Sir Walter Scott - Vie de Napoleon Buonaparte (8) A

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NAPOLÉONBUONAPARTE, TREUTTEL ET WURTZ, RU E DE BOURBON, N- <7. CHARLES GpSSELIN, RUE S'-GERMAIN-DES-PRÉS, N" STRASBOURG 1 DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, SIR WALTERSCOTT. 'mË UTT ETj ET WURTZ, RUE DES SERRURIERS. 1827. EMPEREUR DES FRANÇAIS; D'UN TABLEAU PRÉLIMINAIRE TO.ME HUITIÈME. PRÉCÉDÉE PARIS VIE DE PAR >

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'V IEDE

NAPOLÉONBUONAPARTE.

TOMEVin.

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DE

NAPOLÉON BUONAPARTE.

CHAPITRE PREMIER.

Préparatifs de Napoléon contre l'invasion de Ja France.

'Conditions de la paix offertes de la part des Alliés par lebaron de Saint-Aignan. Bases du Traité. -Congrès tenuà Manheim. Lord Castlereagh. Manifeste des AHiés.

Réplique de Buonaparte. Son manque de sincérité.État des partis en France f. Les adhérons des Bour-

bons leurs principaux partisans a". Les anciens Ré-

publicains. La population de la France, en général, esttasse de la guerre, et désire la déposition de Buonaparte.–.Ses efforts inutiles pour soulever l'esprit national.

Conseil d'État extraordinaire tenu le n novembre on

.'impose de nouvelles taxes, et l'on décrète une nouvelleconscription de trois cent mille hommes. -= Sombre aspect'du Conseil, et violence de Buonaparte. Rapport sur.l'état de la nation présenté à Napoléon par le Corps Légis-latif. Son indignation en le recevant. Le. Corps Lé-

gislatif  est prorogé. Envoi de commissaires dans les Dé-

partemens pour faire lever le peuple.–Inutihté dé cettemesure. Activité infatigable de l'Empereur. –'Appel de

ta Garde Nationale.Napo)éonluicpnne son épouse'etson

fils, et prend congédu

peuple.II

partde Paris

pourse rendre à l'armée ie 2~  janvier 1814; plein dé funestes

présages.tT'i ANDis que ces scènes se passaient aux .portes

de !a France l'Empereur faisait'tous ses

VIE un NAP.Buojf. Tome8. i

VIE

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2 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

efforts pour-faire marcher à la défense du ter-ritoire français, une armée qui répondu: jus-qu'à un certain point à ridée qu'il désirait qu'on

seformât de la Grande Nation. Il répartit le longde la ligne du Rhin, les soixante-dix à quatre-vingt mille hommes qu'il avait avec lui, sansse laisser ébranler par l'opinion de ceux quicroyaient ce nombre insuffisant pour défendreune telle étendue de frontières. En convenantde la justesse de cette objection, il soutenait

qu'elle n'était pas applicable à la circonstance.La politique exigeait alors; dit-il, que la Francene rabattît rien volontairement de ses hautes

prétentions et de ses droits. Lès Autrichienset les Prussiens se rappelaient encore les cam-

pagnes dé la révolution, et redoutaient une se-conde fois la France entière dans l'attitude

d'une nation, armée. Il fallait entretenir cettecrainte le plus long-temps possible, et presque àtout risque. Concentrer ses forces, ce: ,seraitreconnaître sa faiblesse, avouer qu'il n'avaitpas le moyen de remplir les cadres épuisés de

`

ses bataillons, et, ce qui pourrait être encore

plus imprudent, ouvrir les yeux de' la nation

elle-même à cette triste vérité. Ainsi, d'aprèsce raisonnement, il fallait maintenir les appa-rences,, quelque mal secondé qu'on fut par -laréalité. Les souverains alliés, d'une autre part,

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CHAPITRE I. 3

faisaient avancer successivement sur la rivedroite du Rhin leurs masses immenses, qui, en

y comprenant les corps de réserve, ne s'éle-

vaient peut-être pas a moins de cinq cent millehommes.Les scrupules de l'empereur d'Autriche, et

le respect qu'avait, en général, la coalition

pour le courage des Français et les talens deleur chef, influèrent à cette époque sur les con-seils des alliés, et avant d'en venir à une re-

prise d'hostilités, dont les suites devaient êtreextrêmes, ils résolurent d'oSrir encore unefois des conditions de paix à l'empereur deFrance.

L'agent choisi à cet effet fut le baron de

Saint-Aignan, diplomate français distinguéerésident près d'une des cours d'Allemagne, qui,

étant tombé entre les mains des alUés, fut .misen liberté, et chargé d'assurer l'empereur deFrance qu'ils étaient disposés à entamer untraité sur le pied de l'égalité. Le gouvernementanglais annonça aussi publiquement qu'il était

prêt à entrer en négociation pour la paix, et

qu'il ferait de grandes concessions pour arriver

à un. résultat si heureux. Napoléon avait doncune autre occasion pour négocier, à des condi-tions qui à la vérité l'auraient dépouillé del'in-

 juste suprématie qu'il avait voulu s'arroger sur

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.4.

les conseils européens, mais qui lui auraient

laissé une place élevée et honorable parmi lessouverains de l'Europe. Mais le caractère ab-

solu de Napoléon en faisait un mauvais négo-ciateur, à moins qu'il n'eût dans ses mains le

plein pouvoir de dicter les conditions. La fer-meté opiniâtre de ses résolutions, avantageuseen bien des cas, lui deviritalors contraire, parce

qu'elle l'empêcha de prévenir le momentd'une

nécessité inévitable; ce qu'il aurait fait en sacri-

fiant, par amour pour la paix, une partie de cequ'il était encore en son pouvoir de céder ou

de retenir. Cette ténacité était un trait particu-lier de son caractère. Il pouvait se décider à

renoncer à ses prétentions sûr des royaumes et

des provinces qu'il n'était déjà plus en son pou-voir de recouvrer mais quand il s'agissait de

céder quelque chose dont il était encore enpossession, le lion n'aurait pas été plus atta-

ché à sa proie. De là vient qu'a mesure queé

ses revers se multiplièrent, les négociationsentre lui et les alliés ressemblèrent au marché

queiit un roi de Rome, suivant l'histoire an-

cienne, pour les livres des Sibylles. Le prix de

la paix qu'on lui onrait, de même que celuide ces livres mystérieux, augmentait à chaque

renouvellement des conférences. On n'en sera

pas surpris si l'on réfléchit que les prétentions

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CHAPITRE I. 5de celui qui a l'avantage, doivent naturellements'accroître en proportion du nombre des dé-faites qu'a subies son adversaire, et de la di-minution de son

pouvoir.Il est facile de s'en convaincre en jetant un

coup d'œil en arrière sur de précédentes négo-ciations. Avant la guerre de Russie,'Napoléonaurait pu faire la paix presque aux conditions

qu'il aurait voulues, pourvu.qu'elles eussentété accompagnées d'urié renonciation à cette

autorité usurpée qu'il semblait vouloir exercersur un empire puissant et indépendant, en dé-

ployant ses.armées sur les frontières de'là Po-

logne. Il ne restait rien à discuter entre lesdeux

Empereurs si ce n'était le point de l'égalité,et il était impossible à Alexandre de le céder,sans être injuste envers lui-même et envers ses

sujets.Le congrès de Prague changea la nature des

choses. Le sort de la guerre ou plutôt les suitesde sa propre témérité, avaient fait perdre à

Napoléon une armée immense, et avaient dé-livré l'Autriche et la Prusse de son influence

prédominante. Ces deux puissances, alliées à la

Russie et a l'Angleterre, avaient le droit dedemander et les moyens de dicter un tràité'quipréservât la Prusse de retomber dans un état

qui peut se comparer à celui des Ilotes de.Tome8.

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VIE DE NAPOLÉON BLTONAPARTE.6

Sparté,'ou desGabaonites de la Palestine, et quidélivrât l'Autriche"' d'une dépendance moins

directe', mais dont la continuation l'avait dé-

pouillée de plusieurs provinces,et

exposaittoute la ligne de ses frontières à un retour'

d'alarmes et de souffrances dans toutes les guer-res que l'ambition trop bien connue de l'em-

pereur français pourrait allumer en Allemagne.

Cependant les conditions que proposait même

alors-le prince de Metternich,ne tendaient

qu'à soustraire l'Allemagne à l'influence de laFrance, et à obtenir la restitution des provinces

Illyriennes. Lé destin de la Hollande et'celui de

l'Espagne étaient dinérés jusqu'à une paix gé-nérale dans laquelle l'Angleterre serait partiecontractante. Mais, quoiqu'il pût regarder la

Pologne et l'Illyrie comme perdues, et la ligne

de l'Elbe et de l'Oder comme impossible à dé-fendre contre les armées réunies des Alliés,

Buonaparte refusa d'accepter ces conditions, àmoins que les villes anséatiques ne restassent

sous l'influence &ançaise, et il n'envoya même

son adhésion ainsi modinée au traité qu'après

l'expiration de la trève qui avait été conclue

pour le congrès....Après le gain-de six batailles, et les Al-

liés ayant tenu leur parole dee n'écouter

aucune proposition de négociation tant qu'd

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CHAPITRÉ I. 7'

resterait en Allemagne un soldat français quine fût prisonnier, ou qui ne fit partie de la

garnison d'une forteresse en état de siège, il

était naturel que les souverains confédérés aug-mentassent leurs demandes, d'autant plus quel'Angleterre, qui avait fait presque tous lesfrais de la guerre avait son rôle dans.les con-

férences, et des intérêts particuliers auxquelsil fallait alors avoir égard.

Les conditions proposées a Napoléon, et dont

l'acceptation pouvait lui procurer la paix et lagarantie de sa dynastie, étaient donc deve-nues plus rigoureuses en raison des succès deses ennemis.

Le comte d'Aberdeen, bien connu par son

goût pour la littérature et par ses talens, assista,de la part de la Grande-Bretagne, aux négo-

ciations qui"s'ouvrirent avec le baron de Saint-Aignan. Les bases du traité proposé par lesalliés étaient que la France, renonçant a

l'agrandissement démesuré qu'elle devait aux

conquêtes de Buonaparte, rentrât dans ses li-

mites naturelles, formées par le Rhin, les Alpeset les Pyrénées; ce qui la laissait en possession

des riches provinces de la Belgique. L'indé-pèndance de l'Italie, de l'Allemagne et de la

Hollande, était positivement stipulée. L'Es-

pagne', que les armes de la Grande-Bretagne,

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.8

secondées par ses propres efforts, avaient

presque affranchie du joug des Français, de-

v.aitde même reprendre son indépendance sous

Ferdinand.Telles étaient les principales conditions pro-posées. Mais il est généralement admis que,si Buonaparte eût montré un- désir sincère deles accepter, les stipulations auraient pu êtremodifiées demanière à lui devenirplus agréablesqu'elles nele semblaient d'abord. Il se trouvait

dans les cabinets des souverains alliés, des mi-nistres qui étaient d'avis de consentir que Eu-

gène Beauharnais dont on avait une opi-nion très favorable, fût reconnu comme roi del'Italie septentrionale, tandis que Murât con-serverait la partie du midi de cette péninsule.Les mêmesconseillers n'auraient pas refusé de

regarder la Hollande comme assez indépen-dante, si elle avait eu pour souverain le con-

sciencieux Louis Buonaparte. Quant à l'Es-

pagne, sa destinée n'était plus sous l'influence

de Napoléon, même à ses propres yeux, puis-

qu'il traitait lui-même avec son captif  à Valen-

çay, pour le rétablir sur le trône. Il aurait donc

été possible, avec un peu d'adresse, d'obtenirun traité qui,, en déclarant l'indépendance no-minale de l'Italie et de la Hollande, aurait laissé

Napoléon en possession actuelle de .toute l'in-

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CHAPITREI. 9uuehce réelle qu'un esprit si vaste aurait puexercer sur un frère, un beau-iils et un beau-

frère qui tous lui auraient été redevables du

rang qu'ils auraient occupé. Sa puissance au-

rait été ainsi consolidée de la manière la plusformidable', et sone'npire se serait trouvé placédans une'sécurité à ne craindre aucune agres-sion. Il n'avait qu'à montrer des intentions pa-cifiques a l'égard des autres peuples, pour assu-rer la tranquillité parfaite de la France et dumonde entier.

Mais l'ambition de Napoléon avait pris unessor trop élevé pour qu'il voulût se contenterd'un degré de pouvoir semblable à celui quepouvaient lui obtenir des négociations. Saphrasefavorite en pareilles occasions; et il l'avait miserécemment dans la bouche de Marie-Louise,était

qu'ilne

pouvait occuper un"trône dont la

gloire serait ternie. C'était un étrange abus de

mots car si sa gloire était ternie comme ellel'était certainement sous le point de vue mili-

taire il le devait à la perte de plusieurs grandesbatailles, et il ne pouvait la ternir davantage-,en faisant des concessions que ces défaites ren-

daient nécessaires. La perte d'une bataille jettenécessairement plus ou moins de blâme sur laconduite d'un général vaincu; mais un princepatriote ne se déshonore jamais en faisant des

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10 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

sacrifices pour épargner à son peuple le fléau

d'une guerre funeste et prolongée. Rendons

pourtant justice à la mémoire d'un homme si

distingué. Si une juste confiancedans le zèle etla bravoure de ses'troupes, et dans ses talens

transcendans comme général, peut excuser

la grande faute politique qu'il commit, en né-

gligeant de saisir l'occasion de faire la paix àdes conditions honorables, les éyénemens de la

campagne, étrangement variée, de l8i4, prou-

vent assez qu'il avait d'amples motifs pour selivrer a cette confiance.

A cette époque, Maret, duc de Bassano,invita les alliés à tenir un congrès a Manheiui,

pour délibérer sur les préliminaires de la paix «,et lord Castlereagh, ministre du cabinet de la

Grande-Bretagne, fut chargé de la représenter

en cette occasion importante. L'esprit de parti,qui, dans les pays où la liberté de la discussion

est permise, prend souvent pour objet de sa

censure les hommes d'État les plus dignes et

les plus vertueux a calomnié ce ministre

pendant sa vie et même après sa mort. C'est un

des maux auprix

desquels la liberté s'achète,

et ce prix est d?autant moins cher que,l'heurede la justification ne manque pas d'arriver.

Aujourd'hui que son pouvoir ne peut plus ni.

attirer la flatterie, ni exciter la haine, l'histoire

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CHAPITRE!. 11

impartiale doit écrire sur la tombe de Castle-

reagh, que son courage inébranlable, sa fer-meté mâle, et sa profonde sagacité politique,

contribuèrent principalementà

entretenirdans

les conseils des alliés cet esprit de persévé-rance infatigable qui les soutint pendant desintervalles prolongés de doute et d'indécision,et qui les conduisit enfin à terminer, avec leshonneurs du triomphe la guerre la plusie-conde en. événemens que. l'Europe eût jamais

Pendant ce temps-là, des deux côtés, on pro-clamait le désir de la'paix, sachant fort bien

que les Français particulièrement ne manque-raient pas de concevoir une opinion avanta-

geuse du parti qui semblerait le plus disposé afaire jouir le monde de cet état de repos et de

tranquillité après lequel oh soupirait alors uni-versellement.

Les monarques alliés publièrent un manifeste

dans lequel ils se plaignaient, certainement mal

à propos, des préparatifs que faisait Buona-

parte pour recruter son armée, car soit qu'il

songeât à la paix ou à la guerre, il était égale-

ment naturel que Napoléon cherchât a aug-menter ses moyens de résistance, quand les

frontières de la, France étaient entourées .parles armées alliées; le-reste de cette pièce oIR-

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12 VIEDENAPOL~OJSBUONAFARTE.

cielle était d'un meilleur ton parce qu'il y en-trait plus de vérité. On y disait 'que la victoire

avait amené les'alliés sur les bords du Rhin,

mais qu'ils ne voulaient profiter de leursavantages que pour proposer a Napoléon une

paix fondée sur l'indépendance de la France

aussi-bien que sur celle de tous les autres pays.Ils désiraient, ajoutait-on, « que la France fut

grande, puissante et heureuse parce que le

pouvoir de là France était une des bases fon-

damentales du système social en Europe. Ilsétaient disposés à lui garantir une étendue de

territoire plus 'considérable qu'elle n'en avait

 jamais eu sous ses anciens rois, mais ils vou-

laient en mêmetemps faire régner la tranquil-lité en Europe. En un mot leur but était

d'arranger une pacification à des conditions qui

pussent,, par des garanties mutuelles, et unebalance de pouvoir bien combinée, préserver

l'Europe des calamités sans nombre qui, pen-dant vingt ans, avaient déchiré le monde. ))Cette

déclaration publique semblait dire que la guerredela coalition n'était pas encore dirigée contrela personne et la dynastie de Napoléon, et

qu'elle n'attaquait que son système de supré-matie arbitraire. Lesallies déclarèrent en outre

qu'ils ne déposeraient les armes, que lorsquel'état politique de l'Europe aurait été réglé sur

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CHAPITRE I. i3

des principes invariables, et reconnus par la'sainteté des traités.

La réponse de Buonaparte est conteriue-dansune'lettre de Caulaincourt a Metternichen datedu 2 décembre; il déclarait que Napoléon adop-tait le principe qui faisait reposer la pacificationproposée sur l'indépendance absolue des Étatsde l'Europe, de sorte qu'aucun d'eux à l'avenirne s'arrogeât la supériorité ou la suprématie surterre ou sur mer. Il fut donc annoncé que Sa

Majesté donnait son adhésion aux bases géné-rales, et aux idées abstraites communiquéespar M. de Saint-Aignan. ((Elles entraîneront,ajoutait la lettre, de grands sacrifices dé la partde la France; mais Sa Majesté les fera sans re-

gret, si l'Angleterre, en en faisant de sembla-bles, fournit le moyen d'arriver à une paix

générale et Honorable pour toutes les par-ties ))

La plus légère attention donnéeà-cette. pi,èceprouve que Napoléon, tout en voulant para!tredésirer la paix .aux condition~,contenue~ dans

les propositions des alliés, manquait tpu,t-a-faitde sincérité. Sa réponse était ajti&ci.eusëment

calculée de manière à mêler à la diminution;~sa puissance exorbitante, la question de,'laloi maritime d'après.laquelle l'Angleterre et

toutes les autres nations avaient agi depuis des~

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1~ VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

siècles, et qui donne aux peuples possédantde grandes flottes le même avantage que la loi

martiale accorde à ceux qui ont sur terre des

armées nombreuses. Les droits de cette loi ma-ritime avaient été soutenus par l'Angleterre a

la fin de sa guerre désastreuse contre l'Améri-

que, à l'époq1}.e où la neUh-ali~é~ÍDéese formaque, à l'époque où la neutralité armée se forma

dans le dessein exprès de profiter de ce moment

de faiblesse pour la priver de ce boulevard de

sa puissance navale. Pendant là guerre actuelle,

elle les avait défendus contre toute l'Europe,ayant à sa tête la .France et Napoléon. Il était

impossible que la Grande-Bretagne soumet au-cune attaque contré ses droits maritimes dans

le moment de sa prospérité, non seulement

quand ses vaisseaux voguaient en triomphesur toutes les côtes, mais quand ses armées vic-

torieuses avaient posé le pied sur le territoirefrançais, et que les troupes nombreuses de ses

alliés, auxquels elle avait fourni le moyen de

les mettre en campagne, bordaient toute la fron-

tière du Rhin. Autant aurait valu que l'empe-reur de France eût proposé de faire dépendrela paix que lui offrait l'Europe, de la cession

que ferait. l'Angleterre, de l'Irlande ou d'el'Ecosse.

L'on ne saurait prétendre que c'était une

ruse de politique qui portait Napoléon a intro-

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CHAPITRE!.I. 15

duire cette discussion comme une pomme dediscorde parmiles alliés; car loin de regarderla loi maritime telle que l'observait là Grande-

Bretagne, avecun œil de

mécontentement ja-loux, comme,elles avaient pu le faire autrefois,les nations continentales songeaient aux mauxbien plus grands que- leur ~vait fait souffrir lamémorable tentative de Buonaparte pour ren-verser cette loi par son système anticommer-

cial système, qui avait fait prendre les armes

a là Russie elle-même, et qui était une desprincipales causes de la coalition générale contrela France. Napoléon ne pouvait donc espéreraucun avantagé direct ou indirect en mêlant là

question de la loi maritime avec celle.de l'arran-

gement général de tous lesintérêts du continent,et comme on ne saurait supposer qu'un mou-

vement d'humeur et de haine contre la Grande-Bretagne fût unmotif capable d-avoir déterminé

une si haute, intelligence, on doit croire quecette stipulation inadmissible fut'mise en avant

pour lui fournir l'occasion de rompre la négo-quand il le voudrait, et-de surl'Angleterre l'odieux de cette rupture. Il est

très vrai que l'Angleterre avait oHert de fairedes sacrifices pour arriver à une paix géné-

rale; mais ces sacrifices, comme l'événementle prouva, consistaient en la restitution qu'elle

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VIEDENAPOLÉONBUONAPARTE16

ferait a la France de ses colonies conquises, etn'avaient nul rapport à la cession de ses droits

maritimes, auxquels aucun ministre anglais, en

quelque occasion que ce puisse être,ne

vou-dra, ne pourra, n'osera permettre qu'on portela moindre atteinte. En conséquence l'accepta-tion faite par Buonâparte des conditions trans-

mises par Saint-Aignan, avait, si on.nous per-met cette expression, une espèce de nœud cou-lant par le moyen duquel il pouvait s'en déga-

ger elle fut donc regardée par les alliés et parune grande' partie des Français comme illu-

soire, et-n'indiquant pas un dessein réel de

pacification. La négociation languit donc, -etl'on ne commençaà s'en occuper sérieusement,

que lorsqu'on en eut appelé de nouveau à la

décision des armes.

Pendant ce temps-la, les alliésfaisaient avan-cer leurs corps deréserve le plusproniptementpossible, et Buonaparte, de son côté, faisait

tourne qu'il pouvait pour recruter ses forces.Il avait pris ses mesures à cet eNet long-tempsavant qu'elles fussent devenues si nécessairesdés le g octobre, l'impératrice Marie-Louise s

en qualité de régente, avait présidé une assem-blée du Sénat, expressément.tenue pour appe-ler de nouvelles recrues aux armées. Elle était

pour chacun un objet d'intérêt et de compas-

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CHAPITRE I. i7

sipn, tandis qu'elle annonçait la guerre qui ve-nait d'éclater, entreson père et son époux; maison mit dans la bouche de la, jeune souveraine,

sans'beaucoup d'égards pour les convenances,cette censure peu judicieuse de son proprepays:,« Personne,.dit-elle, ne peut savoir aussibien que moi, ce que les Français ont à crain-

dre, s'ils se laissent vaincre par les alliés. ))On critiqua aussi beaucoup sa. dernière phrase,comme attachant aux sentiniens personnels du

souverain plus'd'importance qu'on n'aurait. dûleur en attribuer dans un moment de si grandeextrémité. « Ayant, connu depuis quatre ansles plus secrètes pensées de mon époux, je sais

de quels sentimens il serait pénétré s'il était

placé sur un trône terni, et réduit à porter unecouronne dépouillée de gloire: » Le'décret du

Sénat, corps passif  suivant l'usage, ordonnaune levée de deux cent quatre-vingt mille con-scrits..

~-Quand Buonaparte arriva à Saint-Cloud,après avoir conduit à Mayence les restes de saci-devant Grande-Armée, ses affaires étaientdans un état encore pire qu'il ne l'avait ima-

giné,. Mais avant d'exposer, en détail les me-sures qu'il prit pour les rétablir, il faut donnerun moment d'attention à deux partis qui exis-taient enFrance,.et qui, par suite de la déca-

ViBMNAp.Bcotf.Tome8. 22

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VIE DE NÀFOJ~ÉON BUONAPARTE.i8

dence du pouvoir impérial, dévaient acquérirunefbrce réelle.

Le premier se composait des adhérons dès

Bourbons il avait été long-temps réduit au si-lence, parles succès continuels de Buonapartemais il existait toujours, et il reprit alors son

importance. La famille exilée avait de nom-breüx partisans dans l'ouest et le sud de la

France, et plusieurs d'entre'eux entretenaientencore une correspondance avec elle. Les an-

ciens nobles, parmi lesquels ceux qui né s'é-taient pas attachés a la cour et à la personne de

Napoléon continuaient à être royalistes pro-noncés, avaient acquis ou pour mieux direavaient regagné une influence considérable dansla société de Paris. L'élégance de leurs ma-

nières, le caractère retiré et presque mysté-

rieux de leurs réunions, leur courage et leursinfortunes, faisaient regarder avec intérêt cesrestes de l'histoire de .France cet intérêt

s'augmentait des souvenirs historiques qui serattachaient, à d'anciens noms et a une hautenaissance. Buonaparte lui-même, en établis-sant une noblesse rendit à ceux qui en jouis-

saient depuis des siècles, une dignité que ses.nouvelles lettres-patentes ne pouvaient accor-der. Il est vrai qu'aux yeux de la philoso-phie;, l'hommequi mérite.et obtient te pre-

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CHAPITRE. I; ~9

mier un titre honorifique,'a droit en lui-mêmeà plus d'estime et de respect que l'individuobscur qui, après le laps de plusieurs siècles,

 jouit de ses honneurs comme d'un héritage,mais~en ce cas, on l'apprécie pour ses qua-lités personneUes, et non pour sa noblesse..Personne ne songea à accorder à ces maréchauxdont le nom et'ies exploits ontébranlé le monde,un plusgrand.degré'de respect, après que Napo-léon leur éùt'distribué des titres. Au contraire,

ils vivront dans l'histoire, et:occ.uperontlés ima-ginations par leurs noms personnels plutôt quepar les titres dont ils'ont été investis. Maisla science héraldique, quand elle est admiseau nombre des régies arbitraires de la société,agit en sens inverse de la philosophie, et elle'classe la noblesse, comme les médailles, non

suivant la valeur .intrinsèque du métal, mais enproportion de son-tantiquité. Si. cela était vrai

des héros qui s'étaient ouvert un chemin aux

honneurs,les .armes à la main, cela l'était en-core davantage, de,ces hommes qui;ne devaient

qu'à la faveur de la cour les titrés que leur

accordait.Buonaparte,'de ces chevaliers qui

avaient reçu l'accolade avec une épée vierge.On pouvait dire de ceux-ci avec vérité que

tt,Izeir, fire nea~~stamp of  honour.scarce was cûrrerst, u7%Mr ~c y:e<~~<7!~ o/' Ao/MMr.fearce (MMCM/ve/  »

< Leur medaHte d'honneur n'avait point cours encore.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.20

Qùand donclamanie républicaine s'évanouit,et que Buonapartè appela le respect du peupleen général sur les titres et la noblesse ceux qui

possédaientces honneurs

par voie-d'hérédité

acquirent une influence à part et supérieure.Napoléon le savait; il'courtisait et craignait

 jusqu'à un certain .point les restes de l'anciennenoblesse, et à moins qu'il'ne put attacher Jes

anciens noblès à ses intérêts, ils étaient ex-

.posés, au moindre soupçon, à des,mesures de

surveillance et à l'emprisonnement. *Mais ilsdevinrent si circonspects, et ils prirent de telles

précautions, qu'il était. difRciled'introduire les

espions de la police dans leurs salons et dansleurs assemblées. Napoléon connaissait pour-tant l'existence de.ce parti, et il sentait le dan-

ger qui pouvait en résulter, même quand tout

ce qui l'entourait avait peut-être oublié que lesBourbons vivaient encore; « Je le crus fou, dit

Ney (dont la tête, suivant louché, ne pouvaitembrasser deux idées politiques), quand, pre-nant'congé de l'armée à Smorgoni, il nous ditLes Bourbons s'en tireraient )).

Ce parti commença alors à montrer de l'ac-

'Mémoiref  de FoMc~c, vôt. i", page 87. L'auteur a

traduit cette, phrase, comme si Buonaparte avait v6u)u

dire les Bourbons profiteront. de ceci. Nous avons rétabJi

la citafion. (j~)

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CHAPITRE I. 21

tivité,.et une confédération royaliste s'organisacau centre de la France dés le mois de mars 1813.

Les membres les plus distingués en étaient, dit-

on, les ducs de Duras., de la Trémouille et deFitz-James;MM. dePolignac, Ferrand, Adrien

de Montmorency, Sosthéne de la Rochefou-

cauld, Sesmaisons et La Rochejaquelein. Des

commandans royalistes avaient été nommésdans.diverses provinces; le comte de Suzannet,dans le bas Poitou;. M. de Duras, à Tours et a

Orléans; et-lemârquis de Rivière, dans le Berry.Bordeaux était rempli de Royalistes, la plupart"commerçans, ruinés par les restrictions du

système continental tous attendaient avec im-

patience un-signal pour agir.Une autre faction intérieure, qui ne désirait

nullement lé retour des Bourbons, mais qui

était, égalementennemie du pouvoir de Napo-léon, se composait des anciens démocrates et

chefs -républicains avec les plus zélés de leurs

partisans. Ceux-ci ne pouvaient voir avec in-

différènce la main hardie d'un soldat despote,recueillir tous les fruits d'une révolution pour

laquelle tant de mauxavaient été soufferts, tant

de sang répandu, tant de crimes commis. Ilsvoyaient avec un mélange de honte et de dépitque le résultat de tous leurs travaux et de tous

leurs systèmes avait été rétablissement mons-

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22 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

trueux d'un despotisme militaire auprès du-

quel il n'était aucun gouvernement de l'Europé

quinepûtpasser pour libéral, à l'excep.tionpeut

être de celui de Turquie. Sous la monarchie,si long-temps représentée comme un système

d'esclavage, l'opinion publique trouvait dans

lesParlemens des avocats zélés, et des occasions

de se faire connaître; mais sous l'empire, tout

était muet, excepté lesfonctionnaires salariés,vraies trompettes du gouvernement, qui ne

rendaient pas un son qui ne leur fût suggéré. Lesentiment de cet état de dégradation réunit en

secret'tous ceux qui désiraient voir en'France

un gouvernement libre, et-notamment ceux quiavaient été les àgens actifs des premiers mou-

vemens de la révolution.Cette classede politiques ne pouvait vouloir le

retour de la famille à l'exil de laquelle elle avaitcontribué, car c'était une raison pour qu'elle'

craignit la réaction dont cet événement pour-rait être suivi; maiselle désirait se débarrasser

de Napoléon, dont le gouvernement paraissait

également incompatible avec la paix et avec laliberté. L'idée d'une régence se présenta à Fou-

ché et a d'autres, comme un moyen plausibled'arriver à leur but. L'Autriche, pensaient-ils,

pourrait devenir favorable à ce projet,, en don-

nant a Marie-Louise la présidence du Conseil

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CHAPITRE I: 23

de Régence, comme tutrice de son 61s, qui suc-céderait à la couronne en atteignant sa majo-rité. On pensa que cet expédient fournirait en

même'temps~'occasiond'introduire dans la con-

stitution des principes de liberté. Mais quoi-qu'on ne voie pas ce que ces théoriciens préten-daient faire de-Napoléon, il est certain'que samort seule, sa réclusion ou son exil à perpé-tuité, aurait pu empêcher un tel homme d'ob-tenir un plein,ascendant sur uri.conseil de ré-

gence quesàfemme

aurait présidéau nom de

son fils.Une grande'partie de la population de la

France, sans avoir dès vues bien distinctes surson gouvernement futur, était mécontente decelui de Buonaparte, qui, après avoir, épuiséle~paysd'hommes et d'argent, semblait vouloir

finir par le livrer à la vengeance de l'Europe.'Quand on disait a ces Français que Napoléon ne

pouvait consentir a s'asseoir sur un trône terni,et à porter une couronné dont la gloire était

éclipsée, ils étaient portés à se demandercom-

bien de temps encore, le sang le plus pur dela France devait couler, pour rendre à l'un

et a l'autre tout leur éclat. Ils voyaient enNapoléon un homme'audacieux, et 'qui avaitrenversé tant d'obstacles, qu'il ne 'pouvait se

résoudreà croire qu'il en rencontrerait d'insur-

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VIE DE WAPOL~ON BUONAPARTE.34

montàbles. Ils le voyaient obstinément résolu

à garder tout, à défendre tout, à risquer tout,

sansfaire lemoindre sacrince aux circonstances;

comme s'il eût été luiseul au-dessus des lois dela destinée, à laquelle tout l'univers. est soumis.

Gémissant de l'oppression des nouvelles taxes

et de la nouvelle conscription~ ils désiraient

ardemment sa déposition, sans s'occuper de la

manière dont il serait remplacé. Mais quandtous les désirs tendent à un but, les moyens

d'y arriver occupent bientôt l'imagination, etainsi la plupart de ceux qui n'avaient d'abord

qu'une sorte de mécontentement général, fini-

rent par s'attacher-à l'une ou à l'autre des deux,

On a cru. répondre suffisamment à ces plaintes en

disant que c'est à tort qu'on accuse Buonaparte d'avoir

épuisé la France de sa  jeunesse, puisqu'au total, on as-sure qu'au contraire la population en est augmentée. Ce

fait peut étre'vrai, mais il n'en est pas moins certain queles guerres de Buonaparte coûtèrent au moins un million

de conscrits; et il ne nous parait pas que la populationd'un pays, en de pareilles circonstances, augmente comme

les rameaux d'un arbre émondé. Nous croyons encore

moins que le résultat général dût consoler les parens de

la perte de leurs enfans; pas plus que ta douleur d'unem.ère dont l'enfant vient de mourir, ne serait consolée en

apprenant que sa voisine est accouchée heureusement dee

deux jumeaux.-H

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VIE DE NAPOLEON BUONAFARTE26

tributions publiques furent augmentées de moi-

tié, sans la sanction du Corps Législatif,, sansmême qu'il eût été consulté; et, dans le fait,

il n'était point assemblé en ce moment. Dansun Conseil d'État extraordinaire, tenu le 11 no-

vembre deux jours après son retour à Paris,Napoléon justifia cette augmentation de chargespubliques dont il frappait un pays rempli'demécontentement et de détresse. « Dans lés

temps ordinaires, dit-il, les contributions

étaient calculées au cinquième du revenu dechaque individu; mais, suivant l'urgence des

circonstances, il n'y avait pas de raison pourqu'elles ne s'élevassent pas au quart, au tiers,ou à la inoitié du revenu total. Dans le fait,

conclut-il, les contributions ne connaissent pasde bornes; et s'il y a des lois qui disent le con-

traire, ce sont deslois mal faites, et qui rie mé-ritent aucune attention. ))

On lut alors au Conseil' un décret du Sénat

'pour une nouvelle conscription de trois centmille hommes, qui devaient être levés parmiceux qui avaient échappé aux conscriptionsprécédentes, et quiavaient été regardés comme

exempts de service militaire. Cette lecture futsuivie d'un silence profond et plein de tristesse.

Enfin, un conseiller parla, non sans quelquehésitation, quoique ce ne fût que pour crid-

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CHAPITRE I. 27

quer le préambule du décret du Sénat, qui in-

cliquait l'invasion des frontières comme la cause

de cette nombreuse levée. C'était, dit-il, une

déclarationtrop

faitepour'répandre

l'alarme.

« Et pourquoi, s'écria Napoléon, s'abandon-nant à sa véhémence naturelle, et laissant per-cer plus évidemment que la prudence ne le

permettait, les projets de guerre et de ven-

geance qu'il nourrissait exclusivement dans son

sein ? Pourquoi ne pas dire toute la vérité ?

Wellington est entré par le midi; les Russesmenacent les frontières du nord; les Prussiens.,les Autrichiens et les Bavarois sont sur celles

de l'est. Quellehonte Wellington est en France,et nous ne nous sommes pas levés en masse

pour lé repousser Tous mes alliés m'ont .aban-

donné les Bavarois m'ont trahi; ils se sont

 jetés sur mesderrières pour couper ma retraite,mais ils ont été taillés en pièces. Point de paix,

point de paix avant d'avoir brûlé Munich. Un

triumvirat s'est,formé dans le Nord'; le même

qui a fait le partage de la Pologne. Je demande

à la France trois cent mille hommes je forme-

rai un camp de cent mille hommes à Bordeaux

un autre à Metz; un troisième à Lyon. Avecla le~ée actuelle, et ce qui reste'des précé-

dentes, j'aurai un million d'hommes. Mais il

me faut des hommes faits et non des enfans

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.s8

qui encombrent tes hôpitaux et qui meurent

defatigue sur les routes je ne puis comptermaintenant .que sur la France pour avoir des

soldats..–(( AIi sire, dit un flatteur charmé de jeteren avant une idée qu'il croyait d'accord avec

l'humeur du maître cette ancienne France doit,nous rester en entier.

«Et la Hollande! dit Napoléonavecfierté

abandonner la Hollande plutôt la rendre à la.

mer Messieurs, il faut donnerune impulsion;il faut que tout marche vous êtes pères de fa-

mille, les chefs dela nation; c'est à vous à don-'

ner l'exemple'. On parle de paix je n'entends

parler que de.paix, quand tout m'en-

tôure devrait répéter le cri de guerre. ))Ce fut une des occasions dans lesquelles la

véhémence naturelle de Buonaparte remportasur sa prudence politique. On croirait presqueentendre la voix de.Thor, divinité des Scandi-

naves, ou celle du dieu de la guerre des Mexi-

cains, demandant des victimes et exigeant

qu'elles soient sans taché et dignes de son au-

tel sanguinaire. Mais Buonaparte ne put com-

muniquer aux autres l'ardeur martiale qui l'ani-mait on prévoyait seulement que la nation,

d'après le système de celui qui la gouvernait,devait être exposée aux plus grands dangers.,

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CHAPITRE I. ~9

et qu'en supposant même un succès complet,la France ne récolterait que des cyprès, tandis

que Napoléon moissonnerait des lauriers. 'Ce

sentiment'.dominait principalement dans leCorps Législatif; toute assemblée représenta-tive qui émane du peuple, quelque indirec-tement que ce puisse être, étant naturellement

portée à en épouser la causé.,Il est vrai que l'Empereur avait pris toutes

les précautions qui étaient en son pouvoir pour

priver cette portion de l'Etat~ la seule qui eûtconservé une ômbre de représentation popu-laire, de tout .ce qui pouvait approcher de la

liberté .de discussion ou du droit, de remon-

trance; et par un acte tout récent d'innovation

despotique, il lui avait mêmeenlevé le droitde choisir son président. On dit aussi qu'il &i~

sait valoir son crédit sur les individus, en re-courant à des moyenssemblables a. ceux queJacques II avait mis en usage auprès de cer-tains membres du parlement ce qu'on'appe-lait les Çhambrer c'est-à-dire qu'il admet-tait à des entrevues particulières des membres

duCorps Législatif, et qu'il daignait descendre

avec eux jusqu'à ces intercessions personnelles'auxquelles il est si difficile de. résister quand

C/0.)<-M/ (~)'

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.3o

elles sont faites par un souverain. Mais ces ar-

tifices n'eurent aucun succès, et ils ne servirent

qu'à prouver au monde que le CorpsLégislatif 

avait assez d'indépendance pour exprimerle

désir de la paix, quand le souverain était en-core décidé à la guerre. Une commission de

cinq de ses membres, distingués par leur sa-

gesse et- leur modération, fut chargée de rédi-

ger unrapport sur l'état de la nation ce qu'ellefit en termes respectueux pour Napoléon, mais

qui exprimaient aussi clairement la convictionqu'il agirait prudemment en mettant un termeeà ses. projetsd'ambition extérieure, en achetantla paix a ce prix, et en rendant en mêmetemps à ses sujets quelque degré deliberté inté-rieure. On y suggérait que, pour faire cesserles plaintes des monarques alliés qui accusaient

la France de viser à la souveraineté univer-selle, l'Empereur devait faire une déclaration

spéciale et solennelle pour désavouer un tel

projet. On y rappelait que, lorsque Louis XIVavait voulu rendre de l'énergie à son peuple,il l'avait infbrmé.des efforts qu'il avait faits pourobtenir la paix, et que l'effet avait répondu à

son attente. On exhortait Napoléon à suivrecet exemple. Pour ranimer l'esprit public, et

engager tous les Français à concourir à la dé- îense générale, il ne fallait, disait-on, que ga-

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CHAPITRE I. 3i

rantir à la nationque la guerre ne se continuerait

que dans la seule vue d'assurer l'indépendancede la Franceet de son territoire; Après d'autres'

argumens,,tous tendant au même

but, le rap-port se terminait par là proposition de supplierSa Majesté de maintenir la constante exécutiondes lois qui assurent aux Français la liberté, la

sûreté, la propriété et le libre exercice desdroits politiques.

Comme ce prince muet à qui le danger que,

courait la vie de son père rendit tout à coupl'usage de la parole, un corps public qui n'avaitété jusqu'alors que l'agent passif  de la volontéd'un souverain despote, trouva, dans l'excès de

la détresse nationale, la force nécessaire pourlui faire entendre enfin une remontrance. Ce-

pendant ,~en comparant la nature de cette re-

montrance avec le momentde crise où elle étaitfaite, Napoléon doit s'être senti àpeu près dansla même situation que le patriarche de Huz

a qui les amis de sa prospérité allèrent faire des

reproches au jour de sa plus grande misère, au

lieu de lui apporter des secours. Le CorpsLégis-latif  avait au moins gardé un silence d'acquies-

cement tant qu'avaient duré les succès mer-veilleux de Buonaparté, et maintenant il choi-

sissait l'instant de son adversité pour lui donner

Job:

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.3a

des avis qui ne seraient pas de son goût au

lieu de l'aider, en cette conjoncture critique,a inspirer la confiance à la nation. Toutefois

un monarque philosophe, accordant plus d'at-tention à l'avis enlui-même qu'à sa forme et

au temps choisi pour le lui donner, aurait tâché

par de la franchise, de la confiance et des

concessions, de se réconcilier avec le Corps

Législatif. Un despote artificieux de l'école ma-

chiavélique aurait temporisé avec les députés,

et aurait cédé pour le moment, en se promet-tant bien de regagner, en temps convenabletout le terrain qu'il aurait été obligé de céder.Mais Napoléon, trop impétueux pour écouterla voix de la politique et de la philosophies'abandonna à toute la violence d'un ressenti-ment qui, quoique déraisonnable et impru-dent, était cependant assez naturel à l'égardde ceux qui en étaient l'objet. Il se décida sur-

le-champ à proroger une assemblée qui avait

montré de tels symptômes d'opposition. Les

portes du local des séances furent fermées et

gardées par des soldats; et les députés, man-

dés devant le trône de l'Empereur, enreçurentla singulière mercuriale qui suit « J'ai défendu

l'impression de votre adresse, parce qu'elle estséditieuse. Les onze douzièmes d'entre vous

sont de bons citoyens, mais les autres sont des

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1 CHAPITRE 1 33

factieux,, et les membres de votre commissionsont de ce nombre. Lainé est en' correspon-dance avec le prince régent d'Angleterre les

autres sont .des têtes chaudes,'des fous, desgens qui désirent l'anarchie comme les Giron-

dins que de semblables opinions conduisirent

a l'écha&ud. Est-ce quand l'ennemi est sur lesfrontières que vous demandez des changemensà la constitution?. Suivez plutôt l'exemple de

l'Alsace et de la Franche-Comté, dont-les ha-,

bitans demandent des chefs et des armes'pourrepousser l'ennemi. Vous n'êtes pas les repré-sentans dupeuple, vous n'êtes que lesr repré-sentans de chaque département. Cependantvous cherchez dans votre adresse à tracer unedistinction entre le souverain et le peuple.C'estmoi, moi, qui suis le seul véritable repré-

sentant du peuple. Lequel, de vous pourraitsoutenir un tel fardéau ? Le trône n'est qu'unmorceau de bois couvert d'un morceau develours. C'est moi, moi seul, qui tiens la placedu peuple. Si la France désire une autre espècede constitution qui ne, me convienne pas, je

lui dirai de chercher un autre monarque. C'est

à moi que. les ennemis en veulent plus qu'à laFrance, mais. faut-il pour cela sacrifier une

partie de la France? Ne fais-je pas, pour ob-tenir la paix, le sacrifice.de mon amour-propre

VisDEN.tp.Bcojf.Tome8. 3

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.34

et de mon sentiment de supériorité? Croyez-vous que je parle avec orgueil? Si cela est, j'ai de l'orgueil parce que j'ai du courage, et'

que la France me doit sa grandeur. Oui, votreadresse est indigne du Corps Législatif et de moi.Retournez chez vous je ferai insérer votreadresse dans Zg T~Zbn~M~et j'y joindrai desnotes. Quand même j'aurais eu des torts, vousn'auriez pas, dû me les reprocher avec cette

publicité. On ne lave pas son linge sale en pu-

blic pour en Ënir, la France a plus besoin demoi, que je n'ai besoin de là France. ))

Après cette philippique, que nous n'avons

,que légèrement resserrée, il congédia brusque-ment les membres du Corps Législatif. Ce dis-cours fait ressortir à un degré remarquable lavéhémence naturelle du caractère de Napo-

léon sa manière d'envisager la constitutioncomme un drame dans-lequel il remplissait tousles rôles, depuis celui du prince jusqu'à celuidu peuple; sa confiance dans son génie extraor-

dinaire, qu'il mettait hardiment dans la balancecontre toute la France, et le mauvais goût de

quelques unes de ses expressions. La proroga-tion du Corps Législatif, seule branche, nousle répétons, de la constitution impériale quieût la moindre prétention à une origine popu-laire, n'était pas faite pour augmenter la' con-

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VŒ DE NAPOLÉON BUONAPARTE.36

çait de suppléer à ce qui lui manquait; le jour,il était sans cesse occupé à passer des troupesen revue, à inspecter des magasins, et à faire

tous ses préparatifs pour une résistance déses-pérée. La nuit, jusqu'à une heure très avan-

cée, on voyait briller des lumières a traversles croisées de son appartement particulier dansl'étage le plus hàùt des Tuileries. Il réussit àlever douze régimens, et il se prépara à aug-monterses forces en vieilles troupes, en rappe-

lant Suchet de Catalogue, et en opérant dansl'armée de Spult sur les frontières, un vide

qu'il se proposait de remplir par de nouvelleslevées.

Le Moniteur et les autres journaux exagé-raient le succès des efforts de l'Empereur, par-laient d'armées de réserve

quin'existaient pas,

et s'étendaient sur le ~a;M~e~pot/- qui faisait

prendre les armes à toute la France tandis

que, dans le fait, la plupart des provincesattendaient avec apathie les évéhemens de la

guerre..Un des actes qui prouvent le mieux que'

Napoléon comprenait toutela

grandeurdu

danger, fut le parti qu'il prit de faire un ap~-pel à la garde nationale de Paris et de lui

distribuer des armes. Ce n'était qu'à la der-

<niére nécessité qu'il pouvait se résoudre à em-"

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CHAPITRE I. 37

ployer cette force, maisil fut alors oblige d'yavoir recours. Sachant pourtant que montreren ce moment un manque de confiance aux ci-

toyens armes,ce serait

risquerde

fairenaitre

le mécontentement qu'il craignait, il donna àson départ pour les frontières un air de solen-nité en convoquant aux Tuileries une assem-blée des officiers de la garde nationale. Il parutau milieu d'eux avec l'impératrice, et son fils,et d'un ton qui pénétra tous les cœurs, il leur

annonça qu'étant sur le point de'se mettre à latête de son armée, il confiait à la fidélité des

citoyens de Paris la sûreté de sa capitale, safemme et son fils Quelques justes sujets de

plainte qu'on pût avoir contre la conduite poli-tique de Napoléon, personne ne fut assez peugénéreux pour se les rappeler en ce moment.

Un grand nôiribre d'officiers partagèrent l'émo-tion qu'il montrait, lui-même, et quelques unsmêlèrent leurs larmes a celles que versait l'im-

pératrice inquiète et amigée.«

Cette scène eut lieu le 23  janvier, et le a5 Na-

poléon quitta le séjour de la royauté, où il était

destiné à ne rentrer qu'après avoir subi d'é-

c Je pars avec confiance, je vais combattre l'ennemi;

~.je confie à la. garde nationale la défense de Paris; je lui

laisse ce que j'ai de plus cher l'impératrice et mon fils.

(~<&f.)

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.38

tranges vicissitudes de fortune. Il était agitéd'appréhensions inusitées il prévoyait des re-

vers, et il sentait même, comme bien des gens

le soupçonnaient, que le véritable danger de sasituation venait de ce qu'il était probable' quela nation désirerait rappeler les Bourbons. Ilavait même résolu, comme il nous l'apprendlui-même, de faire arrêter « un personnage de

grande influence )) qu'il regardait comme dis-

posé à favoriser ce changement. Ses conseillers

le déterminèrent à s'abstenir, de cet acte arbi-traire dans un moment où son pouvoir était vu

chaque jour de plus mauvais œil, et ils lui rap-pelèrent que rindividu qui lui était, suspectavait autant de motifs que lui-même pour crain-dre la restauration des Bourbons. L'Empereurcéda sur ce point, mais non sans. répéter avec

force qu'il craignait que ceux qui lui donnaientcet avis et lui-même n'eussent à s'en repentiril chargea Cambacérés de s'assurer de la per-sonne de cet homme, s'il arrivait quelque crisedans la capitale.

Ainsi, plein de funestes présages, il partitpour le champ de bataille, ou il n'avait que

C'est Talleyrand qu'il voulait désigner, car Fonehé~

.à qui d'ailleurs.les expressions pourraient s'appliquer,

n'ëtaitpasalorsàParis.

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CHAPITRE ï~ 39

des moyens disproportionnés à opposer auxarmées immenses qui se précipitaient alors surla France.

'tLe discours de Napoléon, au sujet de l'adresse que

Fauteur a citée dans ce chapitre, a été rapporté avec plusd'une variante par Jes divers historiens de l'époque nous

nous sommes donc abstenus de le rendre .conforme l'une

plutôt qu'à l'autre d'autant plus que sir Walter Scott

prévient lui-même qu'il se contente d'en reproduire l'es-

prit plutôt qu'une version exacte. (~/<.)

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VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTË.4o

CHAPITRE II.

Déclaration des vues des Alliés en entrant en France. Ils

entrent en Suisse et s'emparent de Genève. Passage du

Rhin par le prince Schwartzenberg. Apathie des Fran-

çais. Jonction de Bliicher avec la grande armée.

Conduite du prince royal de Suède. Lenteur des Alliés.

–Infériorité numérique des forces de Napoléon.–Ba-tailles de Brienne et de h Rothière. Embarras de Buona-

partè; il médite d'abdiquer la couronne. Il attaque avec

succès l'armée de- Silésie à Champ-Aubert. Bliicher estforcé à battre en retraite.La grande armée des Alliés em-

porte Nogent et Montereau. Elle est attaquée par Napo-

léon, et Schwartzenberg lui envoie une lettre de remon-

trance. Montereau est pris d'assaut. Violence de

Buonaparte envers ses généraux. Les Autrichiens se dé-

cident à une retraite générale jusqu'à Nancy et Langres.Leurs motifs.–Indignation et excès des troupes 'autri-

chiennes. Réponse de Napoléonà la lettre du

princeSchwartzenberg. –Le prince Wenceslas envoyé au quar-

tier-général de Buonaparte pour traiter d'un armistice.

LesFrancais bombardent Troyes, et y entrent le aSfévrier.

Exécution de Gouault, royaliste. Peine de mort pro-

noncée contre tous ceux qui portent les emblèmes des

Bourbons, et contre tout émigré qui joindrait lesAltiés.–

Coup d'œil en arrière sur les mouvemens sur les frontières.

ÏL était temps que Napoléon parût en per-

sonne sur le champ de bataille, car les fron-

tières orientales de son empire, attaquées sur

tous les poirits,,offraierit aux armées qui les en-

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CHAPITRE II. -4~

vahissaient, les moyens .d'y pénétrer presquesans résistance. Les souverains alliés 'avaientcommencé leurs opérations d'après un sys-tème aussi

prudentet aussi modéré sous le

point de vue politique, qu'il était hardi et dé-cisif sous le rapport militaire.

Les succès qu'ils avaient obtenus pendant la

campagne précédente ne leur avaient pas ins-

piré trop d'orgueil. Ils les avaient*achetés cher;et les événemens avaient prouvé que s'il était

possible de résisterà

Napoléon et de le vaincre,ce n'était qu'en opposant des forces plu nom-breuses à ses armées de vieux'soldats, et en ac-cumulant contre lui de telles masses, que sestalens et sa capacité dussent même les trouverirrésistibles. Ils se rappelaient aussi les efforts

désespérés que la France et les Français étaient

en état de faire, et il leur parut prudent démanifester la modération de leurs desseins demanière à ce qu'il fut impossible de s'y mé-

prendre.Leur manifeste désavouait l'intention d'im-

poser à la France aucune forme particulière de

gouvernement. Ils désiraient seulement qu'elle

restât renfermée dans lès limites de son ancienterritoire', 'membre paisible de la républiqueeuropéenne, laissant aux autres États, commeelle la réclamait pour elle-même;'la pleine

Tome8.

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VIE DE NArOM:ON BUONAPARTE.4~

 jouissance des droits,de la liberté et de l'indé-

pendance. Les souverains alliés prétendaientmettre fin au système qui décidait du destin des

empires,non

d'aprèsle droit de

l'égalité,mais

d'après la loi du glaive.*Ils voulaient la sup-pression totale de toute domination du fort surle faible; de tout prétexte d'usurpation fondéesur de prétendues limites naturelles, ou, end'àutres termes, sur le droit d'un État puissantcontre un État qui ne saurait résister à sesusur-

pations. En un mot, leur intention était de ré-tablir la balance des pouvoirs; ce qui avait été

long-temps le but politique des hommes d'Étatles plus sages de l'Europe. Il est singulier queles trois nations. qui étaient alors unies pours'opposer aux agressions deBuonaparte, eussentété les premières à donner un exemple de spo-

liation violente et contraire à tous les prin-cipes, par le partage de la Pologne et quel'homme dont leur coalition avait pour but de

réprimer les entreprises illégales eût servi

lui-même d'instrument pour les punir a. leur

tour de leur injustice.A l'égard de la nature des changemens qui

pouvaient avoir lieu dans les arrangemens in-térieurs de la France pour-rétablir la balancedes pouvoirs les monarques. alliés déclaraient

qu'ils y restaient indifférens. Si Napoléon pou-

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CHAPITIUË H. 43

vait se résoudre à la pacification générale qu'ilsproposaient, ils ne prétendaient pas avoir ledroit de s'opposer à ce qu'il conservât l'au-torité. C'était

au système d'usurpationmili-

taire, et non à la personne de Buonaparte,qu'ils faisaient la guerre. Si, au contraire, la

France ne pouvait rentrer dans un état de paix'sans changer de chef, c'était à la France elle-même à considérer quel devait être'ce change-ment. Les souverains alliés étaient déterminés

à ne pas souSrir plus long-temps qu'elle agît ar-bitrairement à l'égard des autres États; mais ilsla laissaient pleinement libre d'adopter le gou-vernement, de. choisir le souverain que bonlui semblerait, dans l'étendue de son terri-toire.

Après avoir limité les motifs de leur inva-

sion à un but si juste et si modéré, les alliés ré-solurent en même temps de mettre assez d'ac-

tivité dans leurs mesures pour prouver aux

Français qu'ils avaient les moyens d'appuyerleurs demandes par la force et, à cet ef-

&t, ils se décidèrent à'passer les irontières.De Bâle à Mayence, et de Mayence à l'em-

bouchurè de l'Escaut, les frontièrea de laFrance et de la Belgique sont défendues par le

Rhin, barrière naturelle, forte par elle-même,et couverte par un triple rang de forteresses

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.44

dont quelques unes sont de première classe.Au-delà de Bâle, où le Rhin sépare la Francede la Suisse, la frontière est plus accessible;

mais on'ne pouvait agir sur cette ligne sansvioler la neutralité que la Suisse avait récla-

mée, et que Buonaparte avait considérée commeune barrière sur cette partie de la frontière

menacée; neutralité enfin que les alliés, d'aprèsleur propre principe de respecter les droits des

neutres, se trouvaient dans une sorte de né-

cessité de reconnaître. Néanmoins l'extrêmefacilité d'entrer en France de ce côté, portal'Autriche et la Prusse à ne point écouter leurs

scrupules et à.n'avoir aucun égard à la neu-.tralité de la Suisse.

Ces deux puissances se rappelaient combien

Napoléon avait montré peu de respect pour les

droits des neutres dans la campagne d'Ulm,quand il avait traversé, sans hésiter, les terri-toires d'Anspach et de Bareuth, appartenant àla Prusse, pour anéantir l'armée autrichienneet ils ne manquèrent pas d'alléguer la manièredont il était intervenu par la force dans lesaffaires des Cantons Suisses à une époque an-

térieure deson histoire. La Russie fut quelquetemps avant de se rendre à ce raisonnement;mais lorsqu'on eut fait valoir quelques motifs

pl ausiblespour prouver que la neutralité avait

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CHAPITRE II. 45

été violée par les Suisses eux-mêmes, les scru-

pules d'Alexandre disparurent, et il fut décidé

que la grande armée d'Autriche traverserait le

territoire suisse pour entrer en France. Elles'arrêta devant Genève, et prit possession decette ville, ou, pour mieux dire, les citoyensen ouvrirent les portes~

Le canton de Berne, mécontent de quelqueschangemens faits par Napoléon dans ses droitsféodaux sur le pays de Vaud reçut aussi les

Autrichiens, non comme des intrus, mais enamis. Buonaparte insista vivement dans sesmanifestes sur l'injustice de cette violation duterritoire suisse. Sans contredit/la légalité decette démarche pouvait être mise en questionmaisc'était une inconséquence à Napoléon d'enfaire un sujet de déclamation, puisque dans

l'arrestation du duc d'Enghien il avait établi,commeloi nationale que la violation du ter-ritoire de Bade était un sujet d'ofEense que lesouverain de ce territoire avait seul le droit defaire valoir. D'après sa propre doctrine, nulleautre nation n'avait donc le droit de se plaindre,au nom'des Suisses, de ce dont les Suisses ne

se plaignaient pas..Le ai décembre, lemaréchal prince Schwart-

zenberg passa le Rhin sur quatre point avecl'armée autrichienne, et marcha sur Langres,

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.46

comme il avait été préalablement convenu.Mettant dans leurs mouvemens toute la préci-tsion et l'extrême lenteur qui caractérisent les

manoeuvres autrichiennes ayant le même res-pect pour des forteresses sans garnison et desdéfilés non gardés, que s'ils les eussent trouvésen mesure de' défense, les Autrichiens, au lieude se montrer devant Langres le 2~ décembre,n'y arrivèrent que le 17 janvier 181~. Onavaitmanifesté depuis quelque temps une intention

sérieuse de défendre cette place, et elle avaitmême pour garnison un détachement de lavieille garde de Buonaparte. Mais l'approchede nombreux renforts autrichiens rendit inu-tiles les préparatifs qui avaient été faits, et

Langres fut évacué par toutes les troupes fran-

çaises, à l'exception d'environ trois cents hom-

mes, qui se rendirent, le ] 7, au général Giulay.Une division des Autrichiens s'avança aussitôt

vers Dijon.La- circonstance suivante peut faire juger

quelle étaitl'apathie des Français à cette époque.Dijon, sommé d'ouvrir ses portes par un déta-chement de cavalerie

légère,répondit qu'une

ville contenant trente mille habitans ne pou-vait se rendre avec honneurà qTtinzehussards,mais que si une force respectable se présentaitdevant ses murs, elle remettrait les clefs de

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CHAPITRE Ii. 47

ses portes. On satisfit à une demande si raison-

nable et Dijonse rendit le ig janvier.La ville de Lyon, la seconde de l'empire

était presque tombée elle-même entre les mainsdes Autrichiens. -Mais les habitans se mon-

trèrent disposés à la défendre, et un' renfortde troupes étant arrivé pour protéger une ville

.doucette, le général autrichien

Bubna. se, retira. Il est reconnu que plusd'activité -de la part des alliés leur aurait

évité cet échec, qui était d'autant plus sé-rieux que c'était lé seul qu'ils eussent encore

essuyé.Tandis que la grande armée sous Schwart-

.zenberg s'avançait ainsi en France., l'armée de

Silésie,-qui. était le nom donné à celle que.commandait-le vétéran BIûcher, et qui se com-

posait, comme par le passé, de Prussiens et-de Russes, avait fait de semblables progrès,quoiqu'elle eut rencontré plus de dimcultés,et qu'on lui eût opposé plus de résistance. Elle

s'avança sur quatre colonnes, ou grandes divi-

sions, assiégeant les fortes places frontières de

Metz, Sarre-Louis, Thionvule, Luxembourg,et' autres; franchissant les dentés des Vosges,et marchant sur Joinville, Vitry et Saint-Di-zier. L'armée de Silésie se trouva ainsi en com-munication avec la grande armée, dont les

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CHAPITREM. 49

peler aussi que la Suède, royaume secondaire,n'était .pasen état de/soutenir une guerre à une

grande distance de ses frontières, et surtoutune

guerredont les causes ne l'intéressaient

qued'une manière éloignée. Ses armées ne pou-vaient se recruter aussi facilement que celles'des grandespuissances. Bernadette préfera doncle risque d'être soupçonné de tiédeur dans l'acause dé, ses alliés, a celui de perdre le seul

corps de troupes que la Suède eût été en état

de mettre en campagne, et de la conservationduquel son trône dépendait probablement. Ce-

pendant les souverains alliés ordonnèrent que,tandis que les troupes suédoises resteraient.dans

le Nord, unepartie des corps russes et prussiensqui étaient placés sous les ordres .de Berna-dotte se nut en marche vers la France, pour

augmenter les forces qu'ils avaient déjà en Hol-lande et en Belgique. Le prince de Suède,après une'courte guerre'avec.le Danemarckayant forcé cette puissance à lui céder la Nor-

wége, son ancienne possession, laissa Ben-

nigsen continuer le siège de Hambourg, et serendit lui-même à Cologne pour coopérer à

l'entière délivrance de la Belgique.Les troupes françaises~qu'on avait rassem-

blées, avaient été défaites à Merxem par.lé gé-néral Bulow et sirThomas Grahàm, quoique

VtF.BEN.tT'.BuoN.TomeS. 4

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VIE DE NAPOliËON BUONAPARTE.5o

le drapeau français fût encore déployé a Anverset à Berg-op-Zoom, la Hollande pouvait être

régardée comme délivrée/Le général Winzin-

gerode, à la tête des troupes russes, et lesSaxons sous Thielmah, formant le corps qui

avaji été détaché, comme nous venons de le

dire, de l'armée duNord de l'Allemagne, arri-vèrent bientôt dans les Pays-Bas, et se mirenten communication avec Bulow. Le général sir

ThomasGraham, 5 avecles Anglaiset.les Saxons,

etles troupes qu'on put rassembler en Hollandeet en.Belgique fut laissé pour bloquer Berg-op-Zoôm et Anvers, tandis que Bulow et Win-

zingerode étaient en liberté d'entrer en France

par la frontière du nord. Ainsi, en cas de

besoin ce qui ne tarda pas à arriver, ils de-

valent servir de corps~ de réserve à l'armée de

Silésie sous Blucher; ils. s'avancèrent jusqu'àLaon.

Ces différentes marches qui amenaient lesarmées des Alliés si avant dans le cœur de -la

France, et qui entouraient de blocus les placesfrontières de ce royaume, ne se firent pas sans

une résistance honorable, quoique inutile, par-

tout où-les soldats français pouvaient faire têteau nombre infiniment supérieur de leurs'en-nemis. Les habitans du- pays, en général, ne

faisaient ni bon ni mauvais accueil aux Alliés.

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CHAPITRE II 5i

Ici on lés recevait avec acclamations;, là, onleur opposait quelque résistance; nulle part ils

n'éprouvaient une opposition désespérée. Les

Alliés firent tout ce que la. disèipline pouvait.commander pour maintenir le bon ordre. parmiles troupes~ mais avec tant de corps francs',deshoulans, des croates, des cosaques, dontla paie ne consiste qu'en ce qu'ils peuvent piller,il était impossible qu'il n'arrivât pas quelquètransgressions. Le service de ces troupes ir-

régulières était pourtant indispensable; les co-saques surtout pouvaient se nommer les yeuxde l'armée. Accoutumés à agir par petits déta-

chemens, ils traversaient les bois, passaient les

rivières, et se présentaiènt souvent à l'impro-viste dans des villages situés à plusieurs millesde l'armée dont ils faisaient partie, donnant

ainsi aux Français une idée exagérée du nom-bre et de.Factivité des troupes alliées. CesjAra-bes du Nord, comme Napoléon les appelait,s'annonçaient toujours comme l'avant-garde:d'une force considérable, pour laquelle ils or-donnaient de préparer des vivres et des loge-mehs; et les habitans frappés de terreur cé-

daient à toutes leurs demandes. On ne leurreproche pas d'avoir commis des actes 'de

cruauté sans provocation, mais en général ilsétaient incapables de résister à la tentation du

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VIE DE NAPOI~ÉON BUONAPARTJE.52

pillage. Leurs excursions et celles des autres

troupes légères étaient un vrai Ëéau, pour le,territoire français..

D'une autre part, il arriva deux ou trois foisque les citoyens armés, dans des villes sommées

de serendre par des détachemens pet. nombreuxdes troupes alliées, firent feu sur des drapeauxparlementaires, et justifièrent ainsi. de sévères

représailles. On dit que ce fut d'après les ordres

précis de Napoléon que se commirent de tels

actes, dont le but était de faire naître, s'il étaitpossible, une haine mortelle entre les Françaiset les Alliés, Dans le fait, étant dans des circon-stances diamétralement opposées à celles dans

lesquelles ils s'étaient respectivement trouvés

auparavant/Napoléon et les généraux autri-chiens semblaient avoir fait entre eux un

échange de système et de sentimens. L'Empe-reur, à cette époque, comme Pavait fait l'ar-chiduc Charles, en i8og, appelait aux armes

tous les paysans, tandis que Schwartzenberg,comme Napoléon l'avait fait dans cette même

année, menaçait d'exécution militaire, sans

merci niquartier, tout paysan qui

obéirait~ cet

ordre. Dans le premier cas comme dans~le se-

cond, l'historien impartial doit proclamer quele devoir de la résistance, quand il s'agit de

défendre la patrie, ne 'dépend pas de la cbu-

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CHAPITRE II. 53

leur de l'habit d'unhomme ou de l'espèce des

armes qu'il porte, et que le citoyen armé a

droit,- comme le soldat régulier, aux privilèges

des lois.de la guerre, aussi long-temps qu'il neles viole pas lui-même. Mais d'après ces di--

verses causes, il était évident que l'apathie des

Français n'était que momentanée, et que queL-

que motif soudain et imprévu pouvait exciter

dans un peuple si fier et si susceptible un esprit

général de résistance, dont les Alliés ne pou-

vaient manquer de se'trouver fort mal. La ra-pidité dans leurs mouvemens était le remède

le plus simple contre un tel danger; mais c'est

la vertu militaire qui se trouve le moins dans

les coalitions, où il faut consulter tant de per-

sonnes et, en outre, elleétaitincompatible avec

les habitudes bien connues des Allemands, et

surtout des Autrichiens.Il semble,aussi que les Alliés, ayant-fbrmé

sans danger une ligne militaire presque com-

plète depuis Langres jusqu'à Châlons, se trou-'

vaient dans quelque embarras pour profiter de

leùrs avantages. Ils ne pouvaient être dans une

situation plus favorable pour une entrepriseaussi audacieuse que celle qu'on nommait alors

un~ûM/vasurParis et commetoutes les grandesroutes partant des divers points de la ligne éten-

due qu'ils occupaient, se dirigeaient sur la ca-

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VIE DE NAPOLÉON BtJONAPARTE.54

pitale comme vers un centre commun, tandisque les villes et les villages que ces routes tra-

versaient, pouvaient fournir des provisions en

abondance cette marche aurait pu se fairepresque sans opposition, sans la lenteur desmouvemens de la Grande-Année. La faiblesseréelle de Napoléon avait ~été déguisée par lesbruits répandus et exagérés de ses préparatifs;et les Alliés, en apprenant qu'ils avaient eu unepareille occasion, apprirent en même temps

qu'ils l'avaient presque perdue, ou du inoinsqu'ils ne pouvaient s'ouvrir un chemin versParis que par une suite d'actions sanglantes,dans lesquelles ils ne pouvaient se dissimuler lapossibilité de. quelques échecs sérieux. Dansscette appréhension, ils commencèrent à cal-culer les suites qu'aurait pour eux, dans le

cœur de la France, une défaite semblable àcelle dont les murs de Dresde avaient été té-moins. Une s'y trouvait ni chaîne de montagnes.pour favoriser une retraite, ni fortes positionspour arrêter une armée victorieuse et changerune défaite en victoire comme il était arrivé

pour Vandamme. Les frontièresqu'ils

avaientfranchies étaient traversées mais non subju-guées les citadelles fortes et nombreuses,étaient entourées pour ta plupart, mais non

prises, de sorte que leur retraite sur le Rhin

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CHAPITRE II. .55

devait être. exposéeà tous les dangers qu~en-traîne une déroute à travers un pays dont le

vainqueur se trouve-en possession complète.

Les conseils de guerre généraux s'accordent;rarement pour recommander des mesures dehardiesse. C'est dans ce sens que Salomon dit

qu'il y a sûreté dans une multitude de conseil-

lers, voulant dire que les mesures les plus pru-dentes, sinon les plus sages, obtiendront plutôtl'approbation de la majorité.

Cet esprit, prédominant dans les conseilsdes Alliés, donna, en cette- occasion impor-tante, à leurs moùveniens un degré d'incer-titude qui, comme c'est l'usage, cherche à se

déguiser sous le voile de la prudence. Il futdécidé que la Grande-Armée s'arrêterait quel-que temps a Langres, dans l'espoir que Napo-

léon, renouvelant la négociation dont la scènedevait être transférée à. Châtillon-sur-Seine,détournerait le danger qui le menaçait, en ac-~

ceptant les conditions des Alliés ou que lana-tion française, événement encore moins vrai-

semblable, se lasserait du monarque guerrierdont l'ambition avait attiré tant de malheurs

sur le pays: En attendant, les Alliés refusèrentles oSres dés Royalistes qui se présentèrent aunom et dansles intérêts de la famille exilée, ré-

pondant uniformément qu'ils n'appuieraient d&

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.58

infériorité numérique, Buonaparte s'avança

pour défendre l'objet le plus important qu'ileut jamais disputé, et il le fit avec~un talent

resté sans égal.Arrivé à Châlons le 26 janvier, l'Empereur

prit le commandement de son armée tel qu'ilavait pu la former en réunissant les troupes des

maréchaux Victor, Marmont, Macdonald cL

Ney, qui tous'avaient battu en retraite des

frontières. L'armée française était tellement

réduite, que ces grands et illustres généraux,dont chacun aurait eu autrefois sous ses ordres

soixante à soixante-dix mille. hommes, n'a-

vaient en totalité qu'une force de cinquante-deux mille hommes, auxquels Napoléon n'en

put ajouter qu'environ vingt mille qu'il ame-

-nait de Paris. Mais personne n'entendait mieux

que Buonaparte cette grande maximemilitaire,que la victoire, en général, ne dépend pas de

la supériorité générale du nombre, mais de l'art

d'obtenir cette supériorité sur lè champ de ba-

taille même.Blucher se trouvait, comme d'usage, le pre-

mier àl'avant-garde

et Napoléon résolut d'ac-.

corder a cet ennemi actif et invétéré l'honneurterrible de sa première attaque, espérant sur-

prendre le corps d'armée de Silésie avant qu'il

put recevoir des secours de l'armée de Schwart-

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CHAPITRE 11. 59

zenberg. Le maréchal fut informé du projet de

l'Empereur, et ne perdit pas de temps pourconcentrer 'ses forces au village. de Brienne,

près de,la source de l'Aube. Ce village est situé.sur la pente d'une colline il n'a quedeux rues,dont l'une monte au château, qui était autre-

,foisune école royale pour l'éducation des jeunesgens destinés à l'état militaire; l'autre conduità Arcis-sur-Aube. Le château est entouré en

partie d'un parc ou enclos. C'était à l'École mi-

litaire de Brienne que Napoléon avait puisé lespremiers élémens de cette science militaire quiavait presque mis a ses pieds le monde entier

 jusqu'au jour qu'il se liguait tout entier.encorecontre lui; et. ce fut là qu'il vint commencerce qui semblait être les derniers efforts pou)'

remporter la victoire, comme certains animaux

qui, dit-on., .quand ils sont pressés de très prèspar les chasseurs, font une dernière tentative

pour retrouver le point d'où ils sont d'abord

partisLa promptitude des mouvemens de Napo-

léon trompa l'attente de Blücher- il était a

table avec son état-major dans le château. Le

général russe AIsuneH' occupait le village deBrienne, et le corps du général Sacken était

placé en colonnes sur la route de Brienne à la

Rothiére. Tout coup un tumulte horrible se

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.60

fit entendre. La cavalerie russe, au nombre dedeux mille hommes, avait été complétementrepoussée par celle de Napoléon. Ney atta-

quait le village au mêmeinstant; et un corps degrenadiers français qui, favorisé par la nature

.boisée et inégale du terrain, avait réussi às'introduire dans le parc, menaçait de faire pri-sonniers tous ceux qui se trouvaient au châ-teau. Blucher et ses'officiers n'eurent que le

temps de gagner une poterne, où ils furent

obligés de faire descendre leurs chevaux, parun escalier, et ils s'échappèrent ainsi, nbn sansdimculté par sa résistance hardie, AIsuneN'dé-fendit le village contre Ney, et Sacken s'avançapour soutenir Alsufieff. Les cosaques tombèrentaussi sur l'arrière-garde des Français dans leparc, et la sûreté personnelle de Buonapartese trouva compromise dans la mêlée. Deshommes furent tués à ses côtés, et il fut obligéde tirer l'épée pour se défendre. Au moment

même de l'attaque, son attention fut attiréepar la vue d'un arbre qu'il reconnut pour celuisous lequel, lorsqu'il était à l'école militairede Bnenne, il avait coutume de lire la Jérusa-Ze/  délivrée, du Tasse, dans les heures de ré-création. SFle rideau du destin s'était levé alorsdevant le  jeune écolier, et lui eût montré sa

propre image portant la couronne unpériale

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'CHADTRUU. 6i

et,disputant en ce même lieu, aux Scythes dudésert sa vie et son pouvoir, combien<ce pré-sage eût semblé merveilleux, quand ce simple

concours de circonstances imprime sur l'espritdé'ceux qui reportent leurs idées sur le passé «'un sentiment de vénération profonde pour lesvoies cachées de la Providence Lefebvre-Desnouettes tomba dangereusement blessé encombattant à la tête de la garde. Le feu prit au

village qui fut réduit en cendres; mais ce ne

fut qu'a onze heures du soir que l'armée deSilésie cessa de faire des efforts pour s~en re-mettré en possession, et que Blucher opérantsa retraite de Brienne, prit position derrièrece village, sur la route de la Rothière.

La bataille de Brienne n'eut pas de résultat

décisif; elle fut d'autant moins satisfaisante

pour Buonaparte que la partie des forces deBlucher qui prit part à l'action, ne .montait

pas à vingt mille hommes, et que le seul avan-

tage qu'il en recueillit fut de rester maître du

champ de bataille. Napoléon avait complète-ment échoué dans 'son principal projet, quiétait de séparer Bliicher de la Grande-Armée.

Il était pourtant nécessaire d'annoncer cetteaffaire comme une victoire, et l'on se donna

beaucoup de peine pour'la représenter ainsi.Mais quand on découvrit ensuite que ce n'avait

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VIE .DE NA POTION BUONAPARTE.62

été qu'une vive escarmouche sans résultat

important, cette déception momentanée ne ser-vit qu'à nuire à la cause de Napoléon.

Le i" février, Blûcber ayant reçu des ren-forts considérables de la Grande-Armée, se pré-para à prendre l'offensive à son tour. Napo-léon aurait voulu éviter un engagement, maisune retraite en passant l'Aube par le pont de

l'Egmont', ce qui était le seul. moyen de tra-verser cette rivière profonde et à peine guéa-

ble, aurait exposé son arrière-garde à êtreedétruite; il risqua donc une action générale.Blücher attaqua en mêmetemps, sur trois pointsdiSérens, la ligne de l'armée française, aux vil-

lages de la Rothière, de Danville et de Chau-mont. La bataille, dans laquelle se distinguale prince royal de Wurtemberg, fut disputée

avec courage pendant toute la journée; mais,dans la soirée, les Français furent repousséssur tous les points, et Buonaparte fut obligé de

battre en retraite en passant sur l'Aube, aprèsavoir perdu quatre mille prisonniers et soixante-

treize pièces de canon. Ney détruisit le pont de

FEgmont par ordre de l'Empereur. Les Alliés

ne connaissaient pas toute Fétendue de leuravantage, et ils n'essayèrent pas de troubler les

Français dans leur retraite.Dans un conseil de guerre général, qui fut

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CHAPITRE II. 63

alors tenu au château de Brienne, il fut résolu

que les deux armées se sépareraient,. quoi-qu'elles eussent si récemment reconnu l'avan-

tage de pouvoirse soutenir

mutuellement; queBlücher, s'avançant vers le nord, et réunissantsous ses ordres la division d'York et celle deKleist, qui avaient occupé Saint-Dizier~et Vi-

try, s'approcherait de Paris en suivant la Marne,tandisqueleprinceSchwartzenbergetIaGrande-Armée marcheraient versla capitale en cotoyant

la Seine. La dimculté de se procurer des vivrespour ces immenses armées était probablementen partie la cause de cette résolution. Mais elle

s'appuyait aussi sur le succès qu'avait obtenuun pareil plan d'opérations à Dresde et ensuiteà Leipzick, où les ennemis de Buonaparte s'é-taient approchés de lui de tant de diSérens

côtés à là fois, qu'il lui était impossible de faire.tête à une armée sans fournir aux autres' des

occasions d'avantage.Buonaparte dirigea sa retraite vers Troyes,

où il arriva,. après avoir passé l'Aube, dans unecondition déplorable. Mais sa jonction avec savieille garde, dont l'arrivée et la bonne tenue

rendirent le courage aux troupes déconcertéesqui avaient été battues à la Rothière, donnaune nouvelle impulsion a l'ardeur des soldats,et fit renaître la confiance parmi les nouvelles

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.64

levées. Profitant de la séparation des deux ar-mées des Alliés, il résolut de marcher contrecelle de Blùcher. Mais, pour déguiser ce des-

sein, il envoya d'abord une faible division àBar-sur-Seine pour donner l'alarme aux Au-trichiens en attaquant leur aile droite. Sch\vart-

zenberg s'imagina sur-le-champ que Buonaparteallait s'avancer de ce côté avec toutes ses for-

ces, mouvement qui dans le fait aurait été trèsfavorable aux Alliés, puisqu'il aurait laissé la

route de Paris sans défense et complétementouverte. Mais enrayé par l'idée que son flanc

gauche pouvait être tourné, le général autri-chien dirigea le gros de son armée dans cette

direction, suspendant ainsi sa marche projetéesur les bords de la Seine, et augmentant enmême temps la distance qui séparait la Grande-

Armée de celle de Silésie. Buonaparte ayantréussi à tromper Schwartzenberg par cette

feinte, évacua Troyes, laissa les maréchauxVictor et Oudinot pour s'opposer aux Autri-

chiens avec des forces très disproportionnées,et marcha lui-même contre Blùcher.

Pendant ce temps, Blùcher, ayant laissé Na-

poléon en face de la Grande-Armée, et ne dou-tant pas que les Autrichiens ne lui donnassentassez d'occupation, se hâta d'avancer le long de

 j[a Marne,, força Macdonald à faire sa retraite

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CHAPITRE ît. 65

de Château-Thierry, et porta son quartier-gé-néral a Vertus.Sacken, qui conduisaitson avant-

garde poussa ses troupes légères jusqu'à là

Ferté-sous-Jouarre,et se trouva

plus prés deParis que l'Empereur lui-même. Le généralYork s'était avancé jusqu'à Meaux, et Parisétait en proie aux plus vives alarmes.

Buonaparte fut tellement frappé de la posi-tion difficile dé ses affaires, qu'il se présenta àson esprit une pensée que la postérité lui aurait

difficilement attribuée, s'il ne l'avait avouéelui-même. Le plan qui s'oSrait à son imagina-tion était de sacrifier sa propre puissance à la

paix dè la France, et d~abdiquer la couronneen faveur des Bourbons, tandis qu'il avait en-core entre ses mains des moyens de résistance.Il sentait qu'il avait régné et combattu, assez

longtemps pour sa gloire, et il croyait avecraison qu'un tel acte de généreux dévoûmentcomblerait la mesure de sa renommée. Mais unemaxime suggérée, dit-il, par M. Fox, lui

rappela que les monarques rétablis sur leurtrône ne pardonnent jamais à ceux qui ont oc-

cupé leur place; Ses idées se réportérent'pro-

bablement aussi sur le meurtre,du duc d'En-ghien~' car il n'y avait point, d'autre onense

personnelle entre Buonaparte et la famille exi-

lée que la restauration des Bourbons ne'pût.VtpDRNtp.BuoN.Tome8. 5

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661

VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

faire complètement oublier, si cet événementétait son ouvrage. Si notre conjecture est juste',elle sert a prouver combien les suites d'un

crime tendent a' rendre inutiles les tentativesque celui qui Fa commis peut faire ensuite

pour rentrer dans le chemin de la vertu et del'honneur. Si Napoléon eût été réellement ca-

pable de l'acte généreux d'abnégation person-nelle qu'il méditait, il aurait dû, en dépit dès

points douteux de son caractère, être regardé

comme un des plus grands hommes qui aient jamais existé..

Mais l'esprit d'égoisme et de mé&ancel'em-

porta, et l'espoir de défaire et demettre en dé-route l'armée de Silésie, lui parut préférable aun acte de dévoûment désintéressé qui lui au-rait mérité la reconnaissance éternelle de l'Eu-

rope le philosophe ami de l'humanité redevintguerrier conquérant. Il y a sans doute quelquechose de louable à concevoir de grandes etnobles résolutions, même quand elles restentsans exécution mais ce patriotisme d'imagina- stion n'estpas plus méritoire quela sensibilité deceux qui ne peuvent entendre un récit atten-

drissant sans verser des larmes, mais dont la

compassion ne prend jamais la forme plus coû-teuse d'une véritable charité.L'armée de Napoléon deyait alors passer

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CHAPITRE II. 6y

de la grande route de Paris à Troyes, sur cellede Châlons à Paris, qui était le théâtre des

opérations de Blücher. Il fallait faire ce mou-vement

pardes marches de flanc à travers

unpays impraticable; mais s'il réussissait, il four-nissait à l'Empereur le moyen d'attaquer à l'im-

proviste l'armée de Silésie en flanc et en queue.Les chemins de traverse qui joignent les grandesroutes en France sont à peine praticables enhiver pour les communications ordinaires, et

le sont encore bien moins pour une arméeayant un train d'artillerie et des voitures. Buo-

naparte avait à traverser un pays coupé par des

bois, des marais, des fossés et des obstacles detoute espèce; le temps était détestable, et sansles effortsextraordinaires du maire de Barbonne,qui rassembla cinq cents chevaux pour tirer les

canons, il aurait fallu les abandonner sur laroute. Cependant à force de persévérance,Buonàp.arte exécuta cette marche, forcée le10 février, et par conséquent le flanc de l'ar-mée de Silésie se trouva à sa discrétion. Elle

s'avançait sans s'attendre le moins du monde àune telle attaque. Sacken conduisait l'avant-

garde le général russe AIsmieS*le suivait, etBlucher lui-même commandait l'arrière-garde,qui formait le principal corps d'armée. Tousne songeaient qu'à avancer vers Paris ils mar-

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE,68

chaient à la hâte et sans précautions, et ilsavaient laissé entre leurs divisions une distance

qui les exposait à être attaqués en détail.

Buonaparte tomba à Champ-Aubert sur ladivision centrale d'AIsunefF, l'entoura, la dent,la mit en déroute complète, prit son artillerie,fit deux mille prisonniers, et le reste de cettedivision se sauva dans les bois, chacun ne son-

geant plus qu'à sa sûreté individuelle. Toutesles forces de l'Empereur se trouvaient alors

placées entre l'avant garde de Sacken et lecorps principal que conduisait Bliicher. Ellesfurent dirigées d'abord vers le premier, queNapoléon rencontra plus tôt qu'il ne s'y atten-

dait car Sacken, en apprenant l'anaire quiavait eu lieu à Champ-Aubert, avait fait sur-le-

champ contre-marche pour porter du secours

à Alsufieff, ou du moins rejoindre Blücher.Mais il fut écrasé par la force supérieure des

Français, et ayant perdu un quart de sa divi-

sion, environ cinq initie hommes, il fut forcéde quitter la grande route sur laquelle Blücher

avançait, et de se retirer par celle de Château-

Thierry. Là,il

fut joint parle

général York,et par le prince Guillaume de Prusse; maisn'étant pas encore en état de faire tête aux

Français, ils ne purent qu'assurer leur retraiteen détruisant le pont sur la Marne. La guerre

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CHAPITRE n. 69

commença alors à se montrer sous son aspect-le plus hideux. Les trameurs et les fuyards quin'avaient pu passer le pont avant qu'il fût dé-

truit, furent massacréspar les paysans; les sol-dats alliés, par représailles, pillèrent la petiteville de Château-Thierry, et y commirent tousles excès possibles. La défaite de Sacken eutlieu le 13 février.

Cependant Blucher, ignorant la force des

troupes qui avaient attaqué son avant-garde,

s'avançait pour la soutenir; et, dans un paysdécouvert'et sans enclos, il se trouva tout a

coup en face de toute l'armée de Napoléon,animée par la double victoire qu'elle avait

.déjà remportée, et si nombreuse qu'une retraitedevenait indispensable pour les Prussiens. SiBlucher avait été surpris, il ne perdit pas cou-

rage. N'ayant que trois régimens de cavalerie,il ne pouvait devoir sa sûreté qu'à la fermetéde son infanterie. Il la formaen bataillons car-

rés, protégés par son artillerie, et commençaainsi sa retraite par divisions qui,se relevaienttour à tour, les bataillons qui se retiraient de

l'arrière-gardeétant couverts

parle feu des au-

tres, qui tenaient ferme, et qui les couvraientensuite du leur, quand ils se retiraient à leurtour. La cavalerie française, quoique assezforte pour faire des charges en même temps sur

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.?o

les flancs et sur les derrières, ne put enfoncer unseul carré. Après que les Prussiens eurent fait

plusieurs lieues en se retirant de cette manière,

et ne faisant point un pas sans combattre, ilsfurent sur le point d'être coupés par une co-lonne considérable de cavalerie française qui,ayant fait un circuit de manière à les dépasser,s'était rangée en bataille sur la grande route

pour arrêter leur marche. Sans hésiter un in-

stant, Blücher attaqua sur-le-champ les Fran-

çais par un feu d'artillerie et de mousqueteriesi meurtrier, qu'ils furent obligés d'abandonnerleur position et de laisser le passage libre. LesPrussiens trouvèrent aussi le village d'Ëtoges,par lequel il leur fallait passer, occupé parl'ennemi, mais ils s'y frayèrent encore un che-min les armes à la main. Cette expédition de

la Marne, comme on l'appelle, est regardée-comme un des chefs-d'œuvre militaires de Na-

poléon car une marche de flanc, entreprise àtravers un pays si difficile, et ayant si complé-tement réussi, n'a peut-être pas son égale dans

l'histoire. D'une. autre part, si la réputationde Blûcher se trouvait

compromise parla

tropgrande sécurité de sa marche, il la rétablit parla manière habile dont il effectua sa retraite.Si l'armée qu'il commandait en personne avait

partagé le destin de son avant-garde, il est

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CHAPITRE Il. 71

probable qu'il n'y aurait pas eu de campagne deParis.

A cette occasion, les Parisiens voyaient en-.

6n des preuves positives que Napoléon avaitété victorieux/De longues files de prisonnierstraversaient leurs rues, des bannières étaientdéployées le canontonnait; la presse y répon-dait, et la chaire s'y joignait pour révéler etexagérer les dangers auxquels les .citoyensavaient échappé, et le mérite de leur sauveur.

Au milieu de la joie bien naturelle en pareillecirconstance, les Parisiens apprirent tout à coupque la ville de Fontainebleau était occupée pardes hussards hongrois, et que non seulement desCosaques, mais encore desTartares, des Bas-kirs, des Kalmouks, tribus d'un aspect sauvageet barbare, espèce d'ogres asiatiques, à qui la

crédulité populaire attribuait un goût pour lachair des enfans, s'étaient montrés dans lesenvirons dé Nangis. Ce renouvellement dessignes d'un danger prochain venait de ce quela grande armée des Alliés avait emporté No-gent et Montereau à labayonnette, et avait éta-bli le

quartiers-général des monarquesa

Ppnt-sur-Seme. L'alarme qu'on en conçut à Paris~fut suivie d'une autre. Schwartzenberg, enapprenant les désastres éprouvés sur la Marne,non seulement s'avança vers la capitale sur

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VIE DE NAPOI~ÉON BUONAPARTE.72

trois directions, mais fit marcher vers Provinsune partie des troupes de sa droite, pour me-nacer les derrières et les communications de

Napoléon. Cessant alors de poursuivre Blu-cher, l'Empereur' fit une coatre-marche sur

Meaux; et, se rendant de là à Guignes, il re-

 joignit l'armée d'Oudinot et de Victor, qui serétirait devant Schwartzenberg. II y trouva lesrenforts qu'il avait tirés- d'Espagne, environ

vingt mille hommes d'excellentes troupes qui

avaient fait leurs preuves. A la tête de cettearmée, il Et face à Schwartzenberg; et, le17 février, il commença à prendre ToSensivesur tous les points. Le succès répondit à ses

efforts il prit Nangis, et anéantit presque en-tièrement à Mormant le corps que comman-dait le comte Pahlen. Le prince royal de Wur-

temberg fut forcé de se retirer à Montereau.Les Alliés furent si alarmés de l'approche de

leur terrible ennemie que le comte'Parr, aide-'

de-campdu prince Schwartzenberg, fut chargé,de la part des souverains alliés, de porter un

message à Napoléon, pour lui exprimer leur

surprise de son mouvement offensif; puisqu'ils'avaient donné ordre à leurs plénipotentiaires àChâtillon de signer les préliminaires de paixaux conditions qui avaient été consenties parl'envoyé français Caulaincourt.

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CHAPITRE II. 73

Cette lettre, dont nous donnerons ci-après,une plus ample explication, resta quelques jours sans réponse, et pendant ce temps-là, Na-

poléon s'efforça de profiter de ses avantages. Ilreprit le pont de Montereau, après une at-

taque désespérée, dans laquelle le prince royalde Wurtemberg s'illustra par la valeur avec la-

quelle il le défendit. Dans le cours de cette

affaire, Napoléon exerça de nouveau son an-cienne profession d'ofRcier d'artillerie, et pointa

lui-même plusieurs canons, à la grande satis-faction de ses soldats. Ils tremblèrent pourtantquand ce feu attira l'attention de l'ennemi, dontles boulets commencèrent à se diriger contre -la

batterie française. « Allez, mes enfans, dit

Buonaparte plaisantant de leurs craintes, leboulet qui. doitme tuer n'estpas encore fondu. »

Ayant pris d'assaut Montereau, Buonaparte,mécontent d'avoir perdu beaucoup de monde,accabla de reproches quelques uns de ses meil-leurs officiers. Il accusa Montbrun d'avoir man-

qué d'énergie, et Digeon de n'avoir pâs veillé

à ce que l'artillerie fût suffisamment pourvuede -munitions; mais ce fut surtout sur 'Victor

duc de Bellune, que tomba son ressentiment.Il l'accusade négligence pour ne pas avoir atta-

qué Montereau la veille de l'action, tandis quela ville, n'était pas préparée à résister, et il lui

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VIE DE ~fAPOljËON BUONAFARTE.74

ordonna de quitter le service. Le maréchal

s'eSbrça de faire entendre sa,justification; mais"il fut quelque temps sans pouvoir arrêter le tor-

rent de reproches dont l'Empereur l~accabla.Ennn la conversation se radoucit, et Napoléonn'accusa plus que la santé de Victor et son be-soin de repos, suite naturelle des blessures etdes infirmités. « Il faut, dit-il, qu'on cherche,pour Victor jadis infatigable, le meilleur lit du

quartier-général. » Le maréchal devint plussensible aux reproches à mesure qu'ils se rap-prochaient peut-être de la vérité; mais il nevoulut pas consentir à quitter le service.

