La Revue Du Praticien-Maladies Infectieuses

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  • Maladies infectieusesB 375

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    La paroi recouvre la membrane cytoplasmique, elleconfre sa forme la bactrie et lui permet de rsisteraux pressions osmotiques. Son composant majeur est lepeptidoglycane, macromolcule compose de longueschanes glycaniques, une structure rticule tant obtenuegrce lexistence de ponts peptidiques entre les ttra-peptides (fig. 1).

    Modes daction des antibiotiques

    Antibiotiques inhibant la synthse de la paroi bactrienne

    1. Rappel sur la structure des enveloppes bactriennes et la synthse du peptidoglycaneLes enveloppes bactriennes sont constitues de lamembrane cytoplasmique, de la paroi et, chez les bactries gram ngatif, dune membrane externe. Celle-ci repr-sente une barrire de permabilit importante en parti-culier pour la pntration des antibiotiques. Il sagitdune membrane biologique (double feuillet lipidique)dont le feuillet externe est constitu dune structure trsimpermable, le lipopolysaccharide. Cependant, lapntration des molcules de petite taille et relativementhydrophiles est possible grce aux porines, canaux protiques enchsss dans cette membrane.

    Antibiotiques antibactriensDonnes gnrales sur les modes daction et les mcanismes de rsistance

    DR Jacques TANKOVICService de bactriologie-virologie-hygine, hpital Henri-Mondor et universit Paris-XII, 94010 Crteil Cedex.

    On peut classer les diffrentes familles dantibiotiques en 4 grandes catgories en fonction de leur mode daction : inhibiteursde la synthse de la paroi bactrienne (-lactamines, glycopeptides et fosfomycine);inhibiteurs du fonctionnement des membranes(polymyxines) ; inhibiteurs de synthse ou defonction des acides nucliques (quinolones,rifampicine, sulfamides, trimthoprime,nitro-imidazoles et nitrofuranes); inhibiteurs de la synthse protique (aminosides, macrolides,lincosamides et streptogramines, ttracyclines,phnicoles, acide fusidique, oxazolidinones).

    La rsistance naturelle est intrinsque une espce bactrienne donne alors que la rsistance acquise est propre certainessouches et est sous-tendue par diffrents processus gntiques.

    Les mcanismes biochimiques de rsistancepeuvent tre classs en 4 grandes catgories :inactivation enzymatique de lantibiotique ;impermabilit par altration des membranesbactriennes ; excrtion active; altration de la cible.

    Points Forts comprendre

    Structure simplifie du peptidoglycane de Staphylococcus aureus( : ttrapeptide ; : pentaglycine ; NAM : acide N-actyl muramique ; NAG : N-actyl glucosamine).

    1

    NAM

    NAM

    NAM

    NAM

    NAGNAG

    NAG

    NAG

    NAM

    NAM

    NAM

    NAM

    La synthse du peptidoglycane peut se dcomposer en 3 phases : synthse du prcurseur par une chane enzy-matique intracytoplasmique ; traverse de la membranecytoplasmique laide dun transporteur lipidique ;polymrisation la face externe de la membrane. Il y adabord formation de liaisons osidiques au niveau deschanes glycaniques ou transglycosylation ; ensuite, desractions de transpeptidation ralisent les ponts inter-peptidiques.Ces ractions de transglycosylation et de transpeptidationsont effectues par des enzymes appeles protines liantles pnicillines (PLP). Ce sont en effet les cibles des -lactamines. Elles se situent la face externe de lamembrane cytoplasmique et nexistent pas chez les cellules eucaryotes. Cela explique la toxicit slectivedes -lactamines pour les bactries.

  • 2. -lactaminesCette famille comprend un grand nombre de molcules,la reprsentante la plus ancienne tant une molculenaturelle, la pnicilline G. Toutes partagent une fonctionchimique indispensable lactivit antibiotique, le cycle-lactame. On peut les classer en 4 grands groupes : lespnicillines, les cphalosporines, les carbapnmes(dont limipnme, Tienam) et les monobactames (dontlaztronam, Azactam).Les -lactamines inhibent la dernire tape de la synthsedu peptidoglycane, la formation des ponts interpepti-diques, par blocage des protines liant les pnicillines.La plupart dentre elles ont un degr dhydrophilie etune taille leur permettant de franchir la membrane externedes bactries gram-ngatives par la voie des porines. Les pnicillines G, V (Oracilline) et M (oxacilline,Bristopen) en sont cependant incapables, ce qui expliqueleur absence dactivit sur les bacilles gram-ngatifs. Les -lactamines prsentent une analogie de structureavec un constituant du prcurseur du peptidoglycane, ledipeptide terminal D-alanine-D-alanine (fig. 2), qui estle substrat des transpeptidases. Lantibiotique est ainsicapable de bloquer les transpeptidases en se comportantcomme un substrat-suicide. Leffet direct de cette inhibition est la bactriostase ou inhibition de croissancebactrienne. Lactivit bactricide (mort bactrienne)des -lactamines nest efficace que pour les bactries en phase de croissance et rsulte de la mise en jeu de phnomnes secondaires au blocage des protines liantles pnicillines.

    porines de la membrane externe. Ces antibiotiques ontune activit bactricide sur les bactries sensibles, quiest cependant lente apparatre. Les glycopeptides sont aussi des inhibiteurs de la trans-peptidation. Les molcules de glycopeptide forment unepoche qui permet une interaction strique prcise avec ledipeptide terminal D-alanine-D-alanine du prcurseurdu peptidoglycane selon un modle cl-serrure . Ledipeptide est masqu do linhibition.

    4. Fosfomycine (Fosfocine)Cet antibiotique agit lui au dbut de la synthse du peptidoglycane. Il inhibe une des enzymes intracyto-plasmiques impliques dans la synthse du prcurseur.

    Antibiotiques actifs sur les membranesIl sagit des polymyxines ou polypeptides (polymyxineB et polymyxine E ou colistine, Colimycine).Ces antibiotiques de structure polypeptidique ne sontactifs que sur les bactries gram-ngatives. Leurs ciblessont les membranes lipidiques, la membrane externedabord, puis la membrane cytoplasmique. La fixationdes polymyxines va dsorganiser la structure de cesmembranes et les rendre permables, ce qui aboutit lamort rapide de la bactrie.

    Antibiotiques inhibant la synthse ou le fonctionnement de lADN

    1. Rifampicine ( Rifadine)Lhydrophobie et la taille de la molcule de rifampicineexpliquent son mauvais passage travers la membraneexterne des bacilles gram-ngatifs et donc sa faible activit sur ceux-ci, except les Legionella et lesBrucella. Cest en revanche un antituberculeux majeur.Laction bactriostatique de la rifampicine sexpliquepar une inhibition de lARN polymrase et donc de latranscription de lADN en acide ribonuclique messager(ARNm). La rifampicine est en outre doue dune activit bactricide.

    2. Quinolones Il sagit de molcules synthtiques que lon peut diviseren 2 groupes : les produits les plus anciens, comme lesacides nalidixique (Ngram) et pipmidique (Pipram),actifs uniquement sur certains bacilles gram-ngatifs(essentiellement les entrobactries), et les fluoroquino-lones (ciprofloxacine, Ciflox; norfloxacine, Noroxine ;ofloxacine, Oflocet ; pfloxacine, Pflacine) dont la formule chimique inclut un atome de fluor et qui sontdoues dune activit antibactrienne bien meilleure etdun spectre plus large (quasi-totalit des bactriesgram-ngatives, cocci gram-positifs de type staphylo-coques, bactries intracellulaires). De nouvelles fluoro-quinolones en cours de dveloppement ont un spectreantibactrien encore amlior, avec activit en particuliersur les autres bactries gram-positives et les anarobies.

    A N T I B I OT I Q U E S A N T I B A C T R I E N S

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    H H

    HH

    H

    H

    H

    H

    HH

    N

    N

    O

    O

    O

    O

    R'

    Analogie strique entre la pnicilline G et le dipeptideterminal D-Ala-D-Ala du pentapeptide.2

    3. GlycopeptidesIl sagit de la vancomycine (Vancocine) et de la tico-planine (Targocid).Ce sont des molcules de grosse taille ce qui expliqueleur absence daction sur les bactries gram-ngatives.Elles sont en effet trop volumineuses pour emprunter les

    Pnicilline G Dipeptide D-Ala-D-Ala

    H

    H

    H HH

    H

    H

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    NH

    H

    H

    N

    O

    O

    OS

    OR R

  • 3. Inhibiteurs de la synthse des folates Il sagit des sulfamides et diaminopyrimidines (trim-thoprime, Wellcoprim).Les folates et en particulier lacide ttrahydrofoliquesont utiliss dans de nombreuses ractions biochimiquescomme porteurs de substrats monocarbons. Ils sont ce titre indispensables notamment la synthse desacides nucliques. Or les bactries, la diffrence descellules eucaryotes, ne peuvent assimiler les folates exognes. Les sulfamides et le trimthoprime sont desinhibiteurs comptitifs de la synthse de lacide ttra-hydrofolique. Cette inhibition a pour consquence unediminution des nuclotides utilisables pour la synthsedes acides nucliques et donc un effet bactriostatique.En revanche, lassociation des 2 antibiotiques (trim-thoprime-sulfamthoxazole, Bactrim) est synergique etbactricide, la voie de synthse de lacide ttrahydro-folique tant compltement bloque.

    4. Nitro-imidazolesIl sagit du mtronidazole (Flagyl) et de lornidazole(Tibral).Ces produits, qui sont aussi des antiparasitaires, ont unspectre antibactrien limit aux bactries anarobies et certaines bactries microarophiles (croissant dans uneatmosphre appauvrie mais non dnue doxygne)comme Helicobacter pylori et Gardnerella vaginalis. Lacondition ncessaire leur activit est la rduction intra-bactrienne de leur groupement nitro-. Les bactriesarobies sont incapables deffectuer cette rduction,do leur rsistance naturelle. Les drivs rduits oxydentlADN, au niveau de rgions riches en adnine et thymine,ce qui aboutit des coupures de lADN responsables dela mort rapide de la bactrie.

    5. NitrofuranesCe sont des antibactriens urinaires (nitrofurantone,Furadantine) et intestinaux (nifuroxazide, Ercfuryl)uniquement, car leur diffusion systmique est nulle outrs mauvaise. Leur structure et leur mode daction pr-sentent des similarits avec ceux des nitro-imidazoles :rduction dun groupement nitro- (les bactries arobiestant ici capables deffectuer la rduction), induction delsions de lADN par les drivs rduits.

    Antibiotiques inhibant la synthse protique

    1. Rappel sur la traduction ARNm-protineCelle-ci seffectue au niveau du ribosome bactrien etest dcompose en 3 phases: initiation, longation et terminaison (fig. 4). Au cours de la phase dinitiation, lapetite sous-unit 30S du ribosome et un complexe acideamin-ARN de transfert (ARNt) particulier (formyl-mthionine-ARNt) se fixent au site dinitiation AUGdune molcule dARNm : il y a ainsi formation du complexe dinitiation . Ensuite, la liaison de la grandesous-unit 50S forme le ribosome 70S.

