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19 DOSSIER Une formation pour un métier dans l'agriculture 4 mars 2016 Quel est le meilleur chemin vers une vie active épanouissante et réussie ? Quel est le meilleur parcours de formation ? Quelle est la meilleure école ? Autant de préoccupations primordiales pour les personnes en quête d'un métier, d'un emploi ou plus simplement en attente de perspectives professionnelles. Rien de mieux qu'un retour d'expérience pour se convaincre de l'intérêt de se former, en toutes circonstances, comme l'expliquent clairement dans ces pages les témoins que nous avons rencontrés. Ils reviennent ici sur leurs parcours, leurs choix et sur le métier qu'ils exercent ou auquel ils aspirent. Les opérations portes ouvertes organisées dans les jours et les semaines à venir par les différentes écoles et centres de formation pourront être une occasion supplémentaire d'ouvrir de nouvelles pistes de recherche. Parmi elles, le secteur agricole se distingue par l'importance et la variété des formations proposées, autant que par le nombre de centres de formations implantés sur le territoire. Sans oublier un point essentiel, l'agriculture est un très important pourvoyeur d'emplois, pourvu que les candidats à ces emplois soient formés. Enfin, les parcours de formation en alternance école-entreprise sont particulièrement adaptés à des personnes plus sensibles à la pratique qu'à la théorie, via le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation. En outre, ces formules donnent droit à une rémunération et à la prise en charge du coût de la formation.

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Une formation pour un métierdans l'agriculture

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Quel est le meilleur chemin vers une vie active épanouissante et réussie ? Quel est le meilleur parcours de formation ? Quelle est la meilleure école ? Autant de préoccupations primordiales pour les personnes en quête d'un métier, d'un emploi ou plus simplement en attente de perspectives professionnelles. Rien de mieux qu'un retour d'expérience pour se convaincre de l'intérêt de se former, en toutes circonstances, comme l'expliquent clairement dans ces pages les témoins que nous avons rencontrés. Ils reviennent ici sur leurs parcours, leurs choix et sur le métier qu'ils exercent ou auquel ils aspirent. Les opérations portes ouvertes organisées dans les jours et les semaines à venir par les différentes écoles et centres de formation pourront être une occasion supplémentaire d'ouvrir de nouvelles pistes de recherche. Parmi elles, le secteur agricole se distingue par l'importance et la variété des formations proposées, autant que par le nombre de centres de formations implantés sur le territoire. Sans oublier un point essentiel, l'agriculture est un très important pourvoyeur d'emplois, pourvu que les candidats à ces emplois soient formés. Enfin, les parcours de formation en alternance école-entreprise sont particulièrement adaptés à des personnes plus sensibles à la pratique qu'à la théorie, via le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation. En outre, ces formules donnent droit à une rémunération et à la prise en charge du coût de la formation.

En reconversion professionnelle, David Le Guillou se demandait si les métiers de l'élevage étaient faits pour lui. Pour le savoir, rien de mieux qu'un test grandeur nature, sous la forme d'une semaine en immersion en exploitation agricole. Encore fallait-il trouver quelqu'un pour le recevoir...

"Ca fait 17 ans que je travaille dans l'agro-alimentaire. J'avais envie de voir autre chose". Licencié en octobre dernier, David Le Guillou a décidé de mettre à profi t cette dou-loureuse expérience pour changer de voie professionnelle. Et c'est le souvenir de la ferme laitière de son grand-père qui lui donne l'idée de pousser la porte de l'AEF, l'Association emploi-formation du Finistère.

EssayerL'agriculture, il aimait bien quand il était petit... "Mais je voulais voir si le métier n'avait pas trop changé, par rapport à l'idée que je m'en fai-sais". Si d'emblée, c'est le machi-nisme qui l'attire, un entretien avec Gilles Burel, animateur à l'AEF, permet de préciser les choses. "Les horaires, en saison, sont diffi cile-ment compatibles avec une vie de famille". Ce sera donc l'élevage. Et, pour tester sa motivation grandeur nature, avant de se lancer dans une formation qualifi ante, il a pu profi -ter du dispositif PMSMP, période de mise en situation en milieu profes-sionnel. Et, pendant une semaine, grâce au carnet d'adresses de l'AEF, il a découvert l'exploita-tion de Jacques Cotten et sa fille Marianne, producteurs de lait et de porcs à Tourc'h.

