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Sommaire

p.3 - - - - - - Introduction p.4 - - - - - - Les œuvres p.5 - - - - - - Du tableau à l’environnement : pluridisciplinarité dans l’œuvre de Kusama p.7 - - - - - - La répétition obsessionnelle comme processus contrôlé d’auto-effacement p.9 - - - - - - Glossaire p.13 - - - - - Biographie p.15 - - - - - Bibliographie p.16 - - - - - Regards croisés p.17 - - - - - Informations pratiques

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Introduction Downtown Le Havre (commissariat le SPOT) est une exposition d’œuvres monumentales, créées ou repensées pour investir, de façon spécifique et inédite, l’espace public havrais à l’occasion de la Biennale Arts Le Havre’ 08. Parmi les œuvres présentées dans la ville, un environnement de Yayoi Kusama, Guidepost to the New World (2005), est visible place Jules Ferry. À quelques pas de là, au SPOT, centre d’art contemporain, une autre pièce de cette artiste japonaise lui fait écho, Dots Obsession : Infinity Mirrored Room (1998). Ces deux œuvres utilisent le même vocabulaire plastique constitué de volumes arrondis de couleur rouge et constellés de pois blancs. Dans Guidepost to the New World, ces formes, en résine dure, sont disposées et se reflètent sur un plan d’eau artificiel, en plein air, dialoguant ainsi avec l’architecture urbaine. À l’inverse, les ballons gonflés d’hélium de Dots Obsession : Infinity Mirrored Room flottent dans un espace fermé mais démultiplié à l’infini par un jeu de miroirs. Cette visite sera l’occasion pour les élèves de se confronter directement à des créations artistiques. Ils feront en effet cette expérience sensible des œuvres, à laquelle aucune reproduction ni aucun discours ne peut se substituer.

Plus encore, avec ces environnements, ils seront invités à s’impliquer physiquement, à expérimenter activement le processus artistique, ce qui ne manquera pas de susciter différentes réactions et interrogations. Partant de ces premières impressions, ils seront amenés à découvrir une artiste singulière qui a traversé l’art de ces cinquante dernières années tout en restant inclassable. Ce faisant, ils aborderont un certain nombre de notions nécessaires à la compréhension de son travail. Afin de vous accompagner dans la préparation de votre visite, ce dossier propose deux pistes de réflexion : 1/ Considérer le travail de Yayoi Kusama comme inscrit dans la problématique de dépassement de la peinture de chevalet et de remise en question de la spécificité des médiums (peinture et sculpture en particulier) 2/ Aborder la répétition obsessionnelle, au cœur de la démarche de Yayoi Kusama, comme processus contrôlé d’auto-effacement. Les principales notions et tendances artistiques abordées dans ces pistes de réflexion (en gras dans le texte) sont ensuite reprises sous la forme d’un glossaire. NB : ce qui suit ne constitue en aucun cas le contenu de la visite qui sera faite aux élèves. Dans un souci pédagogique, celle-ci sera en effet adaptée à leur âge et aux attentes de l’enseignant.

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Yayoi Kusama, Guidepost to the New World (2005) Résine, eau, peinture, dimensions variables. Vue de la Biennale de Valence (commissaires : Seung-Duk Kim et Franck Gautherot)

Yayoi Kusama, Dots Obsession : Infinity Mirrored Room (1998) Peinture, miroirs, ballons, adhésifs, hélium, 600 x 600 x 300 cm Collection Les Abattoirs, Toulouse. Yayoi Kusama ; Photo : Grand Rond Production, Toulouse.