    Cependant, ces nouvelles molcules sont pour lemoment galement plus toxiques que les anciennes.Les quinolones entranent une inhibition rapide de lasynthse de lADN, suivie rapidement par la mort de labactrie. Ces molcules pntrent dans le cytoplasmebactrien par diffusion passive et vont agir sur leur ciblespcifique : lADN-gyrase. Cette dernire fait partie dugroupe des ADN topo-isomrases, enzymes qui modifientle degr de torsion de lADN encore appel surenroule-ment. Or, le contrle prcis du degr de surenroulementde lADN est capital, notamment lors du droulement dela rplication et de la transcription. La gyrase est la seuletopo-isomrase bactrienne capable de surenroulerngativement lADN.Au plan molculaire, lactivit de lenzyme est ATP-dpendante et peut tre dcompose en 3 tapes : formationdune coupure double-brin de lADN ; passage dunautre segment dADN travers la coupure ; rparationde la coupure. Aprs la premire phase, lADN et lagyrase sont lis de manire covalente. La cible des quinolones est justement ce complexe covalent ADN-enzyme normalement transitoire mais qui est stabilispar lantibiotique (fig. 3). Ce complexe va inhiber lasynthse de lADN et donc la croissance bactrienne enbloquant la progression sur lADN de lADN-polymrase.Les quinolones sont en fait capables dinhiber, par lemme mcanisme, une deuxime topo-isomrase,lADN topo-isomrase IV, dont le rle physiologique estla dcatnation, cest--dire la sparation des 2 ADN filsen fin de rplication. Les quinolones possdent donc 2 cibles intracellulaires. Laction bactricide des quino-lones est encore mal comprise, elle est lie lactivationde certaines synthses protiques.

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    Mcanisme daction des quinolones. La sous-unit A de lADN-gyrase, ainsi que le domaine C-terminal de la sous-unit B, sont impliqus dans la ractionde coupure-refermeture de lADN, alors que le domaine N-terminal de la sous-unit B porte lactivit ATPasique. Lesquinolones (reprsentes par des cercles) bloquent le cycleenzymatique ltat de complexe de clivage (complexe covalentADN-gyrase au niveau de la coupure double-brin de lADN).

    3

    A A

    B B

    ATP ATP

    ADN

  • Vient alors la phase dlongation, o les acides aminssincorporent de faon squentielle. Cette phase est elle-mme divise en 3 tapes : reconnaissance, transfertpeptidique et translocation. Dans ltape de reconnais-sance, une molcule dacide amin-ARNt se fixe au siteA du ribosome (site accepteur), la nature de lacideamin tant dtermine par le codon prsent au site A.Ensuite vient ltape de transfert du peptide en formation(activit peptidyl-transfrase), du site P (site peptidyl)vers le site A: la chane peptidique est allonge duneunit. Enfin, ltape de translocation ramne le peptidedu site A au site P. Ce processus dincorporation des acides amins se rptejusqu ce quun codon de terminaison soit reconnu surlARNm. Il y a alors libration du peptide, sparation duribosome et de lARNm et dissociation des 2 sous-units.

    2. AminosidesCe sont des antibiotiques large spectre, les molculesles plus utilises tant la gentamicine (Gentalline), lantilmicine (Ntromicine) et lamikacine (Amiklin). Leribosome est leur cible principale mais les aminosidesont en fait des effets pliotropes sexerant aussi au

    niveau des membranes externe et cytoplasmique et du complexe dinitiation de la rplication de lADN.Pour accder au ribosome, leur principal obstacle est lamembrane cytoplasmique. En effet, les aminosides sontdes molcules de petite taille, mais trs hydrophiles. Ilsne peuvent traverser les lipides de la membrane par diffusion passive mais par un processus requrant delnergie. Deux phases successives nergie-dpendantes(EDP pour Energy Dependent Phase) sont individualises.La phase EDP I consiste en une accumulation lente etaboutit un effet bactriostatique. Lors de la phase EDPII, les aminosides saccumulent rapidement et provo-quent un effet bactricide. Les concentrations lint-rieur de la cellule bactrienne sont alors environ 100 foisplus leves que celles du milieu extrieur. Labsence de ce transport actif chez les bactries anarobiesstrictes et les streptocoques-entrocoques explique leurrsistance naturelle aux aminosides par impermabilit.Cependant, dans le cas des streptocoques-entrocoques,lassociation avec une -lactamine restaure lactivit desaminosides (en labsence dune rsistance par inactivationsurajoute, voir chapitre sur les mcanismes de rsistance).En effet, la -lactamine, en dsorganisant les enveloppesbactriennes, permet lentre des aminosides dans lecytoplasme.La fixation des aminosides sur des sites multiples auniveau du ribosome (sous-unit 30S surtout) engendredes distorsions de la structure densemble de celui-ci eten consquence inhibe toutes les tapes de la traduction.Il y a de plus synthse de protines anormales en raisonde nombreuses erreurs de lecture du code gntiqueinduites par les aminosides. linverse des autres antibiotiques inhibiteurs des synthses protiques, les aminosides ont une activitbactricide rapide et puissante. Celle-ci est en grandepartie due une perte de lintgrit fonctionnelle de lamembrane cytoplasmique, en raison notamment de lincorporation membranaire de protines anormales.Cette altration membranaire entrane en particulier uneaugmentation majeure de laccumulation intracyto-plasmique des aminosides (cest la phase EDP II),aboutissant un blocage complet de la traduction.

    3. Ttracyclines (dont doxycycline, Vibramycine)Ces antibiotiques ont une action essentiellement bactrio-statique, leur spectre antibactrien est large (mais lesrsistances acquises sont frquentes) et comprend en par-ticulier les bactries intracellulaires comme les Chlamydiaet les mycoplasmes. Ils pntrent dans la bactrie par dif-fusion passive. Lantibiotique se lie ensuite de faonrversible la sous-unit 30S du ribosome, proximitdu site A. La prsence de ttracycline ce niveau bloqueltape de reconnaissance de la phase dlongation.

    4. Macrolides, lincosamides, streptogramines(MLS) Il sagit des macrolides dont lrythromycine (Erythro-cine), des lincosamides (clindamycine, Dalacine) et dessynergistines (pristinamycine, Pyostacine) ou MLS.

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    P A30S

    50S f-Met - ARNt

    Site AUG

    ARNm 3'5'

    A - Initiation

    P AP AP A

    AA - ARNt

    Reconnaissance Transfert peptidique Translocation

    3'5'

    B - longation

    Reprsentation schmatique de la traduction (biosynthseprotique) chez les bactries.4

    P A3'5'

    Polypeptide Polypeptide

    Site UAA (ou UAG ou UGA)C - Terminaison

  • Il peut dabord sagir de mutations chromosomiquesponctuelles, qui gnralement vont se traduire par unealtration de la cible dun antibiotique et donc par uneperte daffinit antibiotique-cible. Certains antibiotiquesexposent plus particulirement au risque de slection demutants rsistants, surtout lorsquils sont utiliss enmonothrapie : quinolones, rifampicine, fosfomycine,acide fusidique.Un second mcanisme est lintgration dans le chromo-some de la bactrie dun fragment de chromosomedune autre espce bactrienne (taxonomiquementproche) et donc de gnes (ou de portions gniques)trangers. Cela se traduit aussi gnralement par unealtration de la cible dun antibiotique. La bactrie peut aussi acqurir des gnes de rsistanceaux antibiotiques par lintermdiaire dlments gntiquesmobiles, les plasmides et les transposons. Les plasmidesse rpliquent de faon autonome, ce qui nest pas le casdes transposons. Ceux-ci doivent donc sintgrer soitdans le chromosome bactrien, soit dans un plasmidepour tre rpliqus. Ils ont par ailleurs une facult detranslocation facile dun endroit du chromosome unautre ou bien du chromosome un plasmide. Les plasmideset les transposons se propagent souvent rapidementdune bactrie une autre, parfois mme appartenant une espce diffrente, ce qui explique leur rle trsimportant dans la dissmination des rsistances bact-riennes (on parle de rsistances transfrables).Enfin, des lments dintgration pour les gnes dersistance aux antibiotiques, appels intgrons, ont tdcrits dans le chromosome bactrien de trs nombreusesespces. Ces lments se comportent comme des pointschauds de recombinaison permettant lintgration etlexpression regroupes de plusieurs gnes de rsistanceaux antibiotiques. Ces intgrons jouent galement unrle important dans la dissmination des rsistances.Au niveau biochimique, on peut distinguer 4 grandsmcanismes de rsistance : linactivation enzymatique,limpermabilit par altrations des membranes bact-riennes, la promotion dun efflux de lantibiotique horsde la bactrie et enfin laltration de la cible de lanti-biotique conduisant un dfaut daffinit. La mme bactrie peut cumuler diffrents mcanismes de rsistance un antibiotique donn, cela conduisant gnralement un haut niveau de rsistance.

    Inactivation enzymatique

    1. -lactamasesCes enzymes agissent en ouvrant le cycle -lactame et sont les principales responsables de la rsistance aux-lactamines dans le monde bactrien en gnral.Cependant, des inhibiteurs de -lactamases, commelacide clavulanique, le tazobactam ou le sulbactam, ontt dcouverts et sont utiliss gnralement en associationavec une -lactamine: amoxicilline-acide clavulanique(Augmentin) ; pipracilline-tazobactam (Tazocilline).Dune faon gnrale, les -lactamases diffrent parleur spectre dactivit et leur sensibilit aux inhibiteurs.

    Ces 3 groupes dantibiotiques ont une structure chimiquediffrente mais un spectre antibactrien (bactries gram-positives, cocci gram-ngatifs, Chlamydia, myco-plasmes, certains bacilles gram-ngatifs : Legionella,Campylobacter, Helicobacter) et un mcanisme dactionsimilaires. Labsence dactivit sur les autres bacillesgram-ngatifs sexplique par leur incapacit franchirla membrane externe, en raison notamment de leurhydrophobie. Les macrolides et les lincosamides sont dous duneactivit antibactrienne qui est le plus souvent uniquementbactriostatique. Les synergistines, encore appelesstreptogramines, sont quant elles formes de 2 compossbactriostatiques, A et B, mais qui sont synergiques,do une action bactricide de lassociation.Ces molcules se fixent sur la sous-unit 50S, en parti-culier au niveau dune portion bien prcise de lARNribosomal 23S. La fixation se situe au voisinage du siteP et conduit un arrt de llongation par inhibition dutransfert peptique.

    5. Phnicoles : chloramphnicol et thiamphnicol (Thiophnicol)Leur spectre antibactrien est large et leur action le plussouvent bactriostatique. Le mode daction du chloram-phnicol est proche de celui des MLS : il se fixe sur lasous-unit 50S au niveau de lARN ribosomal 23S, proximit des sites de liaison pour les antibiotiques de lafamille des MLS et inhibe llongation en empchant letransfert peptidique.

    6. Acide fusidique (Fucidine)Il sagit dun antibactrien de nature strolique, donchydrophobe, cela explique sa mauvaise activit sur lesbacilles gram-ngatifs. Il est utilis avant tout commeantistaphylococcique. Lacide fusidique bloque llon-gation de la traduction au niveau de la phase de translo-cation du peptide.

    7. OxazolidinonesUn reprsentant de cette famille, le linzolide, doit trecommercialis prochainement. Son spectre antibactrienest limit aux bactries gram-positives. La rsistancenaturelle des bactries gram-ngatives est lie uneexcrtion active de lantibiotique. Les oxazolidinonesinhibent la synthse protique un stade trs prcoce :elles empchent la formation du complexe dinitiationen se fixant sur la grande sous-unit 50S.

