une histoire d’ergothérapeutes
Transcript of une histoire d’ergothérapeutes
IFPEK Rennes
Institut de Formation en Ergothérapie
En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute
UE 6.5 S6
Evaluation de la pratique professionnelle et Recherche
Anne-Cécile Delaisse
2017
D’un bout à l’autre de l’Atlantique,
une histoire d’ergothérapeutes
Les héritages du passé de la profession dans les
pratiques françaises et américaines actuelles
IFPEK Rennes
Institut de Formation en Ergothérapie
En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute
UE 6.5 S6
Evaluation de la pratique professionnelle et Recherche
Sous la direction de Mme Bénédicte Dubois
Anne-Cécile Delaisse
2017
D’un bout à l’autre de l’Atlantique,
une histoire d’ergothérapeutes
Les héritages du passé de la profession dans les
pratiques françaises et américaines actuelles
Remerciements
Je tiens à remercier
Ma directrice de mémoire, Mme Dubois, pour ses conseils et son soutien dans
l’élaboration de ce mémoire
Mme Orvoine et mes parents, pour m’avoir permis de passer un merveilleux semestre aux
Etats-Unis
Mes professeurs américains, pour leur accueil chaleureux
en particulier Dr Stoklosa, Dr Poleshuck et Dr Shriber pour leur aide dans ce
travail de recherche
Tous les ergothérapeutes qui ont pris le temps de répondre à mes questions
Les ergothérapeutes qui m’ont relue et conseillée
Ma sœur, pour ses conseils et sa relecture
Résumé
En 2017, les ergothérapeutes célèbrent l’anniversaire de la première association
d’ergothérapie, fondée aux Etats-Unis, il y a cent ans. En France, la profession a une
soixantaine d’années d’existence derrière elle. Différents courants de pensée ont marqué
l’histoire de l’ergothérapie dans les deux pays, notamment autour du concept fondateur
qu’est l’occupation. Ce mémoire s’interroge sur les héritages de ces courants de pensée
dans les pratiques ergothérapiques actuelles en France et aux Etats-Unis.
Quatre ergothérapeutes de chaque pays, travaillant dans différents domaines, ont
été interrogées dans cette étude qualitative. On retrouve dans leurs pratiques des
influences de différentes périodes. Certains concepts sont restés au cœur de la
profession, d’autres ont été développés plus récemment.
Aujourd’hui la profession souhaite retrouver ses racines, tout en intégrant de
nouveaux modèles
Mots-clefs : Histoire, Ergothérapie, Evolution des pratiques professionnelles, Occupation
Abstract
In 2017, occupational therapists are celebrating the anniversary of the foundation
of the first association of occupational therapy in the US, one hundred years ago. In
France, the profession has existed for about sixty years. In both countries, occupational
therapy has been marked by several ways of thinking throughout its history, in particular
about the founding concept of occupation. This research is about the heritage of those
ways of thinking in the current occupational therapy practice, in both France and in the
US.
Four occupational therapists from each country, working in different domains,
have been interviewed in this qualitative study. Influences from different time periods
have been found in their practice. Some concepts have remained core concepts for the
profession, some others have been developed more recently.
Today, the profession is looking back at its roots as well as integrating new
models.
Key Words: History, Occupational Therapy, Professional practice evolution, Occupation
"Just as our heart beats in a rhythm, so do we respond to the rhythms of
day and night, sleeping and waking, and hunger and satiation, all
centered on the fundamental activities of human life."
Adolf Meyer, The philosophy of Occupational Therapy
Sommaire
1 Introduction .................................................................................................................... 1
2 Problématique et Question de Recherche ...................................................................... 2
3 Données conceptuelles et historiques ............................................................................ 9
3.1 Les concepts : Occupation, activité et paradigme professionnel .............................. 9
3.2 L’histoire de l’ergothérapie .....................................................................................14
3.2.1 1ère guerre mondiale : naissance de la profession aux Etats-Unis et premières ergothérapies en France ...............................................................................................14
3.2.2 2eme guerre mondiale : changement de paradigme professionnel aux Etats-Unis et apparition officielle de l’ergothérapie en France.................................................22
4 Méthodologie de la recherche .......................................................................................29
4.1 Choix de la population ............................................................................................29
4.2 Choix de l’outil ........................................................................................................29
4.3 Les limites ..............................................................................................................30
5 Analyse des données ....................................................................................................32
5.1 Population interrogée .............................................................................................32
5.2 Thèmes abordés en entretien .................................................................................32
5.2.1 Définition de l’ergothérapie ..............................................................................32
5.2.2 Les valeurs de la profession ............................................................................33
5.2.3 Connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ...............................33
5.2.4 Les activités utilisées en ergothérapie .............................................................33
5.2.5 Les théories qui soutiennent les pratiques ergothérapiques ............................35
5.2.6 Les lieux d’apprentissage des méthodes de traitement utilisées en ergothérapie 36
5.2.7 D’autres thèmes ..............................................................................................36
5.3 Thèmes communs et divergences entre les entretiens et les données historiques .37
5.3.1 Des concepts et des approches ......................................................................37
5.3.2 Des savoirs et savoir-faire ...............................................................................39
5.3.3 Des pratiques ..................................................................................................40
5.4 Conclusion de l’analyse et validation des hypothèses ............................................43
6 Discussion .....................................................................................................................45
7 Positionnement professionnel ........................................................................................53
8 Conclusion ....................................................................................................................54
9 Bibliographie .................................................................................................................56
9.1 Monographie ..........................................................................................................56
9.2 Articles de périodique .............................................................................................58
9.3 Thèse, mémoire et travaux universitaires ...............................................................61
9.4 Rapport ..................................................................................................................61
9.5 Textes de loi, décret ...............................................................................................61
9.6 Internet ...................................................................................................................61
10 Annexes ........................................................................................................................63
1
1 Introduction
2017 est l’année du centenaire de la création de la National Society for the Promotion
of Occupational Therapy, l’évènement qui marque la fondation de l’ergothérapie aux Etats-
Unis. En France, c’est la création d’instituts de formation à Paris et Nancy en 1954 qui
manifeste les débuts de la profession.
On observe différents courants de pensée au fil de l’histoire de la profession.
Kielhofner décrit, par exemple, le paradigme de l’occupation au moment de la fondation de la
profession aux Etats-Unis autour de la première guerre mondiale (Kielhofner, 2009). A
l’époque, les fondateurs considéraient l’occupation comme fondamentale pour la santé
humaine. La pathologie était liée à un déséquilibre occupationnel. Les occupations pouvaient
et devaient être utilisées comme traitement des affections du corps et/ou de l’esprit
(Kielhofner, 2009) (Gordon, 2009) (Schwartz, 2013).
Un deuxième paradigme professionnel, le paradigme mécaniste domine autour de la
seconde guerre mondiale. On le retrouve aux Etats-Unis et dans l’ergothérapie naissante en
France. Très lié au mouvement de la rééducation et au modèle médical de l’époque, ce
paradigme vise la suppression du handicap par la réduction des déficiences physiques ou
psychiques des patients (Kielhofner, 2009) (Rogers, 1982) (Friedland, 1998).
Les différents courants de pensée investis par la profession ne se sont pas simplement
succédé dans le temps, chacun a marqué l’ergothérapie. Ainsi la profession porte les
héritages de concepts datant de différentes époques. Quels sont-ils ? En particulier, quels
sont les héritages du paradigme de l’occupation et du paradigme mécaniste ? De plus, la
France et les Etats-Unis ont deux histoires différentes. L’ergothérapie française et américaine
ont été influencées de manière différente et plus ou moins directement par les deux
paradigmes dont il est question.
Ce mémoire s’intéresse donc aux héritages de l’histoire de la profession dans les
pratiques actuelles en France et aux Etats-Unis. Dans un premier temps nous verrons quels
questionnements autour de données historiques ont amené à la question de recherche et aux
hypothèses. Après quelques données conceptuelles, un éclairage un peu plus détaillé sera
apporté à propos des courants de pensée qui ont marqué l’ergothérapie au cours des deux
périodes étudiées. Puis, la méthodologie du recueil de données complémentaires auprès
d’ergothérapeutes françaises et américaines sera exposée, ainsi que ces données. Celles-ci
seront analysées au regard des éléments historiques. Cette analyse croisée permettra de
valider ou non les hypothèses de recherche. Enfin, la discussion viendra commenter les
similitudes et les différences que l’on aura pu découvrir dans l’analyse croisée et ouvrir la
réflexion sur les nouveaux concepts émergeant dans la profession.
2
2 Problématique et Question de Recherche
Au cours de mes études en ergothérapie, j’ai eu la chance d’étudier 4 mois aux Etats-
Unis dans l’état de New York. Mon semestre s’est déroulé à Nazareth College, une université
de la ville de Rochester. Celle-ci se situe à une demi-heure de Clinton Springs, ville où la
première association d’ergothérapie (National Society for the Promotion of Occupational
Therapy) a été créée il y a cent ans, marquant ainsi la naissance officielle de la profession.
Quelle meilleure opportunité pour en apprendre davantage sur l’ergothérapie que de l’étudier
dans le pays où elle est officiellement née ?
J’ai donc souhaité mettre à profit cette expérience dans mon mémoire, en y incluant
une dimension internationale et interculturelle. J’avais d’abord pensé aborder les différents
systèmes de santé dans les deux pays et leurs influences sur la pratique ergothérapique. Ce
sujet était trop vaste, car le système de santé américain est très complexe et varie selon les
Etats.
Je me suis rapidement orientée vers l’histoire de la profession ; notamment en réponse
à un questionnement sur l’identité de l’ergothérapie, ses tenants et aboutissants. En effet, si
l’ergothérapie a cent ans d’histoire derrière elle aux Etats-Unis, une soixantaine d’année en
France, elle reste une profession jeune. Elle doit encore trouver et défendre sa place au sein
des professions paramédicales et affirmer ses valeurs. En explorer les fondements et son
développement jusqu’à aujourd’hui est un moyen de comprendre un peu mieux l’ergothérapie.
Les Etats-Unis étant le pays de naissance de l’ergothérapie, je me suis aussi
questionné sur l’influence de la culture américaine sur la profession. Comment l’ergothérapie
s'inscrit-elle dans la culture du “self-made man”, l’homme indépendant, qui repousse ses
limites et celle de la nature qui l’entoure (Reilly, 1961) ; et comment ce même métier est-il
exercé dans une culture différente ?
J’ai également été interpellée par la différence de vocabulaire. Les américains parlent
de “client”, de “performance”, les canadiens parlent de “rendement occupationnel”; des mots
assez étranges dans le domaine médico-social français. Le nom même de la profession en dit
beaucoup sur la manière dont les deux pays envisagent la pratique professionnelle, ainsi que
sur l'ambiguïté de la définition de la profession.
Si l’on retourne à l’origine même du mot français “ergothérapie”, on trouve la racine
grecque « ergo » ou « ergon ». Traduire une langue peut parfois laisser place à une certaine
subjectivité. Le langage étant le reflet d’une culture; traduire un mot relevant d’une culture
vieille de plusieurs millénaires dans notre langue actuelle est d’autant plus imprécis. Les mots
enferment les concepts et les idées. Il semblerait que pour la plupart, le mot grec “ergon”
signifie plutôt le travail. Pour d’autres, il correspond plutôt à l’action, œuvre ou encore
“dynamisme créatif” (Pibarot, 2013). Notons que la notion de travail, dans de nombreuses
cultures, s’imbrique dans la notion d’activité (une activité qui donne lieu à une forme de
rémunération). La racine « therapia » semble quant à elle faire consensus pour signifier soin.
Le mot anglais “occupational therapy” peut aussi engendrer de la confusion. En effet,
dans le langage commun, le mot “occupation” anglais est assez proche du mot français
“travail”. Par exemple, pour une personne non-initiée à ce qu’est “l’occupational therapy”,
“what is your occupation ?” pourrait être traduit par “qu’est-ce que vous faites dans la vie ?”,
qui est donc compris comme “quel est votre travail ?”.
3
Les “occupational therapist” américains ont donné au mot « occupation », un sens bien
plus large que celui pour lequel il est communément utilisé, pour ne pas réduire leur champ
de compétence. Le sens anglais est bien différent du mot « occupation » français qui pourrait
avoir une connotation négative. Si le mot français semble évoquer une activité qui n’aurait
d’autre but que d’éviter l’ennui, sans forcément avoir un sens particulier, le terme anglais
englobe les activités de tous les jours que les gens font individuellement, en famille ou en
société pour occuper leur temps et donner un sens et un but à leur vie (« l’activité significative
et signifiante » pour les ergothérapeutes français). Le mot « Occupation » inclut tout ce que
l’on a besoin de faire, que l’on veut faire ou ce qui est attendu de nous. (“In occupational
therapy, occupations refer to the everyday activities that people do as individuals, in families
and with communities to occupy time and bring meaning and purpose to life. Occupations
include things people need to, want to and are expected to do.” (WFOT, 2012)).
De plus, la racine latine du mot occupation signifie prendre possession, maîtriser. Ce
concept a toute sa place dans la culture américaine du « self-made man », ou “l’occupational
therapy” est « un entraînement à devenir maître de la situation » (Pibarot, 2013). De plus en
plus, les ergothérapeutes français tendent également à utiliser le mot français « occupation »
au sens des occupational therapist anglo-saxon. En effet, on retrouve le terme dans des
ouvrages français récents comme la nouvelle édition de Modèles conceptuels en
Ergothérapie de Marie-Chantal Morel-Bracq (Morel-Bracq, 2017), ou dans La science de
l'occupation pour l'ergothérapie traduction du livre de Doris Pierce (Pierce, 2016), et même
dans certains articles (Dans Le suivi précoce des enfants en ergothérapie Intérêts et
enjeux :« L'enjeu de la prise en charge précoce en ergothérapie est de limiter le risque pour
l'enfant de s'installer dans un chemin de développement qui nuise à l'acquisition d'une
autonomie suffisante pour réaliser un certain nombre d'occupations indispensables à son
épanouissement. » (Dufour, 2011)).
Les mots n’ont au final que le sens que l’on veut bien leur donner. L’essentiel est
d’avoir un sens partagé par l'émetteur et le récepteur d’un message. Il semblerait que les
ergothérapeutes (français et américains) aient eu besoin de redéfinir les mots utilisés dans le
nom même de leur profession pour leur donner le sens qui correspond à leur vision de la
profession. Peut-être Isabelle Pibarot a-t-elle défini “ergon” comme le dynamisme créatif,
pour donner tout son sens et toute sa place à l’ergothérapie en psychiatrie. Les fondateurs
américains de la profession, quant à eux, avaient pensé au mot “ergotherapy” mais ne l’ont
pas retenu car la connotation “travail” de la racine grecque “ergo” a été considérée comme
non assez large pour englober la diversité d’activités proposées par la profession (activités de
loisir, artisanat, musique) (Gordon, 2009). “Occupation” au sens français de ce qui “occupe le
temps” semblait être plus large (Dunton 1919, cité par (Gordon, 2002)). D’autant plus que
pour certains des premiers ergothérapeutes, l’activité occupationnelle était considérée comme
thérapeutique car elle permet de distraire le patient de ses problèmes de santé (Harvey-
Krefting, 1985) (Bing, 1981) (Peloquin, 1991). Au fil de l'évolution de la profession, les
ergothérapeutes américains ont élargi et approfondi le sens de ce mot (“occupation”
comprend maintenant la notion d’activité signifiante) pour lui donner le sens large qui
correspond à leur vision de la profession.
La nécessité de modifier le sens habituel des mots pour leur donner un sens propre à
la profession pourrait, en partie, expliquer les difficultés de l’ergothérapie à se définir et à être
connue et reconnue du grand public. En effet, les mots « occupational therapy » et
« ergothérapie » ne parlant pas d’eux-mêmes aux « non-initiés », ils peuvent facilement
4
laisser place à l’interprétation ou à une mauvaise compréhension de la définition de notre
métier.
Dans ce mémoire, le mot occupation sera utilisé au sens des occupational therapists
anglo-saxons, tel que décrit plus haut (il englobera les activités de vie quotidienne, les
activités significatives et signifiantes). « L’activité thérapeutique » sera utilisé pour désigner
tout ensemble d’actions exécutées par un patient dans le but de réduire ses situations de
handicap et d’améliorer sa qualité de vie.
Les réflexions autour de l’émergence de la question de recherche de ce mémoire ont
été enrichies par des contacts avec des ergothérapeutes auteurs de livre, thèses ou articles
en lien avec l’histoire de la profession. Un entretien exploratoire a été mené auprès d’un
expert dans ce domaine. Celui-ci m’a amené à prendre du recul, notamment par rapport aux
valeurs des fondateurs de la profession, parfois idéalisées. Il m’a également orientée sur les
“Slagle Lecture”. Tous les ans, un ergothérapeute réputé est sélectionné par ses pairs pour
écrire un article, c’est une marque de reconnaissance assez honorifique. Le nom “Slagle”, fait
référence à Eleanor Clarke Slagle, une des fondatrices de l’ergothérapie aux Etats-Unis. En
général, les auteurs retracent l’histoire de la profession et tentent de donner de nouvelles
directives pour l’évolution de l’ergothérapie.
Les lectures montrent que les ergothérapeutes français et américains ont tous voulu
définir et défendre l’idée d’une thérapie pour et par l’activité. C’est, par exemple, ce qui a
rassemblé les fondateurs de la National Society for the Promotion of Occupational Therapy en
1917 : l’idée que l’activité pouvait et devait être utilisée comme méthode thérapeutique.
Ainsi, les ergothérapeutes sont-ils les premiers à avoir utilisé l’activité en thérapie ?
Sont-ils les inventeurs de ces méthodes thérapeutiques ?
L’activité a été utilisée comme moyen thérapeutique bien avant la naissance officielle
de la profession. En effet, si on observe des traces de l’utilisation thérapeutique de l’activité
dès l’antiquité, c’est au XVIIème siècle qu’elle se développe plus particulièrement en santé
mentale. Le courant de pensées humanistes des lumières induit une nouvelle manière de
considérer les personnes souffrant de maladies mentales ainsi que leur place dans la société.
Étant reconnues comme des êtres de raison, elles avaient droit à un traitement humain. C’est
ainsi que le traitement moral est venu remplacer les violences communément utilisées envers
les patients en santé mentale, avec la création des asiles. L’activité (agriculture, travaux de
maintenance de l’institution, activités manuelles) faisait partie intégrante de cette thérapie
(Gordon, 2009). En France, Philippe Pinel utilise l’activité comme thérapeutique à la
Salpetrière, à Paris. William Tuke et Johann Christian Reil utilisent le traitement moral
respectivement en Angleterre et en Allemagne à la même époque, ainsi que Benjamin Rush
aux Etats-Unis (Bing, 1981) (Entretien exploratoire).
On peut donc se demander si ces utilisations de l‘activité ont eu un lien avec la
fondation de l’ergothérapie ?
Si le traitement moral tombe en désuétude au milieu du XIXème siècle, l’idée d’utiliser
l’activité en thérapie est de nouveau défendue par les fondateurs de l’ergothérapie, aux Etats-
Unis, au début du XXème siècle. Cette fois ci on s’attache à démontrer scientifiquement son
efficacité. Par exemple, Herbert Hall, médecin psychiatre américain crée la cure par le travail
(en opposition avec la cure de repos, répandue à l’époque), comme traitement contre la
neurasthénie, en 1905 (Gordon, 2009). Son traitement est basé sur des activités manuelles et
5
artisanales (Christiansen & Haertl, 2013). Susan Tracy, une infirmière en psychiatrie utilise
ces mêmes méthodes. Elle écrit Studies in invalid occupation : a Manual for Nurses and
Attendants, en 1910, un des premiers livres d’ergothérapie, qui a été utilisé comme support
de cours dans les formations en ergothérapie jusque dans les années 40 (Kielhofner, 2009).
Elle a joué un rôle déterminant dans la création de formations en ergothérapie. Tracy et Hall
sont considérés comme faisant partie des fondateurs de l’ergothérapie, bien que n’ayant pas
été présents lors de la fondation de la NSPOT en 1917. Hall sera cependant président de
l’association en 1921 (Kielhofner, 2009)).
C’est la réunion à Clifton Springs, en mars 1917, qui marque la fondation de notre
profession. Il s’agit de la création de la première association d’ergothérapie. George Edward
Barton, un architecte convaincu du pouvoir thérapeutique de l’activité par sa propre
expérience de vie (tuberculose, amputation, paralysie), organise la rencontre dans son propre
lieu de soin : “consolation house” (Christiansen & Haertl, 2013). Il sera le premier président de
la NSPOT. Il y invite Eleanor Clarke Slagle, travailleuse sociale. Considérée comme la mère
de l’ergothérapie, elle travaille en psychiatrie avec Adolf Meyer, médecin psychiatre d’origine
suisse. Pour eux, la maladie mentale vient de mauvaises habitudes de vie. Le traitement qu’ils
proposent est un “traitement des habitudes” pour rétablir un équilibre occupationnel. Adolf
Meyer n’était pas présent en 1917, mais il est un des grands penseurs de l’ergothérapie. Il a
écrit « The Philosophy of Occupational Therapy » en 1922 (Kielhofner, 2009).
Autre personne présente à Clifton Springs, William Rush Dunton, médecin psychiatre,
influencé par le traitement moral, est considéré comme le père de l’ergothérapie. Il a joué un
grand rôle dans la promotion de l’ergothérapie par ses nombreux écrits et publications
(notamment le premier journal d’ergothérapie : “archives of occupational therapy”) (Schwartz,
2009). Susan Cox Johnson, enseignante en activité artisanale (“art and craft”), Thomas
Kidner, architecte, et Isabelle Newton, secrétaire et collègue de George Barton, sont les trois
autres membres fondateurs de la NSPOT (Christiansen & Haertl, 2013).
Ainsi, étant donné que la profession est née il y a cent ans, il est intéressant de se
questionner sur les valeurs de l’ergothérapie de l’époque, dans un contexte historique, social
et médical complétement différent.
Les lectures confirment la présence des valeurs primordiales de l’ergothérapie dès sa
fondation : la volonté de considérer le patient dans son ensemble, corps et esprit, le concept
d’équilibre de vie parmi les différentes activités comme vecteur de santé (“occupational
balance”), l’activité signifiante comme moyen de rétablir cet équilibre, la conviction du pouvoir
thérapeutique unique de l’activité. Ainsi l’utilisation thérapeutique de l’activité est ce qui définit
et a défini notre profession dès ses origines. Porter un regard sur les différentes activités
utilisées en thérapie, permet donc une approche très concrète de l’ergothérapie et de ses
concepts clefs.
Par exemple, au cours de mon semestre aux Etats-Unis, j’ai pu découvrir quelques
différences entre la pratique de l’ergothérapie en France et aux Etats-Unis. En effet, les
ergothérapeutes américains travaillant avec des enfants utilisent, pour la plupart, les théories
et méthodes de Jean Ayres sur l’intégration sensorielle ( Schaaf & Mailloux, 2015) (Gordon,
2009). Cette ergothérapeute a énormément marqué la profession dans les années 70, et son
influence est encore très présente de nos jours. Ses méthodes thérapeutiques s’appliquent
tout particulièrement avec les enfants présentant des troubles du développement, tels que
l’autisme ou encore les troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité ( Schaaf
& Mailloux, 2015) (May-Benson & Koomar, 2010). Ainsi, l’utilisation et la maîtrise d’activités
6
thérapeutiques en lien avec l’intégration sensorielle a amené les ergothérapeutes américains
à se spécialiser auprès de cette clientèle. L’utilisation de telle ou telle activité en thérapie
oriente donc la profession dans différentes directions. Le type d’activité utilisée en thérapie
semble être un indicateur de ce qu’est la profession et ses concepts en fonction des époques,
et des contextes.
Il est également intéressant de noter que les valeurs fondamentales liées à l’utilisation
d’activité signifiante pour le patient sont maintenant soutenues par les preuves scientifiques.
En effet, dans le domaine de la neurologie, les méthodes thérapeutiques (en ergothérapie
mais aussi dans d’autres disciplines comme en kinésithérapie) tendent de plus en plus à
utiliser des activités ayant du sens pour le patient. Il a été prouvé que l’apprentissage ou le
réapprentissage moteur ont plus facilement lieu si l’activité proposée a un but et du sens pour
le patient (Barthel, 2010). Dans de nombreux modèles de pratique (Bobath revisité,
Contemporary Task-oriented approach, motor learning, Constraint-Induced Movement
Therapy), on reconnaît l’importance de ne pas faire “comme si”, mais bien de compléter une
vraie tâche. Certains de ces modèles prônent l’utilisation de l’environnement familier du
patient, avec ses propres objets (Bass-Haugen, et al., 2008). Ainsi l'intérêt d’avoir un but
fonctionnel en thérapie, le pouvoir thérapeutique de l’activité signifiante pour le patient, le lien
entre la performance et l’environnement dans lequel l’activité a lieu sont des valeurs
fondamentales que notre profession défend depuis ses débuts. Elles sont maintenant
reconnues et expliquées par les neurosciences.
Aborder l’histoire de la profession en France et aux Etats-Unis comporte le risque d’en
arriver à une comparaison entre les deux pays à la culture et l’histoire complétement
différentes. C’est pourquoi cet écrit s’intéressera plutôt aux périodes historiques où
l’ergothérapie française et américaine se croisent ; au cours des deux guerres mondiales. En
effet, on remarque des échanges transatlantiques intéressants à ces époques et il semblerait
que ce soit au cours de ces conflits que l’ergothérapie ait été importée des Etats-Unis en
France.
Lors de la première guerre mondiale, alors que les Etats-Unis s’engagent dans le
conflit, ils soutiennent la France par leurs armées mais aussi par leurs équipes médicales,
parmi lesquelles, les « reconstruction aides ». Ces « aides à la reconstruction »
ergothérapeutes ont été parmi les premiers représentants de la profession, toute récente à
l’époque, aux yeux du monde médical et du grand public. Envoyées sur les lignes de front,
ces femmes issues du monde civil avaient pour mission de permettre le retour aux combats
des soldats (Low, 1992). Professeurs ou artistes à la base, elles utilisaient des activités
artisanales avec les matériaux à disposition, comme moyen thérapeutique. Cependant, les
bases conceptuelles de leur pratique étaient assez floues, ce qui a peut-être entravé une
compréhension du pouvoir thérapeutique de l’activité au-delà de sa dimension
occupationnelle et divertissante (Low, 1992). D’ailleurs, Spackman dira des reconstructions
aides en 1968, qu’elles étaient plutôt des professeurs en activité artisanales que des
thérapeutes (Spackman, 1968 cité par (Peloquin, 1991)).
La seconde guerre mondiale a été une période de développement pour l’ergothérapie.
Le nombre d’ergothérapeutes double entre 1941 et 1946 aux Etats-Unis (Gordon, 2009) et la
période d’après-guerre est considérée comme celle de l’apparition de la profession en France
(Pierquin, et al., 1980). L’armée américaine emploie des ergothérapeutes en tant que civils et
ils travaillent sur le territoire américain plutôt que sur les zones de conflit (Taylor, 1974). Des
formations “d’urgence” sont créées pour pallier au manque de thérapeutes durant la guerre.
7
En France, la profession voit le jour après la guerre, avec les premières écoles en 1954 à
Paris et Nancy grâce à l’appui d’occupational therapist américains et anglais (Farcy, 1994,
citée dans (Bourrellis, 2006)).
Le premier diplôme de niveau master est proposé en 1947 aux Etats-Unis (Gordon,
2009). Il est maintenant obligatoire à tous les nouveaux professionnels depuis 2007 (AOTA,
2016). Une certification et une licence d’Etat est nécessaire pour pratiquer légalement. En
France, le diplôme d’état est créé avec le décret du 6 novembre 1970 (Décret n°70-1042 du 6
novembre 1970 portant création du diplôme d'Etat d'ergothérapeute). Depuis le 5 juillet 2010,
ce diplôme a une reconnaissance de grade licence, comprenant 180 crédits (Arrêté du 5 juillet
2010 relatif au diplôme d'Etat d'ergothérapeute).
Il est également intéressant de noter que les périodes des deux guerres mondiales
correspondent à deux courants de pensée dans l’histoire de notre profession. En effet, les
aides à la reconstruction ont, tout comme les ergothérapeutes de l’époque, utilisé
principalement des activités artisanales, influencées par le “art and craft movement” (Levine,
1987). La profession était alors encore très marquée par ses origines liées au domaine de la
psychiatrie. Kielhofner considère le courant de pensée de cette pratique comme : le
“paradigme de l’occupation” (Kielhofner, 2009).
Lors de la seconde guerre mondiale en revanche, la profession s’oriente plutôt vers le
“paradigme mécanique” selon Kielhofner (Kielhofner, 2009). En effet, pour justifier de sa
légitimité en tant que profession paramédicale, l’ergothérapie s’est appuyée sur les avancées
de la médecine de l’époque (entretien exploratoire). Celles-ci ont permis une meilleure
compréhension des mécanismes internes du psychisme et du corps (Riley, 1977 cité par
(Kielhofner, 2009)). Il était entendu que le handicap découlait de dysfonctions de ces
mécanismes (avec le modèle du docteur Phillip Woods, que l’on retrouve dans la
Classification Internationale des Handicaps de 1980) (Chapireau, 2001). L’ergothérapie a
alors intégré ces nouvelles connaissances et s’est focalisé sur la réduction ou la
compensation des déficiences des fonctions internes des patients. L’activité était alors utilisée
comme moyen pour influencer ces mécanismes (pour renforcer un muscle par exemple)
(Kielhofner, 2009).
Depuis les années 1980 aux Etats-Unis et plus récemment en France, la profession
tente de retrouver son focus sur l’occupation ainsi que la prise en compte de la globalité du
patient en interaction avec son environnement (Kielhofner, 2009) (Christiansen & Haertl,
2013) (Botokro, 2006). Elle tente également d’établir son efficacité et de fonder sa pratique
sur des preuves scientifiques. Le domaine de la recherche se développe de manière de plus
en plus rigoureuse (Gordon, 2009).
Ainsi la profession a pris différentes directions selon les époques et les contextes.
L’utilisation de l'activité a évolué ; chaque innovation dans la pratique, défendue par de
nouvelles idéologies sous-jacentes, ayant enrichi la profession. Si l’ergothérapie est bien le
fruit de son passé, étudier l’histoire des traitements ergothérapiques peut apporter un
éclairage intéressant pour une plus ample compréhension de la pratique actuelle.
8
La question de recherche issue de cette problématique sera donc :
Les hypothèses découlant de cette question seraient :
-L’héritage de la période de la première guerre mondiale, c’est-à-dire la période où
l’ergothérapie apparait aux Etats-Unis, consiste en des valeurs fondamentales, entre autres la
vision holistique du patient, et des pratiques utilisant des activités manuelles pour engager le
patient par ses mains et son esprit.
-L’héritage de la période de la seconde guerre mondiale avec la création de la
profession en France, consiste en un ancrage dans des connaissances médicales ainsi que
l’utilisation d’activités analytiques pour effectuer un travail précis sur une des déficiences du
patient, en vue de la réduction global de ses situations de handicap.
Pour répondre à la question de recherche et valider ou non les hypothèses, les fruits
d’une recherche bibliographique vont être présentés, dans un premier temps. Les concepts
clefs de ce mémoire seront définis. Le paradigme de l’occupation au moment de la première
guerre mondiale va être exposé, ainsi que le paradigme mécaniste autour de la seconde
guerre mondiale.
Quels sont les héritages des pratiques et modèles conceptuels utilisés dans
l’histoire de l’ergothérapie, lors de la naissance de la profession en France et aux Etats-
Unis, autour des deux guerres mondiales, sur les pratiques ergothérapiques actuelles
dans les deux pays ?
9
3 Données conceptuelles et historiques
3.1 Les concepts : Occupation, activité et paradigme professionnel
Pour étudier les pratiques ergothérapiques, il parait essentiel de regarder de plus près
l’activité, les activités. En effet, il semblerait que celles-ci soit au cœur de la profession, tant
comme moyen que comme but thérapeutique. C’est une notion clef de l’ergothérapie.
Aux Etats-Unis, pour les « occupational therapists », le concept «d’occupation » est
d’autant plus important. De plus, il semblerait que ce terme soit maintenant aussi utilisé par
les ergothérapeutes en France qui lui donnent le même sens que les américains.
Les deux concepts peuvent sembler se chevaucher dans leur signification. Ainsi, il
convient de les définir le plus justement possible.
Dans la langue française, le mot d’activité est tout d’abord lié au vivant. Le dictionnaire
Larousse propose, par exemple, ces deux définitions : « Ensemble de phénomènes par
lesquels se manifestent certaines formes de vie, un processus, un fonctionnement : L'activité
physique, intellectuelle. » Et « Faculté, puissance d'agir ; manifestation de cette faculté : Un
homme débordant d'activité » (Larousse, 2017). Il est intéressant de noter que selon cette
source, l’activité est la manifestation de la vie, ce qui montre ou démontre son existence.
Ainsi, si l’ergothérapie est la thérapie qui permet le retour à l’activité, cela veut-il dire qu’elle
est la thérapie qui rend à la personne la capacité d’exprimer sa vitalité ?
Le concept d’activité est aussi lié à l’agir comme dans ces définitions du Robert :
«Chez un agent, faculté d’agir, de produire un effet », « Qualité d’une personne active »,
«Ensemble des actes coordonnés et des travaux de l’être humain : fraction spéciale de cette
ensemble » ou encore «Situation d’une personne qui exerce son emploi » (Robert, 2003). On
voit aussi un lien au travail, connotation similaire au mot « occupation » dans son sens
courant anglais.
Ce mot occupation vient du latin occupatio qui signifie « s’emparer de ». Dans les
définitions françaises, on trouve souvent la notion de remplir, couvrir. La définition commune
au Robert et au Larousse est celle-ci «ce à quoi on consacre son activité, son temps »
(Larousse, 2017) (Robert, 2003). Parmi les synonymes proposés on retrouve « passe-temps»
(Robert, 2003). Ainsi, le mot occupation français peut avoir une connotation négative car il
renvoie à une activité qui, n’ayant d’autre but que d’occuper le temps, ne serait pas
constructive ou productive. Or, chacune de nos activités occupe du temps dans nos journées,
sans pour autant être inutiles.
On ne retrouve pas cette connotation péjorative dans le sens commun du terme
anglais. Pour les anglo-saxons, occupation signifie tout d’abord « travail ». Et pour ce qui est
du mot « activity », on retrouve bien la notion d’agir, mais il est aussi intéressant de noter que,
parmi les définitions proposées par le dictionnaire Collins, on trouve « une fonction normale
du corps et de l’esprit ». (Harper Collins, 2017)
L’ergothérapie s’est fondée sur l’activité et l’occupation. La profession a donc élaboré
ses propres concepts autour de ces termes.
Lors de la création de la profession aux Etats-Unis, les fondateurs ont choisi le terme
occupation, avec lequel ils ont construit le nom même de la profession : « occupational
Therapy ». Ils ont créé la National Society for the Promotion of Occupational Therapy autour
10
de « la promotion de l’occupation comme démarche thérapeutique » (NSPOT, 1917 citée par
(Bauerschmidt & Nelson, 2011)). A l’époque, le terme occupation n’avait pas le sens de
« travail » comme dans la langue anglaise actuelle. Le terme désignait plutôt « une activité
importante dans laquelle on s’engage » (Schwartz, 2013). Les fondateurs, quant à eux,
utilisaient ce mot pour désigner une manière d’utiliser son temps « correctement », en y
incluant le travail ou les activités assimilées au travail et les activités de divertissement
(Dickie, 2009). Pour eux, le mot englobait les composantes corps/esprit, espace/temps et la
composante sociale (Bauerschmidt & Nelson, 2011). Il permettait de refléter la volonté d’une
approche holistique dans la profession (Breines, 1995 cité dans (Bauerschmidt & Nelson,
2011)).
Ainsi, il semblerait qu’ils aient choisi ce terme en sachant qu’il était large et qu’il
pouvait donc entrainer des confusions. Cependant il permettait aussi de laisser une grande
liberté dans la prise en charge des ergothérapeutes (Schwartz, 2013).
Le mot occupation a été examiné, a pu faire controverse et a été redéfini au cours de
l’évolution de la profession (Dickie, 2009). Si ce mot était très utilisé dans les années 20,
comme en témoigne la fréquence d’utilisation dans les publications ergothérapiques
américaines ; il semblerait qu’il ait été en parti remplacé par le mot activité dans les années
40, 50 et 60. Les deux termes ont ensuite été très peu utilisés dans les publications des
années 70 et 80. Enfin, la fréquence d’apparition du mot occupation a augmenté dans les
années 2000 (Bauerschmidt & Nelson, 2011).
En effet, suite aux changements de paradigme et à l’appel de Mary Reilly, Elizabeth
June Yerxa, Jerry Johnson ou encore Gary Kielhofner à revenir à l’occupation (la thérapie
centrée sur l’occupation) (Gordon, 2009), le mot occupation est revenu au cœur des
recherches et des discussions. Il semblerait que le mot « activity » ait, quant à lui, reçu moins
d’attention dans les recherches (Pierce, 2001).
En 1999, Fidler et Velde utilisaient « occupation » et « purposeful activity » (activité
ayant un but) de manière interchangeable dans leurs écrits (Fidler & Velde, 1999 cités par
(Pierce, 2001))
Aujourd’hui encore, les ergothérapeutes américains utilisent les mots « occupation » et
« activity » de manière interchangeable (Pendleton & Schutz-Krohn, 2013). Selon ces mêmes
auteurs, le concept d’occupation engloberait celui d’activité. Les occupations seraient
orientées vers un but et porteuses de sens. Elles seraient des activités dans lesquelles le
patient s’engage avec enthousiasme, qui donnent sens à sa vie et font partie de son identité
(Pendleton & Schutz-Krohn, 2013).
Pour O’Toole, une occupation est un ensemble d’activité et l’activité est elle-même un
ensemble de tâche (O'toole, 2011). Ainsi, pour cette auteure également, le concept
d’occupation englobe celui d’activité.
Yerxa, quant à elle, définit l’occupation de cette façon : « groupe d’activités qui sont
classifiées et nommées par la culture selon le but qu’elles servent en permettant aux gens de
relever les défis de leur environnement avec succès …. L’occupation est initiée par la
personne elle-même, a un but, est expérimentale autant que comportementale, valorisée et
reconnue socialement, faisant appel à des capacités d’adaptation. Elle est organisée,
essentielle à la qualité de vie et possède la capacité d’influencer la santé. » (Yerxa, 1993 citée
11
par (Dickie, 2009)). Ainsi, Yerxa pense que le concept d’activité comprend celui d’occupation
puisque les occupations sont une certaine catégorie d’activité.
« Dans la myriade d’activité que les gens font tous les jours, ils font des occupations
toute leur vie, peut-être sans même le savoir » (Dickie, 2009) (« in the myriad of activites
people do every day, they do occupation all their lives, perhaps without ever knowing it. ») Ici,
aussi, l’occupation semble est une sous-catégorie d’activités.
Ainsi pour certains auteurs, le concept d’activité englobe celui de l’occupation, pour
d’autres c’est l’inverse.
Pour Doris Pierce, il est important de distinguer l’activité de l’occupation pour
« optimiser le pouvoir de nos interventions en appuyant le développement d’une base de
savoir qui constitue une « carte » à la pratique professionnelle (Ottenbacher, 1996, p.329),
pour savoir où l’on va et quelles compétences sont requises pour y aller » (Pierce, 2001)
Selon elle, « Le manque de différenciation entre les deux [occupation et activité] a un effet
terrible sur le discours qui tient la profession, cela entrave la recherche, réduit la garantie
morale et l’efficacité des praticiens, et étouffe la voix politique de la profession » (Pierce,
2001).
En 2001, Doris Pierce propose une définition des termes « activity » et « occupation »
de manière bien distincte et sans forcément englober un concept dans un autre, sans les
hiérarchiser. Pour elle, « l’occupation » fait référence à une expérience non-reproductible,
personnelle et individuelle, ayant lieu dans un contexte, temporel, spatial et social unique. Le
mot « activity » fait, quant à lui, référence à une idée générale d’un ensemble d’actions
humaines. Ce concept n’est pas observable, il est dans l’esprit dans gens et bien souvent,
défini par la culture. L’auteur donne l’exemple de « manger » comme activité que chacun peut
se représenter avec un certain contexte temporo-spatial, certains outils communément utilisés
selon la culture. Ceci est un concept, alors que « l’occupation » du petit déjeuner que le
lecteur a pris le matin, est une expérience unique qui ne se reproduira jamais exactement de
la même manière. Cette expérience a une certaine signification et est bien située dans un
contexte réel. Ainsi, ce qui peut différencier les deux concepts sont la subjectivité et le
contexte (un contexte bien précis, non-reproductible, ou une idée générale de contexte
probable pour telle ou telle action humaine) (Pierce, 2001).
Les deux concepts, ainsi définis, n’ont pas de lien « hiérarchique », puisque l’un peut
englober l’autre et inversement selon le contexte. Une occupation peut contenir plusieurs
activités réalisées simultanément («conduire, discuter, écouter la radio »), et une activité (par
exemple : « passer un diplôme ») peut contenir différentes occupations (Pierce, 2001).
Il est aussi intéressant de noter que les deux concepts s’influencent réciproquement.
La réalisation d’une occupation est bien influencée par l’idée générale que l’on a sur la
manière dont les choses se font habituellement (le concept d’activité). Par exemple : nos
occupations sont influencées par les dictats de la culture sur le moment et la manière de faire
telle ou telle chose. Et inversement, un grand nombre d’occupations nouvelles ou de
variations dans nos occupations anciennes vont venir influencer nos représentations de
l’activité. Par exemple : une évolution des pratiques de telle ou telle acte dans une société fait
évoluer la représentation qu’ont les gens de cette activité (Pierce, 2001).
Ainsi, la définition du concept d’occupation a évolué et continue d’évoluer avec les
avancées de l’ergothérapie et de la science de l’occupation.
12
Aujourd’hui, la World Occupational Thearpy Federation donne la définition suivante :
« En ergothérapie, l’occupation fait référence aux activités de tous les jours que les gens font
individuellement, en famille ou en société pour occuper leur temps et donner un sens et un
but à leur vie. Le mot “Occupation » inclut tout ce que l’on a besoin de faire, que l’on veut faire
ou ce qui est attendu de nous. » (“In occupational therapy, occupations refer to the everyday
activities that people do as individuals, in families and with communities to occupy time and
bring meaning and purpose to life. Occupations include things people need to, want to and are
expected to do.” (WFOT, 2012)).
Malgré ces variations dans la définition de ce concepts, la conviction que l’occupation
a un effet sur la santé de tout être humain est bien ce qui réunit les ergothérapeutes
américains à travers les différentes époques.
La définition que les fondateurs avaient de l’occupation mettait plutôt en valeur les
effets positifs de l’occupation sur la santé et reconnaissait même un besoin humain vital
d’occupation (Dunton dans (Bauerschmidt & Nelson, 2011)). Dans sa Slagle Lecture de 1961,
Mary Reilly s’appuyait sur les recherches de l’époque sur la privation sensorielle et affirmait
que l’homme a un besoin vital d’occupation car son système nerveux nécessite des stimuli
variés qui peuvent lui être apporté par la résolution de problèmes dans ses activités de tous
les jours (Reilly, 1961) (Gordon, 2009) (« Man has a vital need for occupation and his central
nervous system demands the rich and varied stimuli that solving life problems provides »
(Reilly, 1961). Dans la définition de Yerxa citée plus haut, on retrouve aussi la notion de lien
entre l’occupation et la santé (« [l’occupation] possède la capacité d’influencer la santé »)
(Yerxa, 1993 citée par (Dickie, 2009)). Cependant le terme employé n’a pas de connotation
positive ou négative. En effet, avec les définitions actuelles de l’occupation, celle-ci est
reconnue comme étant nécessaire au développement et au bien être humain, mais dans
certains cas elle peut aussi avoir un impact négatif (par exemple : fumer peut être une
occupation) (Dickie, 2009).
En France, il semblerait que l’utilisation et la définition du mot occupation soient
empruntées au concept des ergothérapeutes anglo-saxons. En effet, dans le livre de Sylvie
Meyer, publié en 2013, rapportant le travail du projet terminologie de ENOTHE (European
Network of Occupational Therapy in Higher Education), la plupart des références ayant servi à
l’élaboration de définitions sont américaines (des Etats-Unis ou du Canada). L’auteur écrit
d’ailleurs : « Les définitions ont d’abord été élaborées en anglais – puisque presque la totalité
de la littérature en ergothérapie est rédigée dans cette langue – et que, lorsqu’elle l’est dans
une autre langue, par exemple le français, elle se réfère largement à des concepts issus de la
littérature anglophone. » (Meyer, 2013)
Dans d’autre ouvrage en français concernant l’activité ou l’analyse d’activité, le mot
occupation est simplement absent, comme dans L’activité humaine : un potentiel pour la
santé ? publié en 2015 (Morel-Bracq, et al., 2015).
