UNIVERSITÉ DE STRASBOURG -...

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UNIVERSITÉ DE STRASBOURG ÉCOLE DOCTORALE DE THÉOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES THÈSE DE DOCTORAT EN THÉOLOGIE CATHOLIQUE Jean-Claude OTTENI ÉGLISE CATHOLIQUE ET ÉTUDIANTS EN PROFESSIONS DE SANTÉ ENJEUX PASTORAUX, THÉOLOGIQUES ET ÉTHIQUES DE LEUR RENCONTRE AU SEIN DES AUMÔNERIES UNIVERSITAIRES ET DES CENTRES D’ENTRAIDE AUX ÉTUDES DE MÉDECINE DIRIGÉS PAR DES JÉSUITES Directrice de Thèse : Madame la Professeure Marie-Jo THIEL Faculté de Théologie catholique. Université de Strasbourg 2 Directrice du Centre d’Enseignement et de Recherche en Éthique de l’Université de Strasbourg Jury : M. le Professeur Alberto BONDOLFI, Université de Genève M. le Professeur René HEYER, Université de Strasbourg 2 M. le Professeur Henri WATTIAUX, UCL Louvain-la Neuve 18 septembre 2009

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  • UNIVERSIT DE STRASBOURG

    COLE DOCTORALE DE THOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES

    THSE DE DOCTORAT EN THOLOGIE CATHOLIQUE

    Jean-Claude OTTENI

    GLISE CATHOLIQUE ET TUDIANTS EN PROFESSIONS DE SANT

    ENJEUX PASTORAUX, THOLOGIQUES ET THIQUES DE LEUR RENCONTRE AU SEIN DES AUMNERIES UNIVERSITAIRES

    ET DES CENTRES DENTRAIDE AUX TUDES DE MDECINE DIRIGS PAR DES JSUITES

    Directrice de Thse :

    Madame la Professeure Marie-Jo THIEL Facult de Thologie catholique. Universit de Strasbourg 2

    Directrice du Centre dEnseignement et de Recherche en thique de lUniversit de Strasbourg

    Jury :

    M. le Professeur Alberto BONDOLFI, Universit de Genve

    M. le Professeur Ren HEYER, Universit de Strasbourg 2 M. le Professeur Henri WATTIAUX, UCL Louvain-la Neuve

    18 septembre 2009

  • Remerciements

    Quil me soit permis de remercier ici :

    Madame Marie-Jo Thiel, Professeure en thique et thologie morale, Facult de Thologie

    catholique, Universit de Strasbourg, Docteur en mdecine, qui a inspir et dirig ce travail,

    Messieurs les Professeurs Bondolfi, Heyer et Wattiaux qui ont bien voulu accepter de faire

    partie du Jury de cette thse,

    Les enseignants de la Facult de Thologie catholique et de la Facult de Thologie

    protestante de lUniversit de Strasbourg, pour tout ce quils ont appris ltudiant que je suis

    redevenu,

    Madame Christiane Demoustier, Coordinatrice nationale de la Mission tudiante Catholique

    de France, pour son soutien,

    Les responsables des Institutions accueillant des tudiants en professions de sant qui ont bien

    voulu me rencontrer pour la ralisation de mon enqute,

    Les tudiants en mdecine et en autres professions de sant, qui ont bien voulu dialoguer avec

    moi au sujet de leurs enjeux comme membres dune Aumnerie,

    Les nombreux amis qui mont stimul dans mon travail,

    Andr Clavert, Henri Sick et Jean-Marie Wetta, mes collgues et amis de longue date, qui ont

    bien voulu le relire et me conseiller,

    Gabrielle Arenz, pour son aide prcieuse en vue de la mise en forme du texte,

    Simone, qui a donn sens ma vie dadolescent et a accept, aprs 40 ans de ma vie passe

    lhpital, dtre nouveau un peu seule, pour me permettre dentreprendre des tudes de

    thologie, entreprise dont elle a dailleurs t la grande inspiratrice.

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    Sommaire Sommaire. 1 Sigles et abrviations. 5 Introduction gnrale. 7 Premire Partie. glise et tudiants en professions de sant. Enjeux de leur rencontre dans les Aumneries universitaires catholiques et les Centres dentraide aux tudes de mdecine dirigs par des Jsuites.. 15 Chapitre I. Etudes et tudiants en professions de sant.19 Chapitre II. Historique des Institutions ecclsiales accueillant des tudiants en professions

    de sant....... 33 Chapitre III. Conduite de lenqute dans les Institutions ecclsiales accueillant des

    tudiants en professions de sant......45 Chapitre IV. Aumneries universitaires catholiques. Rsultats de lenqute.. 51 Chapitre V. Centres dentraide aux tudes de mdecine dirigs par des Jsuites. Rsultats de

    lenqute... 85 Chapitre VI. Autorit de tutelle et Organisme fdrateur des Aumneries. 89 Chapitre VII. Institutions catholiques pour professionnels de sant... 95 Chapitre VIII. Excursus n 1: Aumnerie dhpital... 101 Chapitre IX. Excursus n 2 : Prsence des autres religions dans le monde tudiant.. 103 Deuxime Partie. glise et tudiants en professions de sant. Enjeux de la transmission de donnes thologiques concernant lhomme malade..... 117 Chapitre X. Problmatique de la transmission et de laccueil de donnes thologiques

    sur lhomme malade et sa prise en charge..... 121 Chapitre XI. Inviolabilit de la vie humaine et respect de la dignit de la personne.. 123 Chapitre XII. Relations entre les acteurs de sant et les patients 141 Chapitre XIII. Sant Maladie Gurison Salut.... 183

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    Chapitre XIV. Douleur Souffrance Mal... 203 Chapitre XV. La mort. 249 Troisime Partie. glise et tudiants en professions de sant. Enjeux de la transmission de principes de biothique dans un contexte catholique.. 263 Chapitre XVI. Problmatique de la transmission et de laccueil des messages de biothique

    catholique..... 267 Chapitre XVII. Thmes biothiques spcifiques du dbut de vie... 273 1. Sexualit 277 2. Contraception - Prservatif Strilisation... 281 3. Dbut de la vie humaine - Statut de lembryon........ 288 4. Interventions sur les embryons et les ftus. Cellules souches..... 299 5. Clonage. Manipulations gntiques. Thrapie gnique... 305 6. Diagnostic primplantatoire - Diagnostic gntique antnatal - Choix du sexe de lenfant..... 314 7. Avortement provoqu... 320 8. Assistance mdicale la procration.... 329 9. Ranimation et euthanasie du nouveau-n gravement handicap 340 Chapitre XVIII. Thmes biothiques portant sur la vie en cours........... 345 1. Ranimation - Acharnement thrapeutique - Soins lmentaires. 345 2. Personnes atteintes du Sida... 351 3. Personnes handicapes.. 359 4. Personnes ges dpendantes.... 363 5. Personnes dmentes - Maladie dAlzheimer. 366 6. Personnes en tat vgtatif chronique... 369 7. Personnes atteintes daffections chroniques invalidantes ou malignes 372 8. Transplantation dorganes, de tissus et de cellules....... 375 9. Recherche et exprimentation sur lhomme - Brevetage et commercialisation

    des lments du corps humain... 387 Chapitre XIX. Thmes biothiques spcifiques de la fin de vie. 395 1. Concept du droit de mourir dans la dignit.. 399 2. Soins palliatifs.. 406 3. Euthanasie..... 410 4. Assistance au suicide ....422 5. Respect du corps du dfunt... 430 Conclusion gnrale... 439

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    Annexes... 445 1. tudes et tudiants en professions de sant.. 445 2. Historique de la Confrence Laennec des tudiants en mdecine de Strasbourg..... 448 3. Ren Laennec - Augustin Fabre... 454 4. Questionnaires pour les responsables dAumnerie et de Centre dentraide aux

    tudes de mdecine - Questionnaires pour les tudiants des Aumneries universitaires catholiques..... 456

    5. Prsentation des Aumneries universitaires catholiques accueillant des tudiants en professions de sant... 459

    6. Prsentation des Centres dentraide aux tudes de mdecine dirigs par des Jsuites.. 493 7. Organisme fdrateur des Aumneries : Mission tudiante catholique de France

    Service national dvanglisation des jeunes, scolaires et tudiants ... 505 8. Livre du Siracide (38,115) : attitude vis--vis du mdecin et de la maladie.. 508 9. Dmarche en biothique... 510 10. Repres thiques professionnels et rglementaires. 519 11. Repres thiques philosophiques 532 12. Biothique et Catholicisme. 538 13. Biothique et Orthodoxie... 605 14. Biothique et Protestantisme... 607 15. Biothique et Anglicanisme.... 612 16. Biothique et Judasme... 614 17. Biothique et Islam. 617 18. Biothique et Bouddhisme.. 619 Bibliographie gnrale. 621 Table des matires 703

    Rsums... 721

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    Sigles et abrviations AAS : Acta Apostolic Sedis AH : Aumnerie dHpital AMP : Assistance mdicale la procration (voir PMA) ATEM : Association des Thologiens pour ltude de la Morale ACU : Aumnerie Catholique des Universits AH : Aumnier dHpital AUC : Aumnerie Universitaire Catholique Av. : Avortement Can. : Canon (CDC) CCMF : Centre Catholique des Mdecins Franais CCNE : Comit Consultatif National dthique CDC : Code de Droit Canonique CDF : Congrgation pour la Doctrine de la Foi CEEMJ : Centres dEntraide aux tudes de Mdecine dirigs par des Jsuites CEC : Catchisme de lglise Catholique CECOS : Centre dtude et de Conservation des ufs et du Sperme humains CHRU : Centre Hospitalier Rgional et Universitaire COMECE : Commission des piscopats de la Communaut Europenne CS : Cellules Souches CSA : Cellules Souches Adultes CSE : Cellules Souches Embryonnaires CSPI : Cellules Souches Pluripotentes Induites (iPS) DC : La Documentation Catholique DH : Dignitatis Humanae , Dclaration du Concile Vatican II sur la libert religieuse

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    DVrb. : Dei Verbum, Constitution dogmatique du Concile Vatican II sur la Rvlation divine

    DVitae : Instruction Donum Vitae de la Congrgation pour la doctrine de la foi. DZ : DENZINGER Heinrich, Symboles et dfinitions de la foi catholique. EM : tudiant en mdecine EPS : tudiant en profession de sant FIV : Fcondation In Vitro FIVETE : Fcondation In Vitro Et Transplantation dEmbryons GS : Gaudium et spes, Constitution pastorale du Concile Vatican II sur lglise dans

    le monde de ce temps, HV : Humanae Vitae (25.07.1968), Encyclique de Paul VI sur la rgulation des naissances IMG : Interruption Mdicale de Grossesse iPS : Cellules Souches Pluripotentes Induites (CSPI) IVG : Interruption volontaire de grossesse JALMALV : Jusqu La Mort Accompagner La Vie : titre dune Association et de son

    Journal JMC : Groupe des Jeunes Mdecins Chrtiens LG : Lumen Gentium, Constitution dogmatique sur lglise du Concile Vatican II LN : Loi naturelle MECF : Mission tudiante Catholique de France MST : Maladies sexuellement transmissibles ONM : Ordre National des Mdecins PMA : Procration mdicalement assiste (voir AMP) Sf : Sage-Femme SNEJSE : Service National pour lvanglisation des Jeunes, Scolaires et tudiants

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    Introduction gnrale

    Ds lorigine, le christianisme, en cohrence avec lenseignement de Jsus, avait une

    vocation de soigner et considrait la prise en charge des malades, des infirmes et des

    ncessiteux comme une uvre de charit essentielle1.

