Comment augmenter la consommation de légumes en Europe ?
L’augmentation de la consommation de fruits
et légumes constitue un enjeu de santé publique
et fait l'objet de recommandations nutritionnelles au
niveau européen. Or, en dépit des politiques menées
et de la connaissance par les consommateurs des
vertus des fruits et légumes, le constat est sans
appel : une majorité d'Européens ne parvient pas
à suivre les recommandations en la matière. En
Europe, la consommation moyenne de fruits et
légumes n’est que de 220 g/personne/jour pour les
adultes, au lieu des 400 g (au minimum) recommandés
par l’Organisation mondiale pour la santé (OMS).
Quels sont les déterminants et les obstacles à cette
consommation ? Et, surtout, comment les lever ?
Depuis plusieurs années, de nombreuses actions sont
!"#!$%&'(%)'&*+!%,-."$%/!%012".-"%&3%"%/!%+#4-"/+!%
5%,!$%)'!$*.-"$%!*%/!%/#3%".+%/!$%$*+&*#6.!$%!73%,&,!$%
d’augmentation de la consommation de fruits et
légumes. Sans prétention à l’exhaustivité, la Fondation
Louis Bonduelle vous livre dans ces quelques pages un
état des lieux de la consommation des fruits et légumes
en Europe… et des pistes pour la faire augmenter.
Aujourd’hui, en Europe, six des sept principaux facteurs de risque de mort prématurée chez les adultes sont
associés à notre façon de manger, de boire ou de bou- !"#$%&!$'(&)(**+,-(&$-&)./0$)+&,!$1!$/".-,)$!,$23 .*!)$
fait partie de ces six facteurs. Un chiffre évocateur : seulement 27 % des mères européennes consomment plus de 400 g de ces aliments par jour, comme le recom-mande l’Organisation mondiale pour la santé (OMS). Bien sûr, il s’agit d’une moyenne et il existe des disparités,
non seulement en fonction des régions, celles du Sud présentant de meilleurs résultats que celles du Nord, mais aussi en fonction du statut socio-économique des individus. Des disparités qui laissent entrevoir l’ampleur du problème : les déterminants de la consommation de fruits et légumes sont multiples, les obstacles nombreux et, pour être efficaces, les interventions visant à l’aug-menter se doivent donc d’agir sur plusieurs leviers à la fois. z
«Plus personne n'ignore aujourd'hui qu'il est souhaitable de
consommer «au moins 5 fruits et légumes par jour». L'information
des consommateurs n'est donc pas en cause : il faut s'interroger sur
les autres facteurs qui limitent leur consommation.»
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Faire évoluer durablement
les comportements alimentaires.
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Observation Niveau et évolution de la consommation de fruits et légumes
Dans la majorité des pays européens, la consomma-tion quotidienne moyenne de fruits et légumes est évaluée à 220 g par adulte, un chiffre bien inférieur à la recommanda-tion de l’OMS qui est de 400 g minimum 1. Quant aux enfants, ils ne mangent en moyenne que 80 g de fruits et légumes par jour : on estime que seuls 6 à 24 % d’entre eux atteignent la recommandation de l’OMS. Mais, derrière cette moyenne, on observe une grande hétérogénéité entre les membres de l’Union, également retrouvée au sein des différents pays.
LA FRANCE, UN ÉLÈVE MOYEN ET REPRÉSENTATIF DES TENDANCES EUROPÉENNES2001, naissance du Programme national nutrition santé (PNNS) lancé par les pouvoirs publics français et apparition de la re-commandation désormais bien connue “manger au moins
5 fruits et légumes par jour”. Les données de la première étude Individuelle nationale des consommations alimentaires (INCA), recueillies en 1998-1999, indiquaient alors qu'environ 60 % des individus adultes consommaient quotidiennement moins de deux portions de légumes et moins d'une portion et demie de fruits. Huit ans plus tard, l’enquête INCA 2, réa-lisée en 2006-2007, montre que cette consommation est restée globalement stable, chez les adultes comme chez les enfants, même si on constate une légère augmentation de la consommation de la part des femmes adultes pendant cette période. La consommation de légumes des Français stagne autour de 170 g/personne/jour chez les adultes, et de 100 g chez les enfants. Mais si elle reste globalement constante, la consommation de légumes présente de nombreux facteurs de variabilité, que l’on retrouve dans la plupart des pays européens. “Elle est plus
élevée dans le sud de la France que dans le nord, présente
un gradient croissant avec le niveau d’éducation, et varie selon
l’âge et la génération, les revenus, etc.”, détaille Lionel Lafay, responsable de l’unité observatoire des consommations ali-mentaires et épidémiologie nutritionnelle à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses, ex-Afssa). Ainsi, la consommation globale de
fruits et légumes varie de 280 à 700 g/personne/jour. Une am-plitude due principalement à la variation de consommation de 23 .*!)4$52.)$-*5(",+&,!$6.!$'!22!$1!)$/".-,)4$+7!'4$+.$0$&+24$.&$
adulte sur deux entrant dans la catégorie des “petits consom-
mateurs” de légumes (c’est-à-dire consommant moins de deux portions par jour, soit 160 g). En outre, si un senior (55-79 ans) consomme en moyenne 202 g de légumes par jour, un jeune adulte (18-34 ans) en consomme environ un tiers de moins (133 g par jour en moyenne).
