La voie de la révolution au XXIe siècle

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La voie de la révolution mondiale au XXIe siècle A l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de la révolution d'Octobre (1997) Ludo Martens Parti du Travail de Belgique Il y a quatre-vingt ans, le 25 octobre 1917, Lénine et le Parti bolchevik ont déclenché l'insurrection populaire à Pétrograd. C'est ainsi que débuta la révolution socialiste soviétique qui a bouleversé le monde entier et qui a ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire de l'humanité. Le puissant souffle de la révolution d'Octobre a inspiré un développement ascendant du mouvement révolutionnaire prolétarien jusqu'à la mort de Staline, en 1953. Depuis lors, le révisionnisme, initié par Khrouchtchev, a trahi la révolution d'Octobre et renié tous ses principes essentiels. Trente-cinq ans de révisionnisme ont conduit au rétablissement du capitalisme dans ses formes les plus sauvages en Union soviétique et dans les pays socialistes de l'Europe de l'Est et au déclin momentané de la révolution prolétarienne mondiale. Le vingtième siècle aura été le siècle de la répétition générale de la révolution socialiste mondiale. Au seuil de l'an 2000, l'expérience tant positive que négative permet à toutes les forces anticapitalistes d'avoir une compréhension plus profonde de la justesse historique des principes de la révolution d'Octobre. En effet, au cours de la première moitié du vingtième siècle, la fidélité aux principes marxistes-léninistes a apporté des victoires aux forces révolutionnaires dans le monde entier; au cours de la seconde moitié de ce siècle, leur liquidation progressive par le révisionnisme a provoqué des défaites cinglantes au niveau mondial. Les communistes ont la conviction que le vingt-et-unième siècle sera le siècle du triomphe des principes de la révolution d'Octobre et du marxisme-léninisme sur les cinq continents. Les deux grands problèmes que notre monde a connus dès le début du siècle, le problème de la libération du travail par la révolution socialiste et celui de la libération nationale par la révolution anti-impérialiste et démocratique comme phase préparatoire à la révolution socialiste, se poseront aussi au siècle prochain. Mais ils se poseront avec une intensité beaucoup plus forte et avec une ampleur incomparable, puisque les travailleurs dans les coins les plus reculés de la terre seront entraînés dans un seul torrent révolutionnaire. Et au début du vingt-et-unième siècle, la classe ouvrière possédera une expérience infiniment plus riche que celle dont le prolétariat, encore embryonnaire au niveau mondial, disposait en 1900. Aujourd'hui, en 1997, commémorer la révolution d'Octobre signifie défendre la doctrine intégrale du léninisme en lutte contre le révisionnisme imposé par Khrouchtchev. Khrouchtchev a été le représentant d'une ligne petite-bourgeoise existant au sein du Parti bolchevik depuis la révolution d'Octobre. Cette ligne exprimait les intérêts de la bourgeoisie, de la petite-bourgeoise et des éléments bureaucratisés au sein de l'appareil soviétique. Cette ligne a été représentée dans l'histoire du Parti bolchevik par Kamenev et Zinoviev, par Trotsky, par Boukharine et Rykov. Du temps de Lénine et de Staline, cette ligne petite- bourgeoise a été systématiquement critiquée et combattue et le socialisme est allé de victoire en victoire. Après la mort de Staline, la ligne menchevique a réussi à prendre le pouvoir avec Khrouchtchev. Khrouchtchev a imposé au Parti communiste de l'Union soviétique les idées de Kautsky et des mencheviks que Lénine avait combattues avec tant d'acharnement.

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C'est ainsi que débuta la révolution socialiste soviétique qui a bouleversé le monde entier et qui a ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire de l'humanité. Le puissant souffle de la révolution d'Octobre a inspiré un développement ascendant du mouvement révolutionnaire prolétarien jusqu'à la mort de Staline, en 1953. Depuis lors, le révisionnisme, initié par Khrouchtchev, a trahi la révolution d'Octobre et renié tous ses principes essentiels. Trente-cinq ans de révisionnisme ont conduit au rétablissement du capitalisme dans ses formes les plus sauvages en Union soviétique et dans les pays socialistes de l'Europe de l'Est et au déclin momentané de la révolution prolétarienne mondiale. Le vingtième siècle aura été le siècle de la répétition générale de la révolution socialiste mondiale.

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La voie de la révolution mondiale au XXIe siècleA l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de

la révolution d'Octobre (1997)Ludo Martens

Parti du Travail de Belgique

Il y a quatre-vingt ans, le 25 octobre 1917, Lénine et le Parti bolchevik ont déclenché l'insurrection populaire à Pétrograd.C'est ainsi que débuta la révolution socialiste soviétique qui a bouleversé le monde entier et qui a ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire de l'humanité.Le puissant souffle de la révolution d'Octobre a inspiré un développement ascendant du mouvement révolutionnaire prolétarien jusqu'à la mort de Staline, en 1953.Depuis lors, le révisionnisme, initié par Khrouchtchev, a trahi la révolution d'Octobre et renié tous ses principes essentiels. Trente-cinq ans de révisionnisme ont conduit au rétablissement du capitalisme dans ses formes les plus sauvages en Union soviétique et dans les pays socialistes de l'Europe de l'Est et au déclin momentané de la révolution prolétarienne mondiale.Le vingtième siècle aura été le siècle de la répétition générale de la révolution socialiste mondiale.Au seuil de l'an 2000, l'expérience tant positive que négative permet à toutes les forces anticapitalistes d'avoir une compréhension plus profonde de la justesse historique des principes de la révolution d'Octobre.En effet, au cours de la première moitié du vingtième siècle, la fidélité aux principes marxistes-léninistes a apporté des victoires aux forces révolutionnaires dans le monde entier; au cours de la seconde moitié de ce siècle, leur liquidation progressive par le révisionnisme a provoqué des défaites cinglantes au niveau mondial.

Les communistes ont la conviction que le vingt-et-unième siècle sera le siècle du triomphe des principes de la révolution d'Octobre et du marxisme-léninisme sur les cinq continents.Les deux grands problèmes que notre monde a connus dès le début du siècle, le problème de la libération du travail par la révolution socialiste et celui de la libération nationale par la révolution anti-impérialiste et démocratique comme phase préparatoire à la révolution socialiste, se poseront aussi au siècle prochain. Mais ils se poseront avec une intensité beaucoup plus forte et avec une ampleur incomparable, puisque les travailleurs dans les coins les plus reculés de la terre seront entraînés dans un seul torrent révolutionnaire.Et au début du vingt-et-unième siècle, la classe ouvrière possédera une expérience infiniment plus riche que celle dont le prolétariat, encore embryonnaire au niveau mondial, disposait en 1900.Aujourd'hui, en 1997, commémorer la révolution d'Octobre signifie défendre la doctrine intégrale du léninisme en lutte contre le révisionnisme imposé par Khrouchtchev.Khrouchtchev a été le représentant d'une ligne petite-bourgeoise existant au sein du Parti bolchevik depuis la révolution d'Octobre. Cette ligne exprimait les intérêts de la bourgeoisie, de la petite-bourgeoise et des éléments bureaucratisés au sein de l'appareil soviétique. Cette ligne a été représentée dans l'histoire du Parti bolchevik par Kamenev et Zinoviev, par Trotsky, par Boukharine et Rykov. Du temps de Lénine et de Staline, cette ligne petite-bourgeoise a été systématiquement critiquée et combattue et le socialisme est allé de victoire en victoire. Après la mort de Staline, la ligne menchevique a réussi à prendre le pouvoir avec Khrouchtchev.Khrouchtchev a imposé au Parti communiste de l'Union soviétique les idées de Kautsky et des mencheviks que Lénine avait combattues avec tant d'acharnement.

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L'analyse faite par Lénine du kautskisme est d'une actualité brûlante, puisqu'elle s'applique mot par mot au révisionnisme moderne. «A l'aide de sophismes patents, (Kautsky) vide le marxisme de son âme vivante, révolutionnaire; on accepte tout dans le marxisme, excepté les moyens de lutte révolutionnaires, leur propagande et leur préparation, l'éducation des masses précisément dans ce sens... La classe ouvrière ne peut atteindre ses objectifs de révolution mondiale sans soutenir une lutte implacable contre ce reniement, cette veulerie, cette basse complaisance envers l'opportunisme, cet incroyable avilissement du marxisme sur le plan théorique.»

La négation de tous les principes fondamentaux du léninisme, la réhabilitation des idées des mencheviks, s'est faite sous le mot d'ordre fallacieux: «Il faut critiquer les déviations de Staline et retourner à Lénine.»Or, Staline a appliqué intégralement les principes du léninisme et pour cette raison il s'est attiré la haine la plus féroce de tous les réactionnaires. L'histoire a prouvé incontestablement que les attaques contre Staline, depuis Khrouchtchev jusqu'à Gorbatchev, visaient tous les principes essentiels avancés par Lénine. Il est facile de vérifier que Khrouchtchev, en attaquant Staline, a effectué un retour, non pas à Lénine, mais à Kautsky.Sans l'Ïuvre de Staline, la révolution d'Octobre aurait été un épisode glorieux, certes, mais local et de courte durée, sans grand impact sur l'histoire mondiale. C'est Staline qui a matérialisé les principes élaborés par Lénine et qui a transformé la révolution d'Octobre en une force matérielle capable d'influencer le destin du monde.Lorsque Staline a commencé à diriger le Parti bolchevik à la fin de 1922, le pays était en ruines et rien ne garantissait la réussite de l'expérience. Si au cours des années vingt, les lignes de Trotsky, Zinoviev, Kamenev ou Boukharine avaient triomphé à la tête du Parti, elles auraient conduit à la chute de la dictature du prolétariat. Les principes de la révolution d'Octobre n'auraient pas pu être matérialisés en Union soviétique et ils n'auraient pas connu le rayonnement international et durable que Staline leur a assuré.Trente cinq ans de pratique politique, de Khrouchtchev à Brejnev et Gorbatchev, ont prouvé que ces révisionnistes n'ont nullement «corrigé les erreurs de Staline» ou «développé de façon créatrice le léninisme en l'adaptant aux conditions internationales nouvelles», comme ils le proclamaient démagogiquement.Dans tous les documents fondamentaux du PCUS à partir du XXe Congrès de 1956, nous trouvons un 'léninisme' révisé et falsifié.Sans la critique systématique de toutes ces thèses révisionnistes, il est impossible de rétablir la doctrine intégrale du léninisme authentique.Et il est nécessaire de réétudier toutes les Ïuvres importantes de Lénine, pour être en mesure de réfuter les sophismes de Khrouchtchev, Brejnev et Gorbatchev.En effet, on peut constater que depuis le soi-disant 'retour à Lénine' proclamé par Khrouchtchev, dans beaucoup de Partis communistes les Ïuvres de Lénine sont de moins en moins lues, assimilées et appliquées.Dans plusieurs partis marxistes-léninistes qui se sont dressés contre le révisionnisme, nous constatons d'ailleurs une évolution dans le même sens. Si la première génération des cadres a acquis une connaissance assez systématique du léninisme, la génération suivante a fait peu d'efforts pour maîtriser l'ensemble de la doctrine de Lénine et pour l'appliquer dans la lutte pratique d'aujourd'hui. Cette faiblesse se fait aussi sentir au sein du Parti du Travail de Belgique.Il est donc important, aujourd'hui, de systématiser les thèses essentielles telles que Lénine les a formulées sur l'Etat, la démocratie, le parlementarisme, l'impérialisme, la révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat. C'est ce que nous ferons dans ce rapport. Et cela

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nous semble la meilleure façon de démontrer l'actualité brûlante des principes de la révolution d'Octobre.A la fin du règne de Brejnev et pendant celui de Gorbatchev, la plus grande partie de l'appareil du Parti communiste avait déjà adopté les positions politiques de la grande bourgeoisie internationale.Un large secteur du "capitalisme de l'ombre" s'était développé avec le soutien des forces révisionnistes; ce secteur capitaliste "illégal" a noué des alliances avec la haute bureaucratie qui traitait de plus en plus les moyens de production comme sa propriété privée. Le révisionnisme achevait son travail de destruction des fondements économiques, politiques, idéologiques et moraux du socialisme. La nouvelle grande bourgeoisie était devenue une classe pour soi, consciente de son rôle dirigeant dans la société et prête à instaurer sa dictature ouverte. Au vingt-huitième congrès, Gorbatchev a publiquement proclamé la restauration intégrale du capitalisme en URSS.Lors du combat final pour éliminer les dernières vestiges du régime socialiste en Union soviétique, nous avons vu à l'Ïuvre au niveau mondial un front uni de toutes les forces anticommunistes.La révolution d'Octobre a marqué la première moitié de notre siècle et nous avons vu toutes les forces authentiquement révolutionnaires et socialistes se rallier autour de son drapeau. La contre-révolution de 1989-1990, aboutissement de la dégénérescence initiée en 1956, fut, à son tour, un événement marquant de l'histoire mondiale.C'est au moment où se produisent de grands événements de portée historique et internationale, que les différentes forces politiques montrent leur véritable nature. Au cours de la contre-révolution de 1998-1990, le révisionnisme, la social-démocratie, le trotskisme, l'anarchisme et l'écologisme ont révélé leur caractère bourgeois et anticommuniste. Tous ces courants idéologiques se sont liés dans un front uni contre-révolutionnaire pour réaliser et appuyer la restauration intégrale du capitalisme sauvage en Europe de l'Est et en Union soviétique. Tout cela, bien sûr, au nom de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme et au nom du "socialisme à visage humain" et du "socialisme démocratique". Toutes ces idéologies relèvent du "socialisme" petit-bourgeois, bourgeois ou réactionnaire dénoncé dans leur temps par Marx et par Lénine. Le rétablissement du capitalisme intégral en Union soviétique et en Europe de l'Est au cours des années 1989-1990 a été suivi immédiatement par une vague réactionnaire déferlant sur le monde entier, par un accroissement dramatique de l'agressivité et de la barbarie impérialiste.Aujourd'hui, la véritable nature du capitalisme et de l'impérialisme apparaît à l'oeil nu. Les masses populaires subissent la violence barbare du fascisme, du nationalisme réactionnaire, du tribalisme, du fondamentalisme religieux, des agressions impérialistes et du terrorisme d'Etat. Les âpres réalités prouvent que les thèses sur le capitalisme et l'impérialisme développées par Lénine sont non seulement restées valables, mais semblent encore plus pertinentes dans la situation actuelle qu'elles ne l'étaient au début du siècle.Les violences que subissent aujourd'hui les travailleurs et les peuples opprimés sont une confirmation dramatique que la seule voie pour sortir de la barbarie capitaliste et impérialiste est le chemin tracé par la grande révolution d'Octobre.

Premier chapitre

L'ETATET LA REVOLUTION

I. LA NATURE DE CLASSE DE L'ETAT BOURGEOISL'Etat du capital

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En élaborant leur conception du socialisme scientifique, Marx et Engels ont traité deux questions fondamentales : celle de la propriété des moyens de production et celle du caractère de l'Etat. Du temps de Marx, les réformistes étaient d'accord que les moyens de production soient en dernière instance la propriété de la collectivité. Mais pour eux, la collectivité était représentée par l'Etat. La question de l'Etat a été la question la plus controversée depuis l'apparition de Marx. L'Etat bourgeois peut revêtir différentes formes, de la monarchie à la république, de l'Etat réactionnaire et policier à l'Etat démocratique.Selon Marx et Lénine, la république démocratique est la forme d'Etat la plus progressiste en régime bourgeois. Or, une telle république est fondamentalement caractérisée par la toute-puissance du capital, de la richesse.Lénine, citant Engels, dit: «Dans la république démocratique... 'la richesse exerce son pouvoir d'une façon indirecte, mais d'autant plus sûre'... premièrement, par la 'corruption directe des fonctionnaires' et deuxièmement, par 'l'alliance du gouvernement et de la Bourse'.» Puis Lénine conclut: «La toute-puissance de la 'richesse' est plus sûre en république démocratique, parce qu'elle ne dépend pas des défauts de l'enveloppe politique du capitalisme. La république démocratique est la meilleure forme politique possible du capitalisme; aussi bien le Capital, après s'en être emparé, assoit son pouvoir si solidement, si sûrement, que celui-ci ne peut être ébranlé par aucun changement de personnes, d'institutions ou de partis dans la république démocratique bourgeoise.»Marx et Lénine affirment que l'Etat n'est jamais "au-dessus de la mêlée", qu'il n'est jamais au-dessus des classes.Au contraire, aussi longtemps que la société est divisée en classes sociales dont les intérêts sont fondamentalement opposés, tout Etat est un instrument par lequel une classe domine et opprime d'autres classes. C'est un instrument qui légalise la toute-puissance d'une classe, en l'occurrence de la bourgeoisie, et qui interdit et enlève certains moyens de lutte aux classes dominées par cette bourgeoisie.Lénine: «Selon Marx, l'Etat est un organisme de domination de classe, un organisme d'oppression d'une classe par une autre; c'est la création d'un 'ordre' qui légalise et affermit cette oppression en modérant le conflit des classes. Selon l'opinion des politiciens petits-bourgeois, l'ordre est précisément la conciliation des classes, et non l'oppression d'une classe par une autre; modérer le conflit, c'est concilier, et non retirer certains moyens et procédés de combat aux classes opprimées en lutte pour le renversement des oppresseurs.»

Le perfectionnement de la machine militaire et bureaucratique

L'Etat, c'est l'armée et la bureaucratie

Marx et Lénine expliquent que les deux institutions clés de l'Etat bourgeois sont, d'une part, les forces de répression et, d'autre part, la bureaucratie, et principalement son échelon supérieur, qui est étroitement lié à la grande bourgeoisie et mène le même style de vie.Lénine: «Les deux institutions les plus caractéristiques de cette machine d'Etat sont: la bureaucratie et l'armée permanente. Maintes fois, dans leurs Ïuvres, Marx et Engels parlent des mille liens qui rattachent ces institutions à la bourgeoisie.» Et Lénine cite Marx dans Le 18e Brumaire: «Ce pouvoir exécutif, avec son immense organisation bureaucratique et militaire... son armée de fonctionnaires d'un demi million d'hommes et son autre armée de cinq cent mille soldats, effroyable corps parasite... se constitua... au déclin de la féodalité qu'il aida à renverser.»Dans la conception marxiste, le noyau central de la machine de l'Etat est constitué par les forces armées et les forces de répression.«L'armée est traditionnellement l'instrument qui sert à perpétuer l'ancien régime, le rempart le

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plus solide de la discipline bourgeoise, de la domination du capital, et l'école de la soumission servile et de la subordination des travailleurs au capital.»«Dans toutes les républiques bourgeoises, même les plus démocratiques, la police est (avec l'armée permanente) l'instrument principal de l'oppression des masses... La police passe les 'petites gens' à tabac... elle est pleine de prévenance pour les capitalistes qui s'assurent son indulgence en lui versant tout simplement des pots-de-vin... Coupée du peuple, constituant une caste professionnelle formée d'hommes 'dressés' à sévir contre les pauvres, d'hommes relativement bien payés et jouissant des privilèges du 'pouvoir' (sans parler des 'revenus licites'), la police demeure infailliblement, dans toutes les républiques démocratiques où règne la bourgeoisie, l'instrument... de cette dernière.»Une machine de répression constamment renforcée et perfectionnée

La machine de l'Etat bourgeois a été créée par les classes exploiteuses pour servir leur domination et elle a été renforcée et perfectionnée lors des différentes crises et révolutions qu'ont connues les pays capitalistes.Lénine: «Le développement, le perfectionnement, la consolidation de cet appareil bureaucratique et militaire se poursuivent à travers la multitude des révolutions bourgeoises.» «Plus on procède aux 'redistributions' de l'appareil bureaucratique entre les divers partis bourgeois et petits-bourgeois... et plus évidente apparaît aux classes opprimées, prolétariat en tête, leur hostilité irréductible à la société bourgeoise tout entière. D'où la nécessité pour tous les partis bourgeois, même les plus démocratiques, y compris les 'démocrates révolutionnaires', d'accentuer la répression contre le prolétariat révolutionnaire, de renforcer l'appareil répressif, c'est-à-dire précisément la machine d'Etat. Ce cours des événements oblige la révolution à 'concentrer toutes les forces de destruction' contre le pouvoir d'Etat; il lui impose pour tâche non d'améliorer la machine d'Etat, mais de la démolir, de la détruire.»Depuis la Première Guerre mondiale et l'accès des partis sociaux-démocrates aux gouvernements bourgeois, la bureaucratie des Partis socialistes a reçu une large part de l'appareil bureaucratique. Et ces partis ont effectivement soutenu les renforcements successifs de l'appareil de répression anti-populaire.Les soi-disant 'démocrates révolutionnaires' du PS sont souvent devenus les chantres de la répression bourgeoise. L'ancien partisan de la "dictature du prolétariat", Paul-Henri Spaak, est devenu un des pères spirituels de l'Otan dont il est devenu secrétaire général. André Cools, qui participa à la direction de la grève révolutionnaire de 1960-61, a, peu de temps après, soutenu toutes les mesures répressives que la bourgeoisie a prises suite à cette grève. Vandenbroucke, ancien chef trotskiste devenu ministre social-démocrate, a soutenu la participation belge à la guerre d'agression contre l'Irak, il a appuyé l'élargissement du champ d'action de l'Otan, il était solidaire de son ami Tobback dans sa politique de renforcement de la gendarmerie.

Marx: "Il faut briser l'Etat bourgeois"Lénine formule ensuite la thèse essentielle de la doctrine marxiste sur l'Etat: la vieille machine d'Etat doit être détruite.Lénine: «Toutes les révolutions politiques n'ont fait que perfectionner cette machine au lieu de la briser'... Cette déduction est le principal, l'essentiel, dans la doctrine marxiste de l'Etat.» «L'essentiel est de savoir si la vieille machine d'Etat (liée à la bourgeoisie par des milliers d'attaches et toute pénétrée de... conservatisme) sera maintenue ou si elle sera détruite et remplacée par une nouvelle. La révolution ne doit pas aboutir à ce que la classe nouvelle commande et gouverne à l'aide de la vieille machine d'Etat, mais à ceci, qu'après l'avoir brisée, elle commande et gouverne à l'aide d'une machine nouvelle: c'est cette idée fondamentale du marxisme que Kautsky escamote.»