<(Je n'ai pas oublié mon premier métier,

dit-il je vais prendre un fusil Victor se pla-,cera dans les rangs de la garde.)) Buonaparte ne

putrésister à cette

preuved'attachement. Il lui

tendit la main « Soyons amis, lui répondit-il je ne puis vous rendre votre corps d'armée;3 je l'ai donné à Gérard; mais je vous donnedeux divisions de la garde. Allez en prendrele commandement, et qu'il ne soit plus ques-tion de rien entre nous. ))

C'était en de pareilles occasions, quand iltriomphait d'un mouvement d'irritation pourprendre un ton de bonté et de générosité, que

Buonaparte semblait se montrer personnelle-ment aimable.

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CHAPITRE II. 75

Cependant les Alliés, se rappelant, quoiquepeut-être un peu tard, l'ancieïme fable desuèches en faisceau, résolurent de nouveau d'en-

trer en communication avec l'armée de Silésie,de se concentrer près de Troyes, et d'accepterla bataille si Buonaparte la présentait. L'infà-

tigable Blücher avait déjà rallié ses troupes;et ayant été renforcé par une division de l'ar-

mée du Nord, sous Langeron, il partit de

Châlons où il s'était retiré après son désastre

à Montmirail, pour se rendre à Méry, villesituée sur la Seine, au nord-est de Troyes, où

les monarques alliés avaient de nouveau établileur quartier-général. Il<y fut attaqué avecfureur par les troupes de Buonaparte, quifirent des efforts désespérés pour emporter le

pont et la ville, et empêcher ainsi la commu-

nication projetée entre l'armée de Silésie etcelle de Schwartzenberg. Le pont était de bois,et le feu y prit pendant le combat. Les tirail-

leurs se battirent sur les poutres embrasées

cependant les Prussiens restèrent en possessionde Méry.

Les Alliés tinrent alors un conseil de guerre.Blucher insista pour qu'on exécutât la résolu-tion qui avait été prise de hasarder une ba-

taille contre Napoléon. Mais les Autrichiensavaient encore changé d'avis, et avaient déter-

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VIE DE NArOMSON' BUONAPARTE.76

miné de faire une retraite générale sur la ligneentre Nancy et Langres, précisément dans la

position où.les.ÀÙiés s'étaient arrêtés à leùr,

première entrée en France.. Leprincipal motif allégué de ce mouvement rétrograde qui leurfaisait perdre la moitié du terrain qu'ils avaientAgagné depuis qu'ils étaient entrés en France,était qu'Augereau, qui jusqu'alors s'était con-tenté d'avoir défendu Lyon avec succès, avaitété renforce par des corps de troupes considé-

rables tirés de l'armée de Suchet en Catalogue.Au moyen dé ce renfort, le maréchal françaisétait alors sur le point de prendre l'offensive

contre les troupes autrichiennes qui se~ trou-

vaient a Dijon, 'd'intercepter leurs communi-cations avec la Suisse, et de faire lever enmasse les paysans belliqueux des départemensdu Doubs, de la Saône et des Vosges. Pourprévenir les conséquences ae ce projet, Schwart-

zenberg envoya le général Biâhcbi à l'arrière-

garde, avec' une division nombreuse de ses

forcés, pour soutenir les Autrichiens à Dijon,et il crut que son armée était trop affaiblie parle

départde ce détachement

pour persisterdans son dessein dè risquer une action générale.Il fut done décidé que, si lé quartier-généralde la Grande-Armée était reporté à Langres,celui de l'armée de Blùcher s'établirait de nou-,

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CHAPITH-EH. 77~

veau sur la Marne, d'où, avec. le secours de.l'armée du Nord, qui approchait alors de la

Flandre, il pourrait renouveler ses démonstra-tions sur

Paris,~dans

le.cas

où Buonaparte semettrait a la poursuite de la grande arméedes Alliés. «

Ce mouvement rétrograde fut vu de mauvaisœil par les soldats autrichiens, qui le regar-dèrent comme un prélude de l'abandon totalde l'invasion. Ils manifestèrent leur méconten-

tement, non seulement en murmurant et enmettant en pièces les rameaux verts dont ilsavaient coutume d'orner leurs casques et leurs

schakos, mais encore, comme cela n'arrive que.trop souvent en pareil cas, en négligeant la dis-

cipline, et. en commettant des excès dans'le

pays.

Pour diminuer les mauvais effets que ce mé-contentement produisait parmi ses troupes f Schwartzenberg publia un ordre du jour re-commandant aux officiers de faire observer.une stricte discipliné; il expliquait en même

temps à l'armée que la retraite qui avait lieun'était que temporaire, et que, dès qu'on au-

rait été rejoint par les corps de réserve quiavaient déjà passé le Rhin, la Grande-Armée

reprendrait l'offénsive, tandis que le feld-ma-réchal Blücher qui marchait alors vers le

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$78 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE

nord pour opérer sa jonction avec Winzin-

gerode et Bulow, attaquerait en même tempsl'avant-garde et le flanc de l'ennemi. La publi-

cité de ce plan de campagne contribua beau-coup à ranimer la confiance abattue de l'arméeautrichienne.

Dans la soirée du a a février, on reçut une

réponse à la lettre de Schwartzenberg; mais

elle était exclusivement adressée à l'empereurd'Autriche; et, tandis que les expressions de

respect y étaient libéralement prodiguées à cemonarque, la manière dont les autres membresde la coalition étaient traités, montrait une ini-

mitié persévérante, mal cachée sous une aSec-tation de mépris. L'empereur de France décla-rait qu'il était disposé à traiter d'après les basesde la déclaration de Francfort; mais il se récriait

contre les conditions que son propre envoyé,Caulaincourt, avait proposées aux plénipoten-tiaires des autres puissances. En un mot, toutela teneur de cette lettre indiquait, non queNapoléon voulût faire une pâix générale avecles Alliés, mais son vif désir d'en conclure une

séparéeavec

l'Autriche pourdissoudre la coa-

lition ce qui était contraire à l'esprit et à lalettre des Alliés, clairement exprimés dans leur

message à Napoléon.L'empereur François et.ses ministres avaient

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CHAPITRE II. 79

,résolu de n'écouter aucune proposition dontle but serait de détacher l'Autriche de la coali-tion. Il fut donc d'ahord décidé qu'on ne ferait

aucune réponseà cette

lettre;mais le désir de

gagner du temps pour laisser arriver les corpsde réserve de la Grande-Armée qui s'appro-chaient des frontières de là Suisse, sous lesordres du prince'de Hesse-Homburg, et pouropérer la jonction de l'armée du Nord, sousBulow et Winzingerode, avec celle de Silésie,

les détermina a accepter l'oSré d'une suspen-sion d'hostilités. D'après ces considérations; le

prince Wenceslas de Lichstenstein fut envoyéau quartier-général de Napoléon pour traiterd'un armistice. L'Empereur paraissait livré aux

plus. belles espérances, et il invita les Autri-chiens, a ne pas se sacriEer aux vues égoïstes

de la Russie, et à la misérable politique del'An-gleterre. Il nomma le comte Flahault commis-saire pour traiter d'une ligne de démarcation,et le chargea de se réunir à l'envoyé des Alliésa Lusigny, le 3~ février. °

Dans la nuit du s3, les Français bombar-dèrent Troyes, que les troupes alliées éva-

cuèrent suivant leur dernier plan de cam-pagne. Les Français entrèrent dans la villele a/{. et pour orner le triomphe de Napo-léon, ils tramèrent à.leur suite les malades et

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VIE~DE NAPOLEON BUONAPARTE.80

les blessés laissés par les Alliés. Une scène nonmoins déplorable, quoique d'une autre nature,se passait en même temps.

Au milieu des grandes espérances que l'en-trée des Alliés en France avait fait concevoiraux ennemis du gouvernement de Buonaparte,cinq individus, dont les plus marquans étaient

le marquis de Vidranges et le chevalier de

Gouault, avaient pris la cocarde blanche, et

déployé d'autres emblèmes de la fidélité pour

la famille exilée. Ils n'avaient reçu que peud'encouragement pour une démarché sidécidée,de la part du prince royal de Wurtemberg etde l'empereur Alexandre qui, quoique ap-prouvant tous deux les principes qui animaientces messieurs, avaient refusé de sanctionnerleur conduite, ou de leur en garantir les consé-

quences. Il ne parait pas qu'en amenant ainsileurs sentimens ils eussent excité un enthou-siasme semblable parmi les habitans de Troyesou des environs, et il aurait été plus sage à

Napoléon de fermer les yeux sur une impru-dence si peu importante, qu'il aurait pu repré-senter comme

inspirée parle radotage du roya-

lisme au lieu d'avoir, en ce moment critique,appelé l'attention publique sur les Bourbons,en faisant tomber sa vengeance sur leurs parti-sans. Néanmoins, Napoléon était à peine entré

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CHAPITimiî. 8i

dans Troyes, que le chevalier de Gouault ( lesautres Royalistes s'étant heureusement échap-pés) fut arrêté, traduit devant une commis-

sion militaire, condamné à être fusillé, et exé-cuté sur-le-champ. Il mourut avec la plusgrande fermeté, en criant ~K~ le Tt'c~ I

Un décret violent, et alors hors de saison, pro-nonça la peine de mort contre quiconque por-térait les emblèmes des Bourbons, et contretous les émigrés qui se joindraient aux Alliés.

La sévérité de cette mesure, si contraire ala conduite générale de Buonaparte, depuisquelques années, à régard des Bourbons et deleurs partisans', auxquels, pendant son règne,il avait à peine fait allusion, fit qu'on attt$bna-sa cruauté inaccoutumée à'une crainte peucommune en lui, ce qui ne fit qu'encoura-ger ceux qu'il' avait dessein de frapper' deterreur..

A cette époque de la retraite de Schwart-

zenberg de Troyes., et du mouvement de Blü-

cher vers la Marne, il faut que nous quittiops

On a dit que Napoléon s'était laissé persuader de lui

sauver )a vie; mais H en fut pour lé chëvatier Gouaultcomme pour Clarence.

Qui est mis à mort, quoique le roi Edouard lui ait accordésa grâce. Voyez AcAay~ de Shakespeare. (A/)

VtE n'! NAp; Buox. Tome 8. 66

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.8a

les troupes qui combattaient dans l'intérieur dela France, pour jeter un coup d'œil sur ce quise passait'sur les frontières, où les opérations

des Alliés, quoique sur un terrain éloigné, tendaient à renibrcer les armées d'invasion, et àdiminuer les moyens de défense de Napoléon.

Il est difficile aux habitans d'un territoire en

paix de se Ëgurer les maux qu'eut à souffrir le

pays qui était le théâtre de cette guerre san-

glante. Tandis que Buonaparte commeun tigre

entouré de chiens et de chasseurs tantôt me-naçait un de ses ennemis, tantôt s'élançait avecfureur sur l'autre, et que, tout en les déconcer-tant et en~les embarrassant par la rapidité de

ses«nouvemens, il ne pouvait cependant dé-truire ceux qu'il attaquait, de peur de four-nir une occasion favorable à ceux qui se trou-

vaient hors de son atteinte, la scène de cetteguerre' féconde en vicissitudes était ravagéede la manière la plus impitoyable. Les soldatsdes deux partis, poussés au désespoir par desmarches rapides sur des routes couvertes de

neige, ou à travers des marécages, devinrentcruels et sans pitié et, s'écartant de leurs co-

lonnes dans toutes les directions, ils se portaientà tous les excès imaginables contre leshabitans.Ces excès. sont mentionnés dans les bulletins

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CHAFÏTM:li. ~3

de Napoléon, aussi-bien que dans les.ordres.du

 jour de Schwartzenbèrg.Les paysans se réfugiaient avec leurs familles

dans',les antres, dans les, carrières et dans lesbois oùjesfemmes et les enfans périssaient de

faim ou des rigueurs de'la saison, tandis queles hommes, se, formant en petits corps, aug-mentaient les horreurs de la guerre en pillantles convois des deux armées,, en attaquablesfaibles détachemens de toutes Ifs nations, et en

massacrant les malades, lès blessés et les tra!-neurs. Les mouvemens en avant et en arriéresi souvent répétés par les deux armées, ren-

.daient ces maux encore plus cruels chaquenouvelle bande de pillards.avait une avidité debutin d'autant plus grande' qu'elle trouvaitmoins a glaner. Suivant le langage de l'Écriture,

ce que laissait la sauterelle était dévoré par lachenille; ce qui échappait aux Baskirs, aux

Kirgas, aux Croates aux hordes des bords du

'Wolga, des rives de la merCaspienne, et desfrontières de la Turquie, devenait la proiedes conscrits à demi nus et mourant de faim,que le besoin, les

fatigueset un moment d'ai-

greur, rendaient aussi indifîérens aux liens

d'une même'patrie et d'un même langage, queles autres l'étaient aux droits de l'humanité.

Les villes et les villages qui étaient; la scène

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VIE M NAPOTjÈON BUONAPARTE.84

d'un combat étaient souvent la proie des flam-

mes; et cela, non seulement dans les. actions

importantes dont nous avons parlé, mais dans

une-foulé d'escarmouches qui eurent lieu surdifférens points, sans avoir, à la vérité, au-cune influence sur le résultat de la campagne,mais qui augmentèrent au-delà de'tout calculles maux qu'eut à souffrir le pays envahi, en

portant la terreur des armes, l'incendie, la fa-mine et le carnage, jusques dans les cantons

les plus reculés. Les bois n'oRraient point unasile les églises n'étaient pas un sanctuaire; latombe même n'était pas un abri pour les restes'de l'humanité. Partout les villages étaient bru-

lés, les fermes pillées et dévastées, les habita--'tions des hommes détruites rien n'était res-

pecté ni ce qui était le fruit d'une industrie

paisible, ni ce qui composait le bien-être do-mestique. Les loups et les autres animaux sau-

vages se multipliaient d'une manière effrayantedans les cantons que là main de l'homme avait

ravagés avec une férocité comparable à la leur.Ainsi les maux que la France avait fait souf-

frir, sans merci, à l'Espagne, à la Prusse, à

la Russie à presque toutes les nations de l'Eu-

rope, lui étaient rendus, par de terribles re-

présailles, à quelques lieues de sa capitale.Telles étaient les conséquences d'un système

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CHAPITRE Il. 85

qui prenant la force militaire pour seul prin-cipe et-pour unique loi, avait appris aux na-tions unies de l'Europe à employer, pour re-

pousserses

agressions, des moyensencore

plusformidables que ceux dont elles avaient eUes-mémes souSert.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.86

CHAPITRE III.

Coup d'œil survies événeméns militaires qui se passaient sur

les frontières de la France. Défection de Murat, qui se

déclare en faveur des Alliés. Ses conséquences. Au-

gereau est forcé d'abandonner le pays deGex et la Franche-

Comté. Le nord de l'Allemagne et la Belgique perdus

pour la France.-Carnot chargé du commandement d'An-

vers. Berg-op-Zoom presque pris par sir Thomas Gra-

ham, est perdu par !ë désordre qui se met dans les troupes

au moment du succès. Les Alliés prennent Soissons etl'évacuent. Bulow et Winzingerode se joignent à Blü-

cher. Le duc de Wellington s'ouvre un chemin à tra-

vers le pays des Gaves. État des Royalistes dans l'ouest

de la France. –Mécontentement des anciens Républicainsdu gouvernement de Napoléon. Vues des différens

membres de l'Alliance sur les dynasties des Bourbons et

de Napoléon. Mesures des ducs de Berry et d'Angoulêmeet de Monsieur. Les deux derniers entrent en France.

Les Français défaits par Wellington à Orthez. Bor-

deaux est volontairement rendu au maréchal Béresford parles habitans, qui prennent la cocarde blanche. Détail

des négociations deChâtilIon.–Traité de Chaumont, par

lequel les Alliés s'engagent de nouveau à conduire la

guerre avec vigueur. Napoléon présente a Chatilton un

contre-projet singulièrement déraisonnable. Rupture du

congrès de Châtillon.

PENDANTque Napoléon combattait dans la

campagne de Paris pour conserver son exis-

tence comme monarque, il se passait survies

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CHAPITRE III. 87

frontières des ~vénemens qui influaient plusou moins sur son destin, et presque tous d'unemanière défavorable. Npus devons donner un

détail abrégéde ces

événemens,et

indiqueren

même temps l'influence qu'eut chacun d'euxsur le résultat de la guerre..

La défense de l'Italie avait été confiée auprince Eugène Beauharnais, vice roi de ceroyaume. Il était digne à tous égards dé cette

confiance,. mais la défection de Murat le priva

des moyens qui lui restaient pour accomplir satâche. Nous avons eu souvent occasion de

parler de Murat, comme s'étant distingué surle champ de bataille plutôt en soldat plein debravoure et d'impétuosité, qu'en sage com-mandant comme souverain il avait peu de droità la renommée. Il était d'un caractère doux,

mais plein de vanité, n'ayant que peu de talenset sans aucune instruction. Napoléon n'avaitpas caché le mépris que lui inspirait son man-que d'intelligence, et après là retraite de Russie,il l'avaitcensuré, d'une manière détournée mais

intelligible, dans un de ses bulletins. En écri-vant à la fèmme de Murat sa propre sœur, Na-

poléon lui avait parlé de son mari, en termesde mépris, comme d'un homme qui n'était

brave que sur le champ de bataule, et qui par-tout ailleurs avait la faiblesse d'un moine ou

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.88

d'une femme. Caroline en lui répondant avaitinvité son frère à traiter son époux avec plusd'égard. Napoléon, p%u accoutumé à retenir

l'expression deses sentunens, n'entint

pasmoins

le même langage et la même éonduite.Le ressentiment de Murât le porta à écouter

les propositions de l'Autriche, et par la média-tion de cette puissance qui avait intérêt à re-couvrer ses provinces d'Italie, l'Angleterre sedécida non sans peine à y acquiescer. En consé-

quence d'un traité fait avec l'Autriche, Muratse déclara en faveur des Alliés, et fit marchersur Rome une armée de trente mille Napoli-tains pour aider à expulser les Français de l'Ita-lie. Il occupa' promptement Ancône et Flo-

rence. Il y avait déjà en Italie une armée de

trente mille Autrichiens, auxquels le vice-roi

avait eu affaire dans la bataille de Roverbelloqui resta indécise, et après laquelle il se retira

sur la ligne de l'Adige où ilprit une position pré-caire, qu'il conserva jusqu'à la fmde là guerre.

L'apparition de l'armée de Murât, prenant le

parti de l'Autriche quoiqu'il se bornât à une

guerre de proclamations était bien faite pour

anéantir toute l~nûuencB des Français en Italie.Des mouyemenscontre-révolutionnaires quieurent lieu dans quelques cantons de la Suisse,et dans les montagnes de la Savoie, tendirent

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CHAPITRE 111. 89

aussi à fermer le passage par lequel Buonaparteavait si souvent porté la guerre dans la pénin-sule italienne, et de ses provinces septentrio-nales dans le cœur même de l'Autriche.

La défection de Murat produisit encore l'ef-

fet dé déconcerter les mesures que Napoléonavait prises pour recouvrer la frontière du sud-

est de la France. Augereau avait reçu ordre de

s'avancer- sur Lyon, et de recevoir les renforts

qu'Eugène devait lui envoyer d'Italie a travers

les Alpes. Il avait été calculé queces renforts

donneraient au maréchal français une supéno-rité décidée, qui le mettrait en état de remon-

ter vers les sources de la Saône, d'àppelér auxarmes les belliqueux montagnards des Vosges,de couper les communications de l'armée au-

trichienne, d'allumer une guerre nationale, et

d'organiser des guérillas sur les' derrières desAlliés.Pour stimuler encore plus fortement l'éner-

gie de son ancien compagnon d'armes~ Napo-léon fit rendre une visite par-l'impératriceMarie-Louise à la jeune duchesse de Casti-

glione, épouse du maréchal, et l'invita à em-

ployèr toute son influence sur l'esprit de sonmari, pour le porter à déployer en cette oc-

casion, tous ses -talèns et toute son audace.

~.C'était un trait remarquable de décadence, que

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VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTE.9~

de voir l'Empereur penser qu'un, ordre qu'ildonnait à un de ses maréchaux, pouvait avoirbesoin d'être appuyé pacle crédit d'une femme;

ou pour mieux dire, cette circonstance in-dique que Napoléon sentait qu'il demandait ason,officier quelque chose dont des efforts or-dinaires ne pouvaient venin à bout. Il écrivitpourtant lui-même à Augereau, le conjurantde se rappeler ses anciennes victoires, et d'ou-blier qu'il avait cinquante ans, mais les exhorta-

tions d'un souverain ou d'une dame ne peuventsuppléer, à une infériorité réelle.

Augereau fut hors d'état d'exécuter la tâchequi lui était.imposée, parce qu'il ne reçut pasles renforts qu'il attendait d'Italie Eugène,dans là situation où il se trouvait, ne pouvantse priver d'aucune partie de ses forces. A la

vérité, quelques détachemens de vétérans del'armée de Suchet, en Espagne, vinrent joindrele maréchal à Lyon, et lui fournir les moyensde marcher contre le général Bubna, qu'il forçaà se retirer a Genève; mais l'arrivée du généralBlanchi avec un renfort considérable envoyéà cet effet par Schwartzenberg, rétablit d'au-

tant mieux l'ascendant dés armées des,Alliés surcett&frontière, que le prince de Hesse-Hom-burg s'approchait aussi et venait de la Suisseavec les corps de réserve de l'Autriche. Cè

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CHAPITRE ÏïH 9~

dë~iër général s'assura sans des dé-niés'de là Saône; en conséquence, Augereaufut obligé d~abandonnCple pays dé Gex et' la

Franche-Comté,et de retourner sous les murs

de Lyon. Napoléon ne fut pas plus'indulgentpour celui qui fut son ancien'compagnon etson maître, quUl'nê l'avait été, pendant cettecampagne, pour ses' autres maréchaux quin'avaient pas exécuté des tâches qu'ils n'avaientpas'te moyend'accomplir. Augereau fut publi-

quement blâmé comme n'ayant été ni. âssë?actif  ni' assez entreprenant.Le nord de l'Allemagne et 1~ Belgiqueétaient

également perdus pour la France, et n'en su-bissaient plu~ rihfluencé; a'.Ia'vérité Ram-

b'oû~gtenait ehGer6,maiLscette'viîlë éMt'assië-

gée,' OUplutôt b~ô'quéë pa~ les ~upes'àl~'éea

commandées' par Bennigsën que' le~ ppin~eroyat de Suède' à<vaitcharge! de ce.siége, tandis

q'a'ayanttérmiTié'Ia'guerre avec le Danemarck,il'Défait avancé Im-inéme vers Cologne dans ledëss'éin'd'éspulser les' Fran'çais'de l'a'Belgique',efd'eh~er' ensuite eh Ffan'ce de ce côté pôu~sôu~nir'l'ârm'ée de Sïlésie. Le prince royal ne

se'iA'ontrà pas tÈes disposé a prendre une p'artpërsonîrelîë à ~invasion de la France. Ndusâ~ônS d~éjà'hà's~rct'énô's conjectures sur l'escauses qui pouvaient, l'en éloigner. Les Roya-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.92

listes en ajoutèrent une autre, en prétendantqu'il avait formé le projet de se mettre lui-même à la tête du gouvernement de la France

projet que les monarques alliés ne voulaientpas favoriser. Soit par motifs de prudence,soit par mécontentement, il est certain qu'a-près son arrivée dans la. Flandre, on ne dut

plus le considérer comme un membre actif  dela coalition..

Pendant ce temps, le vétéran républicain

Carnot déployait autant de bravoure que descience en défendant Anvers. Cet homme cé-'lèbre comme ingénieur et comme homme d'é-

tat, s'était constamment opposé à chaque pasqu'avait fait Napoléon pour arriver au pouvoirarbitraire il avait voté contre sa nominationcomme consul à vie, et ensuite comme empe-

reur. Il ne paraît pas que Napoléon eût con-servé du .ressentiment de cette oppositionavant son élévation sans exemple, il avait eudes obligations à Carnot, et il s'en souvint en-suite au point de faire payer ses dettes dans un

moment d'embarras. Camot, de son côté, re-garda l'invasion de la France comme un signal

pour chaque Français d'employer tous ses talenspour la défense de sa patrie; il offrit ses servicesa l'Empereur, et le commandement d'Anverslui fut confié.

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CHAPITRE III. 93

Berg-op-Zoom aussi était encore occupé parles Français. Sir Thomas Graham fut. sur le

point de s'emparer par un coup de main, de

cette place, une des mieux fortifiées du mondeentier. Après une attaque nocturne de la na-ture 'la plus hardie, les colonnes anglaisesavaient réussi au point que .tous les obstaclesordinaires semblaient surmontés. Mais leursuccès fut suivi d'un désordre qui empêchad'en profiter, et- un grand nombre de soldats

qui étaient entrés dans la ville~, furent tués ouobligés de se rendre. Ainsi une entrepriseaussi bien conçue que courageusement exé-

cutée, échoua au moment même de la victoire

par des accidens dont on ne peut rendre juste-ment responsables ni le général, m les officiers

qui commandaient l'attaque. Cependant, le

général Graham reçut des renforts d'Angle-terre, et, a l'aide des Suédois, des Danois etdes corps belges et hollandais, il se trouva enétat d'empêcher qu'on fit des sorties de Berg-op-Zoom ou d7A:nvers.,

Ladélivrancé des Pays-Bas étant si près d'être

accomplie, Bulow marcha en avant surLa Fére

et nnitpar occuper la ville de Laon. Il y fit sa jonction le 26 février avec Winzingerode, qui,laissant le prince de Suède en observation de-vant Juliers, Vanloo et Maestricht, traversa la.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTB.94

forêt des Ardennes..Soissons parut .vouloir faire

unerésistanc.e désespérée, mais le commandante

ayant été tué, la place se rendit. Cet événe-

ment arriva le i. 3février, et les Alliés auraientdû conserver cette place importante mais dans

l'empressement qu'ils avaient. de joindre BHi-

çher, ils évacuèrent Soissons, et Mortier'netarda pas à y replacer une. forte garnison fran-

çaise. Là possession de cette place devint bien-tôt après un objet de grande importance. En

attendant, Bulow etWinzingerode, avec leursdeux armées additionnelles, se mirent en com-

munication avec Blucher, dont ils formèrentalors l'arrière-garde, ce qui lui rendit .plus, que

l'avantage qu'il avait perdu par ses défaites aMontmirail et ,a Champ-Aubert.

L'horizon semblait encore plus sombre sur

la frontière dusud-ouest. Le duc.de Welling-ton étant entré en' Espagne,. était sur. le pointde se frayer un chemin'a. travers le pays des

Gaves c'est-à-dire un pays de ravines creu-sées par des rivières et des torrens. Il mainte-

riait une disciplinent sévère, et payait avec tant

de r.égularité.les'provisions dont il avait besoin

dans le pays., qu'on.lui fournissait volontaire-ment tout ce qui pouvait lui être nécessaire;tandis que l'armée de Soult, placée dans le pro-pre pays de ce maréchal, ne pouvait obtenir de

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CHAPITRE 111. 95vivres que de mauvaise grâce,. en petite quan-tité., et par .voie de réquisitions militaires. En

conséquence de cette stricte discipline, la pré-sence de Farmée

anglaiseétait loin d'être un

ûéau pour le pays, et quelques efforts que:fitle général Harispe pour engager les Basques,ses compatriotes, à se former en guérillas pourharceler l'arriére-garde du duc de Wellington,ils n'eurent pas.le moindre succés.'Le petit portde .Samt-Jean-de-Luz procura à. l'armée an-

glaise des provisions et des renforts. L'activitédu commerce anglais envoya bientôt des car-

gaisons de toute espèce dans un port où l'on ne

voyait auparavant que quelques barques de

pécheurs. Les marchandises furent débarquéessous un tarif  de droits calculé par le duc de

Wellington, et ainsi~Ënit le;systéme conti- j

nental.l' (Pendant ce 'temps l'état du midi de la

France était denature à présenter aux Anglaislès résultats politiques les'plus importans, s'ils

pouvaient surmonter les obstacles que. leur of-frait le camp fortement retranché de Bayonne,sur lequél Soult appuyait son flanc droit, en

étendant une ligne très lorte~sur l'Adour et surles Gaves voisines

Nous avons déjà parlé de la confédération de'

Royalistes, qui était alors en'pleine activité,.

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VŒ DE NAPOLÉON BUONAPARTE.96

et dont des agens fidèles augmentaient le nom-bre dans tout l'ouest de la France. Ils étaienten ce momentà leur poste, et préparaient tout

pour Une explosion. La police de Buonaparten'ignorait ni l'existence ni le but de cette con-

spiration mais elle ne pouvait obtenir des ren-

seignemens assez précis pour la découvrir etl'étouHër. MM. de Polignac y avaient pris tousdeux une grande part, et étant devenus sus-

pects, ce ne fut qu'en fuyant de Paris avec-

adresse et promptitude, qu'ils évitèrent la pertede leur liberté ou peut-être la mort. Ils réus-sirent à arriver à l'armée des Alliés, et l'on croit

qu'ils furent les premiers qui donnèrent à l'em-

pereur Alexandre des détails exacts sur l'étatdu parti royaliste dans l'intérieur de la France,et surtout dans la capitale, ce qui fit une forte

impression sur l'esprit de ce prince.Dans tout l'ouest de la France on vit se mon-

trer mille agens de ce parti, qui s'éveillaientalors après un sommeil de vingt ans. Bordeaux,

avec son-màire royaliste le comte Lynch, etla majorité de ses habitans, était le point cen-tral de cette association dans le midi. Une

grande partie des citoyens de cette ville étaientsecrètement enrégimentés -et incorporés; ilsavaient des armes en leur .possession ils avaientcaché dans leurs magasins des pièces d'artillerie,

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CHAPITRE III. 97

de la poudre à canon et des boulets. Le célèbreLa Rochejacquelein, immortalisé par l'ouvragesimple et sublime de son épouse, alla plaider la

cause des Royalistes au quartier-général desAn-glais, faisant à plusieurs reprises de dangereuxvoyages*a Bordeaux, et de Bordeaux au quar-tier-général. Un ecclésiastique royaliste, l'abbé

Jaqualt, avait organisé une insurrection dansla Saintonge et dans la Vendée; les frères La

Roche-Aymon préparaient le Périgord; le duc

de Duras avait enrôlé un millier de gentils-hommes dans la Touraine. Enfin les chouanss'étaient préparés à se soulever de nouveausous le comte de Vitray et sous Tranquille, chef célèbre qu'on avait surnommé « le capitainesans-peur)). A Angers, à Nantes et à Orléans,des troupes nombreuses de conscrits réfrac-

taires, poussés au désespoir par la sentence deproscription portée contre eux, étaient prêtsa prendre les armes pour les Bourbons sous lecomte de Lorge, M. d'Airac, le comte Charles

d'Autichamp, le comte de SuzannetetCadou-

dal, frère du célèbre Georges, qui n'avait nimoins de courage ni moins de résolution. Mais

tous désiraient préalablement voir s'avancerles pierres à /MM7 bleues, comme ils nom-

maient les Anglais,.les leurs étant d'une nuancedifférente. Entravés par la négociation de Cha-

VtEDRNAP.BUON-.Tome8.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE98

tillon et par d'autres obstacles politiques, etne voulant nullement mettre en danger ceshommes pleins de zèle en les encourageant a

un soulèvement prématuré, le ministère bri-tannique en Angleterre et le général en. France,furent obligés de modérer pendant quelquetemps l'ardeur des Royalistes, au lieu de cher-cher a l'exciter.

Cette prudence était d'autant plus néces-

saire, qu'il existait en même temps une autre

conspiration dirigée aussi contre la personnede Buonaparte, ou du moins contre son auto-

rité, et il était important que ni l'une ni l'autrene fit explosion avant qu'on eût trouvé quel-que moyen pour. empêcher que l'une ne pûtnuire à l'autre, et n'en fit manquer l'effet. Cetteseconde classe de mécontens comprenait les

hommes qui, comme Buonaparte lui-même,devaient à la révolution leur importance po-litique, et qui, sans songer aux Bourbons,désiraient renverser la tyrannie impériale.C'étaient ces Républicains désappointés et dé-

gradés ces Constitutionnels trompés, qui touss'étaient ûattés que la révolution aboutirait à

un gouvernement libre, sous lequel la carrièrede l'avancement serait ouverte aux talens detoute espèce, loterie dans laquelle chacun

d'eux, sans doute, comptait bien avoir un bon1

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CHAPITRE III. 99

billet. Le sceptre de Napoléon s'était appesantisur cette classe, même encore plus que sur les

Royalistes. Il n'avait pas d'éloignement pour les

principes de ceux-ci', dans un sens abstrait il

n'était 'pas sans respect pour leur naissance et

pour leurs titres il désirait seulement que leurattachement à la: famille des Bourbons se re-

portât sur sa propre dynastie en conséquence,il accordait des emplois et des honneurs à ceuxdes anciens nobles qui pouvaient se décider ales

accepter,et il était évidemment fier d'at-

tirer à sa cour des noms illustres dans les an-ciennes annales de l'histoire de France. D'ail-

leurs, jusqu'à ce que les circonstances eussentébranlé son trône et eussent multiplié leurs

moyens de. lui nuire, il regardait le nombredes Royalistes comme peu considérable et leur

crédit comme peu étendu. Mais ces esprits re-muans, qui avaient tramé révolution sur ré-volution pendant tant d'années, lui inspiraientbeaucoup plus de crainte et d'éloignement,surtout alors qu'il les soupçonnait d'avoir pourchef son ex-ministre Talleyrand, dont il con-naissait par expérience le rare talent pour con-

cevoir et exécuter des changemens politiques.,C'était à cette classe de ses ennemis qu'il attri-buait la tentative hardie qui avait été faite, non

sans apparence de succès, pour renverser son

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:t 00 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

gouvernement pendant qu'il était en Russie.«Vous avez la queue, mais il vous manque la

tête )), avait dit le principal conspirateur au

moment d'être exécuté et ces paroles reten-tissaient encore aux oreilles de Buonaparte.On supposait généralement que le long séjourqu'il fit à Paris, avant de se remettre en cam-

pagne contre les Alliés, avait pour cause lacrainte que son absence ne causât quelque ex-

plosion semblable à celle de la conspiration de

Mallet. Nous n'avons pas les moyens de savoirsi ces deux classes distinctes d'ennemis de Buo-

naparte avaient des communications ensemble,mais elles en avaient toutes deux avec les Al-tliés. Celles de la faction de Talleyrand étaiententretenues à la cour de Londres, ce que

nous croyons, par un de ses proches parens qui

s'était rendu en Angleterre peu de temps avantl'ouverture de la campagne de i8i4. Nous ne

doutons pas que Talleyrand n'eût des commu-

nications avec les Bourbons par le moyen de

quelque intermédiaire semblable, et que, de

même que la restauration des Stuarts fut ame-

née en Angleterre par une union entre les Ca-

valiers et les Presbytériens, il n'y eût mêmealors sur le tapis quelque traité d'arrangement;

par suite duquel le monarqueexilé devait, pourrecouvrer sa couronne,~recevoirl'aide de ceux

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lOa VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

qui, si l'on souffrait que Buonaparte continuât a

régner, devait toujours l'inquiéter, comme étant

une usurpation sur son pouvoir impérial. Dans

le cassupposé,

onpouvait présumer que

les

Bourbons compteraient ce qu'ils auraient gagné,tandis que le génie tenace et vindicatif  de Na-

poléon ne songerait qu'a ce qu'il aurait perdu;et l'on pouvait craindre qu'au premier retourde fortune il ne fit tout pour réparer ses pertes.Maisil se trouvait dans le cabinet britannique

des ministres qui craignaient d'être accusésde

vouloir prolonger la guerre, en déclarant que

l'Angleterre adoptait la cause des Bourbons, de-

venue un peu surannée, et à laquelle une sorte

de fatalité malheureuse s'était attachée jusqu'a-lors. L'intérêt que prenait la Grande-Bretagnea la cause des Royalistes se bornait donc à dés

souhaits favorables.L'empereur Alexandre partageait le pen-

chant que devaient avoir tous les souverains

pour cette famille infortunée, dont la cause

était, jusqu'à un certain point, celle des mo-

narques en général. Ohsavait que les engage-mens de Moreau avec l'empereur de Russie

avaient eu pour base l'assurance expresse quelui avait donnéeAlexandre, que les Bourbons

seraient rétablis sur le trône de France avec les

restrictions d'une constitution libre. La Prusse,

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CHAPITRE III. io3

d'après son alliance intime avec la Russie, et,par suite des causes personnelles de méconten-tement qui existaient entre Frédéric et Napo-

léon, ne pouvait que désirer la chute de ce-lui-ci. .aMais les armées nombreuses de l'Autriche,

et sa proximité du théâtre de la guerre, ren-daient son secours indispensable aux Alliés,tandis que l'alliance formée entre sa maison im-

périale et un soldat jadis heureux, jetait beau-

coup de perplexité dans leurs conseils. Oncroyait que l'empereur d'Autriche insisterait

pour qu'on admît Buonaparte à traiter commesouverain de la France, pourvu que celui-cidonnât des garanties sumsaatesqu'iirenonceraità ses prétentions à la suprématie européenne,ou que, s'il continuait à se montrer toujours

aussi déraisonnable dans son obstination, l'em-pereur François demanderait qu'on établit une

régence à latête de laquelle serait placée Marie-Louise. L'un ou l'autre de ces deux partis, si onl'eût adopté, aurait été le coup de la mort pourles espérances de la famille exilée- dès Bour-bons.

Au milieu de toutes ces, incertitudes, lesprinces de la maison de Bourbon se détermi-nèrent courageusement à risquer leurs proprespersonnes en France, et à voir ce que leur pré-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.10~

sence pourrait faire pour éveiller d'anciens sou-venirs dans une crise si intéressante.

Quoique le ministère anglais ne voulût pas

donner un appui direct aux projets de la famillede Bourbon, il ne pouvait, en écoutant les

principes ordinaires de, la justice, refuser auxmembres les plus actifs de cette race infortunéela liberté d'agir, comme ils le jugeraient à pro-pos, pour l'intérêt de leur cause et de leurs

partisans. Lorsqu'ils demandèrent la permission

de partir pour la France, il leur fut réponduque les princes de la maison de Bourbonétaient les hôtes de la Grande-Bretagne maisnon ses prisonniers et que., quoique l'état ac-tuel des affairespubliques empêchât l'Angleterred'autoriser expressément les démarches qu'ilspouvaient juger à propos de faire, ils étaient

cependant libres de quitter son territoire, et d'yrevenir quand bon leur semblerait. D'après une

sanction conçue en termes si généraux, le duc

d'Angouléme s'embarqua.pour Saint-Jean-de-

Luz, afin de se rendre ~l'armée du duc do

Wellington le duc de Bérri partit pour Jer-

sey, afmdé correspondre avec les Royalistesde Bretagne, et Monsieur se rendit en Hol-

lande, d'ou il gagna les frontières de la Suisse,et il entra plus tard en France a la suite dés

armées autrichiennes. Les mouvemens de ces

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CHAriTM;1[I. lo5

deux derniers princes ne produisirent aucunrésultat important.

Le duc de Berri s'arrêta dans l'uc de Jer-

sey, en recevant de France quelques nouvellesdésagréables relativement 'à la force du gou-vernement.existant, et en découvrant, dit-on,un complot pour le déterminer à débarquersur un point où il serait nécessairement devenu

prisonnier deBuonaparte.Monsieur entra en France, et fut àccueilli à

Vesoul avec~beaucoup d'enthousiasme. Maisce mouvement ne fut pas encouragé par lescommandans et les généraux autrichiens et la

proposition que fit Monsieur de lever des corpsde Royalistes en Alsace et en Franche-Comté,fut reçue avec une froideur qui approchait du

mépris. L'exécution du chevalier de Gouault

à Trpyes, et le décret de mort rendu contre lesRoyalistes, jeta le découragement dans leur

parti, et ce découragement fut augmenté parle mouvement rétrograde delà Grande-Armée.

L'entreprise dé Monsieur n'eut donc.pas de ré-sultat immédiat, quoique sa présence ait eu,sans aucun doute, un effet décisif  quant a la

suite des événemens; et la restauration auraitété bien moins facile, si ce prince n'eut ainsihasardé sa personne.

L'arrivée dn duc d'Angoutéme à l'armée du

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106 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

duc de Wellington eut des conséquences plusimmédiates. Son Altesse Royale ne put y êtrereçue que comme volontaire; mais l'effet que

produisit sa présence se développa bientôt. LaRochejacquelein, qui avait consacré à la cause

royale ses jours, ses nuits, sa fortune et sa vie,parut bientôt dans le camp anglais, et pressa le

général de diriger sa marche sur Bordeaux,l'assurant que cette ville, dès qu'elle serait. dé-livrée de'Farinée de Soult qui était dans son

voisinage, se'déclarerait aussitôt pour les Bour-bons, événement qui serait suivi du soulève-ment de la Guyenne, de l'Anjou et du Lan-

guedoc. L'humanité et la politique firent encorehésiter le duc de Wellington. Il savait combienil arrive souvent que l'enthousiasme patrio-tique fait des promesses qu'il lui est impossible

de tenir, et il invita l'envoyé zélé des Roya-listes à prendre garde de se déclarer trop tôt,puisque les conférences de Châtillon se. conti-nuaient encore, et qu'il y avait encore de

grandes chances d'une paix entre les Alliés et

Napoléon. La Rochejacquelein, sans se laisserdétourner de son projet par ces remontrances,

insista sur sa demande avec tant de feu, qu'ilreçut enfin cette réponse encourageante « Res-tez quelques jours au quartier-général,, et vousnous verrez.forcer les Gaves. ))

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CHAPITREui. 107

La commença en conséquence, a dater du

 j~ février, une suite de'savantes manœuvres

par lesquelles le duc de Wellington poursui-vant

pasà

pasla division de l'armée française qui

était sur la rive gauche de FAdour, la repoussasuccessivement au-delà des Gaves de Mauléonet d'Oléron. Sur la droite de ce dernier Gave,les Français prirent une forte position en facede la ville d'Orthez, où, ayant été joint parClausel avec un renfort considérable, Soult ré-

solut dedisputer

le terrain. Le duc de Wel-

lington commença son attaque par la droite de

l'ennemi, prenant d'assaut le village qui com-

mandait la position. La résistance désespéréeque fit l'ennemi sur ce point, occasionna un de

cesmouvemens critiques qui ont lieu lorsqu'au

plus fort d'une bataille-un général est obligé.de

changer tous ses .plans préalables, et dans unmoment de doute, de confusion et d'inquié-tude, de substituer de,nouvelles combinaisonsa celles qu'il avait inéditées dans le sang-froidde la veille. Une attaque sur la gauche, parune chame de hauteurs qui s'étendaient le longde l'aile gauche de Soult, remplaça celle a la-

quelle Wellington avait d'abord cru qu'il devraitla victoire.

En~meme temps l'arrivée de la division du

général Hill, qui avait passé a gué la rivière,,

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VIE DE NAPOLÉON BUOJSAPARTE.io8

ou le Gave au-dessus d'Orthez, 'et qui mena-

çait le flanc et les derrières de l'ennemi, ren-dit complète la défaite des Français. Pendant

quelque temps, le maréchal Soult. profita del'activité de ses troupes pour conserver dumoins l'apparence d'une retraite régulièreen taisant des haltes, et en prenant de nou-velles positions; mais ennn, forcé d'une lignea l'autre par les manœuvres des Anglaiséprouvant dé nouvelles pertes à chaque halte,

et menacé par l'approche rapide de la divi-sion du général Hill, sa retraite devint une

déroute, dans laquelle l'armée française souf-frit une grande perte. Des bataillons entiers deconscrits se dispersèrent entièrement, et plu-sieurs laissèrent leurs mousquets en faisceaux

réguliers, comme pour indiquer leur résolu-

tion bien déterminée de ne plus porter lesarmes.

Une autre action qui eut lieu près d'Aires,sous le général Hill, et le passage de l'Adour,sous Bayonne, par l'honorable sir John Hope,manœuvre qu'on pourrait comparer a une

grande bataille rangée, donnèrent une nouvelle

influence aux armes britanniques. Bayonne futinvesti; la route de Bordeaux fut ouverte etSoult, a qui il restait à peine l'apparence d'une

m'mée, se retira ver.s Tarbes, pour effectuer

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CHAI'ITRE HT. lOQ

une jonction avec les corps français qui pou-vaient revenir d'Espagne.

La bataille d'Orthcz et les manoeuvres bril-

lantes et savantes dont elle futprécédée

et sui-

vie, servirent à établir la supériorité des forces

britanniques dans.certains points sur lesquels on

les avait jusque-la regardées comme inférieures.

Depuis les victoires que nos armées'avaient

remportées en Espagne,il n'était plus rare d'en-

tendre les officiers français convenir que, dans

la chaleur du combat, le soldat anglais, grâcesà sa force physique et a l'énergie de son carac-

tère, avait peut-être quelque degré de supério-rité sur leurs concitoyens plus impétueux,mais moins persévérans. Mais ils mettaient gé-néralement une réserve à cet effort de franchise,en réclamant pour les Français une habileté

supérieure à concevoir et plus de promptitudeà exécuter cesjnouvemcns préalables dont dé-

pend ordinairement le destin des batailles, la

victoire de Salamanque, quoique rempotéecontre un général distingué comme tacticien,et due à une savante'combinaison de manœu-

vres, n'avait pas encore pu déraciner l'opinion

généralement adoptée parmi les Français. Ce-pendant, depuis le commencement de la cam-

pagne sur l'Adour, l'armée française, quoiquesous les ordres du célèbre Soult, « le vieux

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110 VIE DE NAPOLÉON. BUONAPARTE.

renard », comme rappelaient familièrement;

ses soldats, fut en toute occasion, arrêtée,

tournée, devancée, harcelée sur ses flancs

repoussée de position en position, dans un paysqui en offre un si grand nombre de fortessans trouver la possibilité de nuire à ses vain-

queurs par une résistance prolongée. Soult fut

défait a plusieurs reprises, non par la supé-riorité du nombre, mais par une combinaison

de mouvemens si hardiment conçus et si ad-

mirablement exécutés, que, pendant toutecette campagne, ils assurèrent au soldat anglaisla palme de la science, comme celle de la va-

leur persévérante et de la force physique.Ces victoires, 'en ajoutant' de nouveaux lau-

riers à tous ceux du général anglais, eurent

l'effet'le plus décisif  sur les suites de cette

guerre, comme sur l'esprit public dans le midide la France.

Les habitans de Bordeaux se trouvant ainsi

libres de suivre leur inclination, et encouragés

par l'approche d'un détachement de quinzemille Anglais sous le maréchal Beresfbrd, sorti-

rent en foule de la ville pour recevoir le duc

d'Angoulêm.e. On calcule que leur nombre s'é-levait au moins à dix mille âmes. Le maire,le comte Lynch, dans une. courte harangue,dit au général anglais que s'il s'avançait comme

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CHAPITRE III. ni 1

vainqueur, il n'avait pas besoin de son inter-

vention pour obtenir les clefs de Bordeaux;mais que, s'il arrivait comme allié du souve-

rain légitimede la

France.,il était

prêta les

lui présenter ayec toutes les marques d'amour,d'honneur et de respect. Le maréchal Beres-

ford réitéra ses promesses de protection et ex-

prima sa confiance en la loyauté de la ville de

Bordeaux. Le maire poussa alors le cri si long-

temps oublié de /~M~/e ~o~/ et ce cri fut ré-

pété mille fois par les milliers d'hommes quil'entouraient. Le comte Lynch, arrachant de

son chapeau la cocarde tricolore, y substitua

la cocarde blanche des Bourbons. Cet exemplefut.univérsellement imité, et à un signal con-'

venu, on vit l'ancienne bannière du royalisme

déployée sur le haut des tours et des clochers

au milieu des acclamations générales.L'enthousiasme avec lequel les emblèmes de

la royauté furent arbores, et les cris dc7~<?

le.Roi! qui, répétés de toutes parts, se mêlaient

aux bénédictions accordées aux soldats anglaiset à leurs che&,formèrent une scène que ceux

qui en furent témoins n'oublieront pàs'facile-

ment. C'était un renouvellement d'anciennesaffections qui semblaient depuis long-temps ou-

bliées, un élan général de sentimens d'autant

plus généreux et d'autant plus touchans, que

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CHAPITRE III. J,l3'

blait approcher de sa fin et des navires furent,

dit-on, envoyés dans la Gironde, pour favo-

riser la fuite des citoyens qui auraient le plusà rédouter la

vengeancede

Buonapàrte.Ceux-

là même qui désiraient le plus le succès des ar-

rnes anglaises furent tentés de regretter qu'elleseussent été victorieuses à Orthez, tant ils crai-

gnaient pour ceux qu'elle avait encouragés à se

déclarer contre le gouvernement de Napoléonavant qu'il eût perdu le pouvoir de leur nuire.

Pour savoir  jusqu'à quel pointces craintes

étaient fondées, nous jetterons un coup d'œil

rapide sur la marche de'c~tte négociation re-

marquable, dont cependant, l'histoire secrèten'est pas entièrement connue même à présent.

Les premières propositions de paix, commu-

niquées'par le baron de Saint-Aignan, avaient

été discutées à Francfort. Les conditions offer-'tes alors à 'Napoléon étaient que la France,renonçant à toutes-ses autres conquêtes, prîtpour limites le cours du Rhin et la barrière des

Alpes. Napoléon avait accepté ces conditionscomme devant être labase dutraité, mais avecune réserve qui lui fournissait un prétexte pour

le rompre a son gré, c'est-à-dire qu'on accor-derait à la France la liberté ducommerce et dela navigation, attaque indirecte contre la loi

maritime, telle que .la maintenait la Grahde-YrEDENAi*.Buorr.Tome8. 8

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f CHAPITRÉ 111. 115

avons comparé cette négociation, pourrait s'é-lever davantage~ les. circonstances pouvaientdonc exiger que la paix fût conclue par.Cau-

laincourt, sansnouvelles instructions de sa part.Les événemens de la guerre pouvaient faire

que, si on laissait échapper le jour et mêmel'heure favorable, il ne fût plus temps de trai-ter.. D'après ces motifs Caulaincourt reçutcarte blanche et des pouvoirs illimités (( pourconduire la négociation à une heureuse~Ën,

sauver la capitale, et éviter une bataille. oùétaient les' dernières espérances de la na-tion. ))

Caulaincourt arriva à Châtillon-sur-Seine,

qui avait été déclaré neutre pour la tenue desconférences. Dans. ce mémorable congrès, lé

comte Stadion représentait l'Autriche, le comte

Razumbwski, la Russie; le baron Hiunboldt,la Prusse et la Grande-Bretagne y avait trois

commissaires, lord Aberdeen, lord Cathcartet sir Charles Stewart. Les Français montrèrenttoute la courtoisie possible, et offrirent mêmeaux ministres anglais l'avantage de communi-

querdirectement

avecLondres

parCalais

politesse dont ceux-ci les remercièrent, maisdont ils ne voulurent pas profiter.

.y.Lettre du duc de Bassano au duc de Vicence. (~&)

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VIE DE NAPOJjËON BUONA.PARTE.n8

secrètes qui seront ci-après expliquées. LesAlliés se déclarèrent disposés à accepter ces

préliminaires et pendant une journée la guerre

put être regardée comme terminée.Mais, pendant -ce temps, les succès queNapoléon avait obtenus sur Blûchër à Montmi-rail et à Champ-Aubert, l'avaient placé, sui-vant lui, au-dessus de la nécessité dans la-quelle il s'était trouvé après la bataille deBrienne. Du champ de bataille de Château-

Thierry, il écrivit à Caulaincourt de prendre'`

une attitude moins humiliante parmi les mem-bres du congrès, et après la défaite du princede Wurtemberg au pont de Montereau, et laretraite de Troyes, il parut avoir. résolu de'e

rompre la négociation.Lorsque Schwartzenberg demanda, comme

nous l'avons vu, ce que signifiait le mouve-ment offensif de Napoléon, malgré ce qui avaitété convenu au congrès de Chàtillon, il réponsdit par une lettre à l'empereur d'Autrichedans laquelle il rejetait lesconditions auxquel-les Caulaincourt avait consenti, et il s'exprima,à leur égard, en des termes qui auraient excité

l'indignation générale à Paris, s'ils y avaient étéconnus: «Ce serait, dit-il, réaliser le rêve de

Burke, qui voulait faire disparaître la France dela carte de l'Europe ce serait mettre l'Ahgle-

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CHAHTREIH. lig

terre en possession d'Anvers et des Pays-Bas',et je n'y consentirai jamais. »

Dans le même esprit, et à la même époque,.

Napoléonécrivait de;

Nangisà Caulaincourt

que « lorsqu'il lui avait donné carte blanchec'était pour sauver Paris, et maintenant Paris

était sauvé; c'était pour éviter le risque d'une

bataille, et ce risque avait été couru et la ba-

taille gagnée. » En conséquence il révoquait les

pouvoirs extraordinaires dont son ambassadeur

avait été investi.Nous ne nous arrêterons pas à examiner la

question diplomatique de savoir si, dansle fait,Caulaincourt n'avait pas agi le 9 février en

vertu de ces pouvoirs, qui ne furent révoqués

que le 17, c'est-à-dire huit jours après et si >'

par'conséquent, Napoléon n'était pas obligé,

par l'acte de son ministre, de manière à nepou-voir se rétracter. Nous trouvons assez de mo-

tifs de surprise dans la résolution inconsidérée

que prit Napoléon de continuer la guerre,

quand, dans le fait, elle était déjà terminée à

des conditions que tous ses conseillers, à l'ex-

ception d'un seul, étaient d'avis d'accepter.

L'obligation qu'il avait contractée envers laC'étaituneallusionau mariagequ'onsupposaitalors

sur le tapis entre la princesseCharlottedeGalleset le

prince<r0range.

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120 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

République française de maintenir J'intégritéde son. territoire, ne pouvait guère arrêter un

homme qui avait renversé cette République,

et,dans tous les

cas,un

tel engagementne peutempêcher un- souverain d'agir, dans une. né-

cessité extrême, comme le salut de-ses Etats

l'exige. On pouvait encore moins dire que de

telles conditions déshonorassent la France ou~a

fissent disparaître de la carte de l'Europe, à

moins que son honneur et son existence., qui

datait de douze siècles, ne dépendissent d'uneacquisition qu'elle avait faite depuis vingt ans.

Mais la vérité était que Buonaparte attachait

toujours une idée de déshoîmeur à rendre ce

qu'il croyait avoir une chance de pouvoir gar-der. Il fallait lui arracher chaque cession;, il ne

renonçait volontairement à rien, et il en était

de lui comme d'un enfant et de ses jouets l'ob- jet dont on voulait le priver devenait sur-le-,

champ celui qui avait le plus de prix à ses

yeux. Il est vrai qu'Anvers pouvait à bon droit

être regardé par Napoléon comme inestimableil avait dépensé des sommes immenses poury creuser de magnifiques bassins, et y ajou-

ter des fortifications qui rendaient cette villepresque imprenable. Il avait toujours Ridée

qu'il pouvait faire d'Anvers le principal dépôtd'une marine considérable. Cette vision d'une

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CHAPITRE III. 13J

flotte le poursuivit dans File d'Elbe et jusqu'àSainte-Hélène, il répétait souvent qu'il aurait

pu.sauver sa couronne si, à Châtillon, il avait

voulucéder Anvers;,et

l'idéeque

son refus était

fondé sur des principes patriotiques était celle

qui était le'plus profondément enracinée dans

son esprit. Cependant Anvers tirait son plus

grand prix de l'événement d'une autre guerrecontre la Grande-Bretagne, et ainsi Buonaparte

s'y.préparait déjà tandis que la question était

.de savoir comment se termineraientles hosti-

lités actuelles; et bien certainement l'utilité

d'une marine qui n'existait pas, ne, pouvaitêtre mise dans la balance avec le salut d'une

nation placée dans le, plus grand péril par la

guerre. qui avait alors lieu au centre même de

son empire Ces réflexions se. présentaient à

son esprit sous un jour tout diSÔrent de celuide la calme raison « Si je dois recevoir les étri-

viéres, disait-il, que ce rie soit du moins que

par force. ))Enfin le' succès momentané qu'il avait ob-

tenu sur le champ de bataille, en le considérant

sous son vrai point de vue, était tel que bien

loin de pouvoir encourager l'Empereur à con-tinuer la'guerre, 'il aurait pu au contraire lui

~iy&zle Journaldu comte~e ~C<M<~ tomevu.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.132

fournir une occasion précieuse de faire la paixavant qu'il eût la pointe de l'épée sûr la gorge.Les conditions qu'il aurait acceptées en ce mo-

ment d'avantage passager, auraient paru l'ê-tre de bonne grâce, au lieu de lui être posi-tivement arrachées par la nécessité. On peutajouter que les Alliés, étourdis par leurs pertes,lui auraient probablement fait des conditions

plus favorables; et certainement, se rappelantses talens militaires; ils auraient exécuté celles

dont ils seraient convenus. Ainsi donc les re-'vers qu'éprouvèrent en février les armes des

monarques coalisés, ressemblaient au nuageque Byron, dans un de ses poèmes, décritcomme passant sur la lune, pour accordera un renégat endurci un dernier terme de

repentir Mais le cœur de Napoléon, comme

There Ma Ag~tcloudbytheMoo/ 'T ispassing, <<[M7~M'M/00/:

If 6~-this time its vapoury sailH<Mceased her vapoury orb <oveil

7% heart is not within thee changed,Then God and man are both avenged.

StEGE 0F CORINTH.

Regarde ce léger nuage qui approche de la lune; ilpasse et il aura bientôt passé; si lorsque sa vapeur aura

cessé de voiler son orbe obscurci, ton cœur n'est pas

changé dans ton sein, alors Dieu et l'hoiiiine seront vengés.Le ~K~e de Corinthe. (A~.)

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CHAPITRE m. 123

celai d'Alp, était trop;Ëer pour profiter de l'ih-stant de délai qui lui était ainsi laissé.

La vérité paraît.être que Buonaparte n'eut

 jamais le dessein sérieux de faire la paix à Chà-tillon et tandis que son négociateur, Caulain-court, était autorise a proposer aux Alliés deleur céder les places fortes des frontières, il re-

çut du duc de Bassano les instructions secrètesci-après <x L'Empereurdésire que vous évitiezde 'vous expliquer clairement relativement a

tout ce qui peut avoir rapport Mareddition destbrteresses d'Anvers de Mayence et d'Alexan-drie, si vous étiez obligé de consentir à cettecession, Sa Majesté ayant dessein, quand mêmeelle aurait; ratmé le traité de se laisser guider parla situation militaire desaËaires; attendez doncle dernier moment. La mauvaise foi des Alliés.

a l'égard des capitulations de Dresde, de Dant-,zick et de Gorcum, nous autorise n tâcher dene pas être leur dupe. Remettez donc ces ques-

'tions à un arrangement militaire, comme celaa eu lieu à Presbourg, à Vienne et a Tilsit. SaMajesté désire que~vous ne perdiez pas de vuela disposition dans

laquelleelle se trouvera de

i'ï<?~Mre/K~e CM~oMC~/s & jFVYMc<?,siles événemens militaires, sur lesquels elle estencore disposée a compter, lui permettent des'en dispenser, ~Ma:/z~ /M<~<?e~e o~m~ ~!g7!g

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VIE DE C~ÀPÙIjËON BUONAPARTE.is6

pour te conjurer dëfixer son ultimatum d'après)es conditions convenues comme devant être labase des, conférences, et l'informer que, sans

cela, l'empereur François mettrait de côté toutesles considérations de famille qui l'avaient em-

pêché jusqu'alors de partager les dispositionsdes autres puissances alliées en faveur de.la dy-nastie des Bourbons. On ajoute que Bupna-pàrte fut d'abord réduit au silence et commeétourdi par cette déclaration, mais que, reve~-

nant à lui aussitôt, il la traita de vaine menacefaite pour l'intimider, et répondit qu'il serait

plutôt de l'Intérêt de l'Autriche de se joindre àlui pour lui procurer la paix aux conditions qu'ilproposait, puisque sans cela il pourrait encoreêtre obligé de passer le Rhin. Le prince autri-chien se retira sans rien répliquer, et l'on sup-pose qu'à compter de ce moment, Françoisabandonna son gendre aux conséquences de sonobstination imprudente, sans faire de nouveauxefforts en sa faveur.

Cependant Caulaincourt jouait le rôle d'unministre habile et d'un négociateur actif. Il pro-

longeala

négociationaussi

long-temps qu'ille

put, et pendant ce temps, i! employa tous les

argumens possibles pour engager son maître à

accepter les conditions des Alliés. Il fut pour-tant enfin forcé de présenter~un contre-projet,

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128 VIE DENArOJUÈONBUO,NAPARTE.

le grand-duc dé Berg, et pour Eugène, en com-

pensation de ses-droits prétendus~sur le'grand-duché de Francfort. Comme s'il eût voulumon-

trer querie~ de

ce qu'ilavait

jamais fait, quoi-qu'il l'eût détruit lui-même, ne pouvait alors

être considéré comme nul, sans exiger une com-

pensation aux dépens du reste -de l'Europe,Buonaparte réclamait une indemnité pour sonfrère Joseph, non pas, à la vérité, pour la cou-ronne d'Espagne, mais pour le trône de Naples,

qu'il lui avait retiré lui-même pour le donnerà Murat. Les plénipotentiaires assemblés re-

çurent ces propositions impérieuses avec autantde surprise que de mécontentement. Ils décla-rèrent sur-le-champ le congrès dissous; et ainsise terminèrent les'craintes de bien des gens quienvisageaient plus de danger pour l'Europe dans

un traité quelconque fait avec Buonaparte, quedans la continuation de la guerre qu'il soutenaitcontre les Alliés.

L'opinion de ces hommes, et le nombre enétait très considérable, était qu'aucune paixconclue avec Napoléon ne pouvait être perma-

nente, et que toutes" les conditions d'arrange-

ment adoptées en cemoment, ne pouvaient êtreequ'une trêve armée, qui durerait jusqu'à ce quel'empereur des Français se trouvât en état de

"passerle reste de sa vie à regagner les conquêtes

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.i3o

servir a étancher cette soif. Quoi qu'il en soit,ces réflexions sont étrangères au'sujet qui nous

occupe.

Au milieu de ces événemens importans, unhasard, qui n'était pas le moins remarquable,voulut que Caulaincourt, en quittànt Châtillon,`rencontrât le secrétaire deBuonaparte qui arri-vait en poste, pour lui apporter les pleins pou-voirs explicites qu'il avait inutilement sollicitéssi long-temps. Si Napoléon eutpris cette déter-

mination définitive de se soumettre aux cir-constances, un jour plus tôt seulement, les né-

gociations de Châtillon auraient continué, et ilserait resté en possession du trône de France.Mais il était trop tard.

r

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l3~ VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.-

commandées par Marmoht et JMortier qu'ilavait réunies aux siennes, et les chargea de sui-vre et de harceler dans sa retraite le feld-maré-

chàl prussien. Lui-même, prenant une ligne pluscourte occupa la ville de Fismes, a peu prèsà mi-chemin de Reims à Soissons. La pos-session de cette dernière place devint alors de

la plus grande importance. Si Biticher trou-

vait Soissons ouvert à ses troupes, il pouvait,en traversant la Marne, se débarrasser sans d'if-

ficulté de ceux qui le poursuivaient, et effec-tuer sa jonction avec l'armée du Nord. Si au

contraire il ne pouvait ni entrer dans cette

ville, ni profiter du pont, il fallait que Bliicher

risquât une bataille dans une position très dés-

avantageuse,. ayant en face Mortier et Mar-

mont, Napoléon sur son flanc gauche, et en

arrière une. ville avec une garnison ennemie etune rivière profonde.

C'était presque une chance égale a celled'un jeu de hasard, que de savoir quel parti

occuperait cette place. Les Russes'l'avaient

prise -le i5 février; mais comme ils l'évacuè-

rent sur-le-champ~ Mortier l'occupa le 10, et y

mit une garnison de.cinq cents Polonais, qu'on

 jugeait capables de la défense la plus détermi-née. Cependant le ;s mars le commandant,intimidé par la marche de Bulow,,a la tête de

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CHAPITRE IV. i35

trente mille hommes, et'par la menace que fit

ce général de livrer l'assaut sur-le-champ et de

n'accorder aucun quartier, lui rendit cette ville.-

Les drapeaux russes flottèrent alorssur les

remparts de Soissons, et Blûchér, en arrivantsous~lesmurailles de cette place, fut en pleineliberté de faire' sa. jonction avec son arriére-

garde, et de livrer ou de refuser une bataille,comme il le. jugeraita propos, à l'instant même

OuBuonaparte ayant tourné son flanc, s'at-

tendait à le forcer à unè action très désavanta-geuse. r

'L'Empereur exhala dans un bulletin son

courroux contre la lâcheté inconcevable du

commandant de Soissons, qui, disait-il, avait

livré un poste si important, quand il pouvaitentendre .a canonnade du a et du 3, et que,

par conséquent, il devait savoir que l'Empe-reur s'approchait. Dans la chaleur de sa colère,il donna ordre qu'on livrât l'assaut-a Soissons,et qu'on l'emportât coûte qui coûte mais Sois-sons était défendu, par le général Langëron etdix mille Russes; Un combat désespéré eut

lieu, mars Langëron resta en possession de

la ville.Abandonnant ce projet, Napoléon passa

l'Aisne à Béry-au-Bac dans le dessein d'atta-

quer l'aile gauche de l'armée deBlucher, qui,>

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l38 VIE DE, NAPOLEON BUONATARTE.~

nitives; et ce fut là qu'il ne put tirer de lui queta réponse ambiguë, que, s'il fallait qu'il reçûtles étriviéres, c'était bien le moins qu'on lui fit

violence.. Ce fut aussi dans cette auberge qu'ilforma son plan pour attaquer la position deBlucher le lendemain matin, et se débarrasserainsi, définitivementde cette armée de Silésie,qui, pendant quarante-deux jours, avait été

l'objet de ses inquiétudes, espace de temps pen-dantlequel à peine deux fois vingt-quatre heu-

res s'étaient passées sans quelque combat sé-rieux, soit en front soit à l'arriére-garde. Na-poléon peçut d'excellens rensëignemenspour leplan d'attaque qu'il projetait d'un offcier retiré,M. Bussy ;de Bellay, qui avait été son cama-rade à l'école dé'Brienne;.cet officier demeu-rait dans les

environs,-et connaissait

parfaite-ment le terrain. Il l'en récompensa sur-le-champenle nommant son aide-de-camp ..et en lui ac-cordant des appointemens considérables. Quandson plan d'attaque fut terminé, on dit qu'il s'é-cria « Je vois que cette guerre est un abîmesans fond; mais  je suis déterminé a être leedernier

qu'elle engloutira. ))La ville de Laon est située sur un plateau ousur une éminence aplatie par le haut, quis'élève ~au milieu d'une, plaine d'une lieue de

longueur environ. En avant, la colline est es-

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..CHAPITRE IV. ~.l3g

carpée e't presque perpendiculaire et. elle

forme des terrasses qui sont plantées-en .vignes.Bulow défendait la ville et la hauteur. Le reste

de l'armée de'Silésie occupait la plaine en des-sous. L'aile gauche, composée de Prussiens.,s'étendait jusqu'au village d'Athies la droite.où se trouvaient les'Russes, était'appuyée sur,

les .montagnesentre Thiers et Semonville.Un seul jour s'écoula entre la sanglante ba-

taille de Craonne et celle de Laon. Le g, Napo-

léon, profitant d'un épais brouillard, poussases colonnes d'attaque jusqu'au pied même dela hauteur sur laquelle Laonest situé, ,se ren-

dit maître de deux villages nommés, Semilly et

Ardon, et se. disposa, à se &ayer un cheminvers la ville en gravissant la'montagne. Le temps

s'éclairçit, et l'attaque des Français fut repous-7

sée'par un feu terrible partant des terrasses,des vignobles, des moulins à vent, et de tous

les points, qui donnaient sur eux quelque avari-

tage..Deux bataillons d'Jaegers', dont l'attaque

impétueuse le devint encore davantage par la

rapidité de là descente, reprirent les deux vil-

lages, et de cë~côté l'attaque de Laon parutêtre abandonnée..Cependant les Français conti-nuerënt a. conserver la possession d'une partie-

Chasseursprussiens.(~<<.)

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.1~0

duvillage de Clacy. Telle était là situation desaffaires sur l'aile droite et-au centre les Fran-çais avaient été repoussés sur toute la ligne.

Sur la gauche, le maréchal Marmont s'étaitavancé sur le village d'Athies, qui, sur ce point,était la clef de la position de Blücher. Athiesfut vaillamment défendu par York et KIèist,soutenus par Sacken et Langeron. Marmont fitquelques progrès, malgré cette résistance, et lanuit le trouva bivouaquant en face de l'ennemi,

et en possession de partie du village disputé.Maisil n'était pas destiné à y rester jusqu'aulever du soleil.

.Le 10, à quatre heures du matin, à l'instantoù Buonaparte, se levant avant le jour, de-'mandait son cheval, on lui amena deux dragonsdémontés, apportant la nouvelle fâcheuse quel'ennemi avait fait un hourra sur Marmont,l'avait surpris dans son bivouac, et avait tailléen pièces, pris ou dispersé toute sa divisioneux seuls avaient échappé à ce désastre pourvenir annoncer cet événement. Toute l'artilleriedu maréchal était perdue., et ils le croyaientlui-même ou tué ou prisonnier. Des officiers

furent envoyés en reconnaissance, et leur rap--port' conËrma la vérité de tous ces détails, à

t?l'exception de ce qui concernait la situationpersonnelle du maréchal. Il était sur la routede

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VIE DE NAPOLEON .BUONAPAR~E.1~3

possession, de Reims rétablirait ta communi-cation entre Schwartzenberg 'et Blucher, etneutraliserait en outre les avantages qu'il avait

voulu s'assurer en se rendant maître de Sois-.sons. Il partit donc- de Soissons pour Reims,et après une attaque qui dura jusqu'à une heureavancée de la nuit, le général russe ayant été

blessé, le découragement se mit parmi ses.

troupes, et elles évacuèrent la place. On pou-vait s'attendre aux plus grandes horréurs pen-

dant une attaque nocturne, et tandis qu'unearmée en forçait une autre à abandonner uneville considérable. Mais, en cette occasion, nous

avons la satisfaction de pouvoir- dire que les

troupes des deux 'partis se conduisirent avecle plus grand ordre. Dans le compte qu'il renditde l'aBaire qui précédacette évacuation, Na-r

poléon introduisit un de ces traits de fatalitéqu'il avait toujours aimé il chercha à per-suader au public ou peut-être le cr.ùt-il lui-

même, que Saint-Priest avait été frappé parun boulet parti du même canon qui avait tué

Moreau, rPendant l'attaque de Reims,. Marmont ar-

riva avec les forces qu'il lui avait été possiblede rallier après'sa défaite àAthies, et il contribuaà en assurer le succès. Il n'en reçut pas moins:de Napoléon des reproches amers, qui durent

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1~4 VIE HE NAPOLÉON BUONAPARTE.

précise qui aurait été nécessaire pour une con-cession si importante, qu'on doit douter queCaulaincourt se fut cru autorisé à agir en con-

séquence,et

que,s'il l'avait

fait, Napoléonl'eut avoué, si les circonstances l'avaient portéa vouloir rompre le traité.~

Pendant que Napoléon poursuivait Blucher,

lui livrait bataille, et déËnitivement essuyait

une défaite, ses lieutenàns-généraux n'étaient

pas plus heureux en face de la grande armée des

Alliés. On se souviendra que le maréchal Oudi-not et le général Gérard avaient été laissés a~Ia

tête de vingt-cinq mille hommes, non compris

un autre corps d'armée sous Macdonald, avec

ordre de s'emparer des hauteurs de Bar-sur-

Aube, et d'empêcher Schwartzenberg de pas-

Les expressions alléguées comme contenant des pou-voirs assez étendus pour changer et révoquer toutes les

restrictions antérieurement apportées à l'opinion per-sonnelle de Cdulaincourtj se trouvent, comme il est dit

ci-dessus, dans une lettre datée de Reims, du 17 mars

i8t~. « J'ai chargé le duc de Bassano de répondre avec

détail à vos lettres. Je vous donne directement l'autori-

sation de faire tes concessions qui seraient indispensables

pourmaintenir l'activité des

négociationset arriver enfin

à connaître l'ultimatum des Alliés bien entendu que le

traité aurait pour résultat immédiat l'évacuation de notre

territoire, et le renvoi de part et d'autre de tous les pri-sonniers. »

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CHAPITRE IV. i45

ser cette rivière. Ils firent en conséquence'unmouvement en avant, et, après une anàire

assez vive, qui laissa la ville en leur possession,ils se trouvèrent si

prèsdes

troupes alliéesqui

occupaient-encore les faubourgs,qu'une bataille

devint inévitable, et que les généraux françaisn'eurent d'autre alternative que de l.'of&ir.ou

de-1'accepter. Ils prirent le premier parti, et ils

remportèrent d'abord-quelques avantages qu'ilsdurent a l'audace même de leur entreprise.

Mais les Alliés s'étaient habitués, depuis long-temps à maintenir leur terrain malgré de plus

grands revers. Ils firent avancer'leurs nom-

breuses"réserves et leur train immense d'ar-

tillerie se mit en ligne. Les Français, aprèsavoir pris position sur les hauteursde.Vernon-

fait.) furent chargés et repousses en 'désordre~

Quelques beaux corps decavalerie, qui avaientété amenés des armées d'Espagne, furent dé-truits par une canonnade,, foudroyante. Les

Français furent repoussés au-delà de l'Aube,1la.ville de Bàr-sur-Aube fut prise, et .les gé-néraux'vaincus ne purent rallier; leurs forces

qu'à Vandoëuvrc, village environ à mi-chemin

entre Bar et Troyes..La défaite d'Qudinot et de Gérard obligea le

maréchal Macdonald, qui défendait là ligne de

la rivière au-dessus de Bar, à quittera 'forteVtEMNAp.BuoN.Tome.8.. '°

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VIE DE NAPOLÉON DUONAFARTJE.i46.position qu'il occupait a la Ferté-sur-Aube,pour se mettre en retraite sur Troyes. Il se re-tira donc vers Vandœuvre. Mais, quoique cestrois illustres

généraux, Macdonald,Oudinot

et Gérard eussent associé leurs talens et réunileurs forces, 'il leurfut impossible de défendre

Troyes et ils furent, obligés de battre en re-

traite sur là grande route de Paris. Ainsi' le

quartier-général des monarquesalliés fut éta-

bli, pour la seconde fois, pendant cette guerre

pleine d'événemens si variés, dans l'anciennecapitale de la Champagne, et la grande arméedes Alliés recouvra, par la victoire de Bar-sur-

Aube,tout le territoire qu'elle avait cédé'parsuite dusuccès obtenu par Buonapartc a Mon-tereàu; Elle menaça une seconde fois d'avan-cer sur Paris, en suivant le cours de la Seine;

au mépris des obstacles que pourrait lui'oppo-ser une faible ligne que Macdonald, Oudinotet Gérard s'eSbrçaient de défendre sur la rive

gauche..Mais la confiance de Schwartzenberg en sa

position né,fut plus si complète, quand il ap-

prit que Napoléon avait pris Reims, et que,

dans la soirée/du 17, Ney, à la tête d'une fortedivision, avait occupé Châlons-sur-Marne.Cette nouvelle fit une forte impression sur le

conseil de guerre de l'Autriche., La tactique de

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.ï5o

conçut de vives alarmes en apprènant la pertede la bataille de Bar, la retraite des maréchauxau-delà de la Sèine et les démonstrations

dela

Grande-Armée pour passer cefleuve en-

core une fois. Il partit de Reims le 17, comme

nous l'avons vu; et envoyant Neyprendre pos-sessiondeChâlons, il marchalui-même sur Eper-nay dans le dessein de se placer sur le flanc droit

et sur l'arrière-garde de Schwartzenberg.'danslé cas où il s'avancerait sur la route deParis.

A Epernay, il apprit que les Alliés, alarmés parses mouvemens,, s'étaient retirés surTroyes,et qu'ils étaient sur le point de se mettre en re-traite au-delà de l'Aube,' et probablement jus-qu'à Langres. Il' sut 'aussi que les maréchauxMacdonald et Oudinot avaient repris leur mar-che en avant dès que les ennemis avaient com-

mencé a se' retirer. Il doubla de célérité poureffectuer sa jonction* avec ces généraux douésd'une si noblepersévérance, et remonta l'Aube

 jusqu'à Ba]~ oùil comptait tomber, sur Schwart-

zenberg, ne doutant pas que son armée ne s'é-

loignât des rives de l'Aube..

Buonapartese trompa grandement dans.ses

calculs, quelque justes qu'ils dussent, d'aprèsles informations qu'il, avait reçues. Il croyaitdiriger ses opérations sut' la retraite des Alliésil s'attendait a ne trouver qu'une arrière- garde

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CHAMTRE1V. 151

à Arcis; il parlait même, en plaisantant, de

taire prisonnier son beau-père pendant sa re-traite. Si, contre son attente il trouvait en-

core sur l'Aube les ennemis ou une partie con-,sidérable de leurs forces, il devait supposerd'après tout ce qu'il avait entendu~dire, que sonarrivée précipiterait leur retraite vers la fron-tière. On assure aussi qu'il comptait sur'unmouvement semblable que devait faire le ma-

réchal Macdonald des rives de la Seine a celles

de l'Aube; mais ce général avait reçu cet ordretrop tard pour, pouvoir arriver le matin du )burde la bataille.

Napoléon chassa aisément devant lui les

~corps de cavalerie légère et de tirailleurs, quelès Alliésavaient laisses plutôt pour reconnaîtresa marche que pour y opposer' une résistance

sérieuse. Il traversa l'Aube a Plancey, et con-tinua sa marche sur la rive gauche de la rivièreavec le corps de Ney et toute sa cavalerie, tan-

dis que l'infanterie de sa garde s'avançait sur la

droite son armée étant ainsi suivant l'expres-sion militaire française, f<cheval.sur. l'Aube.La ville d'Arcis avait été évacuée par les Alliés

à son approche, et lés Français l'avaient occu-

pée dans la matinée du 20 mars. Cette villeformel'issue d'une espèce de déiilé ou,une suiteforilie ISSl1ed'une espèce (C défil~-oll;unc suitede ponts étroits sont établis sur une foule de

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VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTE.152

petites rivières/de ruisseaux et de fossés quialimentent FAube, sur laquelle on trouve un

pont dans la ville même.De l'autre, côté d'Ar-

cisest une plaine où l'on voyait manœuvrerquelques escadrons de cavalerie qui semblaient

occupés à faire une reconnaissance.Derrière cette cavalerie, àun endroit nommé

Clermont, le prince royal de Wurtemberg,dont le nom. a été si souvent'mentionné avec

honneur/était posté avec~sa division, tandis

que l'élite de l'armée des Alliés était rangée surune chaîne de hauteurs encore plus en arrièreà Mesnil-Ia-Comtesse; mais ces forces n'étaientpas visibles pour l'avant-garde de Napoléon.La cavalerie française reçut ordre d'attaquerles troupes légères des Alliés; mais elles furentsoutenues à l'instant même par des régimensentiers et de l'artillerie, de sorte que cette atta-que ne fut pas heureuse. Les escadrons fran-çais furent repoussés sur Arçis en un moment;et, d'après les divers obstacles qu'opposaientcette ville et les environs, l'infanterie ne puten déboucher que difficile'ment pour les soute-nir. Napoléon montra, comme il le faisait tou-

 jours dans tous les cas extrêmes, le même cou-

rage héroïque dont il avait donné des preuvesà Lodi et à Brienne, Il.tira son épée, se jeta aumilieu des rangs rompus de ses cavaliers, les

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CHAPITB]!: IV. i53

conjura dese rappeler leurs anciennesvictoires,et arrêta l'ennemi par une charge impétueusedans laquelle l'Empereur et les officiers de son

état-major combattirent corps à corps leurs ad-versaires. La'lance d'un cosaque le mit même

en danger personnel; mais ce coup dirigé contrelui fut détourné par son aide-de-campGirardin.Son mameluck Roustan combattit bravement à

son côté, et il reçut une gratification pour prixde sa bravoure. Ces eHbrts désespérés donnè-

rent à l'infanterie le temps de déboucher de làville. La garde impériale arriva; et le combat dé-

vint très chaud. Le nombre supérieur desAlliésles rendit assaillans sur tous les points. Un.<vil-

làge.fortement situé en front, et un peu sur la

gauche d'Apcis, appelé le Grand-Torcy, avait

été occupé par les Français. LesAlliés l'atta-

quèrent vigoureusement a plusieurs réprisesmais les Français y maintinrent leur position.Le feu des Alliés incendia la ville d'Arcis, et lanuit seule sépara les combattans, en détermi-nant les assaillans à renoncer à leur attaque.

Dans le cours de la nuit, Buonaparte fut

 joint par Macdonald, Oudinot et Gérard, à la

tête des forces avec lesquelles ils' avaientré-cemment conservé la défensive sur la Seine.La question importante qui restait à décider.était de savoir si, au mpyen de ce renfort, il

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VIE DE NAPOLÉON, BUONAPARTE.:<54

hasarderait une action contre laGrande-Arméc,à laquelle il était encore fort inférieur en nom-bre. Schwartzenberg, conformément à la der-

nière résolution desAllies.rangea son armée enbataille sur les hauteurs de Mesnil-la-Comtesse.Considérant la force supérieure de l'ennemi etl'absence de quelques corps qui n'étaient pas en-core arrivés, Napoléon se décida enfin a ne pasaccepter une bataille dans des circonstances si

désavantageuses. Il commença donc une re-

traite qui devait être, par,sa direction, la crisede sa destinée. Il se retira, comme il s'était

avancé, le long des deux rives de l'Aube; et,quoique poursuivi et harcelé dans ce mouve-ment qu'il ne put effectuer qu'en traversantArcis et tous ses déËlés, son arrière-garde futsi bien conduite qu'il ne fit presque aucune

perte. Un auteur qui a écrit sur cette campagneun ouvrage excellent et plein de science, pu-blié il y a peu d'années', a remarqué «Enterminant le récit des événemens de deux joursque les armées ennemies passèrent en présence~'une de l'autre, il est également remarquableque Buonaparte, avec une force qui n'excé-

dait pas vingt-cinq a trente mille hommes, se

Mémoiré sur les opérations des armées alliées en

'.8i3 et t8i/i. Zo/!f/M~ ~M/a~j 1822.

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156 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

CHAPITRE V.

Plans de Buonaparte dans sa position dIBicile. Questionsmilitaires et politiques relativement à Paris; Napoléonse décide à passer derrière. la frontière orientale, et tra-

verse la Marne le 22 mars. Coup d'œil sur lés événe-

mens qui avaient eu lieu dans les environs de Lyon, etc.

–Marche des Allies sur Paris. Défaites des Français de

différens cotes.Marmont et Mortier avec leurs troupes

découragées et

désorganisées,

font leur retraite sous les

murs de Paris. Jusqu'à quel point Paris est susceptibled'être défendu. -Efforts de Joseph Buonaparte. L'Im-

pératrice Marie-Louise et les autorités civiles du gouvernement quittent la Capitale. Attaque de Paris le 5o, et dé

faite complète .des Français. Demande d'une trêve; elle

est accordée. Joseph Buonaparte fuit avec toute sa

suite.

LA fortune s'étant montrée contraire à Napo-léon au point de le forcer à refuser une bataille

qui lui était oSerte, et à se placer entre deuxarmées dont chacune était plus nombreuse que

la sienne il fallait qu'il prit une résolution

prompte et décisive.Les manœuvres de Schwartzenberg et de

Blücher tendaient évidemment à eSectuer une jonction entre eux, et quand on renécbit queBuonaparte avait  jugé nécessaire de se retirerdevant l'armée de Silésie à Laon et devant la

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CHAPITREV. i57

Grande-Armée a Arcis; on voit que c'eût étélé comble de la folie d'attendre quetoutes deuxvinssent l'attaquer en même temps il ne lui

restait donc que deux alternatives l'une de se.retirer dans l'intérieur même da cercle que sesennemis étaient sur le point de former autour

de lui,' de continuer~saretraite j usqu'a ce qu'ileût réuni: toutes ses forces, et de disputer leterrain sous les murs de Paris, aidé de toutesles forces que pouvait posséder cette capitale,

et de toutes les ressources que son énergie au-rait pu créer l'autre de marcher vers l'orientde s'ouvrir un passage hors de ce même cercle,et de diriger ses opérations surles derrières desAlliés, et sur leurs lignes de communication.Ce dernier parti avait causé aux Autrichiensde si vives alarmes, qu'il semblait probable

que, s'il était'adopté, ils renonceraient à avan-cer davantage et retourneraient vers la fron-tière. On-devait d'autant plus espérer un tel

résultat, que le séjour prolongé des Alliés, etles allées et venues des troupes à travers un

pays épuisé, avaient poussé à bout la patiencedes belliqueux paysans de l'Alsace et de la-

Franche-Comté que les exactions et les ra-pines qui accompagnent toujours les mouve-mens d'une soldatesque ennemie, avaient enfintirés de l'apathie avec laquelle ils avaient d'a-

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l58 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

bord vu l'invasion de leur territoire. Devant

Lyon Napoléon pouvait compter sur une

 jonction avec Farinée de vétérans de Suchet,

qui était arrivé de Catalogue, et il eût été à por-tée de cette/chaîne de forteresses, dont les gar-nisons étaient assez nombreuses pour formerune armée, si on les réunissait.

Les préparatifs pour organiser une telle

force et pour mettre les paysans sous les

armes avaient été .commencés depuis quelque

temps. Des agens fidèles portant des ordres ca-chés dans là game de leurs couteaux, dans le

collier de leurs chiens, ou sur leur personne,avaient été dépéchés pour instruire les commandans'du bon plaisir de l'Empereur. Plusieurs

furentpris parles troupes alliées qui bloquaientles places fortes, et' pendus comme espions

mais d'autres arrivèrent a leur destination~Tandis que Buonàparte était à Reims, il avaitdonné des ordres pour soulever les paysans;non seulement il y déclarait que c'était poureux un acte de devoir et de patriotisme, de

prendre les armes, mais il dénonçait comme

coupables de trahison les maires des cantons

qui mettraient quelque obstacle à une levée enmasse. Les Alliés au contraire menaçaient d'exé-cution militaire tout paysan qui obéirait à cet

appel aux armes de Napoléon. C'était, comme

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CHAPITRE V. l5c)

nous l'avons déjà fait observer prouver com-bien les opinions politiques dépendent des cir-

constances car, après la seconde prise de

Vienne les Autrichiens, excitaient à une le-vée en masse, et. Napoléon, àson tour, mena-

çait de brûler les villages et de faire pendre leapaysans qui oseraient obéir.

Pendant qu'il était à Reims, l'aspect des af-faires sur.la frontière orientale semblait, sifavo-

rable, que Ney, oSrit de prendre le comman-

dement de l'armée d'insurrection, et comme ilpassait pour le meilleur ofRcier de troupes lé-

gères qui fut en Europe, il n'est pas invraisem-blable qu'il eût pu déterminer les levées enmasse de cette frontière belliqueuse, à com-battre comme le firent les gardes nationales de,la France au commencement de la révolution.

Buonaparte n'accepta pas cette proposition.Peut-être pénsa-t-il.qu'un mouvement si hardine pouvait réussir que sous ses propres yeux.

Mais il y avait deux considérations spécialesqui auraient dû faire hésiter Napoléon à adop-ter cette espèce de jeu de retour, destiné à re-

gagner la partie qu'il était impossible de sauver

par les règles ordinaires du jeu sanglant de laguerre. L'une était; la question militaire de

savoir si Paris pouvait être défendu, tandis queNapoléon se porterait sur les derrières de l'ar-

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l66 ~-VIE DE NAFOLËON BÙONAPARTE.

mée des Alliés, au lieu de retourner vers la ca-

pitale avec Parmee qu'il 'commandait. L'autreétait encore d'une plus grande importance et

d'une nature'politique. En supposant que lacapitale eût des moyens sunisanspour se dé-fendre, était-il probable que Paris, ville où setrouvaient sept cent mille habitans .d'opinions

diHérentes, n'ayant jamais entendu tonner de

près là voix de la guerre, et étpurdis-par la nou-veauté terrible de leur situation, ~e soumet-

trait aux sacri&ces qu'il'.taudrait fairedans tousles cas pour se défendre même avec succès? En

un mot, les sentimens d'amour et de crainte

qu'inspiraitBuonaparte aux citoyens, étaient-ils

assez puissans pourque, loin de sa présence etsans avoir sous les y eux son armée pour les

encourager et leur enimposer en même temps,

ils courussent volontairement le risque de voirleur belle capitale détruite ~Voudraient-ils s'ex-poser à toutes les horreurs du sac d'une ville

de la part des soldats de tant de- nations que'rambition dé l'Empereur avait coalisées contre

,lùi, et qui s'étaient proclamées les ennemis,non de la France, mais de'Buonaparte?

On ne pouvait répondre avec connânce à au-cune de ces deux questions. Quoique Napoléoneût organisé à Paris trente mille hommes de

garde nationale il-n'avait pas reinis des armes

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CHAPITRE V. 161

au tiers de ce nombre. Quelques auteurs en

prennent occasion de donner a entendre quece manque d'armes doit indiquer quelque tra-hison

secrète;mais cette accusation n'a

pasété prouvée. Les armes n'avaient jamais existé, jamais elles n'avaient été commandées et,quoique Napoléon ait eu près de trois moisdevant lui après son retour à Paris, cependant jamais il -ne songea à l'armement général desParisiens. Peut-être aussi doutait-il de leur

dévoûment à sa cause. Ondit qu'il ordonna deplacer deux cents pièces de canon pour défen-dre la capitale du côté du nord et de l'est; mais

 jamais cet ordre ne put être complètement exé-cuté. Enfin, le nombredes individus a qui l'on

pouvait confier des armes sans danger, était fortlimité. La question de savoir si Paris, sous un

point de vue militaire, était ou n'était pas sus-ceptible de dépense, dépendait donc, en grandepartie, de la force armée dont ondisposeraitpour protéger cette ville. Napoléon savait fortbien, qu'il ne pouvait en laisser une considéra-ble. Les circonstances devaient donc nécessai-rement le réduire à l'espoir que la capitale,

quoique incapable de faire une longue défense,pourrait tenir assez long-temps pour lui donnerle loisir demarcher à son secours.

Mais,.secondement, si les moyens de défendre

VtE nj! N~p. Buojf. Tome 8. tt

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.i6a

Paris étaient fort précaires, l'intention d'en-

treprendre cette défense au prix de quelquesàcrifice considérable n'était pas moins dou-

teuse. Il n'était pas raisonnable d'espérer queParis imiterait le dévoûment de ..Saragosse.Chaque citoyen espagnol, en cette mémora-ble occasion, avait son intérêt dans la guerreque tous soutenaient, c'est-à-dire une portionde cette liberté et de cette indépendance qu'ils'agissait de 'conserver. La position des Pari-

siens était toute différente. Ils n'étaient pointappelés à barricader leurs rues, à détruire leurs

faubourgs, à faire une forteresse de chacune deleurs maisons, à se métamorphoser en soldats,et tout cela sans aucun avantage pour la Franceou pour eux-mêmes, mais uniquement pourmaintenir Napoléon sur. le trône. Les guerres

perpétuelles, et depuis quelque temps malheu-reuses, dans lesquelles il semblait engagé demanière à n'en pouvoir sortir, avaient renduson gouvernement impopulaire et il était évi-dent pour tout le monde, excepté peut-êtrepour lui-même, que les habitans de Paris ne le

regardaient pas en citoyens disposés à mourir

pour leur souverain. On aurait pu_ aussi-biens'attendre à voir les grenouilles de la fable, encas d'une invasion, se lever en masse pour dé-fendre le serpent qui était leur roi. Il est pro-

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CHATITM: V.( i63

bable que Buonaparte n'envisagea pas ce cir-constances sous leur véritable point de vue,mais qu'avec cette haute opinion de son impor-

tance persônnelle, que les souverains puisentnaturellement dans leur rang élevé, et que Na-

poléon, plus que tout autre monarque, avaitdroit de concevoir d'après ses victoires et sestalens distingués, il oublia, combien, parmi les

sept à huit cent mille individus qui composaientla population de Paris, était faible le nombre

des partisans qui lui étaient ndèles et dévoués,en le comparant non seulement ceux qui

 jouaient un rôle dans les factions hostiles, maisà la grande niasse de cëux.qui, suivant l'expres-sion d'Hostpur aimaient mieux leurs,bouti-

ques et leurs granges que sa maison.

