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Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux ^__ /-N > 1 ES E 3 Quebec raea Montréal Santé publique Évaluation de groupes de soutien (psychoéducatifs) pour aidants familiaux: vers une théorie de l'action Jean-Pierre Lavoie, Serge Nault avec la collaboration de Hélène Belley, Lorraine Brissette, Martine Comeau, Marijo Hébert, Vivian Wiseman 2004 et le soutien du sociale HV 1475 . MÊ6 L414 200 4 NSPQ - Montréal 5567 00004 9 René-Cassin Institut de gérontologie du Québec LA PRÉVENTION EN ACTIONS Garder notre monde en santé

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Agence d e développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux ^__

/-N > 1 ES E 3 Quebec raea Montréal S a n t é p u b l i q u e

Évaluation de groupes de soutien (psychoéducatifs) pour aidants familiaux: vers une théorie de l'action

Jean-Pierre Lavoie, Serge Nault

avec la collaboration de

Hélène Belley, Lorraine Brissette, Martine Comeau,

Marijo Hébert, Vivian Wiseman

2004

et le soutien du

soc ia le

HV 1 4 7 5 . MÊ6 L 4 1 4 2 0 0 4

NSPQ - Montréal

5567 00004 9

R e n é - C a s s i n Inst i tut de géron to log ie du Q u é b e c

LA PRÉVENTION

EN ACTIONS

Garder notre monde en santé

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INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC CENTRE DE DOCUMENTATION

MONTRÉAL

Évaluation de groupes de soutien (psychoéducatifs) pour aidants familiaux :

vers une théorie de raction

Jean-Pierre Lavoie Serge Nault

Avec la collaboration de

Hélène Belley Lorraine Brissette Martine Comeau Marijo Hébert

Vivian Wiseman

Projet financé par le programme de subvention en santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux par l'entremise de

l'Agence de développement de réseaux locaux de santé et de services sociaux de Montréal

Direction de santé publique de Montréal

CLSC René-Cassin - Institut de gérontologie sociale du Québec

Agence de développement de réseaux locaux de services de santé

Santé publique

Rend-Cassln Institm du Qui Institut de génintologia sociale du Québac

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Une publication de l'unité Écologie humaine et sociale de la Direction de la santé publique Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sodaux de Montréal 1301, rue Sherbrooke Est, Montréal (Québec) H2L1M3 http : //www.santepub-mtl.qc.ca

et du

CLSC René-Cassin / Institut de gérontologie sociale du Québec 5800, boul. Cavendish, Côte St-Luc (Québec) H4W 2T5 téléphone : (514) 488-9163 http ;/ /www-gerpntoiQm

© Direction de la santé publique Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sodaux de Montréal

ISBN ; 2-89494-425-X

Dépôt légat - Bibliothèque nationale du Québec, 2004 Dépôt légal - Bibliothèque nationale du Canada, 2004

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Remerciements

La réalisation de ce projet a bénéficié de l'appui de nombreuses personnes et de plusieurs organismes. Sans leur contribution, ce projet n'aurait pu se réaliser. Nous tenons donc d'abord à remercier les participants à cette étude qui ont accepté d'être observés et, pour un grand nombre, d'être interviewés malgré des emplois du temps chargés et malgré la situation difficile dans laquelle plusieurs se trouvaient. Nous remercions également les animateurs qui ont accepté d'être observés et interviewés en plus de devoir expérimenter un nouveau mode d'animation de groupe; nous savons combien ce projet a pu être intimidant pour eux. Nous disons également merci aux CLSC LaSalle, St-Léonard, St-Michel, René-Cassin et Verdun/Côte St-Paul et au Centre communautaire pour aînés St-Michel-Rosemont qui ont accepté de libérer leur personnel et de collaborer à cette étude. Nous remercions également le programme de subvention en santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux par l'entremise de l'Agence de développement de réseaux locaux de santé et de services sociaux de Montréal pour le soutien financier accordé à ce projet. Nous tenons également à souligner l'important soutien administratif reçu de la Direction de santé publique de Montréal et du CLSC René-Cassin - Institut de gérontologie sociale du Québec. Nos remerciements s'adressent également à Lucie Marin et Charles Tétrault pour le travail de mise en page de ce rapport. Enfin, nous tenons à remercier toutes les personnes impliquées dans ce projet pour leur grande patience devant les nombreuses embûches qu'a connues ce projet et devant le retard important dans la publication de ce rapport.

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Table des matières

Liste des figures jjj Liste des tableaux Résumé v

Introduction 1

Problématique 3

Recension des écrits 7

Cadre conceptuel et objectifs du projet 1 4

Description de l'intervention... 1 7

Méthodologie 2 0

Stratégie de l'étude 2 0

Procédures de production du matériel de l'étude 20 Recrutement des sites et des sujets 2 3

Analyse des données 2 6

Implantation des groupes et déroulement des rencontres 28 Description des groupes 2 8

Déroulement de l'intervention : entre le groupe psychoéducatif et de soutien 29 Quelques facteurs influençant le déroulement des groupes 32

La taille des groupes 3 4

La situation et les attentes des participants 3 4

Les complexités de l'intervention 3 5

Quelques difficultés, quelques oppositions 36 L'expérience de l'intervention : les processus individuels 38 Les principaux apprentissages .....38

La protection des énergies 39 Les droits, besoins et caprices 39 Responsabilité plutôt que culpabilité 40 Le choix et les changements 4 0

Les principaux processus de soutien 4 1

Les comparaisons sociales 4 1

Le soutien mutuel 4 2

Entre le soutien et le thérapeutique 4 3 La ventilation 4 4

Quelques cas « d'inertie » 4 4

Les processus dominants : entre les apprentissages et le soutien 45 Les effets perçus par les participants et la théorie de l'action de l'intervention 48

Les principaux effets 4 9

Penser à soi, se donner du temps 4 9

Fin de la surprotection 5 0

S'affirmer face au proche que l'on aide 51 La culpabilité 5 2

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I

Un effet pour le moins mitigé : la mobilisation des ressources 53 Le lien processus - effets 56

Conclusion 59 Bibliographie 63

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Liste des figures

Figure 1 Classification des groupes selon le type effectif d'intervention 30 Figure 2 Positionnement des participants et des groupes en termes de processus dominants ..46

Liste des tableaux

Tableau 1 Comparaison des composantes fonctionnelles de quatre types de groupes (selon Lavoie et Stewart, 1995, p. 15) 4

Tableau 2 Nombre de participants aux groupes et aux trois entretiens prévus par l'étude selon le site 24

Tableau 3 Caractéristiques des sujets ayant participé aux entretiens 25 Tableau 4 Nombre de participants aux différentes rencontres selon le site 28 Tableau 5 Matrice processus/effets 56

i i i

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Résumé

Ce rapport présente les résultats de l'évaluation de groupes psychoéducatifs testés par cinq

CLSC et un centre communautaire de la région de Montréal. Cette recherche évaluative, en

mettant l'accent sur l'étude des processus enclenchés par l'implantation et la participation aux

groupes et sur les effets perçus par les participants, vise à définir la théorie de l'action de cette

intervention. Elle se démarque donc de la majorité des évaluations de nature expérimentale et

quantitative Inscrites dans une approche fondée sur différents modèles du stress et des

stratégies adaptatives {coping).

Au plan méthodologique, cette étude évaluative se veut résolument inductive et mise sur les

méthodes qualitatives. Les activités de formation des animateurs et les rencontres de groupes

ont été observées par des membres de l'équipe de recherche. Des entretiens semi-dirigés ont eu

lieu avant et après l'intervention avec les animateurs et avec 30 des 55 participants aux

groupes. Dans le cas des participants, un troisième entretien a eu lieu six mois après la fin des

rencontres.

Les cinq groupes implantés ont varié quant au mode d'animation. La volonté des animateurs de

laisser de la place aux échanges entre participants, le désir de certains de ces derniers d'avoir

de tels échanges et de ventiler, de même que la taille des groupes sont des facteurs qui

expliquent que deux groupes se soient rapprochés de groupes de soutien, alors que les trois

autres sont demeurés plus proches de la formule psychoéducative prévue. Un de ces groupes

semble y avoir ajouté certaines composantes thérapeutiques.

Si l'expérience qu'ont les participants des rencontres de groupe est influencée par le mode

d'animation et par le déroulement des groupes, il demeure que cette expérience est personnelle

et qu'elle est caractérisée par une indépendance relative face à ce mode d'animation et à ce

déroulement. La quasi-totalité des participants rapportent avoir bénéficié des échanges et du

soutien entre pairs, ce que permettait le mode d'animation des groupes en misant sur la

participation active des aidants. Moins nombreux quoique majoritaires, plusieurs participants ont

écouté attentivement les présentations, ont fait sérieusement les exercices et rapportent des

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apprentissages significatifs. Enfin, quelques participants semblent avoir vécu des processus

thérapeutiques lors des rencontres en plus de leurs apprentissages, alors que d'autres sont

demeurés inertes face à l'intervention. Les processus rapportés par les sujets de l'étude

influencent les effets qu'ils perçoivent et rapportent.

Les rencontres de groupe semblent avoir un effet essentiellement analgésique pour les

participants qui ne retiennent de l'intervention que le soutien entre pairs. Ce sont les

participants qui indiquent avoir fait des apprentissages qui déclarent les effets les plus

significatifs. Ceux-ci disent penser davantage à se protéger, à mettre leurs limites et à se donner

du temps personnel. Pour y arriver, quelques-uns mettent fin à leur surprotection envers leur

parent fragilisé, d'autres négocient des changements avec lui ou s'affirment face à des

demandes jugées excessives. Si l'intervention est en mesure de susciter certains changements

personnels, de questionner certaines normes de don de soi, elle n'est pas en mesure toutefois

de modifier les ressources que peuvent mobiliser les aidants., Ceux-ci ne demandent pas plus de

soutien à leur famille, laissant entrevoir que l'intervention ne parvient pas à modifier les lignes

de conduite familiales en ce qui concerne la demande d'aide. De plus, c'est bien davantage le

manque de disponibilité des services qui en limite l'utilisation que le manque d'information ou la

réticence des sujets à y recourir. Les groupes n'ont évidemment pas d'emprise sur cette

disponibilité. En ne permettant pas d'augmenter les ressources de soutien aux aidants, cette

intervention n'atteint que partiellement son objectif de prévention de l'épuisement.

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Introduction

Depuis maintenant plus de 20 ans, les chercheurs, les planificateurs et les politiciens ont redécouvert le rôle essentiel joué par l'entourage dans les soins aux personnes âgées présentant des incapacités fonctionnelles ou cognitives (Shanas, 1979; Garant et Bolduc, 1990). Tant le ministère des Affaires sociales (1985) que les experts de la Commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux (1987) reconnaissaient que la famille fournit la majorité des soins d'assistance aux personnes âgées et que son retrait augmenterait substantiellement le recours à l'hébergement institutionnel.

L'aide apportée par l'entourage repose cependant trop souvent sur une seule personne, soit le conjoint ou un enfant, généralement une fille. La présence d'incapacités chez un être cher et le soutien à ce dernier sont généralement reconnus comme stressants et pouvant être à l'origine de nombreuses répercussions négatives chez les proches aidants1. Ainsi, il est reconnu que prendre soin d'un parent âgé fragilisé peut nuire à la vie sociale, familiale et professionnelle des proches aidants (Keating et al., 1999). Plusieurs vont réduire leurs activités personnelles, limiter leur temps de travail, refuser des promotions, voire, quitter prématurément leur emploi. Plusieurs connaissent des conflits familiaux à la suite de leur engagement auprès de leur parent fragilisé. Enfin, de très nombreuses recherches ont démontré les effets négatifs de cet engagement sur la santé des proches aidants. Il est désonnais reconnu que ceux-ci sont fatigués et souvent anxieux. Ils ont un taux de dépression de deux à quatre fois plus élevé que les personnes du même âge et du même sexe (Jutras et Lavoie, 1995; Pearlin et aL, 1990; Schulz et aL, 1995). Selon Schulz et Beach (1999), les proches qui vivent difficilement l'aide et le soin ont un risque accru de mortalité de 60 % toujours par rapport aux personnes du même âge et du même sexe. Il ne faut donc pas se surprendre que le ministère de la Santé et des Services sociaux (2003) considère comme

1 La dénomination des membres de la famille ou, dans une mesure moindre, de l'entourage qui prennent soin d'un parent ou d'un proche a toujours posé problème en français. Le premier terme à s'imposer fut « aidant naturel » que plusieurs ont critiqué car l'aide et les soins fournis n'ont rien de naturel et parce que ce terme s'applique principalement au travail domestique et de soin des femmes qu'il naturalise. Plusieurs autres dénominations ont été proposées ou utilisées : aidant informel (traduction de l'anglais informaI caregivei), aidant familial, personne soutien, soignant familial pour ne nommer que celles-là. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a récemment utilisé dans sa nouvelle politique de services à domicile (2003) le terme de proche aidant Nous utiliserons dans ce rapport ce terme. Toutefois, afin d'alléger le texte, nous utiliserons généralement le seul terme « aidant ».

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prioritaire le soutien aux proches aidants dans sa dernière politique de service à domicile et recommande le développement de services de soutien à leur égard.

À cet effet, différents types de services et d'intervention de soutien aux proches aidants ont été développés au cours des 20 dernières années. Les services de répit (en institution, en centre de jour ou à domicile) et les interventions de groupe, qu'il s'agisse de groupes d'entraide, de soutien ou éducatifs, sont les plus répandus. Pour ce qui est des groupes de soutien et éducatifs, plusieurs contenus et modes d'animation différents ont été développés, la plupart d'entre eux s'inspirent plus ou moins librement de la théorie du stress et des stratégies adaptatives (Lavoie, 1995). Ce rapport de recherche est consacré à l'évaluation d'un mode d'animation de groupe psychoéducatif qui s'éloigne quelque peu de cette dernière approche. Ce modèle développé par Michelle Arcand et Lorraine Brissette a été publié sous le titre de Prévenir !\épuisement en reiatfon d'aide - Démarche, formation et animation aux éditions Gaétan Morin

en 1994. Ce modèle de groupe psychoéducatif a été testé par cinq CLSC de Montréal, dont un s'est associé à un centre communautaire au cours de l'année 1996.

Cette recherche évaluative se distingue de la plupart des autres projets d'évaluation non seulement par le modèle original de groupe qui a fait l'objet de l'évaluation, mais aussi par l'accent mis sur les processus de changement mis en branle ou renforcés par cette intervention de même que par son approche qualitative et inductive.

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Introduction

Depuis maintenant plus de 20 ans, les chercheurs,, les planificateurs et les politiciens ont

redécouvert le rôle essentiel joué par l'entourage dans les soins aux personnes âgées présentant

des incapacités fonctionnelles pu cognitives (Shanas, 1979; Garant et Bolduc, 1990). Tant le

ministère des Affaires sociales (1985)/que les experts de la Commission d'enquêfe sur les services

de santé et les services sociaux (1987) reconnaissaient que la famille fournit là majorité des soins

d'assistance aux personnes âgées et que son retrait augmenterait substantiellement le recours à

l'hébergement institutionnel.

L'aide, apportée par l'entourage repose cependant trop souvent sur une seule personne, soit le conjoint ou un enfant, généralement, une fille. La présence d'incapacités chez un être cher et le soutien à ce dernier sont généralement reconnus comme stressants et pouvant être à l'origine de nombreuses répercussions négatives chez les proches aidants1. Ainsi, il est reconnu que prendre soin d'un parent âgé fragilisé peut nuire à la vie sociale, familiale et professionnelle des proches aidants (Keating etaL, 1999). Plusieurs vont réduire leurs activités personnelles, limiter leur temps de travail, refuser des promotions, voire, quitter prématurément leur emploi. Plusieurs connaissent des conflits familiaux à la suite de leur engagement auprès de leur parent fragilisé. Enfin, de très nombreuses recherches ont démontré les effets négatifs de,cet engagement sur la santé des proches aidants. Il est désormais reconnu que ceux-ci sont fatigués et souvent anxieux. Ils ont un taux de dépression de deux à quatre fois plus élevé que les personnes du même âge et du même sexe (Jutras et Lavoie, 1995; Pearlin et a!., 1990; Schulz et aL, 1995). Selon Schulz et Beach (1999), les proches qui vivent difficilement l'aide et le soin ont un risque accru de mortalité de 60 % toujours par rapport aux personnes du même âge et du même sexe. U ne faut donc pas se surprendre que le ministère de la Santé et des Services sociaux (2003) considère comme

1 La dénomination des membres de la famille ou, dans une mesure moindre, de l'entourage qui prennent soin d'un parent ou d'un proche a toujours posé problème en français. Le premier terme à s'imposer fut « aidant naturel » que plusieurs ont critiqué car l'aide et les soins fournis n'ont rien de naturel et parce que ce terme s'applique prinapaiement au travail domestique et de soin des femmes qu'il naturalise. Plusieurs autres dénominations ont été proposées ou utilisées : aidant informel (traduction de l'anglais informa! caregivei), aidant familial, personne soutien, soignant familial pour ne nommer que celles-là. Le ministère de la Santé et des Services sodaux a récemment utilisé dans sa nouvelle politique de services à domitile (2003) le terme de proche aidant. Nous utiliserons dans ce rapport ce terme. Toutefois, afin d'alléger le texte, nous utiliserons généralement le seul terme « aidant ».

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Cette absence d'intérêt pour l'implantation et les processus a longtemps contribué à maintenir

une certaine confusion quant à la dénomination et la classification des interventions de groupe

en général, et à destination des proches aidants en particulier. Lavoie et Stewart (1995) ont

présenté,une typologie d'interventions de groupe. À partir des composantes fonctionnelles des

groupes, elles en ont défini quatre grands types. Ces types se définissent par les sources de

savoir utilisées dans les rencontres, la primauté de la source de savoir, le type d'échanges

interpersonnels et ie contrôle du fonctionnement du groupe. Les quatre types sont présentés/au

tableau 1. V- . •

Tableau 1 Comparaison des composantes fonctionnelles de quatre types de groupes

(selon Lavoie et Stewart, 1995, p. 15)

Groupe d'entraide

Groupe de soutien Groupe éducatif Groupe de

thérapie L

Sources de savoir ,

Savoir profane;

Savoir-professionnel Savoir profane

Savoir professionnel Savoir professionnel

Primauté de source de savoir

Savoir profane

Savoir professionnel ou

r. profane Savoir professionnel Savoir professionnel

Types d'échanges

interpersonnels Entraide

Soutien, professionnel

Entraide Enseignement Apprentissage

Interprétation par l'expert

Échanges entre clients

Contrôle du fonctionnement

du groupe Entraidants Professionnels Professionnels Professionnels

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Dans les études publiées, force est de constater que la dénomination des types de groupe évalués est souvent imprécise, voire erronée (le titre de ce rapport en fait foi) et qull est donc assez souvent difficile de bien saisir le type d'intervention de groupe évalué. Dans le cas de cette étude, il s'agit bien d'un groupe de type éducatif. Par ailleurs, ce tableau présente des types « idéaux » ou « purs ». En réalité, les groupes se situent plutôt dans un continuum et l'étude de Lavoie et al. (à paraître) démontre bien qu'un groupe clairement défini comme éducatif peut bien engendrer des processus d'entraide caractéristique des groupes d'entraide et de soutien.

La grande majorité des groupes évalués ainsi que les évaluations réalisées s'inspirent de la théorie du stress et des stratégies adaptatives (Lavoie, 1995). La plupart des groupes évalués sont basés sur des modèles plus ou moins élaborés et explicites du stress et ont comme objectif de réduire le stress ressenti par les proches aidants en renforçant leur capacité de composer avec les stresseurs associés à l'aide et aux soins (Gottlieb, 1998; Lavoie, 1995). Ainsi, plusieurs interventions de groupe viseront à améliorer les stratégies adaptatives des participants, afin d'obtenir une réduction du stress ressenti, des symptômes dépressifs ou de l'anxiété. Très peu d'interventions et d'études ont utilisé d'autres approches théoriques. Robinson (1988), par exemple, a utilisé la théorie du soutien social pour développer et évaluer une intervention éducative de groupe. Lavoie et ai (2003) ont, quant à eux, analysé certains groupes sous l'angle de Xempowerment Les effets des interventions de groupe autres que ceux liés au stress (stress ressenti, stratégies adaptatives, soutien social, détresse psychologique) demeurent fort peu étudiés.

Enfin, comme en font foi la plupart des méta-analyses et recensions d'études dont il a été question précédemment (Acton et Kang, 2001; Brodaty et ai, 2003; Cooke et ai, 2001; Schulz et ai, 2002; Sorensen et ai, 2002; Zarit et Leitsch, 2001), les recherches évaluatives ont principalement porté sur des interventions de groupe destinées aux proches aidants de personnes atteintes de démence, particulièrement de type Alzheimer. S'il est reconnu que ces aidants ont en moyenne des niveaux plus élevés de stress et de détresse psychologique que l'ensemble des proches aidants et qu'ils ont des besoins spécifiques en termes d'intervention, il n'en demeure pas moins que ces derniers ont également besoin de soutien et que, généralement, les interventions offertes par les CLSC et les organismes communautaires ciblent

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l'ensemble de cette population. Les effets des interventions auprès de la population générale

des proches aidants demeurent moins bien documentés.

