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Egalement disponible :

Mon milliardaire, mon mariage et moi

Si l’on m’avait dit qu’avec LUI, la vie deviendrait si intense… L’avoir rencontré, c’était pluspalpitant qu’un voyage dans un pays exotique, plus excitant qu’une journée de shopping le premierjour des soldes, plus fou que d’avoir gagné le gros lot au Loto, plus exquis que tous les éclairs auchocolat, les mille-feuilles et les macarons réunis en une seule pâtisserie. Mieux que tout ce quej’avais vécu jusqu'à maintenant.Mais à l’heure où je vous parle, j’ai peut-être tout perdu…

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Kiss me (if you can)

Violette Saint-Honoré a beau croquer la vie à pleines dents, elle n’embrasse pas n’importe qui !Quand le milliardaire Blake Lennox, grand chef étoilé, embauche la jeune surdouée pour devenir latoute nouvelle pâtissière de son palace, il réalise rapidement que la gourmandise est leur seul pointcommun. Entre le tyran des cuisines et la belle ambitieuse commence une aventure sucrée-salée…enflammée. Folle de rage contre son patron, folle de désir pour l’homme qu’il est dans la vie, lajeune Française va devoir choisir.Confiture d’orange amère ou cœur coulant aux fruits de la passion ?

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Étreinte

Il y a des gens à qui tout sourit et d’autres qui ont le chic pour se mettre dans des situationscompliquées. J’ai beau mener une existence bien ordonnée, me réveiller deux heures avant le départ,traverser dans les clous et suivre les recettes de cuisine à la lettre, il semblerait que j’appartienne àcette catégorie de personnes dont la vie est toujours chamboulée par des imprévus. Voici mon histoire. Celle de ma rencontre avec Roman Parker, le multimilliardaire le plus sexy de laplanète… et aussi le plus mystérieux ! La mission que je me suis donnée : découvrir l’hommederrière le milliardaire. Mais peut-on enquêter le jour sur le passé d’un homme quand celui-ci vousfait vivre les nuits les plus torrides de votre existence ?

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Envoûte-moi

Qu’est-ce qui peut bien attirer Tobias Kent, trentenaire multimilliardaire et créateur de parfumsrenommé dans le monde entier, vers Eleonor Stuart, étudiante en design rencontrée par hasard dans unrestaurant branché de New York ? Entre ses études à la fac, ses petits jobs et ses meilleurs amis, lavie d’Eleanor est déjà bien remplie. Hermétique à l’amour, fidèle à son célibat de toujours, sait-elleque le destin en a décidé autrement ? que sa vie va être bouleversée par une rencontre, aussimagnifique que maléfique ?

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Call me Bitch

Mettez dans une demeure londonienne les pires baby-sitters de la terre et les meilleurs ennemis dumonde, ajoutez un enfant pourri gâté et laissez mijoter deux semaines. Le plan le plus foireux del’Univers ou la recette d’une passion épicée… avec juste ce qu’il faut d’amour, de haine, d'humour etde désir ?

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Hannah Taylor

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JE SUIS À TOI

Épisode 1

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1. Il était une fois…

– Attention ! Nina, tu vas renverser ton vernis à ongles dans tes céréales !

D'un geste sûr, ma meilleure amie écarte son bol avec son pied nu, doigts de pied en éventail surla table, et se tortille dans tous les sens, la cuillère pleine de lait dans une main et le pinceau dansl'autre. Comment fait-elle pour tout gérer en même temps ? Elle n'a même pas fait une pause dans sonlong flot de paroles. Je ne peux pas m'empêcher d'admirer son énergie et son habileté. J'ail'impression de voir une réincarnation de Shiva, la déesse indienne.

Puis l'image se fige un instant. Sur l'écran, Nina est stoppée dans son élan et semble être en trainde se tartiner les orteils avec des corn flakes. Monter une boîte avec une amie à l'étranger, c'est bien,mais les conversations Skype ont parfois leurs inconvénients. Durant ces quelques secondesd'interruption, mon regard divague et je peux voir à travers la fenêtre du salon de Nina le soleilmatinal de la côte est américaine.

Il est neuf heures là-bas à Boston quand ici, à Gstaad, il est déjà quinze heures. Mon regard sejette loin dans l'horizon montagneux de la Suisse… Je repense au temps où j'étudiais à Paris, en petitefrancophone que je suis, et que Nina est venue finir son cursus avec moi. On vivait en coloc' àl'époque et on peut dire que ça a été de sacrées années ! Qu'est-ce qu'on a pu rigoler toutes les deux.Surtout que nous sommes vraiment complémentaires. Moi, plutôt réservée ; elle, volcanique. Moi,fleur bleue et raisonnable ; elle, fêtarde et carrément délurée. C'est sûr que j'ai plus entendu des râlesque des ronflements venir de sa chambre à coucher…

Soudain, le son de la voix de Nina éclate sur les haut-parleurs de mon ordi.

– Ben alors Charlotte, tu m'écoutes ? lance-t-elle avec son délicieux accent américain.– Ne t'énerve pas, la connexion a sauté. Mais de toute façon, c'est à moi de te raconter comment

s'est passé mon rendez-vous d'hier.– Mais oui ! T'as assuré d'avoir trouvé ce client. Je suis contente. Tu commences vraiment à

prendre le pli du business. Donc là, c'est pour un mariage, c'est ça ? demande-t-elle.– Oui. C'était le futur marié et il est si amoureux, c'est adorable. Tu l'aurais vu, il n'arrêtait pas de

parler de sa future femme. Qu'elle est si belle, si extra. Il avait les yeux qui brillent ! C'était simignon, si… romantique !

– Oh ! là, là ! Charlotte, je te vois venir. Toi, ça t'a mis des étoiles dans les yeux.

Je rougis.

– Mais pas du tout, dis-je, faussement indignée.– Mouais… Allez, dis-moi. Combien ?

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Je ris.

– Je dirais 7. Oui, un bon 7 sur 10 sur l'échelle du prince charmant !– J'espère que le jour où tu verras un 10, ce sera pour toi, Charlotte.– T'es gentille. Mais en attendant, on dévie un peu. On a un boulot monstre.– Oui, oui, tu as raison. Alors, vite, la suite, demande Nina.– Il veut un lieu inédit. Quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Il tient absolument à éblouir sa

femme. Un endroit über-romantique.– Tu t'emballes encore, Charlotte ! s'exclame Nina en riant et en me pointant du doigt avec son

pinceau dégoulinant de vernis doré.– En attendant, il va falloir trouver quelque chose. Il faut maintenir notre réputation, et j'aimerais

bien que ce soit pour notre talent et non pour le contraire !– Et t'as déjà une idée ? me demande Nina.– Je sais pas trop… Je sens bien que je n'ai pas encore LA super idée. Peut-être la salle art

nouveau du Belvédère, par exemple ?– Trop vu et revu.– T'as raison.

Nina ne semble pas plus inspirée que moi. Elle reprend :

– Et le casino de la corniche ?– Pour le romantisme, c'est pas génial… Non, il faut un truc hors du commun. Je ne sais pas moi,

quelque part dans la nature, peut-être ? demandé-je, pas très convaincue.– Le mariage champêtre avec les couverts en carton ? Tu es sûre ?

Et Nina de singer une mariée en train de renverser toute son assiette sur sa robe, avec desmimiques à crouler de rire !

– Charlotte, dis-moi, toi l'indécrottable romantique, si tu devais imaginer le lieu le plusincroyable, le plus poétique, le plus… Enfin, tu m'as comprise : de quoi est-ce que tu rêverais pourton mariage ?

– Hmmm…

Mes yeux se perdent dans le vague, et mon esprit s'évade. Combien de fois ai-je pu imaginer cemoment ? Ce fameux jour de la robe blanche et du voile de dentelle soulignant mon visage. Dix ?Cinquante ? Cent mille fois ? Depuis toute petite, alors que le prince charmant en était vraiment undans ma tête : cheval blanc et habit de feu. Plus proche du bellâtre de Cendrillon que de RyanGosling. Mais aujourd'hui, quelle tête a-t-il dans mes rêves, ce prince charmant ? Je plisse les yeux.Je me concentre. Il est face à moi. Il est grand. Il est beau, ça c'est sûr ! Mais alors que mon regardpasse de ses mains à son visage, ses traits se perdent dans un flou indiscernable. Aurais-je moinsd'imagination que lors de mes dix ans ? Ou alors est-ce que quelque chose au fond de moi se dit quece n'est pas la peine de rêver ? Ce ne sera pas pour moi le prince charmant, c'est ça ? Alors je ne suismême plus capable de le voir en songe ?

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– Charlotte ! Charlotte ! T'es là ? Alors, où ça ? À quel lieu romantique tu rêves ?

Je plisse les yeux plus fort. Comme si Nina me guidait dans une espèce d'hypnose. Le mariage…L'amour ultime… Le prince charmant, le vrai… Mais oui, maintenant, quelque chose s'éclaircit dansma tête. Je commence à imaginer des choses…

– Je vois… Je vois… un paysage de conte de fées… murmuré-je doucement.– Oui, Charlotte, continue. Je t'écoute, dit Nina.– Une végétation sauvage, laissée à l'abandon.– Ah ! La belle au bois dormant ! La forêt de ronces.

Je ne me laisse pas distraire et je continue.

– À flanc de colline… Une vue montagneuse extraordinaire… Et au beau milieu de la verdure…– Un château ! s'exclame Nina.– Magnifique… Un château sublime, comme surgi des légendes anciennes. La demeure du…« Prince charmant ! » s'écrie-t-on en chœur toutes les deux. Puis on se regarde une seconde au fond

des yeux, et on éclate de rire de concert.– Mais oui ! C'est ça qu'il nous faut : le beau château des contes de fées. Tu es formidable,

Charlotte ! Je savais qu'on pouvait compter sur ton talent, et sur ton côté… Euh, comment dire…midinette ? dit Nina avec un petit clin d'œil.

– Bon, un château, c'est bien joli, mais notre gentil marié a beau aimer sa femme, il n’a pas leportefeuille de Rothschild, dis-je d'un ton désappointé. Je doute qu'on puisse trouver un château sursuper discount.

– Hmmm…

Nina grogne et semble prête à boire son flacon de vernis à la place de son café. Mais soudain,c'est l'illumination.

– Attends, Charlotte ! Il me vient un truc. Bon, rien de sûr, hein, mais je crois que j'ai la solution.Ça a l'air trop parfait, ça ne pourrait quand même pas… Ah ! mais non… Mais si, en fait ! Oh ! etpuis je ne sais pas… C'est possible que…

– Mais de quoi tu parles, Nina ? ! Raconte ! Sois plus claire.– Oui, excuse-moi, dit Nina dans un rire. Voilà l'histoire : comme tu le sais, mon père et ses frères

possèdent quelques petits terrains par-ci par-là.

Quelques petits terrains ? ! Joli euphémisme ! Ils ont je ne sais combien de propriétéséparpillées à travers le pays !

La famille de Nina est loin d'être à plaindre. Edmond Bertram, le père de Nina, a fait fructifieravec ses frères la fortune familiale. Ils ont de grosses sociétés de production de bois. Mais il aheureusement su garder une grande simplicité et une véritable gentillesse.

– Oui, Nina ? Et tu vas me dire qu'ils possèdent carrément un château, c'est ça ? dis-je d'un tonmoqueur.

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– Eh bien, tu ne crois pas si bien dire ! Je me rappelle que mon père m'a emmenée deux ou troisfois dans un château quand j'étais petite. Un vieux truc, style xviiie, très impressionnant dans monsouvenir. Et je crois bien qu'il appartient à la famille. C'est pas très loin de Gstaad, je crois.

– Mais tu es sûre de ça ? Ce serait incroyable. Juste ce qu'il nous faudrait !– Attends, ne t'emballe pas, Charlotte. Laisse-moi regarder sur la carte.

Nina ouvre une autre fenêtre sur son ordi, et son regard est maintenant un peu de biais. Son claviercliquette sous ses doigts agiles et rapides. Ses yeux s'éclairent soudain.

– Mais oui, là, c'est ça, je reconnais les images ! Eh bien, ça s'appelle carrément le châteauBertram ! Si c'est pas une preuve ça, franchement ? dit-elle avec un grand sourire. Et puis, comme jete le disais, c'est pas loin du tout. Tu sais ce que je te propose ? Je t'envoie les coordonnées GPS et tuvas voir sur place. Si jamais ça a l'air intéressant, j'en parle après à mon père pour voir s'il y aquelque chose de possible. Ça te va ?

– Génial ! Nina, je t'adore.– On est géniales, Charlotte !

Et elle lève son pouce de travers et vient toucher son écran avec son poing. Je fais de même : c'estnotre petit signe de ralliement, et nos mains semblent se toucher au-delà de la virtualité des réseaux.

– Bon, Charlotte, il faut que je te laisse. Je dois encore trouver la star qui va chanter pour les seizeans de la fille du magnat du pétrole. Tu sais, le grand type à l'air aristo qui jure comme un charretier.

– Et c'est bien parti ?– J'ai quelques touches auprès d'agents. Je te tiens au courant.– Ok.– Tiens Charlotte, j'y pense, est-ce-que tu vas au truc de Jay ce soir ?

Jay, c'est le surnom de Jérémie, un ami commun très proche. Il a du mal à trouver sa voie. Sadernière idée est de se lancer dans le business de la rencontre amoureuse, et il organise ce soir unspeed dating au Café Poupée dans le centre-ville.

– Oui, oui, je vais y aller. Enfin surtout pour faire plaisir à Jay. Il lui faut du monde et pas trop demauvaises surprises.

– Garde l'esprit ouvert. On ne sais jamais, Charlotte. Be aware ! rigole-t-elle. L'amour, ça peutarriver n'importe quand, et surtout quand on ne s'y attend pas.

– Mais les princes charmants, ça se trouve dans les châteaux, pas dans les cafés, Nina.– Oui, mais commence déjà par les cafés, sinon t'es pas sortie de l'auberge !

Nous sourions, et déconnectons. L'écran vire au noir.

Je me rappelle encore le jour où Nina et moi nous nous sommes regardées, et ça nous est apparucomme une évidence : il fallait qu'on monte une boîte d'événementiel ensemble. Nous étions toutesles deux invitées au mariage du filleul de ma tante Agnès (celle avec le chignon et les lèvrespincées). Une vraie catastrophe ! Bon, passe encore les blagues nulles du maître de cérémonie, mais

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alors le pâté du traiteur qui avait des relents pas terribles… Le lieu : une espèce d'observatoire touten haut d'une route sinueuse et interminable. La vue qui promettait d'être extraordinaire s'est avéréeobscurcie par une purée de pois. En bref, une soirée complètement ratée. On discutait de la manièredont on aurait organisé ça, et de fil en aiguille, on a eu un projet de boîte qui nous a surexcitées. Ninaa commencé de son côté à Boston, le temps que je termine mes études, et maintenant me voici à borddu bateau, prête à conquérir les mers du business !

Mon portable vibre. Ce sont les coordonnées GPS envoyées par Nina. Quelle heure est-il ? Quinzeheures trente. Allons-y directement, le travail n'attend pas. Et ce serait une belle prise si je pouvaistrouver le lieu magique qu'il me faut dès cet après-midi. Dans le cas contraire, je vais devoir mecreuser les méninges !

Je sors sur l'esplanade devant mon immeuble et me dirige vers ma voiture. Malgré les grandsarbres verdoyants se balançant doucement dans la brise, je garde ma main en visière : on est en pleinmois d'août et le soleil tape dur. Je défais mon gilet ocre. Et même en débardeur blanc, je sens lachaleur cuire ma peau. Je monte dans la voiture et plutôt que de lancer la clim, j’ouvre le toit ouvrantélectrique. Ce n'est pas parce que c'est pour le boulot que ça doit être désagréable ! Lunettes desoleil, cheveux au vent, je file en trombe sur les routes sinueuses des flancs de la montagne suisse.

Une bonne heure de virages m'a donné le tournis, même à moi, habituée que je suis à la conduitedans la région. J'ai la tête qui chauffe dans le soleil de l'après-midi, à tel point que je referme le toitouvrant. Ma destination ne paraissait pourtant pas si éloignée, mais mon GPS ne cesse de me dired'aller « tout droit au prochain croisement ». Après une dizaine de minutes, la voix robotisée rompt lamonotonie en me demandant de tourner à gauche. Je m'exécute, et me trouve embarquée dans unchemin non goudronné. Quelques mètres de plus, et cela devient un chemin forestier. Une grandebarrière de bois me coupe le chemin. Pas le choix : je dois me garer. Je vérifie sur mon GPS. Pasd'erreur, c'est bien par là, mais à partir d'ici, c'est en usant mes sandales que ça va devoir se faire !

Je laisse ma voiture sur le côté, à l'ombre de deux grands platanes, et me lance à l'aventure. Je faisun peu la grimace : si c'est bien le seul accès, ça va pas être folichon pour l'organisation d'unmariage ! Mais malgré ce premier aspect pratique, je me laisse doucement charmer par la quiétudedes lieux.

J'avance et j'apprécie la fraîcheur des bois. La lumière danse au travers des feuillages et colore lesol de taches dentelées mouvantes. Je respire à fond. Je me sens bien. L'odeur de la nature m'apaiseet me cajole. C'est presque un décor de film. À croire que je viens de me transformer en PrincessBride ! Il ne me faut pas longtemps avant que j'arrive devant une vieille grille en fer forgé. Je vérifiesur mon portable. Coordonnées GPS : je suis pile poil au bon endroit. Rongée par la rouille, la grillea été envahie par le lierre. Je cherche en vain un signe de vie à travers les barreaux. Pas d'autresolution : je pousse. Aucune résistance, ça s'ouvre facilement. J'avance avec précaution, je ne suispas chez moi quand même. Je regarde autour de moi : ça fait un bail que ce jardin n'a pas dû voir lepied d'un jardinier. L'herbe fait un mètre de haut, et les ronces courent sur les murs de l'enceinte. Ninaparlait de la belle au bois dormant : on en est pas si loin… Et au beau milieu de tout cela, s'élève lefameux château. En fait de château, il s'agit d'une grande demeure bourgeoise de la fin du xviiie. La

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vigne et le lierre recouvrent les murs, et quelques fenêtres sont cassées. Manifestement, lepropriétaire y est allé mollo sur l'entretien récemment. Je fais le tour de la propriété et vois dans leterrain à l'arrière, en bas de grandes marches de pierre, les reliquats de ce qui devait être unmagnifique jardin : quelques bancs blancs et une chapelle. Le tout a un potentiel extraordinaire. C'estun conte de fées… dans son jus ! Il faudrait un an de travaux, au bas mot, pour tout remettre en état. Jesuis à 50 % excitée par la découverte, et à 100 % déçue, parce que pour la cérémonie de mon petitmarié, là, c'est pas gagné…

J'appelle Nina pour lui donner un compte-rendu en live.

