Cahier 7
Le soin des plaies : Principes de bases
Julie Vézina, Inf, M.Sc. (étudiante)
Chantal Saint Pierre, Inf, Ph. D Professeure du département des sciences infirmières, UQO
Graphiste : Camille GirardRuel
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Septembre 2006
TABLE DES MATIÈRES
1.Introduction…………………………………………………………………………………………………………………………….3
2. Physiologie de la cicatrisation………………………….………………………...………………………………………………….4
2.1. Rappel de l’anatomie normal de la peau………………………………………..........................................................................4
Shéma (épidermedermehypoderme)……………………………………………………………………………………………….5
2.2. Hémostase …………………………………………..………………………………………………………………………….6
2.3. Phase inflammatoire ……………………………….………….……………………..................................................................6
2.4 Phase de prolifération ……………………………….……………………….…........................................................................8
2.5. Phase de maturation et remodelage……………………………………………..........................................................................9
2.6. Chronicité des plaies ……………………………….……….……………..….………………………………………………10
3. Cicatrisation en milieu humide …….……………….…….………………………..……………………………………………....11
4. Préparation du lit de la plaie, application du principe TIME aux plaies chroniques.……………………………………………....15
4.1. Tissus nécrosés sous contrôle……..…………………….…………………….…….................................................................16
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Tableau 4.1……………………………………………………………………………………………………………….………...18
4.2. Inflammation et infection sous contrôle ……………….…………………………………………………………….………..20
4.3. Taux d’humidité sous contrôle ……………………………………………..….………………………………….………….25
Tableau 4.2…………………………………………………………………………………………………………….…………...27
4.4. Épidermisation à partir des berges…………………………………….……..…………………………………….………….31
5. Gestion de la douleur ……………………………...………………………….……………………………………….……...33
5.1. Définition de la douleur…………………………………………………..………………………………………….……….33
5.2. Physiologie de la douleur reliée aux plaies………………………………..……….................................................................37
5.3. Évaluation de la douleur……………………………..…….…….…………………………………………………………...38
5.4. Recommandations de gestion de cette douleur…………………..……...…………………………………………….….…..40
6. Recommandations en soins de plaies …………………………..….…………….………………………………………….….….42
7. Conclusion………………………………………………………...…….………………................................................................43
8. Glossaire…………………………………………………………………………………………………………………..……….44
9. Références………………………………………………………………………............................................................................45
10. Appendice A……………………………………………………………………………………………………………..………..50
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1. INTRODUCTION
Une plaie est une « rupture de la structure anatomique normale ou fonctionnelle de la peau. Les plaies résultent d’un processus
pathologique interne ou externe à l’organe impliqué » (traduction de libre de Hess et Kirsner, 2003, p. 170). La définition d’une plaie
peut paraitre simple mais son traitement est tout autre. Depuis 2003 la Loi sur les infirmières et infirmiers (OIIQ, 2003) reconnaît
l’expertise de l’infirmière pour déterminer le plan de traitement relié aux plaies et aux altérations de la peau. Les infirmières sont donc
reconnues pour leur expertise. Pourtant les études démontrent que les connaissances des infirmières sont souvent faibles sur ces sujets
Ayello, Baranoski et Salati, 2005; Beitz, Fey et O’Brien, 1999; Periton, 1998; Pieper et Mattern, 1997). Sur quelles connaissances se
baseton pour soigner ces clients ?
Le but de ce travail est d’augmenter les connaissances de base du soin des plaies pour donner une assise scientifique solide aux
infirmières sur la physiologie de la cicatrisation, la préparation du lit de la plaie et la gestion de la douleur reliée aux plaies. Ce
document se veut une recension d’écrits répondant aux nombreux questionnements suscités par le soin des plaies. La bibliographie
donnera quelques articles et volumes pour plus de renseignements.
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2. PHYSIOLOGIE DE LA CICATRISATION
La compréhension de la physiologie de guérison des plaies et du processus biologique de la cicatrisation est primordiale afin de
comprendre l’évolution normale et anormale de chaque plaie et l’interaction avec les facteurs locaux et systémiques en jeu dans la
cicatrisation. La séquence des évènements biologiques intervenant dans la cicatrisation peut être divisée en quatre phases de
guérison. On y retrouve l’hémostase, la phase inflammatoire, la phase de prolifération puis la phase de remodelage ou de
maturation. Cette section présente en détails ces phases. Ces étapes se déroulent généralement sans encombre, du moins pour les
plaies aiguës. Quant aux plaies chroniques cette cascade d’évènements est souvent perturbée lors de son évolution. La section quatre
fait comprendre davantage les enjeux de la préparation du lit de la plaie.
2.1 Rappel anatomique de la peau
Avant de débuter avec la cicatrisation un rappel des différentes composantes de la peau, l’organe généralement affecté lors de
plaies, est nécessaire. Le schéma de la page suivante, tiré de Brûlé et Cloutier (2002) présente les trois couches de la peau : l’épiderme,
le derme et l’hypoderme. Il est à noter que sous l’hypoderme, se retrouve des structures osseuses ou musculaires qui peuvent être
touchées lors de plaies profondes, comme les incisions chirurgicales ou les ulcères de pressions.
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2.2 Hémostase
La première phase se déroule dans les minutes suivant une lésion. Elle consiste en la formation de caillots qui viendront
obstruer les vaisseaux sanguins lésés lors du traumatisme. Suite à une lésion, les tissus abîmés libèrent de l’adénosine diphosphate
(ADP) ce qui provoque l’agglutination des plaquettes avec le collagène libéré. Cette étape engendre la cascade de coagulation qui
conduit à la formation d’un tampon hémostatique stable scellent les vaisseaux sanguins abîmés. Il se produit en même temps un
phénomène de vasoconstriction induit par les cytokines qui ayant pour buts de limiter les pertes sanguines et de faciliter la formation
du caillot. Les plaquettes attirent par la même occasion, des facteurs de croissances qui prépareront la prochaine étape : la phase
inflammatoire (Keast et Orstead, 2004; Krasner, Rodeheaver et Sibbald, 2001; Moulin, 2001a).
Pour que cette première phase se produise sans encombre, les facteurs de coagulation nécessaires doivent être présents. Les
personnes anticoagulées seront donc sujettes à un saignement prolongé, donc plus important. De plus, il peut y avoir une diminution
des facteurs de croissances diminuant l’initiation de la deuxième phase.
2.3 Phase inflammatoire
Suite à la formation du caillot, la deuxième phase débute et dure en moyenne quatre jours : c’est la phase de nettoyage de la
plaie, de la phagocytose des bactéries et des tissus dévitalisés. Elle se reconnaît par les quatre signes classiques de l’inflammation: la
rougeur ou l’érythème, l’œdème, la chaleur et la douleur. De plus, un exsudat important peut être présent. Signes d’inflammation Rougeur Vasodilatation Chaleur Augmentation de la température au pourtour de la plaie Douleur Stimulation des fibres nociceptives Œdème Augmentation de la perméabilité des vaisseaux sanguin qui
cause la fuite de plasma
Rougeur =vasodilatation
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Lors de l’inflammation, l’histamine crée une vasodilatation laissant passer à travers les vaisseaux sanguins le plasma et les
facteurs de nettoyage nécessaires vers la région lésée. Les neutrophiles sont les premiers à phagocyter par autolyse les débris
cellulaires, les microorganismes et les bactéries ainsi que les corps étrangers. La fibrine est ensuite dégradée et le produit de cette
dégradation attire les macrophages qui agiront par phagocytose. De plus, ils attirent des cellules inflammatoires, des facteurs de
croissance, des fibroblastes et les cellules endothéliales nécessaires à la cicatrisation et à la formation du tissu de granulation.
Les plaies chroniques stagnent dans cette phase inflammatoire. Cette stagnation en phase inflammatoire est causée par des
facteurs intrinsèques ou extrinsèques à la plaie (voir l’encadré). Par exemple : les personnes sous stéroïdiens peuvent présenter une
inhibition des phases de guérison, particulièrement celle de l’inflammation. Une diminution de la réponse inflammatoire empêche un
bon nettoyage de leur plaie entrainant une la difficulté à induire les phases suivantes ce qui provoque une augmentation du risque
d’infection.
Facteurs systémiques
Âge, sexe et race Déficit en O2 ou diminution de la perfusion (Hb < 100g/L) Œdème systémique Statut nutritionnel (taux d’albumine bas et déficit en vitamines et minéraux) Stress psychologique Maladie concomitante (ex : diabète, insuffisance vasculaire, immunosuppression Traitements médicaux ex : stéroïdes, chimiothérapie Habitude de vie, hygiène, autosoins et compliance aux traitements Travail, statut socioéconomique et géographique
Facteurs locaux
Infection locale Plaie chronique Étendue et profondeur de la plaie Site de la plaie (ex : près anus) Stress mécanique et traumatismes répétés (ex : friction, pression) Traitement et substance médicamenteuse (ex : radiothérapie Macération Présence de corps étrangers ou de tissus nécrotiques Hématome, sérome ou déhiscence
Facteurs influençant la guérison des plaies (Krasner, et al. 2001; Lazarrus, 1994; Moulin, 2002a).