Le groupe terminologie ENOTHE est arrivé à ces définitions ; L’activité serait « une
suite structurée d’actions ou de tâches qui concourt aux occupations. » et l’occupation serait
« un groupe d’activités, culturellement dénommé, qui a une valeur personnelle et
socioculturelle et qui est le support de la participation à la société. Les occupations peuvent
être classées en soins personnels, productivité ou loisir. » (Meyer, 2013).
Jean-Marie Barbier apporte quant à lui un éclairage un peu différent. Il distingue
l’activité des activités. L’activité serait une transformation du monde physique, mental et/ou
13
social situé dans l’espace et dans le temps, elle serait une interaction entre l’être et son
environnement où chacun des deux est transformé mutuellement. Les activités seraient quant
à elle des composantes de l’activité humaine, qui possèdent des « invariants dans leur
processus de production et dans leur produit » (Barbier, 2015). Elles seraient indépendantes
et pourrait s’associer de manières variées dans l’activité (Barbier, 2015). Dans l’activité
« boire », une des activités serait « verser de l’eau ». Cette distinction reste complexe dans
son utilisation car elle oblige à employer le mot « activité » uniquement au singulier ou
uniquement au pluriel selon le concept que l’on souhaite évoquer.
Enfin, les ergothérapeutes donnent différents qualificatifs au mot activité. En anglais,
les ergothérapeutes utilisent les mots « meaningful », ayant du sens et plus particulièrement
un sens personnel, qui trouve de la motivation dans cette activité, « purposeful », ayant un
but, une raison personnelle qui organise les performances (les actions) (Trombly 1995 citée
dans (Fisher, 1998)). Pour certains auteurs, si l’activité est à la fois « meaningful » et
« purposeful », c’est une occupation (Fisher, 1998).
En français, on distingue l’activité significative de l’activité signifiante. La distinction
entre ces deux concepts est assez proche de la distinction que fait Doris Pierce entre
« occupation » et « activity ». En effet, l’activité significative est le concept général de l’activité,
de la manière habituelle de la réaliser, souvent partagé dans une même culture. L’activité
signifiante, quant à elle, revêt un sens propre à un individu, elle a une signification personnelle
(Leontiev cité par (Morel, 2006)).
Dans ce mémoire, le mot occupation sera utilisé au sens des occupational therapist
anglo-saxons. Il englobera les activités de vie quotidienne, les activités significatives et
signifiantes. Le terme « l’activité thérapeutique » sera utilisé pour désigner tout ensemble
d’actions exécutées par un patient dans le but de réduire ses situations de handicap et
d’améliorer sa qualité de vie.
Enfin, lorsque l’on évoque l’histoire de l’ergothérapie, le terme de « paradigme » doit
être définit. Celui-ci a été notamment utilisé par Kielhofner et désigne la vision commune des
ergothérapeutes sur la profession, comment les professionnels définissent et justifient les
services qu’ils proposent (Kielhofner, 2009). Il permet d’élaborer une identité commune à tous,
en définissant une orientation dans les valeurs, croyances et connaissances de la profession
(Blesedell Crepeau, et al., 2009).
14
3.2 L’histoire de l’ergothérapie
3.2.1 1ère guerre mondiale : naissance de la profession aux Etats-Unis
et premières ergothérapies en France
3.2.1.1 Naissance de la profession aux Etats-Unis et prémices de l’ergothérapie en France
La profession d’ergothérapeute, « l’occupational therapy » voit le jour officiellement
aux Etats-Unis à Clifton Spring, en 1917, avec la fondation de la National Society for the
Promotion of Occupational Therapy (NSPOT), première association d’ergothérapie, par
George Barton, William Rush Dunton, Eleanor Clarke Slagle, Thomas Bessel Kidner, Isabelle
Newton et Susan Cox Johnson (Gordon, 2009). Parmi les autres grandes figures des débuts
de la profession, on retrouve aussi Herbert Hall, Adolf Meyer, ou encore Susan Elizabeth
Tracy (Kielhofner, 2009). Toutes ces personnes créèrent la profession autour du concept de
l’occupation, d’après la définition des fondateurs évoquée dans la partie précédente.
D’après Kielhofner, le paradigme des premières années de l’ergothérapie est celui de
l’occupation (Kielhofner, 2009). Pour Meyer, l’homme est un être d’occupation « occupational
being » (Meyer, 1922 cité par (Kielhofner, 2009)). Ainsi, on retrouve, parmi les valeurs du
début de la profession, l’occupation comme vecteur de santé ; un équilibre étant nécessaire
entre les différentes formes d’occupation ; le travail, les loisirs, les travaux créatifs et
artistiques (Dunton, 1919 ; Kidner, 1930 ; Meyer 1920 cités par (Kielhofner, 2009)). L’unité
corps-esprit était aussi une des valeurs des fondateurs (Kielhofner, 2009). Pour ces-derniers,
un manque d’occupation ou un déséquilibre occupationnel pouvaient avoir des répercussions
sur le corps et l’esprit. « L’occupational Therapy » a donc été fondée sur le principe
d’utilisation de l’occupation à des fins thérapeutiques (Kielhofner, 2009).
En France, la profession nait officiellement, beaucoup plus tard, après la seconde
guerre mondiale (Bourrellis, 2006). Cependant on note déjà l’utilisation du mot «ergothérapie»
dans les années 1900 (Bodin, 2014). Il est difficile d’établir le lien entre ces « ergothérapies »
du début du XXème et la profession post seconde guerre mondiale. De plus on a peu
d’informations sur ce qui portait le nom d’ergothérapie autour de la première guerre mondiale.
Cependant, il est tout de même intéressant d’y décrypter déjà quelques liens avec
« l’occupational therapy » américaine comme cela va être expliqué plus loin.
Dans son ouvrage, Conceptual Fundations of Occupational Thearpy Practice,
Kielhofner semble présenter la fondation de l’ergothérapie comme une période bénie, ou les
ergothérapeutes étaient focalisés sur l’occupation, utilisant celle-ci en thérapie sous des
formes variées (artisanat, dance, musique, jeu, sport), prenant en compte la volonté du
patient, et sa motivation avec une approche holistique du patient.
Cependant, il semblerait que certaines valeurs essentielles aient fait débat à l’époque.
Le choix de certaines activités artisanales n’était pas toujours basé sur les préférences des
patients. Il y avait des questionnements sur ce qu’était une « bonne occupation » ; l’activité
signifiante et significative, l’activité productive, ou bien l’activité distrayante. Dans certains
endroits, l’activité des patients était utilisée à des fins financières. Les produits de « l’atelier
protégé » étaient vendus au profit de l’institution et participaient à la viabilité de celle-ci
(entretien exploratoire).
Ainsi « cette volonté des disciplines de partir à la recherche de leurs origines est assez
commune et cette vision historique lorsqu’elle est rapportée par les professionnels eux-
15
mêmes revêt une dimension politique certaine. […] Le risque est grand de porter un regard
angélique sur la période passée que l’on veut habituellement glorifier ou s’approprier »
(Wiriotus, 1999 cité par (Bodin, 2014)).
Il convient donc d’analyser au mieux le contexte historique de la fondation de notre
profession pour comprendre, de manière la plus objective possible, les tenants et
aboutissants des modes de pensée des premiers ergothérapeutes.
D’après Fidler « l’ergothérapie a commencé […] comme un service proposant des
activités d’art et d’artisanat, des activités de divertissement et des activités professionnelles à
ses patients » (Fidler, 1981). (“Occupational therapy had its beginning more than 60 years
ago as a service that provided a variety of arts and crafts, recreation, and work activities for
patients.”) Comme nous allons le voir, ces pratiques répondaient aux besoins et valeurs de
leur temps.
3.2.1.2 L’ergothérapie pour “remettre au travail”
Ambrosi et Schwartz ont étudié la représentation de la profession dans les médias
entre 1917 et 1925. Elles ont noté plusieurs idées récurrentes. Les médias présentaient
l’ergothérapie, notamment comme une profession permettant de ramener à une « utilité »
sociale et économique, les soldats blessés, les gens ayant subi un accident du travail (en
période post-révolution industrielle) et les personnes atteintes de maladies mentales. La
société et notamment les contribuables se devaient d’aider ces personnes tant que celles-ci
ne pouvait pas subvenir seuls à leurs besoins. L’ergothérapie, d’après les journaux de
l’époque, permettait aux « mutilés » de retrouver un rôle productif dans la société et donc de
s’auto-suffire (Ambrosi & Schwartz, 1995).
Le monde du travail de l’époque étant bien différent de celui d’aujourd’hui, les activités
artisanales pouvaient constituer une activité rémunératrice. Ainsi, Dunton voyait le rôle de
l’ergothérapeute comme celui d’un instructeur en activité artisanale ; ces activités pouvant
permettre ensuite aux vétérans de gagner leur vie (Ambrosi & Schwartz, 1995). Les ateliers
protégés créé par Hall ou encore Barton à Clifton Spring, où étaient fabriqués des objets à la
main tels que des vases ou encore des serviettes brodées, avaient bien pour but de ramener
les patients au monde du travail (Levine, 1987). Et, bien que la littérature propre à la
profession ait donné moins d’importance à ce rôle de l’ergothérapeute que la presse grand-
public, les ergothérapeutes de l’époque semblent avoir approuvé cette position (Ambrosi &
Schwartz, 1995).
Ainsi, les activités artisanales étaient utilisées dans un but thérapeutique, mais aussi
dans le but de mieux connaître les goûts et capacités du patient pour lui offrir une formation
professionnelle adaptée dans l’atelier protégé de l’hôpital (Harvey-Krefting, 1985). Pour
Baldwin, directeur du service d’ergothérapie du Walter Reed Hospital à Washington, le but de
l’ergothérapie était d’aider le patient à « retrouver un rôle complet d’homme, physiquement,
socialement d’un point de vue éducatif et économique » (Baldwin, 1919) cité par (Schwartz,
2013).
En France, de nombreux articles traitant de l’histoire de l’ergothérapie citent la création
d’un service de rééducation fonctionnelle par le travail à Paris en 1917 pour les blessés
militaires (Botokro, 2006) (Bourrellis, 2006) (Therriault & Collard, 1987) (Bodin, 2014). On a
cependant peu de détails sur les activités utilisées dans ce service ni sur les appuis
théoriques de ces pratiques.
16
En revanche, on note l’utilisation du mot « ergothérapie » dès 1904 par un docteur
italien, Marco Levi Bianchini, dans un périodique de l’école de neurologie de la Salpêtrière. Le
même périodique fait paraitre un autre article utilisant ce terme en 1907, par le docteur Marie.
Dans ces deux références, l’ergothérapie semble être un traitement par le travail et
notamment le travail agricole (le retour à la terre), appliqué en psychiatrie (Bodin, 2014).
On retrouve une idée similaire à celle de Baldwin, citée plus haut, dans les écrits du
docteur Marie en France : celui-ci parle de travail-traitement puis de travail-rendement qui
«prépare la dernière étape ergothérapique qui sera la réadaptation sociale finale du malade
sorti en pleine possession d'un métier auquel sa main et son cerveau seront réhabitués »
(Marie A., Voisin, 1911 cité par (Montès, 1993).
Il est aussi intéressant de noter le mot « ergothérapie » apparait dans Nouvelle
iconographie de la Sapêtrière (Bodin, 2014). La Salpêtrière avait été le lieu d’exercice de
Philipe Pinel (Bing, 1981) et celui-ci est lié à un des courants de pensée fondateur de
l’ergothérapie aux Etats-Unis : le traitement moral.
3.2.1.3 Le traitement moral ou les racines de l’ergothérapie
Le traitement moral trouve ses origines en Europe, avec des médecins comme
Philippe Pinel en France, Samuel Tuke en Angleterre (Bing, 1981). Ces derniers ont porté un
nouveau regard sur la maladie mentale en s’appuyant sur les valeurs des philosophes des
lumières, affirmant que tout être humain est doté de raison (Gordon, 2009).
Le traitement moral amena de nouvelles valeurs de société. Celle-ci se devait de
prendre en charge, avec compassion, les personnes atteintes de maladie mentales, les
pauvres et les prisonniers et non plus les exclure (Gordon, 2009).
Ainsi, les valeurs fondamentales de ce courant de pensée étaient le respect de
l’individu, le lien corps-esprit, la croyance qu’une approche humaine utilisant les routines et
l’occupation pouvait permettre la guérison (Schwartz, 2013). Philipe Pinel a souvent été cité
comme celui qui a délié le fou de ses chaines (Bing, 1981), puisque le traitement moral vint
remplacer la brutalité envers les personnes atteintes de maladie mentale, laissées dans
l’ennui, par de la considération et des occupations (Gordon, 2009).
Ces idées furent importées et utilisées aux Etats-Unis par des médecins comme
Benjamin Rush, surnommé le père de la psychiatrie Américaine (Bing, 1981) ou plus tard,
Adolf Meyer, médecin suisse immigrant aux Etats-Unis en 1892 (Christiansen & Haertl, 2013).
On retrouve parmi les traitements utilisés dans ce courant de pensée : la participation
à la viabilité des institutions, avec des activités comme l’agriculture ou des tâches
ménagères ; le travail manuel dans des ateliers protégés, ou encore la musique et la lecture ;
le tout inscrit dans une routine et un cadre se voulant proches du cadre familiale (Bing, 1981)
(Gordon, 2009) (Kielhofner, 2009) (Christiansen & Haertl, 2013).
Pour Pinel et Tuke, mettre le patient en activité permettait d’éviter l’introspection et
amenait le patient à décentrer sa pensée de la maladie (Bing, 1981). Les activités avaient
donc pour but de distraire l’attention du patient de ses problèmes émotionnels et de
développer des habiletés (Bing, 1981)
On retrouve des idées similaires dans les écrits de Duton, Slagle ou encore Barton. En
effet, pour certains des premiers ergothérapeutes, le pouvoir thérapeutique de l’activité
17
résidait dans sa capacité à distraire le patient de ses problèmes de santé (Harvey-Krefting,
1985) (Bing, 1981) (Peloquin, 1991).
En France, à la même époque, les écrits du docteur Marie font aussi penser à cette
vision de l’activité : « soit qu'on l'envisage [le travail] comme moyen hygiénique propre à
entretenir la santé, soit comme un moyen moralisateur, apportant le calme et le repos et
éloignant de leur esprit malade la tristesse et l'ennui » (Marie, 1892 cité par (Montès, 1993)
3.2.1.4 L’ergothérapie, un travail par les mains
Le mouvement « art-and-craft », (littéralement « art et artisanat ») apparait au milieu
du 19eme siècle (Levine, 1987). En pleine révolution industrielle, ce courant prôna le retour à
la nature, à l’utilisation de matériaux et de processus de fabrication naturel. Les défenseurs de
ce mouvement, effrayés par les changements sociétaux rapides, pensaient que la production
de masse pouvait avoir des effets néfastes en considérant l’ouvrier comme une extension de
la machine, ne fabriquant qu’une partie du produit (Levine, 1987), dans un travail très
monotone (Peloquin, 1991). Ils valorisaient donc les objets fabriqués de manière artisanale,
des mains de l’Homme (Levine, 1987).
C’est en lien avec ce courant de pensée que Hall créa une méthode de soin de la
neurasthénie (Levine, 1987). Pour lui, la maladie s’expliquait en partie par les nouveaux
modes de vie déséquilibrés et le stress des changements d’une société portée sur la
productivité et l’efficacité. Il créa une cure par le travail en opposition à la cure de repos, très
utilisée à l’époque (Gordon, 2009). Cette cure devait permettre au patient de retrouver un
équilibre entre la pensée et l’action (Gordon, 2009).
En France, on trouve des idées similaires dans les travaux de Bergonié, en 1913. Ce-
dernier définit les « ergopathies » comme des « maladies dues à un défaut d’équilibre
énergétique » qui « s’accusent par dissipation exagérée ou recette trop grande d’énergie ». Et
pour lui, « L’intensité de la vie moderne a augmenté les occasions de cette dissipation
rapide » (Bergonié, 1913). Bergonié va alors proposer de l’ergothérapie, qui sera en fait un
travail musculaire pour dissiper l’énergie. Cette ergothérapie sera « passive » lorsqu’elle
s’opère au moyen de courants électriques ou « active » lorsque le patient est invité à pédaler
sur un « ergomètre » (Bodin, 2014).
L’approche de Hall, quant à elle, était « holistique ». En effet, Hall croyait en un lien
inextricable du corps et de l’esprit (Gordon, 2009). Les activités de la cure par le travail
devaient être bénéfiques pour la santé physique et mentale ; l’amélioration de l’une
permettant l’amélioration de l’autre et réciproquement (Gordon, 2009). Dans cette optique,
l’utilisation d’activité manuelle semblait toute indiquée. Slagle, dans le même courant de
pensée, utilisait l’artisanat pour mobiliser les muscles et l’esprit dans une même activité
(Loomis, 1992). Susan Johnson pensait que les activités manuelles présentaient un intérêt
parce que ce sont des activités à la fois mentales et musculaires (Schwartz, 2013).
Hall combina donc les valeurs du mouvement « art-and-craft » à une approche
holistique de la personne (Levine, 1987) en utilisant des activités telles que la vannerie ou la
poterie (Christiansen & Haertl, 2013), dès 1912, au Sanatorium to Devereux Mansion à
Marblehead dans l’état du Massachusetts (Kielhofner, 2009). Ces activités étaient pratiquées
au sein d’ateliers protégés et les objets fabriqués étaient vendus (Levine, 1987). Les
18
bénéfices de ces ventes pouvaient parfois servir l’institution où les personnes étaient
soignées (Gordon, 2009).
Meyer, Dunton et Barton, étaient aussi proches du mouvement « art-and-craft ». Ils
appliquèrent les valeurs de ce courant à leurs méthodes thérapeutiques. (Levine, 1987)
(Peloquin, 1991) (Schwartz, 2009). Dunton avait un grand intérêt pour les activités artisanales
(Schwartz, 2009) ; lui et Meyer utilisèrent des méthodes de traitement similaires à celle de
Hall dans leur lieu de pratique respectif (Levine, 1987). Barton, l’architecte qui a organisé la
rencontre des fondateurs de la NSPOT en mars 1917, utilisa la menuiserie et le jardinage
dans son lieu de soin « consolation house » à Clifton Spring (Schwartz, 2009).
On retrouve aussi des activités artisanales dans le livre Studies in invalid occupation :
a Manual for Nurses and Attendants. Ce livre, écrit en 1910 par Susan E. Tracy, est considéré
par beaucoup comme le premier livre d’ergothérapie (Kielhofner, 2009). Il est, selon Levine,
principalement un livre d’artisanat (art/déco) (Levine, 1987).
Moodie, définissait l’ergothérapie en 1919 comme « l’utilisation de différentes formes
d’activités artisanales pour répondre aux limitations individuelles des invalides ou des
handicapés physiques» (Moodie, 1919 citée dans (Peloquin, 1991)).
Ainsi, cette période semble avoir été énormément marquée par l’utilisation d’activités
artisanales. A tel point que ces activités représentent cette époque du début de notre
profession aux Etats-Unis ; pour Fidler, « l’artisanat […] est un symbole du passé » (Fidler,
1981).
Une nuance est tout de même à noter dans l’utilisation généralisée d’activités
artisanales par les fondateurs, dans la pratique d’Eleanor Clarke Slagle. Celle-ci s’est basée
sur les travaux d’Adolf Meyer et a travaillé avec lui au Johns Hopkins Hospital à Baltimore.
Elle dirigeait le service d’ergothérapie de cette clinique psychiatrique avec un programme
d’entraînement aux habitudes. Ce programme comprenait un planning de soin sur 24 heures,
incluant des soins personnels, des classes d’occupation, de la marche, des repas en petits
groupes, des activités de divertissement et des activités sportives (Loomis, 1992 cité par
(Kielhofner, 2009)) (Peloquin, 1991). Ainsi, les activités artisanales et les jeux avaient un rôle
important dans ce planning (Slagle, 1934 citée par (Loomis, 1992)) mais ils étaient parmi les
dernières étapes du rétablissement. En effet, si l’on regarde les notes écrites par Slagle sur
ses patients, on voit que ces programmes visaient d’abord à retrouver l’autonomie dans les
soins personnels et les occupations de base (habillage, hygiène, alimentation). Les activités
artisanales correspondaient à un stade plus avancé du rétablissement (Peloquin, 1991).
En France, Bergonié proposera en 1917, une « ergothérapie de plein air » avec des
activités manuelles, et des travaux agricoles pour la rééducation des soldats blessés
(Bergonié, 1917 cité par (Bodin, 2014)). En effet, s’intéressant à « la rééducation et à la
réinsertion civiles des blessés de guerre », il proposera notamment des travaux tel que la
taille de vigne pour des soldats blessés au membre supérieur (Blanquet, Hoerni, & Plessis,
1993)
3.2.1.5 L’ergothérapie, une discipline scientifique
Un autre courant ayant marqué les débuts de la profession est « l’organisation
scientifique du travail » (Schwartz, 2013). Les concepts de ce courant de pensée viennent de
Frederick Taylor et Frank Bunker Gilbreth dans les années 1910 (Creighton, 1992). Ces
19
derniers proposèrent d’observer l’organisation de l’industrie comme une vraie science
répondant à des règles et des principes (Creighton, 1992). Leur but était de rationaliser et
d’augmenter la production industrielle (les principes du taylorisme) (Creighton, 1992;
Peloquin, 1991) mais Gilbreth souhaita aussi étendre ces pratiques à des domaines comme
l’enseignement ou la médecine (Schwartz, 2013).
A l’époque, les hôpitaux avaient une réputation de lieux sales et désordonnés et les
asiles également. Ainsi, certains réformateurs souhaitaient améliorer l’hygiène et l’efficacité de
ces structures avec des protocoles rigoureux notamment dans les interventions médicales et
chirurgicales (Schwartz, 2013). C’est dans cette optique que Gilbreth vint en Europe au début
de la première guerre mondiale pour analyser le travail des chirurgiens. Au cours de ce
voyage il rencontra Jules Amar, un ingénieur français, qui menait alors des recherches avec
des méthodes similaires à l’organisation scientifique du travail, mais appliquées à la
rééducation des soldats blessés (Creighton, 1992) (Pierce, 2001).
Amar mesurait les amplitudes des mouvements ainsi que la force nécessaire durant
les exercices de rééducation. Il créait également des aides techniques ou des prothèses pour
pallier aux mouvements difficiles pour les personnes (Creighton, 1992). La rééducation des
soldats consistait alors en des exercices gradués, des activités manuelles et l’utilisation,
l’ajustement de prothèse (Pierce, 2001).
Il est intéressant de noter que la littérature ergothérapique française ne fait pas
mention de Jules Amar, qui a pourtant eu une forte influence sur George Barton et sur les
fondateurs américains en général (entretien exploratoire).En effet, les rapports de Gilbreth sur
son séjour en France furent lus lors de la fondation de la NSPOT (Creighton, 1992). Les
fondateurs étaient très intéressés par ces idées et Frank Gilbreth et Jules Amar furent élus
membres d’honneurs de l’association (Creighton, 1992)(Entretien exploratoire) (Peloquin,
1991) (Schwartz, 2009). Les fondateurs de l’ergothérapie voulaient ancrer la profession dans
des données scientifiques (Schwartz, 2013).
Ainsi, l’ergothérapie américaine de l’époque a intégré ces concepts. Un exemple
souvent cité dans les articles est le service d’ergothérapie du Walter Reed General Hospital
près de Washington DC avec Baldwin (Creighton, 1992) (Gutman, 1995) (Wish-Baratz, 1989).
Dans ce service, les ergothérapeutes prenaient systématiquement des mesures concernant
les amplitudes articulaires et la force (Schwartz, 2013) pour proposer des activités telles que
la menuiserie ou le tissage (Wish-Baratz, 1989), de manière graduelle, pour travailler des
mouvements ou des postures particulières, que Baldwin décrivait de manière très précise
(Creighton, 1992). La force nécessaire était aussi prise en compte et des outils adaptés
pouvaient être utilisés pour compenser un déficit (Creighton, 1992).
D’après Baldwin, lui-même, « l’ergothérapie est fondée sur le principe que le meilleur
type d’exercice curatif est celui qui requiert une série de mouvements volontaires spécifiques
exécutés dans les tâches ordinaires et les occupations, l’exercice physique, le jeu, ou les
activités de la routine quotidienne. Nos ateliers de cure sont maintenant organisés et
progressifs pour nous permettre d’isoler, de classifier, répéter et, jusqu’à un certain degré,
standardiser et contrôler le type de mouvements utilisés dans les activités occupationnelles et
récréatives. » (Baldwin, 1919).
L’organisation scientifique du travail constitue en fait les débuts de l’analyse de
l’activité (Pierce, 2001).
20
On retrouve également la volonté d’avoir une mesure scientifique dans l’ergothérapie
proposée par Jean-Alban Bergonié que l’on a pu citer plus haut. En effet, dans un compte-
rendu des séances de l’académie française de 1913, celui-ci présente un outil pour traiter les
« ergopathies »: l’ergomètre. Celui-ci est une machine « permettant de contrôler la dissipation
de l’énergie au cours de séances d’ergothérapie active » (Bodin, 2014). Bergonié vante
l’ergomètre car cette « machine à pédaler » est reliée à des instruments qui peuvent mesurer
la vitesse et l’effort fournis en temps réel et en cumulé ; contrairement aux autres traitements
des « ergopathies » (« bains de plein air », « lavages répétés », « pratiques des sports »,
« éducation physique ») qui « n’en sont pas encore à la période des mesures scientifiques »
(Bergonié, 1913). L’idée est de doser précisément « la posologie de l’énergie à dissiper sous
forme de travail mécanique » (Bergonié, 1913). « Voici un exemple de prescription
ergothérapique pouvant être remplie au moyen de l’appareil : A produire : 3000 kgm avec un
effort de 2kg.5 et une vitesse de 80 tours par minute. On trouve à l’ergomètre que la
puissance développée est de 4kgm.5 par seconde et que le temps employé est à peu près de
10 minutes pour la production de ce travail dans ces conditions. » (Bergonié, 1913).
Même dans « l’ergothérapie de plein air », Bergonié cherchait à « établir une
posologie, c’est-à-dire des prescriptions adéquates à toute impotence donnée » (Bergonié,
1917 dans (Bodin, 2014))
3.2.1.6 L’ergothérapie, une discipline médicale
Si la profession a voulu s’inscrire dans la science, on note également un lien avec la
volonté d’être reconnue au sein de la médecine de l’époque (Schwartz, 2013).
La question de savoir si l’ergothérapeute devait être une infirmière spécialisée ou un
professeur d’activité artisanale a été sujet de débats durant les premières années de la
profession aux Etats-Unis (Peloquin, 1991) (Low, 1992). Pour Barton, Dunton ou Tracy, par
exemple, l’ergothérapeute devait être une infirmière, travaillant sous la direction du médecin
(Peloquin, 1991). Pour Hall, l’ergothérapie devait faire l’objet d’une prescription médicale qui
pouvait ressembler à cela :
« 1er Mai 1914
Travail occupationnel
Mme X _ chambre 50
Occupation légère au lit
Vannerie ou tricot
Pas plus d’une heure par jour
Signature du Médecin » (Hall et Buck 1915, cité par (Peloquin, 1991))
Pour Kidner (membre fondateur de la NSPOT et président de l’AOTA de 1922 à 1928
(Licht, 1967 ; Quiroga, 1995 cité par (Kielhofner, 2009)), l’ergothérapeute était les deux à la
fois, d’un côté, il appartenait au monde hospitalier et était sous l’autorité du médecin, de
l’autre c’était « un instructeur en activités artisanales dont le produit fini était une personne
restaurée» (Peloquin, 1991).
21
3.2.1.7 Les « reconstruction aides », premières ergothérapeutes américaines venues en
France
Les reconstructions aides ont été parmi les premiers représentants de la profession.
En effet, la fondation de la profession a eu lieu en 1917, année de l’entrée en guerre des
Etats-Unis (Christiansen & Haertl, 2013). Au moment de la mobilisation des soldats, le
département de la guerre organisa un système de soin pour les soldats blessés qui auraient
besoin de retourner à un emploi civil après la guerre. Ces soins comprenaient de la
rééducation et de la réhabilitation au travail, et a pris le nom de « reconstruction » (Quiroga,
1995 cité dans (Christiansen & Haertl, 2013)). 1200 « reconstruction aides » furent ainsi
formées (en lien avec la NSPOT) et embauchées, sans statut militaire (Gordon, 2009) (Low,
1992) (Christiansen & Haertl, 2013).
Il y avait des reconstructions aides kinésithérapeutes et ergothérapeutes. Les
ergothérapeutes faisaient des activités manuelles (notamment le travail du métal ou du bois
(Low, 1992)), avec les patients atteints de troubles orthopédiques mais aussi psychiques
(Christiansen & Haertl, 2013).
Un certain nombre d’entre elle (le métier était féminin) furent envoyées en France et
notamment près de Bordeaux, pour permettre aux hommes souffrant de troubles mentaux de
retourner aux combats (Low, 1992). Elles étaient 200 dans 20 hôpitaux militaires en France à
la fin de la guerre en novembre 1918 (Christiansen & Haertl, 2013).
Les activités artisanales étaient au cœur de la formation et de la pratique des
«reconstruction aides». Un grand nombre d’entre elles étaient initialement enseignantes en
art ou en activités artisanales ou encore infirmière (Low, 1992) (Peloquin, 1991).Un niveau
d’éducation du secondaire était requis ainsi que «des connaissances théoriques des
techniques suivantes ainsi qu’un entrainement pratique d’au moins 3 d’entre elles : vannerie,
tissage, sculpture sur bois, imprimerie, tricot et travaux d’aiguilles» (Médical Departement,
1918 cité par (Low, 1992)). La NSPOT approuvait les programmes de formation des
« reconstructions aides » et certains d’entre eux continuèrent à former des ergothérapeutes
après la guerre (Low, 1992). Ces programmes furent cependant critiqués par les médecins
membre de l’American Occupational Therapy Association (nouveau nom de la NSPOT en
1921), en 1923. Ces formations avaient été créés dans la précipitation de la guerre et
n’apportait « presque rien de plus que des connaissances en activité artisanale de base »
(Kidner, 1929 cité par (Peloquin, 1991)).
Si la littérature française évoque le fait que l’ergothérapie a été importée des Etats-
Unis durant les deux guerres mondiales, elle ne fait cependant pas référence aux
« reconstruction aides ».
L’ergothérapie apparait en France, environs 40 ans plus tard. La profession a été
importée de l’Amérique à l’Europe et notamment la France, comme cela va être expliqué par
la suite. « Les OT alliés devinrent les moniteurs de la jeune ergothérapie française. »
(Pierquin, et al., 1980). Ainsi, même si la profession telle que l’on la connait aujourd’hui n’a
pas vu, « de son vivant », les courants de pensée que l’on vient d’évoquer ; on peut penser
que l’ergothérapie française en a tout de même été marquée, d’une part par l’influence « des
ergothérapies » préexistantes à l’ergothérapie actuelle, d’autre part par les occupational
therapists qui ont participé au développement de la profession en France.
22
3.2.2 2eme guerre mondiale : changement de paradigme professionnel
aux Etats-Unis et apparition officielle de l’ergothérapie en France
3.2.2.1 L’ergothérapie et la rééducation
Entre la première et la seconde guerre mondiale, on observe des évolutions dans la
profession, en lien, notamment, avec les évolutions de la médecine de l’époque.
Dans les années 30, la crise financière avait ralenti un peu la progression de la
profession aux Etats-Unis ; les manques de fonds se répercutant sur les postes
d’ergothérapeutes et le nombre d’école (O'Brien, 2017) (Ikiugu & Ciaravino, 2007). Mais la
seconde guerre mondiale fut de nouveau une période de développement pour les
ergothérapeutes américains (Ross, 2013).
« C’est avec la 2eme guerre mondiale que l’OT pénètre en France, les occupational
therapists des pays alliés devenant les moniteurs de l’ergothérapie française » (Pierquin et al.,
1980). L’ergothérapie française est apparue officiellement, avec la création des premières
écoles en 1954 à Paris et à Nancy (Therriault & Collard, 1987) (Botokro, 2006) (Charret,
2015). La profession se répandait déjà en Angleterre depuis les années 20 et on faisait appel
aux ergothérapeutes anglais dans les centres de rééducation et dans les écoles de formation
dans différents pays européens (Charret, 2015). Ainsi, les premières formations françaises ont
été « fortement inspirées de l’ergothérapie anglo-saxonne » (Charret, 2015). Les deux
médecins qui ont fondé l’école de Nancy avaient d’ailleurs fait un voyage en Angleterre avant
de créer la formation (Charret, 2015). Les ergothérapeutes anglo-saxons ont apporté « un
appui efficace » (Farcy, 1994 cité par (Bourrellis, 2006)) et assuraient même certains cours
(Charret, 2015).
L’Association Nationale Française des ergothérapeutes (ANFE) est fondée en 1961 et
rejoint la World federation of Occupational Therapy en 1964 (Therriault & Collard, 1987)
(Charret, 2015) (Botokro, 2006) (Bourrellis, 2006). Le premier journal français d’ergothérapie
est publié la même année (Botokro, 2006) (Therriault & Collard, 1987).
Entre la première et la seconde guerre mondiale, on note de grands changements
dans le domaine médical. Dans les années 20 des découvertes concernant les bactéries ont
été réalisées et des nouveaux vaccins virent le jour (Ikiugu & Ciaravino, 2007). En effet, la
médecine de l’époque s’attacha à comprendre l’infiniment petit, les mécanismes internes, la
cause de certaines pathologies (entretien exploratoire) (Kielhofner, 2009). En psychiatrie on
s’intéressa aux mécanismes inconscients, avec les théories de Freud ou encore le
behaviorisme/comportementalisme de Pavlov (Ikiugu & Ciaravino, 2007).
Au même moment, la rééducation devint une spécialité reconnue de la médecine
(Ikiugu & Ciaravino, 2007). On parle du « rehabilitation movement » aux Etat-Unis, à partir des
années 40 (Mosey, 1971) (O'Brien, 2017) (Schwartz, 2013).
Ce « mouvement de la rééducation » avait pour but de restaurer la personne « au
maximum de son potentiel comme membre de la société » (Mosey, 1971), de permettre le
retour à la vie « normale » des personnes présentant un handicap (Ross, 2013). La nature du
« problème » du patient était le handicap en lui-même et il convenait de le supprimer
(Friedland, 1998). Le « désordre » dans le modèle médical était la maladie, qu’il convenait de
combattre comme une entité indépendante du patient (Rogers, 1982).
23
Ainsi des départements de médecine physique et rééducation virent le jour pour les
nombreux blessés de guerre mais aussi pour les besoins croissants de la population civile
(Schwartz, 2013). En effet, les nouveaux traitements, comme la pénicilline, et les nouveaux
antibiotiques permirent la survie d’un plus grand nombre de vétérans qu’après la première
guerre mondiale (Schwartz, 2013). Et la guerre de Corée dans les années 50 amena
également un nombre important de vétérans ayant besoin de soins (O'Brien, 2017). Le
« rehabilitation movement » se développa donc dans le domaine militaire mais aussi civil en
réponse à l’épidémie de poliomyélite des années 40-50 (Rossi, 2012) (O'Brien, 2017),
l’augmentation du nombre de personne atteintes de maladie chroniques et les nouveaux
traitements maintenant plus de personne en vie, avec un handicap (O'Brien, 2017) (Schwartz,
2013). D’autres éléments alimentant le « rehabilitation movement » furent l’incapacité des
institutions à s’occuper des personnes en situations de handicap et les preuves qu’une
amélioration de leur niveau d’indépendance était possible. Il y avait donc un intérêt
économique à favoriser leur indépendance. (Ikiugu & Ciaravino, 2007; Mosey, 1971).
Après la seconde guerre mondiale, la rééducation se développe aussi en Europe
(Wirotius, 1999). En France, la période post-seconde guerre mondiale est marquée par
l’épidémie de poliomyélite en 1952-1953, l’augmentation du nombre d’accidents du travail et
de la voie publique liée à l’accroissement du rythme de travail dans l’industrie et
l’augmentation du nombre de voitures personnelles. On note donc un nombre plus important
de personnes en situations de handicap (Charret, 2015). « Le transfert du handicap vers le
monde médical se poursuit : l’état providence réalise la médicalisation des handicapés. La
politique des années 1950 dessaisit la société du handicap et le confie à la médecine »
(Doriguzzi, 1994 cité par (Wirotius, 1999)). Les avancées de la médecine, quant à elles,
poussent à la spécialisation et à la « division du travail médical » qui entraine l’apparition de
métiers paramédicaux (Monet, 2003 cité par (Charret, 2015).
Ainsi, en France, l’ergothérapie naît directement dans le domaine médical et plus
particulièrement, au sein de la rééducation. « L'ergothérapie fait partie de ces activités qui ont
obtenu leur place dans la division du travail de la santé à mesure que les besoins en
rééducation sont devenus importants. » (Wagner, 2006). Elle est « reconnue par le corps
médical » et « légitime selon les objectifs politiques gouvernementaux – notamment en ce qui
concerne le retour au travail » (Charret, 2015). Les premières écoles françaises sont fondées
par des médecins pour «répondre aux besoins régionaux en rééducateurs qualifiés» (André et
al.,2004 cité par (Charret, 2015)). La première présidente de l’ANFE, Jacqueline Roux était
membre du Comité national français de liaison pour la réadaptation des handicapés, « une
institution de grande notoriété dans le monde de la rééducation » (Wirotius, 1999). A Nancy,
l’école d’ergothérapie était associée à la faculté de médecine, au Centre Hospitalier
Universitaire et à l’Institut Régional de Réadaptation. Elle a été fondée en autre par le Dr
Pierquin (Charret, 2015), autre grande figure de la rééducation en France (Wirotius, 1999).
Pour lui, l’ergothérapeute est un « auxiliaire médical » comme en témoigne le titre d’un article
de 1961 : « problèmes d’enseignement des auxiliaires médicaux. Kinésithérapie et
Ergothérapie » (Pierquin & Roche, 1964). A Paris, l’école porte le nom de «cours de
gymnastique médicale et de rééducation fonctionnelle» (Charret, 2015).
Pour Pierquin et Roche, l’ergothérapeute devait faire «le traitement du malade, sous la
direction du médecin ! » (Pierquin & Roche, 1964). La prescription médicale, sous laquelle
s’exerçait l’ergothérapie, semblait être très importante pour justifier que celle-ci était bien une
« thérapeutique » et non pas juste « une ergothérapie « distractive » ou « occupationnelle »
24
qui consisterait à donner au malade un petit travail, suivant ses goûts et son temps, pour
meubler ses loisirs dans l’intervalle de véritables soins » (Pierquin & Roche, 1964).
Aux Etats-Unis, certaines idées du « rehabilitation movement » n’étaient pas nouvelles
à l’ergothérapie. En effet, Barton et Dunton avaient déjà souligné le besoin de rendre au
patient son humanité en lui redonnant la possibilité d’être productif dans la société (Ikiugu &
Ciaravino, 2007). Ainsi l’ergothérapie va rejoindre ce mouvement (Mosey, 1971). Les
ergothérapeutes et les kinésithérapeutes furent membres des équipes de rééducation (Rossi,
2012) (Schwartz, 2009).
3.2.2.2 De nouveaux savoirs, de nouvelles techniques
En s’inscrivant dans le « rehabiliation movement », la profession a dû s’adapter aux
nouveaux traitements de l’époque, à un nouveau contexte. En effet, on vit le développement
de nouveaux traitements médicamenteux en médecine physique, des avancées en chirurgie,
dans les prothèses, orthèses, et fauteuils roulants (Rossi, 2012) (O'Brien, 2017). Dans le
domaine de la santé mentale on vit aussi des changements importants avec l’arrivé des
neuroleptiques. Ces derniers permettant de contrôler certains symptômes psychotiques, ils
ont entrainé un grand mouvement de désinstitutionalisation des personnes atteintes de
maladies mentales et l’apparition de soins en santé mentale dans les cités (Ikiugu &
Ciaravino, 2007) (O'Brien, 2017).
Si les formations américaines en ergothérapie contenaient déjà une part de science
médicale (anatomie, kinésiologie) dans les années 20 (Schmidt Hanson & Walker, 1992).Ces
matières prirent encore plus d’importance par la suite, et une partie de la formation eut lieu
dans des hôpitaux (O'Brien, 2017) (Mosey, 1971). Les formations furent plus standardisées et
unifiées à travers le pays (O'Brien, 2017) (Ikiugu & Ciaravino, 2007).
En France les premières formations contenait deux « blocs » d’enseignement ; avec
d’une part, des connaissances « techniques » d’artisanat et d’autre part, des connaissances
« théoriques » en médecine physique (anatomie, physiologie, pathologie) (Pierquin & Roche,
1964) et en psychiatrie. Les enseignements en psychiatrie et psychologie étaient, cependant,
moins importants à Nancy qu’à Paris du fait d’une patientèle accidentée de l’industrie plus
nombreuse dans la région (Charret, 2015). Les formations contenaient également des stages
en milieu hospitalier (Charret, 2015)
Dans leur livre de cours, devenu un classique aux Etats-Unis, Willard et Spackman
insistèrent sur le fait que les nouveaux ergothérapeutes devaient être formés aux nouvelles
techniques liées aux dernières avancées dans les traitements (Schwartz, 2013).
Par exemple, les ergothérapeutes ont intégré de nouvelles méthodes comme celle de
Karl et Berta Bobath en neurologie. Cette approche neuro-développementale visait à contrôler
le tonus musculaire, à inhiber les mouvements « anormaux » et à faciliter les mouvements «
physiologique » chez les patients ayant des lésions cérébrales. (Christiansen & Haertl, 2013)
(Kielhofner, 2009)
Les ergothérapeutes américains ont aussi investi des pratiques comme l’entraînement
des patients à l’utilisation de prothèse, la fabrication d’orthèses, le conseil en aides
techniques, les étirements et mobilisations ou encore le traitement des œdèmes (Mosey,
1971) (Christiansen & Haertl, 2013) (Kielhofner, 2009)
Les ergothérapeutes français créaient également des aides techniques (Charret, 2016)
25
Selon certains auteurs américains, les ergothérapeutes de l’époque ont emprunté des
techniques d’autres disciplines, les techniques psychodynamiques en psychiatrie et les
techniques biomédicales en médecine physique (Ikiugu & Ciaravino, 2007) (Mosey, 1971) ; au
point qu’il était parfois difficile de distinguer l’ergothérapeute du kinésithérapeute ou encore du
psychologue. Parfois les techniques « empruntées » étaient utilisées telles quelles, parfois
elles étaient associées à des activités artisanales (Mosey, 1971).
En France aussi, « les tâches que les ergothérapeutes effectuaient faisait partie des
zones d’intervention d’autres groupes professionnels tels que les infirmiers et les
kinésithérapeutes » (Charret, 2016). On retrouve alors, une « spécialisation » de
l’ergothérapeute sur le membre supérieur, en opposition au kinésithérapeute, « spécialiste »
du membre inférieur. Il semblerait que cette « segmentation physique » du patient permettait
la délimitation des domaines d’activité des deux professions. En revanche elle venait
s’opposer à « la perception holistique de la personne si chère aux ergothérapeutes » (Charret,
2016).
Il semblerait aussi que « l’enseignement des activités de vie quotidienne » ait été une
nouveauté dans les pratiques ergothérapiques, propre à la profession aux Etats-Unis (Mosey,
1971) (Christiansen & Haertl, 2013).Pour Spackman, l’ergothérapeute travaillant auprès de
personnes ayant un handicap physique devait être qualifiée pour enseigner les activités de vie
quotidienne, la simplification du travail et l’entraînement au port de prothèse (Schwartz, 2013).
Il devait s’appuyer sur « des activités constructives en situation simulée, de vie ordinaire ou
professionnelle » (Spackman 1968, cité par (Schwartz, 2013)).
Pour les ergothérapeutes français, c’est « l’utilisation d’activité manuelle comme
moyen de rééducation », qui sera investi comme un monopole qui permet de se différencier
des autres professions (Charret, 2016)
3.2.2.3 L’ambivalence concernant les activités artisanales
Dans les programmes de formation français de 1956, l’ergothérapie est définie comme
«toute activité manuelle ou récréative prescrite par un médecin, dans un but thérapeutique »
(Charret, 2015). Dans le témoignage des pionnières dans notre profession, on retrouve bien
cette définition articulée autour de deux concepts ; le « prendre soin » et les activités
manuelles : « un métier humain et utiliser ses mains », « une rééducation à partir des travaux
manuels et d’activité manuelles » (Charret, 2015).