    Mcanismes de rsistance aux antibiotiques

    Bases gntiques et biochimiques

    Les antibiotiques ayant par dfinition la vocation dli-miner les bactries, ils exercent forcment une pressionde slection majeure. Les bactries ont donc dveloppde multiples mcanismes de variabilit gntique leurpermettant de survivre.

    Maladies infectieuses

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  • Plusieurs espces de bacilles gram-ngatif sont naturel-lement rsistantes certaines -lactamines en raison dela production intrinsque dune -lactamase chromoso-mique caractristique de lespce (tableau I). Mais les -lactamases sont surtout trs largement impliquesdans la rsistance acquise aux -lactamines, principalementdes bactries gram-ngatives (tableau II), mais aussi decertaines bactries gram-positives comme par exempleStaphylococcus aureus. Plus de 90 % des souches cliniques de cette espce hbergent un plasmide codantune pnicillinase. Ces souches pnicillinase + restentcependant sensibles aux pnicillines M (oxacilline,Bristopen) et aux associations pnicilline-inhibiteur.2. Enzymes modificatrices des aminosides Elles sont capables deffectuer lune de ces 3 ractionschimiques : actylation, nuclotidylation ou phosphory-lation. Quelques espces bactriennes produisent natu-rellement une telle enzyme modificatrice. Cependant, laplupart des enzymes dcrites sont dorigine plasmidiqueou transposable et sont donc responsables dune rsistanceacquise aux aminosides. Linactivation enzymatique estle mcanisme le plus frquent de rsistance acquise auxaminosides. Ces enzymes modificatrices diffrent entreelles, comme dans le cas des -lactamases, par leurspectre dactivit, donc par les phnotypes de rsistancequelles entranent. Chez les bactries gram-positives,ce sont la gentamicine (Gentalline) et la ntilmicine(Ntromicine) qui sont le moins frquemment touchespar la rsistance, alors que ce sont lamikacine(Amiklin) et lispamicine (Ispalline) qui sont lesmoins touches chez les bactries gram-ngatives.

    Altrations des membranes bactriennes

    Chez les bactries gram-ngatives, des mutations chromosomiques peuvent conduire la perte ou laltration de certaines porines de la membrane externe,avec pour consquence habituellement une rsistancecroise plusieurs familles dantibiotiques (certaines -lactamines, chloramphnicol, ttracyclines, quino-lones, trimthoprime). Cela se voit notamment chez certains genres dentrobactries hospitalires commeles Klebsiella, les Enterobacter et les Serratia ainsi quechez Pseudomonas ruginosa ou bacille pyocyanique.De plus, dans cette dernire espce, la rsistance limi-pnme (Tienam), qui touche environ 15 % des souchesen France, sexplique par un dficit en une porine, laporine D2, qui a un rle spcifique dans la pntrationde limipnme. Chez le bacille pyocyanique toujours,la rsistance croise lensemble des aminosides parimpermabilit se rencontre de faon non exceptionnelle.

    Efflux actif

    La rsistance par efflux actif est largement prsente chezles bacilles gram-ngatifs : entrobactries et surtoutbacille pyocyanique. Elle se caractrise par une rsistancesouvent croise pour de nombreux antibiotiques (certaines-lactamines, fluoroquinolones, ttracyclines, chloram-

    A N T I B I OT I Q U E S A N T I B A C T R I E N S

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    Espce bactrienne Caractristiques de la -lactamase

    Klebsiella Pnicillinase avec hydrolyse Citrobacter diversus des aminopnicillines (amoxicilline,

    Clamoxyl) et des carboxypnicillines (ticarcilline, Ticarpen) mais pas des cphalosporines

    Expression constitutive (en permanence) bas niveau

    Sensibilit aux inhibiteurs de -lactamase

    Entrobactries : Cphalosporinase avec hydrolyse Citrobacter freundii des aminopnicillines Enterobacter et des cphalosporines de 1re voireMorganella de 2e gnrationProteus indole +*Providencia Expression inductible (dclenche Serratia par la mise en prsence avec Autres bacilles une -lactamine inductrice)gram-ngatifs :Pseudomonas Rsistance aux inhibiteurs ruginosa de -lactamaseAcinetobacter baumannii Possibilit de slectionner

    des mutants hyperproducteurs constitutifs (voir tableau II)

    Yersinia Phnotype mixte avec hydrolyse enterocolitica des aminopnicillines,

    des carboxypnicillines,des cphalosporines de 1reet 2e gnrations

    Sensibilit aux inhibiteurs de -lactamase

    Bacteroides fragilis Cphalosporinase avec hydrolyse et espces des aminopnicillines et de toutes apparentes les cphalosporines lexception

    de certaines cphalosporines de 2e gnration, les cphamycines (cfoxitine, Mefoxin et cfottan,Apacef)

    Sensibilit aux inhibiteurs de -lactamase

    * cest--dire lensemble des Proteus except Proteus mirabilis.

    Rsistance naturelle aux -lactaminespar production de -lactamase

    chromosomique chez les bacilles gram-ngatifs

    TABLEAU I

  • phnicol, trimthoprime), comme cest le cas pour larsistance par altration de porine. En fait, les 2 mca-nismes (efflux actif et altration de porines) sont le plussouvent associs, cela conduisant un dficit importantdaccumulation de lantibiotique. Lefflux actif existe aussi chez les bactries gram positives :la rsistance aux fluoroquinolones de S. aureus et dupneumocoque peut tre due un tel mcanisme, demme pour la rsistance aux macrolides chez les staphylocoques, le pneumocoque et le streptocoque A.

    Altration de la cible de lantibiotique

    1. -lactaminesLa rsistance aux -lactamines par altration des protinesliant les pnicillines est surtout vue chez les bactriesgram-positives. Les modifications des protines liant lespnicillines peuvent tre de nature qualitative ou quanti-tative. En cas de modification qualitative, il y a incorpo-ration dans le chromosome de matriel gntique tranger.Les 2 meilleurs exemples sont les rsistances observeschez S. aureus et chez le pneumocoque. Chez S. aureus, la rsistance aux pnicillines du groupeM (oxacilline, Bristopen), qui reprsentent environ untiers des souches isoles lhpital, sexplique par lac-quisition dune nouvelle protine liant les pnicillines,la PLP2a. Cette protine, capable elle seule de catalyserla synthse du peptidoglycane, est code par le gnemecA qui est dorigine exogne et provient trs proba-blement dune espce de staphylocoque coagulasengative. La PLP2a prsente trs peu daffinit pourlensemble des -lactamines, do une rsistance croise.Chez le pneumocoque de sensibilit diminue aux -lactamines, dont la frquence est en augmentationconstante et reprsente actuellement environ un tiers dessouches en France, il y a synthse dune ou de plusieursprotines liant les pnicillines mosaques (prsentantune affinit diminue pour les -lactamines) par recombi-naison des gnes de protines liant les pnicillines avecdes gnes homologues dautres espces de streptocoques.Les modifications quantitatives des protines liant lespnicillines se rencontrent par exemple chez les entro-coques. Ces bactries nont, intrinsquement, quunesensibilit modre aux -lactamines car certaines deleurs protines liant les pnicillines sont daffinit rduitepour les -lactamines. De plus, certaines souches sontcapables dhyperproduire ces protines pour devenircette fois franchement rsistantes.

    2. GlycopeptidesCes molcules sont trs importantes dans le traitementdes infections dues aux bactries gram-positives, carelles restent habituellement actives sur les souches multirsistantes notamment de S. aureus rsistant lamticilline (SARM) et dentrocoques. Ce nest quaprs 30 ans dutilisation quune rsistanceacquise ces produits est apparue, en 1987, chez lesentrocoques. Cette rsistance des entrocoques estdevenue relativement frquente et donc proccupante

    Maladies infectieuses

    431L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

    Type de -lactamase Caractristiques

    Pnicillinases Rsistance transfrableplasmidiques Expression habituellement

    constitutive et de haut niveauRsistance aux pnicillines et un moindre degr aux cphalosporines de 1re et de 2e gnrationsSensibilit aux inhibiteurs de -lactamaseRsistance transfrableEnzymes drives des prcdentes par mutation(s) avec substitution(s)dacide amin entranant une perte de la sensibilit aux inhibiteurs de -lactamaseRsistance transfrableEnzymes drives des pnicillinasesplasmidiques par mutation(s) avec substitution(s) dacide amin entranant une hydrolyse des cphalosporines de 3e gnration (C3G) : cfotaxime, Claforan ; ceftriaxone, Rocphine ; ceftazidime, Fortum

    Rsistance non transfrableMutation dans le gne rgulateur de la scrtion de cphalosporinasechromosomique (voir tableau I) conduisant une hyperproduction constitutive avec hydrolyse des cphalosporines de 3e gnration

    Rsistance transfrableAcquisition de plasmides codant des -lactamases apparentes aux cphalosporinases chromosomiquesExpression haut niveau avec hydrolyse des cphalosporines de 3e gnration

    Hydrolyse de limipnme(Tienam) ; dcrit chez des souches isoles de Enterobacter et Serratia :cphalosporines de 3e gnration non touches; dcrit aussi chez P. ruginosa au Japon : hydrolyse de toutes les -lactamines

    Rsistance acquise aux -lactaminespar production de -lactamase

    chromosomique chez les bactries gram-ngatives

    TABLEAU I

    Pnicillinases plasmidiques de type IRT (pour InhibitorResistant TEM )

    -lactamases plasmidiques spectre tendu

    Cphalosporinaseshyperproduites(encore appelesdrprimes)

    Cphalosporinasesplasmidiques (rares)

    Carbapnmases(trs rares)

  • dans certains pays, comme les tats-Unis. Ce nest pasle cas en France mais des situations pidmiques sontcependant possibles. Les entrocoques rsistants ontacquis un opron de gnes trs sophistiqu leur permettantde modifier la structure du prcurseur du peptidoglycane.Lextrmit D-alanine-D-alanine, cible des glycopeptides,est remplace par un motif sans affinit pour ceux-ci, leplus souvent D-alanine-D-lactate. Le caractre facilementtransfrable, par le biais de plasmides, de cette rsistance(dentrocoque entrocoque de mme espce ou non etmme dautres genres bactriens) explique son importantpotentiel de dissmination.Jusqu ces dernires annes, la rsistance la vanco-mycine nexistait pas chez S. aureus et tait franchementexceptionnelle chez les staphylocoques coagulasengative. La rsistance isole la ticoplanine taitconnue (de mcanisme inexpliqu) mais rare chez lesstaphylocoques coagulase ngative. Depuis 1997, un phnomne nouveau et trs inquitantpour lavenir est apparu, lmergence de souches de staphylocoques et surtout de S. aureus rsistant lamticilline prsentant une sensibilit diminue aux glyco-peptides (souches dites GISA, pour glycopeptide interme-diate Staphylococcus aureus). La frquence de ce phno-mne, son potentiel de dissmination et son influence surlefficacit du traitement restent valuer prcisment. Lemcanisme impliqu est compltement diffrent de celuidvelopp par les entrocoques. Il sagit apparemmentdun pigeage des glycopeptides au niveau des parties lesplus externes du peptidoglycane, les empchant ainsi datteindre leur cible, le peptidoglycane en formation enregard de la membrane cytoplasmique.

