent, l'objet que nous possdonsEst rempli de piges et de malicePlus dangereux que tous les bouleversements.Nous transportons avec nous, pendant des annes,Une chose malfaisante

    Sans savoir que c'est notre ennemi. l'avis de proprit,Un petit couteau est toujours hostile,Hostile aussi un bton.Souvent un bouleversement peut surgirDe lampes, bancs et verrous.Les livres disparaissent, nous ne savons pas o.Au bouleversement parfois adhrent

    Les objets les plus paisibles;S'en protger est impossible.Dans la crainte d'une vengeance mortelleOn vit de longues annes,Et dans les heures de mditation et de solitudeVous caressez l'ennemi.Si les gens nous pargnent,L'on est impuissant contre les objets.

    De toutes couleurs brillent tes possessions.Ta vie de bienveillanceOrne-la.

    1915

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    DANS LA TERRE

    Mon garon, reste calme.

    Le prtre a dit une prire pour celui qui est parti.Il a dit une prire muette.Il lui a parl ainsi :"Toi, l'ancien, imprissable,Toi, immortel, ternel,Toi qui luttes pour les hauteursJoyeux, renouvel."

    Les parents objectrent :"Prie haute voixQue nous puissions entendre.La prire nous console."

    "Ne drangez pas. Je vais terminer,Ensuite je parlerai haute voixEt m'adresserai au corps, qui est allDans la terre."

    1915

    NOUS NE POUVONS PAS

    Tu crois que tu as fini ?Rponds trois questions : comment dcouvrir

    Combien d'annes vit un corbeau ? l'toile la plus lointaineQuelle est la distance ?Qu'est-ce que je dsire prsent ?

    Ami, de nouveau, nous ne savons pas.De nouveau, tout est inconnu.De nouveau, nous devons recommencer.

    C'est finir queNous ne pouvons pas

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    1916

    TU NE TUERAIS POINT ?

    Le garon a tu un scarabe,Il voulait l'examiner.Le garon a tu un oiseauPour l'tudier.Le garon a tu un animal,Seulement pour voir.

    Le garon demandait s'il pouvait aussi,

    Pour le bien gnral et pour voir,Tuer un homme.

    "Si tu as tu un scarabe, un oiseau, un animal,Pourquoi un hommeTu ne tuerais point ?"

    1916

    NE COMPTE PAS

    Mon garon, ne donne pas d'importance une querelle.Souviens-toi, les adultes sont des gens tranges.Ayant dit l'un de l'autre le plus de mal possible,Demain ils sont prts appeler amis leurs ennemisEt offenser leur ami, leur sauveur.

    Convainc-toi que les tortsDes gens sont superficiels. Pense le mieuxD'eux - mais, ennemis et amis,Ne compte pas.

    1916

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    NE TE BOUCHE PAS LES YEUX

    Se penchant au-dessus du puits,

    Les garons s'exclamaient avec extase :"Quel beau ciel !Comme il se reflte !Il est plein de couleurs, sans fond !"

    Mon cher garon,Seul le reflet t'enchante.C'est assez pour toi - ce qui est en bas.Mon garon, ne regarde pas en bas,Vers le haut, tourne les yeux :Apprends regarder le grand ciel.De tes propres mains,Ne te bouche pas les yeux.

    1916

    SOUS LA TERRE

    nouveau, nous trouvmes des crnes.Mais sur eux, aucun signe n'apparaissait.L'un tait fendu parUne hache. L'autre percPar une flche. Mais, ils ne nous sont pas destinsCes signes. En foule,

    Ils gisaient, sans nom, tousSe ressemblant. En dessousIl y avait des pices de monnaie parpilles,Effaces taient leurs faces.

    Cher ami, tu nous as guidsFaussement. Les signes sacrsNous ne les trouverons pas

    Sous la terre.1907

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    ALORS

    Tu te trompes, mon garon. Il n'y a pas de mal.Les Grands Etres n'ont pu crer le mal.Il y a l'imperfection.Mais c'est aussi dangereux que ceque tu appelles le mal.Il n'y pas de roi des tnbres ou de dmonsMais avec chaque acteD'ignorance, de fausset, de colreNous crons des cratures sans nombre,D'aspect horrible et terrifiant,Hideuses et assoiffes de sang.

    Elles nous suivent,Nos crations ! Leurs dimensionsEt leur aspect sont crs par nous.Prends garde de dtruire leur multitude.Tes cratures vont commencerPar te dvorer. ... Fais attentionEn contactant la foule. Il est dur de vivre,

    Mon garon ; rappelle-toi l'ordreDe vivre, de ne pas avoir peur, d'avoir confiance,De rester libre et fort.Ensuite, tu russiras aussi aimer.Les cratures de l'ombre ne prospreront pasAvec ceci. Elles se fltriront et prirontAlors.

    1916

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

    43/74

    IL T'AIDERA

    Mon garon, nouveau, tu as fait erreur.

    Tu as dit queTu ne crois qu' tes impressions.C'est louable au dbutMais comment compter sur des motionsQui te sont encore inconnuesMais qui me sont connues.Et dans les premires sensations,Que tu possdes,Ainsi que tu le penses -Rellement, tu n'es pas encore parfait.

    Es-tu matre de ton oue ?Ta vue est encore dfectueuse.Grossier est ton toucher.Parmi les sensations inconnues,Si tu ne me crois pas,Je te montrerai une goutte d'eauQue tu examineras seul de tes yeux.Te parlerai-jeDe l'air habit ? Tu souris.Tu restes silencieux. Tu ne rponds pas.Mon garon, invoque plus souventLe conseil de l'Esprit.Dans la vie,Il t'aidera.

    1916

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    PLAISE DIEU

    Approche, mon garon, n'aies pas peur.

    Les adultes t'ont appris craindre.Ils peuvent seulement faire peur.Tu as grandi sans peur.Le tourbillon et l'obscurit, l'eau et l'espace -Rien ne t'a fait peur.L'pe dgaine t'exaltait.Vers le feu, tu as tendu les mains.

    Maintenant, tu es pouvant;Tout devient hostile.Mais n'aies pas peur de moi.J'ai un ami secret;Tes craintes, il dissipera.Lorsque tu t'endormirasJe l'appellerai ton chevet -Celui qui appartient la puissance.Il te chuchotera un mot.Tu te rveilleras courageux.Plaise Dieu.