Les pionnières ont eu une formation solide en activité artisanale, auprès d’artisans
(Pierquin & Roche, 1964) ; la technique de tournage en poterie, les assemblages de meuble
avec un vrai menuisier. D’après elles, ce haut niveau technique était nécessaire du fait de la
longueur des séjours des patients qui avaient donc le temps de faire des réalisations
complexes (Charret, 2015).
Dans les années 50 à 70, les ergothérapeutes français travaillaient « dans de vastes
ateliers pleins de machines et de matériaux divers» (Pierquin & Roche, 1964) que ce soit
dans des centres de rééducation fonctionnelle, auprès d’adultes accidentés ou avec des
enfants atteints de paralysie cérébrale ou de poliomyélite, ou bien en hôpital psychiatrique
(Charret, 2016) (Botokro, 2006).Les pratiques ergothérapiques étaient centrées sur la
rééducation et la réadaptation «par le biais d’activités créatrices et artisanales pour améliorer
l’indépendance fonctionnelle dans la vie quotidienne des patients » (Charret, 2016).
26
Les activités manuelles étaient à la fois revendiquées comme étant propres et uniques
à l’ergothérapie (Charret, 2015) ; et « dévalorisantes » pour les professionnels car
considérées comme « moins nobles » que les autres actes de soin. Les ergothérapeutes
pouvaient être surnommés « bricolo thérapeutes » (Charret, 2016). D’après Charret, « ces
activités étaient considérées comme profanes car non fondées sur des savoirs établis.»
(Charret, 2015). Le métier « ne reflète pas la contenance d’un savoir scientifique auquel on
accorde de la valeur » (Charret, 2015).
Aux Etats-Unis aussi on remarque une ambivalence vis-à-vis des activités artisanales,
en lien avec le déclin du mouvement art-and craft dans la société (Ikiugu & Ciaravino, 2007).
Il semblerait que les ergothérapeutes aient continué à utiliser certaines activités
manuelles dans les années 40 mais avec d’autres objectifs qu’aux débuts de la profession.
Par exemple, dans une description du service d’ergothérapie de l’hôpital naval à Bethesda en
1945 on trouve : « une grande menuiserie … principalement pour des activités … pour
augmenter les amplitudes articulaires et la force musculaire » « des bancs adaptés pour les
patients qui doivent travailler à hauteur d’épaule, dans bancs ajustable pour les patients qui
doivent travailler leur posture » (Vetting, 1945 cité par (Roberts, et al., 2008)). Les activités
utilisées étaient : « du modelage d’argile … pour augmenter la mobilité articulaire des mains
… des métiers à tisser adaptés pour le travail des épaules et du dos » (Vetting, 1945 cité par
(Roberts, et al., 2008)).
Après la seconde guerre mondiale, « les ergothérapeutes étaient embarrassés avec le
principe qu’il était bon pour une personne handicapée d’être active et occupée à faire des
choses qu’elle apprécie » (Mosey, 1971). Ainsi, la profession s’est détournée du principe que
« l’occupation » pouvait maintenir et ramener à la santé (Ross, 2013). L’activité utilisée en
thérapie n’avait pas toujours de sens pour le patient, mais elle devait absolument avoir un
but : améliorer le pronostic médical (Ikiugu & Ciaravino, 2007) (Ross, 2013)
3.2.2.4 De nouveaux objectifs pour l’ergothérapie
D’après Kielhofner, les ergothérapeutes de l’époque se sont tournés vers le paradigme
mécaniste. Le handicap était vu comme découlant d’un dysfonctionnement d’un mécanisme
interne. Il s’agissait donc d’agir sur ce dysfonctionnement, d’agir sur les mécanismes internes
du patient pour supprimer le handicap. De ce fait, les activités étaient choisies en fonction de
leur capacité à renforcer les mécanismes internes du patient (Kielhofner, 2009)
En médecine physique, il semblerait, que les ergothérapeutes aient utilisé et adapté
leurs activités pour travailler sur les amplitudes articulaires, la force musculaire ou encore la
coordination motrice des patients (Roberts, et al., 2008) (Ikiugu & Ciaravino, 2007) (Ross,
2013) (Reed and Sanderson, 1983 cité par (Friedland, 1998)). D’après Schwartz, les
méthodes scientifiques (dont on a pu parler plus haut) de Baldwin, du début du siècle,
impliquant des mesures d’amplitudes articulaires et du renforcement musculaire, ont été
appliquées plus généralement aux Etats-Unis au milieu du XXème siècle (Schwartz, 2013).
Dans les années 40, Licht, un médecin éditeur du journal Occupational Therapy and
Rehabilitation, promut une ergothérapie « kinétique » et « métrique » (Reed&Sanderson,
1983 cité par (Friedland, 1998)).
Taylor, en 1929, reportait le manque d’activités artisanales pour travailler l’extension
des doigts, justifiant ainsi le recours aux « moyens mécaniques ». Sa solution pour proposer
du renforcement musculaire des membres inférieurs en passant toujours par une activité, fut
27
d’adapter les scies avec des systèmes de pédalier (Taylor, 1929 cité par (Roberts, Kurfuerst,
& Low, 2008)). Comme dans la description d’un hôpital naval, à Jacksonville en Floride, où
l’utilisation de scies, de lames ou de métiers à tisser actionnables par des systèmes de
pédalier avait pour but le renforcement les membres inférieurs (Ergan, 1945 cité par (Roberts,
et al., 2008)).
Ainsi les ergothérapeutes ont délaissé le sens que le mouvement art-and-craft donnait
aux activités manuelles pour une orientation plus fonctionnelle et « scientifique » (Levine,
1987) (Christiansen & Haertl, 2013) (O'Brien, 2017).
Dans le domaine de la santé mentale, les activités utilisées avaient plutôt pour but
d’aider le psychiatre à comprendre les motivations et les sentiments inconscients du patient
en interprétant ses réalisations (les couleurs, les thèmes, qu’il avait utilisés) (Ikiugu &
Ciaravino, 2007). Les activités devaient permettre au patient de mettre en scène ses
sentiments (Fidler & Fidler, 1963 cité par (Kielhofner, 2009)), ou encore, d’entrer en relation
avec le thérapeute et de résoudre ses conflits intrapsychiques (Kielhofner, 2009). Il était aussi
commun de penser que le patient était bloqué à un stade de développement psychosexuel et
que l’activité devait permettre de répondre aux besoins de ce stade de l’enfance (Kielhofner,
2009)
Dans le cas où l’ergothérapeute travaillait dans un programme de rééducation
« industrielle », son but était de rendre le patient capable d’être embauché et de travailler au
sein ou à l’extérieur de l’hôpital (Ross, 2013).
En 1958, Rusk, une figure majeure du « rehabilitation mouvement » déclina trois rôles
de l’ergothérapie dans le domaine de la rééducation : « soutenant » en maintenant le moral
des patients ; « préprofessionnel » pour évaluer et entrainer le patient pour le retour à l’emploi
; « fonctionnel » en travaillant force et mobilité de « la partie déficiente » de la personne au
moyen d’activités manuelles en actif aidé puis graduellement contre résistance (Rusk, 1958
cité par (Friedland, 1998)).
En France, les médecins semblaient avoir une vision un peu différente de celle des
pionnières vis à vis des objectifs de la profession. Pour Pierquin et Roche, l’ergothérapie était
« la thérapeutique par le travail » et ce « travail proposé est une œuvre personnelle », il « est
choisi en fonction de la nature des séquelles à corriger », qu’elles soient motrices ou
psychiques (Pierquin & Roche, 1964). Parmi les objectifs de l’ergothérapie du programme de
formation de 1956 on trouve « redonner au patient l’usage de tel ou tel mouvement et
accroitre son indépendance » (Charret, 2015). En médecine physique, l’objectif était de faire
travailler « le membre paralysé » de manière dissimulée dans une activité manuelle (Pierquin
& Roche, 1964). L’ergothérapie était « destinée à corriger le handicap moteur et à entrainer
progressivement l’esprit et le corps à des besognes concrètes » (Pierquin & Roche, 1964).
Elle permettait de travailler la coordination, la finesse, l’adresse, l’habileté (Pierquin & Roche,
1964). Les objectifs cités par Pierquin et Roche sont très orientés vers la rééducation alors
que certains pionniers décrivent d’autres objectifs ergothérapiques : « remettre en mouvement
», « trouver comment pallier à une réalité qui ne fonctionne pas bien », « réparer des vies
brisées», « aider les gens à organiser leur vie », « amener la personne à parler » (Charret,
2016).
L’aspect rééducatif préprofessionnel semble aussi être important pour les médecins
mais n’est pas cité par les ergothérapeutes de l’époque. Pour Pierquin et Roche,
28
l’ergothérapie est une thérapie par le travail et « le premier stade du réentraînement au travail
» (Pierquin & Roche, 1964).
On retrouve une pression du modèle médical réductionniste, dans lequel l’ergothérapie
a pris place pour obtenir une reconnaissance en tant que «discipline médicale» (Charret,
2015) (Botokro, 2006), en opposition avec un modèle holistique, c’est à dire le «regard
global» sur la personne qui prônait l’ergothérapie.
Il semblerait que peu de liens étaient faits entre les savoirs médicaux et les savoir-faire
artisanaux, dans la formation des pionniers. Ces deux enseignements étaient vus comme
«deux blocs séparés» malgré quelques cours donnés par des ergothérapeutes anglo-saxons
ou jeunes diplômés français, sur leur pratique (Charret, 2015). On note que le développement
de l’ergothérapie en France commence par les écoles, par la formation fondée par des
médecins et non par une association de défenseurs de la profession. Ainsi il semblerait que la
profession se soit d’abord construite sur de la pratique avant la théorie. Les apprentissages
de la pratique ergothérapique étaient faits « sur le tat » en stage (Charret, 2015). Il n’y avait
pas de cours de théorie propre à la profession : « A l’époque on ne cherchait pas à définir des
concepts, ce n’était pas nos préoccupations, il fallait d’abord survivre. » (Charret, 2016). Peut-
être explique-t-il les nuances entre le discours des médecins et celui des pionniers
ergothérapeutes.
Pour certains auteurs, les ergothérapeutes ont travaillé comme des « techniciens » et
non des « professionnels », c’est-à-dire qu’ils ont travaillé sans s’appuyer sur des bases
théoriques. « L’accent était mis sur la technique plutôt que sur la théorie. La littérature
indique une orientation vers le « comment-faire » et une approche « je-vais-vous-parler-de-
ma-pratique » » (Mosey, 1971). D’après Kielhofner, les ergothérapeutes se sont concentrés
sur « la compréhension et la remédiation des déficiences liées aux systèmes musculo-
squelettique, neuro-moteur et intrapsychique » (Kielhofner, 2009).
Ainsi, les concepts clefs de ce mémoire ont été définit et les courants de
pensée qui ont marqué l ’ergothérapie au cours des périodes de la première et de
la seconde guerre mondiale ont été présentés sur la base d’une recherche
bibliographique. Un tableau récapitulatif des thèmes abordés est visible en
annexe.
La partie qui suit va, quant à elle, s’ intéresser aux pratiques
ergothérapiques actuelles.
29
4 Méthodologie de la recherche
Quels sont les héritages des pratiques et modèles conceptuels utilisés dans l’histoire
de l’ergothérapie, lors de la naissance de la profession en France et aux Etats-Unis, autour
des deux guerres mondiales, sur les pratiques ergothérapiques actuelles dans les deux pays?
Telle est la problématique de ce travail de recherche. Ainsi celui-ci s’attache à faire du
lien entre l’histoire de la profession et les pratiques actuelles. Il s’agit donc maintenant de
s’intéresser à ces pratiques. Pour cela, le recueil de données a été effectué par des entretiens
semi-directifs auprès d’ergothérapeutes français et américains travaillant dans différents
domaines de pratique.
4.1 Choix de la population
Pour en savoir plus sur les pratiques ergothérapiques actuelles et les valeurs de la
profession, il m’a paru essentiel d’aller interroger des ergothérapeutes.
Afin de représenter au mieux la profession, la population interrogée est constituée de
professionnels travaillant dans différents lieux de pratique (lieu de vie, centre hospitalier,
centre de rééducation, libéral), avec des populations de tout âge (de l’enfant à la personne
âgée) et présentant des problématiques variées (problèmes de santé physique ou mentale).
En effet, les pratiques ergothérapiques varient selon les publics auxquels elles s’adressent.
La vision de la profession par les ergothérapeutes peut, elle-aussi, être influencée par le
domaine de pratique. C’est pourquoi il était intéressant de recueillir des données auprès de
professionnels travaillant dans des domaines variés.
Pour explorer les pratiques françaises et américaines, des ergothérapeutes des deux
pays ont été interrogés: un ergothérapeute français et un ergothérapeute américain dans
chaque domaine de pratique. En effet, l’ergothérapie a une histoire différente de chaque côté
de l’Atlantique, celle-ci marque les pratiques actuelles d’une manière différente en France ou
aux Etats-Unis. Ainsi, on peut penser que la vision de la profession sera différente d’un pays à
l’autre. Il semblait donc important de collecter des données dans les deux pays.
4.2 Choix de l’outil
Le recueil de données a été réalisé avec des entretiens, pour permettre une plus
grande liberté d’expression et une plus grande spontanéité des personnes interrogées. En
effet, les questions n’avaient pas été transmises en amont, les ergothérapeutes me
répondaient de manière spontanée. Les questions posées étaient vastes, ce qui donnait la
possibilité d’aborder un grand nombre de sujets. Ainsi, l’immédiateté des réponses permettait
de recueillir ce qui parait le plus évident pour les professionnels et ce qui est le plus ancré
dans leurs pratiques ergothérapiques.
Les entretiens étaient semi-directifs avec un ensemble de 7 questions, traduites le plus
justement possible en français et en anglais. L’entretien est un outil qui m’a permis de
recueillir des données d’ordre qualitatif, en orientant la personne vers des thèmes précis tout
en la laissant très libre de ses réponses. De plus, il était important que les questions posées
soient identiques pour chaque professionnel pour aborder les mêmes thèmes avec chacun.
Cependant, si une question était mal comprise ou si des détails sur la réponse apportée
30
semblaient intéressants, des questions supplémentaires ont pu être posées pour permettre au
professionnel d’amener de nouveaux éléments.
Les entretiens commençaient par une présentation du professionnel ; son lieu de
pratique, sa population cible, son nombre d’année d’ancienneté dans son domaine de
pratique actuel et son année de diplôme. La dernière question portait sur le lieu et l’année
d’apprentissage des techniques et activités thérapeutiques évoquées dans l’entretien (si cela
avait été appris en formation initiale ou continue). Partant du postulat que les pratiques
professionnelles évoluent dans le temps, il était intéressant de préciser de quelles années
venaient les concepts et pratiques citées dans l’entretien.
Les autres questions portaient sur la définition de l’ergothérapie, les valeurs de la
profession, les connaissances nécessaires à la pratique, la pratique ergothérapique, et les
théories utilisées par le professionnel ; pour tenter de recueillir une image globale de ce qu’est
l’ergothérapie pour le professionnel interrogé.
Pour des raisons pratiques, les entretiens ont été menés par téléphone ou par skype.
Seul un des entretiens a été fait en direct. Tous les entretiens ont été enregistrés puis
retranscrits pour pouvoir être analysés.
4.3 Les limites
Si la population choisie avait pour but de représenter au mieux les ergothérapeutes et
l’ergothérapie actuelle, elle reste limitée au nombre de 8 personnes. Ce petit échantillon ne
peut représenter tous les domaines et les modes de pratiques et toutes les visions de la
profession cependant la méthode de recherche utilisée dans ce mémoire est qualitative : la
qualité des entretiens en terme d’approfondissement des thèmes abordés a été jugée plus
importante que le nombre d’ergothérapeutes interrogées.
Les ergothérapeutes américaines interrogées travaillent toutes dans une même région
des Etats-Unis, ce qui ne reflète pas la diversité d’un si grand pays.
Des problèmes de langage ont pu être rencontrés dans les entretiens. Par exemple,
une des questions a parfois été mal comprise, tant par les francophones que par les
anglophones. En effet, « Quelles sont, pour vous, les valeurs primordiales de la
profession ? », a pu être compris, par les français, comme « Quelles sont les qualités
nécessaires dans la profession ? », « Quelles sont les qualités requises pour être un bon
ergothérapeute ? ». En anglais : « What are the main values of the profession ? » a parfois
été compris comme « What is the value of the profession ? », qui peut être traduit par « Qu’est
ce qui fait la valeur de l’ergothérapie ? », « Qu’est ce qui fait que l’ergothérapie est utile,
importante ? ». Alors que le mot « valeur », dans la question, signifiait plutôt la notion de
« principe » chers aux ergothérapeutes. Les réponses obtenues étaient parfois éloignées du
sens de la question initiale. D’ailleurs, la réponse à cette question a parfois été abordée au
travers d’autres questions. D’autres termes ont été employés (« core », « principles »,
« concepts » en anglais ; « principes » et « concepts » en français) dans les derniers
entretiens, pour permettre une meilleure compréhension par les professionnels interrogés.
Pour évoquer les pratiques professionnelles de la manière la plus large possible, la
question suivante a été posée : « Que faites-vous en ergothérapie ? ». Cette formulation avait
été volontairement choisie à la place de « quelles activités utilisez-vous en ergothérapie ? »
pour ne pas influencer les réponses des thérapeutes interrogées. Cependant, les
31
professionnels ont eu des difficultés à répondre concrètement à cette question. Certaines
ergothérapeutes ont par exemple expliqué quelles techniques elles utilisaient sans dire dans
quelles activités. D’autres questions ont dû être posées pour les amener à la décrire de
manière plus concrète ce qu’elles faisaient avec leurs patients. Aussi, l’étude de « lettres au
sosie » aurait été une méthode intéressante (le professionnel écrit les informations qu’il
transmettrait à un collègue dans le cas d’un remplacement). Cette technique aurait permis de
voir d’une part les activités utilisées par les thérapeutes mais aussi les informations qui leur
paraissent essentielles à transmettre.
Les modes de pensée sont différents d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. Et les
idées s’expriment différemment dans deux langues différentes. Ainsi, même avec un niveau
d’anglais permettant de comprendre son interlocuteur, la traduction peut s’avérer délicate. Les
nuances, qui ont parfois leur importance, peuvent être difficiles à retranscrire d’une langue à
l’autre. Ma compréhension et la traduction des entretiens anglophones sont donc marquées
par mes influences culturelles propres.
32
5 Analyse des données
5.1 Population interrogée
8 ergothérapeutes ont été interrogées (uniquement des femmes). Deux d’entre elles
travaillent en pédiatrie, deux en gériatrie, deux en rééducation (médecine physique) adulte et
deux en psychiatrie ; une ergothérapeute française et une américaine dans chaque domaine.
Les professionnelles interrogées ont des expériences variées. Leurs années d’obtention de
diplôme vont de 1978 à 2014. Ainsi certaines ont plus de 30 ans d’expérience derrière elles,
d’autres deux ans.
Le nom des professionnelles interrogées n’apparait pas dans cet écrit. Elles seront
identifiées par leur pays d’origine (US ou Fr) et leur domaine de pratique (Ger, Pedia, Reed,
Psy). L’ergothérapeute américaine travaillant en psychiatrie sera, par exemple, nommée Psy-
US.
Les deux ergothérapeutes françaises travaillant en pédiatrie, dans le même cabinet
libéral, ont passé l’entretien ensemble, sans différences majeurs dans leurs réponses. Elles
seront donc toutes les deux identifiées par le même nom (Pedia-Fr).
Des tableaux décrivant plus précisément l’année de diplôme, l’expérience, le lieu de
pratique actuel et la population cible de chacune ont été placés dans les annexes.
5.2 Thèmes abordés en entretien
5.2.1 Définition de l’ergothérapie
Pour définir l’ergothérapie, la notion d’activité a été utilisée par cinq thérapeutes. Celle-
ci peut être but ou moyen de la prise en charge. « C’est un accompagnement […] dans tout
ce qui fait l’activité humaine » (Reed-Fr). Les thérapeutes ont pu préciser la notion en parlant
d’activité de vie quotidienne ou en utilisant des qualificatifs comme « signifiant », pour les
ergothérapeutes françaises, ou « ayant du sens », « ayant un but », pour les ergothérapeutes
américaines. « en utilisant des activités fonctionnelles ou qui ont du sens, un but pour la
personne » (Psy-US).
Les mots « function » ou « functional » ont beaucoup été utilisés par les
ergothérapeutes américaines. Ceux-ci renvoient à la notion de « fonctionnel », « effectif ».
« functional activity » peut être définit par « une tâche ou un acte permettant à un individu de
répondre aux demandes de son environnement et de la vie quotidienne » (« A task or act that
allows one to meet the demands of the environment and daily life. » (Stedman, 2012)).
Trois ergothérapeutes américaines ont articulé leur définition autour du concept
d’indépendance. « L’ergothérapie c’est aider les gens à devenir plus indépendant » (Psy-US).
Le mot « autonomie » a, quant à lui, été utilisé deux fois par des professionnelles françaises.
« L’ergothérapie, c’est tout ce qui va tourner autour de l’autonomie » (Psy-Fr)
Les ergothérapeutes françaises (pour trois d’entre elles) ont plutôt présenté la
profession comme une thérapie permettant la compensation. « On est là pour pallier à tout ce
qu’il savait faire avant et qu’il ne peut plus aujourd’hui » (Psy-Fr) « L’ergothérapie pour moi
c’est pallier la perte d’autonomie » (Ger-Fr).
33
Le mot « réadaptation » a été utilisé par deux ergothérapeutes françaises (Psy-Fr et
Reed-Fr). « La réadaptation c’est vraiment le royaume de l’ergothérapie » (Reed-Fr)
La notion de « handicap » et celle de « qualité de vie » n’ont été citées qu’une fois
chacune.
5.2.2 Les valeurs de la profession
Cinq ergothérapeutes ont parlé du fait que les prises en charge ergothérapiques
doivent être personnalisées, individualisées pour chaque personne. « On n’a pas
d’accompagnement type, même, quel que soit la pathologie, le tout c’est que ce soit adapté à
chaque fois à une personne, et à une problématique » (Ger-Fr). Et deux ergothérapeutes ont
utilisé les mots « centré sur le client » (Psy-US, Ger-US). L’une d’entre elle a dit qu’elle utilisait
un modèle centré sur le client pour « travailler sur les besoins spécifiques de la personne »
(Ger-US). Pour la deuxième, l’ergothérapie est plus centrée sur le patient que les autres
professions « parce qu’on a la volonté de considérer ce à quoi le client s’intéresse, ce qui
compte pour lui et on l’utilise dans nos traitements » contrairement au « modèle médical » ou
« l’approche thérapeutique doit être basée sur la pathologie et le traitement de cette
pathologie » (Psy-US).
Cette même ergothérapeute a aussi opposé ce modèle médical, centré sur la
pathologie à « l’approche holistique que l’ergothérapie propose » (Psy-US).
Deux autres thérapeutes ont parlé de « l’approche globale » du patient (Pedia-Fr).
«Cette personne vivant dans un environnement qui lui est propre, il faut absolument prendre
en compte tout ce qui peut l’entourer » (Ger-Fr)
5.2.3 Connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique
Toutes les ergothérapeutes interrogées estiment que des connaissances en anatomie,
physiologie, psychologie sont nécessaires à la pratiques ergothérapique. Selon elles,
l’ergothérapeute doit comprendre « comment le corps fonctionne » ainsi que « les
comportements humains » (Pedia-US). Connaître les différentes pathologies et « comprendre
les troubles » (Ger-Fr) semble aussi essentiel.
L’analyse d’activité ; « séquencer [l’activité] en étapes » (Pedia-US), regarder
«comment les gens essayent de faire et comment on peut les aider à faire de manière un peu
plus simple» (Reed-US) a été évoqué par deux ergothérapeutes américaines.
Des savoir-faire tels que « tester les amplitudes articulaires, faire des bilans
musculaires » ont été cités par une des professionnelles interrogées (Ger-US).
5.2.4 Les activités utilisées en ergothérapie
Les activités de vie quotidienne ont été évoquées par toutes les ergothérapeutes
interrogées. « Quand vous dites activités, les principales activités que l’on fait sont les
activités de vie quotidienne » (Reed-US). Les professionnelles utilisent ces activités à la fois
dans leur évaluation mais aussi comme moyen et/ou but de leur prise en charge. « Ça peut
être un travail en salle à manger pour couper la viande, pour voir s’il n’y a pas de négligence
… pour, à la fois de l’évaluation et à la fois de la rééducation, de l’activité. » (Reed-Fr).
Certaines ergothérapeutes ont évoqué la mise en place d’aides techniques dans les activités
de vie quotidienne. « Ça va être installation d’aides techniques au déplacement, d’aides
34
techniques en général, en fonction de ce que la personne souhaite pouvoir faire malgré son
handicap ou sa difficulté, donc ça peut être au niveau des repas, de la toilette, de la chambre,
des déplacements, des loisirs. » (Ger-Fr).
Pour certains thérapeutes, les activités de vie quotidienne sont bien le but de la prise
en charge. « L’ergothérapie c’est développer les capacités de l’enfant à participer dans leur
tâches fonctionnelles quotidiennes, que ce soit le jeu, les soins personnels, la participation
sociale avec les autres enfants » (Pedia-US). Cependant les moyens de la prise en charge
seront différents. Le thérapeute va cibler des compétences particulières nécessaires à la
réalisation de l’activité. « Donc tout ce qui les empêche de faire leurs occupations, leur tâches
quotidiennes, j’essaie d’analyser quels sont ces facteurs qui font barrage et puis d’ouvrir la
voie pour améliorer la performance fonctionnelle » « si on travaille sur « se nourrir », alors on
va parfois juste travailler sur « se nourrir », mais avant cela, on va peut-être faire des jeux
sensoriels avec différentes textures pour réduire une aversion tactile ou orale. » (Pedia-US).
« On essaie d’avoir les prérequis pour les lacets, la bonne pince, la bonne motricité, la bonne
coordination. Et après on passe aux lacets. », « On a des outils, des petits jeux qui nous
permettent de travailler ça en amont et ensuite d’arriver sur l’objet même de la difficulté »
(Pedia-Fr). Certaines ergothérapeutes françaises ont qualifié ces activités, destinées à
travailler sur une « composante » (Reed-Fr) particulière de l’activité, comme « des activités
analytiques » (Reed-Fr, Pedia-Fr).
Les ergothérapeutes françaises (Reed-Fr, Psy-Fr, Ger-Fr) ont aussi dit qu’elles
pouvaient utiliser des activités manuelles (comme la poterie, la mosaïque, la peinture, mais
aussi la mécanique, le bricolage) pour travailler sur des fonctions particulières. Selon les lieux
de pratiques et les patientèles, les fonctions visées par une même activité pouvaient varier. La
mosaïque pouvait, par exemple, avoir pour objectif un « maintien des capacités de
préhension » chez les résidents d’un EHPAD mais « auprès de personnes qui présentent des
troubles de la mémoire [au PASA], on est plus sur du maintien des capacités, praxies,
gnosies, etc. » (Ger-Fr). En psychiatrie cette activité mosaïque pouvait être utilisée comme
« médiation expressive » pour permettre aux personnes de « s’exprimer autrement que par la
parole », ou encore pour travailler sur l’attention avec « un modèle à suivre » (Psy-Fr).
Pour l’ergothérapeute française en santé mentale, il est important que l’activité ait un
but autre que d’occuper le patient « on envoie souvent les gens en ergothérapie pour qu’ils …
plus qu’ils fassent des choses pour s’occuper … donc ça je me bats un petit peu tous les jours
contre ça » « Donc le patient, en général quand il arrive, pour lui l’ergothérapie c’est fabriquer
des choses, c’est faire de la mosaïque … alors ce que je leur explique c’est que, oui
effectivement on se sert de ça, mais s’il y a pas de but et s’il y a pas d’objectif, ça ne s’appelle
pas de l’ergothérapie. » (Psy-Fr)
Pour travailler ces objectifs, les ergothérapeutes avaient choisi des activités manuelles
plutôt que d’autres activités pour différentes raisons.
Pour l’ergothérapeute travaillant en santé mentale, la symbolique de l’activité avait son
importance. « La mosaïque … t’es obligé de casser quelque chose pour recréer autre chose
… donc dans la symbolique il peut y avoir des choses assez fortes … » (Psy-Fr). De plus, la
diversité de ces activités manuelles permet de « s’adapter en fonction des patients » (Psy-Fr).
« Je ne vais pas utiliser toutes les médiations avec tous les publics » (Psy-Fr).
Pour l’ergothérapeute travaillant en rééducation, la variété des activités était aussi
importante mais pour une autre raison : « Plus l’éventail est large dans nos outils, mieux on
peut coller, pour travailler en analytique, à ce qui fait sens pour la personne. » (Reed-Fr).
35
Enfin, l’ergothérapeute en gériatrie s’est tournée vers ces activités plutôt pour « tout ce
qui est créativité et investissement dans l’activité que je recherche beaucoup dans mon
atelier. ». En outre, « il se trouve que la mosaïque plait beaucoup aux personnes âgées. »,
« la mosaïque à un côté très valorisant pour les personnes et crée beaucoup de liens avec les
familles chez ces personnes-là. » (Ger-Fr).
Autre composante de leur intervention, les ergothérapeutes interrogées ont évoqué la
mise en place de matériel adapté. La fabrication d’orthèses a été citée par deux
ergothérapeutes américaines ; et trois thérapeutes ont parlé de la mise en place d’aides
techniques comme moyen de compensation dans les activités de vie quotidienne. Deux
professionnelles françaises ont parlé de l’intervention de l’ergothérapeute dans des
aménagements architecturaux. « j’ai beaucoup œuvré pour, quand il y a des travaux, que je
puisse adapter pour que tout soit pensé pour telle ou telle problématique en prenant en
compte le handicap visuel, auditif, sensoriel, cognitif, physique. » (Ger-Fr). Pour une des
professionnelles, l’ergothérapeute est « assez spécialisé dans l’accessibilité » (Ger-Fr). Alors
que d’autres thérapeutes ont rapporté que la profession était, à tort, reconnue pour ce
domaine de compétence plus que pour d’autres domaines ; alors que ces aménagements
architecturaux n’occupent qu’une petite partie de leur champ d’activité. «Ils connaissent plus
l’aspect aménagement, installation que ce qui est rééducation, graphisme. » (Pedia-Fr)
Enfin, cinq ergothérapeutes ont dit qu’elle faisait de l’éducation, auprès des patients et
de leurs proches à propos de la pathologie de la personne, d’exercices qui pourrait l’aider ou
de techniques de compensations, mais aussi dans le cadre de formation d’autres
professionnels, à propos de techniques de manutention, de positionnement, ou pour les
sensibiliser à certains troubles, certaines pathologies. « Je peux les éduquer [les patients] à
ce moment-là et dire : « ok, le mieux pour vous c’est de mettre votre jambe droite en premier
parce que … » (Reed-US), « dans ce scénario [un patient atteint de démence], l’éducation de
l’aidant et les choses comme ça, sont le plus important. » (Ger-US) « Je forme beaucoup les
soignantes qui interviennent auprès des personnes dans la compréhension des pathologies et
des personnes en elle-même, comment on peut intervenir auprès d’elles » (Ger-Fr)
5.2.5 Les théories qui soutiennent les pratiques ergothérapiques
Trois ergothérapeutes françaises ont dit qu’elles avaient peu de connaissances sur les
modèles théoriques de l’ergothérapie ; notamment car elles n’avaient pas eu d’enseignement
dans ce domaine dans leur formation initiale. La quatrième ergothérapeute française a, quant
à elle, cité les modèles théoriques comme des connaissances nécessaires à la pratique
ergothérapique. « Modèle de l’occupation humaine, le modèle KAWA … voilà tous ces
modèles-là qui sont des modèles utilisés en ergothérapie ; pour moi c’est un peu les racines »
(Reed-Fr)
Parmi les modèles conceptuels cités on retrouve le modèle de l’occupation humaine
de Kielhofner cité trois fois (Psy-US, Reed-Fr, Reed-US), le modèle Kawa, deux fois (Psy-US,
Reed-Fr), le modèle Personne-Environnement-Occupation une fois (Reed-US) et le modèle
systémique une fois (Ger-Fr). Une ergothérapeute a aussi parlé de théories « écologiques »
(Pedia-Fr), voulant peut-être évoquer le modèle écologique du développement humain dont
découle le modèle Personne-Environnement-Occupation.
36
Les ergothérapeutes américaines ont plus particulièrement évoqué des modèles de
pratiques tels que les théories du motor learning (Pedia-US, Reed-US), les théories neuro-
développementales, les théories biomécaniques (Ger-US, Reed-US, Pedia-US) ou encore les
théories de l’intégration sensorielle (Pedia-US).
5.2.6 Les lieux d’apprentissage des méthodes de traitement utilisées en
ergothérapie
La formation initiale semble être une première source de connaissances et de savoir-
faire chez toutes les ergothérapeutes interrogées. Cependant une majorité de
professionnelles a insisté sur l’insuffisance des connaissances théoriques et l’importance des
apprentissages par la pratique en stage ou après le diplôme. « Je dirais que le diplôme c’est
ce qui donne le droit de commencer à apprendre son métier. » (Reed-Fr) « Je pense que j’ai
eu un peu d’éducation là-dessus à l’université, mais j’ai appris beaucoup plus quand j’ai fait
des stages en santé mentale et certainement encore plus par mon expérience professionnelle
» (Psy-US).
L’apprentissage des pratiques a pu aussi avoir lieu par l’observation et la collaboration
avec d’autres ergothérapeutes ou des professionnels d’autres disciplines. « J’ai appris
différentes techniques en observant d’autres thérapeutes, par les tuteurs que j’ai eus, les
collègues que j’ai eu » (Ger-US) « On va apprendre des collègues, de la hiérarchie, des
médecins, des kinés … quand je disais les collègues, c’est les autres ergo s’il y en a d’autres,
mais ça peut être des fournisseurs de matériel, des orthoprothésistes, ça dépend où on
travaille … » (Reed-Fr)
La formation continue semble aussi être une source importante de savoirs et de
savoir-faire des ergothérapeutes interrogées ; elles peuvent notamment permettre de se
spécialiser dans un domaine. « Disons qu’elles [les formations] étaient spécialisées […] alors
que la formation initiale, elle est assez large » (Pedia-Fr). Aux Etats-Unis, ces formations sont
obligatoires (avec un contrôle strict des Etats et de l’ordre professionnel). « Ici aux Etats-Unis,
pour garder notre licence et pour être ergothérapeute [inscrite à l’ordre professionnel], on doit
avoir 36 unités d’éducation continue tous les trois ans, donc c’est un jour et demi par an. »
«Je pense que la majorité de ce que j’utilise maintenant, je peux dire que ça a été appris au fil
des années après mes études initiales » (Reed-US).
5.2.7 D’autres thèmes
Au fil des questions, d’autres thèmes ont pu être abordés. Plusieurs professionnelles
ont pu parler du même sujet dans des questions différentes.
L’importance d’être au fait des avancées de la profession a été évoquée par deux
thérapeutes. L’une d’entre elles a dit qu’une des qualités de l’ergothérapeute devait être
d’«être toujours en veille, veille documentaire, veille technologique ou même législative »
« C’est jamais figé, ce n’est pas un travail figé donc une des valeurs c’est rester ouvert, rester
… être un peu en état de recherche permanente pour évoluer et pour être dans le monde
d’aujourd’hui, de 2017 » (Reed-Fr) «Beaucoup de choses ont changé, particulièrement dans
le développement de théories, depuis que je suis allée à l’école et que j’ai été diplômée »
«c’est important de se tenir au courant. Je ne peux vraiment pas me fier juste à ce que j’ai
appris à l’université mais plutôt à ce que j’apprends aujourd’hui dans des conférences et des
groupes de travail » (Pedia-US).
37
La distinction entre l’ergothérapie et les autres professions a été abordée de manière
différente par trois ergothérapeutes. Pour l’une d’entre elle, certaines activités utilisées en
ergothérapie pouvaient relever d’autres disciplines « pour moi c’est presque de la kiné parce
qu’on n’est pas dans l’activité … on n’est pas dans l’activité humaine … quand c’est trop
analytique … quand c’est de la rééducation analytique pour moi on est à la limite de
l’ergothérapie … et je m’y retrouve pas trop … mais ça, ça ne m’aurait pas dérangé il y a 25
ans…» (Reed-Fr). Pour une autre, l’ergothérapeute laisse faire le patient à sa manière. Ce qui
importe c’est qu’il arrive à ses fins. Tandis que les autres professionnels « ont tendance à
faire à la place, à montrer comme il faut faire, parce qu’il y a une façon de faire et il n’y en a
pas trente-six … » (Psy-Fr). Enfin, une autre ergothérapeute a dit que dans son domaine,
l’ergothérapeute est «plus spécialisée dans la toilette et la mobilité au lit » (Ger-US), qu’elle
travaille plutôt sur la motricité fine et sur les fonctions impliquant la vue contrairement au
kinésithérapeutes et aux orthophonistes.
Plusieurs ergothérapeutes ont pu dire que la profession était parfois méconnue des
patients ou des autres thérapeutes. « Habituellement, je dois expliquer ce qu’est
l’ergothérapie car les gens pensent que je vais leur trouver du travail. » (Psy-US)
5.3 Thèmes communs et divergences entre les entretiens et les
données historiques
Il est intéressant de mettre en parallèle les données des entretiens et celles de la
partie historique, pour faire émerger les similarités, les nuances et les différences. Pour
permettre cette analyse croisée, des tableaux récapitulatifs des données sont en annexe.
5.3.1 Des concepts et des approches
5.3.1.1 Occupation et activité de vie quotidienne
Les fondateurs américains ont fondé la profession autour du concept de l’occupation.
Dans la définition de l’ergothérapie, les ergothérapeutes interrogées ont peu utilisé le
concept d’occupation, au profit de notions comme l’activité signifiante pour le patient ou les
activités de vie quotidienne. On remarque aussi que ces activités de vie quotidienne se
retrouvent dans la pratique de toutes les ergothérapeutes interrogées.
Ainsi, peut-être le concept d’activité a-t-il remplacé celui de l’occupation. Il semble
cependant plus probable que les professionnelles aient utilisé les mots « activités de vie
quotidienne », « activité signifiante » en français et « activité ayant un sens et un but » en
anglais, à la place du mot « occupation ». On peut penser qu’elles avaient bien le concept
d’occupation en tête. En effet si on reprend la définition de la world federation of occupational
therapy (« En ergothérapie, l’occupation fait référence aux activités de tous les jours que les
gens font individuellement, en famille ou en société pour occuper leur temps et donner un
sens et un but à leur vie. Le mot “Occupation » inclut tout ce que l’on a besoin de faire, que
l’on veut faire ou ce qui est attendu de nous. » (WFOT, 2012)), on retrouve bien, dans le
concept de l’occupation, les activités de vie quotidienne, qui font sens pour les personnes et
qui ont un but.
38
5.3.1.2 Approche holistique ou approche globale
Parmi les valeurs d’origine de la profession, on retrouve l’approche holistique,
notamment chez Herbert Hall. Selon ce dernier, le corps et l’esprit sont deux entités
inextricables, dont les états de santé sont interdépendants. L’approche holistique consiste
alors à traiter conjointement le corps et l’esprit.
Dans les entretiens, une des ergothérapeutes a évoqué l’approche holistique en
ergothérapie en disant que l’ergothérapeute ne base pas son traitement uniquement sur la
pathologie de la personne mais aussi et surtout sur ce qui a de l’intérêt pour le patient. Deux
autres professionnelles ont parlé de l’approche globale. Pour ces derniers, cette approche
globale de la personne signifiait plutôt la prise en compte de son environnement humain,
matériel et de son contexte de vie.
On note ici un glissement dans la définition du concept d’approche holistique. Si ce
concept signifiait la prise en compte de l’état de santé mentale et physique du patient pour
Hall ; il semblerait qu’aujourd’hui ce concept traduise plutôt la volonté de considérer toutes les
caractéristiques des patients et tout ce qui les entoure, tout ce qui fait leur unicité, leur goût,
leur environnement propre (la prise en compte des différents rôles sociaux, des différents
styles de vie a aussi été abordé dans les entretiens).
5.3.1.3 Indépendance et autonomie
Les professionnelles ont plutôt articulé leur définition de l’ergothérapie autour de
l’indépendance et de l’autonomie (les américains ne semblent pas faire la distinction entre les
deux concepts comme nous le faisons en France). L’indépendance, notamment en lien avec
les activités de vie quotidienne, a pu être citée comme but de la prise en charge.
La notion d’indépendance ne semble pas avoir été un concept clef lors de la fondation
de la profession au début du XXeme siècle. Il apparait plutôt que ce concept soit devenu un
objectif de l’ergothérapie, lorsque la profession s’est inscrite dans le mouvement de la
rééducation. En effet, dans ce courant, la rééducation avait pour but de permettre au patient
de vivre dans la société indépendamment des institutions.
Si l’indépendance est, encore aujourd’hui, un objectif pour les ergothérapeutes ; ces-
dernières semblent loin des considérations économiques qui amenaient à souhaiter
l’indépendance des patients dans le mouvement de la rééducation. Deux ergothérapeutes ont
pu préciser que si l’indépendance n’était pas un objectif de la personne, elles respectaient ce
choix.
5.3.1.4 Rééducation et réadaptation
L’ergothérapie en France nait dans le domaine de la rééducation. On retrouve parmi
les fondateurs français de la profession de grandes figures de la rééducation. Et on peut dire
que les premières écoles ont été créées pour répondre aux besoins de professionnels de la
rééducation.
Deux ergothérapeutes françaises ont utilisé le mot réadaptation pour définir
l’ergothérapie. L’une d’entre elle a d’ailleurs dit que la rééducation pouvait être faite par
d’autres professionnels alors que la réadaptation correspondait plus au champ de
compétence de l’ergothérapeute.
39
D’après plusieurs sources, la rééducation, et notamment la rééducation fonctionnelle,
désigne les techniques visant à restaurer une fonction, par exemple motrice, chez une
personne qui en avait perdu l’usage (Hesbeen, 2012) (Garnier, et al., 2009) (Larousse,
2014). La réadaptation, quant à elle, « a pour but d’assurer à la personne infirme ou invalide
ainsi qu’à ses proches, différentes actions permettant de supprimer, d’atténuer, de surmonter
les obstacles générateurs de handicaps. » (Hesbeen, 1994). Il est intéressant de noter que
l’on retrouve ici la notion de compensation citée par trois ergothérapeutes françaises dans
leur définition de l’ergothérapie. De plus, plusieurs auteurs s’accordent à dire que la
réadaptation englobe la rééducation puisque « elle se pratique au sein d’équipes spécialisées
qui utilisent au mieux les ressources offertes par les moyens de la rééducation fonctionnelle,
de la réinsertion sociale et du reclassement scolaire ou professionnel. » (Hesbeen,
1994)(Tricot, 1987 cité par (Hesbeen, 2012)) (André, 1981 cité par (Hesbeen, 2012)). Ainsi, si
les ergothérapeutes actuels font plus de réadaptation que de rééducation, on peut dire qu’ils
ont élargi leur champ professionnel. Celui-ci contient toujours de la rééducation mais plus
seulement, car il s’agit aussi de réinsérer la personne en compensant son handicap.
5.3.1.5 Activité occupationnelle et activité thérapeutique
Il semblerait que la définition de « l’activité thérapeutique » ait été un sujet de discorde
chez les premiers ergothérapeutes américains. Apparemment, certains considéraient qu’une
activité était thérapeutique si elle distrayait le patient de sa pathologie, pour d’autres il fallait
que l’activité soit signifiante pour la personne, pour d’autres encore, l’activité devait être
productive. Au milieu du XXeme, siècle il semblerait que les ergothérapeutes aient plutôt
considéré qu’une activité occupationnelle n’était pas thérapeutique.
Pour l’ergothérapeute française travaillant en psychiatrie, l’activité, en ergothérapie, ne
doit pas avoir pour seul but d’occuper le temps du patient. Pour elle, les activités
occupationnelles ne sont pas considérées comme thérapeutiques.
De nos jours, les activités ayant pour but d’occuper les patients sont généralement
réalisées avec les animateurs.
5.3.2 Des savoirs et savoir-faire
5.3.2.1 L’analyse d’activité
L’analyse d’activité trouve ses origines dans les débuts de la profession aux Etats-
Unis, notamment avec l’organisation scientifique du travail. Les ergothérapeutes de l’époque
se sont inspirés de ces méthodes pour observer les activités avec une rigueur scientifique et
des mesures précises.