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Du tableau à l’environnement : pluridisciplinarité dans l’œuvre de Yayoi Kusama Guidepost to the New World et Dots Obsession : Infinity Mirrored Room sont des environnements, c’est-à-dire des œuvres tridimensionnelles qui impliquent une appréhension mouvante de la part du spectateur, qui se trouve immergé dans l’espace conçu par l’artiste. La forme environnementale constitue une part très importante du travail de Yayoi Kusama et, plus généralement, de la création contemporaine depuis la fin des années 50. Pour comprendre la genèse de ce genre, il est utile de revenir sur les débuts de l’artiste. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le foyer de la création et de la diffusion artistique s’est déplacé de Paris à New York. En 1958, c’est dans cette nouvelle capitale de l’avant-garde que la japonaise Yayoi Kusama, alors âgée de 29 ans, choisit de s’installer avec une ambition en tête: « Un jour, je tiendrai dans cette main vide tout ce que je désire dans ce New York.»1. Cette installation marque un tournant dans son travail. Dans ses bagages, elle apporte avec elle quelques 2000 dessins et gouaches de petits formats réalisés au Japon. Seize mois après son arrivée, en octobre 1959, elle inaugure sa première exposition personnelle dans la très en vogue Brata Gallery. L’évolution notable réside d’abord dans le choix de très grands formats : cinq tableaux de la série des Infinity Nets Paintings

1 In Errements et luttes de mon âme, première publication, traduction française dans le catalogue de l’exposition Yayoi Kusama, musée des Beaux-Arts de Calais, musée de Dole, 1987.

recouvrent presque les murs de la galerie. Pour ces peintures quasi-monochromes, Yayoi Kusama a adopté le principe du all-over : le motif, un réseau infini de petits cercles, se déploie sur toute la toile, sans aucune hiérarchie, aucune volonté de composition. Si l’échelle hors norme de ces toiles et l’adoption du all-over témoignent d’une certaine influence des grands expressionnistes abstraits américains (Jackson Pollock, Mark Rothko, Barnett Newman, par exemple), ces mêmes caractéristiques dénotent surtout l’intérêt de Kusama pour l’une des problématiques majeures de cette époque : le dépassement de la peinture de chevalet par la création d’un espace propre à l’œuvre. En effet, le très grand format empêche toute saisie globale de la toile, de sorte qu’elle ne peut être mise à distance. Ainsi, le tableau ne peut pas être considéré comme une fenêtre s’ouvrant sur un espace virtuel dont le spectateur serait exclu. Il est au contraire appréhendé comme un espace à part entière, dans lequel le regardeur se trouve englobé. Ce caractère englobant des premières toiles new-yorkaises de Kusama se cristallise bientôt dans le passage à l’environnement, avec l’exposition Aggregation : One Thousand Boats Show (1963) (un bateau greffé d’excroissances est placé au milieu de 999 reproductions de lui-même). En réalité, si l’œuvre de Kusama doit être rapproché de quelques grands mouvements artistiques de cette

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seconde moitié du XXème siècle, c’est plutôt de ceux qui rompent avec l’Expressionnisme abstrait, à savoir, le Pop art, Zéro et le Minimal art. En effet, même si l’artiste elle-même récuse toute appartenance à quelque mouvement que ce soit, il se trouve qu’elle a avec leurs principaux représentants (Claes Oldenburg, Yves Klein, ou encore Robert Morris, pour ne citer qu’eux) un point commun non négligeable : la production d’ « objets » qui ne sont ni peintures, ni sculptures, et qui ont pour vocation d’englober l’espace qui les environne. Cette spécificité, que l’artiste et critique d’art Donald Judd met en lumière en 1965 dans son ouvrage Specific Objects, peut être considérée comme constitutive de la rupture contemporaine et ouvre la voie à une pluridisciplinarité dont l’œuvre de Yayoi Kusama est tout à fait exemplaire.

Les environnements de Yayoi Kusama procèdent en effet d’une véritable annexion de tous les modes de création, pourvu que le moteur de son art, l’obsession, advienne à la réalité. Aussi, Kusama s’est-elle non seulement libérée du cadre du tableau en créant des pièces environnementales mêlant différentes disciplines plastiques, mais elle a également étendu son champ d’action au-delà des arts plastiques en se frottant, entre autres choses, à l’écriture (romans, nouvelles, poésie), au cinéma (Kusama’s Self-Obliteration, 1968), à la mode (création et mise en vente de vêtements), à la presse (édition de son propre journal, Kusama Orgy), et au happening (actions anti-guerre au cours desquelles elle peignait ses pois multicolores sur des corps nus). Cette pluridisciplinarité pourrait laisser supposer un œuvre très inégal. Au contraire, la force de l’obsession qui meut le travail de cette artiste « touche à tout » en assure la cohérence.