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Recension des écrits

Les interventions de groupe pour proches aidants font leur apparition à la fin des années 70 aux États-Unis. Ces groupes prennent différentes formes : d'entraide parfois, mais surtout de soutien ou de type éducatif. Ce type d'intervention se répand rapidement dans son pays d'origine et se développe au Canada à partir du milieu des années 80. Cette popularité repose en partie sur fa diffusion dans des revues professionnelles de comptes rendus largement fondés sur des impressions cliniques (Toseland et Rossiter, 1989). Il faut attendre le milieu des années 80 pour assister à la publication des premières études évaluatives systématisées. De 1985 à la fin 1994, une vingtaine de rapports d'évaluation d'intervention de groupe sont publiés. Ces évaluations présentent toutefois un grand caractère d'uniformité, ce qui en limite la portée.

Des 21 études publiées dans ces années (26 articles et rapports), dix-neuf études portent sur l'évaluation des effets et la quasi-totalité reposent sur des devis expérimentaux ou quasi-expérimentaux avec des mesures pré et post-intervention utilisant des instruments standardisés. Trois types de variables ont été utilisés pour mesurer les effets des groupes de soutien (Lavoie, 1995) : les variables relatives à la détresse psychologique et à la symptomatologie dépressive (dépression, anxiété, hostilité, etc.), les variables médiatrices entre une situation stressante et les effets de cette situation (stratégies adaptatives, soutien social, recours aux services, réactions aux comportements dysfbnctionnels, etc.) et les variables relatives au stress ressenti (principalement le fardeau subjectif).

Dans l'ensemble, les résultats des premières études sont peu concluants. La grande majorité des études ne rapportent pas d'effets sur les niveaux de symptomatologie dépressive (Baldwin et aL, 1989; Gendron et a/.t 1992; Haley et aL, 1987; Hébert et ai, 1994; Toseland et ai, 1992) ou d'anxiété (Baldwin et ai, 1989; Gendron etaL, 1992; Toseland, 1990; Toseland etaL, 1992). Les groupes ne semblent pas non plus améliorer le soutien social aux participants (Haley etaL, 1987; Robinson, 1988; Toseland et al, 1992; Zarit et aL, 1987; Whitlatch et aL, 1991). Les résultats quant à l'effet des groupes sur les stratégies adaptatives des participants sont mitigés (Baldwin et aL, 1989; Chiverton et Caine, 1989; Gendron et aL, 1992; Haley et aL, 1987; Hamlet et Read, 1990). Quant au stress ressenti, les résultats le sont tout autant (Demers et Lavoie, 1996;

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Gendron eta/., 1992; Gonyea, 1991; Greene et Monahan, 1989; Hébert et ai, 1994; Kahan etat., 1985; Montgomery et Borgatta, 1989; etc.).

Les chercheurs ont proposé différentes hypothèses pour expliquer ces résultats peu concluants, dont des raisons d'ordre méthodologique. On relève ainsi le manque de sensiblité de l'instrumentation utilisée ou leur manque d'adaptation aux proches aidants (Gendron et ai, 1992; Toseland, 1990; Toseland et ai., 1992; Zarit et ai, 1987). La petite taille des échantillons, le fait que les témoins recourent aux services en cours d'expérimentation et le recours à des analyses statistiques qui ne contrôlent pas la possible régression vers la moyenne sont invoqués par différents chercheurs (Zarit et ai., 1987; Whitlatch et ai., 1991). Enfin, Demers et Lavoie (1996) de même que Gendron et al. (1992) font l'hypothèse que certaines mesures, particulièrement celle du fardeau, seraient sujettes à un biais de désirabilité sociale.

Les chercheurs ont également mis en cause l'intervention elle-même dans leur analyse des impacts plutôt incertains des interventions de groupe. Plusieurs se demandent si l'intervention n'est pas trop brève- les interventions de groupe évaluées dépassent rarement 8 ou 10 rencontres - (Gendron et ai, 1992; Hébert et ai., 1994; Robinson, 1988; etc.) ou insuffisamment puissante pour produire les effets attendus (Demers et Lavoie, 1996; Haley et ai., 1987). Plusieurs chercheurs regardent également du côté de la clientèle. Cette dernière présenterait soit, peu de problèmes (Haley et ai., 1987; Haley, 1989; Zarit et ai., 1987) soit, des stratégies adaptatives variées et efficaces avant même de participer aux groupes (Baldwin et ai., 1989). En fait, plusieurs chercheurs notent la grande hétérogénéité des proches aidants qui participent, particulièrement au plan des besoins et des objectifs poursuivis dans les interventions de groupe (Haley et ai., 1987; Hamlet et Read, 1990; Hébert et ai., 1994).

À partir du milieu des années 90, les résultats des études semblent amener des résultats plus encourageants. Tout d'abord, quelques méta-analyses sont publiées entre 1993 et 2003. Ces méta-analyses, en combinant les résultats de plusieurs études permettent de contourner le problème de la faible taille des échantillons des études individuelles. Elles concluent pour la plupart que les interventions de groupe ont un effet positif modéré sur les niveaux de symptomatologie dépressive, de bien-être psychologique et sur les habiletés et les connaissances des aidants (Brodaty et ai., 2003; Knight et ai., 1993; Sorensen et ai., 2002). Les résultats quant à

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un effet sur le fardeau subjectif (ou le stress ressenti) sont discordants, la majorité des auteurs concluent à l'absence d'effets significatifs (Acton et Kang, 2001; Brodaty et ai, 2003; Yin et al., 2002). Acton et Kang (2001) considèrent le concept de fardeau nettement trop global, trop flou et qu'il devrait être remplacé par des mesures d'effets plus appropriées. Outre ces méta-analyses, Cooke et ai (2001) notent qu'à partir des années 90, davantage d'études rapportent des effets positifs en termes d'amélioration du bien-être psychologique des participants. Ainsi, 50 % des études publiées après 1990 rapportent une amélioration significative du bien-être psychologique contre environ 38 % des études publiées avant cette date. Cette constatation est contestée par la méta-analyse de Sorensen et ai (2002) qui ne notent aucune amélioration dans le temps, quoique cette observation porte sur l'ensemble des interventions destinées aux aidants et non pas sur les seules interventions de groupe. Cela dit, on doit noter qu'il demeure une variabilité certaine dans les résultats obtenus par les études.

Comment expliquer ces possibles résultats plus positifs? D'une part, les études reposent sur des échantillons un peu plus importants ce qui augmente leur puissance, c'est-à-dire, leur capacité de détecter des effets significatifs sur le plan statistique. D'autre part, certaines des interventions de groupe évaluées sont plus intensives, soit par leur durée ou le nombre de rencontres, soit par leur concentration sur certains problèmes ou habiletés spécifiques. Ainsi, les études de Mittleman et ai (1995) et de Millan-Calenti et ai (2000) portent sur des groupes d'entraide continus. Tous deux notent des effets positifs pour les participants : la symptomatologie dépressive est réduite dans la première étude, l'anxiété dans la seconde. Quant à Hébert et ai (2003), l'intervention psychoéducative de groupe cible de façon spécifique au cours de 15 rencontres les stratégies adaptatives à utiliser pour composer avec les comportements dérangeants ou pénibles d'un proche atteint de démence (voir aussi Lévesque et a/., 2002).

Si les résultats relatifs aux interventions de groupe semblent plus positifs, force est de constater le manque d'informations systématiques sur le déroulement des groupes, sur les processus de changement mis en branle et sur le lien entre ces processus et les effets observés. Dans le cadre de quelques évaluations, les chercheurs ont demandé aux participants d'indiquer leur degré de satisfaction ou d'utilité face à différents éléments du contenu des rencontres des groupes (Baldwin et ai, 1989; Kaye et Applegate, 1993; Demers et Lavoie, 1996; Glosser et Wexler, 1985; etc.). Cette façon de procéder est relativement peu informative, tous les éléments obtenant de hauts

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scores d'appréciation. On peut ainsi juger utile de recevoir de l'information sur les services disponibles tout en n'y recourant pas et tout en n'ayant pas l'intention d'y recourir. Aussi, plusieurs évaluations rapportent le bon dimat dans lequel se déroulent les rencontres, le grand partage de sentiments et de soutien mutuel entre les participants (Lavoie, 1995; Toseland et ai, 1989; Wright et ah, 1987; etc.). Selon Cuijpers et ai (1996), Gottlieb (1998) de même que Toseland et Rossiter (1989), les groupes de soutien permettraient de prévenir les répercussions néfastes de la situation d'aide sur les aidants en offrant du répit; en réduisant l'isolement et la solitude; en permettant d'échanger des sentiments et des expériences avec des pairs dans un environnement sécurisant; en donnant du soutien, de la compréhension et la possibilité de confirmer ou valider ses pensées et ses sentiments concernant l'aide à un proche; en présentant l'expérience de l'aide comme normale et répandue; en donnant de l'espoir; en soulignant leur rôle essentiel dans les soins donnés à l'aidé; en leur donnant des informations sur les problèmes de santé et les ressources disponibles; en les encourageant à utiliser des stratégies adaptatives utiles et, finalement, en les aidant à examiner leurs problèmes tout en leur fournissant des techniques de résolution de problèmes. Bien peu de données empiriques permettent de soutenir ces affirmations. Ces quelques considérations sur le déroulement des rencontres concernent pour la plupart les groupes de soutien. En ce qui concerne les groupes psychoéducatifs, l'analyse de leurs processus a suscité encore moins d'intérêt.

Quelques travaux cherchent d'abord et avant tout à mesurer ou à apprécier les apprentissages ciblés par les concepteurs de l'intervention, voire à s'y restreindre (Burgio et a/., 2001; Clarke, 2001; Morano et Bravo, 2002). Ainsi, les auteurs rapportent une amélioration des connaissances sur les services présents dans la communauté et sur la maladie d'Alzheimer. Trois études portant sur l'évaluation de groupes éducatifs abordent de façon plus inductive l'analyse des processus (Dahlin-Ivanoff et a/., 1998; Lavoie et a/., à paraître; Schultz et al., 1993). Dahlin-Ivanoff et ses collègues (1998) indiquent que les participants à des groupes éducatifs destinés à des personnes âgées atteintes de dégénérescence maculaire ont apprécié l'information et l'apprentissage de nouvelles habiletés qu'ils ont reçus. Lors des entretiens réalisés après l'intervention, ces participants donnent des exemples de différentes façons de composer avec les activités de la vie domestique et discutent des façons dont ils les appliquent à la maison. Cette information leur permet également d'améliorer leurs habiletés de résolution de problèmes. Les participants indiquent également avoir grandement apprécié le soutien de l'animateur et le

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soutien mutuel entre pairs. De plus, en se comparant aux autres participants, ils ont développé une plus grande conscience de leurs problèmes, ce qui fut toutefois pénible pour certains. Quant à Schultz et ai (1993), ils indiquent que les aidants participant à des groupes psychoéducatifs ont pu, grâce à l'information reçue, accroître leurs connaissances relatives aux services, aux soins à donner et aux différents problèmes associés au vieillissement. Ces aidants rapportent également avoir appris des trucs et mieux comprendre leur situation grâce aux échanges avec leurs pairs. De plus, les groupes leur ont permis de rencontrer des gens vivant la même situation qu'eux et les échanges leur ont permis de verbaliser leurs sentiments, de ressentir l'empathie du groupe et de se soutenir mutuellement. Ces deux études ne font cependant qu'un lien sommaire entre ces processus et les effets des groupes évalués.

Certains des processus rapportés dans ces deux dernières études, tels que le soutien mutuel, la verbalisation et la comparaison sociale sont des processus généralement associés aux groupes de soutien (Cuijpers et a/., 1996; Glajchen et Magen, 1995; Gottlieb, 1998). En réunissant des aidants et en recourant à des approches éducatives dynamiques, misant sur ta participation active des membres du groupe comme l'ont fait Schultz et ai (1993), il semble que les groupes psychoéducatifs pourraient à la fois enclencher des processus d'apprentissage et des processus de soutien de la part des pairs. C'est exactement la conclusion à laquelle arrivent Lavoie et ah (à paraître) qui notent que la plupart des participants à des groupes psychoéducatifs pour aidants de personnes atteintes de démence de type Alzheimer rapportent avoir fait des apprentissages (processus éducatifs) et avoir bénéficié de processus de soutien de la part des autres participants (soutien mutuel, comparaisons sociales, normalisation des sentiments, etc.). Toutefois, ces chercheurs indiquent que les résultats positifs de l'intervention sont surtout liés aux apprentissages faits, principalement la technique du recadrage, certes renforcés par les processus de soutien. Ces derniers seuls étaient insuffisants pour produire des effets significatifs.

Enfin, il faut souligner la remarquable recension des études évaluatives d'interventions psychosociales faites par Cooke et ses collègues (2001). Tout en notant (Insuffisance des informations sur les composantes des interventions recensées, ils tentent néanmoins d'établir un lien entre ces composantes et les effets des interventions. Ils identifient trois grands types de composantes qui se retrouvent à des degrés divers dans les interventions : l'information, les

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composantes sociales (soutien mutuel, développement d'habiletés sociales, activités sociales, etc.) et les composantes cognitives (résolution de problèmes; thérapie cognitive dont le recadrage, habiletés cognitives telles que la distraction, l'imagerie, la dissociation, la relaxation, la thérapie behaviorale, etc.)* Selon eux, si l'information permet d'améliorer les connaissances, elle ne permet pas d'améliorer le bien-être psychologique ou de réduire le fardeau des aidants. Selon leur recension, les interventions ne reposant que sur les seules composantes cognitives ne permettent pas non plus d'améliorer la situation des aidants. En fait, ce sont les interventions avec composantes sociales, utilisées seules ou en combinaison avec des composantes cognitives, qui seraient les plus efficaces pour améliorer le bien-être psychologique des aidants. Il existe toutefois un paradoxe dans ce bilan : les interventions à composantes sociales réussissent à améliorer le bien-être des aidants sans toutefois réussir à accroître le soutien social qu'ils reçoivent ni à influencer leur satisfaction face au soutien reçu, alors que l'effet des composantes sociales sur le bien-être aurait dû passer par leur augmentation. Notons aussi que Sorensen et ai (2002), qui classent les interventions incluses dans leur méta-analyse de façon plus globale que Cooke et ses collègues, arrivent à la conclusion inverse : les interventions misant sur le soutien sont moins efficaces à réduire la dépression ou à améliorer le bien-être psychologique que les interventions psychoéducatives ou psychothérapeutiques. Les interventions de soutien auraient toutefois un effet positif plus important sur le niveau de fardeau ressenti que les deux autres types d'intervention.

Malgré l'apport de ces travaux de comparaison entre types et composantes d'interventions, il demeure que ces deux groupes d'auteurs ont comparé les effets en fonction des types et composantes prévues de l'intervention. Il faut rappeler ici l'expérience de Robinson (1988) qui souligne comment un projet de groupe centré sur le développement d'habiletés sociales s'est graduellement transformé en groupe de soutien largement orienté vers le soutien mutuel. Ces auteurs n'ont pu également examiner les effets à la lumière des processus rapportés par les participants. Rappelons que Dahlin-Ivanoff et ai (1998), Lavoie et ai (à paraître) et Schultz et ai (1993) montrent que les processus rapportés par les participants à des groupes psychoéducatifs ne se limitent pas aux seuls apprentissages ciblés et que plusieurs rapportent aussi des processus associés au soutien mutuel.

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Il demeure donc à ce stade-ci difficile de définir une théorie globale de l'action des interventions de groupe pour aidants tant ces interventions apparaissent variées. Toutefois, même si l'on se restreint à un groupe plus limité, les intèlyëhtions p chbèducatives, encore là, la variété des interventions et des processus enclenchés de même que l'inconsistance des effets observés semblent empêcher l'élaboration d'une telle théorie globale. Il faut probablement l'établir pour chacune des interventions déployées, ce que peu de chercheurs ont tenté de faire de façon systématique.

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Cadre conceptuel et objectifs du projet

Au plan de l'approche évaluative, ce projet cherche à définir ce que Patton (1990) appelle « l'éclaircissement de la théorie d'action ( theory of action) du programme ». Selon cet auteur, "Formulating a program theory of action is a step beyond implementation or outcome evaluation alone. The program's theory of action links the two." (p. 107). Comme le fait ressortir la recension des écrits, certains effets des groupes de soutien sont connus, mais on a peu insisté sur les processus qui ont cours lors des interventions, ce qui nous laisse devant le phénomène de la boite noire. On ne sait trop comment ces effets sont obtenus. Aussi, certains autres effets possibles sont ignorés. Patton souligne justement que cette approche, reposant sur des méthodes qualitatives, est particulièrement appropriée quand les liens entre les processus et les effets sont peu connus ou quand des effets le sont peu :

The linkage between processes and outcomes is a fundamental issue in many program evaluations. An evaluation research design based on qualitative methods can be particularly appropriate where either program processes or program impacts, or both, are largely unspecified, for whatever reasons. /.../ ...one purpose of the evaluation may be to help articulate program processes, program impacts, and linkages between the two. (p. 415).

II est important de préciser ici ce que nous entendons par processus. Souvent, en évaluation, certains restreignent la notion de processus au déroulement des activités et s'intéressent alors aux caractéristiques des participants, à la fréquence à laquelle its participent aux activités ou à l'appréciation qu'ils en font. Nous retenons plutôt la définition qu'en donne Patton, soit "a way of talking about the common action that cuts across program activities, observed interactions and program content." (p. 418). On pourrait compter parmi les différents processus des éléments tels que identifier ses motivations, analyser ses façons de faire, confronter les routines, partager ses sentiments ou ses expériences en groupe, etc.

Une telle approche évaluative implique alors d'identifier les processus mis en branle par les groupes de soutien. En se référant à la sociologie de la traduction mise de l'avant par Callon (Callon, 1980, 1986; Demers et ai, 1993), qui redonne une place centrale au contenu des programmes, ces processus risquent d'être complexes et de dépasser les seuls processus prévus par les concepteurs de la méthode d'animation.

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En effet, selon Callon (1986), tout programme innovant, qu'il s'agisse de programme de recherche ou d'innovation technologique ou psychosociale, repose sur une problématisation de la situation que l'on désire modifier ou renforcer. Cette problématisation implique dans un premier temps une définition de la situation problématique. Ainsi, un programme visant à soutenir les proches aidants définit nécessairement ce qu'est un aidant familial, les problèmes auxquels il est confronté, les solutions possibles à ces problèmes. La problématisation dépasse cependant la seule définition de la situation problématique, elle définit également les acteurs concernés, leurs intérêts de même que leurs rôles dans les activités ou programmes. Ainsi, dans l'intervention qui nous intéresse, on définit minimalement l'aidant comme une personne souffrant d'épuisement ou à risque d'en souffrir. L'aidant a donc minimalement intérêt à réduire ou prévenir cet épuisement et à en faire son objectif. Sa participation active aux différentes activités du groupe lui permettra alors d'atteindre son objectif. Quant aux animateurs, ils ont intérêt à soutenir les aidants et ils doivent animer les rencontres de groupe selon les modes proposés.

Il est cependant très rare, selon Callon (1980,1986), de retrouver une seule problématisation face à une innovation. Les problématisations sont multiples : on peut avoir presque autant de problématisatiôns qu'il peut y avoir d'acteurs impliqués. Les différentes problématisations possibles vont alors se confronter, car les problématisations constituent des processus d'interdéfinition où chacun peut avoir et promouvoir sa définition de la situation problématique, de ses intérêts, des activités à réaliser et des rôles dévolus aux autres. Chacun essaiera de déplacer les autres acteurs sur son terrain. Ce processus n'implique pas une cacophonie généralisée et une lutte sans merci. On mettra de l'avant des stratégies d'intéressement et d'enrôlement pour gagner les autres acteurs. La formation et la supervision est une de ces principales stratégies.

Face à ces jeux d'interdéfinitions, les acteurs peuvent avoir quatre positionnements différents (Callon, 1980). Ils peuvent (1) se rallier et adopter la définition de la situation problématique du promoteur et du rôle que ce dernier leur assigne; (2) se situer dans une position de négociation; (3) se situer en opposition avec les promoteurs; ou enfin, (4) adopter une position d'inertie en ne se positionnant pas clairement face à la problématisation ou aux activités prévues. Ainsi, on peut penser que les animateurs et les participants peuvent tenter de modifier l'intervention prévue dans son contenu ou ses activités. Certains participants pourraient s'opposer et abandonner une intervention qui ne leur convient pas ou se présenter à l'intervention tout en étant passifs.

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Les différents positionnements des acteurs font que l'intervention planifiée ne peut être prise pour acquise et qu'elle risque de subir différents « ajustements » ou modifications lors de son implantation. Ces modifications peuvent à leur tour influencer les processus mis en branle par l'intervention et vécus par les participants. Enfin, il faut souligner, à l'instar de Lavoie et ai (1993), que les différents acteurs conservent leurs particularités et peuvent expérimenter des processus différents de ceux prévus par le programme innovant. Cette dernière observation rappelle qu'il ne faut pas voir les différents groupes d'acteurs comme des groupes homogènes. Comme il a été mentionné dans la recension des écrits, les aidants qui participent aux interventions de groupe manifesteraient des besoins et des attentes hétérogènes.

L'objectif fondamental de ce projet d'évaluation est donc d'élaborer une théorie de l'action

des groupes psychoéducatifs visés par ce projet. Rappelons que la théorie de l'action vise à établir le lien entre les processus mis en branle par un programme et ses effets. Cet objectif implique alors de répondre aux objectifs spécifiques qui suivent :

1. Identifier les processus qui ont cours dans l'intervention évaluée. Pour saisir ces processus, il

faut : 1.1. Décrire l'intervention effectivement réalisée et identifier les facteurs et processus qui ont

mené aux modifications de l'intervention initialement prévue s'il y a lieu; 1.2. Décrire les processus qui ont cours chez les participants lors de l'intervention.