Deux ergothérapeutes américaines ont cité l’analyse d’activité parmi les
connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique. Pour l’une d’entre elle, l’analyse
d’activité est même la connaissance qui distingue les ergothérapeutes des autres
professionnels.
5.3.2.2 Des bilans articulaires et musculaires
Dès le début du XXeme siècle, les thérapeutes du service d’ergothérapie du Walter
Reed General Hospital à Washington, mesuraient systématiquement les amplitudes et la force
musculaire de leur patient pour lui attribuer une activité. Leur volonté était de s’appuyer sur
40
des données scientifiques. Ces méthodes ont été utilisées ensuite plus largement dans le
mouvement de la rééducation.
Lors de la question sur les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique,
une des ergothérapeutes a cité les savoir-faire concernant les bilans articulaires et les bilans
de force musculaire, en tout premier lieu.
Cette ergothérapeute a été la seule à évoquer ces connaissances. Même dans leur
pratique, les autres professionnelles n’ont pas évoqué ces bilans. Il aurait été intéressant de
savoir pourquoi ces bilans sont considérés comme très importants par cette ergothérapeute et
comment les résultats de ces bilans sont ensuite utilisés dans ses interventions.
5.3.2.3 Des connaissances médicales
Au fur et à mesure des avancées de la médecine, l’ergothérapie a intégré les
nouvelles découvertes médicales à son corps de savoir professionnel, notamment des
connaissances sur le fonctionnement du corps et du psychisme d’une personne saine ainsi
que sur les pathologies. Ces connaissances ont pris de plus en plus d’importance dans les
formations initiales des ergothérapeutes, notamment entre les débuts de la profession au
début du XXeme siècle aux Etats-Unis et le milieu du XXeme siècle.
Toutes les ergothérapeutes interrogées ont parlé de l’importance des connaissances
en anatomie, physiologie, psychologie, et sur les pathologies pour la pratique ergothérapique
actuelle. Ainsi ces connaissances médicales restent primordiales dans le corps de savoir de
l’ergothérapie.
5.3.2.4 De l’importance d’actualiser ses connaissances
Avec les avancées médicales, la profession s’est aussi attachée à utiliser de nouvelles
méthodes de traitement, et à être à jour par rapport aux nouvelles techniques au fur et à
mesure de leur apparition.
Plusieurs professionnelles ont évoqué l’importance de rester au fait des dernières
avancées en termes de technique ou de théorie. Cela fait d’ailleurs partie des obligations des
professionnels. Ainsi, il apparait que l’actualisation des savoirs, l’intérêt pour les techniques et
les théories les plus récentes et leur application soient un gage de bonne pratique
professionnelle.
5.3.3 Des pratiques
5.3.3.1 Des prérequis pour l’activité
L’ergothérapie, au milieu du XXeme siècle, a intégré les concepts du mouvement de la
rééducation. Selon ce courant de pensée, le handicap est le résultat d’un dysfonctionnement
d’un des mécanismes internes du patient. Ainsi, agir sur ce dysfonctionnement permet de
supprimer le handicap. Les prises en charge ergothérapiques de l’époque se sont donc
ciblées sur le traitement de dysfonctions bien précises ou sur le renforcement de certaines
fonctions.
Certaines professionnelles ont rapporté qu’elles travaillent sur des fonctions motrices,
cognitives ou encore psychiques avec des activités visant spécifiquement le renforcement de
ses fonctions. Les activités alors employées ont pu être qualifiées « d’analytique », par les
41
ergothérapeutes françaises. Cependant, les ergothérapeutes ont précisé que le but final était
de permettre la performance dans les activités de la vie quotidienne. Le renforcement de
certaines fonctions chez le patient était considéré comme un « prérequis », avant de travailler
sur l’activité en elle-même.
5.3.3.2 Se distinguer des autres professions
Selon certains auteurs, les ergothérapeutes ont parfois emprunté des techniques
d’autres professions, notamment dans les années du mouvement de la rééducation, ce qui
pouvait rendre difficile la distinction entre les disciplines. En France, il semblerait que les
ergothérapeutes de l’époque se soient notamment distingués des kinésithérapeutes en
centrant leur rééducation sur le membre supérieur.
La distinction entre l’ergothérapeute et les autres professionnels a été évoquée par
trois thérapeutes lors des entretiens. Il y aurait une différence à la fois dans les pratiques
(celles-ci seraient plutôt orientées vers l’activité humaine) et dans l’approche du patient
(l’approche de l’ergothérapeute laisserait plus de place à ce qui compte pour le patient et à sa
propre manière de faire les choses). Cependant, concernant les pratiques centrées sur
l’activité, celles-ci seraient plutôt récentes en France.
5.3.3.3 De l’utilisation d’activités artisanales en France
Les connaissances et savoir-faire en activités artisanales étaient importants pour les
pionniers de la profession que ce soit aux Etats-Unis au début du XXeme siècle ou en France
au milieu du XXeme siècle. Cependant les premières ergothérapeutes françaises avaient une
certaine ambivalence concernant les activité artisanales. Celles-ci étaient revendiquées car
elles leur permettaient de se distinguer des autres professions ; mais elles pouvaient aussi
être dévalorisantes car perçues comme moins nobles que les autres actes de soin.
Plusieurs ergothérapeutes françaises interrogées ont pu dire qu’elles utilisaient des
activités artisanales dans leur pratique aujourd’hui, mais aucune n’a pas évoqué les savoir-
faire artisanaux comme nécessaires à la pratique professionnelle. L’une des thérapeutes a
tout de même dit qu’elle avait eu des cours (« on a fait de la couture, on a fait des
marionnettes, on a fait de la vannerie » (Psy-Fr)).
Peut-être que les ergothérapeutes françaises montrent toujours de l’ambivalence par
rapport aux activités artisanales ; notamment parce qu’elles symbolisent le passé de la
profession, avec une représentation de la profession que ne correspond plus aux
professionnels d’aujourd’hui. L’ergothérapeute française travaillant en psychiatrie a pu
évoquer que ses collègues et les patients avaient une représentation erronée de
l’ergothérapie. Ils associent l’ergothérapie aux anciens ateliers d’il y a trente ans ou
l’ergothérapie consistait à fabriquer des choses et à occuper le patient.
Peut-être aussi que les professionnelles n’ont pas insisté sur ce domaine car ils
considèrent que des connaissances sommaires en artisanat suffisent à leur pratique. Une des
professionnelles a d’ailleurs exprimé que « ce n’est pas l’activité qui m’intéresse, ce n’est
qu’un moyen de parvenir à mes objectifs » (Ger-Fr). Ainsi peut-être que la performance dans
la réalisation importe peu et que de simples bases suffisent pour utiliser une activité en
thérapie.
42
Dans les débuts de la profession aux Etats-Unis, l’artisanat était utilisé en ergothérapie
parce qu’il correspondait aux métiers de l’époque et qu’il pouvait donc être facteur de
réinsertion professionnelle. De plus les activités artisanales étaient considérées comme
thérapeutiques car elles mettaient en action à la fois le corps et l’esprit. Au milieu du XXème
siècle, les ergothérapeutes utilisaient et adaptaient des activités artisanales pour renforcer
certains muscles ou travailler certains mécanismes internes. En psychiatrie, ces activités
avaient plutôt pour but de mettre en scène les sentiments du patient.
L’utilisation d’activités artisanales et manuelles a été rapportée par les
ergothérapeutes françaises. Les professionnelles les utilisent pour travailler des fonctions
spécifiques, ou pour permettre l’expression du patient. Les buts pour lesquels les
ergothérapeutes utilisent ces activités semblent donc avoir été hérités du mouvement de la
rééducation. Cependant le choix de l’activité est aussi fait en fonction des goûts et du sens
que l’activité revêt pour le patient.
5.3.3.4 Orthèses, aides techniques et aménagements de l’environnement
Les ergothérapeutes de l’époque du mouvement de la rééducation ont aussi intégré la
fabrication d’orthèses, ou encore le conseil et la mise en place d’aides techniques dans leur
champ de pratique.
La fabrication d’orthèses a été citée par deux ergothérapeutes américaines. Les
aménagements de l’environnement ont été évoqués par une ergothérapeute française. Et
trois ergothérapeutes ont parlé de la mise en place d’aides techniques ou d’adaptations.
43
5.5 Conclusion de l’analyse et validation des hypothèses
Des similitudes apparaissent entre certaines données historiques et les thèmes
abordés en entretien. Ces similitudes peuvent montrer les héritages du passé de notre
profession, dans les pratiques actuelles. Des nuances émergent également puisque certains
concepts ou certaines méthodes thérapeutiques ont pu être modifiés au fil du temps.
Pour rappel, ce travail cherche à répondre à la question suivante :
Quels sont les héritages des pratiques et théories utilisées en ergothérapie, lors de la
naissance de la profession en France et aux Etats-Unis, autour des deux guerres mondiales,
sur les pratiques ergothérapique actuelles dans les deux pays ?
Et voici les deux hypothèses qui avaient été formulées :
Hypothèse 1 : L’héritage de la période de la première guerre mondiale, c’est-à-dire la
période où l’ergothérapie apparait aux Etats-Unis, consiste en des valeurs fondamentales,
entre autres la vision holistique du patient, et des pratiques utilisant des activités manuelles
pour engager le patient par ses mains et son esprit.
Hypothèse 2 : L’héritage de la période de la seconde guerre mondiale avec la création
de la profession en France, consiste en un ancrage dans des connaissances médicales ainsi
que l’utilisation d’activités analytiques pour effectuer un travail précis sur une des déficiences
du patient, en vue de la réduction global de ses situations de handicap.
La première hypothèse semble partiellement validée. Concernant l’approche holistique
du patient, ce concept utilisé entre autres par Herbert Hall, signifiait la prise en compte du
corps et de l’esprit humain comme deux entités inextricablement liées. Alors que le concept
de l’approche holistique actuel concerne plutôt la prise en compte de tous les facteurs
internes (notamment ses goûts, ce qui compte pour la personne) et externes
(l’environnement) qui déterminent la personne. On note aussi que l’utilisation d’activités
artisanales est bien présente dans la pratique des ergothérapeutes françaises mais pas dans
l’objectif de mettre en action le corps et l’esprit dans un même ouvrage.
Concernant l’époque du début du XXème siècle d’autres liens ont pu être établis:
L’occupation, concept central de la profession pour les fondateurs américains, semble
avoir été évoquée indirectement par les professionnelles qui ont plutôt utilisé le mot
activité. Ainsi il y a un risque de non-différenciation des deux concepts.
Certains ergothérapeutes actuels ne semblent plus considérer qu’une activité
occupationnelle puisse être thérapeutique contrairement à plusieurs des fondateurs
américains.
L’analyse d’activité, existant depuis les débuts de la profession, semble encore être une
des connaissances primordiales de l’ergothérapeute voire même une connaissance dont il
a le monopole.
La seconde hypothèse, quant à elle, semble être validée. D’une part, les
connaissances en sciences médicales que la profession a intégrées à son corps de savoir en
s’inscrivant dans la médecine et le mouvement de la rééducation, semblent bien être
importantes pour la pratiques ergothérapique d’aujourd’hui. De plus, on note la volonté des
professionnelles de continuellement actualiser leurs connaissances pour appliquer les
théories et les techniques les plus récentes possibles dans leur pratique. D’autre part, les
44
ergothérapeutes d’aujourd’hui utilisent bien des activités visant à renforcer une fonction
physique ou psychique particulière. Mais celles-ci sont plutôt considérées comme prérequises
à la performance occupationnelle. Les ergothérapeutes ont souvent un objectif autre (un
objectif fonctionnel) et l’utilisation d’activités dites analytiques n’est qu’une étape pour parvenir
à cet objectif.
Concernant l’époque du milieu du XXème siècle, des parallèles non-évoqués dans
l’hypothèse, apparaissent également.
Les activités artisanales sont utilisées pour travailler sur des fonctions spécifiques du
corps humain par certaines ergothérapeutes françaises, comme le faisaient les
ergothérapeutes du mouvement de la rééducation. On note cependant qu’au XXème
siècle la valeur d’une activité thérapeutique résidait justement dans sa capacité à
renforcer un ou plusieurs mécanismes internes du patient alors que les ergothérapeutes
actuelles choisissent l’activité plutôt en fonction des goûts du patient et de ce qui fait sens
pour lui. Les professionnelles n’estiment pas que des connaissances en artisanat soit
nécessaires à la pratique ergothérapique.
Au sein du mouvement de la rééducation, l’ergothérapie avait pour but l’indépendance du
patient. Cet objectif est toujours d’actualité pour les ergothérapeutes interrogées.
Si la profession est née, en France, dans le mouvement de la rééducation, il semblerait
que les professionnels, aujourd’hui, définissent plutôt leur pratique autour de la
réadaptation et de la compensation du handicap.
Certaines techniques comme la prise de mesure d’amplitude articulaire ou de force
musculaire sont toujours utilisées par certains ergothérapeutes.
La fabrication d’orthèses, le conseil et la mise en place d’aides techniques sont des
savoir-faire que la profession a investis dans le mouvement de la rééducation. Ils font
toujours partie du champ d’action des ergothérapeutes aujourd’hui.
L’ergothérapie a pu avoir des difficultés à se distinguer des autres professions au milieu
du XXème siècle. En France, une spécialisation dans la rééducation du membre supérieur
a permis à la profession d’établir un domaine de compétence distinct, notamment par
rapport à la kinésithérapie. Aujourd’hui, la profession se distingue plutôt par une
spécialisation dans l’activité humaine et une approche différente de la personne, laissant
plus de place à ce qui est important pour elle et à sa manière de faire les choses.
45
6 Discussion
Chaque métier, chaque activité professionnelle touchant à l’être humain s’adapte au
temps, à la période dans laquelle elle s’exerce. Les métiers de la santé, tout particulièrement,
ont évolué avec les différentes manières de percevoir et/ou d’expliquer la maladie et le
handicap. « Les changements considérables qu’ont subi les paramètres extérieurs qui
touchent de près le métier d’ergothérapeute, tels l’organisation du travail, les technologies, les
pathologies traitées, le regard sur la personne en situation de handicap … ont participé aux
transformations des pratiques, de la formation, des objectifs et des lieux d’intervention »
(Charret, 2015). Certaines visions des choses, certaines considérations faisant parfaitement
sens à une époque, peuvent perdre tout leur crédit lorsqu’elles sont étudiées par les individus
d’une autre époque. D’autres valeurs restent au contraire intemporelles. L’ergothérapie ne fait
pas exception à cela ; certaines de ses valeurs sont restées au cœur de la profession,
d’autres ont évoluées. Parfois, un même mot a pu changer de sens et évoquer deux concepts
différents à deux époques différentes.
Cela semble être le cas de « l’approche holistique ». Comme cela a pu être expliqué
précédemment, les fondateurs américains (notamment Meyer, Dunton et Hall ( (Kielhofner,
2009) (Schwartz, 2009)) ont utilisé une approche holistique, qui consistait, pour eux, à
considérer le corps et l’esprit comme deux entités inextricables qui pouvaient et devaient être
traitées conjointement (Gordon, 2009). Ce lien corps-esprit, si cher aux fondateurs n’est pas
ressorti dans les entretiens avec les ergothérapeutes actuelles. Certaines d’entre-elles ont
bien utilisé les mots « approche holistique » ou « approche globale » mais pour désigner autre
chose. Pourtant pour certains auteurs, ce lien corps-esprit a bien son importance pour la
profession. Dans sa Slagle Lecture de 1981, Bing affirme que « la maladie, les traitements, et
le retour à la santé affectent simultanément les processus physiologiques et émotionnels.
Ainsi, ces processus ne doivent jamais être séparés sans quoi l’ergothérapie n’aurait plus de
valeur » (Bing, 1981). Selon cet auteur, le lien corps-esprit amène à une autre conclusion :
l’ergothérapie doit s’appuyer sur les sciences humaines et « La contribution de la
neurophysiologie, de la psychologie, de la sociologie, ou du développement de l’enfant, seule
ne peut pas déterminer le diagnostic, le traitement ou le pronostique du patient en
ergothérapie » (Bing, 1981). Il dénonça ainsi la tendance à la spécialisation dans une science
plutôt qu’une autre en affirmant que c’est la synthèse des différentes sciences s’intéressant à
l’être humain qui garantit une ergothérapie authentique (Bing, 1981).
Dans les entretiens, les ergothérapeutes ont parlé « d’approche globale » pour
évoquer la prise en compte de l’environnement humain et matériel du patient. « L’approche
holistique » désignait le fait de ne pas être centré uniquement sur la pathologie du patient. Ce
dernier concept a été cité en même temps que la notion d’être « centré sur la personne », qui
consistait à travailler sur les besoins spécifiques de la personne, à s’intéresser à ses goûts, à
ce qui compte pour elle et d’utiliser cela dans les traitements. L’approche globale du patient
dans son environnement et l’approche centrée sur le patient sont deux concepts différents. Ils
semblent cependant avoir une origine commune dans des mouvements apparus dans les
années 60-70 aux Etats-Unis, le « disability right movement » ou encore le « independent
living movement ». (Des mouvements similaires apparurent en Europe aussi à la même
époque, comme le « Union of Physically Impaired Against Segregation » en 1975 en
Angleterre (Hammel, et al., 2009)). Ces mouvements se sont basé sur un modèle social plutôt
que médical, pour expliquer le handicap (Schwartz, 2013). Dans le modèle médical, le
handicap découle d’une déficience de la personne ; le modèle social, quant à lui, explique
46
plutôt le handicap par les facteurs environnementaux qui peuvent faire obstacle à la
participation de la personne (Schwartz, 2013). L’environnement matériel ou architectural non
adapté, les représentations sociales des personnes en situations de handicap sont
considérées comme la cause du handicap (Schwartz, 2013). En effet, les membres du
« independent living movement » ont pu témoigner du préjudice que les barrières
environnementales portaient sur leur qualité de vie (DeJong, 1979 ; Shapiro, 1994 cité par
(Brown, 2009)) Et les personnes en situation de handicap psychique ont indiqué que les
stigmatisations empêchaient leur pleine et entière participation à la vie en société
(Chamberlin, 1990 ; Deegan, 1993 cité par (Brown, 2009)). De plus, des auteurs comme
Bronfenbrenner (1979), Gebson’s (1979), ou encore Lawton (1986) ont pu montrer les
interactions de l’être humain avec son environnement social ou physique et leurs
conséquences notamment en terme de pressions exercées par l’environnement sur les
performances de la personne (Brown, 2009). S’inspirant de ces théories, des modèles
ergothérapiques dit « écologiques » (au sens où ils mettent l’accent sur l’interaction avec
l’environnement) virent le jour dans les années 90 ; notamment le modèle PEO, Personne-
Environnement-Occupation (Brown, 2009). Mais d’autres modèles plus anciens avaient déjà
intégré le rôle de l’environnement, notamment le MOH, Modèle de l’occupation humaine de
Gary Kielhofner, en 1980 (Brown, 2009) (Kielhofner, 2009) (Kielhofner, et al., 2009) (Botokro,
2006). L’ergothérapie a ainsi pris en compte le rôle de l’environnement dans les difficultés
rencontrées par les patients et les interventions ont pu s’élargir à la modification et
l’adaptation de l’environnement. Aujourd’hui, la profession s’appuie sur des modèles dit « bio-
psycho-sociaux » comme le processus de production du handicap (PPH) proposé par Patrick
Fougeyrollas en 1998 ou encore la classification internationale du fonctionnement (CIF)
développée par l’organisation mondiale de la santé en 2001 (Morel-Bracq, 2009). Cette
dernière est une révision de la Classification Internationale du Handicap (CIH), qui voyait le
handicap comme découlant de la déficience de la personne de manière linéaire (Morel-Bracq,
2009). La CIH était issue d’un modèle biomédical (Morel-Bracq, 2009) alors que la CIF
chercha à concilier les modèles médical et social (Morel-Bracq, 2009) (Schwartz, 2013) en
prenant en compte les déficiences physique ou psychique, les facteurs environnementaux et
les facteurs personnels qui peuvent entrainer des limitations d’activités et des restrictions de
participation (Schwartz, 2013).
En France, dès les années 70, Hamonet, Magalhaes, de Jouvencel et Gagnon
proposent le concept de situation de handicap qui semble reprendre des idées à la fois du
modèle médical et du modèle social. En effet, selon eux, « le handicap se situe à la limite du
médical et de l’anthropologie, entre l’idée de la pathologie qui induit le handicap et celle de la
société qui induit les situations de handicap » (Morel-Bracq, 2009). La notion de situation de
handicap est de nouveau portée par le médecin français Pierre Minaire en 1992 (Botokro,
2006). Il est difficile d’établir un lien clair et de savoir précisément comment ses concepts ont
influencé l’ergothérapie, mais on peut penser que ces nouvelles manières de penser faisaient
partie d’un climat général en France qui a forcément touché aussi les ergothérapeutes. En
effet, la prise en compte de l’environnement en ergothérapie semble apparaitre dans les
années 1990. On retrouve cette notion dans la définition proposée par Marie Christine Détraz
en 1992 dans l’encyclopédie Médico Chirurgicale : « Le but de l’ergothérapie est de favoriser
le maintien ou l’accession au maximum d’autonomie des individus en situation de handicap et
ceci dans leur environnement », « il réadapte l’individu afin de développer les capacités
résiduelles d’adaptation, de compensation, en tenant compte des éléments matériels et
humains liés à son milieu de vie habituel. » « [Il] propose des solutions pratiques pour
favoriser l’intégration de la personne et un environnement accessible au plus grand nombre »
47
(Détraz, 1992 citée par (Detraz, et al., 2000)). De même, le guide pratique proposé par l’ANFE
en 2000 prend plus en compte le contexte de la personne ( (Detraz, et al., 2000) cité par
(Morel-Bracq, et al., 2006)).D’après Charret, les interventions qui, aux débuts de la profession
ciblaient plutôt l’individu se sont ensuite intéressé aussi à son environnement (Charret, 2015).
Cette auteure propose un tableau montrant l’évolution des programmes de formation en
ergothérapie dans lequel on peut voir, à partir de 1990, que l’ergothérapie est une méthode
qui intervient à deux niveaux : l’individu et son environnement humain, matériel, architectural
et urbain (Charret, 2015). Les ergothérapeutes français ont aussi été influencés par les
critiques du modèle linéaire de la CIH (classification internationale du handicap), par les
modèles bio-psycho-sociaux naissant en ergothérapie aux Etats-Unis et au Canada et, plus
tard, par les révisions de la CIH et son remplacement par la CIF (Botokro, 2006) (Therriault &
Collard, 1987).
Ainsi, il semblerait que le terme « d’approche globale » a été utilisé par les
ergothérapeutes interrogées pour désigner la prise en compte de tous les facteurs qui
concourent au handicap, pas seulement la pathologie du patient mais aussi son
environnement humain et matériel et tous les facteurs bio-psycho-sociaux.
Concernant l’approche centrée sur la personne, aux Etats-Unis elle prend ses origines
dans les mêmes mouvements qui avaient amené à prendre en compte l’environnement des
personnes. Le « disability right movement » et le « independent living movement » étaient des
mouvements de « self-advocacy », d’auto-revendication ; tout comme le « civil right
movement » (pour les droits des noirs américains) ou encore le « women’s movement » (pour
les droits des femmes), à la même époque (Schwartz, 2013). Ainsi les mobilisations en faveur
des droits des personnes en situation de handicap étaient portées par les personnes en
situation de handicap elles-mêmes. En effet, elles ont voulu revenir au centre des décisions
qui les concernaient ; contrairement au modèle médical, prédominant jusqu’alors, où les
professionnels médicaux, experts, étaient au centre du processus de rééducation et le patient,
recevant de l’aide, à la périphérie (Schwartz, 2013). Aussi, le « independent living
movement » était basé sur les principes suivants : « les experts du handicap sont les
personnes en situation de handicap ; on répond mieux aux besoins des personnes en
situations de handicap par une approche globale ou holistique plutôt que par des programmes
fragmentés dans différentes agences ou différents cabinets ; les personnes en situation de
handicap devraient être intégrées dans la société. »(Pelka, 1997 cité par (Schwartz, 2013)).
Ainsi certains auteurs comme Gill, invitèrent donc les ergothérapeutes à ne pas centrer leur
traitement uniquement sur les déficiences physiques « qu’y-a-t-il de bon à augmenter les
amplitudes articulaires et la dextérité des doigts si le moral de la personne peut être anéanti
par la discrimination à l’emploi et le rejet social ? » (Gill, 1987 cité par (Schwartz, 2013)).
Selon elle, les professionnels de la rééducation doivent adapter leurs services aux « besoins
du patient, à ses valeurs et à ses intérêts » (Gill, 1987 cité par (Schwartz, 2013)). Les
modèles ergothérapiques écologiques cités plus haut ont adopté les valeurs des mouvements
de revendication des personnes en situation de handicap qui promouvaient l’auto-
détermination et l’empowerment de ces personnes (« processus de devenir plus fort, plus
confiant, en particulier pour contrôler sa propre vie et affirmer ses propres droits » (Oxford
Dictionaries, 2017)) (Brown, 2009). Cela a amené les ergothérapeutes à s’orienter vers une
approche centrée sur la personne (Brown, 2009). Cette approche peut être décrite par sept
concepts, communs à tous les modèles ergothérapiques centré sur la personne : « 1. Respect
des clients et leur famille et des choix qu’ils font 2. Reconnaissance que les clients et familles
ont la responsabilité suprême dans les décisions sur leurs occupations quotidiennes et les
48
services en ergothérapie 3. Mise à disposition d’informations, du confort physique et de
supports émotionnels avec un accent sur une communication centrée sur la personne 4.
Facilitation de la participation du client dans tous les aspects des services en ergothérapie 5.
Offre de services ergothérapiques flexibles et individualisés 6. Promotion des capacités des
clients à résoudre leurs problèmes de performance occupationnelle 7. Reconnaissance et
focalisation sur les relations personne-environnement-occupation » (Law & Mills, 1998 cité par
(Ayres Rosa, 2009). Ainsi, comme cela a pu être évoqué par certaines professionnelles en
entretien, l’ergothérapeute a des responsabilités éthiques. Mettre le patient au cœur des soins
notamment en lui laissant la première place dans les décisions qui le concerne fait partie de
ces responsabilités (Ayres Rosa, 2009).
En France, dans l’ouvrage Ergothérapie par Pierquin, André et Farcy en 1980, on
trouve parmi les « règles mineures » de l’ergothérapie « l’acceptation du travail ou de
l’occupation par le handicapé » (Pierquin, et al., 1980). L’ergothérapeute est invité à tenir
compte «de l’opinion et des goûts de la personne» pour permettre son « indispensable
participation » et ne pas « fausser » l’activité (Pierquin, et al., 1980). Mais le professionnel doit
tout d’abord respecter son objectif thérapeutique. L’approche proposée en 1980 dans cet
ouvrage n’était donc pas centré sur la personne. Le but n’était pas de la laisser exprimer ses
choix et guider la thérapie. En revanche, en 2000, dans le guide de pratique de l’Ergothérapie
de l’ANFE, on note une plus grande prise en compte de la personne puisque l’ergothérapeute
« accompagne la personne dans l’élaboration de son projet de vie » (Detraz, et al., 2000). On
note ici que le verbe « accompagner » place l’ergothérapeute en retrait par rapport au patient
qui est « au centre ». Encore dans le guide de pratique de 2000, Jean-Philippe Guihard
indique également que la visée de l’ergothérapie est l’autonomie, au sens de permettre au
patient de « se donner ses propres règles » et d’ « être responsable de ses choix » (Guihard,
2000). De même, pour Lisbeth Charret : « l’activité ergothérapique vise, entre autres, à
améliorer la capacité à prendre une décision de manière individuelle » (Charret, 2015). Pour
Monsieur Guihard, cela place l’ergothérapeute dans un dilemme éthique : « Cette éducation à
l’autonomie place l’ergothérapeute sur la frontière entre un respect absolu de la liberté de
choix de l’autre qui peut être vécue comme une indifférence totale du thérapeute et une
ingérence au nom du savoir-faire professionnel qui serait alors vécu comme une agression ».
« l’autonomie de l’autre implique que celui-ci puisse être responsable de ses choix de vie et
que l’ergothérapeute soit garant de la cohérence de ces choix d’un point de vue personnel,
juridique, moral … » (Guihard, 2000). On note que les ergothérapeutes américains n’ont pas
ce dilemme-là concernant l’autonomie de leur patient. Cela semble s’expliquer par des raisons
culturelles. En effet, selon Nicole Seve-Ferrieu, il y a deux définitions de l’autonomie, « d’un
côté la tradition anglo-saxonne qui conçoit l’autonomie dans le sens de l’autodétermination du
sujet qui décide seul ce qui est bien pour lui. De l’autre côté la tradition kantienne plus
représentée en France qui voit dans l’autonomie la capacité réelle qu’a le sujet de prendre
une décision éclairée et universalisable » (Seve-Ferrieu, 2008 citée par (Charret, 2015)). C’est
surtout dans le terme « universalisable » que l’on voit la différence de culture. En effet, d’un
point de vue français, lorsqu’il y a un choix à faire, il y a, la plupart du temps, un ou des
« mauvais » choix et un choix « universalisable », objectivement « bon ». Ainsi
l’ergothérapeute doit non seulement permettre à son patient de faire un choix, mais de faire
« le bon choix ». Alors que les américains sont plus enclins à penser qu’il n’existe pas de
choix « universalisable » et que la définition de « bon » ou de « mauvais » dépend de chacun.
C’est pourquoi, dès lors que le patient fait son choix seul, de manière « autonome », le
jugement de la valeur de ce choix n’appartient pas au thérapeute. On notera que les
ergothérapeutes françaises interrogées n’ont pas clairement abordé l’approche centrée sur la
49
personne où le patient est le principal décideur des choix qui le concernent. Elles ont plutôt
insisté sur le fait que leur approche était individualisée, et s’adaptait à chaque patient en
fonction de ses valeurs de ses projets ; tout comme l’affirment certains auteurs : « Depuis
longtemps les ergothérapeutes s’intéressaient aux capacités et habiletés. Ce qui est nouveau
et qui commence à être de plus en plus pris en compte dans nos pratiques, c’est l’intérêt pour
les habitudes de vie et les motivations de la personne. Ainsi, peu à peu l’ergothérapeute ne
rééduque plus seulement en fonction d’une norme mais en fonction des intérêts de chacun. ».
(Botokro, 2006).
Ainsi l’approche « globale » ou plutôt bio-psycho-sociale, l’approche individualisée
centrée sur la personne, semblent être parmi les valeurs primordiales de la profession.
Cependant, si ces approches sont particulièrement investies par les ergothérapeutes, elles
peuvent aussi être utilisées par d’autres professionnels ; dans le modèle bio-psycho-social, la
CIF est, par exemple, une classification commune à tous les professionnels de santé ;
l’approche centrée sur la personne peut être utilisée par d’autres professionnels comme les
infirmières (Athwal, et al., 2014). Ainsi, y-a-t-il des concepts uniques à la profession ?
Une des professionnelles interrogées a évoqué l’activité humaine comme concept clef
de la profession qui distingue l’ergothérapie des autres disciplines. Et beaucoup des
ergothérapeutes ont parlé d’activité de vie quotidienne, d’activité signifiante et significative,
ayant un but et un sens pour le patient. On peut penser qu’au travers de ces mots, c’est le
concept d’occupation qu’elles souhaitaient évoquer. Et en effet, en tant « qu’occupational
therapist », l’occupation devrait être le concept clef de notre profession. D’après la littérature,
cela n’a pas toujours été le cas.
D’après Kielhofner, plusieurs paradigmes professionnels se sont succédé en
ergothérapie (Kielhofner, 2009) ; le paradigme de l’occupation aux débuts de la profession
puis le paradigme mécaniste qui s’est développé conjointement au mouvement de la
rééducation. L’ergothérapie était à la recherche d’une identité forte et de reconnaissance et ce
serait la raison pour laquelle les ergothérapeutes ont rejoint la médecine qui se développait de
manière fulgurante et le mouvement de la rééducation, mouvement dominant à l’époque, et
ont tenté d’y faire leur place (Mosey, 1971) (Ikiugu & Ciaravino, 2007). En effet, le paradigme
de l’occupation semblait incompatible avec le paradigme médical de l’époque et les
ergothérapeutes ont dû s’adapter pour pouvoir expliquer et justifier leur pratique dans des
termes médicaux (Kielhofner, 2009). Selon certains auteurs, les critères de jugement
professionnel du début de la profession étaient qualitatifs plutôt que quantitatifs, ils pouvaient
apparaître comme arbitraires ou découlant du simple bon sens et il y avait de plus en plus de
pression du monde médical à la recherche de justifications scientifiques dans les pratiques
(Licht 1947 cité par (Chapparo & Ranka, 2008)) ; ce qui amena les ergothérapeutes à des
interventions basées sur des explications scientifiques et médicales (Kielhofner & Burke 1983
cité par (Chapparo & Ranka, 2008)).. Les ergothérapeutes ont utilisé de plus en plus
d’activités telles que le déplacement de cônes ou de pion, qui avaient bien un but
thérapeutique (par exemple : augmenter les amplitudes articulaires et renforcer les muscles)
mais pas de lien avec les occupations du patient et pas de sens pour lui (Kielhofner, 2009)
(Roberts, et al., 2008) (Ikiugu & Ciaravino, 2007). Le paradigme mécaniste est ainsi venu
remplacer le point de vue holistique et centré sur l’occupation par une approche centrée sur la
réduction des déficiences physiques ou psychiques (Kielhofner, 2009) (Roberts, et al., 2008).
Pour certains auteurs, l’adoption du modèle médical a tout de même permis à la profession
d’acquérir de la crédibilité (Hopkins, 1983 cité par (Therriault & Collard, 1987) ; (Schwartz,
2013)).
50
En France on retrouve les mêmes idées du paradigme mécaniste dans les années 80.
En effet, Pierquin, André et Farcy proposent la définition suivante en 1980 : « [l’ergothérapie] :
c’est une méthode de traitement de certaines affections physiques ou mentales prescrite par
le médecin et appliquée par des spécialistes qualifiés, utilisant le travail ou tout autre
occupation, en vue de corriger les troubles fonctionnels qui les caractérisent. ». « Il convient
toujours de découvrir le travail ou l’occupation capable de remédier aux troubles fonctionnels
analysés précédemment ». « L’ergothérapie se veut une thérapeutique ; elle doit
correspondre le plus strictement possible au mal à guérir » (Pierquin, et al., 1980). On voit
bien ici que l’ergothérapie doit cibler un mécanisme interne défaillant du patient.
« L’occupation » n’est qu’un moyen pour arriver à cet objectif. Le mot « occupation » ne
semble d’ailleurs pas être utilisé pour désigner une activité qui « donne du sens et un but »
(WFOT, 2012) à la vie des patients. De plus, on note la volonté de l’auteur d’intégrer la
profession dans le domaine de la médecine en promouvant les valeurs du modèle médical de
l’époque : « La recherche de la rationalisation, c’est-à-dire du caractère scientifique de la
méthode, de la précision dans l’appréciation des indications et des résultats, parait sans
limite. Elle est la condition sine qua non de l’acceptation définitive de l’ergothérapie dans le
corps médical. » (Pierquin, et al., 1980). La prescription médicale est la première des « règles
majeures » évoquées, elle est « réservée au médecin » et « la garantie du succès » (Pierquin,
et al., 1980).
L’ergothérapie, en s’inscrivant dans la médecine et le mouvement de la rééducation,
s’était détournée de ses valeurs premières (Mosey, 1971 ; Shannon 1977 cités par
(Kielhofner, 2009)). Ainsi dans les années 1960-1970, aux Etats-Unis, certains auteurs
appelèrent à un retour à l’occupation comme concept central de la profession. Mary Reilly est
parmi les plus célèbres de ces auteurs (Kielhofner, 2009) (Gordon, 2009). Dans une phrase
devenue célèbre, dans sa Slagle Lecture de 1962, elle rappela un des principes fondateurs de
la profession « que l’homme, par l’utilisation de ses mains qui sont mobilisées par son esprit
et sa volonté, peut influencer son propre état de santé » (Reilly, 1961). Mary Reily fut aussi
professeur à la prestigieuse University of Southern California (USC) où elle enseigna à des
élèves devenus des figures phares de la profession comme Phillip Shannon, Linda Florey,
Cyntia Heard, Matsutsuyu, Janice Setsuko, Janice Burke ou encore Gary Kielhofner
(Kielhofner, 2009)(entretien exploratoire). Ces derniers participèrent à la conception d’un
nouveau paradigme (Kielhofner, 2009). Par exemple Shannon publia un article « le
déraillement de l’ergothérapie » en 1977 et appela la profession à réinvestir les valeurs sur
lesquelles elle avait été fondée (Ikiugu & Ciaravino, 2007). Dans les Slagle Lectures, les
grandes figures de la profession relayèrent aussi ce message (Bing, 1981) (Schwartz, 2009).
Selon Kielhofner le nouveau paradigme reconnaît l’importance de l’occupation pour la santé
et le bien-être des personnes. Il cible ses traitements sur les problèmes occupationnels. Et ce
sont les occupations qui sont utilisées pour ramener à la santé (Kielhofner, 2009). De plus,
l’appel au retour à l’occupation eut lien conjointement au développement de l’approche bio-
psycho-sociale et centrée sur la personne. Ainsi le paradigme professionnel qu’a décrit
Kielhofner prend en compte les facteurs personnels, environnementaux et occupationnels
comme déterminant de la performance occupationnelle. Ce paradigme est centré sur la
personne qui participe activement à la thérapie (Kielhofner, 2009).
Pour se recentrer sur l’occupation, les ergothérapeutes développèrent donc des
modèles de pratique expliquant les interactions entre les personnes, leurs occupations et le
contexte mais ils ressentirent aussi le besoin de développer « une science de l’occupation »
51
(O'Brien, 2017). Ainsi Yerxa créa le premier programme de science de l’occupation à l’USC
en 1989 (Gordon, 2009).
En France aussi, dans les années 70-80, « une nouvelle évolution de l’ergothérapie
est inévitable » (Therriault & Collard, 1987). Même si les idées du paradigme mécaniste
étaient encore bien présentes en 1980 comme cela a été montré plus haut ; les modèles
réductionnistes furent petit à petit délaissés au profit de modèles plus systémiques (Forget,
1983 cité par (Therriault & Collard, 1987)). « Nous avons cru qu’en disséquant l’homme et
l’univers en parties analysables, nous saurions mieux comprendre le Tout. Nous avons tout
simplement oublié qu’il y avait un Tout. » (Etienne, 1984 cité par (Therriault & Collard, 1987)).
En outre, d’après Pibarot « le développement des sciences humaines valorise la notion
d’occupation » (Pibarot, 1979 cité par (Therriault & Collard, 1987)). Même si, d’après Marie-
Chantal Morel-Bracq, le modèle linéaire de la CIH (qui pousse les thérapeutes à se centrer
sur la réduction des déficiences de la personne pour supprimer le handicap) « est encore très
présent dans les mentalités et les pratiques » en 2009 (Morel-Bracq, 2009) ; la profession
semble tout de même se tourner vers le nouveau paradigme. En 2000, le guide de pratique
de l’ANFE définit l’ergothérapie comme « une thérapie par l’activité » (Detraz, et al., 2000). En
2006, Marie-Chantal Morel-Bracq affirme que l’ergothérapie « se fonde sur les liens entre
l’activité et la santé » (Morel-Bracq, et al., 2006). On retrouve cette définition dans le
programme de formation de 2010 (Charret, 2015). En 2015, « l’activité, un potentiel pour la
santé » a été le thème des troisièmes assises nationales de l’ergothérapie organisées par
l’ANFE (Charret, 2015). Et de plus en plus d’auteurs comme Charret appellent la profession à
« s’orienter vers la science de l’activité humaine » (Charret, 2015).
Dans l’histoire de l’ergothérapie française, la profession est née directement dans le
mouvement de la rééducation. Malgré ses racines dans le mouvement du traitement moral, la
profession a plus de difficultés à « revenir à l’occupation » qu’aux Etats-Unis, puisqu’elle n’a
jamais pu construire son identité autour de ce concept avant d’intégrer le mouvement de la
rééducation. L’ergothérapie en France n’est pas « en retard » par rapport aux Etats-Unis, elle
a simplement une histoire différente qui induit une évolution différente. Par exemple, on note
que plusieurs ergothérapeutes françaises ont articulé leur définition de la profession autour de
la réadaptation plutôt que la rééducation. Comme cela a été expliqué plus haut, la
réadaptation englobe la rééducation des fonctions de la personne mais aussi sa réinsertion
sociale et son reclassement professionnel ou scolaire (Hesbeen, 1994)(Tricot, 1987 cité par
(Hesbeen, 2012)) (André, 1981 cité par (Hesbeen, 2012)). Le travail des ergothérapeutes
n’est donc plus seulement centré sur la réduction des déficiences mais il cherche aussi à
limiter les situations de handicap dans la vie du patient, notamment en société. Ainsi
l’utilisation du mot réadaptation montre bien la volonté des ergothérapeutes de sortir du
paradigme mécaniste pour toucher directement à la vie réelle du patient.
D’après ce que les ergothérapeutes ont rapporté dans les entretiens, les pratiques
actuelles comportent tout de même des héritages du paradigme mécaniste et notamment
l’utilisation d’activités pour travailler de manière ciblée sur une déficience en particulier.
Cependant, le rétablissement du bon fonctionnement des mécanismes internes du patient
n’est pas considéré comme une fin en soi par les ergothérapeutes actuels. En effet, leur but
est plutôt d’améliorer la performance occupationnelle, et pour cela, ils travaillent tout d’abord
les compétences requises à cette occupation. Les activités dites « analytiques » ne sont qu’un
des moyens de la réalisation de l’objectif de performance occupationnelle.
52
Lors du changement de paradigme, certains ergothérapeutes soutinrent qu’il était
difficile pour eux d’exclure de leur pratique des techniques, ou certains exercices qu’ils
considéraient comme efficaces et bénéfiques pour leurs patients. Pour eux, certains patients
ne présentaient pas, au début des traitements, le niveau fonctionnel suffisant pour faire des
occupations de manière satisfaisante (English, et al., 1982) (Trombly, 1982). Une étude fut
menée en 1984 par Pasquinelli et montra que les ergothérapeutes accordaient de la valeur à
l’occupation mais qu’ils utilisaient de nombreuses techniques non-orientées sur l’occupation
dans leur traitement (Pasquinelli 1984 citée par (Schwartz, 2013)). Des auteurs comme Ayres
ou encore Trombly recommandèrent que les techniques qui avaient fait leurs preuves
continuent à être utilisées (Ayres, 1958 ; Trombly, 1982 cité par (Schwartz, 2013)). Les
techniques non-orientées sur l’occupation pouvaient être utilisées mais elles devaient être
considérées uniquement comme des méthodes préparatoires à une occupation (Schwartz,
2013).
On peut dire que les ergothérapeutes qui utilisaient et qui utilisent ces méthodes sont
plutôt dans une approche bottom-up. Ils s’intéressent d’abord aux fonctions déficitaires qui
sont considérées comme pré requises à la performance occupationnelle (Trombly, 1993, cité
par (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004)). Cette approche part du principe que le
renforcement des capacités motrices, cognitives ou psychiques de la personne l’amènera à
une meilleure performance dans ses activités de vie quotidienne (Weinstock-Zlotnick &
Hinojosa, 2004). Cette approche s’oppose à l’approche top-down, qui, à l’inverse, s’intéresse
d’abord aux occupations avant les déficiences (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004).
L’approche bottom-up a l’avantage de permettre l’utilisation de nombreux outils
d’évaluation standardisés et validés dont les résultats quantitatifs permettent de voir
l’évolution du patient facilement. De plus, cette approche peut être utilisée dès les débuts de
la thérapie, lorsque le niveau fonctionnel du patient est faible (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa,
2004). Alors que l’approche top-down peut être plus difficile à mettre en place, voir déficitaire
en stade aigu (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004). Les outils d’évaluation de l’approche
top-down sont très souvent qualitatifs et subjectifs comme par exemple l’entretien avec le
patient (Low, 1998 (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004)). Il existe tout de même des bilans
standardisés dans cette approche comme la Mesure Canadienne du Rendement
Occupationnel qui a une bonne reproductibilité et une bonne sensibilité à l’évolution du
patient (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004), le Arnadottir Occupational Therapy
Neurobehabioral Evaluation ou encore le Assesment of Motor and Process Skills (ces bilans
évaluent les conséquences de dysfonctions motrices et/ou cognitives dans les activités de la
vie quotidienne et les activités instrumentales de la vie quotidienne) (Gillen, 2013)
L’approche top-down est plus proche des racines de la profession puisqu’elle se base
sur l’occupation (occupation-based). Elle permet de rester focalisé sur les difficultés
occupationnelles de la personne, un domaine parfois occulté dans le suivi médical (Rogers,
1982) ; et qui devrait être le domaine d’expertise de l’ergothérapie (Christiansen & Baum,
1997 cité par (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa, 2004)). L’approche top-down permet aussi de
rester dans une approche « globale », ou bio-psycho-sociale (Weinstock-Zlotnick & Hinojosa,
2004), puisque l’étude des occupations ne peut se faire sans prendre en compte tous les
facteurs internes et externes à la personne qui interagissent avec la performance
occupationnelle.