    1916

    DEVANT TOUT LE MONDE

    Tu voudrais pleurer et tu ne sais pasSi tu en as le droit. Tu crains de pleurerCar beaucoup de gens te regardent.Peut-on verser des larmesA la vue de tous ? Mais la source de tes larmesEst merveilleuse. Tu veux pleurerPour les innocents qui ont pri.Tu veux verser des larmes sur les jeunes guerriers

    Qui se battaient pour le bien. Pour tous ceuxQui ont donn leur vie pour la victoireD'autrui - pour le chagrin d'autrui. Tu

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Veux pleurer sur eux.

    Comment fairePour que les autres ne voient pas tes larmes ?

    Rapproche-toi.Je te couvrirai de mon manteauEt tu pourras pleurer.Mais je sourirai et tousCroiront que tu as plaisantEt ri. Peut-tre m'as-tu chuchotDes histoires drles.Rire, on le peutDevant tout le monde.

    1916

    L'TERNEL

    Pourquoi voulais-tu me direQuelque chose de dsagrable ? Ma rponse

    Est prte. Mais dis-moi d'abord.Pense bien. Dclare !Veux-tu ne jamais changerTa croyance ? Veux-tu rester fidle ceQue tu as lanc contre moi ?

    Quant moi, sacheMa rponse - je suis l pour oublier.

    Regarde, pendant que nous parlions,Dj tout, autour de nous, a chang.Tout devient neuf. Ce quiNous menaait, nous appelle maintenant.Ce qui nous appelait s'est vanoui.

    Nous-mmes, nous avons chang.Au-dessus de nos ttes, le ciel s'est transform

    Et a tourn le vent. Les rayons du soleilBrillent autrement. Frre, abandonnonsCe qui change rapidement. Autrement,

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Nous n'aurons pas le tempsDe tourner nos penses vers ce quiJamais ne change, de penser l'ternel.

    1917

    TU RPTES

    Tu es silencieux ? N'aies pas peur de parler.Tu penses que ton rcitJe le connais - que tu me l'as dit

    Dj maintes fois.

    C'est vrai, je l'ai entenduDe toi plus d'une fois.Mais caressants taient tes mots;Tes yeux brillaient doucement.Ton conte, rpte-le une fois de plus.

    Chaque matin, nous allons dans le jardin.Chaque matin, nous nous rjouissonsDevant le soleil. Et le vent printanierRpte son bruissement.De la chaleur du soleil, enveloppeTon cher rcit.Avec des mots qui embaument,Comme la brise du printemps,

    Souris dans ton rcit.Aies l'air aussi radieuxQue toujours, lorsque ton rcitTu rptes.

    1918

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    CHTEAUX ENFANTINS

    Sur une grosse colonne du temple se perche

    Une msange. Dehors les enfantsConstruisent avec du sable des chteauxImprenables. Que de soucis proposDe ce jeu ! Durant la nuit, la pluieA dtremp la forteresse et un chevalEst pass travers les murs. MaisPuissent, pour l'instant, les enfantsConstruire des chteaux de sable et une msangeSe percher sur la colonne.En allant vers le temple, je ne m'approcherai pasDe la colonne et j'viterai lesChteaux enfantins.

    1920

    ILS NE TUERONT PAS

    J'ai fait ce que je voulaisBien ou mal, je ne sais.Ne t'enfuis pas devant la vague, mon enfant.Si tu cours - elle dferlera, renversant tout.Fais face la vague et cambre-toiAccepte-la de pied ferme.

    Je sais, mon enfant, que mon heure est venueDe lutter. Forte est mon arme.Reste, mon enfant, derrire moi.De l'ennemi rampant, parle ...Ce qui est en face n'est pas terrifiant.De quelque faon qu'ils assaillentSois ferme. Toi,Ils ne tueront pas.

    1916

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    JE VOIS

    La lance, nous la planterons en terre.

    Finie la premire bataille;Puissante, mon pe bien trempe,Calme tait mon esprit et vaillant.Mais, durant la bataille, j'ai vu, mon enfant,Que tu tais distrait par le charme des fleurs.Lorsque nous rencontrons l'ennemi,Sois enflamm par le combat, mon enfant.Crois en l'approche de la victoire.D'un il ferme, d'acier,Porte un regard aigu autour de toi,Si le combat est ncessaire,Si la victoire habite ton esprit.

    Trouvons la joie dans les fleursRjouissons-nous du chant de la colombe;Dans le ruisseau, rafrachissons nos visages.Qui se cache derrire le rocher ?Au combat ! C'est un ennemi queJe vois !

    1916

    TU VEUX

    En signe de victoire, mon enfant,Ne t'habille pasD'un vtement clatant.La victoire a pass, mais la bataille viendra.Ils ne russiront pas te vaincre,Mais, certainement, viendra la rencontre.

    Regardant ta vie passe,

    J'aperois de glorieuses victoiresEt combien de signes douloureux !La victoire t'est destine,

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Si la victoire,Tu veux.

    1917

    ACCOMPLISSEMENT

    Rayonnant d'extase,Le garon apporta un message bienveillant.Tous devaient monter au sommet de la montagne.L'exode du peuple, voil ce qu'il avait ordre de dire.

    Un message sacr, mais mon cherPetit envoy, viteChange un mot.Quand tu auras t plus loinTu appelleras ton lumineuxMessage, non pas un "exode",Tu diras"Accomplissement"

    1914

    LAKCHMI LA VICTORIEUSE

    En un clair jardin vit la bienveillanteLakchmi. l'Est de la montagneZent-Lakhmo. Son travail est inlassable.

    Elle brode ses septVoiles de l'apaisement. CelaTout le monde le sait. TousVnrent Lakchmi, qui apporte le bonheur.Tous craignent sa surSiva Tandava. Elle est cruelle et terrifianteEt funeste. Elle dtruit.Horreur, voil que Siva Tandava arrive

    De derrire la montagne. La malveillante approche du temple.De Lakchmi. La malveillante s'est approche en silence.

