Supdh 20140605 supdh full
description
Transcript of Supdh 20140605 supdh full
© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
Supplément réalisé par Eddy Przybylski
LAGRANDEGUERRE
ÀHAUTEURD’HOMMECinquième partie :L’Yser, où la Grande guerres’embourba jusqu’en 1918.
Un seul coup de feu : dixhuit millions de morts Tout le monde le sait : la Première Guerremondiale trouve ses origines à Sarajevo. Repères.
28 JUIN 1914 L’archiduc FrançoisFerdinand, héritier du trône d’Autriche, est assassiné à Sarajevo parun idéaliste de 19 ans. L’attentat débouche sur un conflit mondial, aussi simplement que s’effondreun jeu de château de cartes. Pour l’expliquer, il faut évoquer l’effritement du grand Empire ottomanau cours du 19e siècle. La Grèce s’en est détachée pour proclamer son indépendance dès 1830. Puisla Bulgarie. Et la Serbie, capitale Belgrade. Ensuite, en 1909, l’Empire autrichien s’empare de la Bosnie,capitale Sarajevo. Impuissant, le gouvernement de Constantinople laisse faire.Les Serbes sont furieux. Le professeur Tixhon, de l’Université de Namur : “Comme tous les États européensde l’époque, la Serbie développe un nationalisme extrême. On y rêve d’une Grande Serbie qui irait jusqu’auxfrontières de la Grèce. De plus, la Bosnie offrirait aux Serbes l’accès à la Méditerranée. Belgrade, en s’appuyantsur les Serbes vivant en Bosnie, alimente une espèce de terrorisme et développe l’agitation et un sentiment antiautrichien. L’assassinat de Sarajevo s’est déroulé dans ce contextelà. L’auteur est un Serbe de Bosnie, membred’un groupe révolutionnaire. Les Autrichiens sont persuadés qu’il a été téléguidé par le gouvernement serbe.”Le professeur Balace, de l’Université de Liège : “L’arme du crime est un pistolet automatique BrowningF1903 provenant d’un lot qui avait été livré par la FN de Herstal à la Serbie deux mois avant l’attentat. C’estce qui a fait penser que Belgrade avait organisé l’assassinat.” D’où l’exigence des Autrichiens : ils entendentaller euxmêmes mener l’enquête à Belgrade. Les Serbes refusent au nom de l’intégrité nationale. Les Allemands incitent les Autrichiens à la plus grande fermeté.
23 JUILLET L’Autriche pose un ultimatum et, le 28, elle déclare la guerre à la Serbie. Le 29, la Russie, défenderesse de la Serbie, déclare la guerre à l’Autriche.
28 JUILLET Il y a déjà des bombardements sur Belgrade. C’est le vrai début de la guerre.31 JUILL ET À Paris, Jean Jaurès, prêcheur du pacifisme, est assassiné et, le lendemain, 1er août, l’Allemagne
déclare la guerre à la Russie; la France, alliée des tsars, décrète la mobilisation générale. La Belgique, paysneutre mais craignant l’invasion, le fait également.
2 AOÛT L’Allemagne envahit le Luxembourg et exige que la Belgique laisse passer ses troupes.3 AOÛT La Belgique refuse. L’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.4 AOÛT À l’aube, les Allemands pénètrent sur le sol belge. À 10 h, à Thimister, Antoine Fonck est le premier
soldat belge tué. À midi, discours du roi Albert devant le Parlement. Appel à l’aide des Britanniques, garants de notre neutralité, et des Français. La GrandeBretagne déclare la guerre à l’Allemagne.
5 AOÛT Sur la route de Liège, l’armée belge oppose aux Allemands une résistance inattendue qui provoque en retour une brutalité terrifiante des envahisseurs. Les maisons de Battice sont incendiées le 6et celles de Herve le 8.
6 AOÛT Les Allemands sont à Liège. Ils peuvent prendre à revers les 12 forts censés protéger la ville. Flémalle et Hollogne tiendront jusqu’au 16. Les Allemands entreront dans Bruxelles le 19.Les armées belges se replient vers Anvers.
15 et 16 AOÛT À Dinant, l’armée française subit le baptême du feu.22 AOÛT Cette fois, la guerre éclate. Grandes batailles près de Virton : à Rossignol (plus de 15.000 morts),
à Éthe, mais aussi à Namur, à Charleroi et à Mons. Les Français perdront, ce jourlà, plus d’hommesqu’en huit ans de guerre d’Algérie. Le 23, ça se bat à Dinant où 674 civils sont abattus. Il y aura d’autrestueries : à Andenne, à Seilles, à Tamines... Vaincus, les Français ont ordre de se replier vers la Marne.
25 AOÛT Première des trois sorties des troupes belges d’Anvers assiégée. Notre armée occupe ainsi150000 soldats allemands alors que se prépare la grande bataille de la Marne.
9 SEPTEMBRE Sur la Marne, les 150000 soldats allemands retenus en Belgique manquent cruellementaux envahisseurs. C’est la victoire française et la retraite générale de l’armée allemande pour qui l’objectif change : contourner Paris par le nord et prendre les ports de Dunkerque, de Boulogne et de Calais afinde contrarier les débarquements britanniques. On appellera cela la Course à la Mer. Ainsi, l’Yser etle Nord de la France deviendront les principaux champs de bataille de 1418.
9 OCTOBRE L’armée belge quitte Anvers et se replie audelà de l’Yser La Bataille de l’Yser débute le 19.7 MAI 1915 Depuis février, les Allemands ont lancé les premiers sousmarins. Ils torpillent tous les ba
teaux qui font route vers l’Angleterre, y compris ceux des pays neutres. Ce 7 mai, le Lusitania, un paquebot transatlantique, est coulé : 1.200 morts dont 128 ressortissants américains. Ce fait tragique influence l’entrée en guerre des ÉtatsUnis.
2 AVRIL 1917 Entrée en guerre des ÉtatsUnis. Les premiers corps militaires américains débarquentà Nantes et La Rochelle à partir d’octobre 1917. Mais les troupes n’entrent pas tout de suite dans la bataille. On prend le temps de rassembler deux millions d’hommes.
6 JUILLET 1917 Lawrence d’Arabie entre dans Aqaba. Au début de la guerre, l’immense Empire ottomanhésitait. Plusieurs archéologues britanniques, occupés sur des chantiers en Turquie, servirent d’espionsafin de convaincre Constantinople de rejoindre les alliés. Thomas Lawrence était l’un d’eux. Les prétentions françaises en Algérie et anglaises en Égypte, décidèrent le sultan à choisir l’Allemagne. Lawrence,promu colonel, fut envoyé dans les déserts arabes afin de retourner les tribus contre les Turcs. La victoire d’Aqaba précipitait la chute de l’Empire ottoman.
PRINTEMPS 1918 Sur la côte Atlantique, les Américains arrivent à raison de 200.000 hommes par mois.L’Empereur et le haut commandement allemand s’installent à Spa et préparent, avant que ne se metteen marche l’armée amércaine, une offensive de la dernière chance.
AVRIL 1918 À Seicheprey, en Lorraine, l’Amérique entre dans la bataille . Les Allemands comprennent viteque la guerre est perdue. L’Empereur sait que la défaite signifie son abdication. Il retarde sa signature.
11 NOVEMBRE 1918 Les Allemands signent un armistice avant que leur pays ne soit envahi. Bilan : le coupde feu du 28 juin 1914 à Sarajevo aura causé la mort de 18 millions de personnes. En Belgique,42700 militaires ou assimilés ont perdu la vie. On compte aussi 24.500 victimes civiles.
2-3 La Grande guerre à hauteur d’homme
La Grande guerre à hauteur d’homme. Supplément gratuit à La Libre Belgique et à La Dernière Heure.Rédaction : Christian Laporte.Conception graphique : Jean-Pierre Lambert. Coordination rédactionnelle : Gilles Milecan.Infographie : Astrid ‘t Sterstevens, Didier Lorge et Etienne Scholasse.Réalisation : IPM Press Print. Administrateur délégué – éditeur responsable : François le Hodey.
Les cent ans
Liège. La célébration officielledu centenaire du début de laPremière guerre mondiale,ce 4 août, commencera à Liège.Le roi Philippe a invité cinquantechefs d’États. Le présidentfrançais François Holland et leprésident de la Républiqued’Allemagne, Joachim Gauck, ontconfirmé leur participation, ainsique, pour représenter la Grande-Bretagne, le prince William, quisera accompagné de son épouse.Une réception à l’Hôtel de Villesera suivie de la cérémonieofficielle au Monument Interalliéde Cointe, qui fut construitentre 1928 et 1937 à l’initiativedes Anciens Combattants, etfinancé par les Nations alliées.En fin d’après-midi, des cérémo-nies auront lieu à Mons, sur leslieux mêmes où est tombé lepremier soldat britannique.Ypres et Nieuport. La commé-moration du 100e anniversairede la bataille d’Ypres, est fixéepour le 28 octobre à Ypres et àNieuport.Liège. D’innombrables exposi-tions sont proposées à travers lepays. Un des événements mar-quants, “J’avais 20 ans en 1914”sera inauguré le 1er août sur lesite des Guillemins, à Liège.Cette exposition exceptionnellesera aussi déclinée sur la théma-tique plus particulière “14-18 enpays de Liège” sur deux autressites : l’ancienne église Saint-An-dré et le Musée de la Vie wal-lonne.Au musée de l’Armée. L’autreexposition événementielle estdéjà en cours : “14-18 C’est notrehistoire” au musée royal del’Armée et de l’Histoire militaire,Parc du Cinquantenaire 3, àBruxelles. Jusqu’au 26 avril2015. (fermé le lundi)
Un seul coup de feu : dixhuit millions de morts Tout le monde le sait : la Première Guerremondiale trouve ses origines à Sarajevo. Repères.
28 JUIN 1914 L’archiduc FrançoisFerdinand, héritier du trône d’Autriche, est assassiné à Sarajevo parun idéaliste de 19 ans. L’attentat débouche sur un conflit mondial, aussi simplement que s’effondreun jeu de château de cartes. Pour l’expliquer, il faut évoquer l’effritement du grand Empire ottomanau cours du 19e siècle. La Grèce s’en est détachée pour proclamer son indépendance dès 1830. Puisla Bulgarie. Et la Serbie, capitale Belgrade. Ensuite, en 1909, l’Empire autrichien s’empare de la Bosnie,capitale Sarajevo. Impuissant, le gouvernement de Constantinople laisse faire.Les Serbes sont furieux. Le professeur Tixhon, de l’Université de Namur : “Comme tous les États européensde l’époque, la Serbie développe un nationalisme extrême. On y rêve d’une Grande Serbie qui irait jusqu’auxfrontières de la Grèce. De plus, la Bosnie offrirait aux Serbes l’accès à la Méditerranée. Belgrade, en s’appuyantsur les Serbes vivant en Bosnie, alimente une espèce de terrorisme et développe l’agitation et un sentiment antiautrichien. L’assassinat de Sarajevo s’est déroulé dans ce contextelà. L’auteur est un Serbe de Bosnie, membred’un groupe révolutionnaire. Les Autrichiens sont persuadés qu’il a été téléguidé par le gouvernement serbe.”Le professeur Balace, de l’Université de Liège : “L’arme du crime est un pistolet automatique BrowningF1903 provenant d’un lot qui avait été livré par la FN de Herstal à la Serbie deux mois avant l’attentat. C’estce qui a fait penser que Belgrade avait organisé l’assassinat.” D’où l’exigence des Autrichiens : ils entendentaller euxmêmes mener l’enquête à Belgrade. Les Serbes refusent au nom de l’intégrité nationale. Les Allemands incitent les Autrichiens à la plus grande fermeté.
23 JUILLET L’Autriche pose un ultimatum et, le 28, elle déclare la guerre à la Serbie. Le 29, la Russie, défenderesse de la Serbie, déclare la guerre à l’Autriche.
28 JUILLET Il y a déjà des bombardements sur Belgrade. C’est le vrai début de la guerre.31 JUILL ET À Paris, Jean Jaurès, prêcheur du pacifisme, est assassiné et, le lendemain, 1er août, l’Allemagne
déclare la guerre à la Russie; la France, alliée des tsars, décrète la mobilisation générale. La Belgique, paysneutre mais craignant l’invasion, le fait également.
2 AOÛT L’Allemagne envahit le Luxembourg et exige que la Belgique laisse passer ses troupes.3 AOÛT La Belgique refuse. L’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.4 AOÛT À l’aube, les Allemands pénètrent sur le sol belge. À 10 h, à Thimister, Antoine Fonck est le premier
soldat belge tué. À midi, discours du roi Albert devant le Parlement. Appel à l’aide des Britanniques, garants de notre neutralité, et des Français. La GrandeBretagne déclare la guerre à l’Allemagne.
5 AOÛT Sur la route de Liège, l’armée belge oppose aux Allemands une résistance inattendue qui provoque en retour une brutalité terrifiante des envahisseurs. Les maisons de Battice sont incendiées le 6et celles de Herve le 8.
6 AOÛT Les Allemands sont à Liège. Ils peuvent prendre à revers les 12 forts censés protéger la ville. Flémalle et Hollogne tiendront jusqu’au 16. Les Allemands entreront dans Bruxelles le 19.Les armées belges se replient vers Anvers.
15 et 16 AOÛT À Dinant, l’armée française subit le baptême du feu.22 AOÛT Cette fois, la guerre éclate. Grandes batailles près de Virton : à Rossignol (plus de 15.000 morts),
à Éthe, mais aussi à Namur, à Charleroi et à Mons. Les Français perdront, ce jourlà, plus d’hommesqu’en huit ans de guerre d’Algérie. Le 23, ça se bat à Dinant où 674 civils sont abattus. Il y aura d’autrestueries : à Andenne, à Seilles, à Tamines... Vaincus, les Français ont ordre de se replier vers la Marne.
25 AOÛT Première des trois sorties des troupes belges d’Anvers assiégée. Notre armée occupe ainsi150000 soldats allemands alors que se prépare la grande bataille de la Marne.
9 SEPTEMBRE Sur la Marne, les 150000 soldats allemands retenus en Belgique manquent cruellementaux envahisseurs. C’est la victoire française et la retraite générale de l’armée allemande pour qui l’objectif change : contourner Paris par le nord et prendre les ports de Dunkerque, de Boulogne et de Calais afinde contrarier les débarquements britanniques. On appellera cela la Course à la Mer. Ainsi, l’Yser etle Nord de la France deviendront les principaux champs de bataille de 1418.
9 OCTOBRE L’armée belge quitte Anvers et se replie audelà de l’Yser La Bataille de l’Yser débute le 19.7 MAI 1915 Depuis février, les Allemands ont lancé les premiers sousmarins. Ils torpillent tous les ba
teaux qui font route vers l’Angleterre, y compris ceux des pays neutres. Ce 7 mai, le Lusitania, un paquebot transatlantique, est coulé : 1.200 morts dont 128 ressortissants américains. Ce fait tragique influence l’entrée en guerre des ÉtatsUnis.
2 AVRIL 1917 Entrée en guerre des ÉtatsUnis. Les premiers corps militaires américains débarquentà Nantes et La Rochelle à partir d’octobre 1917. Mais les troupes n’entrent pas tout de suite dans la bataille. On prend le temps de rassembler deux millions d’hommes.
6 JUILLET 1917 Lawrence d’Arabie entre dans Aqaba. Au début de la guerre, l’immense Empire ottomanhésitait. Plusieurs archéologues britanniques, occupés sur des chantiers en Turquie, servirent d’espionsafin de convaincre Constantinople de rejoindre les alliés. Thomas Lawrence était l’un d’eux. Les prétentions françaises en Algérie et anglaises en Égypte, décidèrent le sultan à choisir l’Allemagne. Lawrence,promu colonel, fut envoyé dans les déserts arabes afin de retourner les tribus contre les Turcs. La victoire d’Aqaba précipitait la chute de l’Empire ottoman.
PRINTEMPS 1918 Sur la côte Atlantique, les Américains arrivent à raison de 200.000 hommes par mois.L’Empereur et le haut commandement allemand s’installent à Spa et préparent, avant que ne se metteen marche l’armée amércaine, une offensive de la dernière chance.
AVRIL 1918 À Seicheprey, en Lorraine, l’Amérique entre dans la bataille . Les Allemands comprennent viteque la guerre est perdue. L’Empereur sait que la défaite signifie son abdication. Il retarde sa signature.
11 NOVEMBRE 1918 Les Allemands signent un armistice avant que leur pays ne soit envahi. Bilan : le coupde feu du 28 juin 1914 à Sarajevo aura causé la mort de 18 millions de personnes. En Belgique,42700 militaires ou assimilés ont perdu la vie. On compte aussi 24.500 victimes civiles.
2-3 La Grande guerre à hauteur d’homme
La Grande guerre à hauteur d’homme. Supplément gratuit à La Libre Belgique et à La Dernière Heure.Rédaction : Christian Laporte.Conception graphique : Jean-Pierre Lambert. Coordination rédactionnelle : Gilles Milecan.Infographie : Astrid ‘t Sterstevens, Didier Lorge et Etienne Scholasse.Réalisation : IPM Press Print. Administrateur délégué – éditeur responsable : François le Hodey.
Les cent ans
Liège. La célébration officielledu centenaire du début de laPremière guerre mondiale,ce 4 août, commencera à Liège.Le roi Philippe a invité cinquantechefs d’États. Le présidentfrançais François Holland et leprésident de la Républiqued’Allemagne, Joachim Gauck, ontconfirmé leur participation, ainsique, pour représenter la Grande-Bretagne, le prince William, quisera accompagné de son épouse.Une réception à l’Hôtel de Villesera suivie de la cérémonieofficielle au Monument Interalliéde Cointe, qui fut construitentre 1928 et 1937 à l’initiativedes Anciens Combattants, etfinancé par les Nations alliées.En fin d’après-midi, des cérémo-nies auront lieu à Mons, sur leslieux mêmes où est tombé lepremier soldat britannique.Ypres et Nieuport. La commé-moration du 100e anniversairede la bataille d’Ypres, est fixéepour le 28 octobre à Ypres et àNieuport.Liège. D’innombrables exposi-tions sont proposées à travers lepays. Un des événements mar-quants, “J’avais 20 ans en 1914”sera inauguré le 1er août sur lesite des Guillemins, à Liège.Cette exposition exceptionnellesera aussi déclinée sur la théma-tique plus particulière “14-18 enpays de Liège” sur deux autressites : l’ancienne église Saint-An-dré et le Musée de la Vie wal-lonne.Au musée de l’Armée. L’autreexposition événementielle estdéjà en cours : “14-18 C’est notrehistoire” au musée royal del’Armée et de l’Histoire militaire,Parc du Cinquantenaire 3, àBruxelles. Jusqu’au 26 avril2015. (fermé le lundi)
Pendant quatre ans,ils ont vécu entre la boueet les sacs de sable.
l Un autre ennemi
Les médecins l’ontappelé le cafard
“Selon les tempéraments, ceshommes vivaient angoissés outerrorisés, même si les incidentsétaient assez rares.” Maisl’inaction même induit uneconséquence perverse : “Unautre ennemi s’installe : l’ennui ! Les médecins nomment lesdépressions nerveuses des tranchées : le cafard, mélange d’ennui, d’angoisse et de terreur.”