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2.4 La phase proliférative
Suite à l’inflammation, la plaie est maintenant propre et prête à reformer de nouveaux tissus sous cutanés et épidermiques.
Cette phase débute généralement à la fin de l’inflammation soit vers le quatrième jour et se poursuit durant une à deux semaines, selon
la taille de la plaie. Lors de cette phase il se produit trois processus différents mais simultanés : la granulation, la contraction et la
réépitélisation.
Lors de l’inflammation, les macrophages ont libérés des facteurs de croissances qui permettent maintenant la formation de
bourgeons de vaisseaux sanguins par angiogénèse. Ces nouveaux capillaires forment des boucles ce qui donne l’aspect d’une
framboise aux tissus de granulation. Ces nouveaux capillaires apportent l’oxygène et les nutriments nécessaires à la guérison de la
plaie. Les pansements occlusifs favorisent l’angiogénèse.
Les fibroblastes synthétisent du collagène qui forme une matrice où peuvent s’accrocher les nouvelles cellules épithéliales. Les
fibroblastes, des protéines contractiles, permettent aussi la diminution de la taille de la plaie par la contraction des berges de la plaie.
La cavité se comble par la migration de cellules épithéliales (kératinocytes) des bords de la plaie vers le centre, phénomène appelé
réépitélisation. Cellesci se reconnaissent à leur aspect argenté au périmètre du tissu de granulation et ils peuvent aussi former des îlots
dans le tissu de granulation. Il faut faire attention à ne pas les confondre avec du tissu dévitalisé qui est plus jaune et filamenteux.
Parmi les nouveaux produits pour plaies, se retrouve le Regranex ® qui contient des facteurs de croissance dérivés des
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plaquettes. Il est utilisé sur les plaies diabétiques pour favoriser la migration des cellules endothéliales et la synthèse du collagène
(Sibbald et al, 2000).
2.5 Maturation et remodelage
Cette quatrième et dernière phase débute à la fin de la réépitélisation et se poursuit pour une à deux années. Lors de la phase
précédente, les fibres de collagène de type III fabriquent une matrice lâche ce qui donne un tissu cicatriciel faible, donc à risque de
déhiscence. Avec l’aide des fibroblastes, ce collagène est progressivement remplacé par du collagène de type I qui est plus résistant
à la tension sans toute fois reprendre sa force pré lésion. Les fibres s’organisent et se remodèlent en une structure plus serrée et plus
structurée, ce qui diminue l’apparence de la cicatrice (ForestLalande, 2006; Moulin, 2001a; Sibbald et al. 2000).
2.6 Chronicité des plaies
Les plaies devraient normalement se refermer en trois semaines et suivre une période de remodelage de un à deux ans. Une
plaie qui ne suit pas ce cheminement dit normal et qui est perturbée dans l’une de ces phases devient chronique. Ainsi, les plaies
chroniques se définissent comme des plaies n’ayant pas réussi à suivre le processus méthodique normal de guérison, des plaies
perturbées dans une phase ou qui n’ar rivent pas à reproduire l’intégrité anatomique et fonctionnelle normale de la peau
(Lazarrus et al., 1994; Sibbald, 2000).
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Il revient à la personne en charge de la plaie de découvrir la cause sous jacente de cet échec à la cicatrisation. Identifier et
traiter cette cause contribuent à guérir la plaie. Par exemple, une plaie de pression au coccyx aura beaucoup de difficulté à guérir
malgré les meilleurs pansements si la pression n’est pas enlevée. Car, la plaie demeure ischémique ce qui la prive de l’oxygène et des
éléments nécessaires à sa guérison.
L’infirmière doit aussi répondre aux besoins particuliers de chaque client, qu’ils soient de l’ordre de leurs composantes
biologiques particulières ou des besoins personnels. Un client peut par exemple, préférer retarder la guérison de sa plaie au siège que
de rester alité 24 heures sur 24, et cela pour des raisons qui lui sont propres (s’occuper de ses enfants, gagner un revenu, se divertir, se
réaliser) et que nous devons respecter. Le rôle de l’infirmière est de l’informer des conditions optimales à sa guérison et il prendra ses
propres décisions.
La prévention et les soins optimaux diminuent l’incidence des plaies chroniques et leur donnent toutes les chances de guérir. Les
deux principes pour donner des soins locaux de plaie sont la guérison en milieu humide et la préparation du lit de la plaie.
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Paradigme pour la préparation du lit de la plaie selon l’Association canadienne du soin des plaies (2006)
3. CICATRISATION EN MILIEU HUMIDE
Les premières références aux avantages de la guérison en milieu humide datent des années 1960, et depuis plusieurs recherches
(Schultz et al. , 2003) confirment qu’en milieu humide on accélère le temps de guérison de plus de 50%. Malgré cela, certaines
personnes laissent encore les plaies sécher et former des croûtes. La plaie en phase inflammatoire produit un exsudat constitué de
plasma, de protéines, de facteurs de croissances et de divers éléments nécessaires à la cicatrisation, à la prolifération des nouveaux
Plaie chronique
Traiter la cause Soin de plaie local Préoccupations axées sur le patient
Débridement des tissus
Inflammation / infection
Équilibre de l’humidité
Bords de la plaie
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tissus et à la migration des cellules. Dans ce liquide, se retrouvent aussi les éléments nécessaires à l’autolyse des débris cellulaire, des
microorganismes et des bactéries.
Les pansements doivent favoriser le contact de ce milieu avec le lit de la plaie. Le milieu humide permet ainsi d’empêcher la
déshydratation et la mort cellulaire. Il favorise le débridement, l’angiogénèse et la réépitélisation. Le débridement autolytique est
favorisé par l’augmentation la durée de vie des neutrophiles, la stimulation les macrophages et donc une augmentation quantitative des
facteurs de croissance (Keast et Orstead, 2004). Il y a augmentation de l’angiogénèse grâce au contact entre les facteurs de croissance,
les cytokines et le milieu hypoxique. Finalement, il y a favorisation de la réépitélisation car les cellules ont besoin d’un milieu humide
pour migrer et ne pas se déshydrater.
Les pansements doivent cependant prévenir la macération des tissus au pourtour de la plaie due à une humidité excessive. La
personne responsable des soins de la plaie se doit de trouver le juste milieu entre l’hydratation et l’excès d’humidité au fur et à mesure
que la plaie évolue. Une plaie aigue évolue rapidement de la phase inflammatoire avec un exsudat important qui nécessite un
pansement absorbant vers la phase de prolifération qui exige pour sa part, au contraire, un pansement pour retenir l’humidité. Un
pansement très efficace deux jours post opératoire peut devenir nuisible une semaine plus tard. Les plaies exsudatives auront donc
besoin d’un pansement absorbant comme les hydrofibres ou les alginates, les plaies sèches ou déshydratées bénéficieront de l’apport
d’humidité comme un gaze humide, un hydrogel ou un pansement occlusif (voir tableau 4.2 : Pansements et produits pour les plaies).
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De plus, l’hydratation de la plaie diminue la douleur et le prurit associés à la déshydratation.
Les pansements occlusifs (avec bord bien scellé) encouragent l’accumulation de substances naturelles qui diminuent la charge
bactérienne des tissus nécrotiques. De plus, ils inhibent la croissance bactérienne et créent une barrière imperméable aux bactéries
exogènes (qui migrent de l’environnement extérieur à la plaie) (Schultz et al., 2003). Les pansements de gazes traditionnelles
permettent le passage des bactéries exogènes surtout s’ils sont humides. Les pansements occlusifs permettent aussi de diminuer la
douleur reliée aux plaies en isolant et protégeant les terminaisons nerveuses libres de l’air ambiant. Ils permettent de créer une isolation
Avantages de l’utilisation des pansements occlusifs (Association canadienne du soin des plaies (2006); Keast, D. H., & Orstead, H. L.2004;
Krasner, 2001; Schultz et al., 2003) : ü Aide à la migration cellulaire ü Modifie le pH ü ↓ les niveaux d’O2 (favorise l’angiogénèse) ü Maintien d’un gradient électrique ü Rétention des liquides, de l’exsudat ü Prévient la formation de croûtes ü Crée barrière aux bactéries et diminue vitesse d’infection ü ↓ les coûts car ils sont changés moins souvent (aux 37 jrs) ü Crée isolation thermique ü Diminue la douleur
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thermique et de diminuer la fréquence de changement de pansement ce qui a comme avantage secondaire de stabiliser la température
de la plaie. À chaque changement de pansement, la température interne de la plaie diminue et il peut prendre plusieurs heures avant
qu’elle ne reprenne sa température de guérison (Association canadienne du soin des plaies (2006).
