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  • BIBLIOTHQUEDE L'COLE

    DES HAUTES TUDESPUBLIEE SOUS LES AUSPICES

    DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

    SCIENCES PHILOLOGIQUES ET HISTORIQUES

    CEKT-VINGTIEME FASCICULE

    l'aLSACE au dix-septime sicle, par RODOLPHE REUSS

    II

    0^^

    0^

    PARISLIBRAIRIE EMILE BOUILLON, DITEUR

    67, RUE DE RICHELIEU," AU PREMIER

    1898

    (Tous droits rservs)

  • ASI i^

    fhr\T\.,

    CHALON-SUR-SAONEIMI-KIMERIE FRANAISE El ORIENTALE DE L. MARCEAU, E. BERTRAND, SUCCESSEUR

  • L'ALSACE

    AU DIX-SEPTIME SICLE

  • L'ALSACEAU DIX-SEPTIME SICLE

    AU POINT DE VUE

    GOGRAPHIQUE, HISTORIQUE, ADMINISTRATIFCONOMIQUE, SOCIAL, INTELLECTUEL ET RELIGIEUX

    RODOLPHE REUSSMAITRE DE CONFRENCES A l'COLE DES HAUTES TUDES

    ANCIEN BIBLIOTHCAIRE DE LA VILLE DE STRASBOURG

    TOME DEUXIME

    PARISLIBRAIRIE EMILE BOUILLON, DITEUR

    67, RUE DE RICHELIEU, AU PREMIER

    1898

    (Tous droits rserves/

  • PRFACE

    Le prsent volume complte et termine le tableau de l'Alsace auXVII^ sicle, dont les quatre premiers livres ont paru l'annedernire. Au rcit des vnements politiques et militaires qui ontdtermin le sort de la province depuis la lutte trentenaire jusqu'l.a paix de RysAvick, l'expos mthodique de ses divisions terri-toriales, de son organisation administrative, avant et aprs la con-

    qute, celui de ses ressources conomiques, vient s'ajouter ici,comme nous le promettions dans la prface, une esquisse de l'his-

    toire de la civilisation alsacienne cette poque.Ou y trouvera la description dtaille et, je l'espre, fidle des

    murs et des ides de la socit d'alors. Ses groupes divers, gen-

    tilshommes, bourgeois et paysans, passeront successivement sous

    les yeux du lecteur, qui pourra faire plus ample connaissance avec

    leurs us et coutumes et leur vie de famille, avec tous les rglementsinnombrables qui dterminaient en ces temps, d'une faon si mti-

    culeuse, tous les actes de leur existence quotidienne, depuis le ber-

    ceau jusqu'au cimetire. Nous avons galement consacr des cha-pitres spciaux aux uvres de dfense sociale contre les pidmies,

    si meurtrires cette poque, contre la maladie et la misre, levagabondage et la mendicit ; tous les services, en un mot, sirudimentaires encore, qui se rattacheraient, de nos jours, la salu-brit ou l'assistance publiques.

    Un livre tout entier s'occupe de la vie intellectuelle de l'Alsace.Nous V parlons de ses crivains , de ses artistes et de ses savants,

    pour autant que le malheur des temps lui a permis d'en produire ou

    de leur donner asile ; nous y avons runi aussi les rares indicationsque nous avons pu trouver sur ltude et sur l'usage du franais

    parmi les populations allemandes de la province, avant comme aprsla prise de possession du pays. Le tableau de l'enseignement ses

    diffrents degrs, depuis les modestes coles de village jusqu'la clbre Universit de Strasbourg, a t retrac avec tous les dve-

    loppements que comportait le plan gnral de l'ouvrage. Eu expo-sant l'activit scientifique des professeurs et la vie des tudiants,

    R. Revjss, Alsace, 11.

  • VIII I.'aLSACK au XYIl*^ SIECLE

    les Ptiidos lailos dans les gymnases et les collges, le rle insigni-

    fiant (le l'cole primaire, troitement contrle par les Eglises, je

    n'ai pu in'empt^clier d'en signaler les dfectuosits multiples, mais

    j'ai tch de rester quitable dans mon jugement sur les hommeset les choses de ces milieux scolaires, si diffrents de ceux qui nous

    entourent aujourd'hui.J'ai fait en finissant. et je devais faire, une large part dans

    ce tableau l'Alsace religieuse. J'ai dj dit pourquoi, dans l'intro-duction de mon premier volume; il importe de le redire ici. C'est

    que le XVll* sicle, dans la majeure partie de son cours, appartientencore l're des grandes luttes confessionnelles. Plus exaspres

    peut-tre, plus visibles en tout cas tous les regards, au XVI" sicle,

    les antinomies religieuses sont aussi profondes, vrai dire, aussi

    dterminantes pour la politique de la plupart des princes, au sicle

    suivant, encore que ces causes de conflit soient mles des pro-blmes d'une toute autre nature et souvent voiles par eux. Ne pastudier fond la situation religieuse d'un pays cette poque, c'ests'exposer gratuitement ne rien comprendre son histoire. Ceserait tout particulirement le cas pour l'Alsace o l'antagonismeentre les deux cultes a t violent ds l'origine et n'a cess d'treun cueil ou du moins un embarras pour tous les gouvernementsdivers qui s'y sont succd depuis la Rforme jusqu' ce jour.Dans cette tude sur la situation matrielle et morale de l'Eglisecatholique et des Eglises dissidentes d'Alsace et sur leurs rapports

    mutuels, je rae suis efforc d'tre strictement impartial et de toutcomprendre, afin de pouvoir tout expliquer. Je n'ose me flatter d'yavoir constamment russi, et d'ailleurs, pour enlever certains suf-fi-ages, il faudrait applaudir les partis jusque dans les consquencesextrmes de leurs passions religieuses. Cela n'est pas donn tout le monde, et pour ma part, quand il s'agit de pareils coups deforce, de quelque c(M qu'ils viennent, et d'oppression des cons-ciences, sous quelque bannire qu'elle se commette, je me trouveraitoujours d'instinct du ct des vaincus.

    Je ne rpterai pas ce que j'ai dit dans la prface du premiervolume sur ma ferme volont de traiter une question d'histoire plusou moins dlicate, laquelle, d'ailleurs, ne l'est point par quelquect ? dans un esprit strictement scientifique. Ceux qui vou-dront bien parcourir celte seconde partie de mon tude, d'un ilnon prvenu, pourront aisment se convaincre que j'ai recherchpartout ne donner que des faits exacts et traduire fidlement lesimpressions du temps, pour autant que les sources me permettaient

  • d'y prtendre, en vitant de mler, ce tjiii aui-ait t() si facile!

    l'histoire contemporaine celle du pass. Je prends aujourd'huicong d'une (-uvre, bien fragmentaire encore et bien imparfaite,mais qui n'en a pas moins occup toutes mes veilles et tous mesloisirs depuis de longues annes dj ; c'est le fruit d'une affectionprofonde pour cette terre natale, qui n'est plus la patrie, mais quime reste toujours chre. Aussi je serais heureux qu'on lui ft bonaccueil des deux cts des Vosges, en tenant compte l'auteur dela difficult srieuse, d'avoir t le premier traiter avec quelquedtail un si vaste sujet. Il doit se trouver, il se trouve assurmentde nombreuses lacunes, des erreurs de faits, des erreurs aussi dejugement dans un travail de si longue haleine. Je n'ai donc pas besoinde dire que je me sentirai l'oblig des critiques rudits qui, d'unefaonplus ou moins bienveillante, s'appliqueront et s'appliquentdj les signaler dans l'intrt de la pui-e science. Mais je me dois moi-mme, je dois l'effort constant et souvent pnible, que j'aifait pour rester toujours historien, rien qu'historien, dans monrcit, 'de protester contre les insinuations de ceux qui se sont cru

    permis de mettre en doute jusqu' la sincrit de mon dsird'tre impartial.

    Versailles. 19 octobre 1898.

  • BIBLIOGRAPHIE'(additions)

    A. M. P. Ingold, Miscellanoa alsatica, troisime srie. Paris,

    Picard, 1897, 1 vol. 18". (Renferme l'autobiographie d'un vigne-ron d'Eguisheim, Mathias Herzog, 1617-1635, bien curieuse

    pour le tableau des misres de la guerre de Trente Ans.)

    La Chronique slrasbourgeoise du peintre Jean-Jacques Walter, pour

    les annes 1672-1679. Texte et traduction annote par Rod.

    Reuss. Paris et Nancy, Berger-Levrault, 1898, 1 vol. 8".

    A. HuBER, Geschichte Huningens von 1679-1698. Basel, 1894,broch. 8. (Dissert, acad.).

    Th. LuDWiG, Die deutschen Reichsstainde im Elsass und der Aus-bruchder Revolutionskriege. Strassburg,Trubner, 1898, 1 vol. 8".

    F. Le Pelletiek dk la Houssaye, Mmoire sur l'tat prsent del'Alsace (1701), publi par le D' Henri Weisgerber. (Revued'Alsace, 1897-1898.)

    P. SciiLU.MUEKGEK et G. GiDE, Organisation miliUiii-e de Mulhouse

    et son systme de dfense contre les incendies, 1260-1798, t. P'".

    Rixheim, SuIUm-, 1897, 1 vol. 8".

    A. Gassek, Histoire de la ville de Soultz et de son bailliage (suite).

    (Revue d'Alsace, 1896-1898.)K. WoLKi-, Clironik des Gebirgsgemeinde Dossenheim. Strass-

    burg, Druckder Ileiinat, 1896, broch. 18".

    L. Uhl, Geschichte der Stadt Miinster und ihrer Abtei im Grego-rienthal, Vorbruck-Schirmeck, Hostetter, 1898, 1 vol. 8.

    Die Gebweilei- Chronik des Dominikaiiers Fr. Sraphin Dietlersherausgegeben von Johann von Schlumberger. GebAveiler, Boltze,1898, 1 vol. 8^

    1. Voy. la Dibliogra/j/iie au vol. I, p. x-xx.\m. Nous ajoutons icquelques travaux oublis dans ce catalogue, et les principales publicationsrelatives noire sujet parues ilepuis l'anne dernire, en ne mentionnant quecelles, bien entendu, qui ont rellement largi nos connaissances surlainatire.

  • BIBLIOGRAPHIE XI

    Sophie von Jakubowski, Beziehungen zwischen Strassburg, Zurichund Bern im XVII Jahrhundert. Strassburg, Heilz u. Miindel,1898, 1 vol. 18".

    Rod. Reuss, Correspondance intime d'UIric Obrecht, prteur royalde la ville de Strasbourg et de Jean-Baptiste de Klinglin, syndic(1G84-16981. (Revue d'Alsace, 1898-1899.)

    Jos. Becker, Die Verleihung und Verpfndung der Reichslandvog-tei Elsass von 1408-1634. (Zeitschrift fiir Geschichte des Ober-rheins,N.F.,vol. XII. (1897.)

    Jos. Becker, Das Beamtentum der Reichslandvogtei Hagenau,vom Anfang des XIV Jahrhunderts bis zum Uebergang den Land-vogtei an Frankreich, 1648. (Bulletin des mon. historiquesd'Alsace, XIX, 1.)

    A. Waltz, Chronik des Colmarer Kaufhauses. Colmar, Sail,1897, 1 vol. 8.

    FoLTz, Souvenirs historiques du vieux Colmar. Colmar. Lorber,1887, 1 vol. gr. 8.

    A. Kassel, Adelsverhaeltnisse zu Ingweiler vom 16-18 Jahrhun-dert. (Jahrbuch des Vogesen-Clubs, 1897, 8".)

    Jos. FuRSTENBERGER, Mulhauser Geschichten bis zum Jahre J720.(Le vieux Mulhouse, t. II.) Mulhouse, imprimerie Bader, 1897,1 vol. 8.

    E. GoTHEiN, Die oberrheinischen Lande vor und nach dera dreissig-jaehrigen Kriege. (Zeitschrift fiir Geschichte des Oherrheins,1897.)