Le courrier ne passe évidemment pas jusqu’au frontet, pendant quatre ans, certains ne reçoivent aucunenouvelle de leur famille. Çan’arrange rien. “Pratiquementtous les militaires ont souffert, àun moment, de ce cafard.”
Des moments de détente ?“À force de vivre dans la terre,ces hommes devenaient des bêtes. Mais ils voulaient faire toutpour rester quand même deshommes. Ils ont beaucoup dessiné, sculpté du bois ou d’autresmatières. Il y a eu un artisanatde tranchées. Ils ont aussi écrit.”Les carnets de notes sont innombrables. Sans doute, pensaientils que ce serait les seules traces d’eux qui subsisteraient. Ils y traduisaient undésespoir : celui de n’être pascompris, de laisser le mondeextérieur indifférent.
l Livre Le pont et la mitrailleuseLes carnets et le courrier laissés par quarante combattants servent de support aulivre de Benoît Amez, Vie et survie dans les
tranchées belges, aux éditionsJourdan. Une passionnante analyse par thèmes. Le livre évoquel’invasion d’août 14, la bataillede l’Yser et la contreoffensivefinale qui, dans cette région, acommencé en septembre 1918,
avec l’appui des Américains, Anglais, Canadiens, Australiens et Français.
L’Histoire a laissé le sentiment que ce futun assaut tranquille. Par ces récits, onse rend compte qu’on est quand même
bel et bien à la guerre.Situation vécue : 29 septembre 1918 à
11 h 15. Un pont. De l’autre côté, des mitrailleuses allemandes. Une seule stratégiepossible : envoyer tellement d’hommes surle pont qu’ils ne pourront pas les tuer tous.Ceux qui parviendront de l’autre côté neutraliseront les mitrailleuses. Après avoir tuéun maximum de nos hommes, les soldats allemands se retrouvèrent piégés et paniqués.“Ils bégayaient trop tard “Kamarad !” et lescombattants leur donnèrent des coups de poignards bien mérités.”UVie et survie dans les tranchées belges,de Benoît Amez, éditions Jourdan
HOOG
ECR
ATER
SM
USEU
M
Les soldats des tranchées vivaient aussi avec la mort pour toile de fond. Celles de leurs copains. La leur, éventuellement, à l’hori-zon. Et la mort, c’est la mort. On a beau dire, on ne s’y habitue pas…
DIXM
UDE
–LE
BOYA
UDE
LAM
ORT
Retranchés derrière la ligne de chemin de fer Nieuport-Dixmude,les Belges avaient rejeté les Allemands au-delà de la plaine inondée.
D.R.
Le Flanders Fields museum. La ville d’Ypres, centredes combats, a ouvert le nouveau musée en juin 2012.
D.H.
DominiekDeendoven“Une journée sur la ligne defront, ce sont des quarts desix heures. On est de gardeune pause sur deux. Quandon ne l’est pas, il y a dutravail, du repos, les loisirsqu’on s’invente et, si possible, on peut dormir dansla tranchée arrière ou dansde petites casemates.”On y entre à quatre pattes,on se couche sur unepaille où d’autres ontdormi. On reste habillé.On ne se lave pas.“Dans les tranchées,il n’existe pas d’intimité.Les toilettes, c’est un seau.Vous faites ça devant toutle monde. À moins de trouver un petit coin où vouspourrez vous abriter avecune bâche.”
Novembre 1914 l LA VIE DANS LES TRANCHÉES DE L’YSER
Les rats, l’ennui, la peur, le son du canonh Bois, sacs en toilede jute, sable, terre:une tranchée.
n “En théorie, un soldat passait quatre jours dans la tranchée la plus dangereuse, puisquatre jours dans la ligne arrière. Après, il était envoyé,pour quatre jours de piquet,dans l’arrièrepays, où il setrouvait davantage en sécurité. On les installait dans desfermes ou ça bivouaquait parfois. Ces soldats bénéficiaientaussi de périodes de reposqu’ils passaient dans des zonesplus éloignées : La Panne, Adinkerque, Calais… Il y a même eude rares périodes de congé etdes aumôniers organisaientdes voyages, notamment àLourdes. “
On trouve, en Flandre occidentale, plusieurs sites oùl’on a tenté de reconstituer
des tranchées et de montrerce que c’était. Les sacs de sable y sont en pierre et en ciment…
Dominiek Dendooven estun des cinq historiens ducentre de recherches duFlanders Field à Ypres : “Partout où l’on vous montrera destranchées, il s’agit de reconstructions et c’est déjà bien si elles sont réalisées sur les lieuxmêmes. Par nature, les tranchées sont des constructionstemporaires.”
Les matériaux qui les caractérisaient étaient le bois,les sacs de sable en toile dejute et la terre. En cent ans,le bois a pourri, le jute a cédé,le sable a coulé et la terres’est effondrée. “Déjà à l’époque, sur place, les hommes devaient sans cesse les consoliderau jour le jour.”
Cela dit, la visite de la pluscélèbre des tranchées,le Toddenbang ou Boyau de
la Mort, à Dixmude, permetde très bien apprécier l’organisation. Il n’y a pas une tranchée, mais deux. La ligne defront et ses zigzags qui offrent d’éventuels abris.À l’arrière, la tranchée desupport, davantage en lignedroite, garantit le passagevers le monde extérieur, l’approvisionnement en vivreset en nourritures, et aussil’évacuation des blessés etdes morts.
Il n’existe évidemment pasun modèle type de tranchées. On s’adapte au lieu.Dans les sites moins exposés,c’est un véritable petit villagede terre et de sacs de sablequi constitue la tranchée desupport, avec plusieurs abrispour que les hommes puissent prendre du repos.
À partir de la fin de la bataille de l’Yser, en octobre 1914, les troupes sontquasiment restées, pendant
quatre ans, sur leurs positions. Cela ne signifie pas dutout que le danger s’est éloigné. “Cette guerre des tranchées a surtout été une guerred’artillerie. Les tirs étaient incessants, jour et nuit. Un obuspouvait arriver à tout instant,soit par le plus grand des hasards, soit parce qu’il annonçait le début d’un pilonnagemassif. On peut dire qu’après1914, les soldats ne se sont jamais sentis à l’aise dans lestranchées. Le bruit des canonsétait là, à chaque instant, pourleur rappeler le danger. Ça pétait toujours quelque part.”
Dans les tranchées, on vitavec les puces, les poux,la vermine, les souris etles rats. Avec les pluies et,surtout, la boue. Et les maladies. “Il y a eu plus de maladiesdans les tranchées belgesqu’ailleurs. On était dans uneplaine inondée. Ça n’est jamaisfavorable à la santé.”.
l Anvers
Les derniers combatsà l’ancienne
n Le 20 août, sur ordre du roi, toutes les troupes belges sont regroupées à Anvers où des fortifications etdes positions défensives ont été prévues. Il s’agit de préserver le port,haut lieu stratégique s’il en est.
Mais, quand les Allemands organisent le siège de la ville, c’est prioritairement pour garantir le passagetranquille, un peu plus bas, de l’armée de 150000 hommes qui marche vers la Marne. Les Belges vontcontrarier cette marche tranquilleen lançant, vers cette armée, troisraids au cours desquels ils vont utiliser une nouvelle arme, inventéepour la circonstance : les automobiles blindées. Les spécialistes considèrent que le sort de la bataille de laMarne, remportée par les Français,aurait été différent si les Allemandsavaient eu ces 150000 hommeslà.
Un éclusier de Nieuport réoriente la guerre
Qui a eu l’idée d’ouvrirles écluses de Nieuport ?Celuilà a permis aux Belgesde remporter la bataille del’Yser. On a dit que les plaines où les Allemands étaientpositionnés ont été inondées.C’est vrai. Il n’y a pas eu denoyés pour autant.Dominiek Dendooven :“L’eau est montée petit à petit.Mais, dès les premiers jours,les Allemands se sont retrouvés embourbés sur un terraindevenu impraticable. Ilsn’avaient d’autres solutionsque de faire marche arrière etde se replier audelà de l’Yser.Il ne leur était plus possible dese battre et de tenter de percerle front belge. La bataille étaitperdue.”Le grand héros est un batelier de 60 ans, Hendrik Geeraerd. Il n’est probablementpas celui qui a eu l’idée, maisil est assurément l’hommequi a réussi à la concrétiser.Le projet avait été pensé parle haut commandement. Plusfacile à imaginer qu’à réaliser… “Il fallait ouvrir lesécluses à marée haute pourque les eaux entrent et lesfermer à marée basse pourqu’elles ne s’évacuent pas.”
Le maîtreéclusier, KarelCogge, ayant échoué,il s’adressa à un batelier, à cetHendrik Geeraert. “Il était leseul à connaître le mécanismede cette écluse.”À Nieuport, le monumentau Roi Albert a été érigé làoù se situaient ces écluseshistoriques.Audelà de l’Yser et dela plaine inondée, les Allemands se trouvaient maintenus à un kilomètre des lignesbelges. Avec comme unique
perspective d’utiliser lescanons pour faire reculerl’adversaire. Pour s’en protéger, les Belges creusèrentdes tranchées. On mit enroute aussi notre artillerie etles Allemands eurent leurspropres tranchées. Ainsi, lespositions se sont stabiliséeset, entre novembre 1914 etseptembre 1918, la guerrese passa dans ces tranchées.Ci et là, dans la plaine, entrela ligne de chemin de fer etle lit de l’Yser, quelques îlots
résistaient à l’inondation.“Chaque îlot servait de posteavancé, occupé par des Belges,ou par des Allemands. Chacunvoulait récupérer l’îlôt del’autre. Au cours de ces quatreannées, les seuls raids visaientà conquérir un îlot. Il y a deslieux où on attaquait enpassant à gué. Parfois, on autilisé des petits bateaux. On amême capturé un soldatallemand qui expérimentaitmanifestement une sorte decombinaison sousmarine.”
h Il inonde la vallée de l’Yser et cela amène les combattants à se terrer dans des tranchées
EDIT
IIONS
JOUR
DAN
Le pilonnage d’Anversn Les Allemands se concentrent surAnvers. Le pilonnage des fortifications commence le 28 septembre.Le 5 octobre, l’ennemi prend Lierre,à 20 km de là. Et il marche sur Termonde et l’Escaut. Clairement, l’intention est d’encercler la ville
C’est qu’en France, le général Focha demandé aux Belges de partir versl’Yser et de rendre le petit fleuve infranchissable. Cela s’inscrit dansleur projet : dresser une véritablebarrière entre Belfort et Nieuport.
C’est la course. Il est impératif queles Belges arrivent à l’Yser avant lesAllemands. Les fusiliers marins bretons arrivent à Melle, dans les environs de Gand, pour assurer à nostroupes un couloir de passage.L’évacuation d’Anvers commence le6 octobre.
50.000 hommes partent versl’Yser et 40.000 passent aux PaysBas avec l’intention de revenir vial’Angleterre. Les Hollandais, craignant des représailles, vont lesmaintenir dans des camps.
Le 10 octobre, le gros de l’arméebelge est retranché derrière l’Yser.Mais les Allemands sont là aussi. Ilsveulent forcer le passage. Ils le fontd’ailleurs. C’est la Bataille de l’Yser.
Alors, les Belges choisissentune autre ligne de front à protéger :la ligne de chemin de fer entre Dixmude et Nieuport. Elle est surélevéepar rapport à la campagne environnante. On a une idée : ouvrir lesécluses à Nieuport et inonder laplaine entre le chemin de fer etl’Yser. Les Allemands sont pris dansun bourbier. Ils doivent reculer àun kilomètre du front belge. On nepasse plus. On n’avance plus. Oncreuse des tranchées. Pendant quatre ans, la guerre se déroulera ici.
4-5 La Grande guerre à hauteur d’homme
Pendant quatre ans,ils ont vécu entre la boueet les sacs de sable.
l Un autre ennemi
Les médecins l’ontappelé le cafard
“Selon les tempéraments, ceshommes vivaient angoissés outerrorisés, même si les incidentsétaient assez rares.” Maisl’inaction même induit uneconséquence perverse : “Unautre ennemi s’installe : l’ennui ! Les médecins nomment lesdépressions nerveuses des tranchées : le cafard, mélange d’ennui, d’angoisse et de terreur.”
Le courrier ne passe évidemment pas jusqu’au frontet, pendant quatre ans, certains ne reçoivent aucunenouvelle de leur famille. Çan’arrange rien. “Pratiquementtous les militaires ont souffert, àun moment, de ce cafard.”
Des moments de détente ?“À force de vivre dans la terre,ces hommes devenaient des bêtes. Mais ils voulaient faire toutpour rester quand même deshommes. Ils ont beaucoup dessiné, sculpté du bois ou d’autresmatières. Il y a eu un artisanatde tranchées. Ils ont aussi écrit.”Les carnets de notes sont innombrables. Sans doute, pensaientils que ce serait les seules traces d’eux qui subsisteraient. Ils y traduisaient undésespoir : celui de n’être pascompris, de laisser le mondeextérieur indifférent.
l Livre Le pont et la mitrailleuseLes carnets et le courrier laissés par quarante combattants servent de support aulivre de Benoît Amez, Vie et survie dans les
tranchées belges, aux éditionsJourdan. Une passionnante analyse par thèmes. Le livre évoquel’invasion d’août 14, la bataillede l’Yser et la contreoffensivefinale qui, dans cette région, acommencé en septembre 1918,
avec l’appui des Américains, Anglais, Canadiens, Australiens et Français.
L’Histoire a laissé le sentiment que ce futun assaut tranquille. Par ces récits, onse rend compte qu’on est quand même
bel et bien à la guerre.Situation vécue : 29 septembre 1918 à
11 h 15. Un pont. De l’autre côté, des mitrailleuses allemandes. Une seule stratégiepossible : envoyer tellement d’hommes surle pont qu’ils ne pourront pas les tuer tous.Ceux qui parviendront de l’autre côté neutraliseront les mitrailleuses. Après avoir tuéun maximum de nos hommes, les soldats allemands se retrouvèrent piégés et paniqués.“Ils bégayaient trop tard “Kamarad !” et lescombattants leur donnèrent des coups de poignards bien mérités.”UVie et survie dans les tranchées belges,de Benoît Amez, éditions Jourdan
HOOG
ECR
ATER
SM
USEU
M
Les soldats des tranchées vivaient aussi avec la mort pour toile de fond. Celles de leurs copains. La leur, éventuellement, à l’hori-zon. Et la mort, c’est la mort. On a beau dire, on ne s’y habitue pas…
DIXM
UDE
–LE
BOYA
UDE
LAM
ORT
Retranchés derrière la ligne de chemin de fer Nieuport-Dixmude,les Belges avaient rejeté les Allemands au-delà de la plaine inondée.
D.R.
Le Flanders Fields museum. La ville d’Ypres, centredes combats, a ouvert le nouveau musée en juin 2012.
D.H.
DominiekDeendoven“Une journée sur la ligne defront, ce sont des quarts desix heures. On est de gardeune pause sur deux. Quandon ne l’est pas, il y a dutravail, du repos, les loisirsqu’on s’invente et, si possible, on peut dormir dansla tranchée arrière ou dansde petites casemates.”On y entre à quatre pattes,on se couche sur unepaille où d’autres ontdormi. On reste habillé.On ne se lave pas.“Dans les tranchées,il n’existe pas d’intimité.Les toilettes, c’est un seau.Vous faites ça devant toutle monde. À moins de trouver un petit coin où vouspourrez vous abriter avecune bâche.”
Novembre 1914 l LA VIE DANS LES TRANCHÉES DE L’YSER
Les rats, l’ennui, la peur, le son du canonh Bois, sacs en toilede jute, sable, terre:une tranchée.
n “En théorie, un soldat passait quatre jours dans la tranchée la plus dangereuse, puisquatre jours dans la ligne arrière. Après, il était envoyé,pour quatre jours de piquet,dans l’arrièrepays, où il setrouvait davantage en sécurité. On les installait dans desfermes ou ça bivouaquait parfois. Ces soldats bénéficiaientaussi de périodes de reposqu’ils passaient dans des zonesplus éloignées : La Panne, Adinkerque, Calais… Il y a même eude rares périodes de congé etdes aumôniers organisaientdes voyages, notamment àLourdes. “
On trouve, en Flandre occidentale, plusieurs sites oùl’on a tenté de reconstituer
des tranchées et de montrerce que c’était. Les sacs de sable y sont en pierre et en ciment…
Dominiek Dendooven estun des cinq historiens ducentre de recherches duFlanders Field à Ypres : “Partout où l’on vous montrera destranchées, il s’agit de reconstructions et c’est déjà bien si elles sont réalisées sur les lieuxmêmes. Par nature, les tranchées sont des constructionstemporaires.”
Les matériaux qui les caractérisaient étaient le bois,les sacs de sable en toile dejute et la terre. En cent ans,le bois a pourri, le jute a cédé,le sable a coulé et la terres’est effondrée. “Déjà à l’époque, sur place, les hommes devaient sans cesse les consoliderau jour le jour.”
Cela dit, la visite de la pluscélèbre des tranchées,le Toddenbang ou Boyau de
la Mort, à Dixmude, permetde très bien apprécier l’organisation. Il n’y a pas une tranchée, mais deux. La ligne defront et ses zigzags qui offrent d’éventuels abris.À l’arrière, la tranchée desupport, davantage en lignedroite, garantit le passagevers le monde extérieur, l’approvisionnement en vivreset en nourritures, et aussil’évacuation des blessés etdes morts.
Il n’existe évidemment pasun modèle type de tranchées. On s’adapte au lieu.Dans les sites moins exposés,c’est un véritable petit villagede terre et de sacs de sablequi constitue la tranchée desupport, avec plusieurs abrispour que les hommes puissent prendre du repos.
À partir de la fin de la bataille de l’Yser, en octobre 1914, les troupes sontquasiment restées, pendant
quatre ans, sur leurs positions. Cela ne signifie pas dutout que le danger s’est éloigné. “Cette guerre des tranchées a surtout été une guerred’artillerie. Les tirs étaient incessants, jour et nuit. Un obuspouvait arriver à tout instant,soit par le plus grand des hasards, soit parce qu’il annonçait le début d’un pilonnagemassif. On peut dire qu’après1914, les soldats ne se sont jamais sentis à l’aise dans lestranchées. Le bruit des canonsétait là, à chaque instant, pourleur rappeler le danger. Ça pétait toujours quelque part.”