    En 370, le futur saint Basile fait construire Csare le premier grand hpital de la

    chrtient. En France, sont mis en place des hospices (Htels-Dieu, Maisons-Dieu), et des

    relais pour plerins. Des Ordres hospitaliers et dinnombrables Congrgations religieuses se

    vouent ceux qui souffrent de la maladie, de la pauvret, de lexclusion. Jusqu la fin du

    XVIIIe sicle, lglise2 prend totalement en charge le monde de la sant.

    La Rvolution a dfroqu les religieux et a ouvert les Institutions religieuses au

    monde de la mdecine et aux acteurs lacs de la sant3, sans toutefois pouvoir se passer dans

    un premier temps des Congrgations religieuses, car il fallait du personnel qualifi en nombre

    suffisant pour en assurer le fonctionnement4.

    Au dbut du XIXe sicle, la rforme napolonienne, avec la cration de lInternat et de

    lExternat de mdecine, donne naissance lhpital moderne dirig par des patrons tout-

    puissants.

    1 LOVSKY F. Lglise et les malades depuis le II Sicle jusquau dbut du XXe Sicle, Thonon-les Bains, Le Portail, 1958. RICHARDSON A. Compassion and cures : a historical look at Catholicism and medicine , Journal of the American Medical Association, 21/1991, p. 3063-3065. JEAN-PAUL II, La sant pour tous : devoir de la Communaut internationale , DC, 2236/2000, p. 951-953. VERSPIEREN Patrick s.j., La mdecine au cur des proccupations ecclsiales in VERSPIEREN Patrick, FEDOU Michel, RICHARD Marie-Sylvie, MATRAY Bernard, Prsence de lglise aux dbats biothiques, Paris, Mdiasvres, 2002, p. 9-27. CORDIER Michel, Lpine et le cataplasme. Evolution et signification de la pastorale hospitalire chrtienne in THIEL Marie-Jo (dir.), O va la mdecine ? Sens des reprsentations et pratiques mdicales, Presses Universitaires de strasbourg, 2003, p. 211-221. 2 Par glise , je dsigne dans ce travail lglise-Institution catholique romaine. 3 Par acteurs de la sant , jentends ceux et celles qui prennent en charge et soignent les malades et les infirmes. 4 FREIDSON Eliot, La profession mdicale, Paris, Payot, 1984, p. 68. DUBET Franois, Le dclin de linstitution, Paris, Seuil, 2002, p. 195.

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    Lhpital avait alors deux composantes intriques : lunivers de la charit, hritier des

    Institutions religieuses, qui prend en charge la dtresse, la souffrance et la mort, et lunivers

    de la science et de la technologie mdicale, qui sintresse essentiellement au corps physique,

    sa maladie et qui soigne des cas . Progressivement ce dernier a pris le dessus. Lhpital

    est devenu une usine soins dirige par une puissante administration et gre par un tat-

    providence. Le malade tend devenir un client exigeant et critique.

    Aujourdhui encore, lglise continue accueillir des malades et des infirmes dans des

    tablissements dpendant de Congrgations religieuses, rattachs pour certains au service

    public, et des ncessiteux dans des Institutions diocsaines. Dans les tablissements de soins

    publics, elle rencontre les malades et les acteurs de sant par lintermdiaire de lAumnerie

    dhpital.

    Elle est prsente auprs des professionnels de sant catholiques au sein de diffrentes

    Associations5. En 1985, Jean-Paul II a institu une Commission pontificale pour la pastorale

    des services de la sant 6.

    Lglise propose aussi aux tudiants en professions de sant (EPS), en particulier aux

    tudiants en mdecine (EM), une rencontre rgulire et structure dans le but de contribuer

    leur formation humaine, spirituelle et professionnelle. Ces tudiants, comme ceux des autres

    filires de formation, sont dans une priode durant laquelle se structurent leur personnalit et

    le sens de leur vie. Celui-ci se construit autour de trois ples qui sont en interaction constante:

    les relation affectives (amiti et amour), les convictions (idologie, foi et valeurs) et

    lengagement dans laction7.

    Les EM suivent une filire de formation dune dure pouvant dpasser 10 ans,

    jalonne par deux concours lorigine dune importante comptition entre eux. Cette filire,

    demble professionnalisante, les amne dcouvrir, ds le dpart, la maladie et le handicap

    graves, la souffrance et la mort, que la plupart dentre eux navaient encore jamais rellement

    rencontrs. En cours de formation, ils sont progressivement confronts des problmes

    dthique mdicale qui touchent leur foi.

    Ils sont demandeurs de rencontres en dehors des bancs de la Facult et de lhpital

    pour changer amicalement sur leur vcu dtudiant, clbrer leur foi et trouver des rponses

    5 CENTRE CATHOLIQUE DES MEDECINS FRANAIS (CCMF), GROUPE DES JEUNES MEDECINS CHRETIENS (JMC), ASSOCIATION FRANAISE DES PHARMACIENS CATHOLIQUES (AFPC), ACTION CATHOLIQUE DES MILIEUX SANITAIRES ET SOCIAUX (ACMSS) en particulier. 6 JEAN-PAUL II, Lglise au service des malades , Motu proprio du 11 fvrier 1985, Osservatore Romano, 19 fvrier 1985 (voir VERSPIEREN Patrick s.j., Biologie, mdecine et thique. Textes du Magistre catholique, Paris, Centurion, 1987, p. 324-328). 7 LECOMTE Jacques, Donner sens sa vie, Paris, Odile Jacob, 2007.

  • 9

    leur questionnement dordre thologique et thique. Lglise est en mesure de rpondre

    cette attente.

    En France, la rencontre avec les EPS se fait dans diverses Institutions ecclsiales8 :

    - les Aumneries Universitaires Catholiques (AUC) ou Aumneries Catholiques des

    Universits (ACU)9, au nombre de 31, prsentes dans toutes les villes universitaires, diriges

    par un prtre, un religieux et/ou un(e) lac/laque ;

    - les Centres dEntraide aux tudes de Mdecine dirigs traditionnellement par des Jsuites

    (CEEMJ)10, actuellement au nombre de trois et implants Paris, Lyon et Marseille ;

    - lUniversit catholique de Lille ( la Catho ), qui prpare au diplme dtat de mdecine,

    sage-femme, infirmier, pdicure-podologue ;

    - les Instituts catholiques de formation en soins infirmiers ;

    - les Foyers dtudiants catholiques, assurant lhbergement et la restauration des tudiants.

    Les AUC et des CEEMJ, sont des lieux dglise qui ont des objectifs et des modes

    de fonctionnement diffrents :

    - Les AUC ont une dimension ecclsiale : elles forment une communaut non seulement

    religieuse et spirituellle, mais aussi profane ; leur fonction profane est de contribuer la

    formation humaine et professionnelle, leur fonction spirituelle de contribuer

    lapprofondissement de la foi et leur fonction religieuse de clbrer lEucharistie ; elles

    accueillent actuellement un total denviron 400 EM catholiques.

    - Les CEEMJ organisent lentraide entre EM pour la prparation des concours et examens.

    Indirectement ils ont aussi une dimension ecclsiale. Ils accueillent ensemble plu de 2000 EM

    de toutes confessions.

    La rencontre de lglise avec les EM a dbut dans le dernier quart du XIXe sicle.

    Dans les AUC elle a atteint son apoge dans les annes 1950 1965, puis a commenc

    une baisse de frquentation sacclrant partir des annes 70, au point que, certaines annes,

    des AUC ne comptent plus dEM parmi leurs membres rguliers.

    8 MISSION ETUDIANTEI.C.L., Universit in MATHON G., BAUDRY G.H. (dir.), Catholicisme, tome XV, 2000, col. 529-532. 9 Dans ce travail le terme AUC est utilis. Celui dACU, apparu sur le nouvel organigramme du SNEJSE est encore trop rcent. 10 CEEMJ et AUC sont des termes gnriques utiliss dans ce travail pour dsigner des Institutions ayant chacune des objectifs et des modes de fonctionnement identiques, mais dont la dnomination courante varie et souvent ninforme pas sur leurs fonctions.

  • 10

    La frquentation des CEEMJ a volu de faon inverse, au point que les demandes

    dadmission dpassent de plus en plus leurs capacits daccueil.

    Une telle volution place les partenaires de la rencontre, plus particulirement lglise,

    devant divers enjeux11.

    Un premier enjeu, dordre pratique, concerne la rencontre proprement dite, en

    particulier ses modalits et son contenu. Pour les AUC il sagit dinciter les tudiants venir

    nombreux. Pour les CEEMJ il sagit dobtenir que les tudiants quittent les salles de travail

    pour participer des runions de formation humaine et spirituelle.

    Comment comprendre le paradoxe de la diminution de frquentation des AUC par des

    catholiques pratiquants et de laugmentation de celle des CEEMJ par des tudiants de toute

    croyance ? Quelles sont les causes du dclin de la frquentation des AUC et des runions de

    formation humaine et spirituelle dans les CEEMJ ? Quelle est la part de responsabilit

    revenant lorganisation et au contenu des rencontres par rapport lattente des tudiants ?

    Quelle est la part revenant aux tudiants ? Quel est limpact de la diminution du nombre

    decclsiastiques et de leur disponibilit ? Quels sont les changements susceptibles

    damliorer la rencontre avec les tudiants ?

    Lenjeu pour lglise est particulirement important dans le cas des AUC. En effet,

    elle souhaite rester prsente dans chaque ville universitaire par une AUC anime par des

    aumniers12, assurant la logistique des rencontres, proposant des activits attractives, ayant

    une exprience suffisante du monde de la sant.

    Lglise est-elle en mesure datteindre ces objectifs ? Le nombre de prtres diminuant,

    ceux-ci sont de plus en plus sollicits pour exercer simultanment plusieurs activits. Ils sont

    de moins en moins bien forms laccueil des tudiants, en particulier les EPS. Les moyens

    financiers dont disposent les diocses pour couvrir les frais de fonctionnement des AUC sont

    de plus en plus limits. Pour certaines AUC la question de leur maintien se pose actuellement.

    Des restructurations simposent et une nouvelle pastorale des tudiants est ventuellement

    mettre en place. Existe-t-il des solutions pour optimaliser les rencontres ?

    11 Qui dit enjeux, dit chose gagner ou perdre, mise en danger, en tout cas mise en question (RICUR Paul, Accompagner la vie jusqu la mort , JALMALV, 64/2001, p. 7). 12 Dans ce travail, le terme aumniers dsigne ceux et celles qui dirigent une Aumnerie ou assistent le directeur, sans tre obligatoirement un membre du clerg.