– Allô, Nina ? Tu m'entends ?

La couverture réseau n'est pas formidable ici.

– Allô ? Charlotte ? C'est toi ? Bouge un peu, tu captes mal ! Allô ?– Nina ! Ninaaaaa ? Attends, je me mets en hauteur.

Je me mets debout sur un des bancs de pierre blanche élimée. Je sautille sur la pointe des piedspour essayer d'attraper tout ce que je peux comme ondes qui passeraient par là, comme une espèce dekangourou mécanique.

– Ça y est, tu m'entends, Nina ?– Oui, c'est un peu mieux. Dis-moi, qu'est-ce qu'il y a ?– Il y a que je suis sur place, au château Bertram.– Tu parles bizarrement, Charlotte, comme si tu tremblais.– Non, non, je sautille.– Ah… Euh… Ok, si tu veux. Et alors, le château ? C'est chouette ?– Comment dire… La dernière fois que tu l'as vu, ce doit être la dernière fois qu'une femme de

ménage est passée, ou alors faut vraiment qu'elle songe à changer de boulot.– C'est-à-dire ?– Ça a un potentiel énorme. Ça peut devenir un truc romantique de fou, mais pour l’instant, c’est

carrément impossible pour l’organisation d’un mariage. En attendant, si personne ne le prend encharge rapidement, ça sera vite une ruine. Tu devrais en parler à ton père. Si tu veux mon impressionà chaud, je dirais qu’il y a ici une atmosphère très particulière. Je dirais qu'il y a même un petit côtéchâteau hanté. C'est comme si j'avais l'impression de ne pas être seule. Tu vois ce que je veux dire ?

– Ah ! je pense que tu es un peu impressionnable. La campagne suisse n'est pas réputée pour sesrevenants et ses esprits maléfiques, tu sais.

– Oui enfin, moi je ne suis pas rassurée, et je t'avoue que je vais me carapater le plus vitepossible.

– Prends quelques photos avant, d'accord ?– Ok. D'ailleurs, tu as idée de ce à quoi il servait, à l'époque, ce château ?– Hmmm, une sorte de pensionnat, ou un truc comme ça. Je ne suis plus très sûre. Mais ça a fermé

je crois.– Ben oui, merci, ça j'aurais pu te le dire moi-même que ça a fermé.

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– Quoi ?– Non, laisse.– Quoi ? Charlotte ? Je ne t'entends plus. Bouge.– Allô, Nina ?– All… lotte… apte… pelle-moi.

Je sautille de plus belle comme un ressort sur mon petit banc en pierre, mais rien à faire, les ondesont été comme balayées par le vent qui s'est levé. D'ailleurs, quelques nuages noirs s'amoncellent etle joli temps estival menace de se muer en orage. J'ai un frisson. Le bruit du froissement des feuillesdonne un côté lugubre à la demeure aux fenêtres noires, borgnes ou murées. Je continue de sautillerde plus belle, cette fois-ci en tournant sur moi-même.

– Allô ? Nina ? Ninaaa ? Ni…

Soudain, je hurle : un homme est face à moi. Je lâche mon téléphone qui tombe et s'explose sur lapierre blanche. Je ne l'avais pas entendu approcher. Depuis combien de temps est-il là ? Il s'avanceet ramasse les restes de mon portable.

– Tout va bien, mademoiselle ?– Euh… oui. Je crois, oui…

Nos yeux se fixent un temps. Le son devient muet dans mes oreilles. Un sentiment étrangem'envahit. J'ai du mal à comprendre ce qui se passe. Il ne fait plus froid mais un frisson me descendl'échine. Le temps est suspendu. L’image de cet homme est en train de s’imprimer profondément surma rétine. Une beauté à couper le souffle. Des yeux bleu sombre étincelants sous des cheveux bruns.Il doit avoir à peine trente ans. Le petit sourire avec lequel il m’a parlé fait naître juste sous son œildroit une fossette à tomber à la renverse. Il me regarde en replaçant sa veste sur son bras. Une brisetiède vient jouer dans mes cheveux et mon cœur vacille. Une vibration étrange et envoûtante emplitl’air et semble nous faire palpiter tous les deux. Instantanément, ma gorge devient sèche.

Et puis sans un mot, il se retourne et s'éloigne. Je le hèle :

– Monsieur ?– Oui ?– Vous… Vous partez ?– Je vous laisse terminer votre sport… Vos sautillements ?

Je rougis d'embarras. Il me faut reprendre le dessus. Je lance :

– Monsieur, si je peux me permettre, c'est ici une propriété privée. On ne peut pas juste s'ypromener à sa guise, dis-je comme un défi.

– Une propriété privée ? Oui, bien entendu, je suis au courant. Je suis né ici. Par contre, vous,avez-vous une bonne raison d’être là ?

Ses yeux dardent sur moi. Son regard me retire toute parole. Mon souffle devient court. Et soudain,

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il se retourne et disparaît derrière la tourelle.

Quelques premières gouttes de pluie viennent doucement rafraîchir mes joues enflammées.

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2. Premiers frissons

[Avec toutes mes excuses. Cordialement. Milton.]

C'est un texto particulièrement succinct, non ? Je veux dire, on dirait même… un peu froid,non ? Enfin, en même temps, à quoi est-ce que je m'attendais de la part de ce type que je n'ai vuque cinq minutes dans un jardin ? À ce qu'il me dise quoi exactement ? Que je… Que lui… Qu'ilva me… Euh…

Je rougis, et je sens bien que quelque chose se passe en moi. Quelque chose que je n’ai encorejamais ressenti.

Ce qui est sûr, c’est que je ne m’attendais pas à ce qu’il me fasse livrer un téléphone tout neufmoins de deux heures après notre rencontre. Je suis encore sous le coup de l’émotion. Pourquoi cetteattention ? Et comment a-t-il fait pour me retrouver ?

Je le sens, il y a comme une deuxième Charlotte qui s'est éveillée en moi. Une Charlotte que je neconnaissais pas et qui a pas mal de trucs à dire !

– Salut !

– Mais… Qui es-tu, toi ?

– Tu ne me reconnais pas ? Pourtant, on se voit souvent.

– Euh… Je vois pas…

– Je suis Charlotte.

– C'est pas vrai, c'est moi Charlotte !

– Oui, mais moi, je suis la Charlotte fleur bleue.

– Et moi, je suis qui alors ?

– Toi, tu es la Charlotte raisonnable. Qui réfléchit trop.

– Un peu chiante, quoi, c'est ça ?

– Si c'est toi qui le dis…

– Ah ben merci ! Et qu'est-ce que tu fais là aujourd'hui ?

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– Mais enfin, c'est pas évident ? Ce type, là, Milton, il était pas juste INCROYABLE ?

– Tu exagères pas un peu ? Et puis d'abord, « Milton ». Il signe de son nom de famille. Pas deson prénom. C'est quand même bizarre, non ?

– Tu t'attaches vraiment à des détails barbants.

– Non, mais il est pas net quand même : s'approcher sans bruit derrière moi dans cetteatmosphère flippante…

– Flippante ? Tu t'écoutes un peu. Me dis pas que quand il s'est retourné, t'as pas remarqué cecul d'enfer ? !

– Pfff… T'es pas Charlotte fleur bleue, t'es plutôt Charlotte coquine.

– Peut-être… Et ça me gêne pas plus que ça. Au moins je m'amuse. Toi, la Charlotteraisonnable, c'est pas un peu le désert en ce moment, côté mecs ?

– Eh ! Ça va ! On partage le même corps.

– Oui ben justement. Il faudrait peut-être en faire quelque chose, de notre corps ! Franchement,moi, je commence à ne plus tenir en place ! T'as besoin d'être convaincue ? Il a eu une attentionsuper gentille quand même, non ?

– Tu veux dire de me renvoyer un téléphone tout neuf pour remplacer celui qu'il a cassé ?

– Que tu as cassé, tu veux dire. C'est pas de sa faute si tu flippes dès qu'un beau mec t'adresse laparole !

– Sympa…– En attendant, il lui a fallu seulement deux heures chrono pour te faire livrer par un porteur privé

un mobile flambant neuf, directement chez toi. Si ça c'est pas une super attention, je sais pas ce qu'ilte faut…

– Ben justement, tu trouves pas ça louche, toi, qu'il ait trouvé mon nom et mon adresse aussifacilement ?

– Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Il est malin, et visiblement ne doit pas être à plaindre côtéfinancier. Et puis ça prouve qu'il doit te trouver plutôt à son goût, non ?

– Bof. Vu le texto froid et protocolaire qu'il a envoyé, c'est pas le Baudelaire du romantisme…– Toujours si négative, Charlotte la raisonnable. Laisse-moi prendre un peu les manettes, et je vais

te changer la vie, tu vas voir.– Comment ça ? Tu comptes faire quoi ?– Ben… répondre au texto déjà. Et puis peut-être même qu'il en a déjà envoyé un autre, qui

sait ? On saura ça quand on rallumera le portable tout à l'heure.

Tout à l'heure, tout à l'heure… Je rallumerai mon portable… Mon esprit vagabonde… C'est

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brumeux… Mais où suis-je déjà ?

– Je vous ennuie, Charlotte ?

Je suis tirée d'un coup de ma rêvasserie. Je regarde autour de moi. Je suis en plein speed dating.Le brouhaha du Café Poupée vient percuter mes oreilles. Jérémie, mon meilleur ami qui organise lasoirée, est assis là-bas, près du bar. Il a l'air occupé et stressé. C'est le premier événement qu'ilorganise et il faut que cela se passe bien !

Mon regard revient vers la personne en face de moi.

– J'ai vraiment l'impression que je vous ennuie Charlotte, vous avez l'air ailleurs.– Oh… Euh… Non, non, continuez, je vous en prie.

C'est déjà mon troisième rendez-vous de speed dating, et le service que je rends à Jérémie en étantprésente commence à se muer en sacerdoce. Le type qui est en train de me parler (avec un morceaude salade coincé entre les dents) porte une chemisette jaune poussin bien nettement enfoncée dans unjean taille haute. Ce n'est pas qu'il n'a pas l'air sympathique. Peut-être l'est-il ? En tout cas, je suissûre d'une chose : c'est qu'il est d'un ennui mooooortel ! Je préfère encore être coincée à regarderl'intégrale des Chiffres et des Lettres version slovaque. Heureusement mon interlocuteur est du genrebavard, ce qui me permet de ne pas avoir à faire la conversation.

– … et bien évidemment s'installer à moins de dix minutes de chez mes parents, c'est quand mêmeplus pratique, surtout vu la…

Pratique ? Il essaie de draguer une fille en parlant pratique ?

Mais où est le souffle ? Le romantisme ? Le coup de folie ? Quel fou peut bien utiliser le mot« pratique » quand il est à la recherche de l'âme sœur ? C'est bien simple, ça devrait être interdit,point barre. Avec une police du romantisme qui veille au grain, qui relit tous les mails et les SMS. Etdès qu'un mec commence à être trop barbant ou égoïste, hop, amende !

Non mais c'est vrai, quoi !

Je réprime un sourire à ces pensées. Je ne voudrais pas que mon type, là, pense que je suisréactive à son discours. Heureusement, le gong vient me délivrer. Nous nous levons, et je vaism'installer à une autre table en priant intérieurement que la soirée se termine bientôt. La personnesuivante est bien différente de mon adepte du pratique. Plutôt beau mec. La trentaine musclée, fin,grand et blond. Il porte des vêtements sport et se présente comme DJ. Ma curiosité est un peu piquée.Mais à peine les deux, trois premiers mots échangés, qu'il lance d'un coup :

– Bon alors, tu cherches quoi comme type de mec ?

Je suis prise au dépourvu et me mets à bafouiller.

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– Euh… Ben, comment dire ? Je ne cherche pas de mec, quoi.– Ah. Mais qu'est-ce que tu fais là, alors ? demande-t-il d'un air surpris.

Je ne veux pas griller Jérémie en disant que je suis juste là pour rendre service. Je tente de merattraper :

– Non, mais, disons que je ne cherche pas comme une sorte de prédateur. Ou comme une fille àl'affût, enfin… Tu vois ce que je veux dire, non ?

– Mouais… Appelle-ça comme tu veux. Mais tu m'as toujours pas répondu. Même sans faire taprédatrice à l'affût, comme tu dis, t'as bien un genre, un style qui te plaît, non ?

Et lui de me lancer un petit clin d'œil en vacillant la tête légèrement de droite à gauche. Je ne saispas s'il trouve que ça le rend hypercool, mais en tout cas, si ça marche en boîte avec des minetteshurlantes et pompettes en bout de nuit, avec moi, c'est no way ! J'hésite une fraction de seconde àéclater de rire face à ce frimeur, mais c'est juste à ce moment-là que j'aperçois Jérémie qui me fait ungrand sourire de loin, et me lève le pouce, poing fermé, en signe d'approbation.

Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour ses amis !

Je ravale mon sourire, et je fais diversion en prenant la parole. Il veut connaître mon type de mec ?Bah…

– Le genre gentil, attentionné… Qu'il me comprenne d'un regard. Qu'il sache me surprendre, metransporter… Qui n'a pas l'air de se prendre pour ce qu'il n'est pas. Plutôt économe en paroles.Grand… Fin… Musclé…

– Blond…– Brun ! Un sourire aux lèvres… Une fossette au coin de l'œil…– Une fossette au coin de l'œil… Mais j'ai pas ça, marmonne mon DJ, dubitatif.– Qui s'habille avec classe…

Je me rends compte avec un temps de retard que je viens de décrire très précisément monmonsieur Milton.

Gong !

Je suis sauvée ! En se levant, le DJ me fait un clin d'œil en claquant de la langue, et me désigne deses deux index, bras tendus, dans un geste qu'il doit penser d'une coolitude absolue, et que je pensaisréservé aux candidats des pires émissions de télé-réalité. Je lui fais mon plus joli sourire hypocrite etm'écarte au plus vite de ce guêpier.

Dernier rendez-vous, enfin ! Je m'assieds et me trouve face à Alain, le papa de Jérémie. Brun, trèscalme et au regard gentil. Lui est heureux en ménage et est venu ici juste pour prêter main forte à sonfils. Je le connais depuis longtemps, et du coup nous pouvons passer notre entretien à papoter. Celafaisait quelque temps que nous ne nous étions pas vus, et cela nous permet de nous remettre à jour surnos actualités respectives. Très vite, les souvenirs refont surface, et nous nous remémorons les bon

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moments. Ce qui ne me rajeunit pas : ça ne date pas d'hier ! Parfois, même à vingt-trois ans, on peutsentir le temps qui passe.

Jérémie et moi sommes amis d'enfance et du coup Alain m'a vue grandir. Plus tard, àl'adolescence, Jérémie et moi avons rencontré Nina sur les pistes de ski. Le courant est tout de suitepassé. À l'époque, on ne la voyait qu'une fois l'an, pour les sports d'hiver. Bien que vivant aux États-Unis, son père et sa famille venaient du coin, et donc appréciaient ce retour régulier au bercail.

Maintenant que, diplôme en poche, nous menons notre petite entreprise toutes les deux, notrecomplicité n'a pas faibli. Heureusement ! En ce moment, je travaille de la maison, ici, à Gstaad,tandis que Nina est à Boston. Mais cela va s'inverser en septembre. Avoir un côté européen plaîtapparemment bien aux États-Unis, et l'accent américain est un atout dans la région. Pourquoi sepriver ?

Alain m'avoue qu'il est ravi que Nina vienne pour un temps en Suisse, car il se dit qu'elle pourradonner un coup de main à Jérémie dans son entreprise. Il est vrai que Nina est une business womannée. Et puis c'est tout simplement une fille super. Voilà tout.

Et le gong final retentit ! Je souffle un bon coup. Je dois avouer que je ne suis pas mécontente. Lebrouhaha augmente un temps alors que tous les participants se lèvent et vont voir Jérémie pour donnerle résultat de leur soirée. Alain et moi continuons à siroter tranquillement notre verre, un peu àl'écart. Finalement, alors que le café se vide, Alain prend congé également. Bien plus pressé derejoindre sa femme ce soir que de se lancer dans des conversations sans fin ! C'est vrai que c'estplutôt un taiseux, et c'est le genre à ne jamais être aussi heureux que lorsqu'il est tranquille, à lamaison, avec Claudia.

J'attends que Jérémie finisse pour aller lui parler. Je laisse mon regard voleter tout autour. C'est untrès joli endroit que ce fameux Café Poupée, l'un des bars les plus branchés de Gstaad. Nous sommesdans la vieille ville, et le lieu est visiblement une ancienne taverne. Maintenant, la déco très hype semêle aux vieilles pierres, et je dois avouer qu'il est difficile de ne pas trouver cela charmant.

– So, my lovely dear ?

Jérémie vient me voir et joue le séducteur en jouant des sourcils. J'éclate de rire ! Je me lève et luifais vivement la bise.

– Alors Jérem', pas trop fatigué ?– Pas trop fatigué ? Mais je suis complètement claqué ! Et puis sans compter le stress de la

première fois… D'ailleurs, merci, merci, merci beaucoup d'avoir été là. T'as été super.– Comment tu le sais que j'ai été super ? dis-je d'un ton taquin.– Mais parce que tu es toujours si extraordinaire, dit Jérémie d'un ton faussement poétique.

Je ris de bon cœur.

– Bon, en tout cas, toutes mes félicitations. C'était très bien organisé. Tout était nickel.

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– Ha, ha ! Est-ce que mademoiselle Charlotte aurait trouvé quelqu'un à son goût ?– Faut pas exagérer non plus ! dis-je joyeusement.– Mais, par exemple, le fameux Mike, là, il est pas si mal.– Mike ? C'est quoi Mike ?– C'est quoi ? C'est le type mignon, jeune, blond…– Le DJ ? Euh, j'espère que tu ne me poses pas sérieusement la question. Tu me décevrais un poil.