    3. QuinolonesLe principal mcanisme de rsistance ces antibiotiquesconsiste en la survenue dune ou de plusieurs mutationschromosomiques dans les gnes qui codent les enzymes-cibles, lADN-gyrase (gnes gyrA et gyrB) et lADN topo-isomrase IV (gnes parC et parE). Ces mutations se tra-duisent par une substitution dacide amin au niveau dergions critiques de lenzyme pour la fixation de lanti-biotique et conduisent une perte daffinit. Plusieursmutations peuvent sadditionner dans une mme souche(mutations dans les gnes de topo-isomrases, mais aussimutations conduisant soit une altration de permabilitou un efflux actif), cela allant gnralement de pair avecune lvation du niveau de rsistance.Les bases gntiques de la rsistance aux quinolonesconsistent donc en la survenue de mutations chromoso-miques. Cependant, un cas isol de rsistance plasmi-dique et transfrable aux quinolones a t rcemmentdcrit chez une souche dentrobactrie (Klebsiella).4. Macrolides, lincosamides, streptogramines(MLS) Laltration de la cible est le mcanisme de rsistance auxmacrolides, lincosamides, streptogramines le plus fr-quent, il est largement rpandu dans les diffrents genresbactriens naturellement sensibles. Les bactries rsis-tantes ont acquis un gne, port par un plasmide ou un

    transposon, codant pour une mthylase. Celle-ci va dimthyler une adnine de la rgion de lARN riboso-mal 23S faisant partie du site actif des macrolides, des lin-cosamides et du facteur B des synergistines. Les souchesproductrices de mthylase prsentent donc gnralementun phnotype de rsistance croise pour ces 3 classesdantibiotiques, que lon appelle phnotype MLSB. Larsistance nest cependant pas croise quand 2 conditionssont runies : la mthylase nest pas produite de faonconstitutive (cest--dire en permanence), mais de faoninductible (cest--dire normalement rprime et induitepar la mise en prsence avec lantibiotique) ; seuls certainsantibiotiques de la famille des MLS sont inducteurs. Lemeilleur exemple est la rsistance inductible aux MLS deS. aureus, o seuls les macrolides 14 (rythromycine,Erythrocine ; roxithromycine, Rulid ; clarithromycine,Zeclar) et 15 atomes de carbone (azithromycine,Zithromax) sont touchs (car seuls inducteurs de la production de mthylase). En revanche, les macrolides 16 atomes (spiramycine, Rovamycine; josamycine,Josacine), les lincosamides et le facteur B des synergis-tines restent actifs sur ces souches. Les synergistines conservent gnralement leur activitsur les souches rsistantes au facteur B par production demthylase, car le facteur A nest pas touch par la rsistanceet la synergie entre les 2 facteurs est habituellementconserve.

    A N T I B I OT I Q U E S A N T I B A C T R I E N S

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    Les -lactamines et les glycopeptides ont uneaction bactricide, ils inhibent la dernire tapede la synthse du peptidoglycane, la formationdes ponts peptiques. La rsistance aux -lactaminesest essentiellement lie la scrtion de -lactamaseschez les bactries gram ngatif, laltrationdes protines liant les pnicillines (PLP) est un second mcanisme au moins aussi importantchez les bactries gram-positives.

    Parmi les antibiotiques inhibant la synthseprotique, les aminosides sont les seuls dousdune activit bactricide puissante. La rsistance aux aminosides est essentiellementdue lacquisition denzymes modificatrices.

    Les quinolones sont bactricides et bloquent le fonctionnement de 2 ADN topo-isomrasesbactriens, la gyrase et la topo-isomrase IV. La rsistance est le plus souvent lie la modification par mutation de la structurede ces enzymes avec perte daffinit.

    Points Forts retenir

    Berche P,Gutmann L,Levy Y.Antibiotiques.Med Thera 1997;hors srie no 1.Courvalin P, Philippon A. Mcanismes biochimiques de la rsistancebactrienne aux agents antibactriens. In : Le Minor L,Veron M(eds). Bactriologie mdicale. Paris : Flammarion, 1989 ; 332-55.Courvalin P, Drugeon H, Flandrois JP, Goldstein F. Bactricidie :aspects thoriques et thrapeutiques. Paris : Maloine, 1990.

    POUR EN SAVOIR PLUS

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    Choc septiquetiologie, physiopathologie, diagnostic, traitement

    DR Ghislaine LELEU, DR Lilia SOUFIR, PR Benot SCHLEMMERService de ranimation mdicale, hpital Saint-Louis, 75475 Paris cedex 10.

    Le choc septique est une complication des infectionsacquises en ville (communautaire) ou lhpital (noso-comiale). Il reprsente environ 3% des admissions enranimation et sa mortalit est estime 45%. Il ncessi-te une prise en charge rapide en ranimation. Il a tdfini de faon consensuelle par un certain nombredexperts comme lassociation dune hypotension art-rielle persistante aprs un remplissage vasculaire, designes cliniques et biologiques tmoignant dune dys-fonction dorganes et de signes dinfection.

    tiologie

    La prsence dun micro-organisme dans le sang ou lintrieur dun tissu habituellement strile va induirechez lhte une rponse inflammatoire qui dfinit lin-fection. Le choc septique est lexpression clinique laplus grave de cette rponse inflammatoire divise sch-matiquement en trois stades. Ceux-ci correspondent lvolution dun mme processus physiopathologique :sepsis non svre, sepsis svre et choc septique (voir :Pour approfondir 1). Toutes les infections ne progres-sent pas vers un tat de choc. Linstauration rapide duntraitement anti-infectieux et (ou) les dfenses naturellesde lorganisme permettent le plus souvent de les jugulerds le stade de sepsis non svre. Dans certains cas, linverse, lvolution pjorative peut tre extrmementrapide et le patient peut prsenter des signes de chocavant mme que linfection ait pu tre diagnostique.Les germes en cause sont tout autant les bactries gram-ngatives (Escherichia coli, mningocoque...) quegram-positives (staphylocoque, streptocoque, pneumo-coque...). Il sagit plus rarement des levures, champi-gnons, virus ou protozoaires (Plasmodium falciparum).Lvnement initiateur de la rponse inflammatoire estla libration par le micro-organisme dun certainnombre de substances. Il peut sagir de dbris de paroi(peptidoglycane des bactries gram-positives, acide tei-choque...), dexotoxines (produites par les bactriesgram-positives) ou dendotoxines (lipopolysaccharidesde la paroi des bactries gram-ngatives). Ces diffrentsproduits ont une cible humorale : activation du compl-ment avec libration de C3A et du C5A et du facteur XII(facteur de contact). Ils activent galement les mono-cytesmacrophages et entranent une libration descytokines (TNF, IL1, IL6, IL8...). Une rponse adapte la dfense anti-infectieuse permet une radication ou unarrt de la croissance du micro-organisme et la neutrali-sation dventuelles toxines. La rponse devient inadap-te lorsquelle dpasse ce simple objectif, que la cascadeinflammatoire samplifie et perd ses mcanismes dau-torgulation. Les diffrents mdiateurs induisent alorsdes lsions cellulaires et tissulaires responsables de lap-parition des signes cliniques et biologiques du sepsissvre et du choc septique. Les raisons pour lesquellesla rponse une infection peut voluer vers la constitu-tion dun choc septique ne sont pas parfaitement com-

    La libration, par un micro-organisme infectant, duncertain nombre de substances (lipopolysaccharide, exo-toxine...) induit chez lhte infect une rponse inflam-matoire qui aboutit la production de mdiateurs, res-ponsables des signes cliniques et biologiques observs aucours des tats septiques et dont la finalit est daider lradication du foyer infectieux. Dans certains cas, lac-tivation en cascade des mdiateurs (par exagration de larponse inflammatoire) va tre responsable de lappari-tion de lsions conduisant la constitution dun tat dechoc septique. Ces diffrents mdiateurs sont responsables dunevasodilatation des territoires artriels et veineux et dunehyporactivit aux agonistes vasoconstricteurs aboutis-sant une vasodilatation et une hypovolmie. cetteatteinte vasculaire priphrique sassocient des anoma-lies de distribution des dbits sanguins rgionaux et uneatteinte de la microcirculation qui gnrent une altra-tion des capacits tissulaires dextraction de loxygnealors mme que ltat septique induit une augmentationde sa consommation. La traduction clinique va tre lap-parition dune hypotension et dun certain nombre dedysfonctions dorganes traduisant une hypoxie tissulaire. Les dfinitions des tats septiques telles quelles sontactuellement proposes ne doit pas faire perdre de vuequil sagit de lvolution dun mme processus patholo-gique voluant vers la gravit. Ainsi, lapparition designes de dysfonction dorganes ou plus simplement demarbrures cutanes doivent faire lobjet dune prise encharge rapide, avant mme lapparition dune hypoten-sion artrielle.

    Points Forts comprendre

  • prises. Dans certains cas, on peut voquer la virulenceparticulire dun germe. Mais le mme agent infectieuxne produira pas ncessairement les mmes effets chezdes sujets diffrents et il existe vraisemblablement uneprdisposition gntique de lhte.

    Physiopathologie

    Ltat infectieux augmente les besoins tissulaires enoxygne. La couverture normale de ces besoins faitintervenir une augmentation de lapport en oxygne ausein des diffrents organes et une augmentation de l'ex-traction de loxygne par les tissus. Laugmentation delapport en oxygne ncessite donc une augmentationdu dbit cardiaque par le biais dune augmentation de lafrquence cardiaque. Lintrication de perturbations cir-culatoires, endothliales et mtaboliques, induites parles mdiateurs prcdemment cits va entraver cetterponse et aboutir la constitution de ltat de choc sep-tique caractris par une vasodilatation, une altrationdes capacits dextraction de loxygne et une dysfonc-tion myocardique.

    1. Vasodilatation

    La vasoplgie est constamment observe au cours destats septiques et du choc septique. Elle est la consquencedune attente vasculaire priphrique et sassocie unehyporactivit aux agonistes vasoconstricteurs endognes.Laltration du tonus vasculaire serait lie laugmenta-tion de la production du monoxyde dazote mdie par laL-arginine. La diminution des rsistances vasculaires pri-phriques, associe des troubles de la permabilit capil-laire, aboutit la constitution dune hypovolmie efficacedont la rsultante clinique est une hypotension.

    2. Altration des capacits dextractionde loxygne

    Ce dfaut dextraction priphrique de loxygne est enrapport avec des perturbations de la distribution du dbitsanguin entre les diffrents organes et au sein dunmme organe. Il existe, en effet, une diminution de laperfusion des territoires msentriques et musculo-cuta-ns au profit des territoires cardiaques et crbraux.Cette disparit des dbits rgionaux est amplifie parune altration de la microcirculation dans chaque orga-ne. Celle-ci rsulte dune augmentation de la permabi-lit micro-vasculaire (responsable ddme interstitiel),de lsions tissulaires et endothliales induites par lesdiffrents mdiateurs. Lensemble de ces phnomnesest responsable dune anomalie de lutilisation tissu-laire de loxygne et donc d'une hypoxie tissulaire.3. Dysfonction myocardiqueEn rponse linfection, la vasodilatation systmiqueest habituellement suivie dune augmentation du dbit

    cardiaque par lintermdiaire du barorflexe. Cest ceque lon observe au cours du sepsis ou du sepsis svre.Au cours du choc septique, il existe une dpression de lafonction systolique ventriculaire. Elle serait induite pardes mdiateurs librs au cours de linflammation(endotoxines et TNF). Cette dysfonction myocardiquesemble tre prcoce, mais elle est initialement masquepar lhypovolmie qui exerce un effet favorable sur lafonction ventriculaire gauche en diminuant la post-char-ge. Au cours de lvolution du choc, latteinte myocar-dique compromet les possibilits dlvation du dbitcardiaque et limite donc les possibilits daugmenter ladlivrance en oxygne. Elle participe ainsi lhypoten-sion et lhypoxie tissulaire.