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Lénine en tire une conclusion politique catégorique par rapport aux révisionnistes. Il affirme: «(Kautsky écrit ceci:) 'Jamais et en aucun cas,... la victoire du prolétariat sur le gouvernement hostile... ne peut mener à la destruction du pouvoir d'Etat; il ne peut en résulter qu'un certain déplacement... du rapport des forces à l'intérieur du pouvoir d'Etat... le but de notre lutte politique reste donc, comme par le passé, la conquête du pouvoir d'Etat par l'acquisition de la majorité au parlement et la transformation de ce dernier en maître du gouvernement'. Voilà bien l'opportunisme le plus pur et le plus plat; c'est renoncer en fait à la révolution tout en la reconnaissant en paroles... Quant à nous, nous romprons avec ces renégats du socialisme et lutterons pour la destruction de toute la vieille machine d'Etat, afin que le prolétariat armé devienne lui-même le gouvernement... le prolétariat conscient sera tout entier avec nous dans la lutte, non pour un 'déplacement du rapport des forces', mais pour le renversement de la bourgeoisie, pour la destruction du parlementarisme bourgeois,... pour une république des Soviets des députés ouvriers et soldats, pour la dictature révolutionnaire du prolétariat.»Il saute aux yeux que ces conclusions de Lénine s'appliquent intégralement, mot par mot, à tous ceux qui ont suivi la politique de Khrouchtchev et qui continuent à la suivre. Le révisionnisme et l'État bourgeoisDepuis Khrouchtchev, les révisionnistes ont rejeté la position marxiste sur l'Etat et la révolution.Leur conception de l'Etat est identique à celle de Kautsky et de Vandervelde: l'Etat serait un instrument "neutre", au-dessus des classes, dont la classe ouvrière pourrait s'emparer grâce à une majorité parlementaire.Khrouchtchev déclare: «La conquête d'une solide majorité parlementaire... créerait... des conditions tendant à assurer des transformations sociales radicales. Certes, une sérieuse résistance... de l'énorme appareil militaire et policier... est inévitable. La transition au socialisme se fera à travers une lutte de classes aiguë, révolutionnaire.» Il n'est pas question de briser l'appareil d'Etat bourgeois et de le remplacer par un appareil révolutionnaire issu de la lutte du prolétariat. L'essentiel dans la doctrine de Marx sur l'Etat est escamoté par la phrase nébuleuse: «Transformations sociales radicales à travers la lutte de classe».Le livre-manuel Le Mouvement révolutionnaire international de la classe ouvrière, édité par Boris Ponomarev en 1964, puis réédité en 1967, exprime parfaitement la continuité des idées révisionnistes sous Khrouchtchev et Brejnev. Il traite de la construction du socialisme, de la lutte de classes sous le capitalisme, de la lutte contre l'impérialisme dans les pays dominés et de la lutte pour la paix. Dans ces quatre domaines, sous un verbiage apparemment "léniniste", il expose un programme révisionniste et contre-révolutionnaire cohérent et complet.Le chapitre qui traite du "Mouvement ouvrier dans les pays capitalistes évolués" ne dit pas un seul mot sur l'Etat en tant qu'instrument de la dictature de la bourgeoisie. Ecrire 502 pages sur la "révolution socialiste" sans le moindre développement sur la nature de l'Etat actuel, il faut le faire!Rien n'est dit de la fonction de l'armée bourgeoise comme noyau de la dictature de la bourgeoisie, dressée pour combattre militairement les forces qui menacent l'ordre économique et politique bourgeois. On apprend seulement que «un large front anti-monopoliste (est) capable de brider la bourgeoisie, de l'empêcher de faire sa politique de violence grossière à l'égard des travailleurs.»Les rares allusions à l'Etat le font toujours apparaître comme un instrument neutre qu'on peut "arracher" au contrôle des monopoles. «Pendant la résistance (antifasciste), la classe ouvrière a combattu pour des constitutions authentiquement démocratiques qui prévoyaient la participation des travailleurs à la gestion de l'Etat, et la limitation des pouvoir des monopoles, des transformations progressistes dans l'économie et la politique.» Il n'est pas question de briser l'Etat fasciste et de le remplacer par un nouvel Etat, construit au cours du processus du renversement du fascisme par la lutte populaire armée.

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Plus loin, on lit: «Les révolutionnaires... voient dans la voie pacifique du passage au socialisme l'expression de la lutte acharnée des grandes masses populaires pour conquérir des droits économiques et politiques toujours nouveaux, pour évincer progressivement les monopoles de la direction de la société et finalement amener au pouvoir les classes travailleuses.» On trouve ici l'image de l'Etat en tant que « direction de la société », dont on peut «évincer progressivement les monopoles» pour les remplacer par «le pouvoir des classes travailleuses».

II. LA DEMOCRATIE BOURGEOISEComment se pose la question de la démocratieAu nom de la démocratie, les crimes les plus abominables... Au moment de l'effondrement de l'Union soviétique, la signification de classe des discours sur "la démocratie" en général, "au-dessus des classes", est apparue avec une clarté évidente.La contre-révolution en Europe de l'Est et en Union soviétique a été faite sous le mot d'ordre: "la liberté et la démocratie". La chute de la production industrielle de 50 %: 'au nom de la démocratie'. Le règne de 4.000 organisations de la maffia: 'au nom de la démocratie'. Le vol de toutes les économies des pensionnés au moyen d'une inflation de 3.000 %: 'au nom de la démocratie'. Des guerres civiles réactionnaires en Azerbaïdjan, en Arménie, en Géorgie, en Tchétchénie, en Tadjikistan: 'au nom de la démocratie'. Un surplus de morts de 1.700.000 personnes en trois ans: 'au nom de la démocratie'.Après l'effondrement de l'URSS, la World Anti-Communist League, qui regroupe les principales organisations fascistes et d'extrême droite du monde, a changé son nom en "Ligue Mondiale pour la Liberté et la Démocratie"! C'est tout dire.En Russie, le restaurateur du capitalisme sauvage, Eltsine, a pu détruire le Parlement russe sous le feu de ses chars, il a pu instaurer un régime s'appuyant sur la maffia et sur les puissances impérialistes, il a pu truquer à fond les élections: toute la presse bourgeoisie ne cesse de répéter que "la démocratie progresse" en Russie.En Afrique, en 1990, le "vent de la démocratie" a commencé à souffler à l'initiative de Mitterrand lors du sommet de la Beaule. Depuis lors, la situation des masses populaires s'est gravement détériorée et les interventions impérialistes se sont succédées. Lors du sommet de Chaillot, en novembre 1991, Habyarimana affirma que «la consolidation de la démocratie pluraliste s'est accélérée au Rwanda depuis le sommet de la Beaule.» Et deux ans plus tard, sous ce drapeau, Habyarimana avait achevé les préparatifs du génocide...

La démocratie pour quelle classe?Traitant de la démocratie, tous les réformistes "oublient" le principe le plus élémentaire du marxisme, celui de l'analyse des classes. Dans une société basée sur la propriété privée des moyens de production, la bourgeoisie et la classe ouvrière constituent deux classes aux intérêts diamétralement opposés. Quel type de démocratie peut-il y avoir dans un tel contexte?Lénine: «Il est naturel qu'un libéral parle de 'démocratie' en général. Un marxiste ne manquera jamais de demander: 'Pour quelle classe?'.» «Tant qu'il existe des classes distinctes, on ne saurait parler de 'démocratie pure', mais seulement de démocratie de classe.»

«Démocratie pour une infime minorité, démocratie pour les riches, tel est le démocratisme de la société capitaliste.»Où est "la" démocratie, lorsqu'au nom du droit à la propriété des moyens de production, une poignée d'exploiteurs décident de fermer "leur" usine et de jeter des milliers d'ouvriers dans la rue?Où est "la" démocratie lorsque, pour protéger la "propriété privé" du patron, la gendarmerie intervient avec violence pour briser la lutte des ouvriers licenciés pour le maintien de leur

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emploi?Pour protéger les intérêts de la grande bourgeoisie, notre "démocratie" est prête à tout moment à lancer les forces de répression contre les ouvriers, les jeunes, les immigrés. La "démocratie" peut à tout moment, pour protéger l'ordre bourgeois établi, arrêter des syndicalistes et des anticapitalistes, interdire des partis et des journaux, décréter le régime d'exception.La presse et le parlement, instruments de la démocratie? La "liberté" de la presseLa "liberté de la presse" est un des meilleurs exemples de ce que signifie réellement la démocratie bourgeoise.Chacun est "libre" de publier un quotidien. Mais, bien sûr, il faut posséder au moins cent millions de FB.La "liberté de la presse" sous le capitalisme, c'est essentiellement la liberté de glorifier, de justifier, d'embellir et de défendre le capitalisme et la liberté de dénigrer, de calomnier, de noircir, de salir les luttes anticapitalistes.Le 2 février 1997 a eu lieu en Belgique, à Clabecq, une des manifestations ouvrières les plus mémorables du dernier demi-siècle. Elle se proclamait fièrement une manifestation de la classe ouvrière contre le patronat, pour des revendications radicales. La presse bourgeoise, impressionnée par l'immense succès, attaqua la manifestation d'abord "par la douceur". La manifestation était «d'un calme et d'une dignité parfaites, entachée d'aucun incident,... le réveil des citoyens.» (Le Soir) «Les couleurs du sursaut citoyen», titrait Vers l'Avenir et «Le sursaut citoyen s'élargit» affirmait La Libre Belgique. La Dernière Heure annonçait «le réveil de la citoyenneté». En clair: la presse bourgeoise nie que les classes exploitées se sont mobilisées contre leurs exploiteurs. Le concept contre-révolutionnaire de la "citoyenneté" est utilisé pour insinuer une solidarité de tous les citoyens, patrons, banquiers et hauts cadres se préoccupant autant de l'emploi que le font les ouvriers menacés.Une semaine plus tard, devant les manÏuvres de plus en plus grossières pour liquider les Forges de Clabecq par pans, des ouvriers assénaient quelques coups de poing bien mérités au président de la curatelle. Et immédiatement, la presse "libre" se déchaîna. Pour cette presse, la violence, ce n'est pas le capitalisme qui s'apprête à mettre 2.000 ouvriers dans la rue, à plonger 2.000 familles dans le désespoir, à pousser des gens au suicide, à en faire sombrer d'autres dans la drogue et la petite criminalité. La violence, c'est l'ouvrier désespéré qui a levé le poing contre son exploiteur. L'Echo, le journal de la bourse, écrit: «A l'égard de la direction, des ingénieurs, cela a toujours été la terreur», «C'est tout le contraire de la démocratie: le totalitarisme», «Ce sont des pratiques qui, derrière des discours d'extrême gauche, relèvent en fait de l'extrême droite.» Le Soir accuse D'Orazio, le principal dirigeant ouvrier de Clabecq, d'avoir «confisqué et détourné» la volonté des 50.000 personnes présentes à la manifestation! «Roberto D'Orazio, le 'pape rouge' des Forges, dérape. Il a confisqué l'énorme élan de solidarité citoyenne au seul profit de son jusqu'au-boutisme.»Ecoutons les commentaires de Lénine à ce propos: «La 'liberté de la presse' est également un des principaux mots d'ordre de la 'démocratie pure'... Les ouvriers savent... que cette liberté est une duperie tant que les meilleures imprimeries et les gros stocks de papier sont accaparés par les capitalistes, tant que demeure le pouvoir du capital sur la presse... Les capitalistes qualifient de liberté de la presse la liberté d'utiliser leurs richesses pour fabriquer et falsifier ce qu'on appelle l'opinion publique.»"Le suffrage universel, c'est la dictature de la bourgeoisie"Et qu'en est-il du rapport entre la démocratie et les élections? La bourgeoisie affirme que les élections libres constituent l'essence du processus démocratique. Quelle est la position léniniste à ce propos?Même dans une république démocratique, l'Etat est essentiellement une machine destinée à opprimer les classes travailleuses et sa fonction principale est de maintenir la dictature du

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capital. La bourgeoisie organise certaines formes de démocratie dans le but explicite de réconcilier les masses avec la dictature du capital, de leur faire accepter l'inévitabilité ou le bien fondé de la domination du capital.Les élections, sous le régime bourgeois, sont une gigantesque opération de manipulation de l'opinion qui vise à donner l'illusion que la politique gouvernementale, qui est directement dictée par le grand capital, émane de la volonté du peuple. Chaque année, les faits prouvent cette affirmation. Felipe Gonzalez gagna ses premières élections en Espagne en promettant que l'Espagne resterait en dehors de l'Otan. Une fois qu'il eut récolté les voix grâce à ces promesses démagogiques, il entra dans l'Otan! Les sociaux-démocrates belges ont mené campagne en promettant de "sauver" le secteur public. Arrivés au gouvernement, ils ont fait passer un programme de privatisations qui dépassait même les plans les plus aventuristes des libéraux! Par la manipulation et la propagande, la bourgeoisie arrive à faire passer chaque nouveau gouvernement comme l'émanation de la volonté populaire, exprimée lors des élections! Puis ce gouvernement exécute la politique que la grande bourgeoisie juge le plus opportun de suivre.Lénine dit à juste titre: «Le suffrage universel, c'est la dictature de la bourgeoisie.» En effet, sous la domination de la bourgeoisie, lorsque pratiquement tous les médias sont aux mains du grand capital, lorsque toute la machine de l'Etat est contrôlée par la grande bourgeoisie et les partis bourgeois, lorsque l'Etat et les monopoles financent les campagnes des partis bourgeois à l'aide de centaines de millions de francs, les élections sont effectivement une opération pour consolider la dictature de la bourgeoisie.Les sociaux-démocrates et les révisionnistes, pour embellir la démocratie bourgeoise, affirment que le suffrage universel «est une grande conquête du mouvement ouvrier.» L'avènement du suffrage universel en Belgique permet de réfuter cette fable. D'abord, la direction du Parti Ouvrier Belge avait mis en avant cette revendication pour escamoter le nécessité de la révolution socialiste et de la dictature du prolétariat. Il se battait pour le suffrage universel dans le but explicite de pousser les ouvriers dans la voie du réformisme et de la collaboration de classes. En plus, le suffrage universel ne fut accordé que lorsque le Parti Ouvrier eut donné toutes les garanties qu'il défendrait l'ordre établi et qu'il serait un gestionnaire loyal de la société bourgeoise. Oui, comme le dit Lénine: dans la société capitaliste, le suffrage universel, c'est la dictature de la bourgeoisie.Voici comment Lénine s'est exprimé à ce propos. «Même dans la plus démocratique des républiques... l'Etat n'est pas autre chose qu'une machine d'oppression d'une classe par une autre. La bourgeoisie est obligée de faire l'hypocrite et de donner le nom de 'pouvoir du peuple entier' ou de démocratie en général, ou de démocratie pure, à la république démocratique bourgeoise, qui est en fait la dictature de la bourgeoisie, la dictature des exploiteurs sur les masses travailleuses...«La république démocratique, l'assemblée constituante, le suffrage universel, etc., c'est la dictature de la bourgeoisie. Pour libérer le travail du joug capitaliste, il n'est point d'autre moyen que de remplacer cette dictature par la dictature du prolétariat. Seule la dictature du prolétariat est capable de libérer l'humanité du joug capitaliste, du mensonge, de la fausseté et de l'hypocrisie de la démocratie bourgeoise, démocratie pour les riches, et d'instaurer la démocratie pour les pauvres.»La démocratie défend-elle les minorités?La bourgeoisie prétend que son système "démocratique" permet d'assurer la défense des minorités. En fait, elle s'efforce de placer les 'minorités' sous le contrôle de l'un ou l'autre parti bourgeois pour qu'il brise l'esprit de lutte de cette minorité et "l'intègre" dans l'ordre établi.Lénine écrit: «La démocratie bourgeoise n'accorde la défense de la minorité qu'à un autre parti bourgeois; tandis que le prolétariat, dans toute question sérieuse, profonde, fondamentale, reçoit en guise de 'protection de la minorité' la loi martiale ou les massacres. Plus la

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démocratie est développée et plus elle est près, en cas de divergence politique profonde et dangereuse pour la bourgeoisie, du massacre ou de la guerre civile.»Aux Etats-Unis, certains politiciens bourgeois se spécialisent dans la "protection de la minorité noire", mais la police se spécialise dans des raids meurtriers dans les quartiers noirs les plus pauvres. Celle de Los Angeles a une longue histoire de violence raciste et c'est ainsi qu'une nuit, elle a tabassé un homme seul, Roney King. Un témoin a enregistré la scène sur vidéo. Et les policiers ont malgré tout été acquittés. Une révolte violente de la majorité des gens pauvres à Los Angeles s'en est suivie, révolte qui fut matée par l'armée américaine et par la police.

La démocratie bourgeoise contre les travailleursLa démocratie exclut les pauvresDans la société capitaliste, la "démocratie" est faite sur mesure pour les riches, tandis que mille obstacles, restrictions et difficultés empêchent les pauvres d'utiliser le peu de droits qui leur sont accordés nominalement.Lénine a parfaitement décrit le type de "démocratie" dont les travailleurs peuvent jouir sous le règne du capital. «La démocratie bourgeoise... reste toujours... une démocratie étroite, tronquée, fausse, hypocrite, un paradis pour les riches, un piège et un leurre pour les exploités, pour les pauvres.» «En régime capitaliste, la démocratie est rétrécie, comprimée, tronquée, mutilée par cette ambiance que créent l'esclavage salarié, le besoin et la misère des masses.» «Si l'on considère de plus près le mécanisme de la démocratie capitaliste, on verra partout... restriction sur restriction au démocratisme. Ces restrictions, éliminations, exclusions, obstacles pour les pauvres paraissent menus,... mais, totalisées, ces restrictions excluent, éliminent les pauvres de la politique, de la participation active à la démocratie.»Les lois et les juristes au service du capitalSous la "démocratie", la bourgeoisie a adopté des centaines de lois et d'arrêtés qui protègent l'exploitation et l'arbitraire capitaliste, des centaines de lois et règlements qui briment, accablent, discriminent et volent les travailleurs.Mais il ne suffit pas à la bourgeoisie que les lois soient faites par elle et pour elle. Sous la "démocratie", ceux qui ont de l'argent peuvent engager des juristes et des spécialistes pour "détourner" légalement les lois et règlements qui limitent tant soit peu l'arbitraire des capitalistes.En plus, sous la "démocratie" bourgeoise, l'appareil policier et juridique est lié par mille liens à la grande bourgeoisie et il "aide" les riches à "arranger" leurs problèmes, tandis qu'il applique sans merci les lois contre les pauvres.Lénine écrit: «Lorsque dans les pays capitalistes, les juristes, bourgeois jusqu'au bout des ongles... mettent des siècles ou des décennies à élaborer les règlements... à écrire... des centaines de volumes de lois et commentaires qui accablent l'ouvrier, maintiennent le pauvre pieds et mains liés, dressent mille chicanes et obstacles au simple travailleur... alors les libéraux bourgeois et monsieur Kautsky ne voient là nul 'arbitraire'! Là règnent l' 'ordre' et la 'légalité'! Là tout a été médité et codifié pour mieux "pressurer" le pauvre. Là des milliers d'avocats et de fonctionnaires bourgeois... savent interpréter les lois de façon qu'il soit impossible à l'ouvrier et au paysan moyen de rompre le barrage de barbelés que dressent ces lois. Ce n'est pas 'l'arbitraire' de la bourgeoisie, ce n'est pas la dictature des exploiteurs avides et malpropres, gorgés du sang du peuple. Pas du tout. C'est la 'démocratie pure', qui devient plus pure de jour en jour.»

Démocratie bourgeoise et terreur anti-populaireEn Turquie comme en Colombie et au Pérou, des élections ont lieu, des parlements sont élus, la démocratie règne. Mais l'armée et les bandes "d'autodéfense" organisées par le pouvoir

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terrorisent la population, massacrent des dizaines de milliers de syndicalistes, de paysans, de révolutionnaires.Lénine notait déjà: «Il n'est point d'Etat, même le plus démocratique, qui n'ait dans sa Constitution des biais ou restrictions permettant à la bourgeoisie de lancer la troupe contre les ouvriers, de proclamer la loi martiale, etc., 'en cas de violation de l'ordre', mais, en fait, au cas où la classe exploitée 'violait' son état d'asservissement et si elle avait la velléité de ne pas se conduire en esclave.»

Aspiration à une démocratie populaire et révolutionLes travailleurs veulent une démocratie qui les sertA l'époque actuelle, où les travailleurs ont atteint un certain niveau d'éducation, la grande bourgeoisie est obligée d'invoquer la démocratie pour justifier son règne. Elle façonne une 'majorité démocratique' en utilisant la propagande, l'intoxication, le lavage de cerveaux mais aussi l'intimidation et la pression.Néanmoins, un réel désir de démocratie authentique vit dans les masses travailleuses. Or: «Dans l'État bourgeois le plus démocratique, les masses opprimées se heurtent constamment à la contradiction criante entre l'égalité nominale proclamée par la 'démocratie' des capitalistes, et les milliers de restrictions et de subterfuges réels, qui font des prolétaires des esclaves salariés.»Comment utiliser cette contradiction entre la démocratie "nominale", formelle et fausse et l'aspiration profonde des travailleurs à une démocratie "pour eux"?Réaliser les aspirations démocratiques des prolétaires et des travailleurs, c'est l'exact opposé de la mystification "démocratique" organisée par les tyrans que sont les grands entrepreneurs et leurs politiciens. Dans ce sens, la lutte pour réaliser les aspirations démocratiques des travailleurs est un aspect essentiel de la lutte pour la révolution socialiste.Lénine: «Réalisée... aussi pleinement et aussi méthodiquement qu'il est possible de le concevoir, la démocratie, de bourgeoise, devient prolétarienne.» Les aspirations démocratiques des travailleurs, exprimées dans le cadre d'une démocratie bourgeoise, mais poursuivies et réalisées de façon radicale, jusqu'à bout, deviennent démocratie prolétarienne par le renversement du système bourgeois. Pour le dire encore avec les mots de Lénine: «Développer la démocratie jusqu'au bout... est une des tâches essentielles de la lutte pour la révolution sociale.»Il y a ici un point de rupture, la quantité se transforme en qualité, les droits démocratiques conquis dans le cadre du système bourgeois se transforment en démocratie prolétarienne à travers la révolution socialiste.Or, les sociaux-démocrates et les révisionnistes prétendent le contraire depuis quatre-vingt ans. L'élargissement systématique de "la" démocratie dans le cadre bourgeois nous rapprochera toujours plus du socialisme et se transformera finalement de façon pacifique en socialisme. Pour eux, la différence entre démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne est une différence de quantité, l'une pouvant se transformer pacifiquement dans l'autre sans passer par la rupture qualitative qu'est la révolution socialiste.Lénine a dénoncé ces gens en ces termes: «Les kautskistes de toutes les nations... s'aplatissent devant la bourgeoisie, s'accommodent du parlementarisme bourgeois, dissimulent le caractère bourgeois de la démocratie actuelle et se contentent de demander qu'elle soit élargie, qu'elle soit réalisée jusqu'au bout.»Or, dans l'époque historique où règnent les monopoles et l'impérialisme, la démocratie bourgeoise se dégrade toujours plus: c'est la réaction qui triomphe sur toute la ligne, les droits démocratiques des travailleurs sont de plus en plus réduits... Et aujourd'hui ces attaques sont le fait de cette même social-démocratie, qui prétendait que "l'extension continue" de la démocratie bourgeoise allait conduire au socialisme!