2. Identifier les effets de l'intervention sur les participants tels que perçus et rapportés par eux.

3. Analyser les liens entre les processus identifiés et les effets perçus.

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Description de l'intervention

La méthode d'intervention évaluée dans cette recherche a pour objectif la prévention de l'épuisement chez les aidants familiaux. Cette méthode a été développée à partir de l'expérience clinique de l'un des auteurs qui a reçu en consultation un très grand nombre d'aidants épuisés. La description du processus qui conduit à l'épuisement, l'enchaînement logique des différents thèmes à l'intérieur de ce processus et l'intervention de groupe qui en découle ont été minutieusement décrits à l'intérieur d'un ouvrage paru ayant pour titre : « Prévenir l'épuisement en relation d'aide » (Arcand et Brissette, 1994).

Cette méthode a déjà été expérimentée concrètement au CLSC Du Rivage en 1989 et c'est à partir de l'expérience clinique des auteurs et de l'expérimentation sur le terrain qu'elle a été élaborée. Elle comporte dix thèmes dont la description est fournie à l'annexe 1. Ces thèmes sont articulés selon un enchaînement logique et chacun comporte un ou deux processus de changement que l'on veut susciter chez les participants. Cette méthode d'intervention se rattache principalement à la psychologie cognitive. Dans ce modèle théorique, une modification de la pensée par rapport à un stimuli permet de modifier la façon dont un individu réagit à ces derniers. Dans ce cadre, les processus de changement visés portent particulièrement sur les changements de croyances chez les aidants. Les processus de changement pour chacun des thèmes sont :

1) La motivation a) Augmenter le champ de conscience de l'aidant en rapport avec ses différents motifs d'aide.

b) Défaire la croyance selon laquelle il y a de bons et de mauvais motifs.

2) La culpabilité et la responsabilité a) Remplacer chez l'aidant le sentiment de culpabilité par la responsabilité.

3) Les besoins et les droits a) Remettre en question la croyance selon laquelle l'âge, la maladie ou le statut donnent tous

les droits. b) Introduire l'idée selon laquelle les besoins des aidants sont légitimes.

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4) Le choix a) Remettre en question l'idée selon laquelle l'aidant n'a pas le choix et lui faire prendre

conscience qu'il a le pouvoir de faire des choix.

5) La protection de ia santé a) Amener les aidants à prendre conscience,que l'énergie existe, qu'elle est limitée, qu'elle

peut s'épuiser, se renouveler et se protéger.

6) Le changement a) Faire voir le changement comme un réaménagement en souplesse.

7) La famitie a) Amener les aidants à voir les différents rôles joués dans leur famille. b) Amener les aidants à prendre conscience de l'impact de leur rôle sur leur santé. c) Amener l'aidant à évaluer de façon réaliste la possibilité d'utiliser sa famille comme une

ressource. d) Amener l'aidant à accepter l'idée qu'il peut négocier son rôle dans la famille.

8) Les ressources a) Remettre en question la croyance selon laquelle être autonome c'est se débrouiller seul et

intégrer l'idée selon laquelle demander est un geste responsable et autonome.

9) Le contrat a) Défaire la croyance selon laquelle faire un contrat dans une relation affective est mesquin. b) Clarifier les attentes respectives de l'aidant et de l'aidé dans ia relation d'aide.

10) L'héritage a) Permettre à l'aidant d'identifier des idées, des attitudes ou des comportements qu'il a

abandonnés et d'autres qu'il a intégrés dans la session.

L'originalité de cette méthode réside surtout dans sa nature psychoéducative et dans le recours au corps pour enraciner les changements de pensées et d'émotion à l'intérieur des techniques d'intervention utilisées. Elle réalise un travail en profondeur sur les bases psychologiques des comportements. Elle veut susciter chez les participants des changements d'idées, d'attitudes et de comportements face à eux-mêmes, face à l'aidé et face à la situation d'aide.

Les dix rencontres de groupe prévues dans cette méthode, d'une durée d'environ deux heures trente, se sont déroulées sur une base hebdomadaire avec une pause d'une semaine au milieu de l'intervention. Chaque groupe est animé par deux personnes. Les animateurs de ces rencontres

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étaient de formations diverses (travailleurs sociaux, infirmières, auxiliaire familial, etc.) et avaient tous, sauf un, une expérience en animation de groupes de soutien. Dans le cadre de ce projet, 8 des 10 animateurs ont reçu une formation de trois jours avant le début de Pintervention de groupe. Cette formation a été dispensée par les conceptrices de la méthode. Un coaching a également été offert aux animateurs sur une base mensuelle par ces dernières.

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Méthodologie

Stratégie de l'étude

La stratégie de recherche adoptée est l'étude de cas multiples à unités d'analyse imbriquées (Yin, 1989). Selon Patton (1990), l'étude de cas est particulièrement appropriée en évaluation pour comprendre les liens causais dans une intervention en vie réelle lorsque le phénomène est trop complexe pour être saisi par des stratégies expérimentales et dans le cas d'interventions à effets multiples souvent difficiles à saisir.

Contrairement à la plupart des études évaluatives, l'équipe de recherche n'a exercé aucune pression sur les animateurs afin qu'ils respectent intégralement l'intervention telle que conçue et développée par les conceptrices de la méthode. Tenant compte de notre cadre théorique, l'équipe a tenté de se rapprocher le plus possible des conditions usuelles d'implantation et de déroutement d'une intervention de groupe. Notre objectif était donc d'en arriver en quelque sorte à une expérimentation « naturelle ». Toutefois, pour tous les sites et les animateurs, ta méthode d'animation était nouvelle et comme il y avait recherche évaluative, plusieurs animateurs ont senti une pression à appliquer fidèlement la méthode, d'autant plus que les conceptrices ont fait cette demande lors des sessions de formation.

Procédures de production du matériel de l'étude

Le matériel qui a servi à cette étude provient, d'une part, de l'observation des activités de formation des animateurs et du déroulement des rencontres de groupe dans les cinq sites et, d'autre part, d'entretiens semi-dirigés avec les animateurs et un peu plus de la moitié des participants aux rencontres. Les grilles d'entretien avec les animateurs et les proches aidants se trouvent en annexe 2.

Deux membres de l'équipe de recherche ont observé les rencontres de formation des animateurs et les rencontres de coaching menées par les concepteurs de la méthode. Trois membres de l'équipe ont, quant à eux, observé la totalité des rencontres de groupe. Pour chacun des trois types de rencontre nommés ci-dessus, un journal de bord a été tenu par les observateurs. Pour

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chacune des rencontres, les observateurs ont consigné les présences et les activités réalisées. Ils ont noté de la façon la plus exhaustive possible le contenu des échanges, les réactions verbales et non verbales aux enseignements des concepteurs de la méthode ou des animateurs, les difficultés qu'ont eues les participants à réaliser les activités prévues et les distances prises par rapport au contenu prévu des rencontres. Les observateurs consignaient dans ces journaux les commentaires, les impressions et les hypothèses que leur suscitaient les rencontres de groupe, de formation ou de coaching.

Deux entretiens avec les animateurs ont eu lieu : un après la formation qui leur était destinée (donc avant le déroulement des rencontres de groupe) et un second après la dernière rencontre des groupes de soutien. Le premier entretien visait à saisir leur définition des problèmes des proches aidants, leur appréciation de l'intervention prévue, du rôle qui leur était dévolu et des réactions de ces aidants à l'intervention. L'entretien a d'abord porté sur leur perception des principaux problèmes auxquels sont confrontés les aidants. Ensuite, nous avons demandé aux animateurs dans quelle mesure l'intervention proposée répondait aux besoins des aidants, comment ces derniers risquaient de réagir, ce que l'intervention devrait leur apporter. Nous leur avons ensuite demandé comment ils voyaient globalement leur rôle dans l'intervention, leurs appréhensions ou réserves face à ce qui leur était demandé. Les dernières questions ont été reprises pour chacun des dix thèmes abordés au cours des rencontres de groupe. Le second entretien visait à faire avec les animateurs le bilan de l'intervention. Nous avons d'abord demandé aux animateurs leur évaluation globale des rencontres, quelles modifications ils avaient apportées à l'intervention et les raisons ayant mené à ces modifications. Les animateurs devaient également indiquer ce qui motivaient les participants à venir, les principaux processus qu'avaient vécus les participants et les effets induits par ces processus. Ces questions furent ensuite reprises pour chacun des dix thèmes constituant l'intervention, ce qui permettait d'identifier les thèmes qui, selon eux, avaient bien fonctionné, avaient rallié les participants ou ceux où ils avaient perçu de la résistance ou une absence de réceptivité de la part de ces derniers.

Notre stratégie de recherche prévoyait trois entretiens avec les proches aidants ciblés. Le premier entretien se déroulait avant le début des rencontres de groupe, le second, environ un mois après la fin des rencontres et le troisième, environ six mois après la fin des rencontres. Le premier entretien visait à identifier le contexte global de la situation d'aide et de soins dans lequel les

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proches aidants se situaient. L'entretien, inspiré de la théorie de la structuration de Giddens (1984), cherchait à saisir les règles ou les lignes de conduite qui structuraient l'aide et les soins de même que l'engagement des aidants ainsi que les ressources dont ils disposaient et qu'ils utilisaient. L'entretien débutait par une description de l'entourage de l'aidant et des relations qui y avaient cours. Il visait ensuite à saisir l'organisation de l'aide et des soins à llntérieur de la famille de l'aidant (partage des activités) et ce qui avait mené à cette organisation, dont la prise de décision. L'entretien portait ensuite sur le recours et l'utilisation de services publics, privés ou . communautaires. Trois questions cherchaient ensuite à saisir les significations et les référents normatifs de l'aidant associés à l'aide et aux soins d'un parent ayant des incapacités. Enfin, l'entretien se terminait par des questions sur les raisons qui ont amené l'aidant à s'inscrire à l'intervention et sur leurs attentes. Les deuxième et troisième entretiens servaient d'abord à retracer l'évolution de la situation d'aide et de soins depuis le premier entretien en demandant à l'aidant de décrire la nature et les causes des changements dans sa situation. En s'inspirant de la stratégie de Toseland et ai (1992), nous l'avons questionné également sur les points problématiques identifiés lors du premier entretien pour voir dans quelle mesure il y avait eu des changements sur ces points. Ensuite, nous avons repris la stratégie utilisée pour les entrevues post-interventions avec les animateurs. Des questions portaient sur son expérience des rencontres de groupe et ce que ces rencontres ont changé dans sa situation. Chaque thème a été ensuite repris pour voir dans quelle mesure l'aidant se souvenait de ce thème, ce qull'.en a retenu et si l'aidant pouvait associer à un thème précis des processus de changement ou des effets spécifiques. Dans le cas des participants qui abandonnaient en cours d'intervention, de brefs entretiens téléphoniques ont eu lieu afin de connaître leurs motifs d'abandon et leurs réactions aux rencontres auxquelles ils avaient participé.

Tous les entretiens réalisés ont été enregistrés. Compte tenu des ressources limitées de ce projet, seuls les premiers et deuxièmes entretiens des aidants ont été retranscrits. Comme la plupart des troisièmes entretiens n'apportaient pas grands éléments d'information supplémentaires, ceux-ci ont été écoutés et résumés. Seuls les entretiens où la situation des aidants avait beaucoup changé ont été retranscrits. Les entretiens des animateurs ont été résumés uniquement.

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Recrutement des sites et des sujets

Cinq sites ont été sélectionnés en fonction des caractéristiques de leur population et de l'existence d'interventions de groupe destinées aux proches aidants. Les cinq sites à l'étude, cinq CLSC de la région de Montréal dont un s'est associé à un centre communautaire pour dispenser l'intervention, rejoignent trois groupes ethniques et des clientèles d'origines sociales diverses. Les CLSC 1 et 3 rejoignent une clientèle majoritairement francophone et d'origine italienne de classe moyenne. Lss CLSC 4 et 5 rejoignent une clientèle francophone défavorisée. Enfin, le CLSC 2 rejoint principalement une clientèle anglophone aisée, majoritairement d'origine juive.

Nous avions comme objectif de recruter la moitié des participants aux groupes afin qu'ils soient interviewés par les membres de l'équipe. En absence de considérations théoriques sérieuses, nous n'avons pas défini de critères de sélection et avons opté pour une sélection au hasard des participants. Les animateurs ont informé les participants que l'intervention de groupe à laquelle ils se joignaient faisait l'objet d'une évaluation et leur ont demandé leur autorisation à transmettre leurs coordonnées aux chercheurs afin qu'ils les sollicitent pour participer. Seulement trois participants ont refusé que l'animateur qui les a contactés transmette leurs coordonnées. Seuls les participants qui se sont inscrits tardivement aux groupes n'ont pu être interviewés. Nous avons donc légèrement dépassé le nombre de sujets prévu (voir tableau 2).

Si 30 sujets ont participé au premier entretien, ils sont 23 au deuxième et 21 au troisième entretien. La principale raison de cette attrition est le désistement rapide de l'intervention. Il n'y a eu que trois refus, dont deux au troisième entretien. Les raisons de refus ont été les suivantes : un conflit avec le CLSC (1), les émotions trop vives ressenties lors des entretiens (1), le manque de temps (1).

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Tableau 2 Nombre de participants aux groupes et aux trois entretiens

prévus par l'étude selon le site

STATUT CLSC1 CLSC 2 CLSC 3 CLSC 4 CLSC 5 TOTAL

Nombre de participants 10 12 16 9 8 55

Entrevue pré 5 6 7 5 6 29

Entrevue post 1 4 4 6 5 3 22

Désistement des groupes 1 1 3 5

Refus post 1 . 1 1

Aidé décédé 1 1

Entrevue post 2 3 4 6 4 3 20

Refus post 2 , 1 1 2

Les caractéristiques des participants qui ont accepté de répondre aux entretiens sont, pour certaines, similaires à ce que l'on retrouve dans la plupart des études évaluatives concernant les aidants. On y trouve une grande majorité de femmes, principalement des conjointes et des filles, avec relativement peu de conjoints et conjointes très âgés (Cooke eta/., 2001). Aussi, la majorité des aidants cohabitent avec la personne dont ils prennent soin. Toutefois, les sujets se distinguent de ceux de l'ensemble des études sur deux plans. Dans plusieurs études, les aidants de personnes en institution sont exclus. De même, plusieurs études ciblent des aidants de personnes ayant des problèmes de santé ou des incapacités spécifiques tels que la maladie d'Alzheimer ou les démences. Dans le cas de cette étude, l'intervention ne vise pas à prévenir l'hébergement de la personne avec incapacités et ne donne aucune information spécifique sur un problème de santé quelconque. L'intervention vise plutôt à influer sur le mécanisme psychologique menant à l'épuisement. Nous trouvons donc parmi les sujets des aidants de personnes hébergées en milieu institutionnel et des aidants de personnes souffrant d'une grande variété de problèmes, dont des problèmes sensoriels et des problèmes de santé mentale (schizophrénie, maniaco-dépression, dépression majeure).

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Tableau 3 Caractéristiques des sujets ayant participé aux entretiens

Caractéristiques Nombre

Sexe : Femme 26

Homme 4

Âge -de 50 7

50-59 5

60-69 10

70-79 6

80 et + 2

Lieri1 Conjointe) de l'aidé(e) 18

Fille 10

Mère 2

Autre (petite-fille, nièœ) 2

Cohabitation1 Oui 22

Non 5

Hébergement 5

Problème de l'aidé2 Incapacités physiques 22

Sensoriel, aphasie 7

Pertes cognitives 10

Psychiatrique 4 Dépression majeure 2

Deux participantes prennent soin de deux personnes. Plusieurs personnes aidées ont plus d'un type d'incapacité.

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Analyse des données

Les entretiens des animateurs ont été écoutés et résumés. Les résumés de ces entretiens ont suivi la séquence des grilles d'entrevue plutôt que celui de leur déroulement afin de faciliter les comparaisons.

Les entretiens retranscrits des participants de même que les résumés des troisièmes entretiens ont été lus à quelques reprises. Cette lecture « flottante » visait à familiariser les chercheurs avec le matériel et à permettre la production d'un résumé pour l'ensemble des entretiens de chaque sujet. Les deux premiers entretiens et les résumés des troisièmes entretiens des participants ont été codés. Une double stratégie de codification a été utilisée pour ce qui est de l'analyse de la situation d'aide et de soins initiale et subséquente à l'intervention. Nous avons d'abord attribué aux différents extraits les grands concepts (catégories) de la théorie de la structuration de Giddens (par exemple : normes, significations, ressources/capital, etc.). Cette théorie et ses catégories ont été choisies car elles s'ajustaient bien à l'intervention (le manuel de l'intervention a pu être facilement codé avec ces catégories à la satisfaction du chercheur principal et des conceptrices de la méthode). Ensuite, une procédure plus inductive a été utilisée pour définir les sous-catégories des thèmes en question. Des codes descriptifs ont d'abord été attribués aux extraits de verbatim pour ensuite les fusionner en codes plus denses au plan conceptuel. Concernant les processus liés à la participation aux rencontres de groupe, la codification fut plutôt déduite de notre recension des écrits et de notre cadre conceptuel. Nous avons défini deux types de codes, un servant à coder le positionnement des sujets devant l'intervention (ralliement, opposition, etc.) et le type de processus selon qu'ils soient associés dans les écrits à une intervention éducative, de soutien, ou thérapeutique. Tous les entretiens ont été codés par deux chercheurs qui, en cas de désaccord, discutaient pour arriver à des consensus. En cas de désaccord persistant, un troisième membre de l'équipe était consulté. Le progiciel NUD-IST a été utilisé pour faciliter le travail d'analyse des entretiens en permettant de coder le matériel, de redéfinir les codes ou de les regrouper en catégories plus larges.

Pour ce qui est des journaux de bord (ou notes d'observation) des rencontres de groupe, les codes de processus développés pour les entretiens ont été utilisés pour leur analyse. Les journaux de bord furent également codés manuellement par deux chercheurs qui, en cas de

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désaccord, discutaient pour ,en arriver à des consensus. Si nécessaire, un troisième membre de

l'équipe était consulté.

Pour réaliser les analyses de comparaison entre les différents groupes, nous avons élaboré des matrices selon les modèles présentés par Huberman et Miles (1991). Une de ces matrices a permis de croiser les processus observés et les effets perçus. Cette matrice processus/effet est centrale à l'élaboration'de la théorie d'action du programme (Patton, 1990).

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Si tous lés groupés qui ont été observés ont un: aspect éducatif etun certain aspect de soutien mutuel, ce qui frappé est la grande vâriabilité daris le déroulement des rencontres de groupe, malgré la pression à se conformer à l'intervention développée par les conceptrices. En-fait, il est possible de situer les groupes sur un axe sur lequel se retrouvent les trois types de groupes; suivants : soutien - éduœtif - thérapeutique (figure 1).

Figure 1 Classification des groupes selon le type effectif d'intervention

1 i . . . . . . _ ' V, „ . , , • 1

Soutien - Éducatif Thérapeutique

2 4 3 / 1 5 < « — — — ^ — - — • - - • > • '

Les CLSC 1 et 3 suivent de très près la formule de groupe prévue par les conceptrices. Les

thèmes prévus, l'enseignement «théorique» de la part des animateurs/éducateurs et les

exercices utilisés sont menés tels que prescrits par les auteurs et occupent la majeure partie des

rencontres. Voici comment une participante du CLSC 1 décrit son expérience de l'intervention de

groupe à laquelle elle a participé :

...mais je suis allée chercher tes outils, on me les a donnés, selon moi ce que je pouvais que j'avais de besoin, pis ça a été très très bien exposé, bien expliqué, dônc j'ai compris, j'ai mis ça en pratique, ça a donné du résultat /.../ Je pensé que lesjèux dé rôles'ont été ,ben importants. Celui que je retiens le plus, yqui a -comme été la concrétisation de ce qu'on a appris, c'est quand on a joué lé jeu dé rôles d'aidant, d'aidé. .•--'>

Lors de , la - première rencontre, les animateurs/éducateurs de ces deux CLSC présentent

clairement la formule des rëncontres aux participants et, s'ils ouvrent les premières.rençontres

aux échanges en permettant aux participants de parler de leur situation et de ce qui s'est passé

lors de ta semaine précédente, ils limitent rapidement le temps attribué à ces échanges entre

pairs, généralement monopolisés par quelques participants qui ventilent leurs émotions. Par

ailleurs, les participants de ces deux groupes font généralement les exercices prévus avec

concèntration, né se permettant qu'à quelques reprises, un peu plus souvent au CLSC 3 que.l,

de profiter de l'occasion pour reprendre les échanges et les confidences.

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Si les CLSC 1 et 3 sont les plus fidèles à la formule de groupe proposée, le CLSC 2 est celui qui s'en éloigne le plus. Malgré un certain inconfort des animateurs compte tenu du caractère expérimental de la recherche, ceux-ci ne conservent de la formule que les dix thèmes et leur séquence. Ils retiennent également quelques exercices, principalement les remue-méninges {brain storming) et un jeu de rôle. La majeure partie du temps est consacrée à la discussion en groupe des thèmes proposés. Les participants du groupe digressent fréquemment des thèmes pour parier de leur situation et ventiler, pour s'échanger des informations et des façons de faire, se soutenir mutuellement. Voici d'ailleurs comment une participante décrit son expérience du groupe :

The people - the people and their different stories. When you share these - It was good - it was good because it gave me - how do you say that - a look into different situations. You know, and then you try to adapt yours - you know.