Dans les tranchées, on vitavec les puces, les poux,la vermine, les souris etles rats. Avec les pluies et,surtout, la boue. Et les maladies. “Il y a eu plus de maladiesdans les tranchées belgesqu’ailleurs. On était dans uneplaine inondée. Ça n’est jamaisfavorable à la santé.”.
l Anvers
Les derniers combatsà l’ancienne
n Le 20 août, sur ordre du roi, toutes les troupes belges sont regroupées à Anvers où des fortifications etdes positions défensives ont été prévues. Il s’agit de préserver le port,haut lieu stratégique s’il en est.
Mais, quand les Allemands organisent le siège de la ville, c’est prioritairement pour garantir le passagetranquille, un peu plus bas, de l’armée de 150000 hommes qui marche vers la Marne. Les Belges vontcontrarier cette marche tranquilleen lançant, vers cette armée, troisraids au cours desquels ils vont utiliser une nouvelle arme, inventéepour la circonstance : les automobiles blindées. Les spécialistes considèrent que le sort de la bataille de laMarne, remportée par les Français,aurait été différent si les Allemandsavaient eu ces 150000 hommeslà.
Un éclusier de Nieuport réoriente la guerre
Qui a eu l’idée d’ouvrirles écluses de Nieuport ?Celuilà a permis aux Belgesde remporter la bataille del’Yser. On a dit que les plaines où les Allemands étaientpositionnés ont été inondées.C’est vrai. Il n’y a pas eu denoyés pour autant.Dominiek Dendooven :“L’eau est montée petit à petit.Mais, dès les premiers jours,les Allemands se sont retrouvés embourbés sur un terraindevenu impraticable. Ilsn’avaient d’autres solutionsque de faire marche arrière etde se replier audelà de l’Yser.Il ne leur était plus possible dese battre et de tenter de percerle front belge. La bataille étaitperdue.”Le grand héros est un batelier de 60 ans, Hendrik Geeraerd. Il n’est probablementpas celui qui a eu l’idée, maisil est assurément l’hommequi a réussi à la concrétiser.Le projet avait été pensé parle haut commandement. Plusfacile à imaginer qu’à réaliser… “Il fallait ouvrir lesécluses à marée haute pourque les eaux entrent et lesfermer à marée basse pourqu’elles ne s’évacuent pas.”
Le maîtreéclusier, KarelCogge, ayant échoué,il s’adressa à un batelier, à cetHendrik Geeraert. “Il était leseul à connaître le mécanismede cette écluse.”À Nieuport, le monumentau Roi Albert a été érigé làoù se situaient ces écluseshistoriques.Audelà de l’Yser et dela plaine inondée, les Allemands se trouvaient maintenus à un kilomètre des lignesbelges. Avec comme unique
perspective d’utiliser lescanons pour faire reculerl’adversaire. Pour s’en protéger, les Belges creusèrentdes tranchées. On mit enroute aussi notre artillerie etles Allemands eurent leurspropres tranchées. Ainsi, lespositions se sont stabiliséeset, entre novembre 1914 etseptembre 1918, la guerrese passa dans ces tranchées.Ci et là, dans la plaine, entrela ligne de chemin de fer etle lit de l’Yser, quelques îlots
résistaient à l’inondation.“Chaque îlot servait de posteavancé, occupé par des Belges,ou par des Allemands. Chacunvoulait récupérer l’îlôt del’autre. Au cours de ces quatreannées, les seuls raids visaientà conquérir un îlot. Il y a deslieux où on attaquait enpassant à gué. Parfois, on autilisé des petits bateaux. On amême capturé un soldatallemand qui expérimentaitmanifestement une sorte decombinaison sousmarine.”
h Il inonde la vallée de l’Yser et cela amène les combattants à se terrer dans des tranchées
EDIT
IIONS
JOUR
DAN
Le pilonnage d’Anversn Les Allemands se concentrent surAnvers. Le pilonnage des fortifications commence le 28 septembre.Le 5 octobre, l’ennemi prend Lierre,à 20 km de là. Et il marche sur Termonde et l’Escaut. Clairement, l’intention est d’encercler la ville
C’est qu’en France, le général Focha demandé aux Belges de partir versl’Yser et de rendre le petit fleuve infranchissable. Cela s’inscrit dansleur projet : dresser une véritablebarrière entre Belfort et Nieuport.
C’est la course. Il est impératif queles Belges arrivent à l’Yser avant lesAllemands. Les fusiliers marins bretons arrivent à Melle, dans les environs de Gand, pour assurer à nostroupes un couloir de passage.L’évacuation d’Anvers commence le6 octobre.
50.000 hommes partent versl’Yser et 40.000 passent aux PaysBas avec l’intention de revenir vial’Angleterre. Les Hollandais, craignant des représailles, vont lesmaintenir dans des camps.
Le 10 octobre, le gros de l’arméebelge est retranché derrière l’Yser.Mais les Allemands sont là aussi. Ilsveulent forcer le passage. Ils le fontd’ailleurs. C’est la Bataille de l’Yser.
Alors, les Belges choisissentune autre ligne de front à protéger :la ligne de chemin de fer entre Dixmude et Nieuport. Elle est surélevéepar rapport à la campagne environnante. On a une idée : ouvrir lesécluses à Nieuport et inonder laplaine entre le chemin de fer etl’Yser. Les Allemands sont pris dansun bourbier. Ils doivent reculer àun kilomètre du front belge. On nepasse plus. On n’avance plus. Oncreuse des tranchées. Pendant quatre ans, la guerre se déroulera ici.
4-5 La Grande guerre à hauteur d’homme
L’arrivée des gaz chlorés puis des gaz moutarde dans la guerre a été suivie, immédiatement, par des distributions de masques à gaz.Deux par soldat.
l En premières lignes
Les nettoyeursde tranchées
n Au musée de Latour, près deVirton, un carnet militaireporte le nom d’un homme dela région, Lambert Léopold.“Au début de la guerre, il se trouvait en prison, peutêtre pourmeurtre. Les prisonniers quis’engagaient comme volontairesétaient désignés comme nettoyeurs de tranchées : on les envoyait dans les tranchées ennemies afin d’aller égorger les Allemands. Du risque à l’état pur.Mais lui, il en est revenu.”
COLL
ECTI
ONGE
ORGE
SDE
MAR
TEAU
Ces gaz attaquaient les poumons et les yeux. Les victimes pouvaient s’en retrouver aveugles. Parfois pour quelques jours. Parfois defaçon irrémédiable.
KAST
EELH
OF’T
HOOG
HE
L’Yser coule tranquillement, impertubable au bruit des canons.De l’autre côté, les Allemands tirent. Ici, les Belges construisentune double tranchée. En bord de fleuve, celle de première ligne.Derrière, la tranchée de support.
D.H.
DIXM
UDE
–LE
BOYA
UDE
LAM
ORT
18 mai 1915 l LE BOYAU DE LA MORT À DIXMUDE
Creuser de nuit, sous les tirsh Pour ne pas s’exposer euxmêmes,les brancardiers devaient trainerles blessés jusqu’au poste de secours
n Devant l’église charmante de la communede Zonnebeke, une carte propose 33 sites relatifsà 1418, uniquement dans l’entité : monuments,mémoriaux, cimetières… Il existe 60 cimetières militaires dans un rayon de 15 km autour d’Ypres,autant de monuments et de nombreux musées.
Le plus important, le must, est le Flanders FieldsMuseum, installé dans la magnifique Halle auxDraps de la ville de Ypres. 300.000 visiteurs par an,dont un tiers de Britanniques et un tiers de Belges.
L’autre indispensable, dans ce tourisme des tranchées, est le Todenbang, le Boyau de la Mort, à Dixmude. La reconstitution des plus célèbres tranchées, à un endroit où l’Yser et la plaine immense, àperte de vue, ne sont séparées que par un monticule. C’est derrière celuici que les tranchées ont étécreusées, parallèles au petit fleuve. L’historien Dominiek Dendooven : “Pour des raisons de reliefs, surquatre kilomètres, de part et d’autre de Dixmude, les digues étaient suffisamment hautes pour empêcherl’inondation.”
C’était le point faible du front. Ici, l’ennemi pouvait passer. Certes, son avance était compliquéeparce qu’on se trouvait dans des zones marécageu
ses. Néanmoins, les Allemands étaient partout.Sur l’autre rive de l’Yser, dans des tranchées.Mais de ce côtéci, à droite, ils occupaient Dixmude,située à un kilomètre. Surtout, à deuxpas du site que l’on visite aujourd’hui,ils contrôlaient de hauts réservoirsde pétrole au sommet desquels ilsavaient placé des mitrailleuses et destireurs d’élite. De làhaut, les officierspouvaient observer toute la région.
La priorité pour les Belges, ce futd’aller détruire ces réservoirs à pétrole. C’est pour y parvenir que le général Jacques imagina de s’en approcher en creusant ce qu’il appelale Boyau de l’Yser.
Le chantier commence le 18 mai1915. La tranchée est creusée pendant la nuit en empilant des sacs desable et en réalisant des soutènements de bois. Le génie avance de six mètres parjour, mais sous le feu de l’ennemi : les Allemandsbombardent sans relâche et il faut réparer les dégâtsau fur et à mesure. En même temps, des tirs proviennent des soldats allemands massés de l’autrecôté de l’Yser, à un endroit où le fleuve n’a pas vingtmètres de large. Il y a des victimes sur le chantier. CeBoyau de l’Yser, les soldats l’ont surnommé le Boyaude la Mort. Les blessés sont véritablement traînésjusqu’au premier poste de secours par des brancardiers qui évitent de s’exposer euxmêmes aux tirs.
Très rapidement les réservoirs de pétroles ne seront plus rien d’autre qu’une grande carcasse de ferbranlante et trouée de mille parts. Ils cessent d’être
opérationnels comme site d’observation ou de tir. Il n’est plusnécessaire de les conquérir.Mais, au sol, les Allemands sonttoujours là, à moins de trentemètres des limites de notretranchée.
Alors, en octobre 1915, entreles deux positions, les Belgesfont sauter un morceau de la digue séparant la plaine etle fleuve. Par cette brèche dansl’Yser, on inonde les prairies quise trouvent derrière les positions allemandes. Ces troupessont bloquées mais, de part etd’autre, il faut désormais oublier
l’idée de gagner du terrain. Le site devient pluscalme et, alors, on le rend plus fonctionnel, encréant la deuxième tranchée, la tranchée de support, qui facilite l’arrivée d’approvisionnement etde renforts et permet l’évacuation des blessés et desmorts. L’armée installe même un système de railsafin d’amener des mitrailleuses, des petits canons etdu matériel lourd. Au total, ce site comporte400 mètres de galeries. L’entrée est gratuite.ULe Boyau de la Mort, Ijzerdijk, 67, DixmudeUFlanders Field Museum, Grote Markt, 34, Ypres (9€)
l La guerre moderne
Des casques, commeau moyen-âge...n Les fantassins françaisétaient des cibles facilesà cause de leurs pantalons d’unrouge éclatant. Pas de casquesnon plus. Avec leurs pauvresfusils, ils n’avaient aucunechance face aux mitrailleusesennemies. Ce fut le carnage.
L’armée allemande n’étaitpas de reste. Le 12 août 1914,à miroute entre Liège et Anvers, la bataille de Halen est célèbre, non pas à cause de ces300 morts (c’était si peu dansle contexte de l’époque), maisparce que la cavalerie avaitchargé à l’ancienne, au galop etsabres au clair, face à l’artilleriebelge. Seulement dix chevaux,sans leurs cavaliers, atteignirent la barricade belge. Dansune guerre moderne, une cavalerie n’avait plus sa place.Dans les mois qui suivirent,les soldats français et belges furent équipés d’uniformes decamouflage et de casques.
Dominiek Dendooven :“L’histoire du casque est vraiment liée à la nécessité. Des casques en fer étaient portés par lesarmées du Moyen Âge. Quand ona cessé de faire la guerre avec dessabres et des gourdins, le casquecessait d’être utile et on a préféréle képi. Jusqu’aux tranchées. Oùla seule partie exposée du corpsétait la tête. Le casque – cette fois,en acier – fut réintroduit pendant l’hiver 19151916.”
Il faut savoir que l’arméebelge avait une variété énormed’uniformes. “Avec la mobilisation et tous les volontaires , on atrès tôt manqué d’uniformes.C’est dans ce contexte qu’on a introduit ce qui a été appelé l’uniforme de l’Yser, noir, assez simpleavec, dès la fin de 1914, un premier casque mais qui était plutôtune protection pour l’hiver quiarrivait.”
Les Anglais perçaient des galeries sous le sol et y plaçaient des minesh Cratères et cafésmusées rappellent lesexplosions souterraines
Les cafésmusées ! Ce sont desinitiatives de collectionneurs,avec un petit bistrot à côté.À Ypres, le Ramparts War Museum est accessible pour 3€.On conseille le Hooge CratersMuseum, àZillebeke, à centmètres du parcde Bellewaeerde.Avec deux canons à l’entrée.Le musée estconstitué demises en situation : logementde bois pourofficiers, un soldat gazé portantson masque sur une civière.Une vitrine avec une collectionde mitrailleuses et une autre avec18 casques à pointe.Et, à 50 m, en direction de Bellewaerde, un parcours en pleinair a été tracé dans les jardinsd’un hôtel élégant, le Kasteelhof’t Hooghe, autour d’un ravissant étang aux eaux verdâtres.
On est ici sur les flancs d’un cratère.Ce mot cratère est décidément partoutdans le quartier. Ce n’est pas par hasard.Cet immense trou dans le sol date du19 juillet 1915. Des mineurs britanniques ont creusé ici une galerie souterraine de 65 m., jusque sous les positionsennemies. Ils posèrent des mines qui,en explosant, provoquèrent ce cratère.40 m. de largeur et 16 m. de profondeur.Pour reconquérir le site, le 30 juillet,les Allemands vont expérimenter
une nouvelle arme :le lanceflammes.Dans la région d’Ypres,il existe une vingtainede cratères répartis surcinq sites.Historiquement, lapremière explosionsouterraine menée parles Britanniques date du17 avril 1915 sur le sitede Hill 60 (Zwarteleenstraat, Zillebeke). Cinq
mines sautent à dix secondes d’intervalle, formant trois cratères.À Hill 60, on est au sommet d’une colline avec vue sur plusieurs kilomètres decampagnes et, dans le fond, émergeant,les tours d’Ypres. Un tel poste d’observation constituait un enjeu stratégique.Ici aussi, pour le reconquérir, les Allemands sont venus avec une nouvellearme. Le 22 avril 1915, les hommes du
génie glissent de longs tubes sur le sol :5500 cylindres d’acier remplis de gazchlorés sont ouverts simultanément.Une légère brise du nord dirige les gazvers les troupes françaises de Steenstraete. Les hommes ressentent un picotement dans les yeux. Puis ils se mettentà tousser. Ils se sentent asphixiés etcrachent du sang. C’est la panique. Lessoldats prennent la fuite abandonnantleurs camarades dans d’atroces souffrances. 5000 Français sont les premiersgazés. La déroute creuse, dans le front,une brèche de 6 km. Des troupes canadiennes empêchent les Allemands de s’y
introduire, mais les combats sont terribles. Trois semaines de tirs intensesd’artillerie. La ville d’Ypres, vidée de seshabitants, est en cendres. Les Allemandsne passent pas. Mais ils gardent Hill 60.
6kilomètresL’attaque au gaz provoqueune brèche de 6 km dans lefront. Les Canadiens empêchent l’ennemi de passer.
Des bombes pour ce gaz qui a la couleur de la moutarde
Le 7 juin 1917, les Britanniques tententà nouveau de s’emparer de Hill 60. Ilsfont encore appel à des mineurs. DesAustraliens ! Il est prévu, ce jourlà,que 21 mines souterraines explosenten même temps, à 3 h 10 du matin.Dixneuf l’ont fait. On dit qu’on aressenti l’onde de choc jusqu’à Londres.Le plus impressionnant des cratères dela région, le Caterpillar, témoigneencore de cette déflagration. Il est situédans la forêt, à trois minutes à pied duparking de Hill 60. Il suffit de passerle pont qui enjambe le chemin de fer etde prendre, sur la gauche, le sentier quientre dans les bois. Le fameux cratère a
les flancs recouverts de verdure, avecde beaux arbres et notamment quelques remarquables saules pleureurs.Vous n’irez pas dans le fond : c’est qu’ilpleut beaucoup dans nos Flandres et,comme ailleurs, le creux du cratère estdevenu une mare.Le 30 juillet 1917, pour reconquérirla colline, les Allemands utilisentun nouveau gaz, l’ypérite. Le nom estdonné d’après la ville d’Ypres. Onl’appelle plus souvent le gaz moutarde.Cette fois, on n’utilise plus les tuyaux,d’autant que, parfois, le vent se retournait contre vous. Les gaz sont désormais contenus dans des bombes.
En pratique
‣ Hooge Craters museum,Menseweg, 467, Zillebeke (4,5€)‣ Kasteelhof’t Hooghe,musée en plein air, Meenseweg, 471,Zillebeke (1€)‣ Ramparts War museum,Rijselsetraat, 208, Ypres (3€)
“Pendant l’hiver1915-1916, on aréintroduit, dansla guerre, le casquequi, en fait, dataitdu moyen-âge.”DominiekDendoovenHistorien
6-7 La Grande guerre à hauteur d’homme
L’arrivée des gaz chlorés puis des gaz moutarde dans la guerre a été suivie, immédiatement, par des distributions de masques à gaz.Deux par soldat.
l En premières lignes
Les nettoyeursde tranchées
n Au musée de Latour, près deVirton, un carnet militaireporte le nom d’un homme dela région, Lambert Léopold.“Au début de la guerre, il se trouvait en prison, peutêtre pourmeurtre. Les prisonniers quis’engagaient comme volontairesétaient désignés comme nettoyeurs de tranchées : on les envoyait dans les tranchées ennemies afin d’aller égorger les Allemands. Du risque à l’état pur.Mais lui, il en est revenu.”
COLL
ECTI
ONGE
ORGE
SDE
MAR
TEAU
Ces gaz attaquaient les poumons et les yeux. Les victimes pouvaient s’en retrouver aveugles. Parfois pour quelques jours. Parfois defaçon irrémédiable.
KAST
EELH
OF’T
HOOG
HE
L’Yser coule tranquillement, impertubable au bruit des canons.De l’autre côté, les Allemands tirent. Ici, les Belges construisentune double tranchée. En bord de fleuve, celle de première ligne.Derrière, la tranchée de support.
D.H.
DIXM
UDE
–LE
BOYA
UDE
LAM
ORT
18 mai 1915 l LE BOYAU DE LA MORT À DIXMUDE
Creuser de nuit, sous les tirsh Pour ne pas s’exposer euxmêmes,les brancardiers devaient trainerles blessés jusqu’au poste de secours
n Devant l’église charmante de la communede Zonnebeke, une carte propose 33 sites relatifsà 1418, uniquement dans l’entité : monuments,mémoriaux, cimetières… Il existe 60 cimetières militaires dans un rayon de 15 km autour d’Ypres,autant de monuments et de nombreux musées.
