Envie de lire n°32

86

Click here to load reader

description

Les coups de coeur des bibliothécaires (espaces adultes): romans, documentaires, BD

Transcript of Envie de lire n°32

Page 1: Envie de lire n°32

ENV

IE D

E LI

RE

LES

CO

UPS

DE

CO

EUR

DES

BIB

LIO

THÉC

AIR

ES

32 A

UTO

MN

E / H

IVER

‘11“ Il en est des livres comme du feu dans le foyer.

On va le prendre chez le voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. ”

Voltaire

Page 2: Envie de lire n°32

Visitez aussi le blog des livres des Bibliothèques municipales :lhibouquineur.wordpress.com

COORDINATION & CORRECTIONS Dominique MonnotGRAPHISME & ILLUSTRATIONS Bruno Fernandes / bpoeta.net IMPRESSION Centrale Municipale d’Achat et d’Impression Ville de Genève

www.ville-ge.ch/bmu/

Page 3: Envie de lire n°32

Visitez aussi le blog des livres des Bibliothèques municipales :lhibouquineur.wordpress.com

COORDINATION & CORRECTIONS Dominique MonnotGRAPHISME & ILLUSTRATIONS Bruno Fernandes / bpoeta.net IMPRESSION Centrale Municipale d’Achat et d’Impression Ville de Genève

www.ville-ge.ch/bmu/

Vous tenez entre les mains un recueil éclectique de proposi-tions de lecture concocté par vos dévoués bibliothécaires. Vous y trouverez aussi bien des nouveautés que des classiques, des essais que des bandes dessinées ou des romans, sans oublier la science-fiction ou les polars, bref, tout ce qui fait la diver-sité des collections que les bibliothèques municipales mettent à votre disposition.Nous, bibliothécaires passionnés de lecture, partageons avec vous nos coups de coeur dans ces textes que nous vous lais-sons découvrir et dont nous espérons qu’ils vous donneront...

ENV

IE D

ELI

RE

Page 4: Envie de lire n°32

4

ABBEY, Edward Le retour du gang de la clef à moletteCote R ABBE Paris, Gallmeister, 2007 (Noire). 401 p. Hayduke est vivant ! Le gang de la clé à molette reprend du service avec pour objectif de détruire un excavateur géant nommé Goliath. Ecrit quatorze ans après le premier épisode, ce second volume reste aussi féroce et délirant que le premier. Une des scènes pivot du livre décrit le premier rassemblement d’Earth first, une organisation écologiste radicale bien réelle qui a été fortement influencée par les écrits de Abbey. PH

ABBEY, Edward Le gang de la clef à moletteCote R ABBE Paris, Gallmeister, 2006 (Noire). 487 p.Georges Hayduke, jeune vétéran du Vietnam solitaire et misanthrope a la haine contre tout type d’autorité. Contraint de se mettre au vert après avoir détruit le véhicule d’un flic qui l’avait autrefois passé à tabac, il trouve refuge dans le Grand Canyon. C’est là qu’il se fait engager par Seldom Smith, mormon poly-game et guide de rafting. Deux clients viendront compléter le futur gang de la clef à molette : Doc Sarvis, un chirurgien renommé, et Bonnie, sa jeune compagne et assistante. Les quatre se découvriront en effet une passion commune : la des-truction systématique de toute trace de civilisation humaine dans le désert. De sabotages d’engins de chantiers en démolitions de puits de pétrole, le groupe sera vite repéré et pris en chasse par Mgr Love, Evêque de l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours et son équipe de volontaires. PH

Page 5: Envie de lire n°32
Page 6: Envie de lire n°32
Page 7: Envie de lire n°32

7

ALMEIDA, Eugenia L’autobusCote R ALME Paris, Métailié, 2007 (Bibliothèque hispano-américaine).124 p.Le bus ne passe pas depuis quatre jours, ou plutôt il passe sans s’arrêter, phéno-mène inhabituel dans ce village isolé d’Argentine. La voie ferrée est bloquée, les habitants sont coupés du monde et des soldats rôdent à la recherche de fugitifs. Les informations données au compte-gouttes par le pouvoir en place se contre-disent, les nouvelles sont filtrées, des livres sont brûlés, des gens disparaissent, des coups de feu sont tirés. L’auteur nous dresse le portrait surprenant de Ponce, l’avo-cat de la ville et de son entourage pendant les heures sombres de l’Argentine. MR

ABAD FACIOLINCE, Héctor L’oubli que nous seronsCote R ABAD Paris, Gallimard, 2010 (Du monde entier). 318 p.Titre original espagnol : El olvido que seremos. Cote R6 ABAD

Le père d’Hector Abad a été assassiné en 1987. Après sa mort, Héctor a re-trouvé dans ses papiers une copie du poème de Borges et en a utilisé un extrait comme titre de ce livre : Nous voici devenus l’oubli que nous serons. Car il s’agit bien de cela, faire revivre la personne extraordinaire que fut son père. Médecin à Medellin, professeur d’université, père de cinq filles et d’un fils, il n’aura de cesse de soutenir les plus défavorisés, leur donnant soins et argent. Libre penseur, il criti-qua ouvertement les dirigeants, se battit pour que chacun ait accès à l’éducation afin d’éradiquer la misère dans son pays, la Colombie. Traité de communiste et d’agitateur, il s’attira la haine aussi bien de l’intelligentsia et du clergé que du gouvernement et des narcotrafiquants qui se livraient alors une guerre sans merci. Abad mêle l’Histoire à la saga familiale, qui fut d’abord une odyssée d’amour et de bonheur, avant que le malheur frappe sa famille. Avec une pudeur, une tendresse et une sensibilité incroyables, Hector nous invite dans la famille Abad et l’on regrette de ne pas avoir connu ce père tant aimé. Ce livre m’a littéralement bouleversée. DM

Page 8: Envie de lire n°32

8

ARDITI, Metin Loin des brasCote R ARDI Arles, Actes sud, 2009 (Domaine français). 425 p.L’institut Alderson, sur les bords du lac Léman, est un pensionnat pour gosses de riches, de pauvres enfants qui ne voient leurs parents que très sporadiquement. Depuis la mort de son directeur, Monsieur Alderson, il y a trois ans, il est géré par son épouse et sa sœur jumelle. Mais les affaires marchent moins bien. Le nombre d’élèves diminuant, l’institut est en passe de se faire racheter et les professeurs sont tous sur la sellette. Il y a Gülgül, le professeur de danse et de sport qui a dû quitter la Turquie, Vera, une prof d’italien en deuil de son fils de douze ans, Irene, accro au jeu, Brunet, homosexuel vivant encore chez sa mère à 47 ans… Les relations se tissent et se dénouent, amitié, trahisons, amours interdites… tout y est. Faisant la connaissance des personnages, ils nous deviennent attachants. Entre les tour-ments des adultes et l’insondable solitude des enfants, ce livre dévoile une grande sensibilité et beaucoup d’humanité. Foisonnant, découpé en courts chapitres, il se lit comme on regarde une série, avec à chaque fois l’envie de retrouver ceux qui l’habitent et qui sont presque devenus nos amis. DM

AMSTERDAM, Steven Ces choses que nous n’avons pas vues venirCote R AMST Paris, Albin Michel, 2011. 247 p.Un père de famille entasse à la hâte vivres, vêtements, outils dans le coffre de son break. Nous sommes le 31 décembre 1999 et c’est le « sauve-qui-peut » devant le plus grand des périls : le bug informatique programmé et inéluctable. Mais il n’aura jamais lieu… A la place, c’est le climat qui est devenu inconstant. Des pluies diluviennes s’abattent sur terre, des épidémies fauchent les humains, plus de récoltes, des bêtes sauvages rôdent. Seuls les plus rusés, les plus forts et les plus cyniques arrivent à survivre dans ce chaos apocalyptique. Entre zones sauvages et zones de quarantaine, seuls quelques territoires maintiennent un semblant d’organisation et d’ordre. Plusieurs tableaux, autant d’époques, sont décrites dans ce roman futuriste où les relations humaines sont bouleversées, l’égoïsme et le repli sur soi devenant légitimes pour tenir. La force et l’intérêt de ce roman résident dans la proximité de notre situation et les conséquences de nos actes face à tous les dangers écologiques qui pointent. MCM

Page 9: Envie de lire n°32

9

BADINTER, Elisabeth Le conflit : la femme et la mèreCote 306.85 BAD Paris, Flammarion, 2010. 269 p.Faut-il que la Femme quand elle devient Mère perde toutes ses libertés, ses dé-sirs personnels, ses passions et ne vive que pour son enfant ? Faut-il écouter les « naturalistes » qui recommandent d’allaiter à la demande, ceci tant que l’enfant le désire, ou accoucher dans la douleur ? Faut-il qu’une « bonne mère » dorme avec son bébé pour être toujours disponible ? Faut-il renoncer aux crèches pour ne pas briser le lien (une année de corps à corps avec son enfant serait le strict minimum d’après certains pédiatres) ? Doit-elle renoncer aux couches jetables et revenir aux bons vieux linges lavables de grand-maman ? Mères, devez-vous tout sacrifier pour votre enfant ? Au nom de l’instinct, des lois de la nature, des diffé-rences, devez-vous retrouver la caverne et le lavoir pendant que l’Homme chasse ? Pour une féministe comme Badinter ce retour en arrière est insupportable et elle le dit fort et bien. A force de culpabiliser les mères, les femmes auront encore plus peur d’enfanter. RL

AVALLONE, Silvia D’acierCote R AVAL Paris, Liana Levi, 2011 (Littérature). 386 p.Titre original italien : Acciaio. Cote R5 AVAL

« Anna et Francesca, treize-ans-presque-quatorze. La brune et la blonde. » Italie, 2001, bords de mer, celle des pauvres : pas d’hôtels, ni de touristes, quelques barres de béton où les ouvriers de l’usine sidérurgique sont parqués. La chaleur est pesante, l’eau est sale, polluée par les déchets d’acier, d’autres détritus et d’algues. L’air qu’on respire là-bas n’est pas sain. Anna et Francesca, les insé-parables, rêvent de l’Elbe en face. Elles aimeraient fuir ce quotidien étouffant, partir ensemble où l’eau est plus bleue. Le père d’Anna joue son salaire au poker, celui de Francesca frappe sa femme et sa fille. Les jeunes filles sont jolies, les garçons les regardent, le frère d’Anna les surveille, les vieux les reluquent et les parents ferment les yeux, trop préoccupés à essayer de joindre les deux bouts. Pour s’épater, les jeunes font des conneries. Avec la drogue, l’alcool, la vitesse, ils testent leurs limites, jusqu’au drame qu’on pressent. Un grand premier roman qu’on peut qualifier de « social ». RL

Page 10: Envie de lire n°32

10

BARKER, Clive GaliléeCote R BARK Paris, Rivages, 2000 (Rivages/fantasy). 2 Vol.Edmund Maddox, étrange jeune homme qui vit en Louisiane, entreprend d’écrire l’histoire de sa famille. Ceci n’aurait rien de particulier s’il n’était pas le descen-dant d’une des familles les plus influentes des Etats-Unis. Et son récit entend racon-

ter la rivalité qui oppose les Geary aux Barbarossa, particulièrement depuis que Galilée, prince du clan des Barbarossa, a séduit Rachel Pallenberg, épouse d’un prince héritier du clan Geary. Cet amour interdit va précipiter les amants en enfer et les deux clans vont se livrer une guerre terrible avec en toile de fond l’histoire de l’Amérique depuis la Guerre de Séces-sion. Cette oeuvre de fantasy est une immense aven-ture qui oscille constamment entre réalisme, magie et épouvante, dans laquelle la notion du temps est

très particulière. FG

Page 11: Envie de lire n°32

Source : HarpWeek 1863 The Battle of Gettysburg

Page 12: Envie de lire n°32
Page 13: Envie de lire n°32

13

BENIOFF, David La ville des voleursParis, Flammarion, 2010. 365 p.Cote R BENI Dans sa cellule, Lev, 17 ans, fils d’un poète juif « disparu », attend la mort. Son crime est d’avoir dépouillé un ca-davre. Dehors, c’est le froid absolu qui règne sur Leningrad assiégée par les nazis. Arrive Ko-lya, 20 ans, déserteur.