Pour cette participante, la comparaison sociale (voir d'autres situations, comparer la sienne à celle d'autres personnes) occupe une place importante dans sa description de l'intervention.

Le groupe du CLSC 4 se situe en quelque sorte entre les deux situations précédentes. Les animateurs désirent expérimenter la formule telle que développée par les conceptrices. Ainsi, le contenu éducatif est donné et la plupart des exercices prévus sont faits. Là aussi, les animateurs présentent les objectifs et le fonctionnement du groupe dès la première rencontre. Toutefois, ils veulent donner un peu de place aux échanges entre les participants. Les rencontres s'ouvrent donc généralement par une brève période où les participants peuvent parler de ce qui s'est passé au cours de la semaine précédant la rencontre. Cette période est toutefois souvent plus longue que ce que les animateurs souhaitent et ils doivent souvent rappeler les participants à l'ordre. Lors des rencontres, particulièrement celle portant sur la motivation et celle portant sur la famille, des participants prennent beaucoup de place et ventilent leurs émotions et leurs frustrations. Aussi, à plusieurs reprises, quelques participants profitent des exercices pour échanger entre eux et parler de ce qu'ils vivent dans leur situation d'aide et de soins. La situation intermédiaire de ce groupe est bien reflétée par les deux témoignages ci-dessous provenant de deux participantes de ce groupe :

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...avec les cours là ça me faisait changer d'opinions, c'est-à-dire que j'avais pas le temps de m'arrêter à penser.

Et pis j'ai trouvé comme je disais dans les derniers jours beaucoup de compréhension, de chaleur. J'avais trouvé aussi des amis parce que je partageais mes..... mes... mais on me donnait des conseils aussi.

Enfin, le dernier groupe, celui du CLSC 5, est apparu être le plus difficile à classifier. Le contenu éducatif est donné et les exercices prévus sont faits tels que la formule le prévoyait. Seuls quelques exercices sont abandonnés (ce qui est autorisé et prévu dans la méthode) parce que les animateurs les trouvent trop complexes pour les participants. Les exercices sont généralement faits avec sérieux et concentration par les participants même si certains sont faits avec humour. Toutefois, une large place est accordée à la verbalisation lors des rencontres, particulièrement au début. Ceci est rendu possible par le faible nombre de participants, d'autant plus que deux d'entre eux ne parient presque pas. Ce qui distingue toutefois la verbalisation de ce groupe par rapport aux autres, outre le temps important qui lui est consacré, est qu'elle est orientée vers les animateurs bien plus que vers les pairs. À plusieurs reprises, c'est un dialogue entre un ou les deux animateurs et un participant qui s'engage. Celui-ci porte généralement sur le thème de la rencontre. En fait, la composante « groupe » est très faible dans ce site. On semble ainsi se retrouver devant un enseignement quasi-personnalisé ponctué de quelques épisodes se rapprochant de la thérapie, alors que les animateurs utilisent certaines techniques telles que l'effet de miroir ou l'interprétation du discours des participants. Cela dit, aucun participant de ce « groupe » ne présente celui-ci comme une thérapie. Cet aspect n'est dominant pour aucun d'entre eux.

Quelques facteurs influençant le déroulement des groupes

Il y a donc une certaine hétérogénéité dans le déroulement des rencontres des cinq groupes que nous avons suivis. Cette hétérogénéité de même que les « distorsions » de la formule de départ tiennent, selon nous, de quatre facteurs principaux.

Le positionnement des animateurs

Lors des entretiens faits avant l'intervention, les animateurs manifestent une convergence certaine avec l'analyse que font les conceptrices de l'épuisement des proches aidants. Comme elles, les animateurs notent que les aidants sont épuisés, que plusieurs vivent de la culpabilité et

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qulls sont écrasés par la responsabilité d'autant plus qu'ils sont réticents à demander de l'aide tant à la famille qu'aux services publics et communautaires. Ils notent qu'il y a donc une forte composante psychologique dans l'épuisement des aidants. La plupart des animateurs trouvent la formule de groupe fort pertinente en ce sens qu'elle permettra aux aidants de mieux se connaître, de faire une réflexion profonde sur leurs motivations, leur façon d'être aidant La plupart des animateurs nous déclarent vouloir appliquer l'intervention telle que conçue, avec quelques petites modifications, car ils ont quelques réserves quant à celle-ci.

Une première réserve vient de quelques animateurs travailleurs sociaux de formation. Ceux-ci considèrent que la formule ignore les facteurs structurels de l'épuisement des aidants. Selon eux, au-delà de la seule réticence des aidants, ce sont les services publics et communautaires nettement insuffisants qui expliquent le foible recours à ceux-ci. Ils craignent que les participants, qui feront des demandes de services à la suite de leur participation, ne soient déçus. Il en est de même pour les familles, qui ne sont pas toutes disponibles ou capables de s'engager dans l'aide et les soins. Cette réserve n'empêche toutefois pas ces animateurs d'aller de l'avant et n'a pas de véritable influence sur le déroulement des rencontres.

La seconde réserve, elle, a un effet sur celles-ci. À peu près unanimement, les animateurs déplorent le manque d'espace pour les échanges entre pairs et la verbalisation. Pour eux, la grande majorité des aidants ont un fort besoin de ventiler et d'échanger et il faut y aménager un temps dans les rencontres. Il faut souligner que tous les animateurs sauf deux ont une expérience d'animation de groupe de soutien qui mise sur les échanges, la verbalisation et le soutien mutuel. C'est ainsi que tous les animateurs décident de débuter les rencontres par une période d'échange entre participants, ce qui n'était pas prévu au départ.

Deux groupes d'animateurs se distinguent des autres. D'abord, les animateurs du CLSC 2, tout en étant en accord avec l'analyse de l'épuisement des aidants faite par les conceptrices, considèrent que la formule telle qu'elle est conçue est difficilement applicable à la clientèle d'aidants du CLSC. Pour des raisons d'histoire et de culture, les aidants refuseront, selon ces animateurs, de faire plusieurs exercices et d'évoluer dans une formule aussi structurée. Ces animateurs décident donc de conserver les thèmes et le contenu « théorique » de la méthode, quelques exercices, mais de miser davantage sur les discussions de groupe autour des thèmes

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prévus. Tout au long des rencontres, ces animateurs interviendront peu lors de ces discussions, si ce n'est pour ramener les participants sur le sujet s'ils s'en éloignent trop. Ensuite, les deux animateurs du CISC 5 voient la méthode comme se rapprochant de la thérapie.- Lors du premier entretien, ils nous soulignent qu'ils voient leur rôle non seulement comme celui d'un animateur, mais également d'un enseignant et presque d'un thérapeute. Ils sont un peu inquiets face à ce rôle. C'est sans surprise que l'on retrouve dans ce groupe le plus d'interventions de la part des animateurs qui puissent ressembler à des interventions thérapeutiques. Ce type d'intervention de la part des animateurs se trouvera renforcé par le faible nombre de participants à ce « groupe » qui échangeront alors davantage avec les animateurs qu'avec leurs pairs.

La taille des groupes

On ne peut qu'être frappé par la correspondance entre la taille des groupes et leur déroulement. Les groupes 1 et 3 sont les plus proches de la formule prévue de groupe, le caractère éducatif de l'intervention est très net. Pourtant, ces animateurs laissent initialement une place aux échanges. Toutefois, comme ces deux groupes ont généralement de 8 à 12 participants à chaque rencontre et souvent plus de 10 (voir tableau 4), les animateurs limitent rapidement ce temps d'échange car il menace la réalisation des exercices. Cette pression est nettement moins forte dans les groupes des CLSC 2 et 4 (6 à 8 participants - voir tableau 4), ce qui permet aux animateurs de ce deuxième CLSC de réaliser tout de même les activités éducatives prévues. Enfin, tel qu'indiqué précédemment, le faible nombre de participants aux rencontres du groupe du CLSC 5 (3 à 4) concourt à expliquer la place qu'occupe les interactions individualisées entre les animateurs et les participants.

La situation et les attentes des participants

Comme nous l'avons indiqué précédemment, les animateurs du CLSC 2 modifient le déroulement des rencontres en fonction des réactions anticipées des participants à la formule d'animation proposée par les conceptrices. Pour nous, il est difficile de juger si ces réactions auraient pu modifier le cours du déroulement des rencontres puisque les animateurs les anticipent. Le cas du groupe du CLSC 4 est intéressant à cet égard.

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Dans ce groupe, les animateurs prévoient suivre de près la formule d'animation prévue tout en ménageant de l'espace pour les échanges. Toutefois, les participants obligent en quelque sorte les animateurs à laisser plus de place que prévu à ces échanges. Les pauses au milieu des rencontres s'étirent et les exercices sont souvent l'occasion de verbaliser, de se donner des conseils pratiques, de ventiler, etc. Cette situation s'explique en partie par les attentes de quelques participantes qui, à l'instar de celle qui explique ses attentes ci-dessous, ont déjà participé à des groupes de soutien ou d'entraide :

Qu'une autre personne peut penser pis qu'on peut faire pour rendre les choses plus... plus faciles. /.../ On peut rien que prendre du... (rire), je dis on peut rien que... moi là je me dis qu'on peut rien là là prendre du... faire du mieux parce que je sais que là là, à un moment donné comme ça tu sais que t'es pas toute seule, parce que des fois tu te penses toute seule (rire), là tu sais que t'es pas toute seule ça fait que ça donne un... un gros là aussi. Cest... c'est... On le sait qu'on est pas toute seule, pis souvent quand un parie ou l'autre mais des fois tu te dis ah ben mon Dieu je peux essayer ça moi aussi; Parce que je sais qu'on... tu peux pas ten sortir avec rien parce qu'ils disent H tarrive toujours quelque chose pour que tu apprennes, ça fait que tu peux pas ten sortir parce que même dans une petite chose qu'une autre personne peut te dire, ben tu peux te dire ah ben moi aussi je peux essayer ça. Ça fait qu'on va toujours s'en sortir avec un plus pour aider, ça je le sais.

Les participants de ce groupe vivent pour plusieurs des situations fort complexes comme nous l'avons déjà souligné. Plusieurs d'entre eux ont un besoin important de ventiler et se donnent l'espace nécessaire pour le faire. Le thème sur la famille est particulièrement éloquent sur ce point alors que les animateurs doivent se résigner à laisser les participants ventiler leurs frustrations. Dans ce cas, le poids des participants est majeur dans le glissement vers des rencontres qui font une large place aux processus de soutien.

Les complexités de l'intervention

Enfin, dernier facteur, certains exercices semblent complexes pour les participants. Souvent ces exercices ne peuvent être réalisés par les participants. Un exercice, par exemple, demande aux participants de faire la part entre leurs objectifs liés à l'aide et aux soins et leurs valeurs, qui peuvent entrer en conflit avec ces objectifs. Devant la complexité de l'exercice, les participants profitent de l'occasion pour ventiler ou pour échanger entre eux dans trois des quatre groupes

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qui font l'exercice. Ce demier facteur nous apparaît moins important et plus circonstanciel que

les précédents.

Quelques difficultés, quelques oppositions

Certains thèmes qui introduisent des concepts passablement abstraits soulèvent des difficultés tant chez les participants que les animateurs, particulièrement lors des premières rencontres. Certains animateurs éprouvent des difficultés à expliquer clairement la différence entre les motifs et les valeurs lors du premier thème qui porte sur la motivation. Un animateur, qui tente lors du même thème de démontrer qull n'y a pas de bons et de mauvais motifs et que ce qui compte est la qualité du soutien offert, finit par présenter une motivation (la vengeance) qui peut difficilement se concilier avec un soutien adéquat au parent. Même lorsque les animateurs réussissent à bien présenter certains de ces concepts, les participants ne les saisissent pas toujours. Ainsi, lors du deuxième thème, on propose aux participants de remplacer la « culpabilité », force négative, par la « responsabilité ». À ta fin de la rencontre, un participant s'exclame : « Je ne me sens pas coupable, car je ne suis pas responsable (de la maladie de son proche) », manifestant ainsi son incompréhension de l'enseignement. Le thème de la motivation laisse fort peu d'impression sur les participants interviewés après les rencontres. Très peu d'entre eux se rappellent du thème ou se rappellent ne pas y avoir compris grand chose. Pourtant, ce thème est fondamental pour les conceptrices, car c'est souvent dans le conflit entre les motivations à aider et les valeurs que la culpabilité prend naissance. Le thème de la culpabilité, qui présente quelques difficultés similaires, est toutefois marquant pour un grand nombre de participants. Aussi, d'autres concepts présentés par l'intervention sont spontanément compris par l'ensemble des participants et font image pour eux : la santé comme énergie (thème 5), les rôles familiaux (thème 7), le choix du cadre et le choix dans le cadre (thème 4). Les exercices associés à ces thèmes sont faits avec facilité et semblent bien compris par la grande majorité des participants. Donc, si certains enseignements semblent complexes et peu assimilés par les participants, la majeure partie d'entre eux ne semblent pas poser de problèmes lors des rencontres. Enfin, sur ce point, il faut souligner que les difficultés sont plus importantes dans les CLSC 4 et 5, soit ceux qui desservent les populations les moins favorisées sur le plan socioéconomique. Les animateurs de ces deux CLSC en particulier insistent dans leurs entretiens réalisés après l'intervention sur l'importance de vulgariser quelque peu les enseignements et les exercices des premières rencontres.

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Outre les difficultés que présentent certains enseignements, d'autres soulèvent scepticisme ou opposition de la part de certains participants. Ainsi, dans le groupe du CLSC 3, quelques participants qui ont vécu des expériences malheureuses avec les services à domicile en font part dans la rencontre lorsque ce thème (le 8e) est abordé. Ceci produit l'effet contraire de celui souhaité par l'intervention, soit d'encourager les participants à recourir à ces services. C'est ainsi qu'une participante de ce groupe nous dira dans son entretien qui suit la fin des rencontres qu'elle y a appris qu'elle ne doit pas. se fier sur les services publics pour avoir du soutien. Toutefois, l'enseignement qui semble soulever le plus grand scepticisme est celui de la mobilisation de ta famille. Plusieurs participants dans tous les groupes expriment une vive résistance à cette idée. Ceux du CLSC 2 font rapidement observer que leur famille n'est pas en mesure de les soutenir. Sept des huit participants présents à la rencontre sur ce thème dans le groupe du CLSC 3 indiquent quelque part que les demandes ont déjà été faites et quits n'ont pas eu les réponses espérées. Nous retrouvons un patron similaire dans les trois autres groupes. Enfin, certains participants refusent carrément l'idée de demander de l'aide à la famille, tel ce participant du groupe du CLSC 4 qui déclare vers la fin de la rencontre: «Mes enfants m'appellent au moins une fois par semaine. Ils se préoccupent de moi et de leur mère. Je n'en demande et je n'en veux pas plus!». Ces oppositions à certains enseignements risquent évidemment d'influer sur les effets de l'intervention et illustrent probablement l'incapacité des rencontres de groupe de modifier certaines problématiques vécues par les aidants.

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L'expérience de (Intervention : les processus individuels

Nous venons de voir que des adaptations ou certains glissements se produisent lors de l'implantation des groupes et que ceux-ci connaissent des déroulements quelque peu différents de ce qui était prévu par les conceptrices, certains se rapprochant, entre autres, d'une formule de groupe de soutien. Toutefois, dans leur étude, Lavoie et ai. (à paraître) notent une grande variabilité dans les processus déclenchés chez les participants par les rencontres de groupe psychoéducatif, malgré que l'intervention ait été très contrôlée, car elle s'inscrivait dans un processus d'expérimentation strict. Ainsi, alors que plusieurs participants énumèrent les apprentissages faits au cours des rencontres, d'autres décrivent leur expérience de ces rencontres de groupe comme s'ils avaient participé à des rencontres de groupe de soutien. Dans leur description des rencontres et des aspects qu'ils ont appréciés ou jugés utiles, l'accent est mis surtout sur le soutien mutuel, les comparaisons sociales, les échanges d'informations et de façons de faire entre participants, la normalisation de certains sentiments tels que la colère ou la frustration. Selon ces chercheurs, l'approche éducative active adoptée dans ces groupes était de nature à favoriser tant les apprentissages que le soutien entre pairs. Nous pouvons faire la même constatation dans le cas des cinq groupes observés ici : les participants rapportent à la fois des apprentissages (processus éducatifs) et des processus de soutien de la part des pairs. Ce résultat est d'autant moins surprenant que la formule des groupes varie dans cette étude. Nous présentons ici les principaux processus que rapportent les sujets ayant participé aux entretiens.

Les principaux apprentissages

Les apprentissages faits par les sujets peuvent provenir tant des échanges avec les pairs que des présentations des animateurs et des exercices. Le format pédagogique utilisé permet cette double origine des apprentissages. Toutefois, il semble que les présentations jouent un rôle central dans les apprentissages. Certains participants relèvent clairement ce rôle des exposés :

Oui, c'est pius /es exposés pis qu'est-ce que... qu'est-ce que (ies animateurs) nous disaient qui... t'sais qui me faisait pius comprendre.

D'autres, sans l'indiquer clairement, reprennent dans leur discours les mêmes termes et les mêmes images utilisés dans les exposés ou les exercices faits. Si la formule aborde dix thèmes

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avec des objectifs spécifiques, il semble que trois de ces thèmes ont une résonance particulière pour les participants que nous avons interviewés. Si ces thèmes sont présentés séparément, il faut toutefois rappeler que ceux-ci sont interreliés. Ainsi, un apprentissage identifié comme important par un participant peut induire d'autres apprentissages, mais qui sont moins marquants pour lui.

La protection des énergies

L'idée que l'on dispose d'une réserve d'énergie qui peut s'épuiser et qu'il faille s'assurer de la

protéger et de la régénérer est probablement la première « leçon » retenue par le quart des

participants :

Oui, après ies premières rencontres là fsais je me demandais que c'est que je vas aller faire aux rencontres t'sais. Pis après ça, quand il a commencé à parler de motivation pis après ça de parier de... une semaine il a parié qu'il voulait charger notre petite batterie, que les malades nous en prenaient beaucoup d'énergie pis fsais. Et pis après ça, ben il y avait la... le petit ruisseau qu'on a passé. Tsais ça... tranquillement c'est venu. /.../ Non, t'sais quand il dit... il pariait et pis tu y pensais rendue à la maison et pis réellement qu'est-ce qu'il t'avait dit tsais ça avait du bon sens.

Ces participants parlent de l'importance de se réserver des moments à soi, de maintenir ou

d'entreprendre des activités gratifiantes.

Les droits, besoins et caprices

Découvrir que l'on a des besoins et des droits, que l'on a le droit de voir à ses besoins et de les

satisfaire est une découverte d'importance pour un participant sur cinq :

Well, the exercise in those meetings that you have to make decisions and you know - and so one - and that you have got rights. So, I am sure that before the sessions at the CLSCI would not have done what I did by bringing her down to cool her off. They showed me, not in words, but in some ways they showed me that there are ways to be able to manage and I guess I applied them.

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On se rend compte alors que l'on s'en demande trop et que l'on s'oublie souvent :

Ben c'est comme... c'est justement c'est comme là, c'est de... c'est surtout comme d'essayer de prendre soin de nous autres parce que des fols peut-être qu'on... qu'on s'oublie nous autres ou des fois qu'on est sévère avec nous autres.

La discussion sur la distinction entre les besoins et les caprices est marquante pour une

participante qui nous dit qu'elle se questionne sur les demandes incessantes de sa mère afin d'y

voir quelle part de caprice il peut y avoir.

Responsabilité plutôt que culpabilité

La majorité des participants vivent à des degrés divers de la culpabilité, pour certains cela

constitue un enjeu majeur. La plupart d'entre eux abordent ce thème lors des entretiens et se

rappellent qull en avait été question lors des rencontres. Toutefois, l'idée de remplacer la

culpabilité par la notion de responsabilité de soi, d'abord, et de l'autre ensuite, pour certaines

choses, est vraiment retenue par trois des trente participants interviewés :

Q Pouvez-vous m'en nommer des choses que vous avez découvertes et apprises?

R. Ah la culpabilité. Ah Seigneur celle-là là je l'ai trouvée ben super. Q. La rencontre où on parlait surtout de la culpabilité? R. Ah oui, ça là, ça m'a frappée,. Pis vous savez, comme elle disait là, qu'on

était responsable de soi-même, ça c'est une chose que je m étais jamais arrêtée fsais.

Le choix et les changements

La notion qull existe des choix pour les aidants et que ces choix peuvent mener à des

changements est rapportée par quatre participants. L'un d'entre eux, qui était plutôt passif face

à sa situation est particulièrement marqué par cette découverte. Il retient de plus l'idée que les

changements doivent être progressifs, qull est parfois utile de négocier des petits changements

avant d'en négocier des plus importants :

...il y a eu question des changements pis je pense que c'était plus., je voulais voir, je m'attendais à ça que ce soit pas toujours... enfin pas un party ça...

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Oui, on peut faire des choix, mais c'est toujours au compte- gouttes pis à pas de tortue. Pas plus vite que ça. Parce que la personne qui va se projeter dans des changements radicaux là rapidement va... va s'enfarger elle.