    E. Muhlenbeck, Histoire des mines de Sainte-Marie (ct d'Al-sace). Sainte-Marie-aux-Mines, Cellarius, 1898, 1vol. 8".

    J. Dietrich, La Sorcire de Miinster, 1631. Colmar, Barth, 1869,1 broch. 8.

    J. Walter, Die Hexenplaetze der Rufacher Urkunden. (Jahrbuchdes Vogesen-Clubs, 1896.)

    E. LiNGER, La Peste de 1628 dans la valle de Masevaux. (Revuecatholique d'Alsace, 1886.)

  • XII L ALSACi: AU XVll' SIKCLK

    Mans WiTTK, Zur Goschichto des Doulschlums iiii Elsass und im^'ogesengebiet. Stuttgart, Kngelhorn, 1897, 1 vol. 8.

    l*li. A. Grandidiek, Fragments d'une Alsatia litterata. (Nouvellesuvres indites publies par l'abb A. M. Ingold. tome II.) Paris,

    Picard, 1898, 1 vol. 8.

    Griechiscbe Dramen in deutschen Bearbeitungen von WolfhartSpangenberg und Isaac Frreisen, herausgegeben von OskarDii'hnhardl. Tiibingen, Litterarischer Verein, 1890-1897,2 vol. 8.

    Joli. WiUTH, Moscberosclis Gesichle Philanders von Sillewaltnebst biographischem Anhang. Rrlangen, 1887, broch. 8**. (Disser-tation acadmique.)

    L. Paiuskk, Beitrge zu einer Biographie von Moschcrosch. Miin-chen, 1891, broch. 8". (Dissertation acadmique.)

    A. ScHuiCKKR, Ordilungen der Slrassburger Malerz^inft. (Jahrbuchdes Vogesen-Clubs, 111.)

    G. Knod, Die alten Matrikeln der Universitaet Strassburg, 1621-1793.Strassburg, Triibner, 1897, 2 vol. 8^

    11. lli'Uss, De scriploribus rerum alsaticarum historicis inde a pri-inordiis ad saeculi XVlll exitura. Argentorali, Bull, 1898, 1 vol. 8".

    M. ScHiCKEL, Etat de l'glise d'Alsace avant la Rvolution,IP partie : Le diocse de Ble, fascicule I. (^olmar, Hiiffel, 1897,1 broch. 8".

    L. Wixteiuh, Quelques saints de l'Alsace et les principales poquesde sa vie religieuse, Rixheim, Sutter, 1897, i vol. 18'^.

    (A. Erhahd), Kurze Geschichte der Wallfahrt zu unserer liebenMutlcrgottes von Alllironn im Elsass, von einem elsaessischenGeisllichen. Ergersheim (Wiirzburz, Gb), 1898, 1 bi'och. 16.

    A. Ernst und Joh. Adam, Katechetische Geschichte des Elsassesl)is zur Rvolution. Strassburg, Bull, 1897, 1 vol. 8".

    Dag. Fischeu, Etude sur l'histoire des Juifs dans lesterres de ry-ch de Strasbourg. Metz,typ. Rousseau-Pallez, 1867, broch. 8*>.

  • L'ALSACE AU XVIF SICLE

    LIVRE SIXIEME

    LA SOCIT ALSACIENNE AL XVIP SICLE

    CHAPITRE PREMIER

    Observations gnrales

    Ce n'est pas chose facile que d'esquisser en traits gnraux le ta-bleau des murs d'une poque sans mler maladroitement les couleurset sans confondre parfois les dates et les milieux. La tche devientencore plus dlicate quand il s'agit d'un territoire limitrophe degrands Empires, o des coutumes et des traditions opposes pro-duisent des mlanges ou des contrastes bizarres, quand le tableaudoit s'tendre un sicle tout entier et que ce sicle a vu des guerressi longues, et ce pays tant de bouleversements politiques, cono-miques et religieux. Aussi n'est-ce pas sans un trs vif sentimentdes difficults inhrentes la tche, que nous abordons cette par-tie de notre sujet : dcrire les murs et les habitudes diverses de lapopulation alsacienne au XVIP sicle, tudier dans leur existencematrielle et morale les diffrentes couches sociales qui la compo-saient alors, donner, en un mot, l'impression exacte et fidle de lavie alsacienne cette poque.Evidemment le fond du tableau restera le mme, depuis le com-

    mencement de la priode qui nous occupe, jusqu' sa fin et, prisedans son ensemble, la population de l'Alsace en 1700 ne nous pa-ratra gure moins homogne que celle de 1601. Si certains chan-gements se sont produits, si l'influence des modes franaises et dela langue est dj sensible dans les classes suprieures, il n'en estpas de mme pour la moyenne bourgeoisie des grandes et despetites villes, ni surtout pour les habitants des bourgs et des cam-

    R. Reuss, Alsace, II. 1

  • 2 I. ALSACK AU xvrr snxi.r,

    pagnes. Celles-ci se ressentent peine de l'existence d'un ordre

    nouveau et n'ont que de rares points de contact avec les reprsen-tants de cet ordre de choses. Seulement, il y a, si je puis m'expri-mer ainsi, de plus fortes ombres au tableau. Ce n'est pas sans desensibles souffrances que l'Alsace a pass par un demi-sicle deluttes, trop souvent engages sur son pi'opre territoire ; commentn'auraient-elles pas laiss leurs traces profondes dans la vie moraledes Alsaciens aussi bien que dans leur existence matrielle ? Dansles vingt premires annes du sicle, le pays infnimentplus peupl,mieux cultiv, plus riche en rserves accumules comme en produitsrguliers du sol, prsentait ceux qui le visitaient un aspect bienplus riant, et possdait une sve vitale autrement abondante. Mal-

    gr les violents contrastes d'opinion qui divisaient alors dj leshabitants diin mme territoire, on peut affirmer qu'il y rgnait unehumeur plus joviale, une disposition plus gnrale aussi lamanifester au dehors.

    Puis surviennent les misres de la lutte trentenaire, l'puisementabsolu de l'Alsace, les difficults inhrentes tout changement dergime, les invasions rptes qui trahissent le dessein persistantde l'Empire de reprendre tout prix les territoires perdus, letrouble matriel que ces guerres nouvelles mettent dans l'existence

    des uns, le trouble moral que la raction religieuse met dans l'exis-tence des autres : tout cela assombrit le caractre des populationset les empche de se sentir vivre et de se rjouir de vivre, commeelles le faisaient avant 1620. Enfin, dans les dernires annes dusicle, le repos matriel de la niajeure partie de l'Alsace tant ga-ranti dsormais par l'occupation de Strasbourg, l'administrationtutlaire du gouvernement nouveau ayant remis de l'ordre dans lesfinances, rpar les maux de l'agriculture, encourag les dbutsde la grande industrie, une re nouvelle de prosprit s'annonce,qui durera pendant la majeure partie du sicle suivant. Si nousavions donc raconter, trs en dtail, l'histoire de la civilisationalsacienne au XVlIe sicle, c'est en ces trois chapitres, chronolo-giquement distincts, que nous partagerions volontiers notre rcit.Mais pour l'esquisse plus sommaire dont on devra foi'cment secontenter ici, il ne nous semble point ncessaire de le diviser enpriodes distinctes'.

    Avant d'entrer dans le dtail des rubriques sous lesquelles force

    1. L o l'observation de l'lment chronologique serait ncessaire pourviter une erreur d'apprciation, nous ne manquerons pas d'y rendre attentifle lecteur.

  • LA SOCIETE ALSACIENNE AU XVIl" SIECLE

    nous est bien de systmatiser ce tableau, afin de nous y reconnatre,on trouvera dans ce chapitre introductoire quelques jugements g-nraux contemporains qu'il nous parat utile de donner ici dansleur ensemble, sans les dmembrer, pour ainsi dire, et qui mritentde figurer en tte d'une tude sur les murs alsaciennes ; ilsmanent en effet d'observateurs sagaces, bien mme d'apprcierla population dontilsparlent, et d'autant plus disposs nous donnerun avis sincre que leur opinion, formule dans un document offi-ciel, ne devait pas tre connue de leurs administrs.

    Voici donc ce qu'crivait sur les Alsaciens M. de La Grange, en1697, aprs avoir vcu au milieu d'eux durant prs de vingt-cinqannes : Les habitants originaires du pais, sont bons et d'unehumeur docile ; ils veulent tre un peu guids et ne quittent pasvolontiers leurs anciennes coutumes. Ils n'ont pas naturellementl'esprit processif, aiment la paix. Mais les diffrents changementsarrivs depuis la guerre, ont chang beaucoup leur naturel. L'abon-dance du pas les rend paresseux et peu industrieux. Ils sortentrarement de leur province et, sans le secours des Suisses, ils au-raient de la peine cultiver leurs terres, faire leurs foins, leursrcoltes et leurs vendanges, ce qui fait sortir assez d'argent de laprovince. Ceux des environs de Strasbourg et de la Basse-Alsacesont plus industrieux et plus laborieux. Les femmes et les filleslabourent et mnent elles-mmes la charrue, faute de domestiques,dont la province est tout fait dpourvue et puise depuis laguerre ^ Il avait dj dit, un peu plus haut, dons son Mmoire : Les Alsaciens ne sont pas asss vifs, ni asss industrieux et il estcertain que d'autres auroient mieux profit qu'eux des avantagesde la guerre, cause du voisinage de la frontire et auroient mieuxfait leurs affaires, mais ils n'aiment pas rien risquer et n'ont aucuneambition. Ils veulent du bien pour vivre commodment, mais ils nedemandent pas de fortune considrable, ni pour eux, ni pour leursfamilles, ce qui fait qu'ils ne sont ni riches ni pauvres ,et qu'ilss'entretiennent dans une mdiocrit qui ne surpasse pas ce qui leurest ncessaire pour vivre en repos, chacun selon son tat et sa con-dition*.

    Cette mme simplicit dgots, cette mme indiffrence pour lesrichesses, toute l'loge des habitants de l'Alsace, avaient t si-gnales, un quart de sicle auparavant, par le spirituel Parisien sisouvent dj cit dans les livres prcdents de cet ouvrage. Le

    1. Mmoire de La Grange, fol. 246.2. La Grange, Mmoire, fol. 240.

  • 4 L ALSACK AU XVIT SIECLE

    fonctionnaire suhalterne, cantonn dans un coin de la province etl'intendant qui a gouvern le territoire tout entier, se rencontrentdans leur apprciation d'ensemble; voici, en effet, ce que le rece-veur des fermes d'Alsace dit du caractre des populations qu'ilavait connues aux environs de Thann, d'Altkirch et de Belfort : Je les trouve, gnralement parlant, lents au travail et prompts se mettre en colre, faisant des imprcations terribles pour detrs petits sujets. Le plus ordinaire est de souhaiter que le ton-nerre frappe ceux qui les fchent; leur grand juron est par le Sacre-ment. A cela prs, ils sont fort amis du repos et de la bonne chreet grands babillards. C'est l'ordinaire des buveurs et des genssimples, qui ont le cur sur les lvres; aussi sont-ils... de bonneamiti, fidles, ouverts, agissant sans dguisement, caressants...La premire civilit que le matre et la matresse d'une maison fontaux nouveaux venus, c'est de leur toucher dans la main en disant :Wilkomcn inein lierr^ ! Et voici maintenant ce que nous lisons dans le Mmoire sur VAlsace

    qu'a fait rdiger en 1702, l'un des successeurs de LaGrange, M. LePelletier de la Houssaye: Les habitans d'Alsace sont assez por-tez la joye ; ils n'ont aucune ambition, ils sont fort adonnez auvin et c'est un de leurs plus grands dfauts. Ils aspirent volontiersaux magistratures des corps de ville, qui sont les seuls employso ils bornent leur fortune^ mais ce n'est pas tant pour s'y enrichirque pour se donner quelque relief dans le monde, sur les autres.Ils ne demandent qu' vivre avec douceur, sans embarras ; ils nes'inquitent pas pour l'avancement de leurs enfans. Les garonsapprennent des mtiers et les filles ne se marient qu'avec despersonnes de mesme profession. Elles ont beaucoup de libertjusques leur mariage, mais alors elles se renferment entirementdans leur domestique. La dot des enfans des plus riches bourgeoisn'est ordinairement que de quatre mil livres. Un pre riche decinquante mil cus de bien suit cet usage et jouit de ce qu'il a jus-qu' sa mort. A l'gard des artisans, ils travaillent toute la semainepour aller le dimanche au cabaret, la promenade et la dance.Les femmes ont un ou deux habits l'allemande, dont on ne voitpas la fin, les modes ne changent pas et rien ne peut leur produireaucune augmentation de despence. Les nouveautez troublent ces

    1. Soyez le bien venu. Monsieur! Voyez les Mmoires de deuxcoyages, p. 103. Eu 1710, Fr. d'Ichlersheim disait galement de ses com-patriotes

    . Die Landes- 1nu ohner scynd aJJ'abel und hat man gern mitihnen zu t/iun. Elsssische Topographie, I, p. 4.