DES DISPARITÉS ENTRE LES PAYS EUROPÉENSPenchons-nous maintenant sur la variabilité intra-européenne de la consommation de fruits et légumes. Les bilans alimen-taires de l’Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui indiquent les consommations
Les recommandations nationales pour la
consommation de fruits et légumes va-
rient considérablement d’une région eu-
ropéenne à l’autre. Plusieurs pays optent
pour une recommandation de consom-
mation de fruits et légumes totale, sans
différencier les deux, de 3-5 portions par
jour à 5-9 portions par jour. En revanche,
d’autres pays distinguent les fruits des
légumes. Quoi qu’il en soit, nombreux
sont les pays qui, comme la France,
mènent une campagne nationale pour
encourager la consommation de fruits
et légumes : “5 a day” en Angleterre, “6 om dagen” au Danemark, “5 am Tag” en Allemagne, “2 + 2 a day” aux
Pays-Bas, etc. “Cependant, certains pays nordiques et d’Europe de l’Ouest
prennent en compte des niveaux -&)./0$)+&,)$1!$ /".-,)$!,$ 23 .*!)$1+&)$
leur politique nutritionnelle nationale”, déplore Laura Fernandez-Celemin,
!"#$%"&'(!) *!") &++&, !") "-,!%.,/)01!")
au Conseil européen d’information sur
(2&(,3!%.&.,$%)451/)-67)
D’après les Rencontres de la Fondation Louis
Bonduelle, Paris, juin 2010.
Des recommandations pas toujours identiques en Europe
De par leur composition nutritionnelle, les légumes sont
de faibles vecteurs caloriques et lipidiques, et contri-
'1!%.) (& 8!3!%.) &19) &##$ .") !%) /)' !") !.) !%) 3,- $:
nutriments. Ils représentent le premier vecteur de fibres
*!") !%+&%.") 4;<)=6) !.) (!) "!-$%*) *!") &*1(.!") 4;>)=6?)
derrière les produits de panification. En parallèle, ils
constituent le premier vecteur de bêta-carotène et de
vitamine B9 des adultes et des enfants. Ils figurent
également parmi les cinq plus forts contributeurs des
apports en vitamines B1, B5, B6 et C des adultes. En-
fin, les légumes sont la première source de potassium
*!")&*1(.!")4(&). $,",@3!)*!")!%+&%."6)!.)+,81 !%.)#& 3,)
les cinq contributeurs principaux de cuivre, fer, ma-
gnésium et manganèse des adultes et des enfants. Ils
contribuent également à 5 % de l’apport en calcium
des adultes.
D’après les Rencontres de la Fondation Louis Bonduelle,
Paris, juin 2010.
Apports nutritionnels des légumes
dans la population française
>>
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DUTOURDUMONDE - FOTOLIA.COM
En Pologne, la consommation journalière de légumes
chez les adultes s’élève à 295 g et celle de fruits à 282 g.
En Angleterre, la consommation moyenne de fruits et
légumes des jeunes femmes est de 3,1 portions, soit
250 g par jour.
Au Portugal, les enfants consomment 112 g de légumes
par jour, dont 55 % sous forme de soupe, contre seule-
ment 54 g en Espagne et 80 g en France.
En Roumanie, 84 % des adultes consomment moins
80 g de fruits et légumes par jour.