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Et, prenant une douce voix, elle appelleLa Bienveillante. Lakchmi dlaisse sesVoiles. Elle sort l'appel.Les yeux de la bienveillante sont insondables. Ses cheveux

    Trs sombres, Ses ongles couleurD'ambre. Autour de ses seins et de ses paulesSe rpandent des armes tirs d'herbesChoisies. Lakchmi a le visage frais lav,Ses jeunes suivantes aussi. On dirait les statuesDes temples d'Adjanta aprs l'averse. MaisSiva Tandava est terrifiante,Mme si son apparence est pacifique.De sa gueule de chienne sortent des crocs,Son corps est couvert de poils inconvenants,Mme les rutilants bracelets de rubisNe peuvent rendre belle la malveillante SivaTandava. S'tant adouci la voix,La malveillante appelle sa sur bienveillante."Gloire toi, Lakchmi, ma sur !Tu as cr beaucoup de bonheur et deProsprit. Tu en as fait bien trop,Avec trop d'application. TuAs construit de villes et des tours. TuAs couvert les temples d'or. TuAs gay la terre de jardins. TuL'amie de la beaut. TuAs fait des riches et des gnreux. TuAs fait des pauvres mais qui reoiventEt en sont heureux. Le commercePacifique et les relations profitables, tuLes as organiss. TuAs invent des diffrences qui rjouissent les hommes. TuAs empli les mes d'une conscienceAgrable et fire. Tu es gnreuse !C'est avec joie que les hommes se crentDes semblables. Gloire toi ! Calmement,Tu observes les processions humaines.

    Il ne te reste plus beaucoup faire.Je crains que, sans travail, ton corps ne s'alourdisse,

  • 8/8/2019 Nicolas Roerich - Hieroglyphes

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    Et que tes beaux yeux ne deviennentBovins. Alors les hommes oublierontDe t'apporter des sacrifices agrables.Et tu ne trouveras pas de parfaites

    Ouvrires. Et tes motifs sacrsS'entremleront. C'est pourquoiJe prends soin de toi, Lakchmi,Ma sur. Je t'ai trouvUne occupation. C'est que nous sommes parentes.La lente destruction qu'opreLe temps me pse. Et si nous dtruisionsToutes les constructions humaines ? Si nous brisionsToutes les joies humaines ? Si nous dispersionsToutes les installations ? Nous dmolironsLes montagnes, et asscherons les lacs etEnverrons guerre et famine. EtRaserons les villes. Dchire tesSept voiles de l'apaisement etJe mettrai en chantier toutes mes uvres.Je jubilerai.Ensuite, tu t'embraseras, combleDe soucis et de travail. Tu tisseras nouveau tes voiles, ils seront encore plus beaux.De nouveau, les hommes accepteront tes offrandesAvec gratitude. Tu inventerasTant de nouveaux soucis etDe petits desseins pour les hommes ! MmeLe plus stupide se sentiraIntelligent et important. Je vois djLes larmes de joieQue l'on t'offrira. Rflchis, Lakchmi,Ma sur ! Mes penses te sont profitables. moi, ta sur, elles sontPlaisantes."Voyez comme elle est habile,Siva Tandava ! Quels desseins n'a-t-elle pasForms ! Mais Lakchmi, d'un geste de la main,

    Repoussa l'invention malfique de SivaAlors la malveillante s'approcha,

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    Secouant ses bras et faisant claquerSes crocs. Mais Lakchmi dit :"Je ne dchirerai pas mes voiles, ta grande joieEt au malheur des hommes.

    Ma fine laine apportera la paixAu genre humain. Dans tous les foyers nobles,Je choisirai des ouvrires de choix. J'orneraiMes voiles de nouveaux signes,De plus beaux des plus magiques.Et dans ces signes, dans ces images des meilleursOiseaux et animaux, j'enverrai mes incantations bnfiquesAux foyers humains." AinsiDcida la bienveillante Lakchmi. Siva TandavaQuitta bredouille le jardin lumineux.Braves gens, rjouissez-vous ! Folle de rage,Siva Tandava attend depuisQue le temps opre sa destruction. Furibonde,Parfois elle secoue la terre.Alors apparaissent guerre et famine.Alors les peuples prissent.Mais Lakchmi tend ses voiles temps. Et les hommes s'assemblentDe nouveau sur les corps des victimes.Ils se runissent en petites crmonies.Lakchmi brode sur ses voilesDe nouveaux signes sacrs.

    1909

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    AVERTISSEMENT

    AU CHASSEUR ENTRANT DANS LA FORET

    Que ce soit Rorich de Russiequi l'ait donnaccepte-le.Que ce soit Allal-Ming-Sri-Isvara du Tibetqui l'ait donnaccepte-le.

    JE SUIS AVEC LUI

    Au lever du soleil, je te trouverai dj veill, chasseur !Arm de ton filet, tu entrerasDans la fort. Tu t'es prpar.Tu es lav, alerte.

    Ton vtement ne te gne pas.Ceints sont tes reinset libre ta pense.Oui, tu t'es prparet as dit adieu au matre de maison. chasseur, tu en es venu aimer la fortEt, par ta chasse, tu feras du bien ton clan.Tu es prt sonner du cor.

    Tu as choisi pour toi une noble proieEt n'en crains pas le poids.Bni ! Bni ! Toi qui es entr !Tes filets sont-ils solides ?Les as-tu renforcs pour un labeur prolong ?Les as-tu prouv avec des coups rpts ?Es-tu joyeux ?Et ton rire devrait-il effrayer une partie du gibier,

    Ne crains rienMais ne fais pas s'entrechoquer tes armesEt n'appelle pas haute voix les chasseurs.

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    Ah ! Serais-tu maladroit,De chasseur, tu deviendrais rabatteurEt mme le chasseur serait ton matre.