Apprendre"Au début, il m'a juste suivi", indique l'éleveur. Pas évident d'accueillir ainsi quelqu'un qui n'a jamais mis les pieds sur une

ferme et qui a tout à apprendre. "Justement, avance Jacques Cotten, qui emploie 4 personnes sur son exploitation. Aujourd'hui, c'est diffi cile de trouver des sala-riés. Il est important d'ouvrir les portes de nos exploitations pour motiver de nouveaux candidats".Avec David, le courant est immédia-tement passé. "J'ai tout de suite vu qu'il était animalier". Un bon point pour celui qui se destine à en faire son métier. "Puis, il a pris de l'assu-rance et vite compris ce qu'il y avait à faire. Et, en fin de semaine, les autres salariés venaient lui deman-der de les aider. C'est bon signe".

Se former"Je suis passé sur les deux ateliers, lait et porc, explique le stagiaire. Je pense que je vais plutôt me diri-ger vers le lait. En usine, j'ai été enfermé pendant 17 ans. J'ai envie

de bosser au grand air". Et, sur les exploitations laitières, il n'est pas rare que le poste comprenne aussi un peu de machinisme : labours, semis, fenaison...La semaine passée, Jacques Cotten a la satisfaction d'avoir aidé David à faire son choix. "Je ne sais pas de qui j'aurai besoin demain. Il pourra venir travailler ici. Ou rendre ser-vice à un autre éleveur". Pour le moment, il va attaquer une forma-tion longue à Saint Ségal, histoire d'acquérir de nouvelles compé-tences et mettre toutes les chances de son côté pour décrocher un pre-mier emploi.

Chantal Pape

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Découvrir in situ les métiers de l'élevage

Pendant une semaine, David Le Guillou (à gauche) a découvert les productions lait et porc chez Jacques Cotten, éleveur à Tourc'h.

Il est important d'ouvrir les portes de nos exploitations pour motiver de nouveaux candidats

Jacques Cotten

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Titulaire d'un diplôme d'ingénieur agricole, Ronan Le Denmat s'est installé en agriculture. Une formation qui l'oriente dans les choix stratégiques de son exploitation.

L'installation, une option, pas une nécessité. C'est ainsi que Ronan Le Denmat, agriculteur à Canihuel (22), a envisagé son avenir et son par-cours de formation. Après un Bac scientifi que, Ronan sait déjà qu'il veut travailler dans le secteur agri-cole mais n'est pas encore décidé sur un projet d'installation. "Je vou-lais me laisser le temps de choisir, de vivre une expérience profession-nelle avant une possible installa-tion", explique Ronan Le Denmat. Il postule alors pour trois écoles d'in-génieurs et un IUT avant de choisir l'ESA d'Angers. Avec des parents agriculteurs, Ronan ne découvre pas le métier, mais multiplie les expériences, les stages, pour mieux comprendre les différents systèmes de production. Après trois mois dans les Vosges en production laitière lors de sa première année, il choisit ensuite de s'expatrier plu-sieurs mois en Ontario (Canada) en deuxième année. C'est la décou-verte de la génétique et de la pro-duction bovine. "Le Canada pour moi c'est aussi la découverte d'un nouveau pays, d'une autre culture, l'apprentissage d'une nouvelle langue", souligne l'agriculteur. Une ouverture d'esprit, un goût pour les voyages qu'il gardera.

Les instances professionnellesSon stage de troisième année l'amène à travailler pour l'indus-trie laitière. "Une expérience pro-fessionnelle qui m'a permis de me confronter aux problématiques de la transformation. Aujourd'hui, je ne comprends toujours pas pourquoi les coopératives ne se restructurent pas plus vite". Un regard percutant qu'il doit en partie à une formation qui prépare avant tout à de l'ana-lyse. "En sortant de l'Esa, j'étais

probablement moins bon techni-quement que des éleves sortis de filières plus professionnelles. En école d'ingénieur, on nous apprend d'abord à réflechir, à aller cher-cher la bonne information, au bon endroit, à être autonome. Après, tout le travail reste à faire", recon-naît Ronan. Il poursuit son cursus, en partant en Allemagne dans un centre de recherche (équivalent de l'Inra) pour étudier l'incidence des robots de traite sur la production laitière. S'il garde un bon souvenir de ces travaux, Ronan se projette davantage dans un travail de ter-rain. "Je me passionne plus pour l'économie, mais je souhaite me spécialiser en lait". Ce qu'il fera en

