Edouard, Auguste, Aimé CABUZEL est né à Guillemont le jeudi 17 mai 1894, dans une maison faisant le coin de la route de Montauban : c'était une petite ferme qui appartenait à un certain Lallier de Longueval. A cette époque, sa mère Eugénie y vivait avec ses deux premiers enfants : Marcel né en 1884, et Berthe née en 1886. Edouard était donc le troisième enfant d’Eugénie, mais l'identité de leur père n'est pas parvenue jusqu'à nous… Après le décès du grand-père Auguste, les biens lui appartenant furent partagés et Eugénie hérita du café et de la maison situés au carrefour central de Guillemont.

Guillemont en 1913 - à droite, le Café Cabuzel

Le café CABUZEL en 1908. De gauche à droite : une voisine ; Marcelle Bauchard, future épouse de Monsieur Minet ; sur l'échelle double, l'artisan peintre, patron d'Edouard ; une voisine ; Eugénie Cabuzel ; un ouvrier peintre ; sur l'autre échelle double, Edouard Cabuzel ; Henri Brunel.

Edouard fait un jour la connaissance de Victoria, Marie, Eugénie DUQUENNE : Marcel CABUZEL était à cette époque commis-boucher à Athies et Victoria habitait dans ce village. Elle y était née le 3 février 1897. Sa mère, Marie Héloïse DUQUENNE y vivait auprès de Adrien Louis Siméon TORDEUX : ils n'étaient pas mariés…

Malheureusement, un événement allait bouleverser la vie de tout ce petit monde :

La guerre ne devait durer, en principe, que

quelques semaines…

Victoria apprit la couture et partit bientôt pour Paris. Elle était femme de chambre chez la mère d'un avocat à la Cours de Cassation. Celui-ci recevait régulièrement quelques grands personnages de l’époque, et c'est ainsi que Victoria eut l'occasion de servir à table un certain Léon Blum !

Impossible de parler d'Edouard CABUZEL sans évoquer la Première Guerre Mondiale qui engagea dans le conflit 32 pays.

Le 27 août 1914, Edouard CABUZEL reçoit son sauf-conduit pour le dépôt d'infanterie d'Ancenis (Loire Inférieure). Le 7 septembre, il est incorporé au 5ème Dragons comme cavalier de 2ème classe. Le 9 octobre, il rejoint le 144ème Régiment d'Infanterie au Camps de Souge, près de Bordeaux. En novembre, il apprend que son frère Marcel est mort au combat à Soupir dans l'Aisne. Plus chanceux, il survivra à toutes les grandes batailles du terrible conflit :

- mars 1915 : Mesnils-les-Hurlus. - avril à mai 1915 : Les Eparges. - mai 1915 : Notre-Dame de Lorette. - juin à septembre 1915 : Angres et Vingré. - septembre 1915 à février 1916 : La Champagne, il est blessé lors de la prise de la Butte de Souain. - il passe au 170ème Régiment d'Infanterie. - de février à mai 1916 : Verdun. - de juillet à septembre 1916 : La Somme, seconde blessure à Feuillères le 12 août. - de septembre 1916 à janvier 1917 : Pont-à-Mousson. - d'avril à juillet 1917 : La Champagne à nouveau. - le 27 mai, il est nommé caporal. - de septembre à octobre 1917 : Le Chemin des Dames ; le 18 octobre, Citation à l'Ordre du Régiment. - de décembre 1917 à mai 1918 : Les Vosges. - juillet 1918 : bataille de Château-Thierry. - septembre 1918 : bataille de la Meuse-Argonne. - 11 novembre 1918, l'Armistice est signé. - 17 décembre 1918 : Citation à l'Armée.

"Modèle de sang-froid et de vaillance. Chargé de réduire un ilot de résistance,

Bordeaux, le 3 novembre 1914 Chers cousin et cousine. Je vous envoie ma photographie. Elle n’est pas bien faite car nous rentrons de faire 25 kilomètres et nous avons été photographiés en plein soleil. Enfin depuis que vous ne m’avez vu, je vous indique le 5ème à genoux. Nous avons tous les yeux fermés. Enfin, vous avez un souvenir du Camp de Souge avec tous mes camarades de la Somme. Je crois que nous allons bientôt partir. Marcel m’a écrit le 22 octobre. Il est dans l’Aisne. Il est toujours bien portant*. Je vous embrasse tous. Cabuzel : 144ème d'infanterie, 29ème corps. Camp de Souge par Saint-Médard Gironde * Edouard ignorait que son frère Marcel avait été tué la veille, 2 novembre, à Soupir

dans l'Aisne…

Souge, le 20 décembre 1914 Chers cousins, Je vous envoie ces quelques photographies. J'espère que Léonie me reconnaît encore malgré que nous n'avons pas été réussis. Nous sommes en marche et c'est tout camarade du Nord. Je vous embrasse tous. Cabuzel Edouard

23 juillet 1917 Chère cousine, Toujours en bonne santé, espérant vous trouver de même. Je vous envoie deux photos pas très bien. Une pour mon oncle. Je vous embrasse tous. Cabuzel

En décembre 1918, le 170ème Régiment d'Infanterie part en occupation en Allemagne. En tant que jeune sous-officier, Edouard se porte volontaire pour garder les prisonniers de guerre allemands dans les départements dévastés. Il est affecté à la 163ème Compagnie de Garde des Prisonniers de Guerre à Amiens qui dépend de la Réserve Territoriale de Méry-sur-Oise (Val d'Oise). La Compagnie est constituée de 507 prisonniers de guerre, encadrés par 28 officiers, sous-officiers et soldats pour la garde. Elle est cantonnée au camp d'Hargicourt-Pierrepont dans la Somme et travaille dans une scierie-menuiserie. Trois mois plus tard, Edouard est affecté au camp de la ferme d'Ereuse à Ailly-sur-Noye, les prisonniers de guerre travaillant pour le district de cette commune. Le 10 août 1919, Edouard est désarmé à la caserne Dejean à Amiens et démobilisé le 12 à Rouen. Il rejoint Eugénie et Berthe, réfugiées aux Andelys, Guillemont se trouvant en plein dans la zone des combats.

