Post on 11-Sep-2020
PANORAMA DE PRESSE
19/01/2018 08h29
CGT
Panorama réalisé avec Pressedd
SOMMAIRE
SYNDICALISME(2 articles)
vendredi 19 janvier2018
Page 6
vendredi 19 janvier2018
Page 7
ACTUALITE SOCIALE(8 articles)
vendredi 19 janvier2018
Page 9
vendredi 19 janvier2018
Page 11
vendredi 19 janvier2018
Page 12
vendredi 19 janvier2018
Page 14
vendredi 19 janvier2018
Page 15
La CGT veut créer « un rapport de force » (359 mots)
Le syndicat a réuni ses forces vives, mardi, à Rennes, pour organiser son plan debataille 2018, sur tous les fronts. …
Les prud’hommes se renouvellent (399 mots)
Justice Par Victor Tassel Le conseil de prud’hommes de Seine-Saint-Denis aeffectué son audience de rent…
Les syndicats d'Alstom font la grève du vote (752 mots)
Jeudi, les syndicats du groupe Alstom ont parlé d'une seule voix. Sommés de seprononcer sur le mariage forcé entre le cons…
Les salariés de Vallourec interpellent Macron (662 mots)
Vallourec cède son activité Drill. Ses sites de production de matériel de foragepétrolier sont rachetés par la firme états…
Migrants : l’irrationnel au pouvoir ? (921 mots)
Très loin du renouveau proclamé depuis l’élection du président Macron, lapolitique migratoire du gouvernement Philippe se …
Dialogue social : une autre méthode est possible (660 mots)
Notre pays aime les confrontations. La réforme du code du travail l’a encoremontré. Celles à venir au sujet de la formatio…
En prison, « la violence physique devient de plus en plusfréquente » (1029 mots)
Si le mouvement de protestation des surveillants a pris une telle ampleur, c’estque le thème de la sécurité a rencontré un très la…
vendredi 19 janvier2018
Page 18
vendredi 19 janvier2018
Page 20
vendredi 19 janvier2018
Page 22
RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL(4 articles)
vendredi 19 janvier2018
Page 25
vendredi 19 janvier2018
Page 26
vendredi 19 janvier2018
Page 27
vendredi 19 janvier2018
Page 28
PROTECTION SOCIALE(1 article)
vendredi 19 janvier2018
Page 30
Malaise social dans les prisons (1058 mots)
L'ampleur du mouvement de protestation des surveillants péni-tentiaires asurpris. De fait, l'élément déclencheur, l'agress…
Le smic nuit-il à l'emploi ? (1083 mots)
Comme le montre à nouveau le récent débat sur les modalités de la revalorisationdu salaire minimum, certains économistes j…
Carrières précaires : les femmes deux fois plus touchées queles hommes (711 mots)
Les femmes aux parcours professionnels chaotiques déclarent "avoir le sentimentd'être exploitées" et "devoir faire des cho…
PSA, premier de cordée des ordonnances (651 mots)
« La direction refuse toujours de nous donner le détail des suppressions de postes,catégorie par catégorie », s'agace Jean…
Ordonnances Les employeurs montent en grade (599 mots)
C’est la réforme majeure de ce début de quinquennat. Et sans doute la plusimportante des (nombreuses) retouches du code du…
contours flous pour les contrats (511 mots)
La réforme du code du travail modifie-t-elle les règles en matière de contrats detravail ? Oui. Et notamment pour les CDD.…
des IRP en fusion (344 mots)
C’est une veille revendication patronale, à laquelle la loi Rebsamen de 2015 avaitpartiellement répondu, et que la réforme…
Les Français expatriés hors de l'Europe continueront àfinancer la Sécu (756 mots)
FISCALITÉ Ce n'est pas tous les jours que la France obtient gain de cause devantla Cour de justice européenne en ma…
MOUVEMENTS SOCIAUX(1 article)
vendredi 19 janvier2018
Page 33
EUROPE ET INTERNATIONAL(2 articles)
vendredi 19 janvier2018
Page 35
vendredi 19 au jeudi 25janvier 2018
Page 38
Journée sous haute tension à la prison (414 mots)
Fleury-Mérogis Par Florian Loisy et Nicolas Sivan Chaud dedans, chaud dehors.Les surveilla…
Comment renverser la tendance à l'accroissement desinégalités ? (2075 mots)
Quels sont les facteurs qui ont pesé dans le sens d'un accroissement des inégalitésen France, en Europe…
Jörg Hofmann syndicaliste nouvelle génération (801 mots)
La révolution sociale en Allemagne affiche le visage calme et rassurant de …
SYNDICALISME
5
La CGT veut créer « un rapport de force »Le syndicat a réuni ses forces vives, mardi, à Rennes, pour organiser son plan de bataille 2018,sur tous les fronts.
vendredi 19 janvier 2018Édition(s) : St Malo, Rennes Ouest, Redon, Fougères, Vitré…
Page 8359 mots
DÉPARTEMENTALE
Intermarché de La Mézière
La CGT a déposé, fin décembre, un
référé pour empêcher le directeur du
magasin d'ouvrir le 31 décembre et
faire respecter l'accord local sur l'ou-
verture dominicale des grandes sur-
faces.
« Le tribunal a rendu sa décision
la veille, menaçant le commerçant
d'une amende de 2 500 € et 20 000
€ d'astreinte en cas d'ouverture. Le
commerçant a préféré renoncer »,
se félicite Loïc Morel, secrétaire de la
CGT 35.
Pour les 32 heures hebdomadaires
À l'image des mobilisations en cours,
chez les facteurs de Rennes ou en-
core chez les gardiens de prison, la
CGT appelle à la mobilisation dans
tous les secteurs pour défendre les
droits et montrer « qu'il existe des
alternatives au modèle qu'on veut
nous imposer ».
Au-delà des négociations à venir sur
les retraites, l'apprentissage, le syn-
dicat milite pour les 32 heures de tra-
vail hebdomadaires. « IG Metal en
Allemagne se bat pour les 28
heures... »
Philippe Martinez, aujourd'hui, à
Rennes
Le leader de la CGT, invité ce vendre-
di aux Assises de la citoyenneté orga-
nisées par Ouest-France, viendra à la
rencontre de 27 secrétaires du syndi-
cat élus ces derniers mois dans le dé-
partement.
« C'est la preuve de la vitalité de
notre syndicat, dont les effectifs se
maintiennent autour de 9 400
adhérents, note Loïc Morel. Même
si cela n'est pas suffisant pour
créer un vrai rapport de force. »
Grève dans les Ehpad
Elle aura lieu le 30 janvier, avec ras-
semblement devant la préfecture de
Beauregard, à 15 h. La CGT dénonce
la dégradation constante des condi-
tions de travail dans les établisse-
ments pour personnes âgées et le
sous-financement de ces structures,
qui les empêchent de recruter.
Plusieurs directeurs d'établissements
ont fait part, la semaine dernière, de
leurs difficultés à embaucher, « faute
de candidats ». « C'est surtout
qu'ils n'ont plus les moyens de re-
cruter », assure Dominique Besson-
Milord, déléguée CGT. ■
Loïc Morel et Dominique Besson- Mi-lord présentent un ouvrage sur les
luttes sociales de 1953.
par Laurent Le Goff.
Tous droits réservés Ouest-France
269b937b8e30ed0a752012305200a1d74e090555f17b8eb9bc6da0a
Parution : Quotidienne
Diffusion : 676 002 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 2 387 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 6
Les prud’hommes se renouvellent
Pour la première fois depuis la création du conseil de prud’hommes, la CGT n’apas obtenu la présidence de la nouvelle mandature. Le signe d’un profondchangement.
vendredi 19 janvier 2018Édition(s) : Seine St Denis
Page 42399 mots
DEP LOCALE—SEINE-SAINT-DENIS
J ustice
Par Victor Tassel
Le conseil de prud’hommes de Seine-
Saint-Denis a effectué son audience
de rentrée solennelle, hier, avec sa
nouvelle présidente (CFDT) Eliane
Fromentel, élue la semaine der-
nière. Jamila Mantour (CGT) a donc
laissé son siège après douze ans de
présence pour cette nouvelle manda-
ture de trois ans, marquée par le
changement.
pour la première fois, La
CFDT décroche la
présidence
Depuis la création du conseil de
prud’hommes départemental, c’est la
CGT qui le présidait. La donne a
changé avec l’élection d Eliane Fro-
mentel. Cette prise de pouvoir est le
fruit d’un accord scellé entre Force
ouvrière, la CFE-CGC, la CFTC et la
CFDT. Les quatre syndicats souhai-
tant une « répartition plus équi-
table ». « Nous avions soumis l’ac-
cord à la CGT, qui a refusé au pré-
texte d’être la première organisation
syndicale du département », relate
Raphaël Breton (CFDT).
Les conseillers
largement renouvelés
Le nouveau mode de désignation des
conseillers — sur proposition des
syndicats en fonction de leur au-
dience de représentativité dans le dé-
partement — a permis un profond re-
nouvellement. Ainsi, 132 juges de
travail ont été nouvellement élus sur
234 au total, soit un renouvellement
de 62 %. « La parité a bien été respec-
tée. Nous avons autant de femmes
juges du travail que d’hommes »,
s’est félicitée la présidente.
L’an dernier, les délais
se sont rallongés
Les chiffres de l’activité en 2017 ont
été dévoilés. Le nombre d’affaires
nouvelles a diminué, passant de
4 630 en 2016, à 4 174 l’an passé. De
même, 5 564 dossiers ont été bouclés
cette année, contre 5 927 sur l’exer-
cice précédent. Paradoxalement, les
délais ont augmenté, de 24 mois en
moyenne, pour clore une affaire. Une
des raisons est la sollicitation de plus
en plus fréquente d’un juge départi-
teur.
point noir : le départage
Lorsque les quatre juges ne par-
viennent pas à un accord avant leur
délibéré, ils font appel à un juge dé-
partiteur. « Ce renvoi doit être une
exception et ne doit résulter que d’un
problème d’interprétation du droit »,
a rappelé Eliane Fromentel. Or, il y a
des abus, et parfois, un manque d’in-
dépendance et d’impartialité. Les
dossiers s’accumulent et les délais
s’allongent. La présidente souhaite
embaucher trois juges départiteurs à
temps plein. Entre le début et la fin,
le nombre de dossiers en départage
est seulement passé de 1 249… à
1 208. « Cette situation ne peut per-
durer dans ce conseil. Il y a urgence »,
s’est alarmé Eliane Fromentel. ■
Bobigny, hier. Eliane Fromentel (CFDT) aété élue présidente de l’instance départe-
mentale.
Tous droits réservés Le Parisien 2018
179f538787904004c55916c0d60921b54f49815461ae8cfa5568a9d
Parution : Quotidienne
Diffusion : 206 916 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 1 540 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 7
ACTUALITE SOCIALE
↑ 8
INDUSTRIE
Les syndicats d'Alstom font la grève du voteLes élus des salariés au comité de groupe ont reporté leur avis sur la fusion avec Siemens. Selonune expertise, ce dernier serait le seul gagnant du projet voulu par Bercy et l'élysée.
vendredi 19 janvier 2018Page 8
752 mots
SOCIAL-ECO
J eudi, les syndicats du groupe
Alstom ont parlé d'une seule voix.
Sommés de se prononcer sur le ma-
riage forcé entre le constructeur fer-
roviaire français et son concurrent
Siemens, les représentants des sala-
riés ont décidé de reporter leur avis,
dans l'attente de disposer de plus
amples informations. D'abord sur les
garanties sociales mais également
sur le volet stratégique et industriel.
Car, explique la CGT, Siemens refuse
catégoriquement « de communiquer
les pièces maîtresses du deal ». Le ca-
binet d'expertise Secafi et Info-Insti-
tut, mandaté par le comité de groupe
européen et le comité central d'en-
treprise, dont le rapport a été présen-
té lors de la réunion de jeudi, a
confirmé que, depuis le mois d'oc-
tobre, « d'importantes informations
exigées pour anticiper les impacts so-
ciaux ne sont pas disponibles ». Le
refus venant essentiellement de l'en-
treprise allemande.
Face à ce front syndical, la direction
a suspendu la réunion, en promettant
aux syndicats des réponses à leurs in-
terrogations le 31 janvier. La pres-
sion pour faire adopter le projet de
fusion à marche forcée par les syndi-
cats se poursuit. Pourquoi une telle
rapidité sur un dossier aussi com-
plexe ? « L'objectif de la direction est
d'obtenir dans les plus brefs délais
l'avis positif des instances pour se
présenter très favorablement devant
l'autorité antitrust européenne », as-
sure la CGT. Car, si l'avis du comité
de groupe européen est « consultatif
», explique Claude Mandart, délégué
syndical central CFE-CGC, « sans cet
avis, le processus (de rapprochement
avec Siemens NDLR) ne peut pas se
poursuivre » et les directions des
deux groupes « ne peuvent pas passer
à l'étape d'après », c'est-à-dire la pré-
sentation du dossier aux instances
antitrust de la Commission euro-
péenne.