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La répétition obsessionnelle comme processus contrôlé d’auto-effacement Les pois qui envahissent les formes de Guidepost to the New World et Dots Obsession : Infinity Mirrored Room, sont un motif récurrent chez Yayoi Kusama, sa marque de fabrique même. Ils sont la matérialisation d’hallucinations qui remontent à l’enfance. L’artiste dit avoir ce genre de troubles depuis l’âge de 10 ans, âge auquel elle a commencé à prendre conscience d’elle-même et du monde qui l’entoure: « Un jour, après avoir observé sur une table la nappe décorée d’un motif de petites fleurs de couleur rouge, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, la vitre comme les poutres, les murs se trouvaient subitement submergés par les fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en étaient remplis. »2. Des expériences similaires se répètent par la suite à l’âge adulte, jusqu’à initier l’annexion des genres artistiques dont il a été précédemment question : « Un jour à New York, alors que je peignais des réseaux de lignes et de pois, sur toute la surface de la toile, sans composition préétablie, mon pinceau a quitté, en dehors de ma volonté, les limites de la toile, et a commencé à recouvrir de pois, la table, puis le sol et la pièce entière (c’était certainement une hallucination) […] Cet incident m’a conduit à suivre le chemin de la sculpture et de la performance. »3. Cette origine pathologique que Yayoi Kusama convoque volontiers pour

2 Extrait de BERTRAND Valère, « Kusama, des pois et démesure », L’œil, n°530, oct. 2001, pp. 22-28. 3 Extrait de l’interview de Yayoi Kusama par Seung-Duk Kim in Yayoi Kusama, les presses du réel.

expliquer sa démarche ne doit pas induire en erreur. D’une part, ce serait manquer le sens du travail de cette artiste que de le considérer uniquement sous son aspect symptomatique alors qu’il s’inscrit, comme nous l’avons vu, dans un contexte théorique, dans des problématiques artistiques propres à son temps. D’autre part, la référence à des épisodes de sa vie, qui plus est situés dans l’enfance, pourrait laisser penser que Kusama se livre à une sorte d’introspection, qu’elle exprime dans ses œuvres des émotions personnelles. Cela reviendrait à examiner l’art de Kusama à l’aune du paradigme expressionniste, avec lequel elle se trouve justement en rupture. Le terme « expressionnisme » recouvre en effet des pratiques consistant en l’expression d’un moi intérieur, d’une subjectivité dont la part inconsciente se traduit par une gestuelle débridée, spontanée, parfois violente. Or, chez Kusama, le caractère répétitif et machinal du motif le rend, à l’inverse, très impersonnel. À cet égard, il est d’ailleurs utile de savoir que les œuvres de l’artiste, si elles sont bien conçues par elle, sont depuis longtemps réalisées par ses assistants. Non seulement cela n’est pas un secret, mais il s’agit même d’un élément fondamental du processus créatif revendiqué par Kusama. C’est que l’œuvre de Yayoi Kusama n’est pas le fait de la malade, qu’elle est toutefois par ailleurs, mais plutôt celle du médecin qu’elle est pour elle-

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même. Aussi le fait de se confronter à ses obsessions par la matérialisation hautement contrôlée de ses hallucinations est-il le seul moyen qu’elle ait trouvé pour les maîtriser un tant soit peu, pour les rendre supportables, et donc, d’une certaine façon, pour se soigner : « Peindre est pour moi le seul moyen de me garder en vie »4. Enfin, et c’est là certainement ce qui fait la spécificité du travail de Kusama, son obsession de répétition infinie du même motif, loin d’être un moyen d’expression de sa subjectivité, est un processus d’auto-effacement (self-obliteration en anglais). Le fait de se voir elle-même recouverte du motif qui l’obsède, de ne faire qu’un avec son environnement lui aussi envahi du même motif, entraîne en effet un oubli de soi, une abolition du sujet. Cette auto-anihilation, non seulement Kusama se l’applique à l’elle-même, mais elle la propose également au spectateur qui pénètre dans ses environnements. Dans ce processus, l’usage récurrent des miroirs (véritables miroirs dans Dots Obsession : Infinity Mirrored Room ou miroir d’eau dans Guidepost to the New World, par exemple) joue un rôle essentiel : renvoyer le visiteur à son propre narcissisme, tout en lui donnant la sensation de n’être qu’une infime poussière dans cet environnement infini. Plus concrètement, dans un dispositif tel que celui de Dots Obsession : Infinity Mirrored Room, comme dans d’autres pièces utilisant le même genre de jeu de miroirs (eux-mêmes disposés en miroirs), l’image démultipliée du regardeur tend à disparaître par une mise en abîme à l’infini 4 Extrait de BERTRAND Valère, « Kusama, des pois et démesure », L’œil, n°530, oct. 2001, pp. 22-28.