dernière année. "Mon mémoire de fi n d'étude était basé sur une étude comparative de huit bassins de pro-duction laitiers en Europe (France, Allemagne et Pays-Bas)". Après l'obtention de son diplôme et sans mettre de coup d'arrêt à un poten-tiel projet d'installation, Ronan expérimente la vie salariale. Alors qu'aucune offre d'emploi ne s'ouvre à lui dans les coopératives, il est engagé un an comme conseiller bancaire. "Si la partie agricole me plait, l'aspect commercial, assu-rantiel... n'est clairement pas faite pour moi. La direction ne souhaitait pas poursuivre avec moi, je n'avais pas prévu de rester très longtemps, mon contrat s'est donc arrêté. Dans

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S'installer avec un Bac+5

Lait, bovins viande, légumes, Ronan est à la tête d'une exploitation multi-production qu'il gère comme une entreprise. "C'est une passion, mais il fait aussi que ce soit rentable".

Je voulais me laisser le temps de choisir, de vivre une expérience professionnelle avant une possible installation

S'engager pour son métierEntré comme adhérent au réseau JA dès son installation, Ronan Le Den-mat prendra par la suite le poste de secrétaire général du syndicat agri-cole. "Je trouve essentiel que les agriculteurs soient présents dans les or-ganisations collectives pour défendre notre métier. Au départ, c'est aussi un moyen de bien comprendre comment fonctionnent nos instances, de se prendre en main", explique l'agriculteur, aujourd'hui engagé dans la section "lait" de la FDSEA des Côtes d'Armor. S'il comprend la nécessité d'exprimer son désarroi lors des manifestations, Ronan est clair : "je suis pour la construction, l'anticipation plus que dans l'urgence. Je crois en l'impact des organisations économiques sur nos marchés".

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S'installer avec un Bac+5le même temps, mes parents s'im-patientent de prendre leur retraite, la question de l'installation devient cruciale. Il faut prendre une déci-sion. Elle sera positive".

Le choix de l'installationRonan choisit de reprendre l'exploi-tation familiale et de se regrouper avec son cousin pour constituer un Gaec. "Le partage des responsabi-lités, la possibilité de se dégager du temps, s'associer, ce n'était pas négociable", assume le jeune homme. Avant d'entrer dans le vif du sujet en travaillant sur la ferme, Ronan prépare son installation aidée et son programme de stage. Il partira six mois à l'autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande. "Une expérience enrichissante qui me conforte dans mes choix. Là-bas, les agriculteurs s'adaptent au maximum à leurs conditions natu-relles d'élevage et les amplifient en agissant sur la génétique. Je repars avec l'idée qu'il faut assumer son système et aller jusqu'au bout en adaptant sa sélection". Agriculteur depuis maintenant 12 ans, Ronan a conservé de son parcours de for-mation le goût d'apprendre et le partage des informations. "J'aime avoir des regards extérieurs sur mon exploitation, je suis pour le pluralisme. Charge à moi ensuite de regrouper les données, de les analyser pour faire les meilleurs choix techniques et assurer la ren-tabilité de mon entreprise".

Hélène Bonneau

L'apprentissage, une formation qui mêle théorie et pratique. Trois élèves de BPREA au lycée agricole de Kérel à Crédin (56), racontent leurs parcours et l'intérêt de mettre leurs cours à l'épreuve du terrain.

JULIE LE DIVENAH20 ANS

Sui te à l 'obtent ion de son baccalauréat, Julie se lance dans la préparation du concours de l'école d'infi rmière, qu'elle réussit. Direction Le Havre, où elle effectue sa première année. "Infirmière, ça a toujours été mon rêve et je voulais me donner les moyens d'y parvenir". Ce sera le moment d'une profonde remise en question pour la jeune femme qui reconnaît que "dans la réalité, le métier est bien loin de mes aspirations. Je me suis longtemps enfermée dans ce choix, sans le remettre en question". Sans être un échec, cette étape est l'occasion pour Julie de rebondir. Après avoir longtemps crû que l'agriculture serait un choix difficile, physiquement d'abord, l'étudiante s'épanouit dans son nouveau cursus : le BPREA option lait. "Mes parents sont agriculteurs, je ne manquais pas une occasion d'aller les aider. Aujourd'hui, je me suis rendue compte que je pouvais et je voulais le faire. Mettre en pratique les cours au quotidien dans l'exploitation me rassure et participe à notre employabilité". Elle envisage de commencer dans le salariat agricole avant une possible installation avec ses parents.