    Diagnostic

    lments du diagnostic

    Le choc septique se caractrise par une hypotensionartrielle et des signes cliniques et biologiques de dys-fonctions dorganes et dinfection.

    1. Signes gnraux dtat septique

    Ils comprennent lhyperthermie (> 38C) ou lhypother-mie (< 36C), la tachypne (frquence respiratoire >20/min), la tachycardie (> 90/min), lhyperleucocytose(> 12 000/mm3) ou la leucopnie (< 4 000/mm3).

    2. Manifestations cardiovasculaires

    Lhypotension (< 90 mmHg) ou la rduction de la pres-sion artrielle systolique de plus de 40 mmHg par rap-port aux valeurs habituelles (en labsence dautre causedhypotension) est initialement la consquence de lhy-povolmie relative induite par la vasoplgie. Cest lapersistance de cette hypotension aprs un remplissagevasculaire qui dfinit ltat de choc septique.

    3. Signes cliniques et biologiques de dysfonctiondorganes

    Ils sont la consquence de lhypoxie tissulaire et destroubles de la microcirculation. Tous les organes peu-vent tre touchs, mais lintensit des symptmes estvariable, notamment lorsque le patient est vu prcoce-ment. Ces dysfonctions dorganes peuvent aboutir unsyndrome de dfaillance multiviscrale (SDMV), vo-luant pour son propre compte malgr le contrle dufoyer infectieux initial. Les manifestations cutanes sont souvent prcoces ettmoignent dune redistribution du dbit sanguin versdautres territoires. Il sagit dune diminution de tempsde recoloration cutane, de marbrures des extrmits,des genoux ou gnralises. Elles peuvent prcder la

    Maladies infectieusesB 127

    2173L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

  • chute de la tension artrielle et tre initialement rgres-sives au cours du remplissage vasculaire. Latteinte neurologique peut se traduire par une agita-tion, une confusion ou un coma. Latteinte rnale est initialement la consquence dunehypoperfusion. Elle se traduit cliniquement par une oli-gurie et biologiquement par une insuffisance rnalefonctionnelle.Une ncrose tubulaire apparat secondairement. Latteinte pulmonaire ralise parfois un tableau de syn-drome de dtresse respiratoire aigu (SDRA) en rapportavec un dme lsionnel (voir : Pour approfondir 2). Latteinte de la muqueuse digestive peut tre respon-sable de lsions ulcreuses gastriques et dischmiemsentrique. Les anomalies biologiques :- llvation de la lactatmie est le reflet de lhypoxietissulaire (mtabolisme anarobie) et de linhibition dela pyruvate dshydrognase du cycle de Krebs, induitepar lendotoxine. Son apparition tmoigne du passagedune situation adapte un tat septique la phase dechoc septique. Son importance est un facteur pronos-tique pjoratif ;- les anomalies de lhmostase sont le plus souvent lefait dune coagulation intravasculaire dissmine(CIVD) ;- latteinte hpatique est initialement et essentielle-ment biologique : lvation des phosphatases alcalineset des transaminases. Secondairement, un ictre peutapparatre, et plus tardivement une insuffisance hpa-tocellulaire ;- une dysrgulation glucidique avec hyperglycmie etrsistance linsulinothrapie est frquente ;- il existe une augmentation du catabolisme protidiqueavec hypoalbuminmie par redistribution vers lesespaces extravasculaires, et diminution de sa synthsesous laction de lIL1 au profit de la synthse des pro-tines inflammatoires.

    tude hmodynamique

    Lorsquil est pratiqu, le cathtrisme cardiaque droit (parsonde de Swan-Ganz) met en vidence un profil hmody-namique assez caractristique retrouvant : un syndromehyperkintique avec index cardiaque lev (> 3,2 L/min/m2), des pressions de remplissage (prchar-ge) droite (POD) et gauche (pression artrielle pulmonairedocclusion ou pression capillaire pulmonaire) habituelle-ment abaisses, des rsistances artrielles systmiquesbasses, une diffrence artrio-veineuse (DAV) en oxygnerduite (< 3,5 volumes pour 100 mL) refltant la rduc-tion anormale de la consommation doxygne tissulaire.Secondairement, peuvent apparatre une hypokinsie(diminution de lindex cardiaque), et une lvation desrsistances artrielles systmiques qui natteignent nan-moins jamais les valeurs observes lors des chocs cardio-gniques ou hypovolmiques. Ces signes sont la traduc-tion de lincomptence myocardique.

    Prsentations cliniques

    Lhypotension artrielle systmique fait partie de la dfi-nition de ltat de choc septique. La pertinence cliniquedune distinction entre tat infectieux svre et chocseptique est discutable. Il faut souligner limportancedune reconnaissance prcoce des signes dhypoperfu-sion tissulaire et de dysfonctions dorganes dbutantes.En effet, des marbrures cutanes, un tat de torpeur, unepolypne, une tachycardie, une tendance loligurie peu-vent prcder lapparition de lhypotension. Bien enten-du, ces signes ncessitent ds leur apparition une prise encharge rapide selon la mme stratgie que celle du choc constitu , car quelle que soit la terminologie employe,ils tmoignent de la gravit du patient.En dehors de la symptomatologie dj envisage, lesautres signes cliniques seront plus souvent en rapportavec le foyer infectieux (pneumonie, pylonphrite, cel-lulite, pritonite...) quavec un germe prcis. Deuxtableaux mritent nanmoins dtre individualiss.

    1. Purpura fulminans

    Il associe aux signes de choc un purpura extensif pt-chial ou demble ecchymotique, voluant en grandsplacards ncrotiques. Il sy associe une importante coa-gulation intraventriculaire dissmine (CIVD). Legerme le plus frquemment en cause est le mningo-coque, mais il peut galement sagir du pneumocoqueou dHaemophilus influenzae. Il sagit dune forme sep-ticmique dune infection mninge au cours de laquel-le les signes mnings se rsument souvent un coma.En raison de lvolution extrmement rapide et de lagrande gravit de cette maladie, la thrapeutique doittre entreprise le plus rapidement possible ds lexamendu patient domicile.

    2.Toxic-shock syndrome

    Il est d la libration dune exotoxine par une soucheparticulire de Staphylococcus aureus. Le germe, locali-s un foyer (par exemple gnital), nest pas retrouvdans les hmocultures. Aux signes de choc, prcdem-ment dcrits, sassocie une ruption scarlatiniformegnralise ou palmoplantaire qui volue en 7 15 joursvers une desquamation intense prdominant aux extr-mits (en doigts de gant).Certaines souches de streptocoques, essentiellement dugroupe A, peuvent tre responsables dun tableau detoxic-shock syndrome.

    Stratgie diagnostique

    Reconnatre cliniquement ltat de choc, le plus pr-cocement possible, et tre alert par des signes de dys-fonction dorganes ou par des marbrures avant mmelapparition de lhypotension.

    2174 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

    C H O C S E P T I Q U E

  • Rechercher rapidement les lments en faveur dunetiologie septique par un examen clinique prcis(contexte dinfection en cours, hyper- ou hypothermie),la recherche dune porte dentre ventuelle (pulmonai-re, cutane, abdominale, lombaire, touchers pelviens...),dun terrain particulier (immunodprim, diabtique,cirrhotique...), dune infection nosocomiale possible(par porte dentre sur une voie veineuse centrale ou unesonde urinaire...), enfin par labsence dlment enfaveur dune autre cause de choc [lectrocardiogramme(ECG), et silhouette cardiaque normale, absence de syn-drome hmorragique...]. Pratiquer rapidement et paralllement aux premiresmesures thrapeutiques un bilan paraclinique dont lesbuts sont dapprcier les consquences du choc et deconfirmer linfection par la mise en vidence du foyer et(ou) du germe en cause :- un bilan biologique [hyperlactatmie, hyperleucocyto-se ou leucopnie, thrombopnie, chute du taux de pro-thrombine (TP), acidose mtabolique...] ;- une radiographie du thorax (pneumopathie ?, syndro-me de dtresse respiratoire aigu (SDRA) ?...) ;- un lectrocardiogramme (signes dischmie ou dencrose liminer) ; - une bandelette urinaire (leucocyturie ?, nitrites ?) et unexamen cytobactriologique des urines ;- 2 3 hmocultures rapproches avant le dbut de lan-tibiothrapie. Elles ne doivent cependant par retarder lamise en route rapide du traitement anti-infectieux nilablation et la mise en culture au moindre doute descathters centraux et priphriques.Selon le contexte, dautres examens spcialiss serontpratiqus : chographie abdominale pour liminer rapide-ment une rtention infecte urinaire ou biliaire, ponctionlombaire, chographie cardiaque, ponction dascite...Les prlvements vise bactriologique seront rapide-ment achemins au laboratoire avec une demande dexa-men direct. En cas de signes cliniques vocateurs, demander unavis chirurgical.

    Traitement

    Principes gnraux du traitementOn doit dans tous les cas dbuter immdiatement uneoxygnothrapie nasale ( dbit lev, 8 10 L/min) etun remplissage vasculaire ; hospitaliser le patient enranimation ; surveiller frquemment la pression art-rielle, la frquence cardiaque, la temprature, la satura-tion artrielle en oxygne (Sa02), la diurse et les signescliniques et biologiques de choc (frquence respiratoire,aspect cutan, signes neurologiques, pH artriel, lac-tates...) ; dbuter paralllement les mesures thrapeu-tiques tiologiques (traitement anti-infectieux, acte chi-rurgical) et symptomatiques.

    Objectifs du traitement

    Ils sont doubles : contrler le foyer infectieux respon-

    sable du choc et prvenir ou corriger les dysfonctionsdorganes. Il faut donc tenter doptimiser loxygnationtissulaire en assurant lhmatose (ventilation assiste etaugmentation de la fraction inspire en oxygne : FI02) ;le transport en oxygne satisfaisant dune part en main-tenant un hmatocrite aux alentours de 30% et, dautrepart, en assurant une fonction cardiocirculatoire optima-le (remplissage et catcholamines).La ranimation doit tre adapte lvolution des para-mtres de surveillance clinique, biologique, radiogra-phique et ventuellement hmodynamique (pression vei-neuse centrale, chographie cardiaque ou cathtrisme parsonde de Swan-Ganz) ce dautant plus quexiste une ven-tuelle insuffisance respiratoire aigu associe (SDRA).