  • 11

    Le second enjeu pour lglise est celui de la proposition aux EPS dlments

    thologiques touchant lexercice de leur future profession. Il sagit des relations avec les

    malades et les soignants, de linviolabilit de la vie humaine, de la souffrance, du mal, de la

    maladie et de la mort. Ces lments, correspondent-ils lattente et la rceptivit des

    tudiants, dont la culture religieuse est de plus en plus tnue et dont la foi est souvent en

    jachre pendant les annes de Facult ? Quelles sont les modalits qui permettraient

    damliorer leur transmission ? La transmission suppose la rencontre, le dialogue et

    laccueil13. Transmettre cest avant tout dialoguer. Accueillir cest trier, rejeter ou

    sapproprier le message14. La transmission atteint son but quand elle permet au receveur de

    devenir autre, de se reconstruire, de se penser comme lmetteur du message.

    Le troisime enjeu, fondamental pour lglise, est celui de la proposition de repres

    thiques en fonction des bases thologiques. La transmission des principes de biothique de

    lglise catholique romaine est-elle adapte lattente des tudiants et leur exprience

    professionnelle encore limite ?

    Comment sont reus ces principes, dont beaucoup vont en sens contraire des pratiques

    en cours et des positions dautres religions ? La position du Magistre romain, souvent

    qualifie par les mdias de rigoriste , en particulier dans le domaine de la sexualit et du

    dbut de la vie, donne-t-elle lieu un travail dexplication adapt et suffisant pour tre reu

    par les EPS ? Ne conviendrait-il pas de dvelopper en premier lieu une capacit de

    discernement leur permettant dagir en conscience en futurs acteurs de sant responsables ?

    Lanalyse de ces trois catgories denjeux constitue le sujet de cette thse. Quatre

    raisons permettent de justifier ce choix :

    - son importance : le monde de la sant, qui occupe une place majeure dans la pastorale de

    lglise, ncessite la prsence de celle-ci auprs des acteurs de sant ds leur stade de

    formation ; en France 43 Facults de mdecine dtat, ainsi que la Facult libre de Lille,

    accueillent chacune plusieurs milliers dtudiants, dont une proportion importante est de

    confession catholique ; il existe a priori une communaut de plusieurs milliers dtudiants

    susceptibles dtre rencontrs par lglise, dans la mesure o celle-ci propose des activits

    rpondant leurs attentes ;

    13 NATANSON Jacques, NATANSON Madeleine, Risquer la transmission, Paris, Descle de Brouwer, 2004. 14 Le terme rception utilis pour les actes magistriels est considr dans lAnnexe n 12 p. 587, consacre la biothique catholique.

  • 12

    - son originalit : il ne semble pas exister de travail portant sur cette thmatique ; les AUC

    nont pas fait lobjet dune analyse densemble, contrairement aux Aumneries de

    lenseignement secondaire15.

    - son actualit : plusieurs centaines dtudiants sont en effet encore concerns ;

    - mon exprience dans ce domaine : avant dentreprendre des tudes de thologie, jai exerc

    la profession de professeur danesthsie-ranimation - praticien hospitalier, et je frquente

    depuis 1954 lAumnerie des tudiants et des professionnels de sant de Strasbourg,

    dnomme successivement Confrence Laennec des tudiants en mdecine et Cmes .

    Ce travail examine les trois hypothses suivantes :

    - Premire hypothse : la diminution de frquentation des runions pastorales sexplique

    par la baisse de pratique religieuse et le manque de temps libre des EPS ;

    - Deuxime hypothse : la transmission des messages thologiques est freine par le faible

    nombre de runions par rapport au niveau de culture religieuse des EPS;

    - Troisime hypothse : laccueil des principes de biothique magistrielle romaine, en

    particulier ceux portant sur le dbut de vie, est limit du fait de leur caractre exigeant.

    Pour vrifier ces hypothses, tenter dexpliquer les raisons dtre de cette situation et

    dgager des pistes susceptibles damliorer celle-ci, ce travail se base sur les rsultats dune

    enqute que jai effectue dans les 31 AUC et les 3 CEEMJ de France mtropolitaine.

    Cette enqute a consist en une ou plusieurs visites des Institutions et/ou un change

    de courrier, la participation au moins une de leurs runions et des entretiens avec les

    responsables et les tudiants, avec rponses des questionnaires et des entretiens. Lenqute

    sest droule sur quatre ans, pendant lesquels un contact rgulier a t maintenu par courrier

    et lors des rencontres nationales des reprsentants des AUC. Les donnes obtenues permettent

    dargumenter les diffrentes hypothses.

    15 SWERRY Jean-Marie, Aumneries catholiques dans lenseignement public. Un renouveau de la lacit ? Paris, Cerf, 1995. DELESTRE Antoine, Les Religions des tudiants, Paris, LHarmattan, 1997, p. 51.

  • 13

    Le travail est prsent en trois parties, correspondant aux trois catgories denjeux et

    dhypothses :

    - La premire partie porte sur les enjeux de la rencontre sur le plan pastoral. Elle prolonge et

    complte mon enqute de terrain, commence dans le cadre du Mmoire de DEA, dans les

    AUC et les CEEMJ16, portant sur les difficults de la rencontre avec les tudiants et les

    lments positifs et ngatifs de celle-ci.

    - La seconde partie porte sur les enjeux de la rencontre sur le plan thologique. Elle examine

    les problmes de la proposition aux tudiants de thmes thologiques les concernant plus

    particulirement. Il sagit notamment des relations autrui (malades, proches, collgues), de

    la dignit de la personne et de la vie, du mal et de la maladie, de la souffrance et de la mort.

    Elle analyse les difficults de cette transmission et envisage des solutions.

    - La troisime partie porte sur les enjeux de la rencontre sur le plan biothique. Elle examine

    les problmes de la transmission aux tudiants des principes de biothique de lglise

    catholique, en particulier ceux portant sur le dbut et la fin de vie. Elle en analyse les

    difficults, dont les principales sont dune part linsuffisante formation des tudiants au

    discernement en conscience, quand il sagit de mettre en uvre les principes de biothique

    formuls par le Magistre et, dautre part, leur formulation, qui ncessite une hermneutique,

    pour rapprocher le langage de lglise de celui des tudiants.

    Les thmes thologiques de la seconde partie et les thmes biothiques de la troisime

    partie ont t dvelopps en vue de mes rencontres avec les tudiants et ont t modifis et

    complts ensuite en fonction de leur questionnement, leurs centres dintrt et leurs

    ractions. Ils forment un tout avec la premire partie et ont permis aux rencontres dtre

    fructueuses. Ils ne sont pas le fruit dun simple travail de compilation mais le regard dun

    homme de terrain sur des notions utiles pour les EPS et dissmines dans la littrature.

    En dfinitive, ce travail aborde successivement des problmes de thologie pastorale

    ou pratique, de thologie biblique et de thologie morale.

    En Annexe sont rassembles des donnes dont la prsence dans le texte aurait rompu

    son droulement harmonieux. Il sagit en particulier des rsultats de notre enqute et de textes

    de compilation ncessaires la comprhension des principes de biothique par les tudiants.

    16 OTTENI Jean-Claude, Institutions catholiques accueillant des tudiants en professions de sant. Enjeux thiques et thologiques. Mmoire de DEA de thologie catholique, Universit Marc Bloch, Strasbourg, 2005.

  • 14

    Les rfrences des travaux cits dans le texte sont donnes successivement : a) en note

    de bas de page par ordre chronologique de publication ; b) en fin de paragraphe ou de chapitre

    ou de partie, par ordre alphabtique (compte tenu de leur grand nombre, celles concernant le

    Magistre sont rassembles par ordre chronologique et thmatique dans lAnnexe n12,

    p. 548-586) ; c) en fin de thse dans la bibliographie gnrale par ordre alphabtique.

  • 15

    Premire Partie

    glise et tudiants en professions de sant

    Enjeux de leur rencontre dans les Aumneries Universitaires Catholiques

    et les Centres dEntraide aux tudes de Mdecine dirigs

    par des Jsuites

  • 17

    Introduction La rencontre de lglise et des EPS et en particulier des EM, dans des Institutions

    ecclsiales qui leur sont ddies, seffectue pendant lanne universitaire, sous forme de

    runions hebdomadaires, entre les aumniers et les tudiants, pour dialoguer, partager,

    clbrer lEucharistie, prier ensemble et approfondir la foi.

    Cette rencontre comporte des aspects pratiques, touchant aux modalits dorganisation

    et de fonctionnement, aussi bien pour lglise que pour les tudiants.

    Pour lglise, les enjeux portent la fois sur les objectifs quelle souhaite atteindre

    auprs des tudiants et sur les moyens en personnes, locaux et financement quelle veut et

    peut se donner pour les atteindre.

    Pour les tudiants, lobjectif est de se rencontrer en dehors de la facult et de lhpital,

    de trouver dans linstitution ecclsiale des rponses leurs attentes. Ils doivent fixer le temps

    quils veulent consacrer cette rencontre qui se fait aux dpens de leur temps de travail

    personnel et de vie prive.

    Ces enjeux prennent une importance croissante, dune part pour lglise, compte tenu

    de la forte diminution des tudiants rencontrs depuis une quarantaine dannes et des moyens

    de plus en plus limits dont elle dispose, et dautre part pour les tudiants, qui ont de moins en

    moins de temps libre.

    Lanalyse de ces enjeux, qui constitue la premire partie de ce travail, comporte

    successivement les tapes suivantes: a) la prsentation du profil des EPS, pour cerner leurs

    enjeux sur le plan de la rencontre avec lglise ; b) lhistorique des Institutions ecclsiales qui

    accueillent ces tudiants, en particulier celui des CEEMJ et les AUC ; c) la conduite de notre

    enqute dans ces deux catgories dInstitutions ; d) lanalyse des rsultats de lenqute et des

    enjeux de la rencontre pour ces lieux lglise ; e) la prsentation de lautorit de tutelle et de

    lorganisme fdrateur de ces Institutions ; f) deux excursus : laumnerie dhpital, la

    prsence des autres religions dans le monde tudiant.

  • 19

    Chapitre I. tudes et tudiants en professions de sant

    Le monde de la sant est un monde trs vaste, tant par le nombre de ses membres que

    par la diversit des professions quil inclut17. A titre dexemple, le CHRU de Strasbourg, est,

    par ses effectifs, le second employeur de la Rgion Alsace, aprs PSA Peugeot - Citron

    Mulhouse. A ces effectifs sajoutent les professionnels des autres institutions de soins et ceux

    exerant une activit librale.

    Le monde de la sant est constitu de professionnels et dtudiants. Les rencontres

    rgulires de lglise avec les tudiants sont plus frquentes que celles avec les

    professionnels. En effet, les premires sont en principe hebdomadaires, voire quotidiennes,

    alors que celles avec les professionnels sont gnralement trimestrielles, voire annuelles.

    Dans ce travail, laccent est mis sur les acteurs du monde de la sant qui travaillent au

    contact direct des malades. Ce sont en effet eux qui sont les plus demandeurs de rponses

    thologiques et thiques que lglise est en mesure de leur proposer. Il sagit de lquipe

    soignante , forme par les mdecins sages-femmes infirmiers(res) aides-soignants(tes)

    et kinsithrapeutes. Par soignants , nous entendons les mmes lexclusion des mdecins.

    Laumnier dhpital et son quipe leur sont associs.

    Ce chapitre consacr aux tudes et la sociologie des tudiants en professions de sant

    concerne les tudiants dans les lieux denseignement et de formation et non pas ceux des

    AUC et des CEEMJ, qui sont envisags ultrieurement. Leur profil est intressant connatre

    puisque cest parmi eux que figurent les tudiants susceptibles de frquenter les Institutions

    ecclsiales (Annexe n1, p. 446).

