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Université de Strasbourg Ecole doctorale des Humanités THESE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITE DE STRABOURG Discipline : Philosophie Présentée et soutenue publiquement par M. SEONG RYONG KIM le 15 octobre 2011 Titre : RECHERCHE SUR « LE MONDE COMME VOLONTE ET COMME REPRESENTATION » DE SCHOPENHAUER : Les problèmes philosophiques posés par les souffrances de la vie humaine Directeur de thèse : M. GERARD BENSUSSAN Jury: M. GERARD BENSUSSAN ( Professeur, Université de Strasbourg ) M. JEFFREY ANDREW BARASH ( Professeur, Université de Picardie-Jules Verne ) M. RAPHAEL GELY ( Professedur, Université catholique de Louvain, Belgique )

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  • Universit de Strasbourg

    Ecole doctorale des Humanits

    THESE

    pour obtenir le grade de

    DOCTEUR DE L'UNIVERSITE DE STRABOURG

    Discipline : Philosophie

    Prsente et soutenue publiquement par

    M. SEONG RYONG KIM

    le 15 octobre 2011

    Titre :

    RECHERCHE SUR LE MONDE COMME VOLONTE ET

    COMME REPRESENTATION DE SCHOPENHAUER :

    Les problmes philosophiques poss par les souffrances de la vie humaine

    Directeur de thse :

    M. GERARD BENSUSSAN

    Jury: M. GERARD BENSUSSAN

    ( Professeur, Universit de Strasbourg )

    M. JEFFREY ANDREW BARASH ( Professeur, Universit de Picardie-Jules Verne )

    M. RAPHAEL GELY ( Professedur, Universit catholique de Louvain, Belgique )

  • Remerciements :

    Je remercie sincrement Monsieur Grard BENSUSSAN qui a bien

    voulu diriger cette thse avec bienveillance.

    Ma gratitude va galement mes professeurs de lUniversit de Strasbourg.

    Jy associe mes amis franais et corens sans oublier ma famille qui ma

    soutenu tout au long de ce travail.

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    Table des matires

    I. Introduction .p.3 II. Mthodes et limites de la recherche ....p.11 III. Aperu sur la philosophie de Schopenhauer travers ....p.16 Le monde comme volont et comme reprsentation 1. Ide gnrale et logique philosophique chez Schopenhauer .p.17 2. Constat de lexistence du monde comme volont et de la Volont .p.30 3. Le monde esthtique .p.41 3.1. Ide gnrale .p.41 3.2. Regard sur lintrt de lart p.52 4. Conclusion .p.60 IV. Analyse sur les sorties des souffrances de la vie humaine .....p.63 1. Souffrances de la vie humaine, le monde de la ngation .....p.65 du vouloir-vivre chez Schopenhauer

    2. Caractre de lhomme .p.77 2.1. Caractre de Nature ..p.80 2.1.1. Sentiment ...p.80 2.2. Caractre dHomme ..p.82 2.2.1. Rire .p.82 2.2.2. Amour (entre les deux sexes) .p.87 2.2.3. gosme, Mchancet, Justice .p.92 2.3. Caractre de Volont .p.93 2.3.1. (gosme), (Mchancet), (Justice), Bont, Vertu, Pure connaissance .....p.93 3.tude sur les trois Lois (la Loi absolue, la Loi de la nature, la Loi de l'homme) ..p.103 4. Sorties des souffrances de la vie humaine .p.119 4.1. Sorties des souffrances de la vie humaine par rapport au caractre de Nature .P.122 4.2. Sorties des souffrances de la vie humaine par rapport au caractre dHomme P.130 4.2.1. Rire P.130 4.2.2. gosme, Mchancet P.140 4.2.3. Amour (entre les deux sexes) P.147 4.3. Sorties des souffrances de la vie humaine par rapport au caractre de Volont .....P.152

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    4.3.1. (Justice), Bont, Vertu, Pure connaissance .P.152

    5. Conclusion .P.165 V. Rflexion et critique sur la philosophie de Schopenhauer travers Le monde comme volont et comme reprsentation .....P.170 1. Points rflexifs : les trois Lois et les trois mondes ..........P.170

    (la Loi absolue, la Loi de la nature et la Loi de lhomme ; le monde absolu, le monde de la nature et le monde de lhomme)

    1.1. Rapports entre la Loi absolue et la Loi de la nature, et entre le monde absolu et le monde de la nature p.171

    1.2. Observation sur la ralit du monde de la nature et de celui de lhomme .....p.185 1.3. Regard sur la connaissance humaine dans le monde absolu ......p.203

    2. Critiques sur la philosophie de Schopenhauer ...p.216 2.1. Le Nirvna chez Schopenhauer .. p.216 2.2. Problme du Nirvna affirmation chez Schopenhauer par rapport au Nirvna ngation ............p.223 2.3. Problme du sens de la matire dans le monde comme reprsentation ........p.229 3. Conclusion .......p.238 VI. Conclusion ......p.244 VII. Annexe ..p.263 1. Bouddhisme : le monde du Nirvna dans le Bouddhisme coren ....p.263 1.1. Conception du Nirvna .....p.264 1.2. Contenu du Nirvna .....p.271 2. Taosme ...... .p.277 2.1. Substance du Tao .......p.278 2.2. Vertu du Tao .......p.285 2.3. Sorties des souffrances de la vie humaine chez les taostes ....p.291 3. Conclusion .....p.295 VIII. Bibliographie ........p.299

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    I. Introduction Comme tout tre vivant, appartenant la nature, lhomme est contraint de vivre sous sa loi. Cependant, lhomme doit affronter les souffrances causes par son intelligence exceptionnelle qui ne tolre pas son existence sans valeur. Cela le contraint, conscient de sa mort invitable, chercher davantage une valeur sa propre existence. Toutefois, il est oblig de retourner dans la nature comme composant sans valeur. De ce fait, la vie de lhomme est, dans un sens, celle dune recherche de sa valeur, pourtant inaccessible, tant donn quelle nexiste pas. En effet, cest lhomme qui a invent ce concept pour surmonter sa non-valeur insoutenable. Par consquent, cette lutte humaine pour la recherche de sa valeur durant son existence, lui procure des souffrances par ses checs. Il peut trouver momentanment certaines valeurs dans son existence, mais ce nest quune valeur dinstance et de confusion, parce que lhomme a une existence finie, et ce quil cherche est infini. De ce fait, il doit rechercher sans cesse dautres valeurs afin de satisfaire ses besoins. Cest ainsi que les souffrances de la vie continuent et continueront durant toute son existence. Toutefois, certains hommes intelligents essaient de rsoudre autrement ces souffrances et ce dilemme humain invitable, en optant pour une voie diffrente aprs avoir perc la vrit de la non-valeur dans lexistence humaine. Ces hommes intelligents cherchent la solution lintrieur de lhomme, en essayant de chasser l'engouement pour la valeur de son existence. Ces efforts positifs se voient et sexpliquent clairement dans le monde de la ngation du vouloir-vivre , dans le monde comme volont, par Schopenhauer dans son uvre principale Le monde comme volont et comme reprsentation ; cest ce qui se passe justement chez les bouddhistes qui recherchent le monde du Nirvna.

    Schopenhauer constate dabord que le monde est domin par une force absolue, appele la Volont , autrement dit la Force dunit 1,

    1 : Nous la nommons ainsi, la considrant comme lessence suprme du monde qui fait lunit du monde. Ainsi, toute chose du monde peut exister sans problme en maintenant son unit ; le monde est lunit et lunit est le monde.

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    qui est en effet une essence suprme pour lexistence de lunivers et de la nature. Sous cette Force dunit , cest alors la loi de causalit qui domine notre monde rel, le monde de la nature. Il considre tout dabord que les souffrances de la vie humaine sont les effets provoqus par des dsirs humains non combls2. Ces souffrances sont effectivement accentues par lintelligence humaine remarquable, en particulier au niveau spirituel. Pour chapper ces souffrances, il lui faut donc en liminer les causes, savoir les dsirs humains insatiables. On peut alors atteindre un monde sans souffrances et ainsi rester dans le monde de la ngation du vouloir-vivre, c'est--dire le monde du Nirvna dans lequel causes et effets nexistent pas. Cest le monde comme volont sans source par rapport notre monde rel comme reprsentation sous la loi de causalit. Plus prcisment, Schopenhauer voit le monde comme une scne de thtre ralise par la Volont. Cette Volont est une cl pour lexistence de lunivers. Elle se montre sous des formes au monde travers lObjectivation et lIndividuation, considres comme deux tapes principales pour la ralisation de notre monde rel dans la philosophie de Schopenhauer. Ces formes correspondent tous les types d'tres sur Terre, y compris ltre humain. Les formes dexistence, allant de linanim ltre humain, se concrtisent dans le temps et dans lespace bien lis, tant soumises la loi de causalit. Toutefois, pour lhomme, le monde concrtis par la Volont nest que sa propre reprsentation, celle de chaque individu. Cela signifie que le monde en tant que reprsentation nexiste plus aprs sa mort et retourne l'tat dorigine, c'est dire celui du dbut ralis par la Volont. Ainsi, le monde est la reprsentation exacte de chaque individu par rapport au monde concrtis par la Volont. Cependant, lhomme, dot dintelligence, a une capacit cognitive particulire que nont pas les autres tres vivants. De ce fait, non seulement son corps peut reprsenter des volonts daprs la Volont, mais il a aussi une connaissance exceptionnelle. Cette connaissance peut se dvelopper

    2 : Au lieu des valeurs humaines insatisfaites voques plus haut, Schopenhauer a pris des dsirs humains non combls comme les causes directes des souffrances de la vie humaine ;

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    jusqu' la sparation de son corps, de ses volonts. Elle devient une pure connaissance. Ainsi, les parties du corps humain doivent dabord correspondre aux principaux apptits par lesquels se manifestent les volonts. Elles doivent en tre lexpression visible. Les dents, lsophage et le canal intestinal sont la faim objective. De mme, les parties gnitales sont linstinct sexuel objectiv. Aussi, les mains qui saisissent, les pieds rapides correspondent lexercice dj moins immdiat de la volont quils reprsentent. Puis, au del de ces parties, lhomme possde une capacit cognitive, la connaissance, qui varie selon les individus. Cette intelligence humaine est en effet la voie unique pour chasser les souffrances de la vie humaine, qui peut conduire lhomme dans le monde de la ngation du vouloir-vivre et du Nirvna. Au dbut, elle fait partie de la reprsentation des volonts. Elle sert doutil pour mieux activer cette reprsentation et donc pour mieux faire fonctionner les parties du corps humain. Toutefois, partir du moment o elle devient autonome et indpendante du reste du corps aprs une volution plus dveloppe, elle se spare momentanment ou de faon permanente du corps. L'intelligence humaine, donc la connaissance, devient ainsi une pure connaissance. On arrive dans le monde comme volont. Par consquent, elle ne fait plus partie de la reprsentation des volonts et reste hors de la loi de causalit. Ds lors, cette intelligence tant dveloppe comme une pure connaissance indpendante du corps permet lhomme de percevoir les volonts qui taient caches derrire les reprsentations et phnomnes naturels. C'est alors que toutes les reprsentations et tous les phnomnes de lunivers seffondrent et retournent leurs origines, savoir ces volonts dans lesquelles la loi de causalit ne fonctionne plus. A ce moment-l, lhomme fait face au monde de la ngation du vouloir-vivre et du Nirvna. Les valeurs humaines telles que les souffrances humaines, malheurs, et galement bonheurs disparaissent. Cette disparition est cause par labsence de la loi de causalit. Par consquent, notre monde actuel, ce monde si rel avec tous ses soleils et toutes ses voies lactes deviennent le nant.3

    il est vrai que les valeurs humaines peuvent tre dans un sens considres comme des dsirs humains de haut niveau.