Et puis il s'appelle Mike ? Vraiment ?– Ha, ha ! Bien vu. En réalité, c'est Karl. Nettement moins exotique.– Et Mike, c'est son pseudo de DJ, c'est ça ?– Il est pas DJ pour de vrai. Il s'appelle Karl et il bosse aux RG français. Il est basé ici.

Apparemment, c'est pas très sexy pour plaire aux filles. Du coup, il a mis en place ce petit numéro.– Ah, et ça marche ?– Non plus.– Va falloir qu'il commence à se poser des questions. Sérieusement. À mon avis, Karl doit être

nettement plus sympathique que Mike, son alter ego. C’est typique des mecs timides. Enfin, bref,pour répondre à ta question : merci, mais non merci.

– Mais alors, il n'y a vraiment aucune personne de toute la soirée que t'as trouvée intéressante ?– Non, Jérem'. Mais en même temps, tu devais bien t'en douter. Tu me connais bien, et depuis

longtemps. Pour moi, l'amour, c'est pas sept minutes de papotage entre deux gongs avec Mike etGérard. C'est autre chose. C'est de la magie. C'est quelque chose qui tombe du ciel, là, tout à coup.Un sortilège qui te prend aux tripes et auquel tu ne comprends rien. Un regard, une évidence. Un coupde tonnerre dans le cœur qui te fait trembler et frissonner à la fois. Le chaud et le froid. Les étoilesqui bourdonnent ; mille parfums de fleurs qui t'assaillent ; la beauté du monde qui te submerge… Lesvagues de l'océan qui vont et viennent dans les yeux bleus de l'amour qui vient de te frapper. C'est laflèche d'Éros qui me tue et me fait revivre à la fois, c'est…

– Eh ! Tu t'emballes ma Charlotte romantique. Tu deviens une vraie poétesse dans ces moments-là.Tu sais, c'est bien beau tout ça, mais crois-moi, c'est bien pour tout le monde pareil. Ils aimeraienttous que ça se passe aussi comme ça. Tu crois que Mike a toujours rêvé de rencontrer son âme sœurdans un speed dating ? C'est juste que la majeure partie des gens sont un peu plus réalistes, et qu'ilsse prennent en main pour donner un petit coup de pouce au destin. Voilà tout.

– Réaliste ? Mais je m'en fiche bien d'être réaliste ! Le prince charmant de Cendrillon, tu croisqu'il est très réaliste, c'est ça ?

– Et toi, tu crois que tu es réaliste de te prendre pour Cendrillon ?– Je préfère me prendre pour Cendrillon que pour un DJ de campagne qui s'appelle Mike !

Et nous éclatons de rire ensemble.

– Bon, Charlotte, du coup, le Mike : combien sur l'échelle du prince charmant ?– Moins deux ! ! lancé-je joyeusement. Mais bon, ça suffit de parler de moi. T'en es où, toi ? Je

sais que t'as été très pris dernièrement avec ce nouveau projet, mais est-ce que ça t'a empêchéd'avancer côté cœur ?

– Ha, ha ! Je vois que tu attaques les choses sérieuses… Eh bien, toujours la même histoire.– Ce mystérieux amour secret dont même moi je ne connais rien ? Ça doit faire dix ans ! Quand

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même, c’est pas très sérieux, non ? Tu voudrais pas redescendre sur terre ?– Tu t’entends ? Tu es prise à ton propre piège ! dit Jérémie d'un ton taquin. C’est ma princesse

charmante à moi, voilà tout.– Toi, un jour, je te tirerai les vers du nez !– T'es jalouse ? dit Jérémie dans un sourire.– Ha, ha ! Très drôle. Allez, dis-moi, c’est bon, je te jugerai pas. C'est qui ? Je la connais ?– Hmmm… Tu en sauras plus en temps voulu… dit-il d'un ton impénétrable.

Inutile d'insister, je le connais, l'animal. Quand il a décidé de ne rien dire, il pourrait garder unsecret jusque dans la tombe.

– En tout cas, voici ta récolte de la soirée, dit Jérémie en me tendant quelques papiers pliés.– C'est quoi ?– Ben les numéros de téléphone des types à qui tu as plu. Et je peux t'annoncer officiellement que

tu es celle qui a fait le plus d'effet ce soir. Toutes mes félicitations.– Le plus d'effet ? Je ne sais pas si je dois être très flattée d'avoir séduit Mike le DJ… malgré

moi !– Prends-les, les numéros de téléphone. On ne sait jamais. Peut-être qu'un jour tu reviendras à la

raison, et tu en auras marre d'attendre le prince charmant ? En tout cas, les gars sur ces papiers, eux,ils aimeraient bien te revoir.

Je fourre les papiers dans ma poche, histoire de faire plaisir à Jérémie, mais dès mon retour à lamaison, je compte bien froisser tout ça dans mes petites mains, et gentiment les déchirer un par un,pour les voir finir à la poubelle entre les coquilles d'œufs et le marc de café.

Une bise à Jérémie, et je quitte le Café Poupée dans le crépuscule aoûtien. Plutôt que de mediriger directement vers ma voiture, je préfère apprécier la douce brise du soir, et je lève les yeuxvers le ciel, scintillant de plus en plus d'étoiles. Je respire à fond. Je me sens bizarre. Commeélectrique. C'est la pleine lune ? Non, même pas… Non, ça se passe ailleurs. C'est plutôt dans lapoitrine. Comme un tressaillement. Et qui me noue un peu l'estomac. Je sais que j'ai mon portabledans mon sac, et que je ne l'ai pas encore rallumé. Mon monsieur Milton aurait-il rappelé ? Laissé unnouveau SMS, par exemple ? Je ne me l'avoue pas, mais je reporte le moment de réactiver monmobile car j'ai peur d'être déçue au cas où rien ne se soit passé. Même si c'est ce qui est le plusprobable.

Bon, il va bien falloir se décider. Surtout que j'ai prévu de répondre à son texto de tout à l'heure.Je plonge la main dans le fouillis organisé de mon sac à main, et en ressort mon portable flambantneuf. Je me mens un peu, et refuse d'accepter que ma main tremble. Une longue pression sur le boutond'alimentation et l'écran d'allumage s'affiche. Cela semble durer une éternité. Enfin l'image de fondapparaît, et j'entre mon code PIN. Il trouve le réseau, et en deux secondes, il tinte et vibre. Septmessages en absence ! Mon cœur se met à battre. Vite, mon pouce joue sur l'écran et cherche le menupour écouter tout ça. Qui me les a envoyés ? Vite, vite… Voyons voir : Nina, Nina, Nina, encoreNina, Nina, puis Nina et enfin Nina.

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Flûte, et reflûte de m***de !

Bon, ne nous laissons pas abattre. Je retourne sur le SMS poli de M. Milton et appuie sur« répondre ».

[Merci. Il ne fallait pas. Charlotte]

Hmmm… C'est pas que ça paraît froid, mais un peu quand même. Je me sens déjà terriblementhardie de signer de mon prénom. En même temps, je ne sais pas trop sur quel pied danser… Et puisqui est-ce qui l'envoie, ce texto : la Charlotte raisonnable ou la Charlotte fleur bleue ? Si j'osais, ceserait peut-être même la Charlotte coquine… Je rougis à cette pensée, et l'efface à l'instant de monesprit. Allons ! Soyons réaliste, il n'y a aucune raison que ce monsieur Milton ait d'autre idée en têteque la simple politesse. À tous les coups, il est même probablement marié. Je me fais des films dansmon coin, midinette que je suis, alors qu'il m'a envoyé un message on ne peut plus neutre et tiède.Allez hop, emballé c’est pesé, on met tout ça de côté, et on n'y pense plus.

Bon, il va falloir rappeler Nina quand même. Elle a probablement des tas de choses à me dire.Mais je vais attendre un peu. Juste un tout petit peu.

Des fois que M. Milton se manifeste à nouveau…

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3. Une fleur éclot

J'ai erré tard ce soir entre les chalets et les sapins. Cela faisait longtemps que je n'avais pas euautant besoin de me retrouver seule. Simplement me laisser porter par l'envie du moment. J'ai dûfaire des tours et des tours dans la ville sans m'en rendre compte !

Finalement, je reprends la voiture et rentre, rêveuse, chez moi. Et plutôt fatiguée aussi. Je mesurprends à bâiller sans fin alors que je monte l'escalier me menant à mon appartement. Je sors mesclefs dans l'obscurité du couloir de l'immeuble quand j'entends la sonnerie de mon téléphone fixedepuis l'intérieur.

Quoi ? Mon téléphone fixe ? Mais personne ne m'appelle jamais dessus ? ! Hormis des sondeurset des vendeurs de fenêtres, je ne sais même pas qui peut bien avoir mon numéro. Je me dépêche doncd'ouvrir la serrure, pas très rassurée. J'allume rapidement, je jette mon trousseau dans le vide-poche,et saute sur le combiné.

– Allô ? dis-je d'une voix essoufflée.– Charlotte ?– Nina ? ! Mais enfin, qu'est-ce qu'il y a ? Il est genre une heure du matin ! Il y a quelque chose de

grave ?– C'est à toi de me dire ça : ça fait des heures que j'essaie de te joindre, Charlotte !– Des heures… Ah oui, c'est vrai, je ne t'ai pas rappelée. Désolé, Nina.– Mais je me suis inquiétée ! Je t’ai entendue crier puis il y a eu un bruit de chute et plus rien. La

conversation coupée alors que tu étais toute seule et que tu te sentais entourée de spectreseffrayants…

– Oui, j'ai peut-être exagéré un peu sur le moment, marmonné-je.– Ensuite, heureusement que Jay m'a rassurée sur le fait que tu n'aies pas été dévorée par des

zombies, vu que tu as participé comme prévu à son speed dating. Mais enfin, ça s'est terminé il y asuper longtemps, cette soirée, et depuis c'est comme si tu avais disparu ! Je t'ai laissé genre vingtmessages !

– Sept, Nina, pas vingt. Faut pas exagérer non plus, grommelé-je sans qu'elle m'écoute le moins dumonde.

– En plus, excuse-moi, mais ça te ressemble pas du tout de réagir comme ça. Tout va bien ? Il s'estpassé quelque chose ? Jérémie m'a pourtant dit que tu avais l’air comme à l'accoutumée ce soir…

– Bon, stop. Ok, je suis désolée de ne pas t'avoir donné plus de nouvelles. En fait, j'ai eu dessoucis de portable.

– Du genre ?– Du genre il tombe, il explose, et pfft ! plus joignable.– Hmmm… Je te connais Charlotte. Toi, tu es en train de me cacher la moitié de l'histoire.

Je souris. Nina lit en moi comme dans un livre ouvert. À l'époque de la colocation à Paris, il

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suffisait simplement qu'on se regarde pour que les informations se transmettent. Du Wi-Fi humain ! Etpuis, d'avoir Nina, là, au téléphone à une heure du matin, ça me remet dans l'ambiance des follesannées d'étude, et ça me donne envie de me remettre à ces interminables conversations/confessionstéléphoniques dont nous avions le secret toutes les deux. La chaleur de la voix de Nina, venue de par-delà l'océan, me berce et me cajole, et je sens bien qu'elle aussi est heureuse de retrouver, ne serait-ce que pour quelques moments, cette chouette ambiance de copines qu'on avait à l'époque.

– Bon, laisse-moi te raconter, Nina.– Ha, ha ! J'en étais sûre, il y a quelque chose, dit Nina d'un ton chaleureux et animé. Attends une

seconde, je prends mon café, mes cookies, je m'assieds sur mon canapé bieeeeeen confortablement, etje me mets à l'aise pour écouter tout ça. Et voilà ! À toi.

– Bon. Alors, tu te rappelles le moment où je t'ai appelée du château ? Et bien je ne capt…– D'ailleurs, le château, t'as pris des phot…– Stop, Nina ! C'est moi qui raconte l'histoire ! dis-je en riant.– Vas-y, vas-y, je t'écoute, promis !

Pour Nina, promettre de ne pas parler, c'est comme promettre de ne pas fumer pour un fumeur.C'est le priver de sa drogue dure !

– Donc je suis sur ce banc en train de sautiller, quand…– Ah oui, tu sautillais, dit-elle un peu narquoise.– Chut ! Donc je sautillais au milieu du vent et des bruits flippants, quand soudain je me retourne,

et j'aperçois ce type.– Un monstre ?– Non.– Un vieux pervers ?– Non !– Un cul-de jatte ?– Non ! ! Mais arrête, laisse-moi parler ! Donc j'aperçois ce type, et je suis suprise. Tellement que

j'en laisse tomber mon portable. Et paf ! Il va s'éclater en mille morceaux sur le banc en pierre.– Qui, le type ?– Non, mon téléphone !– Je te taquine, Charlotte. Allez, je me tais. Continue.– Alors voilà que le type s'approche et ramasse les morceaux de plastique et de métal éparpillés.

Et c'est là qu'il s'est passé un truc incroyable. Ou plutôt un truc bizarre. Enfin, je ne saurais pasdire…

– Il t'a demandé pourquoi tu sautillais !– Oui… Mais non ! Enfin, c'est pas de ça dont je parle, Nina !– Ben moi, si je voyais une nana en train de sautiller toute seule sur un banc au beau milieu d'un

jardin abandonné, je me poserais personnellement des questions…– Le type m'a parlé, Nina. Il m'a dit : « Tout va bien, mademoiselle ? »– Ah oui, t'as raison, c'est follement bizarre, dit Nina, moqueuse.– Et nos regards se sont, comment dire… attrapés ! Oui, c'est ça. Magnétisés. Il s'est passé quelque

chose. Et il porte un parfum enivrant, tu t’imagines pas.

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– Et il est comment ce type ?– Petite trentaine. Et surtout beau comme un demi-dieu. Non, c’est pas vrai, je te mens. Beau

comme un dieu.– Ah, là, tu commences à m'intéresser ! dit Nina dans un grand éclat de rire.– En tout cas, après, il m'a fait livrer un téléphone tout neuf, directement chez moi. D’ailleurs, j’ai

beau me creuser la tête, j’ai toujours pas compris comment il a bien pu retrouver ma trace.– Livré chez toi ? Juste après, dans l'après-midi ? Et il te retrouve mystérieusement ? À mon avis,

t'as une touche ma grande. Des nouvelles depuis ?– Un texto : « Avec toutes mes excuses. Cordialement. Milton. »– « Cordialement » ? Il est pas très foufou ton séducteur des maisons hantées. Et il signe de son

nom de famille ? T'es sûre que ce n'était pas un revenant du dix-neuvième siècle ?– En tout cas, il m'a dit qu'il était né là-bas. Au château Bertram.– Au château ? dit Nina, interloquée. Ça, par contre, c'est bizarre.– Je ne sais rien de plus. C’est tout ce qu’il m’a dit.– Hmmm… Ça n'avait rien d'une maternité, à ce que je sache. Enfin, qui sait, peut-être une

employée y a accouché, ou un truc du genre ? Tu veux que je me renseigne auprès de mon père ?– Euh, je sais pas…– Charlotte, il t'intéresse ce bonhomme ou pas ?– Je sais pas, c'est pas si clair…

Tout à coup, quelque chose tombe de ma poche. Je regarde par terre : c'est l'un des petits papiersque m'a donné Jay tout à l'heure. Et c'est là que je me rappelle ce qu'il ma dit : « Il faut parfois savoirforcer un peu le destin. »

Ce papier qui tombe. Et si je décidais que c'est un signe ?

– Ok Nina, si ça t'embête pas, pourquoi pas.

Puis, comme elle sait si bien le faire, Nina passe du coq à l'âne, et enjambe les conversationscomme un sauteur de haies, pour atterrir sur le sujet boulot. Évidemment, pour elle, il est dix-neufheures, donc elle est en plein dans sa frénésie habituelle. Mais je ne lui dis rien. Je suis en fait biencontente de cette petite conversation nocturne. Je me sens bien, là, assise sur la canapé, tisane à lamain, veillée par le croissant de lune brillant au travers de la baie vitrée.

– Bon, première nouvelle : on est en lice pour un anniversaire de mariage. Les soixante ans d'uncouple de notables de Boston, dit Nina.

– Chouette ! Quelles sont nos chances de remporter le morceau ?– Bonnes. Surtout que c'est toi qui t'en occuperas lorsque tu seras ici, et ils ont l'air plutôt séduit

par l'idée d'une petite suisse gérant tout ça. Mais attention, il s'agit d'un gros contrat. On parle d'unesoirée à sept chiffres !

Je laisse échapper un sifflement.

– Waouh, ça serait une opportunité géniale pour nous ! D'ailleurs, t'en es où pour la fête

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d'anniversaire de la fille de seize ans ?– J'ai trouvé son rappeur ! Lil' Gangsta Will. Un gars adorable. À l'américaine : hyper pro, amical

et sans blabla. Tu sais, si l'anniv' se passe bien, ça peut ouvrir un tas de portes par la suite.– T'as vraiment envie de te mettre à organiser des goûters d'anniversaire ? C'est pas vraiment ce à

quoi je m'attendais quand on a monté la boîte.– Mais tu t'imagines pas ce que c'est, ici, aux States ! L'anniversaire des seize ans, c'est à chaque

fois une fête de malade. Et surtout chez les riches. Non, franchement, on aurait tort de se priver.D'autant que c'est assez amusant, honnêtement.

– Ah oui ? Il faudrait que je voie ça de mes yeux pour être convaincue. Mais ok, je te crois.Allons-y à fond !