D'autres apprentissages sont faits en cours d'intervention. Certaines idées, comme la

négociation avec le proche qui a des incapacités, sont abordées lors des entretiens qui se

déroulent après l'intervention. Toutefois, ces sujets ne les identifient pas spécifiquement comme

des apprentissages qu'ils ont faits. Pourtant, certains d'entre eux négocient certains

aménagements avec leur proche ou tentent de s'affirmer face à lui (voir la section sur les

effets). Il faut donc penser que certains apprentissages faits ne sont pas clairement identifiés

par les participants. Ceux-ci demeurent implicites.

Les principaux processus de soutien

Les études réalisées sur les groupes d'entraide et de soutien, surtout, ont permis d'identifier un

ensemble de processus de changements enclenchés par ces groupes. Parmi ceux-ci, on compte

la ventilation, la normalisation des émotions, la sécurisation face à l'inconnu, l'entraide, la

comparaison sociale, le « modeling », etc. (Gottlieb, 1998). Ces processus ne sont pas tous

spécifiques aux groupes de soutien. Ainsi, la ventilation, ou la catharsis, est également associée

aux groupes thérapeutiques. La normalisation des émotions peut aussi provenir de groupes

éducatifs. Rappelons que les types de groupe forment davantage un continuum que des

ensembles discrets. Cela dit, dans cette étude, les participants qui rapportent avoir vécu ou

bénéficié de tels processus sont plus nombreux que ceux qui indiquent avoir fait des

apprentissages explicites. Parmi les processus généralement associés au soutien, les

comparaisons sociales, le soutien mutuel et la ventilation (également associée à des processus

thérapeutiques) nous apparaissent particulièrement prévalents.

Les comparaisons sociales

La comparaison sociale consiste en une comparaison de sa situation à celle d'autres personnes

qui vivent des situations similaires. Cette comparaison permet de relativiser sa situation, de

mieux comprendre la sienne en fournissant une base de comparaison et d'autre part, de

procurer un certain soulagement en voyant des personnes dans une situation pire que la sienne.

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Plus du tiers des participants nous rapportent qu'ils ont apprécié ou trouvé utiles ces

comparaisons :

Oui. Oui. Oui, ben oui parce que seulement sortir pis m'en aller là ça changeait déjà. Je rencontrais d'autres gens et pis des gens qui étaient dans la même situation que moi, même peut-être pire, pis j'ai vu que j'étais pas la seule dans

Ce processus peut s'accompagner parfois de prises de conscience douloureuses comme dans le

cas de cette participante :

...dans un premier temps les changements c'est d'avoir pris conscience premièrement que j'étais pas seule dans la si... dans fa situation où j'étais: Là, où ça m'a encore plus conscientisée c'est de voir que j'étais la plus jeune du groupe alors que l'âge moyen était à peu près de 50 ans et plus. Ce qui fait que ça m'a comme plus remise en. question en disant ten qu'est-ce que j'ai fait de ma vie de m'avoir occupé d'une personne âgée, pis qu'est-ce qui me reste à faire. C'est comme si j'aurais... c'est comme si j'aurais pris connaissance que j'avais perdu beaucoup d'années de ma vie, pis que là il était pas trop tard pour que je me reprenne en main, même si j'avais perdu du temps, ça H fallait que je mette une croix dessus, là je pouvais pas revenir en arrière. /.../ Mais je pouvais faire quelque chose à partir du moment où je le savais, pour dire bon ben à partir d'aujourd'hui qu'est-ce que je fais pour que moi je sois mieux, pour pas non plus continuer dans le même... dans le même engrenage là, d'être trop dépendante affective aussi avec ma mère et tout ça.

Toutefois, malgré le caractère pénible de cette prise de conscience, celle-ci est présentée par

cette participante comme un élément central de sa volonté de faire des changements dans sa

situation.

Le soutien mutuel

Un nombre équivalent de sujets disent avoir grandement apprécié les échanges entre pairs. Ils

peuvent se confier sans se sentir jugés, mais bien appuyés ou encouragés par les autres

participants :

On pouvait librement dire ce qu'on sentait, ce qu'on vivait pis c'était ça, c'était pris pour ce que c'était, il y avait pas de... ça, ça m'a frappé parce que des fois dans des groupes à un moment donné ten vois de toutes les sortes, toutes les couleurs là. Pis j'ai trouvé que les gens se respectaient beaucoup. Pis les animatrices aussi là, je veux dire Us prenaient le temps d'écouter.

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Ce soutien mutuel peut porter sur des échanges de conseils et de façons de faire entre les

participants. Plusieurs participants reçoivent des suggestions de pairs sur des services qui

pourraient leur être utiles, sur des façons de transiger avec le parent handicapé ou avec un

membre de la famille. Rappelons cet extrait d'entretien d'une participante :

Et pis j'ai trouvé comme je disais dans les derniers jours beaucoup de compréhension, de chaleur. J'avais trouvé aussi des amis parce que je partageais mes..... mes... mais on me donnait des conseils aussi.

Ce soutien est offert gratuitement dans un climat d'intimité, de complicité et d'affection. On y

trouve donc des amis, on se sent comme dans son dub :

Well, I tell you to me it was like a dub: Going to meetings with others in the same position that I am in. It was enjoyable being with them, talking with them. Thats the way I looked at it.

Entre le soutien et le thérapeutique

L'intervention de groupe à l'étude n'a jamais été prévue comme étant thérapeutique et, même

dans leurs ajustements, les animateurs ne prévoyaient pas en faire des groupes thérapeutiques,

même si pour deux d'entre eux, l'intervention semblait avoir en partie cet aspect. Ceci

n'empêche pas certains, participants de voir l'intervention comme une thérapie, de présenter les

animateurs comme des thérapeutes, ou de faire des parallèles entre l'intervention et une

thérapie :

It's like a psychiatrist, you sit down and you tell him your problems and he always says, 'What do you think about this?" and "What do you think about that?" and you are there to solve your own problems. And that's basically what - they try to show you the way. If you are able to understand what they are trying to do along with these sessions - that's what they were trying to do. They cant put the words into your mouth. Thats what I felt. Because nowhere along the line did they say, "Well, for this you do this and for that you do that". There were no answers to what to do. You had to find the answer yourself. And they tried to leave you towards it. Its very cleverly done.

Ce parallèle est fait par un participant du groupe du CLSC 2. La formule utilisée dans ce CLSC -

la discussion de groupe - et le style d'animation effacé des animateurs facilitent probablement

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ce parallèle. Toutefois, cette perception de (Intervention comme étant proche de la thérapie

n'est pas unique à ce groupe, au contraire. Cette perception vient probablement de la place

qu'occupe la ventilation dans certains groupes ou pour certains participants.

La ventilation

La ventilation permet de réduire la pression psychologique ressentie par les participants en leur

donnant l'occasion de verbaliser certaines émotions ou frustrations. Environ le quart des

participants disent avoir profité de la possibilité de parler de leur situation et du soulagement

quits en ont ressenti :

Mais j'ai aimé beaucoup te... i'ambiance parce que on nous laissait s'exprimer pis ça nous a fait... fsais ça m'a bien aidée. Je pensais pas de m'ouvrir à ce point là, fsais je veux dire de parier comme ça, Ça fait donc du bien de pouvoir parier avec quelqu'un de neutre là, qui va pas... qui va pas dire : « Place-là ta grand-mère ! Qu'est-ce que t'es après faire là? » là fsais. Mais... mais pouvoir parier avec quelqu'un de neutre, en tout cas moi ça me faisait du bien je veux dire.

Toutefois, l'ensemble des participants sont plutôt discrets sur ce processus lors des entretiens,

bien plus que ce que les observations faites lors des rencontres nous permettaient de constater.

Il faut dire qu'une trop grande ventilation peut être mal jugée comme en fait foi cet extrait

d'entretien. Tout en reconnaissant qu'elle a peut-être trop verbalisé, cette participante

s'empresse de noter que d'autres participants l'ont fait :

..j'ai pris conscience que je... j'en prenais trop de place. Tsais j'avais comme l'impression d'empêcher les autres. /.../ on consentait, sans que ce soit une contrainte, que la personne prenne toute la place cette joumée-ià parce qu'elle en avait besoin t'sais. Ça fait que c'est la solidarité.

Quelques cas « d'inertie »

Au-delà de ces processus rapportés par la grande majorité des participants, quelques-uns

d'entre eux, cinq au total, sont incapables de nommer un apprentissage ou une forme de

soutien de la part des pairs dont ils auraient profité. Pour ces cinq participants, provenant des

groupes des CLSC 1, 2 et 3, nous parlons d'inertie face à l'intervention : ils ne s'y opposent pas

ni y participent réellement. Ces participants (sic) sont généralement présents lors des rencontres

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mais ne participent que très peu aux exercices, ils sont généralement distraits lors des

présentations et n'échangent que peu avec leurs pairs. Lors de leur entretien après

l'intervention, ces membres déclarent n'avoir rien retenu des rencontres. Elles semblent leur

servir de justification pour sortir de la maison et s'accorder ainsi une certaine forme de répit,

comme si venir au cours légitimait, à leurs yeux, à ceux de leur proche ou de leur famille, cette

« évasion » de leur prestation d'aide et de soins.

Les processus dominants : entre les apprentissages et le soutien

Après l'analyse des principaux processus rapportés lors des entretiens, nous avons mené un

exercice de classification des participants selon les processus (éducatif, soutien, thérapeutique)

qui caractérisaient le plus leur participation. L'ensemble des participants, et non pas les seuls

sujets ayant participé aux entretiens, ont été classifiés. Nous avons examiné les notes

d'observation des rencontres, des discussions informelles entre les membres de l'équipe et

certains participants et, pour les sujets de l'étude, les transcriptions et résumés des entretiens

réalisés après l'intervention. Pour ce qui est des notes d'observation, nous avons considéré

essentiellement la participation active ou non aux différents exercices, la concentration sur les

exercices demandés (remue-méninges, visualisation, jeux de rôle, etc.), les manifestations

d'inattention ou de désintérêt lors des exposés des animateurs, la quantité et la longueur des

échanges avec les pairs. Pour les participants à l'étude, notre attention a porté également sur

leur description de l'expérience de l'intervention, ce qu'ils ont apprécié et jugé utile de même

que ce qu'ils ont retenu. Dans ces cas, l'interprétation faite des notes d'observation et l'analyse

des entretiens concordaient dans la grande majorité des cas, ce qui soutient la validité de la

classification des participants non interviewés. Cette classification ne reposait sur aucun calcul

ou indice mathématique, mais plutôt sur le jugement d'au moins deux membres de l'équipe de

recherche. L'accord inter juges fut excellent, seuls quelques cas ont requis un troisième avis. Les

résultats de cet exercice apparaissent à la figure 2.

Comme l'indique cette figure, la grande majorité des participants laissent entrevoir lors des

rencontres ou rapportent lors des entretiens tant des apprentissages que des processus de

soutien entre pairs. La grande majorité des participants se situe entre les pôles « soutien » et

« éducatif ». Certains se trouvent plus près du pôle du soutien entre pairs, d'autres plus près du

pôle éducatif, mais très peu, quatre participants, se situent exactement sur ces pôles. Deux

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participants du groupe du CLSC 5 penchent, à l'instar de ce groupe, vers le pôle thérapeutique.

Cette variabilité des processus individuels tient, selon nous, à la fois de la formule pédagogique

active, qui mise sur les exercices de groupe, et des glissements vers des formules de groupe qui

laissent plus de place au soutien entre pairs. On peut noter à cet effet que le déroulement des

rencontres de groupe se répercute sur les processus individuels perçus ou rapportés, mais il

demeure également une certaine « indépendance » entre les deux. Par exemple, même si les

groupes des CLSC 1 et 3 sont très proches de la formule psychoéducative préconisée, quelques

participants semblent y avoir vu surtout un groupe de soutien. Une participante du groupe du

CLSC 1 quant à elle voit dans les animateurs des thérapeutes et parle de thérapie pour ce qui

est des rencontres de groupe.

Figure 2 Positionnement des participants et des groupes

en termes de processus dominants

Soutien Éducatif Thérapeutique

CLSC 1 : 1 4 1 X 2 1

CLSC 2 : 2 X 3 2

CLSC 3 : 2 . 5 3 X 2

CLSC 4 : 2 2 X 2 1

CLSC 5 : 2 X 2

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Si nous récapitulons, parmi l'ensemble des participants, 12 expérimenteraient surtout des

processus de soutien; 5 retiendraient surtout l'aspect éducatif des groupes; 19 verraient dans

les rencontres un mélange d'éducation et de soutien alors que 3 ajouteraient à l'aspect éducatif

dominant une composante thérapeutique. Enfin, 5 « participants » manifesteraient plutôt de

l'inertie face à l'intervention. Chez les sujets ayant, participé aux entretiens, la distribution est

similaire. Donc, l'intervention psychoéducative évaluée ici ne mène pas uniquement à des

apprentissages chez les participants. Plusieurs d'entre eux bénéficient également du soutien

entre pairs lors des rencontres, même que certains d'entre eux retiennent surtout cet aspect des

rencontres. On ne peut donc présupposer des processus de changement qu'expérimentent les

participants à partir des seuls processus prévus par les concepteurs d'une intervention. Les

participants disposent d'une marge de manœuvre certaine dans « l'interprétation » de

l'intervention à laquelle ils participent. Voyons maintenant quels sont les effets que les

participants rapportent à la suite de cette participation et à la suite des processus qui semblent

marquer le plus cette participation.

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Les effets perçus par les participants et la théorie de

l'action de l'intervention

Pour l'étude des effets, nous n'avons pas eu recours à des mesures standardisées d'effets anticipés tels le fardeau ou la dépression, mais plutôt à la perception des sujets de ce que (Intervention a permis de changer dans leur situation. Dans cette étude, pour ce qui est de l'analyse des effets, nous avons donc mis l'accent sur les changements effectifs survenus dans la structuration de l'aide et des soins (organisation des pratiques d'aide et de soins; valeurs, normes, significations et ressources sous-tendant cette organisation) bien plus que sur l'état psychologique des sujets (fardeau, stress, détresse psychologique) qui devrait découler des précédents changements. L'accent a donc été mis sur les changements ou les effets immédiats de l'intervention sur la situation des aidants. Notre approche était également inductive, ce qui permettait d'orienter le questionnement vers les principaux problèmes décrits par les sujets lors des entretiens qui se sont déroulés avant le début des rencontres thématiques. Ces entretiens ont également permis de vérifier, en quelque sorte, l'attribution par les sujets de certains effets à [Intervention. En effet, certains changements attribués aux rencontres pouvaient avoir été amorcés avant leur participation aux rencontres de groupe. Celles-ci auraient plutôt permis de les confirmer ou de les renforcer. L'étude des effets porte sur les 23 sujets qui ont été interviewés après la fin de l'intervention.

À la suite de l'analyse des entretiens, nous nous trouvons face à trois types d'effets. Nous qualifions certains effets de significatifs : il s'agit de changements que les participants présentent comme tels et qui apparaissent à la suite des rencontres. Les sujets les présentent souvent comme des changements de cap dans leur engagement auprès de leur proche. D'autres effets nous apparaissent davantage comme des renforcements et des confirmations ou des légitimations de changements amorcés avant la participation aux rencontres. D'ailleurs, cette participation peut s'inscrire dans cette démarche. Rappelons l'extrait d'entretien de cette participante du CLSC 1 qui s'inscrit au groupe pour aller se chercher des outils afin de changer une situation qui ne peut plus durer :

...mais je suis aiiée chercher les outils, on me les a donnés, selon moi ce que je trouvais que j'avais de besoin, pis ça a été très très bien exposé, bien expliqué, donc j'ai compris, j'ai mis ça en pratique, ça a donné du résultat

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Enfin, certains sujets nous font part d'intentions, de prises de conscience de changements à faire. Toutefois, lors des troisièmes entretiens, ces changements ont rarement été effectués. En fait, ces sujets sont à mettre sur le même pied que les sujets qui ne rapportent aucun effet à leur participation.

Parmi l'ensemble des sujets, 14 rapportent au moins un effet à leur participation, alors que près de 4 participants sur 10 (9/23) rapportent tout au plus des intentions de faire quelque changement sans toutefois pouvoir l'actualiser. Cela dit, la plupart de ces sujets ressentent un soulagement, une réduction de tension à la suite de leur participation, comme cette participante du groupe du CLSC 4. Pour elle, le groupe permet de trouver des oreilles attentives, de parler de sa situation, de se sentir soutenue et de soutenir les autres. Elle exprime une grande tristesse à la fin des rencontres et conserve un souvenir ému de celles-ci lors de l'entretien qui se déroule six mois après les rencontres. Toutefois, elle ne peut mener aucun changement dans sa situation, subissant plutôt ceux qui se produisent. Pour ces sujets, les groupes semblent avoir essentiellement une fonction analgésique, soulageant momentanément une grande tension. Quant aux effets que rapportent les 14 sujets, trois rassortent comme plus fréquents : penser à soi et se donner du temps, la fin de la surprotection, l'affirmation face au proche que l'on aide. Un quatrième, la réduction de la culpabilité, y figure mais de façon incertaine. Soulignons que ces 14 sujets peuvent rapporter plus d'un changement et ceux-ci peuvent être de nature différente, tant des changements significatifs que des renforcements.

Les principaux effets

Penser à soi, se donner du temps

Une dizaine de sujets nous indiquent qu'à la suite de leur participation, ils pensent davantage à eux et qu'ils réussissent à se donner du temps, à se ménager des espaces personnels afin de faire des activités énergisantes, comme cette conjointe :

La petits batterie et puis fsais qu'elle... qu'elle descendait parce que les autres ils... fsais ils (les aidants) en prenaient trop et pis il fallait que tu penses à toi-même. Penser à soi-même, penser à nous autres fsais, et pis toutes ces petites affaires-là, à l'écouter pis toute, et pis c'est ça qui m'a fait réaliser réellement que je pouvais laisser un peu fsais, Penser à moi. Non. Avant ça, moi c'était mon mari, mes enfants pis moi. À cVheure c'est moi un petit peu, pis après ça mon mari, mes enfants (rire). À cVheure je pense plus à moi: Pis moins

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souvent ben je pense., j'en prends ben soin mais fsais je iui laisse un... je me fais plus un... je pense un petit peu plus à moi. ... mais depuis que j'ai été là pis que je pense... fsais je réflé... je réfléchis plus, ça me fait plus penser pis ça me... ça me fait penser que si je me laisse aller, fsais... pour pas me laisser aller ben je pense à des affaires et pis je me... fsais je me recharge ma batterie ou ben... Ben une affaire que j'aurais pas faite avant, c'est de sortir pis le laisser tout seul comme je le fais là fsais. Avant ça, je me sentais de rester àt la maison, fsais j'osais pas sortir, j'osais pas aller nulle part j'avais tout le temps peur qu'il lui arrive quelque chose ou ben tout le temps avoir quelqu'un avec lui. Pis à dfheure ben vu qu'il... il file un petit peu mieux et pis je vois que fsais qu'il... je suis capable de laisser, de le laisser, je me sens fsais un petit peu plus libre là, je peux partir et pis je vas partir, je vas lui dire je vas aller voir mon... mon amie fsais, je vas partir une heure ou deux ou trois heures et pis je vas revenir pis fsais je suis moins inquiète.

Cette conjointe réussit donc à sortir et à visiter une amie très proche sans s'inquiéter. Une autre s'accorde une heure en soirée pour lire ou faire de la couture, une troisième fait des sorties avec son conjoint et, enfin, une dernière espace les visites de son fils aux prises avec un problème de santé mentale.

Pour quelques-uns de ces participants, se donner du temps, penser à protéger ses énergies n'est pas strictement un changement pour soi. Se donner du temps, protéger son énergie sont vus comme nécessaires afin de poursuivre leur engagement. Plusieurs de ces participants sont des conjoints. Ils nous indiquent avoir pris conscience que s'ils s'épuisent, il n'y a pas d'alternative à leur aide. Certains n'ont pas d'enfant, d'autres ont un ou des enfants qui ne sont pas en mesure d'assumer cet engagement. Enfin, pour d'autres, il est hors de question que cette responsabilité échoit à leurs enfants.

Comment ces participants arrivent-ils à se donner du temps et à protéger leurs énergies? Les

deux autres changements permettent justement aux aidants concernés de se négocier un

espace personnel.

Fin de la surprotection

Trois participantes, trois épouses, réalisent grâce aux rencontres qu'elles surprotègent leur conjoint, qu'elles font pour lui des choses qu'il peut faire ou veut faire seul :

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Q. Pis à un moment donné vous avez dit que vous aviez constaté que vous surprotégiez votre mari.

R. Oui, ça J'avais... Oui. Ça, j'ai arrêté de le faire parce que je savais pas pantoute que je le faisais, mais j'ai constaté après que... c'est peut-être ça, je i'énervais aussi des fois. Je réalisais pas ça mais quand... en venant id là là pis en ayant les réunions là, là je voyais tout à coup oups là, je voyais, je dis mon Dieu c'est ça, je., je le laissais pas assez faire rien, pis si il voulait s'habiller parce que là il... H veut, il peut s'habiller tout seul, H fait toute pis si il peut s'habiller if va... H va dire okay fsais.

Ces trois femmes laissent donc tomber des tâches, laissent leur conjoint les faire ou leur demandent de les faire pour ainsi se ménager du temps. Pour deux de ces femmes, la fin de la surprotection signifie l'abandon d'une surveillance ou d'une supervision quasi continuelle qui leur demandait beaucoup de temps. Pour l'une, la conjointe dont il a été question précédemment, ce temps lui permet de visiter une amie; pour l'autre, de reprendre des activités professionnelles à temps partiel. Dans ces trois cas, la fin de cette surprotection ne soulève aucune résistance de leur conjoint, au contraire.