  • LA SOCIT ALSACIEXNK AU XVII= SIF.CLE 5

    peuples et ils sont grands amateurs de leurs usages, bons ou mau-vaise

    C'est prcisment cet attachement profond aux vieux usages, bons ou mauvais , qui permet d'entreprendre, sans risque deconfusions trop violentes, un tableau d'ensemble s'tendant sur

    toute une priode sculaire. Ce qui serait dj fort dangereux pourle XVIII sicle, ce qui serait impossible et de la plus absurde

    inexactitude pour le XIX*^ sicle, aux changements si rapides et siprofonds, et par suite aux aspects si divers, peut fort bien se tenter

    encore pour une poque aussi conservatrice par excellence, au pointde vue des murs, que l'a t le XVlJe sicle, sinon sur les rivesde la Seine, au moins sur les bords de 1111 et du Rhin.

    1. Mmoire de 1702, fol, ^ - 6 .

  • CHAPITRE DEUXIEME

    La Noblesse alsacienne

    (pniNCEs F,T seigneurs)

    Il n'y avait point en Alsace, au XVI I^ sicle, de couv princire

    qui ])i(^sentt la noblesse du pays un centre naturel de vie l-

    gante et d'attractions mondaines. Les personnages de premier rang

    n'y tablissent que rarement leur rsidence ; les arcbiducs d'Au-

    triche qu'il faudrait nommer en premire ligne comme rgents de

    la Haute-Alsace et du Sundgau, et comme possesseurs du grand-

    bailliage de Haguenau, n'ont visit qu' de longs intervalles Ensis-

    lieim ou telle autre de leurs localits cis-rhnanes. Leur vritable

    domicile tait Vienne ou Innsbruck, et aprs la premire inva-sion sudoise aucun d'eux n'a plus franchi le Rhin. Les princes-

    v(|ues de Strasbourg, eux aussi, ont rarement trait leurs villesd'Alsace autrement que comme un lieu de halte passager. Ni

    Charles de Lorraine, ni Lopold et Lopold-Guillaume d'Autriche,ni les deux Furstemberg n'ont rsid d'une faon quelque peu suivie

    soit Molsheim, soit Saverne, soit (aprs 1681) Strasbourg'.

    Les dvnastes les plus importants aprs eux, les Hanau-Lichtenberg,lesWurtemberg-Montbliard,les Ril)eaupierre,les reprsentants desbranches secondaires de la maison j)alatine, taient d'assez petits

    princes, qui, soit dit leur louange, ne se souciaient gure d'avoir des

    and)assadeurs, ni mme des pages autour d'eux. D'ailleurs la plu-part d'entre eux sjournaient le plus souvent en dehors de leursdomaines d'Alsace. Les comtes de Hanau se sentaient plus l'aise

    et surtout plus en sret dans leurs domaines de laWelteravie qu'au

    chteau de Bouxwiller,et c'est Monlbf'diai'd et non Riquewihroullorl)i)ui-g, (pif les ^\'u^l(ml)elg avaient leurs habitudes. On ne peutleur en faire un reproche, car leurs demeures seigneuriales d'Alsace,pour autant qu'elles subsistent encore, n'ont rien de bien impo-

    sant, ni parleurs formes, ni parleur ('tendue^, lis ne |)onvaicnt pas

    1. Charles de Lorraine habitait alternativement Metz t-l Nancy, Lo-pold d'Autriche d'ordinaire Fribourg, ou Innsbruck, Lopold-GuillaumeVienne, Kranois-gon de Furstemberg Cologne, son frre et successeurGuillaume, l'aris. Ce ne sont que les Rohan, au XVII' sicle, qui ont refaitde Saverne une vritable /.stV/cnce piscopale et princire.

    2. Le chteau de Ribeauvill, bti la fin du XV" sicle, et qui, de nos

  • LA SOCIETE ALSACIENNE AU XVir SIECLE 7

    abriter une domesticit bien nombreuse ; encore moins aurait-onpu y loger un entourage de dignitaires officiels ou de compagnonsd'existence journaliers, digne d'tre qualifi de cour.

    Les revenus de ces petits princes et seigneurs taient d'ailleurs

    relativement modestes, et beaucoup d'entre eux avaient mme desdettes considrables ^ Mais, mme quand ils avaient de l'argent,ils prfraient l'employer leur confort personnel plutt que des'entourer d'un clat purement extrieur que nul ne leur deman-dait, vrai dire, et dont nul ne leur et t reconnaissant. En cestemps dsastreux, o les chteaux princiers taient presque aussisouvent pills que les chaumires des paysans et les maisons bour-geoises des petites villes, la tentation ne pouvait tre granded'ailleurs de dpenser beaucoup d'argent pour l'ameublement desdemeures et l'entretien d'un personnel d'apparat, absolument inu-tile*. On devait prfrer quelques bons mercenaires, aux bras ro-bustes, toute une troupe de chambellans, de pages et d'cuyerstranchants ; du reste on n'avait gure d'argent pour des courtisansquand on laissait en souffrance jusqu'aux gages des prcepteurs dela famille'. Si dans quelques cas rares nous pouvons constater nan-moins un luxe vritable tant pour l'ameublement que pour l'argen-terie, le nombre des domestiques, etc., c'est toujours d'un person-nage officiel, reprsentant d'un monarque, qu'il s'agit. Le barond'Erlach, dont on nous dtaille le riche mobilier et le service de

    table massif, les nombreux laquais livre verte, aux revers car-lates, et les lits de parade, en velours vert, en taffetas violet, en

    jours, a t longtemps un pensionnat de jeunes filles, ne fait exception quepar sa belle situation au haut de la ville ; celui de Bouxwiller tait uuelourde btisse, dont les pavillons seuls ont survcu la Rvolution ; celuide Riquewihr, datant du XVI* sicle, abrite les coles communales de lapetite ville: on voit que ce n'taient pas de bien vastes palais.

    1. On est stupfait de voir quelles grosses sommes les comtes de Hanau-Lichtenberg, par exemple, ont empruntes aux abords de la guerre deTrente-Ans, tant aux villes de Strasbourg et de Ble qu' de nombreux parti-culiers de la premire de ces villes. (Archives de la Basse-Alsace, E. 2892,2904,2907, 2915, 2973.)

    2. M"'^ de Montpensier raconte, dans ses Mmoires, en parlant de la vi-site du prince de Montbliard Louis XIV, que toute sa conr tenait dansun mme carrosse >>. Nous avons eu entre les mains un tat de l'ameuble-ment et de la caisselle du chteau de Ribeauvill (A. H. A., E. 2662); saufquelques pices d'orfvrerie rare, il n'y a vraiment rien qui puisse frapperl'imagination la plus modeste. Quand on parcourt le catalogue de la biblio-thque du chteau, on la trouve bien mdiocre aussi.

    3. Le malheureux Fierre-douard Burcklin, qui avait t prceptordomesticus des jeunes seigneurs de Ribeaupierre, de 1639 1641, rclamaitencore 91 thalers dgages en 1654. (A.B.A., E. 2905.)

  • 8 L AI.SACK AU XVII'' SIECLE

    satin de Chine, venus do Paris^ offrait l'IiDspitalit fastueuse du

    chteau de Brisach, au nom du roi de France et, sans doute aussi,

    ses d''pens. Nos dynastes alsaciens vivaient d'une manire infi-

    niment phis modeste et le luxe de leurs vtements ne dpassait

    gure celui de leurs demeures*. Ils paraissaient mme ridicules desimplicit aux seigneurs et aux dames de l'entourage de Louis XIV.Tel le prince Georges de Monlbliard qui s'en vint, le 12 janvier 1672,prsenter ses hommages au souverain, habill comme un matred'cole de village sans pe, avec un mchant carrosse noir etquelques laquais vtus de jaune, avec des garnitures de rubansrouges , comme le constate avec une horreur bien sentie la grande

    Mademoiselle '

    .

    Dans leur jeunesse, nous voyons ces princes et comtes voyagerpendant plusieurs annes pour se former aux belles manires et pour

    acqurir une teinture des langues trangres et des beaux-arts. Ils

    visitent avec leurs pdagogues et quelque gentilhomme de confianceParis et les Universits de la France mridionale, vont ensuite en

    Italie admirer les chefs-d'uvre antiques et modernes, reviennent

    par Genve et parfois se rendent encore de l aux Pays-Bas, plusrarement en Angleterre*. Mais une fois rentrs au bercail, ils

    quittent rarement le territoire du Saint-Empire, et se bornent d'or-

    dinaire circuler de l'une de leurs modestes rsidences l'autre,

    ou faire quelques visites de bon voisinage^ La vie dans leurs

    chteaux leur plat avant tout, parce que, grce aux impts et aux pres-

    1. A. voQ Gouzenbach, Hans Ludig oon Erlach, III, p. 425-427.2. Il appert des comptes de l'iuleudaul Daniel de Pielhe que le comte de

    Ribeaupierre dpensait en 1664, pour un habit de gala la somme de 179 flo-rins et 23 kreutzers, qui, vu le luxe des broderies, des galons et des den-telles du temps, semble plutt modeste. (Documents concernant Sainte-Ma-rie-au-Mines, p. 303.)

    3. Mmoires de M"' de Montpensier, cits par la Reue d'Alsace, 1879,p. 102.

    4. Il existe aux Archives de la Haute-Alsace (E. 723) un trs intressantdossier qui mriterait d'tre publi in extenso. Ce sont les lettres du magisterHtendel, crites au vieil verard de Ribeaupierre. pendant qu'il voyageaiten France avecles deux fils de ce seigneur (1614-1615). Aprs avoir sjournsuccessivement Lyon, Avignon, Marseille, Toulouse, Montpellier etBourges, l'argent leur manque, et ils doivent vivre crdit pendant si.x mois Poitiers, avant qu'on put leur faire parvenir la somme ncessaire auretour.

    5. Quand on se rappelle les nombreuses Entres auxquelles se com-plaisaient les princes au XVI* sicle, et non pas les empereurs seulementet les rois, on est frapp au premier abord, de l'absence peu prs com-plte de crmonies de ce genre au XVII' sicle. C'est peine si l'on signalepar exemple l'entre solennelle de l'vque Lopold Saverne,enl608 et laprseutatiou d'une coupe de vermeil par le Magistrat (Fischer, Zabern,

  • LA SOCIETE ALSACIENNE AU XVir SIECLE 9'

    talions en nature, ils peuvent s'y livrer, sans de trop grosses d-penses, leurs penchants gastronomiques. Car s'ils aimaient bien

    manger et surtout bien boire, on peut dire que leurs gots n'taientpas trop raffins, et qu'ils se contentaient de ce que leur offraient

    leurs propres domaines. En dehors des plaisirs de la table, l'exis-tence de ces petits cnacles, que nous ne pouvons pas appeler des

    cours, devait tre assez maussade, ce me semble. Les femmes s'yoccupaient de jardinage, d'oeuvres de charit ou de thologie ; leshommes organisaient de grandes battues dans les forts seigneu-riales ou exhibaient, dans leurs pesants carrosses' leurs personnes

    et celles de leur famille aux yeux de leurs sujets merveills. Parfois,en t, une promenade sur l'eau*, une partie de traneau en hiver',Venaient varier la monotonie de cette existence quasi rurale, cou-pe de longs intervalles par quelque sjour Colmar, Ensisheim,Riquewihr, et surtout Strasbourg o la plupart de ces hauts per-sonnages possdaient soit un htel, soit un pied terre plus mo-deste. On y banquetait, on y dansait, on y jouait avec la noblesselocale ou les visiteurs trangers. On y cherchait parfois aussi desdistractions moins innocentes et qui amenaient des conflits avec lajustice, soit pour infractions la morale^, soit pour outrages etvoies de fait contre les particuliers et les reprsentants de la forcepublique ^ En gnral, on a l'impression que la vie prive de la

    p. 39), ou celle de Franois-goa de Furstemberg Strasbourg eu 1681.Mais cela s'explique en partie par l'appauvrissemeut gnral, en partie parce fait que les principales villes d'Alsace ayant pass la Rforme, lessouverains catholiques ne se souciaient plus de les visiter.