La conversation se poursuit autour du boulot. Je me dis quand même que moi, pour mes seize ans,j'ai eu deux volumes de la pléiade de Jane Austen et que j'en garde un souvenir ému. Entre ça et Lil'Gangsta Will, il y a un monde ! Petit à petit, je sens la fatigue me gagner. Mine de rien, on est aumilieu de la nuit, et la lune est maintenant montée bien haut dans le ciel au-dessus des montagnes. Jeprends congé de Nina, et me laisse tomber sur mon lit comme une masse. Mes yeux se ferment vite, etdans les brumeuses pensées qui éveillent mes rêves, je vois un magnifique regard lapis-lazuli dardersur moi, et m'emporter loin, loin, loin…

Le réveil est difficile le lendemain. Mais pas de répit : il va me falloir mettre les bouchéesdoubles pour trouver un lieu pour mon petit marié, vu l'échec du château Bertram. À peine réveillée,café en main, je suis déjà à fond les manettes entre Internet et le téléphone à essayer de trouver laperle rare qui fera de ce mariage la fête exceptionnelle dont ils pourront être fiers toute leur vie.Quelle responsabilité ! Mais quelle griserie aussi, quelle excitation, et puis j'ai tant envie que ce soitparfait…

Le fond de mon café refroidit tranquillement sans que j'aie le temps d'y toucher. La matinée passeen un éclair, et heureusement que j'ai mis un rappel sur mon portable, sinon j'aurais pu rater ledéjeuner que j'ai prévu avec mes parents. J'ai une demi-heure devant moi pour me préparer et filerles voir, à dix minutes en voiture de chez moi. Je passe rapidement sous la douche. Pas le temps deme laver les cheveux aujourd'hui. Tant pis, ça attendra demain. Je les noue d'un geste en une queue decheval avec un élastique violet. Je descends quatre à quatre les escaliers de l'immeuble, je trottinesur le parking et je saute derrière mon volant. Une fois que je suis arrivée, c'est ma mère qui m'ouvreavec son grand sourire immuable. Mon père est déjà assis à table et bouquine en nous attendant.

– Ma chérie ! Ça fait plaisir de te voir. Tu es si proche, et nous te voyons si peu en ce moment, tonpère et moi… Tu dois être débordée de travail. Tu es sûre que tu n'en fais pas un peu trop ?

Je souris. Quand je ne travaille pas assez, mes parents s'inquiètent de mon inactivité, et lorsqu'ilsme voient moins pour cause de boulot, voilà que je devrais lever le pied ! Je ne relève pas laremarque de ma maman, et je change de sujet.

– Et toi, comment ça se passe à la boutique ? Les clients ne te font pas trop de misères ?

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Ma mère tient un magasin de vêtements haut de gamme dans le centre-ville : des pantalons à pincesen toile beige, des sweats unis… Bref, de la bonne qualité mais rien que je mettrais – ni que jepourrais me permettre ! Mais maman ne semble pas décidée à lâcher le morceau, côté boulot :

– Charlotte, ça me chagrine de te voir comme ça. Je suis sûre que tu ne dors pas assez. Tu ne faispas assez attention à toi, mon chou, dit-elle en essuyant une tache imaginaire sur mon col de chemise.

Ça m'énerve quand elle fait ça…

– Ne t'inquiète pas maman, tout va b…– Et regarde-moi ces cernes. Tu ne dors plus, j'en étais sûre ! Tous ces soucis que tu t'es mis sur le

dos. Ah, ça, mener sa propre entreprise n'est pas une sinécure. Est-ce que tu n'es pas un peu jeunepour toutes ces responsabilités ?

– Maman…– Et regarde-moi ces cheveux ? ! Depuis combien de temps tu ne te les es pas lavés ? Ma chérie, tu

te négliges. Ce n'est pas bien. Comment veux-tu pouvoir rencontrer quelqu'un dans cet état ?– Maman !– Et ces ongles… En plus, avec tout ton travail, je suis certaine que tu n'as même pas pensé à

ramener le pain. Vraiment Charlotte, je ne suis pas tranquille avec toutes ces histoi…– Papa ! Dis à maman d'arrêter ce qu'elle fait !– Hmmm ? grommelle mon père d'un air distrait en relevant les yeux de son livre.– D'arrêter de faire quoi ? dit ma mère, un poing sur la hanche.– Tout ça. Me traiter comme si j'avais encore dix ans.– Mais c'est parce que je m'inquiète pour toi. J'ai bien le droit. Je suis ta mère quand même.– Eh bien garde tes inquiétudes pour toi maman. Regarde papa : il est pas inquiet, lui.– Hmmm ? Vous me parlez ? marmonne mon père dans un écho.– Tu plaisantes. Il a l'air dans son monde comme ça, mais il est mort d'angoisse ! dit ma mère d'un

air grave.– Quoi ? demande mon père d'un ton absent.

Je commence à avoir envie de pouffer de rire devant tant de sérieux et de fausse tragédie. J'adoremes parents, mais il est vrai que ma mère est la reine de l'anxiété. Une quinte de toux, et elles'imagine tout de suite la pneumonie. Quant à mon père, c'est le parfait opposé. Un peu rêveur, un peupoète. Il est toujours dans son monde intérieur. À moins que ce ne soit un refuge ?

Ma mère me fait un sourire, m'embrasse sur le front, et va chercher l'entrée dans la cuisine. Ellemonte vite dans les tours, mais elle redevient un ange tout aussi sec. Nous nous mettons à table. Et,effectivement, j'ai oublié le pain. J'évite d'évoquer le sujet, histoire de ne pas mettre en route lamachine à reproches assise en face de moi. Je fais attention à ne pas laisser traîner près de ma mèrele beurre ou tout autre chose qui pourrait rappeler le fâcheux oubli. Heureusement, la conversation nefaiblit pas : nous sommes toujours très heureux de nous revoir en famille.

– Charlotte, mon chou, ton départ pour Boston approche. Est-ce que tu as besoin de quelquechose ? Est-ce que l’on peut t’aider ?

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– Non, ne t’inquiète pas, maman. Tout est paré. Et puis tu sais, je n’ai pas tant de choses que ça àpréparer. J’embarque ma valise, et tout le reste sera sur place.

– Tu es sûre ? Ton père et moi, nous ne sommes pas très rassurés de te savoir seule dans unegrande ville comme ça. N’est-ce pas, Serge ? lance ma mère à mon père.

– Oh oui Mathilde, pour sûr, répond mon père, un peu pris au dépourvu.– Vraiment, n’ayez pas peur, leur dis-je calmement. Je serai logée dans l’appartement de Nina. Et

puis, si jamais il y a quoi que ce soit, il y a toujours son père qui n’est pas loin. On s’entend bien, etil est toujours prêt à aider.

– Tu nous donneras des nouvelles régulièrement, quand même ?– Promis ! D’ailleurs, en parlant du papa de Nina, vous savez que je suis allée visiter le château

Bertram hier. Ça vous dit quelque chose ?– Le château Bertram… dit mon père d’un air songeur. Mais oui… Ça me parle… Ce n’est pas la

vieille demeure en ruine près du mont Challans ? Tu veux dire que c’est le même Bertram que lafamille de Nina ? En même temps, ça ne m’étonne qu’à moitié, lui et ses frères ont un grospatrimoine, et comme ils sont originaires de la région. Mais qu’est-ce que tu y faisais ? demande monpère, soudainement très actif dans la conversation.

– Je le visitais pour le travail. Je cherche un lieu romantique pour un mariage.– Romantique ? C’est drôle ! Maintenant je me rappelle un peu des rumeurs qui circulaient à

l’époque, quand on s’est installé ici à ta naissance. Les gens disaient de ces choses : que ça avaitappartenu à une secte…

– Y’avait même des histoires de vampires ! le coupe ma mère.– Enfin, des tas de légendes improbables. Les gens disent de ces choses quand ils ne savent pas.

Ils préfèrent inventer plutôt que d’avouer leur ignorance, dit mon père d’un ton amusé.– Oui, enfin, à chaque fois, il y avait toujours des histoires de jeunes femmes, ajoute ma mère,

pensive.

Je vais pour leur parler de monsieur Milton, mais je me ravise au dernier moment. Je connais mamère : ça va être une avalanche de questions. Et quand elle aborde le sujet de ma vie sentimentale,c’est l’interrogatoire en règle : pire qu’un questionnaire de la Sécu ! Ma mère doit sentir que quelquechose se trame, et elle s’avère pleine de ressources quand il s’agit de trouver un angle d’attaque :

– Tiens, ma chérie, tu ne devais pas aller à ce speed dating organisé par ton ami Jérémie ? C’étaithier soir, non ?

Je vois mon père instantanément disparaître dans les méandres de sa rêverie. Ma mère ne lâchepas le morceau :

– Est-ce que tu as rencontré des gens intéressants ?– Maman ! Je cherche pas à me caser. Je rendais juste un service. Tu le sais bien, je t’ai déjà

expliqué.– Charlotte, dit ma mère en riant, je voulais juste dire pour rencontrer des gens. Pas forcément se

marier. C’est bien de se sociabiliser un peu. Tu es tellement le nez dans le boulot. S’aérer l’esprit,quoi.

– Tu peux parler ! lancé-je en souriant, et en lui montrant la pile de papiers de boulot sur la table

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de la salle à manger.

Nous rions toutes les deux.

Telle mère, telle fille !

***

Sur le chemin du retour, mes pensées tournent en boucle. Comme une vieille chanson que l’onn’arrive pas à se retirer de la tête. Le regard de cet homme me hante. Vraiment. De plus en plus. Quedois-je en conclure si je pense à lui autant ? En même temps, je l’ai vu environ cinq minutes.Comment peut-on être à ce point troublé par une fraction de temps aussi minime ? Mon imaginationprend le pas. Mon esprit s’échauffe. Quel peut être son prénom ? Son accent était quoi, américain ? Etde toute façon, Milton, ça fait plutôt anglo-saxon… Pete ? Henry ? John ? Il est élégant. Peut-être est-il aristocrate ? Après tout, il est à priori né dans un château. Et où est-ce qu’il vit ? Une grande villeà tous les coups. Genève ? Londres ? Ou même New York peut-être ?

J’ai soudain un petit coup au cœur : je pars dans deux semaines ! Ce n’est pas en partant à l’autrebout du monde que je risque de le revoir de sitôt. Une boule dans la gorge me prend. Je suis tirailléeentre un sentiment puissant qui me donne des frissons, et de l’autre côté une petite voix me fait lamorale à l’oreille : « Tu réagis comme une gamine de quinze ans qui rêve de son idole pop. Tu te faisdes films alors que tu ne connais rien de lui. Autant mettre un poster en 30x40 au-dessus de ton lit. »Ah, cette Charlotte raisonnable commence à m’énerver sacrément ! Je préfère de loin la Charlottefleur bleue. Elle, au moins, comprend ce que je ressens en ce mom…

*Ting*

C’est mon téléphone qui sonne : un texto. Je regarde distraitement : un message de… monsieurMilton ! Vite, j’ouvre le SMS. C’est une suite de chiffres. Un bug informatique ? Non, ce sont descoordonnées GPS. Je les consulte immédiatement sur Internet : il s’agit d’un restaurant d’altitudesuper chic. Je m’empourpre instantanément. Mon cœur s’accélère : un rendez-vous ? Non, je ne peuxy croire. Mes pensées se mélangent et mon esprit devient confus.

Je réponds avec des doigts tremblants :

[Un rendez-vous ?]

Quelques secondes passent, et il répond :

[J’ai cru comprendre que vous cherchiez un endroit pour un mariage ?]

Mince ! Quelle gourde.

Je rougis de plus belle. Heureusement qu’on ne communique pas en visio ! Du coup, je ne sais plusquoi dire pour ne pas m’enfoncer encore plus. Mon pouce hésite à deux centimètres de l’écran de

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mon téléphone quand une sonnerie me sauve la mise. Il a renvoyé un autre message :

[Malheureusement, je ne suis plus dans la région. Une autre fois, avec grand plaisir.]

Avec grand plaisir ! ?

***

Ce soir-là, j’ai le sommeil agité. Les quelques mots échangés voyagent sans fin dans ma tête. Jerêve. Lui. Nous. Son regard. Sa fossette. Son sourire. Une grande histoire d’amour. Il me prend lamain. Il pose ses lèvres dessus. Son regard se relève et agrippe le mien. Nous sommes emportés dansun tourbillon d’émotions. Mon cœur s’envole, je… me réveille en sursaut ! Non, rien de grave. Justeune overdose de sentiments.

Ben quoi, je suis hypersentimentale ? On a bien le droit, non ?

En même temps, si j’y réfléchis, le prince charmant de mes rêves semble avoir maintenant unvisage. Une vraie copie conforme…

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4. Une fleur cueillie

– Et voilà, tu es chez toi !

La voix de Nina résonne dans la grande pièce. Je pose mes valises sur le sol en parquet clair deson appartement de Boston. J’ai le souffle coupé. C’est immense !

– Ça va, Charlotte ? Ce sont les valises qui étaient un peu lourdes ? me lance Nina.– Euh… Oui, ça doit être ça.

Très vite, mon regard file vers la fenêtre pour attraper la vue. C’est l’habitude de mes paysagesmontagneux probablement. Ici, l’automne a commencé tôt cette année, et quelques arbres commencentdéjà à roussir gentiment sous le soleil de septembre. Nous venons tout juste d’arriver de l’aéroport etje découvre le logement de mon associée. Je savais que la famille de Nina n’était pas à plaindre,mais cela dépasse ce que j’imaginais. Nous sommes dans le quartier de Back Bay, le quartier le pluschic de la ville. Le duplex est tout en haut d’un de ces fameux immeubles victoriens de pierre brunequ’on voit dans les séries à la télé.

Nina me fait la visite. La pièce principale est baignée de lumière. Elle se réfléchit sur les mursblancs immaculés. Les fenêtres sont immenses, et le plafond est très haut. La cuisine donne sur cesalon, avec un grand bar en briques rouges qui fait séparation. De hauts sièges en cuir y sont accolés.Sur la grande tablette de bois foncé trône une cafetière expresso de style rétro avec des chromes et ungrand levier en métal.

Sur le mur qui fait face est accrochée en hauteur une télévision absolument immense. Je ne savaismême pas qu’il en existait de cette taille ! À droite, derrière le canapé pied-de-poule, un escalier enacier trempé mène à l’étage. Nous montons. C’est la chambre, aussi grande que le salon. Le lit paraîthaut, si haut… Avec une multitude de coussins de toutes les couleurs. Le genre de coussins quidonnent envie de sauter dedans. Face au lit, un long bureau souligne le mur, avec une lamped’architecte aux multiples charnières mobiles. Au-dessus et à gauche, une grande bibliothèque garnieà ras bord, semblant crouler sous les livres.

Il me faut quelques instants pour m’habituer à l’idée que je vais effectivement vivre ici lesprochains mois.

Pauvre Nina ! La tête qu’elle va faire quand elle va arriver chez moi… J’espère qu’elle ne serapas trop déçue…

Elle semble lire dans mes pensées car elle me dit :

– Tu sais, Charlotte, ça a l’air extraordinaire ici, mais je dois t’avouer que je suis bien contente departir en Suisse. D’être dans un environnement à taille humaine. Et si un jour la vie quotidienne de

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Gstaad me fait regretter celle de Boston, j’irai faire un petit tour sur les pistes de ski, et ça meremettra les idées en place !

– Ha, ha ! Nina, tu es formidable. Mais on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. Si la boîtemarche bien, on aura peut-être un jour de luxueux bureaux quelque part…

– À Shanghai ? À New York ?– Ou au château Bertram ?

Nous éclatons de rire.

– On parlera boulot tout à l’heure, dit Nina. Je vais commander à manger. Pizza ou sushi ?– Quelle question ! Sushi, bien sûr. Un chirashi pour moi.– C’est noté. En attendant, Charlotte, fais comme chez toi. Si tu veux prendre une douche, je t’ai

laissé une serviette sur le bord du lavabo. C’est la rose avec des fleurs turquoise. Pendant ce temps-là, je vais en profiter pour vider un peu les placards et la bibliothèque pour te faire de la place.

– Génial ! Je me dépêche.

J’entre dans la salle de bains de Nina qui est à l’image du reste de l’appartement. Une largedouche à l’italienne longe le mur droit, émaillé de mosaïques orange et rouge sombre. Trente minutesplus tard, je reviens dans la chambre pour trouver la quasi-totalité de la bibliothèque vide.

– Nina, comment as-tu fait ça aussi vite ?

D’un geste, elle me montre un jeune homme qui sort avec des cartons.

– Ne t’inquiète pas, c’était le dernier. Nous sommes tranquilles maintenant.– Mais tu n’étais pas obligée de t’embêter autant.– Il te fallait bien de la place pour pouvoir ranger toute ta collection de romans à l’eau de rose,

non ? dit Nina avec un clin d’œil.

Même si elle dit cela pour me taquiner gentiment, je me sens un poil vexée.

– Et alors, des romans d’amour, pourquoi pas ? ! On a bien le droit de rêver dans la vie, non ?Tout ne peut pas toujours tourner autour du business en permanence, dis-je un peu boudeuse, enmontrant du doigt la pile de magazines Forbes et Challenges qui s’entassent sur le bureau.

Nina éclate de rire.

– C’est drôle quand tu prends la mouche ! Ça t’arrive si rarement. Mais tu sais que je t’asticoteaffectueusement. Et puis moi aussi je lis des romans d’amour. Oui madame !

– Toi, Nina ? lui dis-je joyeusement.– Figure-toi que j’ai adoré Désire-moi.– Toi aussi ! Comme quoi tu peux être un peu romantique quand tu te laisses aller !

Nous sommes interrompues par la sonnerie de la porte. C’est le livreur de sushis. Nousl’accueillons avec de grands sourires, et nous nous installons sur le canapé autour de la grande table

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basse en verre. Comme à son habitude, Nina est un vrai moulin à paroles. Parfaitement insatiable,courant d’histoire en anecdote, et de rire en confidence.

– Tu ne t’imagines pas le nombre de coups de fil que j’ai reçus après la fête d’anniversaire de lapetite, dit Nina.

– Les seize ans avec le rappeur, c’est ça ?– C’était absolument GÉNIAL. Tout le monde était bouche bée. Personne ne s’attendait à un truc

comme ça, et surtout pas Joanna, la fille. Elle a commencé à pleurer tellement elle était émue. C’étaitadorable !

– Pleurer d’émotion devant Lil’ Gangsta Will ? Décidément, il y a certaines choses qui meparaîtront toujours étranges aux States.

– Moque-toi ! dit Nina en souriant. Mais avec tout le business que ça va nous rapporter, tu vas viteêtre convertie.