    Stratgie thrapeutique

    1. Traitement symptomatique

    Un remplissage vasculaire rapide (exemple 500 mL decollode isotonique en 20 min renouveler en casdchec) est ltape primordiale et obligatoire de la priseen charge dun syndrome infectieux svre.Si lhypotension persiste malgr le remplissage ou silapparat des signes de mauvaise tolrance respiratoireau cours de celui-ci [majoration de la dyspne et (ou)diminution de la Sa02], on a recours ladjonctiondamines sympathomimtiques action tonicardiaque etvasoconstrictrice (ex. : dopamine 10 /kg/min).En labsence damlioration, il est recommand de prati-quer une exploration hmodynamique, non invasive (cho-cardiographie-doppler) ou invasive (pression veineuse cen-trale ou cathter de Swan-Ganz) qui permet de guider : lutilisation de drogues inotropes en cas de dfaillan-ce cardiaque prdominante (Dobutrex) ou de vasocons-tricteurs en cas de vasoplgie (noradrnaline). Un agentcombinant les deux effets pourra tre utilis en casdchec (adrnaline), la poursuite du remplissage (ladjonction de culotsglobulaires est ncessaire en cas de remplissage massifafin de maintenir un hmatocrite > 30 %). Lutilisationde lalbumine nest pas recommande dans cette indica-tion o son bnfice na pas t dmontr.Parmi les mesures associes, la ventilation mcaniquedoit tre rapidement instaure en cas de dfaillance res-piratoire mme modre afin dassurer un meilleurtransport en oxygne et de permettre une mise au reposprcoce des muscles ventilatoires.Un apport dhydrates de carbone (150 g/jour par voieparentrale) est ncessaire. Un apport calorique impor-tant doit tre secondairement envisag pour tenter defreiner lhypercatabolisme constant de ces situations,mais il nest pas indiqu la phase aigu.Les autres mesures comprennent la correction destroubles hydrolectrolytiques, une insulinothrapie en casde dysrgulation glycmique associe, la lutte contre ladouleur et lhyperthermie, enfin une ventuelle purationextra-rnale en cas dinsuffisance rnale aigu associe.

    Maladies infectieuses

    2175L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

  • 2. Traitement tiologique

    Il est bas sur : le drainage par ponction ou abord chirurgical dunfoyer septique ; une antibiothrapie oriente par le contexte clinique,le terrain et la porte dentre ventuelle. Elle est dbuteen urgence ds les premiers prlvements effectus etadapte secondairement aux rsultats microbiologiques.On prconise souvent une bi-antibiothrapie afin de ren-forcer la bactricidie et dviter lapparition de mutantsrsistants en cas de fort inoculum bactrien. Parexemple : association dune cphalosporine de troisimegnration et dun aminoside, en cas de point dappelurinaire ; antistaphylococcique (type vancomycine) encas dinfection sur cathter chez un patient hospitalis ;parfois, adjonction danti-anarobie (abcs du poumon,cellulite, foyer digestif ou gnital).Les choix antibiotiques dpendent aussi du caractre com-munautaire ou nosocomial de lpisode infectieux.Les traitements anticytokines ont t et restent une voieintressante de recherche dans le traitement du chocseptique mais nont pas fait ce jour la preuve de leurefficacit. Dautres voies de recherche sont dactualitcomme lutilisation des immunomodulateurs (IL 10) oudes facteurs de croissance (GCSF). n

    2176 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

    C H O C S E P T I Q U E

    Dfinition des tats septiques Classification de lAmerican College of Chest Physicians Society ofCritical Care Medicine (ACCP)Les dfinitions des tats septiques ont t proposes par lACCP pourdfinir des groupes homognes de patients et permettre une meilleuredescription des critres dinclusion et des rsultats dtudes cliniquesportant sur le sepsis. Par ailleurs, on peut observer les manifestationscliniques et biologiques du syndrome infectieux en labsence detoute infection, par exemple au cours des pancratites aigus. On parlealors de syndrome inflammatoire de rponse systmique (SIRS). Syndrome infectieux (ou syndrome septique) : rponse syst-mique, se manifestant par au moins deux des signes suivants :- temprature suprieure 38C ou infrieure 36C ;- frquence cardiaque suprieure 90/min ;- frquence respiratoire suprieure 20/min ou PC02 < 32 mmHg ;- leucocytes suprieurs 12 000/mm3, ou infrieurs 4 000/mm3 ouplus de 10% de formes immatures. Syndrome infectieux (ou syndrome septique) svre : syndro-me infectieux associ une dysfonction dorganes, une hypoten-sion ou une hypoperfusion dorganes. Ces anomalies peuventinclure de faon non exhaustive une acidose lactique, une oligurie,une encphalopathie ou une hypoxmie. Choc infectieux (ou septique) : syndrome infectieux avec hypo-tension persistante malgr une remplissage adquat, corrig ou nonpar les amines vasopressives et associ des stigmates dhypoper-fusion dorganes aboutissant une hypoxie tissulaire (acidose lac-tique, oligurie, altration de la conscience...). Hypotension : pression artrielle systolique < 90 mmHg ou unerduction de plus de 40 mmHg par rapport aux chiffres de base.

    POUR APPROFONDIR 1

    Critres diagnostiques du syndromede dtresse respiratoire aigu- Dbut brutal.- Prsence dinfiltrats radiologiques bilatraux ;- Pression artrielle pulmonaire docclusion 18 mmHg (pr-charge ventricule gauche basse).- Pa02 / Fi02 200.Le SDRA est la traduction dun dme lsionnel dont ltiologiepeut tre varie : infections, toxiques... Au cours du choc septiquela microcirculation pulmonaire est largement atteinte et les lsionsde lendothlium capillaire provoquent une fuite plasmatique verslinterstitium pulmonaire et les voies ariennes. Les consquencesglobales sur la circulation pulmonaire sont inverses de celles obser-ves sur la circulation systmique, et la rsistance lcoulementdans la circulation pulmonaire est augmente. En effet, la circula-tion pulmonaire distale ne comporte ni mtartrioles ni shunts art-rioveineux physiologiques. Laugmentation des rsistances vascu-laires est responsable dune hypertension artrielle pulmonairemodre, de type prcapillaire.

    POUR APPROFONDIR 2

    Au cours d'une infection, les signes de dysfonctiond'organes, tmoins d'une hypoperfusion tissulairedoivent tre reconnus prcocement, pour mettrerapidement en place des mesures thrapeutiques,afin d'viter l'volution vers le choc septique. Le traitement de la dfaillance cardiovasculairedu choc septique a pour but de restaurer la pressionde perfusion, le transport d'oxygne et l'oxygnationtissulaire. Il doit tre entrepris en ranimation.En raison de l'existence constante d'une hypovolmie,le remplissage vasculaire doit tre la premire inter-vention thrapeutique. En cas d'chec, on doit avoirrecours des amines vaso-actives (Dopamine).En l'absence d'volution rapidement favorable,il devient ncessaire de pratiquer une explorationhmodynamique (invasive ou non), qui permet demieux guider le choix de ces drogues, en apprciantde faon plus prcise la post-charge du ventriculegauche et la fonction ventriculaire. Dans tous les cas,il est ncessaire d'assurer une hmatose correcte(0,2 ventilation mcanique) et le transport en oxygne(hmatocrite > 30 %). Le traitement tiologique est commenc paralllementaprs avoir ralis les prlvements bactriologiquesqui permettront de mettre en vidence le germe respon-sable. Il comprend la prescription d'anti-infectieuxet la cure d'ventuels foyers chirurgicaux.

    Points Forts retenir

  • Maladies infectieusesB 224

    773L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

    Diagnostic

    Prsentation clinique

    Elle est fonction des lsions aigus ; temporales ; rapide-ment ncrotiques ; accompagnes dune raction inflam-matoire (dme crbral). Il sagit dune infection virale avec une fivre dans92 % des cas, sans que son importance soit spcifique. Il sagit dune encphalite : altration de conscience (97 %), jusquau coma ; changement de personnalit (85 %) ; cphales (81 %) ; vomissements (46 %) ; anomalies de la mmoire (24 %). Les lsions focalises saccompagnent dune rac-tion inflammatoire locorgionale : dysphasie (76 %) ; pilepsie (67 %) ; dficit moteur priphrique (38 %) ; ataxie (40 %) ; atteinte dun ou plusieurs nerfs crniens (32 %) ; anomalie du champ visuel (14 %) ; dme papillaire (14 %).Ces manifestations cliniques sont rarement compltestoutes ensembles. Par contre, lassociation de plusieursdentre elles est frquente, quelle quelle soit. Linten-sit de ces manifestations nest pas un lment suppl-mentaire en faveur du diagnostic, mais est un lment dupronostic, dans le sens o cela peut reflter limportancedes lsions.

    Consquences sur la composition du liquide cphalo-rachidien

    Elles sont modres, car latteinte est essentiellement,sinon exclusivement, crbrale. Laugmentation modre de la cellulorachie, avecdes lymphocytes aboutit une moyenne de cette cellulo-rachie de 100 cellules/mm3. La prsence de globules rouges, en dehors de touteponction traumatique, est un bon indicateur du phno-mne ncrotique, sans tre pathognomonique de ltio-logie herptique. Lhyperprotinorachie rend compte du phnomneinflammatoire. La protinorachie se situe en moyenneautour de 1g/L. La chlorurachie et la glycorachie sont de peu dintrt.

    Lpidmiologie rend compte dune relative raret decette maladie.La prvalence des anticorps anti-herptiques dans lapopulation varie selon les pays, le statut socio-cono-mique de la population et lge des personnes considres.Les donnes pour une population adulte de la classemoyenne des pays industrialiss font tat de 40 60 %de sropositivit pour les 2e et 3e dcennies de vie.Dun autre point de vue, dans la population tudianterceptrice, la frquence des sroconversions est de 10 15 % par an.Le contact avec lherpesvirus simplex est donc banal etfrquent. Par rapport cette frquence, lencphalitesurvient dans la population une frquence de 1/250 000 1/500 000 par an.On estime que lencphalite herptique reprsente de 10 20 % des encphalites virales.Cette relative raret par rapport la frquence de lin-fection herptique en gnral peut tre avance commelun des arguments en faveur de souches spcifiquesneurotropes, responsables des encphalites.

    Encphalite herptiqueDiagnostic et traitement

    PR Jean-Paul STAHLService de maladies infectieuses, CHU 38043 Grenoble Cedex 09.

    Deux entits trs diffrentes doivent tre distingues :

    lencphalite herptique nonatale (10 20 jours aprs laccouchement) ;

    lencphalite herptique de lenfant et de ladulte. Un tiers des patients prsentant une encphalite

    herptique le font dans le cadre dune primo-infection, et la plupart ont moins de 18 ans. Les deux tiers restants ont des anticorps prexistants linfection, mais seulement 10 % dentre eux ont des antcdents cliniques de rcurrence herptique.

    La question de la rcurrence in situ dans le tissu crbral, ou de la rcurrence labialeavec une transmission secondaire par voie neurologique est encore dbattue. Le fait est quun pisode de rcurrence labiale saccompagne trs exceptionnellement dencphalite herptique. Dans ces conditions,une prvention mdicamenteuse apparatimpossible.