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Les paroles de Lénine à ce propos méritent ample réflexion. «La superstructure politique qui coiffe la nouvelle économie, le capitalisme monopoliste... c'est le tournant à partir de la démocratie vers la réaction politique.» «Politiquement, l'impérialisme tend, d'une façon générale, à la violence et à la réaction.»Les faits essentiels de l'histoire récente ne confirment-ils pas de façon éclatante ces thèses? La guerre barbare contre l'Irak, l'embargo qui tue "pacifiquement" un million de bébés, d'enfants et de vieillards irakiens (avec la participation active des sociaux-démocrates et le soutien politique du révisionniste Gorbatchev!); le génocide au Rwanda qui tua un million de Tutsi et de Hutu démocratiques (avec la participation active de l'armée française du social-démocrate Mitterrand!); les lois antisyndicales en Angleterre; les scandales de corruption des partis sociaux-chrétiens et sociaux-démocrates qui ont éclaté en Italie et en Belgique...Alors, bien sûr que Lénine dénonça les opportunistes du genre Khrouchtchev, Marchais, Carillo, Berlinguer! «La marche en avant, à partir de cette démocratie capitaliste,... ne mène pas simplement, directement et sans heurts 'à une démocratie de plus en plus parfaite', comme le prétendent... les opportunistes petits-bourgeois. Non. La marche en avant... se fait en passant par la dictature du prolétariat.»La démocratie sous le socialismeAlors, comment se pose la question de la démocratie sous le socialisme? Le socialisme n'est nullement la "vraie démocratie pour tous", comme le prétendent les kautskistes et les khrouchtchéviens.Pour les capitalistes qui jouissaient pleinement de la démocratie bourgeoise, le socialisme signifie essentiellement la fin de la démocratie, la fin de la liberté d'exploiter, la fin de la liberté d'accumuler des fortunes par des moyens légaux et illégaux, la fin de la liberté d'acheter les médias et de "fabriquer" l'opinion publique, la fin de la liberté d'organiser l'enseignement dans leur intérêt, etc.Pour les travailleurs, le socialisme ne signifie pas l'élargissement de la vieille démocratie bourgeoise, mais la création de nouvelles formes de démocratie qui permettent aux travailleurs de réellement participer aux décisions politiques et économiques.Lénine déclare: «La dictature du prolétariat... ne peut se borner à un simple élargissement de la démocratie. En même temps qu'un élargissement considérable de la démocratie, devenue pour la première fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et non pour les riches, la dictature du prolétariat apporte une série de restrictions à la liberté pour les oppresseurs, les exploiteurs, les capitalistes. Ceux-là, nous devons les mater afin de libérer l'humanité de l'esclavage salarié; il faut briser leur résistance par la force; et il est évident que, là où il y a répression, il y a violence, il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de démocratie.»Les révisionnistes et la démocratie bourgeoiseKhrouchtchev et les révisionnistes qui nient le caractère de classe de l'Etat, refusent aussi de reconnaître que toute forme de démocratie a un caractère de classe. Ils ont repris les phrases de Kautsky sur "la démocratie pure" et "la démocratie authentique" ou encore sur "la démocratie véritable".Le livre de Ponomarev affirme: «Le concept de la démocratie authentique en tant que pouvoir du peuple dans l'intérêt du peuple a été exposé dans les programmes des partis communistes d'Italie, de France, d'Angleterre, de Belgique, de Finlande, des USA.»Les révisionnistes nient le caractère de classe de la démocratie et ils utilisent des phrases ampoulées: "sortir du cadre étroit de la démocratie bourgeoise", "transformer graduellement" et "enrichir" la démocratie. Ainsi, ils veulent faire passer la thèse réformiste qu'un élargissement de "la" démocratie (sous la dictature de la bourgeoisie!) mène directement au socialisme.Ponomarev: «En sortant du cadre étroit des formes démocratiques bourgeoises, en enrichissant la démocratie d'un nouveau contenu, en la transformant graduellement en un

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moyen pour le peuple d'exercer toujours davantage un pouvoir réel et de limiter et ensuite liquider le pouvoir des monopoles, les travailleurs jetteront les bases d'une véritable démocratie évoluant vers le socialisme.»Ce verbiage ronflant et vide est repris directement des sociaux-démocrates Kautsky et Vandervelde. Il sert à masquer les questions essentielles. D'abord celle de l'Etat: est-ce un instrument de la dictature du capital ou est-ce une institution neutre où le "peuple" peut exercer un "pouvoir réel" grandissant et "limiter" puis "liquider" le pouvoir du capital? Ensuite la question de la dictature de la bourgeoisie et des formes "démocratiques" que cette dictature peut revêtir. Il masque aussi la question de la révolution socialiste et finalement celle de la dictature du prolétariat qui, seule, peut assurer réellement la démocratie aux travailleurs.Le même verbiage a été utilisé par Thorez pour escamoter les problèmes de la révolution socialiste et de la dictature du prolétariat. Ponomarev cite Thorez: «Maurice Thorez a dit: 'Il n'y a plus à notre époque de long intervalle historique entre les transformations démocratiques et les transformations socialistes... La démocratie, création continue, s'achèvera dans le socialisme.» Grâce à la thèse de la "création continue", Thorez fait disparaître la rupture que constitue la révolution socialiste, rupture qui sépare deux mondes, celui de la dictature de la bourgeoisie et celui de la dictature du prolétariat.

III. LE 'PASSAGE PARLEMENTAIRE'Les notions que nous venons d'étudier, celle de l'Etat neutre, "au-dessus des classes", et celle de la "démocratie pure", sont à la base de la stratégie réformiste du passage au socialisme par l'acquisition d'une majorité parlementaire.Lénine s'est âprement moqué des inepties sociales-démocrates proférées par Kautsky et Vandervelde à ce propos.

La véritable nature du parlementLe parlement, un paravent devant les forces de répression Lénine a clairement montré la nature de classe du parlementarisme bourgeois: c'est un organe de la classe hostile, c'est une machine à réprimer les travailleurs, c'est un organe de décoration où les véritables décisions ne sont pas prises, c'est un paravent pour les forces de l'ordre qui, se livrent à l'espionnage, à la répression et si besoin en est, aux massacres.Lénine écrit: «Les ouvriers savent et sentent... que le parlement bourgeois est pour eux un organisme étranger, un instrument d'oppression des prolétaires par la bourgeoisie, l'organisme d'une classe hostile, d'une minorité d'exploiteurs.»Le parlement bourgeois fait partie intégrale de l'appareil de l'Etat bourgeois; si ses forces de répression et sa bureaucratie anti-populaires en sont les noyaux, le parlement est surtout un paravent qui cache les véritables centres du pouvoir bourgeois, une machine à vent qui sème des illusions 'démocratiques'. Si les véritables centres du pouvoir capitaliste décident de réprimer des mouvements populaires, le parlement a pour instruction de justifier 'démocratiquement' la répression.Lénine: «Le parlement bourgeois, (dans les conditions) où la propriété des capitalistes et leur pouvoir sont maintenus, est une machine destinée à réprimer les millions de travailleurs par une poignée d'exploiteurs... Aujourd'hui que l'histoire mondiale a inscrit à l'ordre du jour la destruction de ce régime tout entier, le passage du capitalisme au socialisme, se contenter du parlementarisme bourgeois,... le parer du nom de 'démocratie' en général, estomper son caractère bourgeois, oublier que le suffrage universel, aussi longtemps qu'est maintenue la propriété capitaliste, est un des instruments de l'Etat bourgeois, c'est trahir honteusement le prolétariat.»Ces mots de Lénine s'appliquent intégralement aux adeptes de Khrouchtchev qui «se

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contentent du parlementarisme bourgeois, estompent son caractère bourgeois et trahissent honteusement le prolétariat.»Le capital contrôle et surveille le parlementL'idée du passage parlementaire au socialisme est d'autant plus ridicule que le parlement n'est pas du tout le centre du pouvoir dans la société capitaliste.Tout le monde sait que les grandes décisions politiques, économiques et militaires sont élaborées dans des cercles étroits de la grande bourgeoisie, dans les cercles dirigeants de la Banque Mondiale, du FMI, de l'OCDE, des services d'études spécialisés des Etats-majors de la gendarmerie et de l'armée, de l'Otan, des fédérations des entreprises... Leurs décisions sont alors soumises par le gouvernement au parlement qui s'incline et dit "Oui".En Belgique, ces dernières années, le budget alloué à l'enseignement secondaire a été fortement réduit et l'accès à l'université limité. Qui a formulé et qui a pris ces décisions? Est-ce que ce sont les masses concernées d'élèves, de professeurs et de travailleurs? Bien sûr que non, elles n'avaient rien à dire. Est-ce que ce sont les parlementaires? Pas du tout. Ce sont les services d'étude du patronat et des spécialistes de la haute bureaucratie de l'Etat qui ont élaboré des plans anti-populaires. Puis les états-majors des partis bourgeois ont soumis ces plans au parlement et ont ordonné à "leurs" parlementaires d'acquiescer!Lénine a dit à ce propos: «Le parlement bourgeois... dans une démocratie bourgeoise, ne résout jamais les questions majeures; celles-ci sont tranchées par la Bourse, par les banques.» «La véritable besogne d' "Etat" se fait dans la coulisse; elle est exécutée par les départements, les chancelleries, les états-majors. Dans les parlements, on ne fait que bavarder, à seule fin de duper le 'bon peuple'.» «Dans la société capitaliste,... les questions les plus importantes... sont tranchées par une poignée infime de capitalistes qui ne se bornent pas à tromper les masses, mais souvent trompent aussi le parlement. Il n'y a pas de parlement au monde qui ait jamais dit quelque chose de sérieux sur la guerre et la paix! Dans la société capitaliste, les principales questions concernant la vie économique des travailleurs... sont tranchées par le capitaliste comme par un seigneur, comme par Dieu!»Le sens des élections en régime bourgeoisChoisir "son" parti bourgeoisLe parlementarisme bourgeois est bel et bien un instrument au service de la dictature de la bourgeoisie. Mais quelle est alors la véritable signification des élections en régime bourgeois?Les partis bourgeois et petits-bourgeois ont des moyens gigantesques, ils ont le soutien ou la sympathie des grands capitalistes qui possèdent les médias. Dans ces conditions, les élections permettent essentiellement aux masses de choisir quel élément bourgeois ou petit-bourgeois ira au parlement pour y défendre 'au nom du peuple', l'ordre bourgeois. Que la majorité parlementaire soit composée de libéraux, de sociaux-démocrates, de nationalistes, de sociaux-chrétiens, d'écologistes ou de fascistes, tous défendent les principes de base du système capitaliste et les intérêts de la grande bourgeoisie. Lénine disait fort à propos: «Décider périodiquement... quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement, telle est l'essence véritable du parlementarisme bourgeois.»

Un reflet indirect de la maturité des travailleursD'autre part, les élections peuvent aussi indiquer dans quelle mesure les travailleurs commencent à se détourner du système capitaliste.Lénine, citant Engels: «Le suffrage universel est 'l'indice qui permet de mesurer la maturité de classe ouvrière. Il ne peut être rien de plus, il ne sera jamais rien de plus dans l'Etat actuel'.»Même si la majorité de la population élit des révolutionnaires, ce vote prouve seulement les sentiments révolutionnaires des masses. Il indique que les esprits sont mûrs pour la révolution. Mais encore faudra-t-il la faire et vaincre l'ennemi par des moyens révolutionnaires. Lénine: «Le suffrage universel atteste du degré de maturité des diverses classes dans la

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compréhension de leurs tâches respectives. Il montre comment les diverses classes sont disposées à s'acquitter de leurs tâches. La solution même de ces tâches est donnée non par le vote, mais par toutes les formes de la lutte de classes, jusque et y compris la guerre civile.»La participation communiste aux électionsPourquoi alors les communistes participent-ils au parlement?Ils ne le font jamais pour semer des illusions sur un prétendu passage parlementaire au socialisme. Ils y participent pour prouver aux travailleurs qu'un jour, il faudra dissoudre ce parlement qui n'est qu'un instrument de la dictature bourgeoise et qu'il faudra le remplacer par des organes révolutionnaires des masses travailleuses.Lénine: «La participation aux élections parlementaires et aux luttes parlementaires est obligatoire pour le parti du prolétariat révolutionnaire précisément afin d'éduquer les couches retardataires de sa classe, précisément afin d'éveiller et d'éclairer la masse villageoise inculte, opprimée et ignorante. Tant que vous n'avez pas la force de dissoudre le parlement bourgeois et toutes les autres institutions réactionnaires, vous êtes tenus de travailler dans ces institutions précisément parce qu'il s'y trouve encore des ouvriers abrutis par la prêtraille et par l'atmosphère étouffante des trous de province.»

Comment la majorité peut-elle réellement décider?Qu'est-ce que la volonté de la majorité du peuple? Comment cette volonté peut-elle s'exprimer?Est-ce que les questions vitales, celles qui décident de la vie ou de la mort du système capitaliste, peuvent être tranchées par un vote minorité contre majorité au parlement? Est-ce que la question de la dictature de la bourgeoisie ou de la dictature des travailleurs peut être tranchée par un vote majoritaire au parlement?Lénine dit: «Les... socialistes petits-bourgeois... rêvent encore d'instaurer le socialisme par la persuasion. La majorité du peuple sera persuadée, et alors, la minorité se soumettra, la majorité votera, et le socialisme sera instauré. Non, le monde n'est pas fait d'une façon aussi heureuse; les exploiteurs, les hobereaux rapaces, la classe capitaliste ne se laissent pas convaincre. La révolution socialiste confirme ce que tout le monde a vu: la résistance acharnée des exploiteurs. Plus la pression des classes opprimées s'accentue, plus elles sont prêtes à renverser toute oppression, toute exploitation... et plus furieuse devient la résistance des exploiteurs.» «Les démocrates petits-bourgeois... qui ont substitué à la lutte de classes leurs rêveries sur l'entente des classes, se représentaient la transformation socialiste,... non point comme le renversement de la domination de la classe exploiteuse, mais comme une soumission pacifique de la minorité à la majorité consciente de ses taches. Cette utopie petite-bourgeoise, indissolublement liée à la notion d'un Etat placé au-dessus des classes, a abouti pratiquement à la trahison.»Ainsi, pour instaurer le socialisme, il faut renverser la domination de la classe bourgeoise et il faut briser la résistance inévitable, la résistance féroce et acharnée des exploiteurs. Ces questions sont tranchées par la lutte de classes la plus âpre, et non pas par un simple vote au parlement.Même dans les cas très rares où un parlement se prononce majoritairement pour le passage au socialisme ou pour des mesures anticapitalistes conséquentes, le vote en soi ne résout nullement le problème de la réalisation effective de ces mesures. La victoire des forces anticapitalistes ne peut être assurée que par la lutte de classes, par la conquête de la majorité dans l'action révolutionnaire et le renversement par la force de la classe dominante.Lénine: «Le prolétariat ne peut vaincre sans gagner à ses côtés la majorité de la population. Mais limiter ou subordonner cette conquête à l'obtention de la majorité des suffrages aux élections, sous la domination de la bourgeoisie, c'est faire preuve d'une incurable indigence d'esprit, ou c'est simplement tromper les ouvriers. Pour gagner la majorité de la population à

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ses côtés, le prolétariat doit premièrement renverser la bourgeoisie et s'emparer du pouvoir d'Etat; il doit deuxièmement instaurer le pouvoir des Soviets, après avoir démoli à fond le vieil appareil d'Etat, sapant ainsi d'un seul coup la domination, le prestige, l'influence de la bourgeoisie et des conciliateurs petits-bourgeois sur les masses travailleuses non prolétariennes. Il doit, troisièmement, achever de ruiner l'influence de la bourgeoisie et des conciliateurs petits-bourgeois sur la majorité des masses laborieuses non prolétariennes, en satisfaisant par des moyens révolutionnaires leurs besoins économiques aux dépens des exploiteurs.»

Les révisionnistes et le parlementarisme bourgeoisToutes les positions de Lénine sur le parlementarisme bourgeois ont été liquidées par Khrouchtchev.Eloge du parlementarisme bourgeois

Dans le livre de Boris Ponomarev, nous lisons: «Les partis communistes des pays capitalistes ont toujours indiqué qu'il était possible d'utiliser le système parlementaire... après l'accession au pouvoir des classes laborieuses. Ainsi, le Parti communiste français, dans les thèses de son XIVe Congrès (1956) a indiqué: « Notre peuple est attaché aux institutions parlementaires conquises par les luttes du passé, rétablies avec l'indépendance nationale dans les combats de 1944. Il est donc probable qu'il s'efforcera de tirer parti de ces institutions pour la refonte du système social » « Les communistes étudient... les possibilités d'utiliser les institutions... bourgeoises... Aussi, procède-t-on... à la mise en lumière du caractère limité et inconséquent de la démocratie bourgeoise. Les communistes le font sans froisser les sentiments des masses attachées aux institutions démocratiques traditionnelles qui, en fait, sont le résultat de la lutte de plusieurs générations de la classe ouvrière».Faisons quelques remarques sur deux affirmations de Ponomarev. Il est faux de présenter les institutions parlementaires comme "le résultat des luttes de la classe ouvrière" pour insinuer qu'elles peuvent donc incarner la volonté des travailleurs. Le parlement a été créé par la grande bourgeoisie pour servir sa domination sur la société. Ensuite, les luttes de la classe ouvrière à la fin du siècle passé ont été dénaturées et détournées par des chefs réformistes. Ces luttes ont été orientées vers le soutien au système politique bourgeois et les chefs réformistes s'y sont complètement intégrés, notamment à travers leur participation au parlement bourgeois. Le suffrage universel (à l'exclusion des femmes, bien sûr) fut accordé dans le but explicite de briser le mouvement révolutionnaire des travailleurs et les chefs réformistes s'en sont servi pour combattre la révolution.Lorsque les khrouchtchéviens affirment qu'il ne faut pas "froisser les sentiments des masses attachées au parlement", ils marquent clairement leur rupture totale avec le léninisme.En 1917-1918, Lénine souligna que la petite-bourgeoise suivait souvent la grande bourgeoisie à cause de son attachement au parlementarisme et au nationalisme bourgeois. Il appelait le parlementarisme «le préjugé le plus profond de la petite-bourgeoise.»La petite-bourgeoise était "attachée" à l'Assemblée constituante, élue quelques semaines après la révolution d'Octobre, en novembre 1917, au suffrage universel... Cette Assemblée avait donné une majorité contre-révolutionnaire. Dans les semaines qui suivirent les élections, le mouvement révolutionnaire s'est approfondi dans les campagnes. L'Assemblée a refusé d'entériner le programme socialiste de la révolution d'Octobre et les bolcheviks ont dû dissoudre cette Assemblée contre-révolutionnaire. Alors, une partie de la petite-bourgeoise a soutenu la bourgeoisie dans la guerre civile contre les bolcheviks à cause de ses stupides préjugés parlementaristes. Il est impossible de faire la révolution socialiste, de passer à un stade qualitativement supérieur de démocratie, au pouvoir des Soviets, sans "froisser" les

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préjugés d'une partie de la petite-bourgeoise qui croit à la valeur éternelle de la démocratie bourgeoise. Il leur faut l'expérience des avantages du pouvoir socialiste pour s'y rallier.Un "retour" à Lénine pour tuer LénineVoyons maintenant comment Khrouchtchev "a brisé les notions périmées", comme il dit, à propos du parlementarisme.Au XXe Congrès, en 1956, il affirme ceci: «La question se pose de la possibilité d'utiliser aussi la voie parlementaire pour passer au socialisme... Lénine nous a indiqué une autre voie, celle de la création de la République des Soviets, la seule voie juste dans les conditions historiques d'alors... Mais depuis lors, des changements essentiels sont survenus dans la situation historique... Les forces du socialisme et de la démocratie ont grandi considérablement dans le monde entier, tandis que le capitalisme est de beaucoup plus faible... Les idées du socialisme s'emparent réellement de l'esprit de toute l'humanité travailleuse. Par ailleurs, dans les conditions actuelles, la classe ouvrière de plusieurs pays capitalistes a la possibilité d'unir sous sa direction l'immense majorité du peuple et d'assurer le passage des principaux moyens de production dans les mains du peuple. Les partis politiques de droite... font de plus en plus souvent faillite. Dès lors la classe ouvrière... est en mesure d'infliger la défaite aux forces réactionnaires, de conquérir une solide majorité au parlement et de le transformer d'organe de démocratie bourgeoise en instrument d'une volonté populaire véritable. En ce cas, cet établissement traditionnel... peut devenir un organisme de véritable démocratie, de démocratie pour les travailleurs.»Glorifier la force du socialisme pour le minerPour justifier son ralliement au kautskisme et au parlementarisme bourgeois, Khrouchtchev a invoqué des "changements essentiels dans la situation historique". Ce renégat prétendait que la création d'une République des Soviets était "la seule voie juste dans les conditions historiques de 1917", mais que ce n'est plus le cas en 1956! Et pourquoi? Parce que les pays socialistes seraient devenus très forts, parce que le capitalisme mondial aurait été sérieusement affaibli, parce que "toute l'humanité travailleuse" aspirerait au socialisme. Ces trois arguments sont faux.Le camp socialiste était effectivement devenu fort sous Staline. C'était une raison pour le capitalisme de s'acharner avec une dernière énergie contre son adversaire historique. Lénine a justement indiqué que le renforcement de l'Union soviétique faisait redoubler de haine toutes les forces réactionnaires.Mais si l'Union soviétique s'est effectivement renforcée de façon continue sous Staline, à partir de 1953, l'opportunisme a miné de l'intérieur le Parti et l'Etat. En décrétant en 1956 "la victoire définitive du socialisme en USSR" et la fin de la dictature du prolétariat, Khrouchtchev a ouvert les portes à tous les courants bourgeois qui n'allaient pas tarder à affaiblir et à miner politiquement l'Etat socialiste.L'argument: "le capitalisme est devenu faible" ne correspond nullement à la réalité. Le capitalisme serait devenu tellement faible et dérouté, qu'il ne pourrait plus lancer ses forces armées et ses formations fascistes dans une guerre civile pour mater les travailleurs. Les renégats présentent la situation sous une lumière fausse, ils s'éloignent complètement de l'analyse matérialiste et objective des réalités, ils présentent la grande bourgeoisie comme une classe presque sans moyens de défense, obligée de se résigner devant la marche 'irrésistible' du socialisme ! Ces mensonges et ces illusions servent à "justifier" une ligne réformiste.L'argument "les idées du socialisme s'emparent de tous les travailleurs" exprime également le passage de Khrouchtchev au réformisme bourgeois. Il faut se rappeler que les "socialismes" bourgeois et petit-bourgeois ont déjà été dénoncés par Marx et Engels en 1848 dans Le Manifeste. Or, l'affirmation de Khrouchtchev que tous les travailleurs deviennent socialistes, est basée sur l'acceptation du socialisme bourgeois et du socialisme petit-bourgeois comme véritables doctrines socialistes! C'est ce qu'avoue franchement Ponomarev: «Il n'est pas exclu

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que dans de nombreux pays, surtout là où existent de vieilles traditions de parlementarisme et de démocratie bourgeoise, de forts partis sociaux-démocrates et des partis s'appuyant surtout sur les couches moyennes, le passage au socialisme se fasse avec la participation à une coalition au pouvoir de plusieurs partis ayant des divergences idéologiques, mais unis par un objectif commun, la construction du socialisme.» Les khrouchtchéviens disent donc explicitement qu'on peut réaliser le socialisme, c'est-à-dire la dictature du prolétariat dans la terminologie de Marx, avec des partis bourgeois comme le parti social-démocrate et avec des partis des classes moyennes !Les révisionnistes ont utilisé la grande force que le socialisme a acquise sous Staline pour faire croire que la cause du communisme avancera désormais sans devoir livrer des batailles âpres et violentes contre le capitalisme et l'impérialisme.Cet esprit de quiétude et de passivité devant l'ennemi de classe s'est accentuée à mesure que la bureaucratie s'est éloignée de plus en plus des masses travailleuses, qu'elle a acquis des privilèges et s'est enrichie par des moyens illégaux. De nouvelles forces capitalistes ont pu se développer librement jusqu'à la contre-révolution ouverte de Gorbatchev en 1990. En bernant le prolétariat soviétique et mondial avec leur "théorie" du capitalisme de plus en plus faible et leur affirmation que "tous deviennent socialistes", Khrouchtchev et Brejnev ont préparé le terrain pour le retour en force du capitalisme sauvage et la perte totale des acquis socialistes. "Une stupidité et une duperie"Khrouchtchev affirme que la «conquête d'une solide majorité au parlement» est capable de «transformer cet organe de la démocratie bourgeoise en un instrument de la volonté populaire véritable.»Or, aucun parlement n'empêchera jamais la bourgeoisie de massacrer les travailleurs, lorsqu'ils veulent mettre fin à la propriété privée des moyens de production. Seule la force militaire des classes opprimées peut l'empêcher.Lénine dit: «Le fait même d'admettre l'idée d'une paisible soumission des capitalistes à la volonté de la majorité des exploités, et d'une évolution pacifique, réformiste vers le socialisme, n'est pas seulement le signe d'une extrême stupidité petite-bourgeoise, c'est aussi duper manifestement les ouvriers,... dissimuler la vérité. Cette vérité est que la bourgeoisie, même la plus démocratique, ne s'arrête plus devant aucun mensonge, ni devant aucun crime, devant le massacre de millions d'ouvriers et de paysans pour sauver la propriété privée des moyens de production.»