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    Pour Schopenhauer, une importante contradiction se prsente. Son discours est bas sur le constat que toutes les existences du monde, disons le monde de la nature, sont soumises la loi de causalit. Partant de ce constat, Schopenhauer dit que les hommes peuvent chapper leurs souffrances en liminant la cause de ces dernires, les dsirs. Toutefois, les dsirs humains sont aussi des effets rsultants de certaines causes, ce sont les effets provoqus par les besoins qui alimentent moralement et physiquement lexistence humaine pour sa prennit. Les dsirs viennent alimenter la vie de l'homme qui demande beaucoup plus de nourriture intellectuelle que matrielle. Ainsi, dans la thorie de Schopenhauer, un tel problme d'limination des dsirs humains se pose. De plus, un nouveau problme se pose suite llimination des dsirs humains. La pure connaissance de l'homme, c'est--dire son cerveau, n'est plus soumis la loi de causalit. Alors, le problme est qu'il est impossible ce dernier de survivre sans capacit cognitive dans notre monde de causalit. Ainsi, on a du mal imaginer comment le corps, seul, continue survivre dans la nature, en ne rpondant pas sa loi. Il se pose alors deux questions. - Comment peut-on arriver liminer les causes des souffrances humaines, savoir les dsirs humains qui sont pourtant ncessaires la prennit de l'existence humaine ? - Comment peut-on continuer survivre dans ce monde de causalit aprs avoir limin ces causes de dsir, tout en restant aussi dans le monde hors la loi de causalit ? En effet, l'uvre de Schopenhauer Le monde comme volont et comme reprsentation se caractrise tout d'abord par son grand constat de l'existence de la Volont, considre comme une force absolue, disons une essence suprme du monde. Cette force est la source souveraine pour la ralisation de notre monde. Cela tant, la Volont ralise donc notre monde rel, le monde comme reprsentation, par sa mutation, travers les tapes de lObjectivation et de lIndividuation. Enfin, la Volont arrive voir et prendre connaissance d'elle-mme par l'intermdiaire de la capacit cognitive humaine, savoir la pure

    3 : A. Schopenhauer, Le monde comme volont et comme reprsentation, trad. A. Burdeau, Paris, PUF, "Quadrige", 2006, p. 516

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    connaissance de lhomme ; cette connaissance permet lhomme dentrevoir la Volont. L'homme devient ainsi le miroir de la Volont en tant que sa meilleure reprsentation. Il arrive assumer un rle attentif dans un circuit divin du fonctionnement de la Volont, de faon imposer une grande importance ses souffrances et son bonheur. La pure connaissance de l'homme, source de son bonheur, se trouve dans le monde de la ngation du vouloir-vivre. Cette pure connaissance occupe une grande importance dans la philosophie de Schopenhauer ainsi quil l'voque dans Le monde comme volont et comme reprsentation 4 : Par l, nous pouvons nous imaginer combien doit tre heureuse, la vie de l'homme, dont la volont n'est pas seulement apaise pour un instant, comme dans la jouissance esthtique, mais compltement teinte, sauf la dernire tincelle, indispensable pour soutenir son corps, qui doit prir avec lui. L'homme qui, aprs maints combats violents, n'est plus que le sujet pur de la connaissance, le miroir serein du monde. Rien ne peut plus le torturer, rien ne peut plus l'mouvoir. Une telle pense rend en effet possible une importance accorde l'homme dans la philosophie de Schopenhauer, qui n'a thoriquement pas de place particulire pour ce dernier. L'homme n'est qu'une manifestation dIde, Ide au sens de Platon, comme les autres milliers de manifestations dIde existantes selon sa thorie philosophique. Malgr la supriorit de l'homme, d'autres milliers de manifestations dIde plus intelligentes existeraient sans doute dans l'avenir. Chez Schopenhauer, le monde qui n'tait que la Volont devient ainsi celui qui implique lhomme, composant attentif de la Volont. Schopenhauer a volontairement introduit l'homme de faon partielle dans sa philosophie. Schopenhauer commet lerreur d'imposer une grande importance l'homme ( son bonheur, malheur et souffrances). Le philosophe n'atteint pas le but espr. Sa thorie pose ainsi, avec les deux questions voques plus haut, d'autres problmes que nous nous proposons dtudier. Face ces souffrances et ces problmes voqus pralablement, notre recherche a tout dabord pour but d'analyser la philosophie de Schopenhauer les concernant, de montrer les problmes concerns, et enfin de trouver une issue adquate ces souffrances.

    4 : Ibid., p. 490

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    Cette recherche se fonde donc sur une tude solide de la pense de Schopenhauer, en particulier sur le monde de la ngation du vouloir-vivre, voqu dans son uvre principale Le monde comme volont et comme reprsentation . Pour cela, nous essaierons en premier lieu de trouver les causes des souffrances de la vie humaine, en analysant principalement la pense de Schopenhauer dans luvre cite. De plus, d'aprs les causes de ces souffrances chez Schopenhauer, nous soulverons des problmes et enfin proposerons des issues adquates aux souffrances de la vie humaine, en comparant celles de Schopenhauer avec celles d'autres systmes philosophiques, en particulier le Bouddhisme et le Taosme. Afin d'atteindre ces buts, nous tudierons en particulier le caractre de lhomme, considr comme le degr de sa capacit cognitive, qui nous conduira une conclusion valable pour les issues adquates aux souffrances de la vie humaine. Nous argumenterons ensuite sur les deux questions poses au dbut, paralllement au problme de sens du monde de la ngation du vouloir-vivre, dveloppe d'aprs le problme principal de notre recherche. Le problme du sens du monde de la ngation du vouloir-vivre chez Schopenhauer peut se rsumer comme ceci : Le monde de la ngation du vouloir-vivre chez Schopenhauer est un monde la fois sans valeur et avec valeur. Il est tout d'abord un monde o les reprsentations et phnomnes de lunivers seffondrent et retournent leurs origines, savoir aux volonts dans lesquelles la loi de causalit ne fonctionne plus. Cest ici que lhomme trouve le monde du Nirvna, dans lequel les valeurs humaines comme le bonheur, le malheur et les souffrances humaines disparaissent. Par consquent, le monde devient le nant. Mais, pour ceux qui ont converti et aboli la Volont, cest notre monde actuel, ce monde si rel avec tous ses soleils et toutes ses voies lactes, qui est le nant. 5 Selon Schopenhauer, c'est uniquement l que l'homme peut trouver une issue ses souffrances. Ainsi, une contradiction vidente se prsente : Comment l'homme peut-il connatre l'issue aux souffrances de la vie humaine et la disparition des souffrances de la vie, dans le monde o le

    5 : Ibid., p. 516

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    concept des souffrances n'existe mme pas ? Quelle valeur peut-on donner aux efforts humains dploys pour arriver dans le monde de la ngation du vouloir-vivre, celui de nant ? Par contre, nous reconnaissons les limites des mthodes de travail pour la recherche, particulirement en sciences humaines. En effet, il est difficile de prouver les hypothses de recherche tablies dans les domaines des sciences humaines et de trouver des moyens empiriques pour rpondre aux problmes poss dans ces domaines. Il nest donc pas exagr de considrer tout rsultat de travaux de recherche en sciences humaines comme simple hypothse ou thorie provisoire. Par consquent, les rsultats de notre recherche se borneront tre partiels. Toutefois, sachant que notre travail porte principalement sur des vues philosophiques, donc non empiriques, nous pourrions esprer que notre recherche apporte des rponses valables dans un autre monde, face aux questions et problmes qui dpassent les limites de notre monde rel. Le but de ce travail est de nous donner un clairage sur la ralit de lhomme dans ce monde de confusion. Nous esprons que notre recherche peut nous montrer un chemin qui nous mnera une issue aux souffrances humaines. Par l, lhomme retrouverait sa place originelle dans ce monde, ceci grce son intelligence exceptionnelle par rapport aux autres tres vivants. Il est vrai que l'homme est une existence infime dans l'immensit de l'univers. Pourtant, il reprsente un grand tre vivant au monde, parce que le monde est son entire reprsentation. Nous savons que les efforts humains pour sortir de ses souffrances resteront toujours les mmes dans cet univers, ceci cause de ses dsirs ternels insatisfaits. Cest ainsi que l'homme continuera de vivre en tant que tel comme l'univers continuera d'exister en tant que tel. Devant un tel destin, il ne reste donc lhomme qu faire de son mieux afin dattnuer autant que possible ses souffrances. Sil y parvient, ce sera srement grce son intelligence qui tait autrefois l'origine de ses souffrances.