Troisièmement, les suites de la pertede Paris,

soit faute de moyens de défense, soit mauvaisevolonté pour les employer, devaient nécessai-rement produire' un malheur irréparable. La

Russie, comme on l'avait vu, pouvait sur-vivre à la destruction de sa capitale, et peut-être la prise de Londres ne déciderait-elle pasdu destin de~la

Grande-Bretagne..Mais, en

France, pendant toutes les phases de la révolu-

tion, le gouvernement avait toujours dépendu

1 'fe~dc Shakespeare.) J

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l64 VIE DE NAPOLÉON BÙONAPÀRTE.

de la possession de Paris, capitale qui .a, dans

tous les temps, dirige l'opinion publique en ce

pays. Si l'occupation militaire de cette métro-

pole, dont l'influence est;plus considérable queceIle'd'àuCunë autre, amenait, commecela était

très probable, une révolution politique et inté-

rieure, il était fort douteux que l'Empereur pût

opposer une résistance ~SicacC dans 'quelqueautre partie du territoire français.

On doit avouer de bonne -foi que ce raison-

nement venant après l'événement, a l'airbeaucoup plus décisif qu'il ne dut le paraître aNapoléon quand il se présenta a son esprit.

D'après les vives alarmes qu'avaient manifes-

tées les Autrichiens toutes les-fois qu'il semblait

vouloir faire un mouvement sur leurs flancs,il avait droit de penser qu'ils,seraient trop cir-

conspects pour se permettre la démarche hardied'avancer sur Paris. Il était plus vraisemblable

qu'ils le suivraient vers la frontière pour con-server leurs communications. D'ailleurs, Na-

-poléon, dans ce moment de'crise, n'avait qu'unchoix de mesures fort circonscrit. Il lui était

impossible, de rester où il était, entre Blucher

et SchwartzenbéEg; et s'dlavançait sur'le flancde l'un. ou-del'autre, il aurait 6ù A, combattreun ennemi supérieur. Se retirer vers Paris était

un .moyen sûr d'engager toutes les armées dés

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CHAPITRE V. i65

Alliés à prendre la même direction, et l'a-

vantage que cette retraite aurait donné à sesennemis aurait pu avoir les conséquences les

plus fatales. Peut-être aussi ses partisans, pen-dant son absence, pouvaient-ils puiser pitis de

courage dans ridée qu'il était a la tête d'unearmée victorieuse sur les derrières des Alliés,que sa présence n'aurait pu leur en inspirer,.s'ils l'eussent vu arriver à Paris par suite'd'uneretraite forcée..

Bupnaparte 'sembla donc, autant par néces-sité que par choix, avoir préféré se frayer un

passage à travers le cercle de chasseurs dont il,était entouré, dans l'espoir de renforcer sonarmée des garnisons qu'il retirerait, des placesfrontières, et des belliqueux paysans de l'Alsaceet de. la Franche-~Comté; avec ces renforts, il

devait se porter avec rapidité sur les derrièresdes ennemis avantqu'ils, eussent le temps d'exé-cuter ou peut-être de combiner un systèmed'opérations oHensives.Ce projet lui offrait d'au-tant plus de .chances qu'il était fermement con-vaincu que sa marche ne pouvait manquerd'attirer la grande armée de Schwartzenberg,soit pour le poursuivre, soit du moins pourl'observer la maxime générale que la guerrene pourrait se terminer que la oùil serait en

personne étant, pensait-il, gravée par l'expé-

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l66 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

rience dans l'esprit de ses ennemis comme dans

celui de ses propres soldats.

Napoléon ne pouvait se dissimuler ce qu'il

avait dit lui-même au peuple français, qu'unemarche, où,'comme il l'appelait, unhourra sur

la capitale nefut le principal but des Alliés. Tous

les mouvemens en avant faits par Bliicher ou

par Schwartzenberg, n'avaient que ce seul ob-

 jet. Maisils avaient uniformément abandonné ce

projet, toutes les.fois qu'il avait fait une démons-

tration pour le prévenir c'était pourquoi il neles soupçonnait pas de pouvoir prendre la réso-

lution hasardeuse de marcher directement sur

Paris, en laissant derrière eux l'armée française

entière agir sur leur ligne de communication

avec l'Allemagne. On remarque que les joueursd'échecs qui risquent les gambits lés plus ha-

sardeux, sont ceux qui sont le moins en étatdé se défendre quand ils sont attaqués avec la

même hardiesse, et que dans la guerre les gé-néraux dont la.tactique ordinaire et favorite

est d'avancer et d'attaquer, ont été très fré-

quemmentsurpris par un ennemi qui adoptait

al'imprôviste un système analogue de manoeu-

vres oHensives. Napoléon était ainsi accou-tumé à voir ses antagonistes donner toute leur

attention à parer. ses,coups plutôt qu'à lui en

porter il avait quelque raison de compter sur

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CHAFITBJ'; V. i6~le souvenir de la rapidité de ses mouvemens,de l'énergie de ses attaques et de la terreur deson iioin; il était donc bien loin de craindreque les Alliés

adoptassentun

plan d'opérations.qui n'avait aucun rapport avec les siennes,et qui, au lieu de surveiller ou de déjouer sesmouvemens en arrière de leur armée, les con-duirait directement à prendre possession de sacapitale. D'ailleurs, malgré ce que nous avonsdit des objections qui semblaient rendre impos-sible une

dépensepe/'iTM~e/z~de Paris, il exis-'tait d'autres considérations auxquelles il fallaitavoir égard. L'approche de cette ville, du côtédu nord, est difficile; la garde nationale, étaitnombreuse; les classes inférieures de la popu-lation ont un caractère militaire, et elles fa-vorisaient la cause dé Napoléon. Une défense

déterminée, quelle que courte qu'elle fût, de-vait produire le double eSet de refroidir l'ar-deur, des assaillans, et de les retenir devant lesmurs de la capitale jusqu'à ce que Buonapartearrivât pour la secourir, et plaçât ainsi les Al-liés entre deux feux. 'On ne pouvait ~supposerque la reddition de Paris fût l'ouvrage d'un

seul jour. La voix unanime des journaux, desagehs de la police, et des milliers d'individusdont les intérêts étaient intimement liés a celuide Buonaparte, lui donnait toute assurance

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VIE DE NATOLJÊOJS BUONAPARTE.i68sur ce point. Son mouvement en arriére, quoi-.

que l'écartant de la capitale, qu'il pouvait ex-

poser à une alarme passagère, ne pouvait donc,

à ce qu'il pensait, compromettre sérieusementla sûreté de cette ville.

En eHectuant.ce mouvement décisif, l'Em-

pereur désirait vivement se mettre en. posses-sion de Vitry, qui était sur la ligne de sa'marche,mais Fonicier qui commandait cette ville ayantune garnison de cinq mille hommes sous ses

ordres, et ne manquant pas de résolution, fitune réponse négative à la sommation qui lui fut

faite. Napoléon, n'étant pas en mesure pourtenter un coup de main sur cette place, passala Marne le as mars, sur un pont de radeauxconstruit à Fngincourt, d'où il continua sa mar-che vers la &ontiére orientale, augmentant à

chaque pas la distance qui le séparait de sacapitale, et en même temps de ses ennemis.

Pendant ce temps, il s'était passé, dans lesenvirons de Lyon, des événemens qui tendaient

directement à affaiblir les avantages que Napo-léon pouvait se flatter d'obtenir dans la partiedu sud-est des frontières de la France, du côté

de la Suisse, et à encourager les nombreuxennemis que son gouvernement avait eil Pro-

vence, où les Royalistes avaient toujours eu.un parti considérable.

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CHAPITRE V. l6u

Les renforts envoyés par les Autrichienssous le général Blanchi, et les corps de réserveamenés par le prince de Hesse- Homburg,avaient rétabli leur supériorité sur l'arméed'Augereau. Il fut défait à Mâcon, le i mars,dans une bataille qu'il avait livrée pour main-tenir sa ligne sur la Saône. Il le fut une seconde

fois, le 18, à Saint-Georges, et se trouva obligé.de se retirer en grand désordre, ayant à peineles moyens de défendre l'Isère, le long de la-

quelleil nt sa

retraite. Lyonétant

ainsi décou-.vert, ouvrit ses portes. à Blanchi, et; aprèstout ce qu'ils avaient entendu dire des pèrtesqu'avaient faites les Alliés, les citoyens virentavec surprise et alarme un corps intact de leurs

troupes, composé de soixante mille hommes,défiler dans les rues de leur ville. Napoléon

n'était probablement pâs instruit de cette défaited'Augereau lorsqu'il se détermina à marchervers la frontière, et qu'il crut pouyoir comptersur la coopération de l'armée de Lyon. Ainsi,quoique le mouvement 'dé l'Empereur surSaint-Dizier fut une exception aux règles or-.dinaires de l'art de la guerre,. et qu'il ait mis les

Alliés en état de concevoir et d'exécuter le pro- jet audàcieux qjii amena la fin de la campa--gne, il n'était pas', dans l'origine- 'sans quelquechance de succès~ jou, devrions-nous plutôt;

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.i~o

dire, c'était'une des alternatives peu nom-breuses que la crise de ses àffaires avait laisséesà Buonaparte et, à en juger par les vacillations

précédentes, et par la prudence' timide quiavait régné dans les conseils des Alliés, iln'avait pas lieu de craindre que le parti qu'ilprenait donnât lieu aux conséquences qui enrésultèrent.

Les Alliés, qui s'étaient déterminés dans leur

dernier conseil à faire l'épreuve décisive d'une

marche sur Paris, ne surent d'abord commentexpliquer la disparition de Napoléon, et ne

purent deviner où il était allé. Cette ciréon-stance occasionna quelque hésitation et quelqueperte de temps. Enfin ils interceptèrent un cour-rier français, et les dépêches dont il était por-teur et qui étaient adressées par Buonaparte à

son gouvernement à Paris, les mirent en étatdeconjecturer le véritable motif et la direction

de sa marche. Une~lettre écrite par l'Empereur,de sa.propre main a Marie-Louise, confirma la

certitude de cette information. Malgré ce chan-

gement inattendu de circonstances,, les Alliésn'en persistèrent pas moins dans la résolution

hardie qu'ils avaient déjà prise. Pour cacher ladirection

véritablede sa marche, et pour s'ou-

vrir une communication avec l'armée de Silésie,

Schwartzenberg, faisant un mouvementde côté,

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CHAPITRE V: 171

transporta son quartier-général à Vitry, où'il

arriva le 24, deux jours après .la sommation

faite par Napoléon a cette ville. Blücher en

mêmetemps

fit avancer de'Laon à Châlons son

armée, alors entièrement réorganisée, aprèsla bataillé sanglante qu'elle avait livrée.

Par une mesure préalable et nécessaire, le gé-néral Ducca fut laissé sur l'Aube avec une divi-

sion d'Autrichiens, pour défendre leurs dépôts,maintenir leurs communications ouvertes et

veiller à la sûreté de l'empereur d'Autriche,qui ne jugea peut-être pas délicat de s'appro-cher personnellement de Paris a main armée,avec les autres souverains, pendant que sa

propre fille gouvernait cette ville sous le titre

de régente. Les instructions données à Ducca

lui prescrivaient aussi, s'il se trouvait pressé',

de faire sa retraite sur l'armée victorieuse duprince de Hesse-Homburg, qui était eri pos-session de Lyon.

Cette mesure importante ayant été prise,on-en adopta une autre également nécessaire

'pour tromper Napoléon et pourl'observer. Dix

mille hommes de cavalerie d'élite furent placés

sous les ordres des généraux entreprenans,Win-zingerode et Czernicheff, qui, avec cinquante

pièces d'artillerie furent chargés de suivre la

marche de Napoléon, d'empêcher ses commu-

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VIE DE NAF(.)LKON BUONAPARTE.lya

mettions avec les départemens qu'il avait quit-tés, d'intercepter les courriers venant de Paris,ou porteurs d'informations sur les mouvemens

des armées des Alliés, et.de présenter en touteoccasion un front qui fit croire à Napoléon queleur corps formait l'avant-garde de toute l'arméede Schwartzenberg. Les troupes légères russes

et prussiennes, pendant ce temps, balayaient les

routes, et elles interceptèrent près de Somme-

puis un convoi d'artillerie et demunitions ap-

partenant al'arriére-gardedeNapoléon,'cequinttomber entre leurs mains vingt pièces de canonet une forte escorte. Elles arrêtèrent aussi plu-sieurs courriers apportant de Paris à Napoléondes dépêches importantes. L'un d'eux était por-teur de nouvelles aussi cruelles que pût ja-mais en recevoir.un potentat tombant du haut

de sa grandeur. Le paquet dont il était chargéinformait Napoléon de la descente des Anglaisen Italie de l'entrée des Autrichiens à Lyondela situation critique d'Augereau de la décla-

ration de Bordeaux en faveur de .Louis XVIII;du mouvement de Wellington sur Toulouse;de l'état de mécontentement de l'esprit public

et del'épuisement des ressources nationales. Laplupart de ces nouvelles étaient inconnues aux

souverains alliés et à leurs généraux, mais il,-)

les apprirent avec des sensations bien. diSÔ-

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CHAPITREV. 1~3rentes de celles qu'elles étaient faites pour pro-duire sur l'esprit de celui à qui la dépéche.étaitdestinée.

Pendant cetemps, Blûclier,.dès qu'il

sentitses mouvemens devenus plus libres par la mar-che de Buonaparte .de Chàlpnsà.Arcis, avait

repris l'offensive, et avait repoussé derrière laMarne les corps de Mortier "et de Marmont,restés enobservation devant lui. Il passa l'Aisne

prés de Bery-au-Bac voulant se remettre en

possession de Reims, il en fit sauter les portes,et prit cette ville d'assaut. Après avoir obtenuces succès~ il se mit en marche sur Chàlonsjet

Vitry. Blucher s'était dirigé jusque-là vers le"

'sud-est, afin de faire sa fonction avec Schwart-zénberg, mais il reçut alors,du roi de Prussel'ordre désiré de marcher vers l'ouest, et de

s'avancer directem'ent sur Paris. La Grande-,Armée se dirigea vers le même bût, et les~deùx armées se mirent en mouvement en li-

gnes correspondantes, 'et en communication

l'uneaveçt'autre.'Tandis que Bûonaparte se retirant y ers l'est,

se préparait/a tomber sur l'arrière-garde des

Alliés, il était nécessairementexposé lui-mêmeau nsque que ce mouvement avait pour butde faire courir a'l'ennemi, celui .d'avoir sescommunications coupées et ses convois inter-

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VIE DE NAPOI~ÉON BUONAPARTE.i74

ceptés. Marmont et Mortier, qui se retiraientdevant BIûcher sur la Marne, avaient ordred'avancer sur Yitry, probablement parce que

ce mouvementles aurait placés sur les derrièresde Schwartzenberg, s'il avait pris le parti de s'é-

loigner de la ligne de l'Aube, comme Napoléons'y attendait. Mais les Alliés avaient adoptéune marche bien différente de .celle que Buo-

naparte avait supposé qu'ils prendraient, et,

par conséquent, les deux maréchaux se trou-

vèrent à l'improviste en face de la grandearmée autrichienne près de la Ferte-Cham-

penoise. Ils furent forcés à tenter de faire leurretraite sur Sezane, et en l'effectuant ils fu-

rent harcelés par la cavalerie nombreuse des

Alliés, qui leur causa de.grandes,pertes.Tandis que toute la cavalerie était occupée

à poursuivre les maréchaux, l'infanterie desAlliés s'approchait de la Ferté-Champenoise,quand on entendit dans les environs un feu bien

nourri, et l'on vit bientôt paraître une colonne

considérable d'infanterie, marchant en carrés,

poursuivie et chargée, à plusieurs reprises,par des escadrons de cavalerie qu'on reconnut

promptement comme faisant partie de l'arméede Silésie. Ce corps d'infanterie, composé de

cinq mille hommes, venait' de Paris avec unconvoi considérable de provisions et de muni-

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CHAPITREV. 175

tions. Il se rendait à Montmirail, quandil fut dé-

couvert et attaqué par la cavalerie de Blucher.

Hors d'état de lui tenir tête, il changea sa mar-

che, et cherchaà gagnerla Ferté-Champenoise,.dans l'espoir d'y trouver soit l'Empereur, soit

Marmont et Mortier il eut ainsi le malheur de

tomber dans Scylla en voulant éviter Charybde.Ce corps était composé de conscrits et de gardesnationaux qui n'avaient jamais vu le feu. Ce-

pendant, ni l'extrémité à laquelle ils étaient

réduits, ni leur surprise en rencontrant d'a-bord une armée ennemie et puis une secondé,ne purent déterminer ces braves jeunes gens

a: se .rendre. Rappatel,aide-camp de Moreau,

que l'empereur Alexandre avait conservé en

la même qualité, fut tué d'un coup de feu tan-

dis qu'il essayait, par ordre de ce monarque, de

faire comprendre àces troupes l'impossibilité de,la résistance. Les Français disent quele frère de

Rappatel servait dans la compagnie d'où partitlé coup qui tua ce malheureux officier. Enfin

l'artillerie tonna de toutes parts contre les Fran-

çais escadrons sur escadrons les chargèrenttour a tour; le convoi fut pris, et tout ce qui

formait l'escorte fut tué, blessé ou fait prison-<.mer..

Les Alliés continuèrent ainsi à s'avancer vers

Paris., et les divisions maltraitées de,Mortier et

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1

]~6 VIE DE NAPOÏjEON BUONAPARTE.

de Marmont, serrées de près par la cavalerie,

-perdirent une arriére-garde de quinze centshommes près de la F erté-faucher. A Crécy,

ellesse

divisèrenten deux

corps qui seretirè-

rent l'un sur Meaux l'autre sur Lagny. Ils

étaient toujours'poùrsuivis et harcelés, et enfinles soldats, se livrant au désespoir, pouvaientà peine être retenus sous leurs drapeaux. On

calcule que les divisions françaises perdirententre la Ferté-Champenoise et Lagny huit

mille hommes, quatre-vingts pièces de canonet une immense quantité de bagages et de mu-

nitions. Entourés et écrasés comme ils l'étaient

par le nombre, il fallait que les soldats eussentautant de bravoure et de dévoûment que les

chefs avaient d'habileté, pour empêcher la

désorganisation totale de 'l'armée. Les Alliés,

remportant des avantages à chaque pas, mar-chaient avec une telle rapidité, que lorsqu'ilsétablirent leur quartier-général à Coulommiers,le a~ mars, ils avaient fait plus de soixante-dixmilles en trois  jours.

Environ dix mille hommes de gardes natio-

nales &rentun effort pour arrêter une colonne

de l'armée de Silésie; mais ils échouèrent com-plètement ~legénéral Horne pénétra au galop

 jusqu'au centre même de-la masse d'irifariterie

française, -et fit prisonnier de sa propre main

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CHAPITRE Y. c i77

le général qui la commandait. Quand Bluchër

s'approcha de Meaux, la garnison, qui faisait

partie de l'armée de. Mortier, l'évacua en fai-

sant sauter un grand magasin à poudre. C'é-tait le 28 mars, et dans la soirée du mêmejourl'avant-garde de l'armée de Silésie avança jus-qu'à Claye, d'où elle délogea, après une af-

faire assez vive, .une partie des divisions de

Màrmont et deMortier. Ces deux maréchauxse retirèrent alors sous les murs de Paris, leurs

troupes découragées et désorganisées formantles seules forces régulières, à l'exception de la

garnison, sur lesquelles on pût compter pourla défense de la capitale..

Les armées alliées continuèrent à avancervers le grand but de leurs opérations, laissant

cependant les généraux Wrede et Sacken, avec

un corps d'armée de trente mille hommes sur laligne de la Marne, pour s'opposer à toute ten-tative qu'on pourrait faire pour inquiéter l'ar-mée et secourir la capitale.

A la réserve de cette armée laissée en arrière

pour les couvrir, tout le reste des forces'alliées

s'avança en colonnes.par lestrois grandes routes

de Meaux, de Lagny et de Soissons, menaçantainsi toute la portion 'de Paris située au nord-est. Les princes alliés et leurs armées victorieu-ses avaient enfin- sous leurs yeux cette capitale

VIEDENAP.BcON.Tome8. j, t2

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.178

dont le souverain et ses soldats avaient si long-temps dominé dans les leurs; ce Paris qui, peucontent de son haut rang parmi les cités euro-

péennes, avait fomenté une guerre continuelle jusqu'à ce que tout fût soumis son empire;cette ville orgueilleuse qui se vantait d'être la

première dans les armes commedans les scien-

ces, 'd'offrir le dépôt de tout ce que les beaux.

arts ont de plus admirable, et~de donner des

leçons de -goût comme des lois à tout le conti-

nent d'Europe.La position de Paris du côté du nord, par

où approchaient les. Alliés, est aussi forte-ment défendue que peut l'être aucune ville duinonde sans fbrtincations. L'art avait pourtantajouté peu de chose pour là défense de la ville,si ce n'est

quelquesmisérables

redoutes, appé-léës par les Français &z/~)OM/  dont l'objetétait de protéger les barrières. Mais la ligneextérieure était très forte, comme on le verra

d'après l'aperçu qui-suit Les hauteurs qui en-tourent la ville du côté de l'est, s~ élèventbrus-

quement sur une grande plaine, et forment une

chaîne étroite et escarpée qui se termine,aùssibrusquement du côté de la ville, qù'elles sem-blent protéger comme par un boulevard natu-rel. L'extrémité méridionale de cette chamë,qui s'appuie sur le boisdeVincennes, s'étendant

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CHAPITRE Y. ~79

an sud jusqu'aux bords de la Marne, s'appelleles hauteurs de Belleville et deRomainvillè, re-

ceyant ces noms de deux charmans villages.qui

s'y trouvent Belleville étant le,plus voisin etRomainville le plus éloigné de la capitale. Ceshauteurs sont couvertes de bosquets pittores-ques, et ornées d'un grand nombre de belles mai-sons de campagne avec des jardins, des vergers,des vignobles et des bois. C'était, dans des tempsplus paisibles, là promenade favorite des Pari-

siens, qui y faisaient des parties deplaisir maisces lieux allaient~tre occupés par deshôtes bien

différens, venus pour d'autres fêtes. En avantdécès hauteurs, et sous leur protection,'est le

village de Pantin, situé sûr la grande route de

Bondy. Sur la gauche de Romainville, et plusprès de Belleville est une éminence avancée,

nommée la-bùtte deSaint-Chaumont. La chaînedes .hauteurs s'affaisse en cet endroit,' et laisse

passer un canal alors à demi achevé, appelé;lé.Canal de.l'Ourcq. Le terrain se relève en-suite et forme .l'éminence qui porte le nom de

.Montmartre, parce qu'on suppose que ce futten ce lieu qu'arriva le martyre de ~aint Denis,

patron de la France. Aux pieds de cette mon-tagne .escarpée est une plaine bien unie -qui.s'étend jusqu'à la Seine, et qui est traversée par

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.180

la principale route du côté du nord, passantpar la petite ville de Saint-Denis. On avait faitles préparatifs les plus formidables pour pren-.

dre position sur cette forte ligne de défense,derrière laquelle la capitale est abritée. L'ex-trême droite des troupes françaises occupant lebois deVincennes et le villagede Charenton-sur-

Marne, était soutenue par les corps stationnéssur les hauteurs de Belleville, et de Romainville,et sur la butte'de Saint-Chaumont, qui compo-

saient Failedroite. Leur centre, qui occupait laligne formée par le canal de l'Ourcq, était dé-fendu par le village de la Villette ,,par une forteredoute montée de dix-huit gros canons, a laferme de Rouvroy, et par les rives exhausséesdu canal; il y avait, en outre, plus en arrièreune artillerie redoutable placée sur les hauteurs

de Montmartre. L'aile gauche partait du villageappelé Mouceaux, près de l'extrémité des hau-teurs du côté du nord-ouest, et elle se, prolon-

geait jusqu'à c.elui de Neuilly-sur-Seine quiétait occupé par l'extrême gauche de l'armée.

Ainsi, ayant l'extrême droite de leur armée

appuyée sur la Marne, et la droite sur la Seine,

les Français occupaient une ligne défensive for-mant un demi-cercle, qui ne pouvait être tour-

née ;'la plus grande partie de cette ligne passait

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CHAPITRE V. i8i

sur des hauteurs très escarpées, et -la totalitéen était défendue par une artillerie placée avec

beaucoup d'art~ mais insuffisante quant aunombre des

piècesde canon.

L'autre côté de Paris est presque sans dé-fènsé; mais, pour l'attaquer il aurait, fallud'abord que les Alliés passassent la Seine, ce

qu'ils firent avec succès l'année suivante'; maisà cette époque où, pour réussir, leur entre-prise ne pouvait être retardée, ils n'avaient pasle loisir dé

faire cette tentative car il étaitprobable que Napoléon, rappelé par le danger-de sa capitale, viendrait fondre sur leur arrière-

garde. Ils furent donc obligés de préférer une

attaque soudaine et plus hasardée, dirigée con-tre le côtelé plus fort de la ville, à la mesure

plus lente, quoique plus sûre, de tourner la

ligne formidable de défense dont nous avonstâché de faire la description..Trois fois, depuis que les Alliés avaient passé

le Rhin, la capitale de la France avait été me-nacée par l'apparition de troupes ennemies à

vingt milles de Paris; mais elle avait toujoursété tirée de péril par la rapidité des moùve-

mens.deFactif  Napoléon, Encouragés par cesouvenir, les Parisiens apprirent pour la qua-trième fois, sans beaucoup d'alarmes, que lescosaques s'étaient montrés à Meaux. Des bruits

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VJE DE NAPOLÉON BUONAPAR/TE.i8a

sourds commencèrent pourtant a répandre l'in-

q uiétude on disait que les divisions de Marmont

et de Mortier ayant éprouvé des pertes sérieu-

ses, étaient en pleine retraite sur la capitale, nou-velle bientôt confirmée par le nombre de bles-

sés qui entrèrent dans la ville avec un air de

consternation, et dont les discours'inspiraientle découragement. Arrivèrent ensuite des ban-des de paysans fuyant sans but devant un en-

nemi dontla rapacité barbare avait été si long-

temps le sujet de toutes les conversationstraînant avec eux leurs familles à demi nueset mourant de faim, leurs attelages, leurs cha-

riots, leurs bestiaux et la portion de leur

mobilier qu'il leur avait été possible d'emporterà la hâte. Ces malheureux fugitifs couvraientles boulevards de Paris, rendez-vous ordinaire

du beau monde; et, par des rapports exagéréset contradictoires, ils ajoutaient encore a l'idéeterrible que se faisaient déjà les Parisiens de

la tempête qui approchait.Le gouvernement, principalement dirigé

par Joseph Buonaparte, au nom de sa belle-

sœur Marie-Louise, faisait tout ce qu'il pou-vait pour encourager le peuple, en exagérantses moyens de défense et en soutenant avec

ef&onterie que les troupes qui s'approchaientde Paris ne formaient qu'une colonne isolée,

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CHAPITI~EV i83

qui s'était avancée par accident vers la capitale,tandis que l'Empereur coupait, divisait et tail-lait .en pièces la masse.de l'armée confédérée.

Il était impossible de fermer tout passage à lalumière mais, si nous pouvons parler ainsi, le

rayon qu'on laissait pénétrer était fortement

empreint d'espérance, parce qu'on le laissaitarriver par les voies~de la police et des jour-naux. Une grande revue des troupes destinées

à la défense de la capitale eut lieu le dimanche

qui précéda l'attaque. Huit mille hommes detroupes de ligne,(formant la garnison de Paris

sous'le général Girard, et'trente mille hommesde gardes nationales, commandés par Huhn,

gouverneur de la ville., dénièrent en bon ordre

dans la 'grande cour des Tuileries, suivis de

leurs trains d'artillerie, de leurs corps de pion-

niers, de leurs caissons de munitions et de leursvoitures de bagages. C'était un spectacle im-

posant et rassurant jusqu'à èe qu'on se souvint

que ces troupes n'étaient pas destinées à allerfairé des conquêtes lointaines, comme,plusieurscentaines de.milliers-d'hommes qu'on avait vus

autrefois dénier pareillement'en ce lieu, mais

qu'elles formaient le dernier espoir de Pariset qu'elles devaient défendre tout ce qu'il con-

tenait' par une bataille livrée sous ses murs.

Les restes des corps d'armée de Marmont et

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l8~ VIE DE NAPOLÉON BUONATARTE.i-de Mortier ne firent point partie dé cette pa-rade. Leurs bataillons éclaircis et le désordrede leur équipement n'étaient pas propres à

rappeler la confiance dans l'esprit public. Ilsfurent réunis et placés sur la ligne de défensedont nous avons déjà parlé hors des barrièresde la ville. Mais les deux maréchaux entrèrentdans Paris, et donnèrent leur assistance auxconseils de Joseph Buonaparte.

Le gouvernement fit des préparatifs' pour se

retirer derrière la Loire ou du moins de cecôté. Quoique douée de toutes les vertus do-

mestiques, Marie-Louise n'avait pas le couraged'une Amazone. D'ailleurs sa situation était

pénible dans une guerre entre son père et son

époux d'une autre part elle obéissait, et pro-bablement volontiers, aux ordres que lui avait

donnés Napoléon de s'éloigner de la capitale sile danger en approchait. Elle partit donc deParis avec son fils le'jeune Napoléon montra,

dit-on, pour ce départ une répugnance qui,dans un- enfant, semblait être un mauvais au-

gure. Presque toutes les autorités civiles du gou-vernement de Buonaparte quittèrent la métro-

pole en même temps après avoir détruit lesregistres particuliers de la hautepolice; et elles

emportèrent avec elles les joyauxde la couronneet une grande partie du trésor public. Joseph

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CHAPITRE V. 185

Buonaparte resta, et garda avec lui, un peu,dit-on, contre l'inclination de ce grand fonction-

naire, Cambacérès, archichancelier de l'em-

pire, que Napoléon, dàns~unde ses dernierscon-

seils, avait menacé de l'honneur et du dangerdu grade de colonel, quoiqu'il fût d'une taille,unpeu épaisse pour jouer ce rôle. Joseph lui-même avait les talens d'un homme aimable et

accompli dans la société; mais il ne paraît pasqu'il eut ceux d'un général. Il vit partir. sa

belle-sœur, escortée par un régiment de septcents hommes, qui, suivant quelques écri-

vains, auraientpu êtretmieux employés a ladéfense de là ville, mais ils oublient combien ilétait important pour Napoléon.que -lapersonnede. l'Impératrice fût protégée, contre quelquebande détachée de houlans où de cosaques,

ou en cas de quelque insurrection intérieure.Ces arrangemens étant faits, Joseph publia dansla matinée du ag une proclamation assurant lescitoyens de Paris «qu'il resterait avec eux )).Il y parla' des ennemis comme d'une colonneécartée de l'armée et venant de Meaux, et ilexhorta'les Parisiens a conserver l'honneur du

nom français par une courte et vive résistance, jusqu'à l'arrivée de l'Empereur, qu'il déclaraêtre en, marchepour venir à leur secours.

Le lendemain, entre trois et quatre heures

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]86 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

du matin, les tambours battirent l'appel, et la

garde nationale s'assembla. Mais parmi les,mil-liers de citoyens qui obéirent à cet appel, il

en était un grand nombre que~leur âge, leurshabitudes et leur humeur pacifique rendaient

peu propres au service qu'on exigeait ,d'eux.Nous avons déjà parlé du manque d'armes, et

certainement, quand même on en aurait eu en

abondance, il y avait beaucoup de ces citoyenssoldats à qui le gouvernement dé Buonaparte

ne se serait pas soucié d'en confier.La plus grande partie de la garde nationale,

convenablement armée, fut retenue dans l'en-

ceinte des barrières jusqu'à, environ onze heu-

res, et alors, leur présence devenant nécessaire,on fit marcher ces bataillons vers la scène de

l'action, où ils furent rangés en seconde ligne

derrière les troupes régulières, plutôt pour enimposer à l'ennemi par lé nombre que pour

prendre une part très active a l'engagement.Ceux qui rendirent le plus de service furent

chargés d'agir en tirailleurs, et.quelques bataillons furent placés de manière à fbrtiner parti-culièrement certains points de la ligne La

totalité des troupes, y compris beaucoup de

Un grand nombre de gardes nationaux furent blessés

etptnsiëursftirenttues.)1

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CHAPITRE V. i87

volontaires qui prirent- part activement à la

défense de la capitale, pouvait être de dix a

vingt mille hommes.

L'attaquerésolue

parles Alliés devait être

générale et simultanée sur toute la ligne de

défense/Le prince royal de Wurtemberg devait

attaquer l'extrême droite des Français dans le

bois de Vincënnes, les débusquer des bords d'ela Marné et da village de Charenton, et tournerainsi les hauteurs de Belleville sur la droite. Le

général russe Rayefski, faisant un mouvementde Banc sur la grande route de Meaux, devait

diriger trois fortes colonnes avec leur artillerieet leurs réserves pour attaquer de front les hau-teurs importantes et les villages de Bellevilleet de Romainville. Les gardes-du-corps deRussie et de Prusse étaient chargés d'attaquer

le centre de l'ennemi posté sur le canal del'Ourcq, et dont les réserves occupaient l'émi-nence appelée Montmartre. L'armée de Silésiedevait attaquer la gauche de.la ligne française,de maniéré à tourner et à emporter les hau-teurs de Montmartre du côté du nord-est.La troisième division de l'armée des Alliés

fut gardée en réserve avec un corps considé-rable de èavalerie. Avant le commencementde i l'attaque deux parlementaires furent en-

voyés pour sommer la -ville de capituler. On

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VIE DE NArOJLÉON BUONAPARTE.]88

refusa de les recevoir, et l'intention des défen-seurs de Paris parut être bien décidée de ris-quer une bataille.

Ilétait environ huit heures lorsque les Pari-siens que l'inquiétude avait réunis en foule aux

barrières de Saint-Denis et deYmcennes, sortiesde Paris qui correspondaient à deux points'principaux de la ligne, s'aperçurent, d'après lafusillade qui résonnait à leurs oreilles commeles grosses gouttes de pluie qui précèdent un

orage, que l'œuvre de destruction avait déjàcommencé. Bientôt après un feu de peloton etle tonnerre soutenu de F artillerie, se faisantentendre du côté de Belleville, annoncèrentque l'engagement était devenu général surcette partie de la ligne.

Le général Rayefski avait commencé l'at-

taque en faisant avancer une colonne, dansle dessein de tourner les hauteurs de Romain-ville sur la droite. Mais sa marche ayant étéarrêtée par un feu bien nourri d'artillerie, les.Français devinrent tout a coup les assaillans,et, sous les ordres de Marmont, ils se précipi-tèrent et s'emparèrent du village de Pantin, en

avant de leurligne, posteimportant qu'ils avaientabandonné le soir précédent, à l'approche del'armée des Alliés. Les grenadiers russes s'ylogèrent de nouveau à lapointe delabayonnette,

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CHAPITREV. 189et les Français, après avoir tenté plusieurs fois

de reprendre l'oHënsive~ furent repoussés parles Russes sur les villages de Belleville, et de

Mesnilmontant,tandis

queles Alliés

pénétrè-rent à travers le bois de Romainville jusqu'aupied des hauteurs. Les batteries françaises di-

rigèrent contre, eux, sur toute la ligne, un feusoutenu. Plusieurs étaient servies par les élèvesde l'École Polytechnique, jeunes gens de douzeà seize ans, qui montrèrent la plus grande ac-

tivité et le courage le plus dévoué. L'infanteriefrançaise, formée en colonne, se précipitait des

hauteurs chaque fois qu'elle trouvait occasion

d'àrré termesprogrès des Alliés. Chaque fois elleétait repoussée par les Russes, et chaque nou-velle tentative donnait lieu à de nouveaux com-

bats, et couvrait la terre d'un plus grand nombre

de morts, tandis que des escarmouches conti-nuelles entre les tirailleurs dispersés, avaientlieu dans les bosquets, les vignobles et les jar-dins des maisons de campagne qui se trouvaientsur ces hauteurs. Enfin, par ordre de Barclayde Tolly, général en chef des Russes, l'attaquedes hauteurs fut suspendue jusqu'à ce que les

opérations des Alliés sur les autres points per-missent de la renouveler avec moins de risque.Les régimens russes qui avaient été dispersésp'our agir en tirailleurs, furent rappelés'ët for-

Tome8.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.igo

més en rang; il paraît que les Français profi-tèrent de cette occasion pour se remettre en

possession du village de Pantin, et prendre dans

ce combat une supériorité momentanée.Blucher avait reçu ses ordres tard dans la

matinée, et il ne put commencer son attaqued'aussi bonne heure que celle qui avait lieu surla gauche. Vers onze heures, s'étant contentéd'observer et de bloquer un corps de troupesfrançaises qui occupait la petite ville de Saint-

Denis, il fit marcher les colonnes du généralLangeron contre le village d'Aubervilliers, et

ayant .triomphé de la résistance opiniâtre qu'ily trouva, il les fit avancer par la rou~ de Cli-

chy contre l'extrémité des hauteurs de Mont-

martre, tandis que les divisions de Kleist etd'York s'avançaient pour attaquer de front les

villages de Pantin et de la Villette, et soutenirainsi l'attaque du. centre et dela droite des Fran-

çais. Les défenseurs de Paris, fortement retran-

chés, et protégés par d'excellentes batteries,opposèrent la résistance la plus formidable; etcomme le terrain était inégal et impraticable

pourla

cavalerie, plusieursdes

colonnes.quiles

attaquaient furent fort maltraitées. Quand les

divisions de l'armée de Silésie, commandées parle prince Guillaume de Prusse, arrivèrent pourseconder les troupes qui avaient commencé

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CHAPITRE V. ït)l

l'attaque du centre, lesFrançaisse concentrèrentsur la Yillette, poste très fort, et sur la terme de

Rouvroy, en continuant de défendre ces pointsde la

ligneavec un

infatigable courage.Al'aile

gauche des Alliés, les gardes prussiennes et cellesde Bade se jetèrent avec impétuosité, a l'envil'une de l'autre, sur le village de Pantin, qu'ellesemportèrent à la bayonnette. Pendant que lesAlliés obtenaient ces avantages le prince -royal-de Wurtemberg s'était ouvert un chemin aVin-

cennes, et il menaçait la .droite des bataillonsfrançais postés à Belleville, comme le plan d'at-

taquel'avaitprojeté.DésquelegénéraIRayefskyapprit qu'ils étaient ainsi en quelque sorte tour-nés sur le flanc il recommença l'attaque deshauteurs qui avait été suspendue en front, et ilréussit à emporter celles de Romainville et le

village du même nom. Marmont et Oudinotessayèrent vainement une charge sur les troupesalliées qui .s'étaient ainsi établies sur la ligne dedéfense des Français; ils furent repoussés et

poursuivis par les vainqueurs, qui, profitantde leur avantage, s'emparèrent successivementdes villages deBelleville et de Mesnilmontant,

de la butte de Saint-Chaumont, et' dela belleartillerie qui défendait cette ligne.

Presque en même temps, le village de Cha-

ronne, à l'extrémité droite des hauteurs, fut

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.193

aussi emporté, et toute la ligne de défense oc-

cupée par l'aile droite des Français, tomba au

pouvoir des Alliés. Leur cavalerie légère com-

mença à pénétrer de Vincennes jusqu'aux bar-rières de Paris, et leurs canons et leurs mortiersétablis sur les hauteurs, furent pointés contrela ville. -Le centre de.l'armée française, postésurlecanaldel'0urcq,avaitrésistédepiedferme.jusqu'alors, protégé par la redoute de Rouvroyavec dix-huit grosses pièces de canon, et par

le village de la Villette, qui était la clef de cetteposition. Mais le flanc droit de cette ligne étanttourné par les troupes qui s'étaient emparéesde Romainville, les Alliés écrasèrent aussi cette

partie de la ligne, prirent d'assaut la ferme de

Rouvroy avec sa forte redoute, emportèrentle village de la Villette, et refoulèrent sur la

ville le centre des Français. Un corps de caya-lerie française essaya d'arrêter la marche descolonnes des Alliés, mais il fut repoussé etdétruit par une charge brillante des hussardsnoirs de Brandebourg. Pendant ce temps, l'ailedroite de l'armée de Silésie s'approcha jusqu'aupied de la hauteur de Montmartre, et le corpsdu comte Langeron se préparait à livrer unassaut à ce dernier poste qui tenait encore,quand on vit paraître un drapeau parlementairepour demander*la cessation des hostilités.

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CHAPITREY. 193Il paraît que, dans la matinée, Joseph Buo-

naparte s'était montré aux défenseurs de la

ville, parcourant tous les rangs, accompagnéde son

état-major,et réitérant à tous les

corpsprenant part à l'action, l'assurance qu'il vivraitet mourrait avec eux. Il y a lieu de penserque s'il ne croyait pas précisément que des

préparatifs d'attaque si étendus fussent faits

par une seule division des Alliés,. cependant il

s'imaginait n'avoir aSaire qu'à une de leurs

deux armées, et non à la réunion totale deleurs forces. Il fut détrompé par un individn

nommé Peyre, qui était, suivant les uns, oBE-cier du génie attaché à l'état-major du gouver-neurde Paris, et, suivant d'autres, inspecteur du

corps des pompiers de cette ville. Il parait que,la nuit précédente, 'Peyre était tombé entre

les mains d'un parti de cosaques, et avait, étéconduit le matin en présence de l'empereurAlexandre, à Bondy. Chemin faisant,'il avaiteu occasion de pouvoir calculer la force im-

.r-

mense des armées qui se trouvaient alors sousles murs de Paris. L'empereur Alexandre seservit de cet onicier pour faire connaître l'in-

tention des souverains alliés d'accorder desconditions favorables à làville de Paris, pourvuqu'elle capitulât avant que les barrières fussent

forcées, et il ajouta l'avertissement que si laVIECENtp.Buca.Tome8, <3

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1<~ VIEDENAPOI~ÈONBtJONAPART~.

défense se prolongeait au-delà de cette époque,il ne serait plus au pouvoir, ni de l'empereurde Russie, ni du roi de Prusse, ni de leurs

généraux, d'empêcher la destruction totale decette ville.M. Peyre, élevé ainsi au grade de commis-

saire ou d'envoyé de têtes couronnées, fut misen liberté et il arriva aux lignes françaises,non sans danger et sans difficulté au milieud'un feu qui se croisait de toutes parts. Il fut

conduit à Joseph, à qui il fit part de son mes-sage, et il lui montra les proclamations adres-

sées alavilledeParis, que l'empereur Alexandrelui avait remises. Joseph hésita, tantôt pen-chant pour capituler, tantôtreprenant courageet se déterminant à courir la chance des armes.Il resta dans cet état d'irrésolution, et le sangcoula à grands flots autour de lui jusqu'à envi-ron midi. Alors les colonnes ennemies menaçantd'attaquer Montmartre, et les boulets et lesbombes des batteries qu'on avait établies pourfavoriser cette entreprise, passant par-dessussa tête dans l'endroit où il était avec son état-

major, il envoya Peyre au maréchal Mar-

mont, qui remplissait les fonctions de généralen chef, pour lui porter l'autorisation de de-mander une cessation d'hostilités. Au mêmeinstant, Joseph prit la fuite avec toute sa suite,

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CHAPITRE V. 1Q5

abandonnant ainsi les troupes qu'il avait enga-gées à une résistance sanglante et sans espoir,dont il leur avait solennellement promis de par-tager les dangers. Marmont, Moncey, et les

autres généraux qui commandaient la défense,virent alors qu'il ne leur restait aucune espé-rance de la continuer avec succès. Toute la

ligne était emportée, à l'exception du seul

poste de Montmartre, qui était tourné, et au-

quel on était sur le point de livrer l'assaut defront et sur les deux flancs. Le

prince royalde

Wurtemberg ayant occupé. Charenton, avecson pont sur la Marne; et marchant de là

vers Paris par la grande route, ses postes avan-cés escarmouchaient déjà à la barrière dite duTrône. C'était même avec difficulté qu'on avait

repoussé un parti de cosaques du faubourg

Saint-Antoine où ils avaient fait un hourra.La ville de Paris n'est entourée que par un mur

ordinaire pour empêcher la contrebande. Lesbarrières ne sont guère plus fortes que celles

qu'on voit sur les grandes routes pour assurerla perception des droits de péage et il n'auraitfallu que quelques coups de hache des pion-

niers pour renverser les barricades qu'on y

.B~g'/e~er/'e,où dedistanceen distance,un droitestprélevésurles'voituresetc. (~)

Tome 8..

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1()6 VIE DE NAPOLEON.B~ON APARTE.

avait établies. Ajoutons encore que toutes leshauteurs qui commandent la capitale, à l'ex-

ception de Montmartre, étaient à l'ennemi

qu'une ou deux bombes, lancées probablementpour intimider les citoyens, étaient déjà tom-bées dans le faubourg Montmartre et dans la

Chaussée-d'Antin et qu'il était évident quetoute tentative pour prolonger la défense deParis devait amener la destruction de cette villeet la'ruine de ses habitans. Cédant à ces consi-

dérations, le maréchal Marmont envoya undrapeau parlementaire au général Barclay de

Tolly, pour lui demander une suspension d'ar-

mes, afin de convenir des conditions de lareddition'de Paris. L'armistice fut accordé àcondition que Montmartre, seule partie suscep-tible de défense de la ligne qu'occupaient encore

les Français, serait remis aux Alliés. Des com-missaires furent nommés de part et d'autre pour

régler les conditions de la reddition de la ville.La discussion n'en fut pas longue. Les troupesrégulières françaises eurent la permission de

s'éloigner librement de Paris, et la métropoledevait être rendue le lendemain aux souverains

alliés, a la générosité desquels elle était recom-mandée.

Ainsi se termina l'attaque de Paris, aprèsune action sanglante, dans laquelle les défen-

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CHÂFitAÈ t. ~7

seurs de cette ville perdirent plus de quatremille hommes tués ou blessés, et les Alliés, quiavaient à forcer des redoutes, des retranche-

mens et des batteries bien défendues, peut-êtrele double de ce nombre. Ils restèrent maîtresde la ligne sur tous les points, et prirent unecentaine de piëc'è~tde canon. Quand là nuit

survint!, les feux multipliés qui couronnaienttoute cette ligne de hauteurs sur lesquelles les

vainqueurs bivouaquaient alors,' annoncèrent

aux hab'itans étonnés de' la métropole de laFràncë, combien étaient nombreuses 'et puis-santes les armées entre les; mains desquelles

le sort~ de la' guerre venait de les livrer.

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VIE D~ NAPOljÈON BUONAPARTH.198

CHAPITRE VI.

État des partis dans Paris. -Royalistes. –Révolutionnaires.

Buonapartistes. -Talleyrand ses plans et ses vues.

Chateaubriand influence de son éloquence en faveur

des Royalistes. Mission des Royalistes aux souverains

alliés leur réponse. Efforts des Buonapartistes.Sentimens des plus basses classes de Paris des classes

mitoyennes.-Force et confiance croissante des Royalistes.

Ils distribuent des proclamations et des cocardes blan-ches. Foule qui s'assemble sur les Boulevards pour voir

entrer les Alliés. Instabilité du caractère français.Les AUlés sont reçus avec des acclamations de  joie. –Leur

armée prend ses quartiers, et les Cosaques bivouaquent dans

les Champs-Elysées.

LA bataille avait été livrée et gagnée, mais

il restait une grande question, une questiondouteuse; c'était de savoir comment on profi-terait de cette victoire pour qu'elle produisîtdes résultats plus importans que ceux qui sont

la suite ordinaire de la simple occupation mili-

taire de la capitale d'un ennemi. Tandis que la

plupart des habitans se reposaient, épuisés par

les fatigues et les inquiétudes de cette journée,plusieurs conciliabules secrets, animés par des

principes différens, se tinrent dans la ville de

Paris pendant la nuit qui suivit l'attaque. Les

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CHAPITRE ~1. IQQ

uns, même alo~s, s'enbrçaient encore deréor-

ganiser des moyens de résistance les autres

cherchaient .a trouver ce que la politique mo-derne a

appeléun Mg~o

~r/?M/~ quelqueex-

pédient qui tmt le milieu entre le risque desoutenir Napoléon, et celui de rappeler la fa-mille exilée.

Le seul moyen terme qui aurait pu réussireut été une régence avec l'Impératrice et lesMémoires de Fouché disent que, s'il eut été à'

Paris, il aurait pu réussir à établir sur cettebase un nouvel ordre de choses. On peut con-tester cette assertion. Un tel plan aurait puavoir quelque attrait pour l'Autriche) mais,.aux yeux des souverains et des hommes d'Étatdes autres nations alliées, cette propositionn'aurait paru qu'un moyen adroit pour obtenir

la paix sur-le-champ, et garder le trôné commeen ndéicommis  jusqu'à ce qu'il plût à.Buona-

parte d'y remonter. `

Ce passage.est curieux, soit que nous le regardionscomme réellement émané de Fouché, soit qu'il ait été

placé dans la bouche de ce révolutionnaire actif, par

quelqu'un qui connaissait bien le génie du pNr.ti.«

Si j'a-vais été à Paris à cette époque (c'est-a-dir< à l'époquedu siége ) le poids de mon influence et la!connaissance

parfaite que j'avais des secrets de tous lès partis, m'au-

raient sans doute mis en état de donner une direction

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.aoô

Nous avons le plus grand doute que, parmi

les anciens chefs de la révolution, instrumens

devenus surannés, dont la plupart avaient

perdu tout crédit, aux yeux du public, parleur inËdélité à leurs anciens principes et leurs

inconséquences politiques, il s'en trouvât au-

cun qui eut été en état de maintenir un parti

populaire en opposition à celui des Royalistes,

d'une part, et a celui des Buonapartistes de

l'autre. Napoléon avait  jeté dans l'ombre et fait

oublier le petit nombre de ceux qui restaient

encore fermes dans leurs principes démocra-

toute différente à ces événemens extraordinaires. Mon

ascendant et la promptitude dé ma décision l'auraient em-

porté sur l'Influence plus lente et mystérieuse de Talley-

rand. Ce personnage élevé n'aurait.pu faire un pas sans

que nous fussions attelés au même char. Je lui auraisrévélé les ramifications de mon plan politique, et en dépit

de la politique odieuse de Savary du gouvernement ridi-

cule de Cambacérès de lalieutenance de la marionnette

Joseph, et de l'esprit de bassesse du Sénat, nous aurions

soufflé une nouvelle vie daris le squelette de la révolution

et ces patriciens dégradés n'auraient pas songé à agir ex-

clusivement pour leurs propres intérêts. Par notre impul-

sion réunie nous aurions prononcé la déposition de Na-poléon, avan~-l'intervention d'aucune innuence étrangère,

et proclamé la régence, dont j'avais déjà tracé les bases:

Cette conclusion était la seule qui pût maintenir la révo-

lutioB et ses principes. »

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CHAPITREVf. 201

tiques il avait diminué encore davantage l'in-fluence des autres, en prouvant qu'ils étaientaccessibles à l'ambition et. à la cupidité/et

qu'on pouvait, sans beaucoup de peines, chan-ger d'anciens démagogues eh courtisans soupleset cpmplaisans*. Les jours de leur pouvoir etde leur influence étaient passés, et la véhé-mence exagérée de leurs opinions démocra-tiques ne produisait plus aucun eËet sur lesclasses inférieures, généralement attachées à

l'empire.D'une autre part, lés Royalistes avaient de-

puis long-temps combiné leurs efforts et pro-pagé leurs opinions. Elles étaient devenuesà la mode, surtout parmi les hautes classes;elles avaient gagné ce que celles des démocratesavaient perdu. Talleyrand leur était agréablecomme étant lui-même dé noble naissance etil savait mieux que personne comment faire

agir le levier pour ébranler les fondations pro-fondes du .pouvoir de Napoléon. M. de Las-Cases nous cite un exemple curieux de son

adresse, quoiqu'elle n'ait pas réussi dans lecàa dont il s'agit. A peu prés à'époque de la

crise dont nous parlons, Talleyrand désira son-der l'opinion de l)ecrès. Il tira ce ministre versla cheminée, et ouvrant un volume de Montes-

quieu, il lui dit a~vécle ton ordinaire de la con-

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203 VIE DE NAPOLÉON BUONAFAME.

versation « J'ai trouvé ici ce matin un passage

qui m'a frappé d'une manière extraordinaire.Le voici, tel livre, tel chapitre, telle page

Quand un prince ~<?~mis au-dessus de toutesles lois, quand sa tyrannie devient insupporta-ne reste à ses sujets opprimés'que.

–((C'en est assez)), dit Decrès en plaçant sa

main sur la bouche deTalIeyrand~ « je ne veux

pas en entendre davantage fermez votre livre.))

Et Talieyrand ferma 'le livre comme s'il ne se

fut rien passé de remarquable.Un politique dont le tact était si extraordi-

naire ne pouvait guère être pris au dépourvudans une ville, et à une époque où il se trouvait

tant de gens à qui l'espérance, la crainte, l'af-

fection, la haine, toutes les passions violentes,faisaient désirer, suivant l'expression latine, un

nouvel ordre de choses Il avait mis une acti-vité infatigable, et il avait complétement réussià convaincre les Royalistes que le Roi devait

acheter sarestauration, en fondant la monarchie

française sur une base constitutionnelle, et à

persuader à une autre classe que le retour dès

Bourbons était la chance la plus.favorable qu'on

pût avoir pour rétablir un système libre. Cethabile politique ne se borna même pas à ceux

Sailustius, <&Bello  /~M/  (Édit.)

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CHAFITR'EVI.. 203

dont il ne s'agissait que de réveiller le roya-lisme ou un ancien amour de liberté 'il étendit

ses machinations par le moyen de mille ramifi-

cations sur toutes les classesde

citoyens. Auxplus hardis, il présentait une entreprise exi-

geant du courage.; aux timides, classe nom-

breuse à cette époque, le moyen de pourvoir à

leur sûreté. Il offrait à l'ambitieux la perspec-tive de s'élever au pouvoir au coupablecelle d'obtenir amnistie et pardon. Il avait in-

spiré de la résolution même aux conseils desAlliés. On dit qu'une note qu'il adressa à l'em-

pereur Alexandre, dans les termes ci-après,détermina ce prince à-persister dans sa marche

sur Paris. ((Vous ne hasarder rien)), disait ce

billet laconique, «quand vous pouvez tout ha-

sarder sans danger hasardez encore une fois. »

On ne doit pas supposer que Talleyrand s'oc-cupât de cette intrigue profonde sans avoir des

coadjuteurs actifs. L'abbé de Pradt, dont les

écrits spirituels ont si souvent prêté leur vif 

intérêt à cet ouvrage, prit une grande part aux

événemens qui se passèrent pendant cette tour-

mente, et il,plaida la cause des Bourbons contre

celle de son ancien maître. Beurnonville etd'autres sénateurs étaient entrés dans le même

parti.De leur côté, les Royalistes déployaient une

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ao/~ VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

activité portée â<lplus haut degré, et se dispo-saient a faire les plus grands efforts pour s'empa-rer de l'esprit public. En cé moment très criti-

que, Mo de Chateaubriand fit tout ce que l'élo-quence pouvait faire pour èn appeler aux anëc-

tions, peut-être même aux préjugés du peuple,dans son célèbre pamphlet intitulé ~M0/z<~o;et les ~oMr~o/zs.Cette comparaison vigoureuseet pathétique entre l'époque où la France était

paisible et honorée sous ses monarques et

celle où l'Europe paraissait en armes sous lesmurs de Paris, était écrite depuis un mois,et madame de Chateaubriand eh portait le ma-nuscrit caché dans son sein. Il fut alors secrète-ment imprimée il en fut de même d'une procla-mation faite par Monsieur, au nom de son frèreLouis XVIII. EnËn, dans une assemblée par-ticulière des principaux Royalistes, parmi les-quels Ëgùraient les noaM illustres des Rohan,des La RochefOucault, des Montmorency etdes NoaiUes, il fûE résolu qu'on ên'verrait une

députation aux souverains alliés' pourconnaî-tre leurs intentions, s'il était possible. M. Dou-

het,chargé

de cette mission, l'exécuta, non

sa&scourir les ptus grands dangers, et revint aParis aveclà réponse que lés Alliés avaient ré-solu d'éviter toute apparence de vouloir dicterdes toisfà ta France' stër le mode de son gouver-

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CHAPITM; VI. .205

nement et le choix de.la famille qui devait oc-

'cuper.lp trône; qu'ils reconnaîtraient les Bour-bons, volontiers et avec joie, mais que ce ne

pouvait être que par suite d'une déclarationpublique en leur faveur. M. Douhet rapportaen même temps une proclamation des Alliés,

signée Schwartzenbërg, qui, sans prononcer le

nom des Bourbons était faite pour servir puis-samment leur cause. On y déclarait les disposi-tions amicales des Alliés à l'égard de la France,

et on y représentait le pouvoir du gouverne-ment qui opprimait alors~ce pays comme le.seul obstacle à la paix. Les souverains alliés, ydisait-on, ne désiraient que de voir en francoun gouvernement salutaire qui cimenterait l'u-nion amicale de toutes les nations. Il apparte-nait à la ville de Paris de proclamer son opinion,et d'accélérer la paix du monde.

Munis de cette pièce importante qui indi-

quait clairement les désirs secrets des Alliés, les

Royalistes résolurent de faire un effort dans lamatinée du 31 mars. Leur premier projet étaitde prendre les armes et de se réunir au nombrede cinq cents gentilshommes; mais renonçant

prudemment à ce plan, ils se décidèrent à écar-ter toute, apparence de force et à n'employer

auprès de§ citoyens que des moyens de per-suasion.

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206 VLE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

Pendant ce temps, les amis du gouverne-ment impérial n'étaient pas dans l'inaction. Laconduite des basses classes, pendant la bataille

sur les hauteurs, avait pris un caractère alar-mant. Pendant quelque temps elles avaientécouté avec une sorte de terreur stupide letonnerre lointain du combat; elles avaient vuavec un étonnement passif la marche accéléréedes troupes qui se hâtaient d'aller renforcer les

lignes. Mais enfin les rassemblemens nombreux

qui se formaient sur les boulevards, et surtoutdans les rues voisines du Palais-Royal, prirentune apparence plus active. On commença àvoir sortir des faubourgs et des quartiers obs-curs ces membres dégradés de la société, dontles travaux mercenaires ne trouvent de relâche

quedans une débauche

grossière,invisibles

pour la plupart aux classes plus respectables dela société, mais que les temps d'agitation et decalamité publique font paraître pour ajouter àla confusion et à la terreur générale. Ces êtresobscurs se rassemblent dans les momens de dan-

ger public, comme le font, dit-on, les oiseauxde mauvais

augureet les

reptilesnuisibles au

commencement d'un ouragan sous les tropi-ques et leurs concitoyens voient, avec autantde dégoût que de terreur, des figures qui leursont aussi étrangères que si ces êtres étaient

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CHAPITRE VI. 20~

sortis 'd'un pays lointain 'et sauvage. Pariscomme toutes les grandes capitales, a sa part,et plus que sa part, de cette population dan-

gereuse C'était les rassemblemens frénétiquesde cette classe, qui avaient excité et exécutéles principales horreurs de la révolution, et cesmêmes êtres semblaient alors déterminés à en

marquer le dénoûment par la destruction de la

métropole. La ,plupart de ces bandits étaientsous l'influence de Buonaparte, et ils étaient

stimulés par les divers artifices qu'employaientses agens. Tantôt des cavaliers traversaient la

foule au galop, en l'exhortant à prendre les ar-

mes, et en l'assurant que Buonaparte avait déjàattaqué l'arrière-garde des ennemis. Tantôt ses

émissaires disaient que le roi dePrusse était fait

prisonnier avec une colonne de dix mille hom-

mes. Ailleurs de semblables agens annonçaientque les Alliés étaient entrés dans les faubourgset n'épargnaient ni l'âge ni le sexe, et ils affi-chaient contre lesmurailles des placards invitant

les citoyens à fermer leurs boutiques et à se pré-parer à défendre leurs maisons.

Cette invitation, à faire en faveur d'un des-

pote militaire les derniers sacrifices personnels,

Pius nombreuseà Londresqu'à Paris cependant.(j~.)'

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VTE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.so8

auxquels Saragosse s'était décidée pour défen-dre son indépendance nationale, fut mal reçuepar les Parisiens. Un Etat libre a des millions

de têtes, mais un gouvernement despotique setrouve dans la situation que désirait un empe-reur romain; il n'en a qu'une seule. Quand il futévident que l'empereur Napoléon avait perduson ascendant, nul marchand dans Paris ne futassezfou pour vouloir risquer pour lui sa bou-

tique, sa famille et sa propre vie, où pour con-

sentir, dans la vue de sauver la capitale, àprendre des mesures qui devaient commencer

par abandonner aux troupes alliées et à l'écumede la population de Paris même, tout ce quiméritait à ses yeux d'être conservé les armes àla main. Les placards dont nous venons de par-ler furent donc arrachés aussitôt qu'ils étaient

aSichés, et la classe la plus respectable des ci-toyens, ainsi que les gardes nationaux semontrèrent peu disposés à céder à des conseils

qui avaient pour but de les engager à une ré-

sistance désespérée.Cependant l'état de la capitale continuait à

êtrealarmant,

lapopulace

montrant alternati-vement des symptômes de terreur panique, defureur et de désespoir. Elle demanda des ar-

mes, on lui en fit une distribution partielle, et

il n'y a nul doute que, si Napoléon fût arrivé

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CHAPITRE.Vf. 20Q

dans ce momentde crise, il y aurait eu une ba-

taillesanglante par suite de laquelle Paris aurait

probablement subi le mêmesort que Moscou.

Mais quandle canon

cessa de. gronder, quandla fuite de Joseph et la capitulation. de la villefurent publiquement connues, le.conflit tumul-tueux des passions cessa tout à coup; le silence

y succéda, et le calme impassible et impertur-bable de la garde nàtionale maintint une tran-

quillité parfaite dans la métropole.

Dans la matinée du 3], on vit 'des groupesde Royalistes se réunir sur la place Louis XV,dans le jardin des Tuileries, sur les boulevardset dans les autres endroits publics, où ils distri-buèrent les proclamations des Alliés, et firent

entendre le cri oublié depuis si long-temps-de /~K~/<?.K<M/ D'abord ceux qui avaient pris

part à cette entreprise furent les seuls qui osas-sent répéter un signal si dangereux, mais peuà peu la foule augmenta, les,chefs montèrent a

cheval, et distribuèrent des cocardes blanches,des lis.et d'autres emblèmes de la royauté, dé-

ployant en même temps des bannières faitesavec leurs mouchoirs. Les dames de leur parti

leur prêtèrent leur appui; la princesse de Léon,la vicomtesse de Chateaubriand, la comtesse decomtesse de

Choiseul, et d'autres dames de haut rang; ,semontrèrent dans la foule, répandirent, avec

VlKDEN~f Bunt'TomeS. t4

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310 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

profusion les emblèmes de l'ancienne dynastie,et déchirèrent leurs robes pour en faire descocardes blanches quand elles eurent épuisé

leur, provision. Cet enthousiasme commença àse propager parmi la classe supérieure des bour-

geois ceux-ci-se rappelèrent leurs anciennes

opinions royalistes, et .par qui ils avaient étédéfaits dans la fameuse journée des Sections,quand Buonaparte avait préludé à sa renom-mée par la dispersion de la garde nationale. Des

piquets tout entiers commencèrent à substituerla cocarde blanche à la cocarde tricolore, ce-

~pëndant il s'en fallait de beaucoup que l'unani-mité régnât, et en quelques endroits il y eutdans les rues des provocations entre des partisde principes opposés. Mais cette tendance à ladiscorde fut détournée tout à coup, et l'atten-

tion des Parisiens de toutes classes et de toutesles opinions sefixa sur le spectacle imposant etterrible des Alliés qui commençaient à entrerdans la ville.

Les souverains alliés avaient préalablementreçu, dans le village de Pantin, les magistratsde Paris, et Alexandre s'était

expriméen termes

encore plus explicites que ceux de leur procla-mation. Il faisait la guerre, dit-il, à Napoléonseul à un homme qui avait été son ami, mais

qui avait abjuré ce titre pour devenir son en-

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CHAPITRE VI 211

nemi et' faire subir de grands maux à son em-

pisé. -Il ne venait pourtant pas dans le dessein

d'user de représailles mais pour conclure une

paix solide avec tel gouvernement que la Francevoudrait adopter. « Je suis en paix avec la

France, dit l'Empereur; je ne fais la guerrequ'à Napoléon. ))

Ces expressions gracieuses furent reçues avecd'autant plus de gratitude par les citoyens de

Paris, qu'on leur avait appris aiconsidérer le

prince russe comme un ennemi barbare et vin-dicatif. Tous ceux qui n'étaient, pas~attachés

par des liens particuliers à la dynastie de Napo-léon, commencèrent à regarder la restaurationdes Bourbons comme un port qui s'ouvrait ino-

pinément à un navire battu j~ar une dangereusetempête. L'honneur n'était pas compromis en

se rendant,. puisque les Français recevaientl'ancienne famille de leurs Rois ils ne cédaient

pas à la force,'puisqu'on leur laissait la libertédu choix. Ils échappaient enfin, comme par un

pont d'or, à un danger imminent..Une foule immense remplissait les boule-

vards, -grande promenade ouverte au public,

et qui, sous une variété de noms dinerens,~s'étend fout autour de la ville. Chacun voulaitvoir entrer les souverains alliés et leurs ar-

mées, que ce ~peupleinconstant après un in-

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t312 YJt: D~ NAPOLÉONBUONAPARTE.

tervalle de vingt-quatre heures, était disposéa regarder en amis plutôt qu'en ennemis; cu-riosité qui finit par se changer en enthousiasme

pour la personne de ces princes contre lesquelsune bataille sanglante avait été livrée la veille.sous les murs de Paris -et dont les cadavres de

ceux qui avaient succombé de part et d'autreenraient encore aux yeux la triste preuve.C'était un trait de caractère-national le Fran-

çais se soumet de bonne grâce, et avec une

complaisance réelle ou apparente, à ce qu'ilne peut éviter; et ce n'est pas le moindre avan-

tage de sa philosophie., qu'elle lui donne ledroit de prétendre que sa soumission est entiè-

rement volontaire, et nullement l'effet de la con-trainte. Un grand nombre de ceux qui, la veille,avaient été obligés de fuir les hauteurs qui pro-

tégentParis, crurent pouvoir, le lendemain ma-tin, soutenir que l'armée des Alliés n'était en-trée dans la capitale que de leur consentement,et avec leur permission, parce qu'ils avaientuni leurs voix aux applaudissemens qui avaientaccueilli leur arrivée. Pour épargner à leurville la honte d'avoir été prise de vive force,et s'abandonnant d'ailleurs au véritable enthou-`siasme que leur inspirait le plaisir de voir la

crainte de tous les maux qui menacent uneville prise d'assaut, faire placeau bonheur d'une

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CHAPITRt:VI al3

paix honorable. et de la concorde intérieure, les

Parisiens reçurent donc l'empereur Alexandre

et le roi de Prusse avec'des acclamations aussi

générales ques'ils étaient rentrés en

triomphedans leur capitale. Nous voyons, dans la dé-

pêche qSicielle de sir Charles Stuart, que dés

leur arrivée aux barrières, la foule était aussi

nombreuse que les acclamations étaient bruyan-

tes, de sorte qu'il était diSicile d'avancer. Mais

avant que les.monarques eussent atteint la porte

Saint-Martin pour tourner sur le boulevard,il y eut impossibilité réelle de continuer leur

route. Tout Paris semblait réuni sur un .seul

point un seul ressort dirigeait évidemment

tous les mouvemens. On se pressait autour

desmonarques, en poussant les cris unanimes

de T~M~l'empereur ~~a/M~ vive le roi de

Prusse qui semêlèrent aux exclamations roya-listes ~~e Roi vive ~OMM.X'~777 viventles ~OMr&OTzsOn pouvait appliquer à cette

unanimité inattendue les paroles de l'Ecriture,citées par Clarendon dans une occasion sem-

blable « Dieu avait préparé le peuple, car

cela se fit subitement. » La marche dura plu-

sieurs heures et, pendant ce temps, cinquantemille hommes de troupes d'élite de la Grande-

EnparlantdelarestaurationdeChartesn. (~)

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VIE DE NAPOLÉON BUONATARTEai~Armée et de celle de Silésie dénièrent le longdes boulevards en larges et profondes colonnes,présentant comme une forêt de bayonnettes,

entremêlées de longs trains d'artillerie, et pré-cédées par de nombreux régimens de cavaleriede toute arme. Rien ne surprit davantage lestémoins de cette scène magnifique, que le bon

ordre, la tenue admirable et l'équipement des*soldats et des*chevaux. On aurait cru voir des

troupes qu'on avait fait sortir deleurs casernes,

au sein de la paix, pour assister à quelque fêtesolennelle, plutôt que des régimens qui, pen-dant une longue campagne d'hiver, avaient

été constamment occupés de marches et de

contre-marches, engagés dans une suite conti-

nuelle de combats acharnés et sanglans; et qui,la veille même,avaient pris part aune action

générale. Après avoir fait le tour de la moi-,tié de Paris par les boulevards intérieurs de

cette ville, les monarques s'arrêtèrent dans les

Champs-Elysées, et leurs troupes furent pas-sées en revue par eux avant d'aller prendreleurs quartiers dans la ville. Les cosaques de

la gardeétablirent leur bivouac dansles Champs-

Élysées mêmes, qu'on peut appeler le Hyde-Park de Paris, et qui. devinrent ainsi un campde Scythes..

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CHAPITREVU. 2l5r

CHAPITRE VII.

10. JCraintes des Parisiens. Napoléon apprend la dissolution

du congrès~de Châtillon.–Opérations de la cavalerie fran-

çaise en arrière des Alliés. Prise du baron autrichien

Wessemberg. L'empereur, d'Autriche est presque sur-

pris.– Napoléon marche'à la hâte sur Paris, et arrive a

Troyes dans la nuit du 2g mars. Opinion-de Macdonald

sur la possibilité de secourir Paris. Napoléon quitte

Troyesle

30et rencontre à

quelquesmilles de Paris, Bel-

liard en pleine retraite. Leur conversation. Il prendla résolution de se rendre à Paris mais il s'en laisse enfin

dissuader! Il dépêche Caulaincourt à Paris pour y re-

cevoir les cpndidoNs'-des souverains alliés. II retourne

lui-même à Fontainebleau.

LORSQUEl'enthousiasme qui avait accom-

pagne Fentrée des Alliés dans Paris, et quid'un  jour d'humiliation avait fait un jour de

 joie et de fête, eut commencé a se calmer,une question délicate se présenta à l'esprit de

ceux qui se trouvaient tout à coup jetés dansune nouvelle révolution Ouétait Napoléon"?Qu'était devenue son arméè? Quels moyens

son esprit actif  et entreprenant possédait-il en-core pour rétablir ses affaires et se venger desa capitale révoltée? Ce terrible et mauvais

génie qui le~ avait si long-temps poursuivis

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2l 6 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

1 jusque dans leurs songes, et qui avait été sur-nommé avec raison le Cauchemar de l'Europe,n'était pas encore conjuré, quoique son in-fluence

s'exerçâtailleurs en ce moment. Cha-

cun tremblait à la seule idée de son retour a latête de toutes ses forces augmentées soit parl'armée d'Augereau, soit par les garnisons ti-rées des places frontières. Mais ces craintesn'étaient nullement fondées car, quoique Na-

poléon ne fut pas bien loin, ses moyens de ven-

geance étaient alors bien limités. Nous allonssuivre sa marche, depuis son mouvement à

l'est, des environs de Vitry sur Sain~Dizier,mouvement, qui avait iacihté la  jonction desdeux armées des Alliés.

Là, il fut  joint par Caulaincourt, qui venait

~pour lui apprendre la dissolution du congrès de

Chàtillon, et qui ajouta qu'il n'avait reçu lesinstructions que l'Empereur lui avait envoyéesde Reims, qu'après le départ des diplomates:Celles que lui avait ensuite dépêchées le comte

Frochot, ne lui étaient point parvenues.Pendant ce temps, la cavalerie de Napoléon

commençait contre l'arrière-garde des Alliés

les opérations méditées par l'Empereur, et ellefit prisonniers quelques personnages importans,qui voyageaient en toute sécurité, a ce qu'ilss'imaginaient, entre Troyes et Dijon. De ce0

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CHAPITREMI. 317

nombre fut le baron de Wessemberg quiavait-:été long-temps envoyé jle

la cour d'Autricheprés celle de Londres. L'empereur François lui

même,fut

presque surpris par les troupes lé-gères françaises:'II fut obligé de s'enfuir dansun 6~-o.s~ espèce de voiture russe, sansautre suite que deux domestiques, de Bar-

'sur-Aube à Châtillon', d'où il se retira à Dijon.Napoléon montra toute la civilité possible ason prisonnier Wessemberg, et le dépécha a

Fempereùr d'Autriche pour solliciter encoreune fois son intervention en sa faveur. La per-sonne du Roi actuel, alors 7~b/M~ auraitété une capture encore plus importante; mais

'les excursions de la. cavalerie légère n'allaientpas assez loin pour mettre en danger la sûretéde ce prince: ,`

Le s~ ars Napoléon 6t halte à Douleventpour concentrer ses forces et apprendre desnouvelles, II y resta aussi le 25 et s'y occupa

a consulter ses,cartes, et à dicter des instruc-

tions pourCaulainçourt, qu'il autorisait a faireetoutes les concessions possibles. Mais lejmo-ment. favorable, était passé. Dans la matinée

du 26, Napoléon fut éveillé parla nouvelleque les Alliés avaient, attaqué son' arrière-'~ardé sous les ordres de Macdonald, près de

Samt-Dizicr. H. partit sur-le-champ pour sou-

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218 VIE DE NArOljÉON BUONAPARTÈ.

tenir le maréchal, concluant dé cette attaqueque son projet avait  j~ussi, et que sa retraiteà l'est avait attiré à sa suite la grande armée

des Alliés/Les Alliés n'opposèrent à Napoléonqu'une cavalerie nombreuse et de l'artillerie

légère, mais point d'infanterie. Napoléon or-donna une charge qui réussit, et les Alliés recu-lèrent après une légère résistance. Il apprit alorsdes prisonniers qu'il venait d'avoir aBaire, nonaux troupes de Schwartzenberg, mais à celles

de Blucher. C'était une étrange nouvelle. Ilavait laissé Bliichermenaçant Meaux, et main-tenant il trouvait son armée sur les frontièresde la Lorraine.

f"-

Le 27, Napoléon ayant poussé une recon-naissance à l'ouest jusqu'à Vitry, le véritable.état des choses lui fut révélé il apprit que les

deux armées des Alliés avaient marché surParis, et que la cavalerie avec laquelle il avaiteu une escarmouche, était un corps de dixmille hommes laissé en arrière avec Winxin-

gerode, pour l'occuper, et former comme un

rideau pour cacher des mouvemens plus im-

portans. Chaque mot de cette nouvelle était

un coup de poignard.' Marcher à la hâtecontre les Alliés, les surprendre, s'il était pos-sible, avant que le canon de Montmartre eût

été réduit au silence telle fut la première pen-

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-1 CHAPITRE VII. alC)

sée de l'Empereur, et tout accoutume qu'il était

à courir les hasards les plus désespérés, jamais.il ne s'était vu réduit à une extrémité aussi

urgente;mais les marches et contre-marches.

de tant de troupes avaient épuisé de provisionsla route directe de Paris. Il était nécessaire de

faire un circuit par Troyes, et pour cela il fal-

lait rétrograder jusqu'à Doulevent. Là il reçutun petit billet en chiffres du directeur généraldes postés. La Valette, première nouvelle om-

ciellë qui lui fut parvenue de la capitale depuis1sdix jours. « Les partisans de l'étranger, encou-

ragés par ce qui se passe à Bordeaux, lèventla tête, disait ce papier des menées~secrétesles secondent. La présence de Napoléon est

nécessaire, s'il veut empêcher que sa capitalene soit livrée à l'ennemi. Il n'y a pasun moment

à perdre )). En conséquence l'armée précipitasa marche.

Au pont de Doulencourt, sur les bords de

l'Aube, l'Empereur reçut des dépêches qml'in&rmaient qu'on s'attendait de moment en

moment à une attaqué contre Paris. Napoléon

chargea son aide-de-camp Dejean de se rendre

en cette ville à bride abattue, pour y répandre

Retenus long-temps à Nogent et à<Montereau les cour-

riers avaient pu enfin .rejoindre Napoléon par Sens. et

Troyes. (/)

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320 VIE DE NAPOUEON. BUONAPARTE.

la nouvelle de son arrivée très prochaine. Il

lui remit deux bulletins décrivant sous descouleurs extravagantes une prétendue victoire

remportéeà

Arcis,et l'escarmouche de Sainte

Dizier Il marcha alors sur-Troyes, où ilarriva le même soir, 20 mars la garde impé-.riale ayant fait quinze lieues en un jour. Le 30,le maréchal Macdonald donna à Berthier, dansles termes suivans, son opinion, aussi saine quefrappante « Il est trop tard pour secourir Paris,

dit-il, du moins par la route que nous suivonsnous en sommes a cinquante lieues; il faut faireaumoins quatre jours de marches forcées, et en,

quel état est-il probable que l'armée arrivera

pour combattre? car plus de dépôts ni de ma-

gasins après avoir quitté Aube sur la Seine. LesAlliés étant hier à Meaux, ils doivent déjà avoir

poussé leurs gardes avancées jusqu'aux bar-rières. Il n'y a nulle raison d'espérer que les

corps réunis des ducs de Trévise et de Ragusepuissent les arrêter assez long-tempspour nous

permettre d'arriver. D'ailleurs, à notre.ap-proche, les Alliés ne manqueront pas de dé-fendre le passage de la Marne. Je suis donc

d'avis que, si Paris tombe au pouvoir de l'en-

<On les trouve dans la brochure de la .Rf~ee à

.C/o/.f. (~t.)

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aCHAPITRE VIÏ. 22]

nëmi, l'Empereur dirige,sa retraite sur Sens,pourréunir nos forces a celles d'Augereau, et

qu'après avoir laissé reposer nos troupes, il

livre bataille à l'ennemi sur un terrain choisi.Si la Providence a fixé notre dernière heure,nous mourrons du moins avec honneur, au lieud'être dispersés, pillés., faits prisonniers et mas-

sacrés par des cosaques. )) Les inquiétudes de

Napoléon pour le destin de sa capitale ne lui

permirent pas de suivre cet avis, quoiqu'il

semble que ce fut le plùs sûr pour le mettre amême, soit de faire un arrangement avec les

Alliés, soit de continuer une guerre formida- w

ble sur leurs derrières.De Troyes, Napoléon envoya à Paris un

autre aide-de-camp, le général Girardin, qui y.portait, dit-on, l'ordre de défendre la ville  jus-

qu'à la dernière extrémité, et à tous risques;mais en considérant les malheurs incalculables

qu'entrainait l'exécution d'un tel ordre, c'est;

la uneaccusation à laquelle on ne doit pas croiresans de meilleures preuves que celles que nousavons pu obtenir.

Le 3o mars, Napoléon partit de Troyes, et

ne rencontrant pas un seul ennemisur la route,il se jeta dansune carriole de poste; et précédason armée au galop, suivi d'une escorte très

peu nombreuse. Étant arrivé~de cette manière

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222 ~fl'IL: 7DE.NAPULF.ÔNvBUOPlAYrIRTE.222 ÂTE DE.NAPOLÉON BUONAPARTE.

-àTiHeneuve-rArchevéquë, i~serendit'àche-

vaJàFoùta.inebieau, et,quoiqu'ilfutnuit/itpartit de là en voiture pour Paris, accompagné

de Berthier et de Caulaincourt. En arrivant àune auberge nommée Z<xCoM/-e~jF'<Mc~ a

quèlques~milles de la capitale, il n'eut que

trop de preuves de.son changement de for-

tune, en rencontrant le général Belliard et sacavalerie.'Alors. la fatale nouvelle lui fut an-

énoncée.

Se précipitant de la voiture,/Napoléon" se'détourne vers Belliard, en. s'écriant « Queveut .dire ceci? Pourquoi êtes-vous ici'avecvotre cavalerie, Belliard? Où sont les ennemis?

Aux portes de Paris.. Et l'armée? Elleme suit. Où sont mafemme et mon Ris? Ouest Marmont? Oùest Mortier?–L'Impératrice'

est partie.pourRambouillet, et de-la pour Or-léans. Les maréchaux sont occupés a terminer

leurs arrangemens à Paris. )) II lui donna alorsles détailsde la bataille, et Napoléon voulut re-

partir pour Paris. Us"avaient.déjà fait environ

un~milleet demi. La même conversation con-

tinua et nous la donnons 'comme on Fa con-

servée, parce qu'elle fait ressortir le caractère

et les sentimens du principal interlocuteur,beaucoup mieux qu'on ne .pourrait le jugerd'après la manière dont il s'exprimait dans des

-).-

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CHATITRE Vil. aa3

occasions plus solennelles, et quand il avait envue quelque but particulier.'

`

Le général Belliard lui rappela qu'il.n'y avait

plùs de troupes à Paris. <( N'importe ,.dit Na-poléon, ~y trouverai la garde nationale. L'ar-mée me joindra demain ou après-demain, et jemettrai les choses sur un pied convenable.Mais il faut que je répète à Votre Majesté

qu'elle ne peut aller a. Paris la garde natid-

 /nale, en vertu du traité, monte la garde aux

barrières/et quoique lesjAlliés ne doivent en-trer dans la ville qu'à sept heures du matin, il

est possible qu'ils se soient ouvert un chemin

 jusqu'aux postes extérieurs, et que Votre Ma-

.jësté rencontre dés détachemens russes ou prus-siens aux portes ousur les boulevards. C'est

égal, je suis déterminé a y aller. Ma voiture!

Suivez-moi avec votre cavalerie. –Mais, Sire,Votre Majesté exposera Paris au risque d'unassaut et d'un pillage. Plus de vingt mille hom-'mes sont en possession des hauteurs/Quant a

moi, j'ai quitté la capitale par suite d'une con-

vention et par conséquent je ne puis y retour-

Etic est tirée d'un ouvrage qui porte des signes re-marquables d'authenticité, Mémoires du ~c/!py< .KocA,

pour servir à l'histoire de la campagne de 1814. (/~yM

aussi les J~o~'M ~e~.o/'c~a</o/?~ des ar/MeM <:&cc.f, ou-

-Yrage déjà cité.) `

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224

ner. Qu'est-ce que cette convention? qui l'aconclue ? Je ne'saurais le dire, Sire. Je saisseulement du. duc de: Trévise qu'il en existe

une, et que je dois me rendre à Fontainebleau.Que lait Joseph? où est le ministre de la

guerre ? Je n'en sais rien. Nous n'avons reçu~d'ordre ni de l'un ni de l'autre pendant toute la

 journée. Chaque maréchal a agi sur sa propreresponsabilité. On ne les a pas vus aujourd'hui'ià l'armée, du moins au corps du duc de Trévise.

Allons, il faut aller à Paris rien ne va bienquand) e suis absent; on ne fait que des bévues.)).

Berthier et Caulaincourt réunirent leurs ef-'¡

forts pour détourner l'Empereur de cette ré-solution. Il ne cessait de demander sa voiture.Caulaincourt l'annonça, mais elle n'arriva point.Napoléon continua a marcher d'un pas inégalet précipité, taisant questions sur questions re-lativement à ce qui lui avait déjà été expliqué.(( Vousauriez dû tenir plus long-temps, dit-il,et tâcher d'attendre l'arrivée de l'armée. Vousauriez dû soulever Paris, qui certainement ne

peut voir avec plaisir l'entrée des Russes; mettreen mouvement la

gardenationale, dont les dis-

positions sont bonnes, et lui confier la dé&hsedes fortifications que le ministre a fait con-

struire, et qui sont bien garnies d'artillerie. Les

citoyens auraient sûrement pu les défendrepen-

Y CE DE NAPOLÉON BUONAPARTE. 1

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CHAPITREVII. a 26

dant que les troupes dé ligne combattaient surles hauteurs et dans la plaine.-Je vous répète,Sire, que cela était impossible. Une armée de

quinzeà dix-huit mille hommes en a combattu

une de cent mille en attendant votre arrivée. Lebruit en a couru dans la ville et parmi les trou-

pes elles ont redoublé d'efforts. Les gardes na-tionaux se sont très bien conduits, soit comme

tirailleurs, soit en défendant les misérables re-doutes qui protégeaient les barrières.–Celaest étonnant. Combien dé cavalerie aviez-vous?

Dix-huit cents hommes, Sire, en y compre-nant la brigade de Dautencour.– Montmartre,bien fortifié et défendu par dé grosses piècesd'artillerie, aurait dû être imprenable. -Heu-

reusement, Sire, l'ennemi pensait de même, etil s'est approché des hauteurs avec beaucoup

de circonspection. Mais il n'en avait pas besoin;nous n'avions que sept canons de six. Que

peut-on avoir fait de mon artillerie? Je devaisavoir plus de deux cents pièces de canon etassez de munitions pour les servir pendant unmois. La vérité est, Sire, que nous n'avions

que des pièces de campagne, et à deux heures

nous fûmes obligés de ralentir notre feu fautede munitions, Allez, allez, je vois que cha-

cun a perdu l'esprit. Voila ce que c'est que

d'employer des gens qui n'ont ni sens communViKosNAp.Buojr.Tome8. '5

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226 YIE DE NAPOLEON BUO~i APARTE.

ni énergie. Eh bien Joseph s'imagine être enétat de conduire une armée; et Clarke, qui n'est

qu'un routinier, se donne les'airs d'un grand

ministre mais l'un n'est qu'un. et l'autreun. ou un traître, car )e commencea croirece que Savary disait de lui )). La conversation

continuant de cette manière, ils étaient à unmille plus loin, de la Cour de France, quandils rencontrèrent un corps d'infanterie sous lesordres du général Curial. Napoléonlui demanda

des nouvelles du duc de Trévise, au corps du-quel il appartenait, et il fut informé qu'il était:l;encore à Paris.

Ce fut alors que, d'après les remontrances

pressantes de ses officiers qui voyaient qu'ense rendant à Paris, il courait à la mort ou à la

captivité, Napoléon retourna enfin sur ses pas

et ayant abandonné l'inflexible résolution quil'aurait conduit dans cette ville à tout risque, ilsemble qu'il considéra son destin comme"dé-

cidé, ou du moins il se relâcha beaucoup de lafermeté qu'il avait d'abord opposée à la mau-

vaise fortune.Il retourna à la Cour de France, et ordonna

qu'on disposât les troupes, à mesure qu'ellesarriveraient, sur les hauteurs de Longjumeau,derrière la petite rivière d'Essonne. Désiranten même temps renouer la négociation pour

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CHAPITRE Vtl. 227

la paix que quelques succès éphémères luiavaient fait rompre à Châtillon, Napoléon en-

voya Caulaincourt à Paris, non plus pour né-

gocier, mais pour apprendre et accepter lesconditions que les souverains alliés voudraientlui imposer. Il retourna la même nuit à Fon-

tainebleau, où il s'installa non dans les grandsappartemens, mais dans une chambre parti-culière et plus retirée. De tous les événemens

étranges qui s'étaient passés dans cet antique et

vénérable palais, c'était du plus extraordinairede tous qu'il allait être témoin.

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.228

CHAPITREVIII:

Les Souverains alliés annoncent par une proclamation qu'ilsne traiteront pas avec Buonaparte.-Le Sénat Conservateurnomme un gouvernement provisoire, et rend un décret

prononçant la déchéance de Napoléon. Ce décret estsanctionné par des déclarations de toutes les autorités con-stituées de Paris. -Discussion sur la légalité de ces actes.

Sentimens des classes inférieures et du militaire à l'égardde Napoléon. Le 4 avril, Buonaparte signe son abdi-

cation du,trône de France. -,Agitation qu'il éprouve en-suite, et'désir qu'il montre de continuer la guerre.L'acte d'abdication <st définitivement envoyé.

PENDANTque Napoléon ne respirait que ledésir de recouvrer par la.guerre ce que laguerre lui avait ravi, ou du moins de faire unepaix qui le laissât à la tête du gouvernement de'

la France, les événemens politiques qui se pas-~aient.à Paris tendaient directement à renverserson pouvoir.

Ses grands, talens militaires et l'extrême in-flexibilité de son caractère avaient profondé-ment enraciné dans l'esprit des monarquesalliésl'idée qu'une paix durable ne

pourraitavoir

lieu en Europe tant qu'il resterait à la tête dela nation française. Chaque concession qu'ilavait paru disposé à faire àdifférentes époques,lui avait été arrachée par les dimcultés toujours

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CHAPITRE VIII. 229

croissantes de sa position; et s'il cédait,quelquechose, c'était avec une telle répugnance, qu'on

pouvait bien le soupçonner de'vouloir tout re-

prendre si la ligue des Alliés venait à se dis-soudre ou à perdre de sa force. Quand doncCaulaincourt arriva à Paris, de la part de son

maître, avec les pleins pouvoirs de souscrire à

toutes les demandes faites par les Alliés, on nelui refusapas positivement audience, mais avant

qu'il fut admis à une' conférence avec l'empe-

reur Alexandre, à qui il était chargéde s'adres-ser, les souverains avaient pris des engagemensqui ne leur permettaient plus de traiter avec

Napoléon.Après la marche triomphale des souverains

alliés dans'Paris, l'empereur de Russie s'arrêta

à l'hôtel de Talleyrand. Il y était à peine des-

cendu, que les principaux Royalistes, et ceuxqui avaient agi de concert avec eux, se présen-tèrent pour lui demander une audience. Outre

l'empereur Alexandre, le roi de Prusse et lé

prince Schwartzenberg, étaient présens le'gé-néralPozzo di Borgo,Nësseirode, Lichtenstein,le duc Dalberg, le baron Louis, l'abbé de Pradt

et d'autres. Troispoints furent mis en question1°. La possibilité d'une paix avec Napoléon,

moyennant des garanties suffisantes; 2°. le pland'une régénce; 3°. la restauration des Bourbons.

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VIE DE NAPOLÉON BUOISAPAR'JL'Ë.a3o

La première proposition parut inadmissiblela seconde fut discutée attentivement. On fitsurtout valoir que les Français étaient indiffé-rens à la cause des

Bourbons; queles monar-

ques alliés ne verraient aucun signe indiquantque le peuple français en eût conservé le sou-

venir, et que l'armée particulièrement parais-sait leur être contraire. Le témoignage réunides gentilshommes français présens à cette con-

férence, fut invoqué pour repousser ces doutes;

enfin, il fut décidé que la troisième proposi-tion, la restauration de la famille royale et lerétablissement des anciennes limites de la Fran-

ce, serait adoptée comme les conditions de la

paix. Les souverains firent répandre sur-le-champ une proclamation pour faire connaîtreeleur détermination de ne, traiter ni avec Buo-

naparte ni avec aucun membre de sa famille.Mais il Fallait des preuves plus formelles,et quelques mesures sous forme légale, pourprouver que les désirs du peuple français appe-laient également ce changement proposé de

gouvernement. Le corps de FËtat qui auraitdû naturellement prendre l'initiative, dansune

aQaire si importante, était le Corps Législatif,auquel la constitution de Napoléon-accordaitquelque droit ostensible d'intervention dans les

périls extrêmes. Mais l'Empereur avait été si

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CHATITRJE'VIII. a3iloin de reconnaître en pratique l'existence de

cedvoit, que, des que cette assembléese permitde lui adresser-une remontrance, quoique con-

çuedans les

termes les plusrespectueux,il

sus-pendit ses fonctions, et manda les membresde-vant les marches de son trône pour y recevoirune mercuriale, en.leur apprenant que ;ce.n'é-tait pas eux, mais que c'était LUIqui était le

représentant ~dupeuple qu'il n'y avait pointappel de. sa volonté; et, qu'a l'exception de lui.

seul, nul corps n'avait de'pouvoir ni d'influencedans l'Ëtat.'Le Corps Législatif étant donc pro-.rogé et dispersé, ne pouvait prendre l'initia-tive en ce moment..