Il est beau comme un aryen, et ne semble pas du tout avoir peur d’être fusillé. La suite de l’histoire lui donne raison dans un premier temps. En effet, le lendemain, le colonel s’engage à les gracier s’ils trouvent dans les cinq jours une douzaine d’œufs, pour que sa fille ait un vrai gâteau de mariage. Le problème est qu’il n’y a plus, semble-t-il, un seul œuf dans toute la ville. C’est donc une course contre la montre qui s’engage. Le roman est à la hauteur du défi : rythme haletant, alternance de scènes brutales et cocasses. Histoire vraie ? Peu importe. C’est en tous cas l’histoire d’une formidable amitié entre un jeune Juif tourmenté par sa sexualité, et un cosaque fanfaron, « expert... en filles, en littérature et aux échecs ». FA

BENAMEUR, Jeanne Les mains libresParis, Denoël, 2004. 148 p.Cote R BENA Il y a des livres qui vous prennent aux tripes sans pour autant vous emmener au bout du monde après mille et une péripéties. Ce roman semble couler de source, sa simpli-cité touche et chaque phrase pourrait faire office de pensée du jour. Mme Lure vit seule depuis que son mari est mort. Il était un intellectuel qui s’enfermait dans son bureau pendant que son épouse veillait sur lui et sur sa cui-sine. Après sa mort, elle s’évertue (et se tue) à mainte-nir les choses à leur place et évite de se souvenir. Son seul plaisir : se plonger dans des revues de voyage ; un bœuf de Thaïlande, le turban d’un Touareg la font rêver. Jusqu’au jour où elle croise Vargas, un jeune bohémien qui vit en face de chez elle dans une rou-lotte avec sa famille. Elle le surprend en train de voler du chocolat. Elle le suit ; il lui rend visite ; elle lui lit un livre ; il lui embrasse la main. Une rencontre peut changer des vies et Jeanne Benameur l’écrit tellement bien. RL

Page 14: Envie de lire n°32

14

BOBIN, Christian Un assassin blanc comme neigeCote 848 BOB Paris, Gallimard, 2011 (Blanche). 93 p.Une fois de plus, Christian Bobin fait référence aux grands mystiques – Thérèse d’Avila, Pascal, Maître Eckhart, Thérèse de Lisieux – pour parler de sa foi, de son dialogue avec Dieu et de sa vision du monde. En effet, il vit dans la lumière de Dieu, au quotidien, se réjouissant de l’instant présent, profitant de la beauté de la vie qui s’offre à ses yeux sous forme végétale ou animale. Un assassin blanc comme neige est un livre sensible, intime, dans lequel il aborde, par petites touches, son père, sa mère presque centenaire à qui il rend visite et qui le pousse à méditer sur la mort, mais aussi la poésie ou le peintre Hokusai. En alternant textes longs et aphorismes, Christian Bobin est à la fois grave et enjoué, cristallin et universel. PB

BENNI, Stefano Margherita DolcevitaCote R BENN Arles, Actes sud, 2008 (Lettres italiennes). 248 p.Titre original italien : Margherita Dolcevita. Cote R5 BENN

Dans la famille de Margherita, chacun se distingue par sa petite originalité, ce qui ne l’empêche pas de couler des jours paisibles dans un coin de campagne en périphérie d’une petite ville transalpine. Jusqu’à la construction d’une résidence surprotégée, un gros cube noir à l’apparence menaçante. Très vite, Margherita va comprendre que leurs nouveaux voisins sont à l’image de cette maison : sans âme, artificiels, intolérants et matérialistes à outrance. A sa grande horreur, Margherita va constater que leur influence pernicieuse est en train de changer en profondeur sa famille qui ne rêve plus que de climatisation, produits de beauté, jeux vidéo, écran géant plasma, et de gains faciles... Margherita n’a plus d’autre choix que d’entrer en résistance, avec ses moyens tout personnels et sa légen-daire malice ! JM

Page 15: Envie de lire n°32

© Mykola Velychko

Page 16: Envie de lire n°32

© Blackriverrosi

Page 17: Envie de lire n°32

17

CAREY, Peter Parrot et Olivier en AmériqueCote R CARE Paris, Bourgois, 2011. 539 p.Titre original anglais : Parrot and Olivier in America. Cote R2 CARE

Librement inspiré de La démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville, l’ex-cellent Peter Carey s’amuse à nous conter pour notre plus grand plaisir les aven-tures d’un jeune noble français, Olivier de Garmont et du serviteur Parrot qui deviendra son acolyte dans ce périple dans le nouveau monde. Chapitre après chapitre, nous suivons les deux compères obligés, à leur corps défendant, de gagner la terre promise, l’un devant surveiller l’autre. Olivier, qui doit étudier et rapporter l’état du système pénitenciaire, l’autre nommé secrétaire du premier nous narre leurs milles et une aventures cocasses, incroyables et si truculentes, dans un langage peu protocolaire. Que de rires à la lecture de ce pittoresque roman qu’on a envie de lire et de relire à l’infini. MCM

BRONTË, Emily Les hauts de Hurle-VentCote R BRON Paris, Fallois, 2000. 396 p.Titre original anglais : Wutherings Heights. Cote R2 BRON

Mr. Earnshaw et ses enfants Hindley et Catherine vivent dans la demeure des Hauts de Hurle-Vent, une lande sauvage balayée par les vents. Au retour d’un voyage Mr. Earnshaw ramène à Hurle-Vent un jeune bohémien de 6 ans : Hea-thcliff. Catherine et lui, ayant tout deux un caractère sauvage et orgueilleux, deviennent complices tandis que Hindley haïra l’intrus de toute son âme… Une fois adulte Catherine épousera un riche voisin, même si Heathcliff et elle sont pas-sionnément épris l’un de l’autre. Humilié, abandonné à sa condition subalterne Heathcliff n’aura plus qu’une seule raison de vivre : se venger en détruisant les Earnshaw et leur descendance.Magnifique histoire d’amour blessé qui continuera au-delà de la mort, ce roman fut boudé lors de sa publication en 1847, le public trouvait alors les rapports entre les personnages trop violents. Fort heureusement le talent d’Emily Brontë fut reconnu quelques années plus tard : Les hauts de Hurle-Vent est l’un des chefs d’œuvre de la littérature romantique. CLR

Page 18: Envie de lire n°32

18

CHAON, Dan Cette vie ou une autreCote R CHAO Paris, Albin Michel, 2011 (Terres d’Amérique). 405 p.Les chapitres se succèdent mettant en scène tour à tour Miles Cheshire, à la recherche de son frère disparu depuis une dizaine d’années, Lucy Lattimore, qui s’est enfuie avec l’un de ses professeurs, et Ryan Schuyler, qui découvre que son oncle est en fait son père et se fait passer pour mort afin de vivre avec lui. Au départ sans lien, ces trois histoires finissent peu à peu par s’imbriquer dans une trame très intelligemment pensée. Voici un livre dans lequel il vaut mieux se plon-ger une bonne fois et y rester, les questions apparaissant au fil de la lecture. La quête d’identité est le thème de ce grand roman : entre le frère jumeau schizoph-rène, l’ado a qui on a caché l’histoire de ses origines et le prof mythomane qui déclare « Je ne comprends pas qu’on puisse se contenter d’une seule existence », chacun a été confronté au mensonge et porte en soi une fêlure. Un roman palpi-tant et qui touche au cœur. DM

CARROLL, Jim Basketball diaries Paris, 10/18, 1998 (10/18 ; 2644.Cote R CARR Domaine étranger). 256 p.Ce roman autobiographique est une plongée plutôt crue dans le New York des années 60. Jim, pourtant brillant élève et basketteur talentueux, est un adolescent dissipé. Issu d’un milieu modeste, il intègre une école privée renommée mais mène en parallèle une vie de petit délinquant et va prendre la pente glissante de l’héroïne. Si le début du livre nous plonge tout de suite dans l’ambiance - il sniffe de la colle avec ses amis - il reste plutôt drôle. Un humour et un sens de l’autodé-rision, alliés à un véritable amour du verbe, dont il ne se départira pas malgré la spirale sordide dans laquelle il s’engage, quasiment jusqu’à sa perte. Carrol, qui poursuivra ensuite une carrière de poète et musicien, porte ici un regard acide et sans concession sur l’addiction et l’environnement qui peut la favoriser. FD

Page 19: Envie de lire n°32

19

DELAUME, Chloé J’habite dans la télévisionCote R DELA Paris, Verticales-Phase deux, 2006. 167 p.En 2004, Patrick Le Lay, PDG de TF1, créait la polémique en déclarant que son entreprise vendait à Coca-Cola du « temps de cerveau humain disponible »… L’ignorait-on ? Au-delà des réactions mollement effarouchées et des débats sou-vent stériles qui tournent autour du petit écran, Chloé Delaume décidait de vivre cette assertion, réellement, dans sa chair et dans son esprit. Pendant plusieurs mois, elle ne fait littéralement que regarder la télévision, du matin au soir et bientôt du soir au matin. Elle constate effectivement que ses goûts, ses opinions, ses besoins et son corps changent, pour le pire. Le livre tiré de cette expérience se présente comme un rapport. Pourtant, il joue allègrement des styles, quitte cette forme pour mieux y revenir, assumant ainsi une saine subjectivité dans ce domaine miné par de lourds intérêts. FD

COMMENT, Bernard Tout passeCote R COMM Paris, Bourgois, 2011. 139 p.Dans ce recueil de neuf récits, Bernard Comment s’interroge sur la transmission, sur l’héritage matériel ou spirituel. Que reste-t-il d’une vie ? Que laisse-t-on vrai-ment à ceux qui nous survivent ? Neuf histoires, neuf personnages sur le départ, chacun à sa manière à contourner les codes de l’héritage. Un entraîneur de foot qui quitte un match pour se perdre dans la ville, un romancier qui réécrit ses brouillons, une femme âgée dans une piscine qui passe en revue les évènements et les secrets de sa vie, un vieil homme qui enterre son argent sous sa maison. Subtilement, l’auteur fait vivre ses personnages et, en pénétrant dans les pensées de chacun, nous comprenons que le patrimoine, les valeurs, les richesses espé-rées ne sont rien, car tout passe, tout s’efface. Bernard Comment a reçu le Prix Goncourt de la nouvelle 2011pour ce livre singulier et attachant. MCM

Page 20: Envie de lire n°32

20

DESARTHE, Agnès Mangez-moiParis, Olivier, 2006. 306 p.Cote R DESA « Suis-je une menteuse ? Oui, car au banquier, j’ai dit que j’avais fait l’école hôtelière et un stage de dix-huit mois dans les cuisines du Ritz. Je lui ai montré les diplômes et les contrats que j’avais fabriqués la veille ». Ce rythme de début de roman, Agnès Desarthe ne va jamais le lâcher. On entre d’emblée dans la vie de Myriam qui, à cinquante ans, décide d’ouvrir son restaurant qu’elle appelle Chez moi. Un nom tout trouvé pour cet endroit minuscule qui sera également sa maison, économies obligent. Elle se re-proche de n’avoir pas été « une bonne mère », ni une « bonne épouse », d’avoir tout gâché. Ce restaurant est enfin quelque chose qu’elle a choisi, qui lui tient à cœur. Les clients se laissent séduire par cette cuisine venue du cœur où le plaisir de partager efface toute envie de gagner de l’argent. Quand on donne, sou-vent on reçoit et c’est en toute simplicité qu’elle va recevoir de l’aide, de la reconnaissance, de l’amour et un brin de fierté, des ingrédients qui aident à trou-ver du sens à se lever le matin. Une superbe écriture pour une belle histoire de femme à un tournant de sa vie… RL

DE LUCA, Erri Le poids du papillonParis, Gallimard, 2011 (Du monde entier). 81 p.Cote R DELU Dans les Alpes ita-liennes, vit un majes-tueux chamois. Eternel solitaire, il ne rejoint la harde que pour combattre ses rivaux et imposer sa loi. Sentant venir la vieillesse, il vi-site une dernière fois la troupe, puis s’éloigne.

Un braconnier, celui-là même qui autrefois tua la mère du chamois, a décidé de faire sa dernière course en montagne, et d’attrapper son ultime prise. Voici le duel épique, époustouflant, un duel à mort entre l’homme et l’animal, dans une nature puissante et sau-vage, un écrin de sauvagerie pour cette lutte sans pitié. L’écriture de Erri de Luca est exceptionnelle, imagée tout en gardant une pureté, une innocence d’enfant. Un très beau livre. MCM

Page 21: Envie de lire n°32
Page 22: Envie de lire n°32

© Melinda Nagy

Page 23: Envie de lire n°32

23

DUONG, Thu Huong Roman sans titreParis, Wespieser, 2010. 319 p.Cote R DUON Pas de titre, pas de hé-ros non plus : Quân est un soldat, un Bô-doi qui tente de garder intacte l’image de son pays, de ses copains d’enfance que la guerre a détruits. Il a perdu sa mère très

jeune, quitté son père et son village pour s’engager le cœur plein d’espoir dans l’armée de libération. Les années passent, il tient le coup relativement bien com-paré à son ami Biên qui sombre dans la folie. Comme toujours, la langue de l’auteure nous plonge dans les odeurs et la beauté de la terre du Vietnam. Même la scène hallucinante de la découverte d’un squelette blanchi et souriant, miraculeusement préservé dans sa prison végétale, est d’une étrange sérénité. La mort est omniprésente : une des compagnies que croise Quân fabrique des cercueils à la chaîne pour les soldats. En attendant, ils s’y réfugient la nuit pour échapper aux tigres. Mais surtout, la quête de Biên lui ouvre les yeux sur le grand écart entre l’idéologie sanctificatrice de Marx et la dure réalité des gens de l’arrière. Duong Thu Huong a combattu dès l’âge de 18 ans avant d’être exclue du parti communiste en 1990, après la publication, entre autres, de ce Roman sans titre. FA

DOGE, Jim L’oiseau CanadècheParis, Cambourakis, 2010 (Literature). 118 p.Cote R DODG Voici un roman épique, poétique, mélancolique mais en même temps fort réjouissant que vous ne lâcherez plus dès lors que vous l’aurez ouvert. A trois ans, Titou se retrouve orphelin dans des circonstances peu banales : sa mère se noie en voulant nourrir un canard. Le petit se re-trouve à la garde de son grand-père, vieil original, individualiste, libertaire, vaguement anarchiste, un poil misanthrope, caractériel et bougon, très proche de la nature, totalement arc-bouté sur sa liberté mais généreux à sa manière. Il croit presque en son immor-talité depuis qu’un vieil indien lui a donné la recette d’un tord-boyaux nommé « le vieux râle d’agonie ». Lorsque l’enfant devenu plus grand trouve un caneton dans un piteux état, le jeune et le vieux vont l’adopter et bouleverser leur quotidien pour ce petit canard, rapidement nommé Canadèche. Ils lui font la cui-sine, l’emmènent au cinéma drive-in, tentent de lui apprendre à jouer aux échecs… pour la suite, il faut lire ou plutôt déguster ce petit livre bien épicé. CD

Page 24: Envie de lire n°32

24

ERNAUX, Annie L’autre filleCote 848.03 ERN Paris, Nil, 2011 (Les affranchis). 77 p.Cette nouvelle collection propose des textes courts, sous forme de lettre envoyée par l’écrivain au destinataire de son choix. Annie Ernaux choisit d’écrire un court récit à sa sœur aînée, décédée à l’âge de six ans, soit deux ans avant sa nais-sance. Elle s’interroge sur la place et le rôle laissés à celui ou celle qui reste. Comment la vie se construit-elle autour ou contre l’absence et la disparition. En fouillant dans sa mémoire, avec quelques traces encore visibles (des photogra-phies par exemple) ou les voix de sa famille ou de ses voisins, elle dévoile la place omniprésente de l’absente et de l’absence.« Je n’écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j’écrive, ça fait une

grande différence. »Avec une écriture dense, faite de phrases courtes et dépouillées, elle signe un livre percutant, parfois même violent ou dérangeant. PB