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Glossaire

All-over Le all-over est une manière de peindre qui consiste à remplir entièrement la toile d’éléments plastiques, sans hiérarchisation de ceux-ci. Au cours des années 40, ce terme a servi à caractériser le travail de Jackson Pollock, qui répandait sur une toile posée au sol des coulures de peinture (dripping). L’absence de composition du all-over provoque une perte de repères spatiaux qui est souvent renforcée, chez les expressionnistes abstraits américains notamment, par le choix de très grands formats empêchant toute saisie globale de l’œuvre à un premier coup d’œil. L’absence de hiérarchie et de repères dont procède le all-over s’est également manifestée dans les arts du spectacle par la remise en question des règles régissant le « théâtre à l’italienne ». En danse, par exemple, Merce Cunningham a été le premier, dans les années 50, à multiplier des actions simultanées en différents endroits de la scène. Environnement Un environnement est une œuvre tridimensionnelle qui implique une appréhension mouvante de la part du spectateur, et donc une forme de participation de celui-ci. Les premiers environnements datent de la fin des années 1950. Selon l’artiste américain Allan Kaprow, qui a exposé son premier environnement à New York en 1958, un environnement peut être « composé de n’importe quels matériaux, intéressant le toucher, l’ouïe ou même l’odorat, réalisé dans une ou plusieurs pièces, ou en plein air. Littéralement, le visiteur est dans l’art. » (in SANDLER Irving, Le triomphe de l’art américain, vol.3, p.171, Paris, Ed. Carré, cop.1990). La notion d’environnement est parfois difficile à distinguer de celle d’installation. Les deux phénomènes sont en effet issus de l’éclatement des catégories artistiques et de la remise en cause de l’aspect frontal de la perception traditionnelle de l’œuvre. Cependant, alors que l’installation s’inscrit dans un rapport dialectique avec l’espace qui l’accueille, l’environnement a plutôt tendance à s’y substituer. Expressionnisme abstrait L’Expressionnisme abstrait est né à New York (d’où le terme d’ « école de New York ») pendant la seconde guerre mondiale. Une génération de jeunes artistes s’interrogeant sur les motivations conscientes et inconscientes de la pratique artistique subit alors l’influence directe d’un certain nombre de représentants européens du Surréalisme et de l’Abstraction postcubiste exilés aux Etats-Unis. Empruntant aux surréalistes l’idée d’automatisme, ils se dégagent progressivement de toute représentation pour arriver à une abstraction dotée d’une charge émotionnelle intense.