Le plus important, le must, est le Flanders FieldsMuseum, installé dans la magnifique Halle auxDraps de la ville de Ypres. 300.000 visiteurs par an,dont un tiers de Britanniques et un tiers de Belges.
L’autre indispensable, dans ce tourisme des tranchées, est le Todenbang, le Boyau de la Mort, à Dixmude. La reconstitution des plus célèbres tranchées, à un endroit où l’Yser et la plaine immense, àperte de vue, ne sont séparées que par un monticule. C’est derrière celuici que les tranchées ont étécreusées, parallèles au petit fleuve. L’historien Dominiek Dendooven : “Pour des raisons de reliefs, surquatre kilomètres, de part et d’autre de Dixmude, les digues étaient suffisamment hautes pour empêcherl’inondation.”
C’était le point faible du front. Ici, l’ennemi pouvait passer. Certes, son avance était compliquéeparce qu’on se trouvait dans des zones marécageu
ses. Néanmoins, les Allemands étaient partout.Sur l’autre rive de l’Yser, dans des tranchées.Mais de ce côtéci, à droite, ils occupaient Dixmude,située à un kilomètre. Surtout, à deuxpas du site que l’on visite aujourd’hui,ils contrôlaient de hauts réservoirsde pétrole au sommet desquels ilsavaient placé des mitrailleuses et destireurs d’élite. De làhaut, les officierspouvaient observer toute la région.
La priorité pour les Belges, ce futd’aller détruire ces réservoirs à pétrole. C’est pour y parvenir que le général Jacques imagina de s’en approcher en creusant ce qu’il appelale Boyau de l’Yser.
Le chantier commence le 18 mai1915. La tranchée est creusée pendant la nuit en empilant des sacs desable et en réalisant des soutènements de bois. Le génie avance de six mètres parjour, mais sous le feu de l’ennemi : les Allemandsbombardent sans relâche et il faut réparer les dégâtsau fur et à mesure. En même temps, des tirs proviennent des soldats allemands massés de l’autrecôté de l’Yser, à un endroit où le fleuve n’a pas vingtmètres de large. Il y a des victimes sur le chantier. CeBoyau de l’Yser, les soldats l’ont surnommé le Boyaude la Mort. Les blessés sont véritablement traînésjusqu’au premier poste de secours par des brancardiers qui évitent de s’exposer euxmêmes aux tirs.
Très rapidement les réservoirs de pétroles ne seront plus rien d’autre qu’une grande carcasse de ferbranlante et trouée de mille parts. Ils cessent d’être
opérationnels comme site d’observation ou de tir. Il n’est plusnécessaire de les conquérir.Mais, au sol, les Allemands sonttoujours là, à moins de trentemètres des limites de notretranchée.
Alors, en octobre 1915, entreles deux positions, les Belgesfont sauter un morceau de la digue séparant la plaine etle fleuve. Par cette brèche dansl’Yser, on inonde les prairies quise trouvent derrière les positions allemandes. Ces troupessont bloquées mais, de part etd’autre, il faut désormais oublier
l’idée de gagner du terrain. Le site devient pluscalme et, alors, on le rend plus fonctionnel, encréant la deuxième tranchée, la tranchée de support, qui facilite l’arrivée d’approvisionnement etde renforts et permet l’évacuation des blessés et desmorts. L’armée installe même un système de railsafin d’amener des mitrailleuses, des petits canons etdu matériel lourd. Au total, ce site comporte400 mètres de galeries. L’entrée est gratuite.ULe Boyau de la Mort, Ijzerdijk, 67, DixmudeUFlanders Field Museum, Grote Markt, 34, Ypres (9€)
l La guerre moderne
Des casques, commeau moyen-âge...n Les fantassins françaisétaient des cibles facilesà cause de leurs pantalons d’unrouge éclatant. Pas de casquesnon plus. Avec leurs pauvresfusils, ils n’avaient aucunechance face aux mitrailleusesennemies. Ce fut le carnage.
L’armée allemande n’étaitpas de reste. Le 12 août 1914,à miroute entre Liège et Anvers, la bataille de Halen est célèbre, non pas à cause de ces300 morts (c’était si peu dansle contexte de l’époque), maisparce que la cavalerie avaitchargé à l’ancienne, au galop etsabres au clair, face à l’artilleriebelge. Seulement dix chevaux,sans leurs cavaliers, atteignirent la barricade belge. Dansune guerre moderne, une cavalerie n’avait plus sa place.Dans les mois qui suivirent,les soldats français et belges furent équipés d’uniformes decamouflage et de casques.
Dominiek Dendooven :“L’histoire du casque est vraiment liée à la nécessité. Des casques en fer étaient portés par lesarmées du Moyen Âge. Quand ona cessé de faire la guerre avec dessabres et des gourdins, le casquecessait d’être utile et on a préféréle képi. Jusqu’aux tranchées. Oùla seule partie exposée du corpsétait la tête. Le casque – cette fois,en acier – fut réintroduit pendant l’hiver 19151916.”
Il faut savoir que l’arméebelge avait une variété énormed’uniformes. “Avec la mobilisation et tous les volontaires , on atrès tôt manqué d’uniformes.C’est dans ce contexte qu’on a introduit ce qui a été appelé l’uniforme de l’Yser, noir, assez simpleavec, dès la fin de 1914, un premier casque mais qui était plutôtune protection pour l’hiver quiarrivait.”
Les Anglais perçaient des galeries sous le sol et y plaçaient des minesh Cratères et cafésmusées rappellent lesexplosions souterraines
Les cafésmusées ! Ce sont desinitiatives de collectionneurs,avec un petit bistrot à côté.À Ypres, le Ramparts War Museum est accessible pour 3€.On conseille le Hooge CratersMuseum, àZillebeke, à centmètres du parcde Bellewaeerde.Avec deux canons à l’entrée.Le musée estconstitué demises en situation : logementde bois pourofficiers, un soldat gazé portantson masque sur une civière.Une vitrine avec une collectionde mitrailleuses et une autre avec18 casques à pointe.Et, à 50 m, en direction de Bellewaerde, un parcours en pleinair a été tracé dans les jardinsd’un hôtel élégant, le Kasteelhof’t Hooghe, autour d’un ravissant étang aux eaux verdâtres.
On est ici sur les flancs d’un cratère.Ce mot cratère est décidément partoutdans le quartier. Ce n’est pas par hasard.Cet immense trou dans le sol date du19 juillet 1915. Des mineurs britanniques ont creusé ici une galerie souterraine de 65 m., jusque sous les positionsennemies. Ils posèrent des mines qui,en explosant, provoquèrent ce cratère.40 m. de largeur et 16 m. de profondeur.Pour reconquérir le site, le 30 juillet,les Allemands vont expérimenter
une nouvelle arme :le lanceflammes.Dans la région d’Ypres,il existe une vingtainede cratères répartis surcinq sites.Historiquement, lapremière explosionsouterraine menée parles Britanniques date du17 avril 1915 sur le sitede Hill 60 (Zwarteleenstraat, Zillebeke). Cinq
mines sautent à dix secondes d’intervalle, formant trois cratères.À Hill 60, on est au sommet d’une colline avec vue sur plusieurs kilomètres decampagnes et, dans le fond, émergeant,les tours d’Ypres. Un tel poste d’observation constituait un enjeu stratégique.Ici aussi, pour le reconquérir, les Allemands sont venus avec une nouvellearme. Le 22 avril 1915, les hommes du
génie glissent de longs tubes sur le sol :5500 cylindres d’acier remplis de gazchlorés sont ouverts simultanément.Une légère brise du nord dirige les gazvers les troupes françaises de Steenstraete. Les hommes ressentent un picotement dans les yeux. Puis ils se mettentà tousser. Ils se sentent asphixiés etcrachent du sang. C’est la panique. Lessoldats prennent la fuite abandonnantleurs camarades dans d’atroces souffrances. 5000 Français sont les premiersgazés. La déroute creuse, dans le front,une brèche de 6 km. Des troupes canadiennes empêchent les Allemands de s’y
introduire, mais les combats sont terribles. Trois semaines de tirs intensesd’artillerie. La ville d’Ypres, vidée de seshabitants, est en cendres. Les Allemandsne passent pas. Mais ils gardent Hill 60.
6kilomètresL’attaque au gaz provoqueune brèche de 6 km dans lefront. Les Canadiens empêchent l’ennemi de passer.
Des bombes pour ce gaz qui a la couleur de la moutarde
Le 7 juin 1917, les Britanniques tententà nouveau de s’emparer de Hill 60. Ilsfont encore appel à des mineurs. DesAustraliens ! Il est prévu, ce jourlà,que 21 mines souterraines explosenten même temps, à 3 h 10 du matin.Dixneuf l’ont fait. On dit qu’on aressenti l’onde de choc jusqu’à Londres.Le plus impressionnant des cratères dela région, le Caterpillar, témoigneencore de cette déflagration. Il est situédans la forêt, à trois minutes à pied duparking de Hill 60. Il suffit de passerle pont qui enjambe le chemin de fer etde prendre, sur la gauche, le sentier quientre dans les bois. Le fameux cratère a
les flancs recouverts de verdure, avecde beaux arbres et notamment quelques remarquables saules pleureurs.Vous n’irez pas dans le fond : c’est qu’ilpleut beaucoup dans nos Flandres et,comme ailleurs, le creux du cratère estdevenu une mare.Le 30 juillet 1917, pour reconquérirla colline, les Allemands utilisentun nouveau gaz, l’ypérite. Le nom estdonné d’après la ville d’Ypres. Onl’appelle plus souvent le gaz moutarde.Cette fois, on n’utilise plus les tuyaux,d’autant que, parfois, le vent se retournait contre vous. Les gaz sont désormais contenus dans des bombes.
En pratique
‣ Hooge Craters museum,Menseweg, 467, Zillebeke (4,5€)‣ Kasteelhof’t Hooghe,musée en plein air, Meenseweg, 471,Zillebeke (1€)‣ Ramparts War museum,Rijselsetraat, 208, Ypres (3€)
“Pendant l’hiver1915-1916, on aréintroduit, dansla guerre, le casquequi, en fait, dataitdu moyen-âge.”DominiekDendoovenHistorien
6-7 La Grande guerre à hauteur d’homme
Le futur Führer terminera 14-18 avec le grade de caporal, le grade le plus bas de la hiérarchie militaire. Sur cette photo, il est mousta-chu, assis à droite.
l Solidarité étrangère
Des marrainesde lecture
n Dans les pays où on ne se batpas, la Hollande ou l’Angleterre,les gens se voient proposerd’adopter un soldat servant aufront. Il s’agit de correspondreavec lui. On lui envoie un mot,un petit colis, on entretient sonmoral.
En Angleterre, il existe également une association qui rassemble des livres destinés à êtreenvoyés sur le front pour offrirun peu de lecture et distraire lessoldats.
C
Ce soldat, Arthur Smet, est l’autre oncle de Johnny Hallyday.Il est mort le 29 septembre 1917 à l’hôpital d’Hoogstade.
COLL
ECTI
ONGE
ORGE
SDE
MAR
TEAU
Les ruines de l’église de Mesen, peintes par un artiste allemandde 25 ans, le soldat Aldof Hitler.
D.R.
TRANCHÉES l Ceux qui y étaient
Les deux onclesde Johnnyh Joseph Smeta survécu; Arthur,est mort à 24 ans
n Né à Beez, Clément Smetest un grandpère que Johnny Hallyday n’a pas connu.Conducteur de locomotive, ilest mort accidentellement,en gare de Schaerbeek, en1906. Le père du chanteur,Léon Smet, était né un moisplus tôt, le 3 mai 1906. Il avait8 ans quand éclata la guerre.
Par contre, il avait deux frères plus âgés. Joseph Smet,23 ans. Et Arthur Smet,21 ans. Ils ont servi tous deuxdans les tranchées.
Arthur, qui était comptableet a été obusier en premièreligne, dans ce 8e régimentd’artillerie, à qui on avaitconfié la garde du front.
Le soldat Smet a été victimedes gaz, transporté à l’hôpitald’Hoogstade où il est décédéle 29 septembre 1917. Il avait24 ans. Il a été inhumé le1er octobre au cimetière militaire de Oeren, tombe 219.
Son frère aîné, Joseph, faisait partie du 7e de ligne. Ila participé, le 13 septembre1914, à la deuxième sortied’Anvers et, en octobre,
il combattait en plein cœurde la bataille de l’Yser. Il a étégazé aussi, mais il en est sorti.Son petitfils, Georges Demarteau, 69 ans, l’a connu :“Après la guerre, il a travailléaux chemins de fer, notammenten Allemagne, avec l’arméed’occupation. Puis il a été conducteur de taxi à Bruxelles etchauffeurlivreur. Il habitaitrue Van Aa à Ixelles quand il estmort d’un cancer en 1956.J’avais 11 ans, mais cela m’amarqué parce que son visageétait recouvert de gros œdèmesqui ont tous éclaté le lendemainde sa mort.
“Dans ces annéeslà, quandles adultes parlaient de laguerre, c’était de la deuxième.Mais je me souviens qu’il m’aparlé des gaz. Il avait un pro
blème pulmonaire. Y atil euun rapport avec son cancer ?Je n’en sais rien. Je revois mongrandpère tousser. Mais il fumait beaucoup…”
Georges Demarteau possède une centaine de photos 6x4 qui ont cent ans, quimontraient son grandpèreet ses copains sur l’Yser. “Magrandmère les a retrouvées unjour et elle me les a données.”
Autre document, étonnant :une lettre manuscrite qui faitcertificat de baptême. Unecousine germaine (mais bienbelge) de Johnny Hallyday estnée en pleine période detranchées. Joseph Smet auraprofité de ses périodes de repos… “Derrière l’Yser, du côtéd’Adinkerke, mon grandpèreétait tombé amoureux d’uneFrançaise et ma mère, cousinede Johnny, est née en pleine période des tranchées ! Je ne saispas dans quelles conditions ellea été baptisée mais je possèdeencore cette simple lettre que leprêtre a laissée : “Le 10 novembre 1917 a été baptisée sans cérémonie, par moi, soussigné J.Van Canteren, aumônier militaire belge CIA, Hélène Smet,fille de Joseph Smet, militairedu CT au CIA, et d’AlbertineVasselin, née le 26 septembre1917 à Eu. Motif : maladiegrave.”
l Assassinat
Notre dernierguillotiné
n La Belgique a suivi la Franceen adoptant, dès 1830,la guillotine pour ses exécutions capitales. 54 condamnés àmort ont eu, chez nous, la têtetranchée. En 1860, deux Flamands furent guillotinés et,deux ans plus tard, il s’avéraque c’était probablement uneerreur judiciaire. Le débat sur lapeine de mort faisait rage lorsqu’à Ypres, en 1863, la tête d’unassassin tomba de l’échafaud aupied d’un spectateur qui en devint fou. Dès lors, la Belgiquecessa d’appliquer la condamnation à mort, mais pas de la prononcer : elle était automatiquement commuée en peine deprison à perpétuité.
Sauf dans un cas, cinquanteans plus tard, en 1918.
Émile Ferfaille avait assassiné,à coups de marteau, une jeunefemme qu’il avait mise enceintequatre mois plus tôt. Elle voulait l’épouser. Il en aimait uneautre. Elle insistait…
Il fut condamné à mort et Albert Ier refusa exceptionnellement sa grâce : Ferfaille étaitsoldat et la perpétuité lui auraitoffert la sécurité à l’intérieurd’une prison tandis que ses camarades risquaient leur vie surle front. Il aurait alors eu la viesauve grâce au meurtre qu’ilavait commis…
Après la deuxième guerre,242 traîtres et collaborateursont été exécutés, mais ceuxciont été fusillés.
BÉBÉ EST NÉELe soldat Joseph Smet a eusa fille en septembre 1917 :en pleinepériode des tranchées.
Le neveu de Brel et le couteau du Roih “Ils ouvraient les boîtes de cornedbeef avec un couteau.Albert Ier n’en avait pas. Mon grandpère lui a prêté le sien…”
Bruno Brel, neveu de Jacques Brel, est luimême chanteur mais il a aussi signé desromans et, en 2005, il situait Le boyau de lamort dans l’enfer des tranchées de l’Yser.On annonce aux hommes l’arrivée d’unofficier important pour une inspection inattendue. À la surprise de chacun, les hommesvoient apparaître le roi AlbertIer en personne.Il est venu seul ! Surtout pour relever le moralde ces hommes.A priori, cela semble peut crédible. BrunoBrel n’en démord pas : “Il l’a vraiment fait !Au grand dam d’ailleurs de son étatmajor,qui lui reprochait de ne pas prendre assez deprécautions. Je crois qu’il était un peu dingue.“Ce que je ne dis pas dans le roman, c’est quele personnage, Bompatje, est, en réalité, mongrandpère, qui s’appelait Pierre Lievens.Quand j’étais petit, nous allions chez lui tousles dimanches. Je me souviens qu’il nous parlait
beaucoup de ces journées qu’il a passées dansles tranchées avec Albert Ier. Les soldats mangeaient des rations de cornedbeef qu’ils recevaient dans des boîtes de tôle très fine qu’onouvrait avec un couteau. Le Roi n’en avait pas.Mon grandpère lui prêtait le sien. Etils jouaient ensemble au jeu de dames.“Pour moi, ce roman a commencé à cause ducouteau ! Ma mère, un jour, en faisant le ménage, l’a sorti d’un tiroir et me l’a donné en meracontant cette anecdote qui était bien réelle :“Le Roi a mangé avec le couteau de ton grandpère ! Ne le perds jamais !” Depuis, ce couteaune quitte pas le lieu où je vis. Je ne l’emmènejamais en voyage. Chez moi, c’est là où il setrouve !”Pierre Lievens est mort en mars 1961. BrunoBrel avait 10 ans.UBruno Brel, roman Le boyau de la mortÉditions Le Roseau Vert/Christian Navarro
Le peintre de Wijtschateh Adolf Hitler était simple soldat. En 1940,il est revenu dans la ferme où il logeait.
Ce soldat artiste qui occupeses temps de repos à réaliserdes aquarelles et qui a peintl’église en ruine de Mesens’appelle Adolf Hitler. Il finirala guerre avec le grade decaporal, le plus bas dans lahiérarchie. Sur l’Yser, il n’estencore que simple soldat.Ses compagnons le décriventcomme un bon camarade, audrôle de caractère.Il les fait rire quandil soutient mordicus que coucheravec une Françaiseest contraire àl’honneur allemand.Hitler est estafette :il amene à la troupeles ordres desofficiers. Il reçoitson baptême de feule 28 octobre 1914dans la région d’Ypres. Sonbataillon est décimé. Sur3600 hommes, 311restentopérationnels. Il sert ensuitedans une tranchée de Wijtschate au sein d’un bataillonbavarois. Cette tranchée estsurnommée Bayernwald, lebois des Bavarois. Car on esten plein dans la forêt.Le site se visite. On y a reconstitué une tranchée àl’allemande. La différence,c’est que tout est étançonnépar un système utilisant desmilliers de rondins de bois.Pour y accéder, c’est un peule parcours du combattant.Les tickets d’entrée s’achètent au bureau de l’office dutourisme de Heuvelland (Sint
Laurentiusplein 1). Le Bayernwald se trouve à 6 km de là.Par GPS, on cherche le 2,Voormezelestraat, à Wijtschate. Mais attention ! Il n’y apas de stationnement et larue est vraiment très étroite.Ensuite, il n’y a pas d’accueil :vous glissez le ticket dans unappareil et une porte à tourniquet vous laisse le passage.