DUROY, Lionel ColèresCote R DURO Paris, Julliard, 2011. 211 p.On ne se laisse évidemment pas leurrer par le nom du héros : Marc Maison est bien évidemment Lionel Duroy lui-même, qui poursuit ici son récit autobiogra-phique entamé dans Priez pour nous, puis repris dans Le chagrin, qui connut l’année dernière un succès retentissant. Ce roman intimiste et sensible aborde les doutes et les angoisses d’un écrivain qui vient de s’attacher un large public et qui, en même temps, voit sa vie partir à vau-l’eau. Son fils vient de l’escroquer comme on le ferait à son pire ennemi, sa femme ne veut plus qu’il le touche et il se pose beaucoup de questions sur lui-même, son rôle de père, son image de la femme (celle qu’il s’est forgée dès le début de sa vie à travers sa mère, cette folle !). Encore une fois, c’est pour survivre qu’il écrit. Pour ne pas sombrer dans la dépression. Malgré l’intimité donnée au récit, le lecteur ne se sent pas voyeur et écoute la vie de cet homme qui rend compte de ses failles, avec une sensibilité à fleur de peau. DM

Page 25: Envie de lire n°32

25

EXLEY, Frederick Le dernier stade de la soif : mémoires fictifsCote R EXLE Toulouse, Monsieur Toussaint Louverture, 2011. 445 p.Exley est le fils d’un footballeur célèbre, mort trop tôt et qui fait planer sur lui l’ombre incomparable de son talent. Jeune homme, il sombre rapidement dans l’alcool, la dépression, multiplie les séjours en hôpital psychiatrique, avec toujours une obsession : écrire. Les matches des New York Giants du dimanche après-midi sont les seules béquilles qui le tiennent encore debout. Il est obsédé par un joueur de l’équipe, Frank Gifford, qu’il a vaguement côtoyé à l’université sans même faire sa connaissance. Sa vie personnelle est un désastre : il s’attache aux femmes qu’il devrait fuir, est incapable de poursuivre une relation normale avec la sienne, Patience, qui porte pourtant bien son nom. Deux enfants plus tard, retour à la case départ, Frederick est un loser, rongé par l’alcool, toujours angoissé par la feuille blanche, qui finira bien par se noircir pour donner ceci. « Ce qui explique son succès, ce sont ses échecs » écrit Christopher Lehmann-Haupt dans le New York Times. On ne saurait mieux dire de cette dérive d’angoisse et de souffrance, désopilante pourtant, qui rappelle le regretté Bukowski. DM

ESCHBACH, Andreas Jésus vidéoCote R ESCH Nantes, Atalante, 2006 (La dentelle du cygne). 597 p.Lors des fouilles d’une nécropole datant de 2000 ans, en Israël, un jeune homme découvre le squelette d’un homme qui portait une petite pochette autour du cou. Sa curiosité étant plus forte que sa déontologie d’archéologue, il ouvre cette pochette et trouve une chose inimaginable : un sachet de plastique contenant le manuel d’utilisation d’un caméscope Sony, caméscope qui sera commercia-lisé seulement dans 3 ans ! S’agirait-il d’un canular ? Un homme a-t-il trouvé le moyen de remonter le temps ? Et si c’était le cas, a-t-il pu filmer la Palestine de cette époque, et peut-être… Jésus ? Les différentes théories qui s’échafaudent inté-ressent au plus haut point de nombreuses personnes comme le multimilliardaire qui finance la campagne de fouilles, les autorités du Vatican et bien sûr, notre jeune homme qui n’entend pas se faire piquer sa trouvaille… FG

Page 26: Envie de lire n°32

26

FALCONES, Ildefonso La cathédrale de la merCote R FALC Paris, Laffont, 2008. 614 p.Titre original espagnol : La catedral del mar. Cote R6 FALC

Catalogne, 14ème siècle. Alors qu’à Barcelone, on commence à ériger la cathé-drale Santa Maria del Mar, le jeune paysan Bernat Estanyol prend épouse. En vertu de son droit de cuissage, le seigneur Lorenç de Ballara vient troubler la noce et violer la jeune épouse avant de venir la récupérer pour servir de nourrice à son propre fils. Bernat s’enfuira à Barcelone, emportant son fils Arnau qui n’a que quelques mois. Celui-ci grandira dans le quartier des potiers, recueilli par son oncle et sa tante, avant d’être chassé de la famille. Adolescent, il sera le plus courageux des bastaixos, les porteurs des pierres qui serviront à construire la cathédrale. Un juif, qui s’est pris d’amitié pour lui, lui donnera ensuite l’occasion de s’enrichir en devenant cambiste. Arnau passera sa vie à lutter. Amour, injustice, trahison, amitié, vengeance, souffrance et larmes seront ses compagnons quoti-diens, mais Arnau n’oubliera jamais d’où il vient, tâchant de prendre le parti du plus faible contre le pouvoir du plus fort. Cette aventure haletante, qui, forcément, vous rappellera Les piliers de la terre de Ken Follett, et qui se dévore d’une traite, est également une découverte passionnante sur les us et coutumes de la Catalogne au Moyen Âge. Un excellent pavé. DM

FOER, Jonathan Safran Faut-il manger les animaux ?Cote 641.36 FOE Paris, Olivier, 2011. 362 p.Titre original anglais : Eating animals. Cote 641.36 FOE

Entre philosophie et morale l’auteur mène une enquête sur les dérives de l’industrie agro-alimentaire et ceci plus particulièrement aux Etats-Unis, mais le tableau n’est guère plus réjouissant en Europe ! Le point de départ de cet essai est la question que l’auteur se pose quant à son fils : ce que je donne à manger à mon fils est-il bon pour sa santé ? Cette question va le mener à visiter des fermes industrielles toujours plus productivistes où l’animal n’est pas sensé éprouver quoi que ce soit. Comment son traités les animaux avant d’atterrir dans nos assiettes ? Comment sont-ils tués ? Arrivent-ils malades dans nos estomacs ? Est-ce une fatalité de man-ger de la viande ? C’est vraiment une plongée dans un enfer d’autant plus insou-tenable qu’il est bien réel. Le texte explore également le rapport que nous avons face aux autres espèces animales. Nous sommes en plein dans l’émergence de la

réflexion sur le spécisme. L’auteur va mettre son nez là où personne n’a envie d’aller, là où les odeurs, les gestes choquent et révoltent. Franck Reese, petit éleveur aux méthodes traditionnelles a cette phrase : « je n’ai jamais rencontré personne dans le milieu de l’élevage – qu’il soit directeur, vétérinaire, employé, - qui doute que les animaux ressentent la douleur » A méditer… ce livre touche au quotidien de tout le monde. CD

Page 27: Envie de lire n°32
Page 28: Envie de lire n°32
Page 29: Envie de lire n°32

29

FRY, Stephen Le faiseur d’histoiresCote R FRY Paris, Gallimard, 2011 (Folio science-fiction ; 397). 645 p.Michael Young, jeune étudiant en histoire, vient de terminer sa thèse qui porte sur la jeunesse d’Hitler. Au hasard d’un geste maladroit, son document va se retrouver étalé devant les yeux du professeur Leo Zuckermann qui montre un intérêt étrangement marqué pour la thématique choisie. Et pour cause... Fils d’un doc-teur ayant officié à Auchwitz, il est rongé par la culpabilité et ne rêve que d’une chose, trouver un moyen de racheter la faute. Avec le concours de Michael, ils vont parvenir à l’impensable : éviter la naissance même d’Hitler grâce à une machine sophistiquée. Et si ce n’était pas aussi simple ? Et si changer le cours de l’histoire pouvait mener à un résultat encore plus terrible ? Stephen Fry, figure médiatique anglaise, aime dérouter son lecteur tant par son écriture que par son traitement d’un sujet somme toute assez classique. JM

FOX, Paula Parure d’empruntCote 828.03 FOX Paris, Gallimard, 2010 (Folio ; 5038). 280 p.Cette autobiographie de Paula Fox se lit comme un roman. La jeune Paula est de trop dans le couple par trop puéril de ses parents, un écrivain raté porté sur l’alco-ol et une mère qui ne s’intéresse pas à sa fille, allant jusqu’à demander à son mari de choisir entre elles… De son doux nid qu’elle partage avec l’oncle Elwood, un pasteur congrégationaliste qui lui donne une certaine forme d’amour paternel et le goût des livres, elle sera arrachée pour aller vivre avec sa grand-mère à Cuba où elle est gouvernante, puis à New York. Une succession d’endroits, de personnes, entrecoupées par l’apparition sporadique et triomphante de son père. Paula Fox raconte ce passé chaotique sans sombrer dans le misérabilisme ou le pathos et démontre une grande capacité de résilience. C’est un livre très sensible qui porte en lui les mêmes sujets que Paula Fox va toujours aborder dans son œuvre, une œuvre à découvrir absolument. DM

Page 30: Envie de lire n°32

30

GABRIELSSON, Eva ;COLOMBANI,Marie-Françoise Millénium : Stieg et moiArles, Actes Sud, 2011. 185 p.Cote 839.7 GAB Eva Gabrielsson était la compagne de l’auteur de la trilogie Millenium. Pendant trente-deux ans, elle partagea la vie et les convictions du jour-naliste justicier. Stieg Larsson travailla pen-dant vingt ans dans une agence de presse, puis dès 1995, il fonda un journal militant, organe de leur fondation Expo. Depuis toujours, le couple lutte contre la montée de l’extrême droite en Suède, se mobilisant sans cesse pour les Droits de l’homme, la morale et la justice. Leur relation de couple, singulière et peu banale fut un mélange d’amour, de complicité, de combats communs : longues discussions, actions à préparer, des milliers d’articles à écrire et quelques livres furent le quotidien de l’architecte et du journa-liste autodidacte. Les trois tomes de Millenium furent inspirés de leurs propres engagements : lutte contre le grand capitalisme, corruption, impunité des plus riches. Stieg se servit également de mille détails de sa propre vie, emprunta des « caractères » dans son entourage, des lieux familiers devinrent le théâtre de scènes du roman. Ce récit passionnant, émouvant, est un hommage au compagnon de toute une vie, un compagnon précieux, intègre, incorruptible, qu’elle aima jusqu’à sa mort prématurée. MCM

FUSARO, Philippe L’Italie si j’y suisLyon, La fosse aux ours, 2010. 171 p.Cote R FUSA Lorsque sa femme le quitte, Sandro, hébété, part en Italie avec son fils Marino pour un voyage indéterminé. A bord de leur Alfa Romeo Giulietta Spider, ils filent vers le Sud au gré des envies. Imaginez le véri-table duo de choc : un

père au look rock and roll et son fils déguisé en cos-monaute ! Mais sous cette dégaine comique se cache la blessure de la fraîche rupture. J’ai eu beaucoup de plaisir à suivre ce tandem dans son voyage initia-tique, qui au départ s’apparente plus à une fugue. Le récit est à la fois drôle, tendre, intelligent, poétique, le tout saupoudré d’ « italianité ». Ce titre fait partie de la sélection Lettres frontières 2011. FB

Page 31: Envie de lire n°32

31

GAIMAN, Neil NeverwhereVauvert, Au diable vauvert, 2010. 494 p.Cote R GAIM Dans les rues de Londres, Richard et sa fiancée se rendent à une soi-rée importante lorsqu’ils découvrent une jeune fille ensanglantée sur le trot-toir. N’écoutant pas les recommandations de sa fiancée, Richard ramène la blessée chez lui pour

la soigner mais celle-ci le supplie de ne pas l’emme-ner à l’hôpital et disparaît dès le lendemain. Dès ce moment, tout bascule pour Richard : plus personne ne le reconnaît, sa fiancée le quitte et d’étranges person-nages le cherchent, avec des intentions pas vraiment amicales. Il se met donc en tête de retrouver cette inconnue et va basculer dans le monde souterrain de Londres, peuplés d’êtres bizarres, comme si le déve-loppement de la « ville d’en haut » s’était dissocié de celui de la « ville d’en bas »… Arrivera-t-il à retrouver sa place dans le monde des humains ? FG

GAILLY, Christian Les évadésParis, Minuit, 2010 (Double ; 65). 234 p.Cote R GAIL Les Tod sont une famille étrange et renfermée. La mère, jour après jour, écoute son compagnon jouer invariablement du piano. Le fils Jérémie tombe amoureux d’une fille qui n’est pas pour lui. En représailles, un policier le tabasse en pleine rue et se fait tuer par un commerçant, Theo Panol. Il écope de trente ans de prison, mais les Tod et ses amis prennent le défi de le faire évader. La mission est délicate et risquée… Dans ce roman d’une rare maîtrise, plus que l’histoire, c’est l’écriture remarquable et si particulière de Chris-tian Gailly qui nous plonge dans le mental des person-nages qui aiment ou qui haïssent, mais qui se ligueront contre le sort pour libérer un homme, à moins que ne ce soit pour sortir eux-mêmes de leur prison intérieure. Un style exceptionnel et rare. MCM

Page 32: Envie de lire n°32

32

GOLDEN, Reuel New York : portrait d’une villeCote 973.9 GOL Köln, Taschen, 2010. 559 p.Comprendre New York par les photographies, voilà ce que cherche Reuel Gol-den en publiant ce gros livre de 559 pages. L’auteur, diplômé en sciences poli-tiques, est aussi passionné par le monde de l’image. Il a fouillé archives et col-lections privées, a convoqué les meilleurs photographes pour proposer ces 500 regards sur la ville entre 1850 et 2010. La construction du Pont de Brooklyn en 1880, un repaire de bandits dans Mulberry Street, l’hiver à New York immorta-lisé par un des premiers appareils photo réellement portatifs un marin embrassant une infirmière sur Times Square pour illustrer la capitulation du Japon en 1945, autant de photos d’anonymes que de célébrités. C’est un plaisir de se laisser aller à feuilleter ce livre. Les légendes et les explications qui introduisent les différentes périodes sont également très intéressantes. Et pour donner encore plus d’éclat à

cet ouvrage, l’auteur a choisi des extraits de chansons, de livres, de films, de journaux qu’il nous propose par-ci, par-là. Au final, un beau voyage à New York à moindre prix ! RL