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    II. Mthodes et limites de la recherche Nous comprenons bien les limites mthodologiques dans les travaux de recherche en sciences humaines comme les lettres ou la philosophie, par rapport aux sciences naturelles. Les travaux de recherche en sciences humaines ont habituellement comme objet de recherche les idologies, les civilisations (bien videmment les comportements, les penses et les sentiments humains aussi) et en effet souvent quelque chose de conceptuel, mais non empirique, ni analytique, cest--dire non scientifique. Pour ces travaux de recherche, il est impossible de trouver des moyens daccs scientifiques qui parviendraient vrifier les hypothses malgr les sciences dveloppes ce jour. Inversement, tous les moyens daccs scientifiques ces travaux ne peuvent pas atteindre leur but, tant donn que ces travaux de recherche ne sont pas scientifiques et quil est impossible de prouver quelque chose de non scientifique par des moyens scientifiques. Ainsi, une limite mthodologique accablante prside aux travaux de recherche en sciences humaines. Malgr tout, ces travaux de recherche non scientifiques peuvent tre faits par des moyens non scientifiques, chaque fois de faon particulire, souvent propre chaque chercheur. Et il peut y avoir des rsultats. Toutefois, il reste impossible de vrifier sils sont bons ou non. Parce quil faut utiliser un moyen objectif, savoir scientifique pour vrifier ces rsultats. Cela ne signifie pas que les rsultats des travaux de recherche non scientifique sont mauvais. Au contraire, ils peuvent tre souvent bons. Cest parce que notre monde nest pas toujours dans le systme scientifique et que lon y trouve souvent une force ou un phnomne non scientifique ; on connat trs bien lexistence des lois scientifiques, mais on ne sait jamais pourquoi elles existent ; les lois scientifiques sont donc scientifiques, mais leur existence nest pas scientifique. Toutefois, il est encore vrai que les travaux de recherche non scientifiques ne peuvent pas faire partie de la recherche, appele habituelle . Parce que lon attend certainement des rsultats vrifiables et des conclusions prouvables, scientifiques, quand on parle dun travail de recherche. Les chercheurs ne recherchent pas tout au long de leur recherche

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    des rsultats personnels, mais rsultats reconnaissables par leur objectivit scientifique. Par l, il est invitable pour les travaux de recherche en sciences humaines, davoir une limite de mthodologie. Une telle limite de mthodologie saccentue en particulier dans les travaux de recherche philosophique o les objets de recherche sont souvent la pense et la connaissance humaine. Dans ces travaux, les chercheurs recherchent souvent lidentit de la pense et la connaissance humaine pour savoir comment elles fonctionnent. Les seuls moyens daccs pour ces travaux sont donc la pense et la connaissance humaines elles-mmes. Cela tant, nous pourrions toutefois prciser les mthodes et les limites de notre recherche actuelle, philosophique. Compte tenu que notre travail est un travail purement philosophique, nous emploierons principalement deux mthodes de recherche. Lune est rserve pour lobjet mtaphysique, lautre, pour lobjet physique. Dans notre travail, lobjet mtaphysique concerne tout dabord la Force dunit , autrement dit la Volont au sens de Schopenhauer. Dans le monde mtaphysique, aucune loi, disons aucune mthode ne fonctionne plus, par consquent, on ny tablit plus dhypothse et ni de vrification dhypothse. Pour ce monde, nous utiliserons donc uniquement notre capacit cognitive en tant que composant du monde et de la nature, sachant quelle est le seul et unique moyen de lutiliser ; toutes les choses dexistence au monde sont soumises la Force dunit et aux lois concernes. Alors, la pense et la connaissance humaine fonctionneront de mme que tous les autres. Il serait donc possible pour lhomme de connatre, par sa capacit de pense et de connaissance, les phnomnes universels et naturels, tant donn quils sont dans le mme circuit et quils sy relient mutuellement. Une telle logique de notre part se voit dj dans notre travail commencer, dans le chapitre 21 de Le monde comme volont et reprsentation 6 : Aprs ces considrations, si le lecteur sest fait une connaissance in absracto, cet--dire prcise et certaine de ce que chacun sait directement in concreto, titre de sentiment, savoir que cest sa volont, lobjet le plus immdiat de sa conscience, qui constitue lessence intime de son propre phnomne, se manifeste comme reprsentation aussi bien par ses actions que par leur substratum permanent, le corps ; si l'on s'est rendu compte que cette volont ne rentre pourtant pas compltement dans ce mode de connaissance o objet et sujet se trouvent en prsence l'un de l'autre, mais

    6 : Ibid., p. 152

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    qu'elle s'offre nous de telle faon que le sujet se distingue mal de l'objet, sans toutefois tre connu dans son ensemble, mais seulement dans ses actes isols. Tout cela signifie justement lidentit du corps et de la volont 7, se reliant ensemble. Comme cela, lhomme arrivera saisir lexistence des volonts au monde et enfin la Volont, autrement dit la Force dunit , ceci de faon immdiate par le corps ; chacun sait directement in concreto, titre de sentiment. Il faut la ressentir pour la comprendre. Il nous faut donc la comprendre par notre perspicacit. Nous nous servirons ainsi dune telle capacit cognitive personnelle pour comprendre et analyser des choses dans le monde mtaphysique, enfin celles de la philosophie de Schopenhauer, en esprant quelle soit la hauteur. Dun autre ct, pour lobjet physique dans notre monde rel comme reprsentation, il nous faudra nous servir encore de notre capacit cognitive, mais dune faon diffrente, en croyant aussi en la mme logique voque plus haut. Cette fois, cela serait, prcisment parlant, notre raison comptente qui transportera dans notre conscience abstraite ce qui nous est connu intuitivement. Cest parce que tout cela concerne ici notre monde rel et physique o la loi de causalit, donc notre raisonnement fonctionne bien par rapport au monde mtaphysique. Ici, nos connaissances abstraites joueront ainsi un rle primordial, tout ceci partir de nos bonnes connaissances intuitives. Il nous faudra alors bien garder de bonnes connaissances intuitives, aprs les avoir obtenues. Pour cela, il nous faudrait pendant ce temps une facult de rflexion purement abstraite qui relie sans problme ces deux connaissances, en contrlant et assurant leur bon lien ; une rflexion pure sans aucun dsir, du point de vue thorique, comme celle faite par un ascte qui attendrait sa dlivrance pour le monde du Nirvna. Ainsi, nous ne laisserions aucun espace pour les connaissances abstraites errones. Alors, cest justement notre raison qui remplira cette fonction grce sa puret, en les transportant dans notre conscience. Par l, nous comprendrons et analyserons finalement sans problme des choses physiques ou conceptuelles dans la philosophie de Schopenhauer. Par contre, nos mthodes de travail personnelles demandent imprativement une relle comptence. Notre capacit cognitive doit tre

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    donc bien prte pour que la thorie de notre logique sapplique comme prvu. Sinon, le rsultat de notre travail serait catastrophique et nul. Notre travail se limite ainsi et sa russite dpend donc de ltat de notre capacit cognitive. En conclusion, il est donc clair que notre recherche philosophique actuel rencontre ses limites en tant que travail non scientifique, puisque ses hypothses ne sont pas vrifiables de faon objective. Nous sommes en effet obligs dutiliser principalement notre capacit cognitive comme moyen de travail, tout en essayant de la rendre comptente pour nous faire pntrer et analyser fond le contenu de luvre de Schopenhauer Le monde comme volont et comme reprsentation . Notre capacit cognitive, et nos connaissances personnelles y joueront donc un rle important, sans avoir particulirement recours dautres travaux de recherche cause de labsence de travaux marquants ; cela dautant plus que lobjectif de notre travail consiste essentiellement analyser Le monde comme volont comme reprsentation avec nos propres rfrences orientales (bouddhistes ou taostes par exemple), en tant que chercheur asiatique. Nous savons quil serait trs difficile pour nous de finir ce travail de recherche, car la philosophie de Schopenhauer est reconnue si particulire et incomparable, inoue nos yeux. Encourag davantage pour cela, nous entamerons toutefois avec passion philosophique ce travail si compliqu, mais si passionnant, en esprant y trouver par notre capacit cognitive, disons perspicace, la cl du secret de lunivers, celle de la volont comme essence intime du monde, la cl pour finalement trouver la sortie des souffrances de la vie humaine, comme le fait remarquer Schopenhauer dans le chapitre dj cit 8 ; si, dis-je, on partage ma conviction l-dessus, on pourra, grce elle, pntrer lessence intime de la nature entire, en embrassant tous les phnomnes que lhomme reconnat, non pas immdiatement et mdiatement tout la fois, comme il le fait pour son propre phnomne, mais seulement indirectement, par un seul ct, celui de la reprsentation. Ce nest pas seulement dans les phnomnes tout semblables au sien propre, chez les hommes et les animaux, quil retrouvera, comme essence intime, cette mme volont ; mais un peu plus de rflexion lamnera reconnatre que luniversalit des phnomnes, si divers pour la reprsentation, a une

    7 : Ibid., p. 142 8 : Ibid., p. 152

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    seule et mme essence, la mme que toute autre connue, celle-l enfin qui dans sa manifestation la plus apparente, porte le nom de volont.

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    III. Aperu sur la philosophie de Schopenhauer travers Le monde comme volont et comme reprsentation 9

    Schopenhauer montre dans son uvre principale Le monde comme volont et comme reprsentation sa propre philosophie qui pourrait nous faire trouver lessence intime de la nature entire 10, avec une mthode de philosopher qui se trouve essaye ici pour la premire fois .11 Le monde comme volont et comme reprsentation se compose de quatre parties. La premire partie est intitule Le monde comme reprsentation : Premier point de vue ; La reprsentation soumise au principe de raison suffisante L'objet de l'exprience et de la science , la deuxime intitule Le monde comme volont : Premier point de vue ; L'objectivation de la volont , la troisime intitule Le monde comme reprsentation : Second point de vue ; La reprsentation, considre indpendamment du principe de raison. L'ide platonicienne. L'objet de l'art , et finalement la quatrime partie intitule Le monde comme volont : Second point de vue ; Arrivant se connatre elle-mme, la volont de vivre s'affirme, puis se nie . Ainsi, la premire partie de Le monde comme volont et comme reprsentation se consacre de faon gnrale lpistmologie, la deuxime lontologie, la troisime la thorie des arts, et la quatrime l'thique. Avec des contenus si diffrents, les deux mondes dissemblables sy relient bien l'un l'autre et sy tournent enfin autour du point centripte de la philosophie de Schopenhauer, disons de la Volont, en y incluant un point de lhomme entre eux. Face une telle philosophie, nous avons dans la prsente partie pour but tout d'abord de prsenter de faon explicite son contenu, de sorte que les analyses suivantes soient plus comprhensibles. Ainsi, nous essaierons de montrer clairement lide gnrale et la logique de la philosophie de Schopenhauer, vues dans Le monde comme volont et comme reprsentation .