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Au cours des années 1950-1960, l’Expressionnisme abstrait prend deux formes distinctes. D’un côté, l’action painting d’un Jackson Pollock consiste en une valorisation du geste, de l’action et du hasard de la matière. De l’autre, la colorfield painting (peinture de champs de couleurs) d’un Mark Rothko ou d’un Barnett Newman invite d’avantage à la contemplation et à l’introspection. Happening Comme l’environnement, le happening est à la croisée des genres artistiques. Son origine se situe dans le déplacement du pôle d’intérêt depuis l’œuvre finie vers l’action créatrice elle-même. Aussi, l’artiste américain Allan Kaprow, auteur de ce terme, considère-t-il la valorisation de l’action de peindre chez Jackson Pollock comme source du happening. Cependant alors que les toiles de Jackson Pollock peuvent être considérées comme des témoins pérennes de l’activité de l’artiste, le happening, tel qu’il se développe dans les années 1950, a non seulement une dimension temporelle mais aussi un caractère éphémère. Faisant irruption, dans un lieu a priori non réservé à l’art, le happening interpelle dans l’instant les spectateurs devenus acteurs à part entière (ce qui le distingue de la performance qui n’implique pas de participation du public). Pour Allan Kaprow, cette réduction de la frontière entre art et vie quotidienne est fondamentale. C’est pourquoi il préconise que les happenings soient improvisés, qu’ils puissent être réalisés par des non-professionnels et qu’ils ne donnent lieu qu’à une seule exécution. Minimal Art Né aux Etats-Unis dans le milieu des années 1960, le Minimal art, ou Minimalisme, désigne une tendance à l’abstraction représentée par des artistes comme Carl Andre, Donald Judd ou Dan Flavin, qui fondent leur démarche plastique sur des formes géométriques élémentaires, dites aussi « structures primaires », généralement traitées de manière aussi épurée et impersonnelle que possible. Souvent interprété comme une réaction aux débordements subjectifs de l’Expressionnisme abstrait et à la figuration du Pop art, le Minimal art se caractérise par un souci d’économie de moyens, comme en témoigne la formule de Carl Andre : « Minimal signifie pour moi la plus grande économie pour atteindre la plus grande fin » (in PARSY Paul-Hervé, Art minimal, Paris, Centre Georges Pompidou, 1992, p.11). Si la sobriété extrême est l’une des qualités communes aux œuvres minimalistes, elle ne constitue cependant pas une fin en soi. En effet, la réflexion des minimalistes porte avant tout sur l’immédiateté de la perception des objets et leur relation à l’espace environnant.

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Monochrome Dans sa définition la plus radicale, une œuvre monochrome n’utilise qu’une seule couleur unie, sans aucune nuance de valeur. Les premières tentatives monochromatiques de ce siècle remontent au Carré noir sur fond blanc (1915) et au Carré blanc sur fond blanc (1918) de Kasimir Malevitch, chef de file du Suprématisme. Il faut cependant attendre les œuvres de Yves Klein, qui se désigne lui-même sous le nom d’ « Yves le Monochrome » à partir de 1957, pour que la notion de monochromie s’impose comme telle. Chez lui, la monochromie vise l’immatériel : « La monochromie est la seule manière physique de peindre permettant d’atteindre à l’absolu spirituel ». Mais pour d’autres, comme Robert Ryman, la réduction à la couleur unique est au contraire une façon d’exacerber la matérialité intrinsèque à la peinture : « Le blanc est seulement un moyen d’exposer d’autres éléments de la peinture […] Le blanc permet à d’autres éléments de devenir visibles […] La surface est toujours utilisée. » (in « Monochromes », Artstudio, n°16, printemps 1990, p.81). Pop art On attribue généralement la paternité du terme « Pop art » au critique anglais Lawrence Alloway. Ce dernier participe à la formation, à Londres, dans le milieu des années 1950, de l’Independant Group, cercle réunissant des intellectuels et des artistes (Richard Hamilton et Eduardo Paolozzi, notamment) autour de l’idée d’un art qui prendrait appui sur la culture populaire de son temps. Parallèlement, aux Etats-Unis, en réponse au lyrisme de l’Expressionnisme abstrait, Jasper Johns et Robert Rauschenberg réintroduisent dans la peinture la représentation ou l’usage direct d’objets réels et familiers. S’il n’y a pas vraiment d’esthétique commune du Pop art, on peut cependant considérer que les différents artistes qui se sont réclamés de cette tendance ont contribué à l’élaboration d’une mythologie du banal. Leur démarche consiste en effet à redonner de la visibilité aux objets et images du quotidien, par une analyse froide, parfois ironique, comme il convient à un objet de consommation. Zéro Zéro est fondé en 1957 à Düsseldorf par de jeunes artistes, Heinz Mack et Otto Piene (Gunther Uecker les rejoint en 1961) qui entrent en résistance contre la toute-puissance de l’Expressionnisme abstrait. Il s’agit plus d’un rassemblement occasionnel d’artistes autour de problématiques communes que d’un groupe à proprement parler. L’ambition de ces artistes est de créer une zone de silence avant un nouveau départ qui consistera en une dématérialisation de l'œuvre d'art. À cette fin, ils placent au centre de leur démarche les notions d’espace et de mouvement et valorisent l’utilisation de la lumière et de matériaux encore peu utilisés en arts, comme l’aluminium.