    1. Les routes taient si mauvaises qu'il fallait souvent raccommoder ceslourdes machines. (Comptes des dpenses des Ribeaupierre, 1633. A.H..\..E.1220.)

    2. Voy. la description d'une pareille promenade sur l'IU, organise en1627, en l'honneur d'Agathe-Marie de Hanau, la jeune femme de Georges-Frdric de Ribeaupierre. (.\.H.A.,E. I:il9.)

    3. C'est ainsi que l'vque Lopold arriva le 18 janvier 1608 Strasbourg,par un froid trs vif, ayant fait le trajet de Molshein la ville en traneau,comme l'a soigneusement not le chroniqueur. [Kleine Strassburger Chro-nik, d. Reuss, p. 33.)

    4. C'est ainsi que ce mme Frdric-Georges de Ribeaupierre eut, en 1639,une fort vilaine affaire avec le Magistrat de Strasbourg, pour avoir sduitune jeune bourgeoise, Cloph Schell, et, l'ayant rendue mre, lui avoirconseill, d'abord de se faire avorter, puis de dsigner un autre comme lepre de l'enfant. Par arrt du 14 mars 1639, il fut condamn payer 200 iha-1ers d'amende la Maison des orphelins, verser 400 thalers la jeunefille et de fournir, pendant dix ans, 4 rzaux de seigle et un demi-foudre devin pour la subsistance de l'enfant.

    5. Ce sont surtout les comtes de Hanau- Lichtenberg qui semblent avoireu un penchant hrditaire malmener par paroles et gestes leurs inter-locuteurs nobles ou roturiers. En 1617, nous voyons Jeau-Regnard I", pour-

  • 10 1,'ai.sacr au xvh sicle

    plupart de ces personnages tait range, et dans un sicle o lalicence des murs tait grande, la rumeur publique ne nous a con-serv que peu d histoires scandaleuses sur leur compte ^ Mais ilne faudrait pas se les figurer comme des parfaits gentilshommes,selon le type convenu des chevaliers courtois du moyen ge. Ilsont quelque chose de trs roturier, de vulgaire parfois, et l'on estfrapp de l'absence de dignit personnelle que trahissent certains

    de leurs traits d'esprit . Nous n'en citerons qu'un seul exemple,mais assez caractristique, emprunt un contemporain, fort bieninform d'ordinaire.Le Pre Recteur des Jsuites d'Ensisheim, Franais nouvelle-

    ment arriv en Alsace, alla faire visite un grand seigneur de cepas-ci ' , qui l'invite souper. Mais le Rvrend Pre fut biensurpris quand, ds l'entre du repas, cette Altesse allemande se fitapporter un grand coq de vermeil, tenant environ trois chopinesde Paris, et qu'aprs en avoir t la tte qui se dmonte visse,elle le vuida ou fil semblant de le vuider sa sant, en sa qualit denouvel hte. Le Pre Recteur pensa tomber de son haut lors-qu'il vit un chanson lui apporter ce formidable coq pour le vuider son tour. Il ne mancjua pas d'employer ses plus lgantes phraseslatines pour s'en excuser (car il ne savait pas d'allemand), mais le

    suivi pour injures par le Magistrat de Strasbourg. (Archives municipales,A A. 1749.) En 16;i0, le comte Philippe-Wolfgang change par crit, lasuite d'une orgie, les paroles les plus grossires avec Georges-Thierry deWangeu. Nous avons publi cette correspondance, qui donne une ide dela brutalit des murs d'alors, (l&ns l'Alsatia (anne 1872, p. 407-408). En1665, le comte Jean Regnard II, s'tant pris de querelle avec le baron deStubenberg, l'htellerie du Buf, et l'aubergiste ayant fait venir le guet,il s'ensuivit une vritable bataille, la suite du comte chargeant la police,l'pe la main, jusciu' ce que les soldats, appels la hte du corps degarde voisin, abattissent d'une salve de mousqueterie l'cuyer elle cuisinierde l'irascible personnage. Le comte s'chappa sur un cheval sell la hte,avant qu'on put le prendre au collet. (Archives municipales, AA. 1773;voy. aussi Reisseisseu, Au/scichnungen, p. 62.)

    1. 11 y eut cependant parfois des carts de conduite qui excitrent l'indi-gnation publique. Ainsi, en 1622, alors que Mansfeld tait aux portes deStrasbourg, dvastant le paysaux alentours, au moment o, du haut de toutesles chaires, on exhortait les bourgeois faire pnitence de leurs pchs, desorgies scandaleuses se clbraient l'htel de Hanau. o les jeunes comtesfaisaient danser leurs invites en costume d'Eve. Le Magistrat adressa, le4 juillet 1622, une lettre des plus irrites au comte rgnant, leur pre. (Ar-chives municipales.)

    2. 11 ne peut tre question, dans ce rcit, d'une autre A Itesse allemande que du priuce Chrtien de Birckenfeld, l'hritier des comtes de Ribeaupierre,Le tour qu'il jouait au P. Recteur tait d'autant plus rprhensible qu'offi-cier gnral au service de France, Chrtien savait certainement, quand il levoulait, s'exprimer eu franais.

  • LA SOCIT ALSACIENNE AU XVII* SIECLE 11

    prince parut choqu de son refus, de sorte qu'il ft effort pourboirecet norme gobelet... Il fallut demeurer table quatre ou cinqheures de temps, et on l'obligea de faire encore raison de toutes les

    sants que les autres convives lui portrent. Enfin l'heure de se

    lever de table arriva; mais pour lors le bon Recteur ne pouvait plusse rgir lui-mme, la tte lui tourna quand il fut debout et pendantle peu de conversation qu'il eut aprs le repas avec ce seigneur, illui prit un mal de cur si pressant, qu'il ne put le dissimuler. Il

    fut contraint, malgr lui, de soulager la plnitude de son estomacen prsence de l'Altesse qui tait ravie de l'aventure. Tout ce qu'onput lui dire pour le consoler ne servit de rien. On tcha de lui faireentendre que cette jection n'avait rien de honteux en Allemagne,qu'au contraire cela faisait honneur au matre de la maison. 11 nese rassura mme pas aux obligeantes paroles du seigneur quil'avait rgal : Tou non es filions meous^ lui dit-il, si te poudeat evo-mouisse. ... Il s'en retourna son collge d'Ensisheim, si pntrde confusion, qu'il se mit au lit son arrive et il mourut de chagrin

    au bout de quelques jours. Tout le monde sait cette histoire dans lepas, et au lieu deplaindre ce bon Jsuite d'avoir t un martyr decomplaisance, la plupart n'en parlent qu'en le raillant de son peu

    dcourage et comme d'un homme qui s'est laiss mourir faute desavoir vivre ' .

    Tous les principicules alsaciens du XVIP sicle n'taient pasassurment d'aussi froces buveurs ; il y en avait qui n'taient nidbauchs ni joueurs^. Quelques-uns, bien peu, s'occupaient delittrature et s'exeraient mme faire des vers'; d'autres, plusnombreux et suivant l'impulsion gnrale, se passionnaient pourles controverses thologiques. Tel ce Georges de Montbliard(1626-1699) dont les contemporains parlrent longtemps avec unestupfaction mle d'un certain respect*. Le prince avaitlu, dit-on,quinze cents fois la Bible entire d'un bout l'autre ! il en mdi-tait chaque jour soixante chapitres, rcitait douze prires et chan-

    1. Mmoires de deux voyages, p. 177-178.2. On semble avoir parfois jou bien gros jeu au chteau de Ribeauvill.

    Dans la seule anne 1640, c'est--dire au plus fort des misres de la guerrede Trente Ans, les comptes du bailliage de Zellenberg portent comme per-due au jeu la joliesomme de 3,528 florins, ce qui quivaudrait aujourd'hui plus de 22,000 francs. (A.H.A., E. 2895.)

    3. Parmi eux il faut citer verard de Ribeaupierre. Le pote Rompler deLwenhalt affirme dans le pome funraire qu'il consacre ce seigneur,qu'il ne tournait pas mal les vers. [Reinibgebilsch, p. 101-114.)

    4. Les Wurtembergeois ont un prince bien singulier, disait l'auteurdes Miscellanca Colinariensia, on en pourrait crire des volumes ,

  • 12 i/aLSACK au XVII* SICLE

    tait douze cantiques; si l'on en croyait la tradition, l'une de cesprires, compose par le prince lui-mme, durait trois heures. Ilrdigea un commentaire sur VApocalypse, en 16G7\ et travaillasans succs la fusion des deux principales Eglises protestantes,en correspondant avec Philippe-Jacques Spener, Pierre Dumoulinet Mose Amiraut. Sa femme, Anne de Chtillon, arrire-pelite-fille de l'amiral de Coligny, n'tait gure moins bizarre. Si ce qu'enraconte Talleraant des Raux, ce bavard mdisant qui n'pargnepei'sonne, est vrai', elle aurait d'ailleurs l'excuse d'hrdits mor-

    bides, transmises ses propres descendants'. Calviniste de nais-

    sance, convertie par son poux au luthranisme, elle s'abma dansles rveries mystiques, faisait assister aux ftes du culte son pagedguis en ange, etc. Elle finit par devenir folle et l'tait depuislongtemps quand elle mourut en 1680. Leur fille tous deux, laprincesse Anne, fut, pendant des annes, la terreur des sujets etdes fonctionnaires de la petite principaut et tint tte parfois, avec

    une obstination rare, aux intendants de la province eux-mmes*.Mais c'est assez parler de ces petits dynastes, si peu nombreux

    daillcursen Alsace, et dont l'existence journalire, pour autant qu'ellenous est connue, ne prsente pas un intrt bien considrable. Sinousjpassons l'tude de la vie quotidienne de la noblesse alsa-

    (Ralhgeber, Calmar und Ludcoir) XfV, p. 85.) Voy. sur lui Ed. Ensfelder,Le chteau de Rirjueicihr, dans la Recued' Alsace de 1879, et P. E. Tueffenl,Bior/rap/trc dti prince Geot-r/cs d'j Montbliard et de sa femme, Anne deCoUiny, dans la Reue d Alsace de 1885.

    1. Lesdeux pluscurieux ouvrages sortisde saplurae ne seront jamais publissans doute. L'un est conserv Besanon, l'autreaux Archives Nationales.Voici ce qu'en dit M. Tuefferd qui les a eus entre les mains : Le premierest un Journal embrassant une priode de dix annes (I662-1672) o, ctde quelques dtails de gouvernement, il relate tous les actes de sa vie pri-ve et religieuse et o il pousse la franchise jusqu' indiquer les jours etles heures o il accomplissait ses devoirs conjugaux. Dans l'autre, inti-tul: Dialo/ue du mcnafjed'un seigneur, le comte Georges raconte les tri-bulations que sa femme lui faisait supporter, et prte celle-ci un langagequi est d'une impudicit rvoltante. Cet opuscule est plus digne de l'Ar-tin que d'un homme pieux et moral; quant au style, il est lourd, diffus etsouvent inintelligible.

    2. Tallemant de Raux, Historiettes, V. p. 211. Il prtend que, dans sesaccs hystriques, la jeune fille gravissait le long d'une tapisserie commeun chai . 11 en dit bien pis encore.

    ,3. .Sa fille Henriette se laissa mourir de faim, au chatean de Riquewihr,pour ne pas survivre sa mre. (Tuefferd, op. cit., p. ;S8f>.)

    4. Nous rencontrerons ])lus d'une fois encore dans certains chapitres dece volume ce trs excentrique personnage. En 1698, son frre, le duc r-gnant de Montbliard, ayant nomm Riquewihr un suritUeadant eccl-siastique qui lui dplaisait, elle courut l'glise, un coutelas la main, pourl'arracher de la_chaire. (Rathgeber, op. cit., p. 8.t.)