    1. Etudes en professions de sant

    Le rappel des tudes et de leurs modalits est ncessaire pour lanalyse des problmes

    rencontrs. Laccent est mis sur les tudes et les EM, car ils reprsentent en gnral le groupe

    majoritaire parmi les tudiants en professions de sant dans les AUC et les CEEMJ.

    17 FREIDSON Eliot, La profession mdicale, Paris, Payot, 1984.

  • 20

    1.1. Mdecin Les mdecins doivent dvelopper et entretenir paralllement deux ttes : lune, scientifique, lautre empirique. Cette exigence rsulte de la ncessit de solliciter la fois la raison et lexprience, dapprhender tout autant le gnral et le particulier, la notion stable et la mouvance de la singularit, la maladie et la personne souffrante Michel Serres18.

    La profession mdicale se distingue des autres par sa formation et son exercice.

    1.1.1. Formation

    En France, la formation thorique des EM est assure dans 43 Facults de mdecine

    dtat, ainsi que la Facult libre de Lille, et leur formation pratique dans les Centres

    hospitaliers rgionaux universitaires (CHRU) rattachs aux Facults.

    1.1.1.1. Formation thorique : comptition entre tudiants

    La formation thorique dure une dizaine dannes et comporte un concours en dbut et

    en fin dtudes.

    Le premier se situe en fin de premire anne dtudes (PCEM1 ou P1), avec un

    numerus clausus draconien, seulement deux inscriptions sont possibles. Le numerus clausus,

    qui fixe chaque anne le nombre dtudiants autoriss passer en 2me anne (P2) a t

    instaur par les autorits politiques afin de diminuer la consommation mdicale, donc les frais

    de sant19. De ce fait, le nombre de places en P2 est pass de 8588 en 1971 3500 en 199220.

    Le taux dchec lev en fin de P1, conduit beaucoup dtudiants se rorienter vers une

    autre filire, en particulier de sant (kinsithrapie, orthophonie, infirmire) ou de biologie.

    Cette rduction du nombre dtudiants dans les Facults explique en partie la

    diminution du nombre de ceux frquentant les AUC.

    Compte tenu du manque de mdecins dans un avenir proche, les politiques ont dcid

    de raugmenter progressivement le numerus clausus. Ainsi, le nombre de places en P2 est

    pass 4700 en 2002, 7000 en 200621, et 7088 en 2007. Ceci accentue nouveau lattrait des

    tudes de mdecine pour les bacheliers : le nombre dinscrits en P1 est pass de 38500 en

    18 SERRES Michel, Lducation mdicale vue par un philosophe , Pdagogie mdicale, 7/3, 2006, p. 135-141. 19 Ainsi, la Facult de mdecine de Strasbourg, en 2003-2004, le nombre de P1 est de 1081, et celui des P2 de 190 ; en 2005-2006 le nombre de P1 atteint 1700 , dont environ 200 passent en P2 et dautres en sages-femmes et kinsithrapie. 20 Dernires Nouvelles dAlsace du 26 octobre 2005, Rgion p. 1. 21 BIENVAULT Pierre, La rue des tudiants en mdecine renforce lesprit de comptition , La Croix, 22 septembre 2006, p. 6.

  • 21

    2004, 42800 en 2005, environ 47000 en 2007. Lintgration des concours dentre aux

    coles de sages-femmes et de kinsithrapie a contribu augmenter le nombre des inscrits en

    P1.

    Le passage du lyce la facult marque une rupture importante dans la nature du

    travail et leffort de mmorisation fournir. A la facult, les tudiants sont soumis une

    pression de tous les instants, lie au concours de fin de P1. Pour se donner un maximum de

    chances, ceux qui en ont les moyens financiers suivent des cours privs qui placent les

    tudiants dans les conditions du concours et entranent des rivalits entre eux. Dans chaque

    ville de facult il existe au moins un cours priv.

    En P1, cest chacun pour soi . La majorit des tudiants ne russit le concours

    quaprs avoir redoubl le P1. Ce nest pas la note qui compte, mais le classement. Le passage

    se joue au centime de point prs.

    En P1, le travail se fait avec un esprit permanent de comptition. Ltudiant doit

    svaluer en permanence pour se situer par rapport aux autres. En raction cette rivalit

    entre tudiants se dveloppe chez certains un esprit de coopration, sous forme de travail en

    petit groupe damis. Les tudiants sont incits trouver des compagnons de route pour

    sentraider, se rassurer mutuellement et mieux surmonter les moments de dcouragement.

    Un exemple extrme de cette comptition, heureusement peu frquent, est la mise en

    circulation par des redoublants de corrigs-type dexercices comportant des erreurs.

    Aprs la premire anne il nexiste plus de risque majeur dlimination. Les EM

    peuvent poursuivre les tudes leur rythme, car il ny a plus de limitation des inscriptions.

    Pendant le deuxime cycle (DCEM1-4), les journes sont remplies par les

    enseignements, les stages et la prparation du concours dinternat. En fin de

    cinquime/sixime anne (DCEM3/4), le concours dinternat, remplac actuellement par un

    examen national classant, permet de devenir mdecin spcialiste.

    Lexamen national classant pour les professions mdicales et le concours dinternat de

    pharmacie, en fin de deuxime cycle comporte aussi un numerus clausus en fonction duquel

    ltudiant peut choisir la spcialit et la ville de spcialisation. De ce fait beaucoup

    dtudiants changent de ville universitaire et par consquent quittent lAUC quils

    frquentaient ventuellement jusque-l.

  • 22

    1.1.1.2. Formation pratique : confrontation la maladie et la mort

    Les tudes de mdecine comportent, ds leur dbut, une formation professionnalisante

    qui les amne devoir matriser deux situations.

    La premire concerne limpact psychologique de la confrontation linfirmit, la

    souffrance, la dchance, la mort. Celle-ci dbute avec les travaux pratiques danatomie

    normale et le stage de soins infirmiers prcdant lentre en P222. Leur formation universitaire

    et clinique ne prpare les EM que partiellement la gestion de telles situations23. La rencontre

    des jeunes tudiants avec la maladie grave et la mort constitue habituellement une exprience

    troublante24. Souvent la dissection peut provoquer instinctivement une rflexion sur ltre lui-

    mme et sur la mort, ce qui renvoie la notion tymologie de auto-psie .

    Au dbut de ses tudes, lart de vivre extra-mdical de ltudiant se transforme

    ensuite progressivement en un art de vivre mdical sous leffet de lexprience de la

    maladie, de la souffrance et de la mort des patients quil ctoie.

    Des runions entre tudiants, en dehors du cadre de la Facult, en particulier au sein

    des AUC, peuvent donner lieu des changes fructueux pour apporter des mots lexprience

    qui peut tre prouvante. Ces changes permettent aussi de dceler et de corriger des attitudes

    susceptibles de porter atteinte lhumanit des malades et des tudiants eux-mmes.

    La seconde situation est lacquisition de la prise de responsabilit et du choix de lagir

    devant les multiples problmes thiques qui se posent au mdecin. L aussi, la rencontre au

    sein des AUC peut apporter une contribution utile.

    En dfinitive une longue distance spare ltudiant de premire anne du mdecin

    autoris exercer25. Le cheminement seffectue progressivement, entrecoup dexamens et de

    stages qui le maintiennent dans lincertitude quant son type davenir professionnel. Celui-ci

    se prcise progressivement en fonction du cheminement personnel, de rencontre dans pris

    pour modles, des changements structurels de la profession et de lopportunit de sinsrer

    dans une quipe qui correspond ses aspirations.

    22 LICHTERT Claude, Le vivant par-del de la mort. Lorsque la Bible croise la pratique de la dissection humaine , Revue dthique et de thologie morale, Le Supplment , 242/2006, p. 107-128. 23 BALINT Michael, BALINT Enid, GOSLING Robert, HILDEBRAND Peter, Le mdecin en formation (Londres, 1966), Paris, Payot, 1979. 24 VANNOTTI Marco, Le mtier de mdecin. Entre utopie et dsenchantement, Chne-Bourg (Ch), Mdecine et Hygine Ed., 2006, p. 239-243. 25 GADEA Charles, Impatients dtre mdecins. Formation et socialisation professionnelle des tudiants en mdecine , Sociologie Sant, 27/2007, p. 13-34.

  • 23

    1.1.1.3. Formation lthique mdicale

    Dans les facults de mdecine le nombre dheures consacres lenseignement

    thorique et leur contenu ne permettent gnralement pas une formation suffisante sur le plan

    de lthique26. De ce fait, certaines facults organisent un module optionnel dthique. La

    formation pratique au lit du malade dpend de lintrt port par les enseignants cette

    tche27.

    La formation doit insister sur la ncessaire prise en charge du patient dans sa totalit,

    cest--dire dans sa dimension physique, psychique et sociale et laspect relation, non

    seulement avec les patients, mais aussi avec les autres acteurs de sant. Le stage infirmier en

    fin de P1 en constitue une premire tape28.

    En principe, les tudiants bnficient dun enseignement dthique adapt leur

    niveau dtudes29. Au dpart, il est bas sur la notion de corps et de psychisme, ainsi que sur

    la relation avec le malade. Lors des stages cliniques il comporte des discussions de cas.

    Pendant le 3me cycle est aborde lessence de lthique. En rgle gnrale et compte tenu du

    manque de temps, peu de place est accorde la position des religions sur les grands

    problmes de biothique.

    1.1.2. Exercice de la profession mdicale

    En fonction de leur filire et leur niveau de formation, les mdecins exercent

    prfrentiellement une ou plusieurs des trois activits suivantes :

    - activit de soins (mdecins gnralistes et spcialistes, internes, chefs de clinique, matres

    de confrences, professeurs, praticiens hospitaliers, activit librale),

    - activit denseignement (chefs de clinique, matres de confrences, professeurs),

    - activit de recherche (chercheurs, chefs de clinique, matres de confrences, professeurs).

    26 PARIZEAU Marie-Hlne, Lenseignement de lthique dans la formation mdicale. Prsupposs thoriques et exprience pratique lUniversit Laval (Qubec) , La Revue de lEducation mdicale, 12/1989, p. 37-41. MARCOUX Hubert, PATENAUDE Johane, Lthique et la formation mdicale. O en sommes-nous ? O allons-nous ? , Pdagogie mdicale, 1/2000, p. 23-30. 27 En 1984, la Facult de Mdecine de Strasbourg a instaur un enseignement dthique en 1re Anne de mdecine et en 6me Anne, dans le cadre du Certificat de synthse clinique et thrapeutique. Depuis 1986 un stage hospitalier dune semaine au lit du malade est obligatoire pour tous les tudiants de 6me Anne de mdecine. MANTZ Jean-Marie, thique et enseignement de la thrapeutique in MANTZ Jean-Marie, GRANDMOTTET Pierre, QUENEAU Patrice (dir.), Ethique et thrapeutique. Tmoignages europens (2me Edit.), Presses Universitaires de Strasbourg, 1999, p. 491-502. 28 BASTIAN Bernard, Lenseignement de lthique biomdicale dans les Facults de mdecine. Propositions pour la Facult de mdecine de Strasbourg, Thse de doctorat en mdecine, Facult de mdecine de Strasbourg, 1987. WINCKLER Martin, La facult de mdecine, lthique et ltudiant in BENASAYAG Miguel et al., Lthique de la souffrance, Paris, Ellipses , 2000, p. 120-128. 29 HERVE Christian, Enseignement de la biothique in HOTTOIS Gilbert, MISSA Jean-Nol, Nouvelle encyclopdie de biothique, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2001 p. 383-386.