    Rassemble la connaissanceSurveille la piste.Pourquoi regardes-tu autour de toi ?Sous la pierre rouge, se trouve le serpent rougeEt la mousse verte dissimule la verte vipre,Sa piqre est fatale.Depuis ton enfance, on t'a parl de serpents et de scorpions -Tout un enseignement de peur !Maints bruissements et sifflements viendront jusqu' toiUn frlement rampera prs de tes pas.Des hurlements te perceront l'oreille.De vers de terre, ils s'enflent en baleinesEt la taupe se transforme en tigre.Mais tu connais l'essentiel, chasseur !Tout ceci n'est pas pour toi. toi la proie !Hte-toi ! Ne tarde pas, toi qui es entr !Ne gaspille pas tes filets sur le chacal.Le chasseur connat sa proie.Il te semble que tu en savais beaucoup hier,Pourtant tu ne sais pas qui a construit les cercles de pierreEn lisire de la fort.Que signifient-ils ?Et pour quiLe signe d'avertissement sur le grand pin qui domine ?Tu ne sais mme pas qui a rempli de crnes le ravinDans lequel tu as jet un regard.Mme si tu tais en danger,Ne descends pas dans le ravin et ne te caches pas derrire un arbre.Tes voies sont innombrables et l'ennemi n'en a qu'une.De poursuivi, deviens, toi, l'attaquant.Comme ils sont forts les accusateursEt comme sont faibles ceux qui veulent se dfendre !

    Laisse aux autres la dfense de soi,Toi, attaques.

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    Car tu sais d'o tu es venuEt pourquoi tu n'as pas peur de la fort.

    O sacre, et redoutable,

    et bnie fort,Laisse passer le chasseur !Ne le retiens pas.Ne cache pas les chemins et les pistes.Ne l'effraies pas,Car je sais qu'en toi retentissent de multiples voix.Mais tes voix, je les ai entendues,Mon chasseur prendra sa proie.

    Et toi, chasseur, connais ta proie.Ne crois pas ceux qui t'appellent.N'coute pas ceux qui parlent.Toi, toi seul, connais ta proie.Tu ne choisiras pas un petit gibier.Et tu ne seras pas retenu par les ombres.Qui doute est dj la proie de l'ennemiQui se laisse distraire perd ses filets.Et qui les a perdus s'en retourne bredouille.

    Mais toi, chasseur, avance !Tout ce qui reste en arrire n'est pas pour toi,Et tu sais ceci aussi bien que moi.Car tu connais toutEt tu peux te rappeler toutes choses.Tu sais ce qu'est la sagesse,Tu connais le courage,Tu sais ce qu'il faut chercherEt tu as travers le ravin pour monter sur la montagne.Les fleurs du ravin ne sont pas tes fleursEt le ruisseau en bas ne chante pas pour toi.Tu trouveras des cascades tincelantesEt des sources pour te rafrachir.Devant toi fleurira la bruyre du bonheur,

    Elle ne fleurit que sur les hauteursEt la meilleure chasse ne se trouve pas

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    Au pied de la collineMais la proie se rfugie sur la crte.Flamboyante dans les cieux, s'levant au-dessus du sommetElle s'arrtera

    Et regardera autour d'elle.Alors ne tarde pas :C'est ton heure.Toi et ta proie, vous serez au sommetEt ni toi ni elle ne voudrez descendre plus bas.

    C'est ton heure.Mais, en jetant ton filet, tu saisQue tu ne conquiers pas.Tu n'as pris que ce qui est toi.Tu ne te considres pas comme le vainqueur.Car tous sont vainqueurs, bien qu'ils ne s'en souviennent pas.Je t'ai amen aux larges riviresEt aux lacs sans limites,Et t'ai montr l'ocan.Celui qui a vu l'infini ne se perdra pas dans le fini,Car il n'y a pas de fort infinieEt l'on peut contourner n'importe quel marais, chasseur !Ensemble, nous avons tiss tes filets,Ensemble, nous avons cherch les chasseurs,Ensemble, nous avons choisi les meilleurs sites pour chasserEnsemble, nous avons vit le danger,Ensemble, nous avons trac notre route.Sans Moi, tu n'aurais pas connu l'ocan;Sans toi, Je ne connatrais pas la joie de la chasse victorieuse.Je t'aime, mon chasseur !Et je donnerai ta proie aux Fils de Lumire.Te tromperais-tu,Descendrais-tu pour un temps dans le ravinRegarderais-tu les crnes en arrire,Perdrais-tu par ton rire une partie du gibierJe sais que, pourtant, tu vas inlassablement la chasse,Que tu ne te dcourages pas et ne perdras pas ton chemin.

    Tu sais comment retrouver la piste d'aprs le soleilEt, d'aprs les tourbillons, reprendre ta route.

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    Mais, qui l'a embras, le soleil ?Et qui l'a amen ici, le tourbillon ?Je te parle depuis la sphre du soleil,Moi, ton Ami, ton Instructeur et Compagnon de route.

    Que les chasseurs et les chefs des rabatteurs soient amis.Aprs la chasse, te reposant sur la colline,Appelle toi les chasseurs et les chefs des rabatteurs.Dis-leur comment tu es all sur la montagneEt pourquoi le chasseur ne doit pas rester tapi dans les ravins,Comment, sur la crte, tu as rencontr ta proieComment tu sais que cette proie est toiComment il faut laisser de ct tout petit gibierCar celui qui trane restera avec lui.Dis-leur aussi comment le chasseurPorte sur lui tous les signes de la chasseComment lui seul connat son art et sa proie.Ne parle pas de chasse ceux qui ne connaissent pas la proie.A l'heure du trouble, l'heure des tnbres,Ils s'engageront comme rabatteursEt, dans les fourrs, prendront part la chasse.Chasseur, reconnais les chasseurs;Bois avec eux l'eau prs du feu de l'tape.Comprends, toi qui peux comprendre.Ayant termin ta chasse,Rpare tes filets et prpare une nouvelle courseNe crains rien, ne cherche pas faire peur.Car, t'effraierais-tu, une peur plus grande encoreS'abattrait sur toi.Simplement prpare.Car tout est simple.Tout est beau.Beau est ce qui se prpareToute peur tu conquerrasPar ton essence invincible.

    Mais, devrais-tu te mettre trembler, alors dfait

    Et rduit nant,Que tu cries ou que tu te taises,

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    Ayant perdu la conscience du temps, de l'espace, de la vie,Tu perdrais ce qui te reste de volont.O fuirais-tu alors ?Pourtant, si l'un quelconque des leaders extnus

    Te met en garde contre la chasse,Ne l'coute pas, mon chasseur !Ceux qui ont le doute pour bouclierAffaiblissent la volont.Quelle sera leur chasse ?Qu'apporteront-ils leurs clans ?Un filet vide encore ?Encore des dsirs non raliss ?Perdus sont-ils, comme perdu est leur temps prcieux.Le chasseur vit pour chasser.Ne prte pas attention aux heures de fatigue. ces heures, tu n'es pas le chasseur,Tu es la proie !