  • LA SOCIT ALSACIENNE AU XVII* SIECLE 13

    cienne proprement dite, la premire chose qui nous frappe, c'estqu'elle est encore presque rurale au XVIP sicle et qu'en l'absenced'une cour lgante, quipuisse lui servir de centre naturel, ses repr-sentants demeurent encore, presque tous, dans leurs chteaux, lacampagne. C'est vers la fin du XVIP sicle seulement que s'oprela fusion des deux couches suprieures de la socit provinciale,formes par la noblesse indigne et les hauts fonctionnaires del'ordre civil et militaire. C'est ce moment que Strasbourg devient,en effet, dans une certaine mesure, la capitale de la socit alsa-cienne. Mais au dbut de la priode qui nous occupe, rien de sem-blable n'existait encore et, mme dans les dernires annes dusicle, le mouvement se dessinait peine. Les familles titres, pourautant qu'elles n appartenaient pas au patriciat urbain, rsidaienttranquillement sur leurs terres, et si elles possdaient dans lagrande ville la plus voisine une rsidence familiale, celle-ci consti-tuait plutt un lieu de refuge pendant la guerre qu'un domicilevritable pendant la paix\ C'est dans la seconde moiti seulementdu XVIP sicle que l'on voit certains groupes nobiliaires, appa-rents la noblesse des villes, sjourner plus longuement derrireles murs d'une cit, mme en temps de calme parfait. On y passealors d'ordinaire les tristes mois d'hiver, trop maussades la cam-pagne. Et quand une fois Strasbourg, aprs la capitulation de 1681,est devenu le centre officiel du pays, quand le Directoire de laNoblesse y a rtabli son sige administratif, une accoutumancede plus en plus gnrale y ramne chaque automne un plus grandnombre de familles. Les dames et les demoiselles veulent s'initier auxmodes nouvelles, leurs fils, frres et maris s'exercent faire leurcour au beau sexe, dans les salons du marchal commandant la pro-vince, de l'intendant ou du gouverneur de Strasbourg. On y joue,semble-t-il, encore plus qu'on n'y cause, et les nouveaux venus

    initient les autochthones aux mystres de la bassette, du hoce, dupharaon, barbacole, banque-faillite et autres jeux , contre lesquelsM. de La Grange est oblig, d'ordi'e de Sa Majest, d'dicter despnalits svres, tant la passion du jeu fait de victimes '.

    Mais ces progrs d'une civilisation plus raffine, avec ses avan-

    1. Assurment on les voit arriver en ville pour assister quelques repr-sentation de gala, organise par leurs pairs ; ainsi lors des courses de bagues(Ringelrennen) clbres au March aux chevaux de Strasbourg, eu mai 1624(Walter, Chronique, d. Reuss, p. 18), ou du brillant carrousel que le ducde Mecklenbourg et le comte Torslenson donnrent, sur le mme emplace-ment le 8 dcembre 1652, en l'honneur de Christine de Sude; mais c'taientdes exceptions.

    2. Ordonnance du 15 juin 1691 : Les joueurs payeront mille livresd'amende.

  • 14 l'alsACK au XVII* SICLE

    tages et ses dfauts, ne se remarquent que tout fait la lin dusicle, dans les rangs de la noblesse alsacienne. Gnralement, elleest reste simple, mme un peu rustique dans ses manires, et il ya une excellente raison pour qu'il en soit ainsi ; c'est qu'elle est

    plutt pauvre, du moins, quand on la compare la noblesse d'autrespays, surtout celle de l'Angleterre ou des Pays-Bas. Mais elle esttrs fire aussi de ses origines et quelque indigente qu'elle ft,

    aimant mieux pouser une pauvre demoiselle que de prendre unebourgeoise avec une grosse dot . Elle tire vanit de ses arbresgnalogiques sans fin, de ses armoiries vingt quartiers, timbrsde trois ou cinq casques somms de cimiers, si embrouills de lam-brequins, si bisares dans leurs maux, qu'ils mettraient quia lebonhomme de la Colombire avec son gros livre de blason . Notrenarrateur parisien, qui n'est, lui, que de noblesse fort mince, puis-qu'il occupe un emploi de maltte , ajoute sur un ton peu respec-tueux: Si les preuves du blason ne me contentoient pas, on m'ou-vriroit ensuite les Archives, qui sont des lieux vots, tout depierre, fermans portes de fer, crainte du feu et des rats, o l'onm'talleroit plus de parchemins gothiques qu'un dchifPreur n'enpourroit lire en dix ans. Et pour (convaincre davantage mon incr-dulit, ils feroient publier leur noblesse par les oiseaux mmes, enme faisant remarquer qu'en leur pas les cicognes qui font leursnids sur les clochers, ne s'tablissent jamais que sur des glises sei-gneuriales. Le moyen de rsister des tmoignages si authen-tiques^ ! Ces personnages, si entichs de leur noblesse, sontnanmoins faciles, obligeans, caressans, bons et familiers jusqu'leurs domestiques mmes ; ils ne se font pas scrupule de les admettre

    - leurs tables; du moins celle des valets est dresse dans le mmelieuque celle du matre, et une partie mange pendantquel'autre sert.C'est ce que j'ay vu chez le baron de Reynach et chez d'autres per-sonnes de qualit de ce pays l^ Dans un milieu aussi patriarcal, la simplicit des murs et celle

    des costumes resta longtemps fort grande. Non pas, certes, laville, o ds 1620, nous voyons les dames de la noblesse adopter lesmodes franaises', exemple qui ne fut suivi que beaucoup plus tard

    ou feront quatre mois de prison, ceux qui auront donn jouer sont frappsd'une amende de six mille livres ou bien d'un emprisonnement d'un au.{Ordonnances d'Alsace, I, p. 189.)

    1. Mmoires de deux coyayes, p. 178-179.2. Ibid., p. 180.3. C'est le diplomate hollandais Constantin Huyghens qui, passant par

    Strasbourg en 1620 et assistant ;\ la bndiction d'un mariage la calh-

  • LA SOCIT ALSACIENNE AL" XVIl'' SIECLE 15

    par les hommes^ Mais les gentilshommes campagnards et leurspouses choquaient encore les trangers, dans le dernier tiers duXVII^ sicle comme n'tant jamais la mode, parce que leurshabits durent trop longtemps' . Encore en 1680, dans le bailliaged'Altkirch, o cependant rsidaient plusieurs familles nobles, uneperruque tait chose absolument inconnue. Un soir que le jeuneParisien, auquel j'emprunte une partie de ces dtails, causait danscette ville sur le pas de sa porte, avec (( une jeune fille de ses amies qui se moquait de son mauvais allemand, il lui jeta, par manire deplaisanterie, sa perruque la tte. Aussitt toutes les voisines qui setrouvaient l, s'enfuirent effares en criant : O Jsus, o Jsus, potztausent! der herr lit sein kopfgesclinidet ab ^ ! >>

    La pauYi'et relative de la noblesse alsacienne influe galementsur son nombre. Car elle est, en effet, proportionnellement peu nom-breuse. La plupart des fils cadets sont obligs de quitter le payspour chercher fortune au dehors, dans les armes de l'Empire,celles des Provinces-Lnies, de la Sude ou de la France, selon lespoques et leurs affinits religieuses ou politiques, tandis que lesfilles qui ne trouvent pas se marier, entrent dans quelque chapitrenoble d'Alsace ou du reste de l'Allemagne. Ces jeunes gens, unefois partis, ne revenaient gure au foyer paternel, soit qu'ils aientsem leurs os sur les innombrables champs de bataille duXVII* sicle, soit qu'ils aient fait fortune l'tranger*. Les anseux-mmes se laissrent parfois attirer au dehors par quelque bril-lante position militaire ou administrative et s'loignrent de l'Alsace,pour entrer au service de la maison d'Autriche ou de quelque autre

    drale, observe qu'il y eut un assez grand train de filles et de femmesnobles, toutes habilles la franaise, qui honorrent de leur prsencel'excution de ces pauvres condamns . [Bijdragen en mededeelingen canhet historisch Genootschaap te Utrecht, 1894, p. 146.)

    1. C'est Plisson qui lors du voyage de Louis XIV eu Alsace (1681)remarque, un des premiers, dans ses lettres M" Deshoulires que laplupart des hommes s'y habillent la franaise. Le Mmoire de 1702confirme la mtamorphose ; la noblesse s'habille la franoise ; si ellen'tait pas si pauvre, elle aimeroit assez paroistre . (Fol. 6.)

    2. Mmoires de deux coyages, p. 184.3. fbid., p. 186. ( O Jsus, Jsus! Mille bombes! Le monsieur a coup

    sa propre tte ! )4. Il est une remarque qui s'impose cependant tous ceux qui parcourent

    les notices gnalogiques de la noblesse alsacienne de ce temps; c'est lepetit nombre de ceux qui sont parvenus une position un peu exception-nelle au dehors; que de braves et vaillants soldats morts capitaines ou lieu-tenants-colonels pour un gnral comme .\nnibal de Schauenbourg, oucomme Jean-Henri de Reiuach. le dfenseur de Brisach (1638), ou pour unhaut fonctionnaire de cour, comme Grard de MuUenheim, le grand-veneurdu roi de Pologne!

  • 16 l'alsace au XVII'^ SikCLE

    prince allemand. Puis, de tous les jeunes seigneurs qui partent pour le grand tour d'Europe , il en est plusieurs qui ne rentrent ja-mais, enlevs en route par la maladie, ou dpchs en terre tran-gre par le coup d'pe d'un rival jaloux^ On attachait alors uneimportance capitale ces tudes mondaines , h ce tour du par-fait cavalier , du moins dans la seconde moiti du sicle, tmoin cecurieux passage de l'auteur des Mmoires de deux voyages en Alsace :(( Lorsque ces jeunes gens, dit-il, partent de leur pas, on peut direque cne sont que de belles statues; ils paraissent dcontenancscomme s'ils ne savaient o mettre leurs bras. Mais quand ils ontroul quatre ou cinq ans dans les cours trangres, et sui'tout enFrance, o ils apprennent d'ordinaire leurs exercices, comme ilssont la plupart grands et bien faits, leur corps tant dress par d'ha-biles matres la dance, aux armes, et monter cheval, et leur

    esprit orn de la connaissance des langues ce sont des hommesaccomplis. Quelque bonnes qualits qu'ait un gentilhomme quin'a pas vu le monde, on dira toujours de lui: Quel dommage quece gentilhomme n'ait pas t Paris ! C'est pourquoi les presde famille les moins accomods mettent chaque anne quelquesomme en rserve pour fournir aux frais de voage de leurs enfants,afin qu'ils le fassent d'une faon utile et honorable^

    Naturellement, tout le monde n'tait point unanime pour approuvercette faon d'duquer la jeune noblesse, et bien des auteurs pa-triotes signalent la dpravation des murs et la dformation du lan-gage rsultant de ces longs sjours l'tranger*, mais leurs critiquesamres ne pouvaient rien contre l'entranement gnral et le gotdu jour.- En dehors de ce dchet naturel, si je puis m'exprimer ainsi, il sem-blerait que le XVI' et le XVIIe sicle aient t pour la noblesse d'Al-

    1. On peut trouver le rcit trs vivant, et pris assurment sur nature, desdangers de pareils voyages d'ducation sentimentale dans les chapitresdu Simplicissimus qui racontent les aventures du Bel Allemand Paris.Grimmelshausen, Simplicianlsehc Schri/ten, d. Kurtz, 1, p. 367 suiv.

    2. Mmoires de deux coyages, p. 180. Nous aurons revenir sur cesvoyages d'tudes, au chapitre des Universits.

    3. Autrefois, dit l'auteur d'un ouvrage intitul Teutscher Sprache Eliren-/.ran

  • LA SOCIT ALSACIENNE AU XVII^ SIECLE 17

    sace un grand climatrique franchir. Est-ce le bouleversementconomique amen par la dcouverte du Nouveau-Monde, est-ce lebouleversement des ides produit par la Renaissance et la Rformequi ont agi le plus vivement dans ce dprissement marqu de l'aris-tocratie du moyen ge ? Je ne sais, mais le fait lui-mme est incon-testable. Pour s'en assurer on n'a qu' parcourir les listes donnesvers la fin du XVP sicle par Rernard Hertzog dans sa Chroniqued'Alsace^, ou la nomenclature des familles teintes dans la premiremoiti du sicle suivant, dans la Topographie dite de Mrian*, oubien enfin les volumes de VAlsace noble de M. Lehr^. Vers la finde la priode qui nous occupe, les vieilles races nobiliaires sontbien dcimes et remplaces soit par des familles d'origine tran-gre, soit par d'autres de noblesse parfois trs rcente, qui ne figu-rrent jamais la matricule de la Noblesse immdiate et dont plu-sieurs auraient eu peut-tre beaucoup de peine faire leurs preuvesavant la Rvolution*.