Si le plus grand flou règne quant à
l'avenir des emplois et des sites en
France et en Europe, le rapport d'ex-
pertise de Secafi/Info-Institut, dont
l'Humanité a obtenu une copie,
montre que le projet fait un seul ga-
gnant : Siemens. Ce projet est « net-
tement plus stratégique et utile pour
Siemens que pour Alstom », notent
les experts. Et de lister trois princi-
pales raisons. « Sur le matériel rou-
lant, Siemens acquiert ce qui lui
manquait : des capacités de dévelop-
pement hors d'Europe, en particulier
en Asie ( ). Sur la signalisation, Sie-
mens écrase le marché, tue son prin-
cipal concurrent, acquiert des com-
pétences rares, prend une avance
considérable, devient la référence. »
Et cerise sur le gâteau, l'opération lui
coûte « zéro de trésorerie », com-
plètent les auteurs du rapport, ajou-
tant qu'ainsi il n'y aura « pas de
contrainte de retour sur investisse-
ment vis-à-vis des actionnaires ».
Alors que si d'autres rapprochements
avaient été conclus entre Alstom et
Bombardier, Thales ou les deux, le
risque aurait été grand pour le
groupe allemand.
De plus, le leader français va bien. Il
n'a d'ailleurs jamais été aussi « so-
lide, opérationnellement et financiè-
rement, y compris dans ses perspec-
tives », relève encore le rapport. Dis-
posant d'un carnet de commandes «
jamais atteint », représentant sept
années de chiffres d'affaires, d'une «
absence d'endettement », Alstom est
même « plus solide financièrement
que Siemens », expliquent les ex-
perts. De telle sorte que ce projet «
n'apparaît pas comme une urgence. (
) Nous avons au final du mal à perce-
voir, pour Alstom, les menaces ou les
intérêts stratégiques qui ont conduit
à ce projet », concluent-ils.
La raison est sans aucun doute à
chercher du côté de l'élysée. C'est, en
substance, ce qui est écrit dans le
rapport, selon lequel il s'agirait « plus
certainement d'une anticipation
stratégique, probablement incitée
par les gouvernements français et al-
lemand ». Une mission d'information
ainsi qu'une commission d'enquête
parlementaire ont vu le jour à la suite
de ce nouveau scandale d'état, dont
les conclusions ne seront pas
connues avant mai prochain. Un peu
tard, alors que « l'élysée est à la ma-
nœuvre pour faire accélérer le pro-
cessus de fusion », dénonce le député
communiste Fabien Roussel, membre
de la commission d'enquête. Ce der-
nier précisant que le temps gagné «
peut permettre d'ouvrir de nouvelles
portes aux mobilisations, d'exiger
des réponses, informer les salariés,
les élus locaux concernés ». ■
↑ 9
par Clotilde Mathieu
Tous droits réservés L'Humanité 2018
A69E93688F202106A5E61BD06406110241B9B05D01C88328200DFDB
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 10
CESSION
Les salariés de Vallourec interpellent MacronLe groupe, renfloué par l'état à hauteur de 250 millions d'euros en 2016, menace de fermer sesusines de Tarbes et Cosne-sur-Loire. 173 emplois sont en jeu.
vendredi 19 janvier 2018Page 9
662 mots
SOCIAL-ECO
V allourec cède son activité Drill.
Ses sites de production de ma-
tériel de forage pétrolier sont rache-
tés par la firme états-unienne Natio-
nal Oil Varco (NOV). Tous les sites ?
Non. Le 11 décembre, les salariés de
Tarbes (Hautes-Pyrénées) et de
Cosne-sur-Loire (Nièvre) appre-
naient que ces deux usines n'inté-
ressent pas NOV. Faute de repreneur,
Vallourec menace de fermer les deux
lieux de production dès la fin février.
A Tarbes travaillent 53 salariés et à
Cosne, 120.
Autour de l'usine de Tarbes sont ap-
parues en décembre des banderoles
et pancartes : « A vendre. Joyeux Noël
! » « On ne laissera pas faire ». Mer-
credi, un rassemblement avait lieu
devant le site. Aux salariés de Vallou-
rec, en tenue bleu et orange, se sont
joints des militants de la CGT et du
PCF. En février 2016, le groupe Val-
lourec, alors en difficulté, avait bé-
néficié d'une substantielle aide de
l'état, via une recapitalisation de 250
millions d'euros réalisée par la
Banque publique d'investisse-
ment (BPI). Celle-ci a ainsi acquis
14,78 % du capital de Vallourec. A
l'époque, le ministre de l'économie et
de l'Industrie s'appelait Emmanuel
Macron. D'où le message des salariés
: Vallourec, qui a bénéficié des lar-
gesses de l'état, doit être mis face à
ses responsabilités. Particularité du
site de Tarbes : il travaille aussi pour
l'armement (30 % de son chiffre d'af-
faires) et produit des obus pour Nex-
ter, fournisseur de l'armée française.
Les salariés tarbais ont tiré la son-
nette d'alarme. Pendant les vacances
de Noël, les élus du département ont
remis en main propre une lettre à
Emmanuel Macron, venu faire du ski
dans les Hautes-Pyrénées. Dès le len-
demain, la préfète a réuni les parle-
mentaires bigourdans. A l'élysée, un
conseiller du président de la Répu-
blique suit de près le dossier Vallou-
rec.Le rassemblement de mercredi
était l'expression d'une usine qui
veut continuer à fonctionner. Une
banderole de la CGT est déployée : «
M. Macron, les Hautes-Pyrénées, ce
n'est seulement le ski ! » C'est aussi
l'industrie. « Vallourec se débarrasse
de ses sites en France et en même
temps investit en Chine et au Brésil
», explique Cédric Dorondovas. Le se-
crétaire du comité d'entreprise rap-
pelle que, depuis l'annonce du 11 dé-
cembre, « l'action Vallourec a aug-
menté de presque 19 % ».
Le groupe industriel a demandé au
cabinet Athema de trouver un repre-
neur pour les usines de Tarbes et
Cosne, mais ceux qui y travaillent ne
sont guère informés. « Il y aurait des
entreprises intéressées par le rachat
mais on ne sait pas s'il s'agit d'offres
sérieuses », ajoute Cédric Dorondo-
vas. Les salariés demandent que soit
repoussée l'échéance, trop proche, de
fin février. Yolande Guinle,
conseillère régionale PCF, présente
dans le rassemblement, s'engage à
alerter Carole Delga, présidente de
l'Occitanie.
Les neuf salariés venus du Nord et
reclassés à Tarbes sont particulière-
ment désemparés. Ainsi Jean-Claude
Lefebvre, 50 ans. Cet usineur en
poste à Saint-Saulve, près de Valen-
ciennes, a traversé toute la France en
mars 2017. Sa famille est venue le re-
joindre en septembre. Ses deux plus
jeunes enfants sont scolarisés à
Tarbes. A peine ont-ils posé les va-
lises qu'ils risquent déjà de repartir. «
Une annonce comme celle du 11 dé-
cembre, mentalement, c'est très
compliqué », soupire Jean-Claude Le-
febvre. « Depuis longtemps, les
Hautes-Pyrénées sont sacrifiées »,
s'écrie François Dousseau, secrétaire
départemental CGT. Pour leur redon-
ner un élan industriel, une grande
manifestation est prévue le 10 fé-
vrier. ■
par Bruno Vincens
Tous droits réservés L'Humanité 2018
0392534C8830AD0CF5091D60B409119D40E9A859B1F981B683457A9
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 11
Migrants : l’irrationnel au pouvoir ?
Les dispositifs répressifs perpétuent le «problème migratoire» qu’ils prétendent pourtantrésoudre : ils créent des migrants précaires et vulnérables contraints de renoncer à leurprojet de retour au pays.
N° 11399vendredi 19 janvier 2018
Édition(s) : PrincipalePage 20
921 mots
IDÉES
T rès loin du renouveau proclamé
depuis l’élection du président
Macron, la politique migratoire du
gouvernement Philippe se place dans
une triste continuité avec celles qui
l’ont précédée tout en franchissant
de nouvelles lignes rouges qui au-
raient relevé de l’inimaginable il y a
encore quelques années. Si, en 1996,
la France s’émouvait de l’irruption de
policiers dans une église pour délo-
ger les grévistes migrant.e.s, que de
pas franchis depuis : accès à l’eau et
distributions de nourriture empê-
chés, tentes tailladées, familles tra-
quées jusque dans les centres d’hé-
bergement d’urgence en violation du
principe fondamental de l’incondi-
tionnalité du secours.
La loi sur l’immigration que le gou-
vernement prépare marque l’embal-
lement de ce processus répressif en
proposant d’allonger les délais de ré-
tention administrative, de générali-
ser les assignations à résidence,
d’augmenter les expulsions et de
durcir l’application du règlement de
Dublin, de restreindre les conditions
d’accès à certains titres de séjour, ou
de supprimer la garantie d’un recours
suspensif pour certain.e.s deman-
deur.e.s d’asile. Au-delà de leur ap-
parente diversité, ces mesures re-
posent sur une seule et même idée de
la migration comme «problème».
Cela fait pourtant plusieurs décen-
nies que les chercheurs spécialisés
sur les migrations, toutes disciplines
scientifiques confondues, montrent
que cette vision est largement erro-
née. Contrairement aux idées reçues,
il n’y a pas eu d’augmentation dras-
tique des migrations durant les der-
nières décennies. Les flux en valeur
absolue ont augmenté mais le
nombre relatif de migrant.e.s par
rapport à la population mondiale
stagne à 3 % et est le même qu’au dé-
but du XXe siècle. Dans l’Union euro-
péenne, après le pic de 2015, qui n’a
par ailleurs pas concerné la France,
le nombre des arrivées à déjà chuté.
Sans compter les «sorties» jamais in-
tégrées aux analyses statistiques et
pourtant loin d’être négligeables. Et
si la demande d’asile a connu, en
France, une augmentation récente,
elle est loin d’être démesurée au re-
gard d’autres périodes historiques.
Au final, la mal nommée «crise mi-
gratoire» européenne est bien plus
une crise institutionnelle, une crise
de la solidarité et de l’hospitalité,
qu’une crise des flux. Car ce qui est
inédit dans la période actuelle c’est
bien plus l’accentuation des disposi-
tifs répressifs que l’augmentation de
la proportion des arrivées.
La menace que représenteraient les
migrant.e.s pour le marché du travail
est tout autant exagérée. Une abon-
dance de travaux montre depuis
longtemps que la migration constitue
un apport à la fois économique et dé-
mographique dans le contexte des
sociétés européennes vieillissantes,
où de nombreux emplois sont délais-
sés par les nationaux. Les écono-
mistes répètent qu’il n’y a pas de cor-
rélation avérée entre immigration et
chômage car le marché du travail
n’est pas un gâteau à taille fixe et in-
dépendante du nombre de convives.
En Europe, les migrant.e.s ne coûtent
pas plus qu’ils/elles ne contribuent
aux finances publiques, auxquelles
ils/elles participent davantage que
les nationaux, du fait de la structure
par âge de leur population.
Imaginons un instant une France
sans migrant.e.s. L’image est vertigi-
neuse tant leur place est importante
dans nos existences et les secteurs vi-
taux de nos économies : auprès de
nos familles, dans les domaines de la
santé, de la recherche, de l’industrie,
de la construction, des services aux
personnes, etc. Et parce qu’en fait,
les migrant.e.s, c’est nous : un.e
Français.e sur quatre a au moins un.e
parent.e ou un.e grand-parent immi-
gré.e.
En tant que chercheur.e.s, nous
sommes stupéfait.e.s de voir les res-
ponsables politiques successifs assé-
ner des contre-vérités, puis jeter de
l’huile sur le feu. Car loin de résoudre
des problèmes fantasmés, les me-
sures, que chaque nouvelle majorité
s’est empressée de prendre, n’ont
cessé d’en fabriquer de plus aigus.