Le génie fertile de Talleyrand chercha un

organe de l'opinion .publique.ou ~peu_de gensauraient songé à le trouver, dans le Sénat

Conservateur, dont les membres avaient été silong-temps les instruméns des projets les plusextravagans de Buonaparte et les échos de sesdécrets les plus despotiques; dans ce corps dontil avait dit lui même,avec autant de vérité qued'ironie, qu'il mettait plus d'empressement àabandonner lesdroits de la nation qu'iln'en avait

 jamais mislui-même a en demander le sacrificedans ce corps pour qui un signe de lui fut tou-

 jours un ordre, et toujours empresséde prévenirou d'oûtrë-passer toutes ses demandes. Cepen-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.-232

dant, quand ce Sénat, convoqué par Talleyrandyqui savait fort bien à qui il avait affaire, se fut

assemblé au nombre de soixante-six membres 1

formant la majorité, il nomma sur-le-champ,et sans hésiter, un gouvernement provisoire,composé de Talleyrand, Beurnonville, Jau-

court, Dalberg et l'abbé de Montesquieu, hom-

mes recommandables par leurs talens et leur

modération, et dont les noms, connus dans-la

révolution, pouvaient en même temps servir

de garantie à ceux qui craignaient que la res-tauration de l'ancienne race des Rois ne rame-nât le rétablissement de l'ancien gouvernementdespotique.

Les 2 et 3 avril, la cognée est appliquée aux

racines. Le Sénat publie le décret suivant, por-tant l°. que Napoléon Buonaparte avait, pen-

dant quelque temps d'un gouvernement fermeet prudent, donné à la nation des sujets de

compter pour l'avenir sur des actes de. sagesseet de justice; mais.,qu'énsuite il a déchiré le

pacte qui l'unissait au peuple français, notam-

ment en levant des impôts et en établissant des

taxes autrement qu'en vertu de la loi, contre

la teneur expresse du serment de son sa-cre s", qu'il a ajourné sans nécessité le Corps

Législatif, et supprimé comme criminel un

rapport de ce corps, auquel il contestait son

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CHAPITRE VIII. a331

titre et son droit à la représentation natio-

nale 3". qu'il ainçonstitutionnellement rendu

plusieurs décrets portant peine de mort, nom-

mément les deux décréts du 5 mars dernier,tendant à faire considérer comme nationale une

guerre qui n'avait lieu que dans l'intérêt de sonambition démesurée; qu'il a violé la consti-

tution par ses décrets sur les prisons d'Etat

5°. qu'il a anéanti la responsabilité des minis-

tres, confondu tous les pouvoirs de l'Etat, et

détruit l'indépendance des corps judiciaires6°. que là liberté de.la presse, établie et consa-crée comme un des droits de la nation, a été

constamment soumise à la censure arbitrairede sa police et qu'en même temps il s'est servi

toujours lui-même de la presse pour remplir laFrance et l'Europe de faits controuvés, de

maximes fausses, de doctrines favorables audespotisme et d'outrages contre lés gouverne-mens étrangers; 7°. qu'il a de sà propre autorité

altéré dans la publication des actes et des rap-

ports adoptés parle Sénat; 8°. qu'au lieu de

régner, aux termes de son serment, dans la

seule vue de l'honneur et de la gloire du peuple

français, Napoléon a mis le comble aux mal-heurs de la patrie par son refus de traiter à des

conditions que l'intérêt national l'obligeait d'ac-

cepter, et qui ne compromettaient pas l'honneur

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.234

française par l'abus.qu'il.avait fait de tous.lesmoyens qui lui avaient été conBés en hommeset en argent; par l'abandon des blessés sans se-

cours, sans pansement et sans subsistances; pardifférentes mesures dont'lés suites avaient étéla ruine des: villes, la dépopulation des cam-

pagnes, la famineet les maladiescontagieuses.Considérant que,, par toutes ces causes, le

gouvernement impérial, établi. par le sénatus-consulte du 28 floréal an xii a cessé d'exis-

ter, et quelevœu manifeste de tous les Françaisappelle un ordre de choses 'dont le premier ré-sultat soit le rétablissement delà paix géné-rale, et qui; soit aussi l'époque d'une réconci-liation solennelle entre tous les États de la

grande famille européenne, le Sénat"déclare et

.décrète que Napoléon Buonaparte est dé-

chu du trôné, et le droit d'hérédité aboli'danssa famille 2°. :le;peùplefrançais et l'armée sontdéliés enyers lui dù serment de fidélité prêté à

Napoléon et a sa constitution.Environ quatre-vingts membres du Corps

18. mai [8o4. (~)

Le. Sénat se composait de cent quarante membresdont six appartenaient à ]a famille .impériale et vingt-septétaient étrangers a rancie'nne France: il n'y eut que soixante-

quatre sénateurs présens à )'assemb)éc, dont neuf étaient

.des pays réunis. (~<.)('

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CRAF1TIΠVIII 235

Législatif, d'après une convocation faite par legouvernement .provisoire s'assemblèrent .le3 avril, et adhérèrent formellement au susditdécret de déchéance. Les suites de ces mesures

hardies prouvèrent ou que Napoléon n'avaitréellement jamais eu qu'une part bien faibledans,l'affection du peuple français, ou que l'in-térêt qu'on prenait à safortune avait disparu engrande partie au milieu des craintes et des pas-sions.excitées par ce moment de crise, Même

avant que le Sénat eût rédigé son décret, le,conseil général du département de la Seine avait

déclaré-qu'il ne Teconnaissait plus l'autorité.de Napoléon, et l'avait accusé d'avoir été lui.seul la cause des désastres de la France. Le dé-cret du Sénat fut suivi des déclarations de tousles corps publics de Paris et des environs, qui

reconnaissaient le gouvernement provisoire etacquiesçaient au décret de déchéance. Parmiceux qui devaient-leur richesse à la faveur dé

Napoléon, il y en eut ungrand nombre qui fu-rent des premiers à se déclarer contre lui avecla fortune mais il avait toujours eu pourmaxime de se faire des,partisans en s'adressant

à l'intérêt plutôt qu'aux principes et bien desamis qu'il avait gagnés de cette manière prou-vèrent naturellement la justesse de cette, ob-servation politique, «que ceux qu'un prince a

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.VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.s36

enrichis pensent d'abord, dans les momens de

danger, aux moyens de conserver les~ avanta-

ges qu'ils ont obtenus, sans s'inquiéter du des-

tin dé celui à qui ils en sont redevables. »Nous ne croyons pas que, tandis .que ces

événemens se passaient, il soit venu à l'idée de

personne de jeter un doute, soit sur le fond,soit sur la forme du décret de déchéance portécontre Napoléon; mais le temps a suscité plu-sieurs auteurs qui, les uns séduits par l'éclat

de sa gloire, les autres, attachés à sa personnepar les liens de la reconnaissanceou.de l'amitié,ont attaqué plus pu moins directement la jus-tice de la sentence du Sénat et les formes d'a-

près lesquelles il la rendit. Nous croyons donc

devoir examiner un instant cet événement re-

marquable, sous ce double point de vue.

Le Sénat avait-il le droit de se considérercomme l'organe du peuple en prononçant la

déchéance ? C'est une première objection;. elle

est fondée sur l'idée que le droit de détrônerle souverain coupable' d'une oppression deve-nue insupportable, ne peut être exercé qued'une manière'particulière, ou,, suivant notre

phrase légale, « conformément au statut fait etpourvu pour le cas )) C'est une manière bien

~ecort&y~tothe~<MMmadeand providedM~i~case.(~&)

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CHAPITREVIII. a3!y

étroite de considérer le sujet. Le' droit de serendre justice n'appartient à aucune forme

particulière du gouvernement civil, et n'est li-mité

par aucune. C'est undroit

qui appartienta la nature humaine sous tous les systèmes pos-sibles. Il existe danstous les gouvernemens quisont sous:le soleil, depuis celui dudey d'Alger

 jusqu'à la république la plus libre qu'on ait ja-mais pu imaginer. A là vérité, on trouve unelatitude beaucoup plus grande pour l'exercice

de l'autorité arbitraire dans certains gouverne-mens que dans d'autres. Un empereur de Maroc

peut tremper ses mains dans le sang de ses peu-ples et le verser lui-même mais encore dans ce

despotisme, le plus absolu de tous, il est cer-taines bornes que le souverain ne peut excédersans provoquer contre lui. le, droit naturel de.

résistance, quoique sa forme de gouverneméntsemble arbitraire au-delà de toute expression.C'est ainsi que l'empereur des '.Turcs est* sou-vent détrôné et massacrepar ses propres gardes.

D'une autre part, dans les gouvernemenslimités, tel que celui de la Grande-Bretagne,la loi nxe des bornes que l'autorité royale n'e

doit pasfranchir; mais elle ne pourvoit pas ace qui doit avoir lieu lorsqu'un monarquecomme 'dans le cas de Jacques II, viole le

pacte social. La constitution détourne les yeux

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2 3 8 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

pour ne pas envisager un tel événement il es~même prononcé impossible; et, quand le cas seprésente, quand il est devenuune nécessité in-

dispensable de prendre un parti, on agit commedans un concours de circonstances sans précé-dent, et qu'on doit regarder. comme ne pou-vant plus se représenter. L'étranger qui cher*~che dans'notre'constitution les formes qu'onobserve dans un événement semblable a la ré-volution de 1688, ferait aussi bien de chercher

dans un ~y'/zp~e ac~ des instructions pour agirdans un cas semblable à celui de Phaéton.Si le mode'de secouer un joug oppresseur,

en déclarant l'abdication ou la déchéance du

monarque, n'a pas de forme nxe dans un gou-vernement régulier, et se règle par conventionou autrement, suivant que peut l'exiger une

telle anomalie politique, on devait encore bienmoins supposer qu'une constitution semblableà celle de la.France, d'où Buonaparte avait eugrand soin de bannir tout moyen de tenir enéchec le pouvoir exécutif, pût offrir une formerégulière de procéder pour déclarer la dé-chéance de la.couronne. Il avait pris toutes les

précautions qu'un despote pouvait prendre

~cM de barrière pour régler le péage des voituressur les grandes routes; (~)

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CHAl'ITIU; VUI. 23g

pour ne laisser exister aucun tribunal devant

lequel le peuple pût l'accuser, mais prétendra-t-on que le peuple eût pour cela perdu le droit

d'accusation et celui d'obtenir le redressementde ses griefs? S'il avait transformé les Sénateursen esclaves soumis à sa volonté comme nous

venons de lé dire s'il avait prorogé le Corps

Législatif  par un coup d'autorité arbitraire,

devait-il pour cela échapper au châtiment,queméritait son mauvais gouvernement? Au con-

traire, la nation française, comme la Grande-Bretagne a l'époque de la révolution de 1688,devait agir, aussi-bien qu'elle le pouvait, pourveiller ~Vg~M~Ke/z~ ~pMMca,copM~Le Sénat n'était peut-être pas le meilleur or-

gane possible' pour exprimer l'opinion publi-que maisc'était le seul que Napoléon eût laissé

dans la circonstance,*actuelle., et ce fut pourcette raison qu'on y eut recours et qu'on s'en

seryit. S'il était composé d'hommes qui avaient

si long-tempsépousé les intérêts de Napoléon,et qui se trouvaient alors hors d'état de mar-

cher;.de concert avec lui, les vices de son

gouvernement et la nécessité extrême du

Formule romaine, lorsque dans un danger extrême

la république ordonnait à un des consuls dé veiller à ce

qu'il /n/7t~< <7MC«n<0/KM<e f< réPublique. (Édit.)

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~CHAPITRE YIH. S~L L

Frahce. Dans les classes, moyennessurtout,)beaucoup de gens se rappelant les premièresfureurs de la révolution, s'étaient volontaire-

ment soumis-àunjoug qui avait pris peu à peuun.caractère de despotisme, plutôt que;de cpu-rir-Ie risque, en luttant de nouveau pour :là

liberté ,/de faire renaître lés')ours.de là.terrëuret des .proscriptions. C'est eîi nous mettant à la

placé d'un citoyen de cette classe qui veut sans'doute l'honneur et l'avantage de Sonpays, mais

qui cherche en même temps une .protectionpour sa famille et ses propriétés ,.que nous al-lons tâcher maintenant de considérer là questiondé.la déchéance de Napoléon. v

L'esprit de cet homme se reporterait natu-rellement a l'époque où Buonaparté~ de rétour

.d'Egypte', avait paru sur la scène comme une

divinité descendant du-ciel pour trancher une1.sorte de nœud gordien que toute l'adresse .hu-maine n'aurait pu dénouer. Notre citoyen con-yiendrait'-peut-être que Napoléon s'était servi

du glaive, un peu.trop librement,' ou, en.termes

un es qué dissoudre le ~onséil des Cinq-plus simples, que dissoudre le Conseildes Cinq-Cents à la tête de ses grenadiers,, était un'mode

fort étrange de s'élever au pouvoir dans un.pays-qui se disait encore libre. Cependant cesentiment se trouverait balancé par le souvenirrde l'usage que Napoléon avait ïait du pouvoir

VtEDRNAp.BuoN.TomeS.8. ')6

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VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTE.2~2

acquis de cette manière il ne pourrait faireoublier tant de victoires remportées sur les en-nemis extérieurs, l'extinction des dissensions

intestines,la sécurité des

propriétés,et

même,pendant quelque temps, la liberté personnelle.Napoléon avait fait passer là France d'un étatde division et'de faiblesse, et de tous les maux

d'une invasion prochaine à celui de maîtressede l'Europe ce service justifierait peut-être le.parti qu'on avait pris de,confier l'autorité à des

mains .si habiles, et servirait d'excuse auxmoyens que Napoléon avait employés, pourl'obtenir, surtout. à une-époque où les change-mens violens et successifs, qui avaient si long-temps agité, la nation, l'avaient rendue insensi-ble aux irrégularités dugenre de celles dé là-ré-volution du 18.brumaire. Probablement même

notre citoyen ne serait pas trés~choqué.de voirNapoléon prendre la couronne. La monarchieétait l'ancien gouvernement de la France, etdes changemens multipliés n'avaient servi qu'àprouver que les Français ne pouvaient adopteraucune forme de gouvernement qui offrît le

même degré destabilité.. A la vérité, les Bour-

bons tenaient dè,leur naissance le droit de.mon-ter sur le trône, s'il était relevé mais ils étaienten exil, séparés de la France par la guerre civile,par des préjugés de parti, par les risques d'une

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CHAPITREX.. ( 243

réaction, et pàr mille autres difficultés qui sém-

blaient alors insurmontables. Buonaparte était

debout sous le dais, il tenait lé sceptre d'une

main ferme, 'on regardait comme tout naturelqu'il s'assît sur le trône..

Notre Parisien-supposé passerait encore en

revue cette suite d'années dont l'éclat sans tache

charme la raison .et la réduit au silence. C'est

alors que les entreprises de l'Empereur se suc-

cèdent dune manière merveilleuse, chacune

d'elles vient contribuer à l'érection de' cettecolonne triomphale de la conquête, dont la.

Grande-Bretagne, cette uè indocile et opiniâtre,devait former le couronnement, et.sur laquelleon pouvait se figurer Napoléon, les armes à la

main, foulant l'univers sous ses pieds. Tels

étaient les nobles travaux dont s'occupaient la

France et son monarque.Ils exigent le sacrificedes enfans et des frères pour remplir les rangstous marchent où l'honneur les appelle et où lavictoire les attend. Soudain le temps se rem-

brunit cette pierre, élevée avec tantd'efïbrtsà une prodigieuse hauteur, est retombée sur

celui qui voulait lui donner une position con-

traire à la nature. C'est alors que chacun sentl'étreinte des fers que les succès avaient fait pa-raitre légers. Le père ne~loMpas pleurer son Bis

tout haut, l'Empereur ~vait besoin de ses ser-

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2~4 VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTE.

vices; le patriote ne doit~pas dire un seul motsur les affaires publiques, le cachot est ouvert

pour lui.

Chaque jour la nouvelle de nouveaux désas-tres arrive d'Espagne et de Russie; quel charme

le Français peut-il encore trouver dans le sou-

venir de ses précédentes victoires? Ce sont elles

qui ont attiré sur la~France la haine de l'Eu-

rope fait couler les larmes des familles, occa-

sionné la ruine des fortunes, l'invasion étran-

gère et presque une banqueroute nationale.Tous lès ans les enfans dela France sont déci-més. D.estaxes annuelles de quinze cents mil-

lions remplacent les quatre cents millions qu~on

payait sous le règne des Bourbons le peu de

vaisseaux qui restaient a là France pourrissentdans ses ports; ses plus braves enfans sont mas-

sacrés sur leur sol natal une guerre civile surle point d'éclater la moitié de la'France est

couverte d'ennemis. Cette situation déplorableavait-elle été causée par la nécessité de dé-

fendre avec courage,.quoique sans succès, au-

cun des droits de la France ? Non. La France

aurait pu jouir de ses triomphes dans la paix la

plus profonde: Deux guerres, l'une contre FEs-

pagne et l'autre contre la Russie, d'où est partila première étincelle de cet incendie général,ont été entreprises sans but national, sans motif 

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CHA;P[TM: X, a451 ('

raisonnable, uniquementparce que la.moitié de

l'Europe ne pouvait satisfaire l'ambition d'unhomme. Ici, notre citoyen demande si l'Emp'e-

reur, ayantcommis la faute terrible de com-

mencer ces guerres, s'était efforcé de conclurezla paix avec les peuples qu'il avait attaqués. On

lui répond que la paix a.été oËerte à Napoléona condition qu'il céderait ses conquêtes,'maisqu'il a préféré risquer .le royaume d.e France

plutôt que de céder ce qu'il appelait ~g'Zoï/ terme

qu'il appliquait successivementà tout ce

qu'on lui demandait d'abandonner; que mêmeà Châtillon,~ plusieurs )ours se passèrent pen-dant lesquels il aurait pu se tirer d'embarras enconsentant que la France rentrât dans les limites.

qu'elle avait eues sous les Bourbons, mais quele demi-consentement qu'il avait accordé.acette

proposition, il l'avait rétracté par suite de quel-ques succès éphémères, et que, ennn, forcés

par. cette.indomptable obstination les sou-

verains alliés avaient solennellement déclaré

qu'ils n'entreraient en traité ni avec lui ni avecses adhérons. Notre citoyen chercherait natu-

rellement alors quelque moyen d'échapper à

un danger si éminent, et il apprendrait que cettepaix, quel'es princes alliés refusaient à Buona-

parte, ils l'onraient et étaient prêts à l'accorder.au. royaume-" de' France sous quelque autre

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VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTË.246

gouvernement. II apprendrait aussi que si l'on

acceptait ces conditions, il y avait toute proba-bilité qu'il s'ensuivrait une paix sûre et hono-

rable,et

quesi on

les refusaitla

conséquenceinévitable seraitune bataille entre deux grandesarmées sous des murs de Paris, menacéd'êtreréduit en cendres, quel que fut le parti quiremportât la victoire.

Ce serait alors que le citoyen de Paris serait

probablement en état de décider la question lui-

même mais s'il consultait,un jurisconsulte, ilapprendrait que Napoléon portait la couronne,non par droit de naissance, mais par le choix, ou

plutôt par la permission du peuple., comme un

administrateur tenu deveiller à l'intérêt général.Or, toute obligation, légalepeut être annulée

de la même manière qu'elle a été formée. Si

donc le-gouvernement de Napoléon n'avait pluspour but l'avantage dela France, mais, au con-

traire, tendait évidemmentàsa ruine, la Franceavait le droit de se débarrasser de lui, commed'un serviteur incapable de remplir ses devoirs,ou comme si des marins avaient pris à bord

pour leur pilote un second Jonas, qu'il serait

nécessaire de sacrifier, pour apaiser une tem-pête dévenue menaçante par sa faute. Oh peutsupposer que ce fut d'après un raisonnementsemblable qu'agirent les bourgeois de Paris, qui

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CHAPITRE X'. a47

certainement rie manquaient ni de prudence nide patriotisme, et tous ceux qui avaient quelquechose à perdre dans cette villes

'La classe inférieuredes~habitans,

oupourmieux dire la populace, n'était pas accessible

aux mêmes argumens. Elle avait été léguée aBuonaparte comme un apanage de la repu-.blique, dont on Fa justement appelé l'héritier.

,.Sapolice avait eu soin de se conserver des liai-sons avec elle, et elle ën~gardait lés principaux

chefs à la solde et sous la dépendance du gou-vernement. Les nomsdes choses avaient changéautour dé ces hommesignorans, sans qu'ils sen-

tissent leur situation beaucoup changée. L'a

gloire de,la France était un mot qui leur inspi~rait, autant d'enthousiasme que les droits del'homme en avaient fait naître en eux~autrefois,

et le sàlau-e qu'ils recevaient chaque jour quandils étaientoccupés a destravaux publics, commecela leur arrivait fréquemment, n'était pas un

échange désavantageux pour la liberté et l'éga-lité .depuis qu'ils pouvaient dire comme le

pauvre savetier « Belle liberté,, ma foi, quime'laisse raccommodant des souliers. comme

elle m'a trouve )) Les bulletins et les journauxqui faisaient sonner bien haut les victoires de

Napoléon, animaient et amusaient les habitans

des faubourgs autant que les discours des ora-

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VIE DE NAPOLÉON- BUONAPARTE.s48

teurs républicains; car dans de pareils triomphésd'une nation, le pauvre a une part aussi ample

que ses plus riches' voisins. -Les maux de 1%

guerre; au contraire,.étaient moins sentis parles pauvres. Leur pauvreté même les mettait

à l'abri des contributions et les enfans dont

la conscription les privait, se seraient séparés.

d'eux, suivant toutes les. probabilités, pouraller chercher leur subsistance ailleurs. < Dans.

le momentactuel, leur haine contre les étran-

gers, cette haine, attribut particulier des gens-de cette classe venait à .l'appui de leur adini-

ration pour Buonaparte. Dans une bataille, ils

avaient qùelque .chose a gagner et n'avaient

rien à perdre:que leur vie, ce dont, par un effet

de la bravoure.nationale, ils s'inquiétaient peu.Si Napoléon avait été à Paris, il aurait pu faire

usage de cette force. Mais en son absence, lapropriété sut habilement faire pencher la ba-

lance de son côté la force contraire fut ainsi

neutralisée, 'et l'appareil imposant des Alliésmaintint les faubourgs dans la soumission.

'Les dispositions des militaires,étaient, une'r

question de grande importance. Accoutumés

à suivre Napoléon dans tous les climats et aumilieu des dangers de toute espèce, leur atta-

chement à sa personne allait sans contredit jus-

qu'à l'enthousiasme du dévoûment. Mais cela

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CHAPITRE X. 3~g

ne pouvait se dire en généraFque des omciers

et des soldats. Les maréchaux et beaucoup de

généraux étaient moins exaltés pour Napo-léon. Ils

commençaienta

regarderl'intérêt dé

la France et celui de leur chef  comme distiriétsl'un de l'autre~ Beaucoup~d'omci ers aubaltern'eset même de soldats partageaient cette opinion

~C'était de Paris qu'étaient partis tous les chan-~

gemens d'après lesquels l'armée s'était gouver-née à chaque crise de la~révolutton, et main-

tenant on lui demandait de s'engager dans uneentreprise qui devait probablement être~fataleà la capitale. Marcher contre les Alliés et leurlivrer une bataille sous lés murs deParis, c'était

exposer la destruction la cité dont le- nom a

quelqué.chose de sacré et d'inviolable pour tous

les Français. Lès maréchaux surtout étaient las

d'une guerre dans laquelle chacun d'eux, sansmoyens proportionnés de résistance avait été

successivement chargé d'arrêter une force en-

nemie, avec la certitude, s'il n'y réussissait pas,d'être livré à la censure publique dans le bul-letin suivant, quoique placé dans des circon-stances qui rendaient le succès impossible. Ils

étaient plus en état que l'armée en général decomprendre la nature de la guerre, et d'appré-cier les dimcultés d'une lutte qu'il faudrait sou-tenir à ravenir,'sans argent, sans munitions,

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VÏE .DE NAPOLÉON. BUONAPARTE.a5o'

sans livres, sans autres ressources,que celles

qu'ils pourraient arracher au pays dont ils étaient

enpossession militaire, d'ailleurs,nonseulementils

auraient à combattre les Alliés qui étaient

1

alors en France, et le corps de Royalistes in-

surgés qui's'étàient déclarés dans l'Ouest, maisencore contre une seconde ligne ou corps deréserve de trois à quatre cent mille RussesAutrichiens et autres qui n'avaient pas encoree

passé les frontières.,

D'ailleurs les soldats .qu'il fallait conduirecontre l'armée étrangère avaient été réduits àun état désastreux par leurs dernières marches

forcées, et par le manque d'approvisionnemensde toute espèce. La cavalerie était démontéeen grande partie, les régimens n'étaient pas a'demi complets les chevaux manquaient de

fers. Au physique, l'armée était donc en mau-vais état et au moral, elle était découragée ethors d'état de rien entreprendre. Le momentsemblait arrivé au-delà duquel Napoléon ne

pouvait continuer la lutte sans se. perdre lui-

même, et sans entramer la ruine de Paris etcelle de la France. Cette opinion était celle

de presque:,tous les omciers-généraux français.ils sentaient que le dernier décret du Sénatmettait leur attachement pour Napoléon en

opposition avec ce qu'ils devaient à leur pays,

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.CH-A~ITRE X.I

a5r

et ils regardaient la cause de la France comme

la plus sacrée. Ils avaient reçu de Beurnônville

la nouvelle de ce qui s'était passé a Paris, et

prenant en considération le grand nombredés habitans, de la capitale qui s~étaient dé-

clarés contre Buonàparte.voyant qu'une at-

taque contre Paris devait faire couler des f~ts

de sang français, et. devenir le signal d'une

guerre civile ..les maréchaux et les principaux

omciers-généraux reconnurent qu'ils ne pou-

vaient, suivre Napoléon dans une entreprise.dirigée contre cette ville et contre 4a ligne de

défense des Alliés qui l'entouraient, parce que,sous le point de vue militaire, elle ne pouvait

réussir, attendu Pétât de l'armée., et qu'en po-

litique ilsla regardaient commecontraire à leurdevoir de-citoyens.

Pendant la nuit du 2 au 3 avril, Caulaincourt.revint de sa mission a Paris. Il annonçaque les

Alliés persistaient dans leur détermination de~

ne pas traiter avec Buonaparte .'mais il pensait

que le projet d'une régence', à la tête de laquelleserait l'Impératrice, comme tutrice de son 61s,

pouvait encore réussir. L'Autriche, dit-il, était

favorable à un tel arrangement, et il ne parais-sait pas impossible que la, Russie y donnât les.mains. Mais l'abdication de Buonàparte était

une condition préalable. Lorsque cette nouvelle

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VIï! DE NAPOLÉON BUONAFARTE.aSa

se répandit parmi les maréchaux, elle les con-

Ërma dans la .résolution de. ne pas marcher

,contre Paris; étant d'avis que ce sacrince per-

sonnel consenti par Napoléon pouvait seul ter-miner la guerre.

Buonaparte ne s'était probablement pas at-

tendu 'à les voir séparer ainsi les devoirs de

soldat de ceux de'çitoyen. Le ~avril,il passaen revue une partie de ses troupes; il leur

parla du drapeau blanc arboré en France par

quelques factieux leur rappela que la cocardetricolore était le signe dè la victoire et de l'hon-

neur; et leur dit qu'il avait résolu de marchersur la capitale, pour punir les traîtres qui l'a-

vaient avilie. De grands.cris, Paris!Paris! s'éle-

vèrent à ces mots, et il n'eut pas lieu de craindre

que ses troupes hésitassent à le suivre pour faire

ce dernier effort. Des ordres furent donnés pourporter.le quartier-général impérial de Fontaine-

bleau à Essonne.Mais après la revue, Berthier, Ney, Mac-

donald, Caulaincourf,, Oudihot, Bertrand et

d'autres oniciers du plus haut rang suivirent

l'Empereur-danssbn appartement; ils lui expo-sèrent leurs opinions, sur lé, mouvement pro-

-posé, déclar.érent qu'il ne devait .plus négocier,selon eux, que d'après le principe de son ab-

dication et annoncèrent la résolution positive

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CHAPITREX. s53

que la plupart d'entre eux avaient prise de ne

pas le suivre s'il persistait à marcher sur Paris.

Il n'y a nul doute qu'en'faisant un appel aux

officiers d'un rang inférieuret

 jouissant d'une'considération secondaire, jeunes séides qui neconnaissaient d'autre vertu qu'un attachement

aveugle pour leur chef, Napoléon, sous le

rapport militaire, n'eût pu remplir le vide quela retraite des maréchaux aurait occasionnédans la liste de ses généraux. Mais ceux qui le

pressaient d'accepter une proposition si dure,étaient les pères des soldats .les braves connuset les'cliefs bien aimés de grandes armées. Leurs

noms, pris individuellement, pouvaient êtreinférieurs au.sien mais que penserait le publicen apprenant que Napoléon était privé de l'ap-pui de ces hommes qui avaient été:si long-temps

l'orgueil de l'armée et la craiùte dès ennemis?Quels seraient les sentimens des'soldats ~poùrqui les nomsde Ney-, de Macdonald, d'Oùdinot-et de plusieurs autres étaient comme le son de

la trompette guerrière?Cefut avec beaucoup de répugnance et après

de longs débats, que Napoléon prit la plume.,

écrivit les mots'suivans, que nous. traduisonsaussi littéralement que possible comme mon-

J Et quenousrétablissonstextuellement.(~/<.)

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3 5~ VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

trant combien Napoléon savait donner de di-

gnité à ses expressions, quand un sentiment

profond remportait sur son affectation d'ahti-

'théses et, de style oriental.« Les puissances alliées ayant proclamé quee

l'empereur Napoléon 'était le seul obstacle aurétablissement de la' paix en Europe, l'empe-reur Napoléon, fidèle à son serment, déclare

qu'il est prêt à descendre du trône, à quitter la

France~et même la vie pour le bien de la patrie,

inséparable des droits.de son fils, de ceux de larégence de l'Impératrice, et du maintien deslois de l'Empire. 'Fait en notré palais de Fon-

tainebleau le 4 avril 181~.))Caulaincourt et Ney furent chargés de porter1 1

cette pièce importante, et nommés commis-saires pour négocier avec les Alliés, les condi-'

tions de l'arrangement auquel on pouvait sup-poser qu'elle aboutirait. Caulaincourt était le

représentant personnel de Napoléon, et Ney,

qui pendant tout ce temps avait fortement in-

sisté pour l'abdication, fut proposé comme plé-nipotentiaire par les autres maréchaux. Napo-léon désirait dit-on, leur adjoindre Mairnont,mais il était absent,se trouvant avec les troupes'en quartier à Essonn'e, où elles avaient été pla-cées après leur départ de Paris en conséquencedu traité. On proposa pour troisième plénipo-

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J, .CHAPITRE X. 255

tentiaire Macdonald, comme un oflicier à quisa haute réputation donnait le plus de droitde représenter l'armée. Napoléon hésita; car,quoiqu'il se' fût, servi dé Macdonald dans les

.occasions les plus importantes, il savait que les

principes 'du maréchal l'empêchaient d'approu-ver le caractère arbitraire de' son gouverne-ment, et ils n'avaient jamais eu ensemble des

rapports intimes et confidentiels. Il consultason ministre Maret. « Envoyez le duc de Ta-;

rente, répondit celui-ci;il est

trophomme

d'honneur pour ne pas répondre religieusementà un témoignage de confiance de cette nature. »

En conséquence le nom du maréchal Macdo-nald fut ajouté à ceux des deux autres pléni-potentiaires. (

Tandis qu'on discutait l'objet de leur mission,

les maréchaux demandèrent sur quelles condi-tions ils devaient insister relativement à Napo-léon lui-même. (( Sur aucune, dit Buonapartefaites ce que vous pourrez pour obtenir poura France les conditions les plus favorablest.quant à moi je ne demandé rien )). Ils'furent

particulièrement chargés d'obtenir un armistice

 jusqu'à'ce. que le traité fût conclu. Pendanttoute cette scène, Buonaparte se conduisit avec

fermeté mais il s'abandonna à. une émotionbien naturelle, 'quand il' eut enfin signé son

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VIE .DE NAPOLEON BUONAPARTE.~56

abdication. Il se jeta sur un sopha,\se cacha;le visage quelques instans, et 'levant ensuiteles yeux avec ce sourire de persuasion- qu'il

avait si souvent trouvé irrésistible, il conjurasps frères d'armes de revenir sur la résolution

qu'il avait prise de déchirer Je papier' qu'ilvenait de signer, et de le suivre de nouveauau combat. « Marchons, dit-il, remettons-nousencore une fois en. campagne; nous sommessûrs de les battre, et nous dicterons- nous-

mêmes les conditions de la paix )). Cemomentaurait été précieux pour un peintre d'histoire.Les maréchaux furent profondément a6eçtés,mais ils ne cédèrent point. Ils renouvelèrentleurs argumens, tirés de J'état déplorable de

l'armée; de la répugnance avec laquelle les

soldats marcheraient contre le S~nat de la cer-

titude d'une guerre civile meurtrière et de laprobabilité de la destruction de Paris. Il serendit une seconde fois à leurs raisonnemens,et les laissa partir pour s'acquitter de leur mis-sion.

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CHAPITRE.IX. 35~

CHAPITRE IX.

Victor' et d'autres maréchaux français reconnaissent te gou-vernement provisoire.Marmont fait une convention

séparée, mais il assiste aux conférences, tenues &Paris,laissant Souham le commandement en 'second de son

armée.–Les.maréehaux ont une entrevue avec l'empereurAlexandre. Souham entre avec son armée dans leslignesdes Alliés; en conséquence, les Souverains alliés insistent

sur l'abdication pure et simple de Napoléon. Sa conduiteen

apprenantce

résultat. Répugnance avec laquelleil

y~dohne son acquiescement:–Conditions qui. lui sont

accordées. –Considérations politiques.–Désapprobationde lord Castlereagb.–L'impératrice Marie-Louise retourne

sous la protection de son père. Mort de Joséphine.

Singulier récit fait par le baron Fain, secrétaire de Napo-

léon de la tentative faite par l'Empereur pour se donner'la mort. II montre ensuite plus de résignation. Ses

vues sur la politique que doivent adopter les Bourbons,

comme ses successeurs. Il quitte Fontainebleau et part

pour l'!le d'Elbe, le 28 avril.f  J1

LESplénipbtentiaires.de Napoléon avaient été

chargés de conférer avec Marmont à Essonne,en se rendant dans la capitale. Ils le nrent, et

ce qu'ils apprirentrendait leur négociation plus

pressante. Plusieurs des généraux qui n'avaientpas été à Fontainebleau, et qui n'avaient pas eu

occasion d'agir de concert avec le conseil mili-taire assemblé dans cette ville, avaient regardé

ViECBNAF.Bnb~.TomeS. 17

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a58 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

le décret duSénat, auquel les autres autoritésconstituées avaient adhéré, comme terminantdécidément le règne de Bubnapârte, ou indi-

quantle commencement d'une

guerre civile.,La

plupart d'entre eux pensaient que l'intérêt d'unhomme dont les talens avaient été aussi dange-reux à la France que les vertus de César l'a-vaient été.pour Rome, ne pouvait l'emporterdans la balance contre le salut de la capitale etde toute la nation.. Agissant d'après ces prin-

cipes, Victor, duc de BeUune, avait donné sonadhésion au gouvernement provisoire ët cet

exemple avait été suivi par plusieurs autres.Mais le-prosélytelè plus important pour la

cause royale "fut le maréchal Marmont ducde Raguse, qui était à Essonne avec dix a douzemille hommes formant l'avant-garde de Tarméë

française. Se croyant libre, comme,les autresFrançais, en ce moment de crise, de songer aubien de son pays plutôt qu'aux intérêts de

Napoléon seul, et dans la vue d'épargner ~alaFrance lés maux réunis d'une guerre civile., il

profita de la situation dans laquelle il se trou-

vait, pour donner a son opinion un poids que

celle d'aucun autre individu n'aurait pu avoiren ce moment. Le maréchal Marmont, aprèsavoir négocié avec le gouvernement provisoired'une part, et le prince Schwartzenberg de

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CHAPITRE ÏX. Il a5<j

l'autre, avait conclu, pour lui et.pour son corpsd'armée, une convention par laquelle il con--sentait à :faire marcher la division qu'il com-

mandait dans les lignes de cantonnement occu-pées par les Alliés, et renonçait par là à touteidée de continuer la guerre. D'une autre part,le maréchal stipula que Napoléon conserveraitsa liberté, et serait honorablement traité s'iltombait entre les mains dés Alliés. Ennn, ilobtint la garantie qu'il serait permis a son corps

d'armée de se~retirër enNormandie. Cette con-vention fut signée à Chevilly le 3 avril.Cette démarche a été regardée comme une

:défection de la'part dugénéral Marmont. Mais

pourquoi le choix'd'ùn parti entre le gouverne-ment provisoire et l'Empereur serait-il une dé

fection dans. ce général plutôt que dans les

autres quU'imitérent peu après? et si le duc deRaguse, par ce moyen' empêcha une nouvelle

eHusion.de sang, ne devrait-on pas se réjouir,pour emprunter une expression de Talleyranddans une semblable occasion, que la montredu maréchal eût avancé de quelques minutessur celle de ses collègues?

Quand Macdonald et Ney eurent appris à'Marmont qu'il~ étaient porteurs de l'abdication

de Napoléon, et qu'il leur avait été adjoint dansleur mission, ce maréchai leur demanda pour-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.260

quoi il n'avait pa~été averti de se trouver av.ecles autres à Fontainebleau, et il les informa dela convention qu'il avait conclue en son proprenom. Le duc dé Tarente lui

représenta lesdés-

avantages qui devaient résulter de la désuniondes principaux officiers de l'armée. Relative-ment au conseil qui avait été tenu à fontaine-

bleau, il lui dit qu'il avait eulieu si subitement,et dans des circonstances. si urgentes; qu'onn'avait pu y appeler queles maréchaux à portée

dé s'y rendre, de crainte que pendant le délaiNapoléon ne marchât en avant avec l'armée.Les commissaires prièrent Marmont de sus-

pendre ~'exécution de sa convention séparée,et dé Jes accompagner pour assister aux con-férences qui allaient avoir lieu à Paris. Il. yconsentit, ét monta dans la voiture du maré-

chal Ney, laissant au général Souham, qui,comme tous les autres généraùx de sa division,à l'exception de deux, étaient dans le secret de

la convention, le commandement de son corpsd'armée, avec ordre de le tenir stationnaire.

Lorsque les maréchaux arrivèrent à Paris,ils trouvèrent que -la faveur populaire s'é-

tait fortement .déclarée pour les Bourbons.Leurs emblèmes étaient adontés partout, etles rues retentissaient des cris de ~~<?/6'AM/ ILa populace semblait montrer pour eux àu-

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CHAPITREIX a6i

tant d'enthousiasme qu'elle avait témoigné d'in-diSerence quelques'jours auparavant.'Ils en

conçurent tous un présage défavorable pour là

réussite de leur mission, en ce qui concernaitle. projet de régence.

Lé nom et la réputation des commissairesleur' donnèrent accès près de l'empereur

Alexandre, qui les reçut avec sa courtoisienaturelle. <xRelativement àl'objet général deleur mission, leur dit-il il. nepouvait traiter

que de concert avec ses Alliés. ))'Maisil s'étenditsur ce qui concernait personnellement Napo-

léon. « II a été mon ami, dit-il je l'ai aimé et

honoré. Son ambition m'a forcé à une guerre

sanglante, dans laquelle ma capitale a été in-

'cendiée et mesÉtats ont souffert les plus cruels

désastres mais il est dans l'infortune,, 'et j'ai

oublié tous ses torts. N'avez-vous rien à de-mander pour lui-même? je serai volontiers son

avocat. » Lés maréchaux répondirent que Na-

poléon n'avait parlé d'aucune condition qui lui

fût personnelle. Alexandre pouvait a peine le

croire mais ils lui montrèrent leurs instruc-

tions, qui n'avaient ~rapport qu'aux affaires

publiques. L'Empereur leur demanda s'ils vou-laient entendre une proposition qu'il avait à leur

faire. Ils répondirent avec les marquesde res-'pect et de reconnaissance convenables. Il leur

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.26a

parla alors dû plan qui fut plus, tard adopté;que Buonaparte conserverait le titi'e de la di-

gnité impériale, et continuerait à régner sur un

petit territoire,avec un

ample revenu, des,gardes et tous les attributs de l'autorité. « Ceter-

ritoire, continua l'empereur dë Russie, pourraêtre File d'Elbe ou quelque autre. )) Après cette

communication les .commissaires de Buona-

parte se retirèrent pour ce jour-la.Le maréchal Marmont avait fait tout ce qui

était enson pouvoir pour suspendre le mouve-ment militaire qu'il avait entrepris d'exécuter,

croyant sans doute qu'au lieu d'agir seul dansune affaire d'une telle importance, il était plusà propos de concerter ses démarches avec cellesde ses collègues mais un accident accéléra lamesure qu'il désirait retarder. Napoléon avait

mandé auprès de lui le comte Souham, quicommandait, en l'absence de Marmont, le corpsd'armée resté à Essonne. Aucune explication decet ordre ne fut donnée, et il fut impossible detirer de, celui qui en était porteur un seul mot

qui en indiquât la raison. Souhamfut donc portéà soupçonner que Napoléon avait été instruit

de la convention de Chevilly. Cette idée luiinspirant des craintes, il convoqua, pendant la

nuit, unconseil des autres généraux qui étaientdans le secret, et il.y fut décidé qu'on exécu-

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C~lAPÏTpJE,1-' J a.'263

terait la convention a Finstant même, ~n pas-sant,avec, les troupes dans les lignes~ des Alliés,

sans attendre des ordres ultérieurs du maréchal

Marmont.La division

futmise en mouvement

le 5 avril, vers cinq heures et elle s'avança

quelque temps en bon ordre, dans la supposi-tion que cette marche avait pour .but une at-

taque sur. flanc des Alliés. Mais quand lesr ais J

trpupes s'aperçurent queleur mouvementétait

surveillé, sans être int'errompu, par une. co-

lonne de Bavarois,- elles~ commencèrenta ensoupçonner le véritable~ut.~ês-Ïprs une sortedé mutinerie se manifesta, et quelques, lan-ciers polonais, se séparant du icorps d'armée.,

retournèrent vers Epntam~lêau. C.epeQda~ntrinstinct~e la discipline: rempqrta:gt les pHi-ciers réussirent à conduire les soldats dans leurs

nouveaux quartier~ a Versailles; ~naisils nenvirent pas de meilleur-œ~ la demarcj~ qu'on.leur avait, ~it. faire, et que~quesr jours aprèséclata parmi eu~ une émeute qu'on -ne~arvinta calmer qu'avec ~aucoup de miRcuIt~.

Les. commissaires de .Buonaparte~~rent ad-mis a uneconl~rence avec les souveraï~ alliés

:et téurs ministres, réunis en,conseil; ce qui,comme, on p@~ le ~conjecturer, ne leur lut

açcprdeque~pour la ibrme., aËn de montrer

l,es. égards ponyeaable's.u~ représentans de

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VIE DE NAPOMÉON BUONAPARTEa64

l'armée française, plutôt qu'avec le desseinde changer quelque chose au plan qu'avaientadopté les souverains, et qu'ils s'étaient obli-

gés à exécuter par une proclamation sûrla

foi de laquelle des milliers d'individus avaient

déjà agi. Cependant la question si l'on adop-terait pour base d'un arrangement la- régenceproposée ou la restauration des Bourbonsfut annoncée comme devant être un objetde discussion dans lé conseil.,Les maréchaux

plaidèrent la cause dé la régence. Les géné-raux Beurnonville'et Dessoles répondirent aux

commissaires de Fontainebleau mais avant

que la discussion fat terminée, on apprit la

marche de la division de Marmoht vers Ver-

sailles. Les commissaires furent, étourdis de

cette nouvelle inattendue, et l'empereur de

Russie saisit cette occasion pour déclarer queles Alliés ne traiteraient avec Buonaparte qu'a-

'près son abdication pure et simple. Aveccette réponse, adoucie par l'offre d'une princi-

pauté indépendante'pour leur .ancien maître,les maréchaux retournèrent à Fontainebleau,et le Sénat s'occupa de rédiger le plan d'une

constitution libre, ~oûs l'empire de laquelle lesBourbons seraient appelés au trône.

Napoléon, dans sa retraite à Fontaine

bleau envisagea l'avenir avec peu d'espoir de

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CHAPITRE IX. ` 265

retirer quelque avantage de la mission desmaréchaux. Il prévit que, si les souverainsécoutaient la proposition d'une régence, ils exi-

geraient les plus rigoureuses garanties contretoute intervention de sa part dans le gouver-nement de la France et que sous son épouseMarie-Louise, qui n'avait pas detalens propresaux affaires publiques, la France serait proba-blement administrée par un.comité autrichien.Il songèa de nouveau a tenter le sort des armes,

et il se serait probablement, arrêté à ce dessein,le plus conforme à son caractère, si le colonel

Goùrgaud ne lui eut apporté la nouvelle que ladivision de Marmont avait traversé les cahton-nemens.de l'ennemi dans la matinée du 5 avril;« L'ingrat! s'écriâ-t-il; il sera plus malheureux

que moi. ))

Il aurait dû se contenter de cette réflexion;car ,même en la regardant comme injuste, à

l'égard~du maréchal, on; ne peut se défendred'un sentiment qui la fait excuser. Mais le len-demain il publia une adresse à l'armée pour lui

rappeler la solennité d'un engagement.militaire,qu'il représentait comme plus sacré que le de-

voir d'un patriote envers son pays. Il aurait eud'autant meilleure grâce à s'en abstenir, que'tout le monde savait jusqu'où allait chez lui la

passion du. pouvoir arbitraire.

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.266

Lorsque les maréchaux furent de retour, il

reçut la nouvelle' du non-succès de leur négo-ciation, comme un événement auquel il s'at-

tendait.Mais à

leur grande 'surprise, aprèsle désintéressement qu'il avait montré lors deleur départ, il leur demanda presque aussitôt,quel parti l'on prenait a son égard et commentil devait être traité, tis l'informèrent qu'on pro-posait de le laisser-résider,, comme souverain

indépendant, àl'lie d'Elbe ou en quelque autre

lieu. j~apoléon réRéchitun instant. « Enquelqueautre lieu s'écria-t-il. Il faut que ce soit en.Corse. Non non je ne veux rien avoir decommun avec la Corsé. L'Ue d'Elbe Qui con-naît l'ile d'Elbe ? qu'on me cherche. un officierqui connaisse l'ile d'Elbe qu'on cherche leslivres et les 'cartes qui peuvent nous donner

quelques renseignemens sur l'ue d'Elbe ))En un moment il fut aussi profondément oc-cupé de la position et des ressources de cette

petite ue, que s'il n'eût jamais été l'Empereurde la France, et l'on pourrait presque dire du

monde. Mais le caractère de Buonaparte était

l'égoisme. Il savait combien peu il serait con-

venable. a un Empereur, renonçant à sa cou-ronne, de stipuler dés conditions sur ce qu'ildeviendrait à l'avenir; et il avait raison de con-clure qu'en jouant son rôle avec magnanimité,

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1 CHAPITRE IX. a6~-7

il ferait naître un sentiment: de libéralité pro-portionné dans l'esprit deceux avec qui il trai-tait. Mais quand le dé fut jeté et son. destin

6xé,"il examina,avec une attention

minutieuse,ce qu'il.devait considérer désormais comme sa

seule,fortune. Détourner ses pensées de laFrance pour les porter sur l'Med'Elbe, c'étaitimiter l'éléphàht,"qui, capable de transporterdes pièces d'artillerie, emploierait sa trompe aramasser des .épingles. Mais Napoléon pouvait

faire aisément l'un comme l'autre, parce qu'ilconsidérait ces deux objets, non d'après leur'différence réelle, mais suivant le droit de.pro-priété qu'il conservait sur l'un comme sur

l'autre..

Après uné'nuit de réflexions, le chef déchu

prit sa résolution, et envoya encore une fois a

Paris Çaulaincourt et Macdonald pour traiteravec les Alliés sur le pied d'une abdication pureet simple de l'empire. Sa déclaration était con-çue dans les termes suivans « Les puissancesalliées ayant proclamé que l'empereur Napo-léon était le seulobstacle au rétablissement de la

paix en Europe, il déclare qu'il renonce pour

lui et ses héritiers au trône dé France et d'Ita-lie parce qu'il n'est aucun sacrifice même ce-

lui de la vie, qu'il ne soit prêt à faire aux in-térêts de la France. »

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.268

Même après cette déclaration, Napoléon, jusqu'au moment où le traité fut dénnitivement

conclu, continua à nourrir la pensée de lerom-

pre. Il formantes plans pour porterla

guerreàù-dela de.Ia Loire, pour aller joindre Auge-reau, pour pénétrer en Italie, et se réunir au

prince Eugène. Une fois il fut sur le point d'ap-peler de nouveau ses troupes aux armes, en

conséquence d'un rapport'que lui avait trans-

mis, trop a la hâte, un général qui lui était fort

attaché (le général Alix~à ce quenous croyons),portant que l'empereur d'Autriche, mécon-tent des extrémités auxquelles on se portaitcontre son gendre, était résolu à le soutenir.

D'après cette nouvelle, qui se trouva ensuitesans le moindre fondement, Napoléon demandaaux maréchaux de lui rendre son abdication.

Mais l'acte était signé et en bonne forme, etles maréchaux crurent devoir, conserver entreleurs mains une pièce qui leur offrait lè seul

moyen de sauver la France dans cette crise ter-rible.

Buonapartë passa en revue sa vieille gardedans la cour du château, car le nombre en

était tellement. diminué qu'elle pouvait tenirdans cette enceinte. De bruyantes acclamationsle saluèrent comme autrefois; mais son cœurse resserra quand ses yeux se fixèrent sur des

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CHAPITRE IX. 26g

rangs tellement éclaircis. Il rentra dans .le pa-lais, et fit venir Oùdinot. ((Puis-je compter sur

les troupes? )) lui demanda-t-il. Oudinot répon-dit

négativement,et lui

rappela qu'ilavait ab-

diqué. « Oui,, mais à des conditions )) dit

Napoléon. « Les soldats n'entendent rien aux

conditions)), répliqua le maréchal; «ils regar-dent votre autorité comme n'existant plus.–Eri, ce cas., tout est, dit de. ce côté », ajoutaNapoléon; «attendons les nouvelles de Paris.))

Macdonald, Caulaincourt et Ney arrivèrentbientôt après à Fontainebleau avec le traité

qu'ils avaient conclu sur les bases déjà annon-cées par l'empereur de Russie, qui avait pris laprincipale part à sa rédaction. Sous sa sanction,il avait été accordé aux commissaires' des con-ditions telles qu'unmonarque détrôné n'en avait

 jamais obtenu et n'en obtiendra probablement jamais, tant que l'histoire conservera le souve-nir de 1816. En vertu de ces conditions, Buo-

naparte devait conserver le titre d'Empereur;mais sa puissance devait se borner à File d'Elbe,dansla Méditerranée, ayant vingt lieues de cir-

conférence et une population d'environ douze

mille âmes. Il devait être'reconnu comme unedes têtes couronnées, de, l'Europe, avoir des

gardes et une marine proportionnée à l'étenduede ses domaines. Pour soutenir ce rang, un re-

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.2~0

yenu de six millions lui fut accordé, indépen-damment de ceux de l'Me d'Elbe. On promitaussi deux millions et demi de pension à ses

frères,,a Joséphine,et aux autres membres de

sa famille, revenu splendide et tel que jamaissouverain d'Angletèrre n'en eut à sa disposi-tion. On a prétendu avec raison, que, si Na-

poléon méritait des conditions si avantageuses,c'était une injustice de le détrôner. A' d'au-

tres égards, les conditions de ce traité sem-

blajent aussi dimciles à concilier avec .une sainepolitique qu'il l'était dé trouver dans le passédes exemples pour les justifier. Le nom, la

dignité, l'autorité militaire et le pouvoir absolu

d'empereur, accordés au souverain d'un vraidomaine lilliputien, étaient ridicules, si l'on

supposait que Napoléon resterait tranquille

dans sa retraite, et dangereux s'il cherchait denouveau les moyens d'agiter l'Europe.Ce n'était pas~faireun compliment au goût de

Buonaparte que de l'investir ainsi d'une vaineombre de son ancienne fortune. Dans sa si-tuation nouvelle, la retraite la plus honorableaurait été celle qui lui aurait garanti, comme

particulier, sa sûreté personnelle et un re-venu sumsant .au lieu de maintenir autour delui une inutile parade, comme en dérision dece qu'il avait été autrefois. Mais l'expérience

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CHAPITRE IX. a~i

prouva malheureusement, comme bien des gensravalent auguré dès l'origine, que, dès que son

génie prendrait son essor au-delà du cercle

étroit dans lequel'on Pavait circonscrit, le titreet le rang d'empereur, avec l'aide de ses gardesdévoués, et .d'habiles conseillers, lui sum-ràient pour tenter de. nouveau la fortune et

regagner le royaume qu'il avait perdu. L'Me

d'Elbe siège de sa nouvelle souverainetéétait si voisine dé l'Italie et à si peu de distance

de la France que cette situation semblait mêmecalculée pour favoriser sa résurrection politi-que à quelque époque future.

Les autres conditions de ce traité extraordi-naire partageaient entre les membres de la fa-mille de Napoléon une partie du revenu qui luiétait assuré. La disposition la plus raisonnable

était celle qui accordait entoute souveraineté àMarie-Louise et à son fils les duchés de Parme,de Plaisance et de Guastalla. A cette seule ex-

ception près, toutes les autres conditions de-vàient être exécutées aux frais de la France,dont le 1 gouvernement.nrovisoire ne fut pasmême consulté sur les stipulations convenues.

Ce ne fut qu'après avoir éprouvé les funesteseffets de ce .traité singulier qu'on se demanda

pourquoi et d'après quels principes,, de pa-reilles concessions avaient été faites. On-a cité

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.272

un grand personnage comme en ayant été le

premier auteur. Ce n'est pas faire injure à lamémoire de l'empereur Alexandre princedoué de tant d'excellentes et honorables qua-lités, et membre actif et important de la grandeconfédération européenne, que de supposerqu'il se rappelait son éducation sous son pré-cepteur français La Harpe. Il n'avait pu se

dépouiller de cette espèce de sensibilité fas-

tueuse qui se plaît à faire' unéscène théâtraled'un

acte de bienveillance, et s'enivredes

ap-plaudissemens. L'air contagieux de Paris, les

acclamations, les flatteries, un succès inespéré,le désir d'étouffer tout germe de mécontente-

ment pour tout dire en un mot, l'envie demontrer de la MAGNANIMITÉdans le momentdu triomphe semble avoir entramé le cœur

d'Alexandre au-delà des.régles de la sagesse etde la prudence. Il est généreux de donner,

plus généreux encore de pardonner; mais ac-

corder en même temps des.faveurs et le par-don, assurer la fortune future d'un rival qu'onvoit à ses pieds, entendre de toutes parts des

actions de grâce et des adulations, et même

dans la bouche des ennemis qu'on a vaincus,c'est le triomphe le plus enivrant pour un

souverain victorieux. Les conséquences seules

révèlent combien une générosité si prodigue

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CHAriTRE'IX. a 3

devient souvent inutile et dangereuse; trop tard

un prince reconnaît que, pour avoir voulu,dans de grandes mesures d'intérêt national, se

conduire de manièreà contenter

toutle monde,il faut nécessairement qu'il déroge aux régies

de la justice et de la prudence, et qu'en se li-

vrant inconsidérément à une sensibilité roma-

nesque, il peut occasionner une nouvelle suite

de calamités au monde civilisé. Les autres si-

gnataires influens du traité étaient le roi de

Prusse, qui n'avait aucun motif pour examinerde très près un acte dont le plan avait été conçu

par son allié l'empereur Alexandre, et l'empe-reur d'Autriche, qui ne pouvait, par délica~-tesse, faire aucune objection à des stipulationsen faveur de son gendre.

.D'une autre part, les marécnaux reçurent

avec joie ce que probablement ils n'auraient jamais demandé; ils savaient que toute marquede respect, quelque imprudente qu'elle fut,

qui serait accordée à rex-Empereur, serait

un moyen de concilier l'armée, et peut-êtreils connaissaient assez bien Buonaparte, pourcroire qu'il pourrait être satisfait de conserver

au moins les signes extérieurs de la dignitéimpériale. Il existait une puissance dont le re-

présentant prévit les maux qu'un pareil traité

pouvait occasionner, et en.'6t le sujet d'une

Vt]!D)tN*p.Buorr.Tome8. 'S

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~74 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

remontrance.'Mais le' mal était fait et toutesles conditions convenues lorsque lord Castle-

reagh arriva à Paris. Voyant que l'empereur

de Russie avait agi pour le mieux, au nomdes autres alliés, le ministre anglais ne voulut

pas risquer de compromettre la paix qui ve-

nait d'être conclue dans des circonstances si

urgentes, en insistant sur ses objections. Il re-

fusa pourtant ,.au nom de son gouvernement,de devenir partie contractante dans le traité,

autrement que pour y donner son adhésion ence qui concernait les arrangemens de territoire;mais il refusa positivement de reconnaître de

la part de l'Angleterre, le titre d'Empereurlaissé à Napoléon.

Après avoir énoncé librement toutes les ob-

 jections dont le traité de Fontainebleau parait

susceptible, nous devons cependant convenirque les souverains alliés consultèrent les règlesd'une saine politique en faisant la paix, n'im-

porte à quelles conditions, plutôt que de faire

renaitre la guerre en poussant Napoléon au dés-

espoir, et en obligeant les maréchaux, par un

IIestbiensingulierquecettepuissancesiprévoyanteait ététrompéeplus tardpar Napoléon,lorsqu'ilrëalua

par le départdé l'île d'Elbetoutescesprétenduespré-

voyancesdelordCastlereagh.(Édit.)

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CHAFITM IX. 2~5

sentiment d'honneur, à faire encore cause com-muneaveclui.

Lorsque Napoléon eut entendu la lecture du

traité, il fit un dernier appel a ses maréchaux,les invitant à le suivre vers la Loire ou au-delàdes Alpes, où ils éviteraient ce, qu'il regardait

commeun arrangement ignominieux. On nelui répondit que par un silence général lesmaréchaux ne sentaient que trop bien quetous les enbrts qu'il p.ourrait faire ne seraient

plus que ceux d'un partisan, faisant vivre sestroupes par le pillage du pays, d'un pays quiétait, le leur, et non ceux d'un monarque guer-rier à la tête d'une armée régulière. Napoléonvit leur détermination dans leurs regards et il

congédia le conseil en promettant une réponsetrès prochaine; mais en attendant il refusa de

ratifier le traité, et redemanda même son abdi-cation a Caulaincourt, demande à laquelle ceministre refusa de nouveau de satisfaire.,

Les infortunes s'accumulaient alors si rapi-dement autour de Napoléon qu'elles semblaient

capables de réduire l'esprit le plus opiniâtre.Peu à peu les troupes des Alliés s'étaient

étendues jusqu'aux bords de la Loire. Fontai-nebleau était entouré de leurs détachemens.De tous côtés les officiers et les'soldats aban-

donnaient le service de Napoléon, et il ne lui

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CHApITim 377minent les élémens les plus bas et les pluségoïstes du caractère, qui, dans le,cours ordi-naire de la vie, peuvent n'avoir jamais l'occa-sion de se développer. Les hommes se trouvent

alors comme ces personnes bien nées et dé-centes,transportées, des lieux habituels deleurs

réunions, dans les flots d'une foule où elles n'é-coutent bientôt plus que le désir de leur con-servation'ou de leurs aises, sans faire la moindreattention aux autres, par un sentiment d'é-

gojsme que les habitudes de la politesse sociale

ont contenu, mais n'ont pas. effacéde leur cœur.Les amis et les serviteurs de Napoléon mal-

heureux, s'éloignèrent de leur prince commelesfeuilles de l'arbre flétri, et ceux que la honteou la pitié retenait encore près de sa personne,n'attendaient plus que quelque prétexte, commele

piloteattend un vent

propice, pour partiraussi.La défection gagna tous les rangs depuis

Berthier, qui partageait les secrets de l'Empe-reur et le quittait rarement, jusqu'au mame-louck Roustan qui dormait en travers de la

porte de sa chambre, comme son garde-du-

corps. Il serait absurde de critiquer là conduitedu pauvre Africain mais le départ de Ber-

Cet homme pouvait s'excuser par le désir de rester

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VIE DE NAPOItÉON BUONAPARTE.278

thier mérite d'être remarqué. Il demanda la

permission de se rendre à Paris pour quelquesaffaires disant qu'il retournerait le lendemain.« Il

ne reviendra pas )),dit Napoléonavec calme

au duc de Bassano. (( Comment,dit le ministre,seraient-ce les adieux de Berthier? Je vous

dis qu'oui il nereviendra plus. ))Le souverain détrôné eut cependant la con-

solation de voir l'attachement de quelques ser-

viteurs ndèles, éprouvé et purifié par l'adver-

sité, comme l'or l'est par le feu.Les pârens de Napoléon, aussi-bien que sesamis intimes, furent séparés de lui dans ce

naufrage général. On n'a pas oublié quele jouravant la bataille de Paris, plusieurs membresde l'administration impériale s'échappèrentavec l'impératrice Marie-Louise. Ils s'arrê-

tèrent à Blois, où ils furent rejoints par Josephet d'autres membres de la famille Buonaparte.Pendant quelque temps ces personnages réunisaHectèrentle caractère et le langage d'un conseilde régence répandirent des proclamations etcherchèrent à agir comme gouvernement. Lanouvelle de la prise de Paris et les événemens

subséquëns, engagèrent Joseph et Jérôme Buo-naparte à se retirer dans les provinces au-delà

avecsafemmeet sesenfans plutôtquede sesoumettreencoreàuneservitudepersonnelleet dure.

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CHAFITR.EIX. 2~9

de la Loire mais Marie-Louise refusa de les

accompagner, et dans l'intervalle, le comte

Schouwalow, un des ministres autrichiens, ar-

rivapour

laprendre

sous saprotection.

La ré-

gence éphémère fut dissoute et se dispersa de

divers côtés les Irères de Buonaparte se diri-

gèrent vers la Suisse, tandis que le cardinalPFesch et la mère de Napoléon se retirèrent à

Rome.Marie-Louise fit plus d'un effort pour re-

 joindre son époux, mais Napoléon lui-mêmel'en détourna; car, -réfléchissant déjà aux

moyens de recommencer la guerre, ilne pou-vait désirer d'associer l'Impératrice à des en-

treprises aussi aventureuses. Peu de temps

après, l'empereur d'Autriche fit une visite a sa

mie et à son petit-fils, qui étaient alors à'Ram-

bouillet il donna à entendre à Marie-Louisequ'elle devait, du 'moins pendant quelque

temps, rester séparée de son mari', et qu'elle et

son fils retourneraient avec lui à Vienne, Ellese remit donc sous la protection de son père.

Il est à propos de faire également remarquer,

ici, et ce n'est pas là particularité la moins

extraordinaire de cette longue série d'infor-tunes, que Joséphine, la première femme de

Buonaparte, ne survécut pas long-temps a sa

chute. On eût dit que la colone de la Màrti-

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VIE DE NAPOLÉON BUON APARTE.a8o

nique avait lu dans l'avenir; car, du momentoù Napoléon se sépara de la première com-

pagne de sa vie, son astre commença à pâlir,

et la mort de Joséphine ne suivit que de troissemaines la chute de Buonaparte. L'empereurde Russie alla voir cette princesse, et lui té-

moigna quelques égards ce dont Buonaparte,pour des raisons qu'il nous est impossible de

deviner, fut extrêmement mécontent. Le traitéde Fontainebleau lui avait assuré des revenus

considérables, mais elle n'en jouit pas long-temps et bientôt après elle tomba malade etmourut à son superbe château de la Malmai-son. Elle fut enterrée le 3  juin au village deRuel. Un grand nombre de pauvres accom-

pagnèrent son convoi, car elle avait bien mé-rité le titre de protectrice 'des malheureux.

Lorsqu'on cherche à examiner toutes lesdisgrâces dont Buonaparte fut accablé à cette

époque, il semble que la fortune ait voulumontrer qu'elle ne s'était pas engagée à arrêterle cours de ses vicissitudes triste apanage de

l'humanité, même en faveur de l'homme quiavait été si long-temps son favori; mais qu'elle

s~était réservé de renverser le soldat obscurqu'elle avait élevé jusqu'à être presque le roide l'Europe, pour lui faire subir ensuite autantd'humiliations qu'elle lui avait prodigué d'hon-

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CHAPITRE IX. a8i

neurs. Tout ce qui, trois ans auparavant, sem-blait comme inhérent à sa personne il en avaitété violemment dépouillé. Le vainqueur était

vaincu, le monarque était détrôné celui quiavait tant fait de prisonniers était captif; le gé-néral était abandonné par ses soldats le maîtretrahi par ses domestiques; le frère séparé deses frères le mari de sa femme et le père de

son unique enfant. Pour le consoler de la pertedu plus grand et du plus bel empire sur lequel

l'ambition ait jamais régné, il avait conservé letitre dérisoire d'Empereur, pour gouvernerune petite ne dans laquelle il devait se retirer,emportant avec lui la pitié de ceux de ses amis

qui osaient manifester leurs sentimens, et l'exé-cration prononcée d'un grand nombre de sesanciens sujets, qui refusaient de regarder son

humiliation actuelle comme une compensationsuffisante de ce qu'il leur avait fait souffrir

pendant le cours de sa puissance; tandis queles ennemis entre les mains desquels il était

tombé, cachaient mal la joie que leur causaitsa chute.

Un Romain aurait cru voir dans cette foulede désastres un signal pour tourner la pointe deson épée contre sa poitrine un chrétien aurait

reporté ses regards en arrière sur sa propre con-

duite, et, reconnaissant que la source de tous

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.283

ses malheurH provenait du mauvais usage qu'ilavait fait de la prospérité, il aurait supporté pa-tiemment et sans se plaindre les conséquencesde son ambition.

Napoléon appartenaità l'école

des philosophes de Rome, et plusieurs person-nes, notamment le baron Fain, son secrétaire,rapportent conndentiéllemient, sans que cepen-dant tout le mondey ait ajouté foi, qu'il voulut,dans ce moment critique, se débarrasser dufardeau de la vie par un suicide.

L'Empereur, suivant le récit du baron Fain,avait touj oursporté sur lui, depuis la retraite deMoscou, un sachet contenant une préparationd'opium, la même dont Condorcet s'était servipour se donner la mort. Dans la nuit du 12 au

i3 avril, son valet-de-chambre l'entendit se

lever, verser quelque chose dans un verre

d'eau, boire et se recoucher. Peu de tempsaprès,'des gémissemens et des sanglots étounêsattirèrent son attention; l'alarme se répanditdans le château; on alla réveiller quelques unsdes serviteurs les plus intimes de Napoléon, quise rendirent. dans son appartement. Y van; le

chirurgien qui lui avait remis le poison, avait

été aussi appelé; mais, apprenant ce qui venaitde se passer, et entendant Napoléon se plaindrede ce que l'action du poison n'était pas assezprompte, il avait perdu la tête et s'était sauvé

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CHAPITRE IX. a83

précipitamment de Fontainebleau. Napoléonprit les remèdes qui lui furent ordonnés, et iltomba dans un long assoupissement pendant

lequel il eut une sueur abondante. Il s'éveillafort épuisé; et, surpris de,vivre encore, il s'é-cria après quelques momens de réflexion« Dieu ne le veut pas )) et depuis il parut rési-

gné à subir sa destinée, sans chercher de nou-veau à attenter à ses  jours. Les opinions va-rient, comme nous Pavons dé)à fait entendre,

sur la cause de la maladie de Napoléon quel-ques personnes ne l'attribuent qu'à une indiges-tion. Ce qui est un fait incontestable néan-

moins, c'est qu'il fut gravement indisposé. Un

général de la plus haute distinction travaillaavec lui dans la matinée du i3 avril; il lui pa-rut pâle et abattu comme s'il venaitde faire une

maladie qui avait miné ses forces. Il était enrobe de chambre et en pantoufles, se versantde temps en temps d'une tisane placée devant

lui, et disant qu'il avait beaucoup sounert pen-dant la nuit, mais que son indisposition était

passée. )Après cette crise, et lorsqu'il eut ratine le

traité que ses maréchaux avaient fait pour lui,Napoléon parut soulagé; il semblait avoir l'es-

prit plus libre qu'il nel'avait; eu depuis quelquetemps, et il se mit à causer familièrement avec

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CHAPITRE IX. 285

officiers et des soldats qui voudront se retirerdu service, et del'avancement dansla ligne auxautres qui préféreront rester; après quoi il fau-

drait qu'il se choisît une autre garde dans toutel'armée. ?

Après ces observations remarquables, dontl'événement prouva en effet la justesse, Napo-léon s'adressa à ses officiers, et leur Et l'exhorta-tion suivante « Messieurs, quand je ne serai

plus avec vous, et que vous aurez un autre gou-

vernement, vous devez vous y attacher fran-chement et le servir aussi fidèlement que vousm'avez servi moi-même; je vous en prie, etmême au besoin je vous l'ordonne. Tous ceuxdonc qui voudraient aller à Paris peuvent par-tir, je le leur permets; quant à ceux qui reste-ront ici, ils feront bien d'envoyer leur adhésion

au gouvernement des Bourbons. ))Néanmoins,lorsque Napoléon tenait ce noble et digne lan-

gage à ses partisans, il est clair qu'il nourrissaitdans son cœur l'espoir secret que les Bourbonsétaient entourés de trop de diSicultés pour pou-voir les surmonter toutes, et que le destin luitenait encore en réserve un rôle brillant dansles

annales de l'Europe.Dans une entrevue particulière qu'il eut avec

Macdonald, dont nous avons rapporté la con-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.a86

duite lors de l'abdication, il lui exprima com-bien il en avait été satisfait, regrettant de n'a-

voir pas sul'apprécier plus tôt, et'il lepria d'ac-

cepter un dernier don de sa main. « Ce n'est,ajouta-t-il pour prévenir les objections du ma-

réchal, que lé présent d'un soldat à son cama-rade. ))Et, en effet, le choix de ce présent mon-trait beaucoup de délicatesse, puisque c'étaitun sabre turc de toute beauté que Napoléonavait reçu lui-même d'Ibrahim-Bey lorsqu'il

était en Egypte.Napoléon s'étant alors entièrement résigné à

son sort, quel qu'il pût être, se prépara, le

30 avril, à partir pour le lieu de sa retraite;mais auparavant il lui restait un devoir bien

pénible à remplir, celui de prendre congé du

corps qui, dans tout l'univers, lui était le plusdévoué, et auquel, de son côté, il était sansdoute attaché le plus, sa célèbre garde impé-riale. Ces braves s'étaient rangésen haie sur son

passage; quelques larmes s'échappèrent malgrélui de ses yeux, et ses traits exprimèrent unevive émotion, lorsqu'il passa en revue pour la

dernièrefois,

comme selon toutes lesprobabi-lités il devait le croire alors, ses vieux compa-

gnons dans tant de victoires. Il s'avança vers

eux à cheval, mit pied à terre, et leur fit ses

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CHAPITRE IX. 287

derniers adieux. « Mes braves amis,,leur dit-il, je vous quitte; les puissances coalisées ont armétoute l'Europe contre moi; une partie de l'ar-

mée a trahi ses devoirs, et la France elle-mêmea voulu d'autres destinées. Avec vous, et lesbràves soldats qui me sont restés fidèles, j'au-rais pu entretenir la guerre civile pendant trois

ans, mais la Erance eût été malheureuse, ce

qui eut été contraire au but que je me suis pro-posé. Soyez fidèles, ajouta-t-il (et ces paroles

étaient remarquables), au nouveau Roi que laFrance s'est choisi. Ne plaignez pas mon sort; je serai toujours heureux lorsque je saurai quevous l'êtes. J'aurais pu mourir; rien ne m'eûtété plus facile, mais  je suivrai sans cesse lechemin de l'honneur. Je veux écrire les grandeschoses que nous avons faites ensemble. Je ne

puis vous embrasser tous; mais j'embrasseraivotre général. (Il serra le général Petit dansses bras.) Qu'on m'apporte l'aigle. (Il baisale drapeau et termina ainsi:) Chère aigle, queces baisers retentissent dans le cœur de tous lesbraves Adieu, mes enfans adieu, mes braves

compagnons Entourez-moi encore une fois.

Adieu. ))Les soldats reçurent avec la plus amère dou-

leur les adieux de leur Empereu~létrôné des

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.s88

sanglots éclatèrent dans tous les rangs; mais ilsne se permirent ni plaintes ni remontrances. Ilssemblaient résignés à perdre leur général, et

céder, comme lui, à la nécessité.

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CHAPITRE X. 283

CHAPITRE X.

Commissaires nommés pour .escorter Napoléon. H quitteFontainebleau le 20 avril. Son entrevue avec Augereauà Valence. -.Expression du mécontentement public à l'é-

gard de Napoléon dans le midi de la France. Craintes

pour sa sûreté personnelle. Son agitation ses alarmes iPrécautions qu'il prend. II arrive à Fréjus, et s'em-

barque à bord de l'Intrépide avec les commissaires anglais.et autrichien. Il arrive à I'!Ie d'Elbe le mai, et dé-

barque à Porto-Ferrajo.

DANSson triste et pénible voyage, Napoléonfut accompagné de Bertrand et de Drouot, restés.noblement fidèles dans l'adversité au maître quiau temps de sa puissance avait été leur bien-faiteur. Les puissances alliées avaient nommé

quatre commissaires pour le suivre jusqu'à sanouvelle résidence. C'était le général Schou-

waloff, pour la Russie; le général autrichien

Kohier; le colonel anglais sir Niel Campbell;et le baron Truchsess Waldb.ourg, délégué de

la Prusse. Napoléon reçut les trois premiers avec

beaucoup d'égards, mais il semblait indigné de

voir au nombre des commissaires un représen-tant de la Prusse, de ce pays qui avait été l'ob-

 jet de son mépris une fois, et de sa haine tou-

 jours. C'était pour lui un aNront sensible de leV'EneNAP.BooN.Tome8. 19

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.t~O

voir s'arroger le droit de décider de son sort.TIreçut le commissaire anglais avec des té-

moignages d'estime particuliers, lui disant qu'il

désirait faire la traversée sur un vaisseau an-glais, et qu'il était bien aise d'être escorté parun officier de ce pays. «Votre nation, dit-il,a une élévation de caractère que j'estime infini-ment. Je voulais élever le peuple français àune

pareille hauteur de sentimens,mais. )) II s'arrêta

etparutvivementafPecté.Ilparlaavecbeaucoup

d'aSabilité au général autrichien Kohler, maisil s'exprima avec quelque amertume au sujet.dela Russie. Il fit même entendre au commis-saire autrichien que, s'il n'était pas content desa réception à Pue d'Elbe, il pourrait bien seretirer en Angleterre, et il demanda au généralKohler, s'il croyait qu'il y fût bien reçu. «Oui,

Sire, répondit le général; d'autant mieux queVotre Majesté n'a  jamais fait la guerre dans ce

pays. ))

Napoléonaccordaalors uneaudiencede congéau duc de Bassano,et il montra del'humeur lors-

qu'un aide-de-camp vint lui annoncer dela partdu général Bertrand, que l'heure fixée pour le

départ était arrivée. «C'est bon, dit-il; voilà dunouveau: depuis quand est-celamontre du grand-maréchal qui règle nos mouvemens? Nous par-tirons quand nous voudrons, peut-être ne par-

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CHAPITRE X. =9~tirons-nous pas du tout.)) Néanmoins ce mou-vement d'impatience ne dura qu'un moment.

Napoléon quitta Fontainebleau le 20 avril

181~,a onze heures du matin. Sa suite rem-plissait quatorze voitures, pour lesquelles il fal-lait des relais de soixante chevaux. Pendant le

voyage, du moins dans les premiers jours, ilaffecta de donner une sorte de publicité à son

passage, en envoyant chercher les autorités desvilles qu'il traversait et s'informant de l'état des

lieux, comme il avait coutume de le faire dans"d'autres temps en pareille occasion. Les cris devive /7!per6M/  se faisaient souvent entendre,et semblaient lui donner une nouvelle vie. D'unautre côté, les maires et sous-préfets qu'il in-

terrogeait sur la cause de la décadence de plu-sieurs villes, lui faisaient froncer le sourcil en

l'attribuant à la'guerre où à la conscription; etdans plusieurs endroits le peuple portait la co-carde blanche, et l'insultait en poussant descris de vive le Roi!

Le 24 avril, Napoléon rencontra, dans une

petite caserne près de Valence, Augereau, sonancien compagnon d'armes qui avait fait avec

lui les campagnes d'Italie, et qui avait été jus-qu'à un certain point son maître dans l'art de la

guerre. Le maréchal avait été blessé de quel-ques réflexions insérées dans les bulletins of-

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Yïn DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

nciels, qui blâmaient son plan d'opérations pour-la défense de Lyon. Aussi, lorsqu'il adressa une

proclamation à son armée sur les changemens

qui venaient de s'opérer, il parla de Napoléoncomme d'un homme qui avait été lui-même l'in-strument de sa ruine, et qui pourtant n'osait pas

mourir. L'entrevue ne fut rien moins qu'ami-cale, et l'on rapporte que le dialogue suivanteut lieu entre eux « J'ai ta proclamation, dit

Napoléon, tum'as trahi.–Sire, répondit le

maréchal, c'est vous qui avez trahi la Franceet l'armée en sacrifiant l'une et l' autrea votre in-satiable ambition.–Tu t'es choisiun nouveau

maître~, s'écria Buonaparte.–Je n'ai pas de'compte à vous rendre à ce sujet, répondit le

général. –Tu ri'a pas de courage reprit Na-

poléon. -C'est toi qui n'en a pas)), dit Au-

gereau et, sans plus de façons, il tourna le dosa son ancien maître.

Ce fut à Montélimart que l'Empereur exilé

reçut pour la dernière fois des témoignages

d'intérêt. Il approchait alors de la Provence,

Itinéraire de 2?MO/:a/?<e, page 35. Augereau était un

vieux républicain, et il avait paru vouloir s'opposer àBuonaparte le  jour où celui-ci prononça la dissolution du

Corps Législatif. Il lui fut soumis tant qu'il régna mais

it btâma toujours sëvèrement sa passion effrénée'de con-

quêtes.

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CHAPITRE X.

pays où il n'avait jamais été aimé; et il fut

reçu aux cris d'imprécation mille fois répétésde « mortau tyran à bas l'assassin de nos en-fans » Plus il

avançait, plus l'indignationécla-

tait avec violence. Le lundi 26 avril, lorsquesir Niel Campbell, qui était parti avec Napo-léon, arriva à Avignon, l'officier de gardé de-manda d'un air inquiet si l'escorte qui accom-

pagnait l'Empereur était assezforte pourrésisterà une émeute populaire qui commençait déjà ase manifester à la

nouvelle deson

approche.Le

commissaire anglais le pria d'employer tous les

moyens~possibles pour protéger le passage de

Napoléon. Il fut convenu que les relais seraient

placés dans un quartier de la ville dînèrent decelui où l'on changeait ordinairement de che-vaux. Cependant lé peuple les découvrit, les en-

toura, et on eut beaucoup de peine à soustraireNapoléon a sa fureur. Dés dangers semblables se

renouvelèrent dans d'autres endroits, et, pouréviter d'être assassiné, l'ex-empereur des Fran-

çais fut obligé de se déguiser tantôt en postillon,tantôt en domestique, mettant beaucoup de soinà changer son costume de temps en temps,-or-

donnant aux domestiques de fumer en sa pré-sence, et invitant les commissaires qui étaientdans sa voiture, à siffler ou à chanter, afin quele peuple exaspéré ne soupçonnât pas quelle

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3Q~ VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

était la personne qui était avec eux. A Orgon,la populace promenait dans les rues son effigietoute souillée de sang, et elle arrêta sa voiture

pour la lui mettre sous les yeux. En un mot,depuis Avignon jusqu'à la Calade, il n'y eut pasune ville, pas un village où il ne fut grossière-ment insulté; et sans les soins et l'interventioucontinuelle des commissaires, il eût été probable-ment mis en pièces. Les outrages du peuple pa-rurent faire beaucoup d'impression sur lui. Il

versa même des larmes. Il montra aussi unecrainte d'être assassiné qui ne semblait pasd'accord avec son courage reconnu; mais ilfaut faire attention que le danger qu'il couraitétait d'une nature toute particulière, et bien

propre à eff rayer même ceux qui n'auraient

 jamais tremblé sur un champ de bataille. Le

plus brave soldat pourrait frémir à l'idée d'unemort semblable à celle des Witts'. A la Caladeses terreurs recommencèrent, et il manifesta.

beaucoup de crainte d'être empoisonné. Lors-

qu'il fut arrivé à Aix, un double détachementde gendarmes et de troupes alliées, fut chargéde veiller à sasûreté personnelle.

Les deux frères de Witts furent massacrés en Angle-terre par une populace effrénée, sous le règne de Charles II.

(~-).° Les précautions avaient été prises d'avance, et des

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CHAPITRE X. 395

Dans un château appelé Bouillidou, il eutune entrevue avec sa sœur Pauline. La curio-sité de la maîtresse de la maison et de deux ou

trois dames les fit aussi pénétrer jusqu'à lui.Elles virent un officier portant un uniforme au-trichien. « Qui demandez-vous, mesdames?–

L'empereur Napoléon. C'est moi-même.Tous plaisantez, monsieur, reprirent les dames.–Comment? Ah!  je vois que vous vous atten-diez à me trouver l'air plus méchant. Oh! oui,avouez-le; depuis que-la fortune m'est con-traire je dois avoir l'air d'un coquin, d'un scé-

lérat, d'un brigand. Mais savez-vous, pourquoitout ceci, est arrivé ? C'est uniquement parceque j'ai voulu placer la France au-dessus de

l'Angleterre. ))Enfin il arriva à

Fréjus,dans ce même port

qui l'avait reçu, lorsque revenant d'Egypte ilétait à la veille de commencer cette étonnante

carrière, qui maintenant allait seterminer, sui-vant toutes les apparences, au même pointd'où il était parti. Il s'enferma seul dans une

chambre oùil se mit à marcher à grands pas

détachemensde troupesassezconsidérablesavaientétéplacéssurla routede Grenoblede Gapet deSisteron~qu'ildevaitprendred'abord;mais,peut-~tredanslavued'éprouverl'espritdes habitans,il changead'idée,et pritcellequenousavonsindiquée.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.296

d'un air impatient, s'arrêtant quelquefois pourépier de la fenêtre l'arrivée des bâtimens dontl'un devait le transporter hors de France, à ce

qu'il semblait, pour jamais. La frégate fran-çaise la Z)/yû!<~ et un brick appelé l'Incon-~o/z~ étaient venus de Toulon à Fréjus, et setenaient prêts à le recevoir; mais, ne se sou-

ciant peut-être pas de s'embarquer sous le pa-villon blanc, Napoléon préféra monter à bord-du vaisseau de Sa Majesté Britannique ~77z~-

pide, commandé par le capitaine Usher. Cebâtiment avait été mis à la disposition du com-missaire anglais, sir Niel Campbell, qui se

prêta volontiers aux désirs de Napoléon. Ce futle 28, à onze heures du soir, qu'il s'embarqua,et il fut salué de vingt et un coups de canon.<(

Adieu,César et sa fortune

»,dit

l'envoyérusse. Les commissaires anglais et autrichien

l'accompagnèrent dans la traversée.Pendant le passage Buonaparte parut recou-

vrer sa présence d'esprit, et il s'entretint avec

Le commissaire prussien écrivit la relation de ieur

voyage, qn'H publia sous le titre de Itinéraire ~BuOMa-

~r<e/u~'a~o/!e/7!&a/cy7!e/< Paris tStS. Les

faits qu'H rapporte sont amplement eonnrmës par lés ré-

cits de ses compagnons de voyage. Napolëon regarda

toujours le pamphlet du gênera) Truchsëss Wâidbourg,ainsi que la relation de t'Ambassade de Varsovie, de t'abM

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CHAPITREX. ~97

beaucoup de franchise et de familiarité, avéc le

capitaine Usher et sir Niel Campbell. Il aimait

surtout à leur développer les grands projets

qu'il avait été forcé de laisser sans exécution,lançant de temps en temps des traits épigram-matiques contre ses ennemis, et témoignant

beaucoup de mépris pour leurs moyens de dé-

fense. Les détails suivans sont assez curieux,et nous ne croyons pas qu'ils aient jamais été

rendus publics.

Il s'informa des moindres détails relatils à ladiscipline du bâtiment, dont il Etun grand éloge;mais il assura le capitaine Usher que, s'il fût

resté cinq ans de plus sur le trône, il aurait eu

trois cents vaisseaux de ligne. Le capitaineUsher lui demanda naturellement par qui ils

auraient été montés. Napoléon répondit qu'il

avait résolu de lever une conscription navaledans tous les ports et sur toutes les côtes,de

France; qu'ainsi il aurait eu des équipages poursa flotte, qu'il aurait fait manœuvrer dans le

Zuyderzée jusqu'à ce qu'elle eût été en état

dePradt commelesouvragesqui pouvaientluifairete

plusdetort. Peut-êtresentait-Hque,pendantcevoyage,il n'avaitpassoutenusoncaractèredehérns,oupeut-êtreencoren'aimait-ilpas qu'onrenditpublicsdesdétaiisquiprouvaientà que!pointilétaitabhorrédanste midide i&francë.

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VIEUBNAFOJjÉONBUONATA~TE.398de tenir la mer. L'omcier anglais eut peine àretenir un sourire, en répondant que des con-scrits de marine feraient une triste'figure au,

milieu d'une bourrasque..Avec Fenvoyé autrichien, Napoléon ne par-lait sans cesse que de l'agrandissement de la

puissance de la Russie, qui, si elle pouvait parquelque moyen joindre la Pologne à la partiesaine et intégrale de-son armée, couvrirait l'Eu-

rope de ses soldats victorieux.

Dans une autre occasion l'Empereur amusases auditeurs d'une histoire neuve et curieusedu renouvellement de la guerre avec l'Angle-terre. D'après cette édition rue de Malte n'avaitété qu'un prétexte « Bientôt après la paixd'Amiens, dit-il, M. Addington, premier mi-nistre anglais, lui proposa de renouer le traité

de commerce de M. Pitt avec la France; maislui, Napoléon, jaloux d'encouragerl'industrie in-térieure de la France, avait refusé d'entrer dansce traité, à moins qu'il ne fût basé sur des termes~de réciprocité; a savoir, que si la France re-

1\ 

cevait tant de millions d'importations anglaises,l'Angleterre serait obligée en retour de prendrela même quantité de productions françaises.Ces conditions furent refusées par M. Adding-ton là-dessus Napoléon déclara qu'il n'y aurait

point de traité du tout, si ces principes n'étaient

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qHAPiTBJE X. sgg

pas adoptés. « Alors, reprit M.'Addington,comme lui faisait dire Buonaparte, il y aura

des hostilités, car à moins que le peuple anglais

n'ait l'avantage du commerce, comme il y estaccoutumé, il me forcera dedéclarer la guerre.))La guerre eut donc lieu, et la vraie cause,

ajouta Napoléon, en fut la détermination prise

par l'Angleterre de recouvrer les avantages du

traité de commerce qui avait eu lieu entre Yer-

gennes et Pitt.

« Maintenant, continua-t-il en s'échaunant,l'Angleterre n'a plus de puissance qui s'opposeà son système elle peut le poursuivre jusqu'àses dernières limites. On fera un traité à des

termes très inégaux, qui priveront les manu-

factures françaises de tout encouragement. Les

Bourbons sont pauvres. )) Et ici, se reprenant,

il dit « Ce sont de grands seigneurs fort contensde rentrer dans leurs terres et de retirer leurs

revenus; mais si le peuple français s'en aperçoitet se fâche, les Bourbons seront renvoyés au

bout de six mois. ))A ces mots il parut se re-

cueillir comme un homme qui pense en avoir

trop dit, et il fut évidemmentplus réservé tout

le reste du  jour.Cette curieuse boutade fut arrangée à la ma-

niére de. Napoléon, qui mêlait volontiers, en

parlant, ce qui pouvait être vrai avecce quipou-

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JOO VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

vait favoriser ses propres vues, faisant du toutun composé de tant de mensonges et de décep-tions, qu'on pouvait dire de ses discours ce que

le poète anglais dit du complot catholique~oy7!e /M~therewas,butmix'danddash'dwith~M.

a Ony trouvaitlevrai, maismêlédemensonges,a

Il est probable qu'après la paix d'Amienslord Sidmouth ait pu désirer de renouveler letraité de

commerce mais il est absolument fauxque le refus de Napoléon ait eu le moindre effetsur le renouvellement des hostilités. Sa prédic-tion par laquelle il prétendait que sa chute se-rait suivie d'un traité désavantageux de com-merce imposé par l'Angleterre à la France estdevenue également fausse et il est assez singu-

lier que celui qui, à bord de ~7/z~M6~ décla-rait qu'une semblable mesure serait la perte des

Bourbons, ait voulu plus tard, à Sainte-Hélène,critiquer et railler lord Castlereaghpour n'avoir

pas garanti à la Grande-Bretagne cette supré-matie commerciale représentée par lui commela cause probable d'un tel résultat. C'était ainsi

que, sinon les faits, du moins la couleur qu'illeur donnait, changeait selon l'humeur du mo-ment.

Dryden. (A~.)

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bHAPiTREX. 3oi

Pendant qu'il était à bord de ~T~re~K~ Na-

poléon parla très librement de la facilité avec

laquelle il avait trompé et battu les Alliés dans

la dernière campagne. « C'était, disait-il, l'ar-mée de Silésie qui lui avait donné le plus de

mal; ce diable de Blucher n'était pas plus tôtbattu qu'il voulait se battre encore)) maisilconsidérait sa victoire sur Schwartzenbergcomme certaine sans la défection de Marmont.Il dit encore beaucoup d'autres choses avecune

grande franchise apparente,-et il semblait très jaloux de se rendre agréable à ses~compagnons~à bord.Les marins eux-mêmes, qui, le prèmier)6ur, le regardaient avec une admiration mêléede crainte, n'échappèrent pas au charme deson affabilité ils y furent tous pris .excepté le

contre-maitreHinton', marin de la vieille

roche, qui ne put jamais écouter les louangesde l'Empereur sans murmurer le mot vulgairemais expressif  de humbug.

Le brave contre-maître comprit et apprécia ce qu'il

y avait de réel dans le vœu de Napoléon. Chargé de remer-

cier l'Empereur au nom de l'équipage, pour les 200 louis

que celui-ci lui avait donnés il souhaita à son honneur

bonne santé, et plus de bonheur la prochaine fois..Bote, &OM/e Sornettes que-tout cela Ce mot vut-

-gaire appartient, en quelque sorte, exclusivement à la

conversation il exprime le dédain encore plus par ono-

'màtopée que par son sens mjjtne. (Édit.)

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3o2 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

Ce fut avec la même bonne humeur que Na.

poléon souffrit toutes les plaisanteries qui pou-vaient échapper même à ses dépens. On ve-nait de

dépasserfile de

Corse, lorsqu'il proposaau capitaine Usher de tirer un coup de canon

pour faire amener un bateau-pêcheur dont il

espérait recevoir quelques nouvelles. Le capi-taine Usher s'excusa de n'en rien faire, en di-sant qu'un acte semblable d'hostilité contre unneutre le dénationaliserait contradictoirement

à la doctrine de Napoléon lui-même sur le droitdes gens. L'Empereur rit de bon cœur. Uneautre fois, il s'amusait à supposer que son

voyage donnerait lieu à d'admirables carica-tures à Londres. Il semblait très familier aveccette espèce de satire, qui est si particulière-ment anglaise.

Le 4mai, lorsqu'on arriva en vue de Porto-Ferrajo, principale ville de file d'Elbe, qui a

un très joli port, on trouva que l'ue était agitée.Les habitans s'étaient mis récemment en in-surrection contre les Français. Pour les apai-ser, le gouverneur et les troupes avaient enfindonné leur adhésion au gouvernement des

Bourbons. Cet état de choses augmenta naturel-lement les craintes de Napoléon, qui n'était pascomplétement rassuré depuis les dangers qu'ilavait courus en

Prœ~ence.Même à bord de

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CHAPITRE X.- 3q3

~7/<~M~ il avait demandé qu'un sergent de

marine couchât en dehors de sa cabane et en

dedans un domestique montait aussi la garde

auprès de son maître. Quand il fallut entrerdans le port, il montra quelque répugnance a

laisser passer le vaisseau directement sous les

batteries; et quand il débarqua pour la pre-mière fois, le matin, ce fut de bonne heure et

déguisé, ayant préalablement obtenu du capi-taine Usher un détachement de soldats de ma-

rine pour l'escorter.Etant revenu à bord pour déjeuner, après

cette première visite incognito, l'Empereur de

l'ne d'Elbe, comme on pouvait le nommeralors~

débarqua en cérémonie, sur les deux heures,avec les commissaires, et quand il quitta l'In-

trépide, on lui fit un salut royal. Sur le rivage,

il fut reçu par le gouverneur, le préfet et lesautres magistrats avec tous les honneurs qu'ils

purent lui faire; il fut conduit par eux, en

grand cortège, jusqu'à l'hôtel-de-ville, précédéd'une misérable bande de ménétriers. Le peuplel'accueillit avec de nombreuses acclamations.