L’apport moyen de fruits et légumes transformés est de
26 g/personne/jour en France, contre 56 g en Italie et
4 g à Chypre.
D’après les Rencontres de la Fondation Louis Bonduelle, Paris,
juin 2010, et la Conférence EGEA, Bruxelles, mai 2010.
Quelques chiffres
de consommation par pays
apparentes totales de fruits et légumes, soulignent des écarts importants entre les pays de l'Europe du Sud, forts consommateurs sur la scène internationale, et les pays de l’Europe du Nord et de l'Est, faibles consommateurs. L’étude EPIC, menée dans 27 centres de santé répartis dans dix pays !."(53!&)4$ '(&0"*!$ 6.!$ 2+$ '(&)(**+,-(&$ 1!$ /".-,)$ !,$ 23-gumes est plus importante dans les pays méditerranéens et que la consommation la plus faible est enregistrée en Scan-dinavie et aux Pays-Bas, pour les hommes comme pour les femmes 2#$8!$ "+1-!&,$9("1:;.1$!&$<."(5!$!),$'(&0"*3$5+"$
l’étude DAFNE, basée sur les achats des ménages 3. Toute-fois, les enquêtes de consommation menées dans différents pays scandinaves, telles que l’étude Monica en Suède 4, l’AVTK-survey en Finlande 5 ou l’étude nationale de consom-mation alimentaire individuelle au Danemark 6, montrent une augmentation des consommations de fruits et légumes dans ces pays traditionnellement faibles consommateurs. A terme, si cette tendance se poursuit, ce gradient Nord-Sud pourrait donc s’amenuiser. En outre, si la consommation de fruits et légumes reste insuf-0)+&,!$1+&)$2+$52.5+",$1!)$5+=)$1!$2>%&-(&4$!22!$2>!),$!&'("!$
plus dans les populations à faibles revenus. Par exemple, la consommation journalière de fruits et légumes des per-sonnes en situation de précarité ne serait que de 2,1 portions
(1,2 portions de fruits et 0,9 de légumes, soit 170 g au total) en France 7 et ne dépasserait pas 2,5 portions (soit 200 g) en Angleterre, où seulement 9 % des jeunes femmes suivraient les recommandations 8. z
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“Plus personne n'ignore aujourd'hui qu'il est sou-
haitable de consommer “au moins 5 fruits et légumes par jour”. L'information des consommateurs n'est donc pas en
cause : il faut s'interroger sur les autres facteurs qui limitent
leur consommation”, constate le Pr Pierre Combris. Ces fac-teurs, les experts commencent à les connaître. Âge, sexe et statut socio-économique doivent être combinés à d'autres
déterminants, tels que les préférences alimentaires, les connaissances et les compétences culinaires, ainsi que l'ac-cessibilité aux produits. Sans en oublier d’autres, d’ordre personnel, tels que les contraintes de temps, les valeurs personnelles, la conception d'un régime alimentaire équili-bré ou le manque de contrôle sur son alimentation. A cela, viennent s’ajouter les facteurs liés à l'environnement
Déterminants et obstacles à la consommation de fruits et légumes
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Faire évoluer durablement
les comportements alimentaires.
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Tous les pays européens ne partagent pas le fait que les gens
ayant un haut niveau d’éducation mangent davantage de lé-
gumes que ceux des groupes socio-économiques plus bas.
A%!)B01,#!)/)%(&%*&,"! 22 a comparé les relations entre statut
socio-économique et consommation de légumes dans neuf
pays de l’Union (Allemagne, Danemark, Espagne, Estonie,
C,%(&%*!?)C &%-!?)D.&(,!?)E!..$%,!)!.)E,.1&%,!67)5%)C &%-!?)!%)
Italie et en Espagne, le niveau d’éducation se révèle peu in-
F)1&%.)"1 )(&)-$%"$33&.,$%)*!)(B813!")G)(!")#(1")*,#(H3B")
consommeraient légèrement moins de légumes que les
autres. En revanche, dans les pays nordiques et baltiques, la
!(&.,$%)!".)+$ .!)!.?)I)(2,%J! "!?)(!")#(1")*,#(H3B")"$%.)"$1:
vent des consommateurs quotidiens de légumes. Ces résul-
tats suggèrent qu’une association positive entre le niveau
d’éducation et la consommation de légumes est dépendante
de la disponibilité et de l’accessibilité des légumes. En effet,
c’est dans les pays où la disponibilité des légumes est faible
!.)(!")# ,9)B(!JB")01!)(!)%,J!&1)*2B*1-&.,$%),%F)1!)#$",.,J!:
ment sur leur consommation.