  • 24

    Dans le cadre de lactivit de soins, le mdecin est un rparateur du corps-objectif et

    un exgte du corps-subjectif 30. Son but est dapporter la gurison, mais il ne latteint pas

    toujours. La diffrence entre le mdecin et le gurisseur rside dans le fait que ce dernier est

    jug sur ses rsultats et non pas sur son savoir thorique. Le mdecin par contre, mme sil ne

    gurit personne, ne cesse dtre mdecin puisquil a un diplme de docteur.

    Le mdecin praticien ou clinicien est constamment en chemin vers un quilibre entre

    dune part lespoir dapaiser la souffrance et de gurir et, dautre part, le dsenchantement

    face ses limites, ses checs et les demandes dune communaut quelquefois exigeante et

    ingrate31.

    1.1.2.1. Mdecin : simple mtier ou vocation 32?

    La vocation, comme motivation du choix dune profession, est un lment

    fondamental dans le cas de celles prenant en charge autrui (prtrise et pastorat, enseignement,

    professions de sant en particulier)33.

    En effet ce ne sont pas des professions comme les autres . Il ne suffit pas dtre un

    puits de science et adroit de ses mains pour tre un bon mdecin ou une bonne infirmire. Il

    faut aimer et comprendre lhomme malade, compatir sans se laisser engloutir. Le

    professionnel de sant puise sa lgitimit non seulement dans son savoir et son savoir-faire,

    mais aussi dans son adhsion des principes thiques universels. Il bnficie dune autorit

    charismatique reposant sur une lgitimit sacre : le malade suit les indications de son

    mdecin non pas parce quil incarne la science mdicale, mais parce quil dfend son

    bien-tre avant de penser ces intrts propres. Ceci nempche pas quil existe des

    professionnels de sant avides dargent, de rputation et de pouvoir.

    30 CANGUILHEM Georges, crits sur la mdecine, Paris, Seuil, 2002, p. 64. 31 VANNOTTI Marco, Ibid., 2006. 32 Dans ce travail, les considrations portant sur le mdecin sappliquent pour la plupart aux autres catgories de professionnels de sant qui sont au contact direct des patients. 33 DUBET Franois, Le dclin de linstitution, Paris, Seuil, 2002, p. 32-34.

  • 25

    La grande majorit des tudiants entre en mdecine lectivement, voire par vocation

    professionnelle34. Celle-ci rsulte moins dune adhsion des valeurs thologiques que de la

    volont dun accomplissement de soi dans le travail par thique personnelle.

    Leur orientation est souvent pressentie plusieurs annes avant la sortie du lyce.

    Seulement 10 % des tudiants font mdecine suite une rorientation. Cest souvent parce

    quils ont ctoy avant leurs tudes universitaires des mdecins par lintermdiaire de leurs

    proches ou du fait dune maladie que leur orientation leur parat une vidence.

    Bien quelle soit actuellement en pleine mutation, la figure sociale du mdecin

    continue sduire les tudiants. Ceux-ci mettent en avant laspect humaniste de la mdecine,

    tourne vers les autres, nouant de vraies relations, voire laspect de mdecin sans

    frontires dvou la cause humanitaire, sanitaire et sociale.

    Les jeunes mdecins nacceptent pas lopinion selon laquelle ils nauraient plus la

    vocation, seraient devenus des adeptes des 35 heures et incapables dexercer ailleurs quen

    centre-ville35. Ceci est en opposition avec lvolution sociale actuelle qui oriente plus

    lindividu vers sa propre demande plutt que vers laltruisme.

    1.1.2.2. Qualits requises : science de la maladie et exprience de la relation la personne

    malade

    Une responsabilit mdicale consiste en une intgration exigeante de normes scientifiques et transmissibles, et un lan personnel, indfinissable, changeant avec chaque mdecin et avec chaque malade, faisant de la mdecine un art, et non une simple science Philippe Meyer36.

    Lexercice de la mdecine clinique suppose non seulement le savoir et le savoir-faire

    de lart mdical, mais aussi le savoir-tre de lexistant37. Or, la mdecine contemporaine, qui

    est devenue trs technique et utilitariste, tend masquer lancrage humain de la pratique

    mdicale et infirmire.

    Le mdecin et le soignant sont vulnrables : ils cherchent, ttonnent, prouvent,

    sentent et ressentent.

    34 ROLAND J., CHAMONARD D., RICHARD D., GRILLIAT J.-P., VESPINIANI H., VOILQUIN J.-P., Enqute sur la vocation mdicale , La Revue dEducation Mdicale, 12/1989, p. 13-21. MILLET Mathias, Les tudiants et le travail universitaire. Etude sociologique, Presses Universitaires de Lyon, 2003. 35 BIENVAULT Pierre, Elle dfend son avenir de mdecin , La Croix, 8 octobre 2007, p.9. 36 MEYER Philippe, Philosophie de la mdecine, Paris, Grasset, 2000, p. 293-294. 37 MLLER Denis, Prface in VANNOTTI Marco, Ibid., 2006, p. 11-12.

  • 26

    Lexercice de lart mdical peut se faire selon trois modles38 :

    - le modle biomdical, qui est celui qui est enseign dans les Facults de mdecine. Il

    applique la mdecine la mthode analytique des sciences exactes. Il se concentre sur

    ltude et le soin de lorgane ou de la fonction perturbe. Il ne considre pas le patient en

    tant qutre humain ou de personne.

    - le modle psychosocial, qui englobe les aspects biologiques, psychologiques et sociaux de

    maladie et leurs interrelations.

    - le modle systmique, qui intgre les modles prcdents et tient compte de la complexit

    du vivant. Il se refuse de voir dans la souffrance la seule consquence dune altration

    molculaire ou une lsion anatomique. Il explore limpact de la maladie sur le milieu

    familial et social du patient. Ce milieu influence lagir mdical et vice versa. Cest ce

    dernier modle qui mriterait dtre adopt dans lintrt du patient.

    Lexercice dune profession de sant au contact des malades ncessite que lacteur soit

    dans un tat dquilibre physique et psychique adquat.

    1.1.2.3. Joies et dceptions du mdecin

    Comme les autres acteurs de sant, les mdecins, sont appels prouver des joies et

    des dceptions au cours de leur travail.

    Des causes de joie, sont la contribution une gurison, ou du moins lamlioration de

    ltat de sant dun malade, le fait de soulager la douleur et la souffrance, le fait de vivre des

    relations humaines intenses, la contribution la naissance dun nouveau-n en bonne sant.

    Des causes de dception voire de peine sont lchec thrapeutique et la mort

    prmature, langoisse et la souffrance des malades et de leurs proches, la naissance dun

    nouveau-n atteint de malformations graves, des comportements dautres acteurs de sant

    difficiles encaisser .

    La pratique de la mdecine clinique peut en effet tre parfois lorigine dune

    souffrance et dun puisement psychique. Parmi les causes figurent la crainte de lerreur

    mdicale, le contact impos avec des patients et des proches exigeants et capricieux, la

    surcharge de travail, la coupure avec leur propre milieu familial et leur cercle damis. De ce

    fait il est indispensable que le mdecin puisse dissocier en toute disponibilit mentale sa vie

    professionnelle exigeante et sa vie familiale existante.

    38 VANNOTTI Marco, Ibid., 2006, p. 27-44.

  • 27

    1.2. Autres professions de sant Les tudiants des autres professions de sant sont diversement concerns par des

    questions thologiques et thiques.

    1.2.1. Sage-femme

    Les sages-femmes (Sf) exercent une profession mdicale, au mme titre que les

    pharmaciens et les chirurgiens dentistes39. Elles suivent actuellement la mme 1re anne

    dtudes que les mdecins, les chirurgiens-dentistes et les masso-kinsithrapeutes.

    La dure totale des tudes est de quatre ans. Seulement 1 % des Sf sont des hommes.

    Elles accompagnent les mres depuis la conception jusqu un mois aprs laccouchement.

    Elles assurent le suivi de la grossesse (examen clinique, chographie, dpistage des

    pathologies). Elles ont la responsabilit du droulement de la grossesse normale. Elles

    prennent en charge les nouveau-ns et la mre. Elles participent la prise en charge des

    procrations mdicalement assistes, interruptions volontaires et mdicales de grossesse,

    fausses couches spontanes et morts ftales in utero.

    1.2.2. Infirmier(re)

    Les infirmires constituent la grande majorit des acteurs du monde de la sant40. Elles

    exercent une profession essentiellement fminine (neuf infirmires vs un infirmier). Elles sont

    la cheville ouvrire dun service de soins. Elles assistent le mdecin dans son activit de

    diagnostic et de soins. La spcificit de leur mtier est la capacit dentrer en relation avec le

    malade peru non seulement comme un patient, mais aussi dans son humanit41. Les

    conditions de travail sont fatigantes et les horaires de travail souvent difficiles.

    Elles sont formes dans un des 350 Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI).

    En 2003-2004 ils ont accueilli 30.000 lves, ayant russi le concours dadmission, aprs le

    baccalaurat. Les tudes ont une dure de trois ans et comportent, ct dune formation

    thorique et de travaux pratiques, quinze stages de 3-4 semaines. A lissue des trois ans, le

    diplme dEtat est dlivr aprs russite des preuves finales.

    Le personnel infirmier apporte beaucoup aux mdecins sur le plan relationnel car il est

    plus en contact avec les patients.

    39 GELIS Jacques, Sage-Femme in LECOURT Dominique (dir.), Dictionnaire de la pense mdicale, Paris, PUF, 2004, p. 987-991. 40 ACKER Franoise, ARBORIO Anne-Marie, Infirmire et aide-soignante in LECOURT Dominique (dir.), Dictionnaire de la pense mdicale, Paris, PUF, 2004, p. 646-652. 41 DUBET Franois, Ibid., 2002, p. 195-230.

  • 28

    1.2.3. Aide-Soignante

    Les aides-soignantes (As) sont les assistantes des infirmires et contribuent la qualit

    du sjour des patients lhpital42. Elles travaillent dans les services de soin et

    dhbergement. Sous le contrle et la responsabilit des infirmires, elles sont charges des

    soins dhygine gnrale, lexclusion de tout soin mdical. Elles aident les personnes se

    lever et se dplacer, elles donnent boire et manger, elles grent leurs excrtions

    corporelles. De ce fait elles ont des relations affectives privilgies avec les malades. Souvent

    elles sont confondues avec les infirmires. Les conditions de travail sont fatigantes et les

    horaires souvent contraignants exigent de la disponibilit43. Il nest pas toujours facile pour

    elles de dissocier les charges professionnelles avec les motions et conflits dordre personnel.

    Le diplme dAs est dlivr lissue dun an de formation aprs un BEP.