Les pansements qui favorisent le contact de l’exsudat contenant des protéines, des cytokines et des métalloprotéinases, favorisent
le nettoyage de la plaie, l’apport des éléments nécessaires à la granulation et la migration cellulaire. Cependant, dans les plaies
chroniques se retrouvent des quantités excessives de métalloprotéinases qui phagocytent de façon excessive et provoquent l’autolyse
des tissus de granulation et de réépitélisation (Fletcher, 2005; Schultz, Barillo, Mozingo et Chin, 2004). Les nouveaux pansements
avec des agents biologiques peuvent alors s’avérer utiles pour gérer le contenu de l’exsudat en contact avec le lit de la plaie.
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4. PRÉPARATION DU LIT DE LA PLAIE, APPLICATION DU PRINCIPE TIME AUX PLAIES CHRONIQUES
La préparation du lit de la plaie est un nouveau paradigme en soins de plaies chroniques (Falanga, 2000; Sibbald et al., 2000). Il
découle de l’inefficacité des traitements connus et expérimentés sur les plaies aiguës pour traiter les plaies chroniques. Les plaies
chroniques subissent un échec à la guérison. Elles ne progressent pas normalement vers la guérison malgré de bons soins. Elles rentent
souvent bloquées dans les phases d’inflammation et de prolifération. Il peut s’y retrouver une accumulation de certaines molécules qui
causent des dérèglements cellulaires bloquant le processus de guérison et ainsi, les facteurs de croissances deviennent non disponibles
pour exercer leur rôle (Schultz et al., 2004). Ces problèmes et les sous pathologies qui conduisent à ces échecs doivent être connus et
traités afin de permettre une transition vers la guérison. Le paradigme de la préparation du lit de la plaie encourage une application
systématique à la gestion des plaies par une évaluation holistique des individus, par une gestion des tissus et par une identification des
barrières à la guérison (Dowsett et Ayello, 2004; Fletcher, 2005).
Avant toute intervention, la première question à poser devant un client porteur de plaies doit toujours être : Quel est son objectif
: sa guérison, son confort, ou être fonctionnel ? Cette réponse obtenue doit par la suite guider nos choix de traitement (Krasner et al.,
2001). L’Association européenne de gestion des plaies (2004) définie la préparation du lit de la plaie comme : « une série de
mesures décrites dans le cadre conceptuel TIME et à être appliqué à toute démarche de soins concernant une plaie…elle
consiste à envisager les mesures pratiques à prendre pour favoriser la cicatrisation » (p.1). L’acronyme TIME élaboré par le
TIME T = Tissus nécrosés sous contrôle I = Inflammation et infection sous contrôle M = Maintien du taux d’humidité E = Épidermisation à partir des berges
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Comité consultatif sur la préparation du lit de la plaie (Wound Bed Preparation Advisory Board ) (Schultz et al., 2003) précise les
obstacles à la cicatrisation et guide les intervenants dans l’évaluation et le traitement des plaies chroniques.
4.1 Tissus nécrosés sous contrôle
Le premier principe du TIME, le « T », désigne les tissus nécrosés, non viables que nous devons contrôler et retirer. Leur
présence fréquente dans les plaies chroniques brime la guérison en créant un environnement favorable aux infections. Ils augmentent la
demande du corps pour l’autolyse; retardent la guérison en prolongeant la phase inflammatoire et compromettent la restauration de la
peau et de ses fonctions. Les tissus dévitalisés et nécrosés peuvent masquer des abcès, des sinus et des pochettes de liquides. Ils
empêchent l’évaluation de la profondeur de la plaie et favorisent la perte de protéines avec le drainage de l’exsudat. Ils peuvent aussi
créer des odeurs nauséabondes. Finalement, si une croûte nécrotique est présente, elle empêche la contraction des bords de la plaie et
peut aussi causer une cicatrice hypertrophique. Toute plaie, lors du processus normal de guérison, fait un débridement sous forme
d’autolyse grâce aux enzymes contenues dans la plaie. Ce débridement naturel élimine les tissus non viables, les bactéries et les
microorganismes ou corps étrangers présents dans la plaie.
Pour faciliter le processus naturel du corps et accélérer la guérison l’infirmière peut débrider la plaie après avoir
d’abord à une 1) évaluation l’état vasculaire; 2) évaluation de la capacité de coagulation; et, 3) avoir établi le pronostic face à la
guérison de la plaie. Le débridement est donc contreindiqué en présence de problèmes vasculaire, de problèmes de coagulation ou
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d’un pauvre pronostic de guérison (Calianno et Jakubek, 2006a). Avant le débridement, il faut choisir : 1) le moment opportun; 2) le
degré de débridement requis; et 3) le mode de débridement (mécanique, enzymatique, chirurgical etc). Le degré d’infection (la
colonisation critique est généralement un bon indicateur), la douleur ressentie, la quantité de tissus à enlever, le risque de fermeture
prématuré de la plaie (qui peut causer des espaces morts), les ressources disponibles et leurs habiletés et bien sûr le client derrière cette
plaie sont d’autres facteurs dont il faut tenir compte (Falanga, 2000; Krasner et al., 2001). Si la plaie n’a pas besoin d’être débridée, il
faut passer à la prochaine étape du TIME qui est « inflammation et infection sous contrôle ».
La description et les caractéristiques des différents modes de débridement sont présentés au tableau 4.1. Le débridement a
comme avantages de diminuer la charge bactérienne et d’accélérer la cicatrisation en favorisant la croissance des tissus sains et la
migration cellulaire. Les tissus à être débridés se présentent sous deux formes : sphacèlene ou nécrose. La sphacèlene consiste en un
tissu jaune généralement de la fibrine (Moulin, 2001b). Il peut parfois être de brun à gris. Elle se retrouve sous forme humide et
filamenteuse ou épaisse et adhérente. La nécrose est généralement noire et peut être humide ou sèche. L’autre signe indiquant la
nécessité d’une intervention est la présence de pont ou pochette dans le tissu de granulation (Dowsett et Ayello, 2004; Fletcher, 2005).
Krasner et al., (2001) ont conçu un algorithme pour la prise de décision face au débridement des plaies intéressant à connaître (voir
appendice A).
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Tableau 4.1 Les différents modes de débridement
(CLSC CôtedesNeiges, 2004; Fletcher, 2005; Krasner et al., 2001; Thompson, 2005).
Définition Exemple Type de plaies Avantages Inconvénients Autolytique Débridement normal du corps,
les enzymes du corps travaillent, à nettoyer la plaie. Ce travail est favorisé avec des pansements occlusifs ou semi occlusifs et les gels
Hydrogel Hydrocolloïdes Hydrofibres
Presque toutes les plaies à l’exception des plaies infectées ou des plaie qui présente un drainage abondant
Facile d’utilisation, ne nécessite par de connaissances avancées Sans douleur
Lent, doit laisser le temps travailler Peut causer des odeurs
Mécanique Utilisation d’une force mécanique pour retirer les tissus dévitalisés 1hydrothérapie
2« Wet to dry »
3Irrigation sous pression
1immersion dans bain avec turbulence 2application d’un pansement humide qu’on laisse sécher et qu’on retire 3irrigation à l’aide d’un aérosol ou d’une seringue de 30 cc et d’une aiguille 18G à 10 cm de la plaie
Ulcère de pression, ischémique et plaie chirurgicale
1 sans douleur 2 3 peu coûteux, simple
1 Risque transmission infection et macération, $$ 13 prend ++ temps infirmier 2 douleur ++, non sélectif 3 Seulement les tissus lâches et superficiels sont retirés
Enzymatique ou chimique
Application d’une substance topique qui dissout les tissus nécrotiques
Aucun n’est présentement disponible au Canada
Plaie ischémique pied diabétique ulcère de pression
Sélectif ++ Si exsudat important ne reste pas en contact avec la plaie, risque d’allergie et
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d’absorption systémique.