– Bon, tu me brieferas demain matin sur les dossiers. Il va me falloir une petite phased’adaptation, je crois…

– Sinon, le très gros dossier en cours, il faut pas que tu le rates. Je t’en avais touché un mot il y aquelque temps, et ça se concrétise. C’est pour un anniversaire de mariage. Soixante ans d’union ! Lesnoces de diamant ! Tu te rends compte ? Ça te fait rêver, toi, Charlotte ?

Moi, si ça me fait rêver ? ! Mais je suis Charlotte fleur bleue, l’indécrottable romantique.Quelle question !

– Ça ne te fait pas rêver, toi, Nina ?– Franchement, je ne sais pas. Soixante ans… C’est long, non ?– Tu préfères mourir avant ? dis-je en riant.– Si c’est pour b***er que tous les trois ans, autant crever ! lance-t-elle dans un grand éclat de

rire.

Notre fou rire passé, je me renseigne un peu plus sur ce gros projet :

– Dis-m’en un peu plus, Nina.– Déjà, le couple, tu ne le verras pas. Ou en tout cas pas au début. C’est le petit-fils qui gère tout.

Et le petit-fils…

Nina fait des yeux ronds en pinçant les lèvres et levant les sourcils.

– Tu veux dire quoi ? demandé-je. Il est pas commode ?– Il est pas commun, tu veux dire. Il est d’une beauté… à couper le souffle ! Tout simplement.

Bon, il est un peu froid, mais t’as qu’à le regarder pour te réchauffer. Je te dis que ça ! dit Nina ensouriant. D’ailleurs, tu pourras en juger par toi-même : rendez-vous prévu demain.

– Demain ? ! Mais tu ne m’as pas prévenue. Je connais pas le dossier. Tu seras avec moi aumoins ?

– Pas du tout : il me reste encore un milliard de choses à faire avant mon départ. Maisfranchement, tu le regretteras pas. Tu as tout le temps de compulser les infos. Je t’ai laissé le classeur

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sur le bureau. Le gros bleu. Et puis, pour tout te dire, il a demandé à ce que tu viennes seule, alors…– Seule ? Mais c’est super bizarre, non ?– Hmmm… Le nombre de milliardaires qui ont des lubies pas possibles… À mon avis, c’est une

question de confiance. Il ne veut pas parler à trop de monde. Et puis, tu es suisse : il doit t’imaginercomme un coffre-fort.

– Charmant…

Il est tard maintenant, et nous décidons de nous coucher. Jusqu’au départ de Nina, j’occupel’immense canapé du salon. Je ne me plains pas : c’est même plus confortable que mon lit à Gstaad !En m’allongeant, je prends avec moi le fameux classeur bleu. Voyons-donc l’histoire de ce fameuxmonsieur… Monsieur ?

C’est écrit là : monsieur Turner.

***

– Monsieur Turner vous attendait. Il va vous recevoir dans quelques instants. Installez-vous ici.Désirez-vous un café ?

– Non, merci. Rien, c’est gentil.

Je suis dans la salle d’attente du bureau de celui qui semble être le grand patron ici. Je ne sais pasexactement ce qu’il fait dans la vie ce monsieur, mais nous sommes au dernier étage d’un superbebuilding ultramoderne, et j’imagine que cet anniversaire de mariage va avoir un budget assezconséquent.

Je me vois dans le reflet de la fenêtre. Je me suis habillée très pro : tailleur gris chiné, chemisierblanc ; cheveux attachés et maquillage sobre. Seule fantaisie : mes escarpins turquoise. Ils m’onttoujours porté chance. Il n’y a pas de raison que cela change aujourd’hui !

Je ne suis pas très à l’aise. Je n’ai pas l’impression de maîtriser le dossier, et du coup je me senscomme arriver les mains dans les poches. Le fameux classeur était très maigre en informations.Monsieur Turner veut une réception pour deux cents personnes pour l’anniversaire de mariage de sesgrands-parents, et… c’est à peu près tout ! Comment je m’en sors, moi, avec aussi peu de données ?Va falloir la jouer fine, et lui tirer les vers du nez.

– Suivez-moi.

Le type qui m’a accueillie tout à l’heure me mène devant une grande double porte en bois sombre.Il l’ouvre devant moi, et me laisse pénétrer seule dans le bureau de monsieur Turner.

– Approchez, je vous en prie. Asseyez-vous donc, mademoiselle Becker, lance une voixchaleureuse à ma gauche.

Je me retourne vers lui quand soudain je m’arrête net. Je suis figée et je risque la syncope.

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Turner, c’est Milton ! Le type du château !

Lui, calme, a un petit sourire. Il me désigne un beau fauteuil club visiblement ancien. J’avance àpetits pas, gênée. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? C’est une blague ou quoi ? Une espèce decanular ? Et comment dois-je réagir, moi ? Je dois être rouge écarlate en plus. Une fébrilité s’emparede mes membres. Je sens de nouveau ce parfum troublant. Mon sang s’échauffe et je perds pied…

– Non, là, c’est la table ! dit Turner-Milton.– Pardon.

Dans ma confusion, j’étais sur le point de m’asseoir sur la table basse. Une honte profondem’envahit. Comment paraître encore plus gourde à un rendez-vous professionnel ?

Professionnel… Mince alors ! S’il avait été privé, je me serais sentie moins empotée, je crois.

Ok, il reste pro. Restons pro nous aussi.

Mais comment faire quand les papillons se mettent à me voler dans le ventre ?

Enfin assise à la bonne place, mon regard scanne la pièce. Contrairement au reste du building, lesmeubles sont ici tous anciens. Un goût très raffiné semble tenir ce bureau. Bon, revenons à nosmoutons. D’abord, le courage de recroiser son regard. Où est-il ? Ah, là. Nous nous regardonsmaintenant. Face à face. Ses magnifiques yeux bleus me font chavirer malgré moi. Il sourit. Lafossette sous son œil se creuse. Il est splendide. Mon esprit s’égare.

Réveille-toi, Charlotte ! C’est maintenant qu’il faut assurer ! Charlotte la raisonnable, viens àmon secours, j’ai besoin de toi !

Je suis terriblement intimidée. Mes pensées vont à toute allure. Récapitulons : je suis dans lebureau d’un monsieur milliardaire qui a deux noms : Milton et Turner. Il sourit. Il ne parle pas. Bon,c’est pas gagné cette histoire. On s’est échangé des textos. Il m’a offert un téléphone. Il me conseilleun lieu pour un mariage dans lequel il me dit qu’il dînerait avec moi « avec grand plaisir ».Visiblement, il s’est arrangé pour me voir seule aujourd’hui dans son bureau.

Bon, et je fais quoi, moi, avec toutes ces informations ? Parce que le gros souci pour l’instant,c’est qu’il ne dit pas un mot !

Ok, on va jouer la professionnelle. Je ne vois que ça. Et puis, après tout, je suis là pour ça,non ? D’ailleurs, est-ce que je ne suis pas encore en train de me faire des films, comme à monhabitude ? Nina me dirait que je lis trop de romans d’amour…

– Monsieur Turner (j’appuie un peu sur le Turner pour voir s’il réagit. Sans succès.), je vousremercie de me recevoir. Nous sommes donc ici pour l’anniversaire de mariage de vos grands-parents.

– C’est bien cela, dit-il d’un ton neutre.

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– Et donc, c’est une réception pour deux cents personnes ?– Exactement.– Vous pensez à une thématique ?– C’est un anniversaire de mariage, dit-il avec une pointe d’amusement.– Un lieu en tête à tête, peut-être ?– Non, dit-il avec un sourire.

Dis-donc, ça n’avance pas. On ne peut pas dire qu’il soit très loquace. À force de ramer, je vaisfinir par revenir en Europe par la mer ! Je tente une autre approche :

– Connaissez-vous un lieu romantique qui rappelle leur rencontre ?– Romantique ? dit Turner-Milton, amusé.– Oui. Comment se sont-ils rencontrés ? À l’université ? Un bal peut-être ?– Ils ont été présentés par leur parents. Tout simplement, dit-il d’un air d’évidence.

Pas très romantique cette histoire. Je sens que ça va pas être simple.

– Mais bon, ils sont bien tombés amoureux. Où ça ? lui demandé-je.– Amoureux ? dit-il, l’air étonné. Mes grands-parents viennent d’un milieu – comment dire – où

l’on ne se pose pas les questions de cette manière-là. Ils s'apprécient et se respectent. C’est déjàbeaucoup.

Déjà beaucoup ? ! Il ne faut pas que je raconte ça à Nina, elle aurait une syncope. En tout cas, onne peut pas dire que cette conversation m’aide beaucoup. Il prend la parole :

– Je m’aperçois que je vous donne peu d’informations, mais en fait je comptais sur votre savoir-faire pour…

Il est interrompu par la sonnerie de son portable.

– Pardonnez-moi, il faut que je réponde.

Il se lève et parle quelques secondes au téléphone. Il revient vers moi.

– Je suis terriblement navré, mais je dois partir. Une affaire à régler. Je viens d’acheter unbuilding, et les travaux réclament mon attention.

– Je… Euh… bredouillé-je en me levant. C’est-à-dire que…– Oui ?– Eh bien, nous n’avons pas vraiment avancé. Il va falloir que nous rentrions un peu plus dans le

vif du sujet.

Il semble pensif un instant, puis :

– Venez donc.– Comment ?

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– Ce n’est pas loin. J’y vais à pied. Nous parlerons en chemin. Qu’en pensez-vous ?– Très bien.

Je le rejoins d’un pas mal assuré. En le suivant vers la porte, je passe devant son bureau. Unepetite étiquette en métal noir, posée à côté de la lampe, est gravée de blanc :

Milton Turner

Milton est donc son prénom ? ! Il n’était donc pas si formel quand il m’a écrit.

Nous descendons avec l'ascenseur, en silence. Une atmosphère cotonneuse m’envahit. Suis-je laseule à la ressentir, ou lui aussi ? Il me tient la porte de l’imposant immeuble, et nous prenons letrottoir dans l’air doux de l’après-midi. Nous ne parlons pas, et j’ai l’impression que nous évitonsmutuellement notre regard. Pas par gêne, non. Plutôt par… désir ? Ou suis-je en train de fantasmerquelque chose ? Nos pas claquent sur le pavé. Milton – puisque c’est donc son prénom – prend enfinla parole. Il parle de tout et de rien, et surtout me présente la ville. Il semble connaître l’histoire detous les immeubles. C’est fascinant ! J’écoute attentivement. Sa voix grave et suave me caressel’oreille. Je ne suis pas toujours sûre de prêter attention à ce qu’il dit. L’odeur de son parfum vient àmoi…

Soudain, alors que nos bras balancent en rythme, le dos de sa main frôle la mienne. Je ressenscomme une décharge électrique. Non, restons sage. Restons calme. C’est vrai que je n’ai pas arrêtéde penser à cet homme. Mais en réalité, je ne sais rien de lui. Et puis, pourquoi fait-il comme si nousne nous connaissions pas ? Ce n’est pourtant pas un hasard si je suis là aujourd’hui presque toutcontre lui. Je me lance :

– Monsieur Turner… Il me semble que nous nous sommes déjà croisés quelque part. Est-ce que jeme trompe ?

Il me sourit, et prend visiblement plaisir à jouer un peu avec moi :

– Effectivement, votre visage me dit quelque chose. Votre accent… Vous parlez français, n’est-cepas ?

– Je suis suisse, dis-je en sachant pertinemment qu’il est au courant.– Ah. Et, ne me dites pas… Vous aimez le sport, c’est ça ?– C’est-à-dire ?– Je vous vois bien courir. Ou… sautiller peut-être ?

Je rougis en me remémorant le moment où il m’a surprise dans le jardin. Mais plutôt que de memettre dans l’embarras, ce petit jeu attise ma curiosité et… mon excitation. Où veut-il en venir ? Lesait-il lui même ? Rien ne semble calculé dans sa manière d’être.

– Oui, je sautille souvent. C’est ma manière à moi d’attirer les visiteurs de châteaux hantés.– Ils ont de la chance, ces visiteurs.

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Ce discours sibyllin aiguise mes sens. Mon cœur s’échauffe.

Puis, de nouveau un contact de la main. Nouveau frisson. Nos corps sont proches. Nous avançonscôte à côte mais il me semble que l’écart entre nous se réduit imperceptiblement. Ces frôlements serépètent plusieurs fois. Qu’en penser ? Est-ce exprès ? Est-ce un hasard ?

Fichue Charlotte fleur bleue ! C’est de ta faute si j’ai la tête qui me tourne !

Nous sommes maintenant dans le quartier de North End, le plus ancien de la ville. Nous arrivonsdevant une maison en travaux. Nous pénétrons dans le chantier. Milton m’aide à marcher en équilibresur une planche en me tenant la main. Au fond du couloir en face, nous voici devant un ascenseurflambant neuf. Milton se tourne vers moi :

– Attendez-moi au quatrième étage. Je n’en ai pas pour longtemps.

J’entends comme un vacillement dans sa voix. Il est troublé et semble vouloir le cacher. Nosregards se croisent et une étincelle passe. Il détourne la tête. Visiblement, il improvise. Il est commemoi : il ne sait pas ce qui se passe, là, entre nous. Il ne sait pas où cela nous mène. J'acquiesce de latête, et comme guidée par une force extérieure, je ne me pose pas plus de questions. J’appuie sur lebouton d’appel et les portes coulissantes s’ouvrent. Bouton 4, et il ne faut que quelques secondespour que je sois arrivée. À l’ouverture, la lumière est forte. Comme dans l’appartement de Nina, elleinonde la pièce. Sauf qu’on pourrait y faire entrer trois fois son salon ! Ici, les travaux sont terminés.Je reconnais le pendant « privé » de la décoration « professionnelle » du bureau de Milton. Un grandcanapé Chesterfield posé sur un magnifique parquet. Plusieurs gros fauteuils parsèment le lieu, etdans le fond, siège un superbe lit ancien à baldaquin avec pieds en bois sculptés.

Je pose mon classeur bleu sur une console marquetée, et m’assois sur l’accoudoir du Chesterfield.Le cuir est doux. C’est d’un raffinement extrême. Je laisse mes paumes caresser lentement la peaubrune. J’ai l’impression de voyager dans le temps.

– Cela vous plaît ?

Je sursaute. Milton est là. Je me lève d’un coup et tente de reprendre rapidement contenance. Cen’est pas facile, et je sens que je n’y arrive pas. Je tremble un peu. Que m’arrive-t-il ? Je suis seuledans cette pièce, avec Milton si proche. Ses yeux me fixent avec tant d’intensité ; il semble troublé luiaussi. Je relance la conversation pour éloigner la confusion.

– Et donc, vous… Vous comptez faire quoi de ce bâtiment ? lui demandé-je d’un ton vacillant.– Y vivre. Je suis tombé amoureux de cet endroit. Il est chargé d’histoire. J’aime quand les lieux et

les objets ont une histoire. Ici, c’était l’appartement d’une vieille famille de tisserands. ils ont réalisépendant plus de cent cinquante ans tous les drapeaux américains de l’état du Massachusetts. Maisvenez plutôt voir ceci, mademoiselle Becker…

– Appelez-moi Charlotte, s’il vous plaît, dis-je spontanément.– Charlotte, répète-t-il d’une voix suave qui me fait frémir. Abandonnez alors le monsieur Turner.

Je préfère Milton, ajoute-t-il après un silence.

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Entendre mon prénom dans sa bouche me perturbe encore plus. Il le prononce comme une caresse,presque intime.

– Ouvrez les rideaux, Charlotte, vous verrez de quoi je parle… reprend-il sans me quitter desyeux.

À nouveau, sa façon de dire mon prénom fait accélérer les battements de mon cœur. Jem’approche. Je lève les mains et fais glisser les deux pans. Elles tremblent tellement que le tissuondule en petites vibrations. La vue que je découvre me laisse sans voix. Sans être particulièrementhaut, nous voyons loin les toits de la ville derrière lesquels on peut deviner la mer.

Je recule légèrement pour admirer le panorama quand je butte contre lui. Il s’est rapproché pourprofiter lui aussi de la vue. Surprise, je me retourne si vite que je chancelle et pousse un petit cri.D’un mouvement rapide, il me rattrape d’une main ferme par le poignet tandis qu’il passe son autrebras dans mon dos pour me stabiliser. Sans le vouloir, il me maintient un instant tout près de lui,contre son torse. Nos visages se touchent presque, ses lèvres à quelques centimètres des miennes. Jesens son cœur battre fort dans sa poitrine et je crois bien qu’il retient son souffle. Un tourbillon desensations délicieuses me submerge. Le contact de ses doigts sur ma peau et la proximité de soncorps me font perdre la tête. Je ferme brièvement les yeux, enivrée par son odeur, par la puissance deson étreinte, mais il me lâche presque aussitôt, son regard assombri par…

Du désir ?

– Je suis désolé, Charlotte. Je ne voulais pas vous faire mal…– Non, non… C’est bon, merci… de m’avoir rattrapée… balbutié-je.

Il s’est éloigné un peu mais son parfum m’enveloppe toujours et je n’arrive pas à dissiper letrouble qui m’a saisie. J’ai failli oublier toute retenue et passer mes bras autour de son cou.

Soyons folle, j’ai même souhaité qu’il m’embrasse !

Je ne sais pas s’il lit mon souhait silencieux dans mes yeux mais il franchit soudain le pas qui noussépare. À cet instant, j’oublie complètement ce qui nous entoure et pourquoi je suis là. Seul compte ledésir animal qui me vrille le ventre et la passion qui anime le regard de l’homme qui me fait face etplonge son regard dans le mien. Il m’enlace et penche sa tête vers moi. Je sens son souffle dans moncou, ce qui déclenche une myriade de frissons sur ma peau. Puis, d’un geste langoureux, il saisit monvisage, le lève vers le sien. L’atmosphère est chargée en électricité. Nous sommes manifestement tousles deux surpris par la tournure des événements. Soudain, il s’interrompt. Un éclair de doute passedans ses yeux.

– Charlotte, je ne veux pas vous forcer, s’excuse-t-il. Nous pouvons arrêter avant… qu’il ne soittrop tard, dit-il en désignant la porte.

La Charlotte raisonnable est aux abonnées absentes tandis que mon moi romantique me fait unsigne du pouce en guise d’encouragement.

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– Non, je n’ai pas envie de partir… Milton, je… hésité-je en prononçant son prénom à voix hautepour la première fois.