    Le tourbillon passeraToi, garde le silence.De nouveau, prends ton corSans tarder, sans craindre d'tre en retard.Quand tu atteins ton but, ne te retourne pas.Tout ce qui est comprhensible est incomprhensible,O est la limite aux miracles ?

    Une dernire recommandation, O mon chasseur !Si, le premier jour de chasse,Tu ne trouvais pas ta proie,Ne t'afflige pas,La proie vient vers toi.

    Celui qui sait, cherche.Celui qui acquiert la connaissance ralise.Celui qui a trouvS'tonne d'une capture si facile.Celui qui a saisi chante des hymnes d'accomplissement.

    Rjouis-toi, Rjouis-toi, Rjouis-toi ! chasseur, trois fois appel.

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    15/04/1900 Chicago

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    LE THME DU PLERINAGE SPIRITUEL DANS LA POSIE DENICOLAS ROERICH

    par Irina H. CORTEN

    Article publi en 1986 par le Muse ROERICH de New York :

    http://www.roerich.org

    Son titre original est "Fleurs de MORYA : Le Thme du Plerinagespirituel dans la posie de Nicolas ROERICH."

    Cet article a t rdig par (et est publi avec l'aimable autorisationde) Mme Irina H. CORTEN, Ph.D.

    Associate Professor of Russian literature and culture at the Universityof Minnesota, U.S.A.

    http://www.roerich.org/http://www.roerich.org/
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    INTRODUCTION

    Le nom de Nicolas Konstantinovitch Rorich (1874-1947), le peintre

    russe renomm, est connu dans le monde entier. Rorich est aussilargement reconnu comme savant, philosophe et humaniste. Mais il existeun secteur de son activit cratrice qui est rest ignor jusqu' ces dernierstemps - c'est sa posie. En 1921, un diteur de Berlin a publi un ouvrageintitul Tavety Morii (Les Fleurs de Morya) contenant soixante-quatre pomes en vers libres que Rorich a crit entre 1907 et 1921 ; certainsd'entre eux avaient paru auparavant dans des priodiques russes pr-rvolutionnaires (par exemple Vesy, Zolotoe Runo). Mais cause du

    bouleversement politique et social des annes 1920 en Russie, le livre passa inaperu et ne fut redcouvert que longtemps aprs. En 1974, lacollection de pomes de Rorich fut pour la premire fois publie enUnion Sovitique. Elle porte le titre de Pismena qui, en russe moderne,signifie Hiroglyphes ou toute sorte d'crits anciens. Le terme a toriginellement employ par Rorich pendant qu'il prparait ses pomespour leur publication ; il suggre que les pomes contiennent des messagesde l'antique sagesse.

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    LE CHRONOTOPE

    Au cur du systme de croyances de Rorich se trouve le concept

    hindou d'un univers sans commencement ni fin qui se manifeste par descycles rcurrents de cration et dissolution de formes matrielles causes par la pulsation de l'nergie divine. Sur le plan humain, ceci signifie lesurgissement et la chute de civilisations et, en termes de vie individuelle, larincarnation d'une me (un fragment de la conscience divine) dans unesuccession de corps jusqu' ce qu'elle soit assez mre pour se librer del'attachement une forme physique. Une telle me libre peut choisir des'unir pour toujours sa source divine ou de continuer s'incarner dans le

    but d'aider d'autres tres devenir illumins. L'illumination, dans cecontexte, signifie la ralisation par l'me de sa divine origine ternelle, sareconnaissance d'un principe divin uniforme dans toute la cration et l'tatqui en rsulte d'harmonie intrieure, d'amour et de joie. Dans chaque vie,une me a le potentiel de ralisation de soi, mais l'ignorance, laconcupiscence, l'avidit et autres imperfections humaines de son"possesseur" l'empchent d'y parvenir. Afin de surmonter ces obstacles,elle gravite vers le guide (gourou). Ce mot sanscrit signifie exactement une

    force spirituelle qui guide vers l'illumination. L'on pense que le guideexiste en une varit de formes - comme un sage avec une me libre,comme un avatar (incarnation anthropomorphique de la force divine, unedivinit) ou comme le Soi suprieur de l'aspirant spirituel. Par le fait, c'estce dernier que l'on pense possder le plus grand pouvoir librateur et unvoyage spirituel consiste, en essence, apprendre couter et suivre lavoix du guide intrieur. Voil certains des concepts-cl de l'idologie deRorich, et notre tche consiste voir comment il leur donne une

    expression artistique dans ses pomes.

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    EMPLOI DE L'ESPACE ET DU TEMPS

    Avant d'examiner ce chronotope, nous devons comprendre les

    principes gnraux de l'utilisation par Rorich des catgories de temps etd'espace. En littrature, il peut exister diffrents types de temps. Le lecteurmoyen est probablement plus familier avec ce que Bakhtin appelle letemps historique (montrant une succession d'vnements historiques dansune atmosphre vridique), le temps biologique (montrant les processusnaturels de naissance, maturation et mort) et le temps quotidien (montrantla vie de tous les jours des gens) ; dans la fiction raliste on trouve souventces varits de temps. Mais le temps de Rorich n'est pas d'ordre historique

    ni biologique, bien que l'histoire et la nature ne soient pas trangres saperception du monde. Ses sujets sont humains et donc soumis aux lois dutemps et de l'espace matriels qui gouvernent tous les tres vivants ;toutefois, cet aspect de leur existence n'est pas primordial. En lisant sespomes, l'on n'est pas conscient de se trouver une poque particulire oudans un environnement o les choses se passent dans un ordrechronologique familier et que l'on peut prdire. Rorich ne s'intresse pas l'uvre du temps "rel", concret, parce que son cadre de rfrence est la

    somme totale du temps ou ternit. Dans "O vechnom" (" l'Eternel"), lehros demande son ami d'oublier leur discussion, en disant :

    Frre, abandonnonsce qui change rapidement.Autrement nous n'aurons pas le tempsde tourner nos penses vers ce quijamais ne change, de penser l'Eternel.