Définition Exemple Type de plaies Avantages Inconvénients Chirurgical Retrait de tissus nécrotiques et
souvent retrait de tissus sains au pourtour de la plaie pour créer une plaie aigue (par chirurgien)
Contre indiqué pour client recevant des anticoagulants
Plaie qui expose des structures vitales Ulcère pied diabétique Plaie infectée Plaie ++ exsudative
Rapide Efficace ++ ↓ rapidement la charge bactérienne
Agressif Requière formation et habiletés spécifiques Douloureux ++ dispendieux
Au bistouri ou conventionel
Retrait de tissus dévitalisés avec un objet tranchant (ciseau ou bistouri) ou scarification d’une croûte sèche pour accélérer le débridement autolytique
Rapide Efficace
Requière formation et habiletés spécifiques pour le faire de façon sécuritaire, pas aussi profond que débridement chirurgical
Biologique Utilisation de larves de mouches vertes vivantes introduites au site de la plaie qui par leurs mouvements relâchent les débris de surface et par leurs enzymes, liquéfient les tissus dévitalisés. Puis, elles phagocytent les tissus liquéfiés et les bactéries
Efficace ++ Spécifique ++ Sans douleur Change le pH ce qui inhibe la croissance bactérienne
Si plaie exsudative ++ larves ne restent pas en place ne peutêtre utilisé sur région de pression (tue les larves) Dégoût des larves
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4.2 Inflammation et infection sous contrôle
La deuxième lettre du TIME, le « I », représente l’inflammation et l’infection qui se doivent d’être contrôlées. Comme dit
précédemment, les plaies chroniques sont sujettes à stagner à la phase d’inflammation. Elles sont aussi propices à l’infection compte
tenu de leur ouverture à longue échéance. Leur lourde charge bactérienne et fongique et l’hypoxie contribuent à leur caractère
chronique.
La phase inflammatoire reconnue par ses quatre signes classiques de rougeur (vasodilatation), de chaleur (augmentation de la
température au pourtour de la plaie), de douleur, (stimulation des fibres nociceptives) et d’œdème est une réponse normale et bénéfique
du corps à la présence de plaies aiguës car elle apporte les éléments nécessaires à la cicatrisation. Chez les clients aux prises avec une
plaie chronique, l’appel constant de neutrophiles résulte en un relâchement d’enzymes cytotoxiques, de radicaux libres et de
médiateurs d’inflammation dans la plaie ce qui blesse les tissus et crée de l’hypoxie cellulaire. Ce phénomène d’autodestruction
apporte une augmentation de la prolifération bactérienne et une diminution du système immunitaire qui tente de diminuer les dégâts
(Fletcher, 2005; Krasner et al., 2001).
Il est important de différencier les signes d’infection de ceux de l’inflammation. Pour ce faire, la phase de cicatrisation doit
d’abord être identifiée. Puis, les critères supplémentaires indiquent l’infection. Sur les plaies aiguës et chroniques peuvent se retrouver
les signes suivants : abcès, cellulite ou exsudat purulent. Chez les porteurs de plaies chroniques, une infection peut être soupçonnée
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en présence des signes suivants (Fletcher, 2005; Moulin, 2002b) : 1) un retard de guérison; 2) une décoloration du fond de la plaie; un
tissus de granulation bourbeux, marron pourpre foncé ou gris pâle, friable et œdémateux (ces changements dans le tissu de granulation
seraient dus à une augmentation de l’angiogénèse et une thrombose des vaisseaux sanguins plus large ce qui amène une hypoxie des
tissus); 3) une augmentation de la douleur, une sensibilité accrue ou un brûlement; 4) des pochettes ou des ponts dans le tissu de
granulation; 5) une modification dans l’écoulement (en termes de quantité ou de qualité); 6) une rupture de la plaie ou une
augmentation de la superficie.
La présence de bactéries dans une plaie ne suffit pas à la déclarer infectée. Ils y a quatre formes de présence de bactéries dans une
plaie : contamination, colonisation, colonisation critique et infection (local ou systémique). Ils sont sur un continuum croissant de
présence bactérienne. Chacun se défini comme tel (Calianno et Jakubek, 2006b; Fletcher, 2005; Moulin, 2001b; Sibbald, Orsted,
Coutts et Keast, 2006) :
Ø Contaminé : Présence de bactéries à la surface de la plaie qui ne se multiplie pas (stade recherché)
Ø Colonisé : Présence de bactéries qui se multiplie, sans réaction, affectation de l’hôte (progression normale vers la guérison)
Ø Colonisation critique : Le point de colonisation ou l’hôte commence à réagir sans avoir les signes cliniques d’infection
(moment où l’on débute l’utilisation de produits à base d’argent ou d’iode). Parmi les signes, on peut retrouver une plaie
qui ne guérit pas, peu de tissus de granulation ou un tissus de granulation rouge et brillant, une granulation friable et
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exubérante, une augmentation de la douleur, une odeur nouvelle, un changement de coloration du lit de la plaie, une
augmentation de l’exsudat et la formation de sillons, sinus ou de nouveaux emplacements de nécrose ou bris cutanés.
Ø Infection : Présence de bactéries qui se multiplient et retardent la guérison en provoquant des infections tel que cellulite ou
ostéomyélite. On dénombre une quantité importante de bactéries à la surface de la plaie, plus de 10 6 / cm 2 , ou la présence
de bactéries virulentes. De plus, une détérioration de la plaie et les signes d’infection locale peuvent être observés :
œdème, rougeur, induration, chaleur au pourtour de la plaie, odeur nauséabonde ou fétide (anaérobiques), augmentation
et/ou purulence de l’exsudat (si couleur eau de vaisselle, infection multi organismes), augmentation de la douleur et de la
sensibilité et le développement de sinus ou de tunnels. C’est le moment de débuter l’utilisation des antibiotiques sinon
une infection systémique est risquée. Elle se manifeste par de la fièvre, une instabilité glycémique (chez les diabétiques),
une leucocytose, une modification des signes vitaux et un changement de l’état mental. Le syndrome septique avec une
défaillance multi organique est à craindre.
Un écouvillon de culture, doit être pratiqué sur les plaies chroniques, celles qui empirent ou qui présentent des signes
d’infection. Les bactéries sont présentes doivent être identifiées ainsi que leur antibiotique. De plus, le niveau d’invasion (superficiel
ou profond) doit être connu pour choisir un traitement approprié. Les biofilms, un phénomène fréquent sur les plaies chroniques,
préviennent l’expansion des colonies bactériennes en formant une barrière à l’entrée contre les microorganismes. Par contre, certaines
24
bactéries comme le staphilocoque aureus produisent des toxines ou des enzymes qui brisent cette immunité.
Il est important de bien nettoyer la plaie avec une solution de chlorure de sodium à 0.9% (ou de l’eau stérile si on utilise de
l’argent) avant de faire le prélèvement destiné à une culture du lit de la plaie. Ceci afin de bien s’assurer que ce n’est pas une culture
de l’exsudat. De plus, il faut employer une technique de prélèvement en « Z » en appuyant fermement. Si un biofilm recouvre la plaie,
une biopsie est alors recommandée pour obtenir la culture de la plaie et non du biofilm. Lors du prélèvement, on doit s’attendre à
trouver des microorganismes différents selon l’âge de la plaie. Au début on retrouve surtout des grams +, puis c’est l’arrivé des
entérocoques, des grams – et plus tard des anaérobiques (pour en savoir plus, consulter la page 349 de Krasner et al. 2001). Pour le
choix de l’antibiotique, plusieurs tableaux d’utilisation des antibiotiques pour les plaies chroniques existent (ex. Ibid, p. 352). Il faut
toujours se questionner sur la possibilité d’une ostéomyélite et sur la résistance de l’hôte. Aussitôt que nous pouvons toucher à une
structure osseuse, nous pouvons conclure qu’il y a ostéomyélite et entamer le traitement d’antibiotiques sur plusieurs semaines. La
scintigraphie osseuse permet de diagnostiquer l’ostéomyélite et de suivre son évolution. Lors de la réception des résultats de culture, il
ne faut pas se fier seulement au nombre de bactéries pour décider de traiter ou non car les personnes immunodéprimée, diabétique ou
dénutrie peuvent être affectées même par une petite quantité de microorganisme (< 10 6 / cm 2. ). Aussi, certains facteurs locaux et
systémiques peuvent influencer la résistance de l’hôte et favoriser l’infection (Fletcher, 2005; Schultz et al., 2003).