– Êtes-vous bien sûre, Charlotte ? Si vous restez, je ne suis pas certain que cela s’arrêtera à unetasse de café.

J'acquiesce doucement de la tête. La chaleur dans sa voix, le sous-entendu de ses mots, lapromesse dans son regard, la tension palpable entre nos corps. Tout cela me bouleverse, je ne saispas ce qui m’arrive.

– Je n’avais rien prévu de la sorte, dit-il de sa voix chaude.– Je sais, Milton. Je sais. Moi non plus.

Il m’interroge encore du regard, cherchant mon assentiment, voulant s’assurer que je suisd’accord, que je suis pleinement consciente de ce qu’il va se passer. Timidement, je fais oui de latête, trop émue pour parler, fascinée aussi par la certitude de désirer au plus profond de moi cethomme que je connais à peine. Et pourtant, cela me semble si naturel.

Il prend délicatement entre ses doigts une mèche de cheveux échappée de ma coiffure. Il effleuredoucement ma nuque alors que mon cœur bat à tout rompre.

Suis-je en train de rêver ou est-ce la réalité ?

Avec légèreté, il retire l’attache de mon chignon. Mes boucles blondes viennent caresser mesjoues.

– Vous êtes très belle les cheveux détachés, murmure-il dans un souffle.

J’essaie vainement d’articuler une réponse. Je n’ai la force que de lâcher un soupir.

– Comme ça, ça vous donne un petit côté sauvage, continue-t-il en se rapprochant dangereusementde mes lèvres.

Quelques centimètres nous séparent. Un instant, je songe à résister mais tout mon être ne demandequ’à céder. Je suis prise dans un tourbillon d’émotions. Depuis notre rencontre, je ne fais que rêverde ce moment, de cet homme au regard magnétique. N’a-t-il pas tout fait pour que nous nousrevoyions ?

Mes pensées sont coupées net quand il prend possession de ma bouche. Alors je m’abandonnetotalement.

Advienne que pourra…

C’est un pur délice, tous mes sens s’enflamment à ce contact. Je suis soumise à son sortilège. Ilm’embrasse d’abord avec douceur, promenant ses lèvres pulpeuses et fermes sur les miennes. Maisrapidement, son baiser se fait plus urgent, plus possessif. Ses mains passent dans mon dos et attrapent

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mes hanches pour me plaquer davantage contre lui. Un feu liquide se répand en moi et je répondsavec fièvre à son étreinte. Je me presse davantage contre lui, éperdue face à l’ardeur de sa langue quise mêle à la mienne.

Mes jambes tremblent. Je crois que je ne sens plus mes membres. Puis sa voix chaude résonne denouveau.

– Je suis désolé, Charlotte. Je suis allé trop loin. Je n’aurais pas dû, souffle-t-il sans pour autant sedétacher de moi.

Il a prononcé cela d’un ton doux et tendre, presque hypnotique. Il me faut un instant pour rouvrirles yeux et comprendre ce que Milton vient de dire. Mon cerveau est dans tous ses états. Tout semélange. Les images s’entrechoquent dans mon esprit : le travail, son bureau, la marche, cetappartement, notre baiser… Je m’entends penser, et je ne me rends pas compte que mes parolessortent malgré moi.

– Non, c’est vrai, vous n’auriez pas dû… Vous n’auriez pas dû attendre autant avant dem’embrasser.

Je rougis immédiatement de mon audace, qui ne me ressemble pas, persuadée qu’il va se moquerde mon embarras. Mais mon aveu spontané fait tomber ses dernières barrières et sa bouche retrouvela mienne, emprisonnant de nouveau mes lèvres.

Ses mains me parcourent, il me maintient étroitement contre lui de l’une tandis que de l’autre ilcaresse ma nuque, mes épaules, le creux de mes reins. Un peu gauche, grisée par cette étreinte,j’entoure sa taille de mes bras et lui rends maladroitement son baiser. Enhardie par sa langue qui meprovoque délicieusement, je m’abandonne enfin. Lorsqu’il frôle mes lèvres qui s’entrouvrent sous sesbaisers, je le sens réagir et cela décuple mon ardeur. Je l’embrasse à mon tour avec insistance. Notrebaiser est suave, mais je nous sens frissonner. Notre rythme cardiaque s’accélère. Nos bouchess’affolent. Ma température corporelle grimpe en flèche.

Je n’ai jamais ressenti ça !

Je ne reconnais pas la Charlotte qui se presse contre cet homme. Je caresse son visage pour lapremière fois, sa peau est douce et chaude sous mes doigts. Par je ne sais quelle volonté, je me fondsun peu plus dans les bras de Milton et plaque effrontément mes hanches pour sentir chaque parcellede son corps musclé sur le mien. Devant ma provocation qui lui arrache un gémissement defrustration, il m’enlace plus fort, pressant ma poitrine contre son torse et ma taille contre son bassin.La violence de mon désir palpite à travers ma peau et la convoitise dans son regard, confirmant qu’ilressent la même chose, m’ôte toute retenue. Mon corps devient électrique.

C’est la première fois que je ressens cela. Ce n’est pas juste le baiser. Pas juste les caresses.C’est lui. C’est le prince. Et dans les vibrations qui nous lient, je vois bien que mon prince estcomme moi. Sur la même longueur d’onde. Cet homme absolument magnifique doit avoir beaucoupd’expérience, mais ses gestes sont les gestes que l’on a quand on découvre une princesse endormie

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après cent ans de sortilège. Et nos corps, comme s’ils avaient toujours été destinés à se rejoindre, seretrouvent avec impatience.

Jamais auparavant je n’ai été aussi sûre de moi. Sûre de me laisser aller face à un homme.

– Charlotte… souffle-t-il contre mon cou, la voix lourde de désir, vous me mettez au supplice…– Pardon, je… bégayé-je, en réalisant que notre étreinte ne le laisse pas insensible.– Non, c’est juste que… je ne veux pas que vous pensiez que je vous brusque ou… tente-t-il de se

justifier avant de s’interrompre.

L’évidence de sa virilité me propulse dans une autre galaxie. J’ai envie de lui et lui aussi. Noussavons et voulons tous les deux ce qu’il va se passer mais l’impatience qui nous lie nous rendpresque maladroits.

J’ai les joues en feu, un million de papillons dansent dans mon ventre et quand je lève les yeux, jerencontre son regard animé d’un désir irrépressible. Je souris timidement et agrippe sa taille. Je saisqu’il ne veut pas que tout tourne autour de nos corps. Qu’il veut que nous partagions aussi de latendresse mais l’impatience me rend fébrile. Je suis incapable de faire durer l’attente. Je me languisde son corps puissant. Rassuré par ma réaction, il fond sur moi, dévore ma bouche avant de parsemermon cou de baisers.

– Milton, gémis-je sous cette exquise torture.

J’ondule des hanches sous ses tendres assauts, frôlant exprès son entrejambe. Je ne peux résister àl’envie de le provoquer un peu plus. Moi, d’habitude si réservée, je me découvre en femme mutine etaudacieuse. Comme si les émotions grisantes qu’il fait naître dans mon corps révélaient une partie demoi qui ne demandait qu’à s’exprimer. Je le sens tendu, ensorcelé lui aussi par les sensationsincroyables que nous partageons. Nous nous jetons l’un contre l’autre, affamés, incontrôlables.

C’est tellement évident. Pourquoi résister ?

Quand je retire ma veste avec hâte, il m’aide à faire glisser le vêtement, sans brusquerie. Maisl’urgence le gagne alors que ses mains puissantes et viriles dénouent un a un les boutons de machemise. Il délaisse les derniers, et passe ses mains sous mon haut, venant chercher mes seins encoreemprisonnés dans mon soutien-gorge. Tout en les caressant, il mordille mon cou, juste sous l’oreille.Je lâche un gémissement. Satisfait, Milton me lance un sourire outrageusement sexy avant de défairetout à fait ma boutonnière et de m’enlever complètement ma chemise.

Il se baisse alors et d’un coup me porte dans ses bras vers le grand lit ancien. Je sens ses brasmusclés me maintenir tandis que le lent balancement de ses pas m’enivre. Il me dépose délicatementsur les draps frais et soyeux.

– Vous êtes si belle Charlotte, ainsi alanguie, vos cheveux retombant sur vos épaules, dit-il en lescaressant du bout des doigts.

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S’agenouillant, il descend ses doigts le long de mes jambes dans une caresse langoureuse.Lorsqu’il effleure l’intérieur de mes cuisses, je pousse un long soupir de plaisir. Il s’attarde surl’attache de mes chevilles puis retire mes escarpins turquoise, l’un après l’autre, en défaisantlentement les boucles. Je souris et me laisse faire. Puis il défait le baldaquin qui se déroule en undrapé, pour nous envelopper dans une cage de tissu écru diaphane.

Le reste de la chambre apparaît maintenant dans un flou transparent. Et c’est comme si nous étions,lui et moi, seuls dans un monde parallèle. Un monde de légendes. En toute intimité.

Je me laisse transporter comme jamais je ne l’ai fait.

Nos bouches se retrouvent. Notre baiser se fait urgent, profond. Allongée sous lui, je me cambreinstinctivement, laissant mes sens me guider. Ses mains viennent trouver l’attache de mon soutien-gorge et libèrent mes seins dont les pointes érigées appellent ses lèvres. Quand sa langue vient titillerun téton, je creuse encore le dos, assaillie par le plaisir. Il gémit à son tour de satisfaction, malmenantl’aréole, mordillant, suçant avec gourmandise ma poitrine offerte. Je n’y tiens plus et passefarouchement mes mains dans ses cheveux, enroulant mes jambes autour de ses hanches, ce qui a poureffet de remonter ma jupe jusqu’à ma taille. À travers la toile de son pantalon, son érection appuiesur ma culotte et une douce chaleur se répand dans mon intimité. Fougueusement, j’ondule du bassinalors que ses lèvres et ses mains voyagent sur ma peau.

À chaque fois que Milton couvre de baisers une partie de mon corps, c’est comme si je leredécouvrais. Mon corps prend soudain une nouvelle réalité à travers ses caresses. C’est comme unecoulée de lave sur moi, qui se déverse. Je suis en feu.

– Vous voulez bien me déshabiller, Charlotte ? chuchote-t-il contre ma peau, m’arrachant unfrisson.

Comme si je pouvais me refuser ce plaisir !

– Oui, murmuré-je, troublée par l’intensité de sa voix.

Il se redresse et c’est le signal. Plus besoin de mots désormais, seuls comptent nos deux corpsenlacés, impatients. Mes mains viennent le chercher. Tout enfiévrés que nous sommes, je prends montemps pour lui ôter sa chemise, admirant la fine toison qui descend vers son pantalon, ses abdosparfaitement dessinés, son torse musclé et ses épaules puissantes. Je glisse mes doigts sur sespectoraux. Je les sens si fermes en remontant vers son cou. Je frémis de plaisir que de savoir que j’ailà, entre mes bras, Milton Turner, l’homme qui me hante depuis tout ce temps…

Au début, j’hésite, mais rapidement l’excitation me rend plus sûre de moi quand je constate l’effetde mes caresses sur Milton. Ses yeux ne me lâchent pas, m’encouragent à poursuivre mon explorationsensuelle. Une vague d’émotions, de désir, de plaisir, d'urgence me submerge.

Torse nu, il revient se plaquer à moi. Son parfum m’envoûte. Mes tétons se tendent, durs de désircontre sa peau. Lentement, il descend, se plaçant à genoux entre mes jambes. Ma jupe complètement

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retroussée lui offre une vue plongeante sur mon entrejambe couverte seulement d’un morceau dedentelle, bien plus révélatrice que je ne l’avouerais.

Un instant je suis tentée de baisser ma jupe, gênée, mais le sourire de Milton stoppe mon geste. Ilinstalle mes chevilles derrière son dos. Lentement, ses mains partent de mes pieds pour remonter lelong de mes mollets, s’arrêtant dans le creux de mes genoux, ce qui me fait gémir de frustration, puispoursuivent vers la dentelle. Un feu grandit entre mes jambes. Je me sens devenir plus excitée quejamais. Je n’attends que ça. Je n’attends que lui.

Nos regards chargés de désir ne peuvent se quitter. Quand ses doigts atteignent le rebord de monvêtement, je réprime un cri et ferme les yeux. Alors seulement il se penche. Avec les dents, il attrapel’élastique de ma petite culotte et la retire, une jambe après l’autre. Écartant mes cuisses pluslargement, ses lèvres redessinent le même chemin que ses doigts auparavant, glissant contre ma peau,m’arrachant un frisson quand sa langue trace des sillons humides. Le désir me brûle de plus en plus.

– Milton, c’est… Oh… crié-je presque quand ses lèvres rencontrent mon sexe.

Je tressaille de plaisir, un éclair semblable à une décharge électrique traverse mon corps. Il goûted’un léger coup de langue ma féminité. Puis recommence. J’agrippe involontairement les draps. Salangue me caresse de haut en bas, imprime à mon clitoris des mouvements lents et légers puisappuyés et rapides. Il le saisit, le malmène, me tourmentant avec délice. De nouveau je tremble. Monbassin est pris de spasmes de plaisir. Je me cambre sous ses assauts, appelant chaque caresse enroulant des hanches.

Il répond à mon invitation et sa langue vient coulisser aussi profondément que possible, bientôtremplacée par son index qui pénètre dans mon sexe avec douceur avant de ressortir. Malgré moi, jegémis de frustration. Mon amant se joue de mes réactions et enfonce à nouveau son doigt plus loin etplus vite dans mon intimité. Cette fois, je crie de plaisir.

Oubliant mes inhibitions, alors qu’une vague monte en moi, je l’implore à la fois d’arrêter et decontinuer en gémissant. Accédant à ma supplique, il insinue alors son majeur, plus loin, et entame unva-et-vient lent et profond. Ses deux doigts glissent dans mon sexe, il accélère peu à peu, entrant etsortant à un rythme langoureux puis de plus en plus vite. Sa langue appuie sur mon clitoris,augmentant le plaisir que j’éprouve, me menant au bord de l’extase. Mais me refusant l’orgasme, ils’arrête.

– Charlotte, j’ai tellement envie de vous, souffle-t-il en se redressant. Vous me rendez fou.– Moi aussi, avoué-je avec une assurance que je suis loin de ressentir.

Mais ses caresses m’ont rendu languissante. Je n’en peux plus. Je tends les bras et attrape saceinture. Je découvre en rougissant qu’une imposante érection déforme son pantalon. Alors qu’ilquitte ses chaussures et ses chaussettes, je défais bouton et fermeture Éclair puis, fiévreuse, faisglisser son pantalon et son caleçon qu’il m’aide à enlever.

Un peu gauche, je bataille avec ma jupe mais Milton me devance et semant des baisers sur ma

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peau rendue sensible, il me débarrasse de mon dernier vêtement. Nous sommes nus l’un contrel’autre. Je découvre pour la première fois sa virilité et son corps puissant. Il est si beau. Je parcoursdes mains ses jambes athlétiques puis me dirige vers son sexe dur, qui se dresse entre nous. Jecherche son approbation du regard comme pour me rassurer et y lis un désir presque violent, animal.

Sûrement le même que celui qu’il voit dans mes yeux !

Timidement, je prends son érection entre mes doigts, fais descendre et remonter ma main, insistantquand je le sens frémir. J’ai le cœur qui bat si vite et le souffle court, je crois que cela m’exciteautant que Milton.

– C’est tellement bon, Charlotte, avoue-t-il, fiévreux.

Je m’applique, renouvelant mes caresses, admirant son corps parfait, son torse puissant et son sexebandé qui grossit encore, réagissant à mon contact. De l’autre main, je parcours ses cuisses musclées,frôle ses fesses bombées.

Interrompant mes gestes, Milton se relève et disparaît avant de revenir avec un préservatif qu’ilenfile rapidement. Il se place au-dessus de moi, effleure mes seins et mes hanches, me sonde commepour éliminer tout doute.

– Vous êtes si douce, si belle, je ne m’en lasse pas. Me désirez-vous autant que je vous désire ?murmure-t-il.

– Milton… Oui, je… J’ai envie de vous, hoqueté-je.

Je ferme les yeux, savourant l’émotion que ses paroles créent en moi, et la douceur de sa peau surla mienne. Puis je les rouvre quand il me pénètre. Loin, profondément, et puissamment. Une onde deplaisir fulgurante me traverse. Nous restons immobiles une fraction de seconde, fascinés par lapassion qui nous consume.

Encore !

Nous gémissons tous les deux. À son deuxième coup de boutoir, je crie presque tant la sensationest incroyable, tendre et ardente à la fois. Il me tient les hanches fermement et je me sens comme uneprisonnière consentante. Peu à peu, il accélère le rythme, allumant un brasier dans mon intimité,enflammant chacun de mes sens. Milton va et vient si bien en moi que je gémis à chaque assaut. Ilcoulisse à une cadence qui provoque des vagues de plaisir au cœur de ma féminité.

Je n’avais jamais ressenti cela.

Je tremble. C’est comme si nos deux corps étaient faits pour se rencontrer. Faits pour se joindre,se toucher et se caresser. Une exquise volupté porte mon être à ébullition. Lentement, la jouissancemonte en moi.

Appuyé sur un coude, Milton prend mon menton entre ses doigts et vient poser ses lèvres sur les

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miennes. Nos langues se retrouvent de nouveau. Il saisit mes cheveux et nos yeux se retrouvent,magnétisés. Il passe alors l’autre main sous mes fesses, relevant mon bassin. Je l’accueille plusprofondément dans mon sexe, gémissant de plus belle.

Il se redresse légèrement, me bascule sur le côté et replie un peu mes jambes. Je sens maintenanttout son corps contre moi, et son torse contre mon dos. Sa chaleur m’envoûte. Par derrière, il vient denouveau faire coulisser son sexe et ses caresses reprennent sur ma poitrine.

L’imaginer ainsi me pénétrer est aussi grisant que le voir.

Ses baisers constellent ma nuque et mon cou. Saisissant ses fesses, je l’amène plus fort en moi. Jesens son souffle sur ma peau, faisant naître des frissons qui courent de mon épaule puis tout le long demon échine jusqu’au creux de mes reins. J’ondule avec lui, me cambrant pour accompagner sesmouvements effrénés. Nos bassins sont collés, et dansent au même rythme, de plus en plus endiablé.