    Assez pauvres pour la plupart^ ces familles nobiliairesvcurent, encore bien plus que les familles princires, loin desvilles, dans leurs modestes chteaux, pendant la majeure partie duXVIP sicle. Ce n'taient plus les castels du moyen ge et moinsencore les villas lgantes de l'aristoci^atie contemporaine. Certainesde ces rsidences ont conserv longtemps, quelques-unes mmejusqu' ce jour, l'aspect qu'elles pouvaient avoir dj aux temps deLouis XIV et de Lopold l*''. Moiti fortins et moiti maisons deplaisance, ces demeures taient entoures de fosss plus ou moinsprofonds, parfois desschs, parfois aussi remplis d'eau et o descarpes centenaires menaient une vie contemplative, au pied desvieilles murailles ; massives leur base, elles taient perces seule-ment de quelques fentres troites et flanques d'une ou plusieurstours ou tourelles, avec un donjon particulirement solide, qui pro-tgeait le chartrier fodal, et pouvait servir de point de ralliemen

    1. Edelsasser Chronick, livre VI, p. 151-231; Von abgestorbenen adenli-chen Geschlenhtern.

    2. Topographia Alsati, d. 1663, fol. Va.3. L'Alsace noble et le Licre d'or du patriciat de Strasbourg, Paris,

    Strasbourg et Nancy, Berger-I,evrault, 1870, 3 vol. folio.4. C'est au XVlll' sicle seulement que la vieille noblesse alsacienne, en-

    vahie par la noblesse de robe et les roturiers anoblis, rclama du Gouverne-ment franais la confirmation de sou titre de baron du Saint-Empire; aupa-ravant elle n'avait attach que peu d'importance au titre, veillant avanttout la puret de la race.

    5. Voy. ce que nous avons dit ce sujet dans le chapitre sur les posses-sions territoriales de la noblesse immdiate, vol. I, p. 526.

    R. Keuss, Alsace, IL S

  • 18 l'alsack au xvii* sicle

    ou de refuge suprme contre une surprise de partisans pillards,sinon contre des forces rgulires. Les tages suprieurs avaient un

    cachet moins exclusivement militaire, mais ne pouvaient gurepasser pour des chefs-d'uvre d'architecture, et le moindre million-

    naire moderne ddaignerait ces demeures modestes qui abritaient,il y a deux sicles, les plus illustres familles de la provinceV

    Les possesseurs de ces manoirs y coulaient, semble-t-il, une

    existence assez douce, mais passablement insignifiante. Ils chas-

    saient, c'tait la distraction dominante, ils allaient la pche',

    ils s'oft'raient les uns aux autres de succulents festins et y vidaient

    de nombreux hanaps, Wilkonnn-beclier ou vidreconies. Ils char-maient leurs nombreux loisirs en rglant les comptes, sou-vent fort embrouills, du bailli du village, ils administraient la

    justice leurs sujets, jusqu'au moment o Louis XIV dfendit ces(( lgislateurs-ns , ignorant d'ordinaire les principes du droit, de

    disposer de l'argent et de la vie d'autrui^. Les bons seigneurs s'in-

    tressaient au sort de leurs paysans, essayaient de relever leur niveau

    inlcllectuel et moral, en inspectant l'enseignement scolaire et en

    sui'veillant l'cole du dimanche, en crant mme des espces decours d'adultes, en exhortant le cur ou le pasteur veiller avec

    soin la conduite de leurs ouailles*. Les mauvais ne se proccupaientgure de choses pareilles; ils ne songeaient qu' leurs plaisirs et

    peut-tre mme abusaient-ils trop souvent de leur puissance sei-

    1. On trouvera soit dans les planchesde VAlsace noble de M. Ernest Lehr,soit dans celles du volume de M" Valrie Kastner, Demeurer amies onAlsace (Strasbourg, Le Roux, 1895), des vues de plusieurs de ces chteauxdWlsace qui renionieiilau XVIi'el mme au XVl' sicle : celui de Jungholtzappartenant aux Schaueubourg. celui de Schoppenwihr, aux Berckheim,tous deux dans la Haute-Alsace; ceux de Grunstein, d'ittenwiller, d'Ost-heini, dans la Basse-Alsace; on peut y joindre encore celui d'Orschwihr,prs Soultz. (Rothmiler, Ma^'c. planche 9:5.)

    2. Pour la chasse et la pche, Timporiance conomique de la matirenous engage leur consacrer un chapitre spcial, faisant suite k celui-ci.

    3. De quelle nature tait parfois celte justice, on peut s'en rendre compteentre autres, par lu lecture d'une requte adresse par vingt-quatre paysansde Sundhausen au duc LopoldFrdric de Monlbliard, contre leur sei-gneur immdiat, M. de Wangen, en 1659. Non seulement il s'est appropriune partie de leurs terres, il leur retient la cloche de l'glise, il ne fait dresseraucun compte des recettes et dpenses de la communaut, mais il leur afait mme dfense, sous peine de deux ducats d'amende, de porter plainteau duc de sa conduite et de celle de ses employs. (A. H. A., E, 80.)

    4. On peut voir dans l'oraison funbre de l'ammeistre Franois Reisseis-sen, prononce en 1710 par le pasteur de Furdenheim, tout ce qu'un petitseigneur de village (Reisseisseu tait co-propritaire de Furdenheim) pouvaitfaire sous ce rapport, s'il prenait ses devoirs au srieux. (Au/seichnungen,p. 11 et 17.)

  • LA SOCIT ALSACIENNE AU XVH^ SIECLE 19

    gneuriale pour sduire leurs sujettes et pour tyranniser leurs sujets^Ils vivaient aussi parfois fort mal avec le clerg local qu'ils auraientd soutenir, surtout quand celui-ci se permettait de censurer leurscarts de conduite^La vie intellectuelle ne semble pas avoir t fort intense dans ces

    sphres de la socit d'alors. Les documents nous manquent pourtablir si l'on lisait beaucoup dans ces chteaux, pour charmer leslongs loisirs des soires d'hiver, et ce qu'on pouvait bien y lire endehors des gazettes hebdomadaires ou des recueils de sermons. Tou-jours est-il que je n'ai jamais rencontr de tmoignage contempo-rain me permettant d'affirmer pour l'Alsace l'existence de bibliothquesparticulires un peu considi'ables, en dehors de celles des savants etdes ministres des deux cultes. Alors qu'on met encore parfois au-jourd'hui en vente de trs belles collections de livres provenant dechteaux de Silsie, de Bavire ou de Westphalie, et qui remontentvisiblement trois sicles en arrire, rien de pareil ne semble avoirt tent par la noblesse de notre province. En dehors de la biblio-thque des Ribeaupierre, dj cite, nous n'en connaissons aucuneautre; faut-il croire que les collections antrieures ont t dtruitespar la guerre de Trente Ans, et que d'autres, cres plus tard, ontdisparu dans la tourmente rvolutionnaire sans laisser de trace ?Nous sommes plutt tent d'admettre qu'elles n'ont jamais exist, etque, durant le XVIP sicle tout au moins, d'autres poursuites avaientplus de charme aux yeux de la noblesse alsacienne que celle deslettres et des arts. On ne voit pas que cette socit, essentiellementrurale pendant la majeure partie du sicle, ait jamais vcu en uncontact un peu suivi avec les esprits d'lite, potes ou penseurs, del'une ou l'autre des deux sphres littraires, allemande ou franaise,qui taient sa porte, et je crains bien que les noms d'Opitz etde Corneille, de Descartes et de Leibnitz n'aient jamais eu de signi-fication bien prcise pour bon nombre d'entre ses membres.

    l.A quels stupides passe-temps se livraient certains de ces personnages,c'est ce que nous montre l'exemple de M. de Botzheim dans son villaged'Illkirch; il faisait avaler des chandelles, assaisonnes de sel, aux enfantsde ses sujets et n'avait pas mme l'honntet vulgaire de leur donnerl'argent qu'il leur avait promis pour accomplir ce haut fait. (Cf. Dannhauer,Bericlit ber dio Kircheii und Sc/iuloisitation, 16Q3, chez F. Horning. Dann-hauer, p. 236.)

    2. Nous citerons l'exemple du sire de Landsperg, co-propritaire du vil-lage de Lingolsheim, qui, en 1613, maltraita indignement 1

  • 20 l'alsace au XVII* sicle

    Mais si elle tail intflleclucllemenl borne, plus borne dans seshorizons que la bourgeoisie des villes, si elle semble avoir vcu unpeu terre terre, si mme les superstitions vulgaires paraissentavoir trouv chez elle un terrain propice^, cette noblesse alsaciennemrite aussi qu'on signale la puret de ses murs. Assurment, il yeut quelques exceptions scandaleuses* ; mais la rputation de vertudes femmes est tablie, pour autant que ces choses peuvent s'tablir,non seulement par le tmoignage de leurs oraisons funbres, maispar l'moi mme que produisent autour d'elles les rares exceptions,signales par les chroniqueurs du temps. Les belles et grandesdames del cour de France ou d'Angleterre n'eurent g-ure d'raulesdans les rangs de ces femmes d'Alsace qui sortaient peu de leursterres et voyaient peu le monde, prsidant patriarcalement aux soinsde leur mnage, tandis que pres, maris ou lils servaient dans lesarmes de l'Empereur ou du Roi. Les grandes passions leur taientinconnues et la crainte de dtruire la belle symtrie de leursarbres gnalogiques empchait galement les msalliances*. On semariait entre soi, catholiques et luthriens, chacun dans sa sphre;ce n'est que vers la fin du sicle, et dans des cas assez rares, qu'onvoit des conversions s'oprer en vue d'un mariage, et des demoisellesnobles luthriennes abjurer pour trouver un mari*. Gnralement,

    1. Cet lment superstitieux se reucontre assez souvent dans les rcits dutemps. L'un des plus curieux en ce genre est celui de la fin du dernier desBolhviller, mort en 1639, telle qu'elle est raconte par le P. MalachieTschamser, dans les Annales de T/iann, II, p. 482.

    2. Les procs-verbaux du Magistrat de Strasbourg (xxi, 18 janvier 1614)ont conserv le souvenir de la faute de la jeune Clophde Ralhsamhausen,sduite par le secrtaire intime de son pre ; ayant eu la malencontreuseide de venir accoucher Strasbourg, le Magistrat la frappa de 200 florinsd'amende. Le sire Jean-Gaspard de Rathsamhausen trouva que la punitiontait trop forte et demanda un rabais, sous prtexte que la faute n'avait pasl commise sur le territoire de la Rpublique. Aprs de longues ngocia-tions, il obtint une rduction de cent florins. Une autre dame de lavieille noblesse, que nous ue nommerons pas, puisque la famille existeencore, fut arrte Strasbourg eu 1668, pour infanticide aprs adultrenotoire, commis avec un gentilhomme italien Dourlach. Condamne mort, puis gracie, elle rcidive en 1685: elle allait tre excute sansdoute, quand Louvois intervient, dfend de publier la procdure et la l'aitcoodaniner seulement la rclusion perptuelle dans la maison paternelle.(Archives municipales, F. F. 1.)

    3. Les msalliances sont fort rares; je n'en connais gure qu'une seule,encore date-t-elle de la lin du XVI' sicle. La veuve d'un gentilhomme dela Basse-Alsace, Jean Stumpf de Simmern, pouse eu 1575 le valet de sonmari ; mais elle garde son nom et le nouveau consort reste dans les registresparoissiaux le Jean de M"" Stumpf [Der Stum/i/in Hanss).