GARCIN, Jérôme OlivierCote 848.03 GAR Paris, Gallimard, 2011 (Blanche). 157 p.A l’âge de 53 ans, Jérôme Garcin ressent le besoin d’écrire sur son frère jumeau, Olivier, fauché par une voiture à la veille de ses six ans. En redonnant vie à ce double qui est resté un enfant, qui a grandi en lui, l’auteur lui exprime sa dette et l’emmène avec lui dans une introspection. Dans ce récit qui oscille entre des souvenirs familiaux et des textes littéraires ou scientifiques, le fantôme de ce frère perdu, par un jeu de miroir, réapparaît le temps de la lecture.Avec pudeur et franchise, Jérôme Garcin revient sur les images un peu floues de sa jeunesse, sur son adolescence ombrageuse, sur son insouciance et sa mélancolie. De son écriture magnifique, il signe un hommage à ce frère disparu, un livre de deuil, mais surtout un hymne à l’amour. PB

Page 33: Envie de lire n°32

© Daleo1, 2007

Page 34: Envie de lire n°32

© Laura Kirazian

Page 35: Envie de lire n°32

35

HORNBY, Nick Juliet, nakedCote R HORN Paris, 10/18, 2010. 312 p.Titre original anglais : Juliet, naked. Cote R2 HORN

Gooleness est une petite station balnéaire d’Angleterre, où on s’ennuie tranquille-ment. Duncan et Annie, alors que leurs 40 ans approchent, réalisent qu’ils n’ont plus grand-chose en commun et que leur petite vie sans histoire ne les satisfait plus. Duncan est un fan inconditionnel de Tucker Crowe, un rocker à la retraite dont tout le monde (si ce n’est le millier de fans qui alimentent un blog qui lui est dédié) a oublié l’existence. D’ailleurs les voici, Duncan et Annie, en voyage aux Etats-Unis sur les traces de Crowe, à visiter la maison où il vécut en Californie, et les toilettes d’une boîte qu’il a utilisées, à Minneapolis. Une nouvelle version de son album Juliet, appelée Juliet, naked sort tout à coup des limbes et c’est l’effer-vescence chez les fans de Crowe. Les articles se succèdent sur le blog. Annie est un peu surprise de l’enthousiasme des fans et écrit un article critique très bien tourné qui va éveiller l’attention de Tucker Crowe lui-même. S’ensuit une corres-pondance qui va bouleverser le cours de l’histoire de chacun d’eux. Un roman résolument rock et contemporain, bien ficelé, qui vous tient en haleine jusqu’au bout. DM

HANSEN, Erik Fosnes La femme lionCote R HANS Paris, Gallimard, 2011 (Du monde entier). 451 p.A l’aube du 20ème siècle dans une petite ville de province norvégienne Eva voit le jour couverte de longs poils fins car atteinte d’une maladie rare (hypertrichosis lanuginosa congenita ou hirsutisme). Privée de sa mère, morte en la mettant au monde, elle est contrainte d’apprivoiser son père, d’abord repoussé par l’aspect de sa fille. La fillette grandit, lit beaucoup car recluse et solitaire. Elle manifeste une intelligence et une sensibilité des plus vives. Elle est plus ou moins protégée par la petite communauté provinciale mais devient, dès qu’elle met le nez hors de son cercle protégé, un objet de curiosité et de mépris, un être tantôt malmené, humilié ou, il est vrai, parfois courtisé mais pas toujours pour les bonnes raisons. Le récit se construit à la troisième personne mais avec des passages de monolo-gues intérieurs, les réflexions d’Eva et des extraits de son journal intime. Ce roman tout entier est une réflexion sur la différence, sur la douleur, la solitude et sur l’être humain si terriblement limité. CD

Page 36: Envie de lire n°32

36

JARDIN, Alexandre Des gens très bienCote 848.03 JAR Paris, Grasset, 2011. 297 p.Des gens très bien met à mal la légende familiale des « Jardin ». Alexandre Jardin s’interroge sur les activités de son grand-père, Jean, dit le Nain Jaune, qui fut le directeur de cabinet de Pierre Laval, chef du gouvernement du maréchal Pétain, du 20 avril 1942 au 30 octobre 1943. Le 16 juillet 1942 a lieu la rafle du Vel d’Hiv, qui fit 12’884 morts, dont plus de 4000 enfants. Sans apporter de preuves supplémentaires, il pose ouvertement la question de la responsabilité de son grand-père. Par extension, il accuse aussi son père, Pascal Jardin, dit le Zubial, d’en avoir, tout au long de sa vie et de ses écrits, dressé un portrait très complaisant. Il en veut aussi à sa famille de lui avoir fait porter le poids de ce secret. Alexandre Jardin ne se contente pas de raconter les faits, mais prête des attentions à ses personnages, tous morts, pense et parle à leur place, avec une indéniable qualité littéraire. Un texte fort tourné vers le futur. PB

HOTAKAINEN, Kari La part de l’hommeCote R HOTA Paris, Lattès, 2011. 285 p.Imaginez ; vous baguenaudez au salon du livre, où vous a entraînée votre fille et vous rencontrez un auteur qui vous propose une belle somme d’argent contre l’histoire de votre vie. En bonne commerçante que vous étiez, vous demandez à réfléchir et cédez, pour une somme que vous avez largement arrondie. Voici donc Salme, mercière à la retraite devant l’écrivain en panne d’inspiration, qui lui raconte sa vie de finlandaise bon teint, une vie banale entre sa famille et son petit négoce. Il ne devra écrire que la vérité, rien que la vérité, mais il sent bien que Salme ne lui révèle pas l’essentiel. Que se cache-t-il derrière les carrières réussies de ses trois enfants ? Au fil des mots, des aveux ou réticences de Salme, le romancier comprend qu’aucune existence n’est jamais lisse et uniforme. Nos vie sont-elles aussi petites et réduites, que cachons-nous derrière notre banalité, notre normalité : n’est-elle pas surtout signe de notre faiblesse coupable face à l’inconnu ? Beaucoup de tendresse, de rires et de mélancolie dans ce charmant roman. MCM

Page 37: Envie de lire n°32

37

KHADRA, Yasmina A quoi rêvent les loupsCote R KHAD Paris, Julliard, 1999. 274 p.Certes, Nafa aurait pu s’appliquer un peu plus sur les bancs d’école. Mais le gar-çon, depuis tout jeune, n’a qu’une passion : le cinéma. Après une première expé-rience d’acteur, il trouve une place de chauffeur dans une famille de la grande bourgeoisie d’Alger. Pensant tirer profit de ses relations, il doit vite déchanter à force d’humiliations et de vexations. Le jour où il doit quitter son emploi plutôt que d’être impliqué dans un crime marque un tournant fatal dans sa vie… car dans les années 80, les mouvements intégristes ratissent dans les rangs d’une jeunesse désoeuvrée et désespérée. Enrôlé dans des opérations terroristes, Rafa sème, avec ses compagnons soldats de Dieu, violence et désolation sur les chemins d’Algérie. Grâce au talent littéraire de Yasmina Khadra, j’ai avalé d’un seul trait ce roman pourtant extrêmement dur et triste. FB

JONASSON, Jonas Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaireCote R JONA Paris, Presses de la cité, 2011. 453 p.A 100 ans, on peut tout se permettre ! Allan décide donc de s’évader de la pen-sion où on s’apprête à « fêter » son anniversaire sans alcool (il en raffole), sans franches rigolades (il aime tant cela), sous haute surveillance (il déteste). Sur un coup de tête (qu’il a encore bien en place), il saute le mur avec ses charentaises et quelques sous en poche, juste de quoi s’acheter un billet de bus. L’aventure prend un tour inattendu quand un jeune homme dans la salle d’attente lui demande de surveiller sa valise pendant son absence. Le bus arrive et au lieu d’abandonner ladite valise comme un vieillard bien élevé, il la vole. Quand il découvre qu’elle est pleine de couronnes suédoises, son existence va d’un coup redevenir palpi-tante. Sur sa route il nouera des amitiés sincères avec des individus loufoques, ivres de liberté, prêts à changer de vie du jour au lendemain. En parallèle, « le vieux » nous raconte les 99 années précédentes : ses rencontres avec Franco, Truman, Staline, Mao, Churchill ou De Gaulle... Un roman du Nord qui dégivre les zygomatiques ! RL

Page 38: Envie de lire n°32

38

LARSON, Leslie Bons baisers de Cora

SledgeParis, 10/18, 2011. 379 p.Cote R LARS Vieille dame indigne, obèse et octogénaire, Cora Sledge est en train de moisir dans une EMS, à la demande expresse de ses trois en-fants, du genre avares de leurs visites. Ce n’est pas trop son truc, à Cora, les EMS. On y est cantonné dans une chambre pas folichonne, aux re-pas on est placé à côté d’un trio hétéroclite de vieux enquiquineurs, il faut se cacher pour aller fumer, etc. De plus, la proportion d’hommes par rapport à celle des femmes est ridiculement basse. Aussi, quand un vieux beau commence à lui faire du gringue, la rejoi-gnant en cachette pour partager une cigarette, Cora est-elle immédiatement charmée… Elle n’aura dès lors plus qu’une idée en tête : s’enfuir avec lui pour retrou-ver sa maison, et même, pourquoi pas, l’épouser. Ce journal de Cora nous raconte ce que fut sa vie, et elle ne fut pas toujours facile, avec ses grands secrets, nous rendant son auteur terriblement attachante. Un bon roman, drôle et dynamique, mais pas toujours léger. DM

KOCH, Herman Le dînerParis, Belfond, 2011. 329 p.Cote R KOCH Paul et sa femme Claire ont rendez-vous dans un restaurant huppé du centre d’Amsterdam. Ils attendent le frère de Paul, un célèbre homme politique, et son épouse. Cela aurait pu être un banal repas, mais chacun des quatre personnages sait qu’il

en sera autrement. Leurs fils respectifs ont commis l’irréparable en mettant le feu à une clocharde qui dormait devant un guichet automatique. Au fil du repas, entre pleurs, disputes et questionnements, les quatre adultes cherchent à imaginer le futur. Doivent-ils cacher le délit de leur fils, ou dire la vérité au risque de perdre la face et leur carrière ? Unités de lieu, de temps, d’action pour ce drame contemporain, entre violence gratuite, incompréhension entre les généra-tions. Qui a perdu le sens des réalités, où sont passés les codes moraux, le sens des valeurs ? Un très bon sujet bien traité dans ce roman sans complaisance. MCM

Page 39: Envie de lire n°32

© qmnonic, 2006

Page 40: Envie de lire n°32

« I am Sir Lancelot du Lake,King Ban’s son of Benwick,

and knight of the Round Table. »

© N.C. Wyeth, 1917

Page 41: Envie de lire n°32

41

LAWHEAD, Stephen Le cycle de Pendragon Paris, Librairie générale française, 2002 (Le livre de poche ;Cote R LAWH 15218) . 5 Vol.Avis aux amateurs de légendes arthuriennes : précipitez-vous sur Le Cycle de Pendragon ! Stephen Lawhead a écrit cette série de cinq volumes : Taliesin, Merlin, Arthur, Pendragon et le Graal qui reprennent toute l’épopée de la légende arthurienne et la matière de Bretagne avec une plume bien plus moderne que les textes fondateurs à la lecture parfois assez difficile. Ces romans permettent de se replonger avec délectation dans ces aventures historico-mythologiques, avec aussi quelques ajouts propres à l’auteur. Bref, ce n’est qu’un avis personnel, mais ce cycle fait partie des tout bons romans modernes sur ce sujet, si, si ! FG

Page 42: Envie de lire n°32

42

LETHEM, Jonathan Les orphelins de BrooklynCote R LETH Paris, Olivier, 2003. 360 p.Titre original anglais : Motherless Brooklyn. Cote R2 LETH

A 13 ans, Lionel vit dans un orphelinat de Brooklyn. Un de ses potes plus âgé, Tony, traîne dans le quartier pour qu’on le remarque. « On » ce sera Minna, 25 ans, à peine plus mûr que ceux qui travailleront pour lui. Avec deux autres orphe-lins, la bande des « Minna Men » est prête à sévir. C’est Lionel qui nous raconte cette jeunesse trempée dans les combines et les arnaques. Mais c’est aussi le syndrome de Gilles de la Tourette qu’il décrit. Cette maladie le handicape, le fragilise face aux autres, à cause des ses TOC, de cette difficulté à parler, il est moqué, souvent humilié. Grâce à Minna, à la confiance qu’il lui donne, il trouve en lui les forces nécessaires pour se (re)construire. L’auteur, avec humour, nous brosse des portraits attachants, fascinés par leur chef, des jeunes en devenir. Un drame va alors arriver et pour ces « boys », le saut dans l’âge adulte sera vécu différemment. Un très beau livre sur la construction de soi dans un Brooklyn très bien décrit. RL

LE CALLET, Blandine Une pièce montéeCote R LECA Paris, Stock, 2006. 319 p.L’été resplendit, ces messieurs sont sur leur trente-et-un, ces dames portent haut leurs beaux chapeaux. C’est aujourd’hui le mariage de Bérengère et Vincent. Blandine Le Callet nous introduit dans la tête des protagonistes de la noce. Cha-cun à son tour raconte un épisode la journée. On commence par une nièce de la mariée, Pauline, très sérieuse dans son rôle de fille d’honneur, puis on continue avec le prêtre… et on poursuit ainsi jusqu’à la nuit. En apparence, c’est le film parfait de la haute bourgeoisie provinciale qui se déroule sous nos yeux. Mais sous ce vernis bien épais, l’auteur perce à jour les personnages et leurs fissures. Le style limpide de ce premier (et, d’après moi, fort réussi) roman rend cette lecture très agréable. J’ai aussi beaucoup aimé du même auteur La ballade de Lila K. à l’atmosphère diamétralement opposée. FB