Quand mon amant vient délicatement titiller mon clitoris du bout des doigts, je crie fort. Toutcontre mon oreille, il me murmure des compliments, scandant mon prénom dans une litanie érotique etsensuelle. Je perds pied sous sa caresse insistante et ses à-coups. Son sexe me pilonne avec ardeurtandis que sa main continue son délicieux supplice sur mon entrejambe. Des sensations folles metraversent tout le corps. Puis, dans un assaut final, il se tend, alors que l’orgasme violent etincandescent explose en moi au même instant.

Il me faut quelques minutes pour revenir à moi. Tout est blanc. Le blanc immaculé qui nousentoure. Cet écrin d’amour. Mes yeux font la mise au point. J’ai l’impression d’avoir perdu une partiede ma mémoire. Je tourne la tête jusqu’à apercevoir le visage de Milton dans mon champ de vision. Ilme caresse la joue tendrement et me sourit. Nous nous embrassons encore, émerveillés par l’instant.

Puis je ferme les yeux.

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5. Amour sens dessus dessous

J’ouvre les yeux. Je me suis assoupie, peut-être quoi… cinq minutes ? La lumière est toujoursaussi blanche et belle. J’entends à travers la fenêtre le doux ronronnement de la circulation au loin.La cime des arbres du trottoir est à hauteur de regard, et le balancement lent et régulier des branchesdans la brise d’automne berce mes pensées. Il me semble être dans une autre réalité. Comme sij’avais tourné une page de ma vie, et que la nouvelle, blanche et vierge, s’écrivait en live, au rythmede mes considérations.

Je suis nue. Les grands draps soyeux et écrus me recouvrent à moitié. Mon sein gauche dépasse àpeine. Mon corps est parfaitement immobile alors que mon esprit va à vive allure. Un homme est àmes côtés dans ces draps. Peut-être est-il assoupi ? Pour quelques minutes encore ? Ou a-t-il les yeuxouverts comme moi, le cerveau en méditation ? Je ne bronche pas d’un iota. L’ombre du feuillage desarbres se projette sur le mur en face, et danse comme un tableau animé.

Cet homme à côté de moi, qu’en sais-je ? À peu près rien.

– Mais enfin, Charlotte ? Tu es folle ? Qu’est-ce qui t’a pris ? Tu couches comme ça avecn’importe qui ?

– Mais non, enfin ! Ça ne m’arrive jamais ! Ça va pas non ?

Ah… La Charlotte raisonnable prend la parole. Elle s’était tue le temps d’une demi-journée, etvoilà qu’elle profite d’un moment de faiblesse de la Charlotte fleur bleue.

– Mais si, j’en suis sûre, il y a quelque chose entre vous, susurre la Charlotte fleur bleue.

– N’importe quoi ! dit la Charlotte raisonnable. Un milliardaire canon qui t’a séduite, oui.Juste une de plus dans son tableau de chasse. Il t’a manipulée, et t’a attirée dans sa garçonnière,voilà tout. Comme tu peux être naïve ma pauvre fille.

– Tu peux bien te l’avouer : c’était les heures les plus fiévreuses de toute ton existence, non ?

– Et alors ? C’est pas parce que c’est un coup du tonnerre que c’est le Big Love. Redescendssur terre.

Oh et puis merde ! Allez-vous-en, vous deux ! J’en ai assez de vous entendre dans ma tête ! Vousm’embrouillez plus qu’autre chose !

J’étais dans un état second ces dernières heures. Une brume d’émotions et de désir m’enveloppait.Ou alors… peut-être est-ce maintenant que je suis dans un état second ? Et que ces quelques heurespassées avec Milton sont ce qui se rapproche le plus de la vraie réalité ? Le vrai bonheur ? Celui

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après lequel nous courons tous ? Celui dans lequel le prince charmant prend des traits humains… Unefossette sous un œil droit ; des yeux bleu sombre ; un corps de rêve ; et des baisers affolants…

Soudain, je sursaute : une sonnerie de téléphone retentit. C’est le mien ! Ma petite bulle de penséesromantiques éclate, comme piquée par une aiguille. Qui cela peut-il être ? Je suis censée être enrendez-vous professionnel. Si je réponds, est-ce que ça va s’entendre que je suis au lit ? Toute nue ?Est-ce que ce genre de choses se devine au téléphone ?

J’en sais rien, moi ! Je ne fais jamais ce genre de choses !

J’ai enfin un bref regard pour Milton. Il est couché sur le côté. Il me regarde. Cela doit faire unmoment qu’il m’observe. Qu’y a-t-il dans ses yeux ? À quoi pense-t-il à cet instant précis ? Ques’est-il dit dans sa tête depuis qu’il a rouvert les yeux ? Je ne sais pas, mais c’est intense. Le bruit demon portable le fait lever un sourcil. Je me penche pour attraper mon sac, laissé sur une chaise à unmètre du lit. Je suis obligée de mettre pied à terre, et m’assieds sur le bord du matelas, drap repliésur mes genoux. Je sais que Milton voit mon dos nu, mes hanches et le haut de mes fesses. J’éprouveun bref sentiment de pudeur. Mais je ne peux pas me cacher. Ce serait ridicule. Surtout après ce quenous avons vécu tous les deux sous la couette. Pour ne pas avoir à me lever et à montrer mes fesses,je tends le bras en m’étirant. J’essaie d’atteindre mon sac du bout des doigts. La position estinconfortable et en tirant sur la anse, le sac tombe à terre. Mince ! Non seulement je vais devoir melever et montrer mes fesses, mais en plus je vais rater l’appel ! Je glisse au sol, accroupie, tenant ledrap d’une main, et fouille mon sac de l’autre. Je décroche sans avoir pu lire le nom ducorrespondant.

– Allô ?

Je ne contrôle pas du tout ma voix, et je l’entends, un peu aiguë et hystérique. Aïe ! J’ai du mal àconcentrer mon attention. J’ai toujours en tête qu’il y a le regard de Milton, là, derrière mon dos, sansque je le voie, et qui reluque probablement mes hanches.

– Allô, Charlotte ? Ça va ? Tout va bien ?

C’est Nina, avec son habituel ton remuant.

Soudain, je sens une légère caresse. Je sursaute et me retourne, téléphone toujours à l’oreille.C’est Milton. Il a tendu le bras, et passe légèrement le bout de ses doigts le long de mon dos. Il mesourit. Simplement, et avec une totale franchise dans son regard. Je me sens fondre. J’ai l’airparfaitement maladroite, et lui semble trouver cela charmant… Comment ai-je pu me prendre autantla tête ? Nous venons de passer des heures de folie, et j’ai un accès de pudeur pour qu’il ne voie pasmes fesses. J’aime pas quand je fais ma nunuche comme ça !

Ça, c’est la faute à Charlotte la raisonnable ! Oui, oui, je te tiens pour entière responsable !

Et moi, la Charlotte fleur bleue, je tire mentalement la langue à mon alter ego, en espérant qu’ellene va pas venir cyniquement revenir me hanter de sitôt !

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Je reviens à ma conversation :

– Ah, euh… Oui, Nina. Euh, comment ça va ?– Tout va bien, Charlotte ? Tu as l’air bizarre.– Non, non… Je…

Machinalement, je tire mon drap vers mes épaules, comme si Nina pouvait me voir nue.

– Alors ? dit Nina d’un ton enthousiaste. Il est pas canon ? J’avais pas exagéré, hein ? T’as vu ceregard ? Et puis ce cul ! Tu l’as reconnu, dis ? Et…

– Nina, attends, je peux pas te parler. Enfin, pas juste là.– Y’a un souci ?– En fait, je suis toujours en rendez-vous, c’est… pas terminé.– Encore ? ! Ah mince, ça ne s’est pas passé comme prévu ?– Comme prévu ? Ah non, pas du tout…– Charlotte ! C’est un super gros dossier. Fais attention à ne pas tout faire capoter. C’est un gros

budget pour la boîte. On ne voudrait pas se retrouver à poil.– À poil ? dis-je en regardant mes tétons à l’air. Ben non, on voudrait pas. Enfin, excuse-moi Nina,

je te débrieferai tout à l’heure, ne t’en fais pas. Je te tiens au courant. À ce soir ! Bisou.

Et je raccroche sans attendre de réponse.

Ça y est, nous sommes maintenant seuls tous les deux. C’est à présent le moment d’éveil où nousnous rencontrons, à nouveau, comme une deuxième première fois. Je vais me retourner, et nos regardsvont se croiser. Nous allons nous parler, et nous allons ensemble écrire une nouvelle page de notrevie… Ou pas !

Charlotte-fleur-bleue, parfois je te hais de m’emmener dans des fantasmes pas possibles.Laisse-moi juste profiter du moment !

Je tourne la tête lentement. J’appréhende cet instant. C’est là, c’est maintenant… Bing ! Nos yeuxse croisent à nouveau. Mon cœur s’emballe. Son regard me pénètre. J’ai l’impression d’entendrebattre sa poitrine. Est-ce un rêve ? Ce regard, c’est comme une décharge électrique. De nouveau. Unéclair. Comme si le prince charmant me ravissait d’un bras, et m’emportait sur son cheval déchaîné.Mais il va bien falloir prendre la parole.

– Milton ?– Oui ?– Vous savez, c’est la première fois que je fais ce genre de chose. Enfin, je veux dire de se laisser

glisser aussi vite. Je me suis laissé happer…– Moi aussi, Charlotte. C’est la première fois.

Son visage fin et racé m’apparaît comme une sculpture. Ses yeux légèrement en amande seplissent, et ses pommettes se relèvent dans son sourire. Souplement, il se lève, son corps athlétiquejaillissant du lit. Il est nu, et je ne peux m’empêcher de regarder les muscles de ses fessiers bouger

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tandis qu’il ramasse son boxer, son pantalon et sa chemise et commence à se rhabiller. J’en profitepour quitter aussi le lit et enfiler mes vêtements alors qu’il s’éloigne.

– Charlotte, j’ai quelque chose pour vous, m’entends-je dire.– Pour moi ?– Venez voir, je vous en prie.

Je traverse la pièce à sa rencontre. Alors que je suis à sa hauteur, Milton lève la main et mecaresse les lèvres du pouce en me tenant le menton. Puis il y dépose un délicat baiser.

Je me rapproche et je sens de nouveau son corps contre le mien. Il me prend dans ses bras etm’enlace un bref instant.

– Voici ce que je voulais vous offrir. C’est pour vous, explique-t-il en se retournant.

Il me tend un petit paquet. Je le prends et lève les yeux vers lui.

– Ouvrez-le. Il ne va pas exploser.

Je défais le papier et je découvre un étui en cuir pour téléphone.

– Comme cela, vous ne le casserez plus, dit-il malicieusement.– Il est très beau, et le cuir a l’air magnifique, dis-je.– Effectivement. Je savais que vous aviez l’œil pour ces choses. L’étui a été fabriqué avec des

couvertures de livres anciens qu’on a retrouvés dans une bibliothèque. Les pages étaientmalheureusement mangées par l’humidité. Pour que la perte ne soit pas totale, une jeune entreprise aeu l'idée de prolonger la vie de ces témoins du passé en leur donnant une nouvelle forme.

Je tourne et retourne cet objet insolite et beau.

– Le contact du cuir vieilli est très sensuel, dis-je.– Vous trouvez aussi ?

Et puis tout à coup, cela me frappe : le paquet cadeau, il ne l’avait pas sur lui en partant dubuilding. Il avait donc prévu de me le donner… ici ! Il savait que cela n’allait pas être qu’un rendez-vous professionnel. C’était prémédité. Un coup de froid descend dans mon dos. La Charlotteraisonnable avait donc raison ? Il m’a manipulée pour le suivre dans sa garçonnière ? Et pour meposséder ? J’ai soudainement envie de m’enfuir très loin de lui, de sa présence, de son regard qui metrouble malgré toutes mes défenses. Mais Milton semble comprendre ce qui se trame dans ma tête. Ilme prend les mains et me regarde en face :

– Ce cadeau, Charlotte, je ne pensais pas vous l’offrir aujourd’hui. Les choses sont allées plus viteque prévu. Tout s’est chamboulé dans ma tête. C’est réellement la première fois pour moi. Je ne faispas ce genre de chose. Je suis très respectueux des femmes. Je ne me permettrais pas de vous mentir.

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La boule de froid s’évapore de ma poitrine. Je ne me suis donc pas trompée : il y a bien quelquechose entre nous.

– Charlotte, ne le prenez pas mal, mais je dois retourner travailler.

Le travail ! Bien sûr. Et moi qui prends du bon temps sous la couette l’après-midi… Ce n’est pastrès sérieux.

– Effectivement, je ne voyais pas l’heure passer, dis-je, pensive.– Il faut d’ailleurs que je passe deux ou trois coups de fil rapidement. L’après-midi a été un peu

chamboulé.

Un nouvel indice que tout ceci n’était pas prémédité. Prends-ça dans les dents, Charlotte-raisonnable !

Il s’éloigne pour enfiler sa veste tandis que je pars à la recherche de mes escarpins. Une foiscomplètement vêtus, une certaine distance s’instaure. Rien d’alarmant, mais c’est comme sil’environnement professionnel reprenait ses droits. Je ne saurais dire pourquoi. Nous redescendonsen silence par l'ascenseur, et il m’aide à passer la planche de chantier, comme à l’aller. Devant laporte de l’immeuble, nos chemins vont se séparer. Le monde entier nous voit. Tout naturellement,nous nous tendons la main.

– Je suis navré que nous n’ayons pas pu travailler assez sur la réception de mes grands-parents,me dit Milton d’un ton calme et assuré. Je vous propose de venir la prochaine fois avec dessuggestions, et nous partirons de là. Cela me paraît plus sage. Je ferai de mon mieux pour vous aider.

– Très bien. Je me mets au travail, et j’ai hâte que nous nous revoyons. Vous ne serez pas déçu.– Je vous fais entièrement confiance.

Nous ne nous sommes pas quittés du regard pendant la conversation. Les mots étaient superficiels,mais le sous-texte était enflammé. Nous allons nous revoir, et il me fait confiance. Qu’espérer de plusaprès l’après-midi extraordinaire que nous avons passé ? Quelques gouttes de pluie commencent àparsemer le trottoir de petites taches noires. Nos mains ne se sont pas encore quittées, et nous restonsimmobiles, le regard figé et magnétisé alors que, tout doucement, la douce bruine de septembresemble bénir notre rencontre.

– Prenez mon parapluie, Charlotte.– Mais, et vous ?– La pluie ne me gêne pas. Vous, par contre, il faut faire attention.– Pourquoi donc ?– Les belles fleurs se nourrissent de la pluie, mais elles s’épanouissent à l’abri.

Milton se retourne alors et disparaît derrière le coin de l’immeuble. Je suis seule sous sonparapluie, avec le son craquelant des gouttes résonnant à mes oreilles.

Non, les fleurs ne s’épanouissent pas à l’abri. Elles s’épanouissent à la lumière. Et c’est bien

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clair : ma lumière, c’est lui.

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6. Gouttes d’amour

J’avance sur le trottoir, mi-hagarde, mi-pressée. Le crépitement des gouttes ne faiblit pas. Lespassants semblent marcher au ralenti. L’atmosphère est irréelle. Même le bruit de la circulationparaît noyé dans l’eau fine. Je ne croise aucun regard. Est-ce parce que j’ai l’impression de marchersur une autre planète ? Mes pas sont plus légers avec l’amour. Mais est-ce vraiment ça ? Del’amour ? Peut-on parler d’amour après deux conversations et un après-midi au lit ?

C’est comme si je redécouvrais ce sentiment dont tout le monde parle. Ce mot qui noircit toutes lescouvertures de magazine. Car enfin, qu’est-ce que j’y connais, moi, à l’amour ? Je fais le compte :quelques béguins. Des aventures. Est-ce que ça m’a plu ? Sans doute, oui. Suffisamment ?Probablement que non, vu mes fantasmes persistants de prince charmant…

Mais est-ce juste parce que c’est la première fois que je rencontre quelqu’un d’aussi singulier quec’est de l’amour ?

Non. Ce n’est pas pour ça. Ce n’est pas parce qu’il est exceptionnel. Ce n’est pas parce qu’il estsublime. Non. C’est tout simplement peut-être de l’amour parce que cette fois-ci… il y a eu de lamagie.

Mais la magie ne se trouve que dans les histoires et les légendes.

Eh bien, heureusement que je crois encore aux contes de fées !

Je serais peut-être passée à côté du plus fabuleux prince charmant qu’aucun Perrault ou Andersenaurait pu inventer. Est-ce que ça veut dire que je me prends pour une princesse ? Je m’arrête uninstant. Je regarde mes pieds. Mes escarpins bleu turquoise n’ont pas beaucoup de conversation. Jeme tourne vers la droite, face à une vitrine de magasin. Je me vois dans le reflet, aussi distinctementque dans une glace.

Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle ?

À cet instant précis, la lumière à l’intérieur s’allume et fait apparaître un mannequin en plastique,sosie de Kate Moss. Hmmm… Très drôle. De toute façon, je crois pas aux signes du destin, moi. Enfait si, mais mettons que je choisis ceux auxquels je veux croire. Ses yeux de plastique bleu fixent unhorizon imaginaire. On dirait un corps de fillette passé dans un élongateur ! Moi ça me fait pas rêver.Est-ce ça qui fait rêver Milton ?

La lumière de la vitrine s’éteint. De nouveau, je me vois très clairement. Et qu’est-ce quej’aperçois ? Qu’est-ce que Milton a vu toute la journée quand il m’a parlé et quand il m’a étreinte ?Je plisse les yeux. J’essaie de m’observer objectivement. Une jeune femme. Ok. Vingt-trois ans.Bien. Cheveux blonds, bouclés. Ça, j’aime. C’est une des choses dont je suis fière. Un teint blanc.

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Mes amis disent de « porcelaine ». Quand je vois mes amis du ski à Gstaad, je me dis plutôt de« cachet d’aspirine » ! Je pense que je m’habille pas trop mal. Suis-je mignonne ? Suis-je belle ? Etc’est quoi la beauté ? Est-ce que c’est ça qui fait qu’on est une princesse ? Qui fait qu’un princecharmant tombe amoureux ?