53
7 Positionnement professionnel
Il parait important que les ergothérapeutes investissent le nouveau paradigme
professionnel. Celui-ci donne lieu à une approche bio-psycho-sociale, qui permet à
« l’ergothérapeute qui a appris à décomposer ce qui est compliqué dans le modèle
biomécaniste » de « s’insérer lui-même dans des situations complexes qu’il ne s’agit plus de
simplifier mais de comprendre et d’élucider » (Botokro, 2006). Le nouveau paradigme permet
aussi un plus grand respect des personnes en situation de handicap puisqu’il promeut une
approche centrée sur le patient. Enfin, le nouveau paradigme propose le retour à l’occupation,
dans les pratiques et dans la recherche.
L’expertise des ergothérapeutes dans le domaine de l’occupation offre un champ
d’action unique et très vaste. Ainsi, il semble intéressant pour les ergothérapeutes de
réinvestir ce concept, en utilisant au maximum l’approche top-down et en ayant des
connaissances solides sur les modèles conceptuels et les théories qui soutiennent leurs
pratiques (Mosey, 1971) ainsi qu’une grande maitrise de l’analyse d’occupation (essentielle
pour un diagnostic ergothérapique et une pratique centrée sur l’occupation (Breines, 2013)
(O'toole, 2011)). La science de l’occupation est aussi une discipline qui semble offrir de
nombreuses possibilités et notamment permettre à l’ergothérapie de répondre aux
problématiques de santé actuelles (Gordon, 2009).
Dans les entretiens et dans les écrits, le terme d’activité est souvent utilisé à la place
du mot occupation. Pour les ergothérapeutes américains cela comporte des risques, comme
l’affirme Doris Pierce1. Pour les ergothérapeutes françaises, le mot occupation est encore peu
utilisé en dehors des écrits inspirés de la science de l’occupation américaine. Cependant
l’utilisation et l’appropriation de ce mot et du concept qu’il désigne, pourrait apporter un plus à
la profession. Cela servirait à la fois une meilleure compréhension des théories issues de la
science de l’occupation américaine et le développement de la recherche concernant
l’occupation en France. En effet, la différentiation des deux termes permettrait une plus
grande richesse lexicale. De plus, le mot occupation en français renvoie communément à
« occuper son temps ». L’utilisation de ce terme par les ergothérapeutes permettrait peut-être
une compréhension de l’ergothérapie comme la thérapie par et pour l’occupation qui permet
à la personne d’occuper son temps d’une manière qui la satisfasse, qui donne sens à sa vie
et qui contribue à sa santé. Les ergothérapeutes pourraient alors investir le concept
d’équilibre occupationnel comme but de leurs interventions. Ce concept cher aux fondateurs
américains, est le sujet d’études récentes en science de l’occupation (Martins, 2015). Il est
défini par Christiansen (1996) et Backman (2005) comme : « un état perçu d’une participation
satisfaisante dans des activités appréciées, des activités obligatoires et des activités non-
obligatoires. Cet état est atteint lorsque l’impact des occupations les unes sur les autres est
harmonieux, cohérent et sous contrôle » (Christiansen, 1996 ; Backman, 2005 cité par
(Backman, 2011)). Tous ces concepts offrent de beaux défis et de belles perspectives à
l’ergothérapie.
1 Cf données conceptuelles p 11
54
8 Conclusion
William Rush Dunton, Eleanor Clarke Slagle, George Edward Barton, Adolf Meyer ou
encore Herbert James Hall font partie des grandes figures qui ont fondé l’ergothérapie aux
Etats-Unis il y a cent ans, sur le concept de l’occupation (Kielhofner, 2009) (Bing, 1981).
Inspirés de courants de pensée comme le traitement moral, le mouvement art-and-craft ou
encore l’organisation scientifique du travail (Schwartz, 2013), ils croyaient au pouvoir
thérapeutique des occupations pour restaurer la santé du corps et de l’esprit qu’il convenait
de traiter conjointement (Gordon, 2009). Ils avaient aussi la volonté d’inscrire la profession
dans la science et la médecine (Schwartz, 2013). Les ergothérapeutes se sont petit à petit
investies dans ces domaines et ont adopté des valeurs qui étaient devenues incompatibles
avec les valeurs d’origine de la profession (Schwartz, 2013). Les professionnels se sont
alignés au modèle médical de l’époque en ciblant leurs interventions sur les déficiences des
mécanismes internes de leur patient pour réduire leurs handicaps (Kielhofner, 2009). C’est
dans cette période du mouvement de la rééducation qu’est née l’ergothérapie en France
(Wagner, 2006).
Ce mémoire a pu montrer que l’ergothérapie française et américaine actuelle porte des
marques de ces différents courants de pensée, dans les pratiques professionnelles mais
aussi dans les théories. On a pu noter, par exemple, l’utilisation d’activités artisanales
notamment par les ergothérapeutes françaises ou encore l’importance donnée à
l’indépendance du patient par les ergothérapeutes américaines. Sur d’autres aspects, la
profession a adopté de nouvelles valeurs. Par exemple ; les ergothérapeutes françaises
interrogées ont défini leur profession plutôt autour du concept de réadaptation que de
rééducation, les ergothérapeutes américaines ont parlé d’approche « centrée sur le patient ».
Chaque pays a été marqué à sa manière par sa propre histoire mais on trouve tout de même
de nombreuses similitudes qui peuvent s’expliquer par les échanges franco-américains ayant
eu lieu dans l’histoire de l’ergothérapie.
Aujourd’hui, la recherche se développe et les ergothérapeutes formulent leurs propres
modèles pour assoir leur pratique sur des théories qui leur conviennent. La profession
cherche à la fois à se recentrer sur certains concepts de ses origines, et notamment le
concept d’occupation, et à s’inscrire dans le monde d’aujourd’hui.
Depuis 2003, l’Amercian Occupational Therapy Association (AOTA), a développé « la
vision centenaire » (« centennial vision ») destinée à être la « feuille de route » de la
profession au moment de la célébration du centième anniversaire de la profession. En 2004,
des recherches ont été menées pour connaître les tendances mondiales en matière de
démographie, de sciences de technologie et de santé. En 2005, plus de 1500 participants
(ergothérapeutes, assistants ergothérapeutes, étudiants etc.) réfléchirent sur les 10
tendances considérées comme ayant un impact sur le futur de la profession : le vieillissement,
les coûts en matière de santé, la médecine préventive, les technologies d’assistance, les
valeurs et les choix concernant le style de vie, le stress et la dépression, l’accès à
l’information et à l’apprentissage, la conception de l’environnement pour la vie active, la
diversité croissante des populations, l’évolution du monde du travail. En 2006, la direction de
l’AOTA proposa une vision partagée de la profession : « l’ergothérapie est une profession
puissante, largement reconnue, axée sur la science et basée sur les preuves avec des
professionnels globalement unis et divers qui répondent aux besoins occupationnels de la
société » ainsi que 4 orientations : «construire la capacité de remplir le potentiel et la mission
55
de la profession », avec entre autre de développement de la recherche, « démontrer et
formuler nos valeurs aux individus, aux associations et aux sociétés » notamment en
répondant aux besoins sociétaux en matière de santé, « construire une communauté de
membre ouverte », « lier l’éducation, la recherche et les pratiques » (AOTA, 2006).
En Europe, le Council of Occupational Therapists for the European Countries
(COTEC) développe aussi des “plans stratégiques” pour s’adapter aux problématiques
européennes actuelles ; les problèmes financiers qui impactent le secteur médico-social, le
besoin de professionnels travaillant à la santé individuel et communautaire, la problématique
des migrants et des réfugiés. Le COTEC a ainsi formulé quatre objectifs pour les quatre
prochaines années : - développer des partenariats notamment politique pour accroitre la
visibilité de l’ergothérapie et la promouvoir en tant que profession répondant aux
problématiques de société – encourager les membres de COTECT à proposer de
l’ergothérapie de qualité, basée sur l’occupation et sur les preuves dans les domaines de
pratique déjà existants et émergeants – promouvoir des réseaux durables en encourageant
les ergothérapeutes à s’engager dans leurs associations nationales et à affirmer leur
appartenance à la profession – collaborer avec ENOTHE (European Network of Occupational
Therapy in Higher Education) pour former une organisation commune et renforcer l’impact de
l’ergothérapie en Europe (COTEC, 2017).
Par ce travail de recherche, j’ai pu approfondir mes connaissances sur la profession.
J’ai à la fois pris du recul et élargi mon angle de vue. Cela m’a fait prendre conscience
qu’aucune manière de penser ou de pratiquer l’ergothérapie n’est à rejeter complétement. La
profession a été enrichie par tous les courants de pensée qui l’ont marquée. Mais j’ai
également pu me positionner par rapport aux différentes manières d’envisager la pratique
ergothérapique. Et ce mémoire m’a donné envie de m’engager pour l’évolution de la
profession dans le nouveau paradigme. En effet, les valeurs de ce paradigme (le retour à
l’occupation, l’approche bio-psycho-sociale et centrée sur le patient) me paraissent
bénéfiques pour que l’ergothérapie réponde au mieux aux besoins des patients. Enfin, ce
travail m’a amené à me pencher sur la recherche, notamment en science de l’occupation.
Celle-ci me parait très intéressante pour optimiser le pouvoir des interventions
ergothérapiques.
56
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62
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dictionaries [En ligne]
disponible sur internet: <https://en.oxforddictionaries.com/definition/empowerment>
(Consulté le 4 mai 2017)
10 Annexes
Annexe n°1 : Retranscription de l’entretien exploratoire avec un ergothérapeute américain, expert dans l’histoire de la profession ..................................................................................... I
Annexe 2 : Guide d’entretien ................................................................................................ IV
Annexe 3 : Tableaux présentant les ergothérapeutes interrogées ........................................ VI
Annexe 4 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en gériatrie (Ger-US) ............... VIII
Annexe 5 : Entretien avec une ergothérapeute française en gériatrie (Ger-Fr) .................... XII
Annexe 6 : Entretien avec deux ergothérapeutes françaises en pédiatrie (Pedia-Fr) ......... XVII
Annexe 7 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en pédiatrie (Pedia-US) ......... XXIII
Annexe 8 : Entretien avec une ergothérapeute française en psychiatrie (Psy-Fr) ............ XXVI
Annexe 9 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en psychiatrie (Psy-US) ........ XXX
Annexe 10 : Entretien avec une ergothérapeute française en rééducation (Reed-Fr) .... XXXIV
Annexe 11 : Entretien avec une ergothérapeute américaine et rééducation (Reed-US) ...... XL
Annexe 12 : Tableaux récapitulatifs des thèmes de la partie conceptuelle et historique ... XLIV
Annexe 13 : Tableaux récapitulatifs des thèmes abordés en entretien ............................. XLVI
I
Annexe n°1 : Retranscription de l’entretien exploratoire avec un ergothérapeute américain, expert dans l’histoire de
la profession
How do you thing the use of activity has changed in the history of OT?
For an American context, we started to use occupations universally. That changed a lot as we got into the 1930s
1940s, we began to abandon occupations, and we started adapting methods of other professions. For example in
physical disability, we used tools associated with physical therapy, and in mental health we used tools adapted from
psychiatry.
Do your feel like, at the beginning, OT was really occupation-based and then as medicine develop, OTs
also began to use medical techniques, and now we are going back to occupation?
In very broad terms, that’s true but what is interesting is that even at the beginning of the profession, even when they
were occupation based, they still were not always based upon people preference. There was quite a bit of
conversations about what was correct occupational therapy back then. Was it choosing something that was
meaningful and productive for the person or was it just diversional? And a many OT only did diversional activities.
And there were also people who wanted to do activities for an economic prospective as opposed to a rehabilitation
perspective. Even back then, when occupation was broadly used, there were a lot of different ideas about why we
should use occupations.
In what I read about the foundation of OT, I found very interesting to see how many values of the
profession were already present from the beginning, such as the link between physical and mental
health, the client centered approach, the use of environment. Do you think that there is basic values of
OT that have change since this period?
Certainly, things changed and the fact that there were not broad agreement about occupation (economical versus
diversional, versus therapy), make it very easy for the profession to orient on medical. And as we are back to
occupation, as you said, nobody longer describes OT in economic or diversional terms we are only returning to that
segment that is related to personal meaning and relevant for the individual.
When you talk about OT oriented to economic goals do you think they also had in mind the therapeutic
goals to call it OT?
It was mixed. If you read about Herbert Hall, he was very economic oriented. It depend on which of the founders,
they had really different ideas.
And those who were focusing on economic purpose ; do you thing they used occupation on an
economic prospective only to allow the institution to be financially viable or they focus on economic
prospective in order to make the client able to produce something to be able to live once he went out of
the institution ?
Both plus a third reason, they were some people who were interested in the economic to promote the health of the
institution, so the money would go back to the place the people were being cared for. Which, obviously, is a very
different prospective of how we structure our care today.
The benefit of activity was discover much earlier than the foundation of OT; what do you think is the
difference between the use of activity before and after the foundation of OT?
The economic driver was sometimes even more significant before the founding. Many institution used farming or
doing activity to sustain the institution. I think it’s the action of people like Dunton, Burton who tried to bring the focus
more on the therapeutic side than an economic side. This idea changed and progressed over time. Many of these
ideas actually come from European enlightenment with William Tuke in England, Phillip Pinel and Johann Christian
Reil, with moral treatment. But as it came to the state it was not pure occupation, people looked at it pragmatically, to
serve the economic needs of the institution.
II
Do you thing, at that time, they used activity such as craft activity so that clients were able to reproduce
it in real life, to be productive and work of the institution?
It was a very different time and craft work was highly valued. Even if the industrialization has begun hand-made
object were still valued, and this was the all-purpose of the art and craft movement, as a response against
industrialization. They used wood work or metal work to get people with disability to be able to do something.
And how does the use of activity changed as the profession became more medical?
OT just lost focus entirely on the practical aspect of returning to occupation. I believe that this probably stayed in
people mind and intention but the tools were no longer used in quite the same way.
So you thing they had the same goals but not the same ways and tools to achieve it?
Yes and it causes some challenges because people have difficulty understanding a profession when there is a
mismatch between methodology and objective. It makes it difficult for people to understand the purpose of the
profession.
And which reasons do you think made the profession return to occupation?
You can see that in the work of Mary Reilly in the Occupational Therapy Department of the University of Southern
California, Los Angeles California. She focused on the original philosophy of OT and the original purpose of the
profession, and with her graduate students laid the groundwork for occupational behavior theory. Have you had any
exposure to Mary Reilly?
Yeh, I heard about her, but I tough it was more Gary Kielhoner who wrote this book about the history of
OT in the 60s or 70s because he wanted the profession to come back to occupation. He did this after
Mary Reilly?
Mary Reilly was his teacher.
What I encourage you to look for is her famous Salgle lecture she did in 1961 “Occupational therapy can be one of
the greatest ideas of 20th century medicine”. If you look at this you will see all her groundwork for return to
occupation.
Some of her most well-known students was of course Kielhofner, but before him Phillip Shannon, Linda Florey,
Cyntia Heard, Janice Setsuko Matsutsuyu, and Janice Burke. Many of them wrote article in the late 60s and early
70s that were the groundwork that Kielhofner pull together and put into a workable model.
I just would like to go back to a subject we talked a little bit earlier ; around the world war II, what was
the reason of the change from occupation focus to medical focus?
I think it has to do with broad social and cultural values. As we began to understand pharmacy, the workings of the
body, sciences continue to expend and the value was to understand things on smaller and smaller level, in 30s and
40s, combined with nuclear science. And OT followed this pattern.
There is another article that I can recommend, I mentioned Phillip Shannon and in 1977 he wrote an article “the
derailment of OT”, and he express Mary Reilley values about why OT have follow the path of reductionism and
medicine and how they should return to occupation.
I was quite surprised that you said that this change occurred in 1930s 1940s. I don’t know if it’s specific
to France, but it seems like we had this change later, after the 2nd WW.
Wars always enhance medical technology tremendously, which is a good product of a horrible event. The medical
technologies increase because of the result of the experience that people get dealing with war injuries. This was true
after WW I, WW II. And now, we see improvement in understanding PTSD, TBI, prosthetic, because of the Iraq
conflict …
But OT started to shift toward medicine before WW II and more and more as time went on.
Do you think all this change occurred smoothly or more suddenly after a specific historical event?
I think it was gradual.
III
Do you have any other documentation to recommend to me?
There is a book I could suggest you if you’re working on different time periods. If you talk to people on faculty there,
perhaps someone will have the book. The book is called: “Theoretical basis of Occupational Therapy”. And there is
three authors: Mccoll, Law and Stewart
And also, there is a French doctor who was very influential on the American OT founders. His name was Jules Amar.
He was a very well-known physician in France around WW I, and he did a lot of work around the concept of using
occupation. He had correspondence with George Barton. And Barton was so impressed with him that he wanted Dr
Amar to be an honorary member of the NSPOT. I thought you might be interested because he is from France. I’m
sure there is a lot of old books, I think you could find a lot about this doctor and the work that he did with soldiers
after and during World War I. He was very influential, very occupation based. He came up with many adaptive
equipment.
That sound very interesting! Thank you very much. Thank you for this interview, it was very helpful for
me.
IV
Annexe 2 : Guide d’entretien
Bonjour. Je suis étudiante en troisième année d’ergothérapie. Dans le cadre de mon mémoire
de fin d’étude je m’intéresse à certaines pratiques et courants de pensée dans l’histoire de
notre profession. J’aimerais essayer de comprendre quels en sont les héritages dans
l’ergothérapie aujourd’hui. Par cette interview, j’aimerai en savoir plus sur les pratiques
ergothérapiques actuelles et plus particulièrement sur votre manière d’exercer l’ergothérapie.
Hi ! I’m a french OT student. It’s my last year and I have to do a research project to graduate in
June. In this project, I’m working on the practice and the way of thinking of OTs in the history of
the profession. I would like to see what we inherited from them in the current occupational
therapy. With this interview, I would like to know more about the current OT practice and in
particular what do you in OT.
Informations à préciser : Lieu de pratique, population cible, nombre d’année “d’ancienneté”,
année de diplôme
Comment définissez-vous l’ergothérapie/la pratique ergothérapique ? Pour
vous, l’ergothérapie c’est quoi ?
How would you define occupational therapy/ OT practice? For you, what is OT
?
Cette question permet de découvrir autour de quels concepts, le professionnel articule sa
définition (l’autonomie, l’activité, le handicap …).
Quelle sont selon vous les valeurs/principes/concepts primordiales de la
profession ?
What, do you think, are the main values/ideas/concepts/core/principles of the
profession?
Par rapport à la deuxième hypothèse «L’héritage de la période de la première guerre mondiale,
c’est-à-dire la période où l’ergothérapie apparait aux Etats-Unis, consiste en des valeurs
fondamentales, entre autres la vision holistique du patient, et des pratiques utilisant des
activités manuelles pour engager le patient par ses mains et son esprit.», cette question permet
de voir si on retrouve dans les valeurs citées par le professionnel, les valeurs des débuts de la
profession.
Quelles sont selon vous les connaissances nécessaires à la pratique
ergothérapique (connaissance en anatomie/sur les occupations …) ?
What, do you think, are the knowledge that the OT practice requires?
Par rapport à la troisième hypothèse « L’héritage de la période de la seconde guerre mondiale
avec la création de la profession en France, consiste en un ancrage dans des connaissances
médicales », cette question va me permettre de savoir si cela semble important pour les
professionnels.
V
Que faites-vous en ergothérapie ? Dans votre pratique quotidienne ?
What do you do in OT? In your daily practice?
Cette question va me permettre de découvrir les différentes activités utilisées par le
professionnel.
Pourquoi utilisez-vous cette activité/technique ?
Why do you use this activity/technic?
Cette question permet d’étudier ce qui oriente le professionnel dans son choix d’activité et ce
que le professionnel recherche par l’utilisation de telle ou telle activité.
Y-a-t-il des théories particulières qui soutienne votre pratique ?
Is there some theories that support your practice?
Cette question permet de savoir si le professionnel met en lien sa pratique avec un modèle
particulier ; si oui, lequel ; si non, pourquoi.
Ou avez-vous appris l’utilisation de telle ou telle activité (formation initiale,
quelle année) ?
Where did you learn this use of the activity (in your initial studies, when)?
Cette question permet de découvrir les “sources” du professionnel, et l’époque de leur
apprentissage. Partant du postulat que les pratiques professionnelles évoluent dans le temps, il
était intéressant de préciser de quelles années viennent les concepts et pratiques citées dans
l’entretien.
VI
Annexe 3 : Tableaux présentant les ergothérapeutes interrogées
Santé Mentale
Ergothérapeute américaine : Psy-US Ergothérapeute française : Psy-Fr
- Diplômée en 1999 - Travaille en santé mentale depuis 18 ans - Lieu de pratique actuel : hôpital (les
patients sont en hospitalisation complète pour plusieurs semaines à plusieurs années)
- Population cible : personne présentant une schizophrénie, une dépression majeure ou encore des troubles de la personnalité
- Diplômée en 2011 - Travaille en santé mentale depuis 6 ans - Lieu de pratique actuel : 70% CIAMM
(centre intersectoriel d’activité à médiation multiple, structure intra-hospitalière ouverte à tous les patients hospitalisés et à ceux qui sont suivis en extra-hospitalier), 30% CATTP (centre d’activité thérapeutique à temps partiel)
- Public cible : patient présentant tout type de pathologie psychique chronique ou non (hors phase aigüe)
Rééducation adulte
Ergothérapeute américaine : Reed-US Ergothérapeute française : Reed-Fr
- Diplômée en 1978 - Travaille en rééducation depuis son
diplôme (à domicile, en hôpital de jour, en hospitalisation de longue durée), spécialisée en neurologie (elle est formatrice en techniques neuro-développementales)
- Lieu de pratique : centre hospitalier universitaire, séjour de courte durée (stade aigu)/centre d’entraînement à la conduite
- Public cible : patient en unité de soin intensif, en cardiologie, en orthopédie, en médecine générale, en neurologie/personne souhaitant apprendre, ou continuer à conduire (avec des pathologies comme la maladie de parkinson, la sclérose en plaque, ou encore des blessures médullaires)
- Diplômée en 1979 - Travaille en rééducation depuis son diplôme
(traumatologie ou neurologie) - Lieu de pratique actuel : centre de
rééducation, en hospitalisation complète - Public cible : patient ayant eu un AVC, ayant
été amputé ou ayant subi un polytraumatisme
VII
Pédiatrie
Ergothérapeute américaine : Pédia-US
Ergothérapeutes françaises : Pédia-Fr
- Diplômée en 1982 - Travaille en pédiatrie depuis 12
ans - Lieu de pratique actuel : centre
pédiatrique (proche d’un cabinet libéral avec différente profession) et « early intervention » (programme dans chaque état américain qui prend en charge des enfants de 0 à 3 ans ayant des troubles du développement. Dans la mesure du possible, les services doivent être délivré dans « le lieu de vie naturel » de l’enfant ; à domicile, à la garderie …)
- Public cible : enfants (de 0 à 17 ans) ayant des troubles du développement (trouble de l’intégration sensorielle, paralysie cérébrale …)
- Diplômée en 2007 - Travaille en libéral
depuis 7 ans - Lieu de pratique actuel :
cabinet libéral et structure pour des enfants qui ont des troubles du langage et des problèmes de surdité
- Public cible : enfants ayant des troubles des apprentissages ou adultes, personnes âgées pour des aménagements du domicile
- Diplômée en 2004 - A majoritairement
travaillé avec des enfants depuis 13 ans
- Lieu de pratique actuel : cabinet libéral, service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), foyer d’accueil médicalisé avec des adultes autistes et polyhandicapés.
- Public cible : enfants ayant des troubles des apprentissages ou adultes, personnes âgées pour des aménagements du domicile
Gériatrie (EHPAD)
Ergothérapeute américaine : Ger-US Ergothérapeute française : Ger-Fr
- Diplômée en 2014 - Travaille en gériatrie depuis son diplôme
(un peu plus de deux ans) - Lieu de pratique actuel : département de
rééducation lié à une maison de retraite - Public cible : personnes âgées venant au
court terme en rééducation (short term care), et vivant dans la maison de retraite (long term care)
- Diplômée en 2005 - Travaille en gériatrie depuis 2006 - Lieu de pratique actuel : Etablissement
d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes, EHPAD (depuis 9 ans et demi) et Pôle d’Activités et de Soins Adaptés, PASA
- Public cible : personnes âgées résidant à l’EHPAD, et personnes présentant des troubles de la mémoire, venant à la journée au PASA
VIII
Annexe 4 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en gériatrie (Ger-US)
First, can you just tell me where do you work, with which kind of clients, how many years have you been
working in this area and when did you graduate?
I work in a small town, in XXX. I work actually not for the nursing home itself, they have a contracted company that
constitute the rehab department. So I’m actually part of a contracted company ____ a little over two years. I
graduated with my master’s degree in 2014… What else would you like to know?
Can you just … I sorry I didn’t hear everything. So you are working in a nursing home but you are not …
the nursing home doesn’t pay you directly, they pay someone who hires you?
Yes, we’re not considered employees of the actual nursing home.
But you still work in a nursing home with elderly adults?
Yes
And how many years have you been working … two years in this nursing home?
Yes, a little over two years.
So my first question is: how would you define occupational therapy? For you what is OT?
Well, specifically working in the population that I do … working on improving people quality of life by making them
more independent with bathing, dressing, toileting, bed mobility. We also look at other things like splinting,
positioning, pain those kind of things to improve their life anyway possible.
Ok, so for you, what do you think are the main values of the profession? The core, the principles of the
profession?
To be able to serve others and be able to have them do whatever is most important for them, to be able to get back
to doing.
Do you consider that you are doing rehabilitation in the nursing home or not at all, you’re just making
life as pleasant as possible?
We have a short term rehab witch, mostly those people are not going home and they’re only there for a short time
but then there is others that come for short term rehab and transition into long term care. And for the long term care
population, that’s where we address more the positioning, the splinting _____ those continue to do what’s important
for them.
For you, what are the main knowledge that the OT practice requires? What are the knowledge should
have to be a good OT?
Definitely being able to do the basic things like testing range of motion, manual muscle testing, have some idea of
biomechanical principles and the neuro principles to be able to work in this type of population. Have a good
therapeutic rapport with your patient is really important and definitely being empathetic to their needs and theirs
challenges and to be able to collaborate with them to get the best results.
And is there any knowledge that are very specific to OT that other disciplines do not have and that an
OT needs to practice? Is there any knowledge that you need to practice that other disciplines do not
have?
As compare to ______ physical therapy, we are more specialized in toileting and bed mobility. Although, there is
some overlap, OTs mostly deal with those kind of things … I’m trying to think what other things there are. Any type of
fine motor, visual type of things are very unique to OT. PT doesn’t really work with any vision … anything and neither
speech therapy… that might be all I can think about.
Can you tell me more about what you do in OT, what you do in your daily practice?
Well, a typical day for me, I usually start of by doing an ADL with … I chose one of my patients. And we go through
their morning routine as if they were at home and that’s how I base my further treatment intervention, about their
IX
challenges that they face and coming up with easier ways for them to be able to do things. The rest of my day … we
usually spend in a rehab gym. We work on all sort of things; strengthening, fine motor skills, functional endurance
type of things, visual tasks. We do some dynamic tasks, standing and sitting.
What about what you do with the patients who are living there, who are not doing rehabilitation? What
are you doing with people who are really living in the nursing home and who won’t go back home
anyway? Are you working with them?
Yes, I do have some patients of my caseload right now that I’ve been working with. Specifically I’m working with one
patient right now that had a fall and she fractured her elbow. So we have been working on some fine motor
coordination because she broke her dominant arm. So we’ve been trying to work on fine motor skills for the left and
some strengthening to help with transfers because that was her biggest challenge. The other, I’m working on _____
joints of an individual with carpal tunnel. So we’ve been working on some of that and to be able to strength up the
hand a little bit and some sensory things too, cause she has decreased sensations. Typically, the nurses or an
orthopedic doctor or a regular primary care doctor ____ decide whether they are appropriate for therapy or not. The
biggest thing is the level of participation. Some people have nothing to do with therapy and we have to respect their
wishes of course, we want to try to help them as best as we can but they ____ know what happen. So there is a little
bit more challenge with that. But we go through the same process as if we were working with a short term rehab
patient. The goals are just a little bit more specific.
So for you what would be the difference between working in your kind of setting with elderly adults,
compare to working in a rehab clinic? What is the difference for you?
I like being right in the patient’s room because that is their environment and to be able to work on those very specific
things to them. Whereas working in a rehab department there is not as … I mean there is definitely things we can
work on, it’s just not always as specific. So I like actually being able to do a self-care task as if these people were at
home going through their routine.
And is there any difference regarding the age of the client? Do you think that your practice is different
because it’s an elderly adult and not a 30-years-old man? Does is change something for you in your
practice?
Sometimes it makes a difference, other times it doesn’t. Usually somebody that … in their 30s or 40s that are coming
for rehab, are typically more high-functioning that your 90-years-old patient. But we still work on the basic goals to be
able to get them back home. It’s just, sometime the older population doesn’t have to do more higher level task like
medication and cooking, and those types of things where sometime younger might have that kind of responsibilities
too.
Are you working with adults with dementia? Are you sometimes working on cognitive skills?
Not specifically with people that already have dementia. A lot of time we’ll do a little screen to decide whether they’re
safe to go home or if speech therapy need to get involved too to work on other cognitive skills. A lot of times we try to
use compensatory strategies but it’s hard to get a lot of carry over because of the dementia it just depends on the
stage of dementia they are at. So in that scenario, usually the care giver education and things like that are most
important.
And for the patients who are living in the nursing home, are you sometime doing treatment for people
who start to have dementia and the way they live in the nursing home is going to change because they
have dementia … Are you sometimes dealing with that?
Not generally, I mean we work on … cause a lot of time people have trouble with being able to figure out how to eat.
So a lot of time we look at feeding because they forget how to feed them self. But a lot of time we try to do more
compensatory things for them and we have to teach the care giver because a lot of times they don’t really
understand all of the components that go along with dementia to be able to relate to them a little bit more but we
don’t specifically address the dementia itself it’s more related to self-care needs.
When you say that you are doing education with the caregiver, if the person is living in the nursing
home, are you doing education with the nurses or … who are you educating in this case?
If it’s somebody that is living in the nursing home ____ more likely specifically the CNAs (Certified Nursing Assistant)
that work with these individuals. And if it’s somebody that is going home and they need more help to educate the
caregiver on things that they could do to help them to be safe to stay home and be able to meet their needs in order
X
for us to make a safe discharge for them to go home. So we do some education on what dementia is and how to
relate to them if it’s very new to these people. But mostly in the long term care part we do the CNA training.
So you told me a little bit about the activities that you use in your treatment. You told me about what
you are doing in the OT room with the dynamic exercises and those kind of things. Could you tell me
why you use those activities specifically? How do you chose an activity? Why do you chose this activity
in particular?
Definitely, the dynamic standing or sitting balance and functional endurance are really big ones that I address a lot of
time, because these people are at higher risk for falls. PT is also working with them on gait training and things but I
like to have them working on unsupported standing so if they are pulling up their pants or trying to bend down to get
something of the floor safely. Those are pretty important. A lot of time people have other comorbidities, especially
related to the heart so they might have congestive heart failure which also significantly impact their endurance. A lot
of time we have to do oxygen curve management and overall I thing everyone can benefit from doing standing task
because they are sitting most of the day. It’s good for them to get up and get things moving a little bit so that they’re
not losing muscles and things like that.
Is there any theories that support your practice? Any theories that support what you do in your
practice?
Yeah, definitely the neuro theories we use especially with stroke patient, or people with MS (multiple scleroses), or
people with traumatic brain injuries. Definitely the biomechanical is used a lot because there is a lot of physical
dysfunction that we get from the hospital, so there are total knee replacements, total hip replacements. And then we
definitely use client-centered models too, to be able to work on specific needs for that person.
And how do you use these theories in your practice? How do you relate those theories to what you do
in your practice?
So with the stroke patient, I like to work on the diagonal movements, weight baring, and things like that, for some
neuro reeducation. Getting to know the person, the things that they like to do is helpful to be able to tailor different
interventions that might be motivating for them, to be successful and work on their other goals while doing something
that’s fun and meaningful.
The activities that you are using now, everything that you are doing now in your practice, could you tell
me where did you learn those techniques or those activities? Did you learn it in your initial studies or
did you learn it in other formations that you did during you career? Could you tell me where and when
did you learn what you are using right now in your practice?
We learned the basic principles in school and then I participated in some clinics that we had on campus and
definitely when we went out into our field periods, I learned different techniques and things from other therapist that I
watched, supervisors that I’ve had, other co-workers that I’ve had. They have taught me different techniques and
things that they have found that were helpful to them. I’ve also been to a couple of continuing education courses to
get more experience with those kind of things, specifically the stroke things because that’s a theory that I enjoy
working with most in that population. So I want to be able to have more tools for me to use because not every stroke
patient is ever going to be the same so that’s where I … The hands on part is really where I learned the most.
The things that you learned in your neuro formation, was it things that you didn’t learned at all in your
initial studies?
Yeah, I would just implement, a little bit further the foundational knowledge that I had learned in college. And to be
able to see how it actually work with somebody is reassuring and things like that … based on the things that I have
learned in school already and just have never been able to get the hands on with it as a student.
Did you feel prepared when you graduate to be an OT? How did you feel about that?
Yeh, I felt prepared. I mean, it’s definitely a big transition from being a student from being a clinician yourself. But as
you watch other more experienced therapist and have other co-workers that you can bound ideas of ____ when I
started I had two jobs to begin with, initially I worked as an OT at another facility XXX, I still work there now it’s very
different between the two settings but I work for a skilled nursing facilities for both of my jobs and the jobs that I work
at full times, there is only two OTs, me and another person. Whereas at my other job, there is a lot of clinicians so
I’ve got to see a lot of different things.
XI
Where was the other place where you worked?
I work at a skilled nursing facility, it’s called XXX. My grandma is actually a long term care resident there, I was also
a student there. So I really enjoy working there because I like to hear what other therapists have done with my
grandma
I think, that’s everything I had to ask you, thank you very much !
XII
Annexe 5 : Entretien avec une ergothérapeute française en gériatrie (Ger-Fr)
Pour commencer est-ce-que vous pourriez me préciser votre lieu de pratique, votre population cible,
votre nombre d’année d’ancienneté et votre année de diplôme.
Je suis à temps plein à la maison XXX qui est un EHPAD, je suis à mi-temps sur le PASA ou je m’occupe de
personnes présentant des troubles de la mémoire et à mi-temps sur deux secteurs de l’EHPAD. J’ai eu mon diplôme
en 2005 et ça fait 9 ans et demi que je suis à la maison XXX.
Donc ça fait 9 ans et demi que vous travaillez avec une population âgée?
Un peu plus, depuis 2006 avec une population âgée.
Ok, du coup ma première question, c’est ; comment est-ce que vous définissez l’ergothérapie et la
pratique ergothérapique ? En gros, pour vous l’ergothérapie c’est quoi?
(rire)
C’est vaste. Je n’ai que des questions très vastes.
Oui, je me doutais bien. L’ergothérapie pour moi c’est pallier la perte d’autonomie en modifiant, que ce soit
l’accompagnement, l’environnement ou … on peut faire plein de chose en fait. Pour moi c’est vraiment pallier à la
perte d’autonomie.
Et du coup, pour vous, quelles sont les valeurs primordiales de la profession? Les principes peut-être,
qui sont chers à tous les ergothérapeutes ?
Par rapport à ?
Les valeurs qui sont portées par tous les ergothérapeutes.
…
Ça vous parle ou pas du tout ?
Si, si, si, je réfléchi juste … il y a l’écoute des personnes dont on prend soin, la personnalisation et je dirais une prise
en compte globale de la personne.
Est-ce que vous pouvez développer un petit peu plus quand vous dites personnalisation et prise en
charge global ? Qu’est-ce que vous sous-entendez par la en fait ?
Personnalisation c’est, on n’a pas d’accompagnement type, même, quel que soit la pathologie, le tout c’est que ce
soit adapté à chaque fois à une personne, et à une problématique. Et cette personne vivant dans un environnement
qui les est propre, il faut absolument prendre en compte tout ce qui peut l’entourer.
Pour vous quelles sont les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ? Quelles sont les
connaissances dont n’importe quelle ergo qui sort du diplôme a besoin pour être une bonne ergo ?
Déjà des connaissances au niveau des pathologies qui va être la base pour mieux comprendre les troubles. Une
connaissance de toutes les interactions qui peut y avoir autour d’une personne, dans quel système la personne vit et
quelles sont les interactions entre chaque intervenant, chaque …
Ce n’est pas évident comme question.
Quand vous dites quelles interactions il peut y avoir vous parlez en terme de psychologie ?
Ben sur tout en fait, c’est ça le truc. Ça demande de bien comprendre comment la personne vit … par rapport à son
environnement, au lien qu’il peut avoir avec d’autres personnes, d’un point de vue matériel, de beaucoup de choses,
de vraiment tout son environnement global.
XIII
Est-ce qu’il y a d’autres choses, d’autres connaissances qui vous paraissent primordiales pour être
ergothérapeute ?
Au niveau connaissance … après ça dépend ce qu’on appelle connaissance. Connaissance, compétence ou …
Vous pouvez développer …
Après, je considère que pour être un bon ergothérapeute il faut savoir aussi transmettre et travailler en équipe. Ce
qui est la base aussi … ce qui pour moi me parait vraiment très important. Et connaitre chaque champ professionnel
pour pouvoir bien intervenir auprès de chaque personne.
Ça marche. Du coup est-ce-que vous pouvez m’en dire un petit peu plus sur ce que vous faites en
ergothérapie ? De manière générale, votre pratique actuelle … qu’est-ce que vous faites en
ergothérapie ?
Moi j’ai deux postes qui sont assez différents. J’ai deux secteurs avec à peu près 70 personnes, ou là j’accompagne
les personnes dans leur dépendance, à tous les stades ; d’un point de vue matériel, d’un point de vue,
accompagnement un peu plus global pour que ce soit adapté à chaque personne et en fonction de ses difficultés.
Donc là je fais beaucoup … il faut que je forme beaucoup les soignantes qui interviennent auprès des personnes
dans la compréhension des pathologies et des personnes en elle-même, comment on peut intervenir auprès d’elles.
Et sur mon mi-temps au PASA, là j’ai plus en accompagnement des personnes mais de l’équipe aussi qui entoure
les résidents qui sont accueillis au PASA, avec un rôle de coordination par rapport au service ou les personnes
vivent. Du coup au PASA, elles ne viennent qu’à la journée donc pour que tout soit cohérent.
Et du coup en termes d’accompagnement des personnes, est-ce-que vous pouvez donner des
exemples ? Qu’est-ce que vous pouvez proposer aux personnes en ergothérapie ?
Au PASA ou ?
Les deux, dans les deux contextes
Concrètement ?
Oui, voilà
Ça va être installation d’aides techniques au déplacement, d’aides techniques en général, en fonction de ce que la
personne souhaite pouvoir faire malgré son handicap ou sa difficulté, donc ça peut être au niveau des repas, de la
toilette, de la chambre, des déplacements, des loisirs. Ça va être aussi essayer d’adapter l’accompagnement qu’on
peut proposer au sein de l’EHPAD pour que ce soit adapté, au niveau du rythme de vie, des animations qu’elle
peuvent faire ou pas. Il y a tout un accompagnement aussi, plus quand la dépendance est importante, un
accompagnement au niveau du confort, au niveau du matériel qu’on peut mettre en place pour ces personnes-là. La
formation des soignants par rapport aux manutentions. Je propose aussi un atelier mosaïque pour trois personnes.
Après c’est très vaste … ça peut être aussi des interventions au niveau de la structure en elle-même, des travaux
qui peuvent être faits, des réflexions par rapport à une organisation. Du coup je pense que les ergo ont aussi un
regard à avoir là-dessus.
Et au niveau du PASA, c’est de la mise en place d’activités, bien repérer les troubles de chaque personne pour
savoir comment on peut aider cette personne dans des activités ou qu’est-ce qu’on peut lui proposer pour que ce
soit vraiment adapté et pour la soutenir malgré sa maladie. Je fais beaucoup de formation aux soignants aussi, plus
par rapport aux troubles cognitifs, pour une meilleure compréhension et pour un meilleur accompagnement des
personnes. Je fais beaucoup de lien avec les familles aussi pour … dans la compréhension de la maladie e t de ce
qu’on peut ou pas proposer au PASA.
Et du coup, dans tout ce que vous proposez aux résidents, quel est votre objectif de manière globale ?
… oui voilà, dans tout ce que vous proposez est ce qu’il y a un but particulier que vous visez de
manière générale ?
C’est que les personnes vivent au mieux leur perte d’autonomie que ce soit physique ou psychique.
XIV
D’accord, et au niveau de … vous m’avez parlé d’une activité mosaïque, vous m’avez aussi parlé
d’activités au niveau du PASA, quels sont vos objectifs dans ces activités ?
Alors au niveau de l’activité mosaïque il y a des objectifs au niveau maintien des capacités de préhension, plus au
niveau physique on va dire et aussi tout ce qui est créativité et investissement dans l’activité que je recherche
beaucoup dans mon atelier.
Auprès de personnes qui présentent des troubles de la mémoire, on est plus sur du maintien des capacités, praxies,
gnosies, etc. mais aussi la valorisation des personnes. Et voilà, essayer de soutenir ce qui va encore pour que la
personne se sente bien et reconnue.
Et du coup, dans ces objectifs, en quoi l’activité mosaïque ou les activités que vous pouvez proposer en
PASA, en quoi elles permettent en particulier de répondre à ces objectifs-là ? Je ne sais pas si ma
question est très claire ?
Pas du tout !
Par exemple l’activité mosaïque, en quoi cette activité-là en particulier permet de répondre aux objectifs
que vous m’avez dits ?
Ah oui, pardon. Ce n’est pas tant l’activité qui m’intéresse, ce n’est qu’un moyen de parvenir à mes objectifs. Après,
il se trouve que la mosaïque plait beaucoup aux personnes âgées. Et c’est au fil de mon expérience ici où au début
je proposais de la peinture, du macramé, avec toujours les mêmes objectifs mais il s’est avéré que la mosaïque à
un côté très valorisant pour les personnes et crée beaucoup de lien avec les familles chez ces personnes-là. Du
coup c’est venu petit à petit.
Et du coup, dans l’accompagnement que vous proposez, en quoi l’accompagnement des personnes
âgées dans le contexte dans lequel vous travaillez est différent des autres domaines de l’ergothérapie ?
En quoi c’est différent d’un centre de rééducation, en quoi c’est différents des autres domaines de la
gériatrie ou un ergothérapeute peut intervenir ? En quoi le contexte dans lequel vous travaillez et la
population auprès de laquelle vous travaillez, fait différer votre pratique des autres domaines de
l’ergothérapie ?
En quoi, ça diffère ? Et bien parce que je fais partie d’un environnement particulier donc je pense que du coup on
développe des compétences ou des activités qui sont en lien avec l’endroit où l’on travaille et les besoins, là où l’on
travaille. Je pense que les objectifs de tous les ergo sont les mêmes mais après on n’a pas les mêmes moyens. Moi
j’ai des gens qui vivent ici, déjà c’est un lieu de vie donc ça va pas être la même chose qu’en rééducation ou les
gens ne sont que de passage. Après il y a des pathologies particulières liées à la gériatrie avec beaucoup de poly
pathologies ___
Est-ce que vous pensez que l’approche thérapeutique d’une personne plus jeune ou d’une personne
âgées en EHPAD et d’une personne âgée en centre de rééducation seront différentes ? En terme
d’objectifs et en terme d’activités que vous allez proposer.