Chapitre deux

L'IMPERIALISMEEST LA VEILLE DE LA REVOLUTION SOCIALISTE

I. LA NATURE DE L'IMPERIALISMELe capitalisme et le capitalisme monopoliste

En 1916, Lénine a analysé le développement du capitalisme depuis la mort de Marx et Engels.Le capitalisme "libéral" s'est transformé, par la loi de la concurrence et par la concentration des capitaux qui s'en suit, en capitalisme monopoliste. Les monopoles bancaires et industriels ont fusionné. Pour réaliser des profits maximaux, ils ont commencé à exporter des capitaux. Les grandes puissances impérialistes se sont partagé l'ensemble du globe.Depuis le début du siècle, le mouvement de concentration des capitaux a continuellement progressé ainsi que le développement des forces productives grâce aux innovations technologiques.Néanmoins, le capitalisme monopoliste comporte aussi une tendance à freiner le développement technologique et notamment à cause des monopoles (temporaires) dans certaines branches. La limitation du développement intellectuel et scientifique des masses

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populaires et leur exclusion des décisions économiques freinent aussi le développement des forces productives.Le capitalisme monopoliste d'Etat et l'exploitation maximaleLénine souligne que la domination des grands monopoles, qui "fusionnent" avec l'appareil d'Etat bourgeois, aiguise toutes les contradictions économiques, politiques et sociales du capitalisme.Cette tendance était déjà manifeste avant 1914, mais elle s'est très fortement accentuée pendant la première guerre impérialiste.Lénine montra qu'au cours de l'époque de l'impérialisme, la dictature de la bourgeoisie prend nécessairement un caractère plus féroce: «Le capitalisme de monopole se transforme en capitalisme monopoliste d'Etat ... La propriété privée des moyens de production étant maintenue, cette monopolisation et cette étatisation croissantes de la production entraînent nécessairement une exploitation plus intense des masses laborieuses, une oppression plus pressante, la résistance aux exploiteurs devenant plus difficile. La monopolisation et l'étatisation renforcent la réaction et le despotisme militaire, en même temps qu'elles conduisent inéluctablement à une augmentation inouïe du profit des gros capitalistes aux dépens de toutes les autres couches.» «La monstrueuse oppression des masses laborieuses par l'Etat, qui se confond toujours plus étroitement avec les groupements capitalistes tout-puissants, s'affirme de plus en plus.»Lénine avait noté ces tendances au cours de la Première Guerre mondiale. Elles se sont accentuées dans l'entre deux guerres et ont conduit, entre autres, à la fascisation et au fascisme. Aujourd'hui, ces tendances s'expriment avec une force encore plus grande à l'échelle mondiale.

Réaction en politique intérieure et extérieure L'oppression plus pressante et le despotisme militaire ne sont pas un hasard ni un phénomène temporaire. La transformation de la base économique du capitalisme a des conséquence sur sa superstructure politique et idéologique. Au monopole économique correspond le monopole politique d'une grande bourgeoisie qui impose sa volonté par les méthodes les plus réactionnaires.Lénine: «La superstructure politique qui coiffe la nouvelle économie, le capitalisme monopoliste ... c'est le tournant à partir de la démocratie vers la réaction politique ... En politique extérieure tout comme en politique intérieure, l'impérialisme tend à enfreindre la démocratie, à instaurer la réaction.»En politique intérieure: «La réaction politique sur toute la ligne est le propre de l'impérialisme. Vénalité, corruption dans des proportions gigantesques.» «(Au stade impérialiste) le joug exercé par une poignée de monopolistes sur le reste de la population devient cent fois plus lourd, plus tangible, plus intolérable.»Au moment du partage du monde entier, la violence et la guerre sont la règle dans la politique extérieure de l'impérialisme. «Le capitalisme 'pacifique' a été remplacé par l'impérialisme non pacifique, belliqueux et catastrophique.»Capitalisme monopoliste et fascisation

C'est ainsi que Lénine a décrit la fascisation comme tendance fondamentale du capitalisme monopoliste et de l'impérialisme.La fascisation rampante et son aboutissement, le fascisme ouvert, ne sont pas des phénomènes étrangers à la démocratie bourgeoise; au contraire, ils sont des expressions de la dégénérescence inévitable de la "démocratie" bourgeoise à l'époque de l'impérialisme.Sous le capitalisme monopoliste et l'impérialisme, la tendance générale est à la restriction et l'élimination des droits démocratiques des masses populaires, à l'exclusion des masses

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populaires de la solution des problèmes politiques et économiques essentiels.Le capitalisme monopoliste impose sa dictature aussi bien par la méthode de la fascisation et du fascisme que par la méthode de la démagogie et la manipulation des masses. Les différents partis bourgeois utilisent ces deux méthodes avec une intensité variable. Si les partis fascistes et de droite privilégient la fascisation, ils n'en recourent pas moins à la démagogie sociale. Si les partis sociaux-démocrates et réformistes imposent la politique du grand capital surtout par la démagogie sociale, ils jouent parfois un rôle décisif dans la fascisation du régime bourgeois.Lénine souligne que le capitalisme monopoliste est caractérisé par la réaction sur toute la ligne, par la réaction en politique intérieure et en politique extérieure; il en tire la conclusion que l'impérialisme est la veille de la révolution socialiste. Le kautskisme et le révisionnisme prétendent combattre la réaction et le fascisme en s'alignant derrière la bourgeoisie "démocratique" et en acceptant sa direction. Cette position est réactionnaire parce qu'elle sème l'illusion d'un retour au passé "démocratique" du capitalisme pré-monopoliste.Pour défaire le prolétariat et les masses travailleuses, la bourgeoisie utilise alternativement le fascisme et la démagogie "démocratique". Au Chili, la dictature fasciste de Pinochet fut remplacée par la "démocratie" bourgeoise où la démocratie chrétienne et la social-démocratie jouent le rôle principal... sous l'oeil vigilant de l'ex-dictateur Pinochet, toujours à la tête de l'armée!En 1945, le fascisme allemand fut remplacé, dans la partie occidentale de l'Allemagne, par la "démocratie" bourgeoise qui maintint des anciens nazis à la tête de l'armée, des services de police, des services de renseignement, de l'industrie et des administration de l'Etat. Au même moment, la "plus grande démocratie au monde", les Etats-Unis, ouvrait ses portes à 10.000 nazis allemands, ukrainiens, croates, hongrois...La révolution socialiste doit éliminer la dictature de la bourgeoisie non seulement dans sa forme fasciste, mais aussi sous sa forme "démocratique".

II. L'IMPERIALISME, LA GUERRE ET LA REVOLUTIONL'impérialisme, c'est la guerre

Les monopoles et les puissances impérialistes se partagent le monde non pas par 'méchanceté' ou parce qu'ils ont choisi une 'mauvaise' politique: ils le font par nécessité.Pour survivre dans la lutte concurrentielle impitoyable, les monopoles doivent réaliser des bénéfices maximaux et pour le faire, il faut être présent sur les marchés les plus juteux. Lénine: «Si les capitalistes se partagent le monde, ... c'est parce que le degré de concentration déjà atteint les oblige à s'engager dans cette voie afin de réaliser des bénéfices; et ils le partagent 'proportionnellement aux capitaux', 'selon les forces de chacun' ... Or, les forces changent avec le développement économique et politique.» «Il est inconcevable, en régime capitaliste, que le partage des zones d'influence, des intérêts, des colonies, etc., repose sur autre chose que la force de ceux qui prennent part au partage, à la force économique, financière, militaire, etc. Or, les forces respectives de ces participants au partage varient d'une façon inégale, car il ne peut y avoir en régime capitaliste de développement uniforme ... des pays.»Par conséquent, aussi longtemps que l'impérialisme domine la plus grande partie du monde, des guerres de type colonial, des guerres entre puissances impérialistes et des guerres mondiales sont inévitables. «Le capitalisme est devenu réactionnaire. Il a développé les forces productives au point que l'humanité n'a plus qu'à passer au socialisme, ou bien à subir pendant des années et même des dizaines d'années, la lutte armée des 'grandes' puissances pour le maintien artificiel du capitalisme à l'aide de colonies, de monopoles, de privilèges et d'oppressions nationales de toute nature.»

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L'impérialisme et la guerre mondialeLa Première Guerre mondiale était une conséquence d'un repartage devenu inévitable entre différentes puissances impérialistes.Dès la fin du dix-neuvième siècle, le monde était partagé entre les puissances coloniales, l'Angleterre étant la puissance hégémonique mondiale et la France, la Belgique, la Hollande et le Portugal possédant une "juste part" des colonies.L'impérialisme allemand, qui n'avait connu un développement fulgurant qu'à partir de 1900, n'avait presque pas de colonies et revendiquait un repartage. Deux blocs impérialistes, le premier comprenant l'Angleterre, la France, la Russie, la Belgique et le second constitué par l'Allemagne, l'Empire austro-hongrois et la Turquie, s'engagèrent dans la Première Guerre mondiale. Des deux côtés, elle était criminelle puisqu'elle visait à abattre le mouvement ouvrier socialiste dans chaque pays et à conquérir de nouvelles colonies.Dès les premiers jours de la Première Guerre mondiale, Lénine a montré que d'autres guerres mondiales allaient suivre, si la classe ouvrière européenne n'arrivait pas à mettre fin au capitalisme et à l'impérialisme par la révolution. «L'impérialisme met en jeu le destin de la civilisation européenne: d'autres guerres suivront bientôt celle-ci, à moins qu'il ne se produise une série de révolutions victorieuses. La fable de la "dernière guerre" est un songe creux et nuisible; c'est un 'mythe' petit-bourgeois.»La Seconde Guerre mondiale était, elle aussi, provoquée par la nécessité d'un repartage du monde entre les puissances impérialistes.L'impérialisme allemand, qui avait perdu toutes ses colonies après 1918, et l'impérialisme japonais exigeaient un nouveau partage du monde qui correspondait à leur puissance économique et militaire.L'Angleterre et la France ont d'abord essayé de pousser l'expansionnisme allemand contre le seul pays socialiste au monde, l'Union soviétique. Mais finalement, la guerre mondiale a commencé comme une guerre entre les puissances impérialistes pour le contrôle de l'Europe, des Balkans et du Moyen-Orient; elle a ensuite pris sa véritable dimension lorsque les nazis ont attaqué l'Union soviétique dans le but d'y détruire le socialisme et de réduire le pays à l'état de colonie allemande.

Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis sont devenus la seule superpuissance impérialiste et un tiers de l'humanité a pris le chemin du socialisme.En 1952, Staline souligna que la Grande-Bretagne et la France essayeront tôt ou tard de s'arracher au contrôle américain et que l'Allemagne et le Japon se relèveront et tenteront de briser la domination américaine. Le danger de guerre entre les puissances impérialistes reste entier, affirma Staline. A la lecture de ses thèses, on comprend que des idées révisionnistes s'étaient déjà développées au sein du PCUS et que Staline se voyait obligé d'y réagir. «La guerre contre l'URSS, pays du socialisme, est plus dangereuse pour le capitalisme que la guerre entre pays capitalistes.... La guerre contre l'URSS doit nécessairement poser la question de l'existence même du capitalisme.» «On dit qu'il faut considérer comme périmée la thèse de Lénine selon laquelle l'impérialisme engendre inévitablement les guerres, puisque de puissantes forces populaires ont surgi maintenant, qui défendent la paix contre une nouvelle guerre mondiale. Cela est faux. Le mouvement actuel pour la paix ... ne vise pas à renverser le capitalisme et à établir le socialisme, il se borne à des buts démocratiques de lutte pour le maintien de la paix. ... Cela ne suffit pas pour supprimer les guerres inévitables en général entre pays impérialistes.... Malgré tous les succès du mouvement pour la paix, l'impérialisme demeure debout. Par suite, l'inévitabilité des guerres reste également entière. Pour supprimer les guerres inévitables, il faut détruire l'impérialisme.»

Aujourd'hui, la guerre économique pour la conquête des marchés mondiaux et pour le

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contrôle des matières premières fait rage entre l'impérialisme américain, l'impérialisme européen sous domination allemande et l'impérialisme japonais. La Russie, pays totalement ravagé par la restauration du capitalisme et tombé sous le contrôle de l'impérialisme américain et allemand, est devenu un facteur de grande instabilité au niveau international.Toutes les puissances impérialistes se préparent fébrilement à des interventions et des agressions militaires extérieures. La matière inflammable d'une troisième guerre mondiale s'accumule.Seule la révolution sauvera l'humanitéL'impérialisme est la veille de la révolution socialiste. Les forces productives sont mûres pour le socialisme, les forces productives gigantesques ne peuvent rester enfermées dans la propriété privée qu'au prix de l'oppression, de la terreur et de la guerre.Seule la révolution socialiste permettra à l'humanité d'échapper à la barbarie de l'impérialisme et à survivre dans la dignité.«Il est impossible de supprimer les guerres, sans supprimer les classes et sans instaurer le socialisme. ... Nous reconnaissons parfaitement la légitimité, le caractère progressiste et la nécessité des guerres civiles, c'est-à-dire des guerres de la classe opprimée contre la classe qui l'opprime... des ouvriers salariés contre la bourgeoisie.»Aussi longtemps que subsiste l'impérialisme, la classe ouvrière sera entraînée dans des guerres réactionnaires, criminelles. Ou bien la classe ouvrière se prépare à la guerre civile pour le socialisme et la paix, ou bien elle aura à subir d'autres guerres mondiales plus barbares que les précédentes. Lénine: «Si ce n'est au cours de la présente guerre, cela sera dans la période qui suivra: ... le drapeau de la guerre civile du prolétariat deviendra le point de ralliement non seulement de centaines de milliers d'ouvriers conscients, mais aussi de millions de semi-prolétaires et de petits bourgeois aujourd'hui bernés par le chauvinisme, et que les horreurs de la guerre, au lieu de les épouvanter et de les abrutir seulement, vont éclairer, instruire, éveiller, organiser, tremper et préparer à la guerre contre la bourgeoisie de 'leur propre' pays et des pays 'étrangers'.»

III. REFORMISME ET REVISIONNISME CONTRE LE LENINISMELe réformisme, la guerre et la "paix" impérialiste Pendant la première guerre impérialiste, la social-démocratie est définitivement passée du côté de la bourgeoisie monopoliste et de l'impérialisme.Elle a justifié la guerre criminelle menée par sa propre bourgeoisie. Son aile "gauche" faisait miroiter la perspective d'une paix "durable" ... après la guerre en cours et sans le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie.Le pacifisme bourgeoisLe pacifisme social-démocrate défend au fond l'ordre impérialiste. Il répand dans les masses travailleuses l'illusion d'une paix durable sans passer par la révolution socialiste. Lénine dénonce le 'marxiste' Kautsky en ces termes: «Toutes les classes oppressives ont besoin, pour sauvegarder leur domination, de deux fonctions sociales: celle du bourreau et celle du prêtre. Le bourreau doit réprimer la protestation et la révolte des opprimés. Le prêtre doit consoler les opprimés, leur tracer les perspectives ... d'un adoucissement des malheurs et des sacrifices avec le maintien de la domination de classe et, par là même, leur faire accepter cette domination, les détourner de l'action révolutionnaire, chercher à abattre leur état d'esprit révolutionnaire et à briser leur énergie révolutionnaire. Kautsky a fait du marxisme la théorie contre-révolutionnaire la plus répugnante et la plus stupide.»La guerre impérialiste dévoile les antagonismes aigus du capitalisme monopoliste, et ces antagonismes prouvent justement que le capitalisme est un système criminel, barbare et inhumain auquel il faut à tout prix mettre fin par la révolution socialiste. Les réformistes jettent une voile sur ces antagonismes, peignent l'impérialisme en rose, maintiennent l'illusion

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que l'impérialisme est compatible avec la démocratie et la paix, et que, par conséquent, la révolution socialiste n'est pas nécessaire pour libérer les travailleurs. Lénine: «Kautsky détache la politique de l'impérialisme de son économie ... Il en résulte que les monopoles dans l'économie sont compatibles avec un comportement politique qui exclurait le monopole, la violence et la conquête ... Cela revient à estomper, à émousser, les contradictions les plus fondamentales de la phase actuelle du capitalisme, au lieu d'en dévoiler la profondeur.» «La signification sociale objective ... de la 'théorie' de Kautsky est ... de consoler les masses, dans un esprit éminemment réactionnaire, par l'espoir d'une paix permanente en régime capitaliste, en détournant leur attention des antagonismes aigus.»La "paix" pour préparer d'autres guerres

Les réformistes sont devenus les agents les plus performants de la bourgeoisie parce qu'ils s'efforcent d'empêcher les ouvriers et les travailleurs de puiser dans les horreurs sanglantes de la guerre impérialiste, le courage et la détermination de renverser ce système criminel et de construire un avenir socialiste.Si les réformistes réussissent à paralyser la classe ouvrière, celle-ci aura inévitablement à subir d'autres guerres mondiales, encore plus barbares et génocidaires.Lénine prévoyait, immédiatement après la Première Guerre mondiale, le déclenchement d'une seconde guerre mondiale, au cas où les ouvriers n'arriveraient pas à renverser la bourgeoisie dans les principaux centres impérialistes. «L'attitude réformiste à l'égard du capitalisme a engendré hier (et engendrera inévitablement demain) le massacre impérialiste de millions d'hommes et toutes sortes de crises sans fin.» Analysant l'opposition entre l'Angleterre, sortie renforcée de la guerre, et toutes les autres puissances impérialistes, puis l'antagonisme entre les Etats-Unis et le Japon, Lénine concluait dès 1919: «Toutes les puissances sont en train de préparer une nouvelle guerre impérialiste... Une nouvelle et furieuse guerre est en préparation.»Les bêlements sur la "paix" de la social-démocratie visent à paralyser les luttes révolutionnaires et à conduire les travailleurs vers de nouvelles guerres impérialistes. «Si la révolution du prolétariat ne renverse pas les classes dirigeantes actuelles, il ne peut y avoir d'autre paix qu'un armistice plus ou moins court entre puissances impérialistes, qu'une paix s'accompagnant d'un renforcement de la réaction à l'intérieur, d'un renforcement de l'oppression nationale et de l'asservissement des nations faibles, de l'accumulation des matières explosives, ouvrant la voie à de nouvelles guerres. Car, de la politique engendrée par toute l'époque impérialiste ... découle inévitablement une paix fondée sur une oppression nouvelle et encore plus violente des nations.»

Après la Première Guerre mondiale, la réaction à l'intérieur des pays impérialistes ainsi que l'oppression et les guerres extérieures ont pris un caractère encore plus violent.Et aujourd'hui, chacun peut se rendre compte que la Seconde Guerre mondiale a été suivie par un nouveau développement ahurissant des services de répression et de leur contrôle sur les populations dans les pays impérialistes; les interventions et les guerres extérieures sont plus barbares que celles que nous avons connues entre 1918 et 1939.

L'impérialisme et la révolution: le révisionnisme contre LénineLénine a montré qu'à la fin du dix-neuvième siècle, a commencé une nouvelle époque, celle du capitalisme monopoliste, l'époque de l'impérialisme. Le développement des forces productives exige le passage au socialisme. L'exacerbation de toutes les contradictions du monde capitaliste oblige la classe ouvrière à réaliser la révolution socialiste pour assurer sa survie. L'impérialisme est la veille de la révolution socialiste.Toute l'analyse de Lénine sur l'époque de l'impérialisme et les conclusions politiques qu'il en a

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tirées, ont été rejetées par les révisionnistes Khrouchtchev, Brejnev et Gorbatchev.