Les situations d’irrégularité et de
précarité qui feraient des migrant.e.s
des «fardeaux» sont précisément pro-
duites par nos politiques migratoires
: la quasi-absence de canaux légaux
de migration (pourtant préconisés
par les organismes internationaux les
↑ 12
plus consensuels) oblige les mi-
grant.e.s à dépenser des sommes
considérables pour emprunter des
voies illégales. La vulnérabilité fi-
nancière mais aussi physique et psy-
chique produite par notre choix de
verrouiller les frontières est ensuite
redoublée par d’autres pièces de nos
réglementations : en obligeant les
migrant.e.s à demeurer dans le pre-
mier pays d’entrée de l’UE, le règle-
ment de Dublin les prive de leurs ré-
seaux familiaux et communautaires,
souvent situés dans d’autres pays eu-
ropéens et si précieux à leur inser-
tion. A l’arrivée, nos lois sur l’accès
au séjour et au travail les main-
tiennent, ou les font basculer, dans
des situations de clandestinité et de
dépendance. Enfin, ces lois contri-
buent paradoxalement à rendre les
migrations irréversibles : la précarité
administrative des migrant.e.s les
pousse souvent à renoncer à leurs
projets de retour au pays par peur
qu’ils ne soient définitifs. Les en-
quêtes montrent que c’est l’absence
de «papiers» qui empêche ces re-
tours. Nos politiques migratoires fa-
briquent bien ce contre quoi elles
prétendent lutter.
Les migrant.e.s ne sont pas «la mi-
sère du monde». Comme ses prédé-
cesseurs, le gouvernement signe au-
jourd’hui les conditions d’un échec
programmé, autant en termes de
pertes sociales, économiques et hu-
maines, que d’inefficacité au regard
de ses propres objectifs.
Imaginons une autre politique mi-
gratoire. Une politique migratoire
enfin réaliste. Elle est possible,
même sans les millions utilisés pour
la rétention et l’expulsion des mi-
grant.e.s, le verrouillage hautement
technologique des frontières, le fi-
nancement de patrouilles de police et
de CRS, les sommes versées aux ré-
gimes autoritaires de tous bords pour
qu’ils retiennent, reprennent ou en-
ferment leurs migrant.e.s. Une poli-
tique d’accueil digne de ce nom, fon-
dée sur l’enrichissement mutuel et le
respect de la dignité de l’autre, coû-
terait certainement moins cher que
la politique restrictive et destructrice
que le gouvernement a choisi de ren-
forcer encore un peu plus au-
jourd’hui. Quelle est donc sa rationa-
lité : ignorance ou électoralisme ? ■
par Karen Akoka et Ca-
mille Schmoll
Tous droits réservés Libération 2018
2f9ec3438f909a0365671c10c109e1c048294f5eb1848749a281906
Parution : Quotidienne
Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 13
Dialogue social : une autre méthode est possible
Pascal Demurger . Directeur général de la Maif
N° 11399vendredi 19 janvier 2018Édition(s) : Supplément
Page 4660 mots
NONE
N otre pays aime les
confrontations. La réforme du
code du travail l’a encore montré.
Celles à venir au sujet de la formation
professionnelle et de l’assurance
chômage ne devraient pas déroger à
la règle. Comme dans toute négocia-
tion sociale, nous chercherons, à leur
issue, les gagnants et les perdants
de l’inévitable compromis en mesu-
rant les concessions de part et
d’autre. Notre culture du dialogue
social repose sur une logique d’arbi-
trage entre deux intérêts opposés
dans un jeu à sommes nulles. Avec
cette idée, on peut voter une ré-
forme, signer un accord, mais certai-
nement pas créer les conditions du
succès.
J’ai la conviction que c’est au
contraire en intégrant les contraintes
de l’autre et en recherchant en-
semble des solutions innovantes
pour maximiser le bénéfice collectif
que l’on parvient à satisfaire chacun.
C’est ce que nous avons cherché à
faire à la Maif sur un sujet complexe
: l’organisation du temps de travail
dans une entreprise de 7 500 salariés
répartis partout en France. Pour cela,
deux ruptures avec les schémas tradi-
tionnels étaient nécessaires. Le tra-
vail est trop souvent associé à une
contrainte, voire une souffrance.
Cette vision conduit à un débat pure-
ment quantitatif entre un employeur
qui cherche à augmenter le temps
de travail et des salariés qui aspirent
à le réduire. Nous avons voulu poser
la question différemment : quelle or-
ganisation du travail peut engendrer
la plus grande source d’épanouisse-
ment professionnel ? Lorsque l’on
pose la question ainsi, la réponse
n’est évidemment pas seulement de
travailler moins. Nous savons que
notre satisfaction au travail est
d’abord liée au sentiment de contri-
buer par ses actions à quelque chose
de plus grand que soi et à la recon-
naissance que l’on en reçoit. La se-
conde rupture concerne la méthode.
Nous avons choisi de coconstruire
chaque étape de ce projet. Avec nos
sociétaires, pour comprendre leurs
attentes. Avec nos équipes, puisque
10 % de nos salariés - plus de
700 personnes ! - ont participé à
l’élaboration des propositions. Dès le
départ, les organisations syndicales
ont été parties prenantes d’une dé-
marche que nous avons définie en-
semble.
Il y a quelques semaines, ce projet a
abouti à la signature d’un accord qui
fait converger à la fois les attentes
des clients, les aspirations des col-
laborateurs et les besoins de l’entre-
prise. Par exemple, l’accord prévoit
des amplitudes horaires élargies,
mieux adaptées aux besoins de nos
assurés, de même qu’il organise une
annualisation du temps de travail fa-
vorisant la rapidité de la réponse à
nos sociétaires en période de pointe.
En contrepartie, nos collaborateurs
peuvent désormais organiser libre-
ment leur temps de travail dans ce
cadre. L’accord prévoit aussi plu-
sieurs mesures de gestion des fins de
carrière. Tous les salariés de plus de
60 ans qui le souhaitent pourront
cesser leur activité avec un revenu
supérieur à leur retraite à taux plein.
L’accord accélère ainsi le renouvelle-
ment des métiers à un coût nul, grâce
au différentiel de salaire entre les
partants et les nouveaux embauchés.
Certes, un an de coconstruction avec
nos salariés, cela peut sembler très
long. C’est largement compensé par
des négociations qui, de ce fait, n’ont
duré que trois mois. Mais surtout, j’ai
le sentiment que ce temps est un in-
vestissement essentiel pour l’avenir.
Il a permis de faire progresser notre
culture du dialogue de manière pro-
fonde et durable. Il a contribué à
créer un cadre dans lequel la
confiance dans la bonne foi de l’autre
permet de se mettre d’accord au-
jourd’hui sans craindre de perdre de-
main, car on sait que l’on arrivera à
faire machine arrière si cela s’avère
nécessaire. In fine, cet accord,
comme la méthode que nous avons
utilisée pour l’élaborer, nous aide à
construire une entreprise plus attrac-
tive et plus aspirationnelle. Dans une
économie qui se transforme à une vi-
tesse inédite, l’impératif d’adapta-
tion des entreprises est plus vital que
jamais. Tous - salariés, organisations
syndicales, dirigeants -, nous
sommes conscients de cette réalité.
Alors, sortons des jeux de rôle et des
schémas préconçus, et engageons-
nous pour créer un nouvel état d’es-
prit et de nouvelles conditions de
dialogue dans l’entreprise. ■
par Pascal Demurger
Tous droits réservés Libération 2018
f696d39c8c50f201652210e08f0b115d4bd9f65ac1f88e6e135152c
Parution : Quotidienne
Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 14
En prison, « la violence physique devient de plus en plus fréquente »
vendredi 19 janvier 20181029 mots
POLICE ET JUSTICE—SOCIÉTÉ
Si le mouvement de protestation des surveillants a pris une telle ampleur, c’est
que le thème de la sécurité a rencontré un très large écho dans les coursives,
mais également chez les personnels moins en contact avec les personnes déte-
nues. Dans un contexte de tensions croissantes dues à la surpopulation carcé-
rale, le phénomène de la radicalisation nourrit les inquiétudes. Sur les quelque
70 000 personnes détenues en France, condamnées ou en détention provisoire,
500 le sont pour des affaires liées de près ou de loin au terrorisme islamiste, et
1 200 « droits communs » sont identifiés comme étant radicalisés.
A la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne), ils sont une centaine, dont
soixante « terros » et quarante « droits communs » sur 2 800 détenus. Mais
dans leur vécu, les surveillants de cet établissement vétuste dont le taux d’oc-
cupation atteint aujourd’hui 203 %, évoquent surtout les incivilités et tensions
quotidiennes dans la détention « ordinaire », avec des perceptions nuancées.
Aurélie, 24 ans, surveillante titulaire depuis un an après une année comme
stagiaire, assure « n’avoir encore jamais eu peur en détention », même s’il lui est
arrivé d’être seule pour gérer une coursive. Son « record » :142 détenus. « C’est
sûr que ce n’est pas très sécuritaire, concède-t-elle. Certains services sont gé-
niaux, car les personnes détenues sont détendues, et d’autres, on ne sait pas pour-
quoi, où c’est le bordel. » C’est « par plaisir et par choix » qu’elle reste affectée
aux coursives, car avec les heures supplémentaires et le travail de nuit, sa ré-
munération nette monte à environ 1 700 euros par mois.
« La violence vient souvent de la frustration »
Cet ancien agent de sécurité entré dans la pénitentiaire à 32 ans, se souvient
d’avoir été agressé une fois en 2008, à Fleury-Mérogis, « un coup de poing, mais
je l’ai rapidement maîtrisé ». Depuis deux ans qu’il est à Fresnes, Louis, 44 ans,
n’a pas subi d’agression physique, mais des insultes ou des intimidations ver-
bales comme « tu verras, je t’attendrai dehors, toi et ta famille ». « Des menaces
presque banales, analyse-t-il, mais certains collègues, à la longue ne supportent
plus. »
« A mes débuts, la pire agression que pouvait subir une surveillante, c’était l’in-
sulte. Aujourd’hui, les détenus n’hésitent pas à nous bousculer », dit Natacha, 35
ans, surveillante à la maison d’arrêt de Nantes. « La violence vient souvent de la
frustration. Si on confisque 5 grammes de shit à la sortie d’un parloir ou un télé-
phone dans une cellule, on sait que le détenu peut vouloir en découdre. »
Elle a été agressée une fois en plus de dix ans de carrière. « J’estime que j’ai
été chanceuse. Ce jour-là, un détenu a appelé depuis sa cellule. Quand j’ai ouvert
la porte, il m’a d’abord repoussée. Violemment. J’ai beau ne pas être très impres-
sionnante physiquement, je n’ai pas lâché prise. Il m’a alors jetée contre le mur.
L’alarme s’est déclenchée et il a été placé au quartier disciplinaire. J’ai repris le
travail aussitôt. On est en sous-effectif. Je ne voulais pas m’arrêter. » Selon Nata-
↑ 15
cha, les détenus sont aussi violents entre eux. « Ici, beaucoup de détenus ont des
lames sur eux, pour se protéger parfois. Mais pas seulement… »
Ce climat de violence latente ou réelle est usant pour les nerfs. « J’ai l’impres-
sion de ne pas avoir peur. Mais quand on m’a placée, pour un temps, sur un poste
protégé, c’est-à-dire loin des détenus, j’ai réalisé que dans les étages, le stress me
rongeait », explique-t-elle.
« La pénitentiaire, j’en peux plus »
Le turnover du personnel complique la situation, avec de jeunes surveillants
qui ont du mal à faire le poids face à des caïds ou des délinquants endurcis.
A Fresnes, près de 50 % des surveillants sont stagiaires, c’est-à-dire qu’ils ont
moins d’un an d’expérience ! De fait, Stéphane, 27 ans, tout frais sorti de
l’école des surveillants en octobre 2017, a déjà lui aussi assumé une coursive
de 120 détenus (50 cellules à deux ou trois par cellule). « Je me suis fait pousser
une fois, mas rien de grave. » Cet ancien électricien dans le bâtiment reconverti
dans la pénitentiaire « pour être fonctionnaire avec la sécurité de l’emploi » rela-
tivise les insultes. « C’est juste des voyous de cités », dit ce petit gabarit.
« Les choses sont plus difficiles à gérer quand on se retrouve face à un fou de 2
mètres, qui n’a rien à faire en prison, et est pris d’un accès de violence », témoigne
Louis, 34 ans, dont 8 passés à Fresnes. Coups de poing au visage, entorses,
luxations : Anthony, surveillant aux Baumettes à Marseille, 29 ans dont sept
passés dans la pénitentiaire, affirme avoir subi quatre agressions physiques au
cours des trois dernières années. Il a déposé autant de plaintes qui, assure-t-
il, ont toutes été classées par le procureur. « On demande des effectifs, c’est vrai,
mais aussi que les juges fassent leur travail car la violence physique devient de plus
en plus fréquente. » Anthony qui a passé le concours « par défaut » veut à tout
prix « entrer dans la police nationale » : « La pénitentiaire, j’en peux plus. »
« A l’hôpital, le médecin m’a dit que je n’avais rien (…) Mais cette agression,
pour moi, ce n’était pas rien. » Alban, surveillant à Nantes.