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Pour eux, l’œuvre d’art ne doit plus servir l’expression d’une individualité, mais être le réceptacle de phénomènes sensibles proposés aux spectateurs. À ce titre, Zéro est souvent considéré comme un des mouvements pionniers en Europe dans l'art de l’environnement.

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Biographie 1929 Naissance de Yayoi Kusama au Japon, dans le département de Nagano. Dès l’âge de 10 ans, elle commence à peindre et dessiner des motifs de pois et de mailles vus lors d’hallucinations. 1958 Yayoi Kusama s’installe aux Etats-Unis. Les motifs obsessionnels envahissent peintures de grand format, sculptures molles et environnements. Dans la deuxième moitié des années soixante, performances de peinture corporelle, défilés de modes et nombreux happenings. Intérêt grandissant pour les médias : production de films, publication d’un hebdomadaire, etc. 1968 Réalisation du film Kusama’s self-obliteration constitué d’images de ses naked happenings (film primé au 4ème Festival international du court-métrage de Belgique. Expositions et happenings en Europe. 1973 Retour au Japon : publication de nombreux romans et recueils de poèmes tout en poursuivant le reste de son travail artistique. 1977 Kusama demande à vivre et travailler dans un hôpital psychiatrique, à Tokyo (elle y vit encore actuellement).

1986-1987 Exposition personnelle au Musée des Beaux-Arts de Calais et au Musée Municipal de Dole. 1993 Participation à la 45ème Biennale de Venise. 1994 Premières sculptures en plein air, pour le Musée des Beaux-Arts de Fukuoka et « l’île musée » de Naoshima, notamment. 1996 Expose principalement dans les galeries new-yorkaises. 1998-1999 Importante rétrospective de l’œuvre de Yayoi Kusama, d’abord présentée au Los Angeles County Museum of Art puis au Walker Art Center de Minneapolis, au MOMA de New York et enfin au Musée d’art contemporain de Tokyo. 2000 Exposition personnelle au Consortium de Dijon pour laquelle elle crée une dizaine de nouveaux environnements. Reprise de cette exposition à la Maison de la culture du Japon à Paris (2001), puis aux Abattoirs de Toulouse (2002) ainsi que dans d’autres lieux d’Europe et d’Asie. Depuis 2000, les œuvres de Yayoi Kusama sont exposées dans le monde entier (une soixantaine d’expositions personnelles et plus d’une centaine d’expositions collectives)

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Expositions récentes (sélection)

Expositions personnelles 2008 Galerie Victoria Miro, Londres. Matsumoto City Museum of Art, Nagano. 2007 Galerie Roslyn Oxley 9, Sydney. Dots Obsession, WIELS, Bruxelles. Dots Obsession - Dots Transformed into Love, Haus der Kunst, Munich. 2006 Galerie Robert Miller, New York. Crimson Eye, galerie Pièce Unique, Paris. Galerie Arndt & Partner, Berlin. Metamorphosis, galerie Civica, Modène.

Expositions collectives 2007 Beautiful New World, 798 Dashanzi Art District, Pékin. 2006 Collage and Photomontage, Tokyo Metropolitan Museum of Photography. IDOL!, Yokohama Museum of Art, Kanagawa. Tokyo-Berlin/Berlin-Tokyo, Neue Nationalgalerie, Berlin. ZERO. International Avant-garde of the 50's and 60's, Museum Kunst Palast, Dusseldörf. Line and Surface Works on Paper, galerie Peter Blum, New York.