Des déterminants variables selon les contextes
social, parmi lesquels le regard des autres, la pres-)-(&$)('-+2!$(.$2!$*(1?2!$/+*-2-+2$1!$"!5+)4$6.-$-&@$.!&'!&,$
les préférences alimentaires et guident les choix et com-portements alimentaires 9. Et si la consommation de fruits et légumes stagne en dépit des campagnes publiques de promotion de la nutrition et de la santé, on ne peut qu’en conclure que, parmi ces facteurs, se cachent des obstacles.
ÂGE ET COMPOSITION DU MÉNAGE : DEUX FACTEURS CLÉSSelon les données recueillies par TNS Worldpanel en 2007 en France, les variables qui affectent le plus la consomma-tion de légumes sont l’âge et la composition du ménage. Concernant ce dernier paramètre, on observe en France que les familles avec enfants et les hommes seuls consomment moins de légumes que les femmes seules et les couples sans enfants 10. Quant à l’âge, chez les adultes, il est corrélé positivement aux quantités ainsi qu’à la variété des fruits et légumes consommés. “L'effet de l'âge est beaucoup
plus marqué pour les fruits et légumes frais que pour les
-$%"! J!")!.) (!")"1 8!(B"?)3&,") (!")# $/)(")*KBJ$(1.,$%)"$%.)
en général proches : la consommation croît régulièrement
jusque vers 60-65 ans et diminue ensuite, détaille le Pr Combris. Le point important est de bien distinguer les ef-
fets de cycle de vie de ceux de génération : à âge égal, les
jeunes générations consomment moins de fruits et légumes,
frais en particulier, que les générations qui les ont précé-
dées.” Et ces effets d’âge et de génération ne s’observent pas qu’en France. Au Royaume-Uni 11, de même qu’en Suède 12, par exemple, on observe une consommation de fruits et légumes plus faible chez les jeunes adultes que chez les
seniors. Ainsi, si les jeunes Européens d'aujourd'hui conser-7!&,$2!.")$A+B-,.1!)$+2-*!&,+-"!)$)53'-0$6.!)4$2!."$'(&)(*:
mation de fruits et légumes restera très inférieure à celle des générations précédentes. Il s’avère donc capital de combattre cette tendance porteuse, à terme, d’une forte baisse de la consommation moyenne de ces aliments santé.
LE STATUT SOCIO-ÉCONOMIQUE : DÉTERMINANT DE LA CONSOMMATION DE LÉGUMES FRAIS Le statut socio-économique des ménages, c’est-à-dire no-tamment leur revenu et leur niveau d’éducation, constitue également un déterminant fort de la quantité et de la va-riété des légumes consommés 13-14. Les données d’achats des ménages français de TNS Worldpanel 2007 révèlent que les 15 % de personnes les plus riches achètent plus de 12 kg de légumes supplémentaires par personne et par an que les plus modestes (la quantité moyenne de légumes consommés - frais et transformés, hors pomme de terre - étant de 64 kg/personne/an) 10. Mais cet effet du statut socio-économique ne se retrouve pas pour tous les types de légumes. L'équipe de l’Inra qui a analysé ces données a cherché à évaluer si les consommations de légumes frais et transformés étaient régies par les mêmes déterminants. Résultat : la consommation de légumes frais suit les mêmes déterminants que celle de légumes totaux (à savoir l’âge, la structure du ménage, ainsi que ses revenus), tandis que les achats de produits transformés restent à des niveaux com-parables pour tous les ménages. Ce sont donc les varia-tions de la consommation de légumes frais qui déterminent l’essentiel des inégalités dans la consommation totale de légumes, même si les chercheurs relèvent une diminution de la part des légumes transformés avec l’avancée en âge, ain-si que pour les revenus et niveaux de diplôme plus élevés. En cause : l’adaptation des produits transformés aux pra-tiques de consommation et une évolution des prix relatifs qui défavorise les produits frais. “De 1960 à 2005, le prix des
légumes frais a augmenté de 40 % de plus que la moyenne
des prix alimentaires, alors que celui des légumes transfor-
més a baissé de 40 % par rapport à cette même moyenne”, explique le Pr Pierre Combris. Ainsi, “les fruits et légumes
frais sont devenus aujourd’hui un véritable marqueur social”,
observe le chercheur. C+-)$ +,,!&,-(&#$ D-!&$ 6.!$ 52.)-!.")$ 5+=)$ 1E<."(5!$ '(&0$":
ment cette tendance 15-16, celle-ci ne peut être généralisée aux pays à forte production de fruits ou légumes, tels que la Grèce, l'Espagne, le Portugal, la Pologne et la Hongrie, où l’on trouve les plus gros consommateurs. On observe même dans ces pays un gradient inverse, à savoir une plus forte consommation de fruits et légumes par les personnes de faible statut socio-économique 9.