    9 : Nous avons utilis ici comme rfrence principale, Le monde comme volont et comme reprsentation dA. SCHOPENHAUER, traduit en franais par A. BURDEAU, en 2me dition "Quadrige" revue et corrige par R. ROOS, publi en 2006 au PUF. 10 : A. Schopenhauer, op. cit. p. 152 11 : Ibid., p. 4

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    1. Ide gnrale et logique philosophique chez Schopenhauer Le monde de Schopenhauer est bipartite, celui de la volont et celui

    de la reprsentation. La Volont12, partie du monde de la volont comme force absolue, ralise, par son Objectivation et ses degrs dObjectivation, notre monde rel. Cest le monde comme reprsentation. Puis, elle concrtise dans ce dernier, par lIndividuation, l'existence des tres dans le temps et dans lespace, existence qui est soumise la loi de causalit. Ainsi, notre monde rel devient-il une scne de thtre ralise par la Volont, et toute chose s'y montre finalement nous, ceci par la reprsentation soumise au principe de raison suffisante comme nous le voyons dans la figure 1 ci-dessous.

    12 : Le mot Volont avec majuscule n'est pas rellement utilis de faon gnrale dans Le monde comme volont et comme reprsentation. C'est normalement le mot volont avec minuscule qui y est employ pour signifier une force absolue de toute puissance, disons la Force dunit , qui est en effet une essence suprme pour lexistence de lunivers et de la nature. Cependant, nous emploierons ici le mot Volont avec majuscule, en tant que Force dunit , dans le but d'viter la confusion avec le mot volont avec minuscule. Alors, nous dfinissons au pralable que la Volont est la Force dunit et que la volont est une Ide de Platon Individualise.

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    (figure 1)

    Toutefois, chez Schopenhauer, le monde comme reprsentation, donc notre monde rel, nest quune reprsentation de chaque individu. Autrement dit, si chaque individu est mort, le monde actuel nexiste plus. Cela ne veut pourtant pas dire que le monde comme reprsentation nest rien, ni quil est quelque chose de vide, mais que le monde d'origine est diffrent du monde peru. Le monde d'origine est celui de la naissance ralis par la Volont, dans lequel toutes les formes dexistence, de linanim jusqu lhumain, se concrtisent dans le temps et dans lespace, et sont soumises la loi de causalit voque ci-dessus. Lhomme a ignor ce monde dorigine afin de faciliter sa connaissance et permettre le bon fonctionnement de son cerveau.

    Volont

    Le monde comme volont

    Le monde comme reprsentation

    Objec ivation

    I ndividuation

    Toute chose

    Reprsentation soumise

    au principe de raison suffisante,

    Rptition de lapparition et de la disparition de toute chose daprs la loi de causalit avec le temps et lespace

    Degrs de lObjectivation : Ides de Platon

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    Ainsi notre monde rel en tant que monde comme reprsentation existait-il, existe-t-il et existera-t-il sous diffrentes formes, dans le temps et dans lespace. La connaissance de notre cerveau fonctionne partir de ces formes du monde dform. C'est le monde comme reprsentation pour chaque individu. En revanche, le monde comme volont nest pas ce monde comme reprsentation, mais se situe au-del. C'est le monde de la source dans lequel la Volont fonctionne en tant que moteur principal de lapparition et de l'existence du monde comme reprsentation. La logique du monde comme reprsentation, cest--dire la loi de causalit, paralllement au principe de raison suffisante, ny fonctionne plus. Pour parler plus prcisment, on ne peut jamais arriver le comprendre, car le systme de la connaissance humaine appartient au monde comme reprsentation qui est rgi par la loi de causalit dans le temps et l'espace, et sous le principe de raison suffisante. Tout ce que lhomme a donc compris fait partie de notre monde comme reprsentation, et non du monde comme volont Toutefois, Schopenhauer prtend que lon peut arriver au monde comme volont et entrevoir la Volont, travers la connaissance de soi-mme. Selon Schopenhauer, si le sujet de la connaissance devient lobjet de la connaissance lui-mme, la volont en lhomme apparat. Le fonctionnement de la connaissance ncessite la fois le sujet et lobjet de la connaissance. Alors, si lhomme se prend lui-mme pour un objet de la connaissance, il se peut que la volont en lhomme, qui est l'objet de la connaissance, se voit comme Schopenhauer le pense. (Cependant, cette volont en l'homme nest pas la Volont, mais une volont transforme par lObjectivation et lIndividuation.) Cest ainsi que lon arrive dans le monde comme volont et que lon aperoit des volonts et que lon entrevoit la Volont. Cest de cette faon que lhomme a la possibilit de contrler sa volont aprs sa perception, en plaant en parallle sa connaissance et sa volont. Tout ceci constitue, chez Schopenhauer, les fondements du monde esthtique et du monde de la ngation du vouloir-vivre. En effet, une fois entre dans ce monde comme volont, la connaissance humaine ne fonctionne plus comme le serviteur du corps. Elle devient indpendante et libre. La connaissance humaine devient ainsi elle-mme une pure connaissance ; lhomme se prend lui-mme comme objet de la connaissance.

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    Cette pure connaissance fait tout dabord percevoir lhomme, comme artiste, des volonts du monde comme volont, en fait des Ides de Platon, ce qui lui permet de parvenir au monde de la mditation esthtique. Puis, devenant plus profonde et permanente, elle dlivre lhomme du monde, en lui ouvrant le monde du Nirvna13 o toutes les souffrances humaines disparaissent. Ceci parce qu'une pure connaissance est une connaissance spare du corps et qu'elle n'est plus soumise la loi de causalit ; sans cette dernire, il est vrai que la cause des souffrances humaine disparatrait. L'homme entre donc dans le monde comme volont grce sa pure connaissance, en chassant ses souffrances, pour demeurer momentanment dans le monde esthtique ou de manire permanente dans le monde du Nirvna. Lhomme trouve ainsi la paix ternelle sans souffrance, apercevant des volonts et entrevoyant la Volont. C'est donc par l que la Volont arrive enfin prendre connaissance delle-mme, aprs avoir t active par lObjectivation et lIndividuation, par l'intermdiaire de la pure connaissance de l'homme. La Volont retrouve finalement le miroir humain comme sa meilleure reprsentation. Ainsi, Schopenhauer montre sa logique propre et cohrente tout au long de son uvre Le monde comme volont et comme reprsentation . Voyons de plus prs une telle logique.

    La philosophie de Schopenhauer commence principalement par le grand constat de l'existence du monde comme volont sous la Volont. A partir de ce constat, Schopenhauer explique le monde rel comme reprsentation, et il le fait en deux tapes principales, appeles Objectivation et Individuation . Dans le mme temps, il donne lhomme un rle de passerelle entre deux mondes. En effet, lhomme est le seul tre vivant tre capable d'entrer dans le monde comme volont grce sa capacit cognitive. Ainsi la connaissance de l'homme arrive-t-elle la pure connaissance et fait-elle partie du monde comme volont, tout en crant le monde esthtique et le monde de la ngation du vouloir-vivre, autrement dit celui du Nirvna. La Volont est donc entrevue dans le monde esthtique et dans le monde de la ngation du vouloir-vivre.

    13 : Concept spirituel de lhindouisme, o Nir signifie teindre, et Vna feu vigoureux. Nirvna veut donc dire teindre du feu vigoureux. Ainsi, le monde du Nirvna est un monde dans lequel la volont et les dsirs humains sont teints, nexistent plus.

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    Ainsi, Schopenhauer implique une valeur humaine importante qui joue le rle de passerelle entre la Volont et le monde, autrement dit entre les deux mondes, le monde comme volont et le monde comme reprsentation. L'homme retrouve sa valeur, avec sa capacit intellectuelle pour en faire une pure connaissance qui est en effet le miroir de la Volont. La Volont arrive enfin se voir elle-mme. La Volont chez Schopenhauer signifie une force absolue, toute puissante qui a cr le monde de lunivers et de la nature. Et elle contribue lexistence du monde et le gre encore de faon suprme et absolue. Ainsi, le monde de lunivers et de la nature, y compris l'homme, fait partie de ce circuit de la Volont. Cependant, la Volont n'est pas expliquer de faon abstraite et raisonne. Parce que la Volont ne fait pas partie de notre monde rel comme reprsentation, mais de l'autre monde au-del, savoir le monde comme volont. Le monde comme volont est un monde o le systme de la ralisation de ltre, autrement dit la loi de causalit nexiste plus, mais o il n'y a que des volonts et des degrs de l'objectivation de la Volont, ce qui correspondrait des Ides de Platon. Ainsi, il est difficile et mme contradictoire d'exprimer quelque chose hors du monde phnomnal par quelque chose de phnomnal. Le mot Volont et son explication ne sont donc pas bons au sens strict, mais ils sont proches de la vraie Volont. Ainsi, on est oblig dutiliser le mot le plus proche du vrai. Le mot Volont et son explication devraient tre considrs comme tels. En tant que telle, la Volont s'active et ralise notre monde rel, le monde comme reprsentation travers des tapes du processus concernes. Parmi les tapes du processus, l'Objectivation et l'Individuation se remarquent par leurs rles importants. L'Objectivation est la premire tape du processus, une sorte de premier essai pour la mutation de la Volont qui s'achverait par la ralisation du monde des phnomnes, savoir celle du monde comme reprsentation. Et cela comprend des degrs de l'Objectivation, autrement dit des Ides de Platon. Cependant on ne peut expliquer de faon concrte comment cela se droule. Il s'agit dun problme de tmoignage, et non dun problme de preuve, car la philosophie de Schopenhauer est une

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    philosophie de perception, et non de raisonnement. Elle se comprend grce la connaissance immdiate, et non au concept abstrait raisonn. Autrement dit, il s'agit du rsultat de l'action de la libert de la Volont, libert qui ne se situe pas au niveau des phnomnes, mais au del, savoir la chose en soi de Kant. Une telle libert est en effet l'tat d'indpendance de la Volont vis--vis du principe de la raison comme Schopenhauer le dit dans le chapitre 7014 ; En vrit, la libert proprement dite, cest--dire ltat dindpendance lendroit du principe de raison, nappartient qu la chose en soi ; elle nappartient point au phnomne, dont la forme essentielle est le principe de raison, lment mme de la ncessit. La volont est donc sans source et a une indpendance totale. Son action ne dvoile donc jamais ses raisons. C'est ainsi que la Volont active son processus dObjectivation selon une libert totale, savoir l'indpendance parfaite vis--vis du principe de raison suffisante. Il est donc naturel que la ralisation des Ides de lObjectivation soit sans source et alatoire. Do la difficult de savoir comment elle se droule, mme si, pour certains dentre nous, elle se comprend grce la connaissance immdiate. Cependant, malgr cette difficult, il est clair que les Ides de Platon, comme degrs de l'Objectivation, sont une chose sans forme, mais dtermine et fixe, et quelles conoivent leurs propres objets particuliers. Elles apparaissent dans les objets particuliers comme leurs formes ternelles et leurs prototypes.15 C'est donc daprs ces formes ternelles et ces prototypes que diffrents tres se montrent dans le monde comme reprsentation. Ils se regroupent et montrent leur espce, ceci par le processus de lIndividuation. Par contre, ces Ides font la diffrence entre elles. Les Ides les plus basses sont celles des forces gnrales de la nature comme la pesanteur, l'impntrabilit, la solidit, la fluidit, l'lasticit, l'lectricit, et le magntisme.16 Puis, elle s'lve de plus en plus de la matire inorganique vers la matire organique. Il s'agit donc du vgtal qui est plus lev que la pierre, et de l'animal plus lev que le vgtal et enfin de l'homme plus lev que l'animal.