    Rorich avertit le lecteur de reconnatre l'insignifiance des proccupations temporelles en face de l'ternit. La mme ide estexprime dans "V zemliu" (Dans la terre"). Ici l'on dcrit un enterrement ;les parents pleurent le dfunt, mais le prtre dit l'un d'entre eux, un jeuneaspirant spirituel, de ne pas se dsoler car la mort du corps n'affecte pas lavie ternelle de l'me. Paraphrasant un passage du grand pome piqueindien, la Bhagavad Gita, le prtre s'adresse l'me libre en ces termes :

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    "Toi, l'ancien, imprissable,Toi, immortel, ternel,Toi qui luttes pour les hauteursJoyeux, renouvel."

    Rorich voit la rincarnation des individus et la "rincarnation" descivilisations comme une manifestation de l'ternit. Dans "Sviashchennyeznaki" ("Signes sacrs") il parle de "l'tincelle de vie et de mort" parlaquelle les environnements humains sont crs, dtruits et recrs etl'histoire est faite, oublie et restaure dans la mmoire au fur et mesureque passent les gnrations. Le mme thme de la vie comme processus

    cyclique sans fin est repris dans "Lakshmi pobeditel'nitsa" ("Lakshmi laconqurante"). Le pome est une adaptation d'un mythe hindou sur deuxdivinits, les frres et sur Lakshmi et Shiva, la premire reprsentant le bien et le second le mal. Ces antagonistes dpendent l'un de l'autre carcomme Lakshmi engendre des bienfaits pour l'humanit, Shiva les dtruit,permettant ainsi la premire de reprendre son travail. Ainsi le pendulecosmique va et vient, fournissant un contraste avec le mouvementunidirectionnel vers le haut de la croissance spirituelle individuelle.

    CIRCULARIT

    Mais pendant la nuit tout s'est obscurci.En vrit, le jour avait t long.Longue et sombre fut la nuit.Puis vint le matin parfum,Frais et merveilleux,Illumin par ce nouveau soleil.

    J'oubliai et fus priv de ceQue j'avais accumul.

    Ainsi l'me doit surmonter l'ignorance et l'oubli qui bloquent sonchemin de retour ; les dtails de cette difficile exprience constituent lesujet de Hiroglyphes.

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    1. PREMIRE RECHERCHE

    Des routes. Ou dans les fleurs.Ou dans les eaux de la rivire.Nous pensons les trouverDans la vote de nuages, la lumire du soleil la lumire de la lune devons-nous chercherIl est difficile de discernerLe chemin. Indistincts les traces.O peuvent-ils treLes Signes Sacrs ? Aujourd'hui peut-treNous ne les trouverons pas.Mais demain il fera jour.Je sais"Gardien, dis-moi pourquoiFermes-tu cette porte ?Que gardes-tu inlassablement ?""Je gardeLe secret de la quitude""Mais la quitude est vide.Des gens dignes de confianceL'ont dit : 'Il n'y a rien'.""Je connais le secret de la quitudeEt j'ai pour mission de le garder""Mais la quitude est vide !""Pour toi, elle est vide !" rpondit le gardien du seuil.

    Ce pome est le seul du premier cycle o un signe est rvl (bien quenon compris). L'tat de paix, dnu d'agitation, de souffrance et d'illusion,nous donne un avant-got d'ternit, mais le hros n'est pas encore prt pour entrer dans cet tat (espace). Rorich emploie le terme poko quisignifie quitude et aussi une pice (chambre) tranquille ; cette doublesignification cre une image chronotopique complexe, la fois physique etmtaphysique. L'espace qui est ferm au hros contient ce qu'il ne peut pas

    encore comprendre - l'ide tant que l'espace est dfini par l'aperceptionque l'on en a. Ainsi, se mouvoir travers l'espace devient identique au

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    processus d'expansion de conscience et la frontire entre l'espace intrieuret extrieur, entre forme et contenu, s'efface.

    Les composantes espace-temps du chronotope du voyage spirituel deRorich acquirent une troisime dimension, pour ainsi dire, travers lediscours. Deux types de discours sont l'uvre ici. Le premier est le"discours plein d'autorit", ce qui signifie la parole d'une autorit suprme(religieuse, philosophique, politique, etc.). "Son autorit tait djreconnue dans le pass... Il est donn dans les sphres leves, non cellesque l'on contacte habituellement. Son langage est un langage particulier(l'on peut dire, hiratique)." Le second type de discours est appel"intrieurement persuasif". Il est "plus proche de la diction d'un texte enses propres termes, avec son propre accent, gestes, modifications. La prise

    de conscience humaine, du point de vue de Bakhtin, est une lutte constanteentre ces deux types de discours ; la tentative d'assimiler le discoursempreint d'autorit dans son propre systme et la libration simultane deson propre discours l'gard de la parole autoritaire".

    Il s'est retir dans sa chambre, dit-on.Au matin le Roi s'est ml la fouleEt nous ne le savions mme pas.Nous n'avons pas russi le voir.Nous devions apprendre sesCommandements.

    dans "Le Mendiant"

    Le guide vient minuit - une heure qui, pour des services spirituels,est sombre et incomprhensible. Il va dans sa chambre (poko) - un espaceencore inaccessible ses disciples. Le reste du pome dcrit en des imagessymboliques, chronotopiques, leurs efforts frntiques de saisirl'insaisissable Matre. Ils s'lancent travers la cit encombre par la foule,cherchant l'empreinte de ses pas, se cognant aux passants, se perdent dansun enchevtrement de ruelles. Juste au moment o il semble que lesempreintes soient enfin devenues visibles, il se trouve qu'ellesappartiennent un mendiant aveugle. La traque continue dans le pomesuivant, "Traces". Les chercheurs dcident que le Tsar (Roi) est all dansun bois et l'y suivent, rien que pour se retrouver allant dans une faussedirection. Dans le troisime pome, "Poverit' ?" (Puis-je les croire ?") ilsapprennent finalement le lieu o se trouve le Roi - il est en train de faire unsermon sur "la vieille place aux trois tours". L'image de la tour peut tre

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    interprte comme lvation au-dessus de la vie ordinaire, et le nombretrois comme harmonie universelle. Les chercheurs s'empressent d'y aller,mais trouvent la place carre et les rues adjacentes si pleines d'auditeursqu'ils ne peuvent mme pas entendre la voix du Roi. Ses paroles leur

    parviennent par relais, les phrases ayant t reconstruites et rinterprtespar beaucoup d'autres personnes. la fin du pome, ils se demandent sices paroles peuvent tre acceptes comme faisant autorit. Ici, Rorichsoulve une importante question philosophique - est-ce qu'unenseignement spirituel garde sa valeur aprs rinterprtation ou, en d'autrestermes, est-ce que l'hermneutique sert un juste dessein ? On ne rpond pasdirectement la question, mais partir de ce point, le hros cherche uncontact personnel avec les figures du Guide, vitant mme la compagniede ses compagnons chercheurs. La rencontre individuelle avec un porteurde discours qui fait autorit devient maintenant un signe important de sonchronotope.