Lorsqu’il avait sesjournées de repos,Hitler logeait dansune ferme, laBethlehemhoeve,située Rijselstraat,50, à Mesen.Elle est dans leschamps, à 150 mde la route. Inutiled’espérer voir lacuisine où Hitler amangé ou lachambre où il a
dormi : le corps de logis estflambant neuf.Par contre, il existe des photos du retour d’Adolf Hitlerdans cette ferme, le 26 juin1940. Il était rentré, cejourlà, dans l’église de Messines qu’il a peinte en 1914.Dès le début de 1915, il estparti pour le nord de laFrance. Le 7 octobre 1916,il est blessé à la jambe par unobus. Il revient sur le frontfrançais. Le 13 octobre 1918,il est gazé et sa vue est trèsbasse. Il est incapable de lireles journaux et, le 11 novembre, c’est un pasteur qui luiapprend que l’Allemagne aperdu la guerre. Hitler sortde sa chambre en pleurant.
COLL
ECTI
ONGE
ORGE
SDE
MAR
TEAU
Si ce soldat assis à gauche vous fait penser à Johnny Hallyday, riend’étonnant : c’est son oncle, Joseph Smet, le frère de son père.
De retour à laferme, vingt-cinqans plus tard.
D.R.
DR
Mais oui, il arrivait, quand on avait un peu de temps libre, qu’onprenne la pause, pour la photo.
COLL
ECTI
ONGE
ORGE
SDE
MAR
TEAU
8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme
Le futur Führer terminera 14-18 avec le grade de caporal, le grade le plus bas de la hiérarchie militaire. Sur cette photo, il est mousta-chu, assis à droite.
l Solidarité étrangère
Des marrainesde lecture
n Dans les pays où on ne se batpas, la Hollande ou l’Angleterre,les gens se voient proposerd’adopter un soldat servant aufront. Il s’agit de correspondreavec lui. On lui envoie un mot,un petit colis, on entretient sonmoral.
En Angleterre, il existe également une association qui rassemble des livres destinés à êtreenvoyés sur le front pour offrirun peu de lecture et distraire lessoldats.
C
Ce soldat, Arthur Smet, est l’autre oncle de Johnny Hallyday.Il est mort le 29 septembre 1917 à l’hôpital d’Hoogstade.
COLL
ECTI
ONGE
ORGE
SDE
MAR
TEAU
Les ruines de l’église de Mesen, peintes par un artiste allemandde 25 ans, le soldat Aldof Hitler.
D.R.
TRANCHÉES l Ceux qui y étaient
Les deux onclesde Johnnyh Joseph Smeta survécu; Arthur,est mort à 24 ans
n Né à Beez, Clément Smetest un grandpère que Johnny Hallyday n’a pas connu.Conducteur de locomotive, ilest mort accidentellement,en gare de Schaerbeek, en1906. Le père du chanteur,Léon Smet, était né un moisplus tôt, le 3 mai 1906. Il avait8 ans quand éclata la guerre.
Par contre, il avait deux frères plus âgés. Joseph Smet,23 ans. Et Arthur Smet,21 ans. Ils ont servi tous deuxdans les tranchées.
Arthur, qui était comptableet a été obusier en premièreligne, dans ce 8e régimentd’artillerie, à qui on avaitconfié la garde du front.
Le soldat Smet a été victimedes gaz, transporté à l’hôpitald’Hoogstade où il est décédéle 29 septembre 1917. Il avait24 ans. Il a été inhumé le1er octobre au cimetière militaire de Oeren, tombe 219.
Son frère aîné, Joseph, faisait partie du 7e de ligne. Ila participé, le 13 septembre1914, à la deuxième sortied’Anvers et, en octobre,
il combattait en plein cœurde la bataille de l’Yser. Il a étégazé aussi, mais il en est sorti.Son petitfils, Georges Demarteau, 69 ans, l’a connu :“Après la guerre, il a travailléaux chemins de fer, notammenten Allemagne, avec l’arméed’occupation. Puis il a été conducteur de taxi à Bruxelles etchauffeurlivreur. Il habitaitrue Van Aa à Ixelles quand il estmort d’un cancer en 1956.J’avais 11 ans, mais cela m’amarqué parce que son visageétait recouvert de gros œdèmesqui ont tous éclaté le lendemainde sa mort.
“Dans ces annéeslà, quandles adultes parlaient de laguerre, c’était de la deuxième.Mais je me souviens qu’il m’aparlé des gaz. Il avait un pro
blème pulmonaire. Y atil euun rapport avec son cancer ?Je n’en sais rien. Je revois mongrandpère tousser. Mais il fumait beaucoup…”
Georges Demarteau possède une centaine de photos 6x4 qui ont cent ans, quimontraient son grandpèreet ses copains sur l’Yser. “Magrandmère les a retrouvées unjour et elle me les a données.”
Autre document, étonnant :une lettre manuscrite qui faitcertificat de baptême. Unecousine germaine (mais bienbelge) de Johnny Hallyday estnée en pleine période detranchées. Joseph Smet auraprofité de ses périodes de repos… “Derrière l’Yser, du côtéd’Adinkerke, mon grandpèreétait tombé amoureux d’uneFrançaise et ma mère, cousinede Johnny, est née en pleine période des tranchées ! Je ne saispas dans quelles conditions ellea été baptisée mais je possèdeencore cette simple lettre que leprêtre a laissée : “Le 10 novembre 1917 a été baptisée sans cérémonie, par moi, soussigné J.Van Canteren, aumônier militaire belge CIA, Hélène Smet,fille de Joseph Smet, militairedu CT au CIA, et d’AlbertineVasselin, née le 26 septembre1917 à Eu. Motif : maladiegrave.”
l Assassinat
Notre dernierguillotiné
n La Belgique a suivi la Franceen adoptant, dès 1830,la guillotine pour ses exécutions capitales. 54 condamnés àmort ont eu, chez nous, la têtetranchée. En 1860, deux Flamands furent guillotinés et,deux ans plus tard, il s’avéraque c’était probablement uneerreur judiciaire. Le débat sur lapeine de mort faisait rage lorsqu’à Ypres, en 1863, la tête d’unassassin tomba de l’échafaud aupied d’un spectateur qui en devint fou. Dès lors, la Belgiquecessa d’appliquer la condamnation à mort, mais pas de la prononcer : elle était automatiquement commuée en peine deprison à perpétuité.
Sauf dans un cas, cinquanteans plus tard, en 1918.
Émile Ferfaille avait assassiné,à coups de marteau, une jeunefemme qu’il avait mise enceintequatre mois plus tôt. Elle voulait l’épouser. Il en aimait uneautre. Elle insistait…
Il fut condamné à mort et Albert Ier refusa exceptionnellement sa grâce : Ferfaille étaitsoldat et la perpétuité lui auraitoffert la sécurité à l’intérieurd’une prison tandis que ses camarades risquaient leur vie surle front. Il aurait alors eu la viesauve grâce au meurtre qu’ilavait commis…
Après la deuxième guerre,242 traîtres et collaborateursont été exécutés, mais ceuxciont été fusillés.
BÉBÉ EST NÉELe soldat Joseph Smet a eusa fille en septembre 1917 :en pleinepériode des tranchées.
Le neveu de Brel et le couteau du Roih “Ils ouvraient les boîtes de cornedbeef avec un couteau.Albert Ier n’en avait pas. Mon grandpère lui a prêté le sien…”
Bruno Brel, neveu de Jacques Brel, est luimême chanteur mais il a aussi signé desromans et, en 2005, il situait Le boyau de lamort dans l’enfer des tranchées de l’Yser.On annonce aux hommes l’arrivée d’unofficier important pour une inspection inattendue. À la surprise de chacun, les hommesvoient apparaître le roi AlbertIer en personne.Il est venu seul ! Surtout pour relever le moralde ces hommes.A priori, cela semble peut crédible. BrunoBrel n’en démord pas : “Il l’a vraiment fait !Au grand dam d’ailleurs de son étatmajor,qui lui reprochait de ne pas prendre assez deprécautions. Je crois qu’il était un peu dingue.“Ce que je ne dis pas dans le roman, c’est quele personnage, Bompatje, est, en réalité, mongrandpère, qui s’appelait Pierre Lievens.Quand j’étais petit, nous allions chez lui tousles dimanches. Je me souviens qu’il nous parlait
beaucoup de ces journées qu’il a passées dansles tranchées avec Albert Ier. Les soldats mangeaient des rations de cornedbeef qu’ils recevaient dans des boîtes de tôle très fine qu’onouvrait avec un couteau. Le Roi n’en avait pas.Mon grandpère lui prêtait le sien. Etils jouaient ensemble au jeu de dames.“Pour moi, ce roman a commencé à cause ducouteau ! Ma mère, un jour, en faisant le ménage, l’a sorti d’un tiroir et me l’a donné en meracontant cette anecdote qui était bien réelle :“Le Roi a mangé avec le couteau de ton grandpère ! Ne le perds jamais !” Depuis, ce couteaune quitte pas le lieu où je vis. Je ne l’emmènejamais en voyage. Chez moi, c’est là où il setrouve !”Pierre Lievens est mort en mars 1961. BrunoBrel avait 10 ans.UBruno Brel, roman Le boyau de la mortÉditions Le Roseau Vert/Christian Navarro
Le peintre de Wijtschateh Adolf Hitler était simple soldat. En 1940,il est revenu dans la ferme où il logeait.
Ce soldat artiste qui occupeses temps de repos à réaliserdes aquarelles et qui a peintl’église en ruine de Mesens’appelle Adolf Hitler. Il finirala guerre avec le grade decaporal, le plus bas dans lahiérarchie. Sur l’Yser, il n’estencore que simple soldat.Ses compagnons le décriventcomme un bon camarade, audrôle de caractère.Il les fait rire quandil soutient mordicus que coucheravec une Françaiseest contraire àl’honneur allemand.Hitler est estafette :il amene à la troupeles ordres desofficiers. Il reçoitson baptême de feule 28 octobre 1914dans la région d’Ypres. Sonbataillon est décimé. Sur3600 hommes, 311restentopérationnels. Il sert ensuitedans une tranchée de Wijtschate au sein d’un bataillonbavarois. Cette tranchée estsurnommée Bayernwald, lebois des Bavarois. Car on esten plein dans la forêt.Le site se visite. On y a reconstitué une tranchée àl’allemande. La différence,c’est que tout est étançonnépar un système utilisant desmilliers de rondins de bois.Pour y accéder, c’est un peule parcours du combattant.Les tickets d’entrée s’achètent au bureau de l’office dutourisme de Heuvelland (Sint
Laurentiusplein 1). Le Bayernwald se trouve à 6 km de là.Par GPS, on cherche le 2,Voormezelestraat, à Wijtschate. Mais attention ! Il n’y apas de stationnement et larue est vraiment très étroite.Ensuite, il n’y a pas d’accueil :vous glissez le ticket dans unappareil et une porte à tourniquet vous laisse le passage.
Lorsqu’il avait sesjournées de repos,Hitler logeait dansune ferme, laBethlehemhoeve,située Rijselstraat,50, à Mesen.Elle est dans leschamps, à 150 mde la route. Inutiled’espérer voir lacuisine où Hitler amangé ou lachambre où il a
dormi : le corps de logis estflambant neuf.Par contre, il existe des photos du retour d’Adolf Hitlerdans cette ferme, le 26 juin1940. Il était rentré, cejourlà, dans l’église de Messines qu’il a peinte en 1914.Dès le début de 1915, il estparti pour le nord de laFrance. Le 7 octobre 1916,il est blessé à la jambe par unobus. Il revient sur le frontfrançais. Le 13 octobre 1918,il est gazé et sa vue est trèsbasse. Il est incapable de lireles journaux et, le 11 novembre, c’est un pasteur qui luiapprend que l’Allemagne aperdu la guerre. Hitler sortde sa chambre en pleurant.
COLL
ECTI
ONGE
ORGE
SDE
MAR
TEAU
Si ce soldat assis à gauche vous fait penser à Johnny Hallyday, riend’étonnant : c’est son oncle, Joseph Smet, le frère de son père.
De retour à laferme, vingt-cinqans plus tard.
D.R.
DR
Mais oui, il arrivait, quand on avait un peu de temps libre, qu’onprenne la pause, pour la photo.
COLL
ECTI
ONGE
ORGE
SDE
MAR
TEAU
8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme
Une classe d’école, à Visé. Tous les enfants montrent ostensiblement leur bol : ces photos sont utilisées pour bien prouver aux Améri-cains, qui apportent une aide alimentaire précieuse, que ce sont les enfants qui en profitent.
l ANGLETERRE
Ainsi naquitHercule Poirot
n Nous avons laissé les oncles de Johnny Hallyday dansles tranchées de l’Yser. Sonpère, Léon Smet, n’avait que6 ans en 1914. Mais il n’a pasoublié : “Ma mère, ma sœurHélène et moi, nous avonsquitté Bruxelles et nous sommes partis à pied vers la Hollande, en évitant les patrouilles. Aux PaysBas, onnous a embarqués sur uncargo de marchandises etnous sommes arrivés en Angleterre. Nous avons bénéficié de l’aide du baron Cartonde Wiart.”
Henry Carton de Wiartavait établi un quartier général au Havre d’où il avait institué un réseau pour garderle contact avec les Belges quiavaient été accueillis en Angleterre. Les nôtres, les Smet,ont passé une partie de cetemps de guerre dans la villede Torquay.
Un autre belge célèbre y estné : Hercule Poirot ! Lui,c’était dans l’imaginationd’Agatha Christie, qui vivaità Torquay, qui avait 24 ans en1914, qui était infirmière bénévole. Cette fonction lui fitrencontrer beaucoup de cesréfugiés belges qui ont suivila filière anglaise mise enplace par le comte Carton deWiart. Dans son autobiographie : “Nous avions une véritable colonie de réfugiés belges. Jevoulais créer un détective :pourquoi ne pas en faire unBelge ? Pourquoi pas un officierde police à la retraite ?”
EXPO
SITI
ONAN
CIEN
SAR
QUEB
USIE
RS
Les baraquements du Roi Albert. Après la guerre, on en a installé, partout où il y avait de l’espace disponible, pour les familles quiavaient perdu leur logement. Des logements en principe provisoires. Les derniers ont été démolis dans les années 90.
D.R.
Les monnaies de première nécessité. L’argent manque et des vil-les émettent des billets qui n’auront cours que chez elles.
COLL
ECTI
ONCH
RIST
OPHE
LIÉG
EOIS
Deux chiens et une charrette. Tout ce que possède cette famillel’accompagne sur la route de l’exode.
D.R.
La vie en Belgique l Il n’y a plus de travail
La guerre de la famineh Les Américains s’imaginaient que laBelgique était rasée. L’Office national del’Enfance naît.
n Les hommes sont à la guerre. Les femmes sont au travail. Quand il y a du travail… Le professeur Balace, àLiège : “C’était la guerre de la famine ! En partie, à cause del’attitude chevaleresque et patriotique des grands directeurs d’usines qui ont décrété : “Nous ne travaillerons paspour l’occupant ! Et nous fermons nos usines !” Dès cet instant, les gens perdaient leur travail.”
À Dinant, le professeur Tixhon : “Iln’existe plus d’activité économique en Belgique, à la différence de ce qui s’est passéen 4045. Plus aucune matière premièren’entre en Belgique et celle qui y parvientest emmenée aussitôt en Allemagne. Uneexception : l’extraction du charbon continue. Mais, par exemple, il n’y a plus de sidérurgie. Les gens connaissent la misèreextrême.”
Le professeur Balace : “Beaucoup d’associations communales et de pouvoirs publics ont initié des travaux d’intérêtgénéral mais, en 1916, quand les occupants se mirent àchercher des chômeurs à amener en Allemagne, ils ont interdit ces chantiers.”
Patrick Hilgers, collectionneur : “L’argent manque et desvilles vont imprimer des billets de banque qui n’aurontcours que chez elles, ce qu’on a appelé des monnaies de première nécessité. “En septembre 1914, le bourgmestre deBruxelles, Adolphe Max, a déjà instauré la soupe populairepour les enfants. Il adresse aux grands industriels, Solvay etFranqui, afin de recevoir une aide financière, et il se tourneaussi vers les ambassades des pays neutres, les ÉtatsUnis,les PaysBas et l’Espagne. Les Américains mettent en place leBelgian Relief Flour. On distribuait, à travers les ÉtatsUnis,
des cartes postales de nos villes martyres en ruine, Visé,Herve ou Dinant, accompagnées par les récits des atrocitésallemandes. Si bien que les Américains s’imaginaient que laBelgique était complètement rasée. Cela a posé un problèmequand les premiers émissaires de l’armée américaine vontdébarquer.”
Les Allemands acceptent que les Américains aident lapopulation belge. Le professeur Tixhon : “Ça les arrangeait ! Les conventions internationales stipulaient qu’unpays envahisseur devait prendre en charge les populationsconquises. Or les Allemands avaient besoin des ressourcesde guerre.”
Patrick Hilgers : “La guerre 1418 en Belgique va avoirune conséquence étonnante dont on n’estabsolument pas conscient : c’est à partir decette époque que la mortalité infantile dansnos pays va reculer. Pourquoi ? Parce qu’onva commencer à s’occuper des enfants. Dansce contexte d’occupation, de famine et devilles détruites, on va créer une myriaded’associations d’aide populaire. Il y aura detout. Depuis la fondation pour ceux qui ontperdu la vue à une association pour la petitebourgeoisie nécessiteuse. Ce sont des gens
qui ne peuvent pas se résoudre à faire la file pour avoir de lanourriture. Alors, on va organiser, pour eux, un système quine leur permettra certes pas d’avoir autre chose que de lasoupe mais, au moins, elle leur sera servie au restaurant etces gens ne perdront pas leur dignité. Et puisqu’il faut fairemarcher toutes ces associations, cela va occuper et sauverles innombrables personnes qui ont perdu leur emploi.Parmi ces nombreuses associations, le plus grand nombreva toucher à l’enfance. On va créer une œuvre pour l’enfance, une œuvre de la soupe au lait… On va vendre, au profit des orphelins ou de la petite enfance, des médailles,comme au Télévie d’aujourd’hui. Ce seront, à un moment,des pinn’s aux slogans patriotiques… Les Allemands finirontpar les interdire.” C’est dans ce contexte que l’Office national de l’Enfance est né pendant la guerre 1418.
l PAYS-BAS
3000 réfugiésen quelques jours
n La Hollande fut le premierpays à accueillir des Belges,dès que la ville de Visé fut détruite, le 16 août. 600 hommes avaient été emmenés,prisonniers, en Allemagne, etles femmes s’y sont précipitées. Eddy Bruyère, de Visé :“La frontière n’est qu’à trois kilomètres. La seule ville d’Eijsden a accueilli trois mille réfugiés. Trois couvents ont étéremplis de Belges. D’autres ontété logés dans une église désaffectée. Certains ont été pris encharge par des particuliers. Il yavait des cas difficiles. Unefemme de Visé est arrivée avecun bébé de deux jours. Ils nousont apporté une aide extraordinaire.”