    1.2.4. Kinsithrapeute / Ergothrapeute

    Les kinsithrapeutes/ergothrapeutes font partie de lquipe soignante de la plupart

    des services hospitaliers. Ils jouent un rle important au niveau des soins postopratoires,

    notamment orthopdiques, mais aussi mdicaux, essentiellement par la rducation motrice et

    respiratoire, ainsi que par leur contact gnrateur de stimulation et de soutien psychologique.

    Pour les infirmes moteurs leur activit est dterminante.

    2. Profil socioculturel des tudiants en mdecine Deux tudes ont port sur le profil des tudiants en mdecine. La plus ancienne

    remonte 1956 et nest plus reprsentative de la situation actuelle44.

    Les rapports des EM leurs tudes refltent lappartenance leur milieu social. Les

    EM issus de la classe des cadres suprieurs reprsentent prs de la moiti des effectifs.

    Lge des tudiants est compris entre 17 et 30 ans. Depuis une trentaine dannes se

    dveloppe une prdominance fminine qui atteint actuellement environ 70 % au dbut des

    tudes de mdecine. Dans les annes suprieures cette prdominance sattnue.

    42 ARBORIO Anne-Marie, Quand le sale boulot fait le mtier : les aides-soignantes dans le monde professionnalis de lhpital , Sciences Sociales et Sant, 3/1995, p. 93-126. ARBORIO Anne-Marie, Un personnel invisible. Les aides-soignantes lhpital, Paris, Anthropos, 2002. ACKER Franoise, ARBORIO Anne-Marie, Ibid., 2004. 43 ARBORIO Anne-Marie, Ibid., 1995. 44 REYNAUD Jean-Daniel, TOURAINE Alain, Deux notes propos dune enqute sur les tudiants en mdecine , Cahiers internationaux de Sociologie, Paris, vol. 20, janvier-juin 1956, p. 124-148. Ce travail figure dans louvrage suivant : STEUDLER Franois, Sociologie mdicale, Paris, Armand Colin, 1972, p. 275-313. MILLET Mathias, Ibid., 2003 (Enqute sociologique par entretiens approfondis de 30 EM de DCEM1 Lyon).

  • 29

    La plupart (54 %) des EM ne sont pas domicilis chez leurs parents45 ; certains

    travaillent pour financer leurs tudes.

    Les temps sont loin o les jeunes pouvaient se former dans leur rgion natale, sy

    installer ultrieurement, et continuer rencontrer des amis dtudes secondaires et

    universitaires.

    3. Profil religieux des tudiants en mdecine Plusieurs raisons expliquent lintrt port la foi religieuse par les tudiants en

    mdecine :

    - en premier lieu, leur croire intervient dans lexercice de la mdecine praticienne, qui est en

    principe une profession de laltruisme, comme lest aussi celle decclsiastique et celle

    denseignant ; ce sont des professions que lon choisit le plus souvent par vocation ;

    - en deuxime lieu, ds le dbut de sa formation, ltudiant est confront la maladie grave,

    la souffrance et la mort, qui interrogent sa foi ;

    - en troisime lieu, ds la fin de ses tudes il est appel faire des choix thiques difficiles en

    fonction de valeurs dont celles lies sa foi ;

    - enfin, leur foi intervient dans leur dcision de frquenter une Aumnerie universitaire.

    Il nexiste pas de donnes sur lappartenance et la pratique religieuse des tudiants en

    mdecine. LUniversit laque ninterroge pas les tudiants sur leur religion. Les Conseils de

    facult nacceptent pas la conduite dune enqute sur ce sujet au sein de ltablissement46.

    Une enqute sur le campus au sortir des cours se heurte au manque de disponibilit des

    tudiants et la pudeur de sexprimer sur des questions de foi.

    Il existe des donnes sur le croire des tudiants toutes filires dtudes confondues.

    Daprs une tude pratique entre 1990 et 1995, 69 % des tudiants se dclarent catholiques,

    2,5 % musulmans, 1,8 % protestants, 1,7 % dune autre religion et 25 % sans religion47. Elle

    confirme lindiffrence croissante lgard des religions chrtiennes et la progression de ceux

    et celles qui se disent sans religion, et/ou de croire la rincarnation ou lexistence dextra-

    terrestres. Beaucoup dtudiants qui se disent croyants portent en eux le concept dun Dieu

    qui est loin du Dieu vivant qui a besoin des hommes parce quil les aime.

    On dispose par ailleurs de donnes sur le croire des Franais, en particulier de ceux en

    ge de frquenter lUniversit. Daprs une enqute CSA/la Vie/Le Monde effectue le 21

    mars 2003, les catholiques pratiquants rguliers sont 12%, les pratiquants occasionnels 15%, 45 Le Monde du 1 & 2 octobre 2006, p. 1. 46 Il en est de mme de la CNIL (Commission nationale de linformatique et des liberts). 47 DELESTRE Antoine, Les Religions des tudiants, Paris, LHarmattan, 1997.

  • 30

    les non pratiquants 35%, au total ils sont 62% ; les musulmans sont 6%, les protestants 2%,

    les juifs 1%, les adeptes dune autre religion 2% et 27% se disent sans religion.

    Seulement 42% des 18-24 ans se disent catholiques, et 7,9 % dentre eux sont

    pratiquants, contre 7,7 % de lensemble des catholiques. Il semble exister dans ce groupe

    dge un regain de pratique, par rapport la classe dge suprieure (7,3 % pour les 25-34

    ans).

    Concernant le niveau dtudes, 14,4 % des bacheliers catholiques sont pratiquants,

    contre 15,7 % chez les non-bacheliers. Ce pourcentage sabaisse 10,5 % Bac +2, pour

    remonter 19,5% au-dessus de Bac +248.

    Actuellement on assiste une monte du religieux hors-piste (hors religion) et une

    remonte partielle du christianisme, en particulier chez les jeunes de 18-24 ans49.

    Le profil religieux de lAlsace se diffrencie de celui de lintrieur de la France.

    En effet, daprs une enqute TNS-Sofres du 3 janvier au 4 mars 2007, lAlsace compte 58 %

    de catholiques, 17 % de protestants, 4 % de juifs et 3 % de musulmans (vs 59 % de

    catholiques, 3 % de musulmans, 2 % de protestants, 1 % de juifs et 1 % de bouddhistes sur le

    plan national)50.

    Limmigration issue des pays du pourtour mditerranen entrane une augmentation

    significative de la proportion dtudiants de religion musulmane, en particulier dans les

    Facults de mdecine. Sy ajoutent ceux venus en France pour se spcialiser et qui souvent y

    restent. Cette constatation amne certains sinterroger sur la pratique de la mdecine de

    demain, si elle est ampute de la culture religieuse occidentale.

    Les temps sont loin, o les jeunes tudiants catholiques, souvent passs par le

    scoutisme, avaient la foi du charbonnier . Au mieux, leur foi et leur vie spirituelle sont

    encore souvent en jachre , chez ces chrtiens encore gros-grain 51. Souvent ce ne sont

    pas lglise et la foi qui les rassemblent en dehors des amphithtres, mais lamiti et le

    partage.

    48 La Croix, 24 dcembre 2004, p. 3-4. Des donnes similaires ont t obtenues par une enqute Ifop, publie dans la Croix des 14-15 aot 2006, qui confirme par ailleurs que les femmes sont plus pratiquantes que les hommes. 49 LESCANNE Guy, 15/25 ans, On ne sait plus qui croire , Paris, Cerf, 2004, p. 91-93. 50 FORTIER Jacques, LAlsace multireligieuse reste assez pratiquante , Dernires Nouvelles dAlsace, 6 avril 2007. 51 Qualificatifs utiliss par le P. Deverre s.j., alors quil tait directeur du Centre Laennec de Paris. Communication personnelle.

  • 31

    Cette rosion du catholicisme est appele saccentuer pour les raisons suivantes :

    - larrt de la transmission de la foi aux jeunes ; bien que la foi soit un mystre du don de

    Dieu et laccueil par la libert de chacun, son indispensable transmission dans les familles,

    dune gnration lautre, ne se fait plus : les parents, nayant eux-mmes plus fait

    dexprience spirituelle chrtienne, sont dans limpossibilit de la transmettre ;

    - lindiffrence croissante de la socit franaise lexprience religieuse chrtienne et son

    orientation vers dautres expriences religieuses.

    Aujourdhui la foi des chrtiens est mise rude preuve face lindiffrentisme , le

    multiculturalisme et le multiconfessionnalisme , le syncrtisme et le relativisme

    du tout se vaut . Beaucoup de jeunes chrtiens, ds lors quils sont isols, hsitent

    saffirmer. Et celui qui ne saffirme pas, ne dit pas plus que celui qui na rien dire. Pourtant

    un chrtien doit dire et tenir la Parole . De cette situation dcoule la ncessit de trouver

    des modalits permettant de renforcer la foi pendant le temps des tudes. Celui-ci est un

    temps privilgi, celui de la formation intellectuelle, humaine et spirituelle. Mais

    lapprofondissement de la foi ncessite la dure et un investissement personnel rarement

    disponibles.

    4. Conclusion Les EM se distinguent des autres EPS par leur profil socioculturel et les modalits de

    leur formation. Ces diffrences expliquent la prpondrance de ce groupe au sein des AUC et

    des CEEMJ.

  • 32

  • 33

    Chapitre II. Historique des Institutions ecclsiales accueillant

    des tudiants en professions de sant

    Lglise attache une grande importance la pastorale auprs des tudiants, comme en

    tmoigne la Dclaration du Concile Vatican II sur lducation chrtienne des tudiants52.

    Celle-ci dfinit les objectifs de la pastorale et les moyens pour les atteindre, en particulier les

    Aumneries :

    Quant aux coles suprieures et surtout aux universits et facults, lglise les entoure dun soin vigilant [...]. Puisque le sort de la socit et de lglise elle-mme est troitement li aux progrs des jeunes qui poursuivent des tudes suprieures, les pasteurs de lglise ne doivent pas seulement prendre soin sans rserves de la vie spirituelle des universits catholiques, mais, soucieux de la formation spirituelle de tous leurs fils, ils se proccuperont, toutes consultations prises entre vques, de fonder aussi auprs des universits non catholiques, des foyers et des centres universitaires catholiques o des prtres, des religieux et des lacs, spcialement choisis et prpars, offrent en permanence la jeunesse universitaire une assistance spirituelle et intellectuelle .

    Le Concile semble ne se soucier que de la formation spirituelle et intellectuelle de

    ses fils . Pourtant, en 1965, anne de promulgation de cette dclaration, les filles

    constituaient dj une fraction non ngligeable des tudiants dans les pays industrialiss. Ce

    dcalage entre la ralit et le Concile a t relev par certains : Le Concile a dcrit un

    monde au moment mme o celui-ci devenait autre 53.

    En 1966, est fonde la Mission tudiante catholique de France (MECF), charge de

    fdrer les Aumneries tablies auprs des tablissements de lenseignement suprieur. En

    2006, la MECF intgre le Service national dvanglisation des jeunes, scolaires et tudiants

    (SNEJSE), voir chapitre VI, p. 92.

    Le Code de droit canonique (CDC) latin prcise la place des AUC dans le droit interne

    de lglise 54:

    Lvque diocsain aura une vive sollicitude pastorale pour les tudiants, mme en rigeant une paroisse ou du moins en affectant des prtres de faon stable pour cette tche, et il veillera ce quauprs des universits mme non catholiques, il y ait des centres universitaires catholiques qui offrent la jeunesse une aide surtout spirituelle .