    Points Forts comprendre

  • Imagerie caractristique

    Le scanner crbral doit tre ralis en urgence,mais il ne doit pas retarder la ponction lombaire.Au dbut des symptmes, avant la ncrose, les imagessont le plus souvent normales. Lintrt de cet examenest dliminer dautres diagnostics : hmorragie, abcs,thrombophlbite. Aprs quelques jours, les images sont plus typiques,correspondant aux lsions : hypodensit focale, le plussouvent temporale. Les images sont le plus souvent multiples, mais une lsion unique est possible. Limagerie par rsonance magntique (IRM) apporteles mmes renseignements, mais elle rvle les lsionsplus prcocement. Llectroencphalogramme est une imagerie indirectequi tait, avant le scanner, le seul moyen dobjectiverdes lsions. Les anomalies sont lgrement plus tardiveset sont le plus souvent non spcifiques : ralentissementde lactivit lectrique crbrale, remplacement de lactivit de fond par des ondes lambda ou delta,symtriques ou non. Seules les dcharges priodiquesdondes lentes sont particulirement en faveur de ltiologie herptique.Il ne faut en aucun cas attendre les rsultats de llectro-encphalogramme pour dcider de la ralisation dun scanner et de la mise en route dun traitement antiviral.

    Affirmer le diagnostic dencphalite herptique

    La mise en vidence du virus ou de la raction du patient face au virus est le moyen daffirmer le diagnostic. Le taux dinterfron dans le liquide cphalo-rachidien(LCR) est lev, mais cette raction nest pas spcifique :30 % des encphalites virales, toutes causes confondues,prsentent cette anomalie. Le dosage des anticorps na dintrt que dans 2 circonstances : dmonstration de la scrtion intrathcale danti-corps ; mise en vidence dune ascension significative desanticorps sriques, 10 jours dintervalle. Cest videmment de peu dintrt pour le diagnostic rapide. Pour isoler le virus dans le liquide cphalo-rachidien, diffrentes techniques peuvent tre utilises.Les 2 techniques les plus utilises sont la culture du liquide cphalo-rachidien, mais le rsultat en est tardif, et la mise en vidence de lADN viral par PCR(polymerase chain reaction), mais cette techniqueextrmement (trop ?) sensible donne lieu des fauxpositifs.Cest cependant le critre premptoire actuellementadmis pour affirmer le diagnostic dencphalite herp-tique.

    Diagnostics diffrentiels

    Pouvant tre traits

    1. Mningo-encphalite Listeria monocytogenesEn principe, une mningite, plus ou moins fruste sur le plan clinique, est prsente. Lencphalite est plus souvent localise au niveau du tronc crbral quauniveau temporal.La ponction lombaire permet de retrouver un liquidecphalo-rachidien avec cellulorachie panache, mais lapossibilit de lymphocytes seuls existe. Les hmo-cultures et (ou) la culture du liquide cphalo-rachidienpermettent de redresser le diagnostic.

    2. Tuberculose neuromningeIl sagit la plupart du temps dune infection volutionprolonge et progressive. Une hypoglycorachie impor-tante est vocatrice.Lexamen direct du liquide cphalorachidien larecherche de bacilles de Koch (BK) est peu productif.Les cultures ne donnent leur rsultat que tardivement.La recherche de bacilles de Koch par PCR nest encorepas parfaitement valide.Le diagnostic repose donc sur des arguments pidmio-logiques et cliniques (volution progressive).3. NeuropaludismeLe neuropaludisme ne peut tre voqu que dans lessuites dun voyage en pays dendmie.Le diagnostic est affirm par la mise en vidence duPlasmodium lexamen de la goutte paisse ou du frottis.

    4. Maladie de LymeLencphalite est dapparition progressive et dvolutionchronique. Elle est dcale par rapport aux manifestationscutanes.

    5. Neurosyphilis et neurobrucelloseLa neurosyphilis et la neurobrucellose sont devenuesplus anecdotiques.

    Ne donnant pas lieu traitement

    Les autres encphalites virales sont habituellementbnignes : rougeole, virus dEpstein-Barr, ruboles,varicelle, virus ECHO (enteric cytopathogenic humanorphan) et coxsackie sont les plus frquentes. Dautres viroses, graves, sont possibles mais rares sinonexceptionnelles dans les pays industrialiss : rage, arbovirus.

    Manifestations neurologiques lies au VIH Les manifestations neurologiques, dans le contexte de lin-fection par le virus de limmunodficience humaine (VIH),doivent tre voques en fonction du contexte pidmio-logique : encphalite VIH, toxoplasmose, cryptococcose.

    E N C P H A L I T E H E R P T I Q U E

    774 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

  • Prvention

    Il nexiste aucun vaccin efficace.La prvention mdicamenteuse na pas lieu dtre, endehors de la contamination au cours de laccouchement.Cette prvention repose sur lidentification dun herpsgnital chez la mre en fin de grossesse. Un tel diagnostictabli chez la mre conduit une csarienne et linter-diction du monitorage ftal par lectrodes. Si lenfantest n par voie basse, son traitement par aciclovir estsystmatique.Si seuls les antcdents dherps gnital chez la mresont retrouvs, il est possible dautoriser laccouche-ment par voie basse, accompagn du protocole suivant :recherche de virus au niveau de lendocol lors du travail ; dsinfection des voies gnitales et du nouveau-n par polyvidone iode ; aciclovir intraveineux chez lenouveau-n si le prlvement savre positif. n

    Traitement antiviral

    Le traitement antiviral est une urgence. Il ne doit pastre retard par les investigations diagnostiques quitte arrter le traitement si le diagnostic apparat manifeste-ment erron.Le seul traitement actuellement valid est celui par aciclovirintraveineux, 15 mg/kg 3 fois/j, pendant 3 semaines.Les traitements anticonvulsivants doivent tre discutsau cas par cas.En cas de doute, il est possible dadjoindre une antibio-thrapie visant Listeria monocytogenes, tiologie la plusfrquemment voque dans ces circonstances, jusquaudiagnostic prcis (amoxicilline + aminoside, ou cotri-moxazole).

    volution

    Il est ncessaire de traiter lencphalite herptique maismalgr un traitement correct, le dcs est possible (50 %en cas dinfection nonatale) et, de toutes faons, dessquelles sont redouter : dficits moteurs, mais surtouttroubles psychiatriques. Il sagit la plupart du temps detroubles plus ou moins profonds de lhumeur (syndromedpressif) associs des troubles de la mmoire, unepsychasthnie chez ladulte et un retard psychomoteurchez lenfant.Limportance de ces squelles est assez imprvisiblemais est tout de mme corrle limportance de lex-pression clinique initiale.Lvolution de ces troubles est longue, plusieurs mois, etil est impossible de parler de squelles fixes avant aumoins un an.

    Maladies infectieuses

    775L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

    Des troubles neurologiques centraux fbrilesentranent une hospitalisation en urgence.

    Une ponction lombaire est ralise en urgence. Un traitement antiviral est initi

    si une encphalite herptique est souponne. Il est plus ou moins associ une antibio-thrapie (anti-Listeria le plus souvent).

    Scanner crbral et diagnostic biologiquedherps sont concomitants mais ne doivent pas retarder le traitement.

    Les squelles, frquentes, peuvent tre gravissimes.

    Points Forts retenir

    1 / Physiopathologie

    Lencphalite herptique nonatale fait partie dune infection herptiquediffuse, concernant souvent plusieurs organes, qui fait suite une contamination per partum (1 5 cas sur 10 000 grossesses). La mreprsente des antcdents connus dherps gnital dans 30 % des casseulement. Cette connaissance est importante car elle entrane uneattitude de prvention chez la mre, au moment de laccouchement,et chez le nouveau-n (v. Prvention). Les autres cas sont la cons-quence dune contamination imprvisible.

    Lencphalite herptique de lenfant et de ladulte fait suite uneprimo-infection aussi bien qu une rcurrence. Le cheminement duvirus vers le systme nerveux central nest pas clairement lucid. Il est possible que certaines souches virales soient doues dun tropisme neurologique particulier.

    Une voie centripte, empruntant les nerfs olfactifs et trijumeaux,parat plausible compte tenu de leur relation avec le lobe temporal,sige essentiel des dgts crbraux dus au virus. Cependant, aucunepreuve dfinitive na t apporte en faveur de cette hypothse.

    2 / Virologie

    Caractristiques gnrales des Herpesvirid

    Ces virus sont constitus dun ADN double brin situ dans le core. Ilest entour dune capside avec 262 capsomres. Les Herpesviridsont des virus enveloppe. Cette dernire est constitue de 2couches contenant polyamines, lipides et glycoprotines. Ces glyco-protines confrent des proprits distinctes selon les virus. En parti-culier, elles ont une structure antignique spcifique, laquelle unhte est capable de rpondre par des anticorps.

    Herpesvirus simplex

    Dans la famille des Herpesvirid, ce sont eux qui sont responsablesdes encphalites dites herptiques : herpesvirus simplex de types 1 et2 (HSV-1, HSV-2).

    Mais, il ne faut pas oublier que les autres Herpesvirid, qui ne font paspartie de notre propos, sont galement susceptibles de provoquerdes atteintes neurologiques, ventuellement centrales : virus

    POUR APPROFONDIR

  • E N C P H A L I T E H E R P T I Q U E

    776 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

    dEpstein-Barr, cytomgalovirus, virus varicelle-zona, et peut-tre herpesvirus hominis 6 (HHV-6).

    La rplication des herpesvirus simplex est caractrise par lexpres-sion de 3 classes de gnes : immdiat, prcoce et tardif. Les sub-stances produites par les gnes prcoces incluent les enzymes nces-saires la rplication virale (thymidine kinase, par exemple) ainsi queles protines de rgulation.

    Les antiviraux actuels ont un mode daction slectif au niveau de cetteexpression prcoce : ils ne font que bloquer un cycle de rplication etne sont donc que virustatiques et non virucides.

    Par ailleurs, lexpression de ces gnes prcoces concide avec un arrtirrversible de la synthse protique des cellules htes, entranant lamort cellulaire.

    En cas dabsence de renouvellement cellulaire, on comprend lesdgts et les squelles dfinitives qui peuvent survenir. La substancecrbrale en est le meilleur exemple.

    3 / Lsions anatomopathologiques

    Elles expliquent les signes cliniques. Il sagit dune combinaison delsions dues au virus lui-mme et de lsions inflammatoires raction-nelles.

    Les lsions virales : cellules ballonnises, apparition de la chromatinedans le noyau cellulaire puis dgnrescence nuclaire. La membranecellulaire disparat et permet la formation de structures pseudocellu-laires gantes multinucles.

    La raction inflammatoire apporte des cellules inflammatoires, provoque un dme et des suffusions hmorragiques. Les enveloppesmninges sont galement le sige de cette inflammation.

    Le rsultat final est une ncrose de la zone concerne suivie duneliqufaction.

    En rsum, la ncrose cellulaire et les lsions parenchymateuses irrversibles qui en dcoulent sont les faits essentiels.

    Elles expliquent les signes cliniques, limagerie et surtout justifient lextrme urgence thrapeutique.

    POUR APPROFONDIR (suite)

    Erratum

    Dans larticle Ttanos : physiopathologie, diagnostic, prvention (1999 ; 49 : 2145-8),le tableau I dfinissant les facteurs de mauvaispronostic du ttanos comportait des inversionset nous le publions donc avec les correctionsncessaires ci-contre.

    Le pronostic est dautant plus mauvais que lescore de Dakar est lev.