QUENTIN EVENO 19 ANS

Quentin commence ses études par un CAP mécanique agricole dans une formation en continu. "Au début, je m' intéressais plus aux matériels, mais le contact avec les animaux me semblait moins rengaine". Particulièrement intéressé par l'élevage hors-

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Apprenti(e)s : quand la passion s'en mêle...

J'ai longtemps cru que l'agriculture serait un métier difficile

Julie Le Divenah

Avec mon diplôme, je pourrai directement commencer à travailler

Quentin Eveno

Mettre en pratique les cours m'aide à les assimiler

Pierre-Marie Guillemin

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sol, Quentin s'engage dans un BPREA option volaille. Cependant, s' i l souhaite poursuivre ses études, l'apprentissage est la seule alternative qu'il envisage. "Je voulais du concret. J'ai pu trouver facilement un maître d'apprentissage en élevage alors que c'était très diffi cile en culture et en machinisme. Aujourd'hui, j'ai vraiment l'impression d'apprendre un métier. Avec mon diplôme, je pourrai directement commencer à travailler". Saisir les opportunités, découvrir de nouvelles pratiques, l'étudiant se projette dans le salariat à l'aube de son entrée dans la vie professionnelle.

PIERRE-MARIE GUILLEMIN 20 ANS

En difficulté sur le plan scolaire, ce n'est pas les deux pieds dans le même sabot que l'on retrouve Pierre-Marie Guillemin sur l'ex-ploitation de son maître d'appren-tissage. "Dynamique, énergique, effi cace, intéressé et intéressant", c'est ainsi que le décrit Philippe Pressard, agriculteur à Mohon (56) et qui l'accompagne dans sa for-mation depuis deux ans. Après un BPA sur l'exploitation laitière bio familiale, il a entamé un BPREA sur trois ans. "J'aime être dehors, le contact avec les animaux et la rigueur qu'impose l'agriculture bio-logique. De plus, mettre en pratique les cours m'aide à les assimiler. De toute façon, je ne me suis jamais vu faire autre chose". Un choix de passion qui séduit l'agriculteur : "jusqu'ici, je n'avais jamais pris de stagiaire. Aujourd'hui, j'en ai deux (avec Julie Le Divenah). Ces jeunes sont avides d'apprendre et c'est un vrai partage de connaissances qui s'opère. C'est très motivant".

Propos recueillispar Hélène Bonneau

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Apprenti(e)s : quand la passion s'en mêle...

Découvrez le témoignage de Pierre-Marie Guillemin et Philippe Pressard sur l'exploitation laitière. L'apprentissage : ça se partage !

Salariée depuis 4 ans d'un magasin de producteurs à Pencran (29), Sandrine Yvinec y valorise toutes les compétences acquises durant ses études : Bac agricole, BTS technico-commercial et licence pro valorisation des produits du terroir. Portrait.

Les études agricoles ? Sandrine Yvinec, pourtant fille de produc-teurs de lait fi nistériens, y est venue un peu par hasard. "En troisième, je ne savais pas trop quoi faire, recon-naît la jeune femme. Ma sœur, de deux ans mon aînée, était au lycée du Nivot. Ça lui plaisait bien. J'ai fait comme elle". Elle commence par une seconde générale, "histoire de ne me fermer aucune porte", et opte pour un bac STAV. "Mais j'aimais bien aussi la cuisine". Elle décide donc de poursuivre ses études par un BTS technico-com-mercial en produits alimentaires. Et ses stages, l'un dans une petite entreprise, l'autre dans une grosse structure, décideront de son projet professionnel. "Je voulais privilé-gier les relations humaines, plus simples dans les petites équipes".