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Bibliographie sélective *DOUROUX Xavier, GAUTHEROT Franck, KIM Seung-duk, NICKAS Robert, PÉCOIL Vincent, Performance & Environnement – 1962-2000, Yayoi Kusama, Dijon, les presses du réel, 2001. *GAUTHEROT Franck, KUSAMA Yayoi, Mahattan Suicide Addict, Dijon, les presses du réel, 2005. All Prints of Kusama Yayoi, 1970-2004, Tokyo, Abe Corporation, 2005. *KUSAMA Yayoi, Kusama Orgy – Vol.1 Reprint (1969), Dijon, les presses du réel, 2001. HOPTMAN Laura, TATEHATA Akira, KULTERMANN Udo, Yayoi Kusama, Londres, Phaïdon, 2000. Les ouvrages précédés du signe * sont consultables sur demande au SPOT Articles de presse (sélection) BERTRAND Valère, « Kusama des pois et démesure », L’œil, n°530, octobre 2001, pp.22-27. BOURUET-AUBERTOT Véronique, « Yayoi Kusama, la fée aux petits pois », Beaux-Arts Magazine, n°201, février 2001, pp.80-87. BREERETTE Geneviève, « Yayoi Kusama, l’hallucination des pois », Le Monde, 17 février 2001. FOREST Philippe, « Yayoi Kusma, l’expérience intérieure », Art Press, n°267, avril 2001, pp.18-23. GENTET Magali, « Organic », Art Press, n°244, mars 1999, pp.86-88. REGNIER Philippe, « Kusama et ses pois », Le Journal des Arts, n°117, 15 décembre 2000, pp.11-12. Cette sélection d’articles de presse est disponible sur demande au SPOT Site Internet : http://www.yayoi-kusama.jp/

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Regards croisés : Les Nymphéas (1904) de Claude Monet / Guidepost to the New World (2005) et Dots Obsession : Infinity Mirrored Room (1998) de Yayoi Kusama À l’occasion de l’exposition des œuvres de Yayoi Kusama, Guidepost to the New World et Dots Obsession : Infinity Mirrored Room, dans le cadre de Downtown Le Havre, le SPOT, centre d’art contemporain, s’associe au Musée Malraux pour proposer une mise en perspective du travail de l’artiste contemporaine japonaise avec Les Nymphéas, chef d’œuvre du maître impressionniste, Claude Monet. Bien que ces œuvres soient très éloignées par leurs dates de création et leur forme ainsi que par les tendances artistiques dans lesquelles elles s’inscrivent, elles ne sont cependant pas sans relation. Dans les deux cas, l’artiste propose un espace dans lequel le regard pénètre, s’abîme ; au sens figuré pour le tableau de Claude Monet, qui ira tout de même jusqu’à créer un ensemble décoratif elliptique sur le thème des nymphéas, dans lequel le spectateur est véritablement

immergé (Orangerie), et au sens propre pour les environnements de Yayoi Kusama qui, pour Dots Obsession : Infinity Mirrored Room, joue en plus des reflets de miroirs pour créer un espace infini. De plus, ces œuvres de Claude Monet et de Yayoi Kusama sont respectivement situées en amont et en aval de l’Expressionnisme abstrait. En effet, les toiles de maturité du maître impressionniste ont considérablement inspiré les expressionnistes abstraits américains, tandis que le travail de l’artiste japonaise rompt avec ce mouvement tout en héritant du procédé de « all-over ». Enfin, ces œuvres ont pour caractéristique commune la représentation ou la matérialisation d’un motif obsessionnel : le bassin aux nymphéas a inspiré plus de 300 toiles à Claude Monet et les pois, la marque de fabrique de Yayoi Kusama, trouvent leur origine dans des hallucinations remontant à l’enfance.

(Date et horaire à définir lors de la réservation)

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Informations pratiques

Contact : Cécilia Le Métayer

Le SPOT 32, rue Jules Lecesne F_ 76600 Le Havre

Tel : +33 (0)2 35 22 93 27 Mail : [email protected] Mail médiation culturelle: [email protected]

Visite des expositions : entrée libre et gratuite - du mardi au samedi de 11h à 18h. Et sur Rdv - du 7 au 30 juin : ouverture du lundi au vendredi de 11h à 19h et du samedi au dimanche de 13h à 20h. Nocturne le samedi 7 juin jusqu’à 21h - sur rendez-vous pour les groupes et les scolaires

Programmation des expositions, rencontres, conférences et événements culturels sur le site Internet : www.le-spot.org Site de l’exposition Downtowwn Le Havre : www.le-spot.org/downtown/

Accès : Par train depuis Paris-Saint Lazare. Durée 2h00. Le SPOT est situé à 10 minutes à pied de la gare SNCF. Bus n°3, 5 ou 6

Les activités du SPOT sont soutenues par le Ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Haute-Normandie), la Ville du Havre et le Conseil Régional de Haute-Normandie. Le SPOT est membre du Art center social club

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