ENTRE CHOIX RATIONNEL ET DÉSIR AFFECTIF…Aux effets d'âge, de génération, de composition du ménage et de statut socio-économique viennent s'ajouter ceux relatifs aux facteurs liés aux individus ou aux produits. Parmi les facteurs liés aux produits, on pense en premier lieu au prix. En effet, comparé à celui de nombreux >>
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Augmenter la consommation de fruits et légumes est une priorité de santé publique et constitue donc l’objectif principal de nombreuses initiatives au travers de l’Europe. Les expériences en la matière ont mis en lu-*-?"!$1!)$323*!&,)$'23)$7-):F:7-)$1!$ 2>!/0'+'-,3$1!$ ,!22!)$
interventions. Ainsi, selon les conclusions de l’expertise )'-!&,-06.!$ '(22!',-7!$ 1!$ 2>G&"+4$ .&!$ +55"('A!$ !/0'+'!$
est “une approche prenant en compte différents com-
posants, axée non seulement sur les facteurs personnels,
mais aussi sur des changements dans le lieu de vie et l'en-
vironnement social du groupe cible, le support et l'implica-
tion des décideurs et représentants de la population cible
*&%")(&)#(&%,/-&.,$%)*!)(K&-.,$%)!.)"&)3,"!)!%)L1J !?)!.)"&)
durée sur le long terme”.
Interventions Lever les obstacles à la consommation
AGIR SUR L’INDIVIDUPlusieurs stratégies permettent d’impulser des changements de comportements. Le premier type d’approches consiste à jouer sur les préférences et les motivations des consomma-teurs. Il s’agit d’actions d’éducation nutritionnelle, de marke-ting informationnel et des campagnes “5 par jour”, qui visent à augmenter la demande du consommateur. L’expérience montre qu’elles ont un rôle positif, car elles améliorent les connaissances et la perception des fruits et légumes. Ce-pendant, “elles ne permettent pas de surmonter tous les obs-
tacles à la consommation”, constate le Pr Combris. Et pour cause : elles ne prennent en compte que les déterminants individuels de la consommation (connaissances, intentions, attitudes, motivations), alors que les facteurs liés à l’envi-
>>
>>
aliments énergétiques, apportant sucres et graisses en même temps que plaisir immédiat, le niveau de prix des fruits et légumes leur est défavorable, ce qui pour-rait expliquer en partie leur faible consommation dans les populations défavorisées. Et, puisque ce que nous déci-dons de manger n’est pas seulement déterminé par nos besoins physiologiques ou nutritionnels, le choix devient souvent cornélien, entre la raison qui réclame une salade de fruits et l’affect qui appelle à succomber au gâteau au chocolat. Bien plus que le prix du produit, dont la sensibi-lité est atténuée par des facteurs hédoniques et sociaux 17, c’est donc la valeur “coût/sacrifice” qui intervient dans la motivation à consommer davantage de fruits et légumes. Or, dans cette balance “coût/sacrifice”, entrent en jeu des sensations, parmi lesquelles l’amertume 18 et les odeurs de cuisson de certains légumes 19, qui ont été clairement identifiées comme des freins à leur préférence et à leur
consommation. Enfin, autre paramètre de l’équation : le temps, qui prend en compte non seulement le temps dis-ponible pour le consommateur, souvent invoqué comme frein à la consommation des fruits et des légumes 20, mais aussi le temps de conservation du produit. Ainsi, selon les habitudes d’achat et les capacités de stockage du consommateur, la périssabilité du produit peut également représenter un obstacle à l’acte d’achat 21. Dans l’expertise scientifique collective menée par l’Inra 9, Patricia gurviez, maître de conférences en marketing et comportement du consommateur à AgroParisTech, ré-sume la situation ainsi : “On peut faire le constat que, pour
beaucoup de consommateurs des pays occidentaux, les
fruits et légumes ne sont ni bons marché, ni pratiques ou
commodes, ni faciles à conserver, qu’en outre ils sont per-
çus comme consommateurs de temps pour les acheter et
les cuisiner, et demandant un certain savoir-faire.” z
Faire évoluer durablement
les comportements alimentaires.