"L'époque de l'écroulement automatique de l'impérialisme..."Les révisionnistes affirment ouvertement que notre époque n'est plus celle de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne.«Appliquer à l'époque contemporaine la définition d'époque de l'impérialisme et des révolutions prolétariennes qui reflète les particularités d'une période révolue, où les forces de l'impérialisme jouaient un rôle dominant, ... c'est ne pas comprendre la réalité, la modification radicale du rapport des forces.»Alors, comment les révisionnistes définissent-ils l'époque actuelle?Ils la définissent comme l'époque historique de l'écroulement automatique du capitalisme sans passer par la révolution prolétarienne. Ponomarev écrit: «Voyons quels sont les nouveaux facteurs objectifs. ... Ce sont en premier lieu les changements radicaux survenus dans le rapport des forces de classe dans le monde et qui résultent de la transformation du système mondial en facteur décisif de l'évolution sociale. ... Les réalisations de l'Union Soviétique ... exercent une influence sans cesse accrue sur tout le processus révolutionnaire mondial, facilitant la lutte des travailleurs dans les pays capitalistes.» «L'un après l'autre les peuples rompent résolument avec le capitalisme, avec l'impérialisme. ... Le capitalisme ne peut plus se relever du coup qui lui a été assené en 1917. Nous en sommes à l'époque historique ... de la désagrégation, du déclin, de l'écroulement du capitalisme, de la consolidation et du triomphe complet du socialisme à l'échelle mondiale. Il n'est pas donné au capitalisme de sortir de la crise profonde que traverse la société bourgeoise.»Il faut d'abord observer que les "changements radicaux dans le rapport des forces de classe dans le monde" étaient exclusivement le résultat de la politique révolutionnaire appliquée par Staline jusqu'à sa mort en 1953. Khrouchtchev et Brejnev ont fanfaronné à propos de la force de l'Union soviétique que Staline leur avait léguée. Or, ces révisionnistes, en attaquant toute la politique de Staline, ont entamé l'érosion et la destruction de cette force! En plus, ils vantent la force de l'URSS hors propos. Staline n'a jamais dit que la grande force que l'Union soviétique a bâtie sous sa direction, rendait superflue la révolution prolétarienne dans les pays impérialistes et la révolution anti-impérialiste et démocratique dans les pays opprimés! Or, Khrouchtchev et Brejnev prennent prétexte de la force de l'URSS pour prôner le passage pacifique au socialisme aussi bien dans les pays impérialistes que dans les pays opprimés, le capitalisme et l'impérialisme s'écroulant devant les mouvements de masse pacifiques..."Les lois objectives du capitalisme ont changé..."

Les révisionnistes rejettent en plus toute l'analyse de Lénine des lois objectives du capitalisme monopoliste, lois qui obligent la classe ouvrière à s'engager dans la voie de la révolution socialiste.Ponomarev écrit: «L'existence de puissantes tendances antagonistes affaiblit ou modifie l'action de certaines lois sociales et économiques propres au capitalisme. ... La compétition des deux systèmes mondiaux exerce une influence toujours plus forte sur les processus sociaux et économiques dans la société capitaliste. La politique de la bourgeoisie n'est plus le reflet "pur" des lois objectives du capitalisme.» «Le système socialiste contribue à modifier certaines lois du capitalisme et leurs manifestations.»En fait, toutes les lois du capitalisme monopoliste que Lénine a analysées et qui rendent la révolution prolétarienne nécessaire, sont niées: l'exploitation plus intense, l'oppression monstrueuse, la réaction politique et la fascisation, le militarisme, l'oppression des pays coloniaux et néo-coloniaux. Et bien sûr la thèse centrale de Lénine: l'impérialisme, c'est la guerre.

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"L'impérialisme veut la paix"Les révisionnistes sont tombés plus bas que Kautsky. Ils nous assurent que l'impérialisme veut la paix et qu'il se soumettra à la volonté des peuples!Après la Seconde Guerre mondiale, Staline a montré clairement aux peuples du monde entier que l'impérialisme américain marchait sur les traces de l'impérialisme hitlérien et qu'il préparait fébrilement des guerres dans le monde entier. Khrouchtchev prit le contre-pied de cette thèse léniniste. Il déclara au XXe Congrès: «L'établissement de relations d'amitié durables entre les deux plus grandes puissances du monde - l'Union soviétique et les Etats-Unis d'Amérique - aurait pour la consolidation de la paix dans le monde entier une importance majeure.» Ponomarev déclare: «Les marxistes-léninistes ... sont convaincus que les forces du progrès et du socialisme sont en mesure d'arrêter les agresseurs impérialistes, d'obliger l'impérialisme à se soumettre à la volonté des peuples.»Aux yeux des révisionnistes, l'impérialisme n'est plus en mesure de déclencher une guerre mondiale, de mener une guerre contre l'Union soviétique ou un autre pays socialiste, ni même d'intervenir militairement contre un mouvement révolutionnaire dans un pays du tiers monde! «Il devient possible de bannir la guerre mondiale même avant la disparition du régime capitaliste qui l'engendre. La force du système socialiste rend non seulement vaines toutes les tentatives de l'impérialisme de 'repousser' le socialisme par la voie militaire, de restaurer le capitalisme là où il est liquidé depuis longtemps, mais elle fait aussi obstacle à l'intervention armée contre les peuples qui ne font que s'engager sur la voie de la révolution. Auparavant, une révolution victorieuse devait presque inévitablement se heurter à une intervention contre-révolutionnaire. Aujourd'hui, la situation a radicalement changée. Les impérialistes n'ont plus la possibilité d'exporter la contre-révolution sans s'exposer à des risques sérieux.»Toute cette théorie a servi uniquement à désarmer le prolétariat des pays socialistes, des pays capitalistes et des pays néo-coloniaux devant l'impérialisme, l'ennemi mortel de la classe ouvrière internationale!Khrouchtchev utilisa le chantage le plus ignoble contre les marxistes-léninistes qui refusaient de désarmer et de renoncer à la révolution prolétarienne et au renversement de l'impérialisme. Il accusa les révolutionnaires qui continuaient d'appliquer la politique léniniste, de vouloir provoquer une guerre nucléaire mondiale qui mettrait fin à l'existence de l'humanité!Lénine a dit que l'impérialisme pouvait recourir aux formes les plus extrêmes de la barbarie, que le prolétariat devait être prêt à toutes les éventualités et se préparer au renversement de l'impérialisme. Khrouchtchev, en revanche, prônait la capitulation, la passivité et le désespoir: «Une guerre thermonucléaire causerait de telles destructions que la progression vers le socialisme ... se ralentirait au lieu de s'accélérer.»Selon Lénine et Staline, la lutte pour la paix prépare la lutte pour le triomphe de la révolution, au cas où l'impérialisme oserait déclencher une nouvelle guerre. Les révisionnistes, au contraire, sont des pacifistes bourgeois: leur soi-disant "lutte pour la paix" va rendre l'impérialisme doux et raisonnable: «Chaque victoire dans la lutte pour la paix ... assainit le climat dans le monde entier, contribue à l'atténuation de la guerre froide et de l'hystérie anticommuniste.» L'histoire nous a montré exactement le contraire: la capitulation révisionniste a dégradé le climat politique international, a poussé la guerre froide et l'hystérie anticommuniste à son comble et a conduit au renversement du socialisme..."La voie d'Octobre est dépassée"...Les révisionnistes arrivent alors à la conclusion logique de ce qui précède: la voie de la révolution d'Octobre n'est plus valable. «Les révolutions sociales à venir différeront à beaucoup d'égards de la révolution d'Octobre ... par leurs formes, leurs cadences et en partie par la composition des participants.» Les révisionnistes récusent la révolution violente et prônent le réformisme: le "passage pacifique" devient la ligne générale non seulement pour

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les pays impérialistes, mais aussi pour les néo-colonies!Nous savons aujourd'hui que ces conceptions anti-léninistes ont conduit directement à l'affaiblissement dramatique des forces de la révolution mondiale et à la restauration du capitalisme dans ses formes les plus barbares en Union soviétique. L'âpre réalité que nous voyons devant nos yeux, nous prouve la faillite intégrale de toute la démagogie révisionniste comme elle prouve la pertinence de toutes les thèses avancées par Lénine et défendues par Staline.

Chapitre trois

REVOLUTION SOCIALISTE ET VIOLENCE REVOLUTIONNAIRETout au long de la guerre mondiale, Lénine n'a cessé de dénoncer la trahison des réformistes.Au moment de la fondation de la Troisième Internationale, le point central de sa défense du marxisme révolutionnaire contre le réformisme, fut celui-ci: «Pour remporter la victoire sur la bourgeoisie, le prolétariat doit en venir à l'insurrection armée.» «La guerre civile est mise à l'ordre du jour dans le monde entier. La devise est: "Le pouvoir aux Soviets".» «L'Internationale Communiste, c'est le parti de l'insurrection du prolétariat mondial révolutionné.»

1. LA REVOLUTION, C'EST UNE GUERRE ACHARNEESi pour les réformistes et les révisionnistes, le mot "révolution" a un sens purement démagogique, Lénine souligna que cette notion comprend nécessairement la violence révolutionnaire et vise l'instauration de la dictature du prolétariat.Lénine disait à l'encontre des révisionnistes futurs: «Les grandes révolutions, même quand elles ont commencé pacifiquement, comme la grande Révolution française, se sont terminées par des guerres acharnées, déclenchées par la bourgeoisie contre-révolutionnaire. Et il ne peut en être autrement, si l'on considère la question du point de vue de la lutte des classes, et non de la phraséologie petite-bourgeoise sur la liberté, l'égalité, la démocratie du travail et la volonté de la majorité ... Il ne peut y avoir d'évolution pacifique vers le socialisme.»Nous voulons systématiser dans cette partie quatre positions fondamentales de Lénine en ce qui concerne la violence révolutionnaire.Pour mieux faire ressortir leur importance, voyons d'abord comment les révisionnistes ont traité la question de la violence.Le révisionniste Khrouchtchev a réhabilité toutes les conceptions de Kautsky et Vandervelde en ce qui concerne la violence révolutionnaire. Ceci fut présenté comme une lutte contre le "dogmatisme" et un retour au "marxisme vivifiant"! Le XXe Congrès disait: «L'expérience historique ... nous enseigne la nécessité d'une lutte intransigeante pour surmonter le dogmatisme qui dessèche la source vivifiante du marxisme. Le dogmatisme fait obstacle aux progrès du mouvement communiste.»A partir du XXe Congrès, la défense de l'insurrection armée par Lénine, qui faisait de cette question le principal point de rupture avec les réformistes, était taxée d'attitude dogmatique! Ponomarev écrit: «Les fondateurs du marxisme étaient loin de faire de l'insurrection armée un absolu, un dogme, de la considérer comme le seul moyen de la révolution socialiste.»Les révisionnistes soviétiques approuvent leurs disciples chiliens, qui, quelques années plus tard, seront responsables de la défaite sanglante de la révolution chilienne! «Les communistes latino-américains partent du fait que la révolution n'est pas synonyme de la lutte armée. ... "La thèse de la voie pacifique, lit-on dans le Programme du Parti communiste du Chili, n'est pas une formule tactique. C'est une revendication fondamentale du mouvement communiste. ...".»Inculquer systématiquement l'idée de la révolution violente

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Dans son ouvrage le plus célèbre et le plus lu, L'Etat et la Révolution, Lénine relève précisément ce point pour traiter les Kautsky, les Tsérételli et les Dan, ces prédécesseurs de Khrouchtchev et de Corvallan, de "traîtres à la doctrine de Marx et d'Engels"!Parlant de l'Anti-Dühring de Friedrich Engels, Lénine écrit:«Cet ouvrage d'Engels... renferme un raisonnement sur l'importance de la révolution violente. L'appréciation historique de son rôle se transforme chez Engels en un véritable panégyrique de la révolution violente. De cela, "nul ne se souvient"; il n'est pas d'usage, dans les partis socialistes de nos jours, de parler de l'importance de cette idée ... Dans la propagande et l'agitation quotidiennes parmi les masses, ces idées ne jouent aucun rôle ... Voici ce raisonnement d'Engels: "... Que la violence ... soit l'accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs; qu'elle soit l'instrument grâce auquel le mouvement social l'emporte et met en pièces des formes politiques figées et mortes - de cela, pas un mot chez M. Dühring" ... Ce panégyrique n'est pas le moins du monde l'effet d'un 'engouement', ni une déclamation, ni une boutade polémique. La nécessité d'inculquer systématiquement aux masses cette idée - et précisément celle-là - de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et Engels. La trahison de leur doctrine ... s'exprime avec un relief singulier dans l'oubli ... de cette propagande, de cette agitation. Sans révolution violente, il est impossible de substituer l'Etat prolétarien à l'Etat bourgeois».L'insurrection est un artAu cours de la préparation directe de la révolution prolétarienne, c'est-à-dire depuis le début de septembre 1917 jusqu'à la révolution du 25 octobre, Lénine ne cessa de marteler l'idée de l'insurrection armée.Lénine s'attaqua frontalement à certains opportunistes à la tête du Parti bolchevik, des hommes comme Kamenev, Zinoviev et Rykov. Il leur répétait: «On ne peut rester fidèle au marxisme, à la révolution, si on ne considère pas l'insurrection comme un art.»Lénine développa cette idée essentielle de la façon suivante. «L'insurrection est un art au même titre que la guerre et que d'autres formes d'art. Elle est soumise à certaines règles ... Primo, il convient de ne jamais jouer à l'insurrection, si l'on n'est pas décidé à la mener jusqu'au bout ... Si les insurgés ne peuvent pas rassembler des forces supérieures contre leur adversaire, alors ils sont battus et anéantis. Secundo, une fois l'insurrection commencée, il faut alors agir avec la plus grande détermination et passer à l'attaque. La défensive est la mort de tout soulèvement armé; dans la défensive, il est perdu avant même de s'être mesuré avec les forces de l'ennemi. Il faut attaquer l'adversaire à l'improviste, alors que ses troupes sont encore dispersées, il faut s'efforcer de remporter chaque jour de nouveaux succès, même modestes; il faut maintenir l'ascendant moral que vous aura valu le premier succès des insurgés; il faut attirer les éléments hésitants qui suivent toujours le plus fort et se rangent toujours du côté le plus sûr; il faut contraindre l'ennemi à la retraite avant qu'il ait pu rassembler ses troupes contre vous; bref, agissez suivant les paroles de Danton, le plus grand maître jusqu'à ce jour de la tactique révolutionnaire: "de l'audace, encore de l'audace et toujours de l'audace".»Difficultés inouïes et grands sacrificesLes réformistes et les révisionnistes utilisent, eux aussi, le mot "révolution", mais veulent une "révolution" aux moindres frais, sans destructions, sans guerre civile, une révolution en dehors des circonstances concrètes qui produisent les révolutions... Lénine a dénoncé sans complaisance les réformistes qui ont une conception livresque, idyllique de la révolution. Les masses populaires s'engagent dans la révolution, lorsqu'elles ne voient aucune autre manière d'assurer leur survie. La révolution naît de la barbarie extrême du capitalisme et les masses doivent être prêtes à de grands sacrifices pour assurer la victoire de la révolution.«Celui qui n' "admet" la révolution du prolétariat qu'à la condition qu'elle se déroule avec facilité et sans heurt; que l'action commune des prolétaires des différents pays soit acquise

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d'emblée; que l'éventualité des défaites soit exclue d'avance; que la révolution suive une voie large, dégagée, bien droite; qu'on n'ait pas ... à faire parfois les plus grands sacrifices ... celui-là glissera toujours ... dans le camp de la bourgeoisie contre-révolutionnaire comme nos socialistes-révolutionnaires ... nos mencheviks. ... Ces messieurs se plaisent à nous imputer le "chaos" de la révolution, la "ruine" de l'industrie ... C'est la guerre impérialiste qui a entraîné toutes ces calamités.... A l'époque de la révolution, la lutte des classes a pris nécessairement, inéluctablement, toujours et dans tous les pays, la forme d'une guerre civile; et cette guerre civile est inconcevable sans les pires destructions, sans la terreur, sans des restrictions apportées à la démocratie formelle dans l'intérêt de la guerre.»Or, les révisionnistes Khrouchtchev et Ponomarev ont défendu textuellement les positions de "messieurs les mencheviks", positions qui les ont effectivement amenés "dans le camp de la bourgeoisie contre-révolutionnaire"... Ponomarev a écrit ceci: «La classe ouvrière ... s'efforce d'obtenir des transformations sociales radicales aux moindres frais pour les masses populaires, sans effusion de sang inutile, sans destruction des forces productives.» Puis il cite le Parti Communiste chilien: «Nous sommes partisans d'une voie qui implique le minimum de sacrifices pour éviter dans la mesure du possible l'effusion de sang et la destruction de valeurs matérielles et culturelles.»Une chose est le désir des masses travailleuses de se libérer de la domination capitaliste en limitant autant que possible les sacrifices et les destructions. Autre chose est de faire face de façon courageuse à la violence et à la terreur utilisées par la grande bourgeoisie pour perpétuer son règne. Et autre chose encore est la détermination des ouvriers et des travailleurs à utiliser tous les moyens nécessaires, à faire tous les sacrifices nécessaires pour briser la violence et la terreur bourgeoises.A la terreur blanche répond la terreur rougeLe 3 mars 1918, la Russie signa la paix de Brest-Litovsk, une paix injuste imposée par l'impérialisme allemand qui arracha des territoires importants à la Russie socialiste.Comme l'armée russe, complètement démoralisée, était incapable de mener la guerre, cette paix s'imposait pour sauver le régime bolchevik, consolider l'ordre socialiste et former une nouvelle armée rouge.La bourgeoisie russe suivait une politique de provocation: elle faisait de l'agitation en faveur de la guerre contre l'Allemagne parce qu'elle savait qu'une telle guerre entraînerait inévitablement la chute du pouvoir bolchevik. La petite-bourgeoisie menchevique et socialiste-révolutionnaire, par esprit nationaliste borné, voulait aussi la guerre et s'attaqua avec rage aux bolcheviks. Une guerre civile des plus acharnées s'en suivit.Lénine explique que dans cette guerre, la violence révolutionnaire la plus extrême s'est imposée aux bolcheviks. «A l'époque de la paix de Brest-Litovsk, nous avons dû heurter le sentiment patriotique. Nous disions: si tu es socialiste, tu dois sacrifier tes sentiments patriotiques au nom de la révolution mondiale qui viendra ... Les mencheviks aussi bien que les socialistes-révolutionnaires étaient ... du côté des (armées contre-révolutionnaires) Tchécoslovaques, des bandes de Doutov et de Krasnov. Cette situation exigeait de notre part la lutte la plus acharnée et les méthodes terroristes d'une telle guerre. Les gens ont eu beau condamner de différents points de vue ce terrorisme ... pour nous il est clair que la terreur avait été provoquée par la guerre civile à outrance. Elle était due au fait que tous les démocrates petits-bourgeois s'étaient retournés contre nous. Ils menaient la guerre contre nous de différentes manières, par la guerre civile, par la corruption, par le sabotage. Telles sont les circonstances qui ont rendu la terreur nécessaire. C'est pourquoi nous ne devons pas nous en repentir, ni la désavouer ... Les démocrates petits-bourgeois ... avaient marché contre nous avec une haine qui allait jusqu'à la fureur, parce que nous étions obligés de briser ses sentiments patriotiques.»Après la défaite de l'Allemagne, ce sont les puissances impérialistes victorieuses, l'Angleterre

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et la France, qui ont agressé la jeune Union soviétique et qui ont armé les forces contre-révolutionnaires russes, ukrainiennes, géorgiennes, etc. Dans cette guerre de résistance, les bolcheviks ont dû répondre à la terreur blanche par la terreur rouge.«On nous a toujours accusés de terrorisme. Accusation courante que reprend volontiers la presse. On nous impute d'avoir érigé le terrorisme en principe. A cela nous répondons : «Vous ne croyez pas vous-mêmes à cette calomnie.» ... Nous disons: la terreur nous a été imposée. On oublie que le terrorisme a été provoqué par l'invasion de l'Entente toute-puissante. Ne s'agit-il pas de terreur lorsque la flotte du monde entier fait le blocus d'un pays affamé? Ne s'agit-il pas de terreur lorsque des représentants étrangers, couverts par la prétendue immunité diplomatique, organisent des soulèvements de gardes blancs? ... Si nous avions essayé d'agir sur ces troupes mises sur pied par la flibuste internationale, rendues féroces par la guerre, au moyen de paroles, si nous avions essayé d'agir autrement que par la terreur, nous n'aurions pas tenu deux mois, nous aurions été des imbéciles. La terreur nous a été imposée par le terrorisme de l'Entente, par la terreur que pratique le capitaliste international tout-puissant qui a écrasé, écrase et condamne à mourir de faim les ouvriers et les paysans, en lutte pour la liberté de leur pays.»

2. LE DEVELOPPEMENT PACIFIQUE DE LA REVOLUTION

Après la révolution de février 1917 et le renversement du pouvoir féodal tsariste, une situation unique s'était créée en Russie, caractérisée par l'existence d'un double pouvoir: le pouvoir bourgeois représenté par le gouvernement provisoire et le pouvoir révolutionnaire démocratique, représenté par les Soviets.Les Soviets étaient le pouvoir des ouvriers, des paysans et des soldats. Mais sous la direction des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires, ce pouvoir "faisait confiance" au pouvoir bourgeois et soutenait, de sa propre gré, la politique du gouvernement provisoire.Les armes étaient aux mains du peuple, la bourgeoisie n'avait pas de forces de répression capables de mater le peuple en armes. Les Soviets pouvaient déclarer la paix, ils pouvaient donner la terre aux paysans et prendre des mesures draconiennes contre les capitalistes. Mais ils renoncèrent volontairement à toutes ces mesures nécessaires et réalisables par confiance dans les phrases "révolutionnaires" du nouveau gouvernement provisoire.Dans ces conditions, l'axe centrale de la tactique bolchevique était de convaincre les Soviets que le gouvernement bourgeois ne méritait pas la moindre confiance, que les Soviets devaient prendre tout le pouvoir et imposer les mesures nécessaires à la survie des ouvriers et des paysans. Lénine a répété pendant trois mois: «Le développement pacifique de la révolution est possible et vraisemblable, si tout le pouvoir est transmis aux Soviets.»

Révisionnisme et haine de la révolution violenteC'est sur cette ligne tactique, poursuivie par Lénine entre avril et juillet 1917, que Khrouchtchev prétend baser sa thèse: «La classe ouvrière et son avant-garde ... cherchent à faire la révolution socialiste par la voie pacifique.»Gorbatchev aussi prétendait que la ligne bolchevique après février 1917 a «montré la possibilité d'un passage pacifique du pouvoir entre les mains des travailleurs, possibilité qui n'a pu être réalisée, malheureusement, du fait de certaines circonstances historiques».Cette "révolution par la voie pacifique" que prônent les révisionnistes, cache, en fait, leur véritable haine de la révolution, de l'insurrection populaire et de la guerre civile révolutionnaire, bref du léninisme.Cette haine a été ouvertement exprimée par les sous-fifres de Gorbatchev et notamment par Pavel Volobouïev, docteur en histoire et Président du Conseil scientifique de l'Académie des Sciences d'URSS.