Coralie, jeune surveillante, également aux Baumettes, rapporte les insultes qui
fusent parfois derrière les portes : « Sale pute ! Viens me… » Elle aussi a « envie
de [se] barrer ». « Mais on est là, on a signé et puis j’aime mon travail, explique
la jeune femme. Je suis là pour aider les détenus car le contact humain est impor-
tant. »
Dans un centre de détention, pour les personnes condamnées à des peines plus
longues, les choses sont différentes. « Les détenus vont et viennent librement
dans les étages. Quand le ton monte, on peut vite se retrouver seul, encerclé par dix
ou quinze gars », raconte Alban, surveillant au centre de détention de Nantes
depuis sept ans.
« C’est une mini-société, avec un caïd, un dealer, des toxicos… Certains ont tou-
jours baigné dans la violence. Ils s’insultent, tout en rigolant. En prison, il faut être
le plus fort. » Alban a été agressé une fois. « Un toxico, qui n’avait pas pris son
traitement, m’avait donné un coup de tête. A l’hôpital, le médecin m’a dit que je
n’avais rien et que je pouvais retourner au travail. Mais cette agression, pour moi,
ce n’était pas rien. »
↑ 16
Un surveillant dans les coursives d’un des bâtiments de la prison de Fresnes (Val-de-Marne), le 11 janvier.
Un surveillant dans les coursives d’un des bâtiments de la prison de Fresnes
(Val-de-Marne), le 11 janvier.
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Par Jean-Baptiste Jacquin, Luc Leroux Marseille, correspondant, Anne-Hé-
lène Dorison Nantes (intérim)
Tous droits réservés http://www.lemonde.fr 2018
9f98535484205a0075bd1860730c61f146d9945d218483b46b6807c
Parution : Quotidienne
↑ 17
Malaise social dans les prisons
vendredi 19 janvier 2018Page 21
1058 mots
CARNET
L'ampleur du mouvement de
protestation des surveillants péni-
tentiaires a surpris. De fait, l'élément
déclencheur, l'agression de trois sur-
veillants dans la prison de Vendin-
le-Vieil (Pas-de-Calais), jeudi 11
janvier, par un détenu armé d'une
paire de ciseaux à bouts ronds et d'un
couteau à beurre, avait un niveau de
gravité relativement bas au regard
des irruptions de violence qui
émaillent tristement la vie carcérale.
S'il y a toujours une part de stratégie
syndicale, voire électorale, dans la
façon de monter en épingle un évé-
nement plus qu'un autre, la réponse
du terrain ne trompe pas sur l'état du
climat social dans les prisons.
Les surveillants n'ont pas le droit de
grève mais ont de nombreux moyens
de gripper une organisation toujours
proche du point de rupture : retards
de 10 à 15 minutes des prises de ser-
vice, barrage mené par des sur-
veillants en repos et des -délégués
syndicaux afin d'empêcher la venue
des intervenants extérieurs, avocats
et familles, et la sortie des détenus
pour un procès ou une audience avec
un juge. Ils sont parvenus à perturber
à des degrés divers le fonctionne-
ment de 139 établissements péni-
tentiaires, lundi 15 janvier, et 96,
mardi 16, sur les 188 que compte le
pays.
Les négociations ouvertes à la hâte
mardi soir par le directeur de l'ad-
ministration pénitentiaire, Stéphane
Bredin, avec le syndicat majoritaire,
l'UFAP-UNSA, et la CGT péniten-
tiaire sur les questions de sécurité
pourraient permettre de débloquer la
situation. Mais le fond du malaise
reste. C'est le pari que fait le troi-
sième syndicat de surveillants, FO
pénitentiaire, le plus dur aujour-
d'hui et le seul à avoir voulu imposer
les questions de rémunération et de
statut à une plate-forme commune
de revendications qui n'a pas vu le
jour.
Au sujet de la sécurité des person-
nels, des progrès peuvent être ac-
complis notamment avec la fourni-
ture de meilleurs équipements pour
les surveillants affectés aux quartiers
d'isolement destinés aux détenus
particulièrement signalés, aux quar-
tiers pour détenus violents ou aux
quartiers disciplinaires. Les réponses
sur la prise en charge des détenus en-
gagés dans une radicalisation isla-
miste seront moins immédiates. La
montée en charge des quartiers
d'évaluation de la radicalisation
(QER) promise par la garde des
sceaux Nicole Belloubet devrait être
confirmée, mais la question d'éta-
blissements de haute sécurité réser-
vés à ces détenus ne devrait être
tranchée que dans le -cadre du plan
pénitentiaire global réclamé par Em-
manuel Macron pour la fin février.
Le paradoxe de la tension actuelle est
que, d'un strict point de vue social, la
situation s'est améliorée. Le nombre
de postes vacants est en baisse après
des promotions record sorties de
l'Ecole nationale d'administration
pénitentiaire. Avec 26 105 sur-
veillants, le taux de couverture est
aujourd'hui supérieur à 95 %. Les ac-
cords de revalo-risation des statuts
négociés en 2016 avec Jean-Jacques
Urvoas, alors ministre de la justice,
commencent à produire leurs effets.
Un effort avait été fait en direction
des grades intermédiaires afin de
faire émerger un corps d'officiers. De
quoi renforcer les structures inter-
médiaires de management face à des
surveillants de plus en plus jeunes et
inexpérimentés et encourager les
évolutions de carrière. La rémunéra-
tion des surveillants " de base " n'a,
elle, guère bougé. " Nous devons ren-
forcer l'attractivité des métiers péni-
tentiaires ", a affirmé lundi Nicole
Belloubet. Ses prédécesseurs ne di-
saient pas autre chose…
INJONCTIONS CONTRADICTOIRES
Mais l'opinion ne s'intéresse guère à
ses prisons et les laisse dans le piège
d'injonctions contradictoires, avec
une demande de sévérité croissante
de la justice et en même temps le re-
fus de voir un établissement carcéral
s'installer près de chez soi. Sans par-
ler du fantasme des " prisons cinq
étoiles ". Le résultat est connu. La
France souffre d'une surpopulation
carcérale chronique dans des établis-
sements mal entretenus, synonymes
de conditions de travail dégradées et
de conditions de détention indignes,
génératrice de violences. Nos prisons
sont ce que l'on veut qu'elles soient,
un lieu où l'on préfère oublier ceux
qui y sont, derrière les barreaux ou
devant.
Dans ce jus prospère un syndicalisme
particulièrement dur, souvent quali-
fié d'archaïque à la chancellerie. Avec
une étonnante division qui va jusqu'à
opposer sur certains sujets une
même -famille comme le syndicat FO
des surveillants et son homologue FO
↑ 18
des directeurs pénitentiaires. Un syn-
dicalisme qui n'a pas réussi à avoir
des améliorations équivalentes à ce
que les syndicats de policiers ont ob-
tenu sur les rémunérations ces
quinze dernières années.
La Cour des comptes avait fustigé, au
printemps 2016, une " tradition coû-
teuse du dialogue social " dans l'admi-
nistration pénitentiaire, avec des mi-
nistres qui avaient préféré acheter la
paix sociale en offrant des avantages
aux représentants syndicaux plutôt
qu'en se préoccupant de l'organisa-
tion du travail des surveillants. Or,
dans le quotidien, ces hommes et ces
femmes sont souvent laissés seuls, ici
à endurer les insultes et les crachats
voire des coups, là à décider de fer-
mer les yeux sur une infraction afin
de " gérer " la détention. Un taux
d'absentéisme très supérieur à la
moyenne révèle des personnels en
manque de considération.
On peut s'étonner que le président de
la République ait demandé un plan
global pénitentiaire et non la garde
des sceaux, occupée à ses chantiers
de la justice. Il est opportun que les
deux sujets soient abordés de front.
Car c'est la justice qui envoie par di-
zaines de milliers des personnes en
prison pour quelques mois alors qu'il
est avéré que les courtes peines ne
sont d'aucun -bénéfice. La durée
moyenne de détention était, en
2016, de moins de dix mois.
Jean-Baptiste Jacquin ■
par Jean-Baptiste Jacquin
Tous droits réservés Le Monde 2018
FE90835487B0100785F817B04801F1044B193C54E1768F5DD853EFA
Parution : Quotidienne
Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 19
Le smic nuit-il à l'emploi ?
Le niveau trop élevé de rémunération des travailleurs les moins qualifiésexpliquerait leur chômage. A moins que celui-ci soit dû au déclassement dessalariés plus qualifiés…
vendredi 19 janvier 2018Page 28
1083 mots
LE MONDE ECO ET ENTREPRISE
Comme le montre à nouveau le
récent débat sur les modalités de la
revalorisation du salaire minimum,
certains économistes justifient leurs
critiques contre le smic par le fait
qu'il réduit l'employabilité des chô-
meurs ne disposant que d'une faible
qualification. Cette dernière ne leur
permettrait pas de dégager une pro-
ductivité (marginale) qui soit égale
ou supérieure au salaire minimum.
Aussi, pour résorber ce chômage, il
faudrait soit améliorer la qualifica-
tion professionnelle de ces tra-
vailleurs, soit baisser le niveau du sa-
laire minimum. C'est, à notre avis, en
rester à l'apparence des choses.
Si on étudie l'histoire de l'enseigne-
ment général et professionnel, on
s'aperçoit que, pour la grande masse
des salariés, leur formation s'est ef-
fectuée uniquement sur le tas, jus-
qu'à très récemment. Pourtant, cela
n'a pas empêché l'économie de
connaître des mutations technolo-
giques de grande ampleur depuis
l'aube de la révolution industrielle. A
chaque fois, les entreprises et les tra-
vailleurs ont su s'adapter.
Prenons par exemple la main-
d'œuvre qui a " réalisé " les " trente
glorieuses ", celle qui était en activité
en 1960, en plein cœur de cette pé-
riode de mutations intenses. On
constaterait probablement que 85 %,
voire 90 % des actifs n'avaient pas
dépassé le niveau du certificat
d'études primaires – sachant que
tous ne l'avaient pas – et ne possé-
daient strictement aucune formation
professionnelle initiale au moment
d'entrer dans la vie active. Sans
compter les travailleurs immigrés ne
pratiquant pas ou peu la langue du
pays d'accueil, parfois analphabètes,
que les entreprises ont alors recrutés
massivement.
Ce sont les générations nées après la
seconde guerre mondiale, surtout
après 1950, qui ont bénéficié d'une
formation nettement plus impor-
tante que leurs prédécesseurs nés
avant guerre. Or, paradoxalement, ce
sont ces générations qui se sont trou-
vées confrontées à la montée du chô-
mage de masse au moment de leur
insertion dans la vie professionnelle
à partir des années 1970 et 1980.
Aussi ne voit-on pas en quoi la na-
ture des mutations technologiques à
l'œuvre à partir de ces années aurait
rendu une partie de la main-d'œuvre
moins productive que durant les "
trente glorieuses ".
En réalité, la montée du chômage de-
puis près d'un demi-siècle s'est ac-
compagnée d'un phénomène de dé-
classement. C'est-à-dire que, à tous
les échelons des qualifications, les
jeunes qui sortent de l'enseignement
secondaire ou supérieur ne trouvent
au fil du temps que des emplois qui,
en termes de responsabilité et de ré-
munération, sont chaque fois légère-
ment inférieurs tendanciellement à
ceux auxquels pouvaient prétendre
(ou avaient accès) leurs aînés sortis
quelques années plus tôt avec les
mêmes diplômes.
Éclatement de la classe moyenne
Aujourd'hui, quand on examine sur le
terrain en quoi consiste très concrè-
tement le travail de la majorité des
salariés des diverses entreprises, on
constate que le niveau de qualifica-
tions requis ne nécessite pas, pour
reprendre une expression familière,
de sortir de Polytechnique ! Dans la
plupart des cas, les postes occupés
requièrent avant tout de la volonté
et du sérieux, enfin, pour être plei-
nement efficaces, de l'expérience, qui
peut aller selon les postes de
quelques jours à quelques années. Il
n'y a là rien de nouveau, depuis que
le travail existe. Le travail se trans-
forme au fil du temps mais ne devient
pas nécessairement plus compliqué.
Quoi qu'il en soit, la demande de tra-
vail étant très inélastique, il faudrait
baisser très fortement le smic, quasi-
ment le supprimer, pour faire refluer
le chômage à son niveau de 1970. Et
pour en percevoir les conséquences,
il suffit de comparer la France avec
les Etats-Unis. Chez nous, le salaire
minimum a été instauré en 1950 et,
depuis cette période, il a suivi gros-
sièrement l'évolution des gains de
productivité en valeur réelle, grâce à
l'indexation dont il a fait l'objet. C'est
essentiellement pour cette raison
que les inégalités de revenus ont été
relativement contenues au cours des
cinquante dernières années.