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Les jeunes générations constituent une cible de choix
des interventions nutritionnelles, mais pourquoi ? Tout
d’abord, parce qu’elles boudent souvent les légumes,
du fait de leurs caractéristiques sensorielles et de leur
faible densité énergétique, avec pour conséquence un
haut risque de non couverture de leurs besoins en mi-
cronutriments. Ensuite, parce que les habitudes et les
préférences alimentaires se forment dès la petite en-
fance, notamment en ce qui concerne la consomma-
tion de fruits et légumes : les personnes qui consom-
ment le plus de légumes dans l’enfance sont aussi
celles qui en consomment le plus à l’adolescence et
à l’âge adulte. Enfin, parce que pour faire accepter les
légumes aux jeunes enfants, rien ne vaut des expo-
sitions répétées, lors de la diversification alimentaire,
mais aussi après 34.
Pourquoi cibler les jeunes ? ronnement social jouent un rôle tout aussi important. Ainsi,
l’éducation nutritionnelle, quels que soient la durée d’interven-tion et les arguments utilisés (positifs ou moralisateurs), aboutit rarement à un réel changement de comportement 23-24. L’impact de ce type d’interventions s’avère d’autant plus faible auprès des populations démunies, qui se trouvent dans l’incapacité de mettre les recommandations en application compte tenu de leurs habitudes alimentaires, des contraintes de leur envi-ronnement et de leur niveau de revenus 23. Quant aux outils du marketing informationnel (pyramides alimentaires, labels nutritionnels, publicité ciblée, promotion “5 par jour”), ils souffrent d’un point faible : les recomman-dations prônées semblent souvent irréalisables pour les per-sonnes concernées 25. Parmi les points à retenir, on peut tou-tefois noter l’intérêt d’informations culturellement ciblées 26, 1>+& 2!)$ 1>+,,+6.!$ 1-7!")-0$3) 27, de promouvoir plutôt une fréquence élevée de consommation qu’une augmentation de la taille des portions 28 et de mener des campagnes distinctes pour les légumes et pour les fruits 3.
MENER DES OPÉRATIONS CIBLÉES%&$1!)$*(=!&)$1>+*32-("!"$ 2>!/0$'+'-,3$1!$'!)$ -&,!"7!&,-(&)$
est de mener des actions de politique nutritionnelle ciblées sur une classe d'âge, une sous-population fragilisée, etc., et locales, c’est-à-dire à l’échelle d’une école ou d’une com-mune, par exemple. L’objectif reste de stimuler la demande par l’information et l’éducation, mais ce ciblage procure un +7+&,+ !$H$ -2$5!"*!,$1!$*(1-0$!"$ 2E!&7-"(&&!*!&,$1!)$-&1-7-:
dus en agissant notamment sur l'accessibilité des produits. Face à l’importance du déterminant socio-économique et de la faible consommation de fruits et légumes dans les popula-,-(&)$5"3'+-"!)4$-2$!),$-*5(",+&,$6.!$'!)$1!"&-?"!)$B3&30$'-!&,$
en priorité de ce type d'actions. En France, une étude a ainsi évalué l’impact, au sein d’une population de personnes dé-favorisées, d’une distribution de “chèques fruits et légumes”
7. Les résultats indiquent la possibilité de réduire, par cette méthode, la proportion des très faibles consommateurs de fruits et légumes, qui consomment moins d’une portion par jour. Ce type d’intervention étant coûteux, le ciblage spéci-0$6.!$1!)$'(&)(**+,!.")$!&$+=+&,$2!$52.)$B!)(-&$'(&),-,.!$
une piste de travail intéressante. Dans le même sens, en
Angleterre, le Healthy Strat Program s’est concentré sur les femmes, notamment enceintes ou mères d’enfants en bas âge, ayant de faibles revenus. Son évaluation a montré un impact positif : augmentation de la consommation de fruits et légumes à hauteur de 3,3 portions par jour en moyenne, +7!'$IJ$K$1!)$B3&30$'-+-"!)$6.-$+,,!- &+-!&,$2!)$"!'(**+&:
dations 29. Autre cible à privilégier : les jeunes générations. Et, pour ce faire, le milieu scolaire constitue un terrain d'expériences privilégié, soit pour des actions d’éducation nutritionnelle, soit pour la distribution de fruits et légumes, soit pour la mise en place d'activités de jardinage. Parmi les interven-tions menées sur les enfants, on peut citer le projet Pro-Children, qui visait les enfants âgés de 11-12 ans dans neuf pays européens. Les outils choisis : la distribution de fruits et légumes dans les écoles, l’organisation d’ateliers dans les classes, la diffusion de conseils personnalisés par ordi-nateur et des activités à réaliser à la maison au sein de leur famille. Les résultats font état d’une hausse importante des consommations de fruits et légumes, hausse qui a per-
E$ ")*!)(&)"!-$%*!)B.1*!),%*,J,*1!((!)%&.,$%&(!)*!")-$%"$33&.,$%")&(,3!%.&, !")4DMNO)P6?) B&(,"B!)!%)C &%-!)!%)PQQR:PQQS?)