Embauchée dans la fouléeSandrine part alors à Aurillac (Cantal) pour une licence pro inno-vation et valorisation des produits du terroir. "J'y ai passé 6 mois, de septembre à février, découvert une autre agriculture et de magnifi ques paysages". Elle profi te de ses week-ends pour mieux connaître l'Auvergne, visi-ter des fermes, randonner dans la montagne... Mais c'est dans le Finistère qu'elle effectue son stage de fi n d'études. "Un magasin de producteurs allait s'ouvrir à Pencran. J'ai participé au lancement". Elle obtient son diplôme en septembre 2011 et est embauchée dans la foulée, d'abord en CDD puis en CDI. Et quatre ans plus tard, elle y est toujours...

Un magasin à la fermeIl faut dire qu'entre-temps, le magasin, ouvert le vendredi après-midi et le samedi matin, a connu une belle progression, avec un agrandissement de sa surface de vente, l'embauche d'un boucher puis d'une apprentie. "Au départ, Stéphane et Fabrice Tourbot se sont lancés dans la vente directe de la viande de leur exploitation, porc, veau et bœuf charolais en cais-settes", détaille Sandrine. Puis, le succès venant, les deux frères auto-construisent un labora-toire de découpe, se lancent dans la charcuterie puis décident d'ouvrir un magasin de producteurs, où ils écoulent leur viande mais aussi des produits laitiers, des légumes et même des fruits qu'ils vont cher-cher chez des producteurs du Sud de la France, pour garantir goût et fraîcheur.

Dénicherde nouveaux produitsLa clientèle ne cesse de croître et c'est pour répondre à ses attentes que Sandrine continue à prospec-ter, afi n d'élargir la gamme. "A côté des confi tures, gâteaux, miel, vin et

jus de fruits, nous avons aussi de la farine, des glaces de la ferme... Et un pêcheur est désormais présent une fois par mois".Avant de référencer de nouveaux produits, la jeune femme se rend sur l'exploitation et échange avec le producteur. "Nos clients veulent savoir ce qu'ils achètent, comment ça a été produit. Il faut que nous puissions répondre à leurs ques-tions". Un échange qui explique aussi le succès du magasin et qu'apprécie la jeune femme, tou-jours souriante et avenante. "Ils sont à la recherche de ce contact, qu'ils ne trouvent pas en grande surface".Dans le magasin, Sandrine se charge aussi des commandes, de la mise en rayons et, en fin de semaine, tient l'une des trois caisses. Et c'est aussi elle qui pré-pare les commandes de viande à livrer au Drive Les fermiers du Net, à Brest, auquel adhèrent Stéphane et Fabrice. Un métier aux multiples facettes, où elle valorise l'ensemble des compétences acquises tout au long de sa formation.

Chantal Pape

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Sandrine gère un magasin de producteurs

Aux Délices de Kerbalanec, à Pencran (29), Sandrine cherche de nouveaux producteurs, met en rayon, tient la caisse... Une diversité de tâches qui lui plait, tout comme le contact avec la clientèle.

Nos clients veulent savoir ce qu'ils achètent, comment ça a été produit

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Sur le point de s'installer en production laitière, Elodie Renais rencontre son conjoint, décroche ses diplômes et construit son projet professionnel et de vie avec comme point de départ... le stage de BTS.

Un hasard de la vie qui débouche sur une belle histoire. A 23 ans, Elodie Renais rejoint son conjoint Anthony Tardivel, installé en Gaec avec sa mère, qui fut quelques années plutôt son maître de stage en BTS Acse. Même si Elodie Renais s'installe dans une période diffi cile et tourmentée en produc-tion laitière, son projet n'en est pas moins raisonné. Sans reprise d'ex-ploitation, ni de foncier, son projet s'inscrit dans l'optimisation de la production et du travail de l'atelier lait.