    14 : A. Schopenhauer, op. cit. p. 504 15 : Ibid., p. 175 16 : Id.

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    Cependant, cela ne signifie pas que l'Ide du vgtal garde plus de Volont que la pierre et que celle de l'homme garde plus de Volont que l'animal. Mais, cela dpend do se situe sa reprsentation. Autrement dit, la Volont reste toujours la mme en tant que force absolue, sans forme, par consquent sans quantit. Alors, ce n'est pas la Volont qui change, mais sa reprsentation. Elle montre en effet diffrentes faces selon les situations, en particulier dans le monde comme reprsentation. C'est donc comme si le soleil entre sa plus ple lueur au crpuscule et sa plus clatante lumire midi rayonnait malgr sa substance toujours constante. Il se peut ainsi que les degrs de la Volont correspondent ceux de la clart solaire, cachs derrire un soleil toujours constant. De plus, l'apparition et la formation des degrs de l'Objectivation s'expliquent de faon plus concrte. Ainsi, bien que la source du phnomne d'une nouvelle Ide soit compltement inexplicable, son apparition est soumise des conditions que l'tiologie dtermine exactement.17 Les premires Ides, les degrs de l'Objectivation les plus basses comme les forces gnrales de la nature apparaissent dans le monde et y existent sans source comme manifestation immdiate de la Volont. Mais, l'apparition dautres Ides plus hautes s'explique de faon raisonnable et scientifique, celle de la logique du monde comme reprsentation, bien que leur existence soit toujours sans source et sans raison. Il s'agit en effet de la manire de l'Objectivation.

    Cela commence tout d'abord avec les natures essentielles de la Volont. La premire nature essentielle de la Volont est celle de lidentit. Elle signifie Une . Ce n'est pas en tant que quantit, mais une sorte de force d'unit qui comprend tout, et qui rgne partout et sur tout. C'est la seule et vraie explication de lanalogie merveilleuse dans la varit et la multiplicit infinie des phnomnes du monde.18 La Volont en fait ainsi une unit comme chose en soi. Une autre nature essentielle de la Volont consiste en ceci qu'elle doit se nourrir d'elle-mme, puisque, hors d'elle, il n'y a rien, et qu'elle est une

    17 : Ibid., p. 182 18 : Ibid., p. 203

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    volont affame.19 Cela fait finalement du monde de la nature une scne de lutte gnrale. Avec ces natures essentielles, la ralisation des Ides partir des ides les plus basses comme les forces gnrales de la nature se fait tout d'abord selon la rgularit en ce qui concerne le monde inorganique, puis selon la finalit en ce qui concerne le monde organique. Ainsi, les Ides plus hautes peuvent toujours garder leur identit originale de la Volont, en se soumettant toutes les autres ides infrieures par une assimilation triomphante, assimilation tout d'abord par le combat, puis par ladaptation rciproque. Le combat nait de la faim ternelle de la Volont. Puis, ladaptation rciproque nait de la priorit de la Volont qui dsire garder son identit dans toutes ses ides objectives, en suivant la rgularit et la finalit. Les Ides suprieures et les Ides infrieures se combattent, en se comprenant rciproquement, se basant sur des Ides les plus basiques qui sont les forces gnrales de la nature. Ce faisant, une telle ralisation des Ides suprieures se caractrise en effet par son sens plutt inverse. C'est--dire que les nouvelles Ides suprieures se ralisent partir des phnomnes provenant des Ides infrieures existantes. C'est ainsi que dabord, par gnration quivoque, les forces gnrales de la nature comme Ide la plus basique ralisent les Ides suprieures partir de leurs activits physiques et chimiques, puis par lassimilation du germe existant, la sve organique, la plante, l'animal, l'homme continuent exister aprs la ralisation de leurs Ides dans le monde comme reprsentation, ceci par l'Individuation.20 Comme cela, l'aimant impose au fer son magntisme, afin d'y manifester son ide.21 Et quand l'oxhydryle mtallique provenant de la combustion vient rencontrer un acide, voil un sel qui se forme et cristallise. Les cristaux se dsagrgent, se mlent d'autres ingrdients ; une vgtation en sort, et voil un nouveau phnomne de la volont.22

    19 : Id. 20 : Ibid., p. 193 21 : Ibid., p. 196 22 : Ibid., p. 182

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    Et l'eau et le carbone se changent par assimilation organique en sve vgtale comme le vgtal ou le pain se transforment en sang. 23 Enfin, cela se reproduit en grand dans le rapport que souffre un corps cleste central avec sa plante ; celle-ci, quoique se trouvant sous la dpendance absolue du premier, rsiste constamment, tout comme les forces chimiques dans l'organisme ; de l rsulte cette opposition perptuelle entre la force centrifuge et la force centripte, qui entretient le mouvement dans le systme de l'univers.24 Aprs l'Objectivation, la Volont parvient l'tape du processus de lIndividuation. C'est partir de ce moment-l que la Volont ralise effectivement notre monde rel. On est dsormais dans le monde comme reprsentation. C'est le monde comme reprsentation, le monde avec le temps et l'espace, et soumis la loi de causalit. Il est donc tout fait possible d'expliquer un tel processus de faon concrte et raisonnable, tant donn que lIndividuation fait partie du monde comme reprsentation dans lequel les choses se comprennent grce au concept abstrait raisonn. Schopenhauer s'en explique bien dans le chapitre 26.25 Il s'agit tout d'abord de la ralisation d'une matire d'aprs son Ide, ralisation au cours de laquelle la loi de la nature joue un rle de premire importance, un pont entre les Ides et les rsultats de leur Individuation savoir les matires. Ce pont est celui par lequel les Ides arrivent au monde comme reprsentation. La loi de la nature lie ainsi les Ides au temps, l'espace et la loi de causalit grce des relations et un enchanement ncessaires, indissolubles. Le premier contact des Ides avec le monde comme reprsentation se fait donc avec la loi de la nature. Aprs ce contact, le temps, l'espace et la loi de causalit apparaissent, sous leffet de l'interprtation ralise par la connaissance de l'homme, cest--dire, sous leffet du principe de la raison suffisante ; contrairement lObjectivation, la Volont mne ce processus dpendant du principe de raison suffisante et de la loi de causalit, compte tenu de laction physique de celle-ci dans le monde de la nature et du fonctionnement de celui-l dans la conscience de lhomme. Il est vrai, daprs Schopenhauer, que la loi de causalit

    23 : Ibid., p. 196 24 : Id. 25 : Particulirement pages 180 et 181

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    fonctionne physiquement dans la nature et la fois dans lintellect de lhomme, tandis que le principe de raison suffisante ne concerne que lintellect de lhomme de sorte que ce dernier peroit toute chose dans le monde comme reprsentation, puis y pense et le juge, tout ceci seulement dans son intellect. Notre monde rel comme reprsentation se ralise alors ; nous pouvons donc dire que la loi de causalit au sens intellectuel fait partie du principe de raison suffisante.26 Dans ce circuit de la ralisation des matires, la loi de causalit se caractrise par son rle de norme et de limite grce auquel une matire maintient son identit malgr des manifestations varies dune Ide dans le temps et l'espace. Par l, des manifestations d'une Ide se produisent autour de toute la matire donne et ont partager sa possession. La substance est donc permanente et le sera toujours, et la loi de la nature rend ainsi possible la ralisation des Ides dans le monde comme reprsentation grce lunion du temps et de lespace. Cette union se manifeste comme lvolution des accidents au sein de la substance permanente, ce qui nest possible quau moyen de la causalit ou du devenir. 27 Aprs cette ralisation des matires, la suite de lIndividuation est la pluralit des matires, de la matire inorganique jusqu la matire organique. La pluralit dune matire signifie que, guide par son Ide, la loi de la nature peut sappliquer nimporte quand, et nimporte o dans le monde comme reprsentation. Une Ide trouve et combine donc dans des temps et des endroits diffrents, des lois de la nature ncessaires et indispensables. Ainsi, conduit par une telle Ide, lenchanement de ces lois dans le temps et dans lespace, sous la loi de causalit, se produit diffremment. Par consquent, les mmes matires se multiplient, d'o la pluralit des matires. Ainsi, l'Individuation de la Volont aprs son Objectivation montre-t-elle notre monde rel les matires, de la pierre jusqu' l'homme. Aprs un tel processus qui mne enfin l'Individuation de l'Ide de l'homme, la Volont parvient, dans sa dernire tape d'activation, se faire voir et prendre connaissance d'elle-mme, grce la pure connaissance de l'homme. En revanche, tant donn que le monde est non seulement comme la volont, mais aussi comme la reprsentation dont la source ne fait partie que de l'homme, Schopenhauer y insre les problmes philosophiques de

    26 : La diffrence entre la loi de causalit et le principe de raison suffisante sera plus claire aprs que nous aurons prcis la loi de la causalit dans la partie ultrieure. 27 : A. Schopenhauer, op. cit. p. 181