Page 43: Envie de lire n°32

The Library of Congress

Page 44: Envie de lire n°32

© Anthony Venutolo

Page 45: Envie de lire n°32

45

LEWIN, Michael Z. Les chiens sont mes amisCote R LEWI Monaco, Outside, 2010 (Thriller). 244 p.Il est rare que les gentils aient l’étoffe des héros. Et bien, Jan Moro est l’exception qui confirme la règle. Il ne se voit pas du tout comme un SDF. Certes, il n’a pas de toit, mais a ses petites habitudes pour manger, dormir, se laver, bref être un entrepreneur comme les autres. Jamais à court d’idées, il se dépense sans comp-ter pour placer ses inventions, comme par exemple la cagoule pour fumeurs. Bien malgré lui, il tombe sur un trafic de chiens et se retrouve coincé entre les flics et la mafia. Je ne devrais pas dire « coincé » car Jan est un maître entrepreneur-esqui-veur ! Tout est dans le sourire, et dans la manière. Michael Z. Lewin, hélas trop peu traduit en français, trousse là un joli pastiche de roman noir. FA

LEVISON, Iain Arrêtez-moi là !Cote R LEVI Paris, Liana Levi, 2011 (Littérature). 245 p.Jeff est un chauffeur de taxi de Dallas sans histoires jusqu’au jour où il est arrêté pour le kidnapping d’une fillette. Il a beau clamer son innocence, rien n’y fait : à lui de trouver les preuves de son innocence, ce qui s’avère difficile avec un avocat commis d’office. Entre-temps, il croupit en prison dans le couloir de la mort. Iain Levison, déjà connu pour sa plume acerbe (Tribulations d’un précaire , Un petit boulot), s’en prend cette fois-ci à l’appareil judiciaire américain… et il y réussit fort bien, tant on est happé, abasourdi et écoeuré par cette histoire inspirée par un fait divers. Voilà un aperçu percutant de la justice américaine qui fait écho à l’affaire DSK… FB

Page 46: Envie de lire n°32

46

MANSET, Gérard Visage d’un dieu incaCote 782.42 MAN Paris, Gallimard, 2011 (L’Arpenteur). 119 p.Dans ce récit rempli de grâce, Gérard Manset, qui est auteur-compositeur-inter-prète, peintre, photographe et écrivain, raconte sa rencontre tardive avec Alain Bashung.Il dresse le portrait de son ami, depuis le début de leur carrière respective, dans les années soixante. Même s’ils se sont croisés à plusieurs reprises, chacun se contentait de suivre la trajectoire de l’autre, avec respect et pudeur, d’album en album. Ce n’est qu’en 2005-2006 que leurs vies parallèles finiront par se ren-contrer, débouchant sur trois titres, dont le superbe Comme un lego, sorte d’adieu à ce monde, qui apparaîtront sur le dernier album de Bashung, Bleu Pétrole. Avec une écriture tendue, Gérard Manset fait remonter les souvenirs, dans ce livre inclassable, très travaillé, étouffant parfois, souvent drôle et nostalgique. Un très bel hommage. PB

MacEWAN, Ian SolaireCote R MACE Paris, Gallimard, 2011 (Du monde entier). 388 p.Titre original anglais : Solar. Cote R2 MACE

Auréolé de son ancien prix Nobel de physique, Michael Beard vit sur ses ac-quis… qui s’amenuisent. Sa vie personnelle est un désastre, sa cinquième femme venant de lui signifier leur prochain divorce. Quant à sa vie professionnelle, elle ne vaut guère mieux. Voilà des années qu’il n’a plus rien produit ni créé, et il s’engage mollement dans un projet sur le réchauffement climatique. Et puis voici que la chance frappe à sa porte, en la personne d’un étudiant et admirateur dont les théories novatrices, s’ils parviennent à les développer ensemble, pourrait lui permettre de rebondir. Je n’ai pas envie de vous révéler les multiples péripéties qui font que ce livre, même s’il peine à démarrer sur la première partie, est une réelle réussite. Il vaut la peine qu’on s’accroche un peu, le rythme allant crescendo jusqu’à une fin digne du très grand romancier qu’est Ian MacEwan, c’est-à-dire excellente. DM

Page 47: Envie de lire n°32

47

MAZAURETTE, Maïa Dehors les chiens, les infidèlesCote R MAZA Lyon, Mnémos, 2008 (Icares). 296 p.Les forces de la Lumière ont perdu la guerre contre l’Occident noir voici un peu moins d’un siècle. Depuis, la lumière du soleil a disparu de la surface de la Terre mais la Sainte Inquisition envoie tous les cinq ans un groupe de cinq adoles-cents pour essayer de retrouver l’Etoile du matin, épée mythique qui permettra de ramener la lumière et mettra fin au règne des ténèbres. Les quêteurs d’un de ces groupes vont découvrir que, derrière un idéal qui leur semble noble, se cachent de nombreuses questions de pouvoir et que le retour de l’Etoile du matin pourrait servir de nombreux desseins selon les différents clans des forces de la Lumière… Et pas toujours aussi nobles qu’annoncés. FG

MAYNARD, Joyce Long week-end Paris, 10/18, 2011 (10/18 ; 4411. Domaine étranger).

Cote R MAYN 251 p.Adèle et Henry. La mère et son fils de 13 ans. Dans quelques jours Henry recom-mence l’école et sa mère et lui profitent du congé du « labour day » pour aller faire des courses au supermarché. Pour Adèle, femme fragile et fantasque durement marquée par la vie, et qui vit pratiquement recluse, sortir de chez elle relève de l’exploit. Au centre commercial mère et fils vont rencontrer Franck qui vient de s’échapper de prison. Traqué par la police Franck se cache chez eux. Une ren-contre improbable qui bouleversera le week-end et le destin des personnages… Cette histoire lumineuse et sensible, qui dépeint avec justesse et humanité des êtres abîmés par la vie porte le lecteur et touche durablement au cœur et à l’âme. CLR

Page 48: Envie de lire n°32

48

MUNOZ MOLINA,Antonio Un hiver à LisbonneArles, Actes sud, 1990. 219 p.Cote R MUNO Dans ce roman d’am-biance nous suivons dans un bar de Madrid une conversation pleine de nostalgie au cours de laquelle un pianiste de jazz confie au nar-rateur l’histoire de son chassé-croisé amoureux avec Lucrecia, la com-pagne d’un trafiquant d’œuvres d’art. Le nar-rateur tente tant bien que mal de suivre le jeu de piste laissé au fil des ans au pianiste par la mystérieuse Lucrecia. Cette passion à distance plus imaginée que réelle qui a mené cette femme d’une ville d’Europe à l’autre et a peut-être conduit le jeune musicien à Lisbonne. Le narrateur découvrira-t-il l’intersection où tout a dérapé ? MR

MORAND, Paul New YorkParis, Flammarion, 2010 (GF ; 498). 223 p.Cote 973.9. MOR Publié en 1930, ce livre est encore LA référence en matière d’histoire de New York, en particulier celle des années 1925, la période où le diplo-mate-écrivain français, Paul Morand, visite la ville. Son regard est extrêmement moderne.

Il sent New York en développement et ses descrip-tions des ponts, des buildings qui poussent comme des champignons sont remplies d’admiration. Il prend conscience de cette effervescence, du charisme de cette ville et est un des seuls Européens à vraiment s’en rendre compte. Après un rapide (mais utile) histo-rique, il se positionne comme un véritable sociologue quand il décrit ce qu’il voit, compare avec l’Europe et propose de fines analyses. Des gratte-ciels, il dira : « Ce matin, à mesure que j’avance vers Broadway, je pense qu’un homme d’aujourd’hui doit les approu-ver comme un Grec, le Parthénon ». Morand était un homme « d’aujourd’hui » et même de demain car lorsqu’on le lit en 2011, on le trouve bien plus mo-derne que certains de nos contemporains. RL

Page 49: Envie de lire n°32

Source : The Library of Congress

Million Dollar Corner, 34th et Broadway

Page 50: Envie de lire n°32

© Anthony Venutolo

Page 51: Envie de lire n°32

51

OATES, Joyce Carol La fille tatouéeParis, Stock, 2006 (La Cosmopolite). 373 p.Cote R OATE Joshua a la petite qua-rantaine et vit seul dans une grande maison. Grâce à sa fortune et à son talent d’écrivain, il n’aurait pas trop de souci à se faire… sans des montagnes de manuscrits et de corres-

pondance à trier et une mystérieuse maladie qui le diminue petit à petit. C’est pourquoi il engage une as-sistante pour l’aider dans divers travaux. Elle s’appelle Alma. Sa peau est enlaidie d’étranges tatouages. Elle semble incapable de parler et de se comporter cor-rectement. Et pourtant, Joshua la prend sous sa protec-tion et tente de l’instruire. Il ne ressent pas la haine et le désir de vengeance qui bout dans le cerveau de la jeune femme. Dans ce huis clos tendu, Oates met en scène deux mondes éloignés, celui de l’élite cultivée et celui des laissés pour compte. Roman noir ou même thriller ? A vous d’en juger. On ne ressort en tout cas pas indemne de cette lecture captivante. FB

MURAKAMI, Haruki SommeilParis, Belfond, 2010. 77 p.Cote R MURA Existe aussi dans le recueil de nouvelles : L’éléphant s’évapore

Étudiante, elle avait déjà eu une période de grande insomnie… et voilà que 10 ans plus tard, le sommeil lui fait de nouveau défaut. Ce drôle d’épisode a com-mencé par un rêve (ou plutôt un cauchemar) éveillé et s’est poursuivi pendant 17 jours. De quoi, pour notre héroïne, profiter de cette absence totale de sommeil pour renouer avec la lecture et, contre à toute attente, redoubler d’énergie dans toutes ses activités… tout cela en cachette de son mari et de son fils qui, eux, dorment à poings fermés. Cette nouvelle du grand romancier japonais fleure bon le mystère, encore avivé par les magnifiques illustrations oniriques qui jalonnent le texte… si vous choisissez la belle édition de Belfond. FB

Page 52: Envie de lire n°32

52

OSTERGREN, Klas GentlemenCote R OSTE Paris, Flammarion, 2009. 478 p.A travers l’histoire des frères Morgan, c’est toute l’histoire de la turbulente jeunesse suédoise des années soixante et septante que l’écrivain Klas Ostergren réussit à décrire et magnifier. Henry Morgan, l’aîné, boxeur, pianiste, se considère surtout comme un dandy. Son cadet Leo, jeune prodige versé plutôt dans la poésie et l’al-cool, se définit comme provocateur politique. Le narrateur, lui-même écrivain, en partageant leur sombre et vieil appartement sera le témoin privilégié de ces deux jeunes gens snobs, flamboyants à tendance égocentriste. Henry creuse les sous-sols de l’immeuble pour y trouver un trésor, tous deux sont mêlés à des scandales politico-économiques. Il y a bien sûr un élément féminin, trouble personnage. Livre-culte en Suède dès sa parution, ce roman foisonnant épate par son lyrisme, par ces deux personnages incroyables et torturés, servi par une écriture riche, pre-nante et dynamique. Une suite est parue en 2005 sous le titre Gangsters. MCM

O’HARA, John Rendez-vous à SamaraCote R OHAR Paris, Rivages, 2007 (Rivages poche). 301 p. L’intrigue de ce roman est mince, nous prévient son auteur. Elle concerne un jeune homme et son épouse, membres élus des clubs privés d’une petite ville de Pennsylvanie et ce jeune homme commence les vacances de Noël en projetant un cocktail au visage d’un autre membre des mêmes cercles. Celui-ci l’a aidé financièrement dans le passé et continue, au présent, à ennuyer tout le monde avec ses plaisanteries idiotes. Durant les trois jours qui suivent, le lecteur médusé assiste à la dissolution de ce couple ainsi qu’à la rupture des liens qui le ratta-chaient à la société de cette ville. L’action se situe en 1930, première année de dépression et les Etats-Unis sont encore dans leur vertueuse tentative de prohiber l’alcool (1919-1933) : on n’en but jamais autant et ce récit où planent l’ombre de Fitzgerald et du jazz le montre très bien. Unité de temps, de lieu et d’action : c’est une tragédie classique fulgurante, passionnante, inéluctable et noire. ChM

Page 53: Envie de lire n°32

53

PADURA, Leonardo Fuentes Adios Hemingway Paris, Métailié, 2005 (Suites. Cote R PADU Suite hispano-américaine ; 98). 148 p.Mario Conde, l’enquêteur attitré des romans de Padura, a quitté la police cu-baine pour s’adonner au commerce de livres anciens et à l’écriture. Mais voilà que son ex-collègue fait à nouveau appel à ses talents : on a déterré un cadavre dans le jardin de la propriété où Hemingway vivait à la Havane. Le Conde, qui voue un amour teinté de répulsion envers l’écrivain, accepte cette mission particu-lière. Pourra-t-il remonter jusqu’au meurtrier après tant d’années ? Et si celui-ci était Hemingway lui-même ? Padura, à travers un Conde toujours aussi désillusionné, réussit à distiller l’atmosphère de la Havane. Et si comme moi, vous aimez le style savoureux de Padura, de nombreux autres romans, avec ou sans Mario Conde, pourront vous ravir ! FB