Des stages en exploitation laitière Fille d'agriculteurs, producteurs de lait à Saint-Alban, Elodie Renais réalise ses études au lycée la Ville Davy à Quessoy. Après un bac STAV, elle opte pour un BTS Acse, atti-rée par l'enseignement de la ges-tion. Elle arrive à Hénon au Gaec du Champ Aubry par le biais d'un technicien dès la première année de BTS en 2011. En effet, il faut une distance de 30 km minimum entre l'élevage familial et le lieu de stage. Son sujet consiste à étudier les différentes stratégies d'adapta-tion de l'exploitation au départ en retraite de Monique Tardivel : auto-matisation de la traite, embauche d'un salarié ou délégation auprès de prestataires (ETA, Cuma...). A l'issue du compte rendu à l'oral d'une durée de 10 minutes, Elodie Renais obtient la meilleure note de sa promotion. "Pourtant le jury m'avait coupé car ma présen-tation avait été trop longue", se souvient-elle.A l'époque, la jeune diplômée hésite sur la poursuite de ses études. "Je voulais avoir une transition avant

de plonger dans le monde du tra-vail", explique-t-elle. Finalement, son choix se portera sur la licence professionnelle Agri manager en alternance à Pontivy.Gestion salariale, comptabilité, res-sources humaines, psycho-sociolo-gie..., la formation forme les futurs chefs d'exploitation agricole. "Nous avons eu beaucoup d'intervenants différents : des chefs d'exploita-tion, des techniciens de la chambre d'agriculture du pôle installation, des spécialistes de la gestion des confl its entre associés...", liste la jeune femme.De retour au Gaec du Champ Aubry, la jeune femme y signe un contrat de professionnalisation en tant que salariée d'élevage. Une fois, sa licence en poche, le Gaec l'em-bauche comme salariée à temps plein en mars 2015. Le projet d'ins-tallation est sur les rails.

Un projet d'installation finalisé en 2016L'élevage laitier compte un trou-peau de 75 vaches laitières sur

98 ha et un atelier de porc engrais-sés à façon de 400 places."Notre objectif est d'optimiser la production laitière de l'atelier lait par l'augmentation de la produc-tion et des taux par vache à par-tir de la ration et de la génétique. Mon installation n'est pas un "gros" projet mais repose sur une volonté d'asseoir la solidité fi nancière de l'élevage", rapporte la jeune agri-cultrice, qui préfère une exploita-tion familiale à une grande société. En fait, le souhait du couple est de parvenir à trouver un équilibre entre résultats économiques et charge de travail. "C'est un métier où certains jours, physiquement, c'est dur. Depuis 2 ans, nous avons rapproché la nurserie de la salle de traite. Nous réfl échissons aussi à la façon de nettoyer les logettes". D'autres projets sont à l'étude comme la réorganisation du poste de traite.

Emmanuelle Le Corre

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Elodie s'installe en lait après un bac +3

Elodie Renais, diplômée d'une licence pro agri manager fi nalise son installation en lait ce mois ci.

Je voulais avoir une transition avant de plonger dans le monde du travail

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Motivées et sérieuses, Saléha Briand et Tiffany Pellan suivent une formation en BPREA(1) au centre de formation à Quintenic en Côtes d'Armor. Elles témoignent de leur parcours. Des parcours finalement similaires, pas toujours facile quand on est une fille.

SALÉHA BRIAND, 24 ANS. "CELA ME DONNE CONFIANCE EN MOI"

Saléha Briand est en seconde année de BPREA par apprentissage au centre de formation de Quintenic car la jeune femme, aujourd'hui en élevage porcin, a opéré une recon-version. Après un BEP service à la personne, elle enchaîne logique-ment sur le bac pro mais arrête après la première année en 2012. "J'ai travaillé en hôpital. Ce n'était pas du tout ça ! Je n'ai pas du tout aimé l'ambiance entre collègues alors que je recherchais un travail en équipe", raconte-t-elle.Pendant une année, ponctuelle-ment, elle travaille dans un élevage porcin à Plourhan, au poste mater-nité surtout. Et le métier lui plaît. De fi l en aiguille, elle recherche une formation : le BPREA en contrat d'apprentissage séduit la jeune femme. Mais la recherche d'un maître d'apprentissage s'avère un parcours semé d'embûches. "Parce que j'étais une fille, j'ai essuyé beaucoup de refus parce que pas assez physique", regrette-t-elle. Elle décide donc d'en tou-cher un mot à sa patronne qui, au premier abord, est un peu réticente à embaucher une apprentie mais accepte finalement. Aujourd'hui, Saléha Briand est très satisfaite, "cela se passe très bien". Motivée et intéressée, elle a trouvé ses marques dans l'élevage. Mieux, elle pourrait être embauchée. "Un sala-rié devrait partir et ma patronne ne veut pas me lâcher", explique-t-elle. Reboostée, elle a gagné

en assurance. "Cela m'a donné confi ance en moi. On a envie de se donner à 200 %. Ici, on m'écoute, je peux donner mon opinion. Il fau-drait plus de formation en appren-tissage", convient-elle.