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Voici ses propos. «Lénine et les communistes de Russie n'ont jamais fétiché la violence révolutionnaire. ... Avant la révolution d'Octobre 17, les communistes de Russie proclamaient leur intention de briser sans effusion de sang l'opposition des capitalistes aux mesures révolutionnaires dans le domaine économique. ... Mais la Providence en a disposé autrement. La révolution déboucha sur une guerre civile acharnée. La haine séculaire des oppresseurs, la férocité des hommes qui s'étaient ensauvagés pendant les années de guerre, les excès anarchistes - tout retentit puissamment sur le caractère que prit cette guerre fratricide. La victoire de la révolution d'Octobre fut obtenue au prix d'efforts et de difficultés inouïs, elle s'accompagna d'échecs d'envergure, d'erreurs énormes de notre part. Des spécialistes militaires simplement soupçonnés de trahison furent fusillés sur ordre de Staline. ... La lutte armée des ouvriers et paysans a aussi contribué à déclencher l'élément anarchique. Les masses déclassées en étaient la source. ... Les "bas-fonds" déclassés ont effectivement existé et leur agression féroce a existé aussi. Ajoutez à cela l'existence d'une masse énorme de gens qui avaient tout perdu, dont la guerre était devenue le métier, et vous avez l'explication du banditisme qui sévit partout dans le pays.»Remarquons entre parenthèses que la lutte des révisionnistes contre la violence révolutionnaire se prolonge logiquement dans leur haine pour le continuateur de l'Ïuvre de Lénine, Staline. Le docteur en histoire Volobouïev prolonge ses diatribes contre "la violence des bas-fonds déclassés de la société" par des attaques virulentes contre Staline: «Staline est un thermidorien classique. Il a pratiqué, sous des formes pseudo-socialistes, un despotisme oriental des plus cruels de type médiéval.»

Entre deux guerres civilesRetournons maintenant à la tactique suivie par Lénine dans les mois qui ont précédé la révolution d'Octobre.Il notait à propos de cette tactique: «Le développement pacifique d'une révolution quelle qu'elle soit est en général chose extrêmement rare et difficile, la révolution étant l'aggravation extrême des contradictions de classe les plus graves.»Dès le 24 avril 1917, Lénine avait expliqué sa tactique pour les mois à venir à l'intention des renégats présents et futurs.Le développement pacifique d'une révolution est tout autre chose qu'une prétendue "révolution pacifique". Le développement pacifique est une phase particulière dans le processus révolutionnaire. En avril 1917, les masses ouvrières et paysannes de la Russie venaient de terminer victorieusement la première guerre civile (révolution démocratique) et le pays se trouvait dans une phase de transition vers la seconde guerre civile (révolution socialiste). Comme les masses avaient confiance dans le langage "révolutionnaire" du gouvernement bourgeois, il fallait se concentrer sur l'éducation politique pour que les masses comprennent la nécessité de la seconde guerre civile. Se lancer dans la lutte armée lorsque les conditions objectives et subjectives n'étaient pas réunies, revenait à pratiquer l'aventurisme et le blanquisme.Lénine dit: «Certains camarades en arrivent à se demander si nous ne nous sommes pas reniés: nous prêchions la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, et voilà que nous parlons contre nous-mêmes. Mais la première guerre civile est finie en Russie, nous passons maintenant à la seconde, entre l'impérialisme et le peuple en armes; et dans cette période de transition, tant que la force des armes est entre les mains des soldats, ... cette guerre civile se transforme en une propagande de classe pacifique, longue et patiente. Si nous parlons de la guerre civile avant que les gens en aient compris la nécessité, nous versons sans aucun doute dans le blanquisme.» «Tant que les capitalistes et leur gouvernement ne peuvent pas et n'osent pas user de violence contre les masses, tant que la masse des soldats et des ouvriers élit et révoque librement toutes les autorités - toute idée de guerre civile est naïve,

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insensée et grotesque.» «La crise ne peut être résolue ... par les actions partielles de petits groupes armés, ni par des tentatives blanquistes de 'prendre le pouvoir', d' 'arrêter' le Gouvernement provisoire, etc.» «Nous sommes pour la guerre civile, mais seulement lorsqu'elle est conduite par une classe consciente ... Nous renonçons pour le moment à ce mot d'ordre, mais rien que pour le moment. Les armes sont maintenant entre les mains des soldats et des ouvriers, et non des capitalistes. Tant que le gouvernement n'a pas ouvert les hostilités, nous faisons notre propagande pacifiquement. ... Nous ne devons pas transiger avec la petite-bourgeoisie, actuellement dans l'attente, sur la moindre syllabe de nos principes. Il n'y a pas d'erreur plus dangereuse pour un parti prolétarien que de fonder sa tactique sur des désirs subjectifs là où il faut de l'organisation.» «Nous sommes actuellement en minorité, les masses ne nous font pas encore confiance. Nous saurons attendre: elles se rangeront de notre côté quand le gouvernement se révélera à elles tel qu'il est. Nous dirons alors, en tenant compte du rapport de forces: notre heure est venue.»"Préparer fermement l'insurrection"Début juillet 1917, beaucoup d'ouvriers et de soldats se prononçaient pour une manifestation insurrectionnelle afin de renverser le gouvernement.Les bolcheviks s'y opposaient parce que la majorité des ouvriers, des soldats et des paysans n'y était pas encore prête. Une victoire éventuelle ne pouvait donc pas être durable. Mais devant l'élan populaire, les bolcheviks furent obligés de se mettre à la tête de la manifestation projetée et de lui donner un caractère pacifique sous le mot d'ordre: "Tout le pouvoir aux Soviets". Un demi million d'ouvriers et de soldats défilèrent le 4 juillet à Pétrograd.Pris de panique, les réformistes avaient concentré sur Pétrograd des troupes fidèles au gouvernement afin d'y "rétablir l'ordre". Le 5 juillet, la rédaction de la Pravda fut saccagée, des bolcheviks arrêtés. Kerenski déclara que les désordres furent l'Ïuvre d'agents de l'Allemagne et il exigea que Lénine passe devant le tribunal pour espionnage au profit de l'Allemagne. Le comité central des mencheviks dénonça "l'aventure criminelle entreprise par l'état-major léniniste" et il soutint les pleins pouvoirs que le gouvernement s'était attribué pour "combattre tous les actes de contre-révolution et d'anarchie".Lénine tira les conclusions de ces événements. «Tous les espoirs fondés sur le développement pacifique de la révolution russe se sont à jamais évanouis. La situation objective se présente ainsi: ou la victoire complète de la dictature militaire ou la victoire de l'insurrection armée des ouvriers ... ... Plus d'illusions au sujet des voies pacifiques, plus d'actions dispersées ... se préparer fermement à l'insurrection armée, si l'évolution de la crise permet d'y engager vraiment les masses.»Quelle lutte contre le coup d'Etat militaire?C'est dans ce contexte que la bourgeoisie réactionnaire organisa, le 25 août, le coup d'Etat de Kornilov, commandant en chef de l'armée.Toute la bourgeoisie était d'accord, depuis les événements des 3-5 juillet, que les bolcheviks constituaient une grave menace pour le régime et qu'il fallait les réprimer. Deux hommes se portèrent candidats pour "restaurer l'ordre" par la manière forte: d'un côté Kornilov, qui voulait une dictature militaire ouverte s'appuyant sur les forces tsaristes et sur la bourgeoisie réactionnaire, et de l'autre côté Kerenski, qui voulait donner une base populaire à la répression contre les bolcheviks en s'appuyant non seulement sur les forces réactionnaires, mais aussi sur les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires. Le programme de Kornilov consistait à interdire les Soviets dans l'armée et dans les grandes villes, à livrer Riga aux Allemands pour donner ainsi un coup au mouvement ouvrier révolutionnaire, à envoyer l'armée contre Pétrograd pour y proclamer la loi martiale.Après beaucoup d'hésitations, Kerenski décida de s'opposer à ce plan parce qu'il craignait que les masses ouvrières se tournent en bloc vers les bolcheviks, si les réformistes soutenaient le coup d'Etat militaire.

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Lénine réagit au coup d'Etat de Kornilov en intensifiant la lutte révolutionnaire des ouvriers.Jusqu'à ce moment, les mencheviks avaient par tous les moyens empêché la formation de la Garde Rouge, formations d'ouvriers armés pour la défense de la révolution. Lénine dit maintenant: «L'heure est à l'action. Il faut faire la guerre à Kornilov avec des méthodes révolutionnaires, en entraînant les masses», «en armant les ouvriers de Pétrograd».Lénine mit en garde contre la tactique opportuniste de subordonner la lutte révolutionnaire à la direction des réformistes-mencheviks. «Même à présent, nous ne devons pas soutenir le gouvernement Kerenski.... Nous faisons et nous continuerons à faire la guerre à Kornilov, comme les troupes de Kerenski; mais nous ne soutenons pas Kerenski, nous dévoilons au contraire sa faiblesse. ... Nous modifions la forme de notre lutte contre Kerenski. Sans atténuer le moins du monde notre hostilité envers lui.»Cette tactique léniniste est à l'extrême opposé de la tactique des révisionnistes qui, devant la menace des coups de force des réactionnaires et des fascistes, crient à "l'unité antifasciste" sur une ligne de capitulation devant la social-démocratie. Dans leurs "unités antifascistes", les révisionnistes se soumettent à la direction des sociaux-démocrates, ils se laissent enfermer dans le programme de la social-démocratie et dans ses méthodes de lutte. Lénine, en revanche, développa la lutte révolutionnaire des masses populaires dans l'optique de la prise du pouvoir ultérieure, il accepta de se battre côte à côte avec les organisations réformistes qui effectivement luttaient contre l'adversaire commun, il modifia la forme de la lutte contre les chefs réformistes, mais il ne modifia en rien son hostilité totale au programme et à la ligne politique des réformistes.Le pouvoir aux Soviets par l'insurrectionAprès cinq jours, le 30 août, le complot de Kornilov avait échouéPendant la lutte contre Kornilov, les Soviets jouent à nouveau un rôle de mobilisation révolutionnaire et beaucoup d'ouvriers et de soldats mencheviks se rapprochent des positions bolcheviques.Au cours de la première quinzaine de septembre, les Soviets de Pétrograd, de Moscou et de la Finlande passent sous direction bolchevique. Les Soviets retirent leur soutien au gouvernement de coalition bourgeois, dirigé par le social-démocrate Kerenski, et réclament "Le Pouvoir aux Soviets".Dans ces nouvelles conditions, pour pousser en avant les masses vers la révolution, Lénine en revient, en quelque sorte, à la tactique d'avant les 3-5 juillet.Il écrit le 3 septembre 1917: «Tout le pouvoir aux Soviets, formation d'un gouvernement ... responsable devant les Soviets. En ce moment ... un tel gouvernement ... pourrait très vraisemblablement assurer la progression pacifique de la révolution russe.»Avant les 3-5 juillet, cette tactique avait principalement pour but de démasquer la politique de collaboration de classe de la majorité menchevique et socialistes-révolutionnaires des Soviets et de convaincre la majorité des ouvriers et des paysans de la justesse de la position bolchevique. Mais depuis le début de septembre, cette tactique vise à préparer directement l'instauration de la dictature du prolétariat par l'insurrection armée.En effet, depuis le coup d'Etat de Kornilov il n'y a plus que deux options fondamentales: «Ou bien tout le pouvoir aux Soviets et la démocratisation complète de l'armée, ou bien le kornilovisme.» Est-ce que les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires ont tiré des leçons du coup d'Etat militaire de Kornilov? «Si c'est oui, il faut commencer par créer immédiatement un pouvoir stable et ferme ... Seul le pouvoir des Soviets peut être stable et s'appuyer ouvertement sur la majorité du peuple.» «Qu'est-ce qu'un pouvoir hardi et décidé, une politique ferme, sinon la dictature du prolétariat et des paysans pauvres? ... Que signifierait, en effet, cette dictature? Rien d'autre que l'écrasement de la résistance des korniloviens et la reprise, le parachèvement de la démocratisation complète de l'armée ... Seule la dictature des prolétaires et des paysans pauvres est capable de briser la résistance des

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capitalistes, d'exercer le pouvoir avec une hardiesse et un esprit de décision vraiment grandioses, de s'assurer l'appui enthousiaste, total, véritablement héroïque, des masses de l'armée et de la paysannerie.» «'Le pouvoir aux Soviets', cela signifie une refonte radicale de tout l'ancien appareil d'Etat, appareil bureaucratique qui entrave toute initiative démocratique; la suppression de cet appareil et son remplacement par un appareil nouveau, populaire, authentiquement démocratique, celui des Soviets; la faculté donnée à la majorité du peuple de faire preuve d'initiative et d'indépendance non seulement pour l'élection des députés, mais encore dans l'administration de l'Etat, dans l'application de réformes et de transformations sociales.» «Le pouvoir aux Soviets: tel est le seul moyen d'assurer désormais une évolution graduelle, pacifique, paisible des événements, allant exactement de pair avec les progrès de la conscience et de l'esprit de décision des masses populaires.»Et cette conscience et cet esprit de décision se développent à mesure que les masses comprennent la nécessité de l'insurrection armée pour prendre réellement tout le pouvoir, pour désarmer les troupes réactionnaires dont dispose encore la bourgeoisie. Comme l'écrit Lénine une semaine avant la Révolution du 25 octobre: «Depuis septembre, le parti discute la question de l'insurrection, désormais inévitable pour appliquer le mot d'ordre "Tout le pouvoir aux Soviets".»

3. LES OPPORTUNISTES KAMENEV ET ZINOVIEV CONTRE LENINE

Depuis le coup d'Etat de Kornilov, les masses ouvrières et paysannes de Russie se trouvaient donc placées devant un choix fondamental: soit donner tout le pouvoir aux Soviets révolutionnaires par l'insurrection, soit suivre les conciliateurs et se laisser entraîner vers la dictature militaire.La participation au pré-parlementPour endiguer la montée révolutionnaire, les dirigeants mencheviks et socialistes-révolutionnaires avaient convoqué pour le 12 septembre une Conférence Démocratique. Ils s'arrangèrent pour qu'elle ait une solide majorité petite-bourgeoise et bourgeoise.Quoiqu'une majorité du Comité Central ait décidé de participer à la Conférence, Lénine la dénonça dès le 14 septembre, jour de l'ouverture. «La Conférence démocratique trompe la paysannerie, car elle ne lui donne ni la paix ni la terre.» «Il s'agit ... de mettre à l'ordre du jour l'insurrection armée à Pétrograd et à Moscou, la conquête du pouvoir. ... Se rappeler les paroles de Marx sur l'insurrection, les méditer: "l'insurrection est un art". ... L'histoire ne nous pardonnera pas si nous ne prenons pas le pouvoir dès maintenant.»Lénine voyait dans la participation à la Conférence démocratique un premier signe de crétinisme parlementaire chez les bolcheviks. En effet, une nouvelle révolution grandissait dans le pays, la révolution du prolétariat et de la majorité des paysans contre la bourgeoisie et son allié, l'impérialisme franco-anglais. Il ne fallait pas tourner l'attention des masses vers une Conférence de type parlementaire dont le seul but était de paralyser les forces révolutionnaires montantes. Les bolcheviks ne devaient pas perdre leur temps dans cette Conférence, il fallait la dénoncer et envoyer tous les cadres dans les masses pour les préparer à l'insurrection imminente. «Il fallait boycotter la Conférence démocratique. Nous nous sommes tous trompés en ne le faisant pas.»Les bolcheviks qui avaient participé à la Conférence, ont voté par 77 voix contre 50 de prendre aussi part à la suite de cette Conférence, appelée pré-parlement. Kamenev et Rykov étaient les porte-parole des "parlementaristes". Lénine observa: «Dans les "milieux dirigeants" de notre parti, on remarque des hésitations qui peuvent devenir funestes.»

"Attendre la décision du Congrès des Soviets"

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Après la décision de ne pas participer au pré-parlement, le "crétinisme parlementaire" de type "bolchevik" prit immédiatement une nouvelle forme: il faut attendre la convocation du Congrès des Soviets qui "prendra la pouvoir". Or, la contre-révolution se préparait fiévreusement à réunir des forces pour écraser la révolution. En plus, la réaction s'apprêtait à livrer Pétrograd aux Allemands pour y abattre les révolutionnaires.Le 29 septembre, Lénine mit tout son poids dans la balance contre les "parlementaristes" et les hésitants qui refusaient de passer immédiatement à l'insurrection: Lénine demanda d'être démis d'un comité central capitulard!«Les bolcheviks, s'ils se laissent prendre au piège des illusions constitutionnelles, de la 'foi' dans le Congrès des Soviets,... au piège de l' 'attente' du Congrès des Soviets, etc., ... ces bolcheviks seraient des traîtres méprisables à la cause du prolétariat. ... Il existe chez nous, au Comité central et dans les milieux dirigeants du parti, un courant ou une opinion en faveur de l'attente du Congrès des Soviets et hostile à la prise immédiate du pouvoir, hostile à l'insurrection immédiate. Il faut vaincre ce courant ou cette opinion. Autrement, les bolcheviks se déshonoreraient à tout jamais et seraient réduits à zéro en tant que parti. ... "Attendre" le Congrès des Soviets est une idiotie complète, car c'est laisser s'écouler des semaines; or, à l'heure actuelle, les semaines et même les jours décident de tout. ... Battez d'abord Kerenski, puis convoquez le congrès. ... Convoquer le Congrès des Soviets au 20 octobre pour décider 'la prise du pouvoir', n'est-ce pas comme "fixer" sottement la date de l'insurrection? On peut prendre le pouvoir aujourd'hui, mais du 20 au 29 octobre, on ne vous le laissera pas prendre... L'organe central biffe dans mes articles les indications que je donne sur les erreurs criantes des bolcheviks ... Je dois présenter ma demande de démission du Comité central, ce que je fais.»

"L'insurrection est impossible et prématurée..."Ces explications et ces menaces de Lénine n'ont pas eu d'effet. Lors de la réunion du Comité central du 10 octobre, Kamenev et Zinoviev se sont à nouveau opposés à la préparation de l'insurrection et Trotsky demanda qu'elle soit remise jusqu'à la convocation du Congrès des Soviets.Lors de la réunion du 16 aussi, Kamenev et Zinoviev votèrent contre l'insurrection; il y eut 4 abstentions et 19 voix pour. Le lendemain, Lénine écrit une critique mordante des arguments contre l'insurrection avancés par Kamenev et Zinoviev qu'il accuse de "ralliement politique à la bourgeoisie".«Nous n'avons pas la majorité parmi le peuple et, sans cette condition, l'insurrection est impossible...»Les hommes, capables de parler ainsi ... sont des formalistes qui désirent obtenir d'avance ... la garantie que dans tout le pays le Parti bolchevik a recueilli exactement la moitié des voix plus une ... La réalité nous montre avec évidence que depuis les journées de juillet, la majorité du peuple a commencé à se ranger rapidement du côté des bolcheviks. ... Le fait capital dans la vie actuelle de la Russie, c'est le soulèvement paysan. Voilà comment s'effectue en réalité le passage du peuple aux côtés des bolcheviks. ...«Dans la situation internationale, il n'y a rien qui nous oblige à agir sur-le-champ; nous nuirons plutôt à la cause de la révolution socialiste en Occident si nous nous faisons fusiller.»...Nous raisonnerions comme les Scheidemann et les Renaudel: le plus sage est de ne pas nous soulever, car si on nous fusille, le monde perdra des internationalistes d'une si belle trempe, si sensés! ... La guerre a imposé aux ouvriers de tous les pays les pires souffrances; elle les a épuisés. Les explosions se multiplient en Italie, en Allemagne, en Autriche. Nous sommes seuls à avoir des Soviets de députés ouvriers et soldats et nous resterions dans l'attente, nous trahirions les internationalistes allemands comme nous trahissons les paysans russes qui ... par des actes, par un soulèvement contre les propriétaires fonciers, nous appellent à nous soulever

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contre le gouvernement Kerenski...«Nous ne sommes pas assez forts pour prendre le pouvoir, et la bourgeoisie n'est pas assez forte pour faire échouer l'Assemblée constituante.»...On exprime son désarroi et sa peur de la bourgeoisie en faisant preuve de pessimisme à l'égard des ouvriers ... Si les Soviets n'ont pas la force de renverser la bourgeoisie, cette dernière est donc assez forte pour faire échouer l'Assemblée constituante. ... Renoncer à l'insurrection, c'est renoncer à la remise du pouvoir aux Soviets, c'est "confier" tous nos espoirs à la brave bourgeoisie qui a "promis" de convoquer l'Assemblée constituante. ... Hésiter sur la question de l'insurrection comme seul moyen de sauver la révolution, c'est tomber dans cette lâche confiance en la bourgeoisie.»La trahison de Kamenev et ZinovievLe 18 octobre, Kamenev et Zinoviev publiaient dans un journal menchevik une note où ils parlaient de la décision des bolchevik d'organiser l'insurrection, décision qu'ils condamnaient. Lénine écrit le même jour que Kamenev et Zinoviev étaient des "briseurs de grève" et des "traîtres": «je lutterai de toutes mes forces ... pour leur exclusion du parti.» La révolution triompha le 25 octobre, malgré le sabotage des opportunistes.Après la révolution d'Octobre, Kamenev et Zinoviev voulaient faire entrer au gouvernement des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires qui s'opposaient au programme révolutionnaire adopté le 25 octobre par le Congrès des Soviets. Le 3 novembre, Kamenev et Zinoviev faisaient voter par le Comité exécutif central des Soviets une résolution qui indiquait que les bolcheviks n'auraient que la moitié des sièges au gouvernement. Ceci créerait une situation où les réformistes pourraient complètement bloquer l'activité révolutionnaire du gouvernement.Lénine déclara: «L'opposition qui s'est formée au sein du Comité central s'écarte complètement de toutes les positions fondamentales du bolchevisme et de la lutte prolétarienne de classe en général, en répétant les propos non marxistes sur l'impossibilité de la révolution socialiste en Russie, sur la nécessité de céder aux ultimatums et aux menaces de départ émanant d'une minorité notoire de l'organisation des Soviets (les mencheviks).»Ces deux points: l'impossibilité de construire le socialisme dans un seul pays, l'URSS, et la nécessité d'un compromis avec les mencheviks seront, au cours des années vingt, la plate-forme commune des deux courants révisionnistes, celui de Trotsky et celui de Kamenev et Zinoviev.Lénine déclara ensuite: «Kamenev, Zinoviev, Noguine, Rykov, Milioutine et d'autres, ont démissionné hier, le 4 novembre, du Comité central de notre Parti, et les trois derniers, du Conseil des Commissaires du peuple. Dans un Parti aussi grand que le nôtre ... il ne pouvait manquer de se trouver des camarades insuffisamment fermes et persévérants dans la lutte contre les ennemis du peuple ... Les camarades partis ont agi en déserteurs ... Nous condamnons résolument cette désertion ... Mais nous déclarons que la désertion de quelques membres haut placés de notre Parti n'ébranlera pas un instant l'unité des masses qui suivent notre Parti et, par conséquent, n'ébranlera pas notre Parti.»L'opposition à l'insurrection armée et la réconciliation avec les partis réformistes sont deux positions essentielles du révisionnisme khrouchtchévien. Dans ce sens, Kamenev, Zinoviev et Rykov ont été des précurseurs de Khrouchtchev. C'est une preuve de la continuité d'une ligne opportuniste à la tête du parti bolchevik qui s'opposait à la réalisation de la politique léniniste. Staline a combattu l'opportunisme de Kamenev et de Zinoviev avec une énorme patience et il a appliqué la ligne léniniste. Lorsque Kamenev et Zinoviev se sont engagés dans des activités clandestines et des complots contre le parti, ils ont été jugés et condamnés à mort. Trotsky, l'ennemi le plus acharné du bolchevisme, rendait alors hommage à Kamenev et Zinoviev, ces "représentants de la vieille garde bolchevique"...