    Mais je dsire toujours ardemmentAtteindre le sommet. Vos cordes me seraient d'un grand secours ;Mais, mme seul,

    Cherchant la relation "Je et Toi", il pntre dans la sphre du discours

    intrieurement persuasif. Dans "K Nemu" ("A Lui") il trouve un ermiterput tre un porte-parole de Dieu. Anxieusement, il demande au sainthomme quelle est la meilleure voie pour parvenir Dieu et il lui est dit derenoncer ce qui lui est le plus cher, savoir la Beaut.

    "Qui l'ordonne ?" demandai-je"Dieu", rpondit l'ermite.

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    2. LUEURS

    Je n'aurai pas le tempsD'arriver la maison. De toute la grce,Dans mes mains fermement serres,Je n'emporterai que des

    Le hros est bni et choisi pour tre l'un des messagers du Divin, maisil n'est pas encore la hauteur de cette norme tche. tant revenu dudomaine du Divin, son tat spirituel continue vaciller. Parfois il se sentconfiant dans sa mission de messager (vestnik), c'est--dire, detransmetteur de discours charg d'autorit.

    Rveille-toi, mon ami. Le message a t reu.Fini, ton repos.Je viens d'apprendre o l'on gardeL'un des Signes Sacrs.de "C'est l'heure".Et voil, je ne sais pas, je ne peux pas.Toi, qui viens dans le calme,Dis en silence ce que je voulais dans la vie

    Et ce que j'ai accompli.de "Au matin".Au-dessus de nous s'levait la paroi.En-dessous bleuissait un abme

    Ceci reprsente une impasse dans le chronotope du hros exprimesymboliquement par impossibilit de monter ou de descendre. Aucuneparole empreinte d'autorit n'est encore devenue assez claire pour qu'il s'yconforme et il doit placer sa confiance sur un discours intrieurementpersuasif bas sur la sagesse accumule jusqu'alors. Dans ce pome, un teldiscours s'exprime par une affirmation de foi :

    Toi, le Puissant, prsent en tout lieu et en tout.Tu nous veilles la lumire, la nuit, Tu nous glisses dans le sommeil,Tu nous guides dans notre errance.

    Sa qute entre prsent dans une phase plus personnelle et plus

    intense, et il se produit un changement correspondant dans l'imageriespatio-temporelle. Les grands espaces ouverts du premier cycle sont

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    remplacs dans le second cycle par des espaces ferms - une maison et un jardin dans "Zamechaiou" ("Je remarque"), un laboratoire dans "Otkroi"("Ouvre"), un bureau dans "Ne udalialsia" ("Tu ne t'es pas loign"). Cesespaces protgent le hros des distractions et l'aident s'orienter l'gard

    de l'emplacement de la "chambre tranquille" (poko). Quant au temps, ilest maintenant grandement individualis et donne lieu des rencontressporadiques du hros avec le guide. Chacune de ses rencontres lui offreune occasion de se librer de la conscience du temps par la contemplationde l'Eternel Prsent, et le temps n'existe qu'en proportion de son incapacit la faire. Le temps linaire (du pass au prsent et au futur) continue gouverner sa vie aussi longtemps qu'il est conscient de ne pas avoir atteintson but.

    Chaque matin, prs de notre rive,Navigue un chanteur inconnu. Il nous semble que nous pourrons jamaisSavoir qui estCe chanteur, ni vers quoi il vaChaque matin. Et pour quiChante-t-il son chant toujours nouveau ?de "Pour nous ?"

    Qu'il est difficile de deviner toutes tesIntentions ! Qu'il est malais de te suivre !de "Sans avoir compris"Viens, viens plus prs de moi, Etre radieux,En rien, je ne t'effrayerai.Hier tu voulais m'approcher,mais mes penses erraient et mon regardFuyait

    Aujourd'huiJ'abandonnerai tout ce qui me gnait.J'immergerai mes penses dans le calmeJ'attends. Je sais que tuNe m'abandonneras pas. Tu viendras moi. Ton image en silenceJe prserverai.de "Je prserverai"

    Comment verrons-nous Ton visage ?Ce visage omniprsent,Plus profond que les sentiments et l'esprit.

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    Impalpable, inaudible,Invisible. J'en appelleAu cur, la sagesse et au labeur.

    L'enseignement, tel qu' prsent il le comprend, lui donne la

    connaissance que le Divin peut tre atteint par l'amour, le discernement etle travail patient et disciplin.

    Dans les deux derniers pomes de ce cycle, le hros communie avecson guide intrieur et rend intrieurement persuasif une autre importanteligne de conduite pour l'accomplissement spirituel - la joie. Dans"Veselisia" ("Rjouis-toi") il s'adresse son esprit morose :

    Tu es riche, mon esprit. La connaissance

    Vient toi. L'tendard de lumireBrille au-dessus de toi.

    Dans le dernier pome "Ulybkoi ?" ("Par le sourire ?"), la mme ideest reprise d'une faon moins solennelle, plus personnelle. Au point de vuedu dialogue, ce pome a une structure intressante, assez complexe, avecquatre participants - le Divin, le messager du divin, le hros en tant quedisciple et le hros en tant que guide. Le hros reoit, par le messager, ledon divin de pouvoir gurir. Mais le messager ne sait pas comment le donopre et le hros doit le trouver par lui-mme. Le disciple questionne en luile Divin et le messager, mais ils ne parlent pas. Il en conclut alors que lepouvoir du don se trouve dans les larmes : "Chacune de mes larmes gurirales plaies du monde". Toutefois, de quelque manire, cette notion nesemble pas juste, et le Divin fournit une rponse silencieuse par la physionomie du messager. Le guide intrieur s'veille et aide le hros parvenir une interprtation intrieurement persuasive :

    Messager, mon messager, tu te tiens lEt tu souris. Me donnerais-tuL'ordre de gurir les malheursPar le sourire ?