↑ 20
Aux Etats-Unis, le salaire minimum
a été instauré en 1938, sous la pré-
sidence de Franklin Roosevelt. Dans
les années 1950 et 1960, il était l'un
des plus élevés, sinon le plus élevé
dans le monde, en tout cas nettement
plus que le smic français. Or, depuis
1969, il a perdu le tiers de son pou-
voir d'achat, alors que la production
par habitant a grosso modo doublé !
Parallèlement, le taux de couverture
des salariés bénéficiant de conven-
tions collectives s'est effondré. Et si
le chômage a formellement régressé,
les inégalités se sont considérable-
ment creusées, entraînant un éclate-
ment de la classe moyenne améri-
caine. Bref, une mise en cause du
smic ne ferait que déplacer le pro-
blème.
Aussi, avant de rendre le smic res-
ponsable du chômage actuel, il fau-
drait d'abord comprendre pourquoi
celui-ci n'a posé aucun problème, à
l'évidence, durant les " trente glo-
rieuses ", en France comme aux
Etats-Unis, et pourquoi ensuite, tout
d'un coup, il serait devenu un pro-
blème. Comprendre pourquoi, depuis
une quarantaine d'années, nous
avons une surabondance de travail
par rapport à la demande de l'écono-
mie, permettant aux entreprises de
se montrer beaucoup plus sélectives
lors des recrutements au point d'en-
gendrer des phénomènes de déclas-
sement, alors que, durant les " trente
glorieuses ", ce fut l'inverse.
Enfin, rappelons qu'il existe toujours
un moyen d'augmenter la producti-
vité marginale d'un facteur de pro-
duction, c'est de réduire les quantités
utilisées : en l'occurrence réduire la
durée du travail… C'est, précisément,
une revendication récurrente du
mouvement ouvrier depuis deux
siècles !
par Jean Vercherand ■
par Jean Vercherand
Tous droits réservés Le Monde 2018
E49C73D28E60A305150F16C0C80621AD4739D351B16184C6680B3EC
Parution : Quotidienne
Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 21
Carrières précaires : les femmes deux fois plus touchées que les hommesLes femmes aux parcours professionnels chaotiques déclarent "avoir le sentiment d'être exploi-tées" et "devoir faire des choses qu'elles désapprouvent" selon une enquête du ministère du Tra-vail. Ce document alarmant met en exergue les inégalités persistantes entre les hommes et lesfemmes dans le monde du travail actuel.
vendredi 19 janvier 2018Édition(s) : édition principale
Page 32711 mots
FRANCE
Les conséquences des parcours
professionnels tortueux peuvent être
terribles. Dans une étude publiée ce
mercredi 17 janvier, (lien :
http://dares.travail-emploi.gouv.fr/
IMG/pdf/2018-002.pdf) le service
statistique du ministère du Travail a
indiqué que, à profession identique,
"les salariés ayant eu une carrière «
précaire » connaissent de fortes exi-
gences émotionnelles et un manque de
reconnaissance dans leur emploi ac-
tuel". Ce constat alarmant concerne
particulièrement les actifs ayant
connu un déclassement ou des aléas
de parcours.
> Lire aussi : Emploi : les inégalités
femmes-hommes persistent en Eu-
rope (lien : https://www.latribune.fr/
economie/union-europeenne/em-
ploi-les-inegalites-femmes-
hommes-persistent-en-eu-
rope-755191.html)
Les femmes fortement touchées
par la précarité
D'après les résultats obtenus par les
auteurs de l'enquête, 26,6% des sala-
riés en France ont connu des périodes
de chômage et d'inactivité de longue
durée, des carrières descendantes et
des changements d'emploi. Dans ce
groupe de salariés, les femmes sont
fortement marquées par la préca-
rité. Elles seraient 62% à avoir
connu ce type de trajectoire contre
32% des hommes. "Les parcours pré-
caires concernent plus souvent des per-
sonnes peu diplômées et ayant une
santé altérée" ajoutent les auteurs.
À l'inverse, 35,4% des salariés ont
connu des parcours stables. Ils cor-
respondent aux carrières station-
naires des cadres et des professions
intermédiaires, mais aussi "des ou-
vriers et des employés qui changent peu
ou pas d'emploi et ne subissent pas
d'aléas de carrière". Le profil de ces
salariés se caractérise par des ni-
veaux de diplômes intermédiaires ou
élevés (au minimum bac +2). 40%
d'entre eux ont ce niveau contre 35%
pour l'ensemble de la population. Les
hommes connaissent plus souvent
des carrières stables que les femmes
(55% contre 45%). Les postes occupés
se situent souvent dans des services
d'études, de recherche et développe-
ment, d'enseignement, dans des en-
treprises de plus de 500 salariés, plus
souvent du secteur de l'industrie.
Enfin, 38% des salariés connaissent
des trajectoires professionnelles dy-
namiques. Cela correspond à des car-
rières "avec des promotions peu li-
néaires et très instables de personnes
changeant souvent d'emploi pour pro-
gresser professionnellement." Les ac-
tifs ayant ce type de parcours oc-
cupent des postes liés au commerce
ou au secrétariat et à la comptabilité.
"Les hommes y sont plus nombreux que
les femmes et les salariés y sont plus
jeunes que la moyenne."
Des salariés précaires plus exposés
Les salariés aux carrières précaires
souffrent davantage que les autres
d'"un manque de reconnaissance" au
travail, qu'il s'agisse de "gratifications
symboliques" (marques de respect et
d'estime) ou de leur rémunération.
Ils sont également plus souvent "vic-
times de déclassement professionnel"
en exerçant une profession ne cor-
respondant pas bien "à leur forma-
tion". Ils déclarent également être
plus exposés aux risques psychoso-
ciaux que ceux aux carrières stables
Les hommes aux carrières précaires
regrettent "un manque d'autonomie".
Ils déclarent ne pas pouvoir utiliser
pleinement leurs compétences dans
leur travail ou ne pas pouvoir orga-
niser leur travail de la manière qui
convient le mieux. Ils indiquent subir
"une plus forte pénibilité physique" que
les autres salariés ("mouvements
douloureux ou fatigants", contact
avec des produits dangereux, port de
charges lourdes, postures pé-
nibles...).
Les femmes aux carrières précaires
déplorent "une insécurité socio-écono-
mique" et ont plus souvent que les
autres salariées le "sentiment d'être
exploitées". Ces femmes se plaignent
aussi davantage "d'avoir reçu des pro-
positions à caractère sexuel, d'avoir été
victimes d'une agression verbale de la
part de l'entourage professionnel, de
s'être entendu dire des choses obscènes
ou dégradantes ou encore d'avoir subi
un sabotage au travail". Des déclara-
↑ 22
tions qui font écho à la multiplica-
tion des récents témoignages de
femmes victimes de harcèlement
dans le monde du travail, la sphère
domestique ou dans l'espace public.
> Lire aussi : Harcèlement sexuel :
« Si tu veux rester dans la société,
il faut que tu t'y fasses » (lien :
https://www.latribune.fr/carrieres/
harcelement-sexuel-si-tu-veux-res-
ter-dans-la-societe-il-faut-que-tu-t-
y-fasses-760345.html)
Les femmes aux carrières dyna-
miques "connaissent également des
rapports sociaux au travail plus pro-
blématiques que les femmes aux par-
cours stables": leurs relations avec
leurs collègues sont plus souvent
tendues et elles souffrent davantage
de moqueries ou de comportements
visant "à les ridiculiser".
> Lire aussi : Egalité entre les
femmes et les hommes : la France
progresse mais le monde régresse
(lien : https://www.latribune.fr/eco-
nomie/international/egalite-entre-
les-femmes-et-les-hommes-la-
france-progresse-mais-le-monde-re-
gresse-756298.html) ■
Selon l'étude, "les personnes ayant connula précarité acceptent des emplois moins
bien rémunérés".
par Grégoire Normand
Tous droits réservés 2018 La Tribune
7592c39084b0ff0ca50513907502a1d242397a57b17e896f8b08e32
Parution : Quotidienne
↑ 23
RÉFORME DU CODE DUTRAVAIL
↑ 24
RUPTURE CONVENTIONNELLE COLLECTIVE
PSA, premier de cordée des ordonnancesA l'issue du comité central d'entreprise, ce vendredi, chez le constructeur automobile, le premieraccord de rupture conventionnelle collective permis par la loi travail devrait être signé. Entéri-nant le départ de 2 200 salariés pour 2018.
vendredi 19 janvier 2018Page 10
651 mots
SOCIAL-ECO
« La direction refuse toujours de nous
donner le détail des suppressions de
postes, catégorie par catégorie »,
s'agace Jean-Pierre Mercier, délégué
syndical central CGT chez PSA. L'ac-
cord de rupture conventionnelle col-
lective (RCC) avalisant 1 300 départs
net, ajoutés à 900 congés seniors, de-
vrait être signé au terme du comité
central d'entreprise (CCE) qui débute
ce vendredi, à 10 h 30. Quatre syndi-
cats (FO, CFDT, CFTC et GSEA) cu-
mulant ensemble 58 % des voix ont
indiqué leur intention de le ratifier.
La CGT (19,6 %), première organisa-
tion chez les ouvriers, s'y oppose
clairement et la CFE-CGC (19,4 %),
en tête chez les cadres, est sur la ré-
serve.
« On sait que tous les sites sont
concernés, l'usine de Saint-Ouen
particulièrement comme des sites de
recherche & développement, détaille
Jean-Pierre Mercier. Cela peut expli-
quer que les cadres et ingénieurs
soient réservés et que la CFE-CGC
n'ait pas signé l'accord de RCC. C'est
un camouflet pour la direction que la
CGT ne soit pas seule à lui résister
», assure-t-il. Et le même flou règne
quant aux 1 300 promesses d'em-
bauches en CDI. La CGT compte se
battre pour que cela concerne en
priorité les précaires et intérimaires,
de plus en plus nombreux chez PSA.
La RCC est une aubaine pour le
groupe, qui n'a plus à s'embarrasser à
justifier des difficultés économiques
« Ce qui renforce notre position de
refuser ce plan de suppressions d'em-
plois, réagit Jean-Pierre Mercier. PSA
vient d'annoncer un record histo-
rique de ventes à l'échelle mondiale,
on est dans une entreprise qui pète la
santé d'un point de vue commercial
et, dès mars, on va nous annoncer un
nouveau record de bénéfices qui va se
compter en milliards d'euros »
La CFDT assume de son côté très se-
reinement la signature de cet accord.
« Selon nous, les mesures contenues
dans ce plan se situent dans la conti-
nuité de l'accord de compétitivité
que nous avons déjà signé », explique
Christine Virassamy, déléguée syndi-
cale centrale CFDT. L'accord de RCC
de 2018 pourra être reconduit d'une
année sur l'autre, d'autant que, de-
puis 2012, PSA enchaîne les licencie-
ments (Rennes et Aulnay) et les plans
de départs volontaires Comme pour
ces derniers, les mesures d'incitation
au départ prévoient une prime allant
de quatre à huit mois de salaire. «
C'est un copier-coller de ce qui se fai-
sait avant, mais ils l'ont fait entrer
dans le nouveau cadre légal »,
confirme Franck Don, de la CFTC
PSA.
La CFDT fait siennes les explications
de la direction, estimant que la mo-
dernisation industrielle, le « besoin
d'employabilité » et les synergies
permises par le rachat d'Opel en mars
2017 justifient ces départs. La res-
ponsable CFDT confirme que c'est la
raison pour laquelle « ce plan de RCC
va toucher davantage les effectifs de
structure, donc les techniciens et
cadres. Tandis que les départs de se-
niors se concentreront davantage sur
la production ». Christine Virassamy
assure que ce congé seniors est « plé-
biscité ». Cela justifie, selon elle, que
la CFDT signe l'accord, alors que la
confédération et son secrétaire géné-
ral, Laurent Berger, ont exprimé de
vives critiques sur les RCC, craignant
que ces accords ne permettent de
faire financer des préretraites par le
régime d'assurance-chômage en en-
voyant les seniors à Pôle emploi. «
Avec le plan seniors, c'est PSA qui
prend en charge ces trois années de
cessation d'activité avant la retraite,
cela va jusqu'à cinq ans pour le site
de Rennes », argumente-t-elle. ■
par Pierric Marissal
Tous droits réservés L'Humanité 2018
119F932B8ED0B00815AE1500D90AF13A48A9945E51B583AFAC44496
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 25
Ordonnances Les employeurs montent en grade
La nouvelle législation mise en place par le gouvernement Philippe prolonge l’espritde la loi El Khomri, alignant les mesures pro-patrons, avec peu d’avancées pour lessalariés.