TIFFANY PELLAN, 20 ANS. "ÊTRE GARDÉE EST UNE SATISFACTION PERSONNELLE"

Fille d'agriculteur (reconverti dans le TP), Tiffany Pellan détient le diplôme de bac pro "service à la personne". Mais elle le recon-naît sans détour : "je n'ai jamais aimé trop ça". Passionnée par les vaches, depuis l'âge de 15 ans, elle enchaîne les remplacements le week-end et l'été dans sa famille. "Du côté de mon père, tous sont agriculteurs. Mon copain est lui aussi agriculteur, installé depuis sept ans", précise-t-elle. Alors, lorsque se pose la question de sa ré-orientation, le choix est tout trouvé : le BPREA en contrat d'ap-prentissage. "Je n'aime pas trop l'école et j'avais envie d'aller sur le terrain. C'est bien de pouvoir apprendre, de coordonner les cours et la pratique", partage-t-elle. Après une première expérience dans un élevage qui tourne court la première année, Tiffany Pellan se voit rechercher une seconde exploitation. "Etre une fille m'a

posé problème pour trouver un maître d'aprentissage", confie-t-elle. Une semaine avant la date butoir, elle finit par décrocher le précieux contrat dans un élevage laitier de race normande, grâce à Jérémy Villalon, coordinateur de la formation. À l'aise dans les tâches, Tiffany Pellan assure la traite (2x16 avec TPA) ou pique les vaches... Son expérience de remplacements lui est fortement utile. Quant à la fi n du contrat, fi n août 2016, elle confi e : "mes patrons souhaitent me garder à mi-temps. L'apprentissage, c'est bien car quand on a l'opportunité d'être gardée, on en retire une vraie satisfaction personnelle".

Emmanuelle Le Corre

(1) BPREA en contrat d’apprentissage formation pour un contrat de 24 mois : 27 semaines en centre, 67 semaines en entreprise. Elle est accessible à tout candidat justifi ant d’un diplôme CAP/CAPA ou ayant suivi un cycle complet BEP/BEPA de 2 ans ou ayant suivi une scolarité en classe de seconde.

Elles ont fait le choix de la formation par apprentissage

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Tiffany Pellan, Jordan Walsh et Saléha Briand, toutes trois en formation BPREA par apprentissage au centre de formation de Quintenic (Côtes d'Armor).

"Plus de 50 appels..."Jordan Walsh est d'origine anglaise, également en BPREA par apprentissage à Quintenic. Arrivée en France depuis sept ans, après une formation à la MFR de Loudéac, elle opte pour ce type de formation "pratique". Comme ses collègues, elle décrit un parcours diffi cile pour trouver un contrat de 24 mois. "J'ai passé plus de 50 appels avant de trouver une exploitation". Finalement, elle travaille dans une exploitation mixte lait et porc à Lamballe.

Sortie du lycée avec un Bac ES, Charlotte Guillon travaille aujourd'hui comme comptable agricole au CER France à Questembert (56). Entre temps, un BTS Acse, une licence professionnelle en alternance et une première expérience bancaire lui ont permis d'arriver à cette place qu'elle occupe avec bonheur.

Le goût des chiffres et de l'agricul-ture, voilà ce qui a amené Charlotte Guillon, jeune femme de 27 ans, à la comptabilité agricole. Pour le Bac, elle a choisi la fi lière générale. Trop peu à l'aise avec la physique et la chimie pour tenter le bac S, elle a préféré la série économique et sociale, "la plus large". Et parce que Charlotte aime les animaux, est "passionnée par les chevaux", elle espérait un métier en contact avec eux. Bac en poche, ne se sen-tant pas en mesure de tenter les difficiles écoles vétérinaires, elle commence des études d'assistante vétérinaire. Mais celles-ci ne lui plaisent pas et et elle a le senti-ment de faire fausse route. C'est pourquoi après la première année, elle change d'orienta-tion pour un BTS agricole.