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    l'homme. Il s'agit des souffrances humaines et de la manire dont on peut y mettre un terme, et pour cela, il faut trouver leurs causes. Une cause principale des souffrances pour l'homme, et pour tous les autres tres vivants, consiste en fait en la perception de ces souffrances. C'est donc tout d'abord sa capacit cognitive qui provoque les souffrances chez lhomme. Ainsi, pour les autres tres vivants qui ont une plus faible capacit cognitive, tels que les infusoires, les radis, les insectes, ou animaux, ou ceux qui nont pas du tout une telle capacit comme les plantes, ils mnent leur vie avec moins de souffrance ou mme aucune. Une autre cause importante rsulte de la nature essentielle de la Volont, cest--dire de l'absence de tout but et de toute limite, essentielle la volont en soi 28. Autrement dit, c'est le dsir qui est tout son tre, que ne termine aucun objet atteint, incapable d'une satisfaction dernire, et qui pour s'arrter a besoin d'un obstacle, lanc qu'il est par lui-mme dans l'infini. 29 Par consquent, l'homme, possdant une telle nature de la Volont en tant que reprsentation, fait des efforts sans fin et prouve toujours du dsir, ce qui provoque les souffrances ternelles de l'homme, car son effort n'atteint pas toujours son but et ne trouve pas sa rponse dfinitive et que son dsir reste toujours insatisfait. Au vu de ces deux causes principales, il est bien vident que la rsolution du problme des souffrances humaines ne peut tre sollicite que dans sa capacit perceptive, tant donn que la nature de la Volont ne peut absolument pas tre manipule. Ainsi arrive-t-on l'ide quil faut liminer la capacit cognitive pour mettre fin aux souffrances. Mais ceci doit se faire dans un aspect positif : il faut l'liminer en l'amliorant, grce la pure connaissance, et pas en la dtruisant. L'homme parvient donc au monde de la ngation du vouloir-vivre, qui est produit ou bien par la connaissance pure de la douleur, librement approprie, grce lintuition du principium individuationis, ou bien immdiatement, par la souffrance directement subie 30. Le monde de la ngation du vouloir-vivre est un monde o la connaissance humaine devient donc une pure connaissance qui ne fonctionne plus comme serviteur de son corps, comme nous lavons dj voqu prcdemment. Il devient un monde dans lequel les souffrances humaines

    28 : Ibid., p. 215 29 : Ibid., p. 390 30 : Ibid., p. 498

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    disparaissent, car la pure connaissance est spare du corps et elle n'est plus dans notre monde comme reprsentation, soumis la loi de causalit l'origine des souffrances humaines. L'homme trouve ainsi la paix ternelle sans souffrances dans le monde de la ngation de vouloir-vivre, le monde comme volont.

    Ainsi, lIde gnrale et la logique philosophique chez Schopenhauer se caractrisent tout d'abord par le constat de l'existence de la Volont, considre comme une force suprme et absolue qui est la source souveraine pour la ralisation de notre monde rel. Cela tant, la Volont fait donc voir notre monde rel par sa mutation, en s'activant entre les deux mondes, ceux de la volont et de la reprsentation, travers les tapes du processus de lObjectivation et de lIndividuation. Enfin, la Volont arrive se voir et prendre connaissance d'elle-mme par l'intermdiaire de la capacit cognitive humaine. L'homme devient le miroir de la Volont elle-mme en tant que sa meilleure reprsentation et assume ainsi un rle attentif dans un circuit divin du fonctionnement de la Volont, pour accorder de l'importance ses souffrances et son bonheur. Le bonheur de l'homme et la pure connaissance de l'homme qui en est la source, sont dune grande importance dans la philosophie de Schopenhauer. Il lvoque ainsi31 : Par l, nous pouvons nous imaginer combien doit tre heureuse la vie de l'homme, dont la volont n'est pas seulement apaise pour un instant, comme dans la jouissance esthtique, mais compltement teinte, sauf la dernire tincelle, indispensable pour soutenir son corps, qui doit prir avec lui. L'homme qui, aprs maints combats violents, n'est plus que le sujet pur de la connaissance, le miroir serein du monde. Rien ne peut plus le torturer, rien ne peut plus l'mouvoir. Une telle ide rend en effet possible d'insrer une rflexion humaine dans la philosophie de Schopenhauer o il ny a thoriquement pas de place pour l'homme ; en effet, selon la thorie philosophique de Schopenhauer, l'homme n'est qu'une Ide de la volont malgr sa supriorit comme les autres milliards dIdes de la volont existants. Ces milliards dIdes suprieures lIde de l'homme existeront encore dans le futur. Cette rflexion humaine chez Schopenhauer peut donc s'expliquer et se rsumer par la figure 2 ci-dessous.

    31 : Ibid., p. 490

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    (figure 2) Chez Schopenhauer, le monde qui n'tait que la Volont devient ainsi le monde qui comprend un point humain en tant que composant attentif de la Volont, faisant volontairement partie du monde comme volont, malgr sa participation partielle. Ainsi, la philosophie de Schopenhauer finit enfin par imposer lhomme un rle important, tre-passerelle entre la Volont et le monde. Le monde comme volont et le monde comme reprsentation. Alors, l'homme retrouve sa valeur, avec sa capacit intellectuelle de faire dune pure connaissance le miroir de la Volont.

    La Volont

    Le monde comme volont

    Le monde comme reprsentation

    Homme

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    2. Constat de lexistence du monde comme volont et de la Volont Aprs une tude sur lide gnrale et la logique philosophique chez Schopenhauer, nous croyons avoir, sur le plan global, compris la philosophie de Schopenhauer, symbolise en effet par le monde comme volont, disons par la Volont. Par l, il nous est devenu clair que lessence de cette philosophie est absolument base sur le constat de lexistence du monde comme volont et de la Volont et quil nous faut donc encore tudier ce constat de Schopenhauer pour faire en sorte que notre comprhension soit bonne et valable. Cest ainsi que nous pourrions attendre un bon rsultat de lanalyse dans la partie suivante concernant la sortie des souffrances de la vie humaine. Et nous arriverons finalement voir le fondement ferme de la philosophie de Schopenhauer, ce qui nous amnera justifier finalement notre recherche actuelle. Dans l'uvre Le monde comme volont et comme reprsentation , le monde comme volont et la Volont s'expliquent principalement dans la deuxime partie Le monde comme volont : premier point de vue ; l'objectivation de la volont et la quatrime partie Le monde comme volont : second point de vue ; arrivant se connatre elle-mme, la volont de vivre s'affirme, puis se nie . Le monde comme volont sy explique comme le monde avant l'Objectivation finale, autrement dit avant l'Individuation. Cest justement la Volont qui se situe au point centripte de ce monde en tant que force toute puissante. Elle le cre et le gre, en se plaant elle-mme au sein de ce monde. Comme cela, elle est l en tant que telle, tout librement et tout indpendamment, ceci sans source et par hasard. Do limpossibilit de vrifier son existence ; la Volont en tant que crateur du monde suprme et absolu, existe-t-elle pourtant ? Nous avons dit dans la partie prcdente qu'il fallait comprendre le monde comme volont par la connaissance immdiate, mais non par le concept abstrait raisonn, car ce n'est pas un objet d'explication, ni de raisonnement, mais de perception ou de pntration. Si nous le prcisons, cela veut dire que le monde comme volont est au del de notre monde rel, celui de la reprsentation, l'autre monde dans lequel le principe de raison suffisante, y compris la loi de causalit, ne fonctionne plus. Il est donc impossible de le comprendre et de l'expliquer d'une telle

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    faon, savoir par le concept abstrait raisonn, valable dans ce monde comme reprsentation. Mais, on peut le comprendre dune autre faon, savoir par la connaissance immdiate qui ne vient pas forcment du monde comme reprsentation. Cependant, il est toujours impossible de lexpliquer d'une faon ou dune autre. C'est parce que l'explication implique d'utiliser des concepts abstraits et raisonns, qui font partie du monde comme reprsentation. Alors, on peut comprendre le monde comme volont et la Volont, mais jamais lexpliquer. Aprs cette prcision, nous voyons tout de suite une difficult discuter la vrit du grand constat de Schopenhauer. Parce qu'il est bien vident que l'on ne peut discuter, ni vrifier ce que l'on ne peut exprimer, ni expliquer. Cependant, Schopenhauer explique et prcise en particulier dans les chapitres 18, 19, 20, 21 comment le monde comme volont est peru et comment il entre dans la conscience humaine, ce qui nous amne en effet argumenter sur la vrit de son constat.

    L'homme est un sujet connaissant. Mais, il est aussi la fois un composant de ce monde en tant quindividu et sa racine dans ce monde est son corps physique. Il est bien vident qu'il n'est pas une tte d'ange aile, sans corps 32. C'est justement par l que l'on trouve une possibilit de saisir l'existence du monde comme volont et celle de la Volont. Le mouvement de son corps et ses actions donnent ainsi l'entendement de l'homme une place intuitive du monde comme volont au del de notre monde comme reprsentation. En fait, il s'agit de l'identit du corps et de la volont 33, appele la vrit philosophique par excellence 34, comme voqu auparavant. Par l, l'homme peut arriver constater l'existence du monde comme volont et de la Volont, en identifiant son corps sa volont. Cependant, une telle identit n'est toujours pas prouver, car elle ne rentre pas entirement dans le principe de raison suffisante. Elle concerne le rapport qui existe entre une reprsentation intuitive et la Volont qui est loin d'tre une reprsentation, en diffre absolument35.

    32 : Ibid., p. 140 33 : Ibid., p. 143 34 : Ibid., p. 144 35 : Ibid., p. 144

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    Ainsi, c'est seulement par la connaissance immdiate que nous arrivons une comprhension de lidentit entre le corps et la volont, mais jamais par d'autres connaissances mdiates comme les concepts abstraits raisonns. Par consquent, nous pourrions dire que prouver le constat de l'existence du monde comme volont et de la Volont n'est que renforcer une telle connaissance immdiate. Cela tant, on peut, dans un premier temps, constater le fait que tout mouvement violent et exagr de la volont, c'est--dire toute affection, secoue immdiatement le corps et tout l'organisme intrieur, en troublant le cours de ses fonction vitales, et que inversement, toute impression exerce sur le corps affecte immdiatement la volont et qu' ce point de vue, elle s'appelle plaisir ou douleur, et un degr moindre, sensation agrable et dsagrable36 En effet, l'homme, sujet connaissant, aussi une existence dans ce monde de reprsentation, arrive constater la Volont son insu grce son corps, de la faon de la Volont, ce qui peut signifier le mot Volont. Ainsi, elle se manifeste comme reprsentation aussi bien par ses actions que par leur substratum permanent, le corps ; l'on se rend compte que cette volont ne rentre pourtant pas compltement dans ce mode de connaissance o objet et sujet se trouvent en prsence l'un de l'autre, mais qu'elle s'offre nous de telle faon que le sujet se distingue mal de l'objet, sans toutefois tre connu dans son ensemble, mais seulement dans ses actes isols.37 Ce genre de constatation chez Schopenhauer quant l'identit du corps et de la volont peut s'interprter plus clairement par son autre approche concernant l'apparition et la formation des degrs de l'Objectivation, voques dans la partie prcdente. Nous savons que les premires Ides, les degrs de l'objectivation les plus basiques sont les forces gnrales de la nature. Elles existent sans source comme manifestation immdiate de la Volont. Il se peut donc que les forces gnrales de la nature en premires Ides, ne fassent pas partie du monde comme reprsentation, mais de celui de la volont. Cest justement pour cela quune telle force de la nature ne trouve pas sa source dans notre monde rel comme reprsentation, et reste sans source au del du principe de raison suffisante.