PAASILINNA, Arto Le bestial serviteur du pasteur HuuskonenCote R PAAS Paris, Denoël, 2007 (Denoël et d’ailleurs). 309 p.Une fois de plus Paasilinna pousse chaque situation jusqu’aux derniers retranche-ments de l’absurde et exploite le comique de situation. Si vous y êtes sensible, ce livre a été écrit pour vous. L’auteur nous emmène au Nord de la Finlande sur les pas d’un pasteur atypique, décalé et quelque peu « déjanté ». Il est entouré de paysans qui, suite au décès totalement rocambolesque d’une ourse, lui font cadeau pour son cinquantième anniversaire d’un des oursons. Dès lors le bur-lesque est au rendez-vous et la vie du pasteur va basculer, sa femme le quitter, son évêque le révoquer. Lui va poursuivre sa quête existentielle, accompagné de Belzeb l’ours qui, entre-temps bien sûr, a grandi. Paasilinna, en bon caricaturiste, a l’œil pour saisir d’un trait ce qui fait la bonté ou la bêtise humaine. Ce périple va mener Huuskonen et son ours de la mer Blanche à Odessa et Malte pour revenir au Nord de la Finlande. Un petit livre à déguster sans modération. CD

Page 54: Envie de lire n°32

54

PILLE, Lolita Hell Paris, Librairie générale française, 2009 (Le livre de poche ;Cote R PILL 30009). 155 p. Hell a 18 ans. Riche et belle, elle se défonce à la cocaïne comme on boit du café. Dans le Paris de la jeunesse dorée, elle dépense sans compter et vit une existence superficielle et matérialiste. Blasée de tout, elle est prise dans une spi-rale autodestructrice dont elle ne semble pas pouvoir sortir. Dans sa quête elle rencontre Andrea, son double masculin. Tous deux désabusés, ils entament une idylle merveilleuse. Hell s’abandonnera-t-elle au bonheur ou essaiera-t-elle à tout prix d’entraîner son amant dans sa chute ? Entre amour et soif de destruction, le jeune couple arrivera-t-il à trouver la paix ? MR

PILLE, Lolita Bubble gumCote R PILL Paris, Grasset, 2004. 337 p.A Terminus, village de province, Manon s’ennuie, elle rêve de paillettes et de gloire. Une rencontre et l’espoir de devenir mannequin la poussent à tenter l’aventure à Paris où elle devient serveuse. Derek, un jeune milliardaire, s’ennuie et déteste le genre humain. Egocentrique, il rêve de devenir un dieu, façonner quelqu’un à son image et avoir le pouvoir de le détruire. Leurs destins se croisent et l’amour est au rendez-vous. Le rêve de Manon s’est réalisé, du moins en appa-rence : riche, célèbre, elle se laisse entraîner dans l’abîme de l’argent et des strass jusqu’au jour où… MR

Page 55: Envie de lire n°32

© nutech21

Page 56: Envie de lire n°32

© José António Lavado

Page 57: Envie de lire n°32

57

RASH, Ron SerenaCote R RASH Paris, Masque, 2011. 404 p.L’action se passe en 1930, dans les Smoky Mountains en Caroline du Nord. Le fringant Pemberton, très riche propriétaire foncier, vient d’épouser la ravissante et inquiétante Serena. Maîtres sur leurs domaines, ils dirigent d’une main de fer leurs employés, ne reculant devant rien ni personne pour exploiter d’immenses forêts. Pour une poignée de dollars, les hommes travaillent dans des conditions déplorables, certains meurent, sont gravement blessés, le travail d’abattage est éprouvant et dangereux, mais seuls comptent pour les Pemberton le profit et les avantage tirés de leur commerce du bois. Lorsqu’ils apprennent qu’un parc naturel est prévu sur leurs terres, ils se montreront d’une cruauté incroyable et usent de violences, corrompant, menaçant et assassinant tous ceux qui se dressent contre eux. Les deux personnages de ce formidable roman américain sont à l’image des paysages décrits par Ron Rash : sauvages, grandioses et impitoyables. MCM

PINEIRO, Claudia Elena et le roi détrônéCote R PINE Arles, Actes sud, 2011 (Lettres latino-américaines). 171 p.En Argentine, Elena ne se remet pas de la mort de sa fille Rita et reste persuadée qu’il s’agit d’un meurtre. Atteinte de la maladie de Parkinson, elle décide de tout tenter pour résoudre ce crime. Son seul allié, la Lévodopa, le médicament qui la soutiendra pendant son voyage et lui permettra peut-être d’atteindre Buenos Aires. Sur le chemin elle se remémore sa vie et celle de Rita, trentenaire qui était sur le point de se marier, une femme de caractère et de conviction avec qui elle n’avait pourtant aucune affinité. En fait, elle a en elle la certitude, au terme de son voyage, qu’une femme qu’elle n’a plus vue depuis vingt ans l’aidera à poursuivre son enquête. MR

Page 58: Envie de lire n°32

58

SHAMSIE, Kamila Quand blanchit le

mondeParis, Buchet-Chastel, 2010. 490 p.Cote R SHAM Titre original anglais : Burnt shadows. Cote R2 SHAM

Le 9 août 1945, la bombe de Nagasaki imprime à tout jamais dans la chair de Hiroko les deux oiseaux du kimono qu’elle avait revêtu en l’honneur de son fiancé Konrad Weiss. Le monde a blanchi, Konrad est mort. Hiroko quitte le Japon pour Dehli où vit Ilse, la demi-sœur de Konrad. L’arrivée de la jeune femme est une bouffée d’air pour Ilse qui étouffe dans le carcan de la société coloniale. Ilse, devenue Elizabeth, suffoque, mais n’admet pas que son mari James Burton joue aux échecs avec un domestique Indien. En cinq lieux, Nagasaki, Dehli, Karachi, Afghanistan, New York, en cinq dates qui vont du 9 août 1945 à l’après 11 septembre 2001, du colonialisme au terrorisme, en passant par la dou-leur de la partition de l’Inde, l’auteure raconte les bles-sures du monde à travers le destin des deux femmes, puis des deux familles. Au final, voici un magnifique roman d’amour et d’amitié avec, en interrogation lan-cinante la question : qu’est-ce qu’un préjugé ? FA

ROMANES, Alexandre Sur l’épaule de l’angeParis, Gallimard, 2010 (Blanche). 87 p.Cote 841 ROM Alexandre Romanès est issu de la grande famille du cirque Bouglione, mais il s’en éloigne as-sez vite lorsque le cirque commence à ressembler à une entreprise. Il est maintenant le directeur

du Cirque tsigane, composé d’un orchestre venu des Balkans et de gitans, sans numéros spectaculaires, mais qui se déroule comme une fête de famille.Lui qui n’a appris à lire et à écrire qu’à l’âge de 20 ans signe avec Sur l’épaule de l’ange son deuxième recueil poétique en prose. En 5 parties, il aborde les thèmes de Dieu, de la famille, de la mort, des racines tsiganes, avec une voix ancrée dans le quotidien, mais pleine de spiritualité.« Il ne m’a pas manqué grand-chose/pour te rencon-trer,/juste quelques siècles en moins/entouré de mes filles,/j’aurais aimé faire quelques pas/près de toi ».Avec beaucoup de simplicité, de douceur et de fran-chise, Sur l’épaule de l’ange est un livre rempli de lumière et de grâce. PB

Page 59: Envie de lire n°32

59

SOLER, Jordi La fête de l’oursParis, Belfond, 2011 (Littérature étrangère). 203 p.Cote R SOLER L’auteur a été bercé par la légende familiale du grand-oncle Oriol, ce pianiste républicain mort en 1939 dans les Pyrénées, après avoir porté jusqu’au bout un camarade blessé. Lors d’une conférence à Argelès-sur-mer, un des

sinistres lieux de camp de concentration des répu-blicains espagnols en France, une vagabonde lui remet une photo. Cette photo le conduit à un hameau perdu, au géant chevrier Novembre, et à remettre en question l’image héroïque d’Oriol. Au fur et à mesure de ses recherches, l’auteur découvre avec fascina-tion et répulsion le véritable visage de son grand-oncle, jusqu’à la terrible scène finale de la fête de l’ours… FA

SMILEY, Jane Une vie à partParis, Rivages, 2011. 407 p.Cote R SMIL Titre original anglais : Private Life. Cote R2 SMIL

En 1941, Margaret, la presque vieille fille, épouse tardivement le capitaine Early, un officier de marine féru d’astronomie. Si celui-ci, considéré comme le « génie du Missouri », ne pense qu’à publier les résul-tats de ses recherches personnelles, Margaret qui, d’abord, se voue et se dévoue à son mari, comprend peu à peu que sa vie n’est qu’un grand vide qu’elle ne peut combler. Et monte en elle le sentiment qu’elle n’est qu’une anecdote dans l’existence de son époux. Même sa soumission et l’effacement de ses propres désirs sont invisibles aux yeux du grand homme. Andrew Early va se perdre dans ses démonstrations de plus en plus saugrenues et surtout dans son entê-tement à dénigrer un certain Einstein, pour lui, le pire des charlatans. Margaret restera néanmoins toujours liée à Dora, femme moderne et libre et à une famille japonaise qui lui rendent son amitié sans compter. Un portrait attachant de femme docile, prisonnière d’une époque misogyne. MCM

Page 60: Envie de lire n°32

60

SUTER, Martin Allmen et les libellulesCote R SUTE Paris, Bourgois, 2011. 165 p.Titre original allemand : Allmen und die Libellen. Cote R3 SUTE

Allmen, c’est Johann Friedrich von Allmen, un aristocrate zurichois d’une qua-rantaine d’années qui a brûlé toute sa fortune et se renfloue en revendant (pas toujours légalement) des objets d’art. Les libellules, ce sont celles qui ornent ces cinq magnifiques coupes art nouveau réalisées par Emile Gallé lui-même. Allmen (qui a décidé de se débarrasser du von en cours de route), les découvre à son réveil, dans la vitrine d’une pièce attenante à la chambre où il a passé la nuit avec une femme des plus entreprenante, elles sont là, à le tenter… et bien sûr il ne résiste pas. Douze mille francs d’un coup, ça ne servira certes pas à éponger ses dettes, mais ça aidera peut-être à faire patienter ses créanciers. Sauf que… L’antiquaire à qui il refourgue sa marchandise est retrouvé mort dans sa boutique, une balle dans la tête. Et lui-même échappe tout juste à un assassinat du même ordre. Il est donc plus que temps de mener l’enquête autour de ces coupes, tâche à laquelle Allmen s’attelle derechef, aidé de Carlos, son homme à tout faire guatémaltèque. D’une écriture fine et ciselée, Martin Suter nous emmène dans un récit savoureux. DM

SOUID, Sihem Omerta dans la policeCote 363.2 SOU Paris, Cherche midi, 2010 (Documents). 269 p.Quand Sihem Souid entre dans la police, elle la pense juste, égalitaire, sociale, en adéquation avec les valeurs républicaines. Issue d’un milieu modeste, origi-naire de Tunisie, établie en banlieue parisienne, elle a envie de montrer qu’elle est « malgré tout » une vraie Française qui veut faire respecter les lois de son pays. En 2006, elle réussit brillamment ses examens pour entrer dans la police des frontières. Au premier « faux passeport » qu’elle identifie, elle est surprise de recevoir une lettre de félicitations de sa hiérarchie. Un « bâton » dans la colonne des refoulés, ça fait bien dans le service, ça aide à prendre du galon, ça amène des primes mais ça provoque aussi beaucoup de dérapages. Petit à petit elle constate que beaucoup de ses collègues sont racistes. Ses collègues « bronzés » ou homos stagnent dans leurs postes et sont souvent mobbés. Un soir, elle se fait violer et porte plainte… Elle devient une victime comme une autre, face à une police qui prend fait et cause pour l’agresseur. Elle décide alors de porter plainte contre la police. Courageuse ! RL

Page 61: Envie de lire n°32
Page 62: Envie de lire n°32

© Aliaksandr Zabudzko

Page 63: Envie de lire n°32

63

STAALESEN, Gunnar Le roman de BergenCote R STAA Larbey, Gaïa, 2007. 6 Vol.Bergen, Norvège, 1900-1999 : le roman d’une ville vue par une multitude de personnages. Au début du 20ème siècle, beaucoup de jeunes hommes quittaient leur campagne pour aller construire le chemin de fer entre Bergen et la capitale, parfois au péril de leur vie. Les jeunes filles, elles, venaient en ville travailler dans les cuisines des bonnes familles. Souvent, elles se retrouvaient enceintes du patron et mises à la porte par la patronne. Au fil des années, on chemine avec un policier (puis son fils) qui enquête sur la mort mystérieuse d’un consul. On fait aussi la connaissance de la prostituée amoureuse du policier et on s’invite au théâtre de Bergen où un acteur se suicide. La saga se tisse avec talent, les histoires se succèdent sans que le lecteur s’essouffle. La ville se modifie également suite à quelques énormes incendies. Les guerres sont très présentes avec leur lot de souffrance. Le communisme apparaît alors pour certains comme l’idéal à atteindre. L’auteur aborde aussi le développement des plates-formes pétrolières, les violences urbaines et le dernier tome se finit en 1999 avec la résolution de l’enquête commencée en 1900. On quitte alors Bergen avec peine, comme après un beau voyage… RL

Page 64: Envie de lire n°32

64

THEORIN, Johan L’écho des mortsCote R THEO Paris, Albin Michel, 2010. 407 p.Encore un polar suédois! Eh oui. La petite musique de Johan Theorin est bien singulière, romantique et fantastique à la fois. Le décor : une île battue par les vents. On retrouve Gerlof, ce vieillard en maison de retraite qui apparaissait déjà dans L’heure trouble. Gerlof a son importance, il est en quelque sorte la mémoire des lieux, mais ce n’est pas lui le détective, c’est sa petite-nièce. On peut ajouter à cela une maison hantée, qui chuchote d’étranges histoires. Elle a été construite au 19ème siècle, avec le bois d’un bateau naufragé. C’est dans cette maison que s’installent pleins d’espérance Joachim, Katrine et leurs deux enfants. Ils souhai-taient quitter Stockholm après la mort tragique de la sœur de Joachim. Katrine est en quelque sorte du pays, sa mère a vécu dans cette maison. Et puis, un des phares désaffectés s’allume un soir, c’est signe de mort paraît-il, et Katrine est retrouvée sans vie sur la plage. FA