    52 CONCILE CUMENIQUE VATICAN II, Dclaration sur lducation chrtienne Gravissimum educationis momentum , 28 octobre 1965, Paris, Centurion,1967, 10, p 716-718. 53 MATAGRIN Gabriel Mgr. Le chne et la futaie. Une glise avec les hommes de ce temps, Paris, Bayard, 2000. 54 CODE DE DROIT CANONIQUE (1983), promulgu sous lautorit de S.S. le Pape Jean-Paul II, Paris, CenturionCerfTardy, 1984, Can. 813.

  • 34

    Plus rcemment, diverses Institutions pontificales ont fait une dclaration commune

    sur la prsence de lglise dans lUniversit55.

    1. Origine et volution des Institutions daccueil La rencontre actuelle de lglise avec le monde ducatif et universitaire a dbut

    partir du moment o la libert de lenseignement et dassociation, supprime sous le

    Rvolution et lEmpire, a t rtablie en 1833 pour lenseignement primaire, en 1850 pour

    lenseignement secondaire et en 1875 pour lenseignement suprieur56.

    Par la loi du 10 mars 1803, le Consulat avait organis les formations des

    professionnels de sant. Les Facults de mdecine, au nombre de trois (Paris, Strasbourg et

    Montpellier), confraient le grade de docteur en mdecine et les coles de mdecine

    dpartementales celui dofficier de sant. Les mdecins pratiquaient essentiellement dans les

    villes, en milieu hospitalier et leur clientle prive tait constitue de malades fortuns.

    Les officiers de sant pratiquaient une mdecine restreinte, gnralement pour les pauvres et

    leur activit tait limite leur dpartement de formation. Lofficiat de sant est aboli en 1892

    pour tablir lgalit de la qualit des soins.

    En 1870, suite la perte de la Facult de mdecine de Strasbourg, la France ne dispose

    plus que de deux Facults (Paris et Montpellier). Celle de Strasbourg est transfre Nancy et

    de nouvelles Facults sont cres : leur nombre passe de trois sept en 1919. Parmi elles

    figure la Facult de mdecine de lUniversit catholique de Lille.

    Cette poque est marque par trois lments particuliers 57 :

    - Il existait alors une hostilit marque vis--vis de lglise, des ecclsiastiques et des

    Institutions destines prolonger lducation religieuse initiale et regrouper la jeunesse

    catholique en associations58. Lennemi dclar des anticlricaux taient les Jsuites,

    principale congrgation enseignante du monde catholique59. Ce sont eux qui ont surtout tir

    bnfice de la loi Falloux de 1850, leur permettant douvrir des coles secondaires.

    55 CONGREGATION POUR LEDUCATION CATHOLIQUE, CONSEIL PONTIFICAL POUR LES LACS ET CONSEIL PONTIFICAL DE LA CULTURE, La prsence de lglise dans lUniversit et dans la culture universitaire , (22.05.1994), DC, 2097/1994, p. 604-610. 56 OZOUF Mona, Lcole, lglise et la Rpublique 18711914, Paris, Cana/Jean Offredo, 1982, p. 36. GUILLAUME Pierre, Mdecins, glise et foi. XIXe XXe sicles, Paris, Aubier Montaigne, 1990, pp. 90-94, 107-112. GUILLAUME Pierre, Le rle social du mdecin depuis deux sicles (1800-1945), Paris, Association pour ltude de lhistoire de la Scurit Sociale, 1996, pp. 88-90, 117-142. 57 VERSPIEREN Patrick, Les origines du Centre Laennec , Laennec, fvrier 1976, p. 15-16. 58 CHOLVY Grard, Histoire des organisations et mouvements chrtiens de jeunesse en France (XIXe-XXe sicle), Paris, Cerf, 1999, p. 26. 59 GUILLERMOU Alain, Les Jsuites (1961), Paris, PUF, Que sais-je 936, 1992. DHOTEL Jean-Claude, Histoire des Jsuites en France, Paris, Descle de Brouwer, 1991

  • 35

    - Les milieux universitaires, le milieu mdical en particulier, se situaient globalement

    gauche sur lchiquier politique ; il tait sensible aux attraits dune franc-maonnerie

    perue comme lhritire des Lumires. Les catholiques y formaient une minorit infime.

    Celle-ci se sentait mprise et raille par un milieu libre penseur et anticlrical. A linverse,

    aux yeux des catholiques, le monde scientifique et universitaire tait peru comme athe,

    matrialiste, oppressif.

    En 1875, ils taient rares dans les salles de garde et les amphithtres, les tudiants catholiques. Cinq ou six jeunes gens se sont dit que les catholiques pouvaient rclamer leur place au soleil [] et lvnement leur a donn raison 60.

    Jusque-l, depuis lchec de la Restauration (1830), lglise de France vivait replie

    sur elle-mme, craintive lgard de la modernit, lencyclique Quanta cura et le Syllabus de

    1864 en sont les reflets. Aux yeux de certains, lglise tait le refuge des mdiocrits

    impuissantes .

    - Le monde de la sant tait trs diffrent du monde actuel. Les maladies contagieuses, en

    particulier la tuberculose, taient fort rpandues, mais il nexistait pas de traitement efficace

    contre elles. Beaucoup de mdecins et de soignants en sont morts. Laennec en est un exemple.

    A partir de 1875, les catholiques franais ragissent et entrent dans le monde

    scientifique et universitaire. Des Facults et des Universits catholiques sont cres Paris,

    Angers, Lille et Toulouse (en 1880, celles-ci prennent le nom de Institut , suite la loi

    Ferry, interdisant dappeler Universit des groupes de Facults libres).

    Ainsi nat, en 1876, le futur Institut catholique de Paris ( la Catho ), o Edouard

    Branly, responsable de lenseignement de la physique, met au point le radioconducteur (ou

    cohreur ), organe essentiel des rcepteurs de TSF.

    LUniversit catholique de Lille, avec sa Facult de mdecine, a t inaugure en juin

    1877, avec une bulle dinstitution de Pie IX. Elle a t cre pour donner lglise

    catholique la possibilit de soustraire une partie des tudiants linfluence nfaste et

    prilleuse du matrialisme et positivisme scientifique de la Rpublique 61.

    Cest au sein de sa Facult de mdecine que slabore une vritable doctrine du

    mdecin chrtien, dont la formulation est le texte compltant le serment dHippocrate prt

    alors en ses murs. Il souligne le devoir de charit envers les malades et les obligations envers

    60 CONFERENCE LAENNEC, Les noces dargent de la Confrence Laennec, 20 mai 1900 , Documents darchives 1875-1900, p. 17. 61 BONAH Christian, Instruire, gurir, servir, Presses Universitaires de Strasbourg, 2000, p. 245.

  • 36

    lglise, le devoir de respecter la vie en toutes circonstances, de procurer le baptme

    lenfant en danger, davertir les malades en tat grave de leurs intrts religieux et matriels.

    Lglise incite les mdecins catholiques se regrouper au sein de la Socit Mdicale

    de Saint-Luc, Saint Cme et Saint-Damien, fonde en 1884, notamment pour lutter contre la

    lacisation des hpitaux parisiens et trs accessoirement provinciaux, avec exclusion des

    Congrgations religieuses (Surs de saint-Vincent-de-Paul, Surs Augustiniennes).

    La Socit Saint-Luc introduit le concept de mdecine de la personne , en raction

    la mdecine scientiste et technicienne. Elle intervient de plus en plus dans la vie publique.

    Elle encadre aussi les tudiants en mdecine et, Paris, oriente vers la Confrence

    Laennec les candidats aux concours dExternat et dInternat des Hpitaux, passage oblig de

    llite hospitalire, fonds en 1802 par Napolon62. Elle incite ses membres confier leurs

    enfants tudiants en mdecine soit celle-ci, soit lAssociation Gnrale des tudiants

    Catholiques de Paris, qui offre dans le cadre du Cercle du Luxembourg dautres confrences

    gratuites de prparation aux concours. En effet, dans ces Institutions ils trouveront de bons

    et laborieux amis .

    En 1894 elle cr le Bulletin Saint-Luc qui exprime le point de vue de la mdecine

    catholique sur des problmes de socit et lexercice de la profession. A noter quen 1895,

    elle se dclare favorable linsmination artificielle entre conjoints.

    Elle compte 750 adhrents en 1903, 1205 en 1913 et 3152 en 1959. Elle comporte

    aussi des Comits locaux et rgionaux63.

    A la mme poque, lglise met aussi en place dans les villes universitaires franaises

    des Institutions de rencontre avec les tudiants catholiques, afin de contribuer leur formation

    humaine, spirituelle et professionnelle.

    Les premires ont t fondes par des Jsuites, la demande dEM catholiques Paris

    et Lyon pour les aider prparer les concours des hpitaux.

    62 ASSISTANCE PUBLIQUEHOPITAUX DE PARIS, Ordre et dsordre lhpital. Linternat en mdecine (1802-2002), Paris, Muse de lAssistance PubliqueHpitaux de Paris, 2002. 63 GUILLAUME Pierre, Ibid., 1990, p.107.

  • 37

    2. Centres dEntraide aux tudes de Mdecine dirigs par des Jsuites

    (CEEMJ) Trois Centres sont encore actuellement en fonction : le Centre Laennec de Paris ,

    la Maison de lEtudiant Catholique ou Cha Lyon et le Centre culturel Augustin

    Fabre de Marseille. Dans les annes 1950 existaient aussi des Confrences Laennec

    Tours, Strasbourg et Montral64. Seule celle de Paris subsiste encore actuellement.

    La Confrence Laennec des tudiants en mdecine de Strasbourg (1948-2003),

    dirige le P. Jean Minry s.j., avait pour particularit dtre la fois une AUC et un CEEMJ

    (Annexe n 2, p. 448)65. Son successeur, le CMES , a repris cette tradition de soutien aux

    tudes de mdecine jusquen 2005 (voir infra).

    2.1. Centre Laennec de Paris (CLP) Le CLP, initialement appel Confrence Laennec (CL), est, avec la Maison des

    tudiants catholiques (la MEC ou le Cha ) de Lyon, la plus ancienne Institution

    catholique pour tudiants en mdecine66. Il a t cr en 1875-1876 par des tudiants en

    mdecine et des Jsuites, qui en assurent la direction. Ses fondateurs le ddirent Ren

    Laennec (1781-1826), mdecin catholique le plus rput du XIXe sicle, que les tudiants

    souhaitaient imiter (Annexe n 3, p. 454).

    La CL organise, rue de Svres, des confrences hebdomadaires dexternat et

    dinternat ; elle propose aussi des salles de travail.

    La CL prend ses racines dans deux Institutions :

    - La Congrgation , fonde en 1801 Paris par six tudiants en droit et en mdecine,

    dirige par labb Delpuits, ancien Jsuite ; elle se runit Saint-Sulpice et a des filiales en

    province, notamment Lyon ; elle insiste sur la ncessit pour les catholiques de simposer

    sur le plan professionnel ; elle est frquente par Laennec67;

    64 LARERE Ch, Confrence Laennec in JACQEMET G. (dir.), Catholicisme, Paris, Letouzey & An, 1949, tome II, p. 1489. 65 En 1955, je suis devenu membre de cette Institution, dont les anciens se retrouvent encore mensuellement lheure actuelle. 66 DEVERRE Jean-Claude, Le Centre Laennec, Centre Laennec d., 2002. 67 BERTIER G. de, La Congrgation in JACQUEMET G. (dir), Catholicisme, Paris, Letouzey & An, 1952, Tome III, col. 10. GUILLERMOU Alain, Ibid., 1992, p. 98-105. CHOLVY Grard, tre chrtien en France, au XIXe sicle, 1790-1914, Paris, Seuil, 1997, p. 50-54.