    Facteurs pronostiques

    1 point 0 point

    Incubation (jours)Invasion (jours)Porte dentre

    ParoxysmesTemprature (C)Frquence cardiaque(batt/min)q adulteq nouveau-n

    < 7< 2

    ombilicale, utrine,brlure, fractureouverte, interven-tion chirurgicale,injection intra-musculaire

    Prsents> 38,4

    > 120 > 150

    > 7 ou inconnue> 2 ou inconnue

    Autre(s) ou inconnue

    Absents< 38,4

    < 120 < 150

    Score de Dakar

    TABLEAU I

  • Maladies infectieusesA 30

    897L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

    Une mauvaise tolrance peut imposer une prise en chargeurgente par antipyrtiques par voie parentrale (en vitanttoujours les salicyls lors dune pathologie du retour),rhydratation correcte, traitement curatif spcifique titre prsomptif (antimalarique par exemple) avantmme les rsultats des examens complmentaires.

    Analyse des circonstances pidmiologiques : lanamnse

    Lanamnse permet de prciser les circonstances pid-miologiques. Bon nombre dhypothses diagnostiquespeuvent tre retenues ou exclues aprs examen desmesures de mdecine prventive prises par le voyageur,du lieu et des circonstances du sjour, du temps coulentre la possibilit de contamination et les premierssignes. Ces diffrents lments peuvent se rsumer danslinterrogation : de qui sagit-il, qui a fait quoi, o,quand et ventuellement avec qui ?

    De qui sagit-il ? Qui a fait quoi ?

    Lindividu a-t-il une immunit naturelle contre tellemaladie infectieuse (par exemple Plasmodium vivax estquasi absent de la race noire), une immunit acquise parvaccination ou une prmunition (vis--vis du risquepalustre) ? A-t-il eu une prvention antipalustre (pro-phylaxie dexposition et chimioprophylaxie) adapte etsuffisante ?

    Qui a fait quoi ?

    Lindividu sest-il expos des risques alimentaires ? des baignades notamment en eau douce et stagnantedans les zones o svit la bilharziose ? des contactsavec les sols humides qui favorisent la pntration deparasites transmission transcutane ? des rapportssexuels non protgs ? Par ailleurs, certaines activitscomportent des risques infectieux particuliers. Ainsi parexemple, les plongeurs, splologues, excursionnistes,amateurs de raids , de rafting , de canyoning sont exposs la leptospirose ; les promenades et gtesen rgions dlevage exposent la brucellose.

    Apprciation de la tolrance de la fivre

    La tolrance de la fivre se mesure par la prise de la tension artrielle, du pouls, de la frquence respiratoire,et par la recherche de troubles neuropsychiatriques. On recherche ainsi : une dyspne sine materia tmoin dun dsquilibre

    acido-basique et dont la manifestation est une poly-pne avec une frquence respiratoire suprieure 24/min chez un malade adulte sans atteinte cardiaqueou pulmonaire ;

    des troubles de la conscience mme mineurs. lextrme, on connat la gravit des convulsionshyperpyrtiques chez lenfant et lon sait que la fivreest constamment mortelle lorsque la temprature, toutge, atteint 42,2 C.

    Fivre au retour dun pays tropicalOrientation diagnostique

    DR Flix DJOSSOU, DR Denis MALVY, PR Michel LE BRASService de mdecine interne et des maladies tropicales, hpital Saint-Andr, 33075 Bordeaux Cedex.

    La fivre, signe majeur de la pathologie infectieuse, est aussi un motif frquent de consultation au retour dun voyage en milieutropical. Plus de la moiti des fivres du retoursont sans rapport avec le voyage en pays tropical et ont une origine cosmopolite (virose,noplasie, etc.).

    Cependant, le sjour en zone tropicale reprsente une situation risque dexposition des micro-organismes et vecteurs dterminantla survenue de morbidits spcifiques. Ces affections sont frquentes et possdent une prsentation et une rpartition gographique diverses.

    Lorientation diagnostique est dtermine par lanalyse des circonstances pidmio-logiques (anamnse) et ventuellement des signes cliniques et biologiques associs.

    La priorit diagnostique est laccs palustre Plasmodium falciparum car cest une urgencethrapeutique.

    Points Forts comprendre

  • O ?

    Cette question renvoie une connaissance lmentairede la rpartition gographique des maladies tropicalesqui sexplique gnralement par les conditions clima-tiques, et notamment la prsence ingalement rpartiede vecteurs. Une schmatisation en grandes zones gographiques peut tre faite. Une connaissance plusprcise et actualise peut tre obtenue dans les centresde mdecine des voyages.

    Quand ?

    Il est important de considrer : la dure du sjour pouvant aller de quelques heures plusieurs mois, ledlai coul depuis le retour, la date du dbut destroubles. La priode du sjour peut tre dterminante,car il existe dimportantes variations saisonnires desmaladies. En Afrique par exemple, dans les zones soudano-sahliennes, la saison sche, qui va du mois dejanvier au mois de mai, limite le risque de transmissionvectorielle et notamment du paludisme ; en revanche,cette priode est trs favorable aux maladies transmis-sion directe (carts de temprature, air sec et poussi-reux) telles que la mningite crbrospinale et les infections respiratoires. Par ailleurs, il existe des variations conjoncturelles des risques : en zone insulairedu Pacifique et de locan Indien et plus rcemment desCarabes, il existe des vagues dpidmies darboviroseset notamment de dengue qui sont connatre ; en dehorsde ces priodes pidmiques, le risque de contracter lamaladie est extrmement faible. La notion de temps fait envisager galement les priodesdincubation des maladies. Par exemple, aprs un sjouren zone tropicale, si la fivre se manifeste plus de 2semaines aprs le retour, il est peu probable quil sagis-se dune arbovirose. Pour certaines affections, les hypo-thses diagnostiques ne seront pas rcuses mme si lesmanifestations sont trs lointaines par rapport au sjourtropical. Cest le cas de lamibiase qui peut tre long-temps asymptomatique (amibiase infestation) et semanifester brutalement (amibiase maladie) alors que levoyage en milieu tropical peut avoir t oubli.

    ventuellement avec qui ?

    Les manifestations frappant plusieurs individus exposs des risques identiques peuvent avoir une grande valeurdiagnostique (maladie dorigine alimentaire, baignade,notion de contage vis--vis de la tuberculose ou desarboviroses par exemple). Cette indication a galementde la valeur lors de lidentification de maladies sexuelle-ment transmissibles.

    Analyse smiologique de la fivre

    Un examen clinique minutieux permet dtablir si lafivre est isole ou associe.

    Fivre associe

    Sil sagit dune fivre associe et si les signes daccom-pagnement sont spcifiques, la fivre sinscrit dans lecadre dune souffrance viscrale : il sagira dun caspneumologique, cardiologique, urinaire, neuro-mning,dictre fbrile, de maladie ruptive ou de syndromediarrhique, etc. La souffrance simultane de 2 ou plusieurs appareils doit faire voquer une septicmie ouune maladie systmique. Certains autres signes daccompagnement non spcifiques dun organe ne permettent pas une orientation diagnostique prcise,mais doivent tre recherchs (troubles digestifs, hpato-mgalie, splnomgalie, adnopathies, signes cutans et neurologiques).

    Fivre isole

    Lorsque la fivre est isole, il faut saider des caractris-tiques des symptmes lis la fivre. La plupart de cessymptmes ne sont pas spcifiques, mais apportent desnuances dans lorientation diagnostique. Ces symp-tmes sont : les frissons, les sueurs, les cphales,certaines douleurs diffuses, les troubles du sommeil etlaltration de ltat gnral.Le frisson solennel (avec claquement des dents ettremblements) inaugure la pneumonie aigu, la lepto-spirose, la borrliose, certaines formes de paludisme etles fivres pseudo-palustres (fivres observes au coursdinfections urinaires, biliaires ou bronchiques). Aucours de la grippe, le frisson est lger ; il est absent aucours de la phase dtat de la fivre typhode.Les sueurs sont profuses au cours du paludisme et desfivres pseudo-palustres ; elles sont odorantes au coursde la brucellose (odeur de paille pourrie) ; discrtes aucours de la grippe, de la tuberculose et des infections parle virus de limmunodficience humaine (VIH) ; absentesau dbut de la pneumococcie et de la fivre typhode.Une cphale frontale est constate lacm thermiquedune fivre typhode. Elle est fronto-orbitaire dans lagrippe, fronto-occipitale dans la dengue et les arbo-viroses, parito-temporale au cours de la maladie deHorton. loppos, il nexiste ordinairement pas decphales au cours des brucelloses et des endocardites.Les arthralgies sont prsentes au cours de la brucellose,lhpatite virale B, la maladie srique et les fivres parhypersensibilt. Les myalgies caractrisent la polio-mylite, les arboviroses, la leptospirose, la trichinose,les connectivites (dermatomyosite, priartrite noueuse).Les courbatures accompagnent la majorit des affec-tions fbriles, mais leur absence permet dliminer lagrippe ou la dengue.Linsomnie est un signe du premier septnaire de lafivre typhode. Les cauchemars sont prsents au coursde la grippe. Les sueurs ou douleurs nocturnes perturbentle sommeil au cours de la tuberculose, des entro-viroses, de la leptospirose, de la brucellose, des formesdiverses dinfection par le virus de limmunodficiencehumaine.

    F I V R E A U R E T O U R D U N P A Y S T R O P I C A L

    898 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

  • Lapptit est conserv au cours de la tuberculose floride,mais nul (avec dgot) au cours de la brucellose et deshpatites virales. La perte de plus de 10 % de poids sob-serve au cours de la trypanosomiase, de la leishmanioseviscrale, de la tuberculose volutive, des affectionsmalignes, du syndrome de limmunodficience humaine.Lasthnie est progressive au cours de la fivre typhode,de la leishmaniose et de la trypanosomiase ; elle est totaleau cours du paludisme grave ou des connectivites. loppos, lactivit est conserve au cours de la brucellose, de la tuberculose, de lendocardite et de lamaladie de Hodgkin.

    Examens complmentaires

    Ils comprennent au minimum : numration globulaireavec formule sanguine, numration des plaquettes, frottissanguin (la goutte paisse souvent prconise nest pasun examen de lurgence), 3 hmocultures, vitesse desdimentation, dosage de la protine C ractive, explo-ration fonctionnelle hpatique (transaminases, phospha-tases alcalines, bilirubine, gamma GT, taux de pro-thrombine), radiographie pulmonaire. Sil persiste undoute quant au diagnostic dun accs palustre, il fautrpter les frottis sanguins ; les mthodes denrichisse-ment (comme le Quantitative Buffy-Coat ou QBC-test,utilisant laffinit de lacridine pour le matrielnuclique, ou le Parasight-F, dtectant les antignesplasmodiaux solubles riches en histidine) peuvent savrerutiles.Lorsque la fivre dure plus de 10 j sans quaucune causene soit trouve, elle est dite prolonge. La ralisation desrodiagnostics est dcide en fonction de lanamnse etdes signes cliniques ou biologiques dorientation. Les srodiagnostics et les hmocultures peuvent resterngatifs et la fivre inexplique au-del du 20e j. On parle alors de fivre de longue dure. Les examenscomplmentaires doivent alors permettre de rechercher : les infections (tuberculose, endocardite infectieuse,

    abcs profonds, histoplasmose, coccidiodomycose,candidose gnralise, cryptococcose) ;

    les cancers forme fbrile pure (rein, pancras, foie,colon) ; les connectivites (lupus rythmateux aigudissmin, priartrite noueuse, dermatomyosite etvascularites diverses) ; les lymphomes et affectionsmalignes du systme hmatopotique (maladie deHodgkin, leucmi