    4. C'est ainsi que le registre paroissial de la communaut de Berstett porte, la date de fvrier 16'J1 :

  • LA SOCIT ALSACIENNE AU XYII*^ SIECLE 21

    on trouvait compagne ou compagnon d'existence sans sortir de laprovince ; aussi la plupart des familles nobles plus anciennes taientassez troitement allies l'une l'autre, la surveillance rciproquetait plus facile, l'esprit de corps venait en aide aux prceptes de lamorale et de la foi religieuse^

    Une autre constatation, toute l'honneur de la noblesse alsa-cienne de ce temps, c'est qu'elle n'a point sacrifi, dans une mesuresensible, la manie du duel qui a (ait d'innombrables victimes auXVII'^ sicle. Elle tait cependant d'une bravoure reconnue et sesreprsentants se trouvaient alors presque tous, plus ou moins long-temps, au service. Cela ne veut pas dire, videmment, quejamais gentilhomme alsacien n'a vid des affaires d'honneur ou pr-tendues telles, l'pe ou le pistolet la main ; mais on est frapp dunombre relativement insignifiant de faits analogues, enregistr parles chroniques contemporaines, qui, semblables aux reporters de notrepresse quotidienne, prenaient soigneusement note, en ce temps,de chaque incident de ce genre. La plupart des cas de duel, men-tionns dans nos sources, ne sont pas du fait des habitants du pays,mais d'trangers de passage, gentilshommes, tudiants ou soldats'.11 est vrai que les lois contre les duels taient svres ; Strasbourg,par exemple, l'ordonnance du Magistrat, du 9 fvrier 1650, renou-velant celles de 1609 et de 1628, frappe d'une amende de200thalerstoute provocation un combat singulier, ordonne l'emprisonne-ment jusqu' payement de l'amende et, s'il y a mort d'homme, punitle vainqueur comme homicide '.

    Aprs la capitulation de Strasbourg, les officiers de la garnisonfranaise sont peu prs les seuls que nous voyons encore tirer

    nis, catholisch georden. (Bresch, Aus der Vergangenheit, p. 9?.) Nousrappelons que les mariages mixtes et la conversion des catholiques au lu-thranisme taient svrement dfendus par dits royaux et que la rci-proque tait donc impossible.

    1. La comtesse Marie-Juliane de Linange pousait en 1662 au chteaude Rauscheubourg, le sire Ernest-Louis Roeder de Dierspurg, qui avaitsu, depuis plusieurs mois, se mettre en possession de ses charmes. Sesparents vinrent assistera la noce, mais ds le lendemain, elle dut quitterle paj's avec son poux. (Letz, Ingweiler, p. 28.)

    2. Un des plus singuliers duels dont les chroniques strasbourgeoisesaient conserv le souvenir est celui qui eut lieu en 1644 entre le capitaine dePless et le jeune Antoine de Lutzelbourg. Celui-ci se tenait la fentre deson logis, dans la rue Sainte-Madeleine, le pistolet la main; Pless, che-val, dans la rue, arm de mme. Le capitaine fut tu. (Reuss, Justice cri-minelle, p. 162.

    )

    3. A. Erichson, Das Duell im alten Strassburg, Strassb., 1897, 8, passim.L'auteur a runi dans ce travail tous les documents rencontrs dans lesdpts publics sur la matire, et nous renvoyons pour tous les dtails sasubstantielle tude.

  • 22 l'alsace au XVII* sifxlk

    l'pe, c\ leurs duels sont loiijoufs cuire camarades. Soustraits la

    juridiction du Magistrat de la ville libre royale, ils vaquaient leurspetites querelles, sans que celui-ci pt les en empchera Quant auxmenil)i"es du patriciat urbain, mme s'ils portaient l'uniforme, ils sequerellaient bien parfois et mme en venaient aux coups, mais lacrainte des justes lois et les svrits de l'opinion publique lesempcbaient toujours d'en appeler aux armes'.

    La plupart des membres de la noblesse alsacienne, de mme qu'ilsvivaient aux champs, ont dsir y mourir ou du moins y reposeraprs leur mort. Aussi sont-ils gnralement enterrs au XVIP sicle,soit dans la chapelle de leur chteau, s'il en existe, soit dans l'glise

    de leur village. L, dans le chur'', parfois aussi dans la nef, on

    voit encore dans quelques-uns des difices religieux de nos cam-

    pagnes, se dresser au mur la simple dalle qui porte leurs ai'uioiries,

    un court loge funbre latin ou bien un verset biblique. Les

    membres du patriciat urbain eux-mmes, qui possdaient quelqueterre seigneuriale, prff'raient y chercher leur spulture, assurs

    d'un lendemain pour leurs cendres, alors que dans les grandes

    villes, les moeurs trs puritaines sous ce rapport, dfendaient tout

    monument funbre au cimetire. Cependant quand un membre dela noblesse, surtout trangre, mourait StrasJjourg, il y avait tou-jours grande affluence de tout le monde officiel, et les musiquesfunbres, les carrosses drapes de noir, les chants des tudiants dans

    leurs longs manteaux de deuil, les banquets solennels dresss, aprs

    la crmonie religieuse, au pole du Miroir, attiraient les badauds etfournissaient un sujet de conversation inpuisable aux commresbfuirgeoises, qui voyaient rarement se dployer pareille pompefunbre*.Nous avons dit plus haut que la plupart des nobles alsaciens por-

    1. La procdure contre ces duels militaires tait instruite Strasbourg,mais par un dlgu du Conseil souverain de Colmar. On en trouve uneliste assez coniplte dans les Notes d'arrt du Conseil souverain (Colmar,1742). p. 373-:i75.

    2. On trouvera des exemples topiques de ces querelles peu chevale-resques, raconts d'une faon bien solennelle (et bien amusante) par le bonammeislre Reisseissen dans son Mmorial, p. 112, et ses Notes, p. 71.

    3. C'tait l, primitivement, la place oblige de toutes les tombes seigneu-riales. Quand par ordre de Louis XIV', entre \&60 et 1690, tant d'glises pro-testantes furent changes en glises mixtes, le clerg catboiique prtenditloigner les lombes de tous les seigneurs protestants du chur de leurpropre glise et, comme on le verra dans le chapitre relatif au culte, ildpossda, parfois de la faon la plus violente et sans respect pour lesmorts, la famille du seigneur de sa place accoutume.

    4. Reisseissen nous a laiss (Au/zeic/inunrjen, p. 11,5) une description trsdtaille d'une crmonie funbre de ce genre, eu dcrivant les obsques du

  • LA SOCIT ALSACIENNE AU XVII*' SIECLE 23

    taient les armes au XVII'' sicle, les uns pendant toute leur vie, lesautres pendant quelques annes seulement, et moins par vocationprofonde que pour obir une tradition de famille ou un prjugde caste. Ils servaient dans la premire moiti du sicle selon leursaffinits politiques et religieuses dans l'un ou l'autre camp, soitl'Empereur ou la Ligue catholique, soit l'Union vanglique, le roide Sude ou le duc de Weimar. La signature du trait de ^^estphaliene les amena pas tous immdiatement sous les drapeaux du i-oi deFrance ; longtemps encore nous voyons certains d'entre eux pr-frer le service des Habsbourgs'; d'autres flottent indcis, passentdes armes de France aux armes du Saint Empire, sous l'influencede sentiments qui ne sont pas exclusivement politiques^; d'autresenfin semblent s'tre enferms dans une intransigeance absolue vis--vis du rgime nouveau^. Mais ce furent des exceptions trs raresen tout cas, et l'on peut affirmer, je crois, sans crainte de se trom-per, qu'au point de vue politique, la presque totalit de la noblessealsacienne, en 1700, tait sincrement rallie la France*, et que beau-

    comte Innocent Sigefroi de Luttichau, chambellan de l'lecteur de Saxe,qui eurent lieu l'glise Saint-Thomas, le 26 novembre 1676.

    1. Ichtersheim [Topographie, , p. 71-72) a dress une liste, assez incom-plte sans doute, d'Alsaciens, au service civil et militaire de l'Empire,durant la seconde moiti du XVll sicle.

    2. On peut citer comme un exemple bien curieux de ce genre la carriredu comte Philippe- (-ouis de Linange-Westerbourg, n en 1652. N luth-rien, il se convertit pour pouser la belle Gabrielle de Ruz, dont le pretait gouverneur de Haguenau, entra dans l'arme franaise, puis, devenuveuf, il se refit protestant, se mit au service de la maison d'Autriche et futtu comme lieutenant-feld-arehal la bataille de Cassano (1705) par uneballe franaise. Son fils, le comte Jean-Charles, resta capitaine franais.(Brinckmeier, Genealoglsche Geschichto des Hanses Leiningen, Brauuch-weig, 1891,1, p. 185-18S.)

    3. M. l'abb Ingold, dans la seconde srie de ses intressants Miscollaneaalsatica (Paris, Picard, 1895, p. 117), nous a conserv le tmoignage d'unreprsentant de cette foi exclusive l'ancien tat des choses, dans un frag-ment autobiographique de la dernire d'Andlau-Wittenheim, morte abbesse Fribourg-en-Brisgau. Elle y dit: Les d'Andlau de Wittenheim restrentattachs aux empereurs d'Allemagne. Se renfermant dans leur fidlit, ilsrenoncrent toute fonction publique; ils se renfermrent Wittenheim et Ensisheim, partageant du fond de leur me la haine profonde de la plu-part des Alsaciens pour ce qu'ils appelaient les parvenus franais... latte desquels taient, bien eutendu, Louis XIV et son ministre Louvois.Ces sentiments de rpulsion furent inculqus mon grand-pre ds sajeunesse. Cne fut qu'aprs le mariage de l'archiduchesse Marie-Antoinettequ'il permit ses fils d'entrer au service de la France.

    4. Nous voyons cependant qu'au temps de la guerre d'Espagne, en 1702, ouprocde la confiscaiion des biens d'un certain nombre d'Alsaciens, hos-tiles la Frai]ce et rfugis en Allemagne, un Zorn de Plobsheim, un baronde Hostein, un sieur Barth, un sieur Maiern, un baron de Schnau, etc.(Archives municipales de Strasbourg, A. A. 2248.)

  • 24 l'alsace au XVII* sicle

    coup la servaient dj de trs bon cur, soit dans les rgiments demilice provinciale, soit dans les rgiments trangers au service du

    roi\ Le mouvement s'accentua de plus en plus au sicle suivant etvers 1750 la jeune noblesse d'Alsace faisait presque tout entireson apprentissage professionnel, pour quelques annes au moins,

    sous les drapeaux fleur-de-liss de la maison de Bourbon.

    1. Voy. l'ouvrage de M. Ganier sur les rgiments et milices d'Alsace,dj cit au tome I, livre III, chapitre iv. Organisation militaire.

  • CHAPITRE TROISIEME

    Chasse et Pche au XVIP sicle^

    De tout temps la chasse fut le passe-temps favori de la noblesseallemande, et le plaisir de poursuivre le gibier travers les forts dela montagne et de la plaine tait fort got, ds le moyen ge, parles habitants des chteaux d'Alsace. Mais la seconde moiti duXVI^ sicle et surtout les vingt premires annes du XVIP semblentavoir t la priode la plus brillante pour les amateurs d'exploitscyngtiques dans les Vosges et la valle du Rhin. Devenue presqueexclusivement l'apanage de la noblesse ou des hauts fonctionnaires,la chasse est regarde comme la distraction aristocratique par excel-lence et c'est affirmer sa supriorit sociale que de l'exercer avecclat. Les armes feu j^erfectionnes, qui commencent tre enusage*, facilitent l'abatage des fauves en diminuant les dangers d'unelutte corps corps, et substituent aux reintements de la chasse courre les plaisirs moins fatigants de l'afft. Et cependant l'exis-tence des vastes forts sur les bords du grand fleuve, celle desnombreuses valles presque solitaires encore de la chane desVosges, permet ces htes des bois de se reposer des poursuitesde leurs perscuteurs, de se multiplier en paix et de leur fournirde la sorte de nouvelles victimes.La guerre de Trente Ans vint changer cet tat de choses. Elle

    ruina la chasse en Alsace, comme elle ruina l'agriculture, les fortset la noblesse elle-mme. La misre publique, les aventuriers, lessoldats, le braconnage, l'anarchie avaient puis toutes les espcesanimales qui ont besoin de la protection de l'homme, et n'avaientlaiss debout que les espces carnassires et nuisibles. A aucunepoque on ne vit plus d'animaux sauvages et moins de gibier. Leschasseurs contemporains du trait de Westphalie pouvaient tirer

    1. Ce chapitre aurait pu peut-tre se fondre avec le prcdent, mais il euaurait quelque peu dtruit les proportions et le sujet m'a sembl assez int-ressant en lui-mme pour le traiter un peu plus eu dtail; encore qu'il u'yait pas seulement eu des nobles parmi les chasseurs d'Alsace, c'taient euxpourtant qui prenaient la plus large place parmi les disciples de saintHubert.