Ça va forcément être différent, puisqu’on ne va pas forcément avoir les mêmes objectifs. ___ Enfin les objectifs
principaux vont être les mêmes. Les moyens vont pas forcément être les mêmes. Moi je ne fais pas, par exemple,
de prise en charge individuelle puisque j’ai beaucoup trop de monde par rapport à mon temps de travail. Donc je
suis plus sur un accompagnement beaucoup plus global, beaucoup en lien avec les autres professionnels pour que
ma pratique, ma vision des choses se retranscrivent en fait sur … enfin pour que ce soit efficace sur la personne il
faut que ça passe aussi par d’autres professionnels que moi.
Par exemple dans les formations que vous proposez aux autres soignants, ça porte surtout sur quoi ?
J’en ai fait beaucoup diverses et variées, beaucoup sur la manutention, d’un point de vue très technique, tout ce qui
est positionnement, positionnement des personnes, mais aussi de sensibilisation ___ polyhandicap, ça peut être de
la malvoyance, malentendance, troubles cognitifs. C’est plus comment on peut tout prendre en compte, pour
accompagner au mieux la personne. Là où je trouve qu’on est très spécifique, c’est qu’on sait différencier … quand
on voit une personne, on sait si c’est d’ordre physique, psychique, cognitif, sensoriel. On a cette capacité à pouvoir
différencier tout cela, ce qui n’est pas le cas d’autres professionnels. Et c’est là où je trouve qu’on aide énormément
les équipes, les équipes soignantes à accompagner les résidents.
XV
Et du coup justement par rapport à cette spécificité, vous diriez que le fait qu’il y ait une ergothérapeute
dans un EHPAD, ça apporte … est ce qu’il y a d’autres choses dans lesquelles ça apporte un plus, où il
y a vraiment cette spécificité de l’ergothérapeute qui apporte un plus à l’EHPAD ?
Oui, il y a tout le domaine … parce que c’est vrai qu’on est assez spécialisé dans l’accessibilité. Par rapport à ça,
moi j’ai beaucoup œuvré pour, quand il y a des travaux que je puisse adapter pour que tout soit pensé pour telle ou
telle problématique en prenant en compte le handicap visuel, auditif, sensoriel, cognitif, physique. De ce point de
vue-là, ça peut être aussi pour … on va acquérir bientôt un nouveau véhicule adapté donc c’est vrai que là-dessus
l’ergo a vraiment une spécificité qui est très intéressante pour les établissements. Voilà entre autres, c’est difficile de
faire le tour de tout.
Ça marche, du coup ma prochaine question, ce n’est pas une question piège, il n’y a pas de mauvaise
réponse. Est-ce qu'il y a des théories qui soutiennent votre pratique?
____ je vais avoir du mal à répondre à la question
Vraiment théories au sens large, n’importe quelle théorie qui soutienne votre pratique
Je n’ai plus trop en tête toutes les théories de l’ergothérapie. Après moi je suis vraiment dans quelque chose de très
systémique, très global.
Et du coup, en quoi le fait d’avoir une approche avec la théorie systémique, qu’est-ce que ça va …
comment vous utilisez cette approche ?
Disons que, c’est pour ça que je travaille beaucoup avec les autres professionnels, pour vraiment leur faire
comprendre tous les enjeux de l’accompagnement et que du coup ce soit beaucoup plus … enfin je trouve que c’est
beaucoup plus efficace comme accompagnement que si moi je faisais que quelque chose dans mon coin et sans en
parler aux autres. Je n’y vois aucuns intérêts. Du coup en prenant en compte tout l’environnement et toutes les
personnes qui peuvent interagir avec le résident, c’est beaucoup plus complet. Ça m’est arrivé aussi de faire des
formations aux bénévoles.
Les bénévoles qui interviennent dans quel cadre?
C’était de l’aide au repas
Et donc là, vous interveniez auprès d’eux pour …
Pour les sensibiliser au poly handicap
Ma dernière question ce serait, est-ce-que … ce que vous utilisez là, dans votre pratique actuelle, où
est-ce que vous l’avez appris ? Est-ce que c’était dans votre formation initiale ? Est-ce que c’était dans
d’autres formations que vous avez faites plus tard?
Beaucoup viennent de ma formation initiale, après je me suis un peu plus spécialisée par rapport à la manutention
avec la formation GAPA. J’ai fait aussi des formations escarres et positionnement pour des … c’est vrai qu’on a de
plus en plus de cas de personnes très … qui ont besoin d’installation spécifiques au lit ou au fauteuil. Après j’ai eu
des formations par rapport au ___ comment accompagner la personne donc c’était la validation de Naomi Feil par
exemple. Et après, beaucoup d’échanges aussi avec d’autres professionnels qui m’ont aussi appris beaucoup de
choses, que ce soit psychologue, diététicien, orthophoniste.
Et du coup vous diriez que quand vous êtes sortie du diplôme vous vous sentiez prête ? Vous vous
sentiez suffisamment préparée ou au final vous avez presque plus appris après votre diplôme
qu’avant ?
___ forcément évolué mais la formation initiale donne une manière de voir les choses, qui reste. Après on peut
apprendre des choses très techniques, se spécialiser dans des choses par rapport aux problématiques qu’on peut
rencontrer sur le terrain on va dire. Mais non, je pense que quand même, j’ai gardé beaucoup de choses de la
formation initiale, plus d’un point de vue d’une manière de penser, de voir les choses, d’agir.
XVI
Est-ce que vous pourriez me décrire un peu cette manière de penser qui vous vient de votre formation
initiale ? C’est un regard particulier ? Comment … est-ce-que vous pouvez m’en dire plus?
Eh bien, le fait de prendre en compte la personne de manière globale, de bien comprendre toutes les personnes,
tous l’environnement humain et matériel qui peut interagir avec la personne, là je pense que c’est vraiment la
formation de base qui donne ce genre de … après il y a quand même toute la mise en place d’objectifs, parce qu’on
ne travaille pas à l’aveuglette, on a toujours un objectif et ça c’est quelque chose, je pense, qui est primordial… la
recherche de solutions, si dans nos connaissances à nous on en a pas … je pense que c’est la formation de base
qui la donne.
Voilà, je crois que c’est toutes les questions que j’avais à vous poser. Merci beaucoup!
XVII
Annexe 6 : Entretien avec deux ergothérapeutes françaises en pédiatrie (Pedia-Fr)
Juste pour commencer est-ce-que vous pouvez me préciser votre lieu de pratique, votre population
cible, votre nombre d’année d’ancienneté et votre année de diplôme.
Alors, là on travaille au cabinet XXX. On est une équipe pluridisciplinaire donc 12 professionnels, avec 3
ergothérapeutes, 4 orthophonistes, 1 psychomotricienne et 4 neuropsychologues. On est à peu près 12 avec des
temps partiels, des temps pleins, des remplacements, ça change un petit peu. Je travaille dans le cabinet depuis
l’année 2011, du mois de septembre 2011. Et je suis diplômée depuis 10 ans.
Ok, donc 2007?
2007, c’est ça. J’ai travaillé à Paris d’abord dans un CAMS (Centres d'Action Médico-Sociale Précoce), ensuite j’ai
travaillé en libéral à Paris et ensuite je suis partie une année à l’étranger. Et j’ai atterri à XXX en 2011.Et
actuellement, je travaille aussi dans une structure qui s’appelle XXX pour des enfants qui ont des troubles du
langage et des problèmes de surdité.
Du coup votre population cible au sein du cabinet libéral c’est plutôt quoi ?
Alors c’est surtout des enfants, des troubles des apprentissages, des dys. Et on a aussi des personnes âgées ou
des adultes qui vivent des situations de handicap et qui ont besoin de conseil en aménagement du logement, de
conseil pour leur quotidien. Mais le gros de notre population c’est quand même les enfants. C’est pour ça aussi
qu’on est installé en équipe pour pouvoir avoir un regard un petit peu multiple sur les situations des enfants qui ont
des problèmes ___ scolaires.
Ok, donc voilà c’était juste un peu pour préciser d’où vous venez, ce que vous faites. Voilà, comme
j’interroge des ergothérapeutes dans différents domaines, j’ai besoin de ce genre d’information. Du
coup ma première question ce serait ; comment vous définissez l’ergothérapie et la pratique
ergothérapique? Donc en gros, pour vous, l’ergothérapie c’est quoi?
Par rapport à moi, l’intervention que je fais dans mon métier, c’est vraiment le handicap au quotidien…Ah il y a ma
collègue qui me retrouve. Elle va pouvoir compléter un petit peu les choses. Je vais mettre le micro en haut-parleur.
Bonjour
Bonjour!
(À sa collègue), donc là la question c’est « qu’est-ce que c’est l’ergothérapie au quotidien ? Qu’est-ce que c’est
l’ergothérapie pour moi ?»
Donc on va prendre l’angle de notre pratique. Donc nous on a surtout des enfants, donc par rapport aux enfants,
c’est vraiment comment ils vivent leur handicap au quotidien et comment on peut les aider à compenser ces
situations de handicap, compenser ces difficultés dans cette sphère. Donc on est surtout dans la sphère
« connaître », donc les aider à écrire, les aider à utiliser les outils scolaires pour pouvoir suivre leur scolarité et on a
un regard évidement sur la sphère personnelle, comment ils sont au quotidien, est-ce qu’ils sont aussi en difficulté
pour les activités du quotidien donc les repas, la toilette, l’habillage. Du coup on travaille tous ces trucs-là en
essayant de garder un côté ludique quand même donc on travaille ça par des jeux, des activités rigolotes.
Du coup selon vous, quelles sont les valeurs primordiales de la profession ? Quand je dis valeurs, c’est
tous les principes, les valeurs qui sont chers à tous les ergothérapeutes ?
« Valeur » ce sont des grand mots, mais sinon ce serai plus avoir une approche globale, savoir à qui on a affaire et
pouvoir tenir compte des difficultés de la personne aussi, ce qu’elle est, elle, dans sa vie, dans son quotidien.
Il faut savoir vraiment s’adapter en fait, ne pas reproduire une situation. Enfin chaque enfant est différent et il faut
être à l’écoute de leurs demandes et ne pas rester dans nos valeurs à nous.
Proposer un accompagnement adapté, individualisé
Il y a l’empathie aussi et … l’imagination ?
Oui la créativité
XVIII
Et du coup pour vous, quelles sont les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ?
Quelles sont les connaissances que n’importe quel ergo doit avoir pour être un bon ergo quand il sort
du diplôme ?
Je trouve que déjà quand _____ tu sais tout ou rien.
Quand tu sors des études tu as une vue d’ensemble, mais tu n’es pas spécialisée. Tu n’as pas encore de … tu es
spécialisé un petit peu par ton mémoire parce que tu as creusé quand même un sujet, sur lequel tu as passé du
temps. Mais moi j’ai commencé le libéral assez tôt dans mon expérience professionnelle et j’ai trouvé que c’était
difficile parce qu’il fallait aller chercher plein d’informations et il fallait s’adapter à plein de situations nouvelles, avoir
l’air d’être crédible alors que tu sors de tes études donc t’as pas forcément d’expérience sur laquelle t’appuyer. Je
trouve que les connaissances que tu dois savoir c’est que justement tu as encore plein de trucs à apprendre ! Savoir
que tu as encore beaucoup de choses à creuser.
Mais du coup dans les connaissances justement, qu’est ce qui serait à creuser ? Quelles
connaissances vous ont manquées à la sortie du diplôme ? Quelles connaissances vous ont servi le
plus?
Je dirais que … moi j’ai suivi une formation en Belgique, j’étais à Bruxelles pour mes études. J’ai trouvé que j’avais
eu une formation quand même assez solide en termes de connaissances théoriques. Je savais, quand je suis
arrivée sur le terrain, je connaissais, j’avais toujours entendu parler des pathologies mais je les avais plus ou moins
étudiées, plus ou moins rencontrées et j’en avais pas une connaissance vraiment pratique, je ne savais pas ce que
ça représentait, à part les stages que j’avais faits. J’avais rencontré par exemple, des personnes qui avaient fait des
AVC, des troubles neuro mais bon, ça restait des stages ou on est moins impliqués, il y avait moins de
responsabilités.
Moi j’ai commencé par de l’humanitaire donc c’est un peu différent, ce qui m’a servi c’était toutes les connaissances
qu’on avait dans la recherche d’information justement et dans … comment aller rechercher des informations
comment organiser … plus dans la forme que dans le fond des connaissances
Plus de la méthodologie de recherche ?
Oui c’est ça exactement.
Après les connaissances qu’on avait … moi j’ai fait mes études à Créteil. Les connaissances qu’on avait sur le corps
humain sain, c’est quand même une bonne base après quand tu … enfin moi j’ai trouvé quand j’ai débuté, pour me
rendre compte justement des difficultés, repérer les situations de handicap et améliorer _____. C’est déjà pas mal
de bien connaitre le corps.
D’accord. Alors la question suivante est assez vaste mais vous pouvez développer autant que vous
voulez. Qu’est-ce que vous faites en ergothérapie ? Dans votre pratique quotidienne, qu’est-ce que
vous faites ?
Qu’est-ce qu’on fait en séance avec les gens ?
Oui, qu’est-ce que vous faites en ergothérapie ?
Il faut structurer la réponse parce que la question est assez ouverte donc l’idée c’est de voir un petit peu le public
qu’on a. Quand on est avec des enfants qui ont des troubles des apprentissages que ce soit physiquement, des
troubles du geste, de la coordination, et aussi des troubles du graphisme ; on va vraiment travailler sur tout ce qui
est motricité fine. On va à la fois utiliser … mettre les enfants en situation de difficulté, pour pouvoir évaluer leurs
difficultés. Ce n’est pas très agréable pour eux mais on est obligé de poser les choses pour savoir d’où on part. Et
après, par exemple pour le graphisme, une fois qu’on aura évalué les difficultés à l’écrit, on va savoir un petit peu ce
qui est plus difficile, on va savoir si ce sont des difficultés perceptives, ou plutôt attentionnelles ou plutôt gestuelles,
et en fonction ce que nous aura dit le bilan on va orienter notre prise en charge. Faire un petit peu dans ces
sphères-là. On va travailler tout ce qui est motricité fine. On va travailler aussi tout ce qui est …
En fait on peut proposer des exercices analytiques comme déplacer des pions, chercher des objets dans des bacs
de graines ou de riz, manipuler des objets.
Travailler sur le sensoriel, on va travailler sur le canal kinesthésique mais … puis là aussi, comme je disais tout à
l’heure, sur le canal visuel.
XIX
Comment vous aller … quelles activités vous aller utiliser pour faire ça par exemple ?
On travaille pas mal à partir d’une méthode d’écriture, lecture qui s’appelle Youpla-Go, pour faire du graphisme et
qui s’inspire de plusieurs autres méthodes.
Donc par exemple, là, c’est pour ça que je parlais des différents canaux kinesthésique, auditif, visuel. Après on va
aussi utiliser les jeux qu’on trouve dans le commerce ou spécialisé et qu’on adapte en fonction de l’objectif qu’on
vise donc … ça va être dur de te citer tous les jeux ! On peut passer aussi par des livres de coloriage du commerce
ou spécialisé. On peut vraiment utiliser tous les supports. L’idée c’est de l’adapter et après, de complexifier pour
atteindre notre objectif.
Et du coup dans le choix de vos supports, qu’est ce qui va vous orienter dans le choix d’un support ou
d’un autre ? Qu’est ce qui va faire que vous allez vous orienter vers un jeu ou un autre ?
C’est le jeune, en fonction de ce qu’il aime bien. Tu vois ce matin j’ai reçu en bilan un petit garçon qui a 6 ans et qui
n’écrit pas du tout. Il est en CP, il n’écrit pas. Et c’est un truc qu’a été vu en bilan, déjà en psychomotricité, en
neuropsy, en orthophonie. Donc déjà quand j’ai vu tous les bilans, je me suis dit : « il y a déjà plein de choses qu’ont
été faites donc je vais essayer de proposer des choses qui n’ont pas encore été faites et puis pas forcément d’être
sur l’évaluation puisque l’évaluation est faite. Il faut que je lui propose plus des outils, de voir ce qu’on peut
envisager comme outil de compensation, comme matériel. » Donc il y a évidemment l’ordinateur mais comme c’est
un tout petit, l’idée c’est quand même de lui proposer une rééducation à l’écrit. Donc ça je pense que ce sera fait par
la psychomotricienne parce qu’il y a un suivi qui a déjà commencé. Mais du coup moi je peux compléter par des
outils de compensation, donc différents types de stylo, différents types de feuilles. C’est un enfant qui a tendance à
bouger donc il peut y avoir aussi des aides techniques à ce niveau-là…. Je ne sais plus trop de quoi on parle
Des activités qu’on utilise …
Il y a aussi tout ce qui est écologique, donc quand on se rend compte que … par exemple lui, j’évaluais un peu la
sphère des AVJ (activités de vie journalière) et je me rendais compte que c’était un peu compliqué … enfin je me
rendais compte … ce n’était pas vraiment une surprise parce qu’on est dans un profil de dyspraxie, un profil dys. Je
l’ai mis en situation sur tout ce qui était les boutons, les fermetures, les scratchs, les lacets … bon les lacets il est
encore petit mais c’était compliqué. Donc on se rend compte qu’il y a des choses à reprendre. Et aussi on a mis en
place différents types de groupe, on a notamment un groupe cuisine une fois par mois. Et donc j’ai imaginé que c’est
un groupe qui pourrait avoir du sens pour lui puisque c’est une activité qu’il aime bien et qui est compliquée pour lui
au quotidien.
Et du coup ces activités de vie quotidiennes que vous travaillez, donc là par exemple vous m’avez parlé
du groupe cuisine, mais par exemple vous me parliez de faire ses lacets, mettre des boutons ect,
comment vous allez intervenir sur ces activités ? Comment vous aller vous y prendre pour apprendre …
pour travailler ça avec l’enfant ? Quelles sont les activités que vous allez utiliser pour travailler la vie de
tous les jours ?
On a des exercices un peu analytiques. On avait fabriqué un … un peu comme les kits d’autonomie, où on apprend
avec les boutons, les fermetures éclair, les lacets. Après quand ils viennent je vais demander à l’enfant de retirer
son pull parce qu’il fait chaud, de s’installer sur un tapis donc il faut retirer les chaussures, les chaussettes et puis
après on les remet, en situation.
On a des outils, des petits jeux qui nous permettent de travailler ça en amont et ensuite d’arriver sur l’objet même de
la difficulté, donc des jeux de laçage, de manipulation fine. Il y a une méthode aussi pour le laçage ____ et puis on
leur explique, on joue en faisant des lacets. Moi ça m’arrive aussi de leur montrer des vidéos sur YouTube. Il y a des
ergo qu’on fait des petites vidéos avec des Play mobiles et des machins qui leur parlent.
Du coup ce qui oriente votre choix vers une activité … vous avez parlé d’activité plutôt analytique et de
l’activité en elle-même que vous voulez travailler. Ce qui oriente votre choix vers une activité ou l’autre
c’est de d’abord commencer par de l’analytique pour aller ensuite vers l’activité que vous voulez
travailler. C’est dans cet ordre-là ou ça dépend des prises en charge ?
Ça dépend des enfants.
On essaie d’avoir les prérequis pour les lacets, la bonne pince, la bonne motricité, la bonne coordination. Et après
on passe aux lacets.
XX
Ok, du coup ça c’est pour les enfants dys. Est-ce que vous avez des enfants avec d’autres
pathologies ? Je pense notamment aux enfants avec des paralysies cérébrales, ou ce genre de chose.
On a des enfants avec de ____
Et qui présentent aussi des difficultés praxiques, des difficultés similaires parce qu’il y a aussi des difficultés
procédurales, donc par exemple savoir comment, dans quel sens on prend les choses. Donc il faut être ___ de la
même manière qu’il faut l’être avec des dys. On a des enfants avec des paralysies cérébrales.
Là on intervient sur le quotidien.
Par exemple le jeune IMC qu’on a, il a aussi des troubles des fonctions exécutives et on ramène ça à des situations
de vie quotidienne. Il y a beaucoup d’exercice qui existe sur « comment organiser un repas pour 20 personnes ?
Qu’est-ce qu’il faut que tu fasses ? Comment t’organise les choses ? ». Travailler sur rendre la monnaie par
exemple, c’est un grand il a 15 ans… rendre la monnaie, moi ça m’ait arrivé de travailler pour prendre le bus, se
déplacer seul, trouver le bus. Je lui disais : « il faut qu’on aille dans tel magasin ». Il se débrouillait pour faire le trajet,
prendre le bus et moi je le suis.
Et du coup vous m’avez dit que vous travaillez dans un cabinet où il y avait d’autres professions. Les
professionnels travaillent tous autour des mêmes patients ou les patients que vous avez en
ergothérapie n’ont pas forcément de séance avec les autres thérapeutes ?
Il y a les deux. Il y en a qui sont suivis par plusieurs professionnels et d’autres seulement par l’ergo.
Et du coup quand un enfant est pris en charge par plusieurs professionnels, qu’est ce qui va
différencier votre approche et votre prise en charge de l’approche et de la prise en charge des autres
professionnels ?
On ne fait pas du tout les mêmes activités. Après il y a souvent des aspects communs, des interventions communes
avec la psychomotricienne en général. Mais du coup on s’est distribué les choses, on s’est redistribué les rôles. On
est parti du principe que la psychomotricienne intervenait plus sur tout ce qui était motricité … après ce n’est pas
tout noir ou tout blanc mais elle intervient plus sur tout ce qui est motricité globale, la latéralité, l’aspect corporel et
puis tout ce qui est angoisse, agitation ou avec les enfants qui prennent jamais de décisions, qui restent un peu en
retrait. Et ensuite, nous on va être plus sur tout ce qui est activités scolaires donc écriture, utilisation des outils
scolaires comme la règle, le stylo, le compas.
En sachant qu’avec un enfant qui a des problèmes de motricité globale et des problèmes à l’écrit, elle va faire les
choses dans l’ordre mais ça ne l’empêchera pas de faire écrire ce gamin. Et nous on prendra le relais à un moment
donné si c’est nécessaire mais l’idée ce n’est pas non-plus de décupler trop les prises en charge parce que c’est
fatiguant pour les enfants donc il faut faire ça en bonne intelligence.
Après il y a des professionnels avec lesquels on est complémentaires, comme les orthophonistes quand on met en
place un ordinateur avec les logiciels. Ça nous arrive de faire des séances en commun pour voir comment … par
rapport à la reconnaissance des mots par exemple, quelles sont les capacités de l’enfant par rapport à la
reconnaissance des mots et après adapter le logiciel. Donc on est complémentaire.
Alors la question suivante n’est pas du tout une question piège. Il n’y a vraiment aucune mauvaise
réponse. Est-ce qu’il y a des théories particulières qui soutiennent votre pratique ? C’est vraiment
théories au sens très large, n’importe quelle théorie qui soutienne votre pratique.
Je sais pas parce qu’on n’est pas dans un courant psy particulier parce que ce n’est pas notre approche. On est
dans une approche … je ne sais pas moi.
Ecologique déjà, ça c’est sûr. Autrement des théories en tant que telles non.
Théories ou modèle?
Moi quand j’ai fait mes études on ne nous parlait pas trop des modèles. Alors que quand je lis les mémoires, je vois
que toute, vous utilisez vos … les modèles je les découvre en lisant les mémoires.
Il y en a dans lesquels vous vous retrouver plus particulièrement ?
… il y en a un qui est très écologique mais là je me souviens plus.
XXI
Donc du coup dans toutes les activités que vous faites avec les enfants en particulier, est-ce-que vous
savez ou-est-ce que vous avez appris l’utilisation de telle ou telle activité ? Est-ce que c’était dans votre
formation initiale ou est-ce que c’était par la suite ? Est-ce que c’était en stage ou dans des formations
que vous avez fait par la suite ?
Moi je trouve que la formation initiale a permis de…
De s’ouvrir sur le fait qu’une activité peut être faite de mille façons différentes après je pense que c’est la pratique
qui fait que … voir, par exemple, quand ma collègue utilise une activité d’une façon à laquelle je n’ai pas pensé que
je dis « ah mais oui ». C’est la pratique et l’expérience qui fait que …
Oui et puis c’est surtout, on s’est aussi enrichi par le fait de travailler ensemble. On fait des réunions pour pouvoir
travailler ensemble. On fait aussi des visites à domicile ensemble parce qu’on trouve qu’on est plus intelligent à
plusieurs et puis aussi de travailler avec d’autres professionnels pour avoir un autre regard, ça permet d’élargir un
petit peu notre …
Les formations ça aide mais dans les formations tu restes sur … enfin il y a de la pratique mais tu fais plutôt de la
théorie sur la pratique.
Après il y a les formations ___ c’est intéressant quand même.
La formation Youpla-go, tu travailles sur des problématiques très claires. Tu te formes avec les professionnels en
fait.
Vous trouvez que les formations que vous avez faites après votre diplôme étaient plus
professionalisantes … plus pratiques que votre formation initiale ?
Disons qu’elles étaient spécialisées dans ___ alors que la formation à l’école elle est assez large. Ça te spécialise
un peu dans un domaine, l’enfance, la gériatrie, l’aménagement du domicile.
Par exemple, à l’école j’ai très peu vu les troubles dys. J’ai vu les troubles dys mais plus dans un contexte d’IMC. La
dyspraxie, ce n’est pas du tout la même dyspraxie que je côtoie aujourd’hui dans le cabinet par exemple.
Il y a une question que je ne vous ai pas demandé ; les enfants que vous recevez dans votre cabinet,
comment est-ce qu’il arrive chez vous ? Et quand il arrive, qu’est-ce qu’ils savent de l’ergothérapie ?
Est-ce qu’ils savent déjà ce que c’est et qu’est-ce qu’ils en savent ?
Ils n’en savent rien du tout en général. Ils nous sont envoyés par les écoles, par les neuropédiatres, par nos
collègues
Soit par des parents qui cherchent tous seul sur internet. Il y a plein de biais. Des parents qui cherchent sur internet,
qui voient que ergothérapeute c’est pas mal et qui tape ergothérapie Rennes… et aussi par les écoles
Le bouche à oreille. La par exemple, le jeune que j’ai eu ce matin, il est venu parce que … c’est un hasard en fait
c’est la maman qui était collègue avec une ergo.
Et quand c’est comme ça, qu’est-ce qu’ils savent de l’ergothérapie et qu’est-ce que vous vous leur dites
quand ils arrivent ?
Les enfants ils ne savent pas grand-chose mais …on les voit pour le bilan en premier, donc je leur explique pourquoi
on doit faire le bilan. Je ne leur explique pas forcément l’ergothérapie, je leur explique pourquoi on fait le bilan et
pourquoi derrière on va pouvoir les aider ou pas. Mais je ne vais pas dire l’ergothérapie c’est ça ou ça.
Il faut expliquer aux parents par contre, qui ont été orientés en orthophonie puis en psychomotricité et qui finalement
se retrouvent en ergo. Et qui nous disent : « je comprends pas ». Ça peut arriver d’expliquer aux parents ce que
c’est. Et du coup, je vais plus dire : « l’ergo c’est plus dans les activités du quotidien que ce soit scolaire ou privé » et
puis comparer après avec la psychomot, ou elle, elle intervient sur la motricité globale, ce que nous, on ne fait pas
… mettre le cadre de l’ergothérapie.
Mais faut pas s’imaginer qu’en arrivant, ça y est, les gens connaissent l’ergothérapie. Non, les gens ne connaissent
pas l’ergothérapie, mais même les médecins.
Mais du coup ce qui va les alerter ça va être plutôt le graphisme ou plutôt la vie quotidienne ? Sur quelle
activité ils vont tiquer et dire « ben là c’est une ergo qu’il faut » ?
L’aménagement de logement
XXII
Les maisons de retraite nous sollicitent aussi pas mal pour les positionnements
C’est vrai qu’ils connaissent plus l’aspect aménagement, installation que tout ce qui est rééducation, graphisme.
Alors qu’avec des enfants vous faite plus de rééducation que d’aménagement …
Ah ben oui, oui
Ça marche. Juste pour la personne qui est arrivée en deuxième, est-ce-que vous pourriez me préciser
votre … lieu de pratique du coup je sais, population cible, mais votre nombre d’années d’ancienneté et
votre année de diplôme
Mon diplôme c’est 2004 et donc ça fait … 13 ans !
Vous avez fait 13 ans avec des enfants ?
Non, j’ai fait la majorité avec des enfants mais j’ai aussi travaillé en centre de rééducation adulte en neurologie.
Sinon pour la population, vous avez la même population … à la fois des enfants … enfin beaucoup plus
d’enfants mais à la fois des enfants et des adultes ?
Je suis à 50% en libéral donc enfants, adultes et maison de retraite et à 30% dans un SESSAD (service d'éducation
spéciale et de soins à domicile) donc enfants avec un handicap moteur et 20% dans un foyer d’accueil médicalisé
avec des adultes autistes et polyhandicapés.
Ça marche. Merci beaucoup pour cet entretien
XXIII
Annexe 7 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en pédiatrie (Pedia-US)
Could you just tell me precisely where you work, who are your clients, when did you graduate and how
many years have you been working in your domain.
So I work at a pediatric facility called XXX in XXX. And I service children in early intervention and preschool as well
as seeing children in the clinic. I have been practicing occupational therapy for over 30 years.
Ok and during those 30 years, have you always been working with children?
No I had some work with pediatrics or I have worked in adult neuro so I worked with adults with strokes or spinal
cord injury.
But for the last 12 years I have been in pediatrics.
Ok. So my first question would be: how would you define occupational therapy? What is OT for you?
Occupational therapy is facilitating the children’s ability to participate in their daily functional tasks, so that could be
play, it could be self-care, it could be engaging in social participation with other children. So whatever is preventing
them from doing their occupations, their daily tasks, Then I’ll try to analyze what those factors are that are getting in
the way and then try to facilitate that to improve functional performance.
So, for you, what are the main values of the profession?
It’s helping children be able to function more independently for some it’s children being able to be happ ier. I mean
I’ve seen some children that are afraid of being on a playground and not playing and being afraid of a swing or
children with cerebral palsy that can’t play you know they don’t engage with other children because playing is so
challenging for them. So the reward is getting them to … you know … participate and then being able to be more
independent, you know even as simple as a child being able to tie their shoes is very rewarding
What I mean is more what are the main ideas, the values that are commune for all OTs, the ideas that
any OT have in their practice
I think the biggest value is helping people being more independent and being able to function more independently in
their routine, whatever age
Is that what you’re asking?
Yes I think you answered
Yes, for me it’s always to help the person to be able to do more for them self than they could before they had OT.
For you, what are the knowledge that OT practice requires? What are the knowledge that any OT should
know before practicing OT?
What an OT needs to know is all the science that is required such as anatomy and physiology, basic biology,
neuroanatomy, so an understanding of how the body works because if you don’t have the understanding on the …
biomechanics and also neurophysiology then it’s going to be difficult to understand what it is that you need to do as
an OT. But beside all the sciences, I do think you need to have a good background in the psychology piece as far as
understanding human behavior, and that’s at any age, children up to adults and also just developing those skills in
being able to facilitate participation and so, most of those falls on the line of psychology that’s why I think we have
such a nice mix because we have both sciences and psychology
I think another thing that is a basic for Occupational therapy is an understanding of activity analysis, so being able to
look at a task and then break it into steps because if you can’t do that then it’s hard to figure out how to help a
person being more independent so I think an understanding of activity analysis is an important piece of occupational
therapy as well
My next question is very broad and I already saw a little bit of your practice but just answer as if I didn’t
know you at all. So my question is: what do you do in OT?
As a pediatrics therapist, first of all in early intervention and preschool, I travel into the child ’s home or into their
preschool and I work with them in their natural setting, that’s very different than working in the clinic. I get an
assessment of what a child can or can’t do in their home and work with them and their family as far as what their
XXIV
goals are and then search to develop a treatment plan to facilitate those goals. So if it’s a child that has difficulties
sleeping or transitioning or playing with a sibling or engaging with the family then that’s what I work on, in that
setting. If I’m in a preschool setting then I’m looking at what skills they need to function in that preschool setting, in
that classroom and then I also, as part of my practice treat individuals that come to our outpatient clinic so when they
come there, it’s not their natural setting, it’s a clinic setting but I’m looking at those client factors so what they are
having difficulty with as far as physically or from a sensory prospective or behaviorally and then work with the family
and the child in improving those skills so again ______ that are identify by the child and the family, the parents.
And how do you do to work on different skills? What kind of activity do you do with them?
That depends, I mean ____ the child has sensory based needs then I’m looking at what aspects of sensory
processing they have difficulties with, if they have a high threshold or a low threshold to certain sensory input then
I’m going to work on different sensory systems so I might be trying to improve their tolerance to vestibular input for
movement and so we might be doing stuff with swings or rotary movements or linear movements. If it’s a child that
needs more proprioceptive input then we’re going to do a lot more of heavy work, input to their muscles and joints,
so climbing, crawling ___ resistive
If I have a child with cerebral palsy, and I need to work on trying to decrease tone in their arm I might do splinting, I
might do weight baring activities, more neuro-developmental treatment. So it depends on really what the concern is.
Again with children with orthopedic disability, then I might be doing something more with biomechanics and trying to
improve biomechanics in the arm or the hand to improve function that way. So it really depends on the diagnosis and
the underlying factors that are preventing them from participating in their functional tasks.
So your goal, when you use whatever activities, your goal is always function?
Yes, always function … always
And how do you relate your activities with function, how do you do this connection between what you
do in your practice and the function? For example at the end of the treatment do you work on the
function that you wanted to work on?
It might be the function specifically, if it’s being able to button a shirt or tie shoes or hold a pencil correctly. Then it
might be working specifically on that task. If it’s working on improving eating then we might also being just working
on eating but before that we might have done some sensory play with different textures to try to reduce some tactile
or oral aversions so that might be something at the beginning of the session and at the end of the session actually
doing the task. If it’s working on sleep which I can’t do in the clinic and not so much at home then we might just talk
about, with the parents, activities or suggestion that will help improve sleep so it will be more of parent education at
that point. If we’re working on transitions, it might be again more parent education but we might be working on
transitioning from one play activity to another play activity in the clinic. If a child want to be able to play with a certain
toy then maybe we play with toys that are similar to that so they can do that activity at home.
Is there any theory that supports your practice? Any theory that you use … that supports your practice?
Definitely motor learning theory which is also … to me it incorporate neuro-developmental treatment so: motor
learning, neuro-developmental treatment and also sensory integration. Those are the three, probably the biggest.
And then sometime just, biomechanical also. I would say those theories are probably the biggest theories that we
use … adaptation, as well, which falls sometimes into the rehab model
And how do you use these theories? How do these theories help you in your practice?
I’m using the principles of the theories. So, if I have a child … for instance … recently I have a young child who is not
really moving just sits on the floor, so it’s an infant, like a 8 months old, he’s not crawling at all. So I’m going to use
the concepts of neuro-developmental treatment and also motor learning theory, to facilitate crawling so I’ll practice
that, I’ll do hands on hand, but I know what the developmental steps are for crawling. So I’m going back to that
theory and using that and facilitating that and providing some hands on but also providing opportunity for problem
solving so that the child learns how to crawl over an obstacle on their own so they’re doing some problem solving
within that environment so that’s kind of motor learning theory. If I’m using sensory integration theory then I’m going
to use all that I know about all the sensory systems, vestibular and proprioceptive and incorporate what I know about
those sensory systems and how I can facilitate ____
So if I’m working with a child and I need to use a sensory integration theory, then I’m going to use the principles of
that theory, everything I know about the sensory systems and incorporate those principles into my treatment session.
If it’s a child who requires splinting then I’m going to use all that I know about biomechanics and the biomechanical
principles to improve range of motion ___ I’m using the principles of the theory in my practice all the time.
XXV
And the theory that you use depends on the pathology of your client?
Yes, I would use different theories with different children for different reasons. What are the reasons why they can’t
participate in an activity, is it because of weakness, is it because of difficulties with sensory processing, is it because
of increased tone, is it … they just can’t motor plan … so depending on that reason I’m going to … it makes me
decide which theory I’m going to use.
I have one last question: the activities that you use now in your practice, where did you learn to use
these activities? Did you learn it in your initial studies or did you learn it after when you did other
formations during your career? When and where did you learn these activities?
Some of the basics, I learned that in school so my neuro anatomy, anatomy and physiology, you know the basic
foundational skills. The psychology, all of that was learned in school. _____ has been learned through practice and
learning from others. Some of that has been learned by attending numerous conferences over the years. I try to go
to one or two every years. And so those extended educational experiences help me refine my skills and help me
build on … you know there is a lot that has changed especially in theory development from when I went to school
and graduates in 1982. So there is a lot that changed, so it’s important to stay current. So I definitely can’t rely just
on what I learned in college but it’s what I’m learning currently at news conferences and workshops.
For example, when you start to work with children … before working with children you were working
with adults with stroke in a neurology service … so did you have to learn or re-learn something specific
or … how did you do to change your domain of practice?
Definitely, ___ I start ___ learning more treatment approaches like within … you know specific techniques maybe
with the sensory integration. But when I worked with adult neuro, I did a lot with motor learning and neuro-
developmental treatment and those are the same things that I’m using in pediatrics so that was just working on a
little person instead of a big person but using those same concepts that I was using from those foundational skills
and theories.
Ok, thank you very much for your answers. Thank you very much for this interview.
XXVI
Annexe 8 : Entretien avec une ergothérapeute française en psychiatrie (Psy-Fr)
Pour commencer, est-ce-que tu2 pourrais me préciser ton lieu de pratique, ta population cible, ton
nombre d’année d’ancienneté et ton année de diplôme ?
Ok, donc moi je travaille à 70% sur un nouveau service qui vient d’ouvrir, il y a un an. Moi ça fait deux mois que je
suis dessus. Ça s’appelle le CIAMM, c’est l’acronyme de centre intersectoriel d’activité à médiations multiples. Donc
j’y suis depuis deux mois.
Le reste de mon temps je suis sur de l’extrahospitalier, un CATTP (Centre d’Activité Thérapeutique à Temps Partiel)
qui est sur XXX et qui est intersectoriel aussi. Il n’y a pas de secteur de référence.
Pour t’expliquer un petit peu, le CIAMM, donc là où je suis actuellement. Ce n’est pas un lieu de vie. C’est
uniquement un centre de médiation. Donc on est plusieurs professionnels à intervenir sur le centre, donc tu as une
art-thérapeute qui est infirmière de formation et puis plusieurs infirmiers qui sont formés à différentes médiations …
donc eux ils font par exemple, il y a de la relaxation, des espaces verts … donc voila
Donc moi, avant ça j’étais, sur les 70%, dans une unité de vie, toujours en intra-hospitalier donc avec une population
plus de … là c’étaient que des chroniques
Parce que là, la population que tu vois actuellement ce n’est pas forcément des pathologies
chroniques ?
Là aujourd’hui au CIAMM, l’idée c’était de ré-ouvrir un service pour que tout patient déjà hospitalisé sur l’hôpital
puisse bénéficier, s’il le souhaite, de médiation, ce qui n’était pas forcément le cas avant. Il y avait plus cette
possibilité-là depuis quelques années … depuis qu’ils ont sectorisé … alors je ne sais pas si tu as entendu parler de
la sectorisation
Oui, oui … du coup vous ne recevez des patients que de certaines zones géographiques pour que ce
soit plus proche du domicile du patient, c’est ça ?
Voilà, et donc du coup, à l’origine il y avait un centre d’ergo où les patients venaient comme la aujourd’hui et puis
quand la sectorisation est arrivée, on a été rattaché aux services et plus au centre d’ergo … donc là l’idée c’était ça
en fait, en recréant le CIAMM, de pouvoir en faire bénéficier n’importe quel patient
D’accord donc tu vois autant de patients avec des pathologies chroniques, qu’avec des pathologies …
aigues ?
Oui voilà, enfin … pas les phases critiques mais oui ça peut être ça … ça peut être des gens qui vont retourner
domicile deux mois après … il y a vraiment de tout
Du coup, en quelle année est-ce-que tu as eu ton diplôme et tu as combien d’année d’ancienneté en
psychiatrie ?
Alors moi je suis diplômée de 2011, de l’école de Berck et je travaille à XXX depuis 2011 … donc ça fera … bientôt
6 ans !
Ok donc c’était juste pour avoir les informations … parce que, en fait, je fais des entretiens avec des
ergothérapeutes dans différents domaines et c’est aussi important pour moi de savoir … combien
d’année d’ancienneté etcetera … ça change aussi … donc voilà. Du coup, ma première question ce
serait : comment est-ce que tu définirais l’ergothérapie ? Pour toi qu’est-ce que c’est l’ergothérapie ?
Pour moi l’ergothérapie, c’est tout ce qui va toucher à l’autonomie et à la réadaptation du patient dans le sens ou …
pour moi on est là pour pallier à tout ce qu’il savait faire avant et qu’il ne peut plus aujourd’hui … dans tous les
domaines … qui soient
Est-ce que c’est la définition que tu donnes à tes patients quand ils arrivent dans le service ? Ils savent
déjà ce qu’est l’ergothérapie ou tu leur apprends ?
Alors en général … surtout en psychiatrie ... patients comme collègues … quand ils arrivent en ergo, pour eux ils ont
une image de l’ergo plus « les anciens ateliers »… je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire … dans les hôpitaux
2 L’ergothérapeute interrogée avait demandé au préalable, que nous nous tutoyons.
XXVII
psy, il y a une trentaine d’année, il y avait des imprimeries, ils y avaient des poteries, il y avait des choses comme
ça. Et c’étaient des moniteurs d’atelier et au fur et à mesure en fait c’était les ergo qui faisaient ça et du coup ça
c’est hyper ancré en psychiatrie aujourd’hui. C’est-à-dire que, on envoie souvent les gens en ergothérapie pour
qu’ils … plus qu’ils fassent des choses pour s’occuper … donc ça je me bats un petit peu tous les jours contre ça …
parce que c’est très souvent qu’on me dit « ah ben tiens, lui il s’ennuie, il ne sait pas quoi faire, tu ne pourrais pas
lui faire faire quelque chose ? » … ça c’est très très fréquent … ce sont des choses qu’on entend quasiment tous les
jours. Donc le patient, en général quand il arrive, pour lui l’ergothérapie c’est fabriquer des choses, c’est faire de la
mosaïque … alors ce que je leur explique c’est que, oui effectivement on se sert de ça, mais s’il y a pas de but et s’il
y a pas d’objectif, ça ne s’appelle pas de l’ergothérapie.
Ok, ça marche … et donc ma deuxième question serait : pour toi, quelles sont les valeurs primordiales
de la profession ?
Hum … vaste question !
Ah oui et je n’ai que des questions comme ça … mais du coup tu es libre de ce qui te vient en premier,
ce qui est le plus évident pour toi …
Moi je dirais qu’il faut être hyper polyvalent. Je pense que c’est la qualité … première, c’est-à-dire qu’il faut être
débrouillard. Il faut pouvoir, toi-même, t’adapter à quasiment toute situation et réussir à trouver le truc qui va
débloquer la situation.
Et en terme de valeur, en terme d’idée, de … peut-être de théorie, est ce qu’il y a des idées qui, pour toi,
sont primordiales pour la profession ? Dans la tête de n’importe quelle ergo il y a ces valeurs qui sont
ancrées … est ce qu’il y a des choses en particulier auxquelles tu penserais ?
En fait, la grosse différence … parce que moi je bosse quasiment essentiellement avec des infirmiers justement et
des aides-soignants … moi la grosse différence que je remarque entre notre profession et les autres soignants
paramédicaux … c’est que nous vraiment, dans chaque situation c’est quasiment un réflexe, on va laisser faire le
patient et on va plus lui poser des questions sur comment il va procéder, alors que les autres professionnels ont
tendance à faire à la place, à montrer comme il faut faire, parce qu’il y a une façon de faire et il n’y en a pas trente-
six … et je pense que c’est ça notre différence … la grosse différence avec nous c’est que nous on va … si le
patient y arrive, en fait, pour nous c’est bon. Donc voilà la grosse différence avec les infirmiers, les aides-soignants
et nous, c’est cette façon de … « je te montre comment il faut faire. Il y a une façon de faire et pas 50 », alors que
nous, peu importe comment le patient va s’y prendre s’il arrive à ses fins, pour nous c’est gagné. Je pense que c’est
vraiment ça la différence … de vision des choses.
Ok, du coup … pour toi quelles sont les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ?
Quelles sont les connaissances primordiales qu’on doit avoir dans une formation en ergothérapie pour
être une bonne ergo ?