S'affirmer face au proche que l'on aide

Pour six autrés participantes, se donner du temps passe par une affirmation face à la personne que l'on aide. Pour ces deux conjointes et ces quatre filles, se donner du temps, se protéger signifie résister aux demandes continuelles, aux impératifs de leur conjoint, de leur père ou de leur mère. Pour deux de ces filles, cette affirmation précède le début des rencontres de groupe. Ici, ces rencontres servent de renforcement et de justification à ces premières tentatives d'affirmation.

Dans trois des cas, la personne aidée est présentée comme autoritaire et parfois manipulatrice

ou abusive :

...Ha encore le don de me... me caler encore. Ça fait que j'ai dit : « Minute là / » C'est pour ça que j'ai dit : « Bon ben là, la petite est plus grande i Elle a plus autant besoin que quand elle était petite!» Je vais commencer, fsais, j'ai commencé à faire des sorties avec mon mari.

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Cette affirmation toutefois se fait parfois de façon agressive ou en employant des façons de faire semblables à celles utilisées par le parent manipulateur comme le laisse entendre cette fille :

Je vas... premièrement je vas revérifier bon les heures, bon les dates pis tout ça là. Si Us offrent des lifts ou si moi il faut que j'aille la reconduire. Pis je l'aviserai deux, trois jours à l'avance, that's it Si elle veut pas, ben tant pis, j'irai avec... avec d'autres choses, style ben j'irai plus à la banque pour toi ou... il va falloir que j'y aille avec du chantage, sinon elle va me dire non à n'importe quoi t'sais.

Avec cette façon de s'affirmer, nous approchons des effets iatrogéniques ou pervers. S'affirmer après des années de soumission et de manipulation exige probablement un apprentissage plus long. Indiquer seulement que l'aidant a des droits, qu'il doit « négocier » avec son parent dont il prend soin n'est pas suffisant pour ces aidants qui ont subi une forte autorité ou de nombreuses manipulations.

Heureusement, il n'en est pas ainsi pour toutes. Deux conjointes réussissent à négocier avec leur conjoint, à leur faire comprendre leurs besoins de repos ou de temps personnel. Ainsi, une de ces deux conjointes fera comprendre à son mari, qui insiste pour qu'elle se couche à la même heure que lui, qu'elle désire se coucher plus tard et prendre ces deux heures pour elle. Cette négociation se fait sans heurt. La grande proximité affective entre ces deux conjoints est un atout. En fait, il semble que la nature et l'histoire de la relation entre l'aidant et la personne dont il prend soin jouent un rôle crucial dans ce processus d'affirmation et de négociation.

La culpabilité

La culpabilité constitue un élément central de l'intervention. Selon les conceptrices, la culpabilité empêche beaucoup d'aidants de fixer des limites à leur engagement et constitue ainsi un puissant mécanisme d'action les menant à l'épuisement. Par ailleurs, plusieurs participants indiquent vivre de la culpabilité et le thème suscite de vives discussions et émotions. Pourtant, seules deux participantes indiquent qu'elles ressentent nettement moins de culpabilité à la suite de leur participation aux rencontres de groupe. Ainsi, cette fille ayant participé au groupe du CLSC 5 nous dit qu'elle se sent nettement moins coupable lorsqu'elle refuse de répondre aux demandes incessantes et impératives de sa mère qui vit en centre d'hébergement. Elle réussit également à espacer ces visites - elle saute parfois des journées - ce qui réduit le flot des

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demandes. Ce changement avait été amorcé avant les rencontres, mais elle en éprouvait une grande culpabilité, qui venait s'ajouter à sa culpabilité de ne pas avoir pris sa mère chez elle plutôt que de la laisser dans un centre d'hébergement. Pour elle, l'intervention non seulement la renforce dans son affirmation face à sa mère, mais elle lui permet de le faire avec moins de culpabilité. Par ailleurs, elle indique que la culpabilité ressentie face à l'hébergement de sa mère est réduite. Elle est maintenant convaincue qu'elle a fait le bon choix : c'était la seule façon de se protéger des exigences de sa mère.

Si seulement deux aidantes indiquent ressentir moins de culpabilité, faut-il en conclure que l'intervention a eu peu d'effets sur ce sentiment? En fait, il nous semble plutôt que l'intervention a eu un effet préventif sur ce plan. En effet, plusieurs participants ont réussi à se donner du temps, certains réussissent à s'affirmer sans ressentir (trop) de culpabilité. Si l'on tient compte de la fréquence de ce sentiment et que les changements notés sont de nature à soulever de la culpabilité - lors des rencontres, plusieurs aidants indiquent au départ que penser à soi relève d'un certain égoïsme - on peut penser que l'effet sur la culpabilité est plus important qu'il n'y paraît au premier abord. Cela dit, comme nous l'avons indiqué précédemment, pour plusieurs participants se donner du temps est un moyen pour protéger leur énergie et ainsi maintenir leur engagement. Cette logique fait en sorte que ce mouvement de protection peut ne pas être interprété comme un geste égoïste. L'effet de l'intervention sur la culpabilité demeure donc quelque peu incertain.

Un effet pour le moins mitigé : la mobilisation des ressources

Il est intéressant de s'arrêter à la mécanique par laquelle les participants réussissent à se donner du temps et à penser à soi. Cette possibilité semble provenir principalement de changements personnels tels que la fin ou la réduction de la surprotection ou encore, la négociation avec le proche dont on prend soin ou l'affirmation face à lui. Se donner du temps, prendre des moments pour soi impliquent alors que la personne dont on prend soin puisse demeurer seule, qu'elle soit suffisamment lucide - seulement deux participantes chez qui l'intervention a un effet prennent soin d'un parent dément, dans un cas le parent vit en centre d'hébergement - et qu'elle manifeste un minimum d'ouverture à la négociation. À cet effet,

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nous avons vu que la bonne entente facilite la négociation, sinon il y a une affirmation qui peut

se faire de façon agressive.

Outre la négociation avec la personne dont on prend soin, les conceptrices prévoyaient deux autres mécanismes importants pour que les aidants puissent se protéger : la mobilisation et la négociation avec les autres membres de la famille, la mobilisation des services publics, communautaires ou privés. Selon les conceptrices, la culpabilité et les valeurs d'autonomie ou d'autosuffisance des aidants constituent des facteurs importants de réticence à la mobilisation des ressources. L'intervention s'est révélée inefficace sur ce plan.

Commençons par la famille. Une seule participante indique recevoir un soutien accru de la part de sa famille. Il s'agit d'une participante du groupe du CLSC 5 qui désormais accepte l'aide que ses filles lui offrent depuis des mois. L'une d'entre elles d'ailleurs habite le même immeuble que sa mère. Pour une autre participante, un frère prend la relève et prend sa mère chez lui. Toutefois dans ce cas, la participante nous dit qu'elle n'a joué aucun rôle dans ce changement discuté entre sa mère et son frère. Pour tous les autres participants, il n'y a aucun changement dans le soutien offert par les membres de la famille. Pour certains participants, le réseau familial, à cause de sa taille ou du climat des relations familiales, ne peut constituer une ressource. Mais surtout, rappelons que l'idée de demander de l'aide à sa famille est un point qui a soulevé la résistance de plusieurs participants. Finch et Mason (1993), de même que Lavoie (2000), soutiennent qu'il existe une ligne de conduite importante dans les familles au plan de l'entraide : demander explicitement de l'aide ne se fait pas, il faut tout au plus suggérer la présence d'un besoin. Lavoie indique que l'aide doit être libre et que pour plusieurs aidants, demander de l'aide aux autres membres de la famille, c'est les mettre en situation d'obligation. L'aide doit être spontanée. L'intervention, avec une rencontre consacrée au thème de la famille, se révèle impuissante à influencer cette ligne de conduite. Par ailleurs, l'intervention prévoit que toutes les familles sont loin d'être idéales et que certaines, dont le climat est fort détérioré, ne peuvent constituer une ressource pour l'aidant. Il est alors prévu que les participants qui ont une telle famille doivent apprendre à faire le deuil de cette famille idéale. La grande émotion soulevée par ce thème dans plusieurs groupes et les nombreuses récriminations exprimées laissent entrevoir que ce deuil n'est pas fait par plusieurs et qu'il demeure fort difficile à faire. La famille unie et solidaire demeure une valeur fortement ancrée dans notre société. Enfin, si 6

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participants s'affirment face à leur proche ou négocient avec lui, cela implique que 17 autres ne le font pas davantage. Encore là, l'intervention ne peut contrecarrer les modes d'autorité qui existent dans la famille. Comme Lavoie (2000) l'indique, plusieurs enfants adultes n'osent pas imposer leurs choix à leurs parents, voire les discuter avec eux. De plus, la maladie semble effectivement légitimer les demandes des membres de la famille qui ont des incapacités. Si certains sujets disent réaliser qu'ils ont des droits, il semble toujours que pour plusieurs, la maladie et la proximité de la mort donnent également des droits ou des privilèges.

Pour ce qui est des services, l'intervention prévoit réduire la réticence des participants à demander des services et à les informer des services disponibles. Pour réduire |a réticence, l'intervention présente la demande comme un geste autonome et responsable. Nous pouvons toutefois questionner cette présomption à la réticence. D'une part, la majorité des participants utilisent des services publics, communautaires ou privés. Rappelons que pour 5 des 30 sujets, la personne aidée vit en centre d'hébergement. D'autre part, pour ceux qui n'utilisent pas de services, ce n'est pas faute de demandes ou de démarches mais plutôt de refus. Six participants nous indiquent avoir fait avant l'intervention des démarches pour avoir des services qui ont abouti à des refus : l'aide pour le bain est refusée car il n'y a pas de lève-personne dans la salle de bain (lorsqu'un tel dispositif sera mis en place dans six mois, le service sera devenu inutile selon ta participante), le répit est refusé pour des critères de revenu, la demande de services sociaux et psychologiques est refusée car il n'y a pas de diagnostic formel d'Alzheimer, etc. Lors des rencontres, bien plus que la réticence, c'est l'incapacité des services à répondre adéquatement aux besoins qui fait l'objet de discussions dans un groupe. Dans les autres, des expériences malheureuses sont également rapportées. Par ailleurs, l'exercice qui veut démontrer que demander de l'aide est un geste autonome tombe quelque peu à plat. Il est fait par les participants, que plusieurs trouvent long, sans soulever de grandes discussions. Aucun sujet ne le présente comme percutant lors des entretiens qui se déroulent après les rencontres. C'est comme si l'idée allait de soi. Il ne faut donc pas se surprendre que seuls deux sujets amorcent de nouvelles démarches au cours de l'intervention, pour l'un, ou à sa suite, pour l'autre. Dans un cas, la demande de répit est refusée alors que la demande d'hébergement est acceptée, dans l'autre, la demande de services à domicile est refusée par le CLSC.

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L'inefficacité de llntervention à modifier les ressources à la disposition des aidants limite grandement la possibilité qu'ils ont de se donner du temps, de protéger leurs énergies. En effet, llncapacité d'accroître les ressources pose la question de la dimension structurelle de l'épuisement des aidants : se donner du temps, se mettre des limites, oui mais encore faut-il un substitut... Cette inefficacité explique les résultats somme toute mitigés de llntervention.

Le lien processus - effets

À l'instar de quelques autres chercheurs qui se sont intéressés aux processus des interventions de groupe éducatif, nous constatons que ce type d'intervention permet autant des apprentissages que le soutien entre pairs. Comme dans l'étude de Lavoie et al. (à paraître), certains participants semblent avoir fait peu d'apprentissages alors qulls déclarent bénéficier du soutien des pairs. Outre cette variabilité des processus liés à llntervention, il y a une variabilité dans les effets rapportés par les sujets. Quels liens peuvent être faits entre les processus et les effets rapportés? Certains processus seraient-ils plus efficaces que d'autres?

Pour répondre à ces questions, nous avons établi une matrice processus/effets comme le suggèrent Huberman et Miles (1991) et Patton (1990). Pour construire cette matrice, nous avons comparé trois groupes : les sujets pour qui les apprentissages sont importants, ceux pour qui le soutien des pairs est le type de processus dominant et pour lesquels les apprentissages sont peu nombreux et ceux dont l'expérience des groupes est marquée par l'inertie (apprentissages et soutien par les pairs négligeables). Dans le premier groupe, on retrouve 1 participant pour qui le caractère éducatif du groupe est nettement prédominant, 7 pour qui les deux types de processus sont importants et 3 pour qui llntervention permet certains apprentissages importants tout en ayant une composante thérapeutique. Le tableau 5 présente cette matrice de façon synthétique.

Tableau 5 Matrice processus/effets

Effet/Processus dominants Éducatif Soutien Inertie

Significatif 6 1 Renforcement 5 l Négligeable 6 3

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La moitié des sujets pour qui les apprentissages sont importants présentent des effets significatifs, alors que pour l'autre moitié, ces apprentissages servent de renforcement à des changements déjà amorcés. Ce sont essentiellement ces sujets qui ont appris l'importance de se protéger, de se ménager du temps et de s'affirmer ou de négocier avec leur proche dont ils prennent soin. L'importance du renforcement dans ce groupe de sujets laisse entendre que la participation à des groupes s'inscrit pour certains dans une démarche personnelle de remise en question de leur situation et de changements. Pour les participants qui déclarent recevoir surtout du soutien de la part des pairs, les effets sont nettement moins probants. Pour la grande majorité, ces effets sont négligeables dans le sens qu'ils n'induisent pas de changement dans la situation de ces aidants. C'est pour ce groupe que l'intervention, par ailleurs fort appréciée, semble avoir essentiellement un rôle analgésique. Pour les 2 sujets qui connaissent des effets plus notables, il est intéressant de noter que les comparaisons sociales constituent le principal processus rapporté, alors que pour les 6 autres, c'est davantage le soutien mutuel et la ventilation qui semblent primer. On peut penser que les comparaisons sociales peuvent être à l'origine de certains « apprentissages » de la part des participants qui apprennent des autres « à ne pas se laisser aller », « à ne pas tomber aussi bas » que les autres, qu'il est temps de penser à l'hébergement comme nous l'indique une participante du groupe du CLSC 3. C'est enfin sans surprise que les sujets, dont l'expérience des groupes est marquée par l'inertie, ne rapportent aucun effet à la suite de leur présence aux rencontres. Ces 3 sujets se distinguent par leur grande détresse et leur grande passivité. Une intervention individuelle et thérapeutique aurait probablement été plus profitable.

Ces résultats sont comparables à ceux de l'étude de Lavoie et ai (à paraître). Cette étude indique également que les processus éducatifs ou les apprentissages permettent d'obtenir davantage d'effets significatifs (réduction de stress et de détresse psychologique résultant de meilleures stratégies de communication et de gestion de comportements dérangeants) que les processus de soutien. Ici aussi, les apprentissages provenant de l'enseignement se révèlent plus efficaces que les processus de soutien entre pairs. On peut penser que ces processus, dont les apprentissages par comparaison sociale, nécessitent plus de temps, donc une intervention de plus longue durée, que les onze rencontres prévues par ces groupes psychoéducatifs. Les résultats positifs qu'ont observés Mittieman et ai (1995) et de Millan-Calenti et ai (2000) dans leurs études sur des groupes d'entraide de longue durée tendent à confirmer une telle

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hypothèse. Pour les groupes à durée limitée, généralement brève (entre 6 et 15 rencontres), une approche éducative semble plus efficace malgré le fait que certains participants risquent peu de bénéficier de l'enseignement.

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Conclusion

Les interventions de groupe destinées aux proches aidants jouissent d'une grande popularité depuis les 20 dernières années, tant auprès des cliniciens que des chercheurs. Ces interventions, particulièrement les groupes de soutien et les groupes psychoéducatifs à durée limitée, ont donné lieu à de nombreuses évaluations. Les conclusions quant aux résultats de ces interventions de groupe demeurent toutefois incertaines. Il semble que ces interventions, surtout si elles sont plus soutenues en terme de durée ou plus focalisées en terme de contenu, peuvent réduire le niveau de symptomatologie dépressive et augmenter le niveau de bien-être des aidants. Les résultats sont nettement plus incertains, voire nuls, en ce qui concerne le fardeau ressenti. Toutefois, les chercheurs ne connaissent pas toujours avec précision les mécanismes par lesquels les interventions arrivent à ces effets. Le peu d'intérêt manifesté par les chercheurs pour les processus ou les mécanismes d'action des interventions explique en grande partie cette situation. Cette recherche, dont l'objectif est de documenter et d'élaborer la théorie d'action d'une formule d'animation de groupe psychoéducatif (Prévenir l'épuisement en relation d'aide - Démarche, formation et animation de M. Arcand et L. Brissette), cherche à

palier cette insuffisance en slntéressant particulièrement aux processus et au lien entre ces processus et les effets que rapportent les participants.

À l'instar de quelques autres chercheurs, nous pouvons constater que la formule d'animation des groupes a subi quelques adaptations ou modifications qui font que celle-ci a varié d'un groupe à l'autre. Alors que deux groupes demeurent très fidèles à la formule initiale, les trois autres s'en démarquent plus ou moins. Un groupe se rapproche grandement de la formule de groupe de soutien où les discussions de groupe et les échanges entre pairs prédominent, alors qu'un autre oscille entre ce type de formule et celui proposé originellement par les conceptrices de l'intervention. Enfin, un troisième groupe introduit, quant à lui, quelques composantes thérapeutiques dans une intervention surtout psychoéducative. Ces modifications tiennent d'une part des animateurs qui, pour la plupart, tout en désirant appliquer la méthode telle que conçue, veulent y intégrer des moments de ventilation et d'échanges entre pairs. D'autre part, tant la taille du groupe que les attentes et besoins des participants influencent le déroulement des rencontres. Quant au contenu éducatif des rencontres, il semble rallier l'adhésion des

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animateurs et de la majorité des participants et cela, la plupart du temps. Toutefois/ certains concepts et exercices plus théoriques présentent des difficultés de compréhension pour plusieurs participants. De plus, certains enseignements soulèvent des oppositions, principalement en ce qui concerne la mobilisation de la famille et des services. Dans ce deuxième cas, ce sont surtout les expériences négatives de plusieurs participants avec les services qui génèrent un certain scepticisme dans les groupes.

Si le déroulement des rencontres a un effet certain sur l'expérience qu'en ont les participants, il demeure qu'à l'intérieur de chacun des groupes, il y a une multiplicité d'expériences chez ces premiers. La grande majorité des participants profitent des rencontres pour verbaliser ou ventiler, se soutenir mutuellement, comparer leur situation avec celle des autres, s'échanger informations et conseils. Si les processus de soutien entre pairs marquent la participation de presque tous, une nette majorité des participants écoutent les exposés des animateurs, réalisent avec sérieux les exercices prévus et y font des apprentissages. Il demeure que certains participants semblent vivre cette intervention comme un groupe de soutien alors que d'autres semblent retenir davantage l'aspect éducatif dés groupes. Enfin, quelques participants semblent « ajouter » une composante thérapeutique à ces rencontres, alors que quelques autres semblent être inertes face à ces rencontres : ils ne participent pratiquement pas, s'expriment peu et n'en retirent rien sinon une période de répit.

Sans surprise, ces derniers participants ne rapportent aucun changement à la suite de leur participation. Pour ce qui est des participants qui indiquent surtout recevoir et échanger du soutien avec leurs pairs, l'intervention semble jouer essentiellement un rôle analgésique, leur offrant un soulagement momentané. Ces processus semblent insuffisants pour générer à court terme des changements significatifs dans la situation des aidants, sauf pour les deux participants chez qui les comparaisons sociales peuvent constituer l'origine de changements significatifs ou les renforcer. Les groupes qui misent sur les processus de soutien entre pairs doivent semble-t-il se dérouler sur de longues périodes pour avoir des effets. Les participants qui rapportent le plus d'apprentissages liés à l'enseignement prévu par l'intervention sont également ceux qui rapportent des changements significatifs. La majorité d'entre eux se dit plus consciente du besoin de protéger ses énergies et se donne du temps pour faire des activités personnelles. Pour y arriver, certains mettent fin à la surprotection qu'ils manifestaient à l'égard

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de leur parent, ou d'autres négocient avec lui des moments personnels ou encore, s'affirment face à ce parent pour limiter ses demandes et ses exigences. Cette affirmation se fait parfois agressive cependant. Enfin, ces changements se font sans que les aidants en ressentent de la culpabilité.