LES ÉCOLESProf. Tixhon : “Les écoles fonctionnent. On y interdit les chants patriotiques et on y impose un cours d’allemand. Parfois en hiver, les Allemandsles font fermer, lorsqu’elles ont tropde besoins en charbon.”
LES ÉGLISESProf. Tixhon : “Elles sont ouvertes.On peut dire que s’il reste un espacede liberté, ce sont les églises.”
LA SANTÉEn 1918, en Belgique, 25.000 personnes sont mortes d’une grippeespagnole. Le prof. Balace : “Ce sontdes victimes indirectes de la guerre.On a aussi oublié de compter cellesqui, en 1920 ou 1921, sont mortesde faiblesse, après avoir été sousalimentées pendant quatre ans.”
LES JOURNAUXProf. Balace : “Contrairement à 1940,il n’y a pas eu de presse collaborationniste sauf, à l’extrême fin del’occupation, un journal qui l’appelaitLe Peuple Wallon.” Par contre, lapresse était censurée et, pour yéchapper, il y a eu quelques éditionsclandestines. La Libre Belgique,diffusée entre 1915 et 1918, reste lecas le plus célèbre. Mais il y a aussicelui d’un Visétois, Dieudonné Thonon, qui se trouvait à Bruxelles lejour des massacres dans sa ville. Ils’est réfugié à Maastricht et, là, il acréé un journal francophone, LeCourrier de la Meuse, qui était achetépar tous les réfugiés belges en Hollande, mais qui passait aussi la frontière et était distribué clandestinement dans la région.
LA RÉSISTANCEChristophe Liégeois, collectionneur :“Il n’y a pas eu, comme en 1940, unerésistance marquée par des sabotages. Mais il y avait une forme derésistance plus ou moins cachée,comme ces textes en vers qui constituaient des acrostiches. Si vous n’enlisiez que les premières lettres, celadonnait “Merde aux Allemands” Cestextes étaient publiés au nez et à labarbe des occupants.”
COLLABORATIONProf. Tixhon : “On ne peut pas vraiment parler de collaborateurs. Toutau plus, certains acceptent de fairedes choses pour les Allemands. Vendre des marchandises aux soldats.Des jeunes femmes qui leur accordent leurs faveurs… Du point de vueéconomique, ils n’ont guère le choix.”
ÉPURATIONProf. Tixhon : “Elle a été plus violentequ’en 1945. Il y a eu des massacresen novembre et en décembre 1918.Par contre, cette réaction populairen’a guère duré. Dès janvier 1919,cette violence a cessé. Pour relancerl’économie, on avait besoin de ceuxqui avaient de l’argent et on a jeté unvoile pudique sur ces événements.”
Leur soupe : l’eau quiavait servi à la vaisselleÀ partir d’octobre 1916, les Allemands firent leurscomptes : le pays avait perdu beaucoup d’hommes à laguerre et avait dû rappeler ses ouvriers au front. Ilseurent alors l’idée de mettre nos chômeurs belges autravail en Allemagne. Et des chômeurs, il y en avaitbeaucoup. Le système était comparable à celui du STOde 4045, si ce n’est qu’il a cessé dès 1917.Victor Goffart, d’Havelange, a été déporté. Son Journald’un déporté civil de la guerre 1418 a été publié, l’andernier, par sa petitefille, Josiane Brück : “Il ne nousavait jamais parlé de la guerre. Mais il adorait écrire et,en 1970, il a raconté à mon mari qu’il allait publier sessouvenirs dans la Gazette de Huy. Il avait besoin de nouspour les retranscrire à la machine. J’étais convaincue quemon grandpère allait raconter la guerre des tranchées.Ce n’était pas ça du tout et c’est la raison pour laquellenous avons voulu le publier. Personne n’a raconté ça.”Les ouvriers belges ont saboté le travail. Dès lors, lesAllemands imaginèrent ce qu’on pourrait appeler unchantage au confort. “Vous vivez mal, vous mangez mal.Si vous travaillez, ce sera mieux…” Il se souvient du jouroù, avec le morceau de pain réglementaire, il a reçu de lasoupe : l’eau qui avait servi à relaver les marmites.UVictor Goffart, Journal d’un déporté de la guerre 1418,éditions Memory
Papiers cachés dansles boutons d’une vesteLe professeur Tixhon : “La vraie Résistance s’est exprimée en 1914 à travers des réseaux d’espionnage et derenseignements. Ça, il y en a eu plusieurs, très efficaces.”Le plus célèbre est la Dame blanche.À l’origine, Dieudonné Lambrecht, 32 ans, avait montéune équipe chargée de fournir un maximum d’informations sur les trains allemands et les convois mis en placeà Liège, à Namur et Jemelle. On a considéré que sonréseau avait contribué à l’échec de l’offensive allemandeà Verdun.Lambrecht transmet ses informations via les PaysBas etil a une filière pour passer la frontière électrique. Ilutilise aussi une veste sur mesure, avec des boutonscreux dans lesquels il glisse ses notes retranscrites surde minuscules papiers de soie. En février 1916, il estarrêté à Liège et, le 18 avril, il est fusillé au fort de laChartreuse.Walthère Dewé, 36 ans, prend le relais et base l’organisation de son réseau. Chacun en sait le moins possible.Le réseau Dame blanche continue certes à surveiller lesdéplacements de trains et de convois. Mais il a réussiaussi à infiltrer la police allemande d’occupation. Si bienque les hommes de Dewé disposent, par exemple, desphotos des agents chargés de les filer. Dewé sera abattupar les Allemands. Mais pendant la Deuxième guerre.
L’AIDEDES AMÉRICAINSLe Belgian Relief Flour a étéinstitué par l’ambassade desÉtatsUnis pour venir en aideà la population belge. Ondistribuait en Amérique lesphotos de nos villes ruinées
10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme
Une classe d’école, à Visé. Tous les enfants montrent ostensiblement leur bol : ces photos sont utilisées pour bien prouver aux Améri-cains, qui apportent une aide alimentaire précieuse, que ce sont les enfants qui en profitent.
l ANGLETERRE
Ainsi naquitHercule Poirot
n Nous avons laissé les oncles de Johnny Hallyday dansles tranchées de l’Yser. Sonpère, Léon Smet, n’avait que6 ans en 1914. Mais il n’a pasoublié : “Ma mère, ma sœurHélène et moi, nous avonsquitté Bruxelles et nous sommes partis à pied vers la Hollande, en évitant les patrouilles. Aux PaysBas, onnous a embarqués sur uncargo de marchandises etnous sommes arrivés en Angleterre. Nous avons bénéficié de l’aide du baron Cartonde Wiart.”
Henry Carton de Wiartavait établi un quartier général au Havre d’où il avait institué un réseau pour garderle contact avec les Belges quiavaient été accueillis en Angleterre. Les nôtres, les Smet,ont passé une partie de cetemps de guerre dans la villede Torquay.
Un autre belge célèbre y estné : Hercule Poirot ! Lui,c’était dans l’imaginationd’Agatha Christie, qui vivaità Torquay, qui avait 24 ans en1914, qui était infirmière bénévole. Cette fonction lui fitrencontrer beaucoup de cesréfugiés belges qui ont suivila filière anglaise mise enplace par le comte Carton deWiart. Dans son autobiographie : “Nous avions une véritable colonie de réfugiés belges. Jevoulais créer un détective :pourquoi ne pas en faire unBelge ? Pourquoi pas un officierde police à la retraite ?”
EXPO
SITI
ONAN
CIEN
SAR
QUEB
USIE
RS
Les baraquements du Roi Albert. Après la guerre, on en a installé, partout où il y avait de l’espace disponible, pour les familles quiavaient perdu leur logement. Des logements en principe provisoires. Les derniers ont été démolis dans les années 90.
D.R.
Les monnaies de première nécessité. L’argent manque et des vil-les émettent des billets qui n’auront cours que chez elles.
COLL
ECTI
ONCH
RIST
OPHE
LIÉG
EOIS
Deux chiens et une charrette. Tout ce que possède cette famillel’accompagne sur la route de l’exode.
D.R.
La vie en Belgique l Il n’y a plus de travail
La guerre de la famineh Les Américains s’imaginaient que laBelgique était rasée. L’Office national del’Enfance naît.
n Les hommes sont à la guerre. Les femmes sont au travail. Quand il y a du travail… Le professeur Balace, àLiège : “C’était la guerre de la famine ! En partie, à cause del’attitude chevaleresque et patriotique des grands directeurs d’usines qui ont décrété : “Nous ne travaillerons paspour l’occupant ! Et nous fermons nos usines !” Dès cet instant, les gens perdaient leur travail.”
À Dinant, le professeur Tixhon : “Iln’existe plus d’activité économique en Belgique, à la différence de ce qui s’est passéen 4045. Plus aucune matière premièren’entre en Belgique et celle qui y parvientest emmenée aussitôt en Allemagne. Uneexception : l’extraction du charbon continue. Mais, par exemple, il n’y a plus de sidérurgie. Les gens connaissent la misèreextrême.”
Le professeur Balace : “Beaucoup d’associations communales et de pouvoirs publics ont initié des travaux d’intérêtgénéral mais, en 1916, quand les occupants se mirent àchercher des chômeurs à amener en Allemagne, ils ont interdit ces chantiers.”
Patrick Hilgers, collectionneur : “L’argent manque et desvilles vont imprimer des billets de banque qui n’aurontcours que chez elles, ce qu’on a appelé des monnaies de première nécessité. “En septembre 1914, le bourgmestre deBruxelles, Adolphe Max, a déjà instauré la soupe populairepour les enfants. Il adresse aux grands industriels, Solvay etFranqui, afin de recevoir une aide financière, et il se tourneaussi vers les ambassades des pays neutres, les ÉtatsUnis,les PaysBas et l’Espagne. Les Américains mettent en place leBelgian Relief Flour. On distribuait, à travers les ÉtatsUnis,
des cartes postales de nos villes martyres en ruine, Visé,Herve ou Dinant, accompagnées par les récits des atrocitésallemandes. Si bien que les Américains s’imaginaient que laBelgique était complètement rasée. Cela a posé un problèmequand les premiers émissaires de l’armée américaine vontdébarquer.”
Les Allemands acceptent que les Américains aident lapopulation belge. Le professeur Tixhon : “Ça les arrangeait ! Les conventions internationales stipulaient qu’unpays envahisseur devait prendre en charge les populationsconquises. Or les Allemands avaient besoin des ressourcesde guerre.”
Patrick Hilgers : “La guerre 1418 en Belgique va avoirune conséquence étonnante dont on n’estabsolument pas conscient : c’est à partir decette époque que la mortalité infantile dansnos pays va reculer. Pourquoi ? Parce qu’onva commencer à s’occuper des enfants. Dansce contexte d’occupation, de famine et devilles détruites, on va créer une myriaded’associations d’aide populaire. Il y aura detout. Depuis la fondation pour ceux qui ontperdu la vue à une association pour la petitebourgeoisie nécessiteuse. Ce sont des gens
qui ne peuvent pas se résoudre à faire la file pour avoir de lanourriture. Alors, on va organiser, pour eux, un système quine leur permettra certes pas d’avoir autre chose que de lasoupe mais, au moins, elle leur sera servie au restaurant etces gens ne perdront pas leur dignité. Et puisqu’il faut fairemarcher toutes ces associations, cela va occuper et sauverles innombrables personnes qui ont perdu leur emploi.Parmi ces nombreuses associations, le plus grand nombreva toucher à l’enfance. On va créer une œuvre pour l’enfance, une œuvre de la soupe au lait… On va vendre, au profit des orphelins ou de la petite enfance, des médailles,comme au Télévie d’aujourd’hui. Ce seront, à un moment,des pinn’s aux slogans patriotiques… Les Allemands finirontpar les interdire.” C’est dans ce contexte que l’Office national de l’Enfance est né pendant la guerre 1418.
l PAYS-BAS
3000 réfugiésen quelques jours
n La Hollande fut le premierpays à accueillir des Belges,dès que la ville de Visé fut détruite, le 16 août. 600 hommes avaient été emmenés,prisonniers, en Allemagne, etles femmes s’y sont précipitées. Eddy Bruyère, de Visé :“La frontière n’est qu’à trois kilomètres. La seule ville d’Eijsden a accueilli trois mille réfugiés. Trois couvents ont étéremplis de Belges. D’autres ontété logés dans une église désaffectée. Certains ont été pris encharge par des particuliers. Il yavait des cas difficiles. Unefemme de Visé est arrivée avecun bébé de deux jours. Ils nousont apporté une aide extraordinaire.”
LES ÉCOLESProf. Tixhon : “Les écoles fonctionnent. On y interdit les chants patriotiques et on y impose un cours d’allemand. Parfois en hiver, les Allemandsles font fermer, lorsqu’elles ont tropde besoins en charbon.”
LES ÉGLISESProf. Tixhon : “Elles sont ouvertes.On peut dire que s’il reste un espacede liberté, ce sont les églises.”
LA SANTÉEn 1918, en Belgique, 25.000 personnes sont mortes d’une grippeespagnole. Le prof. Balace : “Ce sontdes victimes indirectes de la guerre.On a aussi oublié de compter cellesqui, en 1920 ou 1921, sont mortesde faiblesse, après avoir été sousalimentées pendant quatre ans.”
LES JOURNAUXProf. Balace : “Contrairement à 1940,il n’y a pas eu de presse collaborationniste sauf, à l’extrême fin del’occupation, un journal qui l’appelaitLe Peuple Wallon.” Par contre, lapresse était censurée et, pour yéchapper, il y a eu quelques éditionsclandestines. La Libre Belgique,diffusée entre 1915 et 1918, reste lecas le plus célèbre. Mais il y a aussicelui d’un Visétois, Dieudonné Thonon, qui se trouvait à Bruxelles lejour des massacres dans sa ville. Ils’est réfugié à Maastricht et, là, il acréé un journal francophone, LeCourrier de la Meuse, qui était achetépar tous les réfugiés belges en Hollande, mais qui passait aussi la frontière et était distribué clandestinement dans la région.
LA RÉSISTANCEChristophe Liégeois, collectionneur :“Il n’y a pas eu, comme en 1940, unerésistance marquée par des sabotages. Mais il y avait une forme derésistance plus ou moins cachée,comme ces textes en vers qui constituaient des acrostiches. Si vous n’enlisiez que les premières lettres, celadonnait “Merde aux Allemands” Cestextes étaient publiés au nez et à labarbe des occupants.”
COLLABORATIONProf. Tixhon : “On ne peut pas vraiment parler de collaborateurs. Toutau plus, certains acceptent de fairedes choses pour les Allemands. Vendre des marchandises aux soldats.Des jeunes femmes qui leur accordent leurs faveurs… Du point de vueéconomique, ils n’ont guère le choix.”
ÉPURATIONProf. Tixhon : “Elle a été plus violentequ’en 1945. Il y a eu des massacresen novembre et en décembre 1918.Par contre, cette réaction populairen’a guère duré. Dès janvier 1919,cette violence a cessé. Pour relancerl’économie, on avait besoin de ceuxqui avaient de l’argent et on a jeté unvoile pudique sur ces événements.”
Leur soupe : l’eau quiavait servi à la vaisselleÀ partir d’octobre 1916, les Allemands firent leurscomptes : le pays avait perdu beaucoup d’hommes à laguerre et avait dû rappeler ses ouvriers au front. Ilseurent alors l’idée de mettre nos chômeurs belges autravail en Allemagne. Et des chômeurs, il y en avaitbeaucoup. Le système était comparable à celui du STOde 4045, si ce n’est qu’il a cessé dès 1917.Victor Goffart, d’Havelange, a été déporté. Son Journald’un déporté civil de la guerre 1418 a été publié, l’andernier, par sa petitefille, Josiane Brück : “Il ne nousavait jamais parlé de la guerre. Mais il adorait écrire et,en 1970, il a raconté à mon mari qu’il allait publier sessouvenirs dans la Gazette de Huy. Il avait besoin de nouspour les retranscrire à la machine. J’étais convaincue quemon grandpère allait raconter la guerre des tranchées.Ce n’était pas ça du tout et c’est la raison pour laquellenous avons voulu le publier. Personne n’a raconté ça.”Les ouvriers belges ont saboté le travail. Dès lors, lesAllemands imaginèrent ce qu’on pourrait appeler unchantage au confort. “Vous vivez mal, vous mangez mal.Si vous travaillez, ce sera mieux…” Il se souvient du jouroù, avec le morceau de pain réglementaire, il a reçu de lasoupe : l’eau qui avait servi à relaver les marmites.UVictor Goffart, Journal d’un déporté de la guerre 1418,éditions Memory
Papiers cachés dansles boutons d’une vesteLe professeur Tixhon : “La vraie Résistance s’est exprimée en 1914 à travers des réseaux d’espionnage et derenseignements. Ça, il y en a eu plusieurs, très efficaces.”Le plus célèbre est la Dame blanche.À l’origine, Dieudonné Lambrecht, 32 ans, avait montéune équipe chargée de fournir un maximum d’informations sur les trains allemands et les convois mis en placeà Liège, à Namur et Jemelle. On a considéré que sonréseau avait contribué à l’échec de l’offensive allemandeà Verdun.Lambrecht transmet ses informations via les PaysBas etil a une filière pour passer la frontière électrique. Ilutilise aussi une veste sur mesure, avec des boutonscreux dans lesquels il glisse ses notes retranscrites surde minuscules papiers de soie. En février 1916, il estarrêté à Liège et, le 18 avril, il est fusillé au fort de laChartreuse.Walthère Dewé, 36 ans, prend le relais et base l’organisation de son réseau. Chacun en sait le moins possible.Le réseau Dame blanche continue certes à surveiller lesdéplacements de trains et de convois. Mais il a réussiaussi à infiltrer la police allemande d’occupation. Si bienque les hommes de Dewé disposent, par exemple, desphotos des agents chargés de les filer. Dewé sera abattupar les Allemands. Mais pendant la Deuxième guerre.