Alors là je vais te parler de la psy, c’est là où j’ai de l’expérience. En psy les pathologies, elles sont primordiales,
parce que tu peux avoir des réactions … parfois violentes et si tu ne sais pas que potentiellement ça peut arriver, je
pense que ça peut être très compliqué et puis savoir aussi du coup, quels outils tu peux laisser à quelle personne ou
pas … ça peut être très vite dangereux. Et puis après … moi je trouve que … peut être ce qu’on ne fait pas assez à
l’école c’est du vrai bricolage … entre guillemets, quand je dis bricolage c’est manipulation d’outil parce que je ne
sais pas … maintenant les formations ont peut-être évoluées, moi j’étais à l’école en … j’ai commencé l’école en
2008. Tu vois moi à l’école en TP on faisait beaucoup de mousse, fabrication de mousse de positionnement, on a
fait de la couture, on a fait des marionnettes, on a fait de la vannerie et le bricolage en soi … manipuler des
tournevis, des clefs … ce n’est pas forcément un truc qu’on fait à l’école. Moi personnellement, j’en utilise beaucoup
dans ma vie perso, donc j’ai des compétences la dedans. Mais je pense que ce sont des choses qui doivent pas se
deviner, et je trouve que ça c’est important aussi, d’avoir ça dans les formations. Parce qu’on est tout le temps
amenées à bricoler des trucs, à les adapter, à repercer … si t’as jamais utilisé une perceuse, ben tu ne vas pas
l’inventer
Ça te va ?
Oui, oui ça répond à la question
Tu me dis si je suis à côté
XXVIII
Non, non, je pense que tu as répondu à la question, c’est en terme de connaissance, de quoi on a
besoin dans la formation mais je pense que tu as répondu à la question avec les éléments que tu m’as
donné là
Alors j’ai une autre question qui, à mon avis, est super vaste, mais c’est pareil, tu réponds ce qui te
passe par la tête et ce qui est le plus évident pour toi : qu’est-ce que tu fais en ergothérapie ?
Ca dépend du jour et ça dépend du patient ! En fait, selon la demande du patient … ça va changer d’un patient à
l’autre et puis avec un même patient, ça va changer d’un jour à l’autre … il y a tellement, surtout en psychiatrie, il y a
tellement de critères qui rentrent en jeu, notamment le moral, comment il se sent à ce moment-là, s’il y a eu des
frustrations dans la journée ou quoi. Il y a vraiment beaucoup de choses qui vont dépendre de qu’est-ce qu’on va
faire en séance et c’est hyper diversifié, je veux dire qu’il va y avoir des patients pour lesquels je vais bosser
l’attention par exemple … et j’en ai d’autres, par exemple avec une petite déficience intellectuelle, ou ça va être plus
de la médiation expressive ou ils ont juste besoin de s’exprimer autrement que par la parole parce qu’ils n’y arrivent
pas forcément.
Et du coup … tu m’as parlé de travailler l’attention par exemple, qu’est-ce que tu vas utiliser, comment
tu vas faire ?
Alors … actuellement je vais utiliser des choses très basiques de rééducation du style une feuille A4, ou j’ai des
symboles tous les même et puis de temps en temps au milieu des lignes j’ai d’autres symboles et … voilà, des
choses à entourer, à repérer. Après ça peut être un modèle … ça peut être utiliser la mosaïque, un modèle à suivre
… et du coup, là il va falloir se concentrer et faire très attention et la couleur que tu vas mettre après … voilà … je
vais utiliser vraiment toutes les médiations
D’accord, et quand tu parles d’expression, de permettre au patient de s’exprimer, pareil, qu’est-ce que
tu vas utiliser, comment tu vas le faire ?
Alors ça dépend, c’est-à-dire que, soit le patient arrive avec déjà, une idée de ce qu’il a envie de réaliser et donc la,
moi je vais l’aider à mettre ça en œuvre … on va choisir ensemble la médiation … donc ça peut être de l’argile, ça
peut être de la mosaïque, ça peut être … tout et n’importe quoi … pour réaliser l’objet qu’il a envie. Soit le patient a
besoin de s’exprimer mais ne sait pas comment faire et donc là, c’est moi qui vais choisir la médiation et puis, peut-
être que lui va … ça va déclencher des choses. En générale, ce qui marche le mieux quand les gens n’ont pas
d’idées ou quoi, c’est l’argile. L’argile ça marche très bien, parce que il malaxe un peu inconsciemment et puis
après, il y a des formes qui se créent … ils vont … ils se basent là-dessus …
D’accord, et du coup ma prochaine question c’est : pourquoi tu utilises cette activité ou cette
techniques ? Pourquoi tu utilises ces activités là ou ces techniques?
Ça c’est une très très bonne question … je ne sais pas … si parce que je les adapte en fonction du patient, parce
que ce sont des choses qui peuvent s’adapter en fonction des patients … je ne vais pas utiliser toutes les
médiations avec tous les publics … il y a des choses qui vont être plus dur … dans le toucher. Tu vois l’argile c’est
assez doux, mais en même temps ça peut faire ressortir des choses parce qu’il y a des gens qui ne supportent pas
d’avoir les mains sales par exemple. A l’inverse, la mosaïque … t’es obligé de casser quelque chose pour recréer
autre chose … donc dans la symbolique il peut y avoir des choses assez fortes … voilà, ça te va ?
Oui, oui et du coup juste pour compléter un peu, c’est quoi le but que tu as quand tu utilises telle ou
telle activité ? Le but que tu as derrière la tête … s’il y a un but qui n’est pas dit au … enfin voilà je ne
pose pas plus la question. Quel est ton but quand tu utilises cette activité ?
Mon but, ça dépend du patient et de ce qui a été décidé avec l’équipe. Moi quand je commence une prise en charge
avec un patient, l’idée c’est de rencontrer déjà le patient au début, et puis durant cette première approche, ce
premier entretien, moi je lui demande qu’est-ce qu’il vient chercher dans cet atelier, qu’est-ce qu’il vient chercher en
ego et de la … selon ce que lui me dit, on va poser nos objectifs ensemble. Je ne vais pas moi décider de ce qui va
être bien pour lui. Si lui ça demande ça va être … de pouvoir à nouveau prendre le bus … et bien on va tout mettre
en place, ça va être notre objectif vraiment. Après, on va tout mettre en place pour qu’il arrive à cet objectif-là. Donc
dans un premier temps on va avec la patient, je demande au patient ce qu’il a envie et puis après j’aime bien
rencontrer les équipes … pour avoir une idée autre parce que … les patients en psychiatrie ils ne disent pas
forcément tout … et puis pas toujours des choses très … vraies ou un peu erronées et puis savoir aussi, l’équipe
quand elle me l’a envoyé qu’est-ce qu’elle attendait, parce que ça peut être important aussi. Des fois il y a des
patients qui ne savent pas trop pourquoi on les a envoyés et les équipes, soit elles ont une idée et alors là c’est très
bien soit effectivement ça va être de l’occupationnel et du coup il faut que je le sache …
XXIX
Ok, alors ma prochaine question n’est pas une question piège, il n’y a pas de mauvaise réponse et tu
me dis vraiment ce qui te passe par la tête : est ce qu’il y a des théories particulière qui soutiennent ta
pratique ? Est-ce que tu utilises des théories en particulier ?
Alors non, je vais te dire très franchement non, parce que … et on le voit avec les stagiaires que l’on a en ce
moment, de plus en plus, c’est-à-dire que moi c’est quelque choses qui n’existait pas dans ma formation. Moi quand
j’ai été à l’école, je crois que j’ai été la dernière promo diplômée avant que ça change, qu’on passe en …
Qu’il y ait la réforme des études ?
Oui c’est ça. Donc je pense que j’étais la dernière à être sur les anciens modèles et c’est vrai que quand on a des
stagiaires qui nous parlent justement des modèles théoriques, des choses comme ça, moi c’est quelque chose qui
ne me parle pas du tout. Moi je n’ai jamais vu ça à l’école, en fait. Donc voilà, après on a des notions de psy de
l’école, c’est vrai que … la plupart du temps, ce n’est pas de l’improvisation mais presque, ça se fait beaucoup au
ressenti aussi.
Et du coup d’ailleurs par rapport à ça : où est-ce que tu as appris l’utilisation de telle ou telle activité,
enfin des activités que tu utilises aujourd’hui ? Est-ce que c’était dans ta formation initiale, est-ce-que
c’était par la pratique, est-ce-que c’était parce que tu as fait d’autres formations après ta formation
initiale ? Là, ce que tu utilises aujourd’hui, ou est-ce que tu l’as appris ?
La majeure partie de ce que j’utilise aujourd’hui, je l’ai appris surtout en stage. En tout cas j’ai vu pratiquer en stage
donc je ne dis pas que j’étais formée à la fin du stage mais … du coup ce sont des choses que j’ai ré-appréhendé
moi, dans un premier temps, seule quand j’ai commencé à travailler et puis avec l’expérience, t’apprends sur le tat
aussi. Mais la majorité ce sont des médiations que j’avais utilisées en stage. Et puis, bien là par exemple, en ce
moment, je suis en train de monter, de mettre en place de la médiation par l’animal et ça c’est une amie à moi qui
est ergo aussi qui est formée à ça elle et qui la du coup, on est en train de monter un partenariat parce que, elle est
en libéral, pour qu’elle puisse venir me former à ça. Donc j’ai découvert ça grâce à elle.
D’accord, je crois que c’est tout ce que j’avais à te demander. Merci beaucoup pour ces réponses.
XXX
Annexe 9 : Entretien avec une ergothérapeute américaine en psychiatrie (Psy-US)
My first question would be: How would you define OT? And how would you define OT practice? For you
what is OT?
I think, for me, the easiest answer is that OT is about helping people become more independent whether it’s areas of
needs due to a physical disability or a mental disability and using activities of function or meaningful, purposeful
activities for the person as a way of building those skills and achieving their independence.
Is that the definition that you give to your client when you have one?
Yeah, that is something that I would say to them.
And usually do they know what OT is before or they learn what an OT is with you?
Yeah usually I need to explain what OT is because most of people think it means I’m going to find them a job.
I forgot to ask you. Can you just tell me where you work? With witch kind of person? I know it a little bit
but more precisely and how many years have you been working in this area and when did you graduate
from an OT program?
I graduated in 1999. I went to college in Pennsylvania and my very first job was at a psychiatric center where I had a
level 2 fieldwork at that site and I really really liked it and thankfully they had a job opening and I have been in the
mental health field for 18 years now.
Ok so you still work in mental health and what is your… what kind of client do you see? Which kind of
disease and which kind of …is it people who just learned their diagnosis or they know it for a long time
and they are learning to live with their disease?
I work with adults, mostly adults. For the most part they may have a diagnosis of schizophrenia, bipolar disorder, ___
affective disorder, major depression, personality disorder those are the big one that I see on a daily basis and I
would say, half of my patient are aware of their diagnosis and they have known about it for several years and the
other half of my patient are learning about their mental illness and they may or may not believe that they have a
mental illness. They have a different level of insight. Some understand and some do not.
You work in a hospital or in a clinic?
It’s an inpatient hospital setting and the patient are very chronically ill so that’s not people who have had an easy
time in the community, it’s people whose illness is quite severe.
How long do they stay in this hospital?
It really depends. Some people may stay a few weeks but the majority of people stay for few years.
Ok thank you. I’m sorry I forgot to ask those general question before starting but it’s ok. You already
answered my first question so I’m just going to continue.
For you what are the main values of OT, of the profession?
I think person centeredness is a big one, valuing the client and learning what they value and using that as a
treatment approach.
Do you think that, the fact that we are client-centered is something very special to OT ? Do you think
that, that’s something that makes us unique?
Yeah I definitely would agree. I think that other professions would certainly say that they are client-centered ;
however, I think occupational therapy is even more so because we’re willing to look at what the client interest are
and what they value and use that in treatment. I think other professions would be interested in the person but their
treatment approach may have nothing to do with what the person enjoy or values in life. You know if you look at the
medical model I think that a lot of doctors would say that they want to be client centered but their approach to
treatment has to be based on medical condition and treatment of those condition ___ involve quite the holistic
approach that OT does.
XXXI
And another value might be … I don’t know if it really count as a value but the ability to adapt I think, is another key
to Occupational Therapy because we can take things that the client is interested in and adapt them in such a way
that it becomes a factor of treatment.
For you what are the knowledge that the OT practice requires? Which kind of knowledge do we need to
learn before becoming an OT to be a good OT?
I think I have become more aware that even though your college education is important you have to have a good
foundation of either medical background, understanding of the human body, that way that it works and the mind of
course as well. You have to have an understanding of the lifespan and how pathology may impact people differently
at different ages. You have to be aware of the impact of culture. But I think even more with students now, I’m letting
them know that in life, people don’t really care if you’re an expert in your area. I think we can learn a lot of things as
we need to. I think people are more concerned with how you treat them and how you make them feel.
I don’t think people would care what college, students went to, after they graduate. They’re going to care if they listen
to them, if they treat them respectfully, if they put their needs first, if they feel that there’s that therapeutic rapport.
So you think, being a good OT is more in the relationship with the patient ?
Yes definitely
I have seen very smart students having a very difficult time working with patients because their interpersonal skills
were poor. And I have seen students who were mediocre in the classroom ________ because they had the ability to
be very personable with them.
Academics are very important but at the same time your personality and your ability to establish a therapeutic
relationship with people is even more important.
And what are the knowledge, an OT need in mental health especially? Because maybe in mental health
relationship abilities are even more important. I mean you need it in any OT area but maybe in mental
health it’s even more important. So beside relationship abilities, is there something very important to
know about mental health?
I think you have to have a solid understanding of diagnosis and how they impact the brain and then how that impact
people functioning. You have to be able to understand that this is a true disease that is happening, it’s not something
that the patient chooses. And so the behavior they demonstrate, the difficulties they may have in life are truly
because their brain is not able to function as well. They’re not choosing to have certain behavior, it’s something
that’s stemming from their disease.
My next question is very broad but you can just tell as much as you can. What do you do in OT? In your
daily practice what do you do?
OTs in my daily practice see patients individually for individual sessions but they also see patients in group setting.
So they run a lot of groups which, I think, is different in my setting than in physical rehab setting. The group they may
run will still have to do with teaching skills and helping client being more independent but they may have fewer
individual session.
OK, and what kind of skills do you teach and how?
Skills will range from Activities of Daily Living, to functioning living skills like doing laundry, teaching basic cooking
skills, teaching basic cleaning skills, shopping skills and budgeting but it may also involve mental health education
and teaching people about their illness and teaching people about their symptoms and ways to manage their
symptoms. We might also teach communication skills, social skills, so that people can function better in community
environment or at work, when they go out of the hospital, you know … helping them develop those skills so that they
can get along better with people.
And again we do that in individual sessions as well as group sessions.
And you teach those skills with a very concrete training, like you make people do ADL, the activity that
you want to teach them? How do you do it, in a very concrete way, what do you do with them so that
they can learn those skills?
If it’s a group than we would, kind of like a teacher would make a lesson plan. We might develop a lesson plan for
several weeks for the group and in that lesson plan we might have educational material that we talk about so that
XXXII
people understand … let’s say if it’s social skills, we might explain what social skills are and why they are important
but then we would also include a lot of practice. We might use some videos, we might try to put people in situation
and use as close to real life situations as we can so that people can practice the social skills that they are trying to
learn.
And you can do this in the hospital? You have the material to do this? For example for the laundry, you
have a room with all the machine that you need to do the laundry or you go at home with your client to
do it?
In my setting, we are in a hospital so we would teach people laundry and cooking. We have areas that have stove,
refrigerator and sinks on different unit. There is areas where there is washer and dryer available, and we’re teaching
them the skills in the hospital so that they will have the skills when they get discharge to the community. If someone
in being discharge home, then we would go to their home and assess the home as well, and make sure the client is
able to do the skills they ___ as well.
When they don’t return home where do they go after the hospital?
Sometimes to a group home or if it’s an elderly client, they might go to a nursing home. Sometime, they might go to a
supervised apartment setting.
My next question … I don’t know if it works with what you just told me … I was going to ask, why you
use this activity or this technique, but you already told me a little bit.Would you have anything else to
tell me about why you use this technique?
I think for the most part, we use whatever activities we can that … make it as close to real life or as close to the way
that the client would do the task in the community as we can. We try to make it very practical for them so that they
can see them-self doing the task the way that they would at home even if they are not at home.
When you talk about teaching ADL is that for people who never really learn to do those activities or they
use to know how to do them but the disease make them confused about doing those activities? Why are
they not able to do those activities anymore?
It’s mostly because the disease has changes things for the person. And maybe the disease make it difficult for them
to pay attention to the task. Maybe they have very little motivation or interest in their personal hygiene. Maybe they
did it in the past but the illness has changed things. So ADLs are important to work on again to get people into a
good routine and develop healthy habits so hopefully they will continue those even after they leave the hospital.
What about people who, as you said, have very little motivation? Do they choose to go to OT? Or you go
and … I mean how do you do with someone very very depressed who does want to do anything, do you
start your treatment with teaching them things that they don’t do anymore or do you have other
technique to start the treatment?
Actually, I have a couple of new OTs at work and they asked that question. They said: “Am I doing anything valuable
if I’m sitting and talking to the client and the client is not interested in doing any kind of OT type of activities?” I said:
“no that’s perfectly valuable because right now you’re developing your therapeutic rapport, you’re making a
connection with the client and you learn about them”. And as they learn about them they get more information that
are going to help them identify what activities are valuable, what role the client is interested in and they can use that
as ways to motivate them.
Sometimes it takes a little while to figure that out.
Would you say that you start your treatment with individual session and then as the client is feeling
better then you go to a group session? Is it the normal way of doing the treatment or it just depend on
the people?
No that is the typical way. Usually when people come to the hospital their symptoms are worst and therefor you
might need to do individual sessions. And as the symptoms decrease, and the person improves then ____ is able to
join group sessions.
I have another question that can be quite broad: is there some theories that support your practice? Any
theories, any theoretical model that support what you do?
Probably MOHO is the one that jumps out right now although I’ve heard a lot recently about KAWA but I think that a
lot of the new OT really connect with.
XXXIII
And how do you use those theories? How do you relate them to your practice?
I think as people start to develop the activity that they are doing with the client, if think they find, they base that on
the principles of the theory. So whatever framework they feel is going to fit the situation then they change or adapt
the activity in a way that match it. So the theory kind of drives the treatment approach and then the activity that might
be ___active for the treatment.
You told me that you graduate in 1999. The technique that you use now, did you learn them during your
initial studies? Did you do other formations during your practice? The activity that you use now, where
did you learn them?
I think I had a little bit of education on them in college. But I learned a lot more when I had fieldwork in a mental
health setting and certainly learned a lot more by having on the job experience.
I think in OT education, the most of what students are exposed to has to do with physical rehab and that make sense
I mean the majority of OT work in physical rehab setting but we have very little on mental health education so I think,
the majority of what I do now and what I have learned is really because of experience on the job.
Did you still feel prepared when you graduate and when you started to work?
Yes, I did feel prepared with my initial studies but I also knew that every employer has their own expectations and
they will hopefully mentor their employees so I knew that I still had a lot to learn but I also knew that there are people
at my job who were going to be helping me learn and helping me grow as an OT. I had good mentors.
Ok, thank you very much for your answers!
XXXIV
Annexe 10 : Entretien avec une ergothérapeute française en rééducation (Reed-Fr)
Pour commencer, est-ce-que tu3 peux préciser ton lieu de pratique, ta population cible, ton nombre
d’année d’ancienneté et ton année de diplôme ?
Mon année de diplôme … 79 ! Et mon ancienneté … ici, dans cet établissement ?
Avec la population avec laquelle tu travailles aujourd’hui
8 ans … il y a une partie de la population c’est 8 ans, une autre partie …
J’ai travaillé 10 ans avec des blessés médullaires, 10 ans en hôpital de jour et la … je crois que c’est 2009 … ou je
suis dans un service ou il y a à la fois des AVC, à la fois des polytrauma et des amputés. Donc ça fait 8 ans avec les
amputés, 8 ans avec les AVC mais j’avais déjà vu des AVC notamment en hôpital de jour donc …
Parce que là, aujourd’hui ta population cible c’est …
AVC, amputés membres sup, membres inf et un peu de polytrauma
En hospit complète du coup ?
Oui
D’accord, et tu avais déjà vu ces pathologies-là avant, en HDJ (Hôpital de jour) ?
Oui et un peu dans un autre service pendant 2 ans … 3 ans et les amputés ça fait 8 ans
D’accord et avant ça, ce que tu me disais, tu as fait : hospitalisation complète blessés médullaires ?
Oui, et puis j’avais tous les myopathes, adultes et enfants. Et encore, avant j’étais dans un autre centre ou j’avais de
la neuro mais surtout AVC et avant j’étais avec des ados dans un IME donc rien à voir … en premier poste
En tout cas ; rééduc depuis le début … neuro ou traumato pour la plupart
Oui
Du coup ma première question … alors c’est pas mal de questions larges, tu réponds comme tu le sens,
vraiment ce qui te passe par la tête … donc comment est-ce que tu définis l’ergothérapie ou la pratique
ergothérapique ? En gros, pour toi, l’ergothérapie c’est quoi ?
Je ne vais pas te redire la définition de l’ANFE … mais elle est parfaite la définition de l’ANFE pour moi, moi je m’y
retrouve complétement
Tu peux partir de la si tu veux
Je ne la connais pas par cœur mais quand je la lis, je me dis « oui, c’est l’ergothérapie que j’ai envie de pratiquer ».
Donc c’est de la thérapie avec une partie qui s’intéresse à la personne dans toutes ses activités, dans tout ce qu’elle
est, dans tout ce qu’elle fait, dans tous ses projets. C’est un accompagnement de la naissance à la mort, dans tout
ce qui fait l’activité humaine, donc c’est très vaste. Et donc pour arriver à accompagner au plus près de ce qu’est la
personne, de son … tout dépends si c’est un enfant ou un adulte mais si c’est un adulte … au plus près de ses
valeurs, de ses projets, de tout ce qui fait qu’elle est elle et pas une autre, que c’est Monsieur X et pas Monsieur Y
par exemple et … aussi bien dans ce qui est rééducation dans notre sphère de compétence que le grand volet de la
réadaptation. Pour moi la rééducation pourrait être effectuée pour beaucoup par d’autres professionnels mais ce qui
est réadaptation c’est vraiment le royaume de l’ergothérapie, aujourd’hui. Moi j’ai vu cette évolution en tout cas. Je
pense que on est un petit peu moins dans la rééducation. Mais c’est aussi mon histoire personnelle qui fait que …
je fais encore de la rééducation avec les AVC … c’est très intéressant… après je me dis, ça pourrait être fait par un
kiné. Que ce soit la thérapie miroir, la thérapie contrainte, ça me choquerai pas… même si je n’ai pas envie de
passer le bébé à d’autres collègues … mais j’ai vu cette évolution … c’est l’influence du Québec, des pays anglo-
saxons qui sont toujours en avance. On est quand même dans le train mais un peu dans le dernier wagon. On suit
comme ça … on suit les autres mais le principale c’est d’être dans le train.
3 L’ergothérapeute interrogée et moi-même avons l’habitude de nous tutoyer.
XXXV
Et du coup tu dirais que … parce que tu m’as dit « la définition de l’ANFE correspond à l’ergothérapie
que j’aimerai faire » donc est-ce-que tu penses que l’ergothérapie que tu aimerais faire ce serait plus de
la réadapt que de la rééduc ?
Ce que j’aimerai faire ? Je crois que je fais l’ergothérapie que j’aime faire, ça dépend … je vois des collègues par
exemple qui font plus de rééducation … pour moi c’est presque de la kiné parce qu’on n’est pas dans l’activité … on
est pas dans l’activité humaine … quand c’est trop analytique … quand c’est de la rééducation analytique pour moi
on est à la limite de l’ergothérapie … et je m’y retrouve pas trop … mais ça, ça ne m’aurait pas dérangé il y a 25
ans… Quand c’est vraiment analytique tu vois … fléchir la dernière phalange du doigt, je me dis … ce n’est pas de
l’ergo … ou des trucs qui sont un peu APA, limite APA … je me dis « est ce qu’on est bien dans l’ergothérapie la ? »,
moi ça m’interroge.
Du coup ma seconde question c’est ; pour toi, quelles sont les valeurs primordiales de la profession ?
Les valeurs de la profession ? Les valeurs de l’ergothérapeute ?
Les valeurs de l’ergothérapie, les valeurs partagées par n’importe quel ergothérapeute … les valeurs de
la profession
C’est intéressant comme question … il faudrait y réfléchir avant …
Les valeurs que tous les ergothérapeutes devraient avoir … savoir adapter ses pratiques. Avoir des objectifs
personnalisés avec la personne … pour la prise en soin. Savoir travailler en équipe. Savoir accompagner …
proposer des objectifs à la personne aidée qui ne sait pas forcément ce qu’elle peut demander. Donc accompagner
dans le sens ... proposer, vraiment être aidant dans ce sens-là. Proposer … par exemple je te donne un exemple :
quelque qui ne sait pas qu’elle peut reconduire avec un membre supérieur paralysé … lui proposer « est-ce que
vous avez envisagé de reconduire ? » … savoir aussi à quel moment le faire. Il ne faut pas aller trop vite mais être
dans un accompagnement … qui propose des choses, dynamique. Voilà, dynamique aussi, être dynamique. Avoir
une veille … être toujours en veille, veille documentaire, veille technologique ou même législative. Avoir un esprit en
veille par rapport à tout cela … aux nouvelles techniques de rééducation, aux nouvelles technologies pour un patient
… là je dis patient, ça pourrait être résident selon l’endroit où on travaille … être toujours … tout à l’heure je prenais
l’image du train donc voilà, être dans le train de l’évolution de la profession au niveau international. Pour moi ça c’est
indispensable et c’est valable pour tous les ergo … qu’on travaille dans n’importe quel secteur, que ce soit en
gériatrie ou alors de la pédia, même dans les ergo qui travaillent dans les aides techniques … connaitre
l’avancement de tout cela. C’est jamais figé, c’est pas un travail figé donc une des valeurs c’est rester ouvert, rester
… être un peu en état de recherche permanente pour évoluer et pour être dans le monde d’aujourd’hui, de 2017 …
là où l’on vit, c’est-à-dire qu’en France, en Europe on est pas au Québec, ni au Guatemala, ni au fin fond de la
Somalie, donc s’adapter au contexte, là où l’on est, là on l’on fait son travail.
Et du coup pour toi, quelles sont les connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique ? Quelles
sont les connaissances dont n’importe quel ergo a besoin d’avoir pour être une bonne ergo, quand elle
sort du diplôme ?
Je dirais que le diplôme c’est ce qui donne le droit de commencer à apprendre son métier. Donc pour commencer à
apprendre son métier il faut des bases standards, des connaissances en anatomie, physiologie, psychologie,
psychiatrie, les pathologies, les grandes familles de pathologie, des bases un peu standards à tout le monde …
avec aussi des concepts importants, des approches, différentes approches mais qui sont assez bien intégrées, il
faudrait que ce soit … que les influences soient connues… les différentes influences, les différents modèles. Après
pouvoir dire « moi je me situe là où là », ça n’a pas trop d’importance mais au moins les connaitre pour voir
comment l’ergothérapie … de quelle façon elle peut être abordée. Après chacun dans sa pratique va apprendre son
métier un peu sur le tat, mais au moins on sait d’où on vient. On ne peut pas avancer si on n’a pas des bases … un
arbre ne peut pas pousser sans racines.
Quand tu dis modèle … est-ce-que tu peux développer un peu plus : qu’est-ce que tu sous-entends par
modèle ?
Modèle de l’occupation humaine, le modèle KAWA … voilà tous ces modèles-là qui sont des modèles utilisés en
ergothérapie. Pour moi c’est un peu les racines, enfin … ils ne sont pas venus de nulle part ces modèles. Kielhofner,
il n’a pas inventé … il est parti de choses qu’il a travaillé… je trouve ça intéressant parce que ça ouvre … c’est une
façon plus intelligente de travailler.
XXXVI
Et du coup, tu m’as dit « le diplôme donne le droit de commencer à apprendre son métier ». Du coup,
est ce qu’il y a des choses que l’on apprend après et qui sont essentielles ? Est-ce qu’il y a des choses
… est ce que tu pensais à autre chose quand tu as dit cela ? Des choses que l’on apprend après le
diplôme et qui sont aussi nécessaires à la pratique ergo
Après le diplôme je crois vraiment que c’est là qu’on peut se frotter à la réalité. On va apprendre des collègues, de la
hiérarchie, des médecins, des kinés … quand je disais les collègues, c’est les autres ergo s’il y en a d’autres, mais
ça peut être des fournisseurs de matériel, des orthoprothésistes, ça dépend où on travaille … des orthophonistes,
des psychomot … et c’est là qu’on va vraiment apprendre, plus ou moins facilement parce que … selon les
médecins … parce qu’on travaille sous prescription médical, en tout cas moi dans ce que je connais … on apprend
beaucoup des autres une fois sur le terrain, en rééducation, dans une équipe comme ici, on ne peut pas travailler
seul dans son coin. Et donc ça va beaucoup dépendre du médecin qui est le prescripteur. Parce qu’on a des
médecins qui sont bien dans cette démarche, avec un projet … le patient a son projet individualisé, interdisciplinaire
… pour moi c’est indispensable. Donc là, on voit bien la notion d’équipe et on voit bien que chacun va utiliser ses
outils pour arriver aux objectifs individualisé avec des échéances, bien précis. Mais on a des médecins pour qui tout
cela ça n’existe pas et ça va être … on n’a même pas d’objectifs. Ça va être : ergothérapie et qu’on fasse quelque
chose ou qu’on ne fasse rien, de toute façon … je dirais qu’il a une vision très biomécanique, biomédical. Ça va
s’arrêter là et dans ces cas-là on a du mal à apprendre son métier, et à se faire sa place … et dans ces cas-là, ce
qui est dramatique encore aujourd’hui en 2017, on est encore obligé de se justifier, de justifier … c’est comme des
sujets de mémoire « en quoi l’ergothérapeute peut etc. ?», l’ergothérapeute de tout façon il a forcément sa place, il
faut arrêter de toujours justifier notre présence et avec certains médecins on est presque encore la dedans. On
devrait plus, aujourd’hui, devoir faire ça. Donc c’est tellement dépendant du médecin. Le fait de bien apprendre son
métier après le diplôme ça va être très médecin-dépendant, prescripteur-dépendant. Les conditions matérielles,
environnementales, c’est-à-dire l’endroit où on travaille, ça va être très important pour favoriser l’apprentissage de
son métier, mais aussi qui reste, dans ce milieu-là, sanitaire et médico-social, le prescripteur. Et ça, ça va influencer
un bon investissement professionnel de l’ergothérapeute ou pas. Je pense que c’est vraiment important.
Du coup mon autre question est aussi très vaste : qu’est-ce que tu fais en ergothérapie ? Toi, au
quotidien?
Alors déjà, quand je vois le patient pour la première fois je lui explique ce qu’est l’ergothérapie, mais ce qui
correspond à lui …
La définition que tu donnes à tes patients c’est ?
Je donne des exemples. Je lui dit … prenons l’exemple d’une personne qui a fait un AVC avec une hémiparésie, je
lui dit … je donne des exemples au tout départ et puis rapidement il y a le questionnaire d’activité qui me permet de
voir … je lui explique au tout début : « on va voir ce qui est facile pour vous dans la vie de tous les jours, entre le
moment où vous vous levez et le moment où vous vous couchez, ce qui ne pose aucun problème, ce qui est difficile
et ce qui est impossible. ». Et en général les patients jouent bien le jeu donc avec tout le questionnaire d’activité.
Comme ça je suis sure de passer à côté de rien, parce qu’il est assez exhaustif et sur ce même document je
renseigne son environnement humain et architectural et social … voir même s’il est en centre-ville, en pleine
campagne. Et avec ça j’ai déjà énormément de renseignement sur la personne, par ce qu’il y a aussi ses loisirs, ses
activités bénévoles. Je le fait avec la personne ou si elle est aphasique ou a des troubles de la compréhension je le
fais le plus vite possible avec la famille, en lien avec l’assistante sociale qui elle, en profite pour récupérer des
éléments. Après je fais rapidement un plan d’intervention ergo, avec des objectifs concrets, par exemple : « qu’il
puisse s’habiller le haut du corps », dans quelle condition ? « Seul », « en sécurité », « dans sa chambre », une
échéance et voilà. Après on réévalue. J’essaie de donner des objectifs très précis et des échéances … avec des
objectifs qui sont quantifiables, observables, qu’on peut évaluer. Ça peut être très vaste : « qu’il conduise sur une
voiture adaptée », « qu’il aille tout seul au toilette », « qu’il arrive à se déshabiller ». Et puis il y a aussi tout ce qui est
plutôt rééducation. Depuis quelque temps je le mets plutôt entre parenthèse. Ça ce sont des objectifs pour moi mais
pas pour lui : « rééducation de la sensibilité ». Et exercice : travail avec les … c’est pour ça que je trouve que c’est
moins ergo … avec les différentes textures. Après la sensibilité, moi je n’ai pas de neurologie périphérique, donc
souvent le moteur et le sensitif on sait que ce sont des voies qui sont très liées et donc en travaillant sur l’activité et
en essayant de travailler la motricité on récupèrera souvent, en parallèle, la sensibilité. « Qu’il se déplace avec son
fauteuil roulant de sa chambre à l’ergothérapie » … et puis ensuite ça peut être un travail dans la chambre pour la
toilette, l’habillage. Ça peut être un travail en salle à manger pour couper la viande, pour voir s’il n’y a pas de
négligence … pour, à la fois de l’évaluation et à la fois de la rééducation, de l’activité. Ça peut être mise en situation
cuisine, ça peut être tout ce qu’on voit dans un service ergo de rééducation comme ici. Donc il n’y a pas de limite …
j’emmène des patients faire du jardinage avec le jardinier. Il n’y a pas de limite puisque c’est la vie… c’est
l’occupation humaine. On va faire les courses … manipulation de la monnaie. Donc qu’est-ce que je fais en
ergothérapie ? J’accompagne dans les activités de la vie mais c’est sans limite. Donc c’est pour ça quand il y a des
XXXVII
stagiaires de lycée qui viennent et qui demande qu’est-ce qu’on fait, c’est très difficile de résumer. En kiné on voit,
quelqu’un qui apprend à marcher, quelqu’un qui met sa prothèse et qui marche dans les barres, ça se voit, on
devine que c’est pour retrouver une autonomie à la marche et travailler l’endurance, travailler les appuis, travail de
l’équilibre, c’est facile. En ergothérapie, c’est l’activité humaine dans toutes ses composantes et son infinitude. Donc
les stagiaires du lycée qui viennent et qui voient tout ça, je pense qu’elles ne comprennent rien si on ne prend pas le
temps de leur expliquer, nos champs d’intervention. C’est tellement vaste. Ils voient quelqu’un enfiler des petites
perles. Ils se disent : « ah c’est marrant, l’ergo on fait des petits travaux manuels ». Et puis à côté de ça ils vont voir
quelqu’un piloter un ordinateur avec … le nez ! Quel est le lien entre les deux ? Et donc il faut vraiment les briefer
sur les objectifs. Même les infirmières … des gens qui … on pourrait penser qu’ils savent ce que l’on fait mais non.
Même dans le centre de rééducation, il y a des infirmières qui travaillent la depuis plus de 20 ans qui ne sont jamais
venues en ergothérapie. Quand je fais des formations dans les services j’emmène les gens en ergo et avant de
rentrer dans le service je demande « qui est déjà venu en ergothérapie ? ». Souvent, sur un groupe de 10 aides-
soignantes, infirmières, il y a 2 personnes.
Du coup par rapport à ce que tu m’as dit, ce que tu faisais en ergothérapie, tu m’as parlé de travailler
sur des activités de manière concrète, faire l’activité. Tu m’as aussi parlé de travail, que tu as appelé
« analytique », quand tu as parlé de travailler avec différentes textures. Pourquoi tu utilises cette
technique ou cette activité ?
C’est l’analyse de l’activité … la synésiologie … Ca fait travailler quel muscle, quel articulation, quel amplitude,
résistance, endurance, toutes ces composantes-là. Avec aussi … il faut que ce soit le plus possible, je ne l’ai pas dit
mais c’est fondamental, que ce soit signifiant pour la personne, le plus possible, il faut essayer de s’en rapprocher
en tout cas. Avant on avait un vieux moteur de voiture dans la menuiserie qui a été enlevé il y a deux ans peut-être.
Et moi je regrette parce que, il était déglingué mais ça ne fait rien. Tous les mécaniciens, les gens qui bricolent un
petit peu sur leur moto, qui bricolent un peu dans la mécanique ils étaient contents d’être là-dessus. Il y a avait du
cambouille partout mais ça fait partie du jeu. Et je regrette qu’on n’ait pas ce type d’activité. Plus l’éventail est large
dans nos outils, mieux on peut coller, pour travailler en analytique, à ce qui fait sens pour la personne. Et plus c’est
signifiant, on sait très bien qu’il va mieux adhérer donc ça c’est une chose. Mais aussi, physiologiquement, on sait
que ça va plus lui apporter. Donc voilà, j’ai oublié de le dire tout à l’heure mais, que l’activité soit signifiante et
significative c’est tellement important. Et ça aussi ça fait une différence avec nos collègues des autres professions.
C’est très important donc le choix il va se faire … quelqu’un qui ne fait jamais la cuisine … là j’ai un monsieur en ce
moment qui a fait un AVC. C’est un peu ancien mais il est là pour ça. Il faut réévaluer parce que ça femme part,
enfin bref. Mais c’est un monsieur que ne fait jamais, jamais, jamais la cuisine, qui ne la jamais faite. Il a 45 ans et je
sais très bien qu’il va retourner chez lui, maintenant sans sa compagne et qu’il ne fera pas la cuisine. Il est
aphasique mais il me fait comprendre très clairement avec ses gestes. J’ai très bien compris. Donc avec l’assistante
sociale on met en place le portage de repas. Je ne vais surement pas lui faire faire la cuisine. Donc voilà, c’est un
exemple. Même s’il est aphasique j’ai compris, ça n’a pas de sens pour lui. Alors que le médecin a demandé : « voir
comment il fait la cuisine ». Et bien non, on ne va pas voir comment il fait la cuisine puisqu’il y a un refus catégorique
et je sais très bien que ça l’embête. Il sait faire beaucoup de choses mais pas la cuisine. Donc ce n’est pas grave.
Donc parfois … quand on n’a pas une activité qui ressemble au centre d’intérêt de la personne, on peut lui proposer
quelque chose de nouveau. Là j’ai un monsieur qui a fait un AVC, qui a un début de démence. Je lui ai proposé des
mandalas. Il n’a pas du tout l’habitude, et il a adoré ça. C’est un peu un artiste. C’est aussi un musicien, il a travaillé
sur le clavier la bas. Il a adoré, il a dit : « j’en ferai chez moi ». C’est occupationnel, ce n’est pas grave. Parce qu’il
n’a pas de … il a 74 ans. C’est un retraité qui a tout son temps pour lui, qui habite à la campagne, qui a deux
copines qui l’entourent bien. Mais dans la journée, qu’est-ce qu’il va faire ? Eh bien, il aime ça, il trouve ça jolie. Il a
choisi ses couleurs, il s’organise, il fait ses petites affaires. Et pourtant au départ, ce n’était pas spécialement
signifiant pour lui mais là ça le devient, puisque c’est quelqu’un qui aime bien créer. C’est un artiste, un peu. Et voilà,
ce n’était pas une activité signifiante au départ mais ça le devient. Mais ça ce n’est pas dès le départ, c’est au bout
de plusieurs mois que j’ai pu lui proposer ça. Avant, c’était plus signifiant, il a fait son café, il a fait des pâtes. Il a fait
des trucs … plus dans ces habitudes.
Alors, ce n’est pas une question piège du tout et il n’y a aucune mauvaise réponse : est ce qu’il y a des
théories particulières qui soutiennent ta pratique ?
Plutôt que de théories, je parlerai volontiers d’influences. Donc moi : Kielhofner, j’ai fait deux fois la formation, une
fois en individuel et une fois, j’ai proposé à mon chef de service de l’époque : « ce serait bien que toute l’équipe le
fasse ». Ça, ça a influencé ma pratique et puis surtout le P3I. Après … je suis toujours un peu les sens en éveil …
j’essaye de lire, je ne dis pas que j’y arrive, mais j’essaye de lire toutes les publications … pas tous les bouquins
ANFE, solal, mais les revues. Je suis adhérente … pour être dans le truc. Tout ce qui est nouvelles techniques …
quand je vois « nouvelles techniques de rééducation », par exemple … j’ai été à Orléans l’année dernière, il y avait
journée « nouvelles techniques de rééducation », les nouvelles approches avec l’IFE de Rennes. Dès qu’il y a un
élan, un mouvement, dès qu’il y a un vent qui souffle, j’essaye de … C’est plus … mes influences … kielhofner a été
XXXVIII
pour moi vraiment un virage … je crois, si j’essaye d’analyser. Après, la formation P3I et puis il y a eu tout ce qui
était à l’époque, les grands modèles avec Christine Orvoine à Rennes, les grands modèles qui ont influencé
l’ergothérapie. Christine Orvoine a été … c’est une collègue de promo … à l’IFE, moi j’ai beaucoup aimé leur façon
de … je me retrouve mieux à Rennes que dans d’autres IFE. C’est aussi mon école mais ce n’est pas pour ça. C’est
vraiment une démarche très collégiale, très … française, européenne et internationale. Je ne dis pas que les autres
ne le font pas mais les années ou je suis allée beaucoup à Rennes pour dispenser des formations … j’ai été
directrice de mémoire pendant de nombreuses années. Les journées d’études organisées par l’IFPEK, c’est toujours
des thèmes très dynamisants. Ça évite de s’endormir sur ce qu’on sait déjà. Je ne trouve pas ça partout.
Donc voilà, plus que des théories, ce sont des influences qui ont orienté ma pratique. Ma pratique au jour le jour, je
pense qu’elle dépend de tout cela. C’est difficile de dire ses influences mais si j’analyse je pense que c’est ça.
Il y a aussi les anciens chefs de service, ici, qui ont été aussi moteur dans cette recherche d’amélioration continue
des pratiques. Ça s’est très clair « amélioration continue des pratiques ». J’ai traduit un bouquin, j’ai passé d’autres
diplômes. C’était aussi un appétit d’en savoir plus, une licence ceci, un master cela, un DU … parce que ça
m’intéresse.
Donc par rapport à ma pratique au quotidien c’est plutôt des influences. Je peux pas trop dire des théories … je ne
crois pas, en tout cas je n’en connais pas.
Et tu m’as parlé en début d’interview de modèle … est ce qu’il y a un modèle dans lequel tu te
retrouves ? Est-ce qu’il y a un modèle dans lequel rentrerai ta pratique ?
Non, j’ai déjà pensé à cette question, c’est un peu un mélange en fait.
Un mélange de?
L’occupation humaine, ça c’est sûr. Après KAWA, je trouve que c’est super intéressant, je m’y retrouve un petit peu.
Je m’y retrouve … enfin pour moi c’est tellement une évidence. Mais de là à dire que … non c’est surtout
l’occupation humaine. MOH, c’est sûr que c’est celui-là le plus important. Je pense.
Ok. Tu as déjà un peu répondu à cette question mais ce que tu fais la aujourd’hui, concrètement, ou est-
ce que tu l’as appris ? Est-ce que c’est dans ta formation initiale, est-ce-que c’est dans les formations
que tu as fait par la suite ?
Alors, ma formation initiale datant d’il y a longtemps … il y a forcément des bases, c’est-à-dire tout ce qui était
anatomie, physiologie tout cela ça ne change pas. Après j’ai aussi appris des choses, pour être honnête, des
médecins … qui me serve dans la vie de tous les jours, ce n’est pas forcément professionnel. Ça sert au niveau
professionnel mais ça sert aussi dans la vie de tous les jours.
Comme quoi?
Des rappels anat, physio. Quand on allait, parce qu’on y va plus, au visite d’étage et que le médecin faisait son
examen médical, justement à l’époque c’était passionnant avec les différents personnes intervenants … alors des
exemples … des rappels au niveau articulaire … enfin c’est très vaste … oui anatomie, physiologie. « Si on fait ça,
oui mais on ne peut pas parce que ». Tout ce qui est risque cutané, enfin tous ces trucs-là. Et ça sert dans la
pratique mais ça sert aussi à l‘extérieur, dans la vie de tous les jours, dans la vie personnelle. J’avais oublié cette
petite chose. Après, ce n’est pas la plus grande source. La plus grande source ce n’est pas, en effet, les études,
parce que c’est trop ancien. Mais les bases, encore une fois, sont quand même là avec des petits rappels. Je vais te
donner un exemple, l’année dernière il y a une personne qui est arrivée avec une prothèse inversée d’épaule je me
suis dit : « oulala, ça fait trop longtemps que je n’ai pas vu ça » et en fait c’est ma collègue qui la eu. Mais si j’avais
dû la prendre, j’aurai été obligé de chercher un petit peu, même si on avait vu ça en cours mais c’est trop vieux.