N° 11399vendredi 19 janvier 2018Édition(s) : Supplément
Page 2599 mots
NONE
C ’est la réforme majeure de ce
début de quinquennat. Et sans
doute la plus importante des (nom-
breuses) retouches du code du travail
réalisées ces dernières années. Les
cinq ordonnances«pour le renforce-
ment du dialogue social», en cours
d’adoption définitive par le Parle-
ment, viennent bouleverser en pro-
fondeur la législation française, pour
l’essentiel en faveur des employeurs.
Et vont beaucoup plus loin que les
propositions du candidat Macron
avancées pendant la campagne prési-
dentielle.
Ligne conductrice de la réforme : «le-
ver les freins à l’embauche», selon la
formule régulièrement utilisée par
ses promoteurs. Soit les mesures qui,
dans le droit français, dissuaderaient
les entreprises, non pas de procéder
à des recrutements, mais à des licen-
ciements… Car dans l’esprit du gou-
vernement, la peur de recruter est
liée aux difficultés à se séparer d’un
salarié. Pour y remédier, le texte s’at-
tache donc, dans une première par-
tie, à simplifier le licenciement (avec
des mesures relatives au motif éco-
nomique et à la procédure), mais aus-
si à l’encadrer financièrement (en
plafonnant les indemnités prud’ho-
males dues en cas de séparation abu-
sive).
Dumping social
Second bloc : la décentralisation des
négociations sociales au niveau de
l’entreprise. A l’instar de la loi
El Khomri de 2016 sur le temps de
travail, qui avait fait redescendre ce
sujet dans les sociétés, les ordon-
nances confient la plupart des autres
thèmes du code du travail aux négo-
ciations d’entreprises. Avec cet argu-
ment : il faut adapter les règles au
plus près du terrain. En dehors de
quelques thèmes énumérés dans les
ordonnances, et des grands principes
encadrés par la loi, tout ou presque
pourra donc se discuter directement
entre représentants des salariés et
employeurs. Fini, par exemple, le
treizième mois ou la prime garantie
par l’accord de branche : un accord
majoritaire d’entreprise pourra, le
cas échéant, les remettre en cause.
Avec le risque, selon les syndicats,
d’alimenter un dumping social au
sein même de l’Hexagone. Troisième
grand thème, enfin : la fusion des
instances représentatives du person-
nel (IRP). Comité d’entreprise, délé-
gués du personnel, comité d’hygiène,
de sécurité et des conditions de tra-
vail… Tous fusionnent en un comité
social et économique (CSE) unique.
En cas d’accord, il pourra même in-
tégrer les délégués syndicaux, et se
nommera alors conseil d’entreprise.
Là aussi, par souci de «simplification»,
avancent les auteurs du texte.
Syndicats divisés
Face à cette avalanche de mesures
pro-employeurs, la hausse de 25 %
des indemnités légales de licencie-
ment (pour les dix premières années
d’ancienneté), brandie par le gouver-
nement comme contrepartie en fa-
veur des salariés, aura du mal à
convaincre les organisations syndi-
cales de se ranger du côté de l’exé-
cutif. Et pourtant, malgré leur oppo-
sition, plus ou moins marquée selon
les confédérations, ces dernières sont
restées durant tout l’automne divi-
sées et incapables de s’opposer aux
ordonnances. Légitimiste, la CFDT a
jugé difficile de manifester contre le
projet d’un Président tout juste élu,
et qui avait annoncé la couleur pen-
dant la campagne. D’autant que les
salariés, à la différence des militants,
«n’étaient pas mobilisés», expliquera
son secrétaire général, Laurent Ber-
ger, à Libération. Vent debout contre
la réforme, la CGT, elle, est partie
bille en tête dans la rue, sans se sou-
cier d’agréger les autres centrales.
Quant à FO, le jeu trouble de son res-
ponsable, Jean-Claude Mailly, a fini
de mettre à mal une unité syndicale
introuvable. Résultat : les journées
d’action contre les ordonnances se
sont comptées, entre septembre et
novembre, sur les doigts d’une main
; dont la plus forte, le 12 septembre,
rassemblant 223 000 personnes sur
toute la France selon le ministère de
l’Intérieur. Retour, en détail, sur trois
points du texte : les nouvelles formes
de contrat, la fusion des IRP, et l’as-
souplissement des ruptures de la re-
lation de travail. ■
par Luc Peillon
Tous droits réservés Libération 2018
bd9b435b8370900e655f18d0df04e1ae45f9f253612d8e3dd4870b5
Parution : Quotidienne
Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 26
contours flous pour les contrats
Conditions. Renouvellement, carence, télétravail… La réforme du travail donneune très grande liberté de négociation aux branches professionnelles.
N° 11399vendredi 19 janvier 2018Édition(s) : Supplément
Page 3511 mots
NONE
L a réforme du code du travail
modifie-t-elle les règles en ma-
tière de contrats de travail ? Oui. Et
notamment pour les CDD. Dans
quelle mesure ? Difficile de répondre
pour l’heure, puisque c’est aux
branches professionnelles que les or-
donnances offrent désormais la pos-
sibilité de définir, par la négociation,
un cadre adapté à chaque secteur.
Avec, par conséquent, autant de cri-
tères possibles que de secteurs d’ac-
tivité. Sont notamment concernés la
durée maximale du contrat, le
nombre de renouvellements pos-
sibles ou encore la période de carence
entre deux CDD sur un même poste.
Conditions
Le législateur n’ayant prévu aucun
plafond, on peut imaginer qu’il soit
demain possible, en fonction des né-
gociations menées, d’enchaîner
quatre CDD sur une période de vingt-
quatre mois dans la restauration,
contre trois en trente mois dans la
métallurgie. Alors que jusqu’ici, un
CDD ne pouvait être renouvelé que
deux fois, pour une durée maximale
de dix-huit mois dans la plupart des
cas (et jusqu’à vingt-quatre mois
dans certaines conditions, lorsque
par exemple le contrat est exécuté à
l’étranger ou dans le cadre d’une
commande exceptionnelle). Cette
règle reste toutefois applicable, par
défaut, lorsqu’aucun accord n’est si-
gné par les branches.
Même chose pour le délai de carence
qui, en l’absence de négociation,
reste calculé selon la formule utilisée
avant la publication des ordon-
nances. Soit, en règle générale, un
délai de carence d’un tiers de la durée
du contrat initial. Seule limite pour
les branches : les conditions négo-
ciées ne peuvent avoir «ni pour objet
ni pour effet de pourvoir durablement
un emploi lié à l’activité normale et
permanente de l’entreprise».
Autre évolution : le contrat de «chan-
tier». Jusqu’alors réservé à quelques
secteurs, principalement le bâtiment
ou la construction navale, il est dé-
sormais ouvert à toutes les entre-
prises. Mais à condition qu’un accord
ou une convention de branche le per-
mette. A charge, là aussi, pour les
partenaires sociaux, de définir les
conditions de son recours. Concrète-
ment, ce contrat, désormais qualifié
de «chantier» ou d’«opération», sur
lequel ne figure aucune date précise
de fin, se clôture au moment même
où la tâche pour laquelle la personne
a été recrutée est terminée. Particu-
larité non négligeable : à la fin de ce
contrat, l’employé ne bénéficie pas
de la prime de précarité de 10 %,
contrairement à un CDD classique.
En revanche, il peut prétendre à une
indemnité de licenciement, dont le
montant est aussi défini par accord.
«Gré à gré»
Les ordonnances se penchent aussi
sur les conditions d’exécution du
contrat de travail, quelle que soit sa
durée. Objectif : faciliter le passage
au télétravail. Ce dernier est mis en
place dans l’entreprise par le biais
d’un accord collectif ou, à défaut, par
une charte élaborée par l’employeur
après avis du comité social et écono-
mique (CSE), s’il existe. Mais la ré-
forme prévoit aussi qu’un salarié et
son patron puissent convenir d’y re-
courir «par tout moyen», et ce malgré
l’absence d’un texte négocié entre
partenaires sociaux. D’abord prévue
pour les seuls cas de recours occa-
sionnels, cette formule de «gré à gré»
peut finalement, selon la dernière
version du projet de loi transmise
au Sénat, déboucher sur un télétra-
vail régulier. De quoi inquiéter cer-
tains syndicats, qui pointent des
risques d’inégalités de traitement et
de discriminations. ■
par Amandine Cailhol
Tous droits réservés Libération 2018
5390534c8370230d759f19c0e50681b546c9ed59b1d585813c91d61
Parution : Quotidienne
Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 27
des IRP en fusion
Elus. Les ordonnances prévoient la transformation des instancesreprésentatives du personnel en un comité unique.
N° 11399vendredi 19 janvier 2018Édition(s) : Supplément
Page 3344 mots
NONE
C ’est une veille revendication
patronale, à laquelle la loi Reb-
samen de 2015 avait partiellement
répondu, et que la réforme Pénicaud
vient satisfaire pleinement : la fu-
sion, dans les entreprises, des ins-
tances représentatives du person-
nel (IRP) en une seule et même struc-
ture. Par«souci de simplification»,
avançaient les représentants des em-
ployeurs. Concrètement, le comité
d’entreprise (CE), les délégués du
personnel (DP) et le comité d’hy-
giène, de sécurité, et des conditions
de travail (CHSCT) seront rassem-
blées en une seule et même instance
: le comité social et écono-
mique (CSE). Une représentation
unique dont les prérogatives seront
les mêmes que celles dévolues aux
trois précédentes. Petite particulari-
té pour les entreprises de plus
de 300 salariés ou celles jugées «à
risque» : une commission spécifique
«santé, sécurité et conditions de tra-
vail» (CSSCT), qui détiendra les pou-
voirs détenus par feu le CHSCT, devra
obligatoirement être créée.
Par ailleurs, et sous réserve d’un ac-
cord dans les entreprises entre em-
ployeurs et représentants des salariés
ou d’un accord de branche, la fusion
pourra également concerner les dé-
légués syndicaux (DS). La structure
unique ainsi créée, regroupant l’en-
semble des instances, se dénommera
alors «conseil d’entreprise», et dé-
tiendra, comme les DS qu’elle ab-
sorbe, le pouvoir de négocier avec
l’employeur.
Cette fusion des IRP s’appliquera
progressivement dans les entre-
prises, au fur et à mesure qu’arrive-
ront à échéance les mandats des DP
et membres des CE. Et, à défaut, au
plus tard le 31 décembre 2019. Quant
aux moyens alloués aux représen-
tants des salariés, des dizaines de cas
sont prévues par la législation sui-
vant la taille des boîtes. Globale-
ment, il y aura demain moins d’élus,
mais avec plus d’heures de déléga-
tion. De quoi créer du surmenage
parmi les élus, craignent les syndi-
cats. «Le regroupement des instances
va mécaniquement faire supporter au
même délégué toutes les prérogatives,
s’inquiète la CGT. Avec la fusion des
instances représentatives du person-
nel, il y a un danger de professionna-
lisation, et d’un syndicat coupé de la
réalité du travail et de la défense des
salariés.» Par ailleurs, le mandat des
élus, d’une durée de quatre ans, ne
pourra être renouvelé plus de deux
fois, sauf dans les entreprises de
moins de 50 salariés. Soit douze ans
de mandat en tout. ■
par Luc Peillon
Tous droits réservés Libération 2018
1495e3c98e703c0045fe16702b0eb18f4b09775f712981480e95c16
Parution : Quotidienne
Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 28
PROTECTION SOCIALE
↑ 29
Les Français expatriés hors de l'Europe continueront à financer la Sécu
La Cour de justice européenne a donné raison au gouvernement contre un contribuablevivant en Chine.
N° 22842vendredi 19 janvier 2018
Page 21756 mots
ÉCONOMIE
FISCALITÉ Ce n'est pas tous les jours
que la France obtient gain de cause
devant la Cour de justice européenne
en matière fiscale. Elle avait plutôt
tendance à perdre, ces dernières an-
nées, ce qui lui coûte d'ailleurs très
cher. Une des dernières décisions,
datant de juin 2017 et portant sur la
taxe à 3 % sur les dividendes, a même
contribué à plomber le budget de
l'État de 10 milliards d'euros en 2017
et 2018. Mais l'arrêt de la Cour de
justice de l'Union européenne (CJUE)
rendue publique jeudi est une vraie
victoire pour Paris. Et une défaite
pour les expatriés. Les Français habi-
tant hors de l'Union européenne de-
vront en effet continuer à financer la
Sécurité sociale en payant les prélè-
vements sociaux sur leurs revenus du
capital (de 17,5 % depuis le 1er jan-
vier, contre 15,5 % auparavant).