L’AIDEDES AMÉRICAINSLe Belgian Relief Flour a étéinstitué par l’ambassade desÉtatsUnis pour venir en aideà la population belge. Ondistribuait en Amérique lesphotos de nos villes ruinées
10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme
À Paris, en septembre 1915, avant le grand départ.
l On les fait rentrer parVladivostok et l’Amérique
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Les premiers blindés belges ont servi sur le front russe.
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Une rencontre avec d’authentiques Mongols
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Juin 1918, égout à ciel ouvert à Vladivostok
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
SEPTEMBRE 1915 à JUIN 1918 l Le périple de 333 soldats belges l
Contant le Marinet les premiersblindésh Star du sport belge,il est envoyé combattreen Russie
n Encore dans les années 60, lorsqu’un enfant de Liège se vêtait d’unpull ligné, les aînés lui disaient : “Ondirait Constant le Marin”. C’était uneréférence comme on dirait : “VoilàEddy Merckx” à un gosse à vélo. Levrai Constant le Marin n’avait riend’un marin et ne portait jamaisde pulls lignés. Il avait été une stardu sport belge avant 1914 : deuxfois champion du monde de lutteen un temps où il s’agissait du sportroi.
Lorsque la guerre éclata, le champion avait 30 ans et il se présentacomme volontaire. On l’affecta dansle corps des Autocanonsmitrailleuses, les ancêtres des véhicules blindés. Une invention belge ! Àl’époque, ces blindés se déplaçaientencore sur roues : les premierstanks à chenilles ont été amenés parles Anglais, en septembre 1916,dans la Somme.
Les blindés belges furent rapidement installés audelà de l’Yser et lefait est que des blindés dans lestranchées, ça ne sert… à rien. Parcontre, en Russie, le tsar, qui faisaitaussi la guerre à l’Allemagne, fit savoir au roi Albert qu’il aurait été
heureux de disposer de ces engins.Le 22 septembre 1915, douze véhicules blindés et 333 soldats belgescomposant le corps s’embarquaientpour SaintPétersbourg. Parmi ceshommes, Constant le Marin, maisaussi le futur poète Marcel Thiry etJulien Lahaut, celuilà même quidevint parlementaire communisteet est connu pour avoir crié “Vive laRépublique !” à l’investiture du roiBaudouin. On n’est d’ailleurs pascertain que c’était lui, mais il fut assassiné en 1950.
Seize Belges ont perdu la vie surles champs de bataille de Russie.Constant le Marin, lui, a été blessé àplusieurs reprises et décoré.
À Liège, Albert Grailet porte ses56 ans à la manière d’un sportif.Il n’a pas été lutteur, mais décathlonien. Et Constant le Marin estson grandoncle. “Je l’ai connu !Quand il est mort, en 1965, j’avais 9ans. Lorsque je le voyais, il me paraissait gigantesque. Il mesurait 1 m 86,ce qui est beaucoup, mais pas énorme.Mais, toujours vêtu avec élégance,il portait souvent des manteaux avecépaulettes. J’avais l’impression qu’ilavait un mètre de largeur. En outre,il se tenait toujours très droit, impérial… C’était un homme qui sortait del’ordinaire.”
Sur la campagne de Russie : “Pareil ! Il avait tapissé l’intérieur de sonblindé de tapis d’Orient.En juillet 1917, son autocanon a étédétruit. Il fallait l’évacuer sous le feude l’ennemi. Ils étaient cinq dans unvéhicule. Deux des hommes ont ététués et Constant le Marin, lui, a été atteint de deux balles dans la jambe etd’une autre dans le bras. Il a pu se cacher derrière un monticule. Ses deuxcompagnons survivants ont rampéjusqu’à une datcha proche. Ils en ontarraché la porte qu’ils ont ramenée. Ilsl’ont mise sur mon grandoncle afinqu’il soit protégé et ces deux soldatsordinaires ont tiré, leur chef qui pesaitquelque chose comme 120 kilos, touten soulevant cette porte, jusqu’à cequ’ils soient tous en sécurité.”
Constant le Marin, qui s’appelaitau civil Henri Herd, fut rapatrié. “Il areçu quatre fois la Croix de SaintGeorges, une des plus hautes récompenses russes. Et notamment de lamain du Tsar. Un de mes arrièrecousins, ici à Liège, possède toujours cesmédailles.”
LE CHIRURGIENÉTAIT UN FANGrièvement blessé à la jambe, lesportif liégeois a songé au suicide. “Il était persuadé qu’il allaitêtre amputé et qu’il ne pourraitplus jamais lutter. À ce point queson neveu lui prit son pistolet enpromettant de le lui rendre au casoù l’amputation se confirmerait.”Mais à l’hôpital, Constant leMarin fut confié à un chirurgienrusse qui était… un de ses fans !C’est un peu comme si RaphaëlNadal se retrouvait dans unhôpital d’Afrique.“Ce chirurgien russe l’avait vulutter à Moscou. Il lui a promis desauver sa jambe et il l’a fait.”
12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme
C’était encore l’époque des tireurs de pousse-pousse
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Les soldats belges etles geishas du quar-tier chinoisCO
LLEC
TION
ALBE
RTGR
AILE
T
Un peu de détente sur le bateau vers San Francisco
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Excursion au pied des chutes duNiagara
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Retour en fanfare dans les rues de Bordeaux
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Il a toujours veillé à garder une certaine élé-gance
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Le champion du monde s’en va-t-en-guerre
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Constant le Marin du temps de ses exploits.
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Ces soldatsbelges ontfait le tourdu monden Dans la famille d’AlbertGrailet, il n’y avait pas que Constant le Marin parmi ces soldatsbelges de Russie : “Son neveu,Fernand Houbiers, était le plusjeune du corps des Autocanons. Ilest mort à 90 ans et je l’ai connuaussi. À cause de sa blessure, Constant le Marin a été rapatrié maisFernand Houbiers, lui, a vécu l’extraordinaire odyssée des blindésbelges. Un vrai tour du monde…”
La révolution communiste, enRussie, change la donne. L’Armée blanche, fidèle au Tsar, neveut surtout pas que l’Arméerouge communiste s’empare desblindés belges. Alors, hommes etvéhicules sont mis sur des trainset ils traversent toute la Russiejusqu’à Vladivostok qui, à l’époque, portait le nom de Kharbine.“Je possède, classées dans des enveloppes, des centaines de photos queFernand Houbiers a ramenées dece périple.” On y voit des Mongolsde 1918, des Juifs très spectaculaires, des poussepousse dans lequartier chinois de la ville.
Le soldat a inscrit des légendesau dos de chaque cliché. “Kharbine 1918, trois geishas en quêted’amour auprès des petits belges.Remarquables en tous points ? Devinez ?” Même au bout dumonde, un soldat reste un soldat….
Le 18 avril 1918, les blindés etles soldats quittent la Russie àbord d’un navire américain, leSheridan. Direction : San Francisco. “Les photos montrent cesjeunes gens en uniformes qui sedistraient sur le pont du bateau,en faisant de la danse ou des combats de lutte.”
Après, ils traversent tous lesÉtatsUnis. “Ils étaient pratiquement les premiers combattants dela guerre sur le sol américain.Dans chaque ville qu’ils traversaient, on organisait une grandeparade.” L’album contient aussides photos de nos soldats devantles chutes du Niagara.
Le 15 juin, ils embarquent àNew York. Les dernières photosde l’oncle Fernand Houbiersmontrent le défilé de nos soldatsà travers les rues de Bordeauxoù, pour leur retour, la population les acclame.
À Paris, en septembre 1915, avant le grand départ.
l On les fait rentrer parVladivostok et l’Amérique
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Les premiers blindés belges ont servi sur le front russe.
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Une rencontre avec d’authentiques Mongols
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Juin 1918, égout à ciel ouvert à Vladivostok
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
SEPTEMBRE 1915 à JUIN 1918 l Le périple de 333 soldats belges l
Contant le Marinet les premiersblindésh Star du sport belge,il est envoyé combattreen Russie
n Encore dans les années 60, lorsqu’un enfant de Liège se vêtait d’unpull ligné, les aînés lui disaient : “Ondirait Constant le Marin”. C’était uneréférence comme on dirait : “VoilàEddy Merckx” à un gosse à vélo. Levrai Constant le Marin n’avait riend’un marin et ne portait jamaisde pulls lignés. Il avait été une stardu sport belge avant 1914 : deuxfois champion du monde de lutteen un temps où il s’agissait du sportroi.
Lorsque la guerre éclata, le champion avait 30 ans et il se présentacomme volontaire. On l’affecta dansle corps des Autocanonsmitrailleuses, les ancêtres des véhicules blindés. Une invention belge ! Àl’époque, ces blindés se déplaçaientencore sur roues : les premierstanks à chenilles ont été amenés parles Anglais, en septembre 1916,dans la Somme.
Les blindés belges furent rapidement installés audelà de l’Yser et lefait est que des blindés dans lestranchées, ça ne sert… à rien. Parcontre, en Russie, le tsar, qui faisaitaussi la guerre à l’Allemagne, fit savoir au roi Albert qu’il aurait été
heureux de disposer de ces engins.Le 22 septembre 1915, douze véhicules blindés et 333 soldats belgescomposant le corps s’embarquaientpour SaintPétersbourg. Parmi ceshommes, Constant le Marin, maisaussi le futur poète Marcel Thiry etJulien Lahaut, celuilà même quidevint parlementaire communisteet est connu pour avoir crié “Vive laRépublique !” à l’investiture du roiBaudouin. On n’est d’ailleurs pascertain que c’était lui, mais il fut assassiné en 1950.
Seize Belges ont perdu la vie surles champs de bataille de Russie.Constant le Marin, lui, a été blessé àplusieurs reprises et décoré.
À Liège, Albert Grailet porte ses56 ans à la manière d’un sportif.Il n’a pas été lutteur, mais décathlonien. Et Constant le Marin estson grandoncle. “Je l’ai connu !Quand il est mort, en 1965, j’avais 9ans. Lorsque je le voyais, il me paraissait gigantesque. Il mesurait 1 m 86,ce qui est beaucoup, mais pas énorme.Mais, toujours vêtu avec élégance,il portait souvent des manteaux avecépaulettes. J’avais l’impression qu’ilavait un mètre de largeur. En outre,il se tenait toujours très droit, impérial… C’était un homme qui sortait del’ordinaire.”
Sur la campagne de Russie : “Pareil ! Il avait tapissé l’intérieur de sonblindé de tapis d’Orient.En juillet 1917, son autocanon a étédétruit. Il fallait l’évacuer sous le feude l’ennemi. Ils étaient cinq dans unvéhicule. Deux des hommes ont ététués et Constant le Marin, lui, a été atteint de deux balles dans la jambe etd’une autre dans le bras. Il a pu se cacher derrière un monticule. Ses deuxcompagnons survivants ont rampéjusqu’à une datcha proche. Ils en ontarraché la porte qu’ils ont ramenée. Ilsl’ont mise sur mon grandoncle afinqu’il soit protégé et ces deux soldatsordinaires ont tiré, leur chef qui pesaitquelque chose comme 120 kilos, touten soulevant cette porte, jusqu’à cequ’ils soient tous en sécurité.”
Constant le Marin, qui s’appelaitau civil Henri Herd, fut rapatrié. “Il areçu quatre fois la Croix de SaintGeorges, une des plus hautes récompenses russes. Et notamment de lamain du Tsar. Un de mes arrièrecousins, ici à Liège, possède toujours cesmédailles.”
LE CHIRURGIENÉTAIT UN FANGrièvement blessé à la jambe, lesportif liégeois a songé au suicide. “Il était persuadé qu’il allaitêtre amputé et qu’il ne pourraitplus jamais lutter. À ce point queson neveu lui prit son pistolet enpromettant de le lui rendre au casoù l’amputation se confirmerait.”Mais à l’hôpital, Constant leMarin fut confié à un chirurgienrusse qui était… un de ses fans !C’est un peu comme si RaphaëlNadal se retrouvait dans unhôpital d’Afrique.“Ce chirurgien russe l’avait vulutter à Moscou. Il lui a promis desauver sa jambe et il l’a fait.”
12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme
C’était encore l’époque des tireurs de pousse-pousse
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Les soldats belges etles geishas du quar-tier chinoisCO
LLEC
TION
ALBE
RTGR
AILE
T
Un peu de détente sur le bateau vers San Francisco
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Excursion au pied des chutes duNiagara
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Retour en fanfare dans les rues de Bordeaux
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Il a toujours veillé à garder une certaine élé-gance
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Le champion du monde s’en va-t-en-guerre
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Constant le Marin du temps de ses exploits.
COLL
ECTI
ONAL
BERT
GRAI
LET
Ces soldatsbelges ontfait le tourdu monden Dans la famille d’AlbertGrailet, il n’y avait pas que Constant le Marin parmi ces soldatsbelges de Russie : “Son neveu,Fernand Houbiers, était le plusjeune du corps des Autocanons. Ilest mort à 90 ans et je l’ai connuaussi. À cause de sa blessure, Constant le Marin a été rapatrié maisFernand Houbiers, lui, a vécu l’extraordinaire odyssée des blindésbelges. Un vrai tour du monde…”
La révolution communiste, enRussie, change la donne. L’Armée blanche, fidèle au Tsar, neveut surtout pas que l’Arméerouge communiste s’empare desblindés belges. Alors, hommes etvéhicules sont mis sur des trainset ils traversent toute la Russiejusqu’à Vladivostok qui, à l’époque, portait le nom de Kharbine.“Je possède, classées dans des enveloppes, des centaines de photos queFernand Houbiers a ramenées dece périple.” On y voit des Mongolsde 1918, des Juifs très spectaculaires, des poussepousse dans lequartier chinois de la ville.
Le soldat a inscrit des légendesau dos de chaque cliché. “Kharbine 1918, trois geishas en quêted’amour auprès des petits belges.Remarquables en tous points ? Devinez ?” Même au bout dumonde, un soldat reste un soldat….
Le 18 avril 1918, les blindés etles soldats quittent la Russie àbord d’un navire américain, leSheridan. Direction : San Francisco. “Les photos montrent cesjeunes gens en uniformes qui sedistraient sur le pont du bateau,en faisant de la danse ou des combats de lutte.”
Après, ils traversent tous lesÉtatsUnis. “Ils étaient pratiquement les premiers combattants dela guerre sur le sol américain.Dans chaque ville qu’ils traversaient, on organisait une grandeparade.” L’album contient aussides photos de nos soldats devantles chutes du Niagara.
Le 15 juin, ils embarquent àNew York. Les dernières photosde l’oncle Fernand Houbiersmontrent le défilé de nos soldatsà travers les rues de Bordeauxoù, pour leur retour, la population les acclame.
Le roi de Saxe et l’Empereur Guillaume II à g. Ludendorff est le quatrième à gauche.
FOYE
RDE
CHAR
ITÉ
SPA
Exactement au même endroit, mais en 1919. Le maréchal Foch (tout à g.) et le président du Conseil, Millerand. Legénéral Weygand est tout à droite.
FOYE
RDE
CHAR
ITÉ
SPA
Le balcon historique du château Neubois
D.H.
Aujourd’hui, la porte blindée du bunker estmarquée le poids de son âge
D.H.
MARS à NOVEMBRE 1918 l Spa l
La guerre s’est finie à Spah Le Kaiser y a vécu les huitderniers mois de son règne
n Depuis octobre 1917, les troupesaméricaines sont rassemblées à Nantes et à La Rochelle. Mais on ne lesvoit pas encore sur les champs de bataille. Par contre, au début de 1918,les Yankees débarquent du matériel àraison de 200.000 hommes par mois.
À Bad Kreuznach, près de Wiesbaden, où il était établi, l’étatmajor allemand imagine de porter unegrande offensive au printemps 1918,avant que les Américains ne décidentde passer à l’action. Dans l’esprit dechacun des généraux allemands, ils’agit de l’offensive de la dernièrechance.
Pour réussir, ces chefs considéraient qu’il leur fallait rapprocherleur QG du front et, entre autre parceque la vie y était agréable, ils choisirent la ville… de Spa.
Les généraux supérieurs y furentsuivis bientôt par l’Empereur en personne. Guillaume II aura vécu à Spales huit derniers mois de la guerre etde son règne. Spa devint, en quelque
sorte, la dernière capitale de l’Empireallemand
Président des musées de la Villed’Eaux et historien local, Jean Toussaint connaît tout surle séjour dans sa villede l’Empereur d’Allemagne : “Le 3 mars1918, les Allemands signaient avec les Communistes soviétiques letraité de BrestLitovskqui réglait la questiondu front russe et permettait aux Allemandsde concentrer désormais toutes leurs troupes en direction de laFrance. Dès le 8 mars,cinq jours plus tard,Hindenburg et Ludendorff, les deux principaux chefs de l’Armée,établissaient leur étatmajor à l’Hôtel Britannique, dont le bâtimentexiste encore mais estoccupé par l’internat del’Athénée.”
Hindenbourg habita dans le château du SousBois. “Une grosse villaappartenant à la famille Nagelmackers.
Ludendorff, lui, s’était installé dans lavilla Hill Cottage, sur la route du Tonnelet, sur les hauteurs de la ville. Aussitôt, on prépara l’arrivée de l’Empereur
et on lui réserva lapropriété Peltzer. CePeltzer était très important industriel lainier de Verviers. Lapropriété comprenaitquatre châteaux etdonnait sur le lac deWarfaaz.”
Guillaume II arrivaà Spa le 12 mars. “Illogea pendant quelques jours à la Fraineuse. La grande offensive allemandecommença le 21 et, le23, le Kaiser s’installait dans le châteauNeubois, spécialementaménagé pour lui,avec abri antiaérien.”
En juin, l’épousedu Kayzer, l’impératrice AugustaVicto
ria, viendra rejoindre son mari.“La vie des Spadois était plus que bousculée. Pour sortir de la ville, les gens devaient obtenir des autorisations.”
Le fameux assaut dans lequel les Allemands avaient placé tous leurs espoirs, est contenu par les forces alliées commandées par le généralFoch, et, aussitôt, en réplique, lesAméricains se mettent en marche.“Le 1er et le 12 mai, d’importantes conférences internationales vont se tenir àSpa. On a vu défiler chez nous le nouvelempereur Charles d’Autriche, l’héritierallemand Wilhelm, le Grand Vizir deTurquie, les chefs cosaques d’Ukraine…”
Dès le mois d’août, le haut commandement allemand considère queson armée ne peut plus remporterla guerre.
La demande d’armistice sera préparée à Spa d’où elle partira vers laFrance le 7 novembre.
Le 9, l’Empereur abdique et demande asile à la reine Wilhelminedes PaysBas.
Le 10, le Kaiser quitte Spa à bordd’un train qui s’arrête en gare de LaReid. L’empereur prend place dansun convoi automobile qui, sansmême passer une dernière fois parl’Allemagne, franchit la frontière hollandaise à Eijsden.