Je suis éveillée de ma rêverie par un soudain silence. La pluie s’est arrêtée. Je baisse monparapluie. Et aussi brusquement que les nuages sont apparus, les voilà qui font place à un magnifiquesoleil rougissant. Fini le monde des songes, et retour à la réalité. Je ferais bien de me dépêcher derejoindre Nina. Elle doit m’attendre avec impatience.

J’arrive devant la porte de l’appartement. Je n’ai pas encore les clefs, et je dois sonner. Moins dedeux secondes s’écoulent que j’entends déjà s’approcher des pas énergiques, et la porte s’ouvre dansun éclat de vie.

– Charlotte ! Génial ! Je suis super contente de te voir.– Moi aussi. Je…– Alors ? Dis-moi tout ! Raconte-moi. J’ai trop hâte de savoir. T’as vu, il est sacrément top, non ?– Oui, mais il faut que…– Donc, vous avez passé la journée ensemble ? Je veux dire toute la journée ? Non ? C’est vrai ?– C’est pas ça, mais…– Vous avez avancé sur le projet ? Au téléphone, il me semblait que tu étais gênée. Un souci ? Pas

trop grave, j’espère ? Non, je pense pas. Tu es la meilleure. Tu es SUPER !– Eh, Nina, baisse la pression ! lui dis-je doucement en souriant et en posant mes mains sur ses

bras.

Je sens que Nina est surexcitée. La connaissant, elle a dû s’avaler deux ou trois cafetières pleinesà ras bord au cours de la journée, stressée par le résultat de ma réunion avec Milton. C’est quandmême un gros dossier pour notre boîte. Nina sourit.

– Oui, oui, tu as raison, Charlotte. Je redescends tranquillement, je souffle par le ventre.Leeentement. Voilà, comme çaaaa… Mais t’as couru ? Non mais attends, c’est quoi ce teint rouge,ces cheveux ébouriffés, tes yeux brillants… Tu viens de faire l’amour ? En plein après-midi ? Aprèsle rendez-vous avec… Non ? ! PENDANT le rendez-vous ? Tu as COUCHÉ avec Milton Turner ? !J’y crois pas !

– Mais non, enfin. N’importe quoi, dis-je d’une petite voix tout en pénétrant dans le salon.

Je jette mon sac sur la canapé et je déboutonne ma veste. Mais en me retournant, je pousse un petitcri : un homme est assis au bar en train de boire un verre. Je le reconnais immédiatement.

– Monsieur Bertram, bonjour. Je suis désolée, j’ai été surprise.– Bonjour Charlotte, dit-il d’une voix grave et calme.– Charlotte, tu te souviens de mon père, dit Nina en arrivant dans le salon et en me faisant

discrètement des gestes d’admiration suite à sa déduction.– Bien entendu que je me souviens, Nina, dis-je avec un air de reproche.

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Impossible pour Edmond Bertram de ne pas avoir entendu l’accueil énergique de Nina. Ça ne jouepas en ma faveur côté réputation… Très vite, je comprends qu’il faut remettre les compteurs à zéro :

– Pardonnez-moi, je vais prendre une petite douche rapide. Effectivement, j’ai couru. Il a plu. Mechanger est nécessaire. À tout de suite.

– À tout de suite, dit Nina d’une voix chantante et espiègle.– Nous vous attendons, Charlotte, répond monsieur Bertram simplement.

Je trottine dans l’escalier pour filer dans la salle de bains. Nina est adorable mais parfois elle nese rend pas compte que si elle adore être extravertie et étaler sa vie privée à la face du monde, cen’est pas le cas de la plupart des gens sensés sur cette planète !

Enfin, en tout cas, ce n’est pas le mien.

L’eau chaude me fait du bien. Je ferme les yeux et la laisse couler sur mon visage, tête penchée enarrière. Je passe le savon sur mon corps et je me surprends à retrouver des gestes que Milton a puavoir sur ma peau tout à l’heure. Doucement, je me laisse emporter par le souvenir de cet après-midi.Mais je ne dois pas tarder non plus, on m’attend. Je sors de la douche et me sèche. J’en profite quandmême pour démêler mes cheveux qui ont la désagréable habitude de frisotter quand il fait humide.

Une fois habillée et descendue, je retrouve Nina et son père, assis au bar, devant un apéritifdînatoire.

– Qu’est-ce que tu veux boire, Charlotte ? me demande Nina.– La même chose que vous, ça me va.– Alors Margarita pour trois !

Elle prend deux citrons verts dont elle presse le jus. Puis, d’une main, elle attrape le shaker. Elle yglisse quelques glaçons et y verse généreusement de la tequila et du triple sec. Elle termine avec lejus de citron. Un coup de citron vert sur les bords des verres pour les givrer au sucre, et c’est parti !C’est bien simple, la Margarita, c’était notre boisson fétiche à la fac. Et personne ne savait la fairecomme Nina, championne en beaucoup de choses qui se terminent soit au lit, soit en dansant sur lestables.

Nous trinquons, et, comme d’habitude, Nina mène la conversation.

– Tu vois, Charlotte, je voulais inviter mon père pour que vous fassiez plus ample connaissance.Ça doit faire un bail que vous ne vous êtes pas vus, non ?

– Facilement une dizaine d’années, je crois, dit monsieur Bertram. Mais nous nous sommes eus autéléphone plusieurs fois depuis votre décision d’échanger vos logements.

Edmond Bertram est un homme d’une cinquantaine d’années. Il est toujours très élégant, et a gardéune manière très suisse de parler, en prenant son temps sur les syllabes. Cela rend son phrasé trèsdoux et très agréable à écouter. Il est beau, et visiblement plutôt sportif. Ses jeunes années ont dû sedérouler sur les pistes de ski, comme tous ceux originaires de la région.

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Il reprend :

– D’ailleurs, Charlotte, je réitère très sérieusement ce que je vous avais dit : n’hésitez pas àm’appeler ou à me contacter si vous avez besoin de quoi que ce soit. Je sais parfaitement ce que c’estque d’arriver dans un nouvel endroit. Ce n’est pas toujours évident. Les premiers temps sont faciles :le moment de la découverte et des plaisirs. Mais après, le mal du pays et les changements d’habitudecommencent à taper sur les nerfs. Ce n’est qu’en dépassant cette phase un peu difficile que vouspourrez apprécier pleinement votre nouvel environnement.

– Merci monsieur Bertram. C’est très gentil à vous, réponds-je. Je note précieusement vosconseils.

– Aussi, pour que tout se passe au mieux, je vous présenterai mes deux frères la semaineprochaine. Wilhelm et Germain. Et puis, appelez-moi Edmond. Vous êtes tout de même une amie trèsproche de ma fille.

– Très bien mons… Je veux dire Edmond.

Nous sourions tous les trois et trinquons à nouveau.

– Tu verras, me dit Nina, mes oncles sont très sympas aussi. Et puis ils ont un carnet d’adresses,t’as pas idée ! T’auras le nom et le numéro de toute la belle société de la ville. J’y ai recours enpermanence. Ils sont un peu plus, comment dire, bling-bling que toi, papa, non ? dit Nina dans unéclat de rire.

Edmond sourit poliment. Il a l’air accoutumé aux frasques et à la personnalité exubérante de safille.

– Sinon, Charlotte, reprend Nina, raconte un peu ton rendez-vous de cet après-midi. Vas-y ! Tudois avoir des trucs de dingue à dire.

Pas très à l’aise à l’idée de déballer ma vie sexuelle devant Edmond, j’essaie d'esquiver. Edmondsemble comprendre mon embarras et plisse les yeux de manière malicieuse. Nina est une vraietornade, et parfois elle est ingérable.

Parfois ? Non, tout le temps !

– Ah ! s’exclame Nina, Milton Turner, l’homme qui a fait le coup immobilier du siècle ! Le KurlanSquare en plein centre de L.A. C’est LE gars qui a tout pigé. Et mignon comme pas possible. Le talentET le look. Le rêve, quoi. Et donc tu l’as reconnu, non ? Tu l’avais déjà vu dans les journaux ?

– Pas dans les journaux suisses en tout cas. Par contre, oui, je l’ai reconnu : c’était l’homme quej’avais rencontré dans le jardin du château Bertram.

– Lui ? ! Turner ? dit Nina, ébahie. Tu sais, j’en ai parlé à mon père de cette histoire, un type quiserait soi-disant né au château Bertram. Et ce serait Milton Turner… ? J’en reviens pas. Y’a pas plusincongru, tu trouves pas ? Mais toi papa, ça te disait rien, c’est ça ?

Edmond fronce les sourcils. La question apparemment simple semble provoquer un certainembarras chez lui.

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– Oui, Nina, effectivement. Dans mes souvenirs, rien. Et je me suis donc renseigné suite à ce quetu m’avais dit, mais aucune trace de naissance au château. Et bien entendu encore moins du fameuxTurner. Il doit y avoir une erreur quelque part. La région est pleine de vieilles demeures, et les routeset les forêts se ressemblent toutes. Il est facile de confondre un nom sur une carte.

– Ça doit être ça, dit Nina. Il peut pas être fort en tout ET en orientation, ce Turner. Il faut qu’il enlaisse un peu pour les autres.

Nous rions de bon cœur. Et puis ça m’a permis d’éviter l’interrogatoire sur le rendez-vous. Nousparlons ensuite de cette coutume des grandes fêtes pour les seize ans aux États-Unis, ce qui déclenchepas mal d’anecdotes croustillantes de la part de Nina. Nous passons une soirée très agréable, malgréle fait qu’Edmond semble s’être assombri.

– Nina, quand tu seras à Gstaad, n’oublie pas que tu pourras aussi appeler mes parents sinécessaire. Mon père a le cœur sur la main et n’hésitera jamais à venir t’aider. Fais attention à mamère : elle est super et pleine de bons conseils, mais si tu ne veux pas qu’elle t’oblige à venir leurrendre visite toutes les semaines, prends tes distances ! dis-je en riant.

– Merci Charlotte, mais de ce dont je me rappelle, tes parents sont absolument adorables, l’uncomme l’autre. Ça me fera plaisir de les voir. Même régulièrement. J’aurai un peu l’impressiond’être en famille comme ça.

Nous nous sourions chaleureusement. C’est le moment qu’Edmond choisit pour se lever.

– Bon, les filles, c’était fort agréable de passer cette soirée avec vous, mais l’horloge tourne. Il sefait tard, et je dois rentrer.

– Merci Edmond pour votre accueil, lui dis-je.– Je vous en prie, Charlotte. C’est tout naturel. Quant à toi, Nina, je ne te reverrai pas avant ton

départ. Donc prends bien soin de toi. Et puis de toute façon, je viendrai skier en début de saison,comme prévu. On se reverra vite.

– D’accord papa, dit Nina en prenant son père dans les bras pour un câlin.

Nous raccompagnons Edmond à la porte. Nina se tourne alors vers moi en soupirant :

– Pauvre papa. T’as vu comme il s’est assombri en cours de soirée ? Il pense encore à ma mère.Cinq ans. Ça va quand même faire cinq ans, et il ne s’est toujours pas remis de leur rupture.

– Oui, effectivement, il a eu l’air préoccupé tout à coup…

Nous rangeons en vitesse les verres et les plats. Nina lance la bouilloire pour une boisson chaude,et sort les cookies.

– Ça y est, ma petite chérie, c’est maintenant, et tu vas pas y couper ! Il va falloir que tu meracontes tout, et dans les moindres détails, je te préviens ! dit-elle avec un grand sourire et un clind’œil.

Nous nous installons, agenouillées sur l’assise du canapé, avec nos pieds sous les fesses et ledossier comme accoudoir. Nous nous faisons face, et j’ai l’impression de me retrouver trois ans en

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arrière, étudiantes, à parler de nos béguins.

– Sauf que là, ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas juste un béguin, lui dis-je.– C’est-à-dire ? Tu veux dire que t’es amoureuse ? T’exagères pas un peu ?– J’ai pas parlé d’amour. Là, je te parle de magie. C’était de la vraie sorcellerie. Un conte de fées.

J’étais la belle au bois dormant, et je ne me rendais pas compte que j’étais assoupie depuis uneéternité. Il m’embrasse, et là, le monde entier se met à revivre, et c’est comme une renaissance pourmoi.

– La belle au bois dormant ? Madame a changé de standing depuis qu’elle couche avec un princecharmant. C’est devenu une vraie princesse maintenant ! dit Nina en riant. D’ailleurs, sur l’échelle duprince charmant, si j’ai bien compris, on est facilement à huit ou neuf sur dix ?

– Huit ou neuf ? Mais c’est au moins du onze, là ! Je te parle de magie. De quelque chose desurnaturel. Il a des yeux bleu foncé qui t’hypnotisent. Si jamais tu les rates, alors tu tombes forcémentsur sa petite fossette sous son œil droit, absolument craquante pour n’importe quelle femmenormalement constituée. Ensuite, tu vois son sourire. Les lèvres charnues, juste assez, mais pas trop.Un charme qui t’emporte comme une tornade d’été. Mais c’est pas fini. C’est juste le début. Sespommettes saillantes sur son visage fin, si élégant : ce type est forcément né dans un château, auBertram ou ailleurs, mais sinon je ne vois pas d’où peut venir tant de noblesse ! Et son corps… Oh !Mon Dieu ! son corps… Il est svelte, musclé… Ses pectoraux sont durs et puissants. Ses fesses,fermes et son…

Je m’arrête d’un coup et je deviens rouge écarlate. Nina éclate de rire.

– Eh bien au moins, on pourra dire que tu as passé un bon après-midi.– Non mais attends Nina, il n’y a pas que ça. Ça c’est juste la surface. Ok il est beau, il est

charmant, tout ce que tu voudras. Mais il a ce côté taciturne. Un peu tourmenté. On sent qu’il estprofond. Il sait tant de choses sur tout, c’est incroyable. Il est passionné par l’histoire des objets etdes lieux. Il pourrait te raconter des détails pendant des heures, et moi je pourrais l’écouter pendantdes jours… Il est fascinant et captivant.

– Ça m’a tout l’air du grand amour…– Je ne sais pas. Comment peut-on savoir ça ? Ce n’est pas écrit sur son front. On ne reçoit pas une

notification sur son téléphone portable. Alors est-ce que c’est ça le grand amour ? Je ne sais pas. Jesens qu’il y a quelque chose… Mais comment savoir pour lui ? Que se passe-t-il dans sa tête ?

– Moi je pense qu’il vaut mieux y aller piano piano. Pas la peine de se presser, pas la peine des’emballer. On ne sait pas ce qui peut se passer. Au début d’une histoire, il y a encore une multitudede fins possibles. Pose-toi déjà tranquillement ici, à Boston. Tu verras bien. Prends les choses aujour le jour.

Au jour le jour ? Je ne crois pas que Nina ait bien jugé la force de cette magie.

Nous tombons de fatigue, et décidons de mettre fin aux confidences. Nous nous souhaitons bonnenuit et nous séparons. Je me prépare et me mets en nuisette. Je regarde mon portable et m’aperçoisque j’ai un appel en absence et un message vocal. C’est Milton !

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Waouh ! Et Nina voudrait que je me calme ? Vite, j’appuie sur l’écran pour écouter la voix chaudede mon monsieur Milton Turner.

« Bonsoir Charlotte. J'espérais vraiment vous parler de vive voix. Tant pis. Voilà, je tenais à vousdire que nous avons passé un moment… unique. Oui, c’est ça. Unique, ensemble. Je tiens ici à vousrépéter que ce n’est pas dans mes habitudes. Du tout. En fait, je ne sais pas ce qui m’a pris. Leschoses sont allées très vite. Cela a basculé sans que je m’en rende compte. Je réalise que j’ai sansdoute abusé de ma position de pouvoir. J’en suis très gêné et embarrassé. Surtout au vu de tout cequ’il nous reste à faire pour la réception. Bien entendu, je comprendrais parfaitement que, suite à cequi s’est passé, vous ne vouliez plus travailler pour moi. Évidemment, je vous offrirai unecompensation. Cela va de soi. En revanche, si vous désirez continuer notre collaboration, j’en seraitrès heureux, vu la qualité de vos prestations. Je vous transmettrai alors les coordonnées de monassistant avec qui vous traiterez. Il est parfaitement qualifié pour prendre toutes les décisions à maplace. Je vous souhaite une excellente soirée, et nous nous recroiserons peut-être lors de la réception.Au revoir. »

Mon esprit est confus et perturbé. Je me dis que j’ai mal compris. J’ai dû rater un épisode. Il parlede moment unique… Unique, ça veut dire quoi ? Qu’il n’y en a eu qu’un ? Et qu’il n’y en aura pasd’autres ? Il me dirige vers son assistant et veut me donner une compensation ? Et peut-être qu’on serecroisera ?

C’est donc cela que lui a inspiré notre après-midi ?

Je sens comme une cage de glace soudainement enserrer mon cœur.

À suivre,ne manquez pas le prochain épisode.

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Je suis à toi – Épisode 2

Charlotte Becker pensait avoir rencontré le prince charmant, celui des contes de fées, des grandsromans d'amour. Mais la magie de sa rencontre avec le jeune multimilliardaire Milton Turner luisemble soudain n'avoir été qu'un écran de fumée. Pourquoi fuit-il ? Et qui est-il vraiment ? Quel estson lien avec le mystérieux château Bertram et quels sombres secrets cache ce lieu étrange ?Charlotte va devoir affronter une réalité bien au-delà de ses craintes les plus sombres. Le fera-t-elleseule ou main dans la main avec le troublant Milton ?

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Tous ses désirs - vol. 1

Moi, c'est Cléo Delille, journaliste chez Starglam, un magazine people parisien. Mon travail ?Couvrir les soirées les plus en vue du moment, de Monaco à Paris. Mon problème ? Impossible demettre un nom sur toutes les stars que je croise. Moi, ma passion, c'est l'art.Pourtant, entre deux cocktails, j'ai rencontré un homme. Il m'a tout de suite eue avec ses yeux bleusmagnétiques, irrésistibles... Il m'a tendu un piège, et je m'y suis engouffrée sans réfléchir plus d'uneseconde. Et aujourd'hui, je suis sa prisonnière. Prisonnière de ses yeux, de son nom – NathanChesterfield, milliardaire et prédateur à ses heures –, de mon désir pour lui depuis la première foisqu'il a posé ses lèvres sur les miennes.

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