TAMASI, Aron Abel dans la forêt profondeCote R TAMA Genève, Héros limite, 2009. 299 p.Abel, quinze ans, est issu d’une famille paysanne pauvre de la minorité hon-groise des Sicules, en Transylvanie. Envoyé par son père sur le Harghita afin de surveiller le domaine forestier appartenant à une banque, le jeune homme devra apprendre à se débrouiller seul dans la nature. C’est armé de son humour et d’un sens de la répartie hors du commun qu’Abel appréhendera le monde des adultes en se confrontant à divers personnages hauts en couleur. Ce roman initiatique des années 1930 est un classique de la littérature hongroise. La nouvelle traduction d’Agnès Jafras pour le compte de l’éditeur genevois Héros-Limite restitue avec force une langue originale et énergique. PH

Page 65: Envie de lire n°32

65

THOREAU, Henry David Walden ou la vie dans les boisCote 828.03 THO Paris, Gallimard, 2010 (L’imaginaire). 377 p.Titre original en anglais : Walden or the Life in the Woods. Cote 828.03 THO

Né en Nouvelle Angleterre en 1817, Thoreau fut, dès son plus jeune âge, attiré par la nature et la forêt où il passa, en compagnie de son frère, de nombreux moments à barouder, explorer et collectionner plantes, plumes et œufs. Devenu naturaliste, ami et disciple du philosophe américain Emerson, il se pencha tout naturellement sur les relations entre l’humain et son environnement et, tel Rous-seau, il pensait que l’homme doit revenir à la simplicité, l’authenticité et le respect de tous les êtres vivants. En 1845, il construit près d’un étang une cabane où, durant deux ans, deux mois, deux jours, il vivra seul, en pleine nature. Au fil des saisons, il travaillera la terre, se nourrira de ses cueillettes et mènera une vie libre et laborieuse. Il note méticuleusement ses gestes, les événements, mais surtout ses pensées, et bâtit une philosophie particulière. Thoreau est toujours lu et respecté de nos jours, aux États-Unis et ailleurs. Walden est un récit dynamique, réaliste, essentiel. A découvrir ou à redécouvrir. MCM

TOIBIN, Colm BrooklynCote R TOIB Paris, Laffont, 2011 (Pavillons). 313 p.Titre original anglais : Brooklyn. Cote R2 TOIB

Nous sommes à Enniscorthy, une petite ville d’Irlande, dans les années 50. Comme beaucoup de jeunes de sa génération, dont ses frères avant elles qui ont émigré en Angleterre, Eilis Lacey peine à trouver du travail. Elle accepte la proposition que lui fait un prêtre vivant à New York de s’embarquer pour les États-Unis. La voici, en proie au mal du pays, vivant chez une dame respectable avec d’autres jeunes filles, avec qui Eilis a de la peine à se lier. On lui a proposé un emploi de vendeuse de grand magasin, emploi soumis à tout un tas de règles et restrictions qu’Eilis intègre rapidement. Et à propos d’intégration, la jeune fille finit par s’adapter à sa nouvelle vie, à trouver ses marques, à avoir ses petites habi-tudes, à éprouver un sentiment de liberté… Quand un événement la fait rentrer en Irlande, elle se trouvera entre deux mondes, et confrontée à des choix difficiles. J’ai beaucoup aimé ce roman sur le déracinement, sur l’amour et les renoncements nécessaires. Très bien écrit et très sensible. DM

Page 66: Envie de lire n°32

66

VERHULST, Dimitri La merditude des

chosesParis, Denoël, 2011. 238 p.Cote R VERH Imaginez une petite ville de Belgique, glauque à souhait, où tout se passe au bistrot autour d’une bière, l’alcoolémie étant l’indice de performance suprême. Le jeune Demmetrie, comme on l’appelle, vit chez sa grand-mère avec son père et ses trois oncles, qui boivent minutieusement la maigre pension de leur mère. Dans cette baraque pourrie, chacun déambule en slip cradingue et se remet tran-quillement de sa gueule de bois à coups de verres de bière. Fait de tranches de vie aussi loufoques les unes que les autres, ce récit hilarant et déjanté est fort bien écrit par celui qu’on pourrait considérer comme l’extra-terrestre de la famille, qui a bien fini par s’en sortir. Un livre de ouf… pour amateurs ! DM

TSIOLKAS, Christos La gifleParis, Belfond, 2011 (Littérature étrangère). 466 p.Cote R TSIO Titre original anglais : The slap. Cote R2 TSIO

Intriguée par son suc-cès phénoménal dans le monde anglo-saxon, je me suis aussitôt inté-ressée à ce roman que, une fois ouvert, je n’ai plus pu ni voulu lâcher. Cela se passe en Aus-

tralie, en majorité dans la communauté d’immigrés d’origine grecque : Hector et sa femme (d’origine indienne) Aisha invitent leur famille et leurs amis à un barbecue. Un dimanche ensoleillé, convivial, arrosé et festif. Tout se gâche lorsque le cousin d’Hector, Harry, gifle le petit Hugo âgé de 4 ans, alors qu’il menaçait son propre fils avec une batte de cricket. Terrible ! Il y a ceux qui s’insurgent car, jamais au grand jamais, on ne frappe un enfant. Il y a les autres qui trouvent que le morveux (dont le père est alcoo-lique et la mère baba-cool le nourrit encore au sein) l’a bien mérité. Le lecteur, quant à lui, passe d’un camp à l’autre. A travers la voix de sept personnages, on appréhende la situation de manière différente tout en apprenant la vie de chacun, prétexte à passer en revue alcoolisme, sens de la famille et de l’amitié, homosexualité, drogues, conflit interethnique, frustra-tions… qui constituent les indicateurs d’une société (la nôtre) en pleine déliquescence. DM

Page 67: Envie de lire n°32
Page 68: Envie de lire n°32

© Thaulow, Frits, 1889

Page 69: Envie de lire n°32

69

WAYNE, Teddy KapitoilParis, Liana Levi, 2010. 362 p.Cote R WAYN Un jeune informaticien a quitté le Qatar pour ve-nir travailler à New York au 88ème étage du n° 1 du World Trade Center. Il est engagé pour parer « le bug » de l’an 2000. En parallèle, comme il est doué et qu’il veut grimper les échelons, il

développe un logiciel « Kapitoil » pour prédire les fluc-tuations des cours du pétrole en analysant les discours de médias. Remarqué par la direction, il prend du galon tout en restant en contact avec ses collègues, en particulier avec Rebecca dont il est amoureux et qui l’initie à la culture occidentale : musique, littérature mais aussi vie nocturne. Karim n’oublie pourtant pas sa famille et téléphone régulièrement à sa jeune sœur qui se passionne pour la biologie. Il fera tout pour qu’elle étudie malgré l’avis défavorable du Père. Une fin surprenante… pour ce premier roman très remar-qué par la critique. Superbe ! RL

WASSMO, Herbjorg Cent ansMontfort-en-Chalosse, Gaïa, 2011. 557 p.Cote R WASS Cent ans séparent la naissance de Herbjorg Wassmo (1942) de celle de son arrière-grand-mère, Sara Susanne (1842). Ce roman, largement auto-biographique, raconte le destin de quatre femmes de générations successives, qui n’ont pas vécu la vie qu’elles auraient souhaitée. Mariées jeunes, souvent par com-modité et non par Amour (une bouche de moins à nourrir), toujours enceintes, les grandes sœurs devant s’occuper des plus petits pour soulager leur mère fatiguée, dépressive et usée prématurément. C’est aussi un témoignage sur la Norvège, en particulier la région du Nordland, où on vivait difficilement de la pêche à la morue. Quand ces petites gens allaient à la capitale, Kristiania (Oslo à l’époque), leur accent était moqué et les annonces de maison à louer stipulaient « On n’accepte cependant ni Juifs ni ressortissants du Nord ». Herbjorg évoque aussi sa mère désireuse de ne pas reproduire le schéma familial. Amoureuse folle de son fiancé, ils s’écri-vaient de belles lettres pendant la Guerre puis se marièrent. Très vite, le mari (puis le père) se révéla être violent… RL

Page 70: Envie de lire n°32

70

WOLFE, Thomas L’ange exilé Lausanne, Age d’homme, 1982 (BibliothèqueCote R WOLF l’Age d’homme. Série anglo-américaine). 586 p.Titre original anglais : Look homeward, angel. Cote R2 WOLF

Le temps et le fleuveCote R WOLF Lausanne, Age d’homme, 1984. 782 p.Thomas Wolfe est LE grand écrivain de la littérature américaine. Si si peu de lec-teurs semblent s’en rendre compte c’est simplement qu’il n’en est pas à la source. Non, solitaire et unique, il en est le carrefour principal, entre W. Whitman et J. Kerouac. Son œuvre, une tétralogie protéiforme, est si considérable qu’on a dit d’elle que pour l’aimer il fallait se faire un ami de l’auteur ; donc ne devenons pas son ami et abstenons-nous de la lire ! Erreur : ce serait ne jamais risquer se perdre dans cette prose foisonnante, enflammée, d’une poignante nostalgie, unique et pourtant plurielle qui a saisi l’écrivain comme une muse son poète pour qu’il compose ce qui reste un monument, une statue dédiée à l’enfance et à la jeunesse d’Eugène Gant, le héros de ces pages. Mais pas seulement ça. Car lorsque l’auteur évoque une enfance dans un petit village de Caroline du Nord, dernier arrivé dans une famille tonitruante, ou restitue les premières perceptions de son environnement, ce qu’un petit garçon commence de découvrir autour de lui : jardin, rue, village et enfin les montagnes qui entourent ces lieux, il le fait depuis cette distance atteinte de jeune artiste qui exprime avec une infinie tristesse que tout cela fut mais ne reviendra plus jamais : « O lost, and by the wind grieved, ghost come back again ». Donc on grandit et on s’éloigne. Il faut découvrir l’Amérique et le monde. C’est là où Wolfe touche au génie et devient le chantre de son pays en des pages inoubliables où il évoque l’immensité, la sauvagerie, l’étrangeté absolue et la pure beauté des paysages qu’il traverse pour rejoindre la grande ville, la vociférante multitude des gens qu’il rencontre, leur fugitivité et là aussi, cette saillante émotion de songer que l’on ne se croise souvent qu’une fois dans cette existence fugitive. Solitude et nostalgie toujours. Et il faut partir, quitter, pour découvrir et grandir. En Europe, Eugène explore son talent d’écrivain. Il sera

toujours seul et ne pourra que tenter de créer pour évoquer en un flot de mots tumultueux comme un fleuve ce que nous lisons, éblouis et bouleversés, si nous avons le courage des mots extravagants, des phrases excessives et des livres généreux ! ChM

Page 71: Envie de lire n°32

71

Yu HUA BrothersCote R YU Arles, Actes sud, 2008 (Lettres chinoises). 716 p.Au travers de 50 ans d’histoire de la Chine, Brothers raconte l’histoire de deux demi-frères, unis à la vie à la mort par le remariage de leurs parents. Deux parcours aux destins fort différents et que tout finira par opposer. Song Gang, discret à la morale rigoureuse, tombera dans la misère tandis que Li Guangtou, débrouillard et ambitieux, créera un véritable empire économique au sortir de la Révolution culturelle.Fascinant de bout en bout, tout en excès – d’humour, de cruauté, de violence et de grotesque, Brothers nous brosse le portrait d’une Chine à la formidable vitalité... jusqu’à l’outrance. JM

YALOM, Irvin D. Apprendre à mourir : la méthode SchopenhauerCote R YALO Paris, Galaade, 2005. 425 p.Julius Hertzfeld est un célèbre psychothérapeute de San Francisco. Il apprend qu’il est atteint d’un cancer et n’en a plus pour très longtemps. Habitué à trouver les mots pour apaiser les angoisses des autres, il se trouve cette fois seul face à la mort. Que faire quand il ne vous reste que quelques mois à vivre ? Passionné par son travail, il consultes ses dossiers et contacte un ancien patient, Philip, qui fut un grand échec dans sa carrière. Il est curieux de savoir ce qu’il est devenu et sa surprise est de taille quand il apprend qu’il est psychothérapeute. Schopen-hauer est son modèle, c’est à travers sa philosophie que Philip veut soigner ses patients. Julius invite Philip à suivre une thérapie dans un groupe qu’il anime. Ce groupe qu’il affectionne est pour lui sa principale raison de vivre et il s’y investit totalement. Yalom étant lui-même psychiatre, il analyse finement le déroulement de ces séances collectives. On est admiratif de la répartie et l’intelligence des propos du thérapeute et on vibre à toutes les histoires des protagonistes. Un grand moment de lecture ! RL

Page 72: Envie de lire n°32

BAN

DES

DES

SIN

ÉES La cote des BD étant variable d’un site à l’autre, nous ne l’avons

pas mentionnée. Vous pouvez vous renseigner auprès de votre bibliothèque.