    2. Le fusil briquet (Fcuersteinschloss) n'a t invent, dit-ou, qu'en1630. (Kahl, ForstgesclclitUche Skissen, p. 61.)

  • 26 l'alsaci au XVII* sicle

    dix renards avant de rencontrer un livre, et ils n'atteignaient unchevreuil qu'aprs avoir abattu une demi-douzaine de loups^))

    Cette situation s'amliore quelque peu quand une fois l'autoritroyale est solidement tablie en Alsace. Louis XIV y soumet par-tout l'exercice de la chasse aux prescriptions gnrales de l'Edit de

    1669, qui en restreint l'usage aux gentilshommes et certains per-sonnages privilgis en raison de leurs fonctions publiques.il auto-

    rise les gouverneurs militaires des villes et forteresses de la pro-vince se livrer cette distraction, dans le rayon d'une lieue

    autour de la place qu'ils commandent. Quant aux chasses dans lesgrandes forts domaniales, il les amodie aux gouverneurs et com-mandants gnraux de la province, au baron de Montclar, aumarchal d'Huxelles, etc. Ceux-ci tirent finance de ce privilgegnral, en y concdant des permis de chasse aux nobles quine possdent pas ou ne possdent plus de terres propres oi ilspuissent se livrer avec fruit leur exercice favori. Il se reforme

    ainsi lentement des catgories de gibier, plus prcieuses pour le chas-

    seur gastronome que les troupes de carnassiers, qui par momentsavaient envahi jusqu'au plat pays, vers le milieu du sicle et, bienplus rcipidement encore, les loups, les ours, les chats sauvages dis-

    paraissent du territoire, sauf dans quelques recoins escarps desVosges.

    Il est vrai que les guerrres du Palatinat ramenrent momentan-ment, au moins pour la Basse-Alsace, une situation presque aussifcheuse que celle de 1650. En 1700, M. de Vorstedt, le contrleurdu duc de Mazarin, grand-bailli de Haguenau, se plaignait- amre-ment de ce que, malgr l'organisation de la matrise des eaux etforts, la Fort-Sainte restait sans surveillance. Autrefois, dit-il,

    cerfs, chevreuils et sangliers y pullulaient ; l'heure qu'il est,

    depuis huit mois, les gardes de M. de Mazarin n'ont pas russi

    tirer un seul sanglier'.

    Nul ne parat avoir dpass, dans le premier tiers du XVIP sicle,les archiducs d'Autriche, comme grands chasseurs devant l'Eternel.

    Dans les immenses forts du Sundgau, de la Hardt et de Haguenau,ils avaient, il est vrai, des rserves de gibier formidables, et ils

    entretenaient un quipage de chasse des plus somptueux ^ L'archi-

    1. Ch. Grard, Faune liistorique ch l'Alsace, ip. 255.2. Ney, Der heilirie Forst, II, p. 87.3. On trouverait sur cette matire de nombreux documents aux Archives

    de la Haute-Alsace, par exemple sur les chasses des archiducs Belfort etEnsisheim en 162.S (A.H.A..C. 16|, sur leur quipage de chasse de la Hardtei son eiureiieu, eu 1627 (A. H. A., G. 784.)

  • LA SOCIT ALSACIENNE AU XVII SIECLE 27

    duc Lopold en particulier, vque de Strasbourg jusqu'en 1625 etgouverneur gnral des territoires de l'Autriche antrieure, dpen-sait des sommes considrables pour les gages de ses gardes fores-tiers et de ses piqueurs et pour l'entretien de sa meute splendideau chteau d'EnsisheimV Dans la fort du Judenhut, prs de Mur-bach, l'archiduc avait galement un rendez-vous de chasse, o ilallait guetter les coqs de bruyre et se mettre l'afft des cerfs, autemps de leurs amours'. Plus tard, dans la seconde moiti dusicle, les meutes de l'vque Lopold-Guillaume taient tenues auMiinchhof, grande maison forestire prs de Molsheim, au centred'un district abondant en sangliers ^Les chanoines-comtes du Grand-Chapitre n'taient pas moins

    friands de ce noble exercice. Il s'y livraient dans les vastes fortsautour d'Erstein, car c'tait dans cette petite ville qu'ils avaientleur Lustwolmung ou rsidence d't*. L'un d'entre eux, un comte deWied, paya mme de sa vie sa passion pour la chasse ; on le dcou-vrit un jour dans la fort de Gumar, la tte perce d'une balle quilavait frapp par derrire, et l'on ne sut jamais comment il avaittrouv la mort^

    Quant aux seigneurs laques, il est bien inutile d'affirmer qu'ilstaient, eux aussi, de fervents disciples de saint Hubert. Les sires deRibeaupierre montaient chaque anne dans leurs vastes domainesdes Hautes-Vosges pour y tirer le coq de bruyre et les misresde la guerre de Trente Ans ne les dtournaient pas toujours de ceplaisir coteux *; ils chassaient en outre plus modestement le castoret le canard sauvage, dans les couverts et les marcages de Vlllwald.Souvent ces nobles chasseurs se prenaient de querelle avec leursvoisins non moins ardents pour la dfense de leurs droits respectifs,passablement embrouills parfois''.

    1. On l'y entretenait encore durant la terrible famine de 1636. Alors queles hommes mouraient par centaines en Alsace, nous voyons la Chambredes comptes d'Ensisheim requrir des livraisons de grains pour la nourriturede ces animaux de luxe. (Voy. les comptes du garde chenil, Paul Straub,A. H. A., C. 698, 699.)

    2. Ichtersheim, II, p. 35,3. Ibkl., I,p. 29.4. Ibid., I, p. 49.5. Ibid., II, p. 14. La Topographie fut publie en 1710 et l'auteur dit que

    le fait s'est pass il y a un peu plus de quarante ans.6. Voy. sur les chasses d'verard de Ribeaupierre au Hohnack en 1612,

    1614, 1621, 1631, les archives de la Haute-Alsace. (E. 1587, 1588, 1590,1591.)

    7. Ou peut citer comme exemple le ban du Bchelberg, au comt de laPetite-Pierre, o le droit de chasse appartenait, par tiers, l'evque de

  • 28 l'alsace au XVII* sicle

    Les grandes chasses annuelles de plaine, dans la Haute-Alsace,

    taient surtout diriges contre les sangliers, qui y pullulaient alors

    et abmaient les rcoltes. Le Landvogt y convoquait au nom de l'ai'-

    chiduc les membres de la noblesse mdiate et ceux des diffrentscorps administi-atifs, conseillers, juges et secrtaires. On peut voirencore aux archives de Golmar les circulaires au bas desquellesceux de ces graves jurisconsultes qui voulaient participer auxmotions d'une Scinveinhatz taient invits apposer leur signature.Ce n'tait pas d'ailleurs un plaisir sans alliage, car en y mettant

    leur griffe, il s'engageaient supporter eux-mmes une partie desfrais de ces battues'. L'archiduc autorisait le premier venu dtruire les ours et les loups, mais il avait expressment rserveles sangliers ses plaisirs princiers'. Aussi ces grandes traques

    fournissaient-elles des rsultats matriels apprciables; en 1627, on

    abattit en une chasse plus de six cents sangliers ; le gibier dut tre

    bon march Ensisheim, ce jour-l'. Aprs la guerre de TrenteAns ces tueries colossales ne se rptrent plus, semble-t-il ; quandl'vque Franois-gon de Furstemberg offrit au dauphin la dis-traction d'une chasse avec ses chiens courants clbres, aux envi-

    rons de sa rsidence de Saverne (octobre 1681), on ne put occire

    que six sept de ces pachydermes, et encore la partie fut juge trsbelle*.

    Ce qu'il y a de curieux, et de peu flatteur en mme temps pour eux,c'est que la chasse vraiment dangereuse contre les ours et les loups

    ne semble pas avoir attir du tout les grands seigneurs ^ Ilsl'abandonnaient volontiers aux bourgeois et mme aux paysans, soitqu'ils la trouvassent trop fatigante, soit qu'elle leur part trop

    exposer leurs personnes^. Les habitants du plat pays et surtout ceux

    Strasbourg, au comte palatin, et au chapitre de Saint-.! ean-des-Choux.(A.B.A., E. 272.) II devait tre bien difficile de s'entendre sur l'exercicede ce droit.

    1. On partageait d'ordinaire ces frais de manire ce que le reprsentantdu prince payt un tiers, les meral)res de la Rgence et de la Chambre descomptes couvrissent les deux autres tiers de la dpense, l.a battue de 1606,par exemple, cota 234 livres h batz 8 deniers. (A. H. A., C. 801.)

    2. Archives de la Haute-Alsace, C. 866. En 1628, le procureur fiscald'Eusisheira poursuivait le noble Ferrette de Karspach, pour avoir chassle sanglier dans sa propre foret. (A. H. A., C. 810.) Malheureusement lejugement n'est pas au dossier.

    3. Ch. Grard, L'ancienne Alsace table, p. 7.4. La Mercure Galant, novembre 1681, p. 24.5. Nous n'avons trouv qu'une seule mention d'une chasse au loup,

    offerte en 1661 par le comte de Ribeaupierre au comte de Waldeck, dans lafort de liennwihr. (A. H. A., E. 2893.)

    6. Lorsque les communauts du bailliage de Thaun se plaignirent, le

  • LA SOCIT ALSACIENNE AU XVII* SIECLE 29

    qui demeuraient prs des montagnes et qui tenaient conserverleurs troupeaux intacts profitaient volontiers de l'autorisation qui

    leur tait donne d'abattre ces maraudeurs dangereux^ d'autant plusqu'ils recevaient d'ordinaire une prime de la seigneurie, par ttede loup apporte au bailli. En 1654, on donnait Sainte-Marie-aux-Mines (ct de Lorraine), une moyenne de deux francs par animal,et le chiffre tait rest le mme, soixante ans plus tard, en 1715*.De l'autre ct de la Liepvre, l'administration des Ribeaupierreaccordait, en 1684, la somme, sensiblement plus grosse, de douzefrancs par pice, sans qu'il nous soit possible d'expliquer une si

    grande diffrence dans une mme localit'. L'heureux chasseuravait- en outre droit au pelage de la bte et retirait de plus un

    petit bnfice de la vente des dents de l'animal aux orfvres desvilles*.

    Outre la chasse courre, on pratiquait parfois aussi la chasse au

    filet, dans les plaines d'Alsace*. On dressait des haies et des palis-sades qui foraient le gibier se diriger sur les filets qui l'atten-

    daient et on l'y abattait coups de lance ou bien d'pieu. Parfois

    encore on le poussait vers de larges fosses couvertes de bran-chages, o il tait facile de l'achever sans aucun danger''. Les grands

    16 juillet 1629, des ravages faits dans leurs champs et leurs vignes par lessangliers, et du danger cr par les nombreux loups (le berger de Thann enavait compt jusqu' quinze qui rodaient autour de son troupeau), larchiducles autorisa courir sus ces derniers, mais leur dfendit de toucher auxpremiers. (A. H. A., G. 866.) Ces loups tant parfois enrags, il tait trsdangereux de les rencontrer et d'tre assailli par eus. En 1663, deux habi-tants d'Ingwillermouiurent des morsures d'un pareil animal (Letz, Ingtceiler,p. ~2), et le P. Tschamser nous conte l'histoire d'un autre loup enrag quisurgit de la valle de Masevaux en 1672, et mordit une foule de personnes;elles commenaient rire et ne cessaient qu'en mourant. [Annales, II,p. 622.)

    1. Voy. la liasse des autorisations accordes par la Rgence de Boux-willer aux habitants de Brumath pour la chasse aux loups (1452-1712), auxarchives del Basse-Alsace. (E. 1760.)

    2. C'tait aussi le prix qu'on payait dans le comt de Hanau-Lichtenberg, la mme poque. A Balbroun, en 1713, le Schussgeld tait d'un florin parbte. (Kiefer, Balbronn, p. 268.)

    3. D. Bourgeois, Les loups dans le val de Liepvre au XVI et au XVIPsicle. [Bulletin de la Socit d'histoire naturelle de Colmar, 1894, p. 75.)

    4. La Chronique de la Douane de Colmar raconte, la date de 1607,l'escroquerie commise par un nomm Jean Frhlich et son fils qui ven-dirent un orfvre des dents de chien la place de dents de loup, rai-son de quatre batz [1 fr. 12 cj par dent. (A. WslUz, Chronik des ColmarerKau/hausos, Colmar, 1897, p. 27.)

    5. Dans un compte des dpenses de chasse des sires de Ribeaupierre,datant du c