Ainsi en a en effet décidé la CJUE
après une saisine du Conseil d'État
consécutive à la plainte d'un expa-
trié, Frédéric Jahin, qui habite et tra-
vaille en Chine depuis 2003. En 2013
et 2014, il a touché des revenus fon-
ciers, vendu un immeuble et réalisé
une plus-value en France. Et se re-
trouve alors obligé de régler les pré-
lèvements sociaux (CSG et CRDS) sur
ces revenus alors qu'il est couvert en
Chine par un régime privé de sécurité
sociale. Or, en février 2015, la CJUE
estime dans un arrêt que les citoyens
européens résidant dans un autre
État membre n'ont pas à payer de
prélèvements sociaux en France,
contrairement à ce qu'avait décidé
François Hollande à l'été 2012. En ef-
fet, ils sont déjà affiliés à la Sécu de
leur pays.
Pour limiter la facture des rembour-
sements que l'État doit aux citoyens
européens qu'il a ponctionnés depuis
2012, le secrétaire d'État au Budget
de l'époque, Christian Eckert, décide
que le fisc ne signera des chèques
qu'aux ressortissants de pays euro-
péens et des expatriés français au
sein de l'UE (ou en Suis-se, la confé-
dération étant couverte par des ac-
cords bilatéraux).
Pour la Cour de justice européenne, ladistinction opérée par Paris dans les
remboursements de prélèvements so-ciaux est justifiée. Photo : FRANCOIS
LENOIR/REUTERS
C'est ce que contestait précisément
Frédéric Jahin. Selon son avocat, il
résultait notamment de l'interpréta-
tion française de la décision de la
CJUE une inégalité de traitement
entre les expatriés résidant dans un
autre pays de l'UE et ceux s'étant ins-
tallés au-delà des frontières du Vieux
Continent.
Liberté de circulation
La distinction opérée par Paris dans
les remboursements de prélèvements
sociaux est justifiée, estime au-
jourd'hui la Cour de justice euro-
péenne. En effet, les pays tiers ne
sont pas couverts par ce que le droit
communautaire appelle « l'unicité de
la législation » en matière de sécurité
sociale. Celle-ci a pour but d'empê-
cher qu'un travailleur européen co-
tise à deux régimes de sécurité so-
ciale en même temps quand il ne ré-
side pas dans le pays où il travaille.
Un expatrié résidant hors de l'UE ne
peut pas bénéficier de cette clause.
Par conséquent, la CJUE juge que le
plaignant, qui habite en Chine, ne
peut invoquer le droit européen pour
réclamer des remboursements de
prélèvements sociaux identiques à
ceux dont bénéficient les ressortis-
sants résidant au sein de l'Union eu-
ropéenne.
La Cour explique, dans sa décision,
qu'elle ne pouvait faire autrement
que donner tort à Frédéric Jahin. Si
elle lui avait donné raison, elle aurait
du même coup permis aux ressortis-
sants de l'UE habitant hors de l'Union
de tirer profit des avantages liés à la
libre circulation régnant au sein de
l'UE. Or, rappelle-t-elle, les traités «
ne comportent aucune disposition
étendant la libre circulation des tra-
vailleurs aux personnes qui émigrent
vers un État tiers ».
Toutes les voies ne sont cependant
pas encore bouchées pour les expa-
triés ou ressortissants étrangers
ayant eu à régler des prélèvements
sociaux en France. En effet, relève
Olivier Dauchez, associé au cabinet
Gide, « il doit encore être établi si les
conventions de sécurité sociale signées
↑ 30
entre Paris et des États partenaires
hors UE, qui comportent ce même prin-
cipe d'unicité, permettraient aux rési-
dents de ces pays tiers d'échapper aux
prélèvements sociaux en France ». Pour
les contribuables concernés, la voie
est étroite mais l'espoir encore per-
mis. ¦ ■
par Guillaume Gui-
chard £@guillaume_gui
Tous droits réservés 2018 Le Figaro
0e9b43ca8270dc0cc59817206701812e45a9cf5e01c785d33cd9067
Parution : Quotidienne
Diffusion : 306 673 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 1 663 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 31
MOUVEMENTS SOCIAUX
↑ 32
Journée sous haute tension à la prison
Les surveillants de la maison d’arrêt manifestaient hier contre leurs conditions de travail.Ils ont été chargés par les CRS et deux d’entre-deux ont été blessés.
vendredi 19 janvier 2018Édition(s) : Essonne
Pages 42-43414 mots
DEP LOCALE—ESSONNE
F leury-Mérogis
Par Florian Loisy et Nicolas Sivan
Chaud dedans, chaud dehors. Les
surveillants de la prison de Fleury-
Mérogis ont vécu une journée « vio-
lente », selon leurs propres termes.
En pleine journée d’action nationale
du personnel pénitentiaire, mobilisé
pour obtenir de meilleures condi-
tions de sécurité, 123 détenus de la
maison d’arrêt ont refusé hier matin
de réintégrer leur cellule.
En parallèle, les surveillants en grève
ont dû faire face à une charge des
CRS à l’extérieur de la prison. Deux
d’entre eux sont blessés selon les
syndicats.
Une charge des CRS sur
les surveillants
Dès l’aube, ils étaient près de
300 protestataires mobilisés à l’exté-
rieur des murs de la maison d’arrêt
pour réclamer de meilleures condi-
tions de travail. Vers 10 heures, le
mouvement de protestation des sur-
veillants a été chargé par des CRS.
Impossible d’en connaître la raison.
Des vidéos montrent ces instants où
les coups et le gaz lacrymogène
s’abattent sur le personnel péniten-
tiaire en grève, mais pas les minutes
précédant ces « violences » comme
les qualifient les délégués syndicaux.
« On peut même parler de bavure,
lance Ambroise Koubi du syndicat
CGT. Une surveillante asthmatique a
4 jours d’ITT parce qu’elle a été ga-
zée. Et un autre collègue a reçu des
coups de matraque au visage, il a
15 jours d’ITT. » Tous affirment que
cette grève va se durcir et se pour-
suivre.
Une mutinerie des
détenus
Le mouvement de protestation du
personnel pénitentiaire afin d’obte-
nir davantage de sécurité et des
conditions de travail améliorées pré-
voyait un service minimum le matin.
« Personne n’est rentré prendre son
service », assure Thibault Capelle, se-
crétaire local de Force ouvrière. Sans
aide, « le personnel du service de nuit
a fait le strict minimum, poursuit le
syndicaliste. Ils ont vérifié l’intégrité
physique des détenus, mais n’ont pas
ouvert les cellules. » Pas de sport, ni
d’atelier, ni même d’éventuelle sortie
pour le travail. « Entre 8 heures et
midi, on a seulement assuré l’ur-
gence médicale, le repas et la prome-
nade », détaille Alexandre Caby du
syndicat Ufap-Unsa. Et encore, avec
un retard qui a engendré de fortes
tensions avec les détenus. D’abord
dans le bâtiment B1, où les équipes
régionales d’intervention et de sécu-
rité (Eris) ont été envoyées vers
10 h 30. Puis dans les bâtiments B2,
où 123 détenus ont refusé de réinté-
grer leur cellule. Cette mutinerie a
pris fin vers 13 heures.
Contactée hier pour pouvoir s’expri-
mer sur cette journée tendue, la Di-
rection de l’administration péniten-
tiaire n’a pas donné suite à nos de-
mandes. ■
Fleury-Mérogis, hier. Alors que l’extérieurde la prison était redevenu calme à la findu mouvement des surveillants, une muti-
nerie a éclaté dans la prison,
par @florianloisy | @nicolas_sivan
Tous droits réservés Le Parisien 2018
a092833e8930080c254216f0c700019c40d9795901d9855098cb167
Parution : Quotidienne
Diffusion : 206 916 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 1 540 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 33
EUROPE ET INTERNATIONAL
↑ 34
TABLE RONDE
Comment renverser la tendance à l'accroissement des inégalités ?rappel des faits Le rapport « World Inequality Report » (2018), publié récemment à partir de don-nées mondiales sur les patrimoines et les revenus, montre que les inégalités ont augmenté danstoutes les régions du monde depuis 1980.
vendredi 19 janvier 2018Page 11
2075 mots
TRIBUNE IDÉES
Quels sont les facteurs qui ont
pesé dans le sens d'un accroisse-
ment des inégalités en France, en
Europe et, plus généralement,
dans les sociétés développées ?
Pascal De Lima Dans le livre que je
termine actuellement, Technologies
au XXIe siècle, il me semble que le
facteur principal est la technologie. Il
faut absolument distinguer deux pé-
riodes. De 1980 à 2015 environ, l'in-
telligence artificielle et les robots se
développent d'abord aux états-Unis.
Les états-Unis connaissent un début
de réduction des classes moyennes
conjugué à un chômage technolo-
gique. La contribution à l'emploi di-
rect des robots et de l'intelligence ar-
tificielle est négative, c'est-à-dire
plutôt destructrice d'emplois avec
des impacts sur les fonctions sup-
ports, qu'exerce principalement la
classe moyenne. La structure sociale
est relativement standard, sous la
forme d'une montgolfière, mais com-
mence à se creuser au centre. Les po-
litiques de l'offre ne sont pas priori-
taires. Les coefficients de Gini com-
mencent à monter, signe d'un début
de concentration des richesses. A
long terme, disons d'aujourd'hui jus-
qu'à 2040, les choses vont progres-
sivement s'inverser : tout d'abord,
nous allons passer à une améliora-
tion graduelle du volume d'emplois
dans un cadre de stimulation des po-
litiques de l'offre. Cependant, d'une
structure sociale en forme de mont-
golfière, nous allons assister au dé-
veloppement d'une structure sociale
en forme de sablier. La concentration
des richesses va s'intensifier, si rien
n'est fait.
Louis Maurin Qu'est-ce que c'est que
les inégalités ? Suivant la définition
qu'on va donner au terme inégalités,
on va avoir, bien entendu, des résul-
tats très différents. On ne peut pas
dire qu'il y a un accroissement des in-
égalités sans qu'on précise de quelles
inégalités il s'agit. Songeons, par
exemple, aux inégalités entre les
femmes et les hommes, aux inégali-
tés quant au logement, quant à l'ac-
cès à la santé, etc. Une partie de ces
inégalités dépend des revenus, mais
ne sont pas des inégalités de revenus
à proprement parler. Concernant ces
dernières, il est certain qu'il y a une
progression, que nous datons de la
fin des années 1990. Elle est liée à la
fois à des facteurs démographiques,
avec le développement de familles
monoparentales, et à l'immigration.
Quantité de personnes arrivent avec
des revenus plus faibles, si bien que
cela a tendance à augmenter les in-
égalités en moyenne. Après, il y a les
facteurs économiques. A mon sens,
c'est le facteur majeur, avec le chan-
gement du rapport de forces sur le
marché du travail, dans les années
1980. D'un côté, on a la dégradation
du rapport de forces en faveur des di-
rections d'entreprise ; de l'autre, on
a un émiettement syndical très fort,
qui fait que le pouvoir est de plus en
plus du côté des directions d'entre-
prise, qui captent de fait une part
croissante de la valeur ajoutée.
D'autres facteurs ont joué sur ce ter-
rain : la mondialisation financière,
dans les années 2000, mais avec la
crise de 2008, il y a eu un sévère re-
tour en arrière. Enfin, à mon sens,
un facteur dont on ne parle peut-être
pas assez est le fait que le diplôme
possède un poids très fort de légiti-
mation par rapport à la réussite. Voi-
là les grands facteurs que je distin-
guerai, il y en a d'autres, évidem-
ment.
Henri Sterdyniak L'accroissement
des inégalités de revenus est une ten-
dance lourde des économies des pays
capitalistes développés depuis le dé-
but des années 1980. Elle provient de
la contre-révolution néolibérale lan-
cée dans les pays anglo-saxons. Le
compromis issu de la fin de la Se-
conde Guerre mondiale est remis en
cause ; les entreprises doivent être
gérées pour créer de la valeur pour
les actionnaires ; la mondialisation
commerciale permet de mettre en
concurrence les travailleurs du
monde entier ; la globalisation finan-
cière permet aux capitalistes d'impo-
ser des normes élevées de rentabilité
; le plein-emploi n'est plus l'objectif
premier de la politique économique ;
le chômage permet d'affaiblir les syn-
dicats et de faire baisser la part des
salaires ; la liberté de circulation des
personnes, des marchandises, des ca-
pitaux permet aux plus riches et aux
grandes entreprises de pratiquer le
↑ 35
tourisme fiscal en choisissant le pays
où elles seront le moins taxées ; la
capacité de redistribution des na-
tions est affaiblie ; les classes diri-
geantes, les marchés financiers, les
institutions internationales (OCDE,
FMI, CE) demandent aux pays de ré-
duire leurs dépenses publiques et so-
ciales. D'un côté, une couche étroite
bénéficie de l'explosion des revenus
financiers, des profits des entreprises
et des salaires des dirigeants d'entre-
prise ; la concurrence et l'optimisa-
tion fiscale lui permettent d'être de
moins en moins imposée. De l'autre,
la disparition des emplois indus-
triels, le chômage, la précarisation,
la baisse relative des prestations so-
ciales dégradent la situation d'une
partie importante de la population.