un ensemble de questions a été posé aux participants en vue d’évaluer la prévalence d’insécurité alimentaire et de caracté-
riser les personnes dans cette situation 33. Résultat : 12,2 % de Français s’avèrent être en situation d’insécurité alimentaire,
-2!".:I:*, !)012,(")"$1++ !%.)*21%)&--@"),%"1+/)"&%.)!%)01&(,.B?)$1)!%)01&%.,.B?)I)1%!)%$1 ,.1 !)"&,%!)!.)&--!#.&'(!7)TU3!)",)
!((!")%2$%.)#&").$1V$1 ")1%)+&,'(!) !J!%1?)-!")#! "$%%!")"$%.)-$%+ $%.B!")I)*!")",.1&.,$%")/)%&%-,@ !")!9. U3!3!%.)*,+/)-,(!"7)
Leur consommation de fruits et légumes s’avère encore plus faible que les personnes à faible revenu n’entrant pas dans la
-&.B8$ ,!)*2,%"B-1 ,.B)&(,3!%.&, !?)I)"&J$, ) !"#!-.,J!3!%.)PS<)!.)WPQ)8)*!)+ 1,.")!.)(B813!")#& )V$1 7)E!1 )&(,3!%.&.,$%).B:
moigne d’une densité énergétique supérieure au reste de l’échantillon et déséquilibrée sur le plan nutritionnel. Par ailleurs,
;P?P)=?)"$,.)#(1")*!)S?<)3,((,$%")*!)C &%X&,"?)-$%. !)P?W)3,((,$%")+ B01!%.&%.)(!")-, -1,.")*!)(2&,*!)&(,3!%.&, !?)-!(&)",8%,/)!)01!)
#(1")*!)-,%0)3,((,$%")*!)#! "$%%!")!%)+$ .!)J1(%B &',(,.B)&(,3!%.&, !)%!)# $/).!%.)#&")*!)-!..!)&,*!7)Y2$Z)(2,%.B U.)*!)3!%! )*!")
actions au-delà de ce circuit en vue d’atteindre l’ensemble des personnes en situation d’insécurité alimentaire.
12,2 % de personnes en situation d’insécurité alimentaire en France
>>
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Pour augmenter la consommation de fruits et légumes,
certaines entreprises, comme la coopérative Hoogsteder
aux Pays-Bas, développent des produits attractifs pour le
consommateur. Partant du constat qu’un consommateur ne
se dirige jamais vers un produit dont il ne connaît pas le point
de maturité ni le mode de préparation, et achète souvent de
manière impulsive en fonction des connaissances dont il dis-
pose, la coopérative a développé une gamme de fruits mûrs
à point. Ceux-ci entrent dans la catégorie des aliments prêts
à consommer et permettent de guider le consommateur
*&%")"$%)8!".!)*2&-[&.7)T&,")-!)3$*!)*!)-$33! -,&(,"&.,$%)
a des limites : il n’est adapté qu’à un nombre restreint de pro-
*1,.")4+ 1,.")!9$.,01!"?)#$, !"?)#U-[!"?)!.-76?)-$%-! %!)#(1.H.)
les clients de la grande distribution et se ressent sur le prix.