Le nom de Buonaparte avait été impopulaire

parmi les habitans avec le titre d'empereur desFrançais; mais ils se promettaient des avantagesconsidérables de son séjour dans file, en qualitéde leur souverain particulier.

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VIE DE NAPOLÉONBUONAPARTE3o4

CHAPITRE XI.

L'île dTElbe.–Manière de vivre~et occupations de Napoléon.Effet produit par sa résidence à l'île d Elbe sur le

royaume d'Italie qui en est voisin. -Il reçoit la visite de

sa mère, de la princesse Pauline et d'une dame polonaise.SirNiel Campbell seul commissaire laissé à l'île d'Elbe.

Conversations de Napoléon sur l'état de l'Europe.Difficultés pécuniaires qu'il éprouve, et ses craintes d'être

assassiné. Son impatience au milieu de ces sujets de

plaintes. Bigarrure de sa cour. Il se renferme dans sadignité pour n'avoir aucune liaison avec sir Niel Campbell.

Symptômes d'une crise prochaine. Une partie de la

vieille garde est licenciée et renvoyée en France. Napo-léon s'échappe de l'île d'Elbe. –Sir Niel CampbeII le pour-suit inutilement.

L'ÎLE d'Elbe, dans les limites de laquelle levaste empire de Napoléon était alors resserré,est située vis-à-vis la côte de la Toscane, etpeut avoir environ soixante milles de circonfé-T?ence. L'air y est sain, excepté dans le voisi-

~nage des marais salans. Le pays est monta-

gneux, et la végétation, y étant aussi belle

qu'en Italie, lui donne en général un aspect

pittoresque.Il

produit peude

grains,mais il

exporte une quantité considérable de vins, et"ses minesde fer étaient célèbres du temps de

Virgile, qui décrit cette ile commeInsula inexhaustis c~a~&M~! generosa metallis.

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CHAPITRE XI. 305

On y trouve aussi d'autres productions mi-

nérales il y a deux bons ports, et le sol produitabondamment du raisin, des olives, des fruitset du maïs. Si l'on

pouvait supposer l'èxistençed'un empire' dans un territoire si borné, filed'Elbe possède peut-être assez de beaux sites etde variété pour être la scène d'un rêve de souve-raineté pendant une nuit d'été Buonapartesembla se prêter à cette illusion, quand, accom-

pagné de sir Niel Campbell, il fit le tour de

son petit empire comme s'il eût fait une recon-naissance. Il ne manqua pas d'aller voir lesmines de fer, et ayant appris qu'elles produi-saient un revenu annuel de 5oo,ooo francs« Cette somme m'appartient donc?)) dit-il.Mais comme on lui rappela qu'il avait donné cerevenu àla Légion d'Honneur, il s'écria « Où

avais-je donc la tête quand je lui ai fait cetabandon? Mais j'ai rendu bien de sots décretsde cette espèce. ))

Un ou deux hommes de la classe la pluspauvre des habitans s'agenouillèrent et mêmese prosternèrent devant lui en le rencontrant. Il

parut dégoûté de ce degré de bassesse humi-

liante, et il l'attribua à leur mauvaise éducationCettephraseseraitpeu intelligiblesionnese sou-

venaitpasqu'ily aunepièceféeriedeShakespeare,inti-tuléele ~o/~cd'unenuitd'été.(Édit.)

VtEnENAP.BuoN.TomeS. ~o

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3o6 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

sous les moines. Dans ces excursions, il mon-trait la même crainte d'être assassiné qu'ilavait témoignée lors de son voyage à Fréjus.

Deux courriers bien armés le précédaient, etexaminaient tous les endroits qui paraissaientsuspects. Mais lorsqu'il eut gravi une mon-

tagne au-dessus de Porto-Ferrajo, et qu'il vitl'Océan sous ses pieds presque de tous côtés, illui échappa de s'écrier avec un sourire debonne humeur « Il faut avouer que mon ile w

n'est pas grande. ))Il se déclara pourtant parfaitement résigné àson destin parla souvent de lui-même commed'un homme mort politiquement, et se faisantun mérite de ce qu'il disait sur les affaires pu-bliques comme n'y ayant plus aucun intérêt, il

prétendait que ses intentions étaient de se dé-

vouer exclusivement aux sciences et à la litté-rature. En d'autres occasions il disait qu'ilvoulait vivre dans sa petite ile comme un  jugede paix dans un village d'Angleterre.

Napoléon connaissait pourtant bien peu lui-même son caractère, s'il croyait sérieusement

que son âme forte et active pouvait se conten-

ter d'approfondir des vérités abstraites, oud'amuser ses loisirs par des recherches litté-raires. Il comparait son abdication à celle deCharles Y, oubliant que cet empereur était

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CHAPITRE XI. 3o!/ 

descendu du trône volontairement;, qu'il avaitdu goût pour les arts mécaniques, et que,même avec ces moyens de récréation, Charles.

ne fut pas toujours content de sa retraite. Aucontraire, le caractère de. Buonaparte était.

singulièrement opposé à ce qu'exige une vieretirée. Il continua à montrer dans File d'Elbeles mêmes penchans qui avaient été si long-temps un objet de terreur et d'inquiétude pourl'Europe. Changer la face extérieure de tout ce

qui l'entourait, imaginer des travaux étendus,sans calculer exactement lès moyens de les,

exécuter; ne leur donner d'autres bornes quecelles qu'y mettaient les limites de sespetits do-

maines 'en un mot, faire revivre sur une pe-tite échelle tous les changemens qu'il avait

essayés sur une plus grande et plus magnifique;

adapter à File d'Elbe le système de politique)qu'il avait. si long-temps suivi à l'égard de l'Eu-;

rope, c'était le seul moyen qu'il parut .avoir.trouvé pour occuper et amuser l'impatience.d'un caractère habitué, dés sa première jeu-nesse, à diriger toute sa puissance sur les autres,mais porté à devenir léthargique, sombre, et

mécontent, lorsque, faute d'autre .occupation,,il était en quelque sorte refoulé sur lui-même.

Pendant les deux ou trois, premièjces se-maines de sa résidence dans Hie,d'Elbe, Napû~

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3o8 VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTE.

léon avait déjà projeté des améliorations, oudu moins des innovations, qu'il n'aurait pu

exécuter, avec les moyens qu'il possédait, sans

y consacrer peut-être tout le reste de sa vie.Accoutumé, comme il l'avait été, à n'avoir

qu'a parler pour être obéi, et à regarder les

amélioràtions qu'il méditait comme convenant

au chef d'un grand empire, il n'est pas éton-

nant qu'il n'ait pu faire attention que ses'opéra-tions actuelles ne concernaient plus qu'une pe-

tite ile où la magnificence de ses anciens plansdevait nécessairement être restreinte par le

manque de fonds.Dans le cours de deux ou trois jours de

voyage, avec la même rapidité qui caractérisait

tous ses mouvemens dans ses courses fré-

quentesen

France,et sans pouvoir supporter

davantage le repos ou le moindre délai, Napo-léon avait visité tout ce que contenait sa petite

ile, mines, bois, marais salans, ports, fortifica-

tions, tout ce qui pouvait mériter l'attention

d'un moment; et tout ce qu'il avait vu de-

vait être modifié. Jusqu'à ce qu'il eut fini cette

revue, ilne

pouvait goûteraucun

repos;et

quand il l'eut terminée, il manqua d'occupa-tion.

Un de ses premiers projets, et peut-être le

plus caractéristique, fut celui d'agrandir et

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CHAHTR-EXI. 3ogd'étendre ses domaines lilliputiens, en occu-

pant une ile inhabitée nommée Rianosa, quiavait été abandonnée à cause des descentes fré-

quentesdes corsaires. Il

envoya, pourcette

expédition, trente de ses gardes, et dix hommesde la compagnie indépendante de FMe. Quelcontraste avec celles qu'il avait autrefois diri-

gées il esquissa un plan pour fortifier cette Me

déserte, et s'écria avec un ton de complai-sance « L'Europe dira que j'ai déjà fait une

conquête. ))Dans un temps bien court, Napoléon avaitformé le projet de plusieurs routes, imaginédes moyens pour faire arriver Feau des mon-

tagnes à Porto-Ferrajo, tracé les plans de deux

palais, l'un à la campagne, l'autre dans la ville,d'une maison séparée pour sa sœur Pauline,

d'écuries pour cent cinquante chevaux, d'unlazaret, de bâtimens pour la pêche du thon, etde salines d'unnouveau genre à Porto-Longone.L'empereur de Fue d'Elbe se proposait aussid'acheter dinerens domaines, et il en fit estimerle prix, car la volonté des propriétaires n'était

pas regardée comme essentielle au contrat. il

finit par établir quatre lieux de résidence dansdifférentes parties de l'ue et comme tout sonamusement ne consistait qu'en changemens, ilallait sans cesse de l'un à l'autre, aussi infati-

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CHAPITREXI. 3n

d'être devenus les sujets de Napoléon, était

plaisant. «.Elevée à l'honneur sublime de rece-voir l'oint du Seigneur » il parlait des richesses

inépuisables qu'allaientverser à

grandsflots sur

le peuple les étrangers qui viendraient voir lehéros. On aurait dit que son exhortation pas-torale avait pour but d'annoncer que l'Med'Elbeétait devenue la résidence de quelque animalcurieux et inconnu, qu'on allait montrer pourde l'argent.

Lamaison intérieure de Napoléon, quoiqueréduite à trente-cinq personnes, conservait en-

core les titres'et les rangs propres à une cour

impériale, et dont on verra bientôt le petit sou-verain faire un usage politique. Il adopta un

pavillon national ayant une bande rouge tra-versant un champ blanc de droite à gauche, la

bande portant trois abeilles. Pour relever. ladignité de sa capitale, ayant découvert que.l'ancien nom de Porto-Ferràjo était Comopoli,c'est-à-dire la ville de Corne, il ordonna qu'onlui donnât celui de Cosmopoli, ou la ville detoutes les nations.

Sa garde, composée d'environ sept cents

hommes d'infanterie et .de quatre-vingts de ca-valerie, semblait occuper l'attention de Napo-léon autant que l'avait jamais fait la Grande-

Armée..Hl'exerçait continuellement, et surtout

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3TL3 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

à lancer des boulets et des bombes; et l'on re-

marqua bientôt qu'il cherchait à se procurerdes recrues. C'était un désir peu difficile à satis-

faire, à une époque où le monde entier ayantété si récemment sous les armes, tant d'indi-

vidus, pour qui une vie paisible avait peu de

charmes, n'avaient quitté qu'à regret le métierde soldat, et ne demandaient qu'à le reprendre.

Dès le mois de juillet i8i4, il y eut un grandmouvement de fermentation en Italie, où le

voisinage de FMed'Elbe, la résidence de plu-sieurs membres de la famille Buonaparte, etla souveraineté de Murat, attiraient un con-cours général des amis et des admirateurs de

Napoléon. Cette agitation augmentait tous les

 jours, et l'on employa divers moyens pour ré-

pandre l'idéeque Napoléon reprendrait

unjourtout son pouvoir. Divers petits détachemens de

recrues arrivèrent d'Italie pour s'enrôler dansses gardes, et deux individus chargés de ce ser-vice furent arrêtés à Livourne. On trouva enleur possession des listes manuscrites contenantles noms de plusieurs centaines de personnes

disposéesà servir

Buonaparte. L'espècede fer-

mentation et de mécontentement qui naquitainsi en Italie, fut considérablement augmentépar la conduite impolitique du prince Rospi-gliosi, gouverneur civil de Toscane, qui réta-

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CHAPITREXI. 3l 3

Mit dans toute leur force tous les réglemens ettoutes les formes qu'on observait autrefois sousles ducs de ce pays. Il supprima rétablissement

dù Musée, qui avait été institué par la sœur deBuonaparte, et en retournant à toutes les absur-dités de l'ancien gouvernement, il eut soin dene pas diminuer un seul des impots mis par lesFrançais.

On peut juger, d'après le trait suivant, de laconduite de Napoléon à l'égard des réfugiés qui

arrivaient dans son Me. Le i juillet, Côlom-boni, chef  d'un bataillon du quatrième régi-ment de ligne en Italie, fut présenté à FEmpe-reur, comme étant nouvellement arrivé. (( Ehbien, Colomboni, quelle affaire vous amènedans l'ile d'Elbe ? La première, Sire, est derendre mes devoirs à Votre Majesté la seconde,

de m'offrir pour porter le mousquet parmi sesgardes. C'est une place au-dessous de vousil vous en faut une meilleure, dit Napoléon )),et il le nomma à une place de douze cents francs

d'appointemens, quoiqu'il paraisse qu'il éprou-vait lui-même alors de grands embarras pécu-niaires.

Vers le milieu de l'été, Napoléon reçut la vi-site de sa mère et celle de sa sœur la princessePauline. Il semble qu'il s'attendait aussi, vers.la même époque, à voir arriver son épouse,

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3~ VIE DE NAFO.LËON BUONAPARTt:.

Marie-Louise, qui, disait-on, venait prendrepossession de ses domaines d'Italie. Leur sépa-ration et les événemens arrivés devant Paris,étaient

les seuls sujets qui parussent lui faireperdre son sang-froid. Il n'en parlait jamaisqu'avec aigreur et violence. Il disait que lesobstacles qu'on apportait à sa réunion avec safemme et son fils, étaient frappés d'une répro-bation universelle à Vienne qu'aucun exemplesemblable d'injustice et de barbarie ne pouvait

être cité dans les temps modernes; que l'Impé-ratrice était détenue prisonnière, un officierd'ordonnance l'accompagnant partout; enfin,qu'avant qu'elle quittât Orléans, on lui avaitdonné à entendre qu'il lui serait permis d'allerle rejoindre à file d'Elbe, ce qu'on lui refusaitmaintenant. Il était possible, ajoutait-il, de voir

dans cette séparation une ombre de politique,quoiqu'on ne pût en apercevoir une de justice.L'Autriche avait uni sa fille à l'empereur dela France, mais elle désirait rompre cette liai-son avec l'empereur de l'île d'Elbe, parce qu'onpouvait appréhender que le respect dû à unefille de la maison d'Hapsbourg ne fit réfléchir

trop de lustre sur le souverain qui avait abdiqué.D'une autre part, le général Kohler, com-

missaire autrichien, soutint que cette sépara-tion avait lieu du consentementdeMarie-Louise,

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CHAPITRE XI. 3l5

et même à sa requête, et donna à entendre quele désir que montrait Napoléon d'être auprèsde l'Impératrice, prenait sa source dans d'au-

tres sentimens que ceux de l'affection conjugale.Mais en supposant que les vues de Napoléon

pour désirer si vivementla compagnie de son

épouse, pussent être, d'une nature politique,nous ne pouvons trouver ni justice ni raison à

lui avoir refusé une demande qui aurait été ac-

cordée à un criminel condamné à ladéportation.

Nous n'ayons pas jugé à propos d'interromprela relation d'événemens importans pour men-

tionner des détails qui semblent appartenir au

roman; mais à présent que nous parlons du ca-

ractère privé de Napoléon, nous pouvons dire

un mot d'une circonstance mystérieuse. Vers la

fin d'août i8i4, on vit arriver de Livourne à

file d'Elbe une dame accompagnée d'un enfantde cinq à six ans. Napoléon la reçut avec beau-

coup d'égards, mais en même temps avec un

air de grand mystère, et elle fut logée dans une

petite maison de campagne très retirée, dans la

partie la plus éloignée de l'île, d'ou, au bout de

deux jours, elle se rembarqua pour Naples.Les habitans de l'île d'Elbe en conclurent na-turellement que ce devait être l'impératriceMarie-Louise et son fils. Mais ceux qui appro-chaient de la personne de Napoléon, savaient

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3l 6 VIE DE NAPOLÉON BUONAPÀRTE.

que c'était une dame polonaise de Varsovie,et que l'enfant était le fruit d'une intrigue quiavait eu lieu entre elle et Napoléon quelques

années auparavant. Son prompt départ pouvaitêtre une affaire de délicatesse à l'égard de Marie-

Louise, et la crainte de donner à la cour de

Vienne un prétexte pour faire durer la sépara-tion dont Napoléon se plaignait. Dans le fait,les Autrichiens, pour justifier leur conduite,accusaient d'irrégularité celle de Buonaparte;

mais ce ne serait pas une recherche très édi-fiante que celle qui aurait-pour but de vérifier

ces accusations.Vers la mi-mai, le baron Kohler prit congé

de Napoléon pour retourner à Vienne. C'était

un général autrichien de haut rang et jouissantd'une grande réputation ami particulier et aji-

cien compagnon d'études du prince Schwart-zenberg. Le moment de son départ offrit une

scène tout-à-fait pathétique de la part de l'Em-

pereur. Napoléon versa des larmes en embras-sant le général Kohier, et le conjura de faire en

sorte de le réunir à son épouse et à son fils. Il

l'appela le sauveur de sa vie, et regretta sa pau-

vreté qui ne lui permettait pas de lui donnerquelque marque précieuse de souvenir. Enfin,serrant le général autrichien dans ses bras, il l'y

retint, quelque temps en répétant les expres-

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CHAPITRE XI. 3i7

sions dû plus vif attachement. Cette sensibilitén'existait que d'un côté car un gentilhommeanglais, témoin de cette scène, ayant ensuite

demandéa- Kohier à quoi il songeait en recevantles embrassemens affectueux de l'Empereur,«'à Judas Iscariote )), répondit l'Autrichien.

Après le départ du baron Kohler, le colonelsir Niel Campbell fut le seul des quatre com-missaires qui continuait à rester dans Filed'Elbe,par ordre du cabinet britannique. Il était diffi-

cile de dire quelles étaient réellement ses fonc-tions et quelles instructions il avait reçues. Iln'avait ni le pouvoir, ni le droit, ni les moyensd'intervenir dans les mouvemens de Napoléon.Un traité avait reconnu l'Empereur commesouverain indépendant, et il n'était plus tempsde demander si c'était un acte de sagesse ou de

folie. Ce n'était donc que comme envoyé quesir Niel Campbell pouvait avoir la permissionde résider à sa cour, et non comme envoyéordinaire chargé des intérêts de son gouver-nement, mais avec une mission du genre de'celles qu'on n'avoue pas, la mission d'observerla conduite du souverain auprès duquel on

réside. Dans le fait, sir Niel Campbell n'avaitpas de fonctions directes et ostensibles et leministre français de l'Med'Elbe en prit bientôt

avantage. Drouot, gouverneur de Porto-Fer-

)

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3] 8 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

raie, fit des questions si positives sur le carac-tère dont était revêtu l'envoyé anglais, et surla durée de son séjour dans l'ue d'Elbe, que

celui-ci fut obligé de dire que ses, ordresétaientd'y rester jusqu'à la fin du congrès qui se te-nait alors pour régler les aSaires de l'Europe,mais que s'il devait continuer à y demeurer

après cette époque il demanderait que sesfonctions fussent publiquement reconnues et

qu'il ne doutait pas qu'elles ne fussent d'une

nature honorable.Napoléon ne s'opposa point à la continuation

de la résidence de sir Niel Campbell dans son

ile quelque équivoque qu'elle fût. Bien loind'en murmurer, il anecta au contraire d'en êtrecharmé. Pendant assez long-temps il semblamême rechercher la société de l'envoyé an-

glais, eut de fréquentes entrevues avec lui, etl'entretint des affaires publiques avec toute

l'apparence de la confiance. Les notes de cesconversations sont en ce moment sous nos yeux,et quoiqu'il soit évident, d'une part, que Na-

poléon, ne parlait généralement que d'aprèsun plan préparé d'avance, cependant il est éga-

lement certain, de l'autre, que dans la chaleurde l'entretien son caractère impétueux laissait

échapper ses pensées secrètes plus qu'il n'auraitvoulu les découvrir de sang-froid.

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CHAPITRE XI. 3l g

Le 16 septembre 181~, par exemple, sirNiel Campbell eut une audience de trois heures,pendant laquelle Napoléon, incapable, suivant

son usage, de supporter une attitude séden-taire, ne Et que se promener d'un bout à l'autrede l'appartement, et ne cessa de parler. Il était

charmé, dit-il, que sir Niel restàt dans file

d'Elbe, « pour rompre la c~~ere)) c'est-à-dire détruire l'idée qu'il eut l'intention detroubler encore la paix de l'Europe. « Je ne

pense à rien au-delà des limites de mes petites îles )), continua-t-il (( j'aurais pu soutenir la

guerre encore vingt ans, si je l'avais voulu. Jesuis maintenant un défunt. Je ne suis occupéque de ma famille, de ma retraite, de ma mai-

son, de mes vaches et de ma basse-cour. )) Il

parla ensuite du caractère anglais, dans les

termes les plusrelevés, protestant qu'il l'avaittoujours sincèrement admiré, malgré les in-

 jures dirigées contre lui en son nom. Il pria l'en-

voyé anglais de ne pas perdre de temps pourlui procurer une grammaire anglaise. C'est

dommage que le contre-maître M. Hinton nefût pas présent, pour accompagner cet éloge de

son interjection favorite.

1 Telle est la phrase française citée dans le texte le

colonel Campbell eût été mieux compris même en France

s'il avait écrit en anglais. (~<A<.)

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.320

Dans le reste de cette conversation, l'empe-reur de file d'Elbe fut probablement plus sé-rieux. Il s'informa avec empressement de l'état

réel de la France. Sir Niel Campbell lui donnaà cet égard tous les détails qu'il avait pu se pro-curer il fit l'éloge de la sagesse et de la modé-

ration du souverain et du gouvernement maisil convint que ceux qui avaient perdu de bonnes

places, les prisonniers de guerre de retour dans

leur patrie, et une grande partie de l'armée qui

restait sur pied, étaient encore attachés à Na-poléon. Buonaparte dans sa réponse, parutadmettre la stabilité du trône, soutenu, comme

il.l'était, par les maréchaux et les grands offi-

ciers mais il tourna en ridicule l'idée de donner

à la France l'avantage d'une constitution libre.

Il dit que la tentative d'imiter celle dela Grande-

Bretagne n'était qu'une farce, une caricature.Il était impossible, ajouta-t-il, d'imiter les deux

Chambres du Parlement, puisque les familles

respectables comme celles qui composent l'aris-

tocratie de l'Angleterre, n'existaient pas main-

tenant en France. Il parla avec amertume dela cession de la

Belgique,

et de la perte que la

France avait faite d'Anvers. Il parlait en spec-tateur, dit-il, sans espoir et sans intérêt car il

n'en avait aucun mais avoir ainsi mortifié les

Français, c'était une preuve qu'on ne con-

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323 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE. `

Napoléon, s'offraient quand il revenait dansfile d'Elbe après une courte absence àLivourneou à Florence, parce qu'alors sa présence aulever de

l'Empereurétait une affaire d'éti-

quette.Dans ces occasions, les prophéties de Napo-

léon étaient menaçantes pour la paix de l'Eu-

rope. Il parlait sans cesse de l'humiliation

qu'on avait fait subir a la France, en la dé-

pouillant de la Belgique et d'Anvers; c'était son

sujetfavori. Le 3o

octobre,en

yrevenant avec

plus de détail, il peignit l'état d'irritation de la

nation, disant que tout Français, regardait leRhin comme formant les limites naturelles deson pays, et que rien ne pouvait changer cette

opinion. La France, ajouta-t-il, ne manquaitpas de population et cette population était

belliqueuse plus que celle de toute autre con-trée, tant par une disposition naturelle, quepar suite de la révolution, et par l'amour pourla gloire. Louis XIV, suivant lui, malgré tous

les malheurs qu'il avait attirés sur la France,était encore aimé a cause de l'éclat de ses vic-

toires, et de la magnificence de sa cour. La

bataille de Rosbach avait amené la révolution.Louis XYIII se méprenait complétement surle caractère des Française en supposant quepar des raisonnemens, ou en leur-octroyant

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CHAPITRE XI. 323

une constitution libre, il pourrait les déterminerà languir dans un état d'industrie paisible. Il in-sista sur ce, que la présence du duc de Wel-

lington à Paris était une insulte pour la nationfrançaise; il dit que la mésintelligence régnaitdans tout le pays, et que le Roi n'avait que peud'amis, soit dans l'armée, soit parmi le peuple.Louis pouvait peut-être tâcher de se débarrasser

,d'une partie de l'armée en l'envoyant a Saint-

Domingue mais on saurait'bientôt que penser

d'un tel expédient; il en avait fait lui-même latriste épreuve, en perdant trente mille hom-

mes, et c'était une preuve de l'inutilité d'une

semblable expédition.Il s'arrêta en ce moment, et chercha a dé-

montrer que les sentimens qu'il exprimait n'a-vaient rien de personnel, et qu'il n'attendait

rien des révolutions qu'il prédisait. « Je suisun homme mort, .dit-il; j'étais né soldat;

 j'ai monté sur un trône, j'en suis descendu; jesuis préparé à quelque destin que ce soit. On

peut me déporter sur un rivage lointain,. oume mettre à mort ici; j'ouvrirais mon sein au

poignard. Quand je n'étais que le général Buo-

naparte, j'avais des possessions que j'avaisacquises maintenant je suis privé de tout. ))

Dans une autre occasion', il parla de la fer-

mentation qui régnait en France, comme il

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32~ VIE DE NAPOI~ÈON BUONAPARTE.

l'avait appris, dit-il, par la correspondance deses gardes avec leur pays; et il oublia le rôlede défunt, au point de dire clairement que le

mécontentement actuel éclaterait avec toutela

fureur de la première révolution et exigeraitsa résurrection. « Car alors, ajouta-t-il~ lessouverains de l'Europe trouveront nécessairedans leur propre intérêt de m'appeler pour ré-tablir la tranquillité. ))

Cette espèce de conversation était peut-être

le meilleur moyen qu'il pût adopter pour ca-cher ses secrets au commissaire anglais. SirNiel Campbell, quoiqu'il ne fût pas sans quel-ques soupçons, jugea, en dernier résumé, qu'iln'était pas vraisemblable que Napoléon mé-ditàt quelque entreprise extraordinaire, àmoins

qu'il ne se présentât quelque occasion sédui-

sante en France ou en Italie.Buonaparte tenait à chacun le même langage

qu'au commissaire anglais. Il était aSable, etmême cordial, en apparence, à l'égard des

étrangers nombreux que la curiosité portait àvenir le voir. Il parlait de sa retraite commeDioclétien aurait pu le faire de ses jardins de

Salones. Il semblait considérer sa carrière po-litique comme terminée, et avoir pour but

principal d'expliquer les traits de sa vie que lemonde interprétait défavorablement. C'était

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CHAPn'RË XI. 325

ainsi qu'il palliait, au lieu de le nier, le dessein

d'empoisonner ses prisonniers en Syriè, le mas-sacre de Jaffa, le meurtre du duc d'Enghien et

d'autres crimes. Uri empereur, un conquérant,ne faisant plus là guerre, et n'ayant plus depouvoir, doit être écouté favorablement parceux qui jouissent du plaisir presque roma-

nesque de l'entendre plaider'sa propre cause.Des e'e~o/M adoucies de toutes ses mesures

commencèrent à se répandre dans l'Europe, et

la curiosité de voir et d'admirer le souveraincaptif  faisait oublier les ravages qu'il avaitcommis quand il était en liberté:

Lorsque l'hiver approcha, on put remarquerune altération, dans les manières et les habi-tudes de Napoléon. Les changemens qu'il avait

projetés dans son ile ne lui inspiraient plus le

même intérêt. Il renonçait de temps en tempsà l'exercice actif  auquel il s'était d'abord livréil prenait une voiture au lieu de monter a che-

val, et il tombait par intervalles dans des accèsde profonde réflexion~ mêlée d'une sombre in-

quiétude.Il connut aussi à cette époque des embarras

auxquels il avait été étranger jusqu'alors, ceuxqui naissent du défaut d'argent. Il avait fait

des dépenses imprudentes et excessives sans

calculer, d'une part, le montant de ses res-

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326 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

sources, et de l'autre ce que- coûteraient les

changemens qu'il voulait faire. L'argent comp-tant qu'il avait apporté de France avait été

bientôt épuisé, et, pour s~enprocurer, il or-donna aux habitans de File de payer dans lemois de juin les contributions de l'année. Il enrésulta des pétitions, des sollicitations person-nelles et du mécontentement. On lui repré-senta que les habitans étaient si pauvres, lavente de leurs vins ayant été nulle pendant les

mois précéderis, qu'ils seraient réduits à la der-nière détresse s'il persistait dans cette demande.Dans quelques villages on résista aux per-cepteurs et on les insulta. Napoléon mit une

partie de ses troupes en garnison chez les

paysans réfractaires pour y vivre à leurs dé-

pens jusqu'à ce que les contributions fussent

payées.On reconnaît ainsi dans sa manière de gou-

verner cet empire en miniature, la même sa-

gesse et les mêmes erreurs qui firent gagner et

perdre à Napoléon l'empire du monde. Les

plans de changemens et d'amélioration. inté-rieure qu'il avait formés étaient probablement

fort bons en eux-mêmes; mais ce qu'il avaitrésolu de faire, il se mit à l'exécuter avec une,

précipitation trop inconsidérée, avec une dé-termination trop prononcée de suivre son bon

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CHAPITRE XI. 3 2y

plaisir, avec trop peu d'égards pour ce qu'enpensaient les autres.

Les impositions offrant une ressource d'àu-

tant plus faible, qu'il était presque impossiblede les arracher aux malheureux insulaires,

Napoléon en employa d'autres qui durent êtreune véritable torture pour un esprit aussi Ëer

que le sien mais comme son revenu n'excédait

pas trois cent mille francs, et que ses dépensesmontaient au~moins à un million, il fut obligé

de diminuer les appointemens d'une grandepartie de sa suite, de réduire au quart les gages.des mineurs, de lever de l'argent par la ventedes approvisionnemens de ses troupes, et mêmeen vendant un train d'artillerie au duc de Tos-cane. Il disposa aussi de quelques propriétés,et d'une grande maison qui avait servi de ca-

serne; il alla même jusqu'à projeter la vente del'hôtel de Porto-Ferràjô.

Nous avons dit que l'impatience de Napo-léon a exécuter tous les plan&qui se présen-taient à son imagination fertile, avait été la cause

première de ses embarras pécuniaires mais onne doit pas moins les imputer à la conduite

inique et indigne du ministère français. Le gou-vernement français était celui de tous qui était

Iç plus tenu, sous les rapports de la conscience,de l'honneur et de là politique d'observer

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.3a8

exactement, à l'égard de Napoléon, le traité de

Fontainebleau, qui avait été le premier degréde la restauration de Louis XVIII sur le trône.

Le sixième article de ce traité portait qu'unerente ou un revenu de deux millions cinq cent

mille francs serait inscrite sur le grand-livre, et

payée sans retenue et sans déduction à Napo-léon Buonaparte. Cette condition avait été sti-

pulée par les maréchaux Macdonald et Ney,comme le prix de l'abdication de Napoléon,

et les ministres français ne pouvaient se re-fuser au paiement sans commettre une injus-tice criante envers Buonaparte et sans insulter

grièvement en même temps les puissances al-

liées. Cependant, bien loin que cette rente lui

ait été régulièrement payée,nous n'avons trouvéaucune preuve que Napoléon en ait jamais rien

,reçu. Le résident anglais voyant combien l'Em-pereur était tourmenté par ses embarras pécu-niaires, déclara comme son opinion, non une

seule fois, mais à plusieurs reprises, « que si

Napoléon se trouvait plus long-temps à la gêne,au point de ne pouvoir continuer à maintenir

l'extérieur d'une cour, il était capable de faire

une descente à Piombino à la tête de ses trou-pes, ou de commettre quelque autre extrava-

gance. )) Telle fut l'opinion que donna sir Niel

Campbell le 3i octobre 1814, etlord,Castlereagh

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CHAPITRE XI. 3a~

fit de vives remontrances à ce sujet, quoiquela Grande-Bretagne fût la seule des puissancesalliées qui n'était point partie contractante dans

le traité de Fontainebleau, et que, par consé-quent, elle eût pu laisser aux autres le soin dediscuter cet objet. Les Français ne rougirentpas de défendre leur conduite par l'objectionque .la rente ne serait due qu'après le lapsd'une année, objection que nous devons re-

garder .comme évasive, puisqu'une telle rente

étant de nature alimentaire, le paiement devaiten être fait par termes et d'avance. Sir Niel

Campbell réitéra encore plusieurs fois le même

avis; mais il paraît que le gouvernement fran-çais, soit qu'il agit par un esprit de basse ven-

geance ou d'avarice, soit qu'il fût lui-mêmedans de pareils embarras, ne changea rien à

une marche qui était aussi peu honorablequ'impolitique.

D'autres appréhensions agitaient l'esprit de

Buonaparte. Il craignait les pirates algériens, etil demanda l'intervention de l'Angleterre en safaveur. Il croyait, ou il affectait de croire, queBrulart, gouverneur de la Corse, qui avait été

capitaine de Chouans, ami de Georges, de Pi-

chegru, etc., y avait été placé, par le gouver-nement de Louis XVIII dans le dessein de lefaire assassiner, et que de dignes agens avaient

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.330

été envoyés de Corse dans File d'Elbe pour

exécuter ce crime Par-dessus tout, il préten-

dait être informé d'un projet de violer le traité

de Fontainebleau, de le tirer de sa place de re-

fuge, et de Femprisobner à Sainte-Hélène ou à

Sainte-Lucie. Il n'est pas impossible que ces

craintes ne fussent pas'tout-à-faitune feinte;

car quoique rien ne prouve que les Alliés

eussent conçu cet indigne dessein, cependant

le bruit en courait généralementen France,

en Italie, sur tous les bords dë la Méditerra-

née, et il était sans doute accrédité par ceux;

qui désiraient voir Napoléon reparaître sur la

Buonaparte avait des motifs particuliers pour craindre

Brulart; ce chef de Chouans avait été du nombre de ceux

qui avaient mis bas les armes lorsque Napoléon avait été

nommé consul, et à qui il avait été permis de résider àParis. Un ami de Brulart vu encore de plus mauvais œH

que lui-même, désirait obtenir la permission de revenir

d'Angleterre, où il avait émigré; il s'adressa à Napoléon

par l'entremise de Brulart, qui fut chargé par l'Empereur

d'encourager son ami à repasser en France. Dès qn't) y

fut débarqué, il fut saisi et exécuté; Brulart, désolé et

furieux d'avoir servi d'instrument pour la mort de son

ami, s'enfuit en Angleterre. Dans la chaleur de son ressen-timent il écrivit à Napoléf~ en le menaçant de lui donner

la mort de sa propre main. Le souvenir de cette menace

alarma Buonaparte, quand vit Btutart en Corse, à si

peu de distance de )ni. v

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CHAPITRE XI. 33i

scène. Napoléon exprimait certainement beau-

coup d'inquiétudes à ce sujet, tantôt déclarant

qu'il défendrait ses batteries jusqu'au dernier

soupir, tantôt feignant de croire qu'on fixeraitsa résidence en Angleterre.. Il prétendait n'a-

voir personnellement aucune répugnance pource dernier parti, et il en donnait des raisons quisuffisaient en même temps pour qu'il ne fut pas

adopté. Il espérait, disait-il, qu'il jouirait de sa

liberté personnelle, et qu'il aurait les moyens

de dissiper les préjugés qu'on avait conçuscontre lui, et qui n'étaient pas encore détruits.

Mais'il finissait par donner à entendre qu'en ré-

sidant en Angleterre, il aurait dès-communi-cations plus faciles avec la France, où il comp-tait quatre partisans contre chacun de ceux

qu'y avaient les Bourbons; et quand il avait

épuisé ces sujets, il en revenait à là cruautéde le priver de la société de son épouse et de

son nls.Tandis que Buonaparte, irrité par ses be-

soins pécuniaires et ses autres sujets de plainte,et tourmenté par l'activité d'un esprit inca-

pable de se contraindre, laissait échapper des'4;expressions qui excitaient le soupçon, et. quiauraient dû engager à quelques précautions,sa cour commençait a prendre une apparencefort singulière, et tout-a-fait opposée à ce qu'on

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332 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

remarque ordinairement à la cour des petitssouverains du continent, où l'on voit régnerun air de gravité surannée pour masquer le

manque de splendeur et de pouvoir véritable.L'appareil compliqué du gouvernement d'unÉtat indépendant est appliqué à l'administrationd'une fortune qui n'égale pa~ celle de bien des

particuliers toutes les anaires marchent lente-

ment, et pourvu que lès apparences soientconformes à l'antique cérémonial, le souverain

et ses conseillers ne rêvent ni expéditionsni conquêtes, ni aucun objet politique.La cour de Porto-Ferrajo était précisément

tout le contraire. Dans.le fait, cette ville méri-tait dans un sens le nom de Cosmopolite, queNapoléon désirait lui donner. C'était comme lacour d'une grande caserne 'remplie de mili-

taires, de gendarmes, d'officiers de police detoute espèce; de réfugiés de toutes les nations,de gens qui dépendaient du chef seul et qui enattendaient toùt; de domestiques et d'aventu-riers ayant tous quelque point de contact avec

BuonapE~rte,et ayant reçu ou espérant rece-voir delui quelque bienfait. Dans cette foule mé-

langée, des bruits de toute espèce avaient cours,aussi nombreux que les atomes qu'on voit dansun rayon de soleil. Des individus suspectsy paraissaient et disparaissaient, sans laisser

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CHAPITREXI. 333

aucune trace de leur voyage, ni du motif qui

y avait donné lieu. Le port était rempli de na-vires venant de toutes les -parties de l'Italie.

C'était un effet de la nécessité d'approvisionnerune ile dont la population avait pris tout à

coup un accroissement si extraordinaire; mais

des navires de toutes les nations s'arrêtaientaussi à Porto-Ferrajo, soit par curiosité, soit

par spéculation, soit par suite de .vents con-

traires. Les quatre vaisseaux armés de Napo-

léon, et dix-sept bàtimens employés au servicedes mines, étaient constamment occupés à des

voyages dans toutes les parties de l'Italie, et en

ramenaient ou y reconduisaient des Italiens,des Siciliens, desFrançais, des Grecs, quitous pa-raissaient fort anairés, mais ne donnant aucuneraison de leurs allées -et venues. Dominico

Ettori, moine défroqué, et un Grec nomméThéologos, étaient regardés comme des agensde quelque importance dans cette cour.

La situation de sir Niel Campbell était alors

fort embarrassante. Napoléon affectant de tenir

plus que jamais à sa dignité, non seulement exi-

lait l'envoyé anglais de sa présence, mais il

mettait même des obstacles aux visites qu'ilrendait à sa mère et à sa sœur. Ce n'était donc

que par le moyen de ses entrevues avec Na-

poléon lui-même, que sir Niel pouvait espérer

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VIE DE HAPOI~ON BUQNAPARTE.334

d'obtenir quelques renseignemens et, pours'en procurer, il était obligé de s'absenter de

temps en temps de file d'Elbe parce que son

départ et son retour lui fournissaient égalementl'occasion de demander une audience. Lorsqu'ilrestait dans l'ue, on le laissait à l'écart, et l'onne faisait aucune attention à lui; mais c'étaitavec une telle adresse, qu'il lui était impossiblede faire une plainte formelle, d'autant plus qu'iln'avait pas un caractère omciel, et qu'il se

trouvait à peu près dans la situation d'un hommequi, s'étant installé dans une maison sans y être

invité, se .trouve à la discrétion de son hôte.Les symptômes de quelque catastrophe pro-

chaine ne pouvaient pourtant échapper aux

yeux du résident anglais. La mère de Napoléonavait avec sonËls des entrevues

après lesquelleselle paraissait vivement agitée, et on l'entendit

parler de,trois députations qu'il avait reçues deFrance. On regardai en outre, comme unecirconstance fort suspecte, que Bu'onaparte eût

accordé des congés définitifs ou temporaires àdeux ou trois cents hommes de sa vieille garde,

qui,comme on le découvrit

ensuite,mais

troptard, séduisirent et corrompirent la fidélité dès.

troupes en France, et préparèrent leur esprità ce qui allait arriver. On ne peut supposerqu'un pareil nombre d'individus eussent été

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ÇHAMTBJE XI,i 335

positivement mis dans le secret, mais chacund'eux était disposé à faire sonner bien haut les

éloges de l'Empereur exilé, et tous avaient

conçu et répandaient l'opinion qu'il paraîtraitbientôt pour réclamer ses droits.

Enfin Mariotti, consul de France à Livourne,et Spannoki, gouverneur toscan de ce port,informèrent sir Niel Campbell que Buonaparteavait certainement résolu de quitter l'ue d'Elbeavec ses gardes, et de s'embarquer pour le

continent. Sir Niel était à Livourne quand ilreçut cette nouvelle, et il avait laissé le sloopde guerre /<x .f~m~-M~pour croiser autour del'ne, On en concluait naturellement que l'Italieétait le but de Napoléon, et qu'il avait desseind'aller joindre son beau-frère Murât, qui, mal-heureusement pour lui-même, levait alors sa

bannière.Le 25 5 février,la Perdrix arriva à Livour-

ne, et prit sur son bord' sir Niel Campbell.Quand le sloop approcha de Porto-Ferrajo, lavue de la garde nationale, placée aux bat-teries au lieu des grenadiers de la garde im-

périale, annonça sur-le-champ au résident

anglais ce qui était arrivé. Quand il fut dé-

barqué, il trouva la mère et la sœur de Buo-

naparte dans une apparence d'inquiétude mor-telle bien jouée sur le destin de leur Empereur,

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.336

dont elles prétendaient ne rien savoir, si ce.n'est qu'il avait fait voile vers les cotes de la

Barbarie elles semblaient' désirer vivement

que sir Niel Campbell restât dans File. Résistantà leurs prières, et malgré les argumens pluspressans du gouverneur, qui paraissait presquedisposé à employer la force pour l'y retenir,l'envoyé anglais se rembarqua, et mit à la voile

pour donner la chasse à l'aventurier; mais ilétait trop tard, et la Perdrix n'aperçut la flot-

tille que de loin, après que Napoléon et sa suiteétaient déjà débarqués.

Les changemensqui avaient eu lieu en Franceet qui avaient encouragé une entreprise siauda-

cieuse, formeront le sujet du Chapitre suivant.

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CHAPITRE XII. 337

CHAPITRE XII.

Coup d'oeil en arrière. La restauration des Bourbons déplaîtaux soldats, mais est agréable au peuple. Conditions

favorables à la France, accordées par les Alliés. On est

mécontent de la manière dont la Charte est octroyée.Autres causes de mécontentement. Crainte qu'on ne re-

prenne les biens du clergé et ceux de la couronne. Ré-

surrection de la faction des Jacobins. Motion en faveurdes

prétentionsdes

émigrésdans la

Chambredes

Députés.–Proposition du maréchal Macdonald. Embarras dansles finances.-Restrictions imposées à la liberté de la presse.

Réflexions à ce sujet.

IL faut maintenant nous reporter à l'époquedu rétablissement des Bourbons sur le trône en

1814. Cet événement eut lieu dans des circon-

stances si extraordinaires, qu'il fit naitre uneattente extravagante de bonheur général cefut comme un printemps précoce qui trompeavec d'autant plus d'amertume l'espoir du cul-

tivateur, qu'il a séduit davantage par le nombreet l'éclat des fleurs. Pendant un certain temps,tout avait été serein et couleur de rose. Les

Français connaissent mieux qu'aucune autrenation l'art de jouir du présent sans  jeter un

coup d'œil de regret sur le passé, et sans en-

visager l'avenir sous un point de vue défavo-VmDnNAp.BuoN.Tome8. a~

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.338

râblé. Louis XVIII, respectable par ses con-naissances littéraires et par la pratique desvertus domestiques, aimable par un mélange

de bonhomie, et le talent de dire des chosesspirituelles fut accueilli dans la capitale deson royaume avec des acclamations que lessoldats seuls ne répétèrent pas volontiers: ilsavaient l'air sombres, tristes et mécontens. La

garde impériale, devenue garde royale, sem-

blait, par son humeur fière et boudeuse, se

regarder comme des captifs conduits en triom-phe, plutôt que comme des soldats qui en par-tageaient les honneurs.

Mais les classes supérieures et moyennes dela société, à l'exception de ceux qui perdaientdirectement quelque chose à l'abdication de

Napoléon, virent avec une satisfaction sincère

la perspective de la paix, et l'espoir d'être àl'abri de vexations arbitraires. Si tout le monden'était pas enflammé d'un zèle personnel pourles représentans d'une famille si long-tempsétrangère à la France, et il était difficilede sup-poser qu'on le fût, on pouvait du moins seflatter que le nouvel

espoirde bonheur et de

sécurité que faisait naître son retour supplée-rait à ce sentiment. De leur côté, les monar-ques alliés firent tout ce qui était en leur pou-voir pour favoriser les Bourbons et ils se

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CHAF1THE XU. 33g

relâchèrent d'une grande partie des conditionsdures et désagréables qu'ils avaient mises au

traité proposé à Buonaparte, -comme s'ils eus-

sent voulu que l'héritier légitime du trône putse faire un mérite, auprès de son peuple,d'avoir en même temps sauvé son honneur, etobtenu pour lui les conditions les plus avan-

tageuses.Les Français se laissèrent aisément prendre

à cette indulgence, et avec l'aptitude qu'ils pos-

sèdent d'adapter leurs sentimens au momentprésent, ils semblèrent, pendant quelque temps,sentir tout l'avantage du changement qui ve-nait d'avoir lieu, et désirer en profiter autant

que possible. On conte une ancienne histoired'un soldat français, qui, ayant insulté son gé-néral dans un moment d'ivresse, fut amené

devant lui le lendemain matin, interrogé sic'était lui qui avait commiscette oSense, l'ac-cusé répondit négativement, et ajouta que l'in-solent coquin était parti à quatre heures du ma-

tin, heure à laquelle il s'était réveillé en pleine jouissance de sa raison. Les Français, commece

joyeux soldat,faisaient unedistinction entree

ce qu'ils avaient été autrefois et ce qu'ils étaientalors. Ils n'étaient plus, disaient-ils, ni les Ré-

publicains qui avaient commis tant d'atrocitésdans leur propre pays, ni les sujets de l'empire

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VIE DE NAPOLÉON BUOttAPÀRTE-34o

qui avaient porté la dévastation dans tant decontrées étrangères; et à Dieu ne plût que les*fautes des uns ou des autres retombassent sur

cette race régénérée de Royalistes, attachés àleurs princes légitimes, fidèles à leurs alliés, etne désirant que la paix à l'extérieur et la tran-

quillité chez eux.Ces professions de foi, qui probablement

étaient sincères pour le moment, et qui étaient

appuyées sur le désir naturel du monarque

d'employer tout son'crédit sur les puissancesalliées pour obtenir les conditions les plusfavorables pour son royaume, furent reçuespour argent comptant sans un examen bien

rigoureux. Il semblait que Buonaparte, en seretirant à File d'Elbe, avait emporté avec luitoutes les offenses du peuple français, comme

le bouc émissaire que la loi des Hébreux or-donnait d'e chasser dans le désert, chargé detous les péchés des enfans d'Israël. Les puis-sances alliées montraient, dans toutes leurs me-

sures à l'égard des Français, non seulement dela modération, mais une délicatesse étudiée quiressemblait presque à une générosité roma-

nesque ils semblaient vouloir déguiser leurvictoire autant que les Français désiraient ca-cher leur défaite. Ces trésors des arts, ce butinenlevé dans les pays étrangers, que la justice

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CHAPITRE f XII. 34i

demandait hautement qu'on rendît aux pro-priétaires légitimes, furent laissés à la nation

française pour satisfaire la vanité de la métro-

pole. Par une concession encore plus fatale,annoncée au public dans un de ces momensde générosité romanesque dont on peut mettreen doute la prudence, tous les prisonniers de

guerre français furent rendus en masse à leur

pays, sans qu'on s'informât de leurs principes,et de la part qu'ils pourraient prendre à l'avenir

dans des dissensions intestines. C'était agir avecle peuple français comme une nourrice incon-sidérée avec un enfant gâté; quand elle lui,metentre les mains le couteau qu'il demande à

grands cris. Cette indulgence mal entendue

porta ses funestes fruits dès le commencementde l'année suivante.

Le Sénat de Napoléon, en appelant les Bour-bons au trône, n'avait pas agi ainsi sans fairedes conditions de la part de la nation, et sansfaire aussi les siennes. Pour le premier objet,il rendit un décret par lequel « il appelait autrône Louis Stanislas Xavier, frère du feu:Roi )), mais à condition qu'il accepterait une.

constitution préparée par le Sénat. Ce droitqu'il s'arrogeait de dicter une constitution etde choisir un roi pour la' nation, fut accom-

pagné d'une autre disposition qui rendait hé--

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.34a

réditaire le titre de sénateur, et qui assurait à

chacun d'eux et à ses héritiers à perpétuité le

rang, les honneurs et les émolumens dont il

ne jouissait qu'en usufruit sous l'empire deNapoléon.

Le Roi refusa .de reconnaître au Sénat le

pouvoir de dicter les conditions de son réta-

blissement'sur un trône qui lui appartenait en

vertu de sanaissance, sansqu'il eût jamais perduses droits, et de déclarer propriétés exclusives

des sénateurs les dotations faites à leur- ordrepar Buonaparte. Louis XVIII prit donc lacouronne comme héritier légitime et natureldu monarque qui l'avait portée le dernier, et

promulgua sa Charte constitutionnelle, commeune concession qu'exigeait l'esprit du temps,et qu'il n'avait lui même aucune envie de

refuser.Les objections qu'on a faites contre ce mode

d'octroyer la Charte n'étaient, en pratique, d'au-cune importance. Il n'importait guère au peuplefrançais que la constitution fût proposée au Roi

par les représentans de-la nation, ou qu'elle le

fut à ceux-ci par le Roi, pourvu qu'elle con-

tmt, dans une forme irrévocable la notifi-cation complète des libertés nationales. Maissi Louis .XVIII se fût reconnu roi élu par le

Sénat c'eut été reconnaître en même temps

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CHAPITRE XII. 343

toutes les tyrannies éphémères qui avaient )ouéleur rôle sur le théâtre de la révolution, etsanctionner toutes les tentatives d'innovation

qui pourraientavoir lieu à

l'avenir, puisqueceux qui font les rois et les autorités doiventavoir le droit inhérent de les détrôner et deles déposer. On ne doit pas oublier comment

agit la nation anglaise dans les grandes crises

politiques de la~restauration et de la révolu-

tion., admettant chaque fois le droit que don-

nait le sang de succéder au trône vacant soitpar le meurtre de Charles I", soit par l'abdi-cation de Jacques II. On peut aussi observer,en principe, que, chez toutes les nations mo-dernes de l'Europe, le roi est la source de la

législation et de la justice, et que les lois sont

promulguées et les sentences exécutées en son

nom, sans en conclure qu'il ait le droit arbi-traire de faire les unes et de changer les autres.

Quoique la constitution de la France eût doncété octroyée sous la forme ordinaire d'une

Charte royale, le Roi n'avait pas plus le droitde la révoquer ou d'y faire des innovations,

que le roi Jean n'avait celui d'abroger la Grande

Charte d'Angleterre. Monsieur, frèrg du Roi,avait promis, en son nom. lors de son entrée

solennelle a Paris que Louis reconnaîtrait la

base de la constitution préparée par le Sénat.

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344 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

Cette promesse fut pleinement accomplie parla Charte, et des gens sages auraient été plusempressés de  jouir des bienfaits qu'elle ac-

cordait, que de soumettre à une critiqueminutieuse la manière dont elle avait été oc-troyée.

Dans le fait, Louis avait adopté le mode nonseulement le plus conforme à l'ancien usagé,mais celui qu'il regardait comme devant leplus probablement satisfaire en même tempsles Royalistes et les Révolutionnaires. Il montasur le trône en vertu du droit naturel qu'il, enavait; et, s'y étant assis, il accorda volontai-rement au peuple, sous une forme irrévocable,les principes les plus essentiels d'une consti-tution libre mais les deux partis furent plusmécontens de ce qu'ils croyaient avoir perdupar cet arrangement, que charmés de ce qu'ilsavaient réellement gagné. Les Royalistes re-

gardèrent la constitution et ses concessionscomme un abandon volontaire de 'la préroga-tive royale, tandis que les Révolutionnairess'écriaient que, recevoir la Charte du Roi,>comme un acte de sa

volonté,était

déjàune

marque de servitude, et que cette même pré-rogative royale, qui avait octroyé ces privi-léges, pouvait, une fois admise, se réserver ledroit de les modifier ou de les supprimer au

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CHAPITRE XII. 345

gré de son bon plaisir. Et c'est ainsi que la

folie, l'esprit de parti, l'orgueil et la passion,peuvent placer sous un faux jour les mesures

les plus sages, et empoisonner l'esprit'publicau point que l'objet même qu'on a désiré de-vienne le sujet de nouvelles plaintes quand onl'a obtenu.

La formation du ministère donna lieu à desmotifs plus sérieux d'appréhension et de cen-sure. Les différentes places de l'administration,

après la restauration, furent laissées à ceux quiavaient été nomméspar le gouvernement pro-visoire. Tous les membres du Conseil'd'Etatprovisoire devinrent ministres d'État. La plu-

part d'entre eux, quoique doués'de vrais ta-

lens, étaient des hommes qui avaient vieillidans tous les changemens de la révolution, et

ils n'avaient ni ne pouvaient avoir la confiancedu Roi au-delà de la branche d'administration

qui était confiée à chacun d'eux.La versatilité politique de Talleyrand, mi-

nistre des affaires étrangères, ne pouvait lui pro-mettre une. grande popularité comme premierministre, malgré les titres que son talent et son

expérience lui donnaient à la place, et l'on ju-gea plus convenable, après un certain temps,de l'envoyer au congrès de Vienne, pour y em-

ployer son génie diplomatique à l'arrangement

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.346

des relations extérieures de la France avec les

autres puissances de l'Europe. Cependant l'ab-

sence de cet homme d'État consommé fit grandtort aux affaires du Roi. Avoir su conserver

non seulement la vie, mais encore des hon-

neurs, et souvent du pouvoir au milieu des

vicissitudes multipliées de la révolution, c'était

une preuve, suivant l'expression du vieux

comte de Pembroke, qu'un homme aussi soupleétait né du saule et non du chêne. Mais l'opi-

nion des hommes les plus sages de la Franceétait qu'il n'était pas juste, eu égard aux épo-

ques, de critiquer la manière dont il s'était atta-

ché aux individus,, ou s'en était éloigné; et

qu'il fallait faire attention à la conduite géné-rale, et aux maximes qu'il avait professéesdans l'intérêt de la France..On a dit avec raison

qu'après la première effervescence et les pre-mières erreurs de son zèle républicain, on ne

pouvait plus que le juger favorablement d'aprèsce principe. Tous les conseils qu'il avait don-

nés à Napoléon, disait-on, étaient calculés pourle bien de la nation, et il en fut de même des

mesures qu'il recommanda au Roi. Cela était

vrai en grande partie; cependant, quand onpense à la stabilité des principes politiques du

prince de Bénévent, on ne peut s'empêcher de

se rappeler la vertu de cette vivandière, qui

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CHAriTB.HXII. 347

consistait à être Sdèle à une compagnie de gre-nadiers.

Dupont fut nommé ministre de la guerre,

place qu'ildut

peut-êtrea la

persécution qu'ilavait essuyée de Buonaparte, pour la capitula-tion de Baylen. Soult Rit ensuite appelé à ces

fonctions importantes,: quelle fut sa recomman-

dation, c'est ce qu'il serait inutile de recher-

cher. Quand Napoléon apprit sa nomination du

résident anglais, il dit que ce choix serait bon

et sage s'il ne se montrait pas un parti patrio-tique en France; mais. il exprima. clairement

que s'il s~enélevait un, les Bourbons ne pou-vaient compter sur la fidélité de Soult à leur

cause, ce qui fut prouvé par l'événement.Pour ajouter encore aux inconvéniens d'une

telle administration, Louis XVIII avait un fa-

vori, quoiqu'il n'eût pas de premier ministre.Le comte de Blacas d'Aulps, ministre de la

maison du Roi, ancien serviteur confidentiel

du monarque pendant son exil, était regardécomme le canal par lequel les ordres du souve-

rain étaient transmis aux autres ministres, et sa

protection passait pour la porte la plus sûre des

faveurs..Sans rendre à son maure les services d'un

premier ministre, sans jouir du pouvoir, et

sans être chargé de la responsabilité d'une telle

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.348

place, de Blacas avait sa part complète de l'o-

dieux qui s'y attache ordinairement. Les Roya-listes s'adressaient à lui pour obtenir des grâces

qui étaient dans le département des autresministres; et ils étaient mécontens lorsqu'il re-

fusait d'intervenir pour eux, comme si, aprèsavoir satisfait sa propre ambition, il n'eut pluseu que de l'indinérence pour les intérêts de

ceux avec quiil avait souffert pendant l'émigra-tion. D'un autre côté, le parti opposé représen-

tait le comte de Blacas comme un ministreabsolu, protecteur des émigrés, émigré lui-

même, royaliste exagéré, par conséquentennemi de toute stipulation constitutionnelleen faveur de la liberté. Il est certain que le

manque de popularité de M. de Blacas, dans

toutes les classes et dans tous les partis de l'État,

produisit le plus mauvais effet possible sur lesaffaires du Roi; et comme on attribuait son cré-dit à un attachement aussi aveugle qu'obstinéde la part de Louis, le monarque partagea na-

turellement l'impopularité du ministre de sa

maison.Les conditions de la.paix, comme nous l'a-

vons déjà dit, avaient été calculées de manièreà les rendre agréables au peuple français. La

France était à la vérité dépouillée de cette vaste

puissance, qui ne pouvait que compromettre

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CHAPITRE XII. 349

l'indépendance des autres nations de l'Europe;-et, généralement parlant, elle était resserréedans les limites -qu'elle avait eues au i~ jan-vier 1702. Cependant on n'y avait pas apportétrop de rigueur. Plusieurs petites additions luifurent laissées du côté de l'Allemagne et desPays-Bas; et du côté de la Savoie, les villesconsidérables de Chambéry et d'Annecy,Avignon, le comtat Venaissin et Montbéliard,furent compris dans son territoire. Mais ces

concessions produisirent peu d'eSet. En jetantles yeux sur ce qu'ils avaient perdu, quand lesouvenir de la guerre terrible à laquelle ils ve-naient d'échapper ne fut plus aussi vif, les Fran-çais se trouvèrent naturellement disposés, quoi-que contre toute raison, à murmurer de laréduc-tion de leur

territoire,et à

prétendre quela Bel-

gique du moins aurait dû leur rester. Cette opi-nion était entretenue et propagée par les parti-sans de Buonaparte, d'autant plus mécontensde la cession de ce pays, qu'on savait que c'é-tait un point sur lequel l'Angleterre avait in-sisté.

Cependantsi

l'Angleterre jouason rôle avec

nerté, ce ne fut pas sans générosité. Elle n'avait

«L'auteur est ici plus généreux que tes Alliés Cham-

béry cessa, depuis 18) /}, defaire partie de laFrance. (JÉ~tf.)

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35o VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

aucune restitution à exiger, car elle n'avait

perdu aucune partie de ses territoires, pendant-tout le temps des hostilités. La guerre qui avait

presque ruiné tant d'autres nations/avait mis laGrande-Bretagne en possession de toutes lescolonies françaises, et n'avait laissé à la Franceni un port ni un vaisseau dans les Indes orien-tales ou occidentales. Pour tout dire en un

mot, il n'était pas au pouvoir de toute l'Europeréunie de priver l'Angleterre, par la force,d'une seule des conquêtes qu'elle avait ainsifaites. La seule question était donc de savoir ce

que la Grande-Bretagne céderait volontaire-ment à un ennemi qui n'avait aucun équivalentà lui offrir, si ce n'est la promesse d'adopter demeilleurs principes, et de ne plus troubler la

paix de

l'Europe.Le nombre et la valeur de ses

concessions prouvent que l'Angleterre étaitbien loin de concevoir des vues basses et inté-

ressées, qui auraient pula porter à vouloir res-ter maîtresse de toutes les colonies, et détruiretoute possibilité d'une rivalité commerciale.Tout fut rendu à la France, à l'exception de

Tabagoet de l'île. Maurice.J

Ces sacrifices furent faits dans un esprit de

paix et de modération, et ils ne le furent pas en

Ile-de-France.(jC~. )')

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CHAPITRE XII. 351

vain ils assurèrent à la Grande-Bretagne la re-connaissance et le respect des autres États eten donnant à ses conseils ce caractère de justice

et d'impartialité qui constitue la véritable forcenationale, ils augmentèrent son influence, etrélevèrent plus haut dans le monde civilisé,que n'aurait  jamais pu le faire la possessionnon contestée de toutes les plantations de cotonet de cannes àsucre de l'Orient et de l'Occident.

Cependant la situation éminente à laquelle la

paix avait élevé F Angleterre, n'était pas unerecommandation pour la France. La rivalité,si long-temps appelée nationale, et qui avait étéentretenue avec tant de soin par les piècesomcielles et les pamphlets politiques dont Na-

poléon avait permis la publication, survivaitmême dans des esprits généreux et honorables;

et il entre tant de préjugés dans les jugemensportés par la passion, que beaucoup de Fran-

çais se méprenant sur les sentimens na-tionaux des deux-pays, étaient portés a croire

que l'élévation à laquelle la Grande -Breta-

gne était arrivée, était, jusqu'à un certain

point, une insulte et une dégradation pour la

France.En un mot, tout ce qui aurait du calmer et

satisfaire le peuple français, devint un sujet de

plainte et de mécontentement, par suite des

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VIE D]E NAPOLÉON BUONAPARTE.352

sentimens et de fausses interprétations artifi-cieusement répandues.

Le gouvernement de Napoléon avait été

aussi complètement despotique qu'il pouvaitle devenir dans un pays civilisé comme la

France, où l'opinion publique lui opposaitencore quelques barrières. Au contraire, laFrance trouvait dans la Charte la plupart des

principes élémentaires d'une constitution libé-rale. Le Roi avait adopté sur tous les points quiintéressaient la liberté nationale les principescontenus dans l'acte constitutionnel du Sénat,qu'il avait rejeté.

LaChambre despairs et laChambre desDépu-tés, furent les noms donnés aux deux branches

aristocratique et populaire de la constitution,pour remplacer ceux de Sénat et de

CorpsLé-

gislatif. Leurs devoirs publics furent partagés à

peu près comme ceux de la Chambre des Pairset de celle des Communes d'Angleterre. L'indé-

pendance de l'ordre judiciaire fut reconnue, etles militaires confirmés dans le rang et les émo-lumens dont ils jouissaient. Les Pairs devaientêtre nommés

parle

Roi,.Sa

Majesté ayantle

droit de les créer à vie, ou à perpétuité, sui-vant son bon plaisir. Les revenus du Sénat

supprimé, furent réunis à ceux de la couronne,à l'exception des biens conËsqués, qui furent

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CHAPITim XII. 353

restitués aux propriétaires légitimes. La reli-

gion catholique fut déclarée celle-de. l'État;mais toutes les autres sectes chrétiennes de-

vaient jouir d'une égale protection. L'autoritédu Roi fut reconnue, comme chef de l'armée,et le'pouvoir de faire la paix et la guerre lui fut

attribué exclusivement. La liberté de la pressefut établie, mais sous certaines restrictions; la

conscription fut. abolie, la responsabilité des

ministres déclarée et l'on peut dire qu'en gé-

néral la constitution, déjà fondée sur des bases-excellentes, était susceptible de recevoir,par la

suite, les améliorations que le temps et l'expé-rience pourraient suggérer. La Charte fut pré-sentée au Corps Législatif parle Roi lui-même,

qui 'prononça un discours annonçant que léa

principes qu'elle reconnaissait, étaient ceux

qui avaient été adoptés dans le testament deson malheureux frère Louis XVI.

'Cependant, quoique cette Charte contînt l'a-

bandon fait librement d'une grande partie des

droits royaux dont avait joui autrefois la racedes Bourbons, et de la totalité du pouvoir arbi-_traire que Napoléon avait usurpé*, nous avons

vu qu'elle déplut à unparti actif et ayant del'in-fluence dans l'Etat, qui dédaignait d'accepter.

LaFranceattendencorelà définitionbienexactedecetteresponsabilité.(~< ,`

VtB MBNAP. BBON.Tome 8. ~3J;

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.354

une sécurité pour les biens et là liberté des ci-

toyens, sous l'antique forme d'une Charte féo-

dale, et qui prétendait que la Charte aurait dû

émaner directement du peuple souverain. Nousn'hésitons pas à dire que cela était aussi raison-

nable que la conduite d'un, enfant gâté, ,qui re-fuse ce qu'on lui donne, parce qu'on ne lui

permet pas de le prendre, ou celle d'un homme

qui ne voudrait pas de son dmer à cause du platsur lequel on le lui sert.

Tel estle point de vue sous lequel le sens com-mun doit envisager ce'sujet. Si la constitutionassure les garanties nécessaires pour la liberté

politique, et la sécurité pour la vie et les pro-priétés sr l'on devait la regarder comme éta-blissant d'une manière permanente les libertésde la France et en étant le boulevard comme

susceptible à la vérité d'être améliorée par leconsentement unanime du souverain et des re-

présentans légaux des sujets, mais comme ne

pouvant être détruite par aucune de ces auto-

rités, séparées ou réunies, il n'importait guèreque ce système fut établi sous la forme d'uneCharte accordée par le Roi, ou sous celle de

conditions imposéesau Roi paroles sujets. Maissi l'on devait reporter ses regards sur l'existence

éphémère qu'avaient eue toutes les constitutions

françaises, à l'exception, de' celle à l'aide de la-

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CHAPITRE XII. 355

quelle Buonaparte avait asservi le peuple, alors

peut-être, on pouvait élever la question de sa-voir laquelle des deux formes, féodale ou révo-

lutionnaire,.était celle

qui prêtaitle

plusaux

innovations, ou, en d'autres termes, si les con-ditions attachées au plan de gouvernement qui.venait d'être adopté, paraissaient devoir être

plus facilement enfreintes par le Roi, ou par le

corps qui représentait le peuple.En adoptant la doctrine fatale que la partie

au nom de laquelle les conditions de la consti-tution sont exprimées, a le droit de les sus-

pendre, de les changer et de les révoquer, une

saine politique demandait que le pouvoir appa-rent de les accorder fut attribué à la partie à quil'on pouvait supposer le moins de force et de

volonté pour annuler 'ou modifier la concession

qu'elle aurait faite. Sous ce point de vue, onpouvait compter que le Roi, n'ayant d'autre

appui que les Royalistes, qui étaient en petitnombre, à qui les circonstances ne donnaient

pas de popularité, et qui, en ce moment., n'a-

vaient pas entre ses mains, si ce n'est de nom,le grand instrument du pouvoir despotique,

c'est-à-direle commandement absolu de l'armée,que le Roi,disons-nous, serait naturellement peu

disposé à courir le risque de mettre en danger lastabilité de son autorité, en changeant quelque

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.356

chose aux conditions d'une Charte qu'il avaitlui-même octroyée au peuple. Au contraire, desconditions accordées et décrétées par le Sénat

de Buonaparte pouvaient, si le parti populairereprenait l'ascendant, être changées ou révo-

quées par les Chambres avec cette légèreté etcette inconstance dont le peuple français, oudu moins ceux qui agissaient comme ses repré-sentans, avaient si souvent donné des preuves.Pour assurer la durée de la constitution, il était

donc préférable qu'elle émanât de la partie quiavait le plus d'intérêt à la maintenir, et qui étaitle moins en état de l'enfreindre;, et, dans la po-sition où se trouvait alors la France, cette partieétait incontestablement le souverain. Dans la

Grande-Bretagne, la constitution n'est regardéeque comme plus en sûreté; parce que le Roi estla

source des lois, des honneurs, et de tout le pou-voir ministériel et exécutif; enfin, parce qu'ilest responsable envers la nation, en la personnede ses ministres de la manière dont ce pouvoirest exercé. Tout autre système exposerait lesbranches de la législature à une discorde et àune lutte dont on ne doit jamais admettre la

possibilité.Les' libéraux zélés de France se détermi-

nèrent pourtant à se révolter contre le nomsous lequel une constitution libre leur avait été

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CHAPITRE XII. 357

accordée, et à rappeler Buonaparte, qui avaitfait disparaître jusqu'à l'ombre de la liberté,plutôt que de recevoir desmains d'un monarque

pacifique le degré de liberté qu'ils avaient eux-mêmes obtenu. On verra par la suite les avan-

tages qu'ils en recueillirent.Ce fut ainsi que, se livrant à des opinions

différentes et contradictoires sur la nature et

l'origine de la nouvelle constitution, les partisen France la regardèrent comme tme forteresse

qu'il s'agissait d'attaquer et de défendre, plutôtque comme un temple qui exigeait le respectde tous.

Les Français pouvaient, à cette époque, sediviser en trois partis actifs et distincts les

Royalistes, les Libéraux de toute espèce, en ycomprenant les Républicains, et les partisans de

Buonaparte. Il est nécessaire de dire quelquesmots sur chacun d'eu~.

Les Royalistes, tout en ajoutant peude.forceréelle au pouvoir du Roi par leur nombre, ex-citaient-la jalousie par leur haute naissance et

par leurs prétentions non moins élevées. Ilsembrouillaient ses affaires par leur zèle inconsi-

déré, troublaient son repos par leurs plaintes, justes et naturelles en elles-mêmes, et rendaientson gouvernement suspect chaque fois qu'ilfaisaitquelque chose pour lesservir et améliorer

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.358

leur sort. Ils se composaient principalement desnobles émigrés et du clergé.

La guerre et l'exil avaient considérablement

réduit le nombre de la première classe, au pointque la Chambre des Pairs, composée de plus decent soixante-dix membres, n'en comptait quetrente de l'ancienne noblesse de France; lesautres étaient ces m'aréchaux et généraux à quiles guerres de la révolution avaient valu un

rang et une fortune brillante, et ces hommes

d'État dont plusieurs avaient atteint la mêmeélévation par des moyens moins honorables.Les anciens nobles, après avoir vu leur jeu-nesse se passer, leur fortune se détruire, êt leur

courage moral s'épuiser, tandis qu'ils suivaienten pays étranger la mauvaise fortune des Bour-

bons, virent à la vérité la restauration.de la mo-

narchie, mais ils ne rentrèrent eux-mêmes enFrance que pour y trouver leurs domaines oc-

cupés par d'autres, et leurs places héréditairesautour de lapersonne du monarque remplies parles enfans plus fortunés de la révolution. Commeles Cavaliers anglais ils avaient quelque droitde se plaindre que, quoique personne n'eût dé-

siré plus vivemeht qu'eux le retour du prince lé-

gitime, cependant personne n'avait eu si peu de

part aux bienfaits qui en avaient été le résultat.

LorsdelarestaurationdeCharlesII.*(jF</<7.)

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CHAPITRE XII.-y~'3of)

Par suite d'un raisonnement faux, quoique assez

naturel, les injustices qu'Us avaient éprouvéesles rendaient suspects aux autres classes de la

société et aux autres partis de l'État. Ils avaientété les compagnons del'exil du Roi; ilslui étaientattachés par les nœuds de l'amitié; leur nais-sance leur donnait accès près de sa personne;était-il dans la nature, se demandait-on, queLouis pût voir leurs souBrances sans essayerde les soulager? et comment pouvait-il le faire

dans la situation où se trouvait alors la France,si ce n'était aux dépens de ceux qui remplis-saient quelquë~poste civil ou militaire, ou quiy aspiraient, ou de ceux qui, pendant la révo-

lution, avaient acquis les domaines nationaux,autrefois la propriété de ces mêmes nobles?

Cependant cette alarme prenait sa seurce dans

des soupçons plutôt que dans des faits. Nousparlerons ci-après de l'avancement des émigrésdans l'armée; mais très peu d'anciens noblesobtinrent de l'emploi dans les départemens ci-vils de l'État. Pour en citer un seul exemple,

trente-sept préfets de département furent nom-més dans le cours de onze mois, et cette liste ne

contient pas un seul des émigrés qui étaient re-venus en France avec Louis, et seulement un

petit nombre de ceux dont l'exil s'était terminéavant cette époque. Les nobles furent niécon-

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VIE DE NAPOLÉON BUONATARTE.36o

tens de se prouver exclus'des faveurs du Roi;ils en firent des plaintes, et quelques uns furentassezimprudens pour y mêler l'insinuation me-

naçante que le jour de leur triomphe pourraitencore arriver. On ne manqua pas de remarquerce langage, ainsi que l'air de morgue exclusiveet de hauteur qu'ils affectaient, comme jalouxa l'excès dela distinction de leur naissance, quiétait tout ce qui leur restait ce fut là encoreun sujet de reproche contre le Roi.

On supposait que les nobles recevaient des

encouragemens particuliers des princes du sang,,tandis qu'en général ils étaienfplutôt négligésque distingués par Louis, qui, comme plusieursd'entre eux ne faisaient pas dimculté de le dire,.était disposé à agir d'après la maxime peu gé-néreuse de faire la cour à ses

ennemis,et de

négliger ceux à qui leurs principes ne permet-taient pas d'être jamais autre chose que sesamis. Peut-être n'avaient-ils pas assez égard aux

grandes dimcultés que le Roi éprouvait pourgouverner la France dans un momentsi critique.

Nous avons ensuite à considérer l'état du

clergé. Généralement parlant, il étaitsincère-

ment attaché au Roi; et s'il avait été en posses-sion de ses anciens revenus et de son influencenaturelle sur l'esprit public, il aurait pu lui êtreutile. Mais sans cette influence, sans cette ri-

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CHAPITR-E XH.. · 36i

ohesse, ou du moins sans une indépendance

suSisante, le clergé, politiquement parlant, était

aussi inutile qu'une clef  qui ne va pas à la ser-

rure à laquelle on l'appliqué. Cet état de choses,malheureux sous bien des rapports, venait d'une

maxime adoptée pendant la révolution, et sui-

vie par Buonaparte, qui avait ses raisons pourcraindre l'influence du clergé. « Il ne s'agit pasde détruire les prêtres par la violence, disait-il,mais nous les réduirons par la famine. » En con-

séquence, les donations et legs en faveur del'Eglise avaient été limités, et chargés de tant

de conditions et de restrictions, que ce mode

d'acquisition, si fécond dans les pays catho-

liques, .était devenu presque nul~ tandis que le

salaire accordé par l'État à chaque curé n'était

que de 5oo fr. par an. Sans contredit, il était

permis à chaque paroisse d'ajouter ce que bonlui semblait à ce misérable salaire; mais en

France,. quand on déduit le nombre de ceux

qui ne se soucient nullement de religion, et de

ceux dont le zèle ne va pas'jusqu'a payer pouren avoir une, le reste ne produira qu'une bien

courte liste desouscripteurs.

Il en était résulté

qu'à l'époque de la restauration beaucoup de

paroisse étaient et avaient été, depuis plusieurs

années, sans aucun culte public. L'ignorances'était accrue à un degré incalculable. « Nous

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.362

sommes informé, écrivait Buonaparte à un deses préfets, que des écrits dangereux se distri-buent dans votre département. Quand les

routes en seraient jonchées, répondit le fonc-tionnaire, Votre Majesté n'aurait' pas besoind'en craindre l'influence, nous n'avons pas unindividu qui voulut ou qui put les lire. » Si nous

ajoutons à cela le relâchement des moeurs, les

peines prises au commencement de la révolu-tion pour extirper tout sentiment de religion et

 jeter le ridicule sur ceux qui professaient énavoir, et l'ascendant du caractère militaire, si

remarquable en France et si peu favorable à la

dévotion; enfin, si l'on se rappelle en outre quetoutes les richesses de l'Église étaient tombéesen la possession des laïques, qui serraient lesmains pour les retenir, et qui tremblaient en

même temps qu'elles ne leur fussent arrachées,le lecteur pourra, d'après toutes ces causes, seformer quelque idée de l'état d'abaissement oùse trouvaient alors en France la religion et le

clergé.Le zèle que le Roi et la famille royale témoi-

gnaient pour rétablir les cérémonies de l'Église1

romaine, pour pourvoir aux moyens dedonnerune. éducation convenable aux jeunes gens des-tinés a la'prêtrise, et pour fonder d'autresinstitutions religieuses, fit naître parmi les

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CHAPITRE XII. 363

Français un sentiment d'éloignement et de dé-Ëance. Il faut convenir aussi que, quoique lemotif  en fût excellent en lui-même, il y avait

peu de sagesse à vouloir ramener la nation àtoutes les momeries du culte ultramontain,qui, long-temps avant la révolution, n'exis-taient plus que par suite d'un vieil usage, etavaient perdutoute influence surFesprit public.

Des incidens particuliers augmentèrent en-core ce sentiment général. Des tumultes alar-

mans eurent lieu parce qu'on voulut -exécuterun règlement indigne d'une société chrétienneet civilisée, qui déclare les artistes dramatiquesen état constant-d'excommunication. Les ritesde la sépulture ayant été refusés à mademoi-selle Raucourt, actrice, mais ayant des moeursdécentes et une bonne

réputationil en résulta

une sorte d'insurrection, qui força le gouver-nement à donner des ordres pour qu'elle futinhumée avec les formes ordinaires.

Une ordonnance sur l'observance plus régu-lière du dimanche, que j~stinaient égalementla religion et la morale, blessa aussi' beaucouples habitans de

la capitale. Le service funèbrede Louis XVI et de sa malheureuse épouse,

.~nt77!er!<M.(Édit.C'est-à-dire charitable et donnait !e pain bénit à

Saint-Roch.(jM<.)

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VIE DE NAPOLEON BUONAPABTE.364

quand leurs restes furent transférés de la tombeoù on les avait jetés à la hâte/dans le mausoléé

royal de Saint-Denis, cet acte d'amour fraternel,

conforme aux usages de l'Église catholique,augmenta encore les préventions contre le Roicomme si les marques de respect rendues à cestristes restes eussent eu pour but d'indiquer sahaine contre la révolution, et le souvenir qu'il

.conservait de ses outrages. De même, quel-ques honneurs quelques marques d'atten-tion accordées au petit nombre des chefs de laVendée qui vivaient encore, donnèrent lieuà des interprétations défavorables. En un mot,tout ce qui, de la part de Louis XVIII, avait lamoindre apparence de tendre à satisfaire ceux

qui avaient tout perdu pour l'amour de lui,semblait un acte de trahison contre la liberté et

contre les principes de la révolution.Aucune des circonstances que nous venons

de mentionner ne produisit pourtant autantd'eSet sur l'opinion publique, que la crainte quirégnait que la vénération de Louis pour la reli-

gion et pour ses ministres, ne le portât à rendreles biens du

clergé.Ces domaines

confisquéspar les décrets de l'Assemblée nationale, setrouvaient alors en la possession d'une arméede propriétaires qui surveillaient, avec vigi-lance et inquiétude, le prélude de ces me-

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CHAPITRE .XII. 365

sures dont ils craignaient. que la fin ne fut deles dépouiller de leurs biens. Des prêtres im-prudens ajoutaient à cette méËance et à cette

crainte, en déclamant en chaire contse les ac-quéreurs des biens du clergé, et enleur refusantl'absolution, à moins de la restitution ou d'uneindemnité. CeSinquiétudes ne se bornèrent passeulement aux possesseurs actuels des domaines

nationaux, car si ceux-ci étaient menacés de sevoir dépouillés des Biensqu'ils avaient achetés

sous la sanction du gouvernement d'alors, ilétait fort probable qu'on mettrait ensuite enavant le droit divin du clergé sur la dtme desproduits de la terre, ce qui touchait aux inté-rêts de tous les propriétaires et de tous les fer-miers de la France.

Il est évident, d'après tout ce que nous ve-

nons de dire, que le parti des Royalistes, soitlaïques, soit ecclésiastiques, était si peu en étatde rendre des services efficaces au Roi, dans lecas de dissensions civiles, que, tandis que leurdévouaient et leurs souffrances réclamaientson attachement et-sa reconnaissance chaquemarque qu'il leur donnait de ces sentimens de-vait rendre son gouvernement suspect et im-

populaire.Tandis que les Royalistes, en entourant le

trône le ruinaient plutôt qu'ils ne le soute-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.366

naient, le parti des Jacobins, ou des patriotes,comme ils se nommaient, avait les yeux ouvertssur leurs fautes, les faisait remarquer, et les

exagérait. Cette faction, peu nombreuse, maisformidable par l'audace et l'union de ses mem-

bres, et par le souvenir terrible de leur pouvoirpassé et de leurs anciens principes, se eompo-sait d'ex-généraux dont les lauriers s'étaientflétris avec la Rëpublique; de ci-devant minis-tres et d'anciens fonctionnaires dont les émolu-

mens et l'influence n'avaient pas survécu à lachute du Directoire; d'hommes de lettres qui seflattaient de gouverner encore l'État par des

proclamations et des journaux; et de philoso-phes dont la vanité ou l'enthousiasme-estimaitles principes abstraits d'une liberté impossibleet d'une égalité peu désirable, comme un trésor

qui méritait d'être acquis au prix de tous lesflots de sang, de tous les crimes et de tous lesmaux que ces vaines paroles avaient dé)acoûtéset pouvaient coûter encore. On ne peut nier

que, dans la discussion des droits originaires du

genre humain et de la constitution de la société,quelques hommes de ce parti n'eussent montré

des talens distingués, et que leurs travaux nefussent faits pour entretenir un amour généralde la liberté, et le désir d'approfondir les prin-cipes sur lesquels cet amour estfondé. Mais mal-

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CîlAPITM; XII. 367

heureusement leurs travaux théoriques, en ré-

digeant des constitutions, détournèrent leur

attention des points essentiels du gouvérne-

ment, pourla fixer

uniquementsur ce

quin'en

est que la forme extérieure, et les conduisirent,par exemple, à préférer une république, oùle petit dictateur du jour se livrait à toute es-

pèce de violences, à une monarchie limitée,sous laquelle les citoyens trouvaient protectionpour leur vie, leur personne et leurs propriétés.

Les chefs de ce parti étaient de cette classed'hommes, présomptueuse et ne doutant de

rien, qui, après avoir échoué à plusieurs re-

prises dans leurs expériences politiques, n'enétaient pas moins disposés à les recommencerde nouveau, sans hésiter le moins du mondeet en se berçant d'une fausse confiance de succès.

Ils n'étaient jamais satisfaits de ce qu'ils avaientfait eux-mêmes, car il n'y a pas de terme aurêve de la perfection idéale dans tout ce quitient aux affaires des hommes; et ils conti-nuaiènt à faire des changemens à leur propreouvrage, comme si ce que Butler dit de la reli-

gion eut été vrai en politique, et qu'une forme

de gouvernement« N'eut d'autre but que d'être corrigée. » 1

Voyez )e poëme hëroï-burtesque d'Hudibras. ( ~f//<. )

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YBE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.368

Le danger n'effrayait pas les sages de cette école.Plusieurs d'entre eux s'étaient familiarisés avec

lui; ils s'étaient formés aux intrigues révolu-

tionnaires les plus désespérées, par la connais-sance intime qu'ils avaient acquise des ressorts

qui y donnent le mouvement; et ils étaient prêtsà recommencer leurs travaux avec aussi peude prévoyance que les ouvriers d'un moulin à

poudre qui a sauté dix fois, à leur souvenir, etfait périr le plus grand nombre de leurs cama-

rades. La vanité et l'égoïsme étaient le principedominant du caractère de ces soi-disant philo-sophes, de ces agitateurs affairés. Cette vanité

les portait à croire qu'avec de l'adresse ils pour-raient éviter tout* danger pour eux-mêmes,et cet égoïsme les rendait indifférons à la sûretédes autres.

Sous le gouvernement de Buonaparte, samain de fer réprima cette faction. L'expériencelui avait fait connaître, de plusieurs maméres,le caractère remuant, intrigant et dangereuxdes membres qui la composaient. De leur côté,ils connaissaient sa force; ils savaient qu'il n'é-tait pas scrupuleux sur les moyens d'en..faire

usage, et il leur inspirait de la crainte. Le re-tour des Bourbons leur rendit la vie, comme lesoleil réchauffe la vipère engourdie; mais ce nefut que pour montrer leur haine contre le rayon

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CHAPITRE XU. 1 36g

qui les rappelait à l'existence. La dynastie des

Bourbons, avec tous les souvenirs qui s'y rat-tachaient leur semblait tout ce qu'il y avait de

plusopposé

à leur révolution favorite, et ils

étudièrent avec une industrieuse malice le degréde liberté que leur assurait là Charte nationale,non pour en jouir ou pour la défendre, mais

pour découvrir comment ils pourraient en pro-fiter pour renverser le trône.et la constitution.Carnot et Fouché, noms redoutables, et ré-volutionnaires

depuisleur

jeunesse,étaient les

chefs ostensibles de cette faction active et la

plupart des révolutionnaires qui existaient en-

core, se rallièrent sous leurs étendards. Ces agi-tateurs avaient conservé quelque influence surla lie du peuple, et ils étaient sûrs de trouver

les moyensde l'augmenter dans un moment de

commotion populaire. La populace d'une grandeville est naturellement démocrate et révolution-

naire car sa vanité est flattée par des mots tels

que celui de la souveraineté du peuple, sa pau-vreté et sa licence se laissent tenter par les oc-casions du tumulte, et elle regarde les lois quilui imposent de la contrainte et qui la soumet-

tent au bon ordre, comme des ennemis naturelset constans. C'est à cette masse corrompue, c'està ces passions funestes que les chimistes révolu-tionnaires ont touj oursappliqué leur philosophie

Vtcj)KN~f.Buojf.Tome8. a4

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370 Y1E DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

expérimentale. Cependant depuis quelquetemps, les relations entre les philosophes de larévolution et cette classe de disciples dociles,avaient été considérablement

interrompues.La

main de fer de Buonaparte, comme nous l'avons

déjà dit, retenait les maîtres de l'école révolu-

tionnaire tandis que par l'éclat de ses victoires,par ses largesses, par ses entreprises dispen-dieuses il leur débauchait la plus grande partiede leurs disciples parmi le peuple; mais qui,

pouvait-on dire, avec l'inconséquence et la légè-reté appartenant à leurs habitudes, à leurs prin-cipes et à leur caractère, étaient .devenuspar-tisans de l'Empereur, sans perdre leur aptitudenaturelle à redevenir Jacobins, s'il s'en présen-tait quelque occasion séduisante.

Le parti des Impériaux ou des Buonapar-

tistes, était peu nombreux et sans importance,si on le considère abstraction faite de l'armée.Des fonctionnaires publics k qui le Roi avaitretiré les postes lucratifs qu'ils occupaient sous

l'Empereur, des courtisans, des préfets, des

commis des clercs des commissaires quiavaient perdu leurs émolumens, et à qui l'ave-

nir n'offrait 'aucune espérance, étaient néces-sairement des mécontens et des frondeurs, qui

 jetaient vers l'ue d'Elbe un regard de regret.Ceux qui avaient eu des liaisons immédiates

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C1IAP1TRJE XII. 371

avec la famille impériale les favoris et les mi-nistres de l'ex-empereur, fiers de la fortune quela plupart d'entre eux avaient acquise, et fu-

rieux de l'état de nullité auquel le retour desBourbons les avait réduits, donnaient à ce partil'activité que l'argent et l'habitude des intriguespolitiques peuvent procurer en tout temps.Mais la force véritable et enrayante des Buo-

napartistes consistait dans l'attachement quel'armée conservait pour son ancien chef. Cette

circonstance était d'autant plus formidable, queles événemens, et l'esprit militaire dominantalors dans la nation française, avaient arrachéles soldats à leur condition naturelle de servi-teurs de l'État, pour en faire un corps a partdélibérant, et ayant ses intérêts particuliers in-

compatibles avec ceux de la nation. En effet,

la profession des armes identifie les hommesà un état de guerre, qui peut être à la véritéun mal nécessaire et inévitable, mais qui ne

peut jamais devenir un avantage réel pourles autres classes des citoyens.

On ne pouvait accuser le Roi de négliger decultiver l'affection de l'armée, d'en adoucir les

préjugés et d'en satisfaire les désirs. Le fait estque les difficultés sans exemple dans lesquellesil se trouvait, l'obligeaient à faire son étude de

chercher à gagner par la flatterie, et à se conci-

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372 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

lier par l'anabilité et les faveurs les plus im-

prudentes, la seule partie de ses sujets qui,d'après les règles adoptées dans tout État bien

gouverné, doit être soumise à une autorité abso-lue. Il n'oublia rien pour satisfaire les désirs deses troupes, et fit les plus grands efforts pourles réorganiser; fournir à leur équipement etremonter la cavalerie. Leurs rangs furent aug-mentés de plus de cent cinquante mille prison-niers de guerre, dont l'esprit n'était en général

occupé que au désir dese -venger de la honte deleur défaite et des souffrances de leur capti-vité, et dont la présence contribua grandementa augmenter le mécontentement autant -quela force de l'armée française.

Tandis, que le Roi n'obtenait qu'un succèsfort imparfait en cherchant à gagner l'affection

des soldats, il réussit davantage à s'attacher lesmaréchaux, qu'il traitait avec autant debonté

,que de considération. Ils furent sensibles à ses

attentions, et comme la plupart d'entre euxavaient quelque motif récent pour se plaindrede Napoléon, il est possible que, s'ils eussent

pu exercer une véritable influence sur l'ar-

mée, les troubles qui vinrent bientôt agiter lanation n'auraient pas eu lieu. Mais tandis queNapoléon conservait a l'égard de sesmaréchauxcette distance à laquelle un souverain tient ses

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CHAPITRE XII. 3 7 3

sujets, il se rendait souvent familier avec tesofficiers subalternes et les soldats; il avait soin

de fixer leurs y euxsur lui, et d'occuper person-

nellement leur attention. Il désirait que ses gé-néraux ressemblassent à la poignée de l'épée,qù'on peut changer à volonté tandis quel'armée en était la lame, qui conservait lamême trempe, malgré ce changement. Ainsil'intérêt direct et personnel que les soldats pre-naient à l'Empereur l'emportait dans leur cœur

sur l'attachement qu'ils pouvaient avoir pourses lieutenans.

Il serait inutile de chercher à démontrer

pourquoi l'armée française était ainsi attachéeà Napoléon. On ne. peut supposer qu'elle eûtoublié la longue suite de succès qu'elle avait

remportés sous sa bannière; les dotations qu'elle

avait obtenues dans.des contrées étrangères, etqui se trouvaient supprimées, et le pillage quilui avait été permis pendant lescontinuelles cam-

pagnes de l'Empereur. Aprésent ellepensait quele Roi se proposait de la rédmre dès qu'il le

pourrait sans danger, et s'imaginait même qu'ily allait dé son existence.

Mais ce n'était pas,seulement l'intérêt person-nel de l'armée qui causait son mécontente-ment. Buonaparte avait inspiré à toutes lesclasses de ses sujets un sentiment d'honneur,

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S~~ VIE DE NAPOIJÈON BUOJSAPARTE.

comme on l'appelait, qui, pour mieux dire,n'était que la vanité de l'ascendant militaire etde l'agrandissement national; ce sentiment était

surtout le partage de ses compagnons d'armes.Ils disaient que la gloire de la France s'étaitlevée avec Napoléon, et s'était éclipsée aveclui pour toujours; non, comme ils le soute-naient, par la force supérieure des ennemis,mais par la trahison de Marmont et des autresgénéraux à qui il avait accordé sa confiance.Cette opinion passa des rangs des soldats dansles autres classes de la société qui toutes, enFrance, sont profondémentsensibles à ce qu'onleur représente comme la gloire'nationale; etdes échos partant des campagnes, des boutiqueset des manufactures, la reportèrent dans les

rangsdes soldats.