25
Facteurs locaux Facteurs systémiques
La présence de corps étrangers ou de tissus nécrotiques diminue la résistance de l’hôte
Plus la superficie d’une plaie est grande et plus elle est profonde, plus elle a de chance d’être infectée
La région anatomique de la plaie peut favoriser la contamination (exemple : près de l’anus)
La cause du traumatisme (exemple : les plaies de morsure ou de griffes de chats ont tendance à s’infecter)
L’apport sanguin à la région La chronicité de la plaie Le degré de contamination post traumatisme
Les comportements, les habitudes de vie et l’adhérence au traitement
La consommation d’alcool et de cigarettes La dépression L’apport et l’état nutritionnel Le diabète (l’augmentation de la glycémie veineuse résulte
en un mauvais fonctionnement des neutrophiles) Les pathologies immunitaires (ex : le granulome, celles qui
requièrent de la chimiothérapie ou des corticostéroïdes) L’œdème Les thérapies médicamenteuses (ex : corticostéroïdes) Les maladies vasculaires Les traitements postérieurs (chimiothérapie, chirurgies)
Aux stades de contamination et de colonisation, la présence de bactérie stimule la phase inflammatoire. Par contre, quand le
niveau de bactéries augmente trop, un retard de cicatrisation apparaît : c’est à ce moment qu’il faut commencer à traiter l’infection. On
doit soupçonner une infection dans chaque plaie qui ne guérit pas malgré les conditions idéales de guérison. Les infections
chroniques retardent la guérison et de plus, elles ils diminuent la résistance des tissus par la formation d’un collagène plus faible et
désorganisé, donc à haut risque de déhiscence. Pour les plaies chroniques, il n’est pas nécessaire d’employer de techniques stériles
(Calianno et Jakubek, 2006a), une technique aseptique suffit sauf lors du débridement. L’infection peut être prévenue en corrigeant
les facteurs locaux ou systémiques, en gardant la plaie libre de tissus non viables (le débridement diminue la charge bactérienne). De
26
plus, l’application d’ un pansement fermé empêche la contamination par des bactéries de l’extérieur. Ces personnes peuvent même
prendre une douche s’il n’y a pas de risque de contamination par une autre bactérie (Calianno et Jakubek, 2006b).
Il est important de réduire l’application d’agents antibiotiques topiques pour traiter l’infection. Ces agents sont même
déconseillés pour les plaies chroniques car ils créent des résistances. Le sulfadiazine d’argent est donc recommandé comme agent
topique pour diminuer la charge bactérienne. Quant aux plaies gangréneuses non opérables, le cadexomère d’iode permet un contrôle
de la charge bactérienne. L’agent de nettoyage de choix est le salin, une solution de faible toxicité 49 car les agents de nettoyage
comme le Dakin (solution d’hypochlorite de sodium) et la proviodineiode, sont cytotoxiques pour le tissu de granulation. L’utilisation
du peroxyde d’hydrogène « peut causer des embolies gazeuses s’il est introduit dans des sinus profonds » (Sibbald et al, 2006, p. 79).
Lorsque l’objectif est la réduction de la charge microbienne et que celleci est plus préoccupante que la guérison de la plaie, alors peut
être envisager l’utilisation des agents nettoyants ou antimicrobiens. Comme il y a toujours des exceptions à une règle, l’application
pour 15 minutes d’une solution d’acide acétique diluée suivi d’un rinçage au salin est plus efficace que l’utilisation d’antibiotiques
pour traiter le Pseudomonas et les anaérobiques qui créent des odeurs nauséabondes (Krasner et al., 2001; Sibbald et al, 2006).
27
4.3 Maintien du taux d’humidité
La troisième lettre de l’acronyme TIME, le « M » représente le maintien du taux d’humidité. Puisque la plaie doit être
maintenue humide pour faciliter la guérison, il faut prévenir la déshydratation. Il faut cependant empêcher la macération des tissus,
c’estàdire, l’absorption de l’exsudat par les tissus environnants laissant une apparence blanchâtre au pourtour de la plaie, empêchant
la migration cellulaire, favorisant la dévitalisation des tissus et l’infection. La macération est reliée à un exsudat important dû à
l’inflammation ou à l’infection qui a été mal gérée. Chez les clients porteurs de plaies aiguës, le contact de l’exsudat avec le lit de la
plaie stimule la prolifération cellulaire. Par contre, dans les plaies chroniques, il se produit le phénomène contraire car l’exsudat
contient des quantités trop importantes d’agents (MMP) autolytiques, qui décomposent les protéines matricielles (Association
européenne de gestion des plaies, 2006; Schultz et al., 2004). Le maintien du contact de l’exsudat dans une plaie chronique retarde
donc la cicatrisation.
Le pansement idéal doit absorber des quantités importantes de liquide tout en laissant la plaie humide. Pour gérer les plaies, il
existe toute une panoplie de pansements qui ont des degrés et des modes d’absorption variable. Le tableau 4.2 donne un aperçu
sommaire des différents types de pansements. Les pansements conventionnels dits passifs se limitent à recouvrir les plaies et absorber
le liquide. Les nouveaux pansements sont interactifs, ils agissent sur l’environnement des plaies pour favoriser la guérison. Ils ont des
propriétés particulières, par exemple les hydrofibres ont une absorption verticale, c'estàdire que l’exsudat absorbé montera vers le
28
haut du pansement à la place de s’étendre en largeur du pansement protégeant ainsi les bords de la plaie de la macération. De plus en
plus de pansements, comme les alginates, forment un gel au contact de l’exsudat ce qui permet une bonne absorption, garde le milieu
humide et diminue les traumatismes du retrait des pansements. Il existe maintenant des pansements dits bioactifs qui libèrent des
substances pour favoriser la guérison de la plaie (Moulin, 2002c).
La plaie évolue avec le temps. Il faut donc adapter le pansement au stade de la plaie et évaluer régulièrement la quantité
d’exsudat et adapter le type et sa fréquence des changements.
29
Tableau 4.2 Pansements et produits pour les plaies (Association canadienne du soin des plaies, 2006; Calianno et Jakubek, 2006a; Calianno et Jakubek, 2006b; CLSC CôtedesNeiges, 2004; ForestLalande, 2006; Hess, 2005; Moulin, 2002c; Moulin,
2002d; Schultz et al., 2003) Type de pansement / Catégorie / exemple
Description Indications Degré d’absorption
Avantages Inconvénients
Gaze (P) Ex : 4"x 4"
Compresse de gaze tissée
Plaie aiguë peu exsudative
Peu ↑ si chiffonnée
Faible coût Passif Si humide permet passage bactéries
Mousse (I)
Ex : Biatain Allevyn, Mepilex
Membrane hydrocellulaire en polyuréthane recouvert d’un film qui crée barrière antibactérienne en format adhérent ou non adhérent
Peut être gardé de 24 hrs à 7 jrs Peutêtre utilisé comme pans. primaire ou secondaire
Modéré à abondant
Crée isolation thermique et milieu humide Les non adhérents se taillent à la forme de la plaie et les adhérents stabilisent le pansement
Ne pas installer de mousses occlusives sur plaie infectée ou ++ exsudative
Hydrocolloїde (I)
Ex : DuoDERM, Comfeel, RepliCare
Pans. occlusif en feuille ou semiocclusif en gel composé d’une membrane hydrophile de gélatine et pectine et d’une matrice hydrophobe de CMC
En place de 3 à 7 jrsUtilisé comme pansement primaire ou secondaire
Peu à modéré Différente forme et format (pâte et pans.) Procure environnement humide, favorise débridement et granulation bon isolant thermique Barrière aux bactéries extérieures
Utiliser avec précautions sur la peau fragile, ne pas utiliser si infection ou ++ drainage Crée odeur caractéristique
Alginate de Calcium (I)Ex: Algisite M, Melgisorb, Cutinova, KALTOSTATt, Curasorb, SeaSorb,
Pansement dérivé d’algues brunes qui se gélifient au contact du liquide feuilles ou mèches fibreuses
En place de 12 à 72 hrs Pour plaie rouge avec écoulement important
Important Peu absorber jusqu'à 20X son poids moléculaire
Facilite le débridement autolytique Maîtrise les saignements légers post débridement biodégradable
Si l’écoulement n’est pas assez abondant déshydratera la plaie Doit être recouvert d’un pansement secondaire
30
Type de pansement / Catégorie / exemple
Description Indications Degré d’absorption
Avantages Inconvénients
Hydrofibre (I) Ex : AQUACEL
Pad ou mèche fait de CMC (carboxyméthycellulose sodique)
Ulcère, abrasion, lacération, brûlure, plaie guérison par 2 e intention
bon Confortable L’exsudat forme un gel Retrait facile Peu être laissé en place 7 jrs ou jusqu'à saturation
Nécessite un pansement secondaire
Non adhérente (P) Ex : Telfa™, Alldress®, Melolite™
Compresses de viscose Changer die Sutures Lacération ou brûlure superficielle
Très faible sauf pour Melolite absorption légère
N’adhère pas à la plaie Facile d’utilisation N’absorbe pas le gel Facilite l’application d’agents topiques
Peut créer macération au pourtour Doit être recouvert pans. secondaire