Les politiques suivies dans l'Union
européenne ne visent-elles pas à
lui imposer le modèle américain
ou britannique en matière d'in-
égalités ?
Louis Maurin A l'intérieur de l'Eu-
rope, il y a des intérêts divers et va-
riés. Dans la construction euro-
péenne, il y a effectivement une part
accrue du marché dans de plus en
plus de domaines. Mais, si on ne paye
pas cher notre téléphone, c'est peut-
être aussi parce qu'il est soumis au-
jourd'hui à la loi de la concurrence,
et cela n'est pas forcément mauvais.
Après, jusqu'où peut aller la place du
marché et du service public ? A l'évi-
dence, il y a un certain nombre de
gens qui poussent pour que, en Eu-
rope, les acteurs du marché s'appro-
prient de plus en plus de fonctions.
Cela dit, on ne peut pas rendre l'Eu-
rope responsable des inégalités en
France. L'Europe fonctionne à
gauche comme l'immigration à
droite, c'est-à-dire comme une forme
de bouc émissaire masquant les
questions internes et celles concer-
nant nos capacités à réguler les in-
égalités d'un point de vue scolaire,
notamment, des inégalités hiérar-
chiques au sein l'entreprise, ou
concernant la dégradation du pou-
voir syndical.
Henri Sterdyniak Jusqu'à présent, le
creusement des inégalités a été
moins net en France. Certes, les in-
égalités de revenus et de statut au
sein des entreprises ont augmenté
comme ailleurs, mais la France avait
conservé une fiscalité relativement
redistributive (ISF, taxation des reve-
nus du capital identique à celle des
revenus du travail), des prestations
sociales relativement élevées (re-
traites publiques, minimum
vieillesse, prestations chômage,
RSA), des services publics relative-
ment satisfaisants (éducation, san-
té). C'est remis en cause par les ré-
formes d'Emmanuel Macron qui
visent à normaliser le système fran-
çais : suppression de l'ISF, forte
baisse de la fiscalité des revenus du
capital, mise en cause du caractère
d'assurances sociales des prestations
chômage, cette année, et des re-
traites, bientôt. Le creusement des
inégalités dans la période récente
s'est révélé catastrophique, tant du
point de vue de la cohésion sociale
(apparition de quartiers ghettos, af-
faiblissement du syndicalisme, mon-
tée du communautarisme et du po-
pulisme, difficultés d'intégration des
enfants des couches précarisées) que
de celui de la stabilité économique
(déficit de consommation, donc de
demande ; hausse de l'endettement
des états et des ménages ; explosion
de la richesse financière des plus
riches, d'où bulles financières). La
victoire du capitalisme financier ne
conduit ni à une société paisible, ni à
une économie stable.
Pascal de Lima Effectivement, lors-
qu'on regarde la situation des états-
Unis, l'évolution des salaires moyens
ou minimaux et celle des rendements
du Nasdaq, on a de quoi s'inquiéter.
Si on ajoute le découplage de la pro-
ductivité et des salaires en défaveur
de ces derniers, on comprend tout de
suite ce dont il est question : au-
jourd'hui, la productivité croît au dé-
triment des salariés, car elle rému-
nère le capital technologique. On est
en train de reproduire la même erreur
en Europe. Mais, à la limite, j'ai
presque envie de dire que les états-
Unis, dont les taux de croissance
moyens vont être supérieurs à ceux
de l'Union européenne en 2040, sau-
ront mieux tirer parti des robots et
de l'intelligence artificielle à terme
(budgets formation, complémentari-
té entre l'homme et la machine ). At-
tention, donc, à ce que l'Europe en-
treprenne les réformes nécessaires à
libérer l'économie de l'offre fondée
sur les technologies (sans omettre le
côté demande par la formation).
Comment renverser la tendance
actuelle d'accroissement des in-
égalités ? Quel rôle donner en ce
sens à la socialisation des ri-
chesses ?
Louis Maurin A l'évidence, on ne va
pas jouer sur les facteurs démogra-
phiques. L'évidence, c'est que la ré-
duction des inégalités passe princi-
palement quand on a un peu de grain
à moudre et qu'on a un peu de crois-
sance à redistribuer. Comment fait-
on pour assurer des politiques d'em-
ploi plus dynamiques ? A l'échelle
européenne, notamment. Après, bien
sûr, il y a des questions de fiscalité,
les questions d'inégalités à long
terme, la réforme de l'école pour faire
une école moins inégalitaire.
Pascal De Lima Dans la mesure où
les rendements du capital technolo-
gique vont assez largement dépasser
ceux du travail, surtout lors de la pé-
riode qui s'ouvre, une concentration
de richesses va logiquement s'opérer.
Pour la classe moyenne, il faudra
donc s'adapter. Davenport et Kirby
(2016), du MIT, donnent un nombre
considérable de pistes : être capable
d'ajouter de la valeur par l'utilisation
↑ 36
de données ; de manipuler des
concepts qui trouveront un écho ;
être créatif et intuitif C'est aussi l'oc-
casion de refondre totalement la po-
litique économique. Il me semble que
l'encadrement (de 1 à 20, par
exemple) des salaires, ainsi qu'une
prise de participation sur la propriété
technologique sont plus pertinents
qu'une taxe sur les robots, car il fau-
dra un consensus. évidemment, le re-
venu universel, financé par l'helicop-
ter money, est une autre solution.
Car, sans cela, une crise de surpro-
duction guette à trente ans.
Henri Sterdyniak La hausse de la part
des revenus du capital, la mise en
cause de la situation des salariés sont
une composante forte du capitalisme
actuel. Deux stratégies sont envisa-
geables pour les mettre en cause. La
première consiste à défendre le rôle
redistributif de la fiscalité et de la
protection sociale. La France aurait
dû maintenir l'ISF et se battre au ni-
veau européen pour sa généralisation
; elle ne doit pas baisser son taux
d'impôt sur les sociétés ; elle doit se
battre pour faire payer les grandes
entreprises multinationales. La lutte
contre la pauvreté impose de revalo-
riser fortement le RSA et les presta-
tions familiales. La seconde consiste
à se battre au niveau des entreprises
pour lutter contre l'écartèlement des
salaires, des statuts et des pouvoirs.
Les travailleurs doivent promouvoir
le travail collectif dans l'entreprise,
réclamer d'avoir droit voix au cha-
pitre dans les grandes décisions. La
finalité de l'entreprise doit être ré-
orientée pour tenir compte de l'en-
semble des parties prenantes : ac-
tionnaires, salariés, prêteurs, clients,
fournisseurs, collectivités locales.
Les contraintes écologiques amènent
à promouvoir un modèle de société
sobre, solidaire, égalitaire. Ces deux
stratégies seront difficiles à mener,
compte tenu des menaces des classes
dirigeantes : fuir et pénaliser les pays
qui ne jouent pas le jeu. ■
Entretiens croisés réalisés par Jé-
rôme Skalski
Pascal de Lima économiste et en-
seignant à Sciences-Po
Louis Maurin directeur de l'Obser-
vatoire des inégalités
Henri Sterdyniak cofondateur des
économistes atterrés
Tous droits réservés L'Humanité 2018
8F9603C38050A90F352F1CB07309811248296852617584A2A01A54C
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 37
Jörg Hofmann syndicaliste nouvelle génération
vendredi 19 au jeudi 25 janvier 2018Page 26
801 mots
ENTRÉES LIBRES
La révolution sociale en Allemagne
affiche le visage calme et rassurant
de Jörg Hofmann. Cheveux gris et
courts, chemise blanche et costume
impeccable, lunettes discrètes à
monture noire : il pourrait être cadre
supérieur, patron de PME, ingénieur,
professeur... Il est à la tête des mé-
tallos allemands. A 62 ans, Jörg Hof-
mann dirige depuis deux ans le syn-
dicat IG Metall, fort de plus de 2 mil-
lions d'adhérents sur les 3,9 millions
d'employés du secteur. Rien n'est
possible sans lui. En Allemagne, pays
de la cogestion, le bras de fer social
passe toujours par la négociation.
Mais Jörg Hofmann menace de
mettre un terme à la sérénité du dia-
logue.
Depuis le début du mois de janvier,
IG Metall s'est lancé dans une rafale
de « grèves d'avertissement ». La se-
maine dernière, 376 000 employés
dans 1 900 entreprises avaient déjà
débrayé pour quelques heures. Les
organisations patronales sont préve-
nues : alors que les négociations sa-
lariales annuelles reprennent, le
conflit sera dur si les métallos n'ont
pas gain de cause. Aujourd'hui, IG
Metall exige les dividendes de la
prospérité. Il ne demande pas seule-
ment 6 % de hausse de salaire mais
aussi le droit, dans certaines condi-
tions et pour une durée limitée dans
le temps, à la semaine de 28 heures,
contre plus de 39 heures de travail ef-
fectif actuel.
Jörg Hofmann n'exclut pas des grèves
plus longues voire illimitées. Aussi
dures qu'en 1984, lorsque le syndicat
s'est battu pour obtenir la réduction
du temps de travail à 35 heures. A
l'époque de ce conflit social excep-
tionnel, Jörg Hofmann venait de ter-
miner ses études d'économie après
avoir songé un temps à l'agriculture.
Il n'a jamais travaillé dans une usine,
comme ses prédécesseurs à la tête
d'IG Metall. Son parcours est aty-
pique. Il y a gravi tous les échelons
internes comme un expert : en nou-
velles technologies et en innova-
tions, expert surtout en négocia-
tions.
C'est toute sa carrière de militant :
Jörg Hofmann a toujours tout négo-
cié, de la formation au temps de tra-
vail. Retors, il connait les rouages du
syndicalisme allemand, capable de
pousser loin le compromis. Le dia-
logue social est « un facteur de com-
pétitivité », dit-il. Le secteur de la
métallurgie, prospère, y a gagné : le
salaire brut moyen y dépasse
3 000 euros par mois.
Mais Jörg Hofmann est aussi capable
de durcir le ton s'il le faut. Au début
des années 2000, les centrales ont ac-
cepté les efforts demandés par le
gouvernement SPD-Verts de Gerhard
Schröder pour moderniser l'écono-
mie allemande. Pour Jörg Hofmann,
ce fut une erreur qui a conduit à
« plus de précarité » dans le monde
du travail. A l'époque, il n'était qu'un
salarié administratif du syndicat et
un responsable local. Il a assisté à la
crise de la social-démocratie alle-
mande. L'Agenda 2010 est l'une des
raisons du succès des populistes de
l'AfD, a-t-il expliqué après les élec-
tions de septembre.
Pour Jörg Hofmann, il est l'heure de
penser différemment. « Au lieu d'une
flexibilité déterminée par d'autres,
nous avons besoin d'une plus grande
liberté de choix en ce qui concerne
les heures de travail des employés »,
a-t-il expliqué en s'appuyant sur les
revendications venues de la base :
plus de temps pour soi, pour se for-
mer, pour sa famille, pour un proche
malade... Les revendications d'IG
Metall ont fait tomber le patronat de
sa chaise. Les entreprises, qui se
battent déjà pour attirer une main-
d'œuvre rare, n'imaginent pas com-
ment réduire le temps de travail dans
leurs établissements. Les patrons dé-
noncent une usine à gaz.
Jörg Hofmann assure ne pas être un
idéaliste. En économiste, il défend la
croissance et l'augmentation de la
productivité comme « conditions
préalables pour répartir les ri-
chesses ». Il ne croit pas à la décrois-
sance ou au déclin irréversible de la
productivité dans les pays dévelop-
pés. « Ces thèses sont une menace
pour l'Etat providence », dit-il. Il veut
se préparer aux défis de l'économie
de demain, par exemple la digitali-
sation qui rendra le travail plus rare.
« Nous ne pouvons pas l'empêcher.
Alors nous devons la façonner », a-
t-il précisé. Il a une idée précise du
monde qu'il imagine. Nous verrons si
sa méthode pour y arriver fonction-
nera.
à Berlin, Nicolas barotte ■
↑ 38
Tous droits réservés Le Figaro Magazine 2018
8B9D03FA8B40F307B5E81980E70B51CB4A294652D1BD859D3B82618
Parution : Hebdomadaire
Diffusion : 381 272 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 1 722 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2016↑ 39