Il semble donc que l'intervention réussit à modifier certaines conceptions, valeurs et façons de faire des aidants qui retiennent certains apprentissages. Lavoie et ai (2003) indiquaient que les interventions de groupe semblaient permettre aux aidantes enquêtées de déconstruire certaines normes liées aux soins aux membres âgés de la famille, dont celle du don de soi. Il semble bien qu'ici aussi, certaines normes ou valeurs soient remises en question. Le fait que ces changements se font sans culpabilité ou que celle-ci soit réduite en est un indicateur. En effet, la culpabilité est souvent la principale sanction éprouvée quand une valeur ou une norme importante est transgressée (Giddens, 1991). Cela dit, les changements demeurent limités et se produisent chez certains participants seulement. Les changements reposent en effet sur des conditions précises: la personne aidée doit être en mesure de demeurer seule, d'être relativement dépourvue de pertes cognitives. Une relation marquée par l'affinité et la complicité est également un facteur facilitant. Les changements demeurent essentiellement des changements personnels, l'intervention n'étant pas en mesure de modifier de façon notable les ressources disponibles à l'aidant. Ceux-ci ne mobilisent guère leur famille. Non seulement certains aidants ont un réseau familial restreint ou disfonctionnel, mais la plupart ne veulent pas demander ou solliciter son aide. Il semble toujours que « demander » de l'aide demeure illégitime pour plusieurs participants. Quant aux services, plusieurs participants en reçoivent déjà. Pour les autres, ce sont souvent des expériences négatives ou des refus de la part des organismes qui expliquent leur absence. Les quelques démarches entreprises par des aidants à la suite de leur participation aux groupes sont, dans les deux cas, des insuccès. La capacité de ces groupes à prévenir l'épuisement est donc limitée par son insuccès à modifier les lignes de conduite familiales, l'intervention y consacrant trop peu de temps, et par sa dépendance envers les services offerts aux aidants. Le travail sur soi est possible, mais il est limité par des contraintes structurelles que l'intervention ne peut ou ne réussit pas à lever. Ce type d'intervention sera d'autant plus efficace que les ressources pour les aidants pourront répondre à leurs demandes.

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Annexe 1 Description des groupes psychoéducatjfs

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Thème 1: la motivation

Le premier thème, celui de la motivation constitue le thème central à partir duquel se construit toute la démarche. « La motivation est le premier élément de la conduite humaine. C'est la motivation qui pousse l'individu à agir et ce sont ses besoins les plus profonds qui dirigent son comportement. L'étude minutieuse de la motivation va donc faire ressortir de l'information sur des besoins qui aurait pu échapper à la conscience. Cela va également permettre à l'aidant de faire la lumière sur son type d'engagement et sur les raisons profondes de son choix. » (p. 18). La motivation est « la relation d'un acte aux motifs qui l'expliquent. » (Robert 1990, p. 1444).

La motivation est le résultat de la somme des motifs. Les motifs peuvent être de nature diverse : matériels ou financiers, affectifs ou relationnels, philosophiques ou moraux. Ils peuvent aussi être conscients, inconscients ou préconscients. Le premier objectif de ce thème dans la démarche étudiée est d'augmenter le champ de conscience de l'aidant en rapport avec ses différents motifs. La motivation et les motifs est un thème qui reste en filigrane tout au long de la démarche, car les divers motifs jusque-là inconscients pourront se révéler pendant le travail qui se déroulera sur les autres thèmes. Guberman et ai signalent que l'on sait très peu de choses au sujet des motifs des aidants naturels. Nous pensons que cette méconnaissance s'explique d'abord par l'existence de certains mythes et de certaines croyances à propos de la motivation. Les obstacles que l'aidant rencontre au cours de sa recherche sur ses motifs personnels peuvent provenir de jugements qu'il porte à propos de certains motifs.« ...car suivant les valeurs qui lui ont été transmises par l'éducation et la culture, il existe de bons et de mauvais motifs d'aide. » (p. 20). L'aidant peut être porté à s'autocensurer en quelque sorte lorsque certains motifs entrent en conflit avec des valeurs importantes pour lui.

Le deuxième objectif de changement dans la démarche est d'amener les aidants à ne pas juger leurs motifs et à clarifier les conflits possibles entre ces derniers et leurs valeurs. Il est important de faire comprendre que la qualité de l'aide fournie n'est pas en rapport avec la nature de la motivation. Un aidant peut s'occuper d'une autre personne pour un motif qu'il juge très bon sans que cette aide soit adéquate par rapport aux besoins de la personne. L'inverse peut être vrai aussi. Travailler à éliminer ses jugements par rapport aux motifs d'aide introduit déjà le travail sur la réduction de la culpabilité qui est l'objectif du deuxième thème. Le travail sur la motivation amène aussi l'idée que les besoins qui sous-tendent nos motifs sont légitimes et ne peuvent être jugés, ce qui correspond en partie au troisième thème. Nous pouvons constater comment les trois premiers thèmes sont articulés de façon très étroite et logique.

Il est nécessaire de souligner quel est le lien entre la connaissance de la motivation chez un aidant et la prévention de son épuisement. La motivation est en quelque sorte la somme d'énergie dont on dispose pour investir dans une situation, et cette énergie se constate, elle ne se juge pas. Dans la démarche étudiée, l'épuisement est considéré comme une faillite énergétique. Cela signifie que l'énergie investie dans la situation d'aide est plus grande que l'énergie retirée de cette situation. Mais la nature de ce qui peut énergiser une personne est différente selon les individus. Nous abordons ici la notion de retour. « C'est une gratification tangible ou non que l'individu est tout à fait en droit d'attendre et de recevoir à la suite d'un investissement d'énergie de sa part. » (p. 130). Le sens du retour attendu, sa nature est en rapport avec le sens de la motivation de l'aidant. Si un aidant est motivé par le besoin d'être aimé et que son motif principal est la reconnaissance, il ne sera pas réénergisé par d'autres formes de retour comme l'argent ou le prestige. La connaissance, chez un aidant, de ses motifs dans sa recherche de moyens pour assurer un retour peut donc prévenir son épuisement. Mais

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un obstacle important à la recherche du retour est la culpabilité qui sera abordée dans le thème deux.

Thème 2 : La culpabilité et la responsabilité

Comme nous l'avons vu, le thème de la culpabilité doit être abordé au tout début de la démarche, car il constitue un frein puissant à la recherche du retour nécessaire à la prévention de l'épuisement. Il est inutile d'aborder ici les besoins et leur réponse si la culpabilité est présente et empêche l'aidant de se donner le droit de répondre à ses besoins. Nous avons constaté que la culpabilité est très souvent présente dans les situations d'épuisement : culpabilité par rapport à la personne aidée et par rapport à des situations de sa vie passée, culpabilité par rapport à ses limites, par rapport aux attentes des autres ou aux attentes que l'aidant entretient à l'égard de lui-même. La culpabilité est en quelque sorte une prison dans laquelle l'aidant tourne en rond sans solutions. La démarche d'intervention étudiée vise à soutenir l'aidant pour faire face aux pressions internes et externes, en réduisant ou même éliminant la culpabilité vécue dans la situation d'aide. « La culpabilité est un sentiment qui résulte de l'échec d'un processus d'ajustement à des normes sociales, personnelles ou familiales; c'est un produit du surmoi (le gardien des règles). La culpabilité peut être définie comme la punition la plus immédiate que quelqu'un puisse s'infliger à lui-même pour avoir transgressé des règles qu'il avait adoptées ou pour se punir de ne pas avoir atteint l'objectif qu'il s'était fixé. » (p. 25). La culpabilité peut jouer un rôle normatif nécessaire dans certaines situations d'une vie organisée en société. Mais elle peut aussi être utilisée pour manipuler, dominer une autre personne. L'individu doit trouver le juste arrangement entre ses responsabilités, son plaisir et sa réalisation personnelle. La culpabilité est souvent présente lorsqu'il y a déséquilibre entre ces deux pôles.

L'intervention veut favoriser cette recherche d'équilibre entre la réalisation personnelle et la responsabilité sociale en éliminant les culpabilités paralysantes où l'aidant perd le pouvoir et le contrôle sur sa propre vie. En plus de limiter l'aidant dans sa recherche d'un bien-être personnel, la culpabilité peut entraver gravement la qualité de la relation d'aide elle-même. « La culpabilité peut brouiller la réflexion et le jugement ou encore mener à des gestes impulsifs. Par exemple, une personne qui agit par culpabilité se comporte non pas en fonction des besoins réels de l'autre, mais plutôt en vue de se libérer de l'inconfort que crée la culpabilité. Bien souvent, la réponse ou l'action suscitée par la culpabilité est immédiate et sans questionnement. » (p. 26).

À cause d'un sentiment de culpabilité, un aidant peut très bien laisser sa vie être dirigée par les besoins des autres. La culpabilité peut engendrer toute une série de jeux de pouvoir à l'intérieur des relations interpersonnelles, entre l'aidant, l'aidé et la famille. Le travail sur la culpabilité est un élément essentiel dans une démarche de prise de pouvoir d'un individu sur sa vie.

Dans ce thème portant sur ta culpabilité, l'intervention veut remplacer chez l'aidant le sentiment de culpabilité par la responsabilité. La culpabilité est un puits sans fond, tandis que la responsabilité a des limites qu'il importe de définir. « Une réflexion responsable part plutôt des vrais besoins de l'aidé : suis-je la meilleure personne pour répondre à tel besoin? Serait-il préférable d'encourager l'aidé à le combler lui-même? Y aurait-il une autre façon de faire? » (p. 28). Un travail sur la responsabilité dans la relation d'aide entraîne automatiquement un travail sur les limites, celles de l'aidant, de l'aidé et celles de la situation.

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Concrètement, l'intervention veut permettre à l'aidant de comprendre de façon simple le processus de la culpabilité et ses conséquences. Elle veut amener l'aidant à pouvoir rationaliser la culpabilité en reconnaissant clairement ses sources internes et externes de pression. Elle veut finalement remplacer la culpabilité par la responsabilité tout en cernant les limites de la responsabilité.

Thème 3 : Les besoins et les droits

Ce thème fait suite logiquement à celui dè la culpabilité, car une personne qui ressent de la culpabilité peut ne pas se reconnaître le droit bien légitime de répondre à ses besoins. Elle fera toujours passer les besoins de l'autre avant les siens. Un besoin est un élément nécessaire au maintien de l'intégrité et de l'équilibre physique et psychique d'une personne. Il est mis en évidence par une sensation de manque qui peut être plus ou moins claire et consciente. Les besoins sont de nature diverse, et leur importance est variable d'un individu à l'autre. Ils peuvent aussi changer chez une même personne selon les situations et les étapes de vie. Voilà pourquoi une situation d'aide qui peut répondre aux besoins d'un aidant à un certain moment de sa vie, doit être réévaluée parce que la situation elle-même ou tes besoins ont évolué.

Beaucoup d'aidants n'acceptent de réfléchir à leurs besoins qu'au moment où ils sont épuisés, lorsqu'ils sont en fait en état de manque et de déficit énergétique. Intervenir préventivement, c'est tout d'abord identifier les besoins chez les aidants et les assister dans une recherche de réponse satisfaisante à ces besoins. Nous constatons que les aidants ont souvent du mal à identifier leurs besoins. Ils ne sont donc pas en mesure d'y répondre. Nous constatons aussi qu'ils savent parfois très bien répondre aux besoins des autres et particulièrement à ceux de l'aidé. « Ces comportements nous semblent basés sur la croyance selon laquelle les besoins des autres sont plus impératifs que les siens, surtout s'il s'agit d'une personne malade ou âgée. » (p. 38).

Dans une situation où la maladie ou le handicap de l'aidé est grave et implique une foule de besoins, il est facile pour l'aidant de croire que l'aidé a tous les droits. Même devant des exigences et des comportements inacceptables de la part de l'aidé, nous retrouvons la justification de la maladie par les aidants pour tolérer ces comportements. Si un aidant ne modifie pas sa croyance selon laquelle la maladie, le handicap ou le malheur donne tous les droits à l'autre, il ne s'accordera jamais le droit d'avoir des besoins. Par le fait même, il aura du mal à les identifier et à y répondre. L'objectif de ce thème est de remettre en question cette croyance selon laquelle la maladie ou l'âge donne tous les droits. L'intervention veut introduire chez les intervenants l'idée selon laquelle leurs besoins sont légitimes et qu'ils doivent tôt ou tard pouvoir y répondre pour éviter l'épuisement et pour pouvoir continuer leur rôle d'aidant.

Il ne s'agit pas ici de dénier les droits et les besoins des aidés. « Une personne peut avoir des besoins différents à cause d'une situation particulière, mais cela ne signifie pas que ses droits comme être humain sont différents. » (p. 39). Toute la question est de savoir comment répondre aux besoins de l'aidé tout en respectant les besoins et les droits de l'aidant. Nous verrons ultérieurement que certaines ressources peuvent être mobilisées si l'aidant accepte de vouloir respecter ses besoins. Nous abordons ici logiquement la question des choix qui constitue le quatrième thème de la démarche.

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Thème 4 : Le choix

Logiquement, la question des droits et des besoins débouche sur celle des choix. L'expression « Je n'ai pas le choix » s'entend très régulièrement chez les aidants. Par cette expression, « les aidants nous laissent savoir qu'ils sont prisonniers de la situation et qu'ils n'ont absolument pas d'autre choix que de se laisser envahir. Comme si l'épuisement était la seule issue possible. » (p. 47).

L'objectif de ce thème est encore une fois la remise en question de cette croyance selon laquelle l'aidant n'a pas le choix. Il s'agit d'amener l'aidant à se mettre en mouvement dans le cadre d'une situation qui a des aspects restrictifs. Il s'agit encore ici d'une intervention qui vise chez l'aidant une reprise de pouvoir de sur sa vie. « En d'autres mots, il s'agit de favoriser chez l'aidant une plus grande ouverture d'esprit. En effet, il est possible pour l'aidant d'élargir le répertoire du possible et de réaménager les contraintes plutôt que de croire de façon fataliste qu'il n'a pas le choix. » p. 47. L'aidant doit acquérir une croyance nouvelle dans son pouvoir de choisir. Ceci ne signifie pas que l'aidant doive remettre en question son choix initial d'être un aidant. Cela signifie que l'aidant possède la capacité de faire des choix dans le cadre de la relation d'aide qu'il a choisi. « La notion de pouvoir dont il est ici question fait tout simplement référence à la capacité que possède un individu de donner une direction à sa vie plutôt que de se laisser mener par les événements sans vraiment savoir qu'il peut avoir le choix de dire oui ou de dire non. En développant cette croyance vis-à-vis du pouvoir de choisir, l'aidant acquiert une meilleure confiance en lui-même et dans la vie. » (p. 48).

Thème 5 : La protection de la santé

L'épuisement ou la maladie chez un aidant met souvent en évidence le manque de retour, la non-réponse à ses besoins et le sentiment d'absence de pouvoir dans sa situation. En fait, les aidants, comme chacun de nous pensent souvent à leur santé lorsqu'ils l'ont perdue ou lorsqu'elle est défaillante. « L'épuisement représente une faillite énergétique qui peut entraîner le développement de la maladie. Le rapport entre le stress, l'énergie, l'épuisement et la maladie a été tout particulièrement démontré par les recherches de l'équipe du docteur Simonton. » (p. 56). Dans l'intervention étudiée, le thème de ta santé est abordé sous l'angle de l'énergie qui est définie comme une force vitale qui permet à l'être humain d'agir afin de répondre à ses besoins. Mais répondre à ses besoins exige de l'énergie et les gens épuisés n'en ont plus. Ils sont incapables de mettre en branle par eux-mêmes les changements nécessaires pour rectifier leur situation. Voilà qui démontre encore plus la nécessité d'une intervention préventive en matière d'épuisement.

L'objectif de ce thème est d'amener les aidants à prendre conscience que leur énergie est une réalité, qu'elle est limitée et qu'elle peut s'épuiser et se renouveler. Selon le docteur Lowen, les individus ne possèdent pas tous la même quantité d'énergie. Certaines personnes s'épuisent plus vite que d'autres. Les aidants qui ne sont pas conscients de ce phénomène peuvent avoir à leur égard des exigences trop considérables qu'ils évaluent en fonction des capacités et des attentes des autres. Ces aidants sont des sujets parfaits à la culpabilité et à l'épuisement.

La situation d'aide est en elle-même une grande consommatrice d'énergie. Le malade a des besoins physiques multiples, il a besoin de support psychologique, il est lui-même très souvent en faillite énergétique. Ce qu'il exige de l'aidant en termes d'investissement d'énergie est considérable. Ce dernier doit apprendre à gérer et protéger son potentiel énergétique.

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Lowen a énoncé quatre principes de protection de l'énergie que l'aidant doit à la fois connaître et tenter d'intégrer dans sa vie dans le but d'améliorer la gestion de son énergie.

La respiration : Une personne qui est active, qui respire profondément et complètement voit augmenter son niveau d'énergie.

L'expression : Une personne qui s'exprime par des actes et des mouvements, librement, de façon appropriée pour elle et avec plaisir ressent une augmentation de son énergie.

La solution des conflits : Une personne qui résout ses conflits intérieurs et interpersonnels voit augmenter son énergie, car les conflits non résolus sont des blocages à la circulation de l'énergie.

L'environnement positif : Une personne qui se place dans un environnement sain et agréable, qui s'entoure de personnes positives résiste mieux aux influences négatives. « Pour l'aidant, protection peut devenir synonyme de bonne gestion. À cet effet, il doit surveiller ses entrées et ses sorties d'énergie. En d'autres mots, il doit se dépenser judicieusement et faire les bons choix pour lui. » (p. 58). Nous sommes ici en lien étroit avec le thème précédent où l'aidant a acquis davantage de pouvoir par rapport à ses choix et aussi en lien avec le thème qui suivra où il sera question du changement.

Thème 6 : Le changement

Le thème du changement est en lien avec celui des choix. En effet, une personne ne peut pas envisager d'apporter des changements à sa vie si elle ne croit pas qu'elle a des choix. Mais avant d'effectuer des changements, elle doit connaître les changements qu'elle veut effectuer. Elle doit donc faire un bilan par rapport à sa vie ou du moins, par rapport à sa situation d'aide. « Faire un bilan, c'est déjà démontrer une attitude d'ouverture à l'égard d'un changement souhaité ou possible, même si le changement n'a pas lieu. » (p. 69). Dans l'intervention de groupe étudiée, le changement est considéré comme un réaménagement en souplesse et non pas comme un changement radical qui remet en cause le cadre de vie de l'aidant.

L'objectif de ce thème est double. « Il vise d'abord à faire prendre conscience du mécanisme psychologique impliqué dans le changement et, en second lieu, à instaurer chez les participants un réflexe de mouvement vers des changements concrets. » (p. 69). Le changement, pour s'opérer plus facilement doit s'appuyer sur un mouvement naturel venant de l'intérieur de la personne plutôt que sur des « résolutions » impliquant une volonté forte. Il doit aussi s'appuyer sur une réflexion qui est en rapport avec les vrais besoins de l'aidant et de l'aidé. Ce thème du changement vient clore la première partie du processus de prise en charge. L'aidant a fait des prises de conscience sur ses motivations et peut-être sur sa culpabilité, il connaît mieux ses besoins, il se sait en mesure de faire des choix pour protéger sa santé et il est prêt à effectuer certains changements concrets. La suite de la démarché veut outiller l'aidant pour réaliser ces changements.

Thème 7 : La famille

Il s'agit ici d'un thème complexe qui soulève parfois beaucoup d'émotions. Il importe de bien limiter l'intervention en rapport avec ce thème, car il ne s'agit pas dans cette démarche d'une

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thérapie familiale. Il s'agit tout d'abord de mettre en lumière pour les aidants certains éléments de connaissance en rapport avec la dynamique familiale. Les difficultés de la relation d'aide viennent parfois mettre en lumière certaines difficultés familiales et certains conflits qui étaient latents jusque-là. La perte d'autonomie de l'un des membres de la famille ne crée pas ces conflits, mais elle vient parfois les réactiver. Une meilleure connaissance de la dynamique familiale permet aux aidants de relativiser certaines situations et d'éviter ainsi de perdre leur énergie en se questionnant inutilement ou en se culpabilisant.

La situation d'aide s'inscrit dans une famille qui a ses règles, ses valeurs et son histoire. Le premier objectif de ce thème sera de faire acquérir à l'aidant une bonne connaissance des différents râles ioués dans sa famille. Les participants doivent comprendre qu'il est normal d'avoir des rôles dans une famille. Ils sont amenés à comprendre l'importance du phénomène d'homéostasie et ses effets de résistance au changement dans la famille. L'aidant peut avoir choisi un rôle ou en être investi par sa famille. Les différents rôles ne sont pas en soi bons ou mauvais, mais ils peuvent être plus ou moins satisfaisants pour une personne.

Le second objectif sera d'amener l'aidant à évaluer l'impact de son rôle sur sa santé phvsioue et mentale et à comprendre ou'il lui est possible de modifier son rôle si cela s'avère nécessaire au maintien d'une bonne qualité de vie. En effet, pour de nombreux aidants, toute leur vie tourne autour de la relation d'aide et leur vie personnelle semble s'arrêter.

Le troisième objectif de ce thème est d'amener l'aidant à évaluer de façon réaliste la possibilité d'utiliser sa famille comme une ressource dans la relation d'aide. Nous sommes conscients que ces objectifs impliquent dans certains cas un réaménagement important dans l'organisation de l'aide et dans les rapports de pouvoir dans la famille. Lorsque l'aidant réalise qu'il ne peut compter sur le soutien de sa famille, il doit parfois faire le deuil de la famille idéale et considérer la possibilité de se tourner vers les ressources publiques ou communautaires pour l'aider à répondre à ses besoins.

Thème 8: Les ressources

Ce thème se situe dans la suite logique de la prévention de l'épuisement. Il suggère un apport extérieur à l'aidant principal et à sa famille dans un but de ressourcement. Cependant, pour se permettre de faire appel à une ressource extérieure, l'aidant doit avoir revu sa conception de l'autonomie. Trop de personnes croient à tort qu'une personne autonome doit être capable de « se débrouiller toute seule ». L'autonomie réfère en fait à la capacité de gouverner sa vie selon ses propres valeurs et ses propres choix. Les besoins particuliers d'un aidant dans une situation donnée peuvent l'amener bien légitimement à demander une aide extérieure. Cet aidant demeure cependant psychologiquement autonome tant qu'il peut et veut gérer cette aide, lui donner une direction. « À cause d'une fausse conception de l'autonomie, trop d'aidants vont attendre jusqu'à l'extrême limite de leurs capacités avant de demander une aide extérieure. » (p. 90). Il semble y avoir une certaine honte chez les aidants à demander de l'aide, surtout à une personne étrangère. Pour plusieurs aidants, demander est un signe de faiblesse.