Page 73: Envie de lire n°32

73

CLOWES, Daniel Mister Wonderful Paris, Cornélius, 2011 (Solange ; 28)Daniel Clowes, dont la plupart des livres sont impeccablement publiés en fran-çais par les éditions Cornélius depuis un peu plus de 10 ans, est un auteur incontournable de la BD « alternative » américaine. Ce court album est pourtant d’une grande densité. Nous y rencontrons Marshall, la quarantaine grisonnante et solitaire. Dans un café, il attend Natalie avec qui des amis lui ont organisé un rendez-vous. Avec son sens du détail, tant dans le dessin que dans les dialogues, et sa vision très fine de la société américaine, Daniel Clowes va faire de la rencontre de ces deux personnages blessés et inadaptés une véritable aventure. Un livre touchant et une très belle introduction à l’univers de Clowes pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore. FD

CAILLEAUX, Christian ; GIRAUDEAU, Bernard Les longues traversées Paris, Dupuis, 2011 (Aire libre)Les longues traversées sont celles de Diego et de Théo dont les destins vont se croiser dans le port de Lisbonne. Diego l’Angolais, le matelot à quai, et Théo, ancien marin et apprenti écrivain, sont, tous deux, à la poursuite de leurs rêves d’enfance. Cette bande dessinée est une plongée dans les souvenirs de ces deux hommes, dans les zones sombres et obscures de leurs jeunesses, dans les rêveries : la marine, les voyages, les amours – souvent sublimées – et la découverte de soi.Le trait de Christian Cailleaux sert magnifiquement ce récit à plusieurs niveaux, traversé comme la mer par des courants contraires, alliant la subtilité des dessins à la puissance des textes, la richesse des couleurs à la poésie des mots. Suite au décès de Bernard Giraudeau, ce dernier livre a une aura particulière, une valeur testamentaire, et le lecteur ne peut s’empêcher de le déguster avec respect en imaginant pouvoir lui aussi larguer les amarres… . PB

Page 74: Envie de lire n°32

74

GUIBERT, Emmanuel ; KELER, Alain Des nouvelles d’Alain Paris, Arènes, 2011Entre 1999 et 2010, Alain Keler, photoreporter, a sillonné l’Europe au volant de la vieille Skoda de son père. Il a décidé de partir à la rencontre des Roms, de s’immiscer dans le quotidien de ce peuple déraciné, harcelé en proie à la misère et à l’indifférence. Pourchassés par les kosovars albanais, montrés du doigts par les néonazis en République Tchèque, entassés dans des bidonvilles insalubres ou stigmatisés par le gouvernement Sarkozy. C’est en s’appuyant sur les photogra-phies d’Alain Keler que Emmanuel Guibert dresse ce portrait sombre des Roms.Comme dans les tomes du Photographe, l’auteur associe des photographies et de la bande dessinée, créant ainsi une atmosphère qui fonctionne à merveille.Le lecteur, à la fin de la lecture, se trouve plongé dans un état étrange, comme projeté de l’autre côté du miroir, confronté à sa propre situation. À la douleur de ce peuple laissé à l’abandon, à qui personne ne semble tendre la main. PB

DUBA, Pierre Racines Montpellier, 6 pieds sous terre, 2010Pierre Duba est un auteur à part qui réalise des bandes dessinées (des livres, comme il les nomme lui-même), avec toujours une très grande rigueur et une richesse graphique sans limite.Avec Racines, il surprend le lecteur, une fois de plus, car il le plonge dans l’ima-ginaire d’un écrivain au bord du vide. C’est la pensée de cet homme qui est retranscrite, une vision du monde sans bien ni mal, mais peuplée de créatures fantomatiques et d’objets anachroniques. Comme fil conducteur, un personnage sur une barque apparaît à plusieurs reprises.Ce récit presque muet, sombre et dérangeant, avec des illustrations magnifiques, propose au lecteur de se laisser emporter par le fil narratif et de l’intégrer selon ses propres attentes, sa manière de percevoir le monde, son propre état d’esprit. Le lecteur se trouve alors envahi, presque possédé, par les images qui gravitent dans l’esprit tourmenté de l’écrivain. PB

Page 75: Envie de lire n°32

© Racines © 6 pieds sous terre, 2010

Page 76: Envie de lire n°32

© Les amours insolentes : 17 variations sur le couple © Casterman, 2010

Page 77: Envie de lire n°32

77

MAURY, Aurélien Le dernier cosmonaute Lyon, Tanibis, 2011Comment devenir adulte et s’engager dans une relation sentimentale lorsque, comme Larry, on parle encore avec son nounours, Teddy, de son fantasme de devenir cosmonaute ? Ce dernier cosmonaute c’est un peu comme si l’on retrouvait Calvin et Hobbes quelques années plus tard. Larry réussira-t-il à abandonner ses rêves d’enfant pour s’engager dans une véritable relation avec Alice, une amie

d’enfance qui le courtise ? Ce ne sera pas chose facile, mais il saura finalement voir où se trouve sa véritable vie… Aurélien Maury, dont le dessin évoque ceux de Daniel Clowes, Chris Ware ou Adrian Tomine, situe son action dans le décor d’une petite ville américaine. On y retrouve la même nostalgie des années 50 et 60 que chez ces auteurs et le même attachement pour ses personnages. Un magnifique premier album. FD

LOUSTAL, Jacques de Les amours insolentes : 17 variations sur le couple Bruxelles, Casterman, 2010Avec un cadre précis, en chaque fois 12 cases, Loustal et Benacquista tracent 17 histoires de couples, 17 variations sur l’amour. A la manière d’un album photo, le lecteur suit les personnages, souvent sur leurs vies entières. Plusieurs années ou décennies peuvent en effet séparer deux images. Faux-semblants platoniques, unions improbables, compromis implicites contre l’érosion des sentiments, ces histoires se terminent de manière heureuse, le plus souvent, parfois grinçante, ce qui n’est pas vraiment habituel chez Loustal. Avec des dessins toujours aussi soignés, baignés de la richesse de la palette de couleurs que Lous-tal maîtrise parfaitement, ces deux auteurs signent un ouvrage qui prouve que le romantisme n’est pas mort. PB

Page 78: Envie de lire n°32

78

REVIATI, Davide État de veilleParis, Casterman, 2011

Davide Reviati nous raconte l’existence d’une bande de jeunes dans une cité ouvrière d’Italie. Ses habitants vivent par et pour l’usine pétrochi-mique située à quelques kilomètres et dont les ef-fluves malodorants ryth-ment le quotidien. Son dessin est noir comme l’ombre de l’usine qui plane sur la population. Tous les pères y sont ouvriers, parfois l’un d’entre eux n’en rentre pas. Régulièrement une alerte retentit qui annonce peut-être, cette fois, la fuite de produits toxiques fatale. Pourtant son trait possède aussi une dynamique et une légèreté fabuleuses qui rendent l’insouciance des jeux, notamment le foot, et des rêves des adolescents. Des rêves qui bien souvent vont se briser, comme ceux de leurs parents ouvriers, sur la dure réalité. L’usine va probablement fermer pour être délocalisée. L’enfance, elle, se termine aussi abruptement et l’entrée dans l’âge adulte se révèle souvent cruelle. FD

MEYER, Ralph;GIROUD, Franck;LAPIERE, Denis Page noireParis, Futuropolis, 2010

Qui se cache derrière le pseudonyme de Carson Mc Neal, mystérieux auteur de best-sellers dont aucun portrait n’a jamais été rendu public et qui refuse systémati-quement tout entretien

avec la presse ? Son prochain roman raconte la trajectoire d’Affia, une jeune palestinienne dont la famille a été massacrée dans les camps de Sabra et Chatila en 1982. Kerry, une jeune journaliste, décide de partir à la recherche de Mc Neal pour décrocher l’interview qui la rendra célèbre. Et si la fiction et la réalité se rejoignaient, s’imbriquaient pour finir par ne former plus qu’un ? Les auteurs de cette BD réussissent un véritable tour de force graphique en nous offrant un thriller surprenant et intelligent. PH

Page 79: Envie de lire n°32

© État de veille © Casterman, 2010

Page 80: Envie de lire n°32

© Body world © Dargaud, 2010

Page 81: Envie de lire n°32

81

SHAW, Dash Body worldParis, Dargaud, 2010

L’Américain Dash Shaw avait déjà fait sensation avec Bottomless belly button, monumental al-bum intimiste, traduit en 2008 par les éditions Ça et là. Ce Body world fut d’abord un « webcomics » publié intégralement sur son site et de fait conçu

pour une lecture à l’écran. Le livre tente de rendre ce mode de lecture avec un format vertical. Si cette mise en page surprend, le graphisme et l’histoire d’anticipation sont à l’avenant. Le Professeur Panther débarque dans la ville de Boney Borough pour y trouver (et tester) une plante hallucinogène qu’il sou-haite référencer dans son encyclopédie consacrée au sujet… La ville est une cité utopique et fermée sur elle-même, dans une Amérique que l’on devine au bord du chaos. Le professeur Panther et sa plante qui se révélera provoquer des pouvoirs télépathiques vont bien entendu y semer la zizanie… Un récit qui flirte avec W. S. Burroughs pour une bande dessinée délirante et magistrale. FD

SFAR, Joann Le chat du rabbinParis, Dargaud, 2010(Poisson pilote)

Le chat du rabbin est un félin qui, parce qu’il a un jour croqué un perro-quet, s’est mis à parler. Amoureux de sa jolie maîtresse qui n’est autre que la fille du rabbin, il demande à passer sa Bar-Mitsva pouvoir l’épouser. Philosophe bavard, il n’a de cesse de titil-ler le rabbin, un homme pourtant aussi bienveillant que tolérant, sur ses croyances et sa foi. A son grand dam, la fille du rabbin va finir par se marier et par-tir à l’étranger. Heureusement, péripéties et voyages extraordinaires l’amèneront à voir du paysage. Une bande dessinée sous forme de conte tendre qui nous dépeint une Alger des années 30, où judaïsme et islam se rejoignent dans un dialogue de tolérance et d’ouverture. JM

Page 82: Envie de lire n°32

82

VIVES, Bastien Polina Bruxelles, Casterman, 2011Quelque part en Russie, une petite fille de six ans se prépare à passer une audi-tion. Malgré son manque de souplesse, elle obtient le droit d’intégrer la célèbre académie du professeur Bojinsky. Il impose la crainte et le respect, avec une idée bien précise de la danse et de la marche à suivre pour transformer les jeunes en danseuses étoiles : « La danse est un art. Il ne s’apprend pas ». On suit l’histoire dense et bondissante de Polina Oulinov, ses amitiés, ses blessures et surtout la rigueur qui lui est imposée. Avec un dessin très fluide, élancé, aux traits jetés, en noir, gris et blanc, Bastien Vivès, qui se renouvelle à chaque album, signe un petit chef-d’œuvre de légèreté et de grâce. PB

TANQUERELLE, Hervé, BENOIT, Yann La communauté Paris, Futuropolis, 2010. 2 Vol.Ces entretiens entre Hervé Tanquerelle et son beau-père Yann Benoît relatent la vie d’une communauté dans les années septante en Bretagne : les origines du projet, les règles internes, la vie quotidienne de ses membres, les conflits entre l’organisation collective et les désirs personnels. Loin des habituels clichés sur

cette époque, ce récit d’un apprentissage personnel et collectif prend tour à tour un ton drôle ou nostal-gique, toujours sincère et assumé. L’épigraphe de Gébé résume finalement assez bien le fond de cette bande dessinée : « L’utopie ça réduit à la cuisson, c’est pourquoi il en faut énormément au départ ». PH

Page 83: Envie de lire n°32

83

WARNAUTS, Eric; RAIVES, Olivier Liberty Tournai, Casterman, 2010Kinshasa, mai 1974. James Brown joue en ouverture du mythique match de boxe qui oppose Mohamed Ali à George Foreman. Dans un grand hôtel international de la capitale, la jeune Tshilanda, fille du chef de la sécurité, rencontre les musi-ciens du roi de la soul sans se douter qu’elle va abruptement entrer dans le monde des adultes. Enceinte d’Alan, le jeune manager blanc du groupe, elle doit quitter le pays pour éviter la honte familiale. Un diplomate français l’aide à obtenir une Green Card et c’est à New York que naîtra sa fille Liberty. Warnauts et Raives signent là un très bel album sur le thème de l’exil en faisant résonner habilement l’histoire individuelle des personnages avec des événements historiques. PH

© La communauté © Futuropolis, 2008

Page 84: Envie de lire n°32

84

VOS BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES :

CES RÉSUMÉS VOUS SONT PROPOSÉS PAR :Catherine Demolis • Caroline Langendorf Richard • Charles Morisod • Dominique MonnotFlorent Dufaux • Françoise Aellen • Françoise Bonvin • François Gerber • Joëlle MusterMarie-Claude Martin • Monica Richaume • Philippe Bonvin • Pascal Hauenstein • Roane Leschot

DISPONIBILITÉ DES DOCUMENTS :

Existe en livre lu • Existe en livre lu en anglais

bibliothèque de la Citéplace des Trois-Perdrix 51204 Genève022 418 32 22

bibliothèque des Eaux-Vivesrue Sillem 21207 Genève022 786 93 00

bibliothèque de la Jonctionbd Carl-Vogt 221205 Genève022 418 97 10

bibliothèque des Minoteriesrue des Minoteries 3-51205 Genève022 800 01 31

bibliothèque des Pâquisrue du Môle 15-171201 Genève022 900 05 81

bibliothèque de la Servetterue Veyrassat 91202 Genève022 733 79 20

bibliothèque de Saint-Jeanav. des Tilleuls 19 (entrée rue Miléant)1203 Genève022 418 92 01

Service du Bibliobus40 points de stationnement dans tout le canton, ren-seignements auprès de votre commune ou au 022 418 92 70

bibliothèque des Sportsch. du Plonjon 4Parc des Eaux-Vives1207 Genève

Tous les documents présentés ici se trouvent en un ou plusieurs exemplaires dans les bibliothèques municipales. Vous trouve-rez leur disponibilité dans votre bibliothèque ou en consultant notre site internet :http://collectionsbmu.ville-ge.ch/

Page 85: Envie de lire n°32

Visitez aussi le blog des livres des Bibliothèques municipales :lhibouquineur.wordpress.com

COORDINATION & CORRECTIONS Dominique MonnotGRAPHISME & ILLUSTRATIONS Bruno Fernandes / bpoeta.net IMPRESSION Centrale Municipale d’Achat et d’Impression Ville de Genève

www.ville-ge.ch/bmu/

Page 86: Envie de lire n°32

ENV

IE D

E LI

RE

LES

CO

UPS

DE

CO

EUR

DES

BIB

LIO

THÉC

AIR

ES

32 A

UTO

MN

E / H

IVER

‘11“ Il en est des livres comme du feu dans le foyer.

On va le prendre chez le voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. ”

Voltaire