La guerre est enfin terminée. Les parents de Victoria réintègrent Athies en 1919. Victoria retrouve la mère et la sœur d'Edouard aux Andélys. La date du mariage est fixée : ce sera le 6 juillet 1920.

La mariée n'est pas en blanc : avant que ne se répande, à la fin du XIX ème siècle et après les apparitions de Lourdes, le culte de l' Immaculée Conception, la mariée porte une robe de couleur unie qui, selon ses moyens, est rouge, jaune, souvent bleue, ou noire dans les milieux les plus modestes.

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En avril 1921, Victoria, enceinte, retourne chez ses parents à Athies, pour y accoucher. Le 24 avril naîtra leur premier enfant,baptisé Marcel, en souvenir du frère d’Edouard,

Le jeune couple rentre à Guillemont le 6 février 1921, et loge provisoirement dans le baraquement de l'instituteur du village qui habite à Longueval. L'école était installée route de Ginchy, près du calvaire. Le village a été complètement rasé par les bombardements. Il n'en reste rien. Edouard entreprend lui-même le nivellement du terrain où se situait la maison familiale avant la guerre. Après de nombreuses démarches au district de Péronne, il obtient un baraquement de deux pièces pour le logement. Il y ajoute deux autres pièces, fabriquées avec des matériaux de récupération, pour y installer le café. Une Nissen viendra compléter l'ensemble : ce sera son atelier de peintre.

tué au combat 7 ans auparavant.

Inscrit à la Chambre de Commerce et des Métiers le 21 juin 1921, le Café-Restaurant & Atelier de Peinture est ouvert le 1er juillet.

En septembre, Edouard souscrit un contrat pour des "travaux de peinture et vitrerie sur constructions provisoires". Ce contrat couvre la moitié du canton de Combles, soit environ 10 communes. En octobre 1922, il rachète à sa mère la licence de débitant de spiritueux à consommer sur place pour la somme de 10 centimes de l'époque (soit… 0,58 frc de 2000). La construction de la maison définitive se fit en 1925-1926. Elle comprenait une cuisine, deux petites chambres et une salle de café. Leur deuxième enfant, Denise, naît à cette même époque, le 6 décembre 1925. En 1925 également, Edouard est élu conseiller municipal de Guillemont. C'est le début d'une longue carrière dans la gestion de la commune : il siègera jusqu'en 1971, passant d'adjoint au maire de 1935 à 1947 à maire de 1954 à 1969. L'année 1927 voit la construction de l'atelier de peinture, d'une citerne et de la mansarde. Deux ans après, afin de construire une grande chambre à coucher, la véranda et de réaliser le pavage de la cour, Edouard procède au déplacement de la maison provisoire.

Le 22 juin 1928 voit la naissance de leur troisième enfant, Monique.

Le diamant utilisé par Edouard pour mesurer l'épaisseur du

verre et le couper :

Pierre, le quatrième et dernier enfant, verra le jour le 27 août 1935 :

Durant la Seconde Guerre Mondiale : En septembre 1939 : la guerre est déclarée à l'Allemagne. 6 millions de soldats sont mobilisés. C'est l'exode : le couple avec ses 4 enfants et la mère de Victoria arrive à Pludual, dans les Côtes du Nord .

Edouard, âgé de 46 ans, n'est plus mobilisable. Le 4 septembre 1940, il est donc affecté spécial à la Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord, située à Méaulte. A ce titre, il assure la défense de l'usine mais aussi la continuité des activités. L'usine sera bombardée cinq fois par les anglais et les américains entre 1940 et 1944. Par précaution, Edouard a construit un abri dans sa cour. La famille ira s'y réfugier une fois, lors d'une alerte. En 1944, les allemands qui occupaient Guillemont quittent le village devant l'avancée alliée. Avant de partir, ils déménagent leur dépôt de munitions, qui se trouvait dans une ferme, pour le faire sauter à l'extérieur de la commune et protéger ainsi la population. Malheureusement, il aurait fallu conseiller aux habitants d'ouvrir leurs fenêtres ! L'explosion fût si forte que toutes les vitres volèrent en éclats. Denise se souvient que la rue principale était jonchée de morceaux de verre. Le lendemain matin, la route était recouverte d'une poudre blanche : le passage incessant des véhicules militaires pendant toute une nuit avait réduit le verre en poussière.

Même si l'entreprise de peinture et vitrerie marche bien, il n'en demeure pas moins que l'activité reste plus faible pendant la période hivernale. Edouard est donc amené à exercer quelques métiers saisonniers. C'est ainsi qu'il sera gardien des sépultures britanniques du cimetière militaire de Guillemont et également "basculeur" à Montauban.

Anecdote amusante : le 23 septembre 1944, le Maire de Guillemont autorise Edouard à se servir, pour ses besoins personnels, d'une bicyclette abandonnée par l'armée allemande.