Ce thème a pour objectif de faire prendre conscience que demander de l'aide à une ressoude extérieure, c'est aoir de façon parfaitement autonome. Pour accepter de changer ces idées préconçues, il faut amener l'aidant à une plus grande ouverture d'esprit. Il faut l'amener à voir que lui-même ou sa famille n'a pas toujours toutes les compétences voulues devant les besoins de l'aidé. Prendre conscience de ses limites ne signifie pas qu'une personne ne joue pas son

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rôle, au contraire. Demander de l'aide en fonction de ses limites, c'est faire preuve de maturité, de prudence et d'autonomie. C'est aussi d'une certaine façon permettre que l'aidant poursuive sa tache auprès de l'aidé le plus longtemps possible sans mettre sa santé en péril. Finalement, ce thème permet aux aidants de connaître concrètement les ressources qui sont disponibles dans leur milieu et qui pourraient répondre à leurs besoins.

Thème 9: La négociation du contrat

Lorsque deux personnes sont en relation, quel qu'en soit le motif, il y a toujours une forme de contrat explicite ou implicite. En affaires, règle générale, des ententes formelles interviennent entre étrangers pour garantir l'équité et le respect des clauses de l'entente. Dans nos relations affectives, nous prenons souvent pour acquis que la relation elle-même est une garantie de l'entente. Il y a toujours dans les rapports humains une forme de contrat plus ou moins implicite où chacun a des attentes par rapport à l'autre. Nous pouvons alors parier d'un contrat psychologique. Il est rare que nous prenions le temps de clarifier ces attentes. « On se comporte comme si l'amour que l'on voue à l'autre nous rendait automatiquement apte à connaître ses attentes ou si le fait de faire un contrat clair allait diminuer ou entacher cet amour. » (p. 96).

Dans des situations d'épuisement ou de conflit, il n'est pas rare de constater que l'un ou l'autre des parties ou même les deux parties ignoraient les attentes réelles de l'autre. Le premier objectif de ce thème est de défaire la croyance selon laquelle négocier un contrat avec l'aidé, c'est faire preuve de mesquinerie. Le deuxième objectif, c'est la clarification des attentes respectives, d'abord celles de l'aidant puis celles de l'aidé. « En clarifiant les attentes et en échangeant à leur sujet avec l'autre, on peut se rendre compte plus rapidement du caractère utopique de certaines d'entre elles. Cela aura pour effet également de faire le réajustement qui s'impose, le cas échéant. On évitera peut-être ainsi toute une série de frustrations et surtout une grande perte d'énergie. » (p. 97). Le troisième objectif a trait à la négociation du contrat lui-même. Cette négociation se réalise non pas à partir des positions respectives de l'aidant et de l'aidé, mais à partir de la recherche du bien commun. Dans cette forme de négociation, les deux parties ont quelque chose à gagner en abandonnant certaines attitudes ou exigences.

Finalement, l'un des avantages importants de la négociation, c'est la réduction des relations de pouvoir entre les parties. « ...lorsqu'on accepte de révéler ses attentes à l'autre, on contribue davantage à garder la relation vivante. Si quelqu'un garde ses attentes cachées, il peut toujours, par la suite, faire des reproches ou manipuler. » (p. 99).

Le thème de la négociation du contrat vient à la fois synthétiser et conclure toute la démarche de prévention. En effet, pour négocier son contrat, l'aidant doit pouvoir connaître ses motifs et donc ses attentes. Il doit connaître et accepter ses besoins et ses limites, il doit se donner le droit de faire des choix, et finalement,il amorce des changements en acceptant de faire une démarche de négociation avec l'aidé. Un contrat clair est le résultat d'une réflexion et d'une pensée claire chez l'aidant. C'est la clarté de la réflexion et du choix qui permettent une prévention réelle de l'épuisement en relation d'aide.

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Thème 10 : L'héritage

Ce thème correspond pour les participants au bilan de l'ensemble de la démarche. « Nous avons voulu précisément faire référence aux deuils, mais nous avons surtout voulu mettre l'accent sur l'héritage que laisse cette expérience humaine imprégnée de changement qu'ont été les rencontres de groupe. » (p. 104).

Les participants ont dû faire le deuil de beaucoup de croyances et d'idées bien enracinées chez eux. et dans leur milieu. Ils ont dû abandonner des attitudes et des comportements parfois insatisfaisants mais sécurisants. Ce sont les deuils qu'ils ont à faire vis-à-vis d'eux-mêmes. Mais ils ont acquis en contrepartie des idées nouvelles, leurs attitudes et comportements ont parfois changé dans leurs relations avec les autres. Ces nouvelles acquisitions, c'est l'héritage que le groupe et l'animateur leur lèguent, mais c'est avant tout un héritage qu'ils se lèguent à eux-mêmes.

Le premier objectif de ce thème est de permettre à l'aidant de faire un bilan concret de sa démarche avec le groupe. Le deuxième objectif porte sur l'ancrage et le partage des acquis (héritage) avec les autres participants, et ce, à l'aide d'un objet symbolique.

Si vous aviez à réutiliser la méthode, y apporteriez-vous des adaptations ou des modifications? Lesquelles?

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Annexe 2 Grilles d'entretien avec les aidants et les intervenants

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Grille d'entrevue no 1 pour les participants aux groupes de soutien

Ce premier entretien vise à connaître la situation d'aide dans laquelle évolue l'aidant. Comment s'organisent les tâches d'aide? Comment sont-elles réparties? Dans quel contexte familial? L'entretien cherche également à voir si l'aidant exerce un certain contrôle sur la situation. Enfin, il cherche à évaluer si l'aidant maintient des activités et des relations personnelles. Cet entretien doit permettre d'identifier les principaux enjeux, difficultés et problèmes qui confrontent l'aidant qui pourraient être modifiés par l'intervention.

1. Comment en êtes-vous venu(e) à aider votre ?

2. Qu'est-ce qui vous a motivé à offrir cette aide?

3. Êtes-vous la principale personne à aider votre ?

3.1. Qu'est-ce qui explique que ce soit vous?

3.2. Comment s'est prise la décision?

3.3. Sinon, qui est-ce?

4. Que font les autres membres de votre famille (conjoint, enfants, fratrie)?

4.1. Comment expliquez-vous leur implication? Qu'en pensez-vous?

5. Quels sont les services auxquels vous avez recours?

5.1. Qui a décidé de demander ces services? Comment ont réagi les membres de la famille?

Si l'aidant ou sa famille a demandé des services :

5.2. Comment ça fonctionne avec ces services? Êtes-vous satisfaire)?

Si l'aidant ou sa famille n'a pas demandé de services:

5.3. Pourquoi ne demandez-vous pas de services?

5.4. Avez-vous songé à placer votre dans une institution? Pourquoi? Ce sujet a-t-il été discuté?

6. Globalement, comment se prennent les décisions concernant les soins à donner à votre ?

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7. Suite à l'évolution de l'état de votre - • comment a évolué votre relation avec celui-ci?

8. Comment a évolué votre relation avec votre conjoint? Avec vos enfants? Vos frères et sœurs?

9.1. Avez-vous des amis à l'extérieur de la maison que vous fréquentez?

9.2. Des activités que vous poursuivez?

10.1. En quelques mots, les premiers qui vous viennent à l'esprit, pour vous, aider votre aidé ça veut dire quoi? Qu'est-ce que ça signifie pour vous?

10.2. Pour vous, qu'est-ce qu'un bon aidant?

11. Enfin, vous vous êtes inscrit(e) au groupe mis sur pied par le CLSC. Qu'est-ce qui vous a motivé à vous inscrire? Que pensez-vous retirer de ce groupe?

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Grille d'entrevue no 2 pour les participants aux groupes de soutien

1. Évolution de ia situation de l'aidant

1.1. Nous vous avons rencontré au mois de septembre dernier, pouvez-vous nous dire si des changements importants pour vous se sont produits dans votre situation d'aidant?

Cette question ouverte doit permettre à l'enquêté d'orienter lui-même i'entrevue vers les changements qu'il juge significatifs. Si l'aidant demande plus de précisions sur les éléments couverts par cette question, on pourra lui dire que ces changements peuvent autant concerner l'évolution de la personne aidée, la façon dont l'aidant vit la relation d'aide que le soutien qu'il reçoit de sa famille ou des services communautaires ou de santé.

1.2. Lors de la première entrevue (lors des rencontres), vous avez mentionné à quelques reprises le b i t que t où en êtes-vous rendu à ce propos?

Lors de la première entrevue (lors des rencontres), vous avez mentionné également à quelques reprises le fait que , où en êtes-vous rendu à ce propos?

Lors de la première entrevue (lors des rencontres), vous avez mentionné aussi à quelques reprises le fait que * où en êtes-vous rendu à ce propos?

Ces questions servent à couvrir les éléments plus problématiques identifiés soit lors de l'entrevue initiale, soit lors des rencontres (culpabilité dévorante, conflit particulier avec des membres de l'entourage, grande résistance à demander de l'aide, etc.). Les questions doivent donc être formulées de manière pertinente pour chaque sujet.

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2. Appréciation des rencontres et de leurs effets

Ces questions doivent permettre de voir comment les participants ont apprécié les rencontres et les effets de celles-ci sur leur situation. La démarche est toujours la même, soit un passage du général au particulier (viser à être le moins directif possible) et ne posez que les questions qui ne sont pas abordées spécifiquement par le répondant (ou adaptez les questions ultérieures en fonction des réponses faites au début). On explore ici les motivations à venir et à poursuivre, les effets perçus et les activités appréciées et moins appréciées.

2.1. Qu'est-ce qui vous a le plus frappé dans les rencontres ou cours auxquels vous avez participé?

2.2. Vous êtes venu semaine après semaine aux rencontres de groupe, qu'est-ce qui vous a motivé?

2.3. Qu'est-ce que ces rencontres (ou cours) ont changé dans votre situation? Pouvez-vous nous dire ce qui, dans ces rencontres, à permis ces changements?

Pour cette question, il est important de tenter avec le participant de préciser ce qui selon lui a amené ce changement même si la question n'est pas facile, cette question permet de chercher les ingrédients actifs de l'intervention.

2.4. Lors de la première entrevue, vous nous avez dit que vous vous attendiez à ce que les rencontres du groupe vous permettent de f est-ce que cette attente que vous aviez a été rencontrée?

Ne posez la question que si des attentes claires ont été formulées lors de l'entrevue initiale.

Si oui : Pouvez-vous nous dire ce qui, dans ces rencontres, a permis que cette attente soit satisfaite?

Si non: Comment expliquez-vous que cette attente n'ait pas été satisfaite?

2.5. Qu'avez-vous particulièrement apprécié de ces rencontres? Pourquoi? Qu'avez-vous moins apprécié de ces rencontres? Pourquoi?

2.6. Les animateurs ont fait des présentations lors de ces rencontres, comment avez-vous trouvé ces présentations?

2.7. Lors des rencontres, les animateurs vous ont fait faire des exercices. Que pensez-vous de ces exercices?

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3. Appréciation des processus prévus

Cette dernière section de la grille d'entrevue vise à saisir dans quelle mesure les grands processus prévus par la méthode d'animation ont eu lieu ou non et pourquoi s'ils n'ont pas eu lieu. Pour chacun des processus, il faudra demander des exemples afin d'éviter les réponses marquées par la désirabilité sociale. Il est important d'aviser le sujet que l'on demandera des exemples avant de poser les questions afin d'éviter de le mettre dans l'embarras.

3.1. Lors des rencontres, on a parlé du besoin de réfléchir à ses motivations et à ses attentes afin qu'elles soient claires pour l'aidant Avez-vous réfléchi à vos motivations et vos attentes? Quel a été le résultat de ces réflexions? Pouvez-vous me donner un ou des exemples?

3.2. On a également abordé lors de ces rencontres la culpabilité. Avez-vous constaté chez vous un sentiment de culpabilité? Avez-vous réussi à réduire ou à éliminer votre culpabilité? Pouvez-vous me donner un ou des exemples?

3.3. On a également parlé du droit qu'ont les aidants de satisfaire leurs besoins. Avez-vous pensé à vos besoins? En avez-vous découvert de nouveaux? Y a-t-il des besoins que vous satisfoisez maintenant alors qu'avant vous n'y auriez pas pensé? Pouvez-vous me donner un ou des exemples?

3.4. La méthode d'animation soulignait le fait que les aidants peuvent faire des choix et qu'il y a des changements possibles que l'on peut foire. Avez-vous fait certains changements en ce qui vous concerne ou en ce qui concerne la personne que vous aidez? Pouvez-vous me donner un ou des exemples?

3.5. Pensez-vous plus souvent à protéger vos énergies et votre santé? Quels moyens utilisez-vous pour protéger votre santé? Pouvez-vous me donner un ou des exemples?

3.6. Avez-vous demandé plus d'aide à votre famille? Pouvez-vous me donner un ou des exemples? Qu'est-ce qui vous a amené à le foire ou à ne pas le foire?

3.7. Avez-vous demandé de nouveaux services? Pouvez-vous me donner un ou des exemples? Qu'est-ce qui vous a amené à le foire ou à ne pas le foire?

3.8. Avez-vous réussi à clarifier les attentes et à négocier des ententes avec la personne que vous aidez ou d'autres personnes de votre famille ou de votre entourage? Pouvez-vous me donner un ou des exemples?

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Nom de l'animateur:

Profession:

Organisme: .

Expérience en animation de groupe:

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1. Selon vous, quels sont les principaux problèmes auxquels peuvent être confrontés les aidants naturels?

2. En quoi, selon vous, (Intervention proposée permet-elle de répondre aux principaux problèmes ou besoins des aidants naturels? Pourrait-il y avoir d'autres effets? (Note : si les animateurs répondent de façon générale, qui s'applique à tous les groupes de soutien, leur demander si la méthode testée ici aura des effets particuliers)

3. Pourrait-il y avoir des effets négatifs? Lesquels?

4. Toujours selon vous et en considérant globalement (Intervention, comment les participants réagiront-ils à cette forme d'animation?

5.a) Comment définiriez-vous votre rôle d'animateur dans l'intervention proposée?

5.b) Avez-vous des appréhensions, des réserves ou des craintes quant à votre rôle?

6. Nous allons maintenant revoir avec vous chacun des thèmes de l'intervention avec les activités proposées. Pour chacun des thèmes et des exercices les accompagnant, pouvez-vous nous indiquer si vous avez des réserves autant sur le contenu proposé que sur les exercices? Comment réagiront les participants sur le contenu et sur les exercices?

6 a) Thème 1 sur la motivation. Contenu : bien connaître ses motifs et résoudre le conflit entre ses motivations et ses valeurs. Exercices : remue-méninges sur les motifs; 3 chaises avec motifs, valeurs/croyances, objectifs.

6 b) Thème 2 sur la culpabilité. Contenu : sortir l'aidant du piège de la culpabilité en reconnaissant les sources de pression internes et externes. Activités : remue-méninges sur la culpabilité et la responsabilité; roue de carton sur la spirale de la culpabilité; posture sur la culpabilité/honte et responsabilité/dignité; jeter la pierre (ou papier) de la culpabilité.

6 c) Thème 3 sur les besoins et les droits. Contenu : découvrir les besoins de l'aidant et distinguer les besoins des droits, besoins particuliers n'impliquent droits particuliers. Exercices : discussion des termes désirs, besoins, caprices et droits; discussion sur la normalité; jeu de rôle où on doit faire une demande; marche avec affirmation du droit d'avoir des besoins différents et d'y répondre.

6 d) Thème 4 sur le choix. Contenu : même dans une situation contraignante, il y a des possibilités de choix, il faut acquérir une ouverture d'esprit et une confiance en soi. Exercices : Remue-méninges et discussion sur choix de cadre et choix dans le cadre; visualisation de la maison avec le sage; marche vers un point fixé au mur.

6 e) Thème 5 sur la protection de la santé. Contenu : éveiller la conscience sur les croyances concernant la santé et prise de conscience de la protection du capital énergétique. Exercices : remue-méninges sur les expressions populaires relatives à l'énergie; prise de conscience de l'énergie avec le ballon imaginaire; commenter le « donner sans compter, sans espoir de retour »; rapprochement physique pour

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prise de conscience du champ énergétique personnel; identification des moyens de protection de son énergie; visualisation d'une image de protection; identification de 3 situations énergisantes; relaxation et lecture du texte sur la protection de l'énergie.

6 f) Thème 6 sur le changement. Contenu : prendre conscience du mécanisme psychologique du changement et instaurer réflexe de mouvement vers des changements concrets. Exercices :. remue-méninges sur la phrase relative à la crainte du changement; affirmation debout et gestuelle sur la poursuite d'un comportement énergisant; traversée de la rivière avec des pierres et demande d'aide; exercice précédant en visualisation.

6 g) Thème 7 sur la famille. Prise de conscience des rôles familiaux, de leur impact sur la santé, sur la possibilité de changer de rôle et sur l'évaluation réaliste du potentiel d'aide de la famille. Exercices : remue-méninges sur les rôles (énumération, liste des membres de la famille et leurs rôles); exercice du banc avec le sauveur qui tombe quand les autres se lèvent; exercice du banc où on négocie les rôles.

6 h) Thème 8 sur les ressources. Contenu: démystification de l'autonomie; acceptabilité de l'aide; reconnaissance des ressources nécessaires; croyances qui limitent l'accès aux ressources. Exercices : texte sur Terry Fox (identification de l'aide reçue); bilan des ressources selon besoins tirés au sort.

6 i) Thème 9 sur la négociation du contrat. Contenu: démystifier la notion de contrat (relation implique contrat); clarifier les attentes, favoriser la négociation selon l'intérêt; faire d'abord un contrat avec soi-même. Exercices : remue-méninges sur le contrat; jeu de rôle sur la négociation d'un contrat.

6 j) Thème 10 sur l'héritage. Contenu : faire un bilan, permettre le partage et l'ancrage des acquis et indiquer les changements à venir. Exercices : remue-méninges sur les deuils des croyances, attitudes et comportements; présentation des objets symboliques; fête.

7. Suite à ce bilan par thème, avez-vous d'autres commentaires, de quelque nature, concernant les groupes que vous animerez?

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Grille d'entrevue post-intervention des animateurs de groupe

Préambule

Cette deuxième entrevue se répartit en trois sections. La première se consacre à l'appréciation globale que font les animateurs de l'intervention autant au plan de son déroulement, de ses effets que du rôle de l'animateur. La deuxième section concerne le déroulement thème par thème des rencontres avec un accent particulier sur les processus prévus par les concepteurs. La troisième section porte sur l'appréciation de la participation et des effets de l'intervention sur les sujets que nous avons suivis. Il est important de rappeler aux animateurs de ne pas nommer les participants par leur nom, mais bien par leur seul prénom. À cette fin, on peut leur remettre la liste des participants avec les prénoms mis en évidence.

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1. Appréciation des rencontres et de leurs effets

Il s'agit ici de questions globales et génériques qui peuvent être modifiées ou auxquelles on peut ajouter des questions en fonction de l'analyse faite des entrevues pré-intervention et des commentaires faits après les rencontres ou lors des périodes de coaching.

1.1. Globalement, comment trouvez-vous que les rencontres se sont déroulées? Quels sont les points forts et les points faibles de ce type de rencontres?

1.2. Qu'est-ce qui motivait les participants à venir? Comment ont-ils vécu ces rencontres? Qu'ont-ils particulièrement apprécié? Qu'ont-ils moins apprécié?

Pour la question suivante, elle peut être reformulée ou modifiée en fonction des problèmes ou des besoins identifiés antérieurement par les animateurs.

1.3. Selon vous, qu'est-ce que les participants ont retiré de ces rencontres? Répondaient-elles à leurs besoins?

1.4. Quelles sont les modifications que vous avez apporté à l'intervention telle que conçue par les auteurs? Qu'est-ce qui vous a amené à faire ces modifications?

1.5. Comment définiriez-vous votre rôle dans l'intervention qui s'est déroulée cet automne?

2. Déroulement et processus par thème

Il n'y a pas en soi de questions par thème sauf les deux qui vont suivre. Il s'agit ici de remettre aux animateurs les documents suivants : la liste des thèmes et des exercices effectués et celle des thèmes et des processus prévus par les auteures de même que la feuille de présence. Pour chacun des thèmes, il faut demander les deux questions qui suivent. Vous pouvez ajouter ou modifier des questions en fonction de ce que les animateurs ont dit aux autres occasions (entrevue, rencontres, coaching).

2.1. Selon vous, comment ont réagi les participants à ce thème, tant au contenu qu'aux exercices?

2.2. Dans quelle mesure pensez-vous que les participants ont vécu les démarches personnelles ou effectué les changements prévus par la méthode?

3. Si vous aviez à réutiliser la méthode, y apporteriez-vous des adaptations ou des modifications? Lesquelles?

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Agence . €te développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux

Québec caca Santé publique 'Montréal

BON DE COMMANDE

QUANTITE TITRE DE LA PUBLICATION

Évaluation de groupes de soutien (psychoéducatifs) pour aidants familiaux vers une théorie de l'action

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