    36 : Ibid., p. 142, 149 37 : Ibid., p. 152

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    Puis, l'apparition d'autres Ides plus hautes sexplique par des natures essentielles de la Volont, dans un premier temps celle d'identit, puis celle de Volont affame. De plus, avec de telles natures, la rgularit et la finalit s'ajoutent pour la ralisation d'autres Ides plus hautes, ce qui amnerait enfin l'Ide de l'homme comme lIde la plus haute, ainsi quon la vu dans la partie prcdente. Ainsi, on arrive la conclusion que le corps de l'homme est fait des Ides plus basses, partant des forces gnrales de la nature, et par consquent qu'il est fait des volonts, tout en sachant que des Ides partent leur tour des volonts et de la Volont. D'o l'identit du corps et de la volont , qui amnerait la possibilit pour l'homme de saisir et de constater l'existence du monde comme volont et la Volont. Pourtant, une telle conclusion argumente ncessite videmment une explication plus prcise et convaincante. En effet, il est toujours vrai que l'identit des deux mondes nest pas prouver. Il nous faut donc davantage darguments afin d'arriver au bon constat de l'existence du monde comme volont et de la Volont. Pour cela, nous pourrions encore prciser les forces gnrales de la nature. Autrement dit, nous allons prciser la question de savoir s'il est vrai ou faux que les forces gnrales de la nature sont sans source. Par l, mme si nous ne pouvons pas le prouver, nous pouvons supposer quil y a un autre monde au del de notre monde rel comme reprsentation, ou non, qui correspondrait au monde comme volont. Car le fait que les forces gnrales de la nature sont avec ou sans source signifie en fait l'existence ou non de l'autre monde que notre monde rel comme reprsentation, tant donn que toute chose dans le monde comme reprsentation a sa raison d'tre et sa source dans le principe de raison suffisante, disons sous la loi de causalit. Ainsi, les forces gnrales sans source supposeraient qu'elles appartiennent l'autre monde que celui de la reprsentation et qu'elles peuvent tre donc considres comme un maillon de chane du monde comme volont. De telles forces gnrales de la nature s'expliquent bien principalement dans le chapitre 17.

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    Schopenhauer y voque les Sciences naturelles et leurs subdivisions pour consolider la thse que les forces de la nature sont sans source. Il divise principalement les Sciences naturelles en deux, la morphologie et l'tiologie. La morphologie concerne en particulier la botanique et la zoologie. Et l'tiologie se compose principalement de la mcanique, de la physique, de la chimie, et de la physiologie. Cependant, toutes ces subdivisions des Sciences naturelles nous montrent un nombre infini de formes, infiniment varies, mais toutes caractrises par un air de famille incontestable, et l'ordre rgulier suivant lequel les phnomnes se produisent dans le temps et dans l'espace, ceci pour tous les cas possibles. 38 Pourtant, pour toute ce qui fait partie des Sciences naturelles, il est impossible pour nous de formuler la moindre conclusion sur l'essence intime de n'importe laquelle de ces formes et ces phnomnes, nomms force naturelle39. Tous ce que les Sciences naturelles peuvent dmontrer, ne sont en effet que la loi naturelle qui prcise et dtermine seulement telles conditions et telle production d'un phnomne en tel endroit et tel moment dtermins. Comme cela, la pierre, la plante et l'animal peuvent s'expliquer pourquoi ils sont l tel moment avec telles forces naturelles, avec telles natures et avec tels comportements, dus aux causes et aux influences extrieures. Mais, il nest toujours pas possible d'expliquer leur essence comme la source dtre. Ainsi, la force qui produit la croissance de la plante et le mouvement de l'animal comme force naturelle, reste toujours inexplicable et mystrieuse, donc sans source. Ainsi, il se peut donc que les forces naturelles soient sans source. Do la possibilit de lexistence du monde comme volont et de la Volont, autre que notre monde rel comme reprsentation. De plus, nous pouvons aussi travailler la conclusion. Nous savons dj que les forces naturelles sans source sont en ralit le point de dpart pour la ralisation des Ides plus hautes jusqu' l'Ide de l'homme, enfin pour celle de notre monde. On en conclut alors que notre monde comme reprsentation a aussi pour origine un monde sans source.

    38 : Ibid., p. 137 39 : Ibid., p. 137, 138

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    Cela nous amne en effet une autre supposition. Nous pourrions donc penser que le monde sans source, celui de la volont, est justement notre monde comme reprsentation. Par l, on tombe tout de suite dans le dilemme suivant : notre monde rel est le monde comme reprsentation et la fois le monde comme volont. Ce genre de dilemme ncessiterait de retourner au dbut de notre grand constat. Ce grand constat du dbut, comme on le voit dans la figure 2 de la page 29, est que le monde est spar en deux mondes diffrents, celui de la volont et celui de la reprsentation. Ainsi, notre monde rel comme reprsentation est le rsultat des tapes du processus de l'Objectivation et de l'Individuation de la Volont. Et nous savons que le monde sans source est un caractre principal du monde comme volont. Donc, le fait que notre monde comme reprsentation est dorigine sans source, nous fait supposer que le monde comme reprsentation appartient au monde comme volont. Ainsi, nous arrivons nous demander pourquoi les deux mondes diffrents ont un caractre principal semblable et quelle est rellement la vraie diffrence entre les deux mondes. La rponse peut en effet se trouver, en reconnaissant l'erreur qua fait lhomme en sparant le monde en deux parties. Comme lillustre cette figure 2, nous sommes arrivs la conclusion pour la logique philosophique chez Schopenhauer que le monde comme volont et celui de la reprsentation font partie de la Volont avec un point commun, l'homme entre deux mondes. Une telle conclusion nous montre en effet que la Volont en tant que telle se fait voir en deux mondes. Cest ainsi que ces deux mondes diffrents faisaient en ralit partie de la mme Volont, autrement dit d'un seul monde avec deux faces diffrentes. De ce fait, il est vrai quil est inutile de prouver l'existence du monde comme volont. Parce que l'existence de notre monde rel comme reprsentation signifie suffisamment celle du monde de la volont en tant quune autre face de la Volont. Ensuite, l'existence du monde comme volont pourrait nous faire supposer celle de la Volont, tant donn que l'ensemble des volonts dans le monde comme volont, en tant que Force d'unit , nest autre que la Volont.

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    Mais la capacit dintelligence de lhomme, parce quinsuffisante, lempche souvent de faire percer ce genre de vrit, mais plutt lencourage la confusion. Ainsi, l'homme arrive une stupidit intelligente, en essayant de prouver l'existence de l'autre monde comme volont, qui est justement le mme monde que notre monde rel comme reprsentation. De plus, inversement parlant, notre existence nous ferait suffisamment supposer lexistence du monde comme reprsentation et celui de la volont, enfin celle de la Volont. Parce que nous ne pouvons pas exister tout seul sans aucun rapport, comme nous faisons la fois partie du monde comme reprsentation, de celui de la volont, et enfin de la Volont. En fin de compte, tout cela peut se rsumer comme ceci : Nous existons. Ainsi, le monde existe. Le monde comme reprsentation et celui de la volont existent, comme la Volont l'est. Toutes les interprtations diffrentes et compliques se rsument en une seule vrit : nous sommes une unit et le monde est un, mais c'est l'homme qui fait la diffrence. Finalement, il nous reste cependant avec vidence ajouter et prciser comment l'homme peut sentir ou connatre l'existence du monde comme volont et de la Volont. Nous pourrions en tirer certainement une bonne preuve, en particulier un bon tmoignage dune telle existence qui est thoriquement invrifiable. Comme vu au dbut, grce l'identit du corps et de la volont, le monde comme volont se montre de telle faon que le sujet se distingue mal de l'objet, et il n'est pas connu dans son ensemble, mais seulement dans ses actes isols. Selon Schopenhauer, chacun sait cela la fois directement, concrtement et intuitivement. C'est ce qui se passe pour la plupart des gens normaux. Pourtant, une importante minorit dhumains, avec une capacit d'intelligence leve, peut percevoir le monde comme volont, mais indirectement en se servant de leur rflexion abstraite raisonne. Pour eux, ce n'est pas seulement dans des phnomnes semblables aux leurs, chez les hommes et les animaux, qu'ils retrouveront cette mme volont comme essence intime ; mais un peu plus de rflexion les amnera reconnatre que les divers phnomnes ont une seule et mme essence, qui leur est

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    intimement, immdiatement et mieux que toute autre connue, celle-l enfin qui, dans sa manifestation la plus apparente, porte le nom de volont 40. Ainsi russissent-ils accorder leur raisonnement au monde comme volont, celui des Ides (de Platon). Ils parviennent de cette manire avoir une connaissance indirecte, mais concrte des Ides de Platon grce leur intelligence leve. De plus, ct de tels thoriciens du monde comme volont, il y a des gens qui le pratiquent : avec ou sans la comprhension d'une telle connaissance thorique, il existe un trs petit nombre dhommes qui entre rellement dans le monde comme volont. Ils deviennent ainsi, par eux-mmes, la fois la preuve et le tmoin de l'existence de la Volont et de son monde. Il s'agit des artistes, et des hommes saints qui se librent du monde. Ces hommes se sont levs au-dessus du monde et sont parvenus la plus haute conscience de la volont elle-mme, autrement dit au monde de la mditation esthtique et de la ngation du vouloir-vivre. Dans de telles pratiques, la pure connaissance de lhomme joue un rle clef. L'homme est le seul tre vivant du monde qui a la capacit intellective de transformer sa connaissance en une pure connaissance, miroir de la Volont. L'homme peut parvenir momentanment une telle connaissance. C'est le cas des artistes ; ils arrivent au monde de la mditation esthtique dans lequel ils peroivent les Ides de Platon comme degrs de l'Objectivation. Lhomme peut aussi y parvenir de faon permanente ; c'est le cas des saints qui se librent du monde et arrivent dans le monde du Nirvna. Leur connaissance ne dpend plus de leur corps, mais devient une pure connaissance, totalement indpendante et libre du corps de telle sorte qu'elle ragit en ngation la volont du corps, en faisant partie du monde comme volont. Ainsi, les saints, avec leur pure connaissance, entrent-ils effectivement dans le monde comme volont. Pour les artistes, la premire condition indispensable pour parvenir cette connaissance est d'entrer dans la contemplation pure. La connaissance humaine a principalement pour but de jouer un rle en tant que partie du corps, afin de faire fonctionner lensemble du corps humain. Pourtant, si la capacit cognitive humaine devient aussi dveloppe que celle du gnie, la connaissance humaine se spare du corps et ne joue plus