Le 11 novembre 1918, l’armisticeest signé à bord d’un wagon, en forêtde Compiègne.
l Visite
Le balcon historiquen La chambre du Kaiser, à l’étage, estdevenue une chapelle. Mais, au rezdechaussée, l’immense salleàmanger est toujours là, avec ses murs,tapissée de boiseries.
Par contre, le lieu est moins richement décoré qu’à l’époque. On le saitparce que, sur un des murs, un cadrepropose plusieurs photos d’alors. Il yavait ici des fauteuils cossus, des tables aux contours ciselés, des lampadaires…
Une autre photo montre le Kaiseren grand uniforme, sur la terrasse. Ilfume une cigarette en bavardantavec le roi de Saxe et, sur le mêmedocument, plus à droite, le généralLudendorff est luimême en conversation avec un major.
La photo d’endessous est priseexactement au même endroit, maisle 16 juillet 1920. La guerre est finieet, cette fois, les personnalités comptent parmi les vainqueurs : le maréchal Foch, Millerand, président français du Conseil, le général Weygand…Ils étaient venus ici pour préparer letraité de Versailles.
Ce balcon historique est toujourslà…
“On a vu défilerchez nous lenouvel empereurCharles d’Autriche,l’héritier allemandWilhelm, le GrandVizir de Turquie,les chefs cosaquesd’Ukraine…”Jean Toussaint
Dans le bunker de l’Empereurh “Une fois par semaine, quelqu’un sonne et demande à le voir. Souvent desAllemands.”
Nous sommes dans les bois, sur leshauteurs de Spa, à gauche sur laroute qui monte vers l’aérodrome.Le petit village de Nivezé est connupour son centre derevalidation et c’està deux pas, au croisement de deuxpetites routes deforêts, que se trouvecette grosse villa destyle normand, lechâteau Neubois,qui a servi, pendantles huit derniersmois de 1418, derésidence à l’Empereur Guillaume II d’Allemagne, legrand responsable de la Premièreguerre mondiale. Jean Toussaint :“Le Neubois lui servit de logement.Par contre, pour ses réceptionsofficielles, il utilisait le châteauvoisin, le Haut Neubois, occupéaujourd’hui par le Ceran, un coursde langues de réputation internationale.”Le Neubois est géré par Foyer de
Charité, une institution catholiquequi y organise des retraites. Enprincipe, le château ne se visite quelors des Journées du Patrimoine.
Mais on n’y fermejamais les portes.La bénévole quim’accueille à l’entrée a l’habituded’être dérangée : “Jene dis pas que lepassé historique dulieu nous amène desvisiteurs chaquesemaine. Mais enmoyenne, nous enavons un par se
maine. Souvent, des Allemands.”Ce que les visiteurs veulent surtoutvoir, lorsqu’ils viennent ici, c’est lefameux bunker construit pourla sécurité de l’empereur : unepetite pièce aux murs nus en béton.Cinq mètres sur deux mètres etdemi. Hauteur : 2 m 10. C’est minuscule.Mais les murs ont une épaisseur de1 m 20 et le plafond de 1 m 50.
On est à quatre mètres sous le sol.L’aviation n’était pas, en 1918, cequ’elle fut en 1940, mais on craignait quand même les bombardements. Des tirs d’artillerie étaientaussi possibles.De l’intérieur du château, on pénètre dans le bunker de l’Empereurpar des escaliers et un corridorbétonnés. L’épaisse porte blindéeest, cent ans plus tard, très rouilléeet elle bouge difficilement. Maiselle est là ! Et on voit qu’à 50 cm dusol, elle était sectionnée. Ainsi, cetteporte en deux parties pouvait êtreutilisée même si un éboulementavait bloqué l’ouverture au sol.Dans le fond du bunker, il existeune issue de secours : un souterrainqui donne, une cinquantaine demètres plus loin, dans une prairie,derrière le château. L’issue estinvisible pour un avion : elle estmasquée par une élégante roseraiearrondie. Pour mieux l’intégrerdans le paysage, sans éveiller lessoupçons, une roseraie identique,jumelle, a été plantée tout à côté.
2DES ROSERAIESLa sortie du bunker deGuillaume II était masquéepar une élégante roseraiearrondie. Pour éviter lessoupçons, il y en avait deux.
La salle à manger du Kaiser
FOYE
RDE
CHAR
ITÉ
SPA
La même, aujourd’hui
FOYE
RCH
ARIT
ÉSP
A
Le bunker construit pour protéger l’Empereur d’Allemagneattire régulièrement des visiteurs
FOYE
RCH
ARIT
ÉSP
A
14-15 La Grande guerre à hauteur d’homme
Le roi de Saxe et l’Empereur Guillaume II à g. Ludendorff est le quatrième à gauche.
FOYE
RDE
CHAR
ITÉ
SPA
Exactement au même endroit, mais en 1919. Le maréchal Foch (tout à g.) et le président du Conseil, Millerand. Legénéral Weygand est tout à droite.
FOYE
RDE
CHAR
ITÉ
SPA
Le balcon historique du château Neubois
D.H.
Aujourd’hui, la porte blindée du bunker estmarquée le poids de son âge
D.H.
MARS à NOVEMBRE 1918 l Spa l
La guerre s’est finie à Spah Le Kaiser y a vécu les huitderniers mois de son règne
n Depuis octobre 1917, les troupesaméricaines sont rassemblées à Nantes et à La Rochelle. Mais on ne lesvoit pas encore sur les champs de bataille. Par contre, au début de 1918,les Yankees débarquent du matériel àraison de 200.000 hommes par mois.
À Bad Kreuznach, près de Wiesbaden, où il était établi, l’étatmajor allemand imagine de porter unegrande offensive au printemps 1918,avant que les Américains ne décidentde passer à l’action. Dans l’esprit dechacun des généraux allemands, ils’agit de l’offensive de la dernièrechance.
Pour réussir, ces chefs considéraient qu’il leur fallait rapprocherleur QG du front et, entre autre parceque la vie y était agréable, ils choisirent la ville… de Spa.
Les généraux supérieurs y furentsuivis bientôt par l’Empereur en personne. Guillaume II aura vécu à Spales huit derniers mois de la guerre etde son règne. Spa devint, en quelque
sorte, la dernière capitale de l’Empireallemand
Président des musées de la Villed’Eaux et historien local, Jean Toussaint connaît tout surle séjour dans sa villede l’Empereur d’Allemagne : “Le 3 mars1918, les Allemands signaient avec les Communistes soviétiques letraité de BrestLitovskqui réglait la questiondu front russe et permettait aux Allemandsde concentrer désormais toutes leurs troupes en direction de laFrance. Dès le 8 mars,cinq jours plus tard,Hindenburg et Ludendorff, les deux principaux chefs de l’Armée,établissaient leur étatmajor à l’Hôtel Britannique, dont le bâtimentexiste encore mais estoccupé par l’internat del’Athénée.”
Hindenbourg habita dans le château du SousBois. “Une grosse villaappartenant à la famille Nagelmackers.
Ludendorff, lui, s’était installé dans lavilla Hill Cottage, sur la route du Tonnelet, sur les hauteurs de la ville. Aussitôt, on prépara l’arrivée de l’Empereur
et on lui réserva lapropriété Peltzer. CePeltzer était très important industriel lainier de Verviers. Lapropriété comprenaitquatre châteaux etdonnait sur le lac deWarfaaz.”
Guillaume II arrivaà Spa le 12 mars. “Illogea pendant quelques jours à la Fraineuse. La grande offensive allemandecommença le 21 et, le23, le Kaiser s’installait dans le châteauNeubois, spécialementaménagé pour lui,avec abri antiaérien.”
En juin, l’épousedu Kayzer, l’impératrice AugustaVicto
ria, viendra rejoindre son mari.“La vie des Spadois était plus que bousculée. Pour sortir de la ville, les gens devaient obtenir des autorisations.”
Le fameux assaut dans lequel les Allemands avaient placé tous leurs espoirs, est contenu par les forces alliées commandées par le généralFoch, et, aussitôt, en réplique, lesAméricains se mettent en marche.“Le 1er et le 12 mai, d’importantes conférences internationales vont se tenir àSpa. On a vu défiler chez nous le nouvelempereur Charles d’Autriche, l’héritierallemand Wilhelm, le Grand Vizir deTurquie, les chefs cosaques d’Ukraine…”
Dès le mois d’août, le haut commandement allemand considère queson armée ne peut plus remporterla guerre.
La demande d’armistice sera préparée à Spa d’où elle partira vers laFrance le 7 novembre.
Le 9, l’Empereur abdique et demande asile à la reine Wilhelminedes PaysBas.
Le 10, le Kaiser quitte Spa à bordd’un train qui s’arrête en gare de LaReid. L’empereur prend place dansun convoi automobile qui, sansmême passer une dernière fois parl’Allemagne, franchit la frontière hollandaise à Eijsden.
Le 11 novembre 1918, l’armisticeest signé à bord d’un wagon, en forêtde Compiègne.
l Visite
Le balcon historiquen La chambre du Kaiser, à l’étage, estdevenue une chapelle. Mais, au rezdechaussée, l’immense salleàmanger est toujours là, avec ses murs,tapissée de boiseries.
Par contre, le lieu est moins richement décoré qu’à l’époque. On le saitparce que, sur un des murs, un cadrepropose plusieurs photos d’alors. Il yavait ici des fauteuils cossus, des tables aux contours ciselés, des lampadaires…
Une autre photo montre le Kaiseren grand uniforme, sur la terrasse. Ilfume une cigarette en bavardantavec le roi de Saxe et, sur le mêmedocument, plus à droite, le généralLudendorff est luimême en conversation avec un major.
La photo d’endessous est priseexactement au même endroit, maisle 16 juillet 1920. La guerre est finieet, cette fois, les personnalités comptent parmi les vainqueurs : le maréchal Foch, Millerand, président français du Conseil, le général Weygand…Ils étaient venus ici pour préparer letraité de Versailles.
Ce balcon historique est toujourslà…
“On a vu défilerchez nous lenouvel empereurCharles d’Autriche,l’héritier allemandWilhelm, le GrandVizir de Turquie,les chefs cosaquesd’Ukraine…”Jean Toussaint
Dans le bunker de l’Empereurh “Une fois par semaine, quelqu’un sonne et demande à le voir. Souvent desAllemands.”
Nous sommes dans les bois, sur leshauteurs de Spa, à gauche sur laroute qui monte vers l’aérodrome.Le petit village de Nivezé est connupour son centre derevalidation et c’està deux pas, au croisement de deuxpetites routes deforêts, que se trouvecette grosse villa destyle normand, lechâteau Neubois,qui a servi, pendantles huit derniersmois de 1418, derésidence à l’Empereur Guillaume II d’Allemagne, legrand responsable de la Premièreguerre mondiale. Jean Toussaint :“Le Neubois lui servit de logement.Par contre, pour ses réceptionsofficielles, il utilisait le châteauvoisin, le Haut Neubois, occupéaujourd’hui par le Ceran, un coursde langues de réputation internationale.”Le Neubois est géré par Foyer de
Charité, une institution catholiquequi y organise des retraites. Enprincipe, le château ne se visite quelors des Journées du Patrimoine.
Mais on n’y fermejamais les portes.La bénévole quim’accueille à l’entrée a l’habituded’être dérangée : “Jene dis pas que lepassé historique dulieu nous amène desvisiteurs chaquesemaine. Mais enmoyenne, nous enavons un par se
maine. Souvent, des Allemands.”Ce que les visiteurs veulent surtoutvoir, lorsqu’ils viennent ici, c’est lefameux bunker construit pourla sécurité de l’empereur : unepetite pièce aux murs nus en béton.Cinq mètres sur deux mètres etdemi. Hauteur : 2 m 10. C’est minuscule.Mais les murs ont une épaisseur de1 m 20 et le plafond de 1 m 50.
On est à quatre mètres sous le sol.L’aviation n’était pas, en 1918, cequ’elle fut en 1940, mais on craignait quand même les bombardements. Des tirs d’artillerie étaientaussi possibles.De l’intérieur du château, on pénètre dans le bunker de l’Empereurpar des escaliers et un corridorbétonnés. L’épaisse porte blindéeest, cent ans plus tard, très rouilléeet elle bouge difficilement. Maiselle est là ! Et on voit qu’à 50 cm dusol, elle était sectionnée. Ainsi, cetteporte en deux parties pouvait êtreutilisée même si un éboulementavait bloqué l’ouverture au sol.Dans le fond du bunker, il existeune issue de secours : un souterrainqui donne, une cinquantaine demètres plus loin, dans une prairie,derrière le château. L’issue estinvisible pour un avion : elle estmasquée par une élégante roseraiearrondie. Pour mieux l’intégrerdans le paysage, sans éveiller lessoupçons, une roseraie identique,jumelle, a été plantée tout à côté.
2DES ROSERAIESLa sortie du bunker deGuillaume II était masquéepar une élégante roseraiearrondie. Pour éviter lessoupçons, il y en avait deux.
La salle à manger du Kaiser
FOYE
RDE
CHAR
ITÉ
SPA
La même, aujourd’hui
FOYE
RCH
ARIT
ÉSP
A
Le bunker construit pour protéger l’Empereur d’Allemagneattire régulièrement des visiteurs
FOYE
RCH
ARIT
ÉSP
A
14-15 La Grande guerre à hauteur d’homme
28 JUIN 1919 l Le traité de Versailles l
Fin d’une guerre, début de l’autreh Traité de Versailles : oncroyait que ce serait la Derdes Ders
n À partir de 1917, on entendit cetteexpression qui devait définir ce conflit : la Der des Ders. Le maréchal Pétain insufflait aux soldats françaisune nouvelle raison de combattre.Défendre la Patrie ne leur suffisaitplus. Ils en avaient marre de ces officiers qui menaient la vie de châteaualors que les troupes supportaientcelles des tranchées et des champs debataille. Ils étaient exaspérés par cessupérieurs qui n’avaient aucun respect pour la vie de leurs hommes etqui ne voyaient les soldats quecomme chair à canon. Le général Nivelle fut relevé de ses fonctions et Pétain prit le commandement des troupes. Il comprit qu’il était urgent de
porter l’idéal sur un autre terrain. LaDer des Ders…
En se battant contre l’Allemagne,c’était contre la guerre qu’ils étaienten guerre. Tout le monde en étaitpersuadé : il suffisait de réduire l’Allemagne à la défaite et, jamais plus, lemonde ne vivrait un cauchemar pareil !
Ceci est une donnée qu’il faut garder en tête lorsqu’on examine ce quis’est signé, dans la galerie des Glacesdu château de Versailles, sept moisaprès l’armistice, le 28 juin 1919 à11 heures et 12 minutes.
Le monde entier voulait une paixdurable. L’Allemagne apparaissaitcomme l’obstacle. Dès lors, le pays futcondamné à payer des réparations deguerre exorbitantes, à renoncer auxdroits des brevets et de douanes, à livrer aux vainqueurs 5.000 canons,25.000 avions, des blindés et toute saflotte….
Son réarmement serait dorénavant
limité. Son empire colonial démembré.
Le pays sera aussi amputé de 15 %de son territoire. C’est ainsi que l’Alsace et la Lorraine reviendront à laFrance et que la Belgique hériterad’Eupen et de sa région. À l’Est, despays nouveaux naissent, faisant tampon entre l’Allemagne et la Russiedésormais communiste : la Pologneet la Tchécoslovaquie.
L’Allemagne était démembrée. L’Allemagne était ruinée. L’Allemagnecessait, aux yeux de tous, d’être unproblème. Il n’y avait plus – pensaiton à Versailles – qu’à profiterpleinement de la paix.
C’était sans compter sur l’humiliation d’un pays et de son caporal Adolfqui, dès 1925, sortait son livre MeinKampf, appelant à la restauration duprestige national et dénonçantun complot juif mondial.
Le Traité de Versailles a aussi fait lenid du conflit mondial suivant.
D.R.
Pendant quatre ans, la guerre des tranchées a surtout été une guerre d’artille-rie.
HOOG
ECR
ATER
SM
USEU
M
Les villes ont payé aussi un tribut. Ici, la cathédraled’Ypres, détruite par un bombardement.
HOOG
ECR
ATER
SM
USEU
M
Une guerre des hommes, c’est ça aussi...
Le professeur Balace
Chasser les Allemands de chez nous“Des gens originaires d’Allemagne maisdont la famille était en Belgique depuis1830 ont été reconduits à la frontière ettous leurs biens saisis. Le cas le plus extra-ordinaire fut celui du duc d’Aremberg,prince du Saint-Empire, qui avait la doublenationalité. Il pensait que son statut desénateur le protégerait. Mais on se renditcompte qu’il avait oublié de renoncer à ungrade de major de réserve de l’Arméeimpériale. C’est ainsi que l’État belge arécupéré le Palais d’Egmont, qui était samaison à Bruxelles, le château d’Enghien et,à Marche-les-Dames, le château qui estdevenu le PC des para-commandos. Sesterres ont été vendues à des fermiers.”
À Eupen, le chahut total
“Ma mère est née allemande. Elle étaiten primaire lorsque la région a été confis-quée à l’Allemagne. Les bourgmestres,fonctionnaires et enseignants ont pu choi-sir : rentrer en Allemagne ou travailler pourle gouvernement belge. Le vrai problème futde remplacer ceux qui partaient par desBelges qui devaient parler l’allemand. Cequi ne courait pas les rues. Dans sa classe,ma mère a vu arriver une jeune femme deBastogne qui parlait à peine notre langue.Et ce fut le chahut total…”Historien, le docteur Alfred Minke estspécialiste des cantons de l’Est : “Lorsquel’armistice fut signé, les gens d’Eupenn’imaginaient pas qu’on les rattacherait à laBelgique. Quelques semaines avant Ver-sailles, des bruits ont commencé à circuler,mais ils suscitaient une grande incrédulité.Les gens pensaient que l’Allemagne ne selaisserait pas faire. Ils ignoraient que lesalliés avaient décidé d’écarter les vaincusdes négociations.”Les Belges avaient demandé cette régioncomme réparation économique des pertessubies pendant la guerre : “C’était unerégion forestière, donc riche. Il y avait ausside grandes nappes d’eau, qui intéressaientl’industrie textile de Verviers.”Les Américains n’aimaient pas ces an-nexions et avaient exigé qu’un référendumsoit d’abord organisé. Il n’a été mis sur piedet contrôlé que par la Belgique ! Tout lemonde s’accorde à reconnaître que ce futune mascarade : “Les adversaires du pas-sage à la Belgique devaient s’inscrire maisil n’y avait qu’un bureau à Eupen et un autreà Malmedy, en cette époque où les déplace-ments étaient quasiment impossibles.Sur 34000 personnes concernées, il n’y eutque 271 oppositions. Mais la plus grandemanifestation de l’histoire d’Eupen date decette époque : dans les rues, 10000 per-sonnes réclamaient une consultation libre.”Qui n’a jamais eu lieu.
16 La Grande guerre à hauteur d’homme