Tulle gras (P) Ex : Adaptic®, Jelonet ™Mepitel®
Tulle imprégné de gelé de pétrole à changer die
Tulle imprégné de silicone à changer q 57 jrs
Sutures Plaie superficielle, brûlure, greffon
Perméable Empêche l’adhérence à la plaie
Ne favorisent pas cicatrisation en milieu humide
Pellicule transparente (I)
Ex : OpSite, Tegaderm, Bioclusive
Membrane de polyuréthane semi perméable et adhésive
Primaire pour protéger une zone de friction (ex : coude) sensible (réépitélisation) ou un accès veineux ou s/c Secondaire
Non absorbant mais permet l’évaporation de l’eau vers l’extérieur
Imperméable de l’extérieur vers l’intérieur Barrière aux bactéries de l’extérieur Plusieurs grandeurs et existe sous vaporisateur Peut être gardé ad 7jrs
Ne peut être utilisé sur une plaie infectée ou en drainage
Écran protecteur (P) Ex : SkinPrep, AllCare, Cavillon
En tampon applicateur ou en vaporisateur
Au pourtour de la plaie pour protéger la peau
N/A Cavillon ne contient pas d’alcool
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Type de pansement / Catégorie / exemple
Description Indications Degré d’absorption
Avantages Inconvénients
Gels (I) Hydrogel amorphe :
IntraSite Gel, En feuille : NUGEL,
CURAGEL Avec NaCl : Normlgel Hypertonique :
Hypergel
Produit hydratant contenant eau stérile et CMC ou NaCl
NaCl à la place du CMC Ajout NaCl 20%
En place 24 hrs dans une cavité sinon jusqu’à 72 hrs pour ulcères Imbibé dans une mèche ou une gaze pour combler les espaces morts,
peu Peut réhydrater une plaie sèche Favorise le débridement autolytique
Doit avoir pansement secondaire Risque de macération au pourtour Peu efficace sur plaie exsudative ++ Hypergel peut causer sensation de brûlement
Antiseptique (I) Ex : Iodosorb
Bactigras™
SofraTulle®
Avec argent (I) Ex : Aquacel Ag, Acticoat, sylverleaf, Actisorb plus
Pâte de cadexomère d’iode (tube ou plaquette)
Tulle gras imprégné d’acétate de chlorexidine BP à 0.5%
Tulle imprégné de sulfate de framycétine
Plaie exsudative en colonisation critique ou infecté
Plaie aiguë Brûlure superficielle
Plaie en colonisation critique ou infecté
Bon
Nul
Aquacel Ag Bonne absorption, les autres non absorbant
Forme un gel qui absorbe l’exsudat et relâche l’iode proportionnellement
Non adhérent
À large spectre
Allergie possible ! aux personnes avec trouble de thyroïde, maladie de Graves et femmes enceintes ou allaitantes
! aux allergies à l’argent On doit utiliser de l’eau stérile pour nettoyer la plaie
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Type de pansement / Catégorie / exemple
Description Indications Degré d’absorption
Avantages Inconvénients
Hypertonique (I) Ex : MESALT
Pans. de rayonne et polyester imprégné de cristaux de NaCl à 15%
bon Nettoie la plaie Ne pas utiliser sur plaie sèche Peutêtre douloureux
Contrôle des odeurs Ex : Carbonet, CarboFlex®, Actisord Silver 220®
Pansement de charbon activé
Plaie malodorante Recouvre le pansement
Non absorbant Contrôle des odeurs Carbonet peut être réutilisé si non souillé
$$ doit s’assurer que les bords sont bien scellés pour prévenir odeurs
Composite (I ou P) Ex : CarboFlex®
Les pansements composites sont des pansements multicouches de divers produits existants, leurs usages et leurs caractéristiques varient
Diminue le nombre de pansement à utiliser
$$
Facteurs de croissance (B) Regranex®
Gel contenant des polypeptidique (substance nécessaires à la cicatrisation et des cytokines (médiateurs cellulaires)
Ulcère diabétique N/A Favorise la prolifération cellulaire, assure la communication entre les cellules, stimule la croissance cellulaire
$$$
Substituts cutanés (B) Épicel (1) Integra, Dermagraft, Alloderm (2), Appligraf (3)
1Greffe épidermique (autogreffe de kératinocytes de culture) 2 Greffe dermique (provenance diverse; collagène bovin, peau de donneur décédé, fibroblastes de prépuce provenant de la circoncision de nouveaunés) 3 Greffe dermoépidermique (combinaison de : kératinocytes, fibroblaste de prépuce et de collagène de bovin)
N/A Pour : Brûlure, plaie chirurgicale, ulcère chronique des MI
$$$ requière compétences infirmières avancées
33
4.4 Épidermisation à partir des bords
La dernière lettre du TIME, le « E », signifie l’épidermisation à partir des berges. Comme il a déjà été mentionné, les cellules
épidermiques migrent du pourtour de la plaie vers le tissu de granulation faisant avancer les bords de la plaie. Les berges de la plaie se
doivent donc d’êtres sains et attachés au lit de la plaie. Si les bords sont détachés, il y a des espaces sousjacents (voir encadré). Ces
espaces doivent être comblés par des mèches ou débridés chirurgicalement.
Une matrice intacte doit tapisser le fond de la plaie. Les kératinocytes doivent être bien synchronisés, bien se mouvoir et adhérer
à la matrice. Pour évaluer s’il y a migration et réépithélisation, il est important de mesurer à intervalles réguliers la superficie de la
34
plaie, par exemple, une fois semaine (Falanga, 2004). Flanagan (2003) prédit que si dans les deux à trois premières semaines une plaie
diminue de 20 à 40 % de la surface, elle guérira. Si elle stagne pendant plusieurs semaines, c’est l’échec de cette étape. Les causes de
non guérison peuvent être un stade de colonisation critique ou même d’infection, une non réponse des kératinocytes et /ou fibroblastes,
une réponse inflammatoire prolongée, une augmentation de l’activité protéolytique ou une déshydratation (Falanga, 2004). Le pH trop
alcalin, l’hypoxie cellulaire, des traumatismes répétés dus aux changements de pansement, une hyperkératose, un calus aux bords de la
plaie entrainent un retard de cicatrisation. Le rôle de la clinicienne est de découvrir et traiter la cause, par exemple : débrider
l’hyperkératose au pourtour d’une plaie du pied diabétique. Il faut aussi combler les espaces morts et les sinus avant de permettre la
fermeture de la plaie en superficie pour évacuer l’exsudat et prévenir les abcès. Si malgré les efforts et la correction des causes il n’y a
toujours pas de diminution de la superficie, nous devons penser à utiliser des thérapies avancées comme les pansements biologiques.
Compte tenu que chez certaines plaies l’objectif n’étant pas la fermeture de la plaie, on recherche plutôt à la stabiliser, à diminuer la
charge bactérienne, à minimiser le nombre de changement de pansement et diminuer la douleur (Association canadienne du soin des
plaies, 2006).
35
5. GESTION DE LA DOULEUR
La douleur reliée aux plaies, selon la perspective du patient, est souvent sous estimée ou même non évaluée. Le client doit
participer activement au processus d’évaluation et de gestion de la douleur car il est le spécialiste de sa douleur étant le seul à la
ressentir. La définition de la douleur reliée aux plaies, la physiologie et l’évaluation de cette douleur et finalement les
recommandations de gestion de la douleur font l’objet de la prochaine partie. Ces éléments apporterons un plus à la qualité des soins
car la compassion à elle seule ne peut enlever la douleur et l’ignorer risque que de l’empirer.
5.1 Définition de la douleur relié aux plaies chroniques
La douleur est une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable… » (Boissonneault et Fortin, 2006, p.101) La
définition retenue pour la douleur des plaies chroniques nous vient du modèle conceptuel de Krasner (1995), modèle repris par
plusieurs auteurs, décrivant la douleur des plaies chroniques comme : « le phénomène complexe et subjectif d’un inconfort
extrême expérimenté par une personne en réponse à une lésion de la peau et/ou des tissus. » (traduction libre p.22). La douleur
peut être de type nociceptive, c'estàdire reliée à l’activation de neurofibres nociceptives comme nous le verrons dans la
physiopathologie de la douleur. Elle peut aussi être de type souffrance, c'estàdire reliée à un état de détresse, une émotion facee à un
événement(Boissonneault et Fortin, 2006). Cette dernière peut se rapporter à des évènements extérieurs à la plaie comme une situation
36
familiale difficile ou reliée à la plaie comme la modification de l’apparence physique. Ces éléments se doivent d’être pris en compte
dans l’approche globale au client. Ce n’est pas une plaie qui est soignée mais une personne porteuse d’une plaie.
Différents concepts ont été élaborés pour décrire l’expérience de la douleur et de ses composantes. Il y a six composantes ou
dimensions de la douleur décrites afin de l’apaiser ou de l’activer : les composantes : affective (l’impact émotionnel : la peur, la
souffrance, la colère…), comportementale (réaction comportementales), cognitive (les croyances, attitudes et les stratégies mises en
place…), sensorielle (la perception de la douleur), physiologique (la transmission des stimuli nociceptifs) et la dimension
socioculturelle (l’impact sur son système social) (Boissonneault et Fortin, 2006; Association européenne de gestion des plaies, 2003).