    40 : Ibid., p. 152

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    son rle originel en tant que partie du corps. Elle entre dans la contemplation pure. Elle devient ainsi indpendante et libre l'instar d'une pure connaissance. C'est partir de cette dernire que les artistes peroivent les Ides, que la Volont et le monde comme volont apparaissent, et que l'art et luvre de gnie commencent. Ainsi, l'art reproduit-il les Ides ternelles qu'il a conues par le moyen de la contemplation pure, c'est--dire ce qui est essentiel et permanent dans tous les phnomnes du monde ; d'ailleurs, selon la matire qu'il emploie pour cette reproduction, il prend le nom dart plastique, de posie ou de musique ; son origine unique est la connaissance des Ides ; son but unique, la communication de cette connaissance 41. De cette manire les artistes constatent et identifient l'existence du monde comme volont et de la Volont, car leurs uvres tmoignent de cette existence. Cependant, malgr leur capacit intellective exceptionnelle, il est difficile pour les artistes de conserver leur pure connaissance, moteur primordial pour la ralisation du monde comme volont ; la connaissance humaine, qui fait partie de la reprsentation de la volont humaine, est comme une force de la nature qui rgne en permanence sur la nature et elle est donc prte tout moment surgir pour chasser la pure connaissance et esthtique. Il manque aux artistes un peu plus de capacit intellective pour conserver la pure connaissance et rester l'tat de mditation esthtique. Ils reviennent donc dans le monde comme reprsentation aprs avoir pass un certain temps dans le monde comme volont. Pourtant, pour des saints et de certains bouddhistes, taostes ou ermites, ils sont capables de conserver longtemps cette connaissance. Chez eux, la connaissance humaine devient de faon permanente une pure connaissance, grce une capacit intellective plus dveloppe. Elle devient ternellement indpendante et libre, en prenant conscience de la Volont et elle entre dans le monde comme volont. C'est le monde du Nirvna et le monde de la ngation du vouloir-vivre chez Schopenhauer, le monde qui est en dehors de la loi de causalit, au-dessus du principe de raison suffisante. Le monde comme reprsentation disparat et retourne son origine. Le temps et l'espace n'existent plus, ainsi que les phnomnes tels que les animaux, les plantes et les pierres. Il ne reste que des volonts. C'est le monde comme volont.

    41 : Ibid., p. 239

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    Pour arriver dans ce monde, il ne suffit pas de percevoir les Ides, il faut aussi s'opposer la volont du corps, la volont humaine en soi, au lieu de l'accepter, ce qui est habituel chez lhomme. Un tel tat desprit peut tre considr comme l'extrme de lexploit artistique. Nous pouvons aussi dire que ltat de mditation esthtique est une tape prliminaire larrive dans le monde du Nirvna, parce que les deux mondes ncessitent absolument une transformation de la connaissance humaine en une pure connaissance, en fonction de son tat de perfectionnement. Cest ainsi que les artistes trouvent la pure connaissance au moment de la mditation esthtique et qu'ils ne restent pas continuellement dans ltat de mditation esthtique et dans le monde du Nirvna. Celui-ci, monde de la ngation du vouloir-vivre, serait donc plus avanc et plus accompli que le monde esthtique. En devenant une pure connaissance elle-mme, lhomme arrive ainsi voir et identifier finalement lexistence du monde comme volont et de la Volont. Il rentre son origine dans le monde comme volont, celle de la Volont, ct du Dieu. Il sy intgre compltement, comme sil venait de finir dans notre monde sa mission de tmoigner de sa croyance en Dieu, savoir la Volont. Jusquici, nous avons tout dabord argument selon divers points de vue sur lexistence du monde comme volont et de la Volont. Et pour finir, nous avons prcis de faon thorique lidentit du corps et de la volont, puis considr le cas des grands hommes comme les artistes et les saints. Ctait donc de bonnes preuves et de bons tmoins qui nous ont rendus plus clair le constat quexiste bel et bien le monde comme volont et la Volont au sens de Schopenhauer, bien que cela soit thoriquement impossible vrifier. Voici la philosophie de Schopenhauer dont le constat clair et juste nous montre la belle essence grce laquelle il dmontre un charme inou par rapport aux thories classiques. Il est vrai que nous sommes une existence minime parmi des milliards dexistences au monde. Il est donc probablement inutile pour nous, et mme drisoire, de vrifier un tel constat. Toutefois, il est aussi vrai que cet effort de notre part en tant que minime composant du monde, peut tre considr plutt comme un acte honorable. Cest parce que nous sommes rests ct du Dieu en tant que lumire grce laquelle Dieu arrive enfin se voir, prenant conscience de soi-

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    mme. Cest justement cette lumire nous faire finalement sortir de notre pch originel, nos souffrances de vies ternelles.

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    3. Le monde esthtique 3.1. Ide gnrale Dans la philosophie de Schopenhauer, l'homme peut sentir ou connatre le monde comme volont, autrement dit celui de lesthtique et celui de la ngation du vouloir-vivre, seulement lorsque sa connaissance redevient son propre objet de connaissance. On parvient ainsi lidentit du corps et de la volont, puis au monde comme volont pour entrevoir la Volont. Par l, la connaissance humaine devient la pure connaissance. Cest justement dans cette pure connaissance, selon Schopenhauer, que lon trouve la source indispensable du monde esthtique, celle de lart. Il en est ainsi que le sujet connaissant arrive la pure connaissance, cette fois comme le meilleur objet dart et la fois en tant que la meilleure Ide du monde. Pour en prciser le point de vue pratique, rappelons-nous ltude faite dans la partie prcdente, compte tenu de son importance ; Il existe un trs petit nombre dhommes qui entre rellement dans le monde comme volont. Ils deviennent ainsi, par eux-mmes, la fois la preuve et le tmoin de l'existence de la Volont et de son monde. Il s'agit des artistes, et des hommes saints qui se librent du monde. Ces hommes se sont levs au-dessus du monde et sont parvenus la plus haute conscience de la volont elle-mme, autrement dit au monde de la mditation esthtique et de la ngation du vouloir-vivre. Dans de telles pratiques, la pure connaissance de lhomme joue un rle clef. L'homme est le seul tre vivant du monde qui a la capacit intellective de transformer sa connaissance en une pure connaissance, miroir de la Volont. L'homme peut parvenir momentanment une telle connaissance. C'est le cas des artistes ; ils arrivent au monde de la mditation esthtique dans lequel ils peroivent les Ides de Platon comme degrs de l'Objectivation. Lhomme peut aussi y parvenir de faon permanente ; c'est le cas des saints qui se librent du monde et arrivent dans le monde du Nirvna. Leur connaissance ne dpend plus de leur corps, mais devient une pure connaissance, totalement indpendante et libre du corps de telle sorte qu'elle ragit en ngation la volont du corps, en faisant partie du monde comme volont. Ainsi, les saints, avec leur pure connaissance, entrent-ils effectivement dans le monde comme volont. Pour les artistes, la premire condition indispensable pour parvenir cette connaissance est d'entrer dans la contemplation pure. La connaissance humaine a principalement pour but de jouer un rle en tant que partie du corps, afin de faire fonctionner lensemble du corps humain. Pourtant, si la capacit cognitive humaine devient aussi dveloppe que celle du gnie, la connaissance humaine se spare du corps et ne joue plus son rle originel en tant que partie du corps. Elle entre dans la contemplation pure. Elle devient ainsi indpendante et libre l'instar

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    d'une pure connaissance. C'est partir de cette dernire que les artistes peroivent les Ides, que la Volont et le monde comme volont apparaissent, et que l'art et luvre de gnie commencent. Ainsi, l'art reproduit-il les Ides ternelles qu'il a conues par le moyen de la contemplation pure, c'est--dire ce qui est essentiel et permanent dans tous les phnomnes du monde ; d'ailleurs, selon la matire qu'il emploie pour cette reproduction, il prend le nom dart plastique, de posie ou de musique ; son origine unique est la connaissance des Ides ; son but unique, la communication de cette connaissance. De cette manire les artistes constatent et identifient l'existence du monde comme volont et de la Volont, car leurs uvres tmoignent de cette existence. Cependant, malgr leur capacit intellective exceptionnelle, il est difficile pour les artistes de conserver leur pure connaissance, moteur primordial pour la ralisation du monde comme volont ; la connaissance humaine, qui fait partie de la reprsentation de la volont humaine, est comme une force de la nature qui rgne en permanence sur la nature et elle est donc prte tout moment surgir pour chasser la pure connaissance et esthtique. Il manque aux artistes un peu plus de capacit intellective pour conserver la pure connaissance et rester l'tat de mditation esthtique. Ils reviennent donc dans le monde comme reprsentation aprs avoir pass un certain temps dans le monde comme volont. Pourtant, pour des saints et de certains bouddhistes, taostes ou ermites, ils sont capables de conserver longtemps cette connaissance. Chez eux, la connaissance humaine devient de faon permanente une pure connaissance, grce une capacit intellective plus dveloppe. Elle devient ternellement indpendante et libre, en prenant conscience de la Volont et elle entre dans le monde comme volont. C'est le monde du Nirvna et le monde de la ngation du vouloir-vivre chez Schopenhauer, le monde qui est en dehors de la loi de causalit, au-dessus du principe de raison suffisante. Le monde comme reprsentation disparat et retourne son origine. Le temps et l'espace n'existent plus, ainsi que les phnomnes tels que les animaux, les plantes et les pierres. Il ne reste que des volonts ; c'est le monde comme volont. Pour arriver dans ce monde, il ne suffit pas de percevoir les Ides, il faut aussi s'opposer la volont du corps, la volont humaine en soi, au lieu de l'accepter, ce qui est habituel chez lhomme. Un tel tat desprit peut tre considr comme l'extrme de lexploit artistique. Nous pouvons aussi