Donc je ne vais pas me permettre de reprendre une prothèse inversée d’épaule si mes cours datent de … voilà,
c’est un petit exemple ponctuel. Après, c’est plutôt les formations continues
Que tu as fait récemment ? Tu pourrais dire des années comme ça … des formations qui te servent
encore aujourd’hui ?
L’année dernière à Orléans, c’était intéressant. J’essaye de faire un petit truc tous les ans. Mais ça peut être juste
une journée, ou une formation continue en intra… ça peut être, il y en a une que j’ai regrettée mais j’ai laissé à une
collègue plus jeune. C’était éducation thérapeutique. Ça m’a titillé, parce qu’il fallait choisir. Il n’y avait pas assez de
place pour tout le monde. La mort dans l’âme je me suis retirée d’autant que j’ai déjà beaucoup d’autres choses,
comme j’ai deux casquettes dans l’établissement. J’ai le sentiment d’être un peu éparpillée je ne voulais pas
m’ajouter ça … et puis des recherches des lectures … lire les mémoires des étudiants, accompagner les étudiants
XXXIX
dans leur mémoire c’était très … on peut dire formateur. Faire des formations c’est formateur parce que ça oblige à
une certaine recherche. Oui c’est ça, formation continue … et puis par les collègues, on apprend énormément par
les collègues, collègues ergo mais aussi collègues kiné, collègues psychomot, parfois collègue ortho, collègue
neuropsy … apa ou même les cadres de santé, les infirmières, les aides-soignantes, on apprend de tout le monde
Et tu dirais que ce que tu utilises aujourd’hui « date » de … tu m’as dit que kielhofner a été un virage,
est-ce-que tu dirais que ta pratique actuelle « date » ... que c’est-ce-que tu as appris depuis kielhofner
que tu utilises aujourd’hui ?
Non c’est vraiment …
Un cheminement continue?
Oui, complétement. Kielhofner a été plus une ouverture du regard sur quelque chose qui avait été conceptualisé. Je
pense que je devais ressentir des choses comme ça, éparpillées et le fait que quelqu’un y ai réfléchit et ai réussi à
conceptualiser tout ça, ça m’a conforté dans cette idée. « Ah enfin, il y a quelqu’un qui met des mots sur les
choses ». Alors virage intellectuel sans doute mais pas forcément dans la pratique. Dans la pratique, peut-être plus
le P3I mais comme tous les médecins ne le pratiquent pas et que même ceux qui le pratiquent c’est un peu … une
adaptation. Après ce n’est pas grave, la base elle est quand même là. Ça, ça a été quelque chose qui … qu’est très
pratico-pratique. Je trouve que pour nous ergo, c’est limpide, ce qui n’est pas le cas de tous les professionnels.
Donc ça, ça a été peut être un changement, notamment dans l’importance de faire un plan d’intervention bien
structuré. Puisque c’est aidant. C’est aidant pour tout le monde, c’est aidant en tant qu’ergo, c’est aidant pour le
patient, c’est aidant pour la famille, c’est aidant pour le médecin … tant pis pour les médecins qui n’ont pas compris
cette démarche-là. C’est dommage parce que c’est vraiment aidant, c’est vraiment un outil très pratique. Voilà, mais
pour répondre à ta question, l’apprentissage pour moi a été continu. Et je pense que j’ai eu beaucoup de chance
d’avoir des chefs de service qui était dans une perpétuelle recherche d’évolution, d’évolution continue des pratiques,
ce qui est peut être un petit peu moins le cas maintenant mais … c’est comme ça. Et puis les congrès, les congrès
ANFE et puis j’ai eu la chance d’aller à l’étranger, à Londres, c’est très enthousiasment. Mais les budgets étant ce
qu’ils sont aujourd’hui on peut un petit peu moins partir.
Merci beaucoup pour tes réponses
XL
Annexe 11 : Entretien avec une ergothérapeute américaine et rééducation (Reed-US)
Tell me where do you practice, with which kind of client, how many years have you been working in this
area and when did you graduate
I graduated in 1978 and I have worked in basically all areas of occupational therapy that have to do with adults. So I
worked in acute care which I do again now, in ICU (intensive care unit). I worked in homecare, I worked in private
practice, long term care, outpatients … What else? I can’t think of what else there is. So I worked in a lot of different
areas for adults which is my specialty. I also got specialized training in neuro-developmental treatment and I have
been an instructor for the past 17 years in NDT. So my specialty is neuro, with adults who have neurological
impairments, in particular with strokes or head injury. So right now my primary job is working at the hospital, the
university medical center in Rochester and I work on all acute floors. So I do cover the neuro floors but I also cover
short stay. I cover the ICU, I cover the cardiac, general medicine, orthopedic. So we go to all the different floors of
the hospital depending upon the need on a particular day. So that’s my primary job. My second job, I work at the
driving program so I work with individuals who either need adaptation on their vehicle so that they can drive, people
who might have multiple scleroses, spinal cord injury, Parkinson disease this type of things. And then we also do
assessments for older driver to see if they are still safe to drive. And we also do training for younger, like young
adults who might have learning disabilities or some sort of special need that it’s going to take them a lit bit longer
than a typical high school student to learn how to drive. So that’s my second job. My third job, of course, as you
know, is to be lecturer at Nazareth College. I teach about one class a semester.
Ok, thank you. So my first question is: how would you define occupational therapy? For you what is
OT?
I think what I might do when I answer this question is do it more from a hospital related prospective. It’s different from
… it’s kind of different for me in the driving program versus in the college, versus the hospital. So for me
occupational therapy, of course, is looking at individuals and determining what the functional status was prior to
seeing them and assisting them in any way that I can to achieve as much independence as possible. So it’s focused
on activities of daily living, IADL and the all-round that encompasses that.
Ok, so for you, your goal is to bring them to their primary level, the level that they had before the injury
or the stroke or … what is your goal in OT?
So the goal would be either to get them back to that level if possible like if it’s maybe just somebody who is medically
compromised they might be able to, but of course if it’s something like spinal cord injury then you want to bring them
to their maximum potential. So depending on the diagnosis it’s not going to be possible to bring them to their level
prior to seeing us but to the maximum independence for them. And addressing all of their lifestyle, all of their roles,
their participation, what activities they were doing before, and all areas of occupation including play and work and at
home.
So my second question is: for you what are the main values of the profession? The main ideas, the main
values of the profession?
I’m not sure about what you mean by ideas …
I mean the main ideas that any OT has, the main values … the ideas that are very important to any OT
I’m wondering if you are talking about the ___ maybe. Is that, kind of what you are looking for? You know, I mean as
OTs we need to look at individuals. Like if the clients I treat have stroke, I’m obviously, not going to treat all stroke
patient the same. I have to look at them as an individuals and what is important to them. And I think that is important
for us not to put our values on them but what is important to that individual. And to be a good listener, to be able to
listen to what they want to be able to do. And I think ___ because we’re always encouraging people to be
independent but if they don’t want to be, if they have depression and they’re not willing to work. There are certain
things that are out of our control. But I think we have to respect the individual. I think we have to be very ethical in
what we do. What else? That’s all I can think about.
Yes that’s what I mean, for example, what you said, for me, means that, for you, a value of OT is to
respect what people want.
Right
XLI
It’s something very important to any OT. It’s something that any OT wants to do. I think you answered
my question but is there anything else that come to your mind? Any concepts or theories maybe that
any OT has?
I can’t think of anything else right now but, as I said, I think it encompasses a lot.
Ok, I think you answered my question. So my next question is: what, do you think, are the knowledge
that OT practice requires? What are the knowledge that any OT needs to be a good OT? To become an
OT what are the knowledge that people need?
To be honest with you, I think it really depends on the area you work in. For example, the knowledge … like if I was
working in a psychiatric program, I wouldn’t need to know all the anatomy, physiology, neurology that I need to know
working with physical disabilities. Whereas I don’t really know all the milestones of the pediatric development
because I don’t work in pediatrics. So I think that’s kind of contingent on the area that you choose to work in.
In college you need to have basic knowledge of all areas like physical disabilities, psychiatry, geriatrics, pediatrics,
as, kind of the four big pillars and then from there, after you figure out what you are interested in, then I think it’s
important you start to specialize and take even more training after college. I think our education system in the US
just gives you the basic bare minimum of what you need to know to get your first job. So yes, I think it’s important to
have knowledge about normal psychiatry and abnormal psychiatry, all of the anatomy and all of the sciences.
I am not a strong advocate of getting an OTD, a doctorate in OT. I don’t think that, for the educational … the time
spent in the educational system and the cost, really ___ reflected in the title that we do. And I know this is a trend
because of other disciplines but I’m not a strong advocate of that. I think that our knowledge can be easily
accomplished in a bachelor and a master.
And what knowledge would be very specific to OT? What are the knowledge that an OT needs to know
that you don’t have in any other job?
The only thing I can think about right now is a really good awareness of activity analysis so that kind of goes with
anatomy, physiology, how people are doing things. I think that’s the thing that separates us from other disciplines;
being able to really look at an activity, whether it’s leisure, work or personal care and figure out how people are trying
to do it and how we might be able to help them to do it a little bit easier. So I think that’s a big thing. I don’t know, I
mean, again I think it focuses on physical disability and probably in pediatrics as well but probably … I don’t think we
need to do a lot of activity analysis in psychiatry, because it’s more … psychologically oriented. But I think that’s the
thing that separates us from others, from other disciplines.
My next question is very broad but just give me as many details as you can: what do you do in OT?
What do you do in your daily practice?
___ I kind of do my normal days, you know, I go in and I look at the new referrals and then we have assignments
depending on which floor … so then I do a chart review, to get to know the patient as best as I can … through the
notes, if the physical or the speech therapist has already seen them, if another OT has seen them before, those
types of thing. So you do a really … fairly thorough but also it has to be a time efficient chart review. And then when I
see the client, obviously I will do an evaluation so that might include the all occupational profile …
And what are you looking for in this occupational profile?
Mostly it’s what their living situation was before, what kind of support they have, what their goals are and that
depends on the diagnosis too because if it’s somebody who is … I had a client last week, a young man who had a
spinal cord injury and the doctors and the family had not told him yet for sure that he had spinal cord injury. So I
couldn’t really talk to him about that because I was not the one who should bring that news to him. So it depends on
all that, that’s why I have to do a chart review and understand what the situation is, the individual. And then I do an
evaluation, a functional evaluation. Can they get out of bed? How much assistance do they need? Can they stand
up? Can they walk? Can they transfer? Can they do any of their self-cares? What is their ranges of motion? What is
their strength? What are their sensation? What are their cognitive abilities? What barriers do they have to get in
home? What plays a big role in acute care right now in the United States because the stay is so short in acute care,
is where they are going to go next. So we already start to think about: “ok, can they go home? Do they have to go to
acute rehab? Do they go to long term care rehab? Can they go home with therapies? Do they need to go to a
nursing home?” Those types of things …
XLII
And then with your client, what kind of activity do you do? Do you do activity or do you just assess
them and the stay is so short that you can’t do any activity with them cause the stay is so short that you
don’t have time to do that ?
When you say activities, the main activities that we would do would be activities of daily living. And you’re right in
that it’s hard because we spent probably between 30 minutes to an hour with each client depending upon the
situation. There is rare cases where we might be in there for an hour and a quarter or something but generally it’s
just 30 to 60 minutes. It isn’t that much so I try to include ADL in that assessment because that’s what there are
looking for OTs to determine, how much assistance does this person need and so that we can help with discharge
planning. But you’re correct in that we don’t have the time to do a more specific activity … say that I found weakness
in their upper extremity and I wanted to work on rehabilitation with them I don’t really have the time to do that during
the evaluation process. So what I might do is that, if there is family there, or even a nurse, I might do education for
them, to say: “ok, when the person is up in the chair I want them to practice reaching for this and putting it over
here”. And I might even give some specific guideline in what I want the person to be able to do. And it’s hard
because we don’t have the time to go back and see the person on a daily basis which for me is part of a frustration in
working in acute care right now because it use to not be like that. When I started we would see someone every day.
When you talk about working on ADLs, what kind of ADLs are you working on? Just getting dress and
taking a shower or …
Mostly it’s oral hygiene, grooming taps or brushing your hair, brushing your teeth, washing your face, dressing both
upper and lower body, toileting, and sometime we would take a shower but again, because of time we usually get an
idea of how much assistance they would need in the shower and let the nurses know because they are going to
shower the patient in the evening and we’re not there. So I may not do a complete shower, we do sponge bathing
sometimes, just washing up of a sink is probably more practical in our environment than a complete shower. I have
already done complete showers but it’s rare.
But, if you assess on toileting and grooming so you have to do this in the morning but if you do an
evaluation in the afternoon what do you do, if you want to assess someone but you can’t see the person
getting dress?
Well, a lot of time you can simulate. So because in a hospital most of the time they have a hospital gown on, I can …
and many times they don’t have under pant or pants on. So I grab under pants and pants and I might have them
change their socks so I can still do dressing in the afternoon without making in so inappropriate in the time of day.
And you can always have somebody putting on a jacket, you know, so … so we can do that. And then often, people
haven’t brush their teeth yet or they did it in the morning and now it’s 3 o’ clock in the afternoon and they would like
to brush their teeth because they didn’t after lunch. So often, we can still do activities of daily living in the afternoon.
It doesn’t feel so inappropriate. And again, if I can’t do the actual task then I simulate. Having them touching their
feet or having them standing up with their walker, pretending like there are pulling their pants up or something like
that.
Ok and as you said, all those activities that you do with them are always to asses them but you’re not
actually working on skills?
No, not necessarily, I might talk to somebody about their weaker side whether it’s a stroke or I had somebody
yesterday who had a really severe goût in his knee so he had a hard time moving his right leg so I might educate
them at that time and say: “ok, it’s best for you to put your right leg in first and this is why …”. So I’m sort of doing
training and education at the same time ___ or you know, if they need an adaptation, say to their toothbrush, I can
adapt their toothbrush and them try it that way. Like if they have difficulty holding it, I can go and get some ___ form
and increase the size of the handle of their toothbrush. So I can do a kind of intervention with my evaluation.
So, you need to think very quickly, about what you want to do with this person, you have very short time
Yes, that’s why I think acute care is a great place for a new therapist to be, but I also think it can be quite daunting
because you do have to act on your feet very quickly. And I do think the more experience you have, the easier it is
cause you have learned tricks of the trade over the years and what works and what doesn’t work. And it’s not that we
never get back to somebody, if I were working with somebody and I came across something … I can’t think of an
example right now… something that was puzzling to me, I could always go, and then at lunch time, talk to the other
OTs and then I could go back and see that person if it was really indicated. So it’s not that we never get back to see
people but it’s not as common as just doing an evaluation, just one time.
XLIII
Is there any theories that support what you do in your practice?
You mean theories like neurodevelopmental treatment things?
Yes exactly … any theories, a model or a framework, any theories
So, I’m not as well versed on all the frames of references because so many have been added since I graduated.
Even teaching at Nazareth College, I was like “There is a lot of frames of reference, where do they all come from?”
Some of them, I think overlap, like “they just changed the wording and they changed the name too but it’s really the
same thing”. So, I use neuro-developmental treatment a lot, that’s my main … theory or approach that I use with
neuro patients. The biomechanical approach, I’m very strong in that. Because I think people need to be aligned
properly because they can move properly. So I use a strong biomechanical approach. In frame of reference, it’s the
… you know the PEO, the person, the environment and … and probably the MOHO. I can’t think of any other …
Motor learning theory is a big one, as well, that I use.
All what you are doing now in your daily practice; where did you learn it? Did you learn it in your initial
studies or did you do other formation during your career? Where did you learn what you are doing right
now in your practice?
I think the basis was learned in the educational system but a lot of it was learn in continuing education afterward and
specialized training.
Cause you did other formation after your initial studies?
Here in the United States, in order to keep our license and in order to be a registered occupational therapy we need
to have 36 continuing education units every 3 years so it’s like a day and a half every year. So it’s important for us to
keep that up. So we can take those, now there is so much on line but before it was actual seminars that you would
travel to and attend in person. So through the years I have done a lot of continuing education courses and then of
course when I was teaching we would do a lot of … instructors would, we would teach each other, like have
instructors get together and come up with discussion. So I think most of what I use now, I probably can say that it
was learned through the years after my initials education.
And did you feel prepared when you graduate from your OT program? Did you feel prepared to be an
OT?
Yes for entry level, not specialized but for entry level yes.
Ok, I think that was all the questions I wanted to ask you. Thank you very much.
XLIV
Annexe 12 : Tableaux récapitulatifs des thèmes de la partie conceptuelle et historique
Les concepts
L’occupation et l’activité sont des concepts clef de la profession.
Des modèles théoriques conceptualisent et mettent en lien les croyances, les
connaissances et les idées philosophiques sous-jacentes aux pratiques.
1ère guerre mondiale : naissance de la profession aux Etats-Unis et premières
ergothérapies en France
L’occupation est un concept fondateur de la profession aux Etats-Unis. L’homme a
besoin de trouver un équilibre entre ses différentes occupations (travail, loisir, activités
créatives). Un déséquilibre occupationnel a des répercussions sur le corps et l’esprit.
L’occupation peut alors, être utilisée comme thérapeutique.
L’ergothérapie permet la réinsertion professionnelle.
Dans le cadre de cette réinsertion professionnelle, l’ergothérapeute propose des
activités manuelles qui correspondent aux activités professionnelles de l’époque.
L’ergothérapie s’inspire du traitement moral selon lequel, l’’activité doit permettre à la
personne de décentrer sa pensé de sa maladie. Elle doit le distraire de ses problèmes
de santé. Cependant, il y a différentes opinions sur ce sujet : L’activité thérapeutique
doit-elle être signifiante et significative, productive, ou bien distrayante ?
L’ergothérapie partage les valeurs du mouvement art-and-craft selon lequel, il est bon
pour les individus de créer des objets dans leur intégralité et par leurs mains
(contrairement au séquençage et à la mécanisation des méthodes de production dans
l’industrie). Cela permet l’accomplissement de la personne.
Il existe un lien inextricable entre le corps et l’esprit (l’état de santé de l’un influence
l’autre) ; D’où une approche holistique de la personne.
Les activités manuelles qui mettent en action et le corps et l’esprit sont thérapeutiques.
L’ergothérapeute, aux Etats-Unis, doit avoir des connaissances en artisanat.
L’ergothérapie doit montrer une certaine rigueur, s’appuyer sur la science et des
données mesurables notamment dans l’analyse d’activité.
L’ergothérapie est une discipline médicale qui peut faire l’objet d’une prescription.
XLV
2eme guerre mondiale : changement de paradigme professionnel aux Etats-Unis et
apparition officielle de l’ergothérapie en France
L’ergothérapie, en France, nait dans le domaine de la rééducation. Aux Etats-Unis elle
s’inscrit progressivement dans le « rehabilitation movement ».
Les ergothérapeutes se sont tournés vers le paradigme mécaniste qui reprend les
idées du modèle de la rééducation : le handicap est dû à un dysfonctionnement interne
du patient (sa pathologie). Si l’on agit sur ce dysfonctionnement, on réduit le handicap.
L’ergothérapie doit permettre au patient d’être plus indépendant (capable de vivre dans
la société et non dans une institution).
Les ergothérapeutes ont besoin de connaissances médicales en anatomie,
physiologie, psychiatrie et sur les pathologies.
En France, les ergothérapeutes ont aussi des connaissances solides en artisanat.
Les ergothérapeutes doivent s’appuyer sur les avancées médicales, utiliser et
s’approprier les nouvelles techniques (par exemple ; les méthodes neuro-
développementales de Bobath).
Les ergothérapeutes empruntent parfois des techniques d’autres professions, ce qui
peut rendre difficile la distinction entre les disciplines.
La fabrication d’orthèses, l’entraînement des patients à l’utilisation d’une prothèse, la
création et le conseil en aides techniques font partie du champ d’activité des
ergothérapeutes.
Les ergothérapeutes s’occupent plutôt de la rééducation du membre supérieur.
Les ergothérapeutes utilisent des activités artisanales (souvent dans des ateliers).
Celles-ci ne revêtent pas forcément un sens particulier pour le patient mais elles ont un
but thérapeutique.
L’activité utilisée en thérapie a de la valeur si elle a la capacité d’agir sur les
mécanismes internes du patient, sur des fonctions spécifiques.
L’activité occupationnelle n’est pas thérapeutique.
En médecine physique, l’activité artisanale est utilisée dans un but analytique pour
travailler sur la force musculaire, ou encore les amplitudes articulaires.
En psychiatrie, l’activité artisanale doit permettre au patient mettre en scène ses
sentiments, d’entrer en relation avec le thérapeute ou de résoudre ses conflits
intrapsychiques.
L’utilisation d’activités artisanales, en France, est ce qui distingue les ergothérapeutes
des autres professionnels ; mais cela peut aussi être dévalorisant car les activités
manuelles sont perçues comme moins nobles que les autres actes de soin.
En France, la prescription médicale et la direction du médecin assure à l’ergothérapie,
sa place au sein des disciplines médicales.
XLVI
Annexe 13 : Tableaux récapitulatifs des thèmes abordés en entretien
Voici les sous-thèmes abordés dans chaque grande thématique
Définition de l’ergothérapie
Les notions d’activité, d’activité signifiante pour la personne (Reed-Fr, Psy-US) et d’activité de vie quotidienne des patients (Reed-US, Pedia-Fr, Ger-US) ont parfois été évoquées comme but de la prise en charge ergothérapique, parfois comme moyen. « C’est un accompagnement […] dans tout ce qui fait l’activité humaine » (Reed-Fr) « en utilisant des activités fonctionnelles ou qui ont du sens, un but pour la personne » (Psy-US) « C’est centré sur les activités de vie quotidienne, les activités instrumentales de la vie quotidienne » (Reed-US) « l’ergo c’est plus dans les activités du quotidien que ce soit scolaire ou privée » (Pedia-Fr) « les rendre plus indépendant pour la toilette, l’habillage, les soins personnels, la mobilité dans le lit » (Ger-US) Les ergothérapeutes américaines ont beaucoup utilisé le mot « function », ou « functional ».
La notion d’indépendance (Psy-US, Reed-US, Ger-US) a été citée plutôt par les Américaines, comme but de la prise en charge ergothérapique. « L’ergothérapie c’est aider les gens à devenir plus indépendant » (Psy-US) « aider, par tous les moyens en mon pouvoir à atteindre le plus d’indépendance possible » (Reed-US) « rendre [les gens] plus indépendants » (Ger-US)
La notion d’autonomie a été utilisée par deux professionnelles françaises (Ger-Fr, Psy-Fr), soit comme un concept central de la profession « l’ergothérapie, c’est tout ce qui va tourner autour de l’autonomie » (Psy-Fr), ou comme une perte à compenser « c’est pallier la perte d’autonomie » (Ger-Fr).
L’ergothérapie a d’ailleurs été présentée comme une thérapie de compensation par plusieurs ergothérapeutes françaises (Ger-Fr, Pedia-Fr, Psy-Fr). « les aider à compenser ces situations de handicap » (Pedia-Fr)
Deux ergothérapeutes ont parlé de ce que la personne savait faire avant d’avoir un problème de santé. Pour l’une d’entre elles (Psy-Fr), l’ergothérapeute devait « pallier à tout ce qu’il savait faire avant et qu’il ne peut plus aujourd’hui ». Pour la seconde (Reed-US), l’ergothérapeute devait « soit les ramener à ce niveau [le niveau fonctionnel antérieur de la personne] » soit, si ce n’est pas possible « les ramener au maximum de leur potentiel ».
Le mot « réadaptation » a été utilisé par deux ergothérapeutes françaises (Psy-Fr et Reed-Fr). Pour l’une d’entre elles (Reed-Fr), « la rééducation pourrait être effectuée pour
beaucoup par d’autres professionnels mais ce qui est réadaptation c’est vraiment le royaume de l’ergothérapie ». « pour moi c’est presque de la kiné parce qu’on n’est pas dans l’activité … on n’est pas dans l’activité humaine … quand c’est trop analytique … quand c’est de la rééducation analytique pour moi on est à la limite de l’ergothérapie » (Reed-Fr)
Une ergothérapeute française (Reed-Fr) a insisté sur l’importance d’un accompagnement personnalisé « au plus près de ce qu’est la personne » qui peut avoir lieu « de la naissance à la mort ».
Une ergothérapeute américaine (Pedia-US) a parlé d’analyser les facteurs qui gênent le
XLVII
patient dans ses occupations pour travailler sur ces facteurs et « améliorer la performance fonctionnelle ».
La notion de qualité de vie a été citée par une professionnel (Ger-US) « travailler à améliorer la qualité de vie », « améliorer leur vie par tous les moyens possibles »
La notion de handicap a été évoquée une seule fois (Pedia-Fr) « c’est vraiment comment ils vivent leur handicap au quotidien et comment on peut les aider à compenser ses situations de handicap » (Pedia-Fr)
Trois ergothérapeutes, notamment celles travaillant en psychiatrie, ont pu soulever le
fait que la profession était mal connue :
“Habituellement, je dois expliquer ce qu’est l’ergothérapie car les gens pensent que je
vais leur trouver du travail”. (Psy-US)
« Alors en général … surtout en psychiatrie ... patients comme collègues … quand ils
arrivent en ergo, pour eux ils ont une image de l’ergo plus « les anciens ateliers »… » «on
envoie souvent les gens en ergothérapie pour qu’ils … plus qu’ils fassent des choses pour
s’occuper … » « Donc le patient, en général quand il arrive, pour lui l’ergothérapie c’est
fabriquer des choses, c’est faire de la mosaïque … alors ce que je leur explique c’est que, oui
effectivement on se sert de ça, mais s’il y a pas de but et s’il y a pas d’objectif, ça ne s’appelle
pas de l’ergothérapie. » (Psy-Fr)
« Faut pas s’imaginer qu’en arrivant, ça y est, les gens connaissent l’ergothérapie. Non,
les gens ne connaissent pas l’ergothérapie, mais même les médecins. » « Ils connaissent pus
l’aspect aménagement, installation que ce qui est rééducation, graphisme. » (Pedia-Fr)
XLVIII
Les valeurs de la profession
Plusieurs ergothérapeutes (Reed-US, Reed-Fr, Pedia-Fr, Ger-Fr, Ger-US) ont évoqué « la personnalisation » (Ger-Fr) des prises en charge ergothérapiques. « regarder [les patients] comme des individus et ce qui est important pour eux » (Reed-US) « leur faire faire ce qui est le plus important pour eux » (Ger-US) « avoir des objectifs personnalisés » (Reed-Fr) « proposer un accompagnement adapté, individualisé » (Pedia-Fr)
Deux professionnelles ont utilisé les mots « centré sur le client » (Psy-US, Ger-US) et l’une d’entre elle a parlé d’ « approche holistique » (Psy-US) Selon elle, l’ergothérapie est plus centrée sur le patient que les autres professions « parce qu’on a la volonté de considérer ce à quoi le patient s’intéresse, ce qu’il aime et on l’utilise dans nos traitements » contrairement au « modèle médical » ou « l’approche thérapeutique doit être basée sur la pathologie et le traitement de cette pathologie ».
Plusieurs ergothérapeutes (Pedia-Fr, Ger-Fr, Psy-US) ont, parlé « d’une approche globale » (Pedia-Fr) « cette personne vivant dans un environnement qui lui est propre, il faut absolument prendre en compte tout ce qui peut l’entourer » (Ger-Fr)
Une des personnes interrogées (Psy-Fr) a évoqué une différence de « vision des choses » entre les ergothérapeutes et les autres professionnels ; « les autres professionnels ont tendance à faire à la place, à montrer comme il faut faire, parce qu’il y a une façon de faire et il n’y en a pas trente-six » « alors que nous, peu importe comment le patient va s’y prendre s’il arrive à ses fins, pour nous c’est gagné. »
Les professionnelles interviewées ont parfois mal compris ce que j’entendais par
« valeurs ». Un grand nombre d’entre eux ont parlé des qualités requises pour être « un bon
ergothérapeute ».
Deux ergothérapeutes françaises ont évoqué la nécessité de « savoir adapter ses
pratiques » (Reed-Fr), « être polyvalent » (Psy-Fr). « L’imagination » et « la créativité » sont
d’autres qualités citées par des thérapeutes (Pedia-Fr).
D’autres professionnelles (Reed-US, Psy-US, Ger-US, Ger-Fr, Pedia-Fr) ont plutôt parlé
de compétences humaines ou relationnelles :
« avoir une bonne écoute », « respecter les individus », « être très éthique » (Reed-US)
« les gens ne se soucie pas de savoir si tu es un expert dans ton domaine. » « Les gens
vont plutôt s’intéresser à comment tu les traite et comment ils se sentent avec toi. » « si tu
les écoute, si tu les traite avec respect, si tu places leur besoin en premier, s’ils sentent qu’il
y a ce rapport thérapeutique » (Psy-US).
« être serviable », « avoir une bonne relation thérapeutique », « faire preuve d’empathie »
(Ger-US)
« il y a l’écoute des personnes » (Ger-Fr)
« il faut être à l’écoute de leurs demandes et ne pas rester dans nos valeurs à nous »
(Pedia-Fr)
Enfin, la capacité à « travailler en équipe » a été mentionnée par deux ergothérapeutes
(Ger-Fr, Reed-Fr). L’une d’entre elles a aussi évoqué de fait de « savoir transmettre » (Ger-Fr).
L’autre a cité d’autres qualités et attitudes comme « être dynamique », « être toujours en veille,
XLIX
veille documentaire, veille technologique ou même législative », « en état de
recherche permanente », « rester ouvert » (Reed-Fr)
Connaissances nécessaires à la pratique ergothérapique
Toutes les ergothérapeutes interrogées ont expliqué qu’il fallait des connaissances médicales, considérées comme « des bases standards », « des connaissances de base » (Reed-Fr, Reed-US), en « anatomie », « physiologie », « psychologie » (Reed-Fr) avec des connaissances sur « le fonctionnement du corps et de l’esprit » (Psy-US), « une idée des principes biomécaniques et neurologiques » (Ger-US), « une compréhension des comportements humains » (Pedia-US), ainsi que sur « les pathologies » (Ger-Fr, Pedia-Fr, Psy-Fr). Ces connaissances ont été associées à des savoir-faire tels que « tester les amplitudes articulaires, faire des bilans musculaires » par une des professionnelles interrogées (Ger-US).
Pour un certain nombre de professionnelles (Psy-US, Psy-Fr, Ger-Fr), la connaissance des pathologies permet de « mieux comprendre les troubles » (Ger-Fr) et d’appréhender les comportements des patients. « En psy les pathologies, elles sont primordiales, parce que tu peux avoir des réactions … parfois violentes et si tu ne sais pas que potentiellement ça peut arriver, je pense que ça peut être très compliqué et puis savoir aussi du coup, quels outils tu peux laisser à quelle personne ou pas … ça peut être très vite dangereux. » (Psy-Fr) « Tu dois comprendre que c’est une vraie maladie » « les comportements qu’ils ont, les difficultés qu’ils ont dans la vie sont vraiment dus au fait que leur cerveau ne fonctionne pas bien. Ils ne choisissent pas d’avoir certains comportements, c’est quelque chose qui découle de leur maladie » (Psy-US)
L’analyse d’activité ; « séquencer [l’activité] en étapes » (Pedia-US), regarder « comment les gens essayent de faire et comment on peut les aider à faire de manière un peu plus simple » (Reed-US) a été évoqué par deux ergothérapeutes américaines
Une ergothérapeute a évoqué la nécessité de comprendre « comment la pathologie peut impacter les gens différemment à différentes âges » ainsi que « l’impact de la culture » (Psy-US). Une autre a aussi parlé de l’importance de « comprendre toutes les interactions qu’il peut y avoir autour d’une personne » et notamment « par rapport à son environnement, au lien qu’il peut avoir avec d’autres personnes, d’un point de vue matériel » (Ger-Fr)
Des connaissances sur « les concepts importants », « les modèles utilisés en ergothérapie » sont « les racines » qui permettent « une façon plus intelligente de travailler » selon une des professionnelles interrogés (Reed-Fr)
Enfin, une ergothérapeutes a expliqué que « ce qu’on ne fait pas assez à l’école c’est du vrai bricolage », « quand je dis bricolage c’est manipulation d’outil » « Parce qu’on est tout le temps amenées à bricoler des trucs, à les adapter, à repercer » (Psy-Fr).
L
Ce que les professionnelles font dans leur pratique ergothérapique et pourquoi va être rapporté
dans le même tableau, car ces deux thématiques ont souvent été traitées ensemble.
Les activités utilisées en ergothérapie
Toutes les ergothérapeutes ont évoqué les activités de vie quotidienne.
Celles-ci sont parfois utilisées dans l’évaluation. « J’essaie d’inclure des activités de vie quotidienne dans mon évaluation parce que c’est ce qu’ils attendent de l’ergothérapeute, qu’elle détermine de quelle aide le patient a besoin pour que nous puissions aider au plan de sortie. » (Reed-US)
Elles peuvent aussi être utilisées en traitement, avec « un travail dans la chambre pour la toilette, l’habillage », « un travail en salle à manger » (Reed-Fr).
Les activités de vie quotidienne peuvent faire l’objet d’un enseignement en groupe, avec « un plan de leçon », « des explications », « des vidéos » et « beaucoup de pratique » (Psy-US). « On met les gens en situation et on utilise des situations aussi proches que possible de la vie réelle » (Psy-US). Plusieurs ergothérapeutes ont insisté sur l’importance d’être proche des habitudes de vie du patient, « dans leur environnement » (Ger-US). « On fait leur routine du matin comme s’ils étaient à la maison » (Ger-US) « J’aime être vraiment dans la chambre des patients parce que c’est leur environnement » (Ger-US)
Une ergothérapeutes a aussi parlé de « l’installation d’aides techniques » dans ces activités « au niveau des repas, de la toilette, de la chambre, des déplacements, des loisirs » (Ger-Fr)
D’autres professionnelles ont aussi dit qu’elles travaillaient d’abord sur « les prérequis » (Pedia-Fr), « les compétences dont ils ont besoin » (Pedia-US) pour faire l’activité, avant de « effectivement faire la tâche » (Pedia-US).
« On va parfois juste travailler sur « se nourrir », mais avant cela, on va peut-être faire des jeux sensoriels avec différentes textures pour réduire une aversion tactile ou orale. » (Pedia-US)
Plusieurs ergothérapeutes (Pedia-US, Pedia-Fr, Ger-US, Reed-Fr, Psy-Fr, Ger-Fr) ont évoqué certaines activités utilisées pour « améliorer des compétences » (Pedia-US), ou travailler sur une « composantes » (Reed-Fr) particulière. Certaines ergothérapeutes françaises ont qualifié ces activités « d’analytique » (Reed-Fr, Pedia-Fr) Les ergothérapeutes françaises ont, parfois, évoqué des activités manuelles telle que « enfiler des perles », « des mandalas » (Reed-Fr) ; « l’argile » (Psy-Fr) ; « la mosaïque » (Psy-Fr, Ger-Fr), « la peinture, le macramé » (Ger-Fr). Ces activités avaient pour but de faire travailler certains muscles, certaines articulations, de maintenir « des capacités de préhension », « des capacités, gnosies, praxies » (Ger-Fr), ou encore de « bosser l’attention » (Psy-Fr). Mais elles pouvaient aussi choisir ces activités pour d’autres raisons :
o « il faut que ce soit le plus possible, je ne l’ai pas dit mais c’est fondamental, que ce soit signifiant pour la personne, le plus possible », « Plus l’éventail est large dans nos outils, mieux on peut coller, pour travailler en analytique, à ce qui fait sens pour la personne. Et plus c’est signifiant, on sait très bien qu’il va mieux adhérer donc ça c’est une chose. Mais aussi, physiologiquement, on sait que ça va plus lui apporter. » (Reed-Fr)
o Une autre thérapeute a dit qu’elle utilisait ces activités « parce que ce sont des choses qui peuvent s’adapter en fonction des patients … je ne vais pas utiliser toutes les médiations avec tous les publics … il y a des choses qui vont être plus dur … dans le toucher. Tu vois l’argile c’est assez doux, mais en même temps ça peut faire ressortir des choses parce qu’il y a des gens qui ne supportent pas d’avoir les mains sales par exemple. A l’inverse, la mosaïque …
LI
t’es obligé de casser quelque chose pour recréer autre chose … donc dans la symbolique il peut y avoir des choses assez fortes … » (Psy-Fr)
o La troisième ergothérapeute a expliqué que c’était « tout ce qui est créativité et investissement dans l’activité que je recherche beaucoup dans mon atelier. », « Ce n’est pas tant l’activité qui m’intéresse, c’est qu’un moyen de parvenir à mes objectifs. Après, il se trouve que la mosaïque plait beaucoup aux personnes âgées. », « la mosaïque à un côté très valorisant pour les personnes et crée beaucoup de lien avec les familles chez ces personnes-là. » (Ger-Fr).
Plusieurs ergothérapeutes ont parlé d’adaptations matérielles, d’aides techniques (Ger-Fr, Reed-US, Pedia-Fr) ou encore d’orthèse (Ger-US, Pedia-US). « s’ils ont besoin d’adaptation, disons sur leur brosse-à-dents », «s’ils ont des difficultés pour la tenir, je peux aller chercher du plastique thermo-formable et grossir l’anse de leur brosse-à-dents » (Reed-US). « Ça va être installation d’aides techniques au déplacement, d’aides techniques en général, en fonction de ce que la personne souhaite pouvoir faire malgré son handicap ou sa difficulté, donc ça peut être au niveau des repas, de la toilette, de la chambre, des déplacements, des loisirs. » (Ger-Fr) « on est assez spécialisé dans l’accessibilité », « j’ai beaucoup œuvré pour, quand il y a des travaux que je puisse adapter pour que tout soit pensé pour telle ou telle problématique en prenant en compte le handicap visuel, auditif, sensoriel, cognitif, physique. » (Ger-Fr) « Il faut que je lui propose plus des outils, de voir ce qu’on peut envisager comme outil de compensation, comme matériel. » Donc il y a évidemment l’ordinateur », « moi je peux compléter par des outils de compensation, donc différents types de stylo, différents types de feuilles » (Pedia-Fr)
Enfin l’éducation des familles, des soignants ou des patients eux-mêmes est une autre activité de l’ergothérapeute citée dans les entretiens (Reed-US, Ger-US, Ger-Fr, Pedia-US, Psy-US)
o « Ce que je peux faire, s’il y a de la famille ou une infirmière, je peux faire de l’éducation avec eux », « je peux les éduquer [les patients] à ce moment-là et dire : « ok, le mieux pour vous c’est de mettre votre jambe droite en premier parce que … » »(Reed-US)
o « dans ce scénario [un patient atteint de démence], l’éducation de l’aidant et les choses comme ça, sont le plus important. » (Ger-US)
o « je forme beaucoup les soignantes qui interviennent auprès des personnes dans la compréhension des pathologies et des personnes en elle-même, comment on peut intervenir auprès d’elles », « beaucoup sur la manutention, d’un point de vue très technique, tout ce qui est positionnement, positionnement des personnes » (Ger-Fr)
o « on va peut-être juste parler avec les parents, sur des activités ou des suggestions qui vont aider à améliorer le sommeil donc ce sera plus de l’éducation des parents à ce moment-là » (Pedia-US)
o « ça peut inclure de l’éducation à la santé mentale et informer les gens sur leur maladie et informer les gens sur leurs symptômes et sur les moyens de contrôler leurs symptômes » (Psy-US)
LII
Les théories qui soutiennent les pratiques professionnelles
Le modèle de l’occupation humaine de Kielhofner a été cité trois fois (Psy-US, Reed-Fr, Reed-US), le modèle Kawa, deux fois (Psy-US, Reed-Fr), le modèle Personne-Environnement-Occupation, une fois (Reed-US), le modèle centré sur le client, une fois (Ger-US) le modèle systémique une fois (Ger-Fr). Une ergothérapeute a aussi évoqué les théories écologiques (Pedia-Fr)
Deux professionnelles ont parlé des théories du motor learning (Pedia-US, Reed-US), trois des théories neuro-développementales, des théories biomécaniques (Ger-US, Reed-US, Pedia-US). Une ergothérapeute a cité les théories de l’intégration sensorielle ou encore de l’adaptation « qui est inclut dans le modèle de la rééducation » (Pedia-US).
Trois ergothérapeutes françaises (Pedia-Fr, Psy-Fr, Ger-Fr) ont dit avoir peu de connaissances sur les théories, car elles n’ont pas reçu d’enseignement à ce propos dans leur formation initiale. L’une d’entre elles a dit ne pas pouvoir répondre à la question du tout (Psy-Fr).
Les lieux d’apprentissages des méthodes de traitement utilisées par les personnes interrogées
La formation initiale semble être une première source de connaissances et de savoir-faire chez toutes les ergothérapeutes interrogées. Cependant, une majorité de professionnelles a insisté sur l’insuffisance des connaissances théoriques et l’importance des apprentissages par la pratique en stage ou après le diplôme.
o « La majeure partie de ce que j’utilise aujourd’hui, je l’ai appris surtout en stage. » (Psy-Fr)
o « Je dirais que le diplôme c’est ce qui donne le droit de commencer à apprendre son métier. », « Après le diplôme je crois vraiment que c’est là qu’on peut se frotter à la réalité. » (Reed-Fr)
o « Quand tu sors des études tu as une vue d’ensemble, mais tu n’es pas spécialisée » (Pedia-Fr)
o « la partie pratique est vraiment là où j’ai appris le plus » (Ger-US) o « Je pense que j’ai eu un peu d’éducation là-dessus à l’université, mais j’ai appris
beaucoup plus quand j’ai fait des stages en santé mentale et certainement encore plus par mon expérience professionnelle » (Psy-US)
o « [beaucoup] a été appris par la pratique » (Pedia-US)
L’observation d’autres professionnels et l’aides des pairs ont aussi été cités comme permettant l’apprentissage.
o « J’ai appris différentes techniques en observant d’autres thérapeutes, par les tuteurs que j’ai eus, les collègues que j’ai eus » (Ger-US)
o « beaucoup d’échanges aussi avec d’autres professionnels qui m’ont aussi appris beaucoup de choses » (Ger-Fr)
o « et puis c’est surtout, on s’est aussi enrichi par le fait de travailler ensemble » (Pedia-Fr)
o « je savais qu’il me restait encore beaucoup à apprendre, mais je savais aussi que les gens de mon travail allaient m’aider à apprendre, m’aider à grandir en tant qu’ergo. J’ai eu de bon mentors » (Psy-US)
o « On va apprendre des collègues, de la hiérarchie, des médecins, des kinés … quand je disais les collègues, c’est les autres ergo s’il y en a d’autres, mais ça peut être des fournisseurs de matériel, des orthoprothésistes, ça dépend où on travaille … » (Reed-Fr)
Les ergothérapeutes interrogées disent aussi avoir appris par des formations effectuées
LIII
après leur diplôme. o « je me suis un peu plus spécialisée par rapport à la manutention avec la formation
GAPA. J’ai fait aussi des formations escarres et positionnement », « Après j’ai eu des formations par rapport au ___ comment accompagner la personne donc c’était la validation de Naomi Feil par exemple » (Ger-Fr)
o « je suis en train de monter, de mettre en place de la médiation par l’animal et ça c’est une amie à moi qui est ergo aussi qui est formée à ça elle et qui la du coup, on est en train de monter un partenariat parce que elle est en libéral, pour qu’elle puisse venir me former à ça » (Psy-Fr)
o « ici aux Etats-Unis, pour garder notre licence et pour être ergothérapeute [inscrite à l’ordre professionnel], on doit avoir 36 unités d’éducation continue tous les trois ans, donc c’est un jour et demi par an. » « je pense que les bases ont été apprises dans le système éducatif mais beaucoup a été appris en éducation continue par la suite et dans les formations spécialisées», « je pense que la majorité de ce que j’utilise maintenant, je peux dire que ça a été appris au fil des années après mes études initiales » (Reed-US)
o « certaines choses ont été apprises en allant à de nombreuses conférences au fil des années. J’essaie d’aller à une ou deux chaque année. » « beaucoup de choses ont changé […] depuis que je suis allée à l’école et que j’ai été diplômée » « c’est important de se tenir au courant. Je ne peux vraiment pas me fier juste à ce que j’ai appris à l’université mais plutôt à ce que j’apprends aujourd’hui dans des conférences et des groupes de travail » (Pedia-US)
Enfin, même si beaucoup d’apprentissage ont eu lieu après le diplôme, une majorité des professionnelles interrogés ont dit s’être senti prêt à exercer à la sortie de l’école.