On commença à convenir gé-néralement qu'on avait reçu les Bourbons desmains de vainqueurs étrangers, et que le règnedu Roi n'avait commencé que parce que laFrance avait été conquise et que Paris s'étaitrendu. On se rappela que les Alliés avaient dé-claré que la restauration de l'ancienne famille

royale était combinée avec la rentrée de laFrance dans ses anciennes limites, et qu'enconséquence le premier acte de Monsieur,comme régent du royaume, avait été d'ordon-ner la redditionde plus de cinquante forteresses

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CHAPITRE XII. 3~5

au-delà des frontières, dont on supposait queBuonaparte se serait servi pour recouvrer ses

conquêtes dontia fortune ou la trahison!'avaient

dépouillé pour un temps. Le dernier goujat àla suite del'armée, aHectait de ressentir sa partde la honte nationale de perdre des provincesauxquelles la France n'avait d'autres droits queceux qui résultent d'une usurpation militaire.

L'espoir que le gouvernement chercherait dumoins à reconquérir la Belgique, qui était sibien

à la convenance de la France, et.qui entrait, di-sait-on, dansseslimitesnaturelles, servit quelquetemps à combattre ces sentimens; mais quandon vit clairement que le gouvernement françaisne pouvait ni ne voulait s'engager dans une

guerre extérieure pour cet objet ou pour tout

autre, le mécontentement de l'armée devint

universel, et l'on put dire qu'elle était mûrepour toute entreprise désespérée.

Dans l'armée, la ci-devant garde impérialese distinguait par une sombreinimitié contre lenouvel ordre des choses, et elle se croyait in-sultée en voyant la garde du monarque con-fiée à un corps de troupes de sa maison, com-

posé de Royalistes choisis comme plus fidèles.L'armée notait pas moins mécontente que ladécoration de la Légion-d'Honneur eût été dis-tribuée avec une profusion qui semblait avoirs

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3y6 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

pour but d'en diminuer le prix; mais la marche

suivie pour les promotions était la principalesource du mécontentement. Les princes du

sang royal avaient été nommés par le Roi co-lonels-généraux et Farinée découvrit, ou crut

bientôt découvrir que, sous leurs auspices, les

rangs supérieurs de l'armée allaient probable-ment se trouver remplis par les nobles émigrés,dont les services militaires étaient considérés

comme ayant continué pendant qu'ils accom-

pagnaient le Roi dans son exil. Ainsi naquit larivalité la plus indécente entre ceux dont les

prétentions étaient fondées sur leur dévoûment

éprouvé à la maison de Bourbon, et ceuy. qui

avaient porté les armes contre cette famille,mais au service de la France. La vérité est quele dérangement des finances, et la jalousie des

ministres, dont chacun voulait être exclusive-ment le maître dans son département, ne lais-

saient au Roiaucun moyenplus facile pour payerles dettes de sa reconnaissance, et pour assurer

des moyens d'existence à ses anciens amis et

adhérens, qu'en les plaçant dans l'armée. Cette

mesure quoique peut-êtreinévitable, n'était

pourtant pas à désirer, sous bien des rapports.Des vieillards qui avaient passé l'âge du service,ou des jeunes gens qui n'en avaient aucune ex-

périence furent nommés, en vertu de ces pré-

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CHAPITRE XII. 877

tentions, à des grades auxquels de vrais mili-taires croyaient que leurs lauriers et leurs ci-catrices leur donnaient des droits. L'apparition

de cès émigrés surannés, appelés ainsi à, desfonctions qui ne convenaient ni à leur âge ni aleurs infirmités, fit naître le mépris et la déri-sion parmi les soldats de Buonaparte, pendantque la hauteur patricienne et la présomptioninconsidérée des jeunes nobles excitaient leur

indignation. Les agens et les amis de Buona-

parte ne laissèrent pas ces passions se refroidir.« Il ya un complot des Royalistes contre vous,répétait-on incessamment aux régimens dans

lesquels arrivaient ces nouveaux officiers; lesBourbons ne'peuvent se croire en sûreté tant

que.ceux qui ont partagé les triomphes de Na-

poléon, conserveront l'honneur et l'existence.

Nos rangs sont mis sous le commandement deradoteurs qui n'ont jamais tiré l'épée dans une

bataille, ou qui n'ont servi que dans les corpsdes émigrés de Condé, parmi les Chouâns et les

insurgés de la Vendée. Quelle garantie avez-vous que vous ne serez pas réformés d'un mo-ment à l'autre? Et si le gouvernement ne vous

est attaché que par des liens si faciles à rompre,à ce qu'il paraît, pourquoi régarderiez-vouscomme devant être plus solides ceux qui vousattachent à lui? ))De telles insmuations, de sem-

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878 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

blables raisonnemens faisaient naître des pré-ventions dans l'armée; le mécontentement se

répandait généralement dans les rangs et long-

temps avant l'entreprise audacieuse de Napo-

léon, ses anciens soldats étaient presque tous

disposés à servir son retour.Nous avons décrit ainsi Fêtât des partis en

France mais suivant l'usage, la masse de la

population était à peu près indifférente a la

politique active, aice n'était dans les momens

,d'agitation. Les partis dans un État sont au peu-

ple en général ce que les vents sont à l'Océan

celui qui domine, pousse les flots devant lui; le

lendemain il change, et les vagues sont sou-

mises à une autre influence. Le peuple fran-

çais, en général, était contraire aux Républi-

cains ou Jacobins; il, conservaitun souvenir

effrayarit des horreurs de la tyrannie et du fa-

natisme des Républicains. Il n'était pas plusfavorable aux Buonapartistes, parce qu'il re-

doutait dans l'homme qui donnait son nom à

cette faction, cette antipathie du repos qui me-

naçait la nation d'une guerre perpétuelle. On

ne pouvait dire que le peuple fût royaliste;pour le grand nombre le nom de Bourbon avait

perdu son charme et tant de fortunes et tant

d'intérêts étaient liés aux actes de la révolution,

que le rétablissement pur et simple de la mo-

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cHApmm xii. 3 7 g

narchie ne pouvait avoir beaucoup de parti-sans.

Au total, cette classe de Français qu'on peut

appeler Modérés ou Constitutionnels, et quicomposait la grande massedes propriétaires, et

des hommes riches ou ayant reçu de l'éduca-

tion, espérait bien du gouvernement du Roi.Le bon sens, l'humanité, l'amour de la justice,la modération, et les autres bonnes qualités deLouis XVIII, lui avaient valu l'estime de cette

classe, et elle pensait que sa restauration pou-vait être considérée comme la garantie d'une

paix durable avec les autres nations de l'Eu-

rope. Mais elle craignait et voulait éviter cetteréaction contre-révolutionnaire, suivant l'ex-

pression alors usitée, qu'on regardait commele but des princes du sang, de la noblesse et du

clergé. Lafortune d'un grand nombre de Con-stitutionnels consistait en domaines nationaux,et ils surveillaient avec crainte et avec mé-

fiance, chaque démarche que la noblesse émi-

grée et le clergé semblaient disposés à faire

pour obtenir leur réintégration dans leurs an-ciens droits.

C'était sur ce point que se portaient princi-palement les inquiétudes du parti modéré, et ce

qui se passa dans la Chambre des Députés, jetaun jour frappant sur l'état de l'esprit public.

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VIE DE NAPOLEON BUONAFARTE.38o

Nous devons donc diriger de ce côté l'attentionde nos lecteurs.

Une querelle sur un droit de préséance

avait eu lieu dansl'église de Durnac entre leseigneur de la paroisse et le maire de la com-mune. Celui-ci porta l'affaire devant la Cham-bre des Députés en lui adressant une pétitionconçue en termes violons, dans laquelle il gé-néralisait ses plaintes en accusant-tout le corpsdes émigrés de vouloir se placer au-dessus des

autorités constituées, et traiter la-France enpays conquis. La Chambre, le 20 novembrei8i/{, traita le langage de la pétition commecalomnieux, et la querelle comme indigne deson attention. Mais ces débats firent naître le

soupçon qu'il- existait un système sourd et se-cret dont le but était de semer des germes de

discorde et d'anarchie parmi les citoyens, et defaire revivre des prétentions incompatibles avecles lois. « Il est important, dit le membre quiprovoqua cette discussion, de bien pénétrertoutes les classes de Français de la grande idéequ'il n'y a de sûreté pour la France, pour le Roi,pour tous les membres de la société, que dans

le maintien des principes constitutionnels surlesquels sont fondées les lois pour la protec-tion générale.))

Les prétentions des émigrés à la restitution

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1 CHAPITRE XII. 38 j

de leurs biens confisqués étaient, au fond, aussi

 justes et aussi légitimes que celles du Roi autrône. Mais les conséquences politiques de larestitution étaient telles que toute tentative gé-nérale de cette mesure eût été le signal certaind'une guerre civile, qui se serait terminée pro-bablement par une seconde expatriation de-lafamille royale et de ses partisans. Dans cet em-

barras, le gouvernement semble avoir cherchéavec soin quelque moyen pour accorder du

soulagementaux

émigrés,sans violer l'article

de la Charte qui ratifiait la vente des domainesnationaux. M. Ferrand fit à la Chambre des

Députés une motion tendant à rendre aux émi-

grés ceux de leurs biens qui n'avaient pas en-core été vendus. Mais cette motion entramaitla question des droits de cette classe beaucoup

plus nombreuse, dont les biens, confisqués parl'État, avaient été vendus à des tiers à qui laCharte en garantissait la propriété. Puisque ces

émigrés ne pouvaient rentrer dans leurs biens,ex jure, comme on le proposait à l'égard deleurs compagnons plus fortunés, ils avaient dumoins droit au prix qu'avait produit la vente

de ces biens, et ce prix se trouvait encore entreeles mains de la nation.Cette proposition fut attaquée par M. Dur-

bâch, qui accusa M. Ferrand du :fatal projet

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38a VIE DE NAFOI~ÉON BUONAPARTE.

d'ouvrir la porteà la vastequestion desdomaines

nationaux. « Déjà, continua l'orateur, les ex-

pressions du ministre ont retenti dans les deux

extrémités du royaume, comme le bruit de làfoudre qui précède l'orage. L'effet qu'elles ont

produit, a été si rapide et si général, que toutes

les transactions civiles ont-été suspendues tout à

coup. Une méfiance générale et une crainte

excessive ont causé une stagnation dont les ef-

fets se sont fait sentir même au trésor royal.

Les propriétaires des domaines nationaux nepeuvent plus ni vendre ni hypothéquer leurs

biens. Ils sont tout à coup réduits à la pauvretéau sein de l'opulence. D'où vient cette cala-

mité ? La cause existe dans la déclaration

faite par le ministre, que les biens qu'ils possè-dent ne leur appartiennent pas légalement; car

telle est, dans le fait, la conséquence de sonassertion que la loi reconnaît aux émigrés un

droit de propriété qui a toujours existé. ))

Le célèbre maréchal Macdonald, ami en

même temps de la monarchie et de la liberté,de la France et des Bourbons, entreprit de pré-senter un plan pour satisfaire les émigrés autant

que le permettait la situation de la nation, et

pour assurer en même temps quelque indem-

nité des pensions accordées par Buonaparte à

ses soldats vétérans, pensions qui, sous son rè-

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CH~PITHt; XH. 383

gne, avaient été assignées sur des biens situéshors des limites de France et dont le paiementavait entièrement cessé depuis la retraite de

Moscou. Le rapport que fit le maréchal surles détails de la vente des domaines nationaux

prouve combien aurait été formidable la tâchede frapper de nullité cet immense transfert de

propriétés, puisque le nombre d'individus di-rectement ou indirectement' intéressés dans la

question du maintien de ces ventes, montait à

neuf  ou dix millions. « Quelques efforts im-puissans, dit le maréchal, voudraient en vainse diriger contre ce colosse, dont l'œil ne peutmesurer la hauteur; mais la sagesse du Roi a

prévu ce danger, même dans l'intérêt de ces

imprudens qui s'y seraient exposés.)) Ilfit, avec

beaucoup d'éloquence, l'éloge de la conduite

des émigrés, exprima du ~respect pour leurpersonne, de la compassion pour leurs infor-

tunes, de l'estime pour leur fidélité, et fit ob-server ensuite que les droits de ces anciens

propriétaires sur des domaines que d'autresavaient acquis, les plaçaient dans une situation

qui ne pouvait être durable. Il proposa donc

que la nation rendît  justice aux titres de cesinfortunés, sinon complètement, du moins

d'après un compromis analogue à celui qu'onavait appliqué a d'autres obligations nationales.

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE384

H calculait qu'une rente annuelle de douze mil-

lions couvrirait toutes les réclamations des émi-

grés. Il traça, ensuite le tableau de la détressedes soldats

vétérans, pensionnairesde

l'État,détresse occasionnée par la suppression des

pensions, qu'ils avaient achetées au prix deleur sang dans mille batailles. Il regardait uneautre rente de trois millions comme nécessaire

pour acquitter cette obligation sacrée.Il y avait quelque chose de sage, de noble

et de généreux dans le plan du maréchal Mac-donald, 'et s'il avait été possible de'le mettre à

exécution, il aurait calmé en grande partie lescraintes et les inquiétudes des propriétaires de

domaines nationaux; c'eût é{-éen même tempstraiter avec une égaleimpartialité lesprétentionsdes émigrés et celles de l'armée. Malheureuse-

ment, les fonds manquaient, et le gouverne-ment royal,- bien loin d'être en état de sup-

porter,une nouvelle dépense annuelle de quinze

millions, ne pouvait remplir ses diverses obli--

gations, sans continuer la taxe oppressive desdroits réunis.

Ce sont véritablement lesfinances et les taxes

qui ont été les mobiles de presque toutes les ré-volutions chez les peuples civilisés; et il seraitdifficile de décider combien de temps*oppres-sion peut être supportée tant qù'elle épargne la

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CHAPITRE XII. 385

bourse des individus, et combien il en faut peu

pour qu'une taxe un peu forte, quelque néces-saire quelle puisse être, excite une insurrec-tion. Sans les taxes

imposées partes

Espagnols,les Hollandais auraient difficilement songé à serévolter contre eux; ce furent les contributions

qui lassèrent la patience des Suisses, et les en-flammèrent contre les Autrichiens sans la loisur le timbre, la révolution d'Amérique aurait

pu tarder encore long-temps à éclater; et sans

le désordre des finances dela France, Louis XVIn'aurait pas eu besoin de convoquer l'Assem-blée Nationale. La France était encore agitéeen ce moment par un de ces accès dé fièvre

qui se déclarent quand les sujets conçoivent des

craintes pour leur bourse.Un rapport sur l'état des finances de la France

par l'abbé de Montesquieu avait donné une~preuve singulière de la politique trompeuse de

Buonaparte. Des tableaux annuels des revenus

et des dépenses de l'État avaient été publiés pé-

riodiquement depuis qu'il avait pris les rênes

du gouvernement; selon toutes les apparences,l'exactitude en était irrécusable, et comme ils

semblaient se balancer l'un l'autre, on pou-vait se flatter avec raison, que la perceptiondes revenus de l'État empêcherait toute espèced'arriéré dans les dépenses. Mais dans la réa-

VtBneNAp.BuoN.Tome8. ~5

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.386

lité~ un grand nombre de dépenses extraordi-naires étaient soustraites aux yeux du public,tandis que, d'une autre part, le produit descontributions était évalué

trophaut. Ainsi les

deux budgets de 1812 et i8i3, en les exa-minant de près, curaient un déncit de plus detrois cent douze millions. Buonaparte n'igno-rait pas ce fait, mais il le cachait aux yeux de

lanationdansl'espoir de remplir ce vide, commeil l'avait fait dans des temps plus heureux, par

des tributs levés sur l'étranger et en attendant,il y suppléait en anticipant sur d'autres fonds,comme un teneur de livres infidèle arrange unebalance de comptes plausibles, de manière

qu'elle puisse passer sous les yeux de son

maître, et couvre sa fraude par sa dextérité à

disposer les chiffres. Au total, les dettes de

la France paraissaient s'être accrues, dans lecours de treize ans, jusqu'à la somme dg/ 1,645,369,ooo francs.

Ces embarras de nuances s'accordaient malavec l'accomplissement d'une malheureuse

promesse faite avec trop de précipitation parTtZoTMMMr,que les taxes vexatoires connues

sous le nom de Droits-Réunis, seraient abolies;promesse qu'il avait faite en arrivant en France,lorsque, placé entre l'espérance et le désespoir,il cherchait par tous les moyens possibles à

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CHAPITRE XII. 38~

gagner des partisans au Roi. D'autre part,Louis lui même, en montant sur le trône,avait promis, peut-être trop facilement, de

remplir tous les engagèmens que l'État avaitcontractés sous le gouvernement précédent.Accomplir ces deux promesses était une chose

impossible~ car sans continuer ces taxes oppres-sives et odieuses, la couronne ne pouvait avoir

le moyen d'acquitter la dette nationale. Jala-bert proposa inutilement un plan pour rem-

placer ces droits vexatoires par un autre surles vins cette motion fut renvoyée à un. co-mité de la Chambre des Députés, mais il paraîtque cette substitution fut jugée impossible.Louis fit naturellement céder la promesse deson frère, a l'engagement qu'il avait pris lui-même avec plus de délibération. Mais il n'en

est pas moins vrai qu'en voyant maintenir lesdroits-réunis, maintes personnes qui n'avaient

que cette objection contre le gouvernementroyal, se crurent en droit d'accuser le Roi de

manquer à la parole donnée, sans vouloirécouter ce qu'ôn pouvait dire pour le défendredans une cause sur laquelle peu de personnes

sont disposées à entendre la raison contre leurpropre intérêt.

Il restait encore un. autre sujet de crainte et

d'alarmes, qui aigrissait l'esprit non seulement

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.388

des partisans des révolutions ou, comme ledisaient les Romains, de ceux qui étaient cu-

pidi novarum rerum, mais d'autres individus,

qui, passionnément attachés à la prospérité de laFrance, désiraient pouvoir conserver, sous le

sceptre d'un monarque légitime la jouissancede la liberté nationale. Ils avaient le malheurde voir cette liberté attaquée dans sa partie la

plus sensible, par les restrictions auxquelles la

presse fut assujettie.

Une partie du système de Buonaparte avaitété de tenir dans sa main de fer cet instrument

puissant, sachant parfaitement que ses prin-cipes de despotisme n'auraient pu se soutenirsix mois, si ses actions avaient été exposées àla censure du public, et ses argumens soumisà la contradiction et à la discussion. Les Bour-

bons ayant proclamé la liberté de la presse,l'esprit de controverse littéraire et politique sedéchamaavec une violence infernale qui étonnaet épouvanta ceux qui avait rompu ses liens.Les invectives furieuses qui furent vomiescontre les Bourbons avec profusion, auraient

pu faire dire à leurs auteurs avec Caliban

t'OM~< melanguage,andmyprofiton'tis7know~Otfto<U/.M.

*Daas l'art de m'exprimer vous avezsn m'instruire,Et j'en ai profité; je sais comment mandire.

Vuede la tempête de Shakespeare. (~t.)

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CHAPITRE XII. 38()

Pour réprimer un esprit qui se montraitd'une manière si peu équivoque une motionfut faite, le 4 juillet 181~, pour soumettre à

la censure les écrits au-dessous d'un certainnombre de pages, et pour placer les journauxet les gazettes sous la direction du gouverne-ment..

Cet important sujet fut discuté dansl'Assem-'blée des Députés avec beaucoup de courageet de talent. Mais c'est une des nombreuses

maximes politiques que les Anglais admettentcomme des théorèmes, que sans la liberté ab-solue de la presse, liberté qui doit être exercéeau péril de ceux qui en abusent, il ne peutexister ni patriotisme' éclairé ni discussion

libérale; et que, quoique les formes d'une con-stitution libre puissent être conservées quand

cette liberté est restreinte, elles cesseront bien-tôt de produire les heureux effets qu'on en at-tend nécessairement, c'est-à-dire de protégerles droits du public, et la sûreté des individus.La liberté de la presse est un organe par le-

quel l'opprimé peut traduire l'oppresseur à labarre de la nation; c'est le moyen par lequelles hommes publics infidèles à leur devoir,peuvent être accusés devant leur siècle et la

postérité; c'est la seule issue par où la vérité

peut, avec hardiesse'et sans déguisement, pé-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.39o

nétrer dans les cabinets dès monarques; enfin,c'est le privilége àl'aide duquel celui qui élève

inutilement la voix contre la corruption ou les

préjugés du temps où il vit,, peut léguer sesconseils à une postérité impartiale. Celui quivoudrait détruire les facultés de Fouie et de la

vue dans son semblable, ne serait guère moins

barbare et criminel que celui qui, en restrei-

gnant la liberté de la presse, réduirait une na-

tion à la surdité des préjugés et à l'aveuglement

de l'ignorance. La perte de cette espèce de li-berté est le premier symptôme de décadence

de la liberté nationale dont elle a, dans tous

les siècles, occasionné la destruction; et l'ôn

peut déclarer justement qu'elles ne peuventexister l'une sans l'autre, ou, comme Fadit le

poète élégiaque de son héros et du pays auquel

il appartenait

Ille <:&tsuperesse y:~yM j non potes illi.

Il faut convenir en même temps que, comme

nul bien ne nous arrive sans mélange de mal,la liberté illimitée de la presse est suivie d'in-

convéniensmanifestes qui, lorsqu'une

nation

est dans un certain état d'excitation, en rendent

l'exercice particulièrement dangereux cela

arrive surtout quand un peuple, comme alors

les Français, se trouve tout à coup sorti d'es-

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CHAPITRE XII. 3gi

clavage, et disposé, comme un jeune coursier

qui a pris le mors aux dents, à faire l'usage le

plus extravagant de sa liberté. Lorsque les es-

prits ne sont pas préparés à la discussion, qu'ilssont imbus de ces fausses idées politiques quiont fait à cesiècle plus de mal qu'une ignorancecomplète n'aurait pu en faire, et sujets à selaisserinfluencer par le pamphlétaire à la mode

qui flatte leurs passions dominantes, commeles harangues des orateurs démagogues flat-

taient celles des Athéniens, bien des hommesd'Etatont pensé que la raison et la nécessité jus-tifient également la mesure de priver un peu-ple de la liberté de la presse. Nous proportion-nons la liberté, disent ces théoriciens, à la

faculté qu'on a d'en jouir. On laisse marcherlibrement l'hommepaisible et sensé, on lui per-

met même de porter des armes s'il en a besoin;mais on met des lisières à l'enfant, on désarmel'homme dangereux, et l'on enchame le ma-

niaque. Pourquoi donc, demandent-ils, fau-

drait-il traiter une, nation qui est tourmentée

par la fièvre, avec une indulgence sans restric-

tion, qui augmenterait nécessairement le mal ?

Notre réponse est,toute prête C'est qu'en ad-mettant que. l'abus de la liberté de la presseexiste ~ans sa latitude la plus effrayante, et nousn'avons pas besoin d'aller en chercher des exem-

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3ga VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

pies en France les avantages qui en résultentsont si précieux, que vouloir en priver une.na-

tion, c'est comme si un architecte fermait toutesles fenêtres

quidonnent de l'air et du

jourà une

maison, parce que la pluie et le froid pourraientpénétrer par ces ouvertures. D'ailleurs, nous

l'avouons, nous croyons devoir nous dé.fierdessentimens des membres de tout gouvernementsur ce point délicat. Leur situation rend fortdouteux qu'ils soient amis d'un privilége par

lequel seul ils peuvent être traduits à la barrede l'opinion publique, s'ils abusent de leur pou-voir, et par lequel il arrive aussi qu'Hs voientsouvent revêtir de couleurs fausses et malignesl'exercice juste et modéré de leur autorité. Les

princes, pour beaucoup de raisons, n'aiment

pas davantage la liberté de la pressé. La sou-

mettre adesréglemens leur paraît facile et'dési-rable, et ce n'est pas, àleur avis, traiter la société

plus durement que lorsqu'on en exige le res-

pect, la décence, la subordination, en un motcette sorte d'étiquette qui est d'usage danstoutes les cours, et qui défend de dire à un sou-

verain, sous quelque prétexte que ce puisse

être, quoi que ce soit de grossier, de désa-gréable, ou même de déplaisant. Dans de telles

circonstances et dansl'état où se trouvait la

France, on éprouva plus de regret que d'éton-

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CHAPITRE XII. 3g3

nement en voyant les ministres de Louis XVIII

disposés à soumettre la liberté de la presse à des

restrictions, et chercher à placer la lumière des

-nations sous le boisseau de la censure.Mais cette victoire elle-même fut funeste au

gouvernement. La loi fut éludée sous différens

prétextes les ouvrages dont on voulait empê-cher la circulation, acquirent plus d'importanceet devinrent plus recherchés précisément parcequ'ils étaient prohibés, et cette mesure disposa

bien des gens dont les opinions sans cela au-raient été favorables aux Bourbons, à se mé-

fier de leurs intentions relativement à la liberté

nationale.Ainsi divisée en.divers partis, accablée de

taxes oppressives, agitée de craintes et d'in-

quiétudes mystérieuses et sans objet déterminé,

sujet de mécontentement le plus dangereux detous, parce qu'il n'admetni explication ni ré-

futation, la France était remplie de matières

inflammables, et le chapitre suivant prouveraque la torche pour les allumer ne manquait pas.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.394

.w.r. Î

CHAPITRE XIII.

Mémoire de Carnot sur les affaires publiques. Fouché

échoue dans ses efforts pour obtenir la faveur du Roi, et

s'unit aux Jacobins. Divers projets de ce parti, qui finit

par se joindre aux Buonapartistes. Commencement d'in-

trigues actives.–Congrès de Vienne.–Murât, alarmé

de ce qui s'y passe, ehtre encommunication avec Napoléon.Plans des conspirateurs. Buonaparte s'échappe de

l'tle d'Elbe. Il débarque à Cannes et pénètre enFrance. Trois mille hommes de troupes se joignent à lui

a Grenoble. Il s'arrête à Lyon, nomme un ministère, et

rend plusieurs décrets. Consternation du gouvernement

royal. Intrigues de Fouché. Trahison de Ney. Ré-

volte del'armée

des Bourbons, à Melun. Le Roi quitte

Paris, et Buonaparte y arrive. Accueil qu'il y reçoit.

Nous avons plusieurs fois parlé de Carnot

dans cette histoire, comme ayant été le collègue

et l'associé de Robespierre pendant tout le règne

de la terreur. Ses. admirateurs prétendent que

ne se chargeant que de la direction de la guerre

contre les étrangers il laissa à ses confrères du

comité de sûreté publique le soin exclusif de

ces mesures dont nul langage humain ne saurait

peindre suffisamment l'horreur, mais par le

moyen desquelles ils s'élevèrent au pouvoir, et

par lesquelles ils le conservèrent. Suivant ces

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CHAPITRE XIII. 3g5

avocats.indùlgens, Carnot se conduisit pendanttout le règne de la terreur de manière à ne pasêtre souillé d'une, seule tache. de sang, comme

Aréthuse roulait ses -eaux à travers l'Océansans les mêler avec ses vagues plus d'un lec-

teur sera aussi crédule pour Fancien miracle que

pour le moderne. Cependant Carnot eut assez

d'indépendance d'esprit pour s'opposer à l'usur-

pation du trône par Napoléon et il vécut dans

l'obscurité  jusqu'en 181~, époque où il em-

ploya ses talens comme ingénieur à la défensed'Anvers. Il donna fort tard et avec répugnanceson adhésion à la restauration, et fut confirmé

dans son rang d'inspecteur général du génie.Mais cette faveur ne l'empêcha pas d'être ex-

trêmement actif a conspirer, contre un mo-

narque auquel il avait promis fidélité, et qui

lui avait accordé des émolumens et un grade,militaire.

Carnot exprima son opinion sur les affaires

publiques, dans un mémoire publié en dé-

cembre i8i4; c'était en même temps une apo-

logie du parti des Jacobins et une attaque di-

recte contre ladynastie

régnante. Nous de-

vons nécessairemeift considérer avec quelquedétail cette pièce, parce qu'elle contient les

motifs ostensibles d'après lesquels l'auteur, et

plusieurs milliers d'autres avec lui, dans leur

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3q6 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

sollicitude pour les intérêts de la liberté de la

France, pensaient que ces intérêts seraient plusen sûreté en brisant le sceptre d'un monarque

'pacifique, dont la bonté allait peut-être jusqu'àla faiblesse, pour rappeler au trône un souve-rain absolu, ne gouvernant que d'après des

principes militaires, et dont le premier pas

pour s'asseoir sous le dais devait nécessai-

rement être suivi par une guerre contre toute

l'Europe.

Dans cette composition singulière, et qui neproduisit que trop d'effet, toutes les fautes com-mises par la dynastie rétablie sur le trône se

trouvent exagérées et, sous un léger voile de

respect prétendu pour le Roi, la famille royale,les nobles et tous leurs adhérens personnels, sont

traités comme des fous qui ne savaient comment

gouverner la France, et comme des traîtres quien méditaient la ruine. Avec une ironie aûssi

perfide qu'injuste, le meurtre du roi Louis XVI

y est représenté comme causé, non par la vio-

lence et la cruauté de ses persécuteurs, mais

par la pusillanimité de ses nobles, qui d'abord

provoquèrent le ressentiment de la nation, et

s'enfuirent ensuite du royaume, au lieu de serallier autour de leur souverain, comme ils au-raient dû le faire s'ils avaient eude l'attachement

pour lui. Tel était le langage d'un régicide~

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CHAPITRE XIII. 3g7

comme si un membre d'une bande de brigandsimputait un assassinat, non à leur violence cri-

minelle, mais a la lâcheté des serviteurs de

leur victime, quiauraient du leur résister. Per-

sonne d'ailleurs ne savait mieux que Carnot parquels artifices Louis XVI avait été amené gra-duellement à abandonner tous les moyens dedéfense que lui donnait sa situation, et à se livrerà la bonne foi et aux sermens de fidélité de ceux

qui le condamnèrent à mort. Les exemples etles

argumens employés par Carnot pour justi-fier la condamnation de Louis sont aussibizarreset aussi peu concluans.Cicéron, à ce qu'il pa-rait, dit dans son traité de Officiis, « Noushaïs-sons ceux que nous craignons et nous désironsla mort de ceux que nous haïssons. ))C'est surcette large base que Carnot s'appuie pour justi-

fier l'approbation donnée par l'orateur à la mortde César usurpateur, malgré sa clémence et

Caton, continue le collègue de Robespierre,allait encore plus loin; car il ne croyait paspossible qu'il pût exister un bon roi. Par con-

séquent, non seulement Louis XVI, mais tousles monarques, suivant l'avis de Carnot, pou-

vaient être justement mis à mort, parce qu'ilssont naturellement des objets de crainte pourleurs sujets, parce que nous haïssons ceux quenous craignons, et parce que, suivant la doc-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.3g8

trine analogue de Shylock personne ne haitce qu'il ne voudrait pas tuer. La doctrine du

régicide est représentée comme consacrée par

l'Ancien-Testament. Des familles furent mas-sacrées, des monarques proscrits, l'intolérance

promulguée par les ministres d'un Dieu bien-faisant. Rourquoi donc les Jacobins n'auraient-ils pas mis à mort Louis XVI ? Si on alléguaitque la personne des rois était déclarée invio-lable par les lois de tous les gouvernemens ci-

vils, celle des usurpateurs ne jouissait certai-nement pas de la même protection; et quelmoyen y avait-il, demandait Carnot, pourdistinguer positivement un roi légitime d'un

usurpateur? La difficulté de faire une telle dis-tinction était sans doute une justification suf-fisante des juges de Louis XVI.

On n'avait rien écrit d'aussi absurde depuisla fermeture du club des Jacobins; mais le butdu pamphlet de Carnot était, non d'excuser unforfait qu'il aurait probablement préféré vantercomme louable, mais d'exciter la fureur des

partis contre les Bourbons et leurs partisanspar les exagérations de son éloquence et par le

poids de son influence sur l'esprit public. Le Roiy était accusé d'avoir répondu par de l'ingra-

Shakespeare, Marchand.deYenise.(~<V~.)

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CHAPITRE XIII. 399

titude à l'appel de la nation; appel qu'il n'au-rait certainement jamais entendu sans le canondes Alliés de s'être dit roi par la grâce de

Dieu;d'avoir abandonné

la Belgique, tandisque Carnot était gouverneur d'Anvers; d'avoirdonné des Chouans des Vendéens, des émi-

grés, des cosaques et des Anglais pour chefsaux soldats dont les victoires l'avaient tenu en

exil, et dont les défaites seules l'avaient replacésur le trône de ses pères. Les émigrés y sont

représentés comme une faction exaspérée, maisméprisable. Le peuple, y est-il dit, s'inquiètepeu du droit de ceux qui le gouvernent, deleurs querellés de leur vie privée, et mêmede leurs crimes politiques, si ce n'est en ce quile touche. Tout gouvernement a naturellement

pour base l'opinion populaire « mais, hélas

dans l'histoire véritable, les peuples, dit M. Car-not, ne sont regardés que comme les victimesde leurs chefs; on n'y voit que les contestationsdes sujets pour l'intérêt privé de leurs princes;des rois qui sont eux-mêmes régicides et par-ricides des prêtres qui excitent les hommes àse massacrer mutuellement. On ne peut s'ar-

rêter avec plaisir que sur les efforts généreuxde quelques hommes vertueux et fermes qui sedévouent à la délivrance de leurs conçitoyenss'ils réussissent, on les appelle des héros; s'ils

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400 VIE DE NAPOLÉON BUONAPAHTE.

échquent, on les nomme traîtres et démago-gues. » Dans ce 'passage et dans plusieursautres,. Fauteur indiquait clairement quels

hommes avaient mis la main à l'œuvre, etquel était le but de leurs intrigues. Tout ce

pamphlet était écrit comme un manifesteadressé au peuple français, annonçant d'unemanière obscure, mais distincte, l'existenced'une conspiration formidable les principesd'après lesquels agissaient ceux qui en fai-

saient partie, et leurs motifs pour en espérerle succès.

Carnot lui même affectait de dire que cemémoire notait destiné qu'à circuler parmises amis particuliers mais il n'aurait pas pro-duit l'effet qu'on en attendait, s'il n'eût été im-

primé et répandu dans le public avec profu-sion. De petites charrettes parcouraient lesboulevards pour en vendre des exemplaires,afin d'éluder les châtimens qu'auraient pu en-courir les libraires qui auraient vendu un écritsi séditieux. Malgré ce subterfuge, les'impri-meurs et distributeurs de cette diatribe furent

poursuivis par le gouvernement; mais la cour

d'instruction criminelle refusa d'admettre l'acte

d'accusation, et cet échec ne fit qu'encouragerla faction des Jacobins. Les mesures omcielles

par lesquelles les ministres s'efforcèrent de sup-

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CHAPITRE XIII. ~01

primer ce pamphlet irritèrent ceux qui y pre-naient intérêt, au lieu de les intimider. C'étaitmontrer un esprit timide et vindicatif, disaient-

ils, que de persécuter les agens subalternes dela distribution d'un libelle prétendu, tandis

qu'on n'osait traduire en justice celui qui enétait l'auteur avoué. La justesse de ce raison-nement était incontestable, car les mesures desministres étaient d'accord avec cette misérable

politique qui préférait attaquer la liberté de la

presse, plutôt que de poursuivre ouvertementceux qui en abusaient, et de les soumettre à unchâtiment public.

Il aurait été à peu près impossible à Fouchéde vivre au milieu d'une scène si compliquéed'intrigues politiques sans y prendre part. Il

était pourtant mal placé pour le rôle qu'il dé-

sirait jouer. Après avoir prêté son aide à Buo-naparte pour trahir et détrôner le Directoire,il avait longtemps médité sur les moyens de

détrôner et de trahir Buonaparte, et de lui

substituer soit une régence, soit quelque autreforme de gouvernement sous laquelle il aurait

pu .espérer d'être premier. ministre. Dans cette

entreprise, il' courutplus d'une fois le risquede la vie, et il s'estima très heureux d'en être

quitte pour un exil honorable. Nous avons

déjà dit que son absence de Paris lorsqueVtf.DENAp.BuoN.Tome8. a6

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.402

cette ville fut prise par les Alliés, lui avait fait

manquer l'occasion la plus favorable pour pro-fiter de ses talens politiques. Fouché s'eSbrça

pourtant d'attirer sur lui l'attention du mo-narque rétabli sur son trône et de son gouver-nement, et de faire agréer ses services à Louis.

Quand ce célèbre révolutionnaire parut pourla première fois à la cour, il vit un air de sar-casme sur la physionomie de quelques Roya-listes qui s'y trouvaient, et il saisit cette occa-

sion pour leur donner une leçon qui prouvequ'un ministre de la police, même quand iln'est plus en place, n'est pas un homme donton doive se jouer. « Monsieur, dit-il à un cour-

tisan, vous semblez fier du lis dont vous êtesdécoré. Vous rappelez vous le langage quevous avez tenu sur la famille des Bourbons,

il y a quelque temps'dans telle société? Etvous, Madame, continua-t-il en s'adressantà une femme, vous à qui j'ai donné un passe-port pour l'Angleterre.~ peut-être seriez-vous

charmée~que je vous rappelasse ce qui s'est

passé entre nous relativement à Louis XVIII?))La conscience des rieurs les rendit muets, et

Fouché fut introduit dans le cabinet du mo-narque.

Le plan que Fouché recommanda au Roi

était, comme on pouvait s'y attendre, remar-

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CHAPITRE XIII. ~o3

quable par l'astuce et l'artifice il lui conseillade, prendre la cocarde nationale, d'adopter le

drapeau tricolore, et de se déclarer le chef de la

révolution.« Ce

serait,de la

partde

Louis XVIII ..dit-il, faire le même sacrifice

qu'avait fait Henri IV en allant à la messe. » Ilaurait pu ajouter que c'était aussi celui deLouis XVI, ,à qui il en avait coûté la vie. Lebut que se proposait Fouché en donnant un telconseil est évident; il voulait placer le Roi

dans une situation où ce prince aurait été forcéde donner sa confiance exclusive aux hommesde la révolution, avec lesqûels il ne pouvaitse mettre en rapport qu'en employant pourintermédiaire le duc d'.Otrante, qui, par ce

moyen, serait devenu premier ministre. Mais,sous tout autre point de vue, le Roi, en sui-

vant cet avis, aurait joué un r61e d'hypo-crisie et de bassesse qui aurait excité le dé-

goût même de ceux qu'il aurait cherché à seconcilier.

En prenant les couleurs de la révolution, le.Roi aurait nécessairement accepté la solidaritédes nombreux changemens qu'elle avait ame-

nés en France. Il est vrai qu'elle en avait pro-duit plusieurs d'excellons, tant dans la théorie

que dans la pratique du gouvernement, etle souverain était tenu de les maintenir avec

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~0~ VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

soin pour l'avantage de la nation. Mais tandis

que nous sommes reconnaissans des avantagesqu'une grande pluie peut procurer pour la

santé du corps et' la fertilité du sol; tandisque nous recueillons avec soin les choses pré-cieuses que l'Océan courroucé peut jeter sur le

rivage, un payen aveugle adore seul la tempêteet sacrifie aux vagues en fureur. Le Roi, fai-sant la cour aux meurtriers de son frère, ne

pouvait leur inspirer à eux-mêmes que dé-

goût pour son hypocrisie, et il aurait justementperdu l'estime et l'affection- nonseulement des

Royalistes, mais de tous les honnêtes gèns.Ce fut encore pour gagner les bonnes grâces

des Bourbons que Fouché adressa à Napoléonune singulière épitre, dans laquelle il cherchaità le convaincre

quele titre de souverain, dans

la petite ile d'Elbe, ne convenait pas à celui

qui avait été le maître d'un empire immense.Il lui faisait remarquer que la situation de cetteile n'était pas convenable à son projet de re-

traite étant voisine de différens points où sa

présence pouvait produire une agitation dan-

gereuse.« On.

pouvait l'accuser, disait-il,sans

qu'il fût coupable; et il pouvait faire le mal,sans en avoir l'intention, en inspirant des alar-mes. » Il lui donnait à entendre que le roi de

France, quoique déterminé à agir avec justice,

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CHAPITRE XIII. 4o5

pouvait se laisser porter,.par les passions des au-

tres, à en enfreindre les régies. Il disait à l'ex-

empereur de France, que le titre qu'il conser-vait n'était

propre qu'à augmenter. ses regretsd'avoir perdu la souveraineté réelle c'étaitmême une source de dangers positifs, puisqueon pouvait croire qu'il ne le gardait que pourmaintenir ses 'prétentions. Enfin, il exhortait

Napoléon à se réduire à la qualité de simpleparticulier, et à se, retirer dans les États-Unis

d'Amérique, dans la patrie de Franklin deWashington et de JeSerson.

Fouché ne pouvait guère espérer que cette

épître monitoire produirait beaucoup d'impres-sion sur son ci-devant maître impérial; il con-naissait trop bien la nature humaine et Buona-

parte. Mais, comme elle pouvait parler avec

avantage pour lui aux membres de la familleroyale, il en envoya une copie à Monsieur,avec un commentaire convenable., dont l'objetétait de démontrer ce que les circonstancesavaient déjà rendu évident; que la tranquillitédes nations et des souverains ne pouvait jamaisêtre assurée tant que Napoléon resterait dans

sa situation actuelle; et que par son séjour dansl'ile d'Elbe, cette ile était à la France ce quele Vésuve est à Naples. Il fallait en conclure

qu'un certain degré de douce violence, pour

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.4o6

éloigner la personne de Napoléon, aurait étéun coup de politique dans le cas où l'ex-Em-

pereur n'aurait pas lui-même assez de vertu

patriotique pour se déporter en Amérique. Leprince, plein d'honneur et de générosité, à quiF bûchés'adressait ainsi, avait l'âme trop noble

pour écouter cette insinuation et cette tenta-tive pour capter les bonnes grâces de la fa-mille des Bourbons, échoua complétement.Mais l'intrigue était l'élément de Fouché, et il

paraît qu'il s'inquiétait peu du choix de sespartenaires, pourvu qu'il prit part au  jeu ha-sardeux de la politique. Il se retira à sa cam-

pagne, et se lia avec ses anciens amis du parti jacobin, qui ne furent pas fàchés de profiter dela connaissance étendue qu'il avait de toutesles intrigues.

La politique de ce parti était d'insister surles fautes de la famille royale, et d'appuyer surles préventions qu'elle nourrissait contre leshommes et les mesures de cette époque où laFrance avait triomphé dans tant de guerres, soitcontre ces hommes d'État qui avaient dirigétant d'entreprises gigantesques soit contre les

guerriers qui les avaient exécutées. Le Roi,disait-on, avait connu le malheur sans y puiserdes leçons de sagesse il était incapable de faireun seul pas hors du cercle de ses préjugés go-

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CHAPITRE XIII. 4~7

Iniques. La France l'avait reçu des mains de

conquérans étrangers, entouré d'un groupe denobles mendians dont les prétentions étaientaussi surannées et aussi absurdes

queleurs dé-

corations et leurs manières. On prétendait queson gouvernement tendait à diviser les Fran-

çais en deux classes, opposées l'une à l'autre

par leur mérite comme par leurs intérêts les

émigrés, que Louis considérait seuls commedes sujets fidèles et affectionnés, et le reste dela

nation, où les Bourbons ne voyaient tout auplus que des rebelles repentans. On affirmait

qu'encore trop timides pour frapper un coup à

découvert, le Roi et ses ministres cherchaienttous les moyens possibles pour priver de leur

rang et de leurs places tous ceux qui avaient

pris une part active quelconque à la révolu-

tion, et qu'ils éludaient ainsi la promesse d'am-nistie générale. Sous prétexte d'économie na-

tionale, ils licenciaient l'armée, et congédiaientles employés du gouvernement,, dépouillantainsi les serviteurs militaires et civils de laFrance du prix de leurs longs services. Louis,ajoutait-on, avait insulté la gloire de la France

et en avait humilié les guerriers, en renonçantaux couleurs et aux symboles' consacrés parvingt-cinq ans de victoires; il avait refusé unecouronne que le peuple lui offrait, en préférant

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~08 VJE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

s'en emparer en vertu du droit d'héritage,comme si la souveraineté sur les hommes pou-vait passer' du père au fils, ainsi que la pro-

priété d'un troupeau. Le droit des Français dechoisir leur chef  était héréditaire et impres-criptible, et la nation devait le faire valoir ou

s'exposer au mépris de l'Europe au lieu d'enêtre l'orgueil et l'épouvante.

Tel était le langage qui aigrissait et qui alar-mait les oisifs Parisiens. Ils oubliaient en ce

moment qu'ils avaient vu Napoléon, à Notre-Dame, prendre la couronne sur l'autel, et la

placer lui-même sur sa tête, presque sans enrendre grâces à Dieu, et certainement sansl'ombre d'un remerchnent à la nation. On avaitrecours à d'autres moyens pour exciter le mé-contentement dans les départemens. Le prin-

cipal était d'entretenir les Inquiétudes dontnous avons si souvent parlé, relativement auxdomaines nationaux. On ne se contentait pasde répandre partout le bruit que les proprié-taires actuels étaient menacés de voir révoquertoutes les ventes qui avaient été faites de biensdu clergé ou des émigrés on employa en bien

des cas une manœuvre singulière pour faireeajouter foi à cette assertion. Des agens secretsétaient dépêchés dans les départemens où desbiens étaient mis en vente; ces émissaires pre-

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CHAPITRE XIII.40g

naient des informations comme s'ils eussent eule projet de s'en rendre acquéreurs; et lorsquele droit de propriété était établi sur la confisca-

tion révolutionnaire, ils prétendaient ne pas ytrouver une sécurité suffisante, retiraient leursoffres, et portaient par là le -propriétaire, ettous ceux qui se trouvaient dans la même si-tuation, à croire qu'un pareil titre était regardécomme vicieux, attendu la révocation desventes dont on était menacé par le gouverne-

ment des Bourbons.On croit généralement que ce n'était pas d'a-

bord au profit de Bùonaparte qu'on tramaitces intrigues. Il était aussi redouté que haï parle parti des Jacobins, qui savaient combien songouvernement de fer leur ôffrait peu de chancespour réaliser de nouveau leurs visions de ré-,

publique pure ou de monarchie républicaine.On suppose qu'ils jetèrent les yeux de préfé-rence sur le duc d'Orléans. Ils comptaient pro-bablement sur la force de la tentation, et ils

pensaient qu'en détrônant Louis XVIII, et en.donnant la couronne à son parent, ils obtien-draient d'une part un roi qui tiendrait son pou-voir de la révolution et par la révolution, etque, de l'autre, ils se concilieraient les puis-sances étrangères au-dehors et les Constitution-nels dans l'intérieur, en choisissant leur sou-

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10 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

verain dans la famille des Bourbons. Les pluscirconspects de ceux qui trempaient dans cette

intrigue, étaient d'avis qu'on n'entreprit rien

pendant la vie du monarque régnant; d'autresétaient plus impatiens et moins prudens; et le

prince dont nous parlons fut informé de leur

plan par un billet anonyme qui ne contenait

que ces mots « Nous le ferons sans vous; nousle ferons malgré vous nous le ferons pourvous »; comme si l'on avait voulu lui laisser le

choix d'être le chef  ou la victime de la révo-lution projetée.Le duc d'Orléans avait trop de droiture et

d'honneur pour se laisser entramer dans ce

complot mystérieux. Il remit entre les mainsdu Roi la lettre qu'il avait reçue, et agit soustous les rapports avec tant de prudence, qu'il

détruisit toutes les espérances que le parti ré-volutionnaire avait fondées sur lui. Il était né-cessairé de trouver quelque autre point central.Les uns proposaient Eugène Beauharnais pouren faire le héros du mouvement projeté.; lesautres demandaient un gouvernement provi-soire, et il en était qui désiraient qu'on adoptât

encore une fois la forme républicaine. Mais au-cun de ces plans ne paraissait devoir plaire àl'armée. Le cri de vive la république! étaitdevenu suranné le pouvoir que les Jacobins

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CHAPITRE XIII. 4~1

possédaient autrefois, de créer des commotions

populaires, était considérablement diminué; et.

quoique l'armée fût dévouée à Buonaparte, ilétait

probable que dans une 'discordecivile' où

il n'aurait nul intérêt, elle suivrait les maré-chaux et les généraux qui la commandaient en

s'opposant à toute insurrection purement révo-lutionnaire. Si, au contraire, on se faisait del'intérêt de Napoléon une sorte d'avant-garde,il n'y avait nul dôute qu'on ne s'assurât le puis-

sant secours de l'armée. S'il revenait avec lesmêmes principes d'autorité absolue qu'il avait

professés autrefois, les Jacobins auraient tou-

 jours gagné de se débarrasser de Louis et de la

Charte, qui étaient les principaux objets deleur haine, Louis comme un roi donné par la

Charte, et la Charte comme une loi donnée par

le Roi.Ces considérations déterminèrent bientôt lesJacobins à s'unir aux Buonapartistes. Les pre-miers étaient dans la situation d'une bande devoleurs qui, n'ayant pas les moyens de forcerla porte d'une maison qu'ils se proposent de pil-ler renouvellent leur entreprise en mettant à

leur tête un confrère de la même profes-sion qui a l'avantage d'avoir un levier entreles mains. Quand et comment se forma cette

ligue; quelle garantie les Jacobins obtinrent-ils

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412 VIE DE NAPOLEON BUONA~ARTE.

queBuonaparte, détrôné comme despote mili-

taire, reprendrait sa couronne sous desrestric-

tions constitutionnelles; c'est ce que nous n'a-

vons pas les moyens de savoir. Mais, dès quela coalition fut formée, ses louanges furent

chantées de toutes parts, et particulièrementpar bien des gens qui, comme Jacobins, avaient

été ses ennemis les plus prononcés. Une grande

partie du public, en France, se trouva disposéeà penser plus favorablement de Buonaparte

dans file d'Elbe, que de Napoléon aux Tuile-ries. Peu à peu même, d'après la nouveautéet la singularité de sa situation, il commençaà exciter un intérêt tout différent de celui quis'attachait au despote qui avait levé tant de

conscriptions et sacrifié à son ambition tant de

millions de victimes. Chaque preuve d'activité

qu'il donnait dans le cercle étroit de ses do-

maines, ses admirateurs la faisaient contrasteravec l'inertie constitutionnelle du monarquerétabli. Aussi habile dans la paix que pendantla guerre, disaient-ils, il ne manquait à la

France que la main protectrice et l'œil infati-

gablede

Napoléon, pour qu'elle

devînt l'envie

de l'univers si l'état de l'Europe lui lais-sait le loisir et l'occasion dont les Bourbons

 jouissaient alors. Ces.allégations, d'abord secrè-

tement insinuées, et enfin murmurées à voix

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CHAPITRE XIII. 4i3

haute, produisirent leur eHet ordinaire sur lecaractère inconstant du public, et à mesure

que l'enthousiasme en faveur des Bourbons fit

place à l'indifférence et à l'aversion, l'horreurgénérale qu'avait inspirée l'ambition et la ty-rannie de Buonaparte, commença à céder ausouvenir de son activité, de son énergie et deson courage.

(~changement doit avoir été bientôt connude celui qui en était l'objet. Du moins, une

expression qu'on dit lui être échappée pendantqu'il se rendait à File d'Elbe, indiquait un secret

pressentiment qu'il pourrait un jour remonterau haut rang dont il était déchu. « Si Mariusdit-il, s'était donné la mort dans les marais de

Minturnes, il n'aurait  jamais joui de son sep-tième consulat. ))Ce qui n'était peut-être quele désir vague d'une âme ardente luttant contrel'adversité, devint, d'après les circonstancesdans lesquelles se trouvait la France, un espoirplausible et. bien fondé. Il ne fallait qu'éta-blir des communications entre ses partisansnombreux et zélés, leur donner des instruc-tions pour qu'ils

présentassentaux Jacobins

quelque espérance propre à les attirer sousses drapeaux profiter du mécontentement

qui croissait en France, et y attiser la, dis-

corde une conspiration était déjà toute fbr-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.414

mée, sans grands efforts de la part de celui

qui en devint bientôt l'objet et le centre.On prépara alors diverses affiliations et dif-

férens points de rendez-vous pour recruter despartisans. Les dames de la cour de l'ex-Empe-reur, qui se trouvaient humiliées dans celle duRoi par la préférence accordée à la noblesse du

sang, devinrent des instrumens pleins de zèle

pour ces intrigues politiques; car l'orgueil of-fensé est toujours prêt à saisir les moyens de

vengeance. Les bourses de leurs maris et deleurs amans étaient ouvertes à ces belles intri-

gantes, et plusieurs disposèrent de leurs bijouxpour servir la cause de la révolution. La prin-cipale deces conspiratrices était Hortense Beau-

harnais, femme de Louis Buonaparte, mais

alors-séparée de son mari, et portant le titre de

duchesse de Saint-Leu. C'était une femmedouée de grands talens, et ayant autant d'acti-vité que d'adresse. Des réunions de conspira-teurs avaient lieu à Nanterre, à Neuilly et à

Saint-Leu; et madame Amelin, confidente dela duchesse, aida, dit-on, à cacher quelquesuns des principaux agens.

La duchesse de Bassano et la duchesse de

Montebello, veuve du maréchal Lannes, tra-vaillaient avec zèle pour la même cause. C'étaitdans les assemblées tenues chez ces femmes

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CHAPITRE XIII. ~l5

intrigantes qu'on forgeait et qu'on mettait enordre toute l'artillerie de la conspiration, de-

puis le mensonge politique qui produit son effet

si on le croit seulement une heure, jusqu'au cou-plet et au sarcasme, semblables à la fusée d'ar-tifice qui répand la gaîté ou l'incendie, suivantla nature des matières au milieu desquelles onla

 jette. De ces lieux de rendez-vous partaient les

agens du complot pour faire leurs rondes res-

pectives, munis de tous les appâts qui pou-

vaient exciter le propriétaire inquiet, attirer ledésœuvré Parisien, séduire l'idéologue qui dé-sirait faire l'épreuve de ses théories zctopiennessur un gouvernement réel, et par-dessus tout

gagner le militaire, depuis l'officier, aux yeuxduquel on faisait briller, en perspective idéale,le bâton de maréchal les décorations et

même les couronnes, jusqu'au grenadier, quibornait son espoir à l'eau-de-vie et au pil-lage.

Les classes inférieures de la population, etsurtout celles qui habitaient les deux grandsfaubourgs de Saint-Marceau et de Saint-An-

toine, étaient disposées en faveur de cette

cause par leur caractère remuant, par leur lé-gèreté naturelle, par la crainte-que le Roi nediscontinuât les constructions dispendieusesauxquelles Napoléon avait coutume de les em-

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~16 VIE DE NAPOLÉON BUONÀFARTE.

ployer, par l'aversion qu'avaient les Jacobinspour' la légitimité de Louis, jointe à quelquessoupirs de regret pour les heureux temps de

la liberté et de l'égalité, et enfin par le pen-chant que manifeste partout la lie de la sociétéà secouer le joug des lois qui la réprime, et dontelle est l'ennemie naturelle. L'influence de Ri-chard Lenoir fut particulièrement utile aux

conspirateurs. C'était un riche manufacturierde coton qui réunit et disciplina jusqu'à trois

mille hommes de ses.ateliers, tout prêts à pa-raître au premier signal des conspirateurs. Les

Royalistes appelèrent Lenoir Santerre II, disant

qu'il aspirait, comme ce célèbre brasseur, àdevenir un général de Sans-Culottes. Lenoirétait lié au parti de Buonaparte par le mariagedé sa fille avec le général Lefebvre-Desnouet-

tes, le favori de Napoléon, quoiqu'il eût man-qué à sa parole en fuyant de l'Angleterre, oùil était prisonnier.

Des mouvemens révolutionnaires commen-çaient à se manifester parmi la populace, sem-blable à un lac agité par un tremblement deterre. Quelquefois, sous prétexte de man-

que de pain ou de travail, des groupes tu-multueux s'assemblaient sur la terrasse des

Tuileries et leurs clameurs" rappelaient à laduchesse d'Angoulême les temps qui avaient

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CHAPITRE XIII. ~i~

précédé l'emprisonnement et la mort de sa fa-mille. La police les dispersait pour un moment;mais si l'on faisait quelque arrestation, le sortne tombait

quesur'des misérables

quiavaient

suivi l'impulsion des autres, et on ne fit aucuneffort pour découvrir la cause réelle de symp-tômes si alarmans.

La police de Paris était alors sous la directionde M. Dandré, ancien financier. Sa fidélité auRoi ne parait pas avoir été mise,en doute, mais

il n'en est pas de même de sa prudence et deson activité; il semble qu'il connaissait peutousles devoirs de sa charge, ou qu'il n'avait pasles instrumens nécessaires pour la remplir. Ces

instrumens, c'étaient, en d'autres termes, les

agens subordonnés, toute la machine de la

police était restée la mêmeSepuis l'administra-

tion redoutée de Savary, ministre confidentielet l'espion en chef', de Buonaparte. Ce corpssentait que son emploi honorable avait perdu.beaucoup de son importance et de ses, bé-

néfices depuis la chute de Buonaparte, et il

songeait avec regret aux jours où on l'em-

ployait à ces secrètes et ténébreuses menées,

inconnues sous un gouvernement constitu-

Be<!<p~. Cetteexpressionnousparait impropre.( Édit.)

Via DRNtF. BuoN. Tome 8. ?7

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4l 8 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

tionnel et pacifique. Semblables aux esprits dumal employés par les sortiléges d'un bon nécro-

mancien, ces officiers de police paraissaient ser-

vir le Roi à contre-cœur et de mauvaise grâce;ils négligeaient leurs devoirs lorsqu'ils pou-vaient le faire avec impunité, et semblaientavoir perdu leur activité et leur talent au ser-vice d'une monarchie légitime.

Ce fût donc, sinon avec l'approbation de la

police, au moins avec sa connivence, que la

conspiration prit un caractère plus audacieux.Plusieurs maisons d'une renommée douteuse,mais surtout le café Montansier, au Palais-

Royal, furent choisies comme deslieux de ren-

dez-vous, par les complices subordonnés de lacause impériale, où les santés, les chansons, lesairs et le langage faisaient allusion à la gloire de

Buonaparte, aux regrets de son absence et audésir de son retour. Pour exprimer l'espéranceque cet événement arriverait avec le prin-temps, les conspirateurs adoptèrent pour leur

symbole la violette; et ils donnèrent plus tard à

Buonaparte lui-même le nom o~M-caporal la~M/e~e. Cette fleur et sa couleur étaient portéespubliquement comme une distinction de parti,et la cour semblait ne pas concevoir la moindre

alarme; plus d'un Royaliste buvait à la santé de

Buonaparte sous le nomdu caporal la Violette

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CHAPITRE XIII. 419

ou de Jean de Z~jÉp~e,sans soupçonner le senscaché de ces paroles.

Paris était lecentre de laconspiration, mais ses

ramifications s'étendaient dans toute la France.On forma des clubs dans les principales villes,et des correspondances régulières furent éta-blies entre ces clubs et la capitale. On assure

que ces communications étaient favorisées parLavalette, qui, ayant été pendant long-tempsdirecteur des postes sous Buonaparte, qonser-

vait une grande influence sur les agens subor-donnés de ce département, dont aucun n'avaitété déplacé au retour du Roi. D'après lé témoi-

gnage de M. Ferrand, directeur-général sousle Roi, il paraît que les courriers, comme lessoldats et les officiers de police, trouvant moins

d'avantages sous le gouvernement royal que

sous celui de Buonàparte, plusieurs d'entre euxembrassèrent les intérêts de leur ancien maître.Et c'est un fait avéré que la correspondancerelative à la conspiration fut transmise par lesbureaux ,dè la poste royale, qu'elle était con-tenue dansdes lettres marquées du sceau royalet distribuées par des messagers portant la livrée

du Roi.Des démonstrations aussi patentes de trahi-

son n'échappèrent point à l'observation des

Royalistes, et il paraît qu'elles furent commu-

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~20 VIE DE NATOLUON BUONAPARTE.

niquées aux ministres de différens côtés. Maison a dit positivement que des lettres contenantdes détails sur la fuite projetée de Napoléon

avaient été trouvées dans le bureau d'un mi-nistre, encore cachetées et sans avoir été lues.En effet chacun de ces personnages officielssemble s'être renfermé scrupuleusement dansla routine de son département; de telle sorte,que ce qui était d'un intérêt général n'étaitconsidéré comme l'affaire d'aucun d'eux en

particulier. Aussi, quand la,catastrophe arriva,chacun s'efforça de rejeter le blâme sur les

autres, comme les serviteurs d'une maison nom-breuse et mal réglée. Cette obstination généralenous surprend au premier abord; mais le ciel,qui punit souvent les hommes en permettantl'accomplissement de leurs folies ou de leurs

coupables désirs, avait décrété que la paixserait rétablie en Europe par l'extermination decette armée, à qui la paix avait été si odieuseet il était nécessaire, pour ce dessein, qu'elleréussit dans son entreprise désespérée, de dé-trôner un souverain paisible et constitutionnel,et de rétablir son chef  despotique, qui devait

bientôt la conduire au terme de sa destinéecomme de la sienne propre.

Tandis que le gouvernement royal en Franceétait ainsi miné graduellement, le reste de l'Eu-

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CHAPITRE XIII. ~a t

rope ressemblait à un océan qui se calme aprèsune tempête violente, lorsqu'on voit les débrisdes naufragés flottant sur les vagues moins

agitées, mais qui menacent -encore de plusgrands malhèurs avant d'arriver complètementau repos.

Le Congrès des représentans des principauxÉtats de l'Europe s'était rassemblé, à Viennepour y régler les intérêts compliqués qui s'é-taient élevés pendant les longues vicissitudes

de vingt-cinq ans de guerres continuelles. Lebouleversement avait été si général, non seu-lement dans les relations sociales et la puissancerespective des États de l'Europe, mais dans leshabitudes, les sentimens et les principes deshabitans, qu'il paraissait tout-à-fait impossiblede rétablir le système primitif  comme il existait

avant 170)3. Le continent ressemblait aux dé-bris de la ville de Londres après le grand in-cendie de 1666, quand les limites de la pro-priété individuelle furent si complètement effa-cées et confondues, que.le Roi se trouva obligé,par la circonstance urgente, de faire une distri-bution nouvelle et en' quelque sorte arbitrairedu terrain, afin de rebâtir les rues sur un planplus régulier et mieux assorti aux améliora-tions du temps. Ce qui devint un avantagepour Londres, aura peut-être de semblables

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.y~aa

conséquences pour le monde civilisé, et on

peut s'attendre à voir sortir de ce qui a été dé-

truit, un ordre de choses meilleur et plus du-

rable. La génération future peut ainsi recueillirun jour les résultats heureux des tempêtes dont

ses pères ont eu à souffrir. Cependant nous

sommes loin d'approuver quelques unes des

spoliations qui'furent faites dans cette occasion,et si nos limites nous permettaient d'entrer dans

cette discussion, nous dirions que l'abus de la

force fut porté à un point que ne pouvaient jus-tifier les principes des Alliés.

Parmi les travaux du Congrès, son attention

se porta sur le royaume de Naples; et Talley-rand en particulier insista sur ce point, queconserver à Murat la souveraineté de ce beau

royaume, c'était compromettre la paix future

de l'Europe pour -consolider un empire fondésur les principes de Napoléon, et gouverné parson beau-frère. On lui répondit avec vérité,

qu'il était trop tard pour discuter le droit de

souveraineté de Murat, après avoir acceptéavec joie son assistance et en avoir profité dans

la guerre contre Buonaparte. Talleyrand s'ef-

força, en communiquant au duc de Wellingtonune correspondance entre Buonaparte, sa sœur

Caroline et Murat, ue montrer que ce dernier

n'était pas sincère quand il semblait agir de con-

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CHAPITRE. XIII.

cert avec les Alliés. L'opinion du duc fut quetes lettres ne prouvaient pas de fausseté, quoi-qu'elles annonçassent, ce que l'on devait at-

tendre, que Murat ne prenait parti contre sonbeau-frère et son bienfaiteur qu'avec une granderépugnance. Cette affaire était alors débattuedevant le Congrès, et Murat voyant sa puis-sance en danger, parait avoir adopté le témé-raire expédient de changer encore une fois de

parti, et renoué sa correspondance avec Napo-

léon. Le peu de distance entre l'Ile d'Elbe etNaples rendait ces communications assezfaciles,et de plus, ils avaient l'assistance active de Pau-

line, qui allait et venait d'Italie à la petite courde son frère. Cependant Napoléon a toujoursnié avec assurance avoir eu aucune connais-sance précise de l'entreprise méditée par Murat..

Le roi de France, dans le même temps, rap-pela, par une proclamation, tous les Français quiétaient au service du royaume de Naples, et fitomettre dans l'Abnanàch royal le nom du roiJoàchim.

Murat, alarmé de cette démonstration d'in-tentions hostiles eut une correspondance se-

crète avec la France on intercepta une lettreadressée au roi de Naples, par le général Ex-

celmans, dans laquelle il professait pour lui, enson nom et en celui de plusieurs autres, un at-

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~2~ VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

tachement dévoué, et rassurait que des milliers

d'ofRciers, formés à son école et sous ses yeux,seraient, prêts à son appel, si les choses ne

prenaient pas une tournure satisfaisante. Enconséquence de cette lettre, Excelmans futmis à la demi-solde et exilé de Paris il refusad'obéir à cet ordre. On le traduisit ensuite de-vant un conseil de guerre, par lequel il fut ac-

quitté, triomphant; il futadmis à baiser la maindu Roi, et lui jura fidélité à toute épreuve.

Nous verrons bientôt comment il garda sa pa-role. Cependant le Roi avait besoin de parti-sans ndèles, car les fils de la conspiration se

serraient de plus en plus autour de lui.Lé complot formé contre Louis XVIII com-

prenait deux entreprises. La première devaitêtre achevée à la descente de Napoléon de file

d'Elbe, lorsque les dispositions générales dessoldats, la crainte inspirée par son nom et son

caractère/et les soupçons, les insinuations ré-

pandues de tous côtés contre les Bourbons, joints à l'espérance de recouvrer ce que la na-tion considérait comme la perte de sa gloire,lui garantiraient une réception favorable. La

seconde était plutôt une suite de la conspira-tion, et concernait l'insurrection d'un corpsde troupes sous les ordres du général Lalle-

mand, qui était en garnison dans le nord-est de

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CHAPITRE XIII. 425

la France, et à qui fut confié le soin d'inter-

cepter la retraite du Roi et de la famille royale,de s'emparer de leurs personnes, et de les retenir

comme otages quand l'Empereur serait rétabli.Il est impossible de savoir à quelle époque

précise de sa résidence à file d'Elbe, Napoléondonna son consentement exprès à ce qui lui était

proposé, et se disposa à jouer le rôle qui lui

était destiné dans ce drame extraordinaire.

Nous supposons cependant que sa résolution

date du temps où ses manières changèrent com-plètement à l'égard de l'envoyé britannique ré-

sidant à sa petite cour, lorsqu'il prit un air im-

périal et inaccessible, pour tenir à une certaine

distance, comme un observateur importun, le

colonel sir Niel Campbell, pour qui il avait

d'abord montré de la bienveillance.

Ce fut le dimanche 26 février, que Napoléons'embarqua avec ses gardes à bord dela flottille,

composée du brigantin l'Inconstant, et de six

autres navires légers, pour l'une des plus ex-

traordinaires et des plus aventureuses expédi-tions qui eussent jamais été entreprises. Les

troupes qui allaient changer encore une fois les

destinées de la France, ne s'élevaient qu'à mill&hommes environ. Pour garder le secret de l'en-

treprise, sa sœur Pauline donna un bal la nuit

de son départ, et en quittant la fête, les omciers.

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4 2 6 VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTE.

furent appelés inopinément pour monter àbord de la petite escadre.

Napoléon courut deux grandsrisques dans son

passage. Le premier, fut la rencontre d'une fré-gate française portant le pavillon royal, qui hélal'Inconstant. L'ordre fut donné aux grenadiersd'ôter leurs bonnets à poil, de descendre à fondde cale, ou de se coucher sur le pont, tandisque le capitaine de ~7/!co7M&z/~échangeait quel-ques civilités avec le commandant de la frégate,

que par hasard il connaissait; et on lui permitde continuer sa route, sans une plus longue en-quête. Le second danger fut causé par la pour-suite de sir Niel Campbell, avec la corvette laPerdrix, qui, parti de File d'Elbe, où il avaitappris la fuite de Napoléon, dans l'intentionde s'emparer de la flottille ou de la couler à jbnd,ne put que voir de loin les navires lorsque Na-poléon débarquait déjà.

Ce fut le i" mars, que Napoléon, faisant

reprendre aux siens la cocarde tricolore, dé-

barqua à Cannes, petit port dans le golfe Juan,non loin de Fréjus, qui l'avait vu une premièrefois débarquer, simple particulier, à son retour

d'Égypte pour conquérir un puissant empire,qui l'avait revu depuis abaissé et banni, vo-

guant vers le lieu de son exil, et qui, mainte-

nant, le revoyait une dernière fois, aventurier

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CHAPITRE XIII. 2y

audacieux, jeter le dé pour un trône ou pourun tombeau. Quelques soldats de sa garde se

présentèrent devant Antibes, et furent faits pri-

sonniers par lé général Corsin, gouverneur dela place.Napoléon ne fut pas déconcerté par une cir-

constance si défavorable et se mit aussitôt en

marche à la tête de mille hommes environ, pourla capitale d'un royaume d'où il avait été chasséavec haine, et où son rival occupait en paix un

trône héréditaire. Pendant quelque temps leshabitans le regardaient avec des yeux étonnéset indécis, comme incertains s'ils l'assisteraientcomme amis, ou s'ils s'opposeraient à sa marche,comme à celle d'un usurpateur. Quelques pay-sans crièrent vive l'Empereur! mais les aventu-riers ne trouvèrent ni soutien ni opposition dans

lesclassesplus élevées. Le soir du 2mars, un jouret demi après le débarquement, la petite troupeatteignit Sernon, après avoir laissé derrière elleson faible train d'artillerie, pour faire des mar-ches forcées..Comme Napoléon approchait du

Dauphiné, appelé berceau de la révolution, les

paysans saluèrent avec beaucoup d'accord sa

bienvenue, mais ni lespropriétaires, ni le clergé,ni les fonctionnaires publics ne paraissaient en-

core. Cependant ils étaient près de ceux qui

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~VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.4a8devaient décider du succès ou de la ruine de

l'expédition.Soult, ministre de la guerre, avait ordonné

que de nombreux corps de troupes fussentdisposés entre Lyon et Chambéry, pour sou-

tenir, comme il l'a dit ensuite, le langage que

T.alleyrand avait tenu au Congrès, en montrant

que la France était prête pour la guerre; si le

maréchal agit avec bonne foi dans cette me-

sure, il fut au moins très malheureux; car,

comme il l'avoue lui-même, en essayant cepen-dant de se disculper, les troupes furent placéesainsi comme si on les eût jetées à dessein

sur le chemin de Buonaparte, et elles se trou-

vaient par malheur composées de corps dévoués

particulièrement à la personne de l'Empereur.Le 7 mars, le septième régiment de ligne,commandé par le colonel Labédoyère, arrivaà Grenoble. Il était jeune, noble, bien fait, dis-

tingué comme militaire, et allié par son ma-

riage à la noble et royaliste famille de Damas;il obtint de Louis XVIII un emploi et de l'a-

vancement par l'influence de cette famille, quirépondit elle-même de sa fidélité. Cependant

Labédoyère avait été engagé par Cambronedans la conspiration de l'île d'Elbe, et il se ser-

vit du commandement qu'il avait obtenu, pourla perte du monarque qui s'était confié à lui.

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CHAPITRE XIII. 4~9

Comme Napoléon approchait de Grenoble,il rencontra les postes avancés de la garnison,quivenaient lui, mais qui semblâtentirrésolus.

Buonaparte fit faire halte à sa petite troupe,s'avança presque seul, et découvrant sa poi-trine, il s'écria « Si quelqu'un veut tuer son

Empereur, le voilà. » L'appel fut irrésis-

tible, les soldats jetèrent leurs armes, entou-rèrent le général qui les avait si souvent con-duits à la victoire, et crièrent vive l'Empereur.

En même temps, Labédoyère, à la têté dedeux bataillons, sortait des portes de Grenoble;bientôt il déploya une aigle qui, comme cellede Marius, adorée par le conspirateur ro-

main, avait été soigneusement conservée

pour devenir le symbole de la guerre civile;en même temps, il distribua aux soldats les

cocardes tricolores qu'il avait cachées dans lacaisse d'un tambour; on les reçut avec enthou-

sisme. Cefut dans ce moment que le maréchal-

de-camp Des Villiers, l'officier supérieur de

Labédoyère, arriva sur la place, alarmé de

ce qui venait d'avoir lieu; il voulut haranguerle jeune colonel fanatique et ses soldats, mais

il fut forcé de se retirer. Le général Marchand,commandant fidèle de Grenoble, n'eut pas plusd'influence sur les troupes qui restaient dans la

place; elles le firent prisonnier, et livrèrent la

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 /~3o VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

ville à Buonaparte. Napoléon-se vit ainsi a latête de près de trois mille soldats, avec un train

proportionné d'artillerie, et des munitions. Il

agit avec une modération que son succès luirendait bien facile, et renvoya le général Mar-chand.

Quand la première nouvelle de l'arrivée de

Napoléon fut reçue à Paris elle y excita plutôtla surprise que l'alarme; mais lorsqu'on appritqu'il traversait le pays sans opposition, on com-

mençaà craindre généralement quelque étrangeet vaste conspiration. Les Bourbons ne man-

quèrent pas à leur propre cause. Monsieur

partit pour Lyon avec le duc d'Orléans, et leduc d'Angoulême se rendit à Nismes. Les Cham-bres législatives et un très grand nombre de

citoyens des hautes classes se déclarèrent pour

la cause royale. Les ambassadeurs des diffé-rentes puissances s'empressèrent d'assurer leRoi de l'appui de leurs souverains. Des corpsde volontaires furent levés parmi les Royalisteset les Constitutionnels, c'est-à-dire ceux du

parti modéré. Les plus énergiques proclama-tions appelaient le peuple aux armes; une

adresse écrite par le célèbre Benjamin Cons-tant', un des membres les plus distingués du

Articledu JournaldesDébats.(~<.)

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CHAPITRE XIII. 43 ;L

parti modéré, était remarquable par son~élo-

quence il traçait un contraste frappant du

gouvernement légitime sous un monarque con-

stitutionnel, et de l'usurpation d'un Attila oud'un Gengis qui ne gouvernait que par le glaivede ses mameloucks. Il rappelait à la France la

haine générale avec laquelle Buonaparte avaitété chassé du royaume, et dévouait au méprisde l'Europe, les Français qui consentiraient à

tendre de nouveau leurs mains aux fers qu'ils

avaient brisés et rejetés loin d'eux. Tous lesFrançais furent appelés aux armes, et plus spé-cialement ceux à qui la liberté était chère; cardans le triomphe de Buonaparte, la liberté de-vait trouver pour jamais son tombeau. Avec

Louis, disait l'adresse, il y a paix et bonheur

avec'Buonaparte, guerre, misère et désolation.

Un appel encore plus énergique au sentimentpopulaire fut fait sur l'escalier desTuileries parune femme qui s'écria « Si le Roi n'a pas assez

d'hommes pour le défendre, qu'il appelle les

femmes que Napoléon a rendues veuves ou

privées de leurs enfans. ))

Malgré ces démonstrations de zèle, l'esprit

public avait été beaucoup influencé par lescauses de mécontentement qui avaient été exa-

gérées avec tant de perfidie depuis plusieursmois. Les Royalistes décidés étaient peu nom-

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~3 a VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

breux, les Constitutionnels tiédes. Il devenaitde plus en plus probable que la querelle ne se-rait pas décidée par la voix du peuple, mais

par le glaive de l'armée. Soult, dont la conduiteavait donné plusieurs motifs de soupçon, quis'étaient encore accrus par la proposition d'ap-peler les officiers mis à la demi-solde depuis la

restauration, donna sa démission et fut rem-

placé par Clarke, duc de Feltre, général moins

renommé, mais sujet plus fidèle. Un camp fut

établi à Melun, on y rassembla des troupes eton mit tout le soin possible à choisir celles à

qui la cause royale pouvait être confiée.

Cependant, la fortune n'avait pas entière-ment abandonné les Bourbons. Cette partie dela conspiration qui devait s'exécuter dans le

Nord, fut déjouée. Lefebvre-Desnouettes, peu

favorablement connu en Angleterre à cause desa mauvaise foi, était, avec les deux générauxLallemand, le principal agent du complot. Le10 mars, Lefebvre-Desnouettes mit son régi-ment en marche pour se réunir à Buonaparte,mais les officiers ayant découvert son dessein,il fut obligé de s'échapper pourn'être pas arrêté.

Les deux Lallemand mirent en mouvement lagarnison de Lille, au nombre de six mille hom-

mes, en produisant des ordres supposés, et endéclarant qu'il y avait une insurrection àParis.

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CHAPITREXïII. 433Mais le maréchal Mortier ayant prouvé les

troupes en marche, déconcerta une conspi-ration qui, si elle eût réussi, aurait eu pourrésultat de faire

prisonniersle Roi et l'afamille

.royale. Les Lallemand furent pris; leur justesupplice aurait causé une salutaire terreur auxofficiers de l'armée qui hésitaient encore; maisles ministres du Roi n'avaient pas l'énergiequ'exigeaient les circonstances où ils se trou-vaient.

Cependant le progrès de Buonaparte n'étaitpas interrompu; en vain Monsieur et le duc

d'Orléans, aidés par les conseils et l'influencedu maréchal Macdonald, s'efforçaient de rete-nir les troupes dans le devoir, et les habitans-de Lyon dans leur fidélité au Roi. Ceux-ci, la

plupart manufacturiers, effrayés de l'avantage

qu'avaient dans leur propre marché lesproduitsde l'Angleterre criaient ouvertement vive

Z~/7!p~eM7'/ Les troupes de ligne gardaient unsombre silence. « Comment se conduiront vossoldats? dit Monsieur au colonel du dix-hui-tième dragons. Le colonel laissa à ses hommesle soin de répondre eux-mêmes, et ils répon-

dirent franchement qu'ils ne combattraient paspour un autre que pour Napoléon.~ j~b/MM~ydescendit de cheval, et s'adressant individuel-lement aux soldats, il dit à un vétéran couvert

VtEes Ntt'.BuoN.Tome8. ~8

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.434

de blessures et décoré de plusieurs croix: « Unbrave soldat comme toi criera du moins vivele Roi? Vous vous trompez, répondit le sol-

dat personne ici ne combattra contre sonpère je crierai vive Napoléon. » Les efforts de Mac-donald furent également vains; il essaya de fairemarcher deuxbataillonspours'opposeral'entréedel'avant-garde de -Buonaparte aussitôt que les

troupes se virent en présence les unes des autres,elles rompirent leurs rangs et se mêlèrent au cri

général de Vive Z~~ereM7'/  Macdonald auraitété fait prisonnier, mais les troupes qui ve-naient d'abandonner son drapeau ne permirent-pas que la révolte fût poussée à ce point. Mon-sieur fut obligé de s'enfuir de Lyon, presqueseul. La garde d'honneur, composée de ci-

toyens, et qui était destinée à accompagner le

premier prince du sang royal, offrit sesservicesà Napoléon, mais il les refusa avec mépris,tandis qu'il envoya une croix d'honneur à un

simple dragon, qui avait eu assez de loyautéet de dévoûment pour accompagner ./MTo/MMM7'dans sa retraite.

Ruonaparte, déjà maître de l'ancienne capi-tale des Gaules, et à la tête de sept millehommes, fut reconnu par Mâcon, Châlons, (

Dijon, et presque toute la Bourgogne. Mar-seille au contraire et toute la Provence se dé-

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CHAPITRE XIH. 435

clara contre l'usurpateur, et Marseille mêmemit sa tête à prix.

Napoléon jugea nécessaire de faire halte à

Lyon pour faire reposer ses troupes, et ayantété joint par quelques jurisconsultes %leson

parti, il s'occupa d'organiser son gouverne-ment. Jusque-la, ses adresses avaient eu uncaractère tout militaire; elles étaient pleines deces images orientales que Buonaparte regardaitcomme essentielles à l'éloquence: la victoire

devait marcher au pas de charge, et les aiglesallaient voler de clocher en clocher avec les cou-leurs nationales jusqu'auxtours deNotre-Dame.Les décrets qu'il promulgua à Lyon eurent untout autre caractère, et regardaient 'l'arran-

gement intérieur de son administration future.Cambacérès eut le ministère de la justice,

-Fouché celui de la police (c'était un gage donnéaux révolutionnaires ), Davoust fut créé mi-nistre de la guerre. On vit se succéder décretssur décrets avec une rapidité qui montrait com-ment Napoléon, à l'ne d'Elbe~ avait occupésès loisirs, qu'on supposait avoir été consa-crés à la composition de ses mémoires. Ces

décrets étaient publiés au nom de Napoléon,Empereur des Français, par la grâce de Dieu;et ils étaient datés du i3~ mars, quoique leur

promulgation n'eût pas lieu avant le 21. Le

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TIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.436

premier abrogeait tous les changemens qui seseraient enectuésdurant l'absence deNapoléon,dans les cours de justice et dans les tribunaux.

Le second destituait tous les officiers apparte-nant a'la classe des émigrés et introduits dansl'armée par le Roi. Le troisième supprimaitl'ordre de Saint-Louis, la cocarde blanche, le

drapeau blanc ainsi que les autres emblèmesde la royauté, et rétablissait le drapeau tri-colore et tous les attributs du gouvernement im-

périal le même décret abolissait la garde suisseet lestroupes de la maison du Roi. Le quatrièmeconfisquait les propriétés des Bourbons. Un dé-cret pareil mettait le séquestre sur les biens ren-dus aux familles des émigrés, et était exprimé demanière a faire.croire qu'il y avait eu, par cette

restitution, beaucoup de changement dans les

propriétés. Le cinquième décret de Lyon sup"primait l'ancienne noblesse, ainsi que les titres

féodaux, et garantissait formellement aux pro-priétaires de domaines nationaux le maintiende leur propriété. Le sixième prononçait unesentence de bannissement contre tous les émi-

grés non rayés de la liste avant le retour des

Bourbons, et de plus confisquait leurs biens.Le septième rétablissait la Légion-d'Honneuravec toutes les prérogatives dont elle avait jouisous l'empire, et joignait à ses fonds les reve-

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CHAPITRE XIII. ~3 7

nus confisqués de l'ordre de Saint-Louis. Le

huitième et dernier décret était le plus impor-tant de tous; sous prétexte que les émigrés qui

avaient porté les armes contre la France avaientété introduits dansIaChambre des Pairs, et quelaChambre des Députés avait déjà finile temps lé-

gal de sa session. Napoléon prononçait la disso-

lution des deux Chambres, et convoquait les col-

léges électoraux,de l'empire, afin qu~ilspussenttenir au mois de mai prochain une assemblée

extraordinaire du CAa/Kp-c~-Ma~.Cette assem-blée, pour laquelle celui qui en eut l'idée avait

trouvé un nom dans l'histoire des anciens

Francs, devait avoir deux objets le premier,de faire tels changemens ou telles réformes dansla constitution de l'empire que les circonstances

exigeaient; le second d'assister au couronne-

ment de l'Impératrice et du Roi de Rome.Nous ne pouvons pas nous arrêter a exami-

ner ces différentes mesures; on ne peut niernéanmoins qu'elles ne fussent en général admi-rablement calculées pour servir la cause de

Napoléon; elles flattaient l'armée, et en même

temps nourrissaient son ressentiment contre les

émigrés, en insinuant qu'elle avait été sacrifiée

par Louis XVIII à l'intérêt de ses compagnonsd'exil. Les décrets de Lyon semblaient encore

promettre aux Républicains un plan deconnsca-

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VIE DE NAPOLÉON BUUNAPARTE.438

tion,.de proscription et de changement de gou-vernement. Tandis que les Impériaux voyaientpleuvoir sur eux-mêmes les pensions, les char-

ges et les décorations, la sécurité était promiseaux possesseurs de domaines nationaux, le spec-tacle du Champ-de-Mai aux Parisiens, et àtoute la France, la tranquillité et la paix, puis-que le retour de l'Impératrice et de son fils, quel'on assurait être prochain avec tant de con-

fiance, .devait être considéré comme un gage

de l'amitié de l'Autriche. On disait aussi que laRussie était favorable à Napoléon, et la con-

duite d'Alexandre envers les membres de la fa-mille de Buonaparte était audacieusement invo-

quée comme une preuve de ce fait. Il étaitbien évident que l'Angleterre lui était dévouée,autrement aurait-il pu s'échapper d'une Meque

les forces navales de cette nation environnaientde toutes parts. Il n'y avait donc que la Prusse

qui pût conserver des sentimens d'hostilité etde vengeance mais n'étant pas soutenue parles autres puissances'belligérantes, la Prussedevait rester passive ou être bientôt réduite à la

raison. Le vif plaisir d'humilier au moins l'un

des derniers vainqueurs de Paris, donnait quel-que chose de piquant et un certain attrait à unerévolution que la coopération des autres grandsEtats, comme l'assurait Buonaparte, rendrait

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CHAPITRE XIII. ~3gfacile et pacifique. Ces nouvelles étaient adroi-tement répandues dans la France par les parti-sans de Napoléon; elles précédaient sa marche,

et disposaient l'esprit du peuple à'le recevoircomme le maître destiné à régner sur lui.Le i3, Buonaparte se'remit en route, et,

s'avançant par Mâcon, Châlons et Dijon; il par-vint à Auxerre le 17 mars. Il voyageait plutôtcomme un prince qui, lassé des soins du gou-vernement, désire se soustraire autant que pos-

sible à l'embarras des adirés, que comme unaventurier venant à la tête d'une armée d'insur-géspour arracher la couronne du front du mo-narque légitime. Il voyagea plusieurs heures enavant de son armée, souvent sans aucune garde,ou tout au plus accompagné de quelques lan-ciers polonais. Le pays qu'il traversait était fa-

vorable à ses prétentions; il avait été rigoureu-sement traité par les Alliés dans les manoeuvres'militaires de la dernière campagne; et la répu-gnance des malheureux habitans pour les étran-gers s'étendait sur la famille royale qui étaitmontée au trône par leur secours. Cest pour-quoi quand ils virent leur ancien

Empereurseul

au milieu d'eux, sans gardes, s'informant aveccet air d'intérêt et de bienveillance qu'il savaitsi bien prendre, dé l'étendue de leurs pertes,qu'il promettait de réparet: libéralement, on ne

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.44o

doit pas s'étonner qu'ils se soientrappelésiesba-tailles qu'il avait livrées pour eux contre les

étrangers, au lieu de réfléchir à !a probabilité

que sa présence dans leur pays pourrait leuramener une seconde invasion.

La fièvre révolutionnaire qui précéda Buona-

parte ressemblait à une épidémie. Le 14e régi-ment de lanciers, en garnison à Auxerre, foulaaux pieds la cocarde blanche au premier signalqui lui en fut donné; le 6° régiment de lanciers

se déclara aussi pour Napoléon; et, sans atten-dre des ordres, attira quelques soldats,de la ca-serne de Montereau, et assura ce poste impor-tant qui commande le passage de la Seine.

La frayeur du gouvernement royal à la ré-

ception des nouvelles de Lyon, fut beaucoupaugmentée par les faux bulletins que l'on avait

fait circuler, et qui donnaient des détails d'uneprétendue victoire remportée par le partiroya-liste devant cette ville. La conspiration avaitdes racines si profondes, elle envahissait detelle sorte toutes les branches du gouverne-ment, que ceux que ce soin regardait imaginè-rent d'envoyer cefaux rapport à Paris sous uneforme demi-officielle par le moyen du télégra-phe. Il produisitl'effet que l'on devait attendre,d'abord de suspendre les efforts du parti fidèle,et ensuite de rendre plus profonde l'anxiété qui

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CHAPITRE XIII. 44~l'accabla, quand ~c/z~ez/r revint presque sansêtre attendu et apporta la nouvelle de sonmauvais succès.

Dans ce moment désespéré, Fouché offritson assistance au Roi, qui se trouvait presquesans défense. Il est probable que plus il réflé-=

chissait sur le caractère de son ancien maître,

plus il demeurait convaincu qu'ils se connais-saient trop bien l'un et l'autre pour se rendre

 jamais leur confiance mutuelle; c'est pourquoi,

sans être arrêté par les communications qu'ilavait ouvertes avec les Impériaux, il demandaau Roi une audience secrète on le refusa, maisses communications furent reçues par l'inter-médiaire de deux personnes sûres désignées parLouis XVIII. Fouché leur parla avec l'audaced'un charlatan à qui des malheureux ont re-

cours dans un moment d'angoisse et qui entre-prend sans hésiter la guérison des maladies dés-

espérées. Ainsi Fouché exigea la plus absolueconfiance dans son habileté, la plus scrupuleuseattention à ses ordonnances, la plusvaste récom-

pense pour les services qu'il promettait c'étaitenfin un expert qui parlait avec la plus grandeassurance de l'infaillibilité de son remède, ayantsoin de garder un mystère vague et cependantétudié sur les ingrédiens dont il était composé,et su)' la manière dont il devait opérer. Il de-

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44~ VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

mandait à Louis XVIII d'investir le duc d'Or-léans de tout le pouvoir exécutif, et de confierà lui, Fouché et à ceux qu'il désignerait, tous

les emplois de l'administration. Ces deux condi-tions une fois admises, il garantissait de mettreun terme aux succès de Buonaparte. On lit dansles Mémoires de cet audacieux intrigant qu'ilavait eu le dessein de rassembler tout ce quirestait duparti révolutionnaire, et d'opposer lesdoctrines de liberté et d'égalitéa cellesde la gloire

de la France dans le sens entendu par Buona-parte. Quels moyens* de tels politiques ainsiréunis pouvaient-ils opposer al'arméefrançaise?c'est ce que Fouché ne nous a pas dit. Mais ilest probable que pour arrêter la marche de dixmille hommes armés, contre qui lesrévolution-naires auraient'pu a peine exciter la populace

des faubourgs, le ministre de la police avait mé-dité .un moyen prompt et violent, l'assassinatde Napoléon; et pour un tel acte, Fouché, plusque personne au monde, aurait trouvé des

agens déterminés.Le Roi, ayant refusé des propositions qui

tendaient à conserver son sceptre pour le lui

arracher ensuite des mains par des moyens dontce que nous venons de dire permettait de soup-.çonner la moralité, Fouché se vit réduit à con-,sacrer ses intrigues au service de son ancien

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CHAPITRE XIII. 443

maître en conséquence, il fut pour lesRoyalis-tes l'objet de tant de'soupçons, qu'un ordre fut

donné pour son arrestation. Quand les agens de

police quiavaient été sous sa

dépendancevin-

rent pour exécuter l'ordre, il leur fit des objec-tions contre le défaut de forme de leur mandat,et étant entré dans son cabinet comme pourfaire une protestation, il descendit par un esca-

lier dérobé dans son jardin, dont il escalada les

murailles. Il n'avait pas de plus proche voisin

quela

duchesse de Saint-Leu,dans les

jardinsde laquelle il s'échappa, en sorte què le fugitif arriva comme par un coup de théâtre au milieu

d'un cercle de Buonapartistes décidés, qui le re-

çurent en triomphe et avisèrent au moyen de

l'emmener avec eux comme certains de' sa

fidélité.

Louis XVIII, dans sa détresse, eut recoursà

l'assistance d'un autre homme de la révolution,

qui, sans avoir les talens.de Fouché, était peut-

être plus capable que loi de servir la cause du

Dans les Mémoires de Fouché on a vu que cet ordre

d'arrestation n'eut aucun fondement politique mais qu'il

fut motivépar

la jalousie

deSavary,

qui, prévoyant que

Fouché serait rétabli dans sa place de ministre de la police,

que tui-méme désirait, à cause des sommes considérables

qui étaient placées à la disposition de ce fonctionnaire

espérait ainsi écarter son rival.

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VIE DE NAPOLEON BUONAFARTE.444

Roi s'il eût été disposé à le faire. Le maréchal

Neyfut appelé pour prendre le commandementd'une armée destinée à attaquer Napoléon sur

sonflancetson arrière-garde, tandis que d'autresforces, à Melun siopp gseraient etitêteasa mar-che vers Paris. Ney eut une audience du Roi le

g mars; il reçut ses instructions avec le langaged'une fidélité inviolable au Roi, et déclara sa

résolution d'amener Buonaparte à Paris, commeune bête féroce, dans une cage de fer. Le ma-

réchal se rendit à Besançon; là, il apprit le Ilmars que Buonaparte était maître de Lyon; mais

il continua ses préparatifs de résistance, et réunit

autant de troupes qu'il put en tirer des garni-sons environnantes. A ceux qui lui objectaientla mauvaise disposition des soldats, et la diffi-

culté qu'il aurait a les déterminer à combattre,

Ney répondait sans hésitation « Ils combat-tront je prendrai le fusil d'un grenadier; et jecommencerai moi-même Faction; je passeraimoi-même mon épée au travers du corps du

premier qui hésitera à suivre mon exemple. ))

Il écrivit au ministre de la guer re que tout le

monde était fascinépar

l'activité et les progrès

rapides de l'usurpateur que Napoléon était fa-vorisé de la populace et des soldats, mais queles officiers et les autorités civiles étaient fi-

dèles, et il espérait encore que cette dernière

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CHAPITRE XIII. 445

tentative d'un furieux se terminerait heureu-sement pour la bonne cause.