    Dans le chronotope du hros, la dcouverte de telles "perles desagesse" devient de plus en plus frquente et l'aide faire la transition versson nouveau rle dans le cycle suivant.

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    3. JEUNESSE

    J'ai un ami secret ;Tes craintes, il dissipera.Lorsque tu t'endormirasJe l'appellerai ton chevetCelui qui appartient la puissance.Il te chuchotera un mot.Tu te rveilleras courageux.

    Mais en rgle gnrale, la parole juste surgit en lui, maintenant, del'intrieur. Dans le premier pome du cycle, "Vechnost" ("L'ternel"), il dit

    au jeune garon de ne pas retarder son plerinage.Si tu tranes, cela signifieQue tu ne sais pas encore queL se trouve le commencement, la joieLe primordial et

    Ces paroles expriment en peu de mots la signification du voyage del'me et ont le son de la vraie sagesse. l'occasion, le hros dmontre

    mme la capacit, possde seulement par les mes les plus illumines,d'investir des objets matriels d'un pouvoir surnaturel. Dans "Jezl" ("Labaguette") il dit au garon de casser la branche d'un arbre et de la porterdevant lui :

    voir sous le sol, elle t'aidera,Celle que je t'ai donne :

    Mme si ceci doit tre considr comme une mtaphore pourl'inspiration (la "baguette magique" qui transforme la ralit), il reste que

    la capacit d'inspirer est la marque d'un instructeur hautement qualifi.Regardant ta vie passe,J'aperois de glorieuses victoiresEt combien de signes douloureux !La victoire t'est destine,Si la victoire,

    de "Tu veux"

    Dans ce cycle, l'imagerie spatiale est, de faon prdominante, celled'un endroit plein de monde - un lieu o les gens s'assemblent, se mlent,

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    jouent ou se battent. Dans les deux premiers cycles, l'auteur vitait un telespace cause de sa tendance distraire et fourvoyer, engendrer unbruit qui noie la voix intrieure.

    Dans la foule, il nous est difficile de marcher.

    Tant de forces et d'envies hostiles. Nous irons l'cart ; Ils passeront ct.de "Le temps" (premier cycle)Fais attentionEn contactant la foule. Il est dur de vivre,Mon garon ; rappelle-toi l'ordreDe vivre, de ne pas avoir peur, d'avoir confiance,

    De rester libre et fort.Ensuite, tu russiras aussi aimer.

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    4. MATRISE

    qui l'ait donn accepte-le.qui l'ait donn accepte-le.Si, le premier jour de chasse,Tu ne trouvais pas ta proie,Ne t'afflige pas,La proie vient vers toi.

    L'espace parcourir par le chasseur est semblable ceux qui figurent

    dans les cycles prcdents - quittant sa maison dans une valle, il doittraverser une fort et aller vers une montagne. Mais ces espaces sontmaintenant prsents dans une nouvelle perspective.

    O sacre, et redoutable,et bnie fort !Laisse passer le chasseur !Ne le retiens pas.Ne cache pas les chemins et les pistes.

    Ne l'effraies pas,Car je sais qu'en toi retentissent de multiples voix.

    Dans les pomes prcdents, on ne trouve pas de descriptionspcifique de la fort. Elle apparat comme un lieu nigmatique etmenaant, plein de barrires et de signes incomprhensibles pour unnovice. Mais maintenant elle est vue par un homme de connaissance dontla vision est claire et les ressources dveloppes. On nous donne uneabondance de dtails -flore et faune, collines et marcages, fourrs etclairires. Chacun de ces dtails reprsente une leon dans l'art de vivre : la peur des ennemis (serpents, scorpions, prdateurs) doit tre vaincue,l'hsitation devant les obstacles (arbres, blocs de pierre) doit tresurmonte, le pige des plaisirs faciles (cueillir des fleurs, boire unruisseau) doit tre vit et ainsi de suite. Pendant qu'il est dans la fort, lechasseur doit aussi apprendre traiter avec d'autres tres dont les motifssont diffrents du sien. Comme dans la vie, la fort est pleine de gens quine poursuivent pas des buts spirituels et qui "chassent" pour le sport, parambition personnelle, ou pour des besoins matriels. Ils exposent leurs

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    propres philosophies et le chasseur est averti de ne pas se laisser influenceret de n'couter que la voix du guide intrieur.

    Ne crois pas ceux qui t'appellent.N'coute pas ceux qui parlent.

    Toi, toi seul, connais ta proie.Toutefois, on lui enseigne d'tre tolrant envers les autres, aussi

    ignorants soient-ils, car leurs mes aussi peuvent un jour s'veiller.

    Bois avec eux l'eau prs du feu de l'tape.Comprends, toi qui peux comprendre.

    De nouveaux espaces attendent le chasseur l'ore de la fort. Lehros prophtise qu'il verra sa proie "flamboyant dans le ciel" au-dessus

    des plus hautes montagnes et qu'il la suivra l-haut. C'est la premire et laseule fois que l'image d'un plerin au sommet apparat dans Hiroglyphes ;dans les pomes prcdents, on ne montre que le processus de l'ascension. ce point, le chasseur contemplera des tendues d'eau :

    Je t'ai amen aux larges riviresEt aux lacs sans limites,Et t'ai montr l'ocan.

    L'eau, en gnral, reprsente la purification et le renouveau. Lesfleuves, qui coulent dans une direction spcifique, suggrent la transitionet le mouvement vers le but. Un lac, particulirement dans la littratureindienne, sert souvent de mtaphore pour la rflexion sur soi et larvlation ; l'ocan reprsente l'univers. Parce qu'il a habit dans cesdomaines, le chasseur sera libr de l'ignorance et de l'illusion et deviendralui-mme un guide, car

    Celui qui a vu l'infini ne se perdra pas dans le fini,

    Car il n'y a pas de fort infinieEt ainsi l'enseignement coule sans fin de gnration en gnration car

    l'achvement du plerinage d'une me se fond avec le commencement dui