Arriver vite sur le marché du travailCharlotte hésite entre le BTS pro-duction animales et l'Acse (analyse et conduite des systèmes d'exploi-tation) et choisit fi nalement l'Acse, dans une MFR qui lui permet de le préparer en un an au lieu de deux. Ce BTS est celui qui développe le plus la partie comptabilité-gestion ; une décision qu'elle ne regrette pas "parce que les chiffres [lui] parlent plus". Et quant au choix de la MFR, Charlotte l'a fait parce qu'elle offrait cette possibilité d'aller vite mais aussi parce qu'elle préférait éviter le cursus conventionnel.Ce BTS, elle le prolonge par une licence professionnelle "manage-ment des entreprises agricoles" en alternance. Là encore, ce choix est mû par deux objectifs : être immé-diatement sur le terrain et arriver ensuite rapidement sur le marché du travail. C'est la possibilité offerte par une licence, par opposition à une école d'ingénieur qui prendrait un peu plus de temps, par exemple. Quant à l'alternance, "elle per-met d'être plus crédible face à un recruteur".

De la banque à la comptabilitéPendant qu'elle prépare sa licence, Charlotte effectue son stage dans une banque. C'est donc dans le milieu bancaire qu'elle évolue, à mi-temps, pendant un an. Son maître de stage lui propose très vite de travailler sur des dossiers agri-coles, lui offrant par là la possibilité d'appréhender leurs particularités. Elle apprécie qu'il lui ait "vite fait confi ance" et lorsqu'on lui demande ce que cette formation lui a apporté, elle répond avant tout qu'elle "l'a fait grandir" et lui a permis de "ren-contrer plein de gens".Par la suite, Charlotte travaille quelques temps dans cette même banque, hors de Bretagne, ce qui lui permet de faire l'expérience de

productions qu'elle ne connaissait pas : vin, cognac, canard...Puis, elle a envie de revenir dans sa région d'origine et postule au CER France. Rentrée au départ pour un contrat saisonnier (les dossiers PAC), elle y voit le moyen de faire ses preuves. Elle est ensuite embauchée comme comp-table agricole, pour remplacer un salarié qui prend sa retraite, à Questembert dans le Mrobihan.Les compétences en comptabilité-gestion du BTS et de la licence ne sont certes pas suffisantes pour être immédiatement autonome sur le terrain mais elles sont une base. Et même s'il n'y a pas de formation proprement dite pour les jeunes embauchés, la mise à niveau se fait "sur le tas", aux côtés des collègues expérimentés. Des dossiers lui sont confiés progressivement. Elle en gère aujourd'hui une vingtaine et, dans quelques semaines, deviendra officiellement comptable conseil, en charge d'un portefeuille de 45 à 50 clients. Pour la suite, Charlotte peut avoir l'opportunité de devenir conseiller de gestion mais "il faut avoir du recul" pour cela, avoir "un peu de vécu". Elle n'exclut pas non plus la possibilité de s'installer plus tard, même si elle ne l'a pas envi-sagé jusque là.Au final, "il est plus facile de se former à la comptabilité après une formation agricole plutôt que l'in-verse", affi rme-t-elle. Il en est de même pour la banque et d'autres métiers du para-agricole qui se trouvent à l'intersection de deux domaines de spécialités : la forma-tion agricole est un socle solide sur lequel on peut évoluer et construire une carrière.

Emmanuelle Bordon

30 DOSSIER 4 mars 2016

4 mars 2016

Par goût des chiffres et de l'agriculture

Pendant qu'elle prépare sa licence, Charlotte effectue son stage dans une banque. C'est donc dans le milieu bancaire qu'elle évolue, à mi-temps, pendant un an. Son maître de stage lui propose très vite de travailler sur des dossiers agri-coles, lui offrant par là la possibilité d'appréhender leurs particularités. Elle apprécie qu'il lui ait "confi ancece que cette formation lui a apporté, elle répond avant tout qu'elle "fait grandircontrer plein de gensPar la suite, Charlotte travaille quelques temps dans cette même banque, hors de Bretagne, ce qui lui permet de faire l'expérience de

vétérinaire. Mais celles-ci ne lui plaisent pas et et elle a le senti-ment de faire fausse route. C'est pourquoi après la première année, elle change d'orienta-elle change d'orienta-tion pour un BTS agricole.

Charlotte Guillon, 27 ans, comptable agricole au CER France Brocéliande.

La licence professionnelle en alternance m'a fait grandir