Dans ces dispositions, Ney s'avança jusqu'à

Lons-le-Saulnier c'est là que, la nuit du i3au 14 mars, il reçut une lettre de Napoléon quile sommait de joindre son étendard en qualitédu plus brave des braves, nom qui ne pouvaitpas manquer de réveiller dans le cœur du ma-réchal une foule de souvenirs. Il avait déjàsondé ses officiers et ses soldats, et reconnu

leur inébranlable résolution'de joindre Buona-parte. Il n'avait donc qu'un choix à faire entreel'alternative de conserver son commandementen passant à l'Empereur, ou de retourner versle Roi sans avoir rien exécuté ou même riententé de ce qu'il s'était vanté d'accomplir, et enmême temps sans l'armée sur laquelle il avait

prétendu exercer une telle influence.Le maréchal Ney était un homme d'une

naissance très inférieure, mais qui, par une va-leur extraordinaire, s'était élevé aux plus hautsrangs dans l'armée. Sa première éducation nelui avait donné ni un sentiment délicat du

véritable honneur, ni les principes d'une mo-

rale élevée, et les habitudes de sa vie n'avaientpu suppléer à ce vice d'éducation. Il paraîtavoir été un homme faible, avec plus de vanité

que d'orgueil, et qui, par conséquent, dut être

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.446

plus sensible à la perte de ses places, qu'à cellede sa dignité d'homme. Il se résolut donc à sui-vre Napoléon. Pour dissimuler l'inconvenance

d'un changement aussi subit, il affecta l'hésita-C3tion d'un misérable qui délibère sur les chancesdu crime qu'il veut commettre, plutôt que dese montrer sous son véritable caractère, celuid'un homme inconstant sans principes et sansréûexion. Il prétendit que l'expédition de Na-

poléon avait été arrangée long-temps d'avance

entre lui et les autres maréchaux. M~is nousaimons mieux supposer que cette circonstanceétait une pure invention de sa part, que decroire que ses protestations aux Tuileries, seu-lement cinq jours auparavant, n'avaient été dela part de ce malheureux général que le lan-

gage d'une trahison préméditée.1

Le maréchal publia un ordre du jour où ildéclarait la cause des Bourbons à jamais per-due. Cet ordre du jour fut reçu avec transportpar les soldats, qui déployèrent aussitôt les cou-leurs de Buonaparte et l'étendard tricolore. Il

y eut cependant beaucoup d'officiers qui pro-testèrent et quittèrent leurs commandemens.

Lerespect<piecommandeune grandeinfortunenedoitpasimposersilenceà l'historienmaisitnoussembleque l'auteura expriméicisonopinionentermespeu di-gnesdelui.(Édit.)

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CHAPITREXIII. 44?

Un d'entre eux, avant de s'éloigner, brisa son

épée et en jeta les morceaux aux pieds du ma-

réchal en disant « Il est plus facile à un homme

d'honneurde briser du

fer quede violer sa

pa-role. ))

Ney fut reçu par Napoléon à bras ouverts.

Sa détection causa un tort incalculable a la

cause du Roi, parce qu'elle montra que~ l'es-

prit de trahison qui possédait les soldats s'était

propagé jusqu'aux officiers du plus haut rang

dans l'armée.Cependantle Roi, malgré des circonstances si

défavorables, employait tous les moyens pourmaintenir ses sujets dans leur fidélité à sa per-sonne. Il assista à une séance de la Chambre

des Députés, et fut reçu avec de tels témoi-gnages 'd'enthousiasme qu'on aurait pensé que

~tes mesures les plus actives allaient être déci-dées. Enfin le Roi passa en revue la garde na-

tionale au nombre d'environ. vingt-cinq mille

hommes qui semblaient animés d'un vrai sen-

timent de fidélité. Il inspecta aussi six mille

hommes de troupes de ligne, mais là sa récep-tion fut équivoque. Les soldats mirent leurs

bonnets au bout de leurs bayonnettes en té-moignage de respect, mais ils ne crièrent

point.Quelques uns de ceux qui entouraient la per-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.448

sonne de Louis, continuaient à croire que ces

soldats étaient encore attachés au Roi, et qu'ilsdevaient à tout prix être envoyés au camp de

Melun, qui était le dernier point où le parti duRoi put désormais espérer de faire résistance.Pour dernière ressource, Louis convoqua un

conseil général aux Tuileries, le 18 mars. Les

généraux déclarèrent qu'il n'y avait aucun

moyen de s'opposer à Buonaparte. Les gentils-hommes du parti royaliste les contredirent; et

après que quelques expressions violentes eu-rent été échangées de part et d'autre, sans égardpour la présenceroyale, Louis fut obligé derom-

pre rassemblée, et se disposa à abandonner une

capitale où la supériorité de ses ennemis et la

mésintelligence de ses amis ne lui laissaient au-

cun espoir de se défendre.

Pendant ce temps les deux armées s'appro-*chaient l'une et l'autre de Melun. Celle du Roi

était commandée par le fidèle Macdonald. Le

20, ses troupes furent rangées en trois lignes

pour recevoir celles de l'usurpateur, que l'on

disait s'avancer du côté de Fontainebleau. Alors

il y eut une longue attente, circonstance qui

rend presque toujours les hommes plus accessi-bles aux émotions fortes et soudaines. Les clai-

rières de la forêt et le terrain élevé sur lequelcette forêt est placée étaient occupés par l'ar-

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CHAPITRE XIII. 449

mée royale, mais offraient l'image d'une pro-fonde solitude. On n'entendait aucun cri, ex-

cep té'quand par l'ordre des officiers, qui restè-rent fidèles

généralementla

musiqueutilitairee

 jouait les airs de vive Henri 77~ 6 Richard,Zo!Belle Gabrielle, et d'autres chants associésà la cause et à la famille des Bourbons. Cesaccens n'excitaient point de sentimens analo-

gues parmi les soldats. Enfin, vers midi, onentendit un bruit de chevaux au galop, et une

voiture découverte parut, entourée de quel-ques hussards, et tramée par quatre chevaux.Elle avançait en toute hâte, et Napoléon s'élan-

çant de la voiture, se trouva au .milieu des

rangs qui avaient été formés pour s'opposer àlui. Son escorte descendit dè cheval, se con-fondit avec ses anciens camarades, et l'effet

de ses exhortations fut instantané sur deshommes dont les esprits étaient déjà à demi

préparés à ce changement. Il y eut un cri gé-néral de vive l'Empereur. La dernière arméedes Bourbons passa de son côté et il n'exista

plus *d'obstacle entre Napoléon et la capitalequ'il devait encore une fois, mais pour peu de

temps, habiter comme souverain.Louis XVÏII avait trop bien pressenti cette

défection pour en attendre lasuite. Le Roi partitde Paris, escorté par sa maison, à une [email protected]

VIEDENtp.Buotf.Tome8- ~9

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VI! DE NAPOLÉON BUONAPARTE.45o

du matin, le 20 mars. Nonobstant la nuit, le

palais fut entouré de gardes nationaux et d'un

grand nombre de citoyens qui pleuraient et

suppliaientle Roi de

rester,offrant

de répandrepour lui jusqu'à la dernière goutte de leur sang.Mais Louis XVIII refusa sagement d'accepterces sacrifices, qui ne lui auraient point profité.Accompagné des troupes de sa maison, il se

dirigea vers Lille. Le maréchal Macdonald, àson retour de la fatale position de Melun, prit

le'commandement de cette faible escorte; ellefut renforcée par plusieurs volontaires, quiconsidéraient plutôt leur. zèle que leurs moyensd'assistance, Cependant le malheur du Roi com-mandait la compassion; il traversa Abbeville etd'autres villes de garnison, où les soldats le re-

çurent avec un respect silencieux, qui, tout en

témoignant l'intention de se réunir à son rival,annonçait toutefois qu'ils ne voulaient pointoffenser sa personne ni insulter à sesmalheurs.Louis avait espéré séjourner à Lille, mais lemaréchal Mortier, insistant sur les dispositionsde la garnison au mécontentement et au désor-

dre, le pressa de mettre sa vie en sûreté en

continuant sa route; et il partit pour un secondexil, en se dirigeant vers Ostende et de là vers

Gand, où il établit sa cour exilée. Le maréchal

Macdonald, persuadé qu'en émigrant il devait

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CHAPITRE XII r. ~5l

renoncer a l'espoir de servir à l'avenir ou laFrance ou son monarque, prit congé de Sa

Majesté.'A l'exception de deux cents hom-

mes, les soldats qui avaient accompagné le Roifurent aussi congédiés sur les frontières. Ilsavaient été harcelés dans leur marche parquelques détachemens de cavalerie légère, eten essayant de regagner isolément leurs habita-

tions, quelques uns furent tués et la plupartpillés et insultés.

Cependantla révolution se déclarait

pleine-ment à Paris; Lavalette, l'un des partisans les

plus décidés de Buonaparte, se hâta de sortirde la retraite où il était caché, pour prendre ladirection dela poste au nom de Napoléon, em-

ploi qu'il avait rempli pendant son premier ré-

gne. Il put ainsi intercepter les proclamations

royales, et annoncer officiellement dans chaquedépartement le rétablissement de l'Empereur.Excelmans, qui venait si récemment de jurerfidélité à toute épreuve au Roi, enleva le dra-

peau'blanc qui flottait sur les Tuileries et yplaça le drapeau tricolore.

La soirée était avancée lorsque Napoléon

arriva- dans la même voiture découverte quil'avait amené depuis son débarquement. Il yeut un singulier contraste entre son arrivée et

le.départ.duRoi; le dernier était accompagné

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4522 VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTE.

des sanglots, des pleurs, et..des souhaits detous les citoyens qui désiraient la paix et la

tranquillité, des lamentations de ceux qui

restaient sans défense, et des craintes deshommes sages et prudens. Le premier entraitau milieu des cris des soldats, qui, n'existant

que par la guerre et la désolation, saluaientavec des acclamations militaires le chef qui de-vait les rendre à leur élément. Les habitans des

faubourgs se réjouissaient dans l'attente de re-

cevoir des emplois ou des largesses, ou à l'in-stigation des chefs de factieux qui étaient sousla direction spéciale de la police, et bien pré-parés pour l'événement. Mais parmi la fouleimmense des citoyens de Paris, accourus pourvoir ce spectacle extraordinaire, un très petitnombre, si toutefois il y en eut, prit part à cette

 joie. Les soldats de la garde, irrités de leursilence, commandaient aux spectateurs de crier,en les frappant du plat de leurs sabres, et en les

menaçant de leurs pistolets; mais ils ne purentleur arracher le cri désiré de Liberté et Napo-léon, quoique la conduite des soldats annonçât

pleinement qu'au moins Napoléon était rendu

aux Parisiens. Sur la -place du Carrousel etdevant les Tuileries, tous les partisans du gou-vernement impérial, et ceux qui, ayant aban-donné l'Empereur, étaient empressés d'expier

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CHAPITRE XIII. 453

leur faute en se montrant les premiers à le

reconnaître, s'étaient assemblés pour mêler

leurs voix à cette acclamation qui suppléait un

peu au silence des rues. Ils l'entouraient de siprès, qu'il fut forcé de s'écrier « Mesamis,>vous m'étouSez » Et ses aides-de-camp furent

obligés de le porter dans leurs bras jusqu'augrand escalier, et de là dans les appartemens du

Roi, où il reçut les complimens des chefs prin-

cipaux et des fauteurs de cette singulière en-

treprise.Jamais, sur le champ de bataille le plus san-

glant, le glorieux et terrible ascendant du géniede Napoléon ne fut aussi remarquable que

pendant sa marche ou plutôt sa promenade de

Cannes à Paris. Celui qui avait abandonné

cette mêmecôte, déguisé

en esclave, et pleu-rant comme une femme, par la crainte d'un

assassinat, retournait dans toute sa grandeur,comme une vague ramenée sur le rivage avec

d'autant plus de violence qu'elle en avait été

repoussée plus loin. Ses regards semblaient pos-séder le pouvoir attribué aux magiciens du

Nord,d'émousser

les lanceset les

épées. Leplusbrave d'entre les braves, qui venait avec la

résolution de le combattre comme une bête fé-

roce, reconnut sa supériorité à son aspect, et se

mêla parmi ses satellites. Cependant l'éclat dont

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.454

brillait Napoléon n'était point celui d'une pla-nète se mouvant dans sa sphère régulière, mais

plutôt celui d'une comète, annonçant des pré-

sages de peste et de mort, et

~<A~c<!r of change,

~e/p/e.fMg nations. M

Troublant les nations par la crainte d'un boule-

versement. »

Lè résultat de cette expédition a été défini

ainsi par l'un des hommes d'État les plus in-struits et les plus éloquens de la Grande-Bre-

tagne.1

« Existe-t-il, dit cet orateur accompli, un

langage approprié au mal que nous voulons

dépeindre. Des guerres qui avaient dévasté

l'Europe pendant vingt-cinq ans; qui avaient

répandu le sang et la désolation deCadix àMos-cou, et de Naples à Copenhagùe; qui avaient

tari les sources des jouissances humaines, et

détruit les moyens d'amélioration de la société;

qui menaçaient d'introduire parmi les nations

européennes les habitudes féroces et dissolues

d'une soldatesque portée au pillage. Eh bien

par une de ces vicissitudes qui portent à sedéfier de la prévoyance humaine, et avec un

bonheur au-delà de toute' espérance raison-

SirJamesMacintosh.

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CHAPITRE XIII. 455

nable, ces guerres s'étaient terminées sans qu'ily éût de choc violent pour Fmdépéhdancènatio-nale une alliance s'était formée entre les opi-nions du siècle et le

réspectdû aux anciennes

institutions; il n'y avait pas eu de triomphe trophumiliant pour les intérêts légitimes ou lessentimens du grand nombre; et surtout on n'a-vait point vu ces représailles contre la nationou les partis, qui produisent de nouvelles con

vulsions, aussi horribles souvent qu&celles qui

les ont précédées, et perpétuent la vengeanceet la haine d'âge en âge l'Europe semblait

respirer après tant de souffrances. Au milieude ces espérances consolantes, Napoléon s'é-

chappe de l'ile d'Elbe; trois faibles vaisseaux

atteignent là côte de Provence, ces espérancessont aussitôt dissipées l'oeuvre de notre cou-

rage et de nos fatigues est détruit; le sang del'Europe a coulé en vain.

7~/  oy7?/  ~M.tM /f:<'<-)r

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.456

Diverses tentatives faites, mais sans succès, pour organiserune défense en faveur des Bourbons. Napoléon, rétabli

sur le trône de France, désire conserver la paix avec les

Alliés. Il ne reçoit pas de réponse à ses lettres. Traité

de Vienne. Griefs allégués par Buonaparte pour justifierson entreprise. Débats dans.la Chambre des Communes

à Londres sur le renouvellement de la guerre. Murat

occupe Rome avec cinquantemille hommes. Sa

procla-mation pour appeler les Italiens aux armes. Il avance

contre les Autrichiens. H est repoussé à Occhio-Bello.

Défait à Tolentino ,-il s'enfuit à Naples, et de là dé-

guisé, en France, où Napoléon refuse de le recevoir.

PAR la prise. de Paris, l'autorité des Bour-

bons fut anéantie; les tentatives de quelques

membres de cette famille pour résister à lamauvaise fortunehonorent leur vaillance, mais

ne furent d'aucun avantage à leur cause.

Le duc d'Angouléme se mit à la tête d'un

corps considérable de troupes levées parla ville

deMarseille et lesRoyaIistesdeProvence Mais

entouré par le général Gilly, le prince fut obligé

II y a ici une légère inexactitude. Le duc d'Angoulémen'avait guère sous ses ordres immédiats que des volon-

taires du Languedoc, le dixième de ligne et le quatorzièmede chasseurs. Les Marseillais marchaient sur Grenoble par

CHAPITRE XIV.

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CHAMTP.EXVI. 457de rendre ses armes, sous la condition d'uneamnistie pour ses soldats et pour lui-même,avec la permission de quitter la France. Le

général Grouchy refusa de ratifier cette capitu-lation, jusqu'à ce que la volonté de Buonapartefut connue. Mais l'Empereur, content,. peut-être, de montrer de la générosité, permit auduc d'Angoulême de s'embarquer à Cette, enréclamant seulement son intervention auprèsde Louis XVIII, pour la restitution des joyaux

de la couronne que le Roi avait emportés avecluià&and.

Le duc de Bourbon s'était retiré dans laVendée pour faire un appel aux vaillans Roya-listes de cette province Ëdèle mais elle avaitété précédemment occupée par des soldats dé-voués à Buonaparte, postés de manière à rendre

une insurrection impossible et le duc fut obligéde s'embarquer à Nantes..

La duchesse d'Angoulême, seul reste de la

famille de Louis XVI, et qui depuis son  jeune

âge avait souffert avec une si noble résignationtant de vicissitudes et d'adversités, montrait

dans ces  jours d'épreuve que, dans toutes les

Gap. Le duc, après quelques succès partiels qui le condui-

sirent  jusqu'à Romans, se retirait~de~nt des forces supé-rieures le général Gilly, laissé par lui à Nismes, se dé-

clara pour Napoléon, et lui coupa la retraite* (J?~.)

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VIE DE NAPOLÉON BUONATARTE.458circonstances, son courage était digne de la filled'une longue suite de rois. Elle se jeta dans Bor-

deaux, où la fidélité du comte Linch, maire de

lavjJle, et celle des citbyens en général, lui pro-mettaient une assistance active. La princessese montra au milieu d'eux, comme une de cesFemmes héroïques des temps chevaleresques,dont les regards et les paroles, au moment du

péril, donnaient une force nouvelle aux armesdes guerriers et enflammaient leur courage.

Mais malheureusement il y avait à Bordeauxune garnison considérable de troupes de ligneinfectée de l'esprit générât de la révolte. Le gé-néral' Clausel avança aussi sur la ville avec uneforce imposante. La duchesse fit un derniereffort, assembla les officiers autour d'elle, etleur rappela leur devoir dans les termes les plus

touchans etles plus pathétiques.Mais lorsqu'ellevit leur froideur, et qu'elle les entendit bégayerdes excuses, elle se détourna avec dédain« Vous craignez», dit-elle; « j'ai pitié de vous

 je vous délie de vos sermens. ))Elle s'embarquaà bord d'une frégate anglaise,. Bordeaux ouvritses portes à Clausel et se déclara pour l'Empe-reur. Ainsi, quoique le retour de Napoléon futloin d'être agréable a tous les Français, touteopposition ouverte à son gouvernement cessaet il tuf  reconnu comme Empereur, environ

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CHAPITRE XIV. ~5g

vingt jours après qu'il était débarqué à Cannesavec mille partisans.

Mais le trône de Napoléon, ainsi rétabli,

n'était cependant pas assuré à moins qu'iln'obtînt des souverains confédérés de l'Europede reconnaître en lui la puissance dont leursarmes réunies l'avaient si récemment dépouillé.Il est vrai qu'il avait indirectement promis laguerre à ses soldats, en blâmant avec amer-tume la cession faite par les Bourbons de ce

qu'il appelait le territoire de la France il estvrai aussi que depuis, et jusqu'à sa mort, ilcontinua obstinément'a entretenir l'idée que la

Belgique, possession que la France avait ac-quise depuis vingt années, était une portion in-

tégrale de ce royaume il est vrai qu'Anverset les cinq cents vaisseaux de ligne qui devaient

être construits dans cette ville, ne cessèrentpendant toute sa vie d'occuper son imagination.Le projet d'une guerre future était donc ren-fermé dans son coeur.. Mais comme alors ilsentait, dans son intérêt, la nécessité de con-vaincre le peuple Français que son retourne détruirait point 4e traité de Paris, quoiquece traité eût donné les Pays-Bas à la Hollande,il n'épargna aucun artifice pour répandre lebruit d'une tendance pacifique.

Pés le commencement. de sa marche, ses

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~60 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

créatures anirmèrent qu'il apportait avec lui untraité conclu pour vingt années avec toutes lespuissances de l'Europe. On assurait en même

temps que Marie-Louise et son fils étaient surle point d'arriver en France, comme gage d'uneréconciliation avec l'empereur d'Autriche; et

Marie-Louisene paraissantpas, oninsinuaqu'elleavait été retenue par son père, comme une

garantie que Buonaparte tiendrait sa promessede 'donner aux Français une constitution libre.

II était réduit à employer des assertions si dé-nuées.de vraisemblance, plutôt que d'admettreque son retour dut être le signal du renouvel-'lement des hostilités contre toute l'Europe.

Cependant Napoléon n'hésita pas à faire con-naître aux ministres des puissances alliées sabonne volonté d'acquiescer au traité de Paris,

quoique, suivant son raisonnement ordinaire,ce traité fut la honte et l'humiliation de laFrance. Il écrivit à chacun des souverains,en leur exprimant son désir de faire la paix surles mêmes bases qui avaient été fixées avecles Bourbons. Il ne reçut pas de réponse à seslettres la résolution des AlMésétait déjà prise.

Le congrès de Vienne n'était pas encore dis-sous lorsque la nouvelle de la fuite de Buona-

parte de file d'Elbe lui fut transmise par Tal-

leyrand, le 11mars. Tout ce qui étonne, comme

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CHAPITRE XIV. 4~1

le sublime, approche du plaisant et c'est un

fait curieux de physiologie, que la premièrenouvelle d'un événement qui menaçait d'a-néantir tous les travaux du

Congrès,ressemblait

tellement à une scène de comédie, que le rirefut la première émotion qu'elle excita parmi la

plus grande partie des membres de cette assem-blée. Cette humeur joyeuse ne fut pas de longuedurée; car la plaisanterie n'était ni sensée nisure. Le Congrès jugea nécessaire, dans cette' °

circonstance extraordinaire d'exprimer sessentimens par une déclaration non équivoque.Cette déclaration parut le i3 mars, et aprèsavoir donné une relation du fait, elle portait ladénonciation suivante

« En rompant la convention qui l'avait établià l'Ue d'Elbe, Buonaparte a détruit le seul titre

légal d'où dépendait son existence, et en repa-raissant en France avec des projets de troubleet de désordre, il s'est privé de la protectiondes lois, et a prouvé à l'univers qu'il ne peutplus y avoir ni paix ni trève avec lui.

« En conséquence les puissances déclarent

que Napoléon Buonaparte s'est placé en dehors

des relations civiles et sociales, et que commeennemi et perturbateur de la tranquillité du

monde, il s'est rendu passible de la vengeancepublique. Elles déclarent en.même.temps que

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~6a VIE DE NAPOLÉON BUONATARTE.

fermement résolues à maintenir entièrement letraité de Paris du 3o mai i8i~, et les disposi-tions sanctionnées par ce traité, ainsi que celles

quiont été résolues

depuis,ou

qui pourrontl'être désormais, afin de le consolider et lerendre complet, elles emploieront, tous leurs

moyens, et réuniront tous leurs efforts, pourque la paix générale, objet des'désirs de l'Eu-

rope et le but constant de leurs travaux, ne

puisse plus être troublée, et pour prévenir

toute entreprise qui menacerait de replonger lemonde dans les désordres des révolutions. ))Ce manifeste fut suivi immédiatement d'un

traité entre la Grande-Bretagne, l'Autriche, laPrusse et la Russie qui renouvelait et confir-mait l'alliance formée entre ces puissances, à

Chaumont. Le premier article déclarait, 1°. la

résolution des hautes parties contractantes demaintenir et de renouveler le traité de Paris,qui excluait Buonaparte du trône de France,et de donner plus de force au décret de pros-cription lancé contre lui, et que nous avonsmentionné plus haut; 2°. chacune des partiescontractantes s'engageait à tenir constamment

sur pied une armée de cent cinquante millehommes, avec une égale proportion de ca-valerie et d'artillerie 3°. elles s'engageaientà ne pas quitter les armes, sans un commun

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CHAPITRE XIV. 463

consentement, jusqu'à ce quele but de la guerrefut atteint, ou qu'on eût rendu Buonaparte in-

capable de troubler la paix de l'Europe. Aprèsd'autres articles moins importans, le septièmeportait, que les autres puissances de l'Europeseraient invitées à accéder au traité; et le hui-

tième, que le roi de France serait particulière-ment appelé à y prendre part. Un article séparéé

portait que le roi d'Angleterre aurait le choixde fournir son contingent en hommes, ou d'y

suppléeren

payantla somme de trente livres

sterling par an pour chaque cavalier, et vingtlivres pour chaque soldat d'infanterie qui man-

querait à son complément. Lorsque ce traitéfut ratifié par le prince régent, on y ajoutaune déclaration relative à l'article 8, décla-ration portant que Sa Majesté Britannique ne

se regarderait pas comme obligée de pour-suivre la guerre, dans le dessein d'imposerforcément à la France aucun gouvernementparticulier. Les autres parties contractantesconsentirent à accepter l'accession de son al-

~tess.eroyale, avec cette réserve et cette ex-

plication.

Ce traité de Vienne peut être considéré sousun double point de vue; d'abord, pour les

principes, et secondement, par rapport aumode d'expression. Il fut discuté sous ce double

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VIE DE TfArOJL~ON BUONAPARTE.464

point de vue dans la Chambre des Communes àLondres. L'utilité de la guerre fut contestée par

.plusieurs membres de l'opposition à cause de

l'épuisement de la Grande-Bretagne mais onadmit généralement que la fuite de Buonaparteétait un juste motif de se croire en état d'hosti-lité. Le grand homme d'Etat et savant juris-consulte que nous avons déjà cité, exposa enson nom et au nom de ceux qui votaient avec

lui, une opinion contenue dans les termes les

plus positifs« Quelques insinuations », disait sir James

Mackintosh, « ont été répandues sur l'exis-tence d'une différence d'opinion de ce côté dela Chambre, par rapport à la fuite de Buona-

parte nous nions cette différence. Chacuns'accorde à déplorer la circonstance qui rend le

renouvellement de la guerre si probable, pourne pas dire certain. Tous mes amis, dont lessentimens me sont connus, pensent que, dansla théorie .du droit public, la reprise du pou-voir par Napoléon a donné aux Alliés un justesujet de guerre contre la France. Il est évident

que l'abdication de Napoléon, et sa renoncia-

tion perpétuelle à la suprême autorité, étaitune condition, et la. plus importante des con-ditions auxquelles les Alliés avaient accordéla paix à la France. La convention de Fontai-

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CHAPITRE XIV. 465

nebleau et le traité de Paris faisaient égalementpartie du grand contrat qui rétablissait la Francedans l'alliance de l'Europe. C'était parce quela France offrait des

garanties plussûres de

la paix depuis qu'elle était séparée de sonterrible chef, que l'Europe confédérée avaitaccordé la paix à des termes modérés et favo-

rables; mais dès que la France a violé cette

importante condition en se soumettant de nou-veau à l'autorité de Napoléon, les Alliés se

trouvent dégagés de leur contrat, et sont ren-trés dans leur droit de faire la guerre. »Les griefs allégués par Buonaparte (qui sem-

blent avoir été entièrement imaginaires), et

qu'il porta jusqu'à supposer qu'on avait eu desdesseins sur sa liberté, étaient d'abord la sépa-ration de sa famille. Mais c'était une ques-

tion avec l'Autriche exclusivement; car quellepuissance pouvait forcer l'empereur Françoisde se séparer de sa fille après que le sort de'la

guerre l'avait ramenée sous sa protection pater-nelle ? Les sentimens de Napoléon, dans sa po-sition, étaient extrêmement naturels; mais onne saurait blâmer ceux de l'Empereur, qui,

consultant l'honneur et la félicité de sa Elle, laséparait d'un homme capable des entreprisesles plus désespérées pour rétablir sa fortune.

VtBnzNAP.Btjotf.Tom~S. 30

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.466

Beaucoup, sans doute, dépendait de l'inclina-tion de l'auguste personne elle-même; mais, en

supposant que l'autorité paternelle eût été exer-

cée,Napoléon pouvait-il

réellement renou-veler une sorte de guerre troyenne avec toutesles puissances de l'Europe, pour recouvrer sa

femme ou pensait-il que parce qu'il était sé-

paré d'elle par la dureté d'un père, il était au-torisé à envahir et à subjuguer le royaume deFrance? Le second grief, et nous l'admettonscomme

fondé,était

quela

France,en refusant

de payer la pension de Napoléon avant quel'année fût écoulée, l'avait laissé dans une gênequ'il n'aurait pas dû connaître. C'était un sujetde plainte, et un grand mais contre qui? non

pas sûrement contre les Alliés, à moins queBuonaparte ne les eût sommés de tenir leur

traité, et qu'il eût établi que la France avaitmanqué à des obligations pour lesquelles ilavait leur garantie. L'Angleterre, qui n'était

qu'accessoire au ~aité, était cependant inter-venue déjà en faveur de Buonaparte et il n'est

pas douteux que sa réclamation n'eût été ac-cueillie par les hautes parties contractantes, qui

n'auraient pu décemment refuser de remplir untraité qu'elles avaient conclu elles-mêmes. Onne peut nier que cette garantie donnait à Napo-léon le droit d'en appeler et de se plaindre~ mais

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CHAPITRE XIV. 467

quelle lui donnât le droit d'agir avec violencesans accusation préalable, cela est contraire àtoutes les idées sur le droit des gens, quiétablit

qu'aucune agressionne

peutconstituer

une cause légitime de guerre, jusqu'à ce que la

réparation ait été refusée. Toutefois, ceci n'est

qu'un simple argument légal, Buonaparte n'en-vahit pas la France parce qu'elle était insol-vable pour payer sa pension; il l'envahit parcequ'il vit la perspective de regagner le trône

ne croyons pas que des millions l'eussent em-pêché d'en saisir l'occasion.

Cependant le principal fondement de sa dé-fense portait sur ce qu'il avait été rappelé parle vœu unanime de la nation française maiscette assertion était contredite par tous les faits.Sa ligue avec'les révolutionnaires s'était formée

malgré elle,. et d'ailleurs le parti n'était pasconsidérable dans la nation. « Son élection )),suivant les paroles de Grattan «était une élec?tion militaire et puisque l'armée disposait du

gouvernement civil, sa marche avait du être

celle d'un chef militaire dans une nation con-

quise. La nation ne s'était pas levée pour sou-

tenir Louis XVIII ou résister à Buonaparte,parce que la nation ne pouvait pas se lever

contre l'armée. L'esprit de la France aussi-bien,

que sa constitution avaient perdu pour le mo-

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~68 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

ment les moyens de résister ils cédaient passi-vement à une force supérieure. »

Enun mot, l'opinion de la ChambredesCom-munes fut si unanime sur les désastreuses con-

séquences du départ de Napoléon deEued'Elbe,que la minorité porta des accusations contre lesministres pour n'avoir pas prévenu sa fuite pardes mesures plus eËectives. Il fut répondu àces

accusations, que l'Angleterre n'était pas le geô-lier de Buonaparte; qu'il était impossible de

maintenir un blocus autour de l'Ile d'Elbe, etque quand même on l'aurait pu, l'Angleterren'avait pas le droit de se mêler des mouvemensde Buonaparte qui pouvait bien faire decourtes expéditions sans aucun rapport avec un

projet d'évasion. Cependant on avouait que siun vaisseau anglais l'eut découvert allant en

France avec une force armée, dans le desseind'y opérer une descente, on aurait exercé, àtout hasard, le droit d'arrêter sa marche. De

plus, on n'avait aucun titre pour établir surfile une surveillance dont le droit appartenaità l'Empereur, toujours reconnu comme tel. On

ne pouvait pas davantage maintenir une force

navale à l'entour de l'Mepour l'arrêter dans lecas d'évasion. Ces deux mesures auraient étéune contravention directe au traité de Fon-

tainebleau, auquel l'Angleterre avait consenti,

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CHAPITRE XIV. ~6g

quoiqu'elle n'eût pas été au nombre des partiescontractantes.

Les termes de la déclaration des Alliés furent

plus généralement désapprouvés dans le parle-ment anglais, que le projet avoué de déclarerla guerre.

On prétendit qu'en mettant Napoléon horsla loi, cet acte appelait plutôt contre lui le

poignard des assassins que le glaive de la jus-tice. Cette accusation d'encourager à l'assas-

sinat fut vivement repoussée par les partisansdu ministère. « Le but de la proclamationdisaient-ils, était simplement de signalerNapo-léon à la nation française comme un homme

qui avait perdu ses droits civils en reprenant,contrairement au traité, une situation dans

laquelle son caractère, ses habitudes, ses ta-

lens, le rendaient encore un objet de soupçonet de terreur pour toute l'Europe. Sa résolu-tion inflexible, son ambition sans bornes:, son

génie persdnnel, son pouvoir sur l'esprit desautres hommes, ses grands talens militaires,en un mot, qui, si importans dans la guerre,

sont si dangereux dans la paix, avaient fourni

les raisons légitimes de conclure la paix deParis, par laquelle* Napoléon était personnel-lement exclu du trône. Napoléon, en violantcette paix solennellement conclue avec l'Eu

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VIE DE NAFOI~ÉON BUONAPARTE.470

rope, avait forfait à ses droits politiques.; et,sous ce point de vue seulement, on avait pu le

mettre hors la loi. En conséquence de ces ré-

solutions, adoptées àVienne et à Londres, toutel'Europe accélérait ses préparatifs'de guerre;et le nombre des troupes avec lesquelles les

Alliés se disposaient à entrer en France, étaitévalué à million et onze mille soldats. 1

Avant d'aller plus loin il est nécessaire dedire quelques mots au sujet de Murat. Il avait

été quelque temps troublé par les inquiétudesque la sortie de Talleyrand dans le Congrès,contre son gouvernement, lui avaient naturel-

lement inspirées. Cependant les autres puis-sances n'avaient pris aucune mesure contre ce

prince; mais il paraît avoir eu connaissance

que les rapports du général Nugent et de lord

William Bentinck s'accordaient à le repré-senter comme ayant agi, dans la dernière cam-

pagne, plutôt comme un transfuge en suspensentre deux partis, que comme url confédérévraiment sincère et dévoué à la cause qu'il pré-tendait avoir choisie. Peut-être sa. conscience

lui faisait reconnaître la vérité de cette accu-

Voicile contingentfournipar lesdifférentespuissan-ces Autriche,3oo,ooohommes;Russie,226,000;Prusse,236,ooo;Étatsd'Allemagne,!5o,ooo Grande-Bretagne,50,000; Hollande5o,ooo;en tout, t,011,000soldats.

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CHAPITB-E XIV..4?t

sation, car il parait bien certain que si Eugèneeût pu être pressé plus vivement, Murat au-rait été disposé à agir avec énergie pour la

cause des Alliés; il sèntit donc que le,trône deTancrède chancelait sous lui/et il se déter-

mina, avec sa témérité ordinaire, à braverle danger plutôt qu'à laisser au temps le soinde Fécarter. Murât avait correspondu avec File

d'Elbe, et il est impossible qu'il n'eût pas con-naissance du dessein de Buonaparte en quittant

cette île. Mais, dans ce même temps, il dutconsidérer que si son beau-&ère avait quelquesuccès, sa propre alliance deviendrait si néces-saire à l'Autriche qui mettait une grande im-

portance à conserver le nord de l'Italie, qu'ellel'aurait achetée aux conditions qu'il aurait voulu.

Cependant, au lieu d'attendre l'occasion que

lui aurait fourni l'entreprise de Buonaparte,qui ne pouvait pas manquer d'avoir lieu, Murâtrésolut de se hasarder lui-même et pour lui-

même dans une nouvelle crise. Il se mit à latête d'une armée de cinquante mille hommes;et, sans expliquer ses intentions, il s'emparade Rome, d'où le Pape et les cardinaux avaient

pris la fuite. Il menaçait toute la ligne du Pô >que les forces autrichiennes ne pouvaient pasmaintenir; et le 31 mars, il adressa une pro-clamation à tous les Italiens, les excitant à

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~2 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

s'armer pour l'affrançhissement de leur pays.Il paraissait donc évident que le but de ce fils

d'un pâtissier ne tendait à rien moins qu'à faire

de l'Italie un État unique, et à se placerlui-

même sur le trône des Césars. La proclamationétait signée Joachim Napoléon; car, dans ce

moment décisif, il ne craignit pas de reprendrece dernier nom, auquel il avait précédemmentrenoncé. Son appel aux Italiens ne fut pas en-

tendu. Les querelles, dans les petits Etats, sont

si fréquentes leurs prétentions sont si oppo-sées entre elles, et leur faiblesse les a rendus

si souvent la proie des conquérans, qu'ils trou-

vaient peu d'attrait dans une union qui s'an-

nonçait comme le prélude de l'indépendancec'est pourquoi la proclamation eut peu d'effet,

excepté sur quelques étudians de l'université

de Bologne; Murât marcha néanmoins vers lenord. Comme il était très supérieur en nombre,il défit le général autrichien Blanchi, et occupaModène et Florence.

L'attitude de Murat était capable d'alarmer

l'Europe. S'il pénétrait plus avant dans la Lom-

bardie, il pourrait unir ses efforts à ceux de

Buonaparte, qui venait de se replacer sur letrône, et ses forces seraient probablement aug-mentées par des milliers de vétérans de l'ar-

mée du prince Eugène. C'est pourquoi l'Au-

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CHAP1TH.EXIV. 4?~

triche désira la paix, et offrit de lui garantirla possession du royaume de Naples en y

ajoutant ce qu'il avait long-temps ambitionné,

tout le territoire jusqu'aux frontières de l'Étatromain.

Enmémetemps.l'Angleterredéclaraqu'ayantune trêve avec le roi Joachim, à l'exemple de

l'Autriche, cette trêve ne devait pas durer plus

long-temps que la bonne intelligence de Murat

avec l'alliée de l'Angleterre. Celui-ci refusa les

conditions de l'une des deux puissances, ot netint pas compte des remontrances de l'autre.

« Il est trop tard, disait-il; l'Ifalie. est digne'dela liberté, et elle sera libre. ))Là se terminèrent

toutes les espérances de paix. L'Autriche dé-

clara la guerre à Murât, et envoya de nouvelles

forces en Italie. Deson côté, l'Angleterre pré-

parait une descente sur le territoire napolitain, woù Ferdinand avait encore beaucoup de par-tisans.1 Les talens de Murat, comm tacticien, étaient

inférieurs au mérite qu'îl avait montré, comme

soldat, sur le champ de bataille; et il était encoree

plus mauvais politique que général inhabile.

Un échec qu'il éprouva dans une tentativepour passer le Pô près d'Occhio-Bello, paraîtavoir déconcerté tout son plan de campagne;il ne se trouva plus dans la possibilité "de re-

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~y VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.-

nouer les négociations qu'il avait rompues avectant de précipitation. On peut croire, par ses

opérations militaires, qu'il avait reconnu com-

bien son plan était au-dessus de ses forces et deses talens il se retira sur toute sa ligne, aban-donnant Parme, Reggio, Modène, Florence ettoute la Toscane. Par ce dernier mouvement,il mit les Autrichiens en possession du meilleuret du plus court chemin, pour aller à Rome. En

conséquence, il fut comme cerné, et obligé de

livrer bataille près de Tolentino. La batailledura deux jours ( 2 et 3 mai) mais les Napo-litains ne pouvaient combattre corps à corpsavec les robustes Autrichiens. Ce fut en vain

que Murat fit tourner des pièces de campagnesur l'arrière-garde de ses colonnes d'attaque,avec ordre de faire feu sur ceux qui se reti-

reraient en vain lui-même montra l'exempled'un courage désespéré l'armée napolitaineprit la fuite pêle-mêle et en complète déroute

canons, munitions, trésor, bagage, tout devintla proie des Autrichiens; et, en traversant les

montagnes des Abbruzzes, Murat perdit la moi-tié de son armée sans avoir donné un seul coupd'épée.

Le prince fugitif  fut poursuivi dans ses pos-sessions napolitaines, où il apprit que les Cala-brois étaient en insurrection, et qu'une flotte

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CHAPITRE XIV. 11 ~y5

anglaise, servant d'escorte à une armée d'in-vasion venue de la Sicile,. s'était montrée dansla baie de Naples. Son armée, réduite à une

poignée d'hommes par une suite d'escarmou-ches sanglantes, dans lesquelles il s'était conduitavec une témérité qui laissait croire à ses com-

pagnons qu'il cherchait la mort, reçut ordred'aller se  jeter dans Capoue; et lui, qui avait

quitté Naples, revêtu, suivant son usage, d'uncostume magnifique, à la tête d'une vaillante

armée, rentrait en ce moment dans les mursde cette capitale, suivi seulement de quatrelanciers. Il mit pied à terre au palais, et parutdevantlaReine, pâle, défait, les cheveux épars,avec tous les signes de l'extrême fatigue et de

l'abattement ,il salua cette princesse avec cesmots touchans « Madame, je n'ai pas pu trou-

ver la mort )) Il reconnut aussitôt qu'il nepouvait rester à Naples sans compromettre sa

liberté, et peut-être sa vie. Il prit congé de la

Reine, qui ne devait pas tarder à perdre pour jamais ce titre, coupa ses cheveux, et, se dé-

guisant à l'aide d'un froc de couleur grise, il sesauva dans la petite Me d'Ischia, et arriva le

26 mai dans le port de Cannes,qui avaitreçuNa-

poléon peu de semaines auparavant. Sa femme,immédiatement après le départ de Murât,*alar-mée des dispositions que la populace napolitaine

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~76 VIE DE NAPOLÉON BUONArARTE.

montrait à s'insurger, se rendit au commo-

dore Campbell, et fut reçue à bord du Terrible.

Un courrier annonça l'arrivée de Murât en

France à Buonaparte, qui, au lieu d'envoyerdes consolations à son malheureux beau-frère,

demanda, dit-on, avec un amer dédain, « si

Naples et la France avaient fait la paix depuis

1814. )) Cette réponse pourrait donner à pen-ser que, bien que les entreprises de Napoléonet de Joachim coïncidassent, par le temps et

par d'autres circonstances, d'une manière as-sez sensible pour faire croire qu'elles avaient

été formées de concert,, il n'y avait cependant

pas eu de correspondance précise, encore

moins de traité formel entre les deux beaux-

frères. En effet, Napoléon a toujours nié qu'ilait eu la moindre part à la folle levée de

boucliers de Murat, et il n'a cessé d'affirmerqu'il en avait été essentiellement offensé. Na-

poléon disait qu'en se retirant de l'ue d'Elbe,il avait fait ses adieux à Murat, par une lettre

dans laquelle il lui pardonnait tout ce qui s'é-

tait passé entre eux, et lui recommandait de

se maintenir en paix avec les Autrichiens, et

seulement de les arrêter s'il les voyait disposésà s'avancer sur la France; il lui om-ait aussi

de garantir son royaume. Murat lui donnadans sa réponse des témoignages d'attache-

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CHAPITRE XIV. ~77

ment, s'engageant à se montrer désormais,dans sa conduite à l'égard de Napoléon, encore

plus digne de sa pitié que de son ressenti-

ment, ne voulant aucune autre garantie quela parole de l'Empereur, et déclarant que ledévoument du reste de sa vie effacerait le sou-venir de sa défection. « Mais)), continuait Na-

poléon, «il était dans les destinées de Murat denous perdre de toutes les manières, une fois ense déclarant contre nous, une autre en' prenant

notre parti mal à propos. )) Il se mit en cam-pagne sans en avoir les moyens; et quand ses

espérances furent détruites, il ne resta plusdans l'Italie aucune puissance capable de contre-balancer celle de l'Autriche. De ce moment, ildevint impossible à Napoléon de négocier avecelle.

En admettant comme exact ce récit de Na-poléon, et'en accordant que les deux beau-frères jouaient chacun leur rôle, il n'était paspossible de supposer qu'ils eussent agi sans être

d'intelligence chacun d'eux assurément vou-lait faire sa propre affaire, sachant bien qu'ilne pouvait prétendre à l'assistance de l'autre

qu'autant que lui-même aurait des succès, et,de plus, ne voulant pas renoncer au privilégede faire la paix, s'il était nécessaire, même endésavouant toute participation a l'entreprise du

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VIE DENAPOLÉONBUONAPARTE.4y8

vaincu. Malgré les magnifiques détails quedonna le ./Mb/M~SM~'dela tentative de Murât,dans le temps où on pouvait encore en espérer

le succès, il est certain que Buonaparte essayade se rendre l'Autriche favorable, par l'offred'abandonner Murat; et que Murat, si ses of-fres eussent été écoutées après la défaite d'Oc-

chio-Bello, était prêt à déserter encore la causede Napoléon, dont il venait si récemment de

reprendre le nom. Enveloppé .dans ce dédale

d'une politique égoïste, Murat eut l'humiliationde se voir l'objet des mépris de Napoléon,quand il ne lui fut plus possible de l'aider, et

qu'il ne fut plus qu'un fardeau pour lui. S'ilétait arrivé vainqueur à Milan, et qu'à traversles Alpes il eût tendu a Napoléon une main

amie, combien différente eût été sa réception

Mais, dans sa détresse, Buonaparte refusa dele voir,' et ne lui permit pas même de venirà Paris, satisfait que le spectacle de sa misèreefût un amer démenti des fables que les  jour-naux français avaient pendant quelque tempspubliées sur ses prétendus succès. Fouché lui

envoya un message, qui rappelait celui qui

avait enjoint aux ambassadeurs de Salomonde demeurer à Jéricho jusqu'à ce que leur

barbe eût poussé. Il était recommandé à Mu-rat de se tenir à l'écart jusqu'à ce que le sou-

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CHAPITREXIV. ~79venir de sa disgrâce fût eHacé par de nouveaux

objets d~intérét général.Buonaparte avait quelquefois pensé à donner

à Murat un commandement dans sonarmée,mais il avait eu peur de blesser les soldats fran-

çais qui auraient éprouvé du dégoût et de l'hor-.reur à la vue d'un homme qui avait trahi laFrance. « Je n'ai pas cru pouvoir l'amener à

Waterloo, disait-il àses compagnons de Sainte-

Hélène, et cependant il aurait pu gagner la

victoire, car il y a eu plusieurs momens, durantla bataille, où il aurait suffi pour la. déciderd'enfoncer deux ou trois bataillons anglaiset Murat était justement l'homme qu'il fallait.

Quand il s'agissait de conduire une charge de

cavalerie, il n'y avait pas d'officier plus déter-

miné, plus brave et plus brillant.))

Ainsi il fut défendu à Murat de venir à lacour des Tuileries, où sa défection aurait puêtre oubliée, mais sa défaite était un tort irré-

missible il resta dans l'obscurité près de

Toulon, jusqu'à ce que son destin l'appelaailleurs, après la bataille décisive de Waterloo'.

IIestbienconnuqueJoachimMurats'étantéchappéavecpeinedela France,se sauvaen Corse,et qu'ilauraitpu, sur sa parole,obtenirlapermissionderésidersurleterritoired'Autrichesansêtreinquiété.Maisilnourrissaitune Idéeextravagantede recouvrersa couronne, qui

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.48o

Nous n'en dirons pas davantage sur cet impor-tant épisode de l'histoire qui nous occupe, etnous allons retourner à la France et à notre

sujet immédiat.l'engagea à rejeter ces conditions favorables; il fit donc

une invasion sur le territoire napolitain à la tête de deux

cents hommes. Son expédition pourrait être considéréecomme une exacte parodie de celle de Buonaparte; à

Cannes il publia des proclamations remplies de bravades et

d'assertions fausses. Une tempête dispersa sa flottille, lui-

même il

pritterre le 8

octobreà une

petite bourgadede

pêcheurs près de Monte-Leone. Il fut attaqué par les gensdu pays, combattit avec sa bravoure accoutumée, mais

eut le désavantage et fut fait prisonnier, traduit immédia-

tement devant une cour martiale, et condamné. La famille

royale de Sicile ne s'est pas montrée une race clémente

s'il en eût été autrement, elle aurait pu pardonner à un

homme qui, quoique maintenant réduit à la condition

privée,avait été roi

si récemment qu'il était excusablede

s'être cru encore le pouvoir de faire la paix ou la guerre.Murat se comporta à ses derniers instans comme il conve-

nait au Beau Sabreur, il attacha à sa poitrine le portrait de

sa femme ne permit pas qu'on lui bandât les yeux resta

debout, reçut six balles dans le cœur et trouva ainsi la

mort qu'il avait impunément bravée dans une foule de com-

bats, et qu'il avait cherchée en vain dans tant d'autres.

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CHAPITRE XV. 48i

CHAPITRE XV.

Tentatives de Buonaparte pour se concilier l'Angleterre.Le complot pour enIëvej-Marie-Louise

échoue. Opinionsen France au sujet du retour de Buonaparte. L'armée.

Les Jacobins. Les Constitutionnels. Fouché et SIeyèscréés pairs. Liberté de ]a presse accordée et violée.

Conduite indépendante de M. Comte, éditeur du Ce/M~Mr.–

Les classes inférieures se détachent de Buonaparte. Une

partie lui reste dévouée. Celle-ci se rassemble devant

les Tuileries, et applaudit l'Empereur. Fête des Fé-dérés. Nouvelle Constitution elle est reçue avec

mécontentement Assemblée du Champ-de-Mai pour la

ratifier. -Adresse de Buonaparte aux deux Chambres.

L'esprit de  jacobinisme prédomine dans 'la Chambre des

Représentans.

TANDIS que Murat luttait contre sa mau-

vaise destinée, Puonaparte hâtait ses prépara-tifs pour le grand débat qui allait se décider.

Sa. première tentative, comme nous l'avons

déjà vu, avait été de chercher à se concilier les

puissances alliées. Pour plaire à la Grande-Bre-

tagne, il décréta l'abolition du commerce des

esclaves, et fit quelques réglemens relatifs a

Téducation nationale, dans lesquels il parlaitavec éloges des systèmes de Bell et de Lan-caster ces mesures furent favorablement ac-cueillies par quelques uns de nos législateurs

VmnRN*p.Bues.Tome8. 3i

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482 VLE DE NAPOI~ÉON BUONATARTE.

et c'est une preuve que Buonaparte compre-nait le caractère de notre nation. Pour supposerque durant ses dix mois d'exil son esprit s'était

occupédes infortunes des

nègresou du

déplo-rable état d'ignorance auquel ses propres me-sures et le manque d'mstruction premièreavaient réduit la jeunesse française, il faudraitoublier son habitude d'ambition. Penser aucontraire qu'il voulait, àson arrivée en France,faire quelques sacrifices apparens qui pussent

lui attirer la bonne disposition de ses puissanset redoutables voisins, est mie idée plus d'ac-cord avec ses plans, ses intérêts et 'son carac-tère. Les moyens qu'il choisit pour gagner l'es-

time de l'Angleterre étaient cependant très judi-cieux. L'abolition de l'esclavage des nègres etl'instruction du pauvre avaient soulevé (a l'hon-

neur de notre législature) de fréquens et devifs débats dans laChambre des Communes;et,pour gagner les hommes individuellement ou

collectivement, il n'est pas de flatterie plussure que celle de l'imitation. Il n'est pas indif-férent à l'honneur de l'Angleterre que son en-nemi le plus déclaré ait voulu conquérir sa

bonne opinion, non par des oSres de quel-que avantage national, mais en paraissantconcourir aux mesures de bienveillance uni-verselle. Cependant, et- pouc conclure, le

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'CHAPITRE XV. 483

caractère de Napoléon était trop générale-ment compris, 'et son dessein apparent d'en-trer dans les sentimens de la Grande-Bre-

tagne était trop visiblement affecté pour pro-duire une impression générale ou sérieuse ensa faveur.

Napoléon agit différemment avec l'Autriche.Il savait bien qu'il ne produirait aucune im-

pression sur l'empereur François ou sur sonministre Metternich, ~t qu'il n'obtiendrait  ja-

mais leur consentement pour présenter safemme et son fils au peuple dans l'assembléedu Champ-de-Mai, suivant la promesse qu'il enavait faite. Le stratagème fut son unique res-source. Quelques Français qui se trouvaient à

Vienne, de concert avec ceux de la suite deMarie-Louise, formèrent le plan d'enlever l'Im-

pératrice de France et son fils. Le complot futdécouvert et prévenu, etdes mesures furent pri-sesimmédiatement par l'Autriche pour prouverqu'elle considérait tous ses liens avec Buona-

parte comme a  jamais brisés. Marie-Louisepar les ordres de son père, quitta les armes etla livrée de son époux, que les personnes de sa

suite et ses équipages avaient portées jusque-là,et prit les insignes de la maison d'Autriche. Cetévénement décisif  mit'fin à l'espérance dontNapoléon s'était long-temps bercé, qu'il trou-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.484

verait quelque moyen de regagner l'amitié de

son beau-père.Les autres puissances de l'Europe ne se

montrèrent pas plus accessibles à ses avances.Il était donc réduit à ses propres partisans dansla nation française, et à ceux des autres partis

qu'il put gagner et joindre aux siens.L'armée s'était suffisamment montrée dé-

vouée à sa personne par des motifs .que l'on

apprécie aisément. L'armée des fonctionnaires

publics auxquels le nom du prince sous lequelils exerçaient leurs emplois était indifférent,

pourvu que leurs appointemens fussent main-

tenus, formait un corps nombreux et influent.Pour nous, que de pareilles mutations dans

notre système politique n'ont jamais mis dans

Ja nécessité ou de renoncer à nos moyens

d'existence; ou de nous soumettre à un nou-veau gouvernement, nous pourrions peut-être, en entendant citer les noms honorablesou illustres qui préférèrent la seconde alter-

native, nous récrier contre la versatilité des

Français; mais un regard jeté sur l'histoire de

l'Angleterre, pendant les fréquentes révolu-

tions du dix-septième siècle, nous portera à

changer l'exclamation de pauvre France en

celle de pauvre humanité Les dévots du

temps de Cromwell qui s'intitulaient pieuse-

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CHAPITM;XV. ~85ment sectateurs de la Providence, parce qu'ilsétaient toujours prêts pour le dernier change-ment la secte des courtisans de la circon-stance où se

trouvait cet honnête patriotequi, à la restauration, se plaignit devoir servi

sept formes de gouvernement en une année, etde perdre sa place pour avoir été trop tardif dans son adhésion au dernier changement tousces hommes auraient pu composer dans leur

temps une liste aussi longue et aussi divertis-

sante que le fameux Dictionnaire desGirouettes.Dans les affaires où il s'agit d'une émotion im-

prévue, le Français, plus léger et plus volage,est aussi plus prompt à tourner que l'Anglais,flegmatique et lent; mais quand le vent desin-térêts pécuniaires a long-temps prévalu, leshommes de toutes les nations et de tous les cli-

mats n'y résistent plus et se montrent empressésà lui tendre leurs voiles. En politique, commeen morale, on ne devrait jamais cesser de prierDieu de ne pas nous induire en tentation.

Outre'ceux qui lui étaient attachés par l'in-térêt ou parla reconnaissance et l'admiration deses talens, Napoléon avait encore parmi ses par-

tisans ou plutôt parmi ses alliés, non par choix,mais par nécessité, le parti jacobin, qui avait été

'7'?:e~yf<

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VIE bl: NA POUMON BUONAPAR/l'E.486

obligé, quoique malgré lui, de le mettre à latête du gouvernement qu'il espérait régénérer.A ceux-ci il fallait ajouter un corps bien plus

nombreux et plus honorable, qui, loin d'encou-rager son entreprise, avait montré un grand zèle-à s'opposer à sa rentrée, mais qui, regardant la

cause desBourbons comme entièrement perdue,consentait à s'attacher àBuonaparte, àconditiond'obtenir une constitution libre pour la France.Toutes ces personnes étaient mues par des mo-'

tifs divers mais si on veut que nous donnionsune dénnition de cette classe de politiques, nousles comparerons aces Whigs'honnêtes d'Angle-terre, qu'en mettant de côté tout esprit de parti,nous croyons être des Sommes pleins de sens et

de modération, passionnés pour les lois et pourla liberté, respectant les princes et leurs familles

autant qu'ils sont nécessaires au bien public,et différantsi peu des véritables Torys,que, lors-

qu'une discussion s'élève de bonne i:bi entrelesuns et les'autres, il est peu probable qu'ils dif-f'erent sur les points importans de la consti-

tution.Telle est, croyons-nous, la différence entre

les Constitutionnels raisonnables et les Roya-listes en France, et sans doute, tandis que tous

les, sentimens de ceux-ci les portaient à voir

avec horreur la domination d'un usurpateur,

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CHAPITRE XV. 48?

il devait yen avoir beaucoup parmi les pre-miers qui, craignant pour l'mdépendance de la

France,, l'intervention des puissances étran-

gères, s'imaginaient qu'en défendantla cause

de Napoléon, ils faisaient en quelque sorte denécessité vertu, et jouaient un jeu hasardeuxavec autant d'habileté que leurs cartes en mainle permettaient. Beaucoup d'hommes sensés et

patriotes, qui avaient conservé une dernière

pensée de liberté sous tous les gouvernemens et

pendant toutes les anarchies qui s'étaient suc-cédé pendant vingt ans, s'efforçaient alors, pro-fitant des embarras de Buonaparte, de formerun système de gouvernement basé sur les idées

libérales. Pressé comme il était au-dehors, mal

soutenu a l'intérieur, si ce n'est par le soldat, ils

pensaient qu'il se mettrait par nécessité sous la

protection de la nation, et se verrait obligé àsefaire des partisans en se rendant à l'opinion pu-blique, et en adoptant un gouvernement libre.

Dans cette persuasion, un grand nombre de ces

hommes, plus ou moins attachés à une mo-narchie modérée et limitée, étaient préparés à

reconnaître la nouvelle autorité de Buonaparte,

autant qu'il le mériterait par ses concessions.La conduite et les argumens d'une autre par

tie des amis de la constitution, ressemblaient

plutôt à ceux qui auraient pu être adoptés en

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VIE DE ~APOJ~EON BUONAFARTE.488

Angleterre parles Torys modérés et judicieux.De tels hommesn'étaient pas disposés à déser-ter la cause de leur monarque légitime, parce

que la fortune Jetait déclarée contre lui ilsétaient d'opinion que pour fonder une constitu-tion durable, le monarque doit avoir ses droits

aussi-bien que le peuple; et que si un usurpa-teur était reconnu, à quelques conditions quece fût, aussitôt qu'il se serait ouvert la carrièredes victoires par son épée, la nation serait ex-

posée à de perpétuelles révolutions. Louis,pouvaient alléguer ces hommes, n'avait com-mis aucun crime, il avait seulem-ent été victimedes circonstances qui lisaient supposer à quel-ques personnes qu'il pouvait être tenté de mé-diter des changemens à la Charte. Il y avait dela lâcheté à abandonner un roi bon et pacifique

au caprice d'une armée révoltée et d'un usur-pateur. Ils regrettaient que leur prince dût être

replacé sur son trône par les armes étrangèrestoutejEbis, il valait peut être encore mieux

qu'un gouvernement paisible et modéré fut ainsi

rétabli, que si la nation française continuait desubir la despotique tyrannie de ses propres

soldats. Ceux qui raisonnaient ainsi ridieuli-saient l'idée d'une constitution libre, concédiée

par Buonaparte, qui, dans son premier règne,ne toléra jamais la liberté de la pensée, de ta

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CHAPITREXV. ~8g

parole ou des actions; et par les anciens révolu-

tionnaires, qu'aux jours de leur pouvoir aucun

degré de liberté ne put satisfaire jusque ce qu'ils

eussent brisé tous les liens de la société civile,et rendu leur pays semblable à une vaste maisonde tous mise en feu par les malades eux-mêmes,

qui restent, en s'agitant au milieu des flam-mes.

Tels sont les principes d'après lesquels nous

concevons que durent agir les hommes sages et

modérés des deux partis à cette époque. Il estaisé de supposer que leurs opinions doiventavoir été plus ou moins,variées par le caractèrede chacun, les affections, les préjugés, les pas-sions et l'intérêt personnel, des deux côtés plu-sieurs tombèrent dans l'exagération, ou, sui-vant le mot adopté alors, pour exprimer cette

exagération, dans l'CM//M.Cependant'Napoléon faisait tout ce qu'il était

possible pour se concilier l'aSectioh du peuple,et se montrer sincère dans le désir de adonnerà la France la libre constitution qu'il avait pro-mise. Il prit les avis de,Carnot, de Sieyès et de:

Fouché, et certainement il proûta de. plusieurs

de leurs leçons. Il l? fit cependant' à la condi-tion.que Carnot et Sieyès accepteraient chacunun ti~re et une place d.an.ssa Chambre des Pairs.,

pour tBiOnt~epqu'ils étaient complètement ré-

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490 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

conciliés au gouvernement impérial; et ces an-ciens républicains condescendirent à échangerle bonnet rouge contre une couronne dueale,

qui, d'après leur première opinion, allait assezmal à leur front. `

Mais quoique l'union des Impérialistes et du

parti populaire eût été cimentée par l'éloigne-ment commun pour les Bourbons,et fût encoremaintenue par l'appréhension des fidèles sujetsau-dedans, et des Alliés à l'extérieur, on dé-

couvrit bientôt des germes de discorde entrel'Empereur et les chefs populaires. Tandis quele premier était pressé de ressaisir avec touteson énergie le sceptre qu'il avait recouvré, lesautres étaient continuellement à lui rappelerqu'il ne l'avait pris que pour exercer un pou-voir limité comme le chef d'un gouvernement

libre, chargé du pouvoir exécutif, mais sauf lesrèstrictions d'une constitution populaire. Na-

poléon, dans les fréquens débats qui s'élevaientsur ce point, était obligé de céder aux démago-gues sur les principes; mais, alors, pour la sû-reté de l'État, menacé au-dedans et au-dehors,il prétendait qu'il était nécessaire d'investir le

premier magistrat d'une autorité dictatoriale,temporaire dans sa durée, mais presque abso-lue dans son exercice, suivant l'usage des Etatslibres de l'antiquité, quand la république était

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 /~Qa VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

caprice, ou même par esprit de contradic-

tion.

Napoléon, qui se montra toujours très sen-

sible à la censure publique, établit des inspec-teurs de.librairie. Le ministre de la police ami

delaliberté.mais, commel'observe M. Charles

Comte, éditeur du Censeur, de la liberté à la

façon de M. Fouché, fit tout au monde pour

empêcher la contagion de la liberté de s'é-

tendre si rapidement. Ce M. Charles Comte

était un défenseur hardi et probablement sin-cère de la liberté; il avait été un promoteur du

retour de Buonaparte, comme devant servir la

bonne cause'. Voyant prévaloir l'influence

militaire, il publia quelques remarques sévères

sur le r61e illésal que l'armée s'arrogeait dans

les affaires publiques, ce qui, disait-il sans hési-

ter, ameneraitia France àla condition de Romequand la garde prétorienne disposait de l'Em-

pire. Ce trait piqua Napoléon au vif  le journalfut par la police, et le ministre s'efforça de

pallier cet acte dans le .~b/M&?Mr,en ajoutant

qu'il avait été aussitôt rétabli; mais M. Comte

n'était pas homme à se laisser imposer silence.

Il donna un démenti à la relation officielle, etdéclara que son journal n'était pas rétabli. Il

Assertionpeuctau'eoupeuexacte.(J~)

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CH.APITB.E XV. ~g3

fut mandé le lendemain devant le préfet de po-lice, qui alternativement voulut le menacer etle flatter; un moment même on lui reprocha

une ingrate résistance a l'Empereur, eti'onnnitpar lui dire de songer à quoi le gouvernementpourrait lui être utile. Inaccessible aux offreset aux prières, M. Comte deïnanda seulement

qu'il lui fût permis de profiter de la liberté dela presse. Le digne magistrat ne pouvait luifaire entendre que quand l'Empereur donnait

à unhomine la liberté de publier ce qui luiplairait, c'était sous la condition tacite que cela

plairait aussi au préfet et au ministre de la po-lice. M. Comte eut le courage de publier toutel'affaire. Cependant des proclamations de Louis,défendant le paiement des impôts, et annonçantl'arrivée de douze cent mille hommes sous les

murs de Paris, couvraient ces mêmes murs<toutes les nuits en dépit de la police. Un jour-nal nommé Lys favorable à la cause

royale, fut aussi secrètement, mais générale-ment répandu dans les hautes classes de la so-

ciété, où Buonaparte était craint et haï, des

chansons, dessatires, despasquinades~ glissaient

de main en main, tournant en ridicule sa per-sonne, ses ministres et son gouvernement.D'autres l'attaquaient avec d'éloquentes invec-

tives, et demandaient ce qu'il avait de commun

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<}~~ VIE DE NAPOI/ÉON BUONAPARTE.

avec cette liberté qu'il prétendait maintenantassocier à son régne.

Il était, disaient-ils, Pennemi juré de la li-

berté, l'assassin dela république, le destructeurdes libertés de la France, qu'elle avait si chère-ment achetées. La parade de liberté qu'il avaitvoulu faire, était un tour d'escamoteur, exé-cuté sousla protection deses bayonnettes. Telleétait son patriotisme, quand il détruisit la re-

présentation nationale à Saint-Cloud, telle était

l'Indépendance qu'il garantit, quand il fondaun despotisme oriental dans la France éclairée.N'avait-il pas détruit toute libre communicationentre les citoyens, et proscrit toute idée libéraleet philosophique sous le nom d'idéologie? Peut-on oublier, continuaient-ils, que le ciel et l'enferne sont pas plus irréconciliables que Buona-

parte et la liberté? Le mot même de libertéétait un crime sous son règne de fer, et ne ré-

 jouit les Français, pour la première fois, aprèsdouze années d'humiliation et de désespoir,qu'à l'heureuse restauration de Louis XVIII.« Misérable imposteur s'écriaient-ils, eût-il

parlé de liberté, si le retour de Louis ne nous

eut familiarisas avec la liberté et la paix ? »L'esprit de désaffection se répandait parmi

certaines classes des derniers rangs. Les damesde la Halle, si formidables au temps de lafronde

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CHAPITRE XV. 495

et dans lés premières années de la révolution,par leur opposition à la cour, étaient alors

royalistes, et, comme à l'ordinaire, bruyantes

dansleparti qu'elles avaient épousé.Elles firent,ou quelque rimeur royaliste composa pourelles, unechanson dont le refrain demandait leretour du Roi, comme de leur père de GandElles ridiculisèrent, querellèrent, baHbuèrentles commissaires de police, qui s'efforçaientd'arrêter ces expressions de leur mécontente-

ment elles environnèrent leur chef, dansèrentautour de lui, en chantant le refrain équivo-que, jusqu'avec que Fouché, honteux de dé-mentir les doctrines de la liberté de penser etde parler, fit enjoindre à ses agens de laisserces amazones selivrer en paix à leurs sentimens

politiques.

Tandis que Buonaparte ne pouvait se con-cilier les premières classes de la société, et quemême les dames de la Halle se révoltaient, ilavait pour lui la milice des faubourgs, ces ban-des d'hommes à piques, si fameuses dans la ré-

volution, dont le caractère farouche ajoutaitaux terreurs, sinon à la dignité de son règne.

Loin de nous de déprécier une honnête indus--

Donnez-nous notre paire de gants,' ou notre père de

Gand. m

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.4~trie, ou de mépriser la pauvreté. Ce n'est pas.la pauvreté, mais l'ignorance et les vices de la

populace d'une grande ville, qui la rendent tou-

 jours repoussanteet

quelquefois terrible. Ellea droit à la protection des lois, et à la bonté du

gouvernement; mais celui qui l'emploieraitcomme instrument politique, appellerait à sonsecours une bête à mille têtes, armée de griffespour déchirer, de gosiers pour hurler, sansoreilles pour l'écouter, sans yeux pour voir,

sans jugement pour comprendre.Peu de temps après le retour de Buonaparte,des foules d'artisans du dernier ordre s'assem-blèrent sous les fenêtres des Tuileries, et de-mandèrent à voir l'Empereur, qu'ils saluèrent

lorsqu'il parut comme leur grand entrepreneur,dans un langagè grossier orné de fleurs de rhé-

torique telles que le temps de la terreur lesavait mises en crédit. Ces rassemblemens furent

continuels, grâce à la distribution de quelquessous faite aux crieurs.

Le 14 mai, les rangs mêlés et mal ordonnésdé ces hommes du peuple, réunis dans cettemémorable bccasion, montrèrent aux yeux des

spectateurs effrayés et dégoûtés, tout ce qu'ily a de plus abruti par le vice et la~issolution.Cet effrayant cortége se rendit le long des bou-levards à la cour des Tuileries, avec des cris

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CHAPITRE XV. 497

où les louanges de l'Empereur se mêlaient àdes imprécations et à des chants révolution-naires qu'on n'avait pas entendus depuis long-

tempsà

Paris,tels

quela

Marseillaise,la Car-

magnole, le Chant du Départ. L'extérieur deces hommes, la lie des manufactures, des ate-liers et des prisons; leurs lambeaux, leur sa-

leté, leur ivrognerie les transports de leur rageou d'une )oie non moins forcenée, les faisaientreconnaître pour les auteurs toujours prêts

des derniers excès de la révolution. Des obser-vateurs attentifs virent Buonaparte lui-mêmese retirer avec horreur de l'assemblée qu'il avait

convoquée. Sa garde était sous les armes, des

pièces de campagne chargées étaient dirigéesvers la placeduCarrousel, remplie de cette fouleoù l'on distinguait le contraste des couleurs des

boulangers et des charbonniers, nommés plai-.samment les mousquetaires blancs et les mous-

quetaires noirs. Napoléon se hâta de renvoyerses hideux partisans, après une suffisante distri-bution de louanges et de liqueur. La gardenationale se trouva insultée, d'avoir été obligéede former ses rangs sur le passage des fédérés.

Les troupes de ligne sentirent l'abaissement del'Empereur le fier caractère des.soldats fran-

çais les avait empêchés de fraterniser avec la

populace, même dans la cause de Napoléon. OnVmnENAP.Bootf.Tome8. 3~

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4g8 VIE DE NAPOLEON BUONAFARTE.

les avait vus depuis Cannes cesser leur cri devive l'Empereur, lorsqu'entrant dans quelqueville considérable ce cri était poussé par la

foule, et suspendre leurs acclamations plutôtque de les mêler à celles des péquins qu'ils mé-

prisaient. Maintenant ils murmuraient entre

eux, en voyant la cour que Buonaparte sem-blait forcé de faire à ces artisans dégradés, quele vainqueur de Marengo et de Wagram n'était

plus que le capitaine de la populace. Enfin cette

alliance ainsi formée entre Buonaparte et la liedu peuple, ne put même être colorée, dansles pages flatteuses du Moniteur, qui, au milieud'une brillante description de cette processionmémorable, fut obligé d'avouer qu'en quel-ques endroits le nom de l'Empereur fut incon-venablement mêlé à des expressions et des

chants qui rappelaient une ~o~M~ malheu-reusement trop fameuse.

Inquiet des dangers à l'extérieur, destroubles

au-dedans, et de la dégradante nécessité où ilétait deparaître chaquesoir devantime populacequi le saluait familièrement du nom de Père la

~oZeM~ etsurtoutimpatienté des suggestions de

ses conseillers philosophes, qui, entre autres in-novations, souhaitaient qu'il quittât le titre d'Eni-pereur pour celui de Président, ou de Grand-Général de la République; Napoléon, pour se

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CHAPITRE XV. 499délivrer d'obsessions ôffensantespour sa fierté,se retira des Tuileries au palais plus solitaire de

l'Ëlysée-Bourbon, et sembla redevenir encoreune fois

l'Empereur qu'ilavait été avant son ab-'

dication. Là, il entreprit, avec l'aide de Ben-

 jamin Constant et d'autres hommes d'État, unenouvelle constitution; leur système comprenaittoutes ces balances du pouvoir qu'on sait devoir

former l'essence d'un gouvernement libre, et se

rapprochait beaucoup de l'esprit de la Charte

royale'. Néanmoins, elle fut extrêmement malreçue de tous les partis, mais surtout de ceux

qui attendaient de Napoléon une constitution

plus libre que celle qu'ils avaient dissoute, en

EnvoiciunabrégéLe pouvoir législatif  réside dans l'Empereur et les deux

Chambres. 1

La Chambre des Pairs est héréditaire; l'Empereur les

nomme; leur nombre est illimité.

La seconde Chambre est élue par le peuple, et consiste

en six cent vingt-neuf  membres qui ne doivent pas être

au-dessous de vingt-cinq ans. Le président est désigné

par les membres mais approuvé par l'Empereur.

Les membres sont payés sur le pied établi par t'As-

semblée Constituante.

Elle doit être renouvelée tous les cinq ans.

L'Empereur peut proroger, ajourner, ou dissoudre la

Chambre des Représentans.Les séances sont publiques.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.5oo

renversant Louis XVIII du trône. D'autres

graves objections ne furent pas épargnées à ce

plan de gouvernement.Et

d'abord,la

première qui fut faitecontre ce

don impérial, était la même que celle qui avaitété portée avec tant de force contre la Charte

royale, savoir, quece n'était pas un pacte entrele peuple et le souverain, par lequel le premierappelait celui-ci au trône sous certaines, condi-

tions, mais une reconnaissance par le souveraindes libertés du

peuple. L'assemblée du Champ-de-Mai à la vérité avait été convoquée (commel'exprimaient les décrets de Lyon ) principale-

Lescollègesé!ectorauxmaintenus.Les taxes territoriales et directes ne doivent être votées

que pour un an; les indirectes peuvent l'être pour plu-sieurs années.

Aucune levée d'hommes, ni échange de territoire, que

par une loi.

Les taxes doivent être proposées par la Chambre des

Représentans.Les  juges inamovibles.

Le  jury établi.

Droit de pétition, liberté des cultes, inviolabilité de la

propriété.

Le dernier article porte 'que !e peuple français déclare

qu'il n'entend point déléguer le pouvoir de rétablir les

Bourbons, ou quelque prince que ce soit de cette famille,même dans !e cas de l'exclusion de la dynastie impériale.

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CHAPITRE XV. 501

ment afin de présenter et discuter la nouvelle

constitution; tandis que, suivant le système ac-

tuel, on avait seulementle choix d'adopter ou de

rejeter ce que Napoléon avait fait. Le désap-pointement fut grand parmi ces philosophesqui désiraient du pain meilleur que celui deiroment et ne pouvaient jouir de la liberté

elle-même, si elle n'émanait directement de lavolonté du peuple, et sanctionnée par une dis-cussion populaire.. Mais Napoléon avait résolu

que l'assemblée du 10 mai n'aurait d'autrepart à la constitution, que de l'accepter quandil l'oSrirait. Il ne voulait pas livrer à une telleassemblée la révision des lois par lesquelles il

prétendait gouverner.Secondement, cette constitution, quoique

reposant sur une base entièrement nouvelle de

gouvernement, était publiée sous le singuliertitre d'acte additionnel aux constitutions de

l'empire, et par là formait une sorte d'appen-dice à une énorme masse de lois organiquesnon révoquées, et la plupart incompatibles avecla teneur et l'esprit de l'acte additionnel.

Ceux qui avaient  joui de la confiance de

l'Empereur dans la rédaction de cet acte,cherchaient à se persuader que Napoléon était

Citation de poésie. (Édit. )

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5oa VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.Il

de bonne foi avec la France pourtant ils con-fessaient qu'ils avaient trouvé difficile d'éclairerses idées au sujet d'une monarchie limitée. Ils

sentaient que, bien que l'Empereur pût êtreconduit à partager son autorité, toutefois ce

qui lui en restait serait exercé aussi arbitrai-rement que jamais, et sans doute il ne regarde-rait jamais ses ministres que comme les exécu-teurs de son bon plaisir, et comme responsablesenvers lui seul. Il continuerait toujours d'avoir

toute sa chancellerie à son étrier, et à traris-mettre, pour les exécuter, des ordres scellés à

un ministre qu'il n'aurait pas consulté sur leurcontenu. 1

Les Royalistes triomphèrent à la publicationde cet acte additionnel Était-ce pour cela,

disaient-ils que vous avez violé vos sermens

et banni votre Monarque, pour que les mêmesou presque les mêmes lois dont vous jouissiezz

auparavant par la Charte, de la même sorte

que vos ancêtres nommés Francs par excel-lence tenaient leurs droits de leurs souverains

limités, vous fussent imposées par un ukaserusse ou un firman turc? Est-ce. pour cela

que vous avez échangé un prince pacifique

LettresdeParis écritespendantle dernierrègnedeNapoléon,vol.I, page)<)'

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CHAPITREXV. 5o3dont la faiblesse même était votre sécurité,pour un ambitieux guerrier dont la force estvotre faiblesse ? Est-ce pour cela que vous êtes

une seconde fois en guerre contre toute l'Eu-rope ? Il ne vous reste donc que l'acte addition-nel et le Champ-de-Mai

Les plus opiniâtres des Républicains, outreleurs objections particulières contre une cham-bre haute que l'Empereur pouvait remplir deses créatures assez efficacement pour contrôler

les représentans du peuple, ne trouvaient dansla constitution proposée rien de ce qui auraitpu leur plaire. Il n'y avait aucune reconnais-sance de principes abstraits aucune disserta-tion concernant les droits des gouvernans etdes gouvernés, aucune discussion métaphy-sique sur l'origine des lois et ils étaient aussi

mortmés et désappointés que le dévot qui en-tend un discours de morale pratique, quand ilattendait un sermon sur la doctrine. Le malheu-reux acte additionnel devint un sujet d'attaqueset de railleries sur tous les points. On lui attri-buait un si faible principe de durée, qu'un li-braire à qui un habitué en demandait un exem-

plaire, répondit qu'il ne tenait pas les~Mc~-<ïO/MJ~M'C~Mg.s.

Cependant, il fut soumis avec le succè; accoutume aux

corps étectoraux, dont la complaisance naturelle ne re-

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5o4 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.T mLe Champ-de-Mai s'ouvrit sous ces auspices,

et le i~juin, pour que l'inconvenance fut com-plète. Des députés de tous les départemens s'y

rendirent non, comme il avait été dit d'abord,pour examiner la nouvelle constitution, maispour jurer de l'observer; non pour recevoirl'impératrice Marie-Louise et son fils commele gage d'une paix de vingt années, mais pourvoir distribuer aux soldats les aigles fatales,signal d'une guerre imminente et meurtrière.

Napoléon et ses frères, qu'il avait encore unefois réunis autour de lui, figuraient au Champ-de-Mai en costumes brillans; lui comme Em-

pereur, eux comme princes du sang; autresujet de mécontentement pour les Républi-cains. On fit le rapport des votes; les électeurs

 jurèrent l'acte additionnel, les. tambours bat-

tirent, les fanfares sonnèrent, le canon tonna,mais les acclamations furent peu nombreuseset forcées. L'Empereur semblait voir tout celacomme une vaine parade, jusqu'au momentoù il distribua les aigles aux divers régimensnouvellement formés; alors, au milieu des em-blèmes du passé, et, comme il pouvait l'espé-

fusa jamaisuneconstitutionrecommandéepar le gouver-nementexistant.Le nombrede ceuxqui donnèrentleurvote fut de plusd'un million c'étaità peinela dixièmepartiecependantdeceuxquiauraientdûvoter.

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CHAPITREXV. 505

rer, des augures de nouvelles victoires, il futencore lui-même. Mais en somme le Champ-de-Mai fut, dans le langage de Paris, M~j~ce<077!

unefarce sifflée,à

laquelle devaitsuc-

céder une sanglante tragédie.La réunion des Chambres fut la première

chose dont on s'occupa. La Chambre des Pairsne présentait pas, comme rassemblée analogueen Angleterre, des membres dont l'ancienne

noblesse, la vaste fortune, l'indépendance d'opi-nions et

l'éducation répondissent à leur rangde législateurs héréditaires. Elle se composaitdes princes du sang impérial, auxquels se joi-gnit Lucien, long-temps étranger aux conseilsde son frère, mais qui, maintenant, cédant àl'affection fraternelle, ou lassé des loisirs litté-

raires, après avoir présenté son poëme épique

à un public ingrat, se consacrait à la défensedu chef de sa famille, comme il l'avait déjàsecondé par son courage et sa présence d'es-

prit pendant la révolution de brumaire. Il yavait environ cent autres dignitaires, dont plusde la moitié étaient militaires, et deux out~trois vieux Jacobins, tels que Sieyès et Car-

not, qui avaient accepté des titres, des déco-rations et un rang, en contradiction avec touteleur vie. Les autres étaient des créatures du

premier règne de Buonaparte, avec quelques

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5o6 VIE DE NAPOLEON BBONAPARTE.

hommes de lettres dévoués à sa cause, et ré-cemment anoblis. Ce corps, qui ne pouvaitavoir d'autre volonté .que celle de l'Empereur,

était regardé par les Républicains et les Consti-tutionnels avec  jalousie, et par les citoyensavec mépris. Buonaparte lui-même s'exprimaà son sujet d'une manière qui approchait de cedernier, sentiment. A peine avait-il formé lesinstrumens de son pouvoir; qu'il semblait con-vaincu de leur imperfection et de leur peu d'in-

fluence sur l'esprit public.C'était tout autre chose dans la seconde

Chambre, où se trouvaient les anciens hommesde la révolution, avec leurs nouveaux asso-ciés qui espéraient que Buonaparte joueraitle rôle d'un souverain patriote, et par ses talensmilitaires sauverait la France

pourelle-même,

et non pour lui. La seconde classe comprenaitbeaucoup d'hommes non seulement de talent,mais pleins de vertus et de patriotisme, et un

grand.nombre encore de ceux qui soupiraientvainement pour un système de liberté républi-caine, que tant d'années d'une sanglante et in-fructueuse

expérienceauraient dû faire aban-

Lesfaiseursdecalembourgs,à Paris,désignaientLa-bédoyère,Drouot, Neyet Lattemandcommeles quatre

pairs ~M (perfides),Vandammeet les autres étaient /e~a/rj~~?cj..

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CHAPITRE XV. 607

donner aux. plus enthousiastes, comme incoin-

patible avec la situation du pays et le génie de

la nation française.

Les querelles de la Chambre des Représen-tans avec le gouvernement exécutif  commen-cèrent le 4 juin, jour de l'ouverture, et ce fut,comme leurs prédécesseurs, sur des points-devaine étiquette. Ils choisirént Lanjuinais pour

président; ce choix d'un ancien défenseur de

Louis XVI, intrépide antagoniste du pouvoir

de Robespierre, et surtout de l'homme d'État quiavait tracé la liste des crimes sur lesquels avait

été déclarée la forfaiture de Napoléon en i<8i~,ne pouvait être agréable à l'Empereur. Napo-

léon, qui devait confirmer l'élection, renvoya

le comitéau chambellan, qui, dit-il, rendrait sa

réponse le lendemain, par le page de service.

La Chambre prit feu, et Napoléon fut obligéde donner immédiatement, quoique à contre-

cœur, son approbation à ce choix. Un autre

indice remarquable des dispositions de la Cham-

bre fut la soudaine sortie d'un député nommé

Sibuet, contre l'emploi des épithètes de duc,

comte, et autres titres honorifiques, à la Cham-

bre des Représentans. Comme on s'aperçutqu'il lisait ses diatribes, ce qui était contraire

au réglement, on imposa silence à Sibuet, en lé

rappelant à l'ordre; mais le jour suivant, ou

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5o8 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

bientôt après, ayant appris son discours parcœur, la Chambrefut dans lanécessité de l'écou-

ter, et il put achever sa motion sans difficulté.

Le même jour, on demanda à Carnot, en qua-lité de ministre, la liste des pairs désignés, ce

qu'il refusa, jusqu'à ce que la session fut com-mencée. Cet incident occasionna encore beau-

coup de tumulte et de violence, que le prési-dent put à peine apaiser, par le continuel ca-rillon de sa sonnette. Le serment que devaient.

faire les députés fut mis plusieurs fois au scru-tin, et les Impérialistes obtinrent avec peinequ'il serait fait au nom de l'Empereur et de la

constitution, sans mentionner la nation.La seconde séance, le 7 juin, fut aussi tu-

multueuse que la première. Félix Lepelletierfit la motion que la Chambre décernât à Napo-

léon le titre de sauveur de la patrie. On s'endéfendit en s'appuyant sur. la juste raison quela patrie n'était pas encore sauvée, et la Cham-bre passa à l'ordre du jour par acclamation.

Malgré tous ces symptômes de l'esprit tou-

 jours vivant de jacobinisme, ou du moins d'op-position à la domination impériale, la situation

de Napoléon l'obligeait, pour le moment, às'adresser à ces esprits indociles, avec la con-fiance que. les nécromanciens, dit-on, trou-vaient nécessaire d'employer envers les dange-

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CHAPITRE XV. 509

reux ennemis qu'ils ont évoqués. Son adresse

aux deux Chambres fut sensée, ferme et con-

venable à sa situation. Il abjura, en leur pré-

sence, toutes ses prétentions au pouvoir ab-solu, et se déclara ami de la liberté. Il demandale secours de la Chambre en matières de fi-

nances, témoigna le désir de quelques régle-mens pour réprimer la licence de la presse etréclama des Représentans l'exemple de la con-

fiance, de l'énergie et du patriotisme, pour re-

pousser les périls auxquels la patrie était ex-posée. Les Pairs répondirent convenablement.Il n'en fut pas ainsi de la seconde Chambre,car malgré les derniers efforts des Impérialistes,la réponse au discours du trône portait uneforte empreinte des sentimens du parti opposé.La Chambre promit, à la vérité, son secours

unanime pour repousser l'étranger, mais elleannonçait l'intention d'examiner la constitutionreconnue par l'acte additionnel, et d'en signalerles défauts et les imperfections, ainsi que lescorrections nécessaires. Elle ajoutait aussi quel-ques traits mesurés contre l'ambition de Napo-léon. « La nation, disait-elle, ne nourrit aucun-

désir d'agrandissement. La volonté même d'unprince victorieux ne la conduirait point au-delà des bornes de sa défense. )) Napoléon,dans sa réplique, ne laissa point échapper ces

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510 VIE DE NAFOLËON-BUONAPARTE.

insinuations. Il s'efforça d'inviter cette assem-blée réfractaire à respecter sa constitution,qu'il nomma (( l'étoilepolaire dans la tempête)),

et il observa judicieusement « qu'il n'y avaitpas lieu de prévoir les séductions de la gloirequand ils en étaient à combattre pour l'exis-tence. Il convint que la crise était imminente,et il avertit la Chambre de ne pas imiter le

peuple romain des derniers temps de l'empire,qui se livrait avec fureur à des discussions abs-

traites quand les beliers de l'ennemi communbattaient les portes de la capitale. ))

Ainsi se séparèrent Buonaparte et ses cham-bres législatives; lui, pour tenter sa fortunesur le champ de bataille elles, pour changeret modifier ses lois, avec l'intention de leur

prêter un air plus populaire, et de substituer

la dictature des Jacobins à la dictature de l'Em-pereur. On comprit que les Impérialistes et les

Républicains n'attendaient qu'un champ de ba-

taille gagné pour s'en disputer les dépouilles;et la nation était si peu disposée à sympathiseravec ces turbulens démagogues qui s'obsti-

naient dans leur opposition à l'Empereur, qu'on

prédisait indifféremment leur expulsion pro-bable, soit par l'épée de Buonaparte, soit parle retour des Bourbons.

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CHAPITRE XVI. 5n

CHAPITRE XVI.

Préparatifs de guerre. Positions des troupes alliées elless'élèvent à un million; celles de Buonaparte, pas au-

delà de 200,000 hommes.-Il n'ose renouveler la conscrip-tion. Garde nationale. Sa répugnance à servir.

Plusieurs provinces mal disposées pour la cause.de Napo-léon. Un rapport deFouché fait connaître la désaffec-

tion générale. Insurrection dans la Vendée, réprimée.Ressources militaires de la France. -Plan de campagne

deNapoléon.

Paris mis en état de défense. Les villes

et les passages des frontières aussi fortifiés. Généraux

qui acceptent le commandement sous Napoléon. Il an-

nonce son projet de se mesurer )ui-mén avec Wellington.

Nous allons considérer maintenant les pré-

paratifs pour Finvasion de la France sur toute

la frontière orientale, les moyens de résistance

que les talens de l'Empereur opposaient à sesnombreux ennemis, et la situation intérieure e

du pays lui-même.

Tandis que les événemens que nous venonsde rapporter se passaient en France, les Alliésfaisaient les plus gigantesques préparatifs pourle renouvellement de la guerre. Le chancelier

de Féchiquier d'Angleterre avait fait un prêtde trente-six millions sterling à des termes

généralement modérés, et ce trésor avait très

activement servi la coalition.

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012 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

Le Congrès avait été transféré de Vienne à

Francfort, pour être plus près du théâtre dela guerre. Les empereurs de Russie et d'Au-

triche,ainsi

quele roi de

Prusse,s'étaient

encore une fois mis à la tête de leurs armées

respectives. Toute la frontière orientale étaitmenacée par de~ forces immenses cent cin-

quante mille Autrichiens, débarrassés de Mu-

rat, pouvaient entrer en France par la Suisse,les cantons ayant accédé à la coalition. Une ar-

mée pareille menaçait le Haut-Rhin, Schwart-zenberg commandait les Autrichiens en chef,ayant sous lui Bellegarde, Frimont, Bianchiet Vincent. Deux cent mille Russes avançaientversles frontières de l'Alsace. Le grand-ducCon-stantin fut nommé généralissime Barclay de

Tolly, Sacken, Langeron, etc., eurent des com-

mandemens particuliers. Cent cinquante millePrussiens, sous Blücher, occupaient la Flandre,et furent réunis à quatre-vingt mille hommesde troupes anglaises, ou à la solde de l'Angle-terre, sous le duc de Wellington. Là se trou-vaient aussi les contingens des différens princesde l'Allemagne; en sorte que les forces alliées

furent estimées à plus d'un million d'hommes.Le lecteur ne doit cependant pas supposer queces forces immenses étaient ou pouvaient être

réunies; elles étaient nécessairement disposées

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CHAPITRE XVI. 5l 3

sur diverses lignes, suivant les moyens de sub-

sistance, et successivement amenées pour sesoutenir l'une l'autre.

Pour faire iace àces préparatifs immenses,Napoléon, avec son talent et sa célérité or-

dinaire, avait encore trouvé d'étonnantes res-sources. L'armée régulière réduite par les

Bourbons, avait été, par le rappel des pm-ciers retirés et des soldats licenciés, augmentéed'un peu plus de cent mille hommes, pour

doubler le nombre des troupes exercées maisc'était encore peu dans la balance. La con-

scription était si intimement liée aux guerresde conquêtes et de désastres de Napoléoaqu'il n'osa pas proposer, et la Chambre des

Représentans n'aurait point consenti à recourirà cet ancien et odieux mode de recrutement,

par lequel pourtant Buonaparte comptait qu'ilpourrait trouver encore, dans le mois de juin,trois cent mille hommes. Cependant on pro-posa de mobiliser, pour un service actif, deuxcents bataillons choisis de la garde nationale,ce qui eût formé une force de cent douze millehommes. Il fut aussi proposé de lever dans les

départeméns autant de, fédérés qu'on pour-rait, c'est-à-dire, des volontaires des classesintérieures. La levée de la garde nationale fut

ordonnéepar un décretimpérial du 5avril i8i5,VtEOENArBuoN.Tome8. 33

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5i~ VIE DE NAPOLÉON BUONATARTE.

et des commissaires, principalement de la fac-tion jacobine, furent envoyés dans les différens

départemens, Buonaparte étant bienaise tout àla fois de les

employeret d'en délivrer Paris.

Leurs efforts toutefois ne réussirent pas a exciterle zèle du pays car, ou ces hommes survivaientàleur propre énergie, oula nation avait été troplong-temps accoutumée à leur éloquence pouren être encore émue. La liberté et la fraternitén'étaient plus des mots de ralliement, et l'appel

aux armes par des décrets aussi péremptoires,que ceux de la conscription, quoique sous unautre nom, répandaient généralement un espritde dégoût dans la plupart des départemens dunord de la France,où, comme en Bretagne,la dés-affection des habitans se montrait par une opi-niâtreté boudeuse plutôt que par une résistance

active aux décrets de Napoléon. La garde na-tionale refusa de marcher, et, quand elle y était

forcée, elle saisissait toutes les occasions dedéserter et de retourner chez elle si bien qu'ilarrivait souvent qu'un bataillon de six centshommes diminuait d'un tiers avant d'avoir faitdeux lieues.