D'après une conférence tenue au Village Nutrition Santé lors du
SIAL, Paris, octobre 2010.
Améliorer l’offre par l’innovationduré un an après l'étude, et du caractère essentiel de la disponibilité des fruits et légumes à la maison 30. En outre, une étude menée en Norvège met en exergue l’im-portance, lors de telles interventions, de distribuer gratuite-*!&,$1!)$5"(1.-,)4$+0&$1>(B,!&-"$2+$5+",-'-5+,-(&$1!)$52.)$13-munis 31. Ainsi, aux Etats-Unis, un programme pilote mis en place par l’USDA (United States Department of Agriculture) +$ B3&30'-3$ 1!$ )-L$*-22-(&)$ 1!$ 1(22+")$ 5(."$ 2>+&&3!$ )'(2+-"!$
2002/2003. Objectif : favoriser la consommation des fruits et légumes frais dans 107 écoles primaires et secondaires de quatre États à raison de 94 $ par élève. Cette subvention conséquente, alliée à une forte implication des élèves, des parents, des directeurs, des enseignants, ainsi que des ges-tionnaires des cafétérias, ont participé au succès de ce pro-gramme 32.
AGIR SUR L’OFFRE<&0&4$+.,"!$2!7-!"$5(."$+. *!&,!"$2+$'(&)(**+,-(&$1!$/".-,)$
et légumes : améliorer l’offre. Pour cela, l’ensemble des ac-,!.")$ 1!$ 2+$ 02-?"!$ M2!)$ 5"(1.',!.")4$ 2!)$ ,"+&)/("*+,!.")4$ 2!)$
distributeurs), chacun à son échelle, a un rôle à jouer : opti-miser les caractéristiques sensorielles et nutritionnelles des produits ; améliorer leur praticité, c’est-à-dire les adapter aux comportements et habitudes des consommateurs ; tout en les maintenant à des prix abordables. Mais c’est la combinai-son de ces trois règles qui complique la donne. Ainsi, les fruits et légumes peuvent être adaptés à la ten-dance du snacking, avec des produits sains, consommables sans ustensiles, en dehors des repas. Mais, s’il fonctionne aux Pays-Bas et en Allemagne où l’offre de snacks fruits et légumes s’est largement développée ces dernières années pour une consommation plutôt en milieu de journée, ce concept a du mal à se faire une place en France. Plusieurs essais ont été opérés, mais seuls les radis équeutés ont ren-contré le succès. Le prix reste probablement un frein. D’où l’importance de toujours adapter le produit à la culture du pays, ainsi qu’au contexte dans lequel il est commercialisé : là où le légume frais brut est un luxe, sa valorisation a moins d’impact sur l’acte d’achat que dans un pays producteur où
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il est censé être abordable. Une autre solution pour encou-rager l’achat de fruits et de légumes consiste à adapter le '(&1-,-(&&!*!&,$+.L$&(.7!+.L$),+,.,)$/+*-2-+.L4$+0&$1>37-,!"$
le gaspillage et de réduire les prix. Le chantier s’avère donc vaste, mais le jeu en vaut la chan-delle car, en levant les barrières organoleptiques et les dif-0'.2,3)$1>.)+ !4$)!2(&$ 2!$N"$8(*B"-)4$“à long terme, l'inno-
vation variétale et l'innovation produit restent les voies les
plus prometteuses pour adapter l'offre de fruits et légumes
aux goûts et aux pratiques des consommateurs”.
N(."$"3).*!"4$+0&$1>+. *!&,!"$2+$'(&)(**+,-(&$1!$/".-,)$!,$
légumes, il faut faire en sorte que les produits soient dispo-nibles partout et accessibles dans tous les sens du terme : présents physiquement, à des prix abordables et que les personnes sachent les utiliser, ce qui implique qu’ils les aient dans leur répertoire alimentaire pour pouvoir les intégrer à 2!."$+2-*!&,+,-(&#$O-&)-4$-2$&!$)./0,$5+)$1!$/+'-2-,!"$2>+''?)$+.L$
fruits et légumes, il faut accompagner les consommateurs. z
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Accessible sur www.fondation-louis-bonduelle.org.
Références
www.fondation-louisbonduelle.org
Faire évoluer durablement
les comportements alimentaires.
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