Il faut tenir compte de ces composantes dans l’évaluation de la douleur ce qui nous permet d’agir sur différents facteurs.
Dans le modèle de Krasner (1995), trois sous concepts de la douleur des plaies chroniques décrivent les diverses expériences de
douleurs ressenties : la douleur aiguë non cyclique, la douleur aiguë cyclique et la douleur chronique. Leurs définitions se retrouvent
dans le tableau cidessous.
Douleur aiguë non cyclique « Un épisode unique d’une douleur aiguë » Douleur aiguë cyclique « douleur aiguë périodique et récurrente due aux traitements ou aux interventions
répétées » douleur iatrogène, douleur dont le client se souvient et qu’il peut anticiper comme les changements de pansements ou les positionnements.
Douleur chronique « douleur persistante qui se produit sans manipulation », sans interventions cliniques, douleur d’arrière plan associé à l’étiologie sousjacente à la plaie comme la douleur reliée à l’insuffisance artérielle
Traduction libre, Krasner (1995) (p.22)
37
Son modèle, synthétisé à la page suivante, suggère une évaluation biopsychosocial qui inclut l’évaluation de la durée, de
l’intensité et des caractéristiques de la douleur. Cette évaluation doit inclure l’histoire de cette douleur avec sa nature, son début et les
facteurs d’exacerbation ou de soulagement et les six composantes énumérées plus haut. Une personne qui expérimente une plaie vivra
souvent les trois types de douleur conjointement ou en alternance. Le client peut avoir une douleur de fond présente constamment
(chronique) et présenter une douleur aiguë lors des changements de pansements (aiguë cyclique). Chaque type de douleur se doit
d’avoir des interventions appropriées et spécifiques. L’utilisation d’agents pharmacologiques comme les narcotiques, les anesthésiants
(local, épidural ou général), les médicaments adjuvants et les antiinflammatoires font partie de ces interventions. De plus, des agents
non pharmacologiques comme les exercices de relaxation, l’éducation, la chirurgie, les pansements non adhérents, le repos et plusieurs
autres traitent les composantes non physiologiques et les pathologies sousjacentes à la plaie. Par exemple, donner une anesthésie
générale pour faire un débridement de plaie et apaiser la douleur aigue non cyclique, une injection de narcotique 30 minutes avant la
réfection d’un pansement pour une douleur aigue cyclique et un antibiotique pour une douleur chronique reliée à un processus
infectieux.
38
Modèle proposé par Krasner (1995, p.21) pour l’expérience de la douleur reliée aux plaies chroniques (traduction libre)
Évaluation biopsychosocial et
Durée de la douleur Intensité de la douleur
Caractéristiques spécifiques de la douleur
Douleur aiguë non cyclique Douleur aiguë cyclique Douleur chronique Ex : retrait d’un drain, débridement au bistouri
Ex : Changement de pansement die ou mobilisation et positionnement
Ex : douleur persistante sans manipulation
↓ Plan ↓
↓ Plan ↓
↓ Plan ↓
Interventions cibles Pharmacologiques et non pharmacologiques ex : anesthésiants locaux ou topiques avant l’intervention
Interventions cibles Pharmacologiques et non pharmacologiques ex : pansements qui diminue la douleur, période de repos lors du changement de pansement, dispositifs de soulagement de la pression
Interventions cibles Pharmacologiques et non pharmacologiques ex : analgésiques donnés régulièrement, stratégies de relaxation, TENS
↓ Évaluation
↓
↓ Évaluation
↓
↓ Évaluation
↓
39
5.2 Physiologie de la douleur reliée aux plaies
La douleur nociceptive ou aiguë reliée aux plaies débute par une lésion ou un stimulus de douleur (limité dans le temps) à la
peau ou aux tissus souscutanés. Les cellules endommagées lors des lésions libèrent des médiateurs inflammatoires (histamine,
prostaglandines, bradykinine) et d’autres substances chimiques (K+, acide arachidonique…) qui dépolarisent différents neurones de
la douleur (neurones primaires afférents amyéliniques et finement myéliniques) pour déclencher un potentiel d’action et faire voyager
l’influx nerveux vers la moelle épinière jusqu’au cerveau. Celuici interprète ces stimuli comme étant de la douleur.
En réponse à ces stimuli, le cerveau envoie un message qui modifie la transmission des influx nerveux en libérant un
mélange de médiateurs de douleur qui ont pour effet de modifier le seuil de sensibilité à la douleur, le seuil nécessaire au
déclenchement d’un potentiel d’action. Ils modifient ainsi la réaction aux stimuli à la région lésée mais aussi au pourtour de la lésion.
Ce qui a pour conséquence de rendre cette région particulièrement sensible à la douleur (hyperalgie) et de percevoir même un stimulus
inoffensif comme de la douleur (allodynie). Le simple geste de toucher à la peau en périphérie peut alors déclencher un signal qui sera
perçu par le cerveau comme une douleur. On se doit donc être très vigilent lors du changement des pansements afin de diminuer les
stimuli tactiles qui peuvent déclencher des douleurs qui semblent aux yeux de l’intervenant être « hors de proportion par rapport au
stimulus » (Association européenne de gestion des plaies, 2003, p.11).
Normalement, ces changements sont réversibles et disparaîtront au cours de la guérison. Par contre, si la région tissulaire est
40
importante, s’il y a atteinte nerveuse ou prolongement de la réponse inflammatoire, la situation peut évoluer vers la douleur chronique
(qui dure plus de 7 semaines) (Association européenne de gestion des plaies, 2003). Certains clients peuvent éprouver des sensations
modifiées reliées à des lésions nerveuses au site de la plaie (douleur neuropathique). Dans ces cas, les analgésiques sont peu efficaces
pour soulager les douleurs et une combinaison d’analgésiques et de médicaments adjuvants comme les antidépresseurs tricycliques
(nortriptyline ou désipramine) et les anticonvulsivants (gabapentine) est recommandé (Sibbald et al., 2006).
5.3 Évaluation de la douleur
L’évaluation de la douleur est importante dans le traitement des plaies. Krasner et al. (2001) la voient même comme le 5 e signe
vital. Son évaluation est complexe car elle est reliée à divers facteurs d’ordre à la fois biologique, psychologique et social. Une
approche large et holistique doit être utilisée ce qui permet de l’évaluer sous toutes ses dimensions. Une évaluation initiale complète
puis une réévaluation régulière sont nécessaires car les changements dans la douleur apportent de nombreuses informations comme la
guérison, un signe d’inflammation ou d’infection, l’efficacité ou non du traitement. L’évaluation de la douleur et de la peur de la
douleur sont primordiales. Une douleur non résolue peut modifier la réponse immunitaire, causer une libération de cortisol et activer la
branche sympathique causant une hypoxie cellulaire et ainsi être associée à un retard de fermeture de la plaie (Reddy, Kohr, Queen,
Keast et Sibbald, 2003; Sibbald et al., 2006). Pour son évaluation, il existe toute une gamme d’outils qui varient en complexité et qui
41
permettent d’effectuer une évaluation sommaire ou complète de la douleur. Les outils varient des échelles visuelles analogues aux
questionnaires multidimensionnelles. Ces derniers sont surtout utilisés dans les cliniques de douleurs. L’évaluation de la douleur peut
être un défi chez certaines clientèle comme telle que personnes âgées présentant des déficits cognitifs.
La clinicienne doit procéder sans faute à l’évaluation de la douleur chez tous patients qui se présentent avec une plaie. Les
éléments à évaluer sont :
Ø L’histoire de cette douleur : Le temps et le moment où elle a débuté et ses caractéristiques à ce moment;
Ø Le début et la durée de la douleur : pour déterminer si la douleur se situe dans les sous catégories de douleur aiguë ou
chronique. Par exemple : douleur qui dure depuis plusieurs semaines de façon constante par rapport à une douleur qui
débute avec le retrait du pansement et qui dure deux heures.
Ø L’intensité de la douleur : elle peut être déterminée par les échelles de douleur, l’échelle appropriée varie selon le client, son
âge et ses capacités cognitives
Ø La ou les régions des douleurs : dans la plaie, au pourtour, douleur irradiée
Ø Les caractéristiques de la douleur : La description, élancement, brûlure… pour tenter d’en déterminer la cause. Pour ce faire
utiliser des instruments comme le PQRST (Brûlé et Cloutier, 2002).
42
Ø Les facteurs qui déclenchent, exacerbent ou soulagent cette douleur : pour aider à déterminer le traitement
Ø Les impacts biopsychosociaux : pour comprendre l’impact sur la qualité de vie, les AVQ et AVD et comprendre l’expérience
vécue.