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Chapitre quatre

LA DICTATUREDU PROLETARIAT

1. LA QUESTION ESSENTIELLE DU MARXISMEMarx et Engels ont analysé le capitalisme en tant que système basé sur la dictature de la bourgeoisie.Avant eux, des auteurs libéraux avaient déjà décrit et analysé la lutte de classes qui se développe dans la société capitaliste entre la classe ouvrière et la bourgeoisie. Ce que Marx et Engels ont apporté de fondamentalement nouveau, c'est la thèse que le socialisme ne peut exister qu'en tant que négation de la dictature de la bourgeoise, qu'en tant que dictature du prolétariat.Lénine dit: «Limiter le marxisme à la doctrine de la lutte des classes, c'est le tronquer, le réduire à ce qui est acceptable pour la bourgeoisie. Celui-là seul est un marxiste qui étend la reconnaissance de la lutte des classes jusqu'à la reconnaissance de la dictature du prolétariat.» «La question de la dictature du prolétariat est la question essentielle du mouvement ouvrier moderne dans tous les pays capitalistes... A l'échelle internationale, l'histoire de la doctrine... de la dictature du prolétariat... coïncide avec celle... du marxisme... Quiconque n'a pas compris la nécessité de la dictature de toute classe révolutionnaire pour remporter la victoire n'a rien compris à l'histoire des révolutions.»Le traître Khrouchtchev a non seulement nié la nécessité de la dictature du prolétariat en URSS, mais lors du XXe congrès, il a même affirmé que la dictature du prolétariat n'est pas la question essentielle dans le passage au socialisme pour les pays capitalistes. Khrouchtchev déclara: «Pour toutes les formes de transition au socialisme, la direction politique de la classe ouvrière... est la condition majeure. Sinon, il est impossible de passer au socialisme.»La 'direction politique de la classe ouvrière' est une formule floue qui peut couvrir toutes les 'voies réformistes' au socialisme et qui sert à masquer la question essentielle: quelle classe exerce sa dictature?Le pouvoir de la classe ouvrière naît de la révolution, de l'insurrection, de la violence révolutionnaire contre la bourgeoisie, il n'a pas son origine dans les lois et les institutions de la bourgeoisie; au contraire, il balaie ces lois et institutions pour les remplacer par de nouvelles lois et institutions créées par les classes révolutionnaires pour servir leurs intérêts.Lénine: «La doctrine de la lutte des classes, appliquée par Marx à l'Etat et à la révolution socialiste, mène nécessairement à la reconnaissance de la domination politique du prolétariat, de sa dictature, c'est-à-dire d'un pouvoir qu'il ne partage avec personne et qui s'appuie directement sur la force armée des masses.»Pourquoi le socialisme est-il nécessairement la dictature du prolétariat et quelles sont les relations entre les différentes classes, et notamment entre le prolétariat et les autres classes travailleuses, sous le socialisme?Le capitalisme du XXe siècle est essentiellement la dictature de la bourgeoisie monopoliste qui s'appuie sur l'ensemble de la bourgeoisie et sur les couches supérieures de la petite-bourgeoise. La bourgeoisie monopoliste est le noyau central du système capitaliste comme le prolétariat est le noyau central au cours de la révolution socialiste et pendant toute la période historique du socialisme.Lénine: «Seule une classe déterminée, à savoir les ouvriers des villes et, en général, les ouvriers d'usine, les ouvriers industriels, est capable de diriger la masse des travailleurs et des exploités dans la lutte pour renverser le joug du capital,... dans l'Ïuvre de création d'un ordre social nouveau, socialiste, dans la lutte pour supprimer totalement les classes.»Pour édifier le socialisme, le prolétariat, noyau central, doit s'appuyer sur l'ensemble des couches de travailleurs. «La dictature du prolétariat est une forme particulière d'alliance de

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classe entre le prolétariat, avant-garde des travailleurs, et les nombreuses couches non prolétariennes de travailleurs (petite-bourgeoise, petits patrons, paysans, intellectuels, etc.) ou la majorité de ces couches, alliance dirigée contre le capital, alliance visant au renversement complet du capital, à l'écrasement complet de la résistance de la bourgeoisie et de ses tentatives de restauration, à l'édification et à la consolidation définitive du socialisme... C'est l'alliance des partisans résolus du socialisme avec ses alliés hésitants, parfois 'neutres'..., l'alliance entre des classes qui diffèrent sur les plans économique, politique, social et idéologique.»La dictature du prolétariat est l'exercice de la dictature contre la bourgeoisie et l'organisation de la démocratie populaire pour les classes travailleuses. «La dictature du prolétariat est la répression par la violence de la résistance des exploiteurs, c'est-à-dire de la minorité infime... La dictature du prolétariat doit engendrer... l'extension sans précédent de la démocratie réelle en faveur des classes laborieuses opprimées par le capitalisme.»Le socialisme a deux tâches essentielles: réprimer la bourgeoisie et organiser un système économique supérieur. «Le prolétariat se transforme en classe dominante capable de réprimer la résistance inévitable, désespérée, de la bourgeoisie, et d'organiser pour un nouveau régime économique toutes les masses laborieuses et exploitées.»Le socialisme réprime la bourgeoise et organise la démocratie populaire pour créer un système économique supérieur au capitalisme, un système qui réalise une plus haute productivité au service exclusif des travailleurs. «La dictature du prolétariat, ce n'est pas uniquement la violence exercée contre les exploiteurs, et même pas essentiellement la violence. Le fondement économique de cette violence révolutionnaire, le gage de sa vitalité et de son succès, c'est que le prolétariat offre et réalise un type supérieur d'organisation sociale du travail par comparaison avec le capitalisme.»

2. L'ETAT SOCIALISTE ET LES SOVIETSL'Etat socialiste de la classe ouvrière ne peut surgir qu'au cours de la lutte pour la destruction de l'Etat bourgeois.Ces deux types d'Etat sont l'exact opposé par leur nature de classe et par leurs méthodes de fonctionnement. «Pouvoir des Soviets ou parlement bourgeois,... ainsi se pose la question sur le plan historique et mondial.»

Les Soviets, le Parti et les classes travailleusesLes Soviets sont nés en tant qu'organes de la mobilisation et du combat révolutionnaire des masses exploitées par le capitalisme.Les Soviets ont surgi au cours de la révolution de 1905-1906.Ils ont émergé à nouveau pendant la révolution de février 1917 et leur caractère révolutionnaire s'est nettement affirmé au moment de la révolution d'Octobre lorsqu'ils sont entrés dans l'histoire comme des organes de l'insurrection des ouvriers, des soldats et des paysans, comme des organes de la prise du pouvoir révolutionnaire.Et c'est à travers la guerre civile, entre 1918 et fin 1920, que les Soviets ont définitivement fait leurs preuves comme organisations de gouvernement.Les Soviets, organes des masses exploitées

Au cours de ces quatre années révolutionnaires, des dizaines de millions d'ouvriers, de paysans et de travailleurs se sont éveillés à la vie politique active. Les Soviets ont été les centres d'une créativité politique formidable. «L'essence du pouvoir des Soviets consiste en ce que la base constante et unique de tout le pouvoir gouvernemental, ce soit l'organisation des masses jadis opprimées par les capitalistes, c'est-à-dire les ouvriers et les semi-prolétaires. Ce sont ces masses qui... sont appelées à prendre une part décisive à la gestion démocratique de

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l'Etat.»Comme organes de combat, les Soviets avaient dès le départ un caractère de classe. «Seuls les travailleurs et les exploités étaient admis aux Soviets, à l'exclusion des exploiteurs de toute espèce.» Les Soviets, c'est «l'union et l'organisation des masses laborieuses et exploitées opprimées par le capitalisme, et d'elles seules... les classes exploiteuses et les représentants riches de la petite-bourgeoisie étant automatiquement exclus.»

Le rapport entre le Parti communiste et les SovietsLes Soviets n'ont pas été un "produit spontané" de la lutte de classes. S'ils ont surgi spontanément au cours de la lutte contre la bourgeoisie, ils ont acquis leur caractère révolutionnaire grâce au travail de synthèse et à la créativité du Parti communiste.En effet, comme organisation de masse des travailleurs, les Soviets devaient nécessairement refléter les courants politiques et idéologiques qui traversaient le peuple.Ainsi, avant la révolution d'Octobre, les mencheviks, qui avaient la majorité dans les Soviets, utilisaient les Soviets pour subordonner la classe ouvrière à l'appareil d'Etat bourgeois. Ce n'est que par le travail du Parti bolchevik que les Soviets se sont arrachés à la tutelle de l'Etat bourgeois et sont devenus des organes de pouvoir alternatif, s'opposant frontalement aux organes de l'Etat bourgeois.Comme la formation d'un nouveau appareil d'Etat prolétarien n'est pas un processus spontané, le rôle du Parti communiste dans sa formation et sa consolidation est essentielle. «Ce n'est que dans le cas où le prolétariat est guidé par un Parti organisé et éprouvé,... que la conquête du pouvoir politique peut être considérée, non comme un épisode, mais comme le point de départ d'un travail durable d'édification communiste de la société par le prolétariat.» «Le Parti communiste est l'arme principale, essentielle, de l'émancipation du prolétariat; nous devons avoir maintenant dans tous les pays, non plus des groupes et des tendances, mais un Parti communiste; il ne doit y avoir dans chaque pays qu'un seul et unique Parti communiste.»Le nouveau système de gestion de l'Etat socialiste est donc complexe. Lénine résume cette complexité de la façon suivante: «Les choses se passent ainsi: le Parti absorbe en quelque sorte l'avant-garde du prolétariat et c'est elle qui exerce la dictature du prolétariat. Mais sans un fondement tel que les syndicats, il est impossible d'exercer la dictature, de s'acquitter des fonctions d'Etat. Il faut les assumer par le canal de diverses institutions, d'un type nouveau elles aussi: par l'intermédiaire de l'appareil des Soviets.»Après la révolution d'Octobre, lors de l'insurrection de Cronstadt, les anarchistes, les mencheviks et toute la bourgeoisie soutenaient le mot d'ordre «les Soviets sans les bolcheviks» pour briser la dictature du prolétariat et pour réintroduire la politique de la subordination des Soviets aux organes de la démocratie bourgeoisie.Ainsi, au cours de la lutte révolutionnaire comme au cours de l'exercice du pouvoir socialiste, les Soviets étaient des organes où s'est effectuée la symbiose entre l'avant-garde communiste et toutes les classes travailleuses. «L'appareil (des Soviets)... assure une forme d'organisation de l'avant-garde, c'est-à-dire de la partie la plus consciente, la plus énergique, la plus avancée des classes opprimées, paysans et ouvriers; c'est donc un appareil au moyen duquel l'avant-garde des classes opprimées peut élever, éduquer, instruire et entraîner derrière soi toute la masse énorme de ces classes.»Les Soviets, l'armée et l'appareil d'Etat socialistesLes Soviets ont développé leur travail de construction d'un Etat prolétarien, socialiste selon trois axes.D'abord, les Soviets se sont consolidés comme organes représentatifs des masses exploitées et comme organes de leur pouvoir. Leur caractère de classe s'exprimait, entre autres, par l'organisation des élections sur les lieux du travail, ce qui renforçait l'influence des ouvriers et des travailleurs les plus révolutionnaires.

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Ensuite, les Soviets ont joué un rôle essentiel dans la formation de l'Armée rouge, ainsi que de la police et de la sécurité socialistes.Et finalement, les Soviets ont créé un appareil de justice complètement nouveau où les juges étaient issus des masses ouvrières et travailleuses et se trouvaient sous leur contrôle, et ils ont entamé le travail de refonte intégrale de l'appareil administratif.L'Armée rouge, armée des travailleursL'Etat, c'est d'abord les forces armées au service d'une classe.L'Armée rouge est née de l'effondrement de l'armée bourgeoise à la fin de la guerre mondiale et des insurrections armées organisées par les soldats, les marins et les officiers révolutionnaires. Ce noyau de départ a été renforcé par l'engagement de centaines de milliers de jeunes communistes et d'ouvriers, ainsi que de jeunes paysans révolutionnaires pour défendre les acquis de la révolution d'Octobre.Pendant les journées de la révolution d'Octobre, les Soviets étaient essentiellement des Soviets de soldats et d'ouvriers; ils ont joué un rôle essentiel dans l'éclatement de l'ancienne armée réactionnaire et dans la formation de l'armée révolutionnaire.A propos de l'armée et de la police socialistes, Lénine déclara: «La contre-révolution n'a jamais toléré la présence des ouvriers en armes à côté de l'armée. En France, écrivait Engels, après chaque révolution, les ouvriers étaient armés; 'pour les bourgeois qui se trouvaient au pouvoir, le désarmement des ouvriers était donc le premier devoir'. Les ouvriers en armes étaient l'embryon de l'armée nouvelle, la cellule d'organisation du nouvel ordre social. Ecraser cette cellule, en empêcher la croissance, tel a été le premier souci de la bourgeoisie. Le premier souci de toute révolution victorieuse... a été de détruire la vieille armée, de la licencier, de la remplacer par une nouvelle. La nouvelle classe sociale qui accède au pouvoir n'a jamais pu et ne peut maintenant parvenir à ce pouvoir et l'affermir autrement qu'en décomposant à fond l'ancienne armée... autrement qu'en forgeant peu à peu, dans une dure guerre civile, une nouvelle armée, une nouvelle discipline, l'organisation militaire nouvelle de la nouvelle classe.» «Les Soviets constituent un nouvel appareil d'Etat qui représente... la force armée des ouvriers et des paysans, force qui n'est pas détachée du peuple comme celle de l'ancienne armée permanente, mais qui est étroitement liée à lui.»La police bourgeoise fut également démantelée. Lénine: «La substitution d'une milice populaire à la police... est la condition du succès de toute réforme... au profit des travailleurs. En période révolutionnaire, cette condition est réalisable.» Le pouvoir législatif et exécutifSous la dictature de la bourgeoisie, le pouvoir réel se trouve aux mains des grands capitalistes, des hauts fonctionnaires de l'Etat bourgeois et des ministres qui sont étroitement liés aux capitalistes et aux hauts fonctionnaires. Le parlement sert à donner une apparence de "démocratie" aux mesures dictatoriales du grand capital.Sous la dictature du prolétariat, les grands capitalistes ont été expropriés et les moyens de production appartiennent à la communauté des travailleurs. L'armée et la police socialistes sont essentiellement composées de travailleurs révolutionnaires en armes.Dans ce nouveau système, les organes élus par les travailleurs, les Soviets, peuvent effectivement détenir tout le pouvoir.Les Soviets ont comme tâche essentielle d'élaborer des lois et de créer des institutions qui expriment uniquement les intérêts des masses travailleuses.Mais les membres des Soviets jouent aussi un rôle dans l'exécution des lois et dans le fonctionnement des institutions. Comme le dit Lénine, le système des Soviets «permet d'allier les avantages du parlementarisme et ceux de la démocratie immédiate et directe, c'est-à-dire d'allier dans la personne des représentants élus du peuple à la fois la fonction législative et l'exécution des lois.» La participation des masses à la gestion de l'Etat

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Sous la dictature de la bourgeoisie, l'appareil d'Etat est une machine bureaucratique monstrueuse qui opprime, brime, tracasse et exploite les travailleurs. Le parlement bourgeois ne sert qu'à masquer et à faire accepter cet état des choses.Une des fonctions essentielles de l'Etat socialiste est de créer un appareil d'Etat qui soit entièrement et uniquement au service des masses travailleuses. Les Soviets ont la tâche historique d'en finir avec l'Etat comme corps parasitaire vivant sur le dos les travailleurs et hostile à eux. L'essence du système socialiste est que les travailleurs révolutionnaires élus participent eux-mêmes à la gestion de l'Etat et organisent le contrôle de l'ensemble des travailleurs sur les organes de l'Etat. Lénine: «Tous les citoyens sans exception doivent participer à l'exercice de la justice et à la gestion du pays. Et il importe pour nous que tous les travailleurs sans exception participent à l'administration de l'Etat.»Cette participation des travailleurs à la gestion de l'Etat socialiste et au contrôle sur les organes du pouvoir relève de l'essence même de la dictature du prolétariat. La résistance de la bourgeoisie s'exprime entre autres dans les efforts pour bureaucratiser les organes du pouvoir socialiste, pour les détacher des travailleurs, pour les soustraire à leur contrôle. Staline a bien compris que la bureaucratisation des Soviets (la rupture entre les élus et la base, le refus de préparer tous les travailleurs à participer à la gestion de l'Etat socialiste), était une grave menace interne pour le socialisme. «Un des ennemis les plus dangereux pour le progrès de notre cause est le bureaucratisme. Il vit dans chacune de nos organisations. Le bureaucrate communiste est le type de bureaucrate le plus dangereux... Il n'y a rien à redire, lorsque la colère des masses du Parti vise ces éléments démoralisés et lorsqu'elles ont la possibilité d'envoyer ces éléments au diable.» Cette position de 1928, Staline la répétera encore en 1952.Lorsque Khrouchtchev, en 1956, a déclaré que la dictature du prolétariat avait cessé d'exister en Union soviétique, il a donné libre cours aux tendances à la bureaucratisation. Il a fait entrer dans les Soviets des éléments bourgeois et petits-bourgeois. Puis Brejnev a achevé la bureaucratisation des Soviets, les soustrayant de plus en plus à tout contrôle des travailleurs. Sous Gorbatchev, les Soviets sont devenus des endroits où la nouvelle bourgeoisie a organisé sa propre représentation politique, luttant pour la destruction totale des derniers vestiges du socialisme.

3. LA LUTTE DE CLASSES SOUS LA DICTATURE DU PROLETARIAT

Une longue période historiqueLa dictature du prolétariat est nécessaire pendant toute la période historique où subsistent des forces intérieures et extérieures, qui rendent la restauration du capitalisme possible.Lénine dit: «Ceux-là seuls ont assimilé l'essence de la doctrine de Marx sur l'Etat, qui ont compris que la dictature d'une classe est nécessaire... pour toute la période historique qui sépare le capitalisme de la 'société sans classes', du communisme.» «Les classes demeurent et demeureront à l'époque de la dictature du prolétariat. La dictature deviendra inutile lorsque les classes auront disparu. Elles ne disparaîtront pas sans la dictature du prolétariat.»Sur ce thème, Lénine a simplement développé les idées essentielles de Marx et d'Engels, sur la base d'une expérience révolutionnaire beaucoup plus vaste et riche. Marx avait déjà indiqué qu'après la période du socialisme, caractérisée par la dictature du prolétariat, viendra la période du communisme. La société n'entrera dans la phase du communisme qu'après une longue période historique de transformations socialistes en profondeur. Selon Marx, le communisme viendra «quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail, et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective

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jailliront avec abondance.» Avant que l'on atteigne ce stade supérieur du développement matériel et intellectuel et pour l'atteindre, la dictature du prolétariat est nécessaire. «Entre la société capitaliste et la société communiste se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. A quoi correspond une période de transition politique, où l'Etat ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat.»Lénine a repris et élaboré ces thèses de Marx. La dictature du prolétariat reste nécessaire jusqu'à ce que les moindres différences entre des classes sociales aient disparu et jusqu'à ce que la classe ouvrière internationale ait détruit l'impérialisme mondial.«Il est clair que pour supprimer entièrement les classes, il faut non seulement renverser les exploiteurs, les grands propriétaires fonciers et les capitalistes, non seulement abolir leur propriété: il faut encore abolir toute propriété privée des moyens de production; il faut effacer aussi bien la différence entre la ville et la campagne, que celle entre les travailleurs manuels et intellectuels. C'est une Ïuvre de longue haleine. Pour l'accomplir, il faut faire un grand pas en avant dans le développement des forces productives.»«Marx et Engels... ont vu clairement que... il faudra...une longue période de dictature du prolétariat,... et la collaboration des ouvriers de tous les pays, qui devront conjuguer tous leurs efforts afin d'assurer la victoire jusqu'au bout.» Les réformistes se sont toujours dressés contre cette thèse essentielle du léninisme.Quoiqu'ils soient des ennemis irréductibles de la dictature du prolétariat, dans des situations où les ouvriers veulent la révolution, ils peuvent prétendre "être d'accord avec la dictature du prolétariat", mais alors "pour un temps limité"...Le chef de la social-démocratie internationale, Vandervelde, était, au début de la Première Guerre mondiale, ministre dans le gouvernement bourgeois de la Belgique. Il fit de la propagande pour envoyer les travailleurs à la boucherie de cette guerre impérialiste criminelle; il prit la défense des institutions bourgeoises, y compris de la monarchie. Mais après la guerre, devant la montée révolutionnaire, il prétendit accepter la nécessité de la dictature du prolétariat, mais comme mesure de courte durée, pour retourner aussi vite que possible à la "démocratie pure"!Voici comment cet ennemi déclaré de la dictature du prolétariat parlait à ce moment: «La dictature du prolétariat, oui, par le fer et le feu, s'il le faut, pour briser la résistance de la bourgeoisie, pour frayer la route à la révolution sociale. Mais la dictature comme moyen, comme un moyen provisoire et non pas la prolongation indéterminée de l'état de siège et de la terreur, en mettant les autres partis lors la loi, en éliminant les libertés, en remplaçant la démocratie par la dictature d'une poignée.»Cinq ans auparavant, Lénine avait déjà décrit avec précision la tactique contre-révolutionnaire des réformistes du genre Vandervelde. Il écrit en 1919: «Le plus dangereux, de la part de (Kautsky, Macdonald, Vandervelde), c'est la reconnaissance verbale de la dictature du prolétariat. Ces gens sont capables de tout reconnaître, de tout signer, pourvu qu'ils restent à la tête du mouvement ouvrier. On voudrait admettre verbalement la dictature du prolétariat pour faire passer 'le suffrage universel', le parlementarisme bourgeois, le refus de briser complètement l'appareil d'Etat bourgeois.»Et on peut dire que les révisionnistes du genre Khrouchtchev ont repris, trente ans après Vandervelde, exactement la même ligne en ce qui concerne la révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat: ils prônent le passage pacifique et la dictature du prolétariat "sous telle ou telle forme" et "de courte durée", Ponomarev, traitant de la lutte pour le socialisme dans les pays capitaliste, écrit: «Une révolution pacifique sans guerre civile n'a rien de commun avec la paix sociale. Ce n'est pas un "partnership social", mais une forme de lutte de classes tout comme la révolution non pacifique; sa victoire se consolide également par la dictature du prolétariat sous telle ou telle forme et dont la durée dépend des conditions concrètes.» Formellement, le concept de "dictature du prolétariat" y est et beaucoup de

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communistes honnêtes se sont laissés aveugler par ces mots. Ils disaient alors: «Mais non, vos critiques contre Khrouchtchev sont fausses, voyez, il défend, lui aussi, la dictature du prolétariat» ! Chaque mot peut être "rempli" de contenus différents, voire opposés. Or, Khrouchtchev s'est opposé à l'ensemble des thèses que Lénine a développées sous la notion de la dictature du prolétariat. La dictature du prolétariat "sous telle ou telle forme", "pour une période limitée", c'est exactement la formule que Vandervelde a utilisée pour combattre le contenu léniniste de cette notion et pour y fourrer sa conception sociale-démocrate.Plus généralement et traitant de la construction du socialisme en URSS, Khrouchtchev a rejeté la thèse fondamentale que la dictature du prolétariat est nécessaire pendant toute la période historique qui prépare le communisme.Pour Khrouchtchev, la dictature du prolétariat avait cessé d'être nécessaire dès 1956. Pourtant il était évident que la productivité du travail en URSS était encore loin derrière celle du monde capitaliste et que l'impérialisme était toujours la force dominante dans le monde.Au XXIIe Congrès, Khrouchtchev déclara: «Les classes exploiteuses ayant été supprimées, on a vu disparaître la fonction qui consiste à briser leur résistance. Les principales fonctions de l'Etat socialiste - d'organisation de l'économie, culturelle et éducative - ont reçu le plus large développement. Après avoir assuré la victoire totale et définitive du socialisme et le passage en grand au communisme, la dictature du prolétariat a rempli sa mission historique et, du point de vue des objectifs du développement intérieur, a cessé d'être une nécessité en URSS. L'Etat qui a surgi comme Etat de la dictature du prolétariat s'est converti à l'étape actuelle en Etat de tout le peuple, en organe qui traduit les intérêts et la volonté de l'ensemble du peuple.»Fondamentalement, c'était la thèse de la social-démocratie: on est obligé d'accepter la dictature du prolétariat pour une brève période, mais on retourne aussi vite que possible au régime bourgeois et sa "démocratie pour tous".