  • 38

    - La Runion des Jeunes Gens de la rue de Svres du pre Olivaint s.j., fonde en 1839,

    celle-ci devint en 1874 la Confrence Olivaint, aprs la mort de celui-ci, victime de la

    Commune en 187168.

    La CL nat sous limpulsion de quelques tudiants en mdecine, membres de ces deux

    Institutions. Avec laide de Paul-Marie Michaux, alors candidat lInternat, ils organisent un

    groupe exclusivement mdical et lappellent CL.

    Paul-Marie Michaux, nomm Interne en 1876 (9me sur 40 reus69) en a t le premier

    prsident ; il lest rest jusqu sa mort70. N Metz en 1854, il rejoint Paris en 1872, aprs

    lannexion de lAlsace et de la Lorraine71. Il y poursuit des tudes mdicales et frquente la

    Runion des jeunes-gens . Devenu chirurgien des hpitaux, il surveille et poursuit le

    dveloppement de la CL.

    A sa mort, en 1923, celle-ci compte 400 EM, soutenus et guids par 200 anciens,

    mdecins, chirurgiens, professeurs. Dj avant les directives de Pie XI sur lAction

    catholique, Michaux contribue intensivement la formation professionnelle, civique et sociale

    des jeunes. Ainsi il fonda la Fdration gymnastique et sportive des patronages de France

    (dont fait partie lAvant-Garde du Rhin), lUnion Jeanne la Lorraine et lUnion internationale

    des uvres catholiques dducation physique.

    La CL a pour but de donner ses membres une formation chrtienne et une formation

    professionnelle. Elle organise des confrences prparatoires aux concours hospitaliers. Des

    confrences religieuses, des retraites, des groupes de pit et daction fournissent aux futurs

    mdecins la possibilit dapprofondir leur foi.

    Une attention particulire est accorde la dontologie catholique72. Le mdecin

    catholique est appel parfaire sa science dans une optique de dvouement au malade, de se

    sacrifier lors des pidmies, de respecter le secret mdical, de contrer les influences no-

    malthusiennes et davoir de saines prtentions financires.

    En 1900 est cre lAssociation des Amis de Laennec, qui compte 700 membres en

    1935. Elle se dfinit comme une corporation au sein de laquelle se confondent apprentis,

    68 JACQUEMET G., Confrence Olivaint in JACQUEMET G., Catholicisme, Paris, Letouzey & An, 1949, tome II, col. 1490. 69 Association Amicale des Internes et anciens Internes. Annuaire de lInternat. 1964, p. 41. 70 CONFERENCE LAENNEC, Les noces dargent de la Confrence Laennec, 20 mai 1900 , Documents darchives 1875-1900, p. 17. 71 MICHAUX Paul, Rapport prsent le 20 mai 1900, loccasion de la clbration des 25 ans de la fondation de la Confrence Laennec , Confrence Laennec, Archives tome 1, 1875-1910. MICHAUX Paul, Les origines et le pass de la confrence , Confrence Laennec, dcembre 1919, p. 5-46. 72 CONFERENCE LAENNEC, Le mdecin catholique Mmento, Confrence Laennec, mai 1911, p. 23-24.

  • 39

    compagnons et matres , dans le double but de parfaire leur vie religieuse et de favoriser

    ltude et le perfectionnement professionnel .

    Un extrait de lettre dtudiant, date de juin 2000, montre la faon dont le CLP tait peru par ses membres :

    La 1re anne est trs charge en quantit de travail ; et le systme des sous-colles, lentraide qui est ne au sein de notre petit groupe ma t dun grand secours. Une relle complicit est ne entre nous []. Mais la difficult ne se rsume pas la simple paisseur des polys, et le Centre, travers son atmosphre studieuse mais galement chaleureuse et fraternelle, ma aid traverser des moments de doute, de dception jalonnant ces deux semestres. La comptition, le stress, omniprsents la fac, masquent souvent le visage rel de la mdecine, o le souci de lautre est indispensable []. Le contact avec les tudiants des annes suprieures a confirm ma volont de poursuivre mes tudes dans cette voie et ma offert un avant-got plus concret de ce qui, je lespre trs fortement, deviendra mon mtier ; cest cette seconde maison que je me fais une joie de retrouver la rentre .

    2.2. Maison des tudiants Catholiques (MEC) ou Cha de Lyon En 1874, huit tudiants en mdecine se runissent autour du P. Marc Brsard s.j.73.

    Lassociation Aide aux Etudiants en Mdecine (AEM) est fonde en 1902. Son but est de

    former des tudiants en mdecine catholiques, afin de constituer un ple mdical lyonnais

    fond sur des valeurs chrtiennes.

    En 1919 est cre la Maison des Etudiants Catholiques ( la MEC ), au quai

    Claude Bernard, o est implante lunique Facult de Mdecine du Lyon dalors. Au dpart,

    cest un foyer de 120 chambres pour tudiants. Le pre Franois Varillon s.j. y a t en

    subsistance de 1943-1947 et y pronona ses vux perptuels en 194574.

    De 1939 1968, des tudiants se runissent chez le P. Charignon s.j. (1901-1991),

    directeur de lassociation AEM, pour travailler et partager. De l est ne lexpression : aller

    chez le Cha , puis aller au Cha .

    En 1973, lAEM et la MEC fusionnent. LAEM sinstalle dans les locaux du quai

    Claude Bernard. Parmi les tudiants, lappellation le Cha supplante progressivement celle

    de la MEC , terme proche de la Mecque et qui leur devient incomprhensible.

    Au cours des 30 dernires annes, le mtissage de la socit et la trs forte croissance

    de la population tudiante transforment progressivement lassociation. Des tudiants de toute

    origine et de toute religion (dont 7 % de musulmans) frquentent le Cha.

    73 LE HOUEROU Herv, La Maison des Etudiants Catholiques, le Cha de Lyon , Jsuites de France, 2002, p. 52-53. 74 VARILLON Franois, Beaut du monde et souffrance des hommes, Paris, Centurion, 1980, pp. 90, 391.

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    Deux anciens de la Maison dcrivent leur sjour au Cha, dans les annes 1980, de

    la manire suivante :

    1re description : Nous tions un groupe dune vingtaine dtudiants en mdecine plus particulirement impliqus dans la vie chrtienne de lassociation. Nous prparions les liturgies des grandes ftes. De cette joie de chanter est dailleurs ne une chorale, qui existe encore aujourdhui au Cha. Je me souviens que des groupes de rflexion taient anims par les pres en suivant le livre Jalons pour la vie 75. La grande disponibilit des Jsuites, leur bureau toujours ouvert, faisait que lon sarrtait souvent chez eux pour partager inquitudes et espoirs quant lavenir professionnel et humain. Nous considrons que cest tout dabord la MEC que nous avons vcu nos pas de jeunes adultes chrtiens et dapprentis mdecins. Cette maison est un peu notre mre, car cest en partie grce elle que nous sommes ce que nous sommes. Elle a t un ancrage fort lge des questionnements. Elle nous a envoys au large : Avance en eau profonde (Lc 5, 4) 76.

    2me description : Javais toujours dit que je ne serais jamais mdecin, sans pouvoir en expliquer les raisons : pour moi ctait simplement impossible de faire comme mes parents et ma sur ane. Je voulais tre chercheur gnticien. Ils mont trouv une chambre la MEC, o ils avaient sjourn durant leurs tudes. Depuis lge de 15 ans, jtais en rvolte contre ma famille, puis contre la socit : je me sentais appartenir aux marginaux [...] Dans mon comportement je signifiais le refus de toute contrainte [] Je mestimais alors en parfait accord avec mon idal anarchiste. Je me disais totalement athe et fier de ltre, au point davoir rendu ma mdaille de baptme ma mre []. En arrivant la MEC, ma rencontre avec le pre Lhaumet fut trs marquante. Jai eu immdiatement la sensation dtre important pour lui, sans me sentir jug, comme jen avais lhabitude, sur mes cheveux longs et mes ides rvolutionnaires. Je me suis senti en confiance et cela ma permis de lcher, face lui, lattitude dfensive que je vivais presque en permanence. Sans pouvoir le nommer encore, javais got, travers cette confiance, un peu du formidable amour que le pre avait pour chacun dentre nous et dont la moindre de ses relations tait tout imprgne. Cet amour, nourri par la prire de la communaut jsuite de la MEC, aura t, jen suis sr, dterminant pour mouvrir ce qui mattendait cette anne-l : la rencontre avec Dieu []. Les cinq premires annes de mdecine ont t trs marques par ce que jai vcu la MEC. Il y avait une sorte dambiance communautaire qui nous permettait dtre ports, comme par un courant, travailler. Ceux qui le dsiraient pouvaient aller le soir lEucharistie. Cette messe trs courte, conue pour les tudiants, offrait chaque jour Dieu tout un poids de travail et de vie. Le pre Lhaumet a vritablement, pendant ces annes, t mon pre. Il avait pour principe dtre le maximum de temps son bureau, afin de recevoir tous ceux qui voulaient le voir. Ctait un dfil presque incessant devant sa porte. Beaucoup venaient uniquement pour parler, tant sa conversation tait agrable et pleine dune prsence. On avait la sensation que le cur de son apostolat tait cette disponibilit aux tudiants, dans laquelle il sinvestissait tout entier, donnant chacun, sans le nommer, lamour du Christ. Certains tudiants

    75 Il sagit vraisemblablement du livre de KEVAN Ernest, Jalons pour une vie nouvelle, Mulhouse, Ed. Grce et Vrit, 1988. 76 N. DENIS, in LE HOUEROU Herv, Ibid., 2002, p. 53. A propos de Lc 5, 4 jaimerais faire ici tat de louvrage suivant : THEVENOT Xavier, Avance en eau profonde. Carnet spirituel, Paris, Descle de Brouwer / Cerf, 1997.

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    non chrtiens (agnostiques, athes, musulmans) de la maison passaient galement de longues heures avec lui et nourrissaient une grande admiration pour ce sage . Ce quils apprciaient le plus, ctait sa libert de pense et son esprit universel []. Enfin, la connaissance trs pousse du monde mdical (25 ans de prsence dans celui-ci), lui avait donn une grande clairvoyance dans les enjeux de la mdecine, particulirement en ce qui concerne lthique bio-mdicale 77.

    La reproduction dune partie de cette lettre est justifie par le fait quelle dcrit une

    ralit dont des gnrations dtudiants ont bnfici. Cest trs probablement la manire de

    rencontre optimale de lglise avec les futurs mdecins.

    Dans un travail plus rcent, le Cha est dcrit de la faon suivante : en premire anne tu es prpar au concours, une fois par semaine tu as une preuve dans chaque matire. Et puis les annes daprs, ce qui se fait bien, cest daider les premires annes justement en organisant des colles. Au Cha