Il s’avère important de faire un suivi régulier de la douleur et de toujours utiliser les mêmes outils d’évaluation pour permettre
de comparer les résultats, d’évaluer les interventions et de les modifier au besoin. Pour les clients souffrant de douleur neuropathique il
est recommandé de référer ces personnes à des spécialistes de la douleur.
Lors de l’évaluation, il faut faire attention à ne pas embarquer dans des clichés nuisibles au patient et à son évaluation comme
celui de l’infirmière experte qui connaît la douleur du patient ou celui de faire abstraction de cette douleur en l’ignorant se disant qu’il
y a un travail à faire. Il faut utiliser l’empathie et tenter de trouver des solutions qui conviennent au client et qui lui procurent un
soulagement ou un niveau de douleur acceptable selon sa perspective. Il faut fixer avec le client des objectifs de soulagement ou de
réduction de la douleur en plus de déterminer quel sera le seuil de douleur acceptable chez ce client.
5.4 Recommandations de gestion de cette douleur
Pour gérer cette douleur, il faut suivre le paradigme des soins de plaie (Sibbald et al., 2000) et traiter la cause, faire des soins
locaux à la plaie selon le principe TIME et se centrer sur les besoins des clients (Queen, Woo, Schulz et Sibbald, 2003; Reddy et al.,
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2003). L’identification de la cause de la plaie et de la douleur permettra de traiter la plaie et la douleur reliée. Par exemple, pour une
plaie infectée, l’antibiothérapie s’attaquera à l’infection ce qui permettra la guérison de la plaie et diminuera l’inflammation
responsable de l’envoie des signaux nociceptifs. La radiothérapie ou la chirurgie diminuera la pression d’une masse cancéreuse.
L’inflammation étant souvent le stimulus déclencheur de la douleur, il faut souvent la contrôler (utilisation d’antiinflammatoire). Si
c’est impossible, on doit empêcher l’influx nociceptif (analgésiques non opioïdes ou opioïdes selon l’intensité de la douleur) ou
stabiliser la membrane cellulaire ou l’irritabilité des nerfs (médicaments adjuvants) (Reddy et al., 2003). Il faut porter une attention
particulière aux barrières socioculturelles et aux peurs face à l’utilisation de la médicamentation. La douleur chronique se doit d’être
traitée par une médication régulière avec l’ajout d’entre dose ou de médicaments d’appoint pour les douleurs aiguës comme
lors du changement de pansement. L’échelle analgésique de l’Organisation mondiale de la santé peut être utilisée pour le choix de
l’analgésique selon une approche séquentielle du traitement de la douleur (Sibbald et al., 2006). Les thérapies cognitivo
comportementales (Boissonneault et Fortin, 2006) qui visent à modifier les éléments affectifs, cognitifs ou comportementaux de la
douleur sont aussi des approches peuvant être utilisées. Se retrouvent parmi ces approches la relaxation, les exercices de respiration, la
méditation, la visualisation et l’enseignement. Parmi les autres traitements il y a les traitements non pharmacologiques 30 comme les
positionnements, la stimulation cutanée ou la pression (acuponcture, massages…), la thermothérapie ou la cryothérapie.
Parmi les soins locaux de la plaie certains réduiront la douleur. Par exemple, le choix d’un pansement non adhérent à la plaie
44
diminue les traumatismes au lit de la plaie; un pansement qui garde le milieu humide, diminue le prurit associé à la déshydratation ou
un pansement qui protège l’épiderme au pourtour diminue la douleur au retrait du pansement.
Le client au centre de la problématique vit une expérience qui va au delà de la seule lésion tissulaire. La douleur et l’anxiété
doit être abordée avec le client. Il faut utiliser une approche qui tient compte de sa perception de son état de santé et de ses objectifs
personnels. L’attitude des soignants et de l’entourage de la personne affecte la personne et sa réponse face à la guérison. Il faut inclure
le client dans l’évaluation et les décisions selon ses objectifs. Il faut évaluer s’il n’existe pas d’autres problématiques qui influenceront
la guérison comme l’anxiété, la dépression et s’assurer que des traitements non pharmacologiques sont utilisés conjointement et que le
client y participe.
Finalement, il ne faut pas oublier de réévaluer la douleur de façon régulière (Krasner, 1997), ses changements apportant des
informations importantes et permettant d’évaluer le traitement et de le modifier au besoin.
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6. RÉFÉRENCES UTILES EN SOINS DES PLAIES
Deux organismes canadiens ont élaboré des recommandations pour le soin des plaies. Le premier, l’Association des infirmières et
infirmiers autorisés de l’Ontario (AIIAO) a dégagé des lignes directrices sur les pratiques exemplaires en soins infirmiers. Parmi
cellesci nous en retrouvons cinq sur les soins de plaies (Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario, 2005; 2004a;
2004b; 2002a; 2002b). Le deuxième organisme, l’Association canadienne du soin des plaies, a rédigé quatre documents (Burrows et
al., 2006; Keast, Parslow, Houghton, Norton et Fraser, 2006; Orsted, Searles, Trowell, Shapera, Miller et Rahman, 2006; Sibbald,
2006). Ces documents se basent sur des données probantes et sur les recommandations de l’AIIAO. Ils énoncent des recommandations
plus explicites quand aux modes de traitement et ont l’avantage d’une approche multidisciplinaire. De plus, le document sur la
préparation du lit de la plaie (Sibbald et al., 2006), apporte un élément sur les plaies chroniques en général, élément manquant dans les
pratiques exemplaires de l’AIIAO qui ne traite que des ulcères veineux, de pression et du pied diabétique.
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7. CONCLUSION
Un bref aperçu des thèmes de la physiologie de la cicatrisation, de la cicatrisation en milieu humide, de la préparation du lit de la
plaie et de la douleur relié aux plaies se retrouvent dans ce document. Il aidera certainement à évaluer et comprendre le processus de
guérison ou de stagnation des plaies chroniques. Expliquer pourquoi elles nécessitent des soins particuliers tels que le débridement, le
contrôle de l’infection et le maintien du milieu optimal. Maintenant que certains principes de base sont acquis, des lectures
complémentaires permettront de les approfondir ou de les enrichir. Les documents sur les recommandations en pratiques exemplaires
(Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario, 2002a; Falanga, 2000; Lazarrus, 1994; Moulin, 2002d) seraient un
atout pour l’infirmière qui désire parfaire ses connaissances ou approfondir un type de plaie en particulier tel que le pied diabétique,
l’ulcère veineux ou les plaies de pression.
Un élément à ne pas oublier lors du soin des plaies : un client est traité, il une être unique qui a une plaie unique. Il n’y a pas de
recette miracle, il n’y a pas de chemin linéaire à suivre. Il faut se questionner et s’ajuster à la personne, lever les yeux de la plaie et
comprendre son environnement. Bien sûr plusieurs sujets n’ont pas été couverts tels que les notes au dossier et la classification des
plaies. Ce sont des sujets très intéressants et importants qui pourraient à eux seuls faire l’objet d’un nouveau fascicule. Il ne faut jamais
arrêter de se questionner et de consulter les collègues : chacune a des expériences qui se devraient d’être partagées et desquelles on
peut apprendre.
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8. GLOSSAIRE
Terme Définition
Allodynie « Sensibilité accrue – de telle sorte qu’une stimulation normalement inoffensive, devient douloureuse » (Boissonneault et Fortin, 2006, p.10)
Autolyse Autodestruction, dissolution autonome
Biofilm « Micro colonies de bactéries qui prolifèrent et s’attachent au lit de la plaie et sécrètent une enveloppe qui les protègent des agents antimicrobiens » (Moulin, 2002b, p.28)
Déhiscence Ouverture des lèvres de la plaie
Douleur neuropathique
Douleur chronique indépendante d’un stimulus perçue comme un brûlement, un élancement, en coup de poignard ou des chocs électriques résultant de l’atteinte des nerfs périphériques ou centraux souvent associée aux personnes diabétiques (Moulin, 2001b; Moulin, 2002d).
Hyperalgie « Sensibilité accrue à la stimulation douloureuse ou nociceptive (soit potentiellement dangereuse) » (Boissonneault et Fortin, 2006, p.10) « à la suite d’une lésion tissulaire aiguë, ou en la présence d’un état inflammatoire continu » (ibid, p.8)
Macrophage Cellules issues des monocytes qui ingèrent et détruisent les particules tel que les cellules lésées et les corps étrangers (Larousse médical, 1995).
Neutrophiles Globules blancs capables de phagocytose, d’absorber et digérer les bactéries (Larousse médical, 1995).
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9. RÉFÉRENCES
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53
10. APPENDICE
Algorithme de débridement (Fletcher, 2005, p. 387)
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