La lutte de classes contre la bourgeoisie et la petite-bourgeoise Lénine a développé la thèse que la lutte de classes demeure pendant toute la durée de la dictature du prolétariat, que la résistance de la bourgeoisie s'intensifie et qu'il y aura immanquablement de multiples tentatives de restaurer le capitalisme.Lénine: «La dictature du prolétariat n'est pas la fin de la lutte des classes; c'est sa continuation sous des formes nouvelles. La dictature du prolétariat, c'est la lutte de classes du prolétariat victorieux qui a pris en main le pouvoir politique, contre la bourgeoisie vaincue, mais non anéantie, qui, loin d'avoir cessé de résister, a intensifié sa résistance.» «A la suite d'une première défaite sérieuse, les exploiteurs qui ne s'attendaient point à être renversés, se lancent dans la bataille avec une énergie décuplée, avec une passion furieuse, avec une haine centuplée pour reconquérir le 'paradis' perdu.» «La transition du capitalisme au communisme, c'est toute une époque historique. Tant qu'elle n'est pas terminée, les exploiteurs gardent inéluctablement l'espoir d'une restauration, espoir qui se transforme en tentatives de restauration.»

La bourgeoisie et les propriétaires fonciers ont perdu les moyens de production, mais ils sont toujours là et ils disposent de beaucoup de moyens pour tenter de reprendre le contrôle des moyens de productions. «Les classes demeurent, mais chacune d'elles s'est modifiée à l'époque de la dictature du prolétariat, La classe des exploiteurs, des propriétaires fonciers et des capitalistes n'a pas disparu et ne peut disparaître d'emblée sous la dictature du prolétariat. Les exploiteurs ont été battus, mais non anéantis.»Quelles sont les armes dont la bourgeoisie dispose encore sous le socialisme? «Longtemps après la révolution, les exploiteurs conservent nécessairement une série de réels et notables avantages.» «Il leur reste une base internationale, le capital international, dont ils sont une succursale. Il leur reste en partie certains moyens de production. L'"art" de gouverner l'Etat,

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l'armée, l'économie leur donne un grand, un très grand avantage, de sorte que leur rôle est infiniment plus important que leur part dans l'ensemble de la population.» «Il leur reste l'argent (impossible de le supprimer d'un coup), certains biens mobiliers, souvent considérables; il leur reste des relations, des habitudes d'organisation et de gestion, la connaissance de tous les "secrets" de l'administration (coutumes, procédés, moyens, possibilités); il leur reste une instruction plus poussée, des affinités avec le haut personnel technique (bourgeois par sa vie et son idéologie); il leur reste une expérience infiniment supérieure de l'art militaire (ce qui est très important), etc., etc.»Sous le socialisme, la bourgeoisie dispose encore d'une grande force de réserve potentielle dans la petite-bourgeoise. «Derrière les capitalistes exploiteurs, c'est la grande masse de la petite-bourgeoisie qui hésite et balance, qui aujourd'hui suit le prolétariat et demain, effrayée des difficultés de la révolution, est prise de panique à la première défaite des ouvriers, s'affole, s'agite, pleurniche, court d'un camp à l'autre.»Dans certaines circonstances, le petit producteur qui vend sur le marché libre, peut devenir un ennemi dangereux du prolétariat.«Le paysan qui, en 1918-19, a livré aux ouvriers affamés des villes 40 millions de pouds de blé aux prix de l'Etat, qui les a livrés aux organismes de l'Etat , ce paysan-là est un paysan travailleur. Le paysan qui a vendu en cachette 40 millions de pouds de blé dix fois plus cher que le prix de l'Etat, ce paysan-là est un spéculateur, l'allié du capitaliste, l'ennemi de classe de l'ouvrier. C'est un exploiteur. Vous violez la liberté, l'égalité, la démocratie, nous crie-t-on de toutes parts. Nous ne reconnaîtrons jamais l'égalité avec le paysan spéculateur, comme nous ne reconnaîtrons pas "l'égalité" de l'exploiteur avec l'exploité, la "liberté" du premier de piller de second.» Les habitudes, les traditions, la routine de la petite production agricole créent inévitablement un terrain sur lequel des éléments bourgeois surgissent. De la petite production marchande sortent inévitablement des petits capitalistes qui s'efforcent de devenir grands.»«La dictature du prolétariat est une lutte opiniâtre, sanglante et non sanglante, violente et pacifique, militaire et économique, pédagogique et administrative, contre les forces et les traditions de la vieille société. La force de l'habitude chez les millions et les dizaines de millions d'hommes est la force la plus terrible.» «Il faut vaincre la résistance (souvent passive, singulièrement tenace et singulièrement difficile à briser) des nombreux vestiges de la petite production; il faut vaincre la force énorme de l'habitude et de la routine, attachée à ces vestiges.»«Il est mille fois plus facile de vaincre la grande bourgeoisie centralisée que de "vaincre" les millions et les millions de petits patrons; or ceux-ci, par leur activité quotidienne, coutumière, invisible, insaisissable, dissolvante, réalisent les résultats qui sont nécessaires à la bourgeoisie, qui restaurent la bourgeoisie.»

La bourgeoisie dans les institutions soviétiquesLa lutte de classes sous le socialisme n'est pas uniquement menée contre les anciens propriétaires fonciers et capitalistes ou contre les nouveaux bourgeois qui surgissent de la petite production.La bourgeoisie se recompose aussi à l'intérieur des institutions soviétiques, à l'intérieur de l'appareil d'Etat soviétique. Les hauts salaires permettent à une minorité d'adopter un style de vie bourgeois; les aventuriers et escrocs qui se sont infiltrés dans l'appareil et les "communistes" qui cherchent à se remplir les poches deviennent de nouveaux éléments bourgeois.Lénine: «On ne saurait contester l'influence dissolvante que les hauts traitements exercent sur le pouvoir soviétique. Cela d'autant plus que, la révolution ayant été faite très rapidement, le nouveau pouvoir a vu s'attacher à lui un certain nombre d'aventuriers et d'escrocs qui, avec certains commissaires incapables ou sans scrupules, ne demanderaient pas mieux que de

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devenir des "étoiles", dans l'art de piller le Trésor.»D'innombrables fonctionnaires de la vieille société défendent toujours le tsarisme et le capitalisme. Des propriétaires fonciers et des capitalistes expropriés ou leurs enfants s'infiltrent dans les institutions soviétiques.Lénine: «En fait, il arrive très souvent qu'ici, au sommet, où nous avons le pouvoir d'Etat, l'appareil fonctionne tant bien que mal. A la base, il y a des centaines de milliers d'anciens fonctionnaires, légués par le tsar et la société bourgeoise, et qui travaillent en partie consciemment, en partie inconsciemment, contre nous.»«Les grands propriétaires terriens et les capitalistes n'ont pas disparu en Russie, mais ils ont été entièrement expropriés, politiquement battus en tant que classe dont les vestiges se cachent parmi les employés des administrations publiques du pouvoir soviétique.»Tous ces éléments mènent une lutte de classes pour miner, saboter et pourrir le pouvoir soviétique. «Maintenant, d'excellents fonctionnaires occupent des postes; l'intérêt de leur classe, selon eux, est de nous jouer de sales tours, de faire obstruction au travail; ils s'imaginent sauver la culture en préparant la chute des bolcheviks et connaissent le domaine administratif cent fois mieux que nous. A ces gens-là, il faut faire la guerre dans toutes les règles de l'art.»Les gens de la Smiéna Viekh formaient un groupe d'intellectuels de l'émigration blanche anti-soviétique. Certains avaient combattu le pouvoir socialiste par les armes sous Koltchak. Ils étaient des ennemis acharnés du communisme, mais ils jugeaient vaines les tentatives de renverser les Soviets. Ils soutenaient les Soviets pour les détruire de l'intérieur. Dans leur "soutien" aux Soviets, certains se faisaient même passer pour "communistes". On s'imagine que ces gens n'ont eu aucun problème à soutenir, quelques années plus tard, l'opposition trotskiste et pour se fondre à elle .Lénine nota la difficulté de combattre ces ennemis camouflés. «Les gens de la Smiéna Viekh représentent un courant politique et social ayant à sa tête des cadets (bourgeois) marquants. Certains se posent en communistes, mais il y a des hommes plus francs, entre autres Oustrialov. Il a été ministre sous Koltchak. "Je suis pour le soutien du pouvoir des Soviets en Russie, dit Oustrialov , parce qu'il s'est engagé dans une voie où il roule vers le pouvoir bourgeois ordinaire" . Les choses dont parle Oustrialov sont possibles, disons-le sans ambages. L'histoire connaît des transformations en tout genre. Les gens de la Smiéna Viekh expriment l'état d'esprit de milliers et de dizaines de milliers de bourgeois de tout acabit ou d'employés soviétiques participant à notre nouvelle politique économique. Là est le danger essentiel et réel. Et c'est pourquoi il faut réserver l'attention principale à cette question: qui, effectivement, l'emportera . La lutte contre la société capitaliste est devenue cent fois plus acharnée et périlleuse, car nous ne voyons pas toujours nettement où est l'ennemi qui nous combat, et qui est notre ami . Si nous considérons Moscou - 4700 communistes responsables - et si nous considérons la machine bureaucratique, cette masse énorme, qui donc mène et qui est mené? . la NEP .. c'est... une forme de lutte entre deux classes irréductiblement hostiles.»Le révisionnisme du temps de LénineL'ancienne bourgeoisie et les forces bourgeoises issues de la petite-bourgeoisie, ainsi que les éléments anti-socialistes infiltrés dans les institutions soviétiques, ont toujours trouvé leurs représentants dans les éléments opportunistes à la direction du parti.En effet, leur politique opportuniste de droite ou de "gauche" correspondait aux intérêts objectifs de ces classes.En voici deux exemples.Au moment de la discussion sur la paix de Brest-Litovsk, de début janvier à avril 1918, Boukharine et Piatakov prônaient une politique aventuriste; ils tombèrent dans le piège de la provocation à la "guerre révolutionnaire" contre l'Allemagne qu'organisaient les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires. L'armée était complètement épuisée et incapable de se

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battre; l'obliger à faire une "guerre révolutionnaire" devait tourner à la catastrophe. L'opportunisme de "gauche" de Boukharine exprimait les intérêts de classe de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie qui voulaient provoquer l'effondrement du pouvoir bolchevik.Depuis le début de novembre 1920 jusque fin janvier 1921, le Parti bolchevik a été paralysé par une discussion inutile et inopportune provoquée par Trotsky. Selon les termes de Lénine, Trotsky aurait fabriqué des textes d'une "logomachie creuse, dépourvue de tout contenu", d'un "vain bavardage d'intellectuels" qui ne portaient aucune attention à "l'expérience pratique" et à la vérification de cette expérience. «C'est là une erreur politique radicale, très profonde et dangereuse.»Politiquement, Trotsky proposait de "secouer les syndicats" et il défendait "les excès inutiles et néfastes de la bureaucratie" à l'encontre des syndicats. «La politique de Trotsky est une politique de tracasserie bureaucratique à l'égard des syndicats», disait Lénine. «Le camarade Trotsky a commis plusieurs erreurs qui touchent au fond même de la question de la dictature du prolétariat. ... (Nous avons) des désaccords sur les méthodes d'aborder les masses, de gagner les masses, de réaliser la liaison avec les masses. Tel est le fond du problème.» «Si nous abordons les syndicats d'une manière erronée, le pouvoir des soviets et la dictature du prolétariat sont perdus.»La politique de Trotsky aurait conduit à ce que les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires gagnent la majorité des syndicalistes et provoquent le renversement du pouvoir bolchevique.

Déjà du temps de Lénine, les lignes opportunistes apparues à la tête du parti auraient pu conduire le pouvoir socialiste à sa perte, si la majorité de la direction les avait suivies.En effet, ces lignes trouvaient immanquablement le soutien des éléments opportunistes, douteux et contre-révolutionnaires qui s'étaient infiltrés en masse dans le parti.D'abord, des aventuriers, des éléments douteux, des filous et d'autres ennemis entrèrent dans le Parti bolchevik. Lénine: «Chacun sait qu'au nombre des "amis" du bolchevisme, il existe, depuis que nous avons triomphé, beaucoup d'ennemis. Il se faufile souvent parmi nous des éléments extrêmement douteux, des filous, qui ... nous vendent, nous trompent, nous trahissent.» «Il est absolument inévitable que des aventuriers et d'autres éléments des plus nuisibles s'insinuent dans le parti dirigeant. Aucune révolution ne l'a évité et ne l'évitera. Le tout est que le parti dirigeant qui s'appuie sur une classe avancée, saine et vigoureuse, sache épurer ses rangs.»

Ensuite, l'esprit bureaucratique qui régnait dans de nombreuses institutions soviétiques, a également gagné les membres du parti travaillant dans ces institutions.Lénine: «On conçoit que le bureaucratisme, qui a fait sa réapparition dans les institutions soviétiques, ne pouvait manquer d'exercer aussi une influence dissolvante dans les organisations du parti, puisque les cadres supérieurs du parti sont également ceux de l'appareil soviétique: c'est une seule et même chose.» «Notre pire ennemi intérieur, c'est le bureaucrate, le communiste qui occupe dans les institutions soviétiques un poste responsable ... entouré du respect de tous, comme un homme consciencieux. Un peu brutal, peut-être, mais sobre. Il n'a pas appris à lutter contre la paperasserie, il ne sait pas lutter contre elle, il la couvre.»

En plus, des révolutionnaires qui avaient accepté beaucoup de sacrifices au cours de la lutte, voulaient être "récompensés" et "profiter" à leur tour du pouvoir.Lénine: «Oui, en renversant les grands propriétaires fonciers et la bourgeoisie, nous avons déblayé la voie au socialisme, mais nous n'en avons pas bâti l'édifice. Et, sur le terrain où une génération a fait place nette, on voit constamment paraître dans l'histoire des générations nouvelles, pourvu que la terre enfante, et elle enfante des bourgeois à profusion. Et ceux qui

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considèrent la victoire sur les capitalistes du point de vue des petits propriétaires: "Ils ont empoché, maintenant c'est notre tour!" donnent naissance à une nouvelle génération de bourgeois.»Et finalement, de nombreux anciens membres du parti menchevik ont rejoint le parti bolchevik sans pour autant avoir changé fondamentalement leur idéologie et leurs conceptions politiques.Lénine: «En fait d'épuration du Parti, j'indiquerai une tâche particulière, celle qui consiste à l'épurer des anciens mencheviks. ... Dans la période de 1918 à 1921, les mencheviks ont révélé deux traits qui leur sont propres: le premier, c'est l'art de s'adapter habilement, de s'accrocher au courant qui domine chez les ouvriers; le second, c'est de servir encore plus habilement, corps et âme, les gardes blancs. ... Il faut chasser du Parti les filous, les communistes bureaucratisés, malhonnêtes, mous, et les mencheviks qui ont 'repeint façade', mais qui, dans l'âme, sont restés des mencheviks.»

Les révisionnistes et la lutte de classes sous le socialisme Staline a toujours suivi la politique de Lénine et il a mené correctement la lutte de classes contre la bourgeoisie, aussi bien contre la vieille bourgeoisie que contre la bureaucratie, c'est-à-dire la bourgeoisie qui se reconstituait à l'intérieur des institutions socialistes.Au cours des années 1937-1938, l'imminence de la guerre a poussé toutes les forces bourgeoises et tous les opportunistes à joindre leurs forces dans une tentative ultime de renverser le pouvoir soviétique. La cinquième colonne recrutée par l'impérialisme allemand, les forces ennemies à l'extérieur et à l'intérieur des institutions soviétiques, les trotskistes et boukharinistes, devenus des adversaires irréductibles du léninisme, ainsi que les bureaucrates, ont tous groupé leurs efforts pour renverser ce qu'ils appelaient la direction stalinienne. Le parti a pu écraser à temps ce complot, épurer le parti, l'armée et les institutions soviétiques et créer ainsi les conditions de la victoire sur l'agression nazie.En 1956, lorsqu'il a rejeté publiquement tous les principes léninistes, le traître Khrouchtchev a affirmé qu'en 1936 les classes exploiteuses étaient déjà liquidées et qu'il n'y avait plus de base sociale pour une contre-révolution!Dans son Rapport secret, il prétend: «Même pendant que se déroulait la furieuse lutte idéologique contre les trotskistes, les zinoviévistes, les boukharinistes et les autres, on n'a jamais pris contre eux des mesures de répression extrême. Mais quelques années plus tard, alors que les classes exploiteuses étaient déjà liquidées, que la structure sociale soviétique avait radicalement changé, alors que la base sociale pour des mouvements et les groupes politiques hostiles au Parti s'était extrêmement rétrécie, alors que les adversaires idéologiques du Parti étaient depuis longtemps vaincus politiquement, c'est alors que commença la répression contre eux.»Il s'agit là d'une négation de toute la théorie léniniste sur le maintien des classes et de la lutte de classes sous le socialisme. Est-ce qu'en 1937, les nombreux moyens dont, selon Lénine, l'ancienne bourgeoisie dispose pour combattre le socialisme lui avaient été complètement enlevés? Est-ce que les éléments bourgeois ne s'infiltraient plus dans les institutions soviétiques? Est-ce que la dégénérescence politique des communistes aux postes de direction ne se produisait plus? Est-ce que l'impérialisme ne nouait plus de liens avec l'ancienne bourgeoise et avec les communistes bureaucratisés? Il est certain que tous ces phénomènes négatifs se produisaient à une grande échelle en 1936, comme ils continuèrent à se produire en 1956... et même en 1986. Que la contre-révolution soit encore possible après soixante-dix années de socialisme, est la meilleure preuve qu'il y avait bel et bien une "base sociale" pour les groupes anti-léninistes en 1937, à peine vingt ans après la révolution d'Octobre !

Khrouchtchev attaqua la pratique révolutionnaire de Staline, pour pouvoir officiellement

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enterrer la théorie de Lénine sur la lutte de classes sous le socialisme. Ainsi, Ponomarev écrit en 1964-1967: «La force du système socialiste rend ... vaines toutes les tentatives de l'impérialisme de 'repousser' le socialisme par la voie militaire, de restaurer le capitalisme là où il est liquidé depuis longtemps.» «Actuellement, non seulement en URSS., mais dans les autres pays socialistes, ont été liquidées les bases économiques et sociales d'une 'restauration du capitalisme'. La pratique a confirmé que bien qu'en période de construction socialiste, la résistance des vestiges de la contre-révolution intérieure puisse par moments se renforcer et prendre une forme aiguë, comme ce fut, par exemple, le cas en Hongrie lors du soulèvement contre-révolutionnaire, elle est néanmoins incapable de ressusciter le vieil ordre bourgeois.»La stupidité de cette thèse saute aux yeux. La contre-révolution hongroise de 1956 a mobilisé toutes les anciennes forces fascistes et bourgeoises de la Hongrie, soutenues et encouragées par les révisionnistes à la tête du parti, du genre Imre Nagy.Les impérialismes américain et allemand ont apporté une aide multiforme aux anticommunistes. Le révisionniste Nagy s'affichait trop ouvertement avec les anciens fascistes et les anciens bourgeois; il prônait ouvertement la "neutralité" et le passage dans le camp de l'impérialisme. Si Khrouchtchev avait accepté cela, il aurait été renversé par la gauche du PCUS. Mais après l'écrasement de l'insurrection contre-révolutionnaire, la ligne révisionniste a continué à se développer sous Kadar et les forces contre-révolutionnaires ont perfectionné leurs tactiques. La restauration capitaliste en Hongrie de 1989 a été réalisée par les mêmes forces et sur le même programme que l'insurrection de 1956.En prétendant que la restauration du capitalisme n'était plus possible en 1936 et a fortiori en 1956, Khrouchtchev a liquidé la dictature du prolétariat qui est la question essentielle du marxisme et du léninisme. Ainsi Khrouchtchev a entamé un processus politique qui a réintroduit toutes les conceptions sociales-démocrates, bourgeoises dans le Parti communiste. De cette façon, les révisionnistes ont jeté les bases idéologiques et politiques de la restauration effective du capitalisme par Gorbatchev.