Dans les départemens du Gard, de la Marneet de la Loire-Inférieure le drapeau blanc fut

< déployé, et l'arbre de la liberté, qui avait été

replanté en beaucoup d'endroits après la régé-

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CHAPITRE xvi. 5155

nération politique de Buonaparte, fut arraché

l'esprit public, dans la plupart des provinces,se montra hautement défavorable à Napoléon.

Unrapport

de Fouché retraçait vivementcette désaffection générale. Napoléon considéra

toujours ce mémoire comme publié dans la vuede lui nuire; et connue ce versatile hommed'État était déjà en correspondance secrète avecles Alliés, il est probable en effet qu'il le fit àdessein d'encourager les Royalistes et de dé-

courager les partisans de Napoléon. Cet archi-intrigant a qui, suivant une expression, de

Junius, la trahison elle-même ne pouvait passe ner, fut au moment d'être pris dans ses

propres filets et quoiqu'il usât d'une adresse

innnie~ Napoléon l'aurait jeté dans un cachotou tait fusiller sans Carnot, qui lui dit que son

règne ne durerait pas une heure après.Ainsi Buonaparte était .déjà presque réduit

~c~-t/?~~Me/ ( ~<<. )Les particularités de cette intrigue montrent avec

quelle audace et à quels risques le ministre' Fouché na-

geait ou plongeait dans les eaux troubles de la politique

qui étaient son élément. Un agent du prince Metternich

avait été dépêché à Paris, pour entrer en communicationavec Fouché de la part du gouvernement autrichien. Cette

personne fut soupçonnée, dénoncée à Buonaparte, et ar-

rêtée par sa police intérieure, laquelle, car on ne peut

prendre trop de précaution dans un État bien àdministré,

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5l 6 TIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

à l'emploi de généralissime, et il ne manquait

pas de personnes qui osaient le supplier de gué-

surveillait et espionnait la police générale sous Fonchë.

L'agent fut amené devant Buonaparte, qui le menaça dele faire mettre à mort sur-le-champ, s'il ne lui disait toute

la vérité; cet homme confessa alors que Metternich l'avait

adressé à Fouché, pour lui dire d'envoyer à Bâle un agent

sûr, qui s'aboucherait avec une personne de confiance du

ministre autrichien, que l'envoyé de Fouché devait re-

connaître à un signe particulier, qu'il indiqua aussi. a Avez-

vous rempli votre commission en ce qui concerne Fouché ?

ditJ'Empereur. Je l'ai faite, répondit l'agent autrichien.Et a-t-il dépêché quelqu'un à Bâte. C'est ce que

 je ne puis dire. ') L'agent fut mis au secret. Le baron

Fleury de Chaboulon qui était présent, fut aussitôt dé-

péché à Baie, pour représenter l'agent que Fouché devait y

envoyer, et voir  jusqu'où pouvait aller cette intrigueentre les ministres français et autrichien. Fouehé décou-

vrit bientôt que l'agent de Metternich était en prison il

conjectura'son sort, et fit demander une audience à l'Em-

pereur. Après avoir parlé d'autres choses, il sembla se

rappeler, et demanda pardon avec une indifférence af-

fectée, de n'avoir pas d'abord mentionné une affaire de

quelque conséquence qu'il avait pourtant oubtiée au

milieu de tant d'autres. « Un agent lui était venu du.gou-vernement autrichien, pour qu'il envoyât quelqu'un de

confiance à Bâle, à un correspondant de Metternich, et

il venait maintenant demander s'il plairait à Sa Majesté

qu'il profitât de cette ouverture, pour apprendre les se-

crets desseins de l'ennemi. o Napoléon ne fut pas trompé

par cette ruse; il y avait plusieurs glaces dans 'l'apparte-

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CHAFirim xvi. Riy

rir les blessures de la patrie, par une seconde

abdication en faveur de son nls mesure que

ment, par lesquellesil

pouvait apercevoir,et

jouir

de

l'embarras mal caché de son perfide ministre. « Monsieur

Fouché, dit-il, il pourrait être dangereux de me traiter

comme un sot; j'ai votre agent sous ma garde, et  j'ai pé-

nétré toute votre intrigue; avez-vous envoyé quelqu'un à

Bâle? Non, Sire. C'est heureux pour vous; si vous

l'aviez fait, vous étiez mort. Fleury ne put rien tirer

d'important de Werner, l'homme de confiance de Metter-

nich, qu'il trouva à Bâle. L'Autrichiensemblait attendre

des communications de Fouché, sans être disposé à lui en

faire. Fleury toucha le projet d'assassiner. Buonaparte

que Werner rejeta avec horreur, comme bien loin de la

pensée de Metternich et des Alliés. Ils convinrent d'une

seconde entrevue, mais, dans l'intervall e, Fouché fit

avertir l'Autrichien et le baron Fleury, son second

voyage à Ba!e, ne trouva plus M. Werner.

Buonaparte fait presque le même récit de cette intrigue,dans ses conversations de Sainte-Hélène, que Fouché

dans ses Mémoires; mais Napoléon ne fait pas mention de

l'intervention de Carnot pour le sauver. « Vous pouvez

faire fusiller Fouché aujourd'hui, dit le vieux Jacobin,

mais demain vous cesserez de régner. Le peuple de la ré-

voltition ne vous permet de garder le trône qu'à condi-

tion que vous respecterez ses libertés; il compte Fouehé

pour une de ses plus sûres garanties; s'il est coupable,il doit être légalement jugé. Buonaparte n'acquérant

donc aucune preuve contre Fouché, par la mission de

Fleury, fut obligé de fermer les yeux sur ce qu'il ne

voyait que trop bien.

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5l 8 VIE DE NAPOLÉON BUO~) APARTE.

lé parti populaire croyait pouvoir détourner le

danger pressant d'une invasion.Sur ces entrefaites, dans le courant de niai,

uneinsurrection éclata dans la Vendée, sousd'Autichamp, Suzannet, Sapineau, et surtout

le brave Larochejaquelein. La guerre ne futni longue ni sanglante, car une farce irrésis-tible fut dirigée contre les insurgés, sous les

généraux Lamarque et Travot. Le peuple étaitmal préparé pour la résistance, et le gouverne-

ment le menaçait de la dernière sévérité. Lesinstructions militaires de Carnot se ressentirentde son ancienne éducation à l'école de la ter-reur. Toutefois la Chambre des Représentansne sanctionna pas, sous tous les rapports, les

rigueurs du gouvernement. Quand un membrenommé Leguevel fit une motion pour punir

les Royalistes de l'Ouest, l'Assemblée l'entenditavec patience et approbation proposer que lesbois et les terres des révoltés ( qu'il qualifiaitde brigands, prêtres et Royalistes ) fussent con-

fisqués mais quand il ajouta que non seule-ment les insurgés, mais leurs parens en lignedirecte seraient déclarés hors la loi, un cri gé-

néral d'horreur chassa l'orateur de la tribune.Après une bataille près de la Roche-Servière,

qui coûta la vie au brave Larochejaquelein,le reste des chefs signa une capitulation par

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CHAPITREXVI. 5lQlaquelle ils renvoyaient leurs soldats et met-taient bas les armes, lorsqu'on tenant quelques

 jours de plus ils eussent appris la bataille de

Waterloo. Délivré de la guerre civile, Napo-léon ne songea plus qu'à se préparer à celle de

l'étranger.Les moyens employés par le gouvernement

français, et dont nous avons déjà parlé, avaientmis Carnot en état de présenter les forces na-tionales sous un point de vue imposant. Par son

rapport aux deux Chambres, il établissait quele i" avril 181~, l'année était de quatre centcinquante mille hommes, qui avait été réduite,

par les Bourbons, à cent soixante-quinze mille.

Depuis le retour de Napoléon, le nombre s'étaitaccru jusqu'à trois cent soixante-quinze millecombattans de toute arme; et l'on s'attendait

qu'avant le i" août, il monterait à cinq centmille hommes. Lagarde impériale, citée commele plus bel ornement dela patrie pendant la paix,et son meilleur rempart pendant la guerre étaitde quarante mille hommes.

Des efforts étonnans avaient réparé, disait le

rapport, les pertes de l'artillerie pendant les

trois désastreuses années de i8t a, 1813, 1814.Vivres, munitions, armes de toute espèce',étaient en abondance. La cavalerie avait étéremontée d'une manière surprenante ennn,,

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5ao VIE DE NATOtJÈON BUONATARTE.

on avait pour corps de réserve toute la gardenationale sédentaire, ainsi nommée, parcequ'elle n'était pas comprise dans les bataillons

mobilisés; mais la masse était ou incapable deservir, ou ne voulait pas servir, et l'on ne'pou-vait y compter que pour assurer la tranquillitépublique; des corps de fédérés avaient été or-

ganisés dans tous les départemens où l'on avait

pu les appeler aux armes.Parmi toutes ces forces, Napoléon choisit

une grande armée pour agir sous ses ordresimmédiats le plus grand soin fut apporté auchoix des hommes, à leur équipement et aumatériel. Le nombre total pouvait monter àcent cinquante mille hommes; corps de trou-

pes le plus considérable peut-être qu'on puissefaire agir sur un plan uniforme d'opérations, ou

soumettre à un généralissime. Une. déductionconsidérable toutefois est nécessaire pour ar-river au calcul exact de sa force elreclive.

D'après ces préparatifs, on ne douta pointque Napoléon ouvrirait. la campagne par l'of-fensive. Il ne convenait ni à son caractèreni à la circonstance d'attendre que l'ennemii

eût réuni toutes ses forces sur les Irontières,il valait mieux, dans l'intérêt de son sys-tème et de ses dispositions, tomber sur quel-ques corps séparés de l'armée des Alliés,

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CHAPITREXVI. 5ai

les surprendre, suivant sa propre expression,en flagrant délit, et par leur dispersion ouleur anéantissement, ranimer le courage de la

France, l'engagerà combattre de nouveau

pourlui, intimider les puissances confédérées, et

gagner du temps, pour jeter parmi elles des

semences de divisions. Les Royalistes eux-

mêmes, dont les intérêts étaient si intimement

liés à la défaite de Buonaparte, étaient épou-vantés à la vue de ces immenses préparatifs,

et prévoyaient tristement des victoires, commepremier résultat, quoiqu'ils espérassent cepen-dant que Napoléon serait enfin comme en

181~, renversé parla supériorité du nombre,et par des efforts réitérés.

Mais, quoiqu'on s'accordât universellementsur le mode de tactique adopté par Napoléon,

il y eut une différence d'opinion sur le pointoù se dirigeraient les premières attaques; et on

pensa généralement que, se fiant sur la forcede Lille, Valcncicnnes et des autres places for-tifiées sur les frontières de la Flandre, sa pre-mière attaque réelle, quelle que diversion qu'ilpût faire ailleurs, se porterait sur Manheim,

dans la vue de diviser les armées russe etautrichienne au moment de leur formation,ou de les attaquer séparément pour prévenirleur communication sur la ligne. S'il réussissait

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522 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

ainsi à écraser l'armée avancée des Autrichienset des Russes, en dirigeant toutes ses forcessur ce point avant que les ennemis fussent bien

préparés, on supposait qu'il aurait pu renver-ser le plan des Alliés pour cette campagne..Mais le désir de Napoléon était d'en venir à

une affaire décisive avec les chefs les plus en-

treprenans de armées ennemies; il connaissaitBlücher et la réputation de Wellington ilrésolut donc de marcher contre ces généraux,

tandis qu'il opposait des murs et des placesfortifiées aux mouvemens plus mesurés et plusprudens du général autrichien Schwartzenberg,tout en espérant que la distance rendrait le pro-grès des Russes sans effet.

Suivant son système général, Paris, sous ladirection du, général Haxo, fut mis, du côté

du nord, dans un état de défense complète parune double ligne de fortifications, tellement.'que,si la première ligne était forcée, les défenseurspourraient se retirer dans la seconde, au lieud'être obligés, comme l'année précédente, dequitter les hauteurs et de retomber sur la ville.Montmartre fut bien fortifié la

partieméri-

dionale de Paris, sur la rive opposée de laSeine fut seulement couverte par quelquestravaux, que le temps et la terreur ne permi-rent pas de pousser plus loin. Mais on considé-

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CHAPITRE XYI. 5a3

rait la Seine comme une barrière, ainsi qu'onFavait éprouvé en 181~.

De semblables précautions furent observées

sur les frontières; on construisit des retranche-mens dans les cinq passages principaux des

Vosges, et tous les défilés naturels et les forts

de la Lorraine furent mis dans le meilleur état

possible de défense.' On fortifia avec lé plus

grand soin les places de la ligne intérieure. La

belle position militaire sous les murs de Lyon

fut améliorée avec beaucoup de dépenses et detravaux une tête de pont fut élevée aux Brot-

teaux un pont-levis et -une barricade proté-

gèrent le faubourg de la Guillotière onéleva

des redoutes entre la Saône et le Rhône, et sur

les hauteurs de Pierre-Encise et du quartierSaint-Jean. Guise, Yitry, Soissons, Château-

Thierry, Langres et toutes les villes capablesde quelque défense, furent fortifiées, autant

que possible, avec des postes, des palissades,des redoutes et des ouvrages de campagne.L'armée russe, malgré sa marche forcée, n é-

tait pas encore arrivée sur la ligne des opéra-tions, et Napoléon espérait sàns doute que ces

places arrêteraient les progrès des Autrichiens,puisque la tactique bien connue de leurs géné-raux consiste à ne point laisser en arrière des

forteresses ou des villes possédées par l'ennemi,

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5a~ VIE DE NAJPOJLÉON BUONAFARTE.

quel que soit leur peu d'importance ou la fai-blesse de leur garnison, ou quand bien mêmeils seraient assez nombreux pour les masquer

complètement.Avant de commencer ses opérations, Napo-léon appela auprès de lui les meilleurs de ses

généraux. Soult, ministre de la guerre sousLouis XYIII fut nommé major-général. « Il

obéit, dit-il, non point comme ennemi du Roi,mais comme un citoyen et un soldat dont le

devoir était d'obéir au chef  du gouvernementquel qu'il fût. » C'était ainsi que le vicaire de

Bray se soumettait en esprit à chaque chef de l'Eglise~o tempore. Ney reçut l'ordre dese rendre à l'armée de Lille « s'il désirait ))suivant l'expression de l'ordre même « êtretémom de la première bataille. )) On sollicita

instamment Macdonald d'accepter un comman-dement, mais il refusa avec dédain. Davoust,ministre de la guerre, entreprit de détruire ses

scrupules, et lui parla de ce qu'exigeait sonhonneur. ((Ce n'est pas de vous)), répondit le

maréchal, « que je dois apprendre les senti-mens de l'honneur D et il persista dans son

refus. D'Erlon, Reille, Yandamme, Gérard etMouton-Duvernet agirent comme lieutenans-

DutempsdeCromwell,( Édit.)

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CHAPITRE XVI. 5255

généraux. La cavalerie'fut placée sous le com-

mandement de Grouchy ( que Napoléon avait

créé maréchal); Pajol, Excelmans, Mil-

haud et Kellermann furent sesseconds dans

le commandement. Flahault, Dejean, Labé-

doyère et d'autres officiers de distinction agi-rent comme aides-de-camp de l'Empereur.L'artillerie se composait de trois cents pièces;la cavalerie approchait de vingt cinq mille

hommes; la garde avait été portée au même

nombre, et il est assez probable que l'arméeentière s'élevait à la force effective de centtrente mille soldats, dans l'état le plus completd'armes et d'équipement. Ces soldats mar-

chaient à une guerre qu'ils avaient fait naître

eux-mêmes, sous un empereur qu'ils avaient

proclamé, et tous'portaient. dans leur cœur là

résolution de mourir ou de vaincre.-.Pour protéger le reste de la frontière, pen-

dant la campagne de Napoléon en Flandre,Suchet fut investi du commandement sur les

frontières de la Suisse, avec des instructions

pour attaquer Montmélian, aussitôt que pos-sible, après le i4 juin, jour Bxépar Buonaparte

.pour le commencement des hostilités. Massénareçut l'ordre de se rendre à Metz pour prendrele gouvernement de.cette importante forteresse,et le commandement des troisième et quatrième

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5 2 6 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

divisions. Tous les préparatifs ainsi faits, Na-

poléon annonça enfin ce qui avait long-temps

occupé ses pensées secrètes. «.Je vais)), dit-il

en sejetant

dans sa voiturepour rejoindre

son

armée)), je vais me mesurer avec Wellington. »

Mais, quoique les expressions de Napoléon

exprimassent la confiance et le défi, ses senti-

mens intérieurs étaient d'une nature différente.

« Je ne sentais pas» disait-il plus tard dans son

exil, « cette pleine confiance dans un succès

final qui accompagnait mes premières entre-prises, soit parce que j'étais arrivé à cet âge de

la vie où les hommes n'ont plus de droit aux

faveurs de la fortune, soit que l'impulsion de

ma course semblât arrêtée à mes propres yeuxet à ma propre imagination, il est certain que

 je sentais un abattement d'esprit. La Fortune,

qui avait coutume de suivre mes pas pour mecombler de ses dons, était devenue une divi-

nité sévère, mécontente, dont je ne pouvaisarracher que peu de faveurs, pour lesquelleselle exigeait une rétribution rigoureuse; je n'a-

vais pas plus tôt remporté un avantage qu'ilétait suivi d'un revers. » Ce fut avec de tels

pressentimens, fondés sur les circonstances dumoment, et qui ne furent point démentis par

l'événement, que Napoléon commença sa courte

et dernière campagne.

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CHANTRE XVIÎ. 5a7

CHAPITRE XVII.

L'armée de Wellington couvre Bruxelles; -celle de Blücherconcentrée sur la Sambre et la Meuse. Napoléon passe en

revue sa Grande-Armée le i/i.juin.–H avance sur Charle-

roi. Son plan pour séparer les armées 'des deux géné-raux est sans succès. Entrevue de Wellington et de Blü-

cher Brie. L'armée anglaise concentrée à Quatre-Bras.Plan d'attaque de Napoléon. Bataille de Ligny et

défaite de Blücher le 16 juin. -Affaire de Quatre-Bras le

même  jour. Les Anglais restent en possession du champde bataille. Blücher évite la poursuite des Français.

Napoléon rejoint Ney. –Retraite des Anglais sur Water-

loo, oü le duc de Wellington se décide à faire unehalte.

Description de ce lieu célèbre.

LA triple ligne de forteresses imposantes pos-;sédées par les Français sur les frontières de la

Belgique.était pour Napoléon comme un ri-deau, derrière lequel il pouvait faire stationnerses levées et réunir ses forces à volonté sans

que les Alliés ou leurs généraux eussent aucune

possibilité d'observer ses mouvemens ou de se

préparer, à l'attaque que de tels mouvemens in-

diquaient. De l'autre côté, la frontière de la

Belgique était ouvérte à ses observations, et ilconnaissait parfaitement la disposition généraledes forces alliées.

Si les. Français avaient été prêts pour leur

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VIE DE NAPOLÉON BUON APARTE.528

attaque méditée sur la Flandre, au mois de

mai, ils n'auraient trouvé aucune armée formi-dable pour s'opposer à eux. A cette époque les

troupes du général prussienKleist et du

princehéréditaire d'Orange, n'excédaient pas en tout

cinquante mille hommes. Mais le retour de Na-

poléon, qui ramenait de nouveau la 'guerreétait un événement aussi inattendu en France

que dans la Flandre, et les Françaisn'étaient pasplus préparés pour l'attaque que les Alliéspour

la défense. Ainsi, tandis que Napoléon s'occu-pait, par les moyens que nous avons men-

tionnés, à rassembler une armée suffisante, leduc de Wellington, qui arrivait de Vienne à

Bruxelles, au commencement d'avril, eut leloisir d'approvisionner les places fortes d'Os-

tende, d'Anvers, de Nieuport, que les Français

n'avaient pas démantelées, d'y mettre des gar-nisons, et de fortifier Ypres, Tournay, Monset Ath. Il eut aussi le temps de recevoir desrenforts d'Angleterre, et de rassembler les con-

tingens allemand, hollandais et belge.L'armée du duc de Wellington pouvait com-

prendre environ trente mille hommes de troupes

anglaises: Ce n'était pas cependant ces vétéransqui avaient servi sous lui pendant la guerre dela Péninsule, et dont la fleur avait été mois-sonnée dans l'expédition d'Amérique. La plus

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CHAPITRExvii. 5ag

grande partie était des seconds bataillons, ou

des régimens qui avaient été renouvelés récem-ment par de jeunes,recrues. Les troupes étran-

gères se composaient de quinze mille Hano-vriens, avec la célèbre légion allemande, forte

de huit mille hommes, qui s'était si souvent

distinguée en Espagne cinq mille du duché de

Brunswick, sous le commandement de leur vail-lant prince; et environ dix-sept mille de la Bel-

gique, 'de la Hollande et du comté de Nassau,

mandés par le prince d'Orange.Une grande- et juste connance était glacée

dans les Allemands, mais on appréhendait l'in-constance des troupes belges. Des mécontente-mens s'étaient manifestés parmi elles; elless'étaient même portées à une mutinerie ou-

verte, et on n'avait pu les soumettre sans effu-

sion de sang. Là plupart.de ces soldats belgesavaient servi dans les rangs des Français, et on

craignait que quelques uns d'entre eux n'eussentconservé des souvenirs d'affection et des cor-

respondances dangereuses pour la cause géné-rale. Buonaparte avait la même croyance ilavait avec lui plusieurs officiers belges, espé-

rant qu'il y aurait un mouvement en sa faveurdés qu'il entrerait dans les Pays-Bas. Mais lesFlamands sont un peuple sensé. Quelques in-

quiétudes que l'on eût pu jeter parmi eux pourVtEDENAp.BuoN.TomeS. 34

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530 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

leur religion et leurs priviléges sous le règned'un protestant et d'un souverain hollandais,elles s'étaient bientôt dissipées devant celles du

retour de la tyrannie impériale. Quelques unesde ces troupes se distinguèrent par leur valeur,et la plupart soutinrent l'ancien caractère dessoldats wallons. Le corps hollandais était en

général animé d'un vif attachement pour le

prince d'Orange et la cause de l'indépendance.L'armée prussienne avait été portée au com-

plet de l'état de guerre dans un espace de tempstrès court, depuis que le retour'de Buonaparteavait été rendu public. On en est moins surprisquand on considère combien les ressources d'unÉtat dépendent du zèle de ses habitans. Leurhaine pour la France, fondée en partie sur lesouvenir de leurs anciennes injures, en partie

sur celui de succès récens, était nourrie à lafois par les sentimens du triomphe et ceux de

la 'vengeance. Ils marchaient à cette guerre,comme à une croisade nationale contre un en-nemi invétéré qu'ils avaient vu à leurs pieds ettraité avec une clémence irréËéchie. Blücherétait cependant privé d'une partie considérable

de son armée par le mécontentement des troupessaxonnes. Une sédition s'était manifestée parmielles, quand le Congrès avait annoncé son in-tention de transférer à la Prusse une partie du

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CHAPITRE XVII. 531

territoire de la Saxe'; par suite de cette sédi-

tion, le sang avait été répandu on. jugea pru-dent de laisser les troupes saxonnes en garnison

dans les forteresses allemandes.Le prince Blücher arriva à Liège avec l'ar-mée prussienne, qui fut concentrée sur les ri-vières de Sambre et Meuse, en occupant Char-

leroi, Namur, Givet et Liège. Le duc de Wel-

lington couvrit Bruxelles, où il avait fixé son

quartier-général, communiquant par sa gauche

avec la droite des Prussiens. On croyait géné-ralement que la marche de Napoléon se diri-

gerait sur Namur; il eût trouvé probablementmoins d'opposition dans cette ville démantelée.

Le premier corps du duc de Wellington, sousla conduite du prince d'Orange, composé dedeux divisions d'Anglais, deux d'Hanovriens

et deux de Belges, occupa Enghien,.Braine-le-Comte et Nivelles il servait de réserve à làdivision prussienne, sous le commandement de

Ziethen, qui était à Charleroi. Le deuxième

corps, commandé par lord Hill, comprenaitdeux divisions anglaises, deux hanovriennes etune belge. Il était cantonné à Halle, à Oude-

narde et à Grammont. La réserve, sous lesordres de Picton, qui, à la demande spéciale delord Wellington, avait accepté le commande-ment en second, comprenait les deux dernières

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VIH DE NAPOLÉON BUONAFARTE.633

divisions anglaises, avec trois hanovriennes, et

était stationnée à Bruxelles et à Gand. La cava-

lerie occupait Grammont et Niève.

L'armée anglo-belge était ainsi disposée, afinque les différentes divisions pussent se conoer-ter entre elles et avec les Prussiens à la pre-mière nouvelle de Feutrée en campagne de l'en-nemi. En même temps il était nécessaire, jusqu'àun certain point, que les divers corps fussentdétachés afin d'être entretenus plus facilement

( surtout la cavalerie ), et aussi parce que l'im-possibilité de prévoir sur quelle direction se

porterait l'attaque de l'empereur des Français

exigeait le maintien d'une ligne de défense assezétendue pour le recevoir sur un point donné.C'est là un inconvénient attaché à une positiondéfensive, dans laquelle, si l'on concentrait

toutes ses forces sur un seul point de la ligne quidoit être défendue, l'ennemi choisirait naturelle--

ment, pour faire son attaque, quelqu'un desautres points, qu'une telle concentration lais-serait à découvert.

Cependant Napoléon s'avançait sur Vervins,le 12 juin, avec sa garde, qui était venue

de Paris. Les autres divisions .de sa Grande-Armée avaient été réunies sur la frontière, etle total, consistant en cinq divisions d'infanterieet quatre de cavalerie, fut concentré à Beau-

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CHAPITRE XVII. 533

mont, le 14 du même mois, avec un secret etune activité qui signalaient le génie ordinairede son commandant. Napoléon en personne

passa les troupes en revue, leur rappela que ce jour était l'anniversaire desgrandes victoires de

Marengo et de Friediand, et les engagea à sesouvenir que les ennemis qu'ils avaient défaitsàlors étaient les mêmes qu'ils allaient avoir àcombattre. (( Eux et nous, demanda-t-il, nesommes-nous plus les mêmes hommes? )) Cette

adresse produisit le plus grand effet sur l'espritdes soldats français, toujours sensibles à la gloirenationale et militaire.

Le r5 juin, l'armée française se mit en mou-vement sur tous lès points; son avant-gardechassa les corps alliés en observation sur la riveoccidentale d'e la Sambre elle s'avança ensuite

sur Charleroi; cette ville était défendue par lesPrussiens sous le général Ziethen, qui fut enfin

obligé de se retirer sur le grand village de Gos-selies. Là, sa retraite fut coupée par la secondedivision de l'armée française, et Ziethen prit laroute de Fleurus, par laquelle il  joignit l'armée

prussienne près des villages de Ligny et de

Saint-Amande Le général prussien avait cepen-dant suivi ses ordres, eri faisant une résistanceassez prolongée pour donner le temps de pren-dre l'alarme. Dans l'attaque et la retraite, il

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.534

perdit quatre ou cinq pièces de canon et unnombre considérable d'hommes tués ou blessés,

Ce mouvement dévoilait le plan de Napo-

léon il était à la fois bien combiné et aventu-reux. Ses forces étaient inégales pour soutenirun combat avec les armées réunies de Blücheret de Wellington; mais en se faisant jour pourséparer un de ses ennemis de l'autre, il aurait

l'avantage d'agir contre chacun d'eux indivi-duellement avec toutes ses forces, tandis qu'il

pourrait réserver assez de troupes détachéespour tenir l'autre en échec. Pour accomplircette manœuvre habile, il était nécessaire d'a-vancer sur une partie de l'avant-garde anglaise,qui occupait la position de Quatre-Bras, et surle poste encore plus avancé de Frasnes, où

quelques troupes de Nassau étaient stationnées.

Mais l'extrême rapidité des marches forcées deNapoléon avait en quelque sorte prévenu l'exé-cution de son plan, en dispersant tellement ses

troupes, que dans un temps où chaque heureétait comptée, il fut forcé de rester à Charlërôi

 jusqu'à ce qu'il eut rassemblé son armée fati-

guée par une longue marche.

Cependant Ney fut envoyé contre Frasneset Quatre-Bras; mais les troupes de Namur

gardèrent leur poste le soir du i5. Il est possibleque le maréchal français eût réussi s'il avait at-

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'CHAPITREXVII. 535

taqué Frasnes avec toutes ses forces; mais en-tendant une canonnade dans la direction deFleurus (qui était celle de FàSaire de Ziethen),

il détacha une division pour soutenir les Fran-çais de ce côté. Ney fut réprimandé pour avoirsuivi son propre jugement au lieu d'une obéis-sance exacte aux ordres qu'il avait reçus. Cettecirconstance contraste d'une manière curieuseavec l'aventure de Grouchy, sur qui Napoléonrejeta tout le blâme de la défaite de Waterloo,

parce qu'il avait sujvi ses ordres exactementen pressant les Prussiens à Wavres au lieu d'enêtre détourné par la canonnade qui se faisaitentendre sur sa*gauche.

La manœuvre méditée par Napoléon échouade cette manière, quoiqu'elle eût été bien prèsdu succès. Il persista cependant dans son 'des-

sein de séparer, s'il était possible, l'armée an-glaise de celle des Prussiens.

Le général anglais eut connaissance de làmarche des Français, à Bruxelles le 15, à sixheures du soir; mais cette nouvelle n'était pasassez certaine pour l'engager à mettre son arméeen mouvement, lorsqu'une fausse mesure aurait

pu avoir des suites irréparables. La même nuit,vers onze heures, des relations sûres annoncè-rent à Bruxelles que l'avant-garde' des Françaisétait sur la ligne de la Sambre. Des renforts fu-

TomeS.

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VIE DE NAPOLEON BUONAPARTË.536

rent aussitôt dirigés sur Quatre-Bras; le duc de

Wellington y arriva en personne le 16 de grandmatin, et se rendit aussitôt de cette position à

Brie, où il eut une conférence avec Blücher. Ilparut alors que l'armée française tout entièreallait être dirigée contre les Prussiens.

Blùcher était préparé à la recevoir trois de

ses divisions, au nombre de quatre-vingt'millehommes, avaient gagné une position sur une

chame de hauteurs peu élevées, s'étendant de

Brie à Sombref; en avant de leur ligne étaientles villages du grand et du petit Saint-Amand,et celui de Ligny, qui tous étaient fortement

défendus. Par l'extrémité de sa droite, Blùcher

pouvait communiquer avec les Anglais à Qua-

tre-JBras, où était le duc de Wellington, con-

centrant son armée autant que le permettait la

distance. La'quatrième division prussienne,celle de Bulow, stationnée entre Liège et le

Hainaut, était à une trop grande distance pourarriver à temps, quoique tous les efforts fussent

faits dans ce dessein. Cependant Blücher réso-

lut, malgré l'absence de Bulow, d'attendre la

bataille dans cetteposition, comptant

sur le

soutien de l'armée anglaise, qui, par un mou-vement de flanc sur la gauche, devait marcher

son secours.

Napoléon avait, sur ces entrefaites, arrêté son

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CHAPITRE xvn. 5~7plan de bataille; il se détermina à laisser Neyavec une division de quarante-cinq mille hom-mes et des instructions, pour chasser les An-

glais de Quatre-Bras, avant qué leur armée fûtconcentrée et renforcée, et prévenir ainsi leur

coopération avec Blucher, tandis que lui-

même, avec le corps entier de l'armée, atta-

qùerait la position prussienne à Ligny. Neyétant ainsi à la gauche des Français à Frasnes età Quatre-Bras, et Buonaparte sur la droite a

Ligny, une division commandée par d'Erlon,au nombre de dix mille hommes, servit commecentre de l'armée, et fut placée près de Mar-

chiennes, 'où elle était à proximité pour mar-cher au secours de Ney ou de Napoléon, quel-que fût celui qui eûtbesoin de son assistancesComme deux batailles eurent lieu le 16 juin, il

est nécessaire de donner une notion distinctedé chacune d'elles.

~La principale fut celle de Ligny. L'empe-reur des Français se trouva dans l'impossibilitéde concentrer assez ses forces pour commencer

l'attaque des Prussiens avant trois .heures aprèsmidi. Alors il sè j.età sur toute la ligne prus-

sienne, avec une fureur extraordinaire; aprèsune attaque prolongée de deux heures, les.

Français n'avaient pu que s'emparer d'une

partie du village de Saint-Amand. Cependant

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.538

la position des Prussiens était si mauvaise,qu'une grande partie de leur armée s'étant re-tirée sur les hauteurs, et le reste occupant les

villages qui sont au pied, les renforts envoyésà ces derniers furent nécessairement exposés,pendant leur descente, au feu de l'artillerie fran-

çaise, placée au-dessous sur les prairies. Malgréce désavantage dont les Prussiens souffrirent

beaucoup, Napoléon trouva si douteuse l'issuede Rengagement, qu'il fit avancer la division

d'Erlon qui, nous le répétons, était stationnéeprès de Marchiennes, à mi-chemin de Quatre-Bras et de Ligny. En même temps, ayant re-

marqué que Blücher réunissait ses réserves sur

Saint-Amand, il changea son point d'attaque,et dirigea toutes ses forces contre Ligny, dont ils'empara après une résistance longue et déses-

pérée. La garde impériale, soutenue par la grossecavalerie, monta la hauteur, et attaqua la posi-tion prussienne en arrière de Ligny. Les ré-serves de l'infanterie prussienne ayant été dépê-chées à Saint-Amand, Blücher n'eut d'autreressource pour repousser l'attaque, que celle dela cavalerie; il se mit à sa tête, et chargea avec la

plus grande résolution, mais sans succès. Cettecavalerie de Blûcher fut mise en déroute.

Le prince maréchal, en dirigeant sa retraite,fut-envfloppé dans une charge de cavalerie,

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CHAPITREXVII. 539

son cheval tué d'un coup de canon, et lui-mêmerenversé. Son aide-de-camp s'élança auprès du

vétéran, déterminé à partager son sort. Il eut

la précaution de jeter sur lui un manteau pourempêcher qu'il ne fut reconnu par les Français.Les cuirassiers ennemis passèrent par-dessuslui, mais furent repoussés et poursuivis à leur

tour par la cavalerie prussienne; alors seule-

ment cet intrépide vieillard fut relevé et re-

monté. La mort ou la prise de Blucher, dans

ce moment important, aurait eu de funestesrésultats sur l'événement de la campagne, car

on peut douter qu'après cette malheureuse jour-née, rien au monde eût pu persuader l'armée

prussienne, privée de l'influence personnelle et

des opérations de ce général, à combattre le

18 juin. Secouruet remonté, Blücher dirigea sa

retraite- sur Tilly, et l'acheva sans être inquiétépar l'ennemi, qui ne continua pas ses pour-suites au-delà des hauteurs que les Prussiens

avaient été contraints d'abandonner.Telle fut la bataille de Ligny, dans laquelle

les Prussiens, comme Fa dit avec vérité Blücher,

perdirent le champ de bataille, mais gardèrent

leur honneur. La victoire ne fut suivie d'au-cune de ces circonstances décisives qui avaient

coutume de marquer les succès de Buonaparte.Il n'y eut point de corps coupés ou dispersés;

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VIE DE NAPOLÉON BBONAPARTE.f~o

aucun régiment ne prit la fuite ou ne jeta ses

armes; aucune ligne de défénse ne fut forcée;aucun avantage durable ne fut gagné; surtout

il n'y eut pas un homme qui manqua de cou-rage ou de résolution. On croit que les Prus-siens perdirent, dans cette sanglante action, aumoins dix mille hommes. Le Moniteur élèvelé nombre des morts et des blessés à quinzemille, et le général Gourgaud, écrivant sous la:dictée de Napoléon, et mécontent de ce calcul,>

déjà fort libéral, évalue la perte des Prussiensanon moins de vingt-cinq mille hommes Ce-

pendant l'empereur des Français avait frappéun grand coup, accablé un ennemi opiniâtre et

infatigable, et ouvert enfinla campagne sous des

auspices favorables. Néanmoins l'avantage queNapoléon pouvait avoir retiré de la retraite

des Prussiens, fut grandement diminué par lesuccès tout-à-fait indifférent de Ney contre lesforces de lord Wellington. Nous allons donner

quelques détails sur cette seconde action.Frasnes avait été évacué par les Anglais,

qui, dansla matinée du 16, se trouvaient éta-blis à Quatre-Bras, point important, parce quee

quatre chemins en partent dans différentes di-Lapertedesvainqueursfut,d'aprèstesrelationsoffi-

cielles,portéeàtroismillehommes,nombrequ'ilfaudrait'plusque tripler.

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CHAPITREXVII. 54i

rections, de sorte que le général anglaispouvaitcommuniquer par sagauche avec la droite prus-sienne à Saint-Amand, et de plus il avait der-rière lui une chaussée découverte

pourse re-

tirer. A la gauche de la chaussée, conduisantde Charleroi à Bruxelles, -est un bois appelébois de Bossu, qui, pendant toute la matinée,fut vivement disputé par les tirailleurs des deux

côtés, mais à la fin emporté par les Français,qui s'y maintinrent un moment. Environ à trois

heures de l'après-midi, la principale attaquecommença, mais fut repoussée; néanmoins l'in-fanterie anglaise, et particulièrement lé qua-rante-deuxième des Highlauders, eut beaucoupà soufFrir d'une charge inattendue de lanciers,dont l'approche leur avait été dérobée par lanature du~sol,entre-coupé de baies, et couvert

de seigle encore en gerbes. Deux compagnies deces Écossais, qui n'avaient pas eu le tempsde se former en bataillon carré, furent tail-lées en pièces les autres se replièrent en dés-

ordre, et en harcelant toujours les lanciers.Alors Ney tenta une charge générale de cava-

lerie mais il fut reçu avec un feu si bien nourri

de la part de l'infanterie anglaise, joint à unebatterie de deux canons, qu'il ne put le sou-tenir. Toute la chaussée était jonchée d'hommeset de chevaux et les fugitifs qui se sauvèrent

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.64s

à l'arrière-garde, annoncèrent la perte d'uneaction qui était loin d'être décidée, attendu queles Anglais avaient peu d'infanterie et d'artil-

lerie, quoique des renforts de l'une et de l'autrefussent près d'arriver.Les Français, comme on l'a déjà remarqué,

s'étaient emparés, vers les trois heures, du boisde Bossu, et en avaient chassé les Belges. Eux-mêmes firent chassés à leur tour par les gardesanglaises, qui résistèrent successivement à toute

tentative faite par les Français pour pénétrerdans le bois durant le jour.Comme les renforts anglais arrivaient les uns

après les autres, Ney sentit le besoin d'aug-menter ses forces, et envoya demander du se-cours à la division d'Erlon, postée, comme onl'a dit, près de Marchiennes; mais ces troupes

avaient précisément reçu ordre de secourirla propre armée de Buonàparte. Cependant,comme l'aitaire de Ligny était finie avant

qu'elles arrivassent,, la division fut renvoyéevers Frasnes, au secours de Ney; mais alorscette bataille se trouvait également terminée,et ainsi lestroupes de d'Erlon marchèrent d'une

aile de l'armée à l'autre sans tirer un coup. defusil durant tout le jour. Labataille de Quatre-Bras se termina à l'entrée de la nuit. Les An-

glais restèrent en possession du terrain qu'ils

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CHAPlïAE XVII. 543

avaient défendu avec tant d'opiniâtreté parce

que le duc deWellington, persuadé que Blucher

maintiendrait son poste a. Ligny, désirait queles deux armées

gardassent

la ligne de com-

munication qu'elles avaient- occupée le matin.Mais les Prussiens évacuant tous les villages

qu'ils possédaient dans le voisinage de Ligny,avaient concentré leurs forces pour se retirer

sur là rivière de la Dyle, dans le voisinage de

Wavres. Par- ce mouvement rétrograde ils se

trouvaient placés à environsix lieues en arrière.

de leur première position, et s'étaient unis à la

division de Bulow, qui n'avait pas été engagéedansl'aËaire de Ligny. Blucher avait eHectùé sa

retraite,nonseulementsans être poursuiviparlesFrançais, mais même sans qu'ils sussent pendantquelque temps dans quelle direction il était allé.

Cette incertitude sur les mouvemens de Blü-cher occasionna dans ceux des Français une

hésitation qui fut suivie de fàcheuses consé-

quences. Napoléon, ou' le général Gourgaudsous son nom, ne craint pas d'affirmer que la

cause de ce retard fut le maréchal Grouchy, à

qui il avait confié le soin de poursuivre la re-

traite des Prussiens. «Si le maréchal Grouchy,dit l'accusation, eut été à Wavres le 17, et en

communication avec ma droite (c'est Napo-léon qui parle), Blucher n'aurait pas osé en-

Tome8.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.544

voyerun seul détachement de son armée contremoi le 18, s'il l'eût osé, je l'aurais battu. ))Maisla défense du maréchal nous paraît triompherde cette accusation.

Grouchydit

qu'ilchercha

l'Empereur dans la nuit du 16, aussitôt que la re-traite des Prussiens eut commencé, mais qu'il ne

put le voir, jusqu'à ce qu'il retournât à Fleurus;qu'il n'obtint aucune réponse à sa demande de

quelque infanterie, pour aider sa cavalerie'dansla poursuite. de BIûcher et de son armée en re-

traite que seulement on lui fit savoir qu'il re-cevrait des ordres le lendemain. II revint doncau quartier-général le 17 au matin, persuadéqu'il était d'une grande importance de pour-suivre les Prussiens et. de les serrer de près,mais il ne put voir Buonaparte avant septheures et demie, et fut obligé de Je suivre

sur le champ de bataille de la veille, avantd'avoir reçu ses commandeméns. Napoléon s'en-tretint de différens sujets avec plusieurs per-sonnes sans donner aucun ordre à Grouchy jus-qu'à près de midi, lorsqu'il prit la résolutionsubite d'envoyer le maréchal avec une arméede trente-deux mille hommes non sur Wavres,

car il ne savait pas que les Prussiens avaientpris cette direction, mais avec .la mission de

poursuivre Blücher quelque part qu'il pûtavoir été. En dernier lieu, Grouchy assure que

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CHAPITRE XVII. 545

les troupes de Gérard et de Vandamme, qu'ilcommandait, ne furent pas prêtes à se mettreen marche avant trois heures ainsi, d'aprèscette relation très claire du maréchal Grouchy;

les.premiers. ordres pour la poursuite de Blu-cher ne furent donnés que le 17 vers midi, etles troupes ne furent pas en état de leur obéiravant trois heures. Grouchy fait porter le blâmede ce délai sur Excelmans et Gérard, qui com-mandaient sous lui. Au résultat, son corps ne

bougea pas jusqu'au 17 à trois heuresaprès midi.Sa marche une fois commencée ne pouvait

être dirigée sur Wavres avec la certitude derencontrer Blücher. Les premières traces qu'ilput surprendre des Prussiens, faisaient croireau contraire qu'ils s'étaient retirés vers Namur,ce qui engagea Grouchy à opérer sa poursuitedans cette dernière

directionet occasionna la

perte de quelques heures. Du concours de toutesces raisons, le maréchal déduit bien clairement

qu'il lui eut été impossiblede se rendre à Wavresdans la soirée du 17 juin, parce qu'il ne reçut

pas l'ordre de s'y rendre avant midi, et que ses

troupes ne furent pas prêtes avant trois heures,et

quede

plus,ni

Napoléonni son

généraln'a-

vaient aucune raison de penser que Wavres fûtréellement le point de la retraite de Blücher.Ce ne fut que lorsqu'il trouva les Anglais ré-

VtEDEN~p.BuoN.Tome8. 35

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.546

solus à s'arrêter à Waterloo, et les Prussiensdéterminés à communiquer avec eux, que Na-

poléon s'aperçut dû plan arrangé entre Wel-

lington et Blucher, de concentrer les arméesprussienne et anglaise à Waterloo. C'était l'é-

nigme d'où dépendait son destin, et il ne putpas la résoudre. Mais Napoléon jugea' pluscommode de jeter le blâme surGrouchyquedereconnaître que lui-même avait été surpris parles circonstances fatales et imprévues dans les-

quelles il se trouva le 18.Quoi qu'il en soit, après avoir détaché Grou-

chy à la poursuite des Prussiens, Napoléonlui-même se dirigea par un mouvement obli-

que vers Frasnes, et làil se réunit avec le corpscommandé par le maréchal Ney. Son desseinétait d'attaquer le duc de Wellington, qu'il

s'attendait encore à trouver dans sa position deQuatre-Bras.

Mais environ à sept heures du matin, le duc

ayant reçu avis de la retraite du prince-maré-ch'al*à Wavres, commença de son côté uneretraite sur Waterloo, afin de recouvrer sacommunication avec les Prussiens et de re-

prendre l'exécution du plan de coopération quiavait été, jusqu'à un certain point, déconcerté

par l'irruption soudaine des Français et la pertede la bataille de Ligny par les Prussiens. La

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CHAPITRE XVII. 547

retraite fut conduite avec le plus grand ordre

quoique ce mouvement, comme il est d'ordi-

naire déplût considérablement aux soldats.Les

nouvellesde la bataille de

Lignys'étaient

répandues dans les rangs, et les plus hardis n'au-raient pu espérer que les Prussiens fussent ca-

pables de renouveler rengagement. Le tempss

était anreux, la pluie tombait par torrens, ce

qui rendit les terres labourables impraticables àla cavalerie; circonstance favorable aux An-

glais, parce que leur marche se trouva ainsi àl'abri des attaques de la cavalerie française,qui ne put faire aucune opération au-delà de lachaussée.

Cependant, à Gennape, petite ville où un

pont étroit sur la Dyle ne peut être approchéque par une rue avôisinsnte, i'arrière-garde

anglaise éprouva une attaque, que la cavalerie.légère ne réussit pas à repousser; mais la grossecavalerie étant entrée en ligne, repoussa les

Français, qui n'inquiétèrent plus ce jour-làl'arrière-garde de l'armée.

A cinq heures du soir. le duc de Wellingtonarriva dans la mémorable plaine de Waterloo,

qu'il avait long-temps auparavant fixée commela position dans laquelle en cas de certains

événemens, il voulait s'arrêter pour couvrir

Bruxelles.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.5~8La scène où se passa ce drame célèbre doit

être familière à la plupart des lecteurs, soit pardescription, soit par souvenir. L'armée an-

glaise occupaitune chame de hauteurs s'éten-

dant depuis un ravin et un village appelé Merke-Braine sur la droite, jusqu'à un hameau nommé

Ter-la-Haye sur la gauche. Vis-à-vis ces hau-

teurs, est une autre chame parallèle, sur laquelleles Français s'étaient postés. Entre ces deuxchaînes se déroule une petite vallée dont la

largeur varie, mais n'excède pas généralementun demi-mille. Des deux cotés, la pente quiconduit à la vallée varie également, mais elleest toujours douce, quoique diversifiée par les

inégalités onduleuses du sol. La campagne estentre-coupée par deux grands chemins ou chaus-sées conduisant à Bruxelles, l'un de Charleroi

par Quatre-Bras et Gennape, qui venait de ser-vir à la retraite de l'armée anglaise, l'autre deNivelles ces chemins traversent la vallée et se

rejoignent près du village de Mont-Saint-Jean,où était l'arrière-garde de' l'armée anglaise.La ferme de Mont-Saint-Jean, que l'on doitbien distinguer du'hameau, était beaucoup

plus près de l'avant-garde anglaise que ce der-nier. Sur la chaussée de Charleroi, en tête de

la ligne, il y aune autre ferme appelée la Haye-Sainte, située au pied du coteau, par lequel

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CHAPITREX\It. 549on descend dans la vallée. Sur la chame d'émi-nences qui est vis-à-vis, un village appelé làBelle-Alliance, donne son nom à toute la ligne

de hauteurs, tl est exactement en face deMont-Saint-Jean. Ces deux points formaientles centres respectifs des positions française et

anglaise.Une maison de campagne flamande, de vieille

construction, appelée Goumont ou Hougomont,était au milieu de la vallée, environnée de jar-

dins, de petits bâtimens, et d'un bois de hêtresde haute futaie, ayant environ deux acres d'é-tendue. Derrière les hauteurs de Mont-Saint-

Jean, le sol s'incline encore dans un creux'quiservit comme d'asile à la seconde ligne des An-

glais sur les derrières de cette seconde.valléeest la grande et vaste forêt de Soignes, que

traverse la chaussée par où on va à Bruxelles.C'est sur cette route, à deux milles en arrièreede l'armée anglaise, qu'est située la petite villede Waterloo.

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550 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

CHAPITRE XVIIL,

Napoléon espère que. ta Sainte-Alliance sera dissoute dans lecas où il triompherait des Anglais en Belgique. L'armée

anglaise prend ses positions le 17 juin, et les Français le

lendemain matin. Force des deux armées. Plans deleurs généraux. -Bataille de Waterloo, commencée l'après-

'midi du !'8 juin. Les Français dirigent leur attaque'surle~centre de l'armée anglaise. Charges des cuirassiers

et comment ils sont reçus. Arrivée des Prussiens.

Charge de Ney à la tête de la garde impériale. Il est re-

poussé. Napoléon commande la retraite. Rencontredes généraux victorieux à la Belle-Alliance. Conduite de

Napoléon pendant J'action. –Blùcher~e met à la poursuitedes Français. Perte des Anglais des Français.

Tentatives subséquentes de Napoléon pour déprécier les

talens militaires du duc de Wellington; réponse. Cen-sures mal fondées qu'il fait du général Grouchy. L'opi-

nion que les Anglais étaient sur.le point de perdre la ba-'taille, au moment où les Prussiens arrivaient, démontrée

fausse.

ON pourrait trouver plusieurs avis différenssur la question purement militaire de savoir si le

général anglais devait hasarder une bataille pourla défense de Bruxelles, ou si, se jetant dans la

forte ville d'Anvers, il devait s'y tenir à l'abri jusqu'à ce que les renforts qu'il attendait fussentarrivés. Mais la position de Bruxelles était de ladernière importance sous le point de vue moral

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CHAPITREXVIII. 55i

et politique. Napoléon a déclaré ques'il eût gagnéla bataille de Waterloo, il aurait eu le temps derévolutionner la Belgique; et quoique cette dé-claration soit

hasardée, ilest

horsde

doute queles Français avaient un grand nombre de par-tisans dans un pays qu'ils avaient si long-tem pspossédé. Le gain de la bataille de Ligny n'avait

point eu de résultats remarquables, encoremoins Faction indécise de Quatre-Bras; maissi ces rericontres eussent été suivies de la j'e-

traite de l'armée anglaise à Anvers, et de laprise d,e Bruxelles, la principale ville des Pays,Bas, elles auraient pu être .mises au rang des

victoires les plus décisives. jj~apoléon voyait (~ansune telle victoire des

résultats encore plus brelans, et n'attendait rj~enmoins que la dissolution de l'alliance euro-

péenne, comme le prix de la défaite totale .desAnglais en Belgique. Tant qu'il n'était pas.ques;tion des moyens par lesquels serait .déterminéecette dissolution, c.eux qui n'avaient pas moins

de conËance dans les intrigues d~eNapoléon quedans se? talens militaires, ~durent supposer qu'ilavait ,déja préparé, au milieu des puissances

étrangères quelque plan bien profond tendantà saper les fpndemens de leur alliance, et .prêt

à ,étre exécuté aussitôt que les succès de Bup-

naparte se seraient accrus a un certain point;

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552 VIE DE NAPOLÉON BUÔNAPARTE.

mais quand on découvre que ces grandes espé-rances reposaient sur cette pensée de Napoléon,qu'une simple défaite du duc de Wellington

eût occasionné un changement total d'adminis-tration en Angleterre que, suivant l'usage, leshommes d'État de l'opposition entrant en placeauraient conclu aussitôt la paix avec lui, et

que la coalition ainsi privée de subsides eûtretiré les armées qui touchaient la frontière dela France dans toute sa ligne septentrionale et

orientale, les extravagantes combinaisons deNapoléon ne servent qu'à montrer combien peuil devait connaître la nation anglaise qu'il avaitsi long-temps combattue. La guerre avec laFrance avait duré plus de vingt ans, et quoi-que plusieurs de ces années eussent été mar-

quées par de mauvais succès et des défaites, la

nation avait persévéré dans une résistance quise termina par un triomphe complet. L'opinionpublique sur le grand général qui conduisait les

troupes anglaises, était trop enracinée pourqu'elle pût céder dans le cas d'un revers; etl'événement de la campagne de 181~, dans la-

quelle Napoléon, plusieurs fois victorieux, fut

à la fin totalement défait et détrôné, aurait en-couragé un peuple moins persévérant que le

peuple anglais, à continuer la guerre. Malgréune simple défaite, si on eût dû l'éprouver, le

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CHAPITRE XVIII. 553

duc avait à son arrière-garde et la forteresse

presque imprenable d'Anvers, et le port decette ville, par où il pouvait attendre des ren-forts de

l'Angleterre.Blücher avait souvent

montré combien peu il se laissait découragerpar une défaite le pis eût été qu'il se fut repliésur une armée russe de deux cent mille hommes

qui s'avançait. Les espérances que la bataillede Waterloo, si elle était gagnée par les Fran-

çais, mettrait fin à la guerre, devaient êtreabandonnées

comme.des chimères quel'on

considérât, soit le caractère constant et fermedu grand personnage qui est a la tête' de lamonarchie anglaise soit les dispositions de laChambre des Communes, où un grand nombredes membres distingués de l'opposition s'étaient

 joints au ministère dansla question de la guerre,

soit enfin que l'on réfléchit à l'unanimité dessentimens dé la nation, qui avait vu avec indi-gnation la nouvelle irruption de Buonaparte.Cependant on ne peut nier que siNapoléon eût

remporté quelques succès dans cette première

campagne, ils auraient beaucoup ajouté son

influence, tant en France qu'en d'autres pays, et

peut-être compromis lapossessiondelaFlandre.Le duc dé Wellington forma donc la résolu-tion de protéger Bruxelles, s'il était possible,même au risque d'une action générale.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAFARTE.554

En se dirigeant des Quatre-Bras à Waterloo,le duc avait rétabli sa communication avecBlücher, qui avait été dérangée par la retraitedes

Prussiens à Wavres. Quand il y fut établi,Blücher fut encore une fois sur la même ligneque les Anglais; l'aile droite prussienne et lagauche des Anglais n'étant séparées que par unespace d'environ cinq lieues et demie. Le ter-rain qui était entre les deux points extrêmes,nommé les hauteurs de Saint-Lambert, était

très rude et boisé; et les chemins qui s'y croi-saient, formant le seul moyen' de commu-nication entre les Anglais et les Prussiens,avaient été horriblement dégradés par les der-niers mauvais temps.

Le duc donna connaissance au prince Blü-cher de sa position devant Waterloo, lui fai-

sant part en même temps de sa résolution delivrer à Napoléon la bataille qu'il paraissait dé-sirer, pourvu que le prince voulût y concou-rir avec deux divisions de l'armée prussienne.La réponse Tut digne de cet infatigable et in-

domptable vétéran, qui n'était jamais assez dé-concerté par une défaite pour n'être pas tou-

 jours prêt à combattre le lendemain. Il réponditdonc qu'il ne viendrait pas'au secours de Wel-lington avec deux divisions seulement, maisavec toute son armée, et que, pour se pré-

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CHAPITRE XVIII. 555

parer à ce mouvement, il ne demandait pasplus de temps qu'il n'était nécessaire pour dis-tribuer a ses soldats du pain et des cartouches.

Il était trois heures de l'après-midi du 17,quand les Anglais vinrent dans la plaine, 'et

prirent leurs bivouacs pour la nuit dans l'ordrede bataille suivant lequel ils devaient com-battre le lendemain. Napoléon en personnen'atteignit que beaucoup plus tard les hauteursde Belle-Alliance, et son armée ne déploya

toutes ses forces que le matin du 18. Unegrande partie des Français avait passé la nuitdans le ;petit villagè de Gennap e et le proprequartier de Napoléon avait été à la ferme duCaillou, à environ un mille sur les derrières dela Belle-Alliance.

Le matin, quand Napoléon eut formé sa

ligne de bataille', son frère Jérôme, a qui ilattribuait de très grands talens militaires, reçutle commandement de l'aile gauche les comtesd'Erlon et Rëille commandèrent le centre, etle comte Lobau l'aile droite. Les maréchauxSoult et Ney devaient agir comme lieutenans-

généraux sous l'Empereur. La force des Fran-

çais sur le champ de bataille devait se com-poser d'environ soixante-quinze mille hommes.L'armée anglaise n'excédait pas ce nombre,d'après le calcul le plus élevé chaque armée

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPAUTË.556

était commandée par un chef sous lequel elleaurait défié tout l'univers. Ainsi les forcesétaient à peu près égales, mais les Français

avaient le très grand avantage d'être des soldatsde la même nation, formés àla guerre et en ayantl'expérience tandis que les Anglais, dans l'ar-

mée du duc de Wellington, ne passaient pastrente-cinq mille hommes, et quoique la légionallemande fut formée de vieilles troupes, lesautres soldats que commandait le duc apparte-

'naient aux.contingens des États d'Allemagne,troupes nouvellement levées, n'ayant pas

l'usage d'agir de concert, et que quelques pré-cédens faisaient soupçonner de tiédeur pour la

cause dans laquelle ils étaient engagés de sorte

que l'on ne pouvait se fier àleur assistance et à

leur coopération qu'autant qu'on ne pouvait

l'éviter. En adoptant la manière de calculer deBuonaparte, qui prétendait qu'un Français va-lait un Anglais, mais qu'un Français -ou. un

Anglais valait deux hommes de toute autre

nation, l'inégalité de forces du côté du duc de

Wellington était très considérable.L'armée anglaise ainsi composée était di-

visée en deux lignes la droite de la premièreligne consistait dans la seconde et la quatrièmedivision anglaise, la troisième et la sixième di-

vision hanovrienne, et le premier corps des

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CHAPITREXVIII. 557

troupes belges commandées par lord Hill. Lecentre était composé du corps du princed'Orange, avec les troupes de Brunswick,celles de

Nassau/les gardes,sous le

généralCooke, à droite, et la division du général Alten,à gauche. L'aile gauche se composait des divi-sions de Picton, Lambert et Kempt. La seconde

ligne était principalement formée de troupesque F on croyait le moins dignes de confiance you qui avaient trop souffert dans Faction du 16

pourêtre encore

exposées,à moins de néces-

sité cette ligne était placée sur le penchant deshauteurs et en arrière, afin d'être à Fabri de la

canonnade, mais elle perdit beaucoupde'monde

pendant l'action par la mitraille; la cavaleriefut placée à Farriére-garde, distribuée tout le

long de la ligne, mais surtout' portée à la

gauche du centre, à Fest de la chaussée deCharleroi. La ferme de la Haye-Sainte, sur

le front du centre, était garnie de soldats,mais on n'avait pas le temps d'y préparer des

moyens de défense. La maison de campagne,les jardins et la cour de Hougomont formaient

un poste avancé et fortifié vers le centre de la

droite. Toute la position anglaise 'figurait unesorte de courbe dont le centre était le plus prèsde l'ennemi, et les extrémités, particulièrementà la droite, s'en éloignaient considérablement.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.558

Les plans de ces deux grands générauxétaient extrêmement simples; l'objet du ducde Wellington était de maintenir sa ligne, de

défense  jusqu'à ce que les Prussiens survenantlui donnassent une supériorité de force bien dé-

cidée Ils étaient attendus vers onze heures ou

midi; mais les chemins, qui étaient extrême-ment mauvais par suite d'un orage violent, lesretinrent quelques heures de plus.

Le plan de Napoléon n'était pas moins simple

et moins précis; il comptait, par l'impétuo-sité ordinaire de son attaque, rompre l'armée

anglaise et la détruire avant que les Prussiensfussent arrivés sur le champ de bataille, aprèsquoi, il pensait bien avoir l'occasion favorablede détruire les Prussiens en arrêtant leurmarche à travers le sol dégradé qui les sépa-

rait des Anglais. Il était si persuadé que toutarriverait ainsi, qu'il crut la division de Grou-

chy, qui avait été détachée le 17 à la poursuitede Blücher, suffisante pour retarder sinon pourarrêter complétement la-marche des Prussiens.Ses raisons pour concevoir cette dermère opi-nion furent, comme nous le montrerons plus

tard, trop promptement adoptées.Commençant l'action suivant son système

ordinaire, Napoléon mit la garde en réserve,aËn de s'en servir dans l'occasion pour charger

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CHAPITRE XVÏI1. 55e)avec elle, quand des attaques multipliées decolonnes sur colonnes d'escadrons sur esca-

drons, réduiraient son ennemi fatigué a mon-trer

quelques signesd'irrésolution.: mais les

mouvemens de Napoléon ne furent pas très

rapides; son armée avait souffert de la tem-

pête beaucoup plus qùe les Anglais, qui étaientdans leurs bivouacs le 1 juin après midi; tan-dis que les Français étaient encore en marché,et n'étaient pas entrés en ligne sur les hau-

teurs de Belle-Alliance, avant dix ou onzeheures du lendemain 18. L'armée anglaise eutainsi quelque temps pour prendre de la nourri-ture et pour préparer ses armes avant l'actionet Napoléonperdit plusieurs heures avant d'êtreen état de commencer l'attaque. Le temps étsitd'un prix inestimable pour les deux partis, et

les heures, les minutes avaient de l'importance,là-dessus, Napoléon fut moins attentif que leduc de Wellington.

La tempête qui, toute lanuit, s'était déchaînéeavec une violence extraordinaire, s'abattit le

matin mais le temps fut orageux tout le jour.Entre onze heures et midi, cette action terrible,

qui devait être si décisive, 'commença par unecanonnade de la part des Français, immédiate-ment suivie d'une attaque commandée par Jé-

rôme, sur le poste avancé d'Hougomont. Les

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.56o

troupes de Nassau, qui occupaient les boisautourdu château, en furent chassées par les Fran-

çais mais les plus grands eSbrts des assaillans

ne réussirentpas

à forcer la maison, le jardinet les cours, qu'un parti de gardes défen-dait avec la plus indomptable valeur. Les'Fran-

çais redoublèrent leurs efforts et se précipi-tèrent sur la haie extérieure qui protège le mur

des jardins, ne prévoyant peut-être pas que ce

mur lui-même défendait l'intérieur; ils tom-

bèrenten

grandnombre de ce côté sous le feu

des assiégés, auquel ils étaient exposés dans

toutes les directions. Cependant le nombre de

leurs troupes leur permit de se rendre maîtres

du bois et par là de masquer Hougomont pourun moment, et de se porter en avant avec leur

cavalerie et leur artillerie contre la droite an-

glaise, qui se forma en bataillons carrés p.ourles recevoir. Le feu ne discontinua pas mais

sans qu'on eut de part et d'autre aucun avan-

tage sensible. L'attaque fut à la fin repoussée,et si complètement, que les Anglais rouvrirent

leur communication avec Hougomont, et cette

importante garnison se trouva renforcée du

colonel Hepburn et d'un corps de gardes an-glaises.

Le feu de l'artillerie étant devenu généralle long de la ligne, la principale attaque des

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CHAP1TM;XVIII. 56i

Français se transporta sur le centre anglais.Ce choc eut lieu avec la plus extrême fureur,et reçu avec la plus indomptable résolution.L'assaut fut donné à la ferme de Saint-Jean par

quatre colonnes d'infanterie, et un gros consi-dérable de cuirassiers qui prirent le devant;les cuirassiers suivirent avec une admirable in-

trépidité la chaussée de Gennape, où ils furent

rencontrés et chargés par la grosse cavalerie

anglaise et alors commença un combat à la

pointede

l'épée, quidura

jusqu'àce

queles

Français eussent été repoussés sur leur propreposition, où leur artillerie les protégea. Les

quatre colonnes d'infanterie française engagéesdans'la même attaque,'se frayèrent un passage

 jusqu'à la ferme de la Haye-Sainte, et, aprèsavoir dispersé un régiment belge, se préparaient

à s'établir au centre de la position anglaise,lorsqu'elles furent attaquées par la brigade du

général Pack, qui avait été amenée de la se-conde ligne par le général Picton, tandis qu'aumême instant une brigade de cavalerie an-

glaise fit des évolutions autour de leur propreinfanterie, et attaqua les Français' en flanc au

moment où.ceux-ci étaient repoussés par le feude la mousqueterie. Le résultat fut décisif; lescolonnes françaises furent rompues avec un

grand carnage, et deux aigles furent prisesVIEDENAp.BuoN.Tome8. 36

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.562

avec plus de deux mille hommes, qu'on envoyaaussitôt à Bruxelles.

Cependant la cavalerie anglaise poursuivit

trop loin son avantage; enveloppée au milieude l'infanterie française, et d'un corps de ca-valerie ennemie qui s'était détaché pour la

soutenir, elle fut obligée de se retirer avec une

perte considérable. Dans ce moment, le vail-lant général Picton, si distingué par ses talenset sa bravoure, trouva la mort, ainsi que le

général Ponsonby, qui' commandait la cava-lerie.Ce fut alors que les Français se rendirent

maîtres de la ferme de la Haye-Sainte, entaillant en pièces environ deux cents tirailleurs

hanovriens, qui la défendirent vaillamment.Les Français gardèrent ce poste pendant quel-

ques instans, jusqu'à ce qu'ils en fussent chasséspar des bombes.

Peu après cet événement, le combat se re-nouvela encore sur la droite, où la cavalerie

française fit uneattaque générale sur les carrés,particulièrement vers le centre de la droite des

Anglais ou entré cette position et la chaussée.

Elle s'élança avec la plus intrépide résolution,malgré le feu continu de trente pièces d'artil-lerie placées à la tête de la ligne, et força lesartilleurs qui les servaient à se retirer dans

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CHAMTM: XVIÏI. 563

les carrés. Cependant l'ennemi n'avait aucun

moyen de s'ass~~r des canons, ni même de les

'ëndouer; et, à tous les instahs favorables, les

artilleurs anglais sortaient du lieu de leur re-fuge, armaient de nouveau leurs pièces, et ti-raient sur les assaillans; manœuvre qui semble

particulière aux Anglais Les cuirassiers per-sistaiént dans leur attaque, et s'élançaient sur

lés carrés avec la pleine conSance de les faire

reculer par Fimpétuosité de leur charge. Ce

combat terrible ressemblait à une mer en cour-roux venant se briser contre une chame dé

rochers. Les Anglais restaient fermes, et ne fai-

saient feu sur là cavalerie qu'a trente pieds dé

distance, quand les hommes prenaient la fuite

d'un côté, que les chevaux galopaient de l'au-

tre, et que les cuirassiers étaient repoussés.

Lebaron Mufning,parlant de cette particularité,dit <L'artillerieanglaisea pour règledene pointdé-

placersescanons,quandeUeestattaquéepar dela cava-leriedansunepositiondéfensive.Lorsqu'unepluslonguedéfensedevientImpossibleles hommesse jettentalorsdansle carréd'infanteriele plusproche, emportantaveceux les ustensilesnécessairespour les servir.Si l'at-

taqueestrepoussée,lesartilleursretournentà leurspiècespour tirer sur l'ennemien retraite.Ce seraitune tac-

tiqueextrêmementplausible,sil'infanterieétaitdisposéed'unemanièrecorrespondante.»

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VIE DE NAPOLËOM BUONAPARTE.564

Les auteurs français ont prétendu que descarrés furent rompus, et qi~jtqaes drapeauxenlevés; mais, d'après le témoignage unanime de

tous.les officiers anglais présens à l'action, cetteassertion est une fausseté positive. Ce ne fut

pas cependant la faute des cuirassiers, qui dé-

ployèrent une valeur presque frénétique ils serallièrent toujours de nouveau, et retournèrentà l'attaque tant de fois, que les Anglais recon-naissaient  jusqu'aux traits de ceux qu'ils re-

poussaient. Quelques uns s'élançaient sur lesbayonnettes, déchargeaient leurs pistolets, et

portaient des coups de sabre avec une promp-titude et une valeur sans exemple. D'autres res-taient dans l'étonnement, et étaient renversés

par la mousqueterie et l'artillerie. Quelques es-cadrons passant par les intervalles de. la pre-

mière ligne, chargèrent avec aussi peu de suc-cès les carrés de Belges qui y étaient postés.Enfin les cuirassiers furent si maltraités sur tousles côtés, qu'ils furent forcés d'abandonner la.tentative qu'ils avaient faite avec tant d'intré-

pidité et de courage. La plus grande partie dela grosse cavalerie des Français fut entièrement

détruite dans ces efforts inouïs.Buonaparte, dansson bulletin, donne à enten-

dre que ce fut une entreprise faite sans ordres,et continuée seulement par le courage déses-

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CHAPITRE XVIII. 565

péré des soldats et des officiers. Il est certain

que par la destruction de ce noble corps decuirassiers, il perdit ceux qui auraient le pluscontribué à couvrir sa retraite. Lorsque les

restes de cette belle cavalerie furent dispersés,les Français se bornèrent pour quelques ins-tans à une vive canonnade, dont les Anglais se

garantirent en partie, en se couchant par terre,tandis que l'ennemi préparait une attaque surun autre point, et se disposait à la conduired'une manière différente.

Il était environ six heures, et, pendant cette

longue succession des plus furieuses attaques,les Français n'avaient obtenu aucun succès, ex-cepté qu'ils avaient occupé pour un instant lebois qui entoure Hougomont, d'où ils avaientété chassés et la ferme de la Haye-Sainte, quiavait

été bientôt reprise. De l'autre côté,les

Anglais avaient été très maltraités, mais sans

perdre un pouce de terrain, excepté les deux

postes qu'ils avaient aussi regagnés. Dix millehommes cependant furent tués ou blessés.

Quelques régimens étrangers avaient pris la

fuite, quoique d'autres eussent montré la plus

grande valeur. Les rangs étaient éclaircis par laperte des fugitifs, et.par l'absence de ceux quiavaient abandonné la plaine sanglante dans ledessein d'emporter les blessés; et plusieurs de

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.566

.ceux-là, naturellement, ne se hâtèrent pas derevenir sur une scène si fatale.

Mais les Français ayant perdu environ quinze

mille hommes et une colonne de prisonniers aunombre de deux mille, commencèrent à être

inquiétés par les opérations des Prussiens surleur flanc droit; et le secret du duc de Welling-ton se découvrit par ses conséquences. Blûcher,fidèle à son engagement, avait mis en mouve-

ment, le matin de bonne heure, la division de

Bulovp, qui n'avait pas été engagée à Ligny,pour communiqueravec l'armée anglaise, et opé-rer une diversion sur le flanc droit et l'arrière-

garde des Français. Mais, quoiqu'il y eût seule-ment douze ou quinze milles entre Wavres et la

plaine de Waterloo, cependant la marche fut

beaucoup retardée, par des circonstances iné-

vitables. L'âpreté du pays et le mauvais étatdes routes enraient des obstacles sérieux aux

progrès des Prussiens, surtout parce qu'ilstraînaient une artillerie considérable. De plus,un incendie qui se manifesta à Wavres, dansla matinée du 18, empêcha le corps de Bulow

de passer parcette

ville,et

l'obligeade suivre

une route pénible et détournée. Après avoir

traversé, avec une grande difficulté, la route

près de Chapelle-Lambert, Bulow, avec la

quatrième division prussienne que Wellington

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CHAPITRE XV 111. 567

avait attendue vers onze heures, annonça son

arrivée, à quatre heures et demie, par une dé-

charge éloignée d'artillerie. La seconde divi-sion fit un mouvement latéral dans la mêmedirection que la quatrième et la première, mais

plus près du flanc anglais, par le hameau deOhain. L'Empereur opposa aussitôt à Bulow,qui parut long-temps avant les autres, le sixième

corps qu'il avait gardé en réserve pour ce ser-

vice et, comme l'avant-garde seulement était

arrivée,il réussit à tenir les Prussiens en échec

pour le moment. Le premier et le second corpsprussien parurent dans la plaine encore plustard que le quatrième. Le troisième corps s'étaitmis en mouvement pour suivre la même direc-

tion, quand il fut attaqué avec impétuosité parles Français commandés par le maréchal Grou-

chy, qui fut détaché, comme nous l'avons déjàdit, pour attirer l'attention de Blücher, dont il

croyait avoir toutes les forces devant lui.Au lieu d'être surpris, comme l'eût été un

général ordinaire, par cette attaque sur son

arrière-garde, Blucher se contenta d'envoyer à

Thielman, qui commandait le troisième corps,

l'ordre de se défendre lui-même aussi bien qu'ille pourrait sur la ligne de la Dyle. Pendant ce

temps, sans affaiblir l'armée qu'il commandait,en en détachant une partie pour soutenir Thiel-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.568

mân, le vieux général accéléra plutôt qu'il ne

suspendit sa marche vers le champ de bataille,où il prévoyait que la guerre allait être terminée

d'une manière si décisive, que la victoire oulà défaite~ sur tous les autres points, serait sub-

ordonnée à ce qui se passerait sur .ce pointprincipal.

Sur les six heures et demie ou environ, la

seconde grande division de l'armée prussiennecommença à entrer en communication avec la

gauche anglaise par le village de Ohain, tandisque Bùlow s'avançait de Chapelle-Lambert surla droite et sur la queue de l'armée française, par

par un chemin creux ou vallée, appelé Frische-mont. Il devint alors évident que les Prussiens

allaient prendre une part sérieuse à la bataille,et avec des forces considérables. Napoléon

avait encore les moyens de leur résister etde faire sa retraite, certain néanmoins d'être

attaqué le jour suivant par les .armées combi-

nées de l'Angleterre et de la Prusse. Sa célèbre

garde n'avait encore pris aucune part au com-

bat, et aurait été en état de le protéger aprèsune bataille dans laquelle il avait eu jusque-làle désavantage, mais sans éprouver de défaite.Les circonstances critiques dans lesquelles il

se trouvait enveloppé devaient se confondredans son 'esprit il n'avait pas de .secours a

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CHÀPITR.E XVIII. 56g

attendre une jonction avec Grouchy était laseule ressource qui put augmenter ses forces;les Russes s'avançaient sur le Rhin à marches

forcéesà

Paris,les

Républicainsformaient des

plans contre son autorité il semblait que toutdevait être décidé dans cette journée et dansces lieux. Troublé par tant de circonstancesde funeste présage, il s'imagina qu'un effort dés-

espéré forçant la victoire avant que les Prus-siens pussent agir effectivement, chasserait

peut-être les Anglais dé leur position/et il ré-solut de se hasarder à cette audacieuse épreuve.A sept heures environ la garde impériale se

forma en deux colonnes sous les propres yeuxde l'Empereur, au pied du coteau de la Belle-

Alliance elle était commandée par l'intré-

pide Ney. Buonaparte dit aux soldats, et soutint

la même fiction à leur commandant, que lesPrussiens qu'ils voyaient sur la droite se reti-raient devant Grouchy. Peut-être le pensait-il.ainsi lui-même. La garde répondit, pour la der-nière fois, avec des cris de vive ~jE'/7zpey6M/ et s'avança avec résolution, ayant pour appuiquatre bataillons de la vieille garde en réserve,

qui étaient tout prêts à soutenir leurs cama-rades. Un changement progressif  avait eu lieudans la ligne de bataille anglaise, par suite des

attaques réitérées et toujours repoussées des

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5'/0 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

Français. La droite, qui au commencement du

combat présentait un segment de cercle con-

vexe, maintenant avait pris la forme concave,

parce quel'extrême

droite, aprèsavoir été

repoussée, avait été ramenée en avant; desorte que le feu de l'artillerie et de l'infanterietombait sur le flanc des Français, dont la têteavait de plus à soutenir le feu des hauteurs. Les

Anglais étaient disposés sur une ligne profondede quatre hommes pour recevoir les colonnes

avancées de la garde française, sur lesquellesils firent tomber une grêle de mousqueterie quine se ralentit pas un instant. Les soldats tirèrentà volonté, chaque homme chargeant et déchar-

geant son arme aussi vite qu'il le pouvait. A la

fin les Anglais firent un mouvement en avantcomme pour cerner les têtes des colonnes, et

en même temps ils continuaient de tirer sur lesflancs de l'ennemi. Les Français tentèrent cou-

rageusement de se déployer; mais l'effort qu'ilsfirent sous un feu si meurtrier ne réussit pas.On les vit s'arrêter, hésiter, fuir, se mettre en

.désordre, se mêler, céder ennn, en se retirant,ou plutôt en fuyant dans une extrême confu-

sion. Ce fut le dernier effort de l'ennemi, etNapoléon donna des ordres pour la retraite. Ilne lui restait plus de troupes pour la protéger,excepté les quatre, derniers bataillons de la

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CHAPITRE XViiI. 671

vieille garde. En arrière des colonnes d'attaque,ils se formèrent d'eux-mêmes en bataillons car-

rés et tinrent ferme. Mais, dans ce moment,

Wellington fit avancer toute la ligne anglaisede sorte que, malgré le courage exercé de ces

intrépides vétérans ils furent aussi mis en

désordre et entrâmes dans la déroute générale,en dépit des efforts de Ney, qui, ayant eu son

cheval tué sous lui, combattit Fépée à la main,et à pied, jusqu'au dernier instant au front-

même de la ligne. Ce maréchal, dont les qua-lités militaires sont du moins hors de toute

contestation, a démenti par sa conduite dans

l'action deux circonstances répandues par les

amis de Buonaparte. L'une de ces fictions se

trouve dans son propre bulletin, qui attribue

la perte de la bataille à une terreur panique

causée par la perfidie de quelques voix in-connues qui élevèrent le cri de sauve <~M

peut! Une autre relation, accréditée à Paris,

portait que les quatre bataillons de la vieille

garde qui conservèrent les derniers une appa-rence d'ordre, sommés de se rendre, fir entcette

réponse magnanime La garde //MM/~ ne se

rend pas Une édition de cette histoire ajoute

que dans ce moment les bataillons, firent un

demi-tour en dedans, et déchargèrent leurs fusils

les uns sur les autres afin dc~ne pas mourir par

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5 y~ VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

les mains des Anglais. Ni la réplique, ni le pré-tendu sacrifice de la garde n'ont le moindrefondement. Cambrone, dans la bouche duquel

cette réponse est mise, rendit lui-même son épéeet resta prisonnier. De plus, la noble conduitede la vieille garde reçoit .un plus digne hom-mage de l'aveu unanime qu'elle combattit jus-qu'à l'extrémité avec un inébranlable 'cou-

rage, que de ceux qui lui attribuent une espècede suicide militaire sur le champ d'une bataille

perdue. Tous ces soldats combattirent commedes braves, et ce n'est pas les louer que de les

représenter comme des insensés. Que ces pa-roles aient été ou non proférées par Cambrone,la garde impériale abien mérité qu'elles fussentinscrites sur son monument.

Pendant ce mouvement décisif, Bulow, qui

avait concentré ses troupes, et qui à la fin setrouvait enforce pour agir, emporta le villagede Planchenoit a l'arrière garde française,et fit un feu si actif sur leur droite que la ca-nonnade gêna la poursuite des Anglais, et fut sus-

pendue, en conséquence. Les armées anglaiseet prussienne s'avançant en lignes obliques, se

réunirent sur les hauteurs si récemment Occu-pées par les Français, et célébrèrent leur vic-toire par des cris de félicitation mutuelle.

L'armée française était en ce moment dans

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CHAPITRE XVIII. 673

une complète déroute et quand les générauxvictorieux se rencontrèrent à la ferme de la

Belle-Alliance, il fut convenu que les Prussiens

se mettraient à la poursuite de l'ennemi, parceque les Anglais étaient épuisés par les fatiguesd'une bataille dé huit heures.

P.endant toute Faction, Napoléon conservaune grande sérénité. Il se tint sur les hauteursde laBelle-Alliance, et assez près.du centre. Decette position son regard embrassait toute la

plaine, quin'a

pas plusde deux milles d'étendue.

Long-temps il n'exprima aucune inquiétudesur le sort de la bataille, il observa la conduitede chaque régiment, loua plus-d~une fois les

Anglais', mais toujours en parlant d'eux commed'une proie assurée. Quand sa garde se disposaau dernier effort, qui lui fut si.fatal, il,descendit

lui-même à moitié chemin de la chaussée de laBelle-Alliance, afin de lui faire une dernièreexhortation. Il suivit attentivement leur mar-che avec une lorgnette, et refusa d'écouter unou deux aides-de-camp qui venaient en cemoment de la droite l'informer de l'apparitiondes Prussiens. Enfin, voyant les colonnes d'at-

taque chanceler et se confondre, celui de quinous tenons,ces renseignemens nous dit qu'il de-vint pâle comme un cadavre qu'il se dit à lui-

même, et à ceux qui l'entouraient, «Tout est

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5~4 VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.

perdu à présent. » H quitta alors le champ debataille sans s'arrêter ni se rafraîchir jusqu'àCharleroi, où il resta un moment dans une

prairie,et

occupaune tente

qu'onlui avait

préparée. 1

Cependant Blucher ne cessait de poursuivrel'armée française en déroute. Il accéléra lamarche de l'avant-ga-rde prussienne, et envoyatous ses cavaliers sur les traces des Françaisfugitifs. AGennappe, ils tentèrent une espèce de

défense, en barricadant le pont et les rues. Maisles Prussiens les forcèrent en un moment; et,quoique les Français fussent assez nombreux

pour opposer de la résistance, le désordre étaitsi grand, et leur force morale si complètementabattue pour le moment, qu'ils furent la plu-part égorgés comme des troupeaux, et chassés

de bivouac en bivouac, sans montrer l'ombre

Nous avons été instruit de ces détails par un paysanflamand appelé Lacoste, qui, obligé de servir de guide à

Buonaparte, resta avec lui pendant toute l'action et l'ac-

compagna à Charleroi. Il paraissait être un homme intel-

ligent, et racontait son histoire avec la plus grande sim-

plicité. L'auteur l'a vu, et a entendu son récit très peu de

temps après l'action.

Nous avons entendu dire qu'un guide intelligent, Lacosteracontait à chaque voyageur l'histoire qui semblait le flatter le

plus. (Édit.)

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CHAPITRE XVIII. 5~5

de leur courage accoutumé. Cent cinquantecanons furent abandonnés aux Anglais, et lesPrussiens en prirent un nombre égal. Ces der-niers

s'emparèrentaussi de tout le

bagagede

Napoléon et de sa voiture, où, entre autres ob-

 jets de curiosité, l'on trouva une proclamationqui devait être publiée à Bruxelles le lende-main.

La perte des Anglais dans cette terrible ba-taille fut immense, comme le dit le duc de Wel-

lington, qui n'est pas un faiseur de phrases exa-gérées. Cent officiers tués, cinq cents blessés,dont plusieurs mortellement, quinze millehommes tués ou blessés (indépendamment de

la perte des Prussiens à Wavres), plongèrentla moitié de l'Angleterre dans le deuil. Plusieursofficiers de distinction succombèrent. Il faut

toute la gloire et tous les solides avantages decette immortelle journée, pour consoler du

prix auquel elle fut achetée. Le commandanten chef, forcé de se porter partout, fut conti-nuellement dans le plus grand péril. Le duc etun officier de son nombreux état-major furentles seuls qui ne furent point blessés, ni eux,

ni leurs chevaux.Il serait difficile de calculer l'étendue de la

perte des Français. Outre ceux qui succombè-rent dans le combat et dans la fuite, ,un grand

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5~6 VIE DE NArOLEON BUONAPARTE.

nombre déserta. Nous ne croyons pas que de

soixante-quinze mille hommes, il en soit restéla moitié sous les armes.

Ayant fini notre récit de. cette mémorableaction, nous nous croyons obligé de parler dece que Napoléon lui-même en a dit, afin d'ytrouver de nouvelles lumières sur ce sujet,mais surtout sur son caractère.

Le récit de la bataille de Waterloo, dicté parNapoléon à Gourgaud, et que le général Grou-

chy traite de roman rempli de suppositionsgratuites, de déguisemens et de faussetés, ac-cuse les généraux qui combattirent sous Buo-

naparte, d'avoir dégénéré. Ney et Grouchysont plus particulièrement désignés; le pre-mier par son nom, le second par une allusionévidente. Il y est dit qu'ils avaient perdu cet

énergique et audacieux génie qui les distin-guait autrefois, et auquel la France dut ses

triomphes ils étaient devenus craintifs et cir-

conspects dans toutes leurs opérations; et mal-

gré leur bravoure personnelle, l'objet impor-tant pour eux avait été de s'exposer' le moins

possible. Cette remarque générale, faite à des-

sein, pour transporter de l'Empereur à ses lieu-tenans, le blâme du mauvais succès de cette

campagne, est à la fois injuste et ingrate.Avaient-ils perdu leur énergie, ceux qui, dans

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CHAPITRE XVIII. 677

le champ de Waterloo, combattaient encore

long-temps après que l'Empereur l'eut quitté?Grouchyétait-ilirrésolu dans ses opérations, lui

qui ramenasa division à Paris, malgré tous lesobstacles que lui opposa une armée victorieuse,trois foisplus forte quela sienne? Ces deux chefsavaient abandonné pour Napoléon, le rang etla fortune, qu'ils auraient pu garder paisible-ment sous les Bourbons. Montrèrent-ils la ré-

pugnance à s'exposer dont on les accuse, quand,

pour le rejoindredans sa carrière

aventureuse,ils oublièrent non seulement leur intérêt et leur

sûreté, mais encore leur. honneur, à la face de

l'Europe, en s'exposant à une mort certaine,si les Bourbons l'emportaient? Ceux qui com-battirent la corde au cou, et tels étaient cer-tainement Ney et Grouchy, agissaient, il nous

semble, en désespérés. Est-il croyable, qu'ende telles circonstances, ceux dont la fortune etla vie dépendaient de la victoire, braves d'ail-leurs comme on le reconnaît, soient restés en

arrière quand leur sort était dans un\des bas-

sins de la balance?On ne peut guère attendre que celui quiétait

injuste envers les siens fût plus vrai à l'égardd'un ennemi. Le duc de Wellington, en toute

occasion, n'a pasrefusé *auxtalens militaires de

Napoléon cette' justice qu'un esprit généreuxVIEunNAp.Buojf.Tome8. 37

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5 y 8 VIE DE NAPOJGÉON BUONAFARTE.

est jaloux de rendre àun adversaire, et il a-vo-lontiers déclaré que la conduite de Napoléon etde son armée dans cette mémorable bataille

fut digne de leur grande réputation. On dirapeut-être qu'il est facile au vainqueur d'accor-der des louanges au vaincu, mais qu'il faut'un

plus haut degré de candeur au vaincu pour ren-dre justice au vainqueur. Napoléon paraît ne

pas avoir eu cette noble grandeur d'âme, car

lui-même,' et les différentes personnes par

lesquelles il faisait circuler ses paroles, s'accor-dent dans le futile expédient d'excuser la dé-faite de Waterloo par une foule de justificationsfondées en grande partie sur de faux exposés.Le lecteur trouvera une savante discussion à ce

sujet dans un excellenf article de l'Appendicemaisil peut être nécessaire, au risque de quel-que répétition, d'en dire quelque chose ici sousune forme plus populaire. Considérons dansl'ordre le plus naturel les allégations qui ten-dent à prouver l'incapacité du général anglais,et à démontrer que la bataille de Waterloo nefut perdue par les Français que par une combi-naison de fatalités extraordinaires.

Voyez ce récit de la bataille de Waterloo, égalementclair eLseientinque, par Pringle, capitaine d'artiilerie,

qui suppléera amplement à ce qui manque à notre narra-

tion.

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CHAPITRE XVIII. 5yg

Là première, et la plus fréquemment répé-tée de ces allégations, est que le duc de Wel-

lington fut surpris le i5 dans ses cantonnemens,et ne

putassez tôtrassembler son armée à Qua-

tre-Bras. Nul doute que sa grâce n'eût été trèsblâmable si Napoléon, par une information ex-

presse ou quelque mouvement indiquant son

dessein, eut découvert sur quel point il comp-tait s'avancer. Mais l'usage chevaleresque d'as-

signer le lieu du combat n'est plus de notre

temps;et

Napoléon, plus quetout

autre, pos-sédait l'art de masquer ses mouvemens et de

tromper son ennemi concernant le point sur le-

quel il méditait une attaque. Le duc etle princeBlûcher furent donc obligés de préparer la con-centration de leurs forces sur différens points,en attendant que le choix de Napoléon fût

connu; et pour être prêts à les rassembler surquelque position que ce fut, ils durent, en éten-dant leurs cantonnemens, retarder en quelquesorte le mouvement sur toutes. Le duc ne pou-vait sortir de Bruxelles ou concentrer ses for-

ces, jusqu'à ce qu'il fût informé de celles del'en-

nemi. On a dit qu'un ministre français, qui lui

avait promis de lui envoyer une copie du plande campagne de Buonaparte, imagina un tour

de finesse politique pour escamoter sa parole.J

C'estFouché quiparait avoirétéencorrespondance

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VIE DE NATOLÉON BUONATARTE.58o

Nous ne prétendons pas nier l'activité et le ta-lent déployés par Buonaparte qui, s'il eût

pu arriver avec toute son armée le soir du

i5  juin, aurait probablement empêché la jonc-tion projetée entre Blücher et Wellingtonmais la fameuse prière pourl'anéantissement du

temps et de l'espace, serait aussipeu raisonnabledans la bouche d'un général que dans celle d'un

amant; èt Buonaparte, enchamé dans les li-mites contre lesquelles s'élève cette modeste

supplique, n'amena pas à temps un corps suffi-sant de troupes pour chasser tout devant lui à

Quatre-Bras; tandis que de l'autre côté le ducde Wellington, vu les mêmes obstacles du tempset de l'espace, ne put réunir assez de forces

secrèteavectouteslespuissancesbelligérantes,pendantqu'ilétaitministredela

police,sous

Napoléon.Il sevante

dansses Mémoires,qu'ilimaginadetenirsa paroleauduc de Wellington,en lui envoyantle plan de cam-pagnede Buonapartepar une femme,une maîtresse

de posteflamande qu'il fit arrêter sur la frontière.Ainsi,.il tintsa promesseà la lettre, etla violaquantà

 /'e.sp/A.Nous avons quelque raison de croire à cette histoire.

Une des merveilles de notretemps,

c'estque Fouché, aprèsavoir été l'auteur d'une telle complication de complots,

de plans et de contre-plans, d'intrigues révolutionnaireset contre-révolutionnaires, trouva encore le moyen de

inourir dans son lit;

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CHAPITRE XVIII. 58l

pour repousser Ney et s'avancer au secours de

Blücher dans Faction de Ligny.1

On reproche aussi au duc de Wellington lechoix de la

plainede Waterloo comme la mar-

que d'un faible jugement, parce que, bien quecette plaine offrit tous les moyens de soutenir lecombat ou de poursuivre la victoire, et surtoutla facilité de communiquer avec l'armée prus-sienne, elle ne présentait, suivant la critique'impériale, aucune sécurité en cas de retraite,

puisqu'il n'y avait d'issue que la route deBruxelles, le reste de la position étant couvert

par la forêt de Soignes, devant laquelle l'armée

anglaise était rangée, et où la retraite était pré-sumée impossible.

En -admettant le principe de cette critique,

Quelques personnes ont été assez simples pour re-

garder la surprise du due de Wellington comme une

chose incontestable, parce que les nouvelles de la marche

des Français lui parvinrent dans un bal. Les idées de ces

bravès gens sur la guerre leur font croire apparemment

qu'un général doit être en sentinelle, son bâton de com-

mandement à la main, comme une statue au milieu d'une

place publique jusqu'au moment du combat.

« Calme est le cœur qui combat pour son pays il peut,« la veille d'une bataille, se livrer au plaisir, plus, doux

« encore quand le danger relève aux yeux du guerrier ces

a jouissances qui sont peut-être les dernières pour lui. »

HoMM's. .Oo~/a~

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.582

on pourrait répondre qu'un général ne campe-rait ou ne combattrait jamaiss'il devait refuserla bataille sur tout autre champ q ue celui quipos-séde tous les

avantages qui peuventêtre recom-

mandés en théorie. Le général doit examiner si

le terrain convient à l'exigence du moment,sans ëgard à d'autres circonstances moins pres-santes. On a vu des généraux choisir de prèle"rence des positions sans issue, comme il est ar-rivé à desconquérans de brûler leurs vaisseaux

pour s'obliger à poursuivreleur

entreprise jus-qu'à lafin. Qùoiqu'uneretraite assurée soit cer-tainement désirable, cependant de bons géné-raux s'en sont plus d'une fois dispensés, et no-tamment Napoléon lui-même. La bataille d'Ess-

ling ne se donna-t-elle pas sans aucun moyen de

retraite, si ce n'est de frêles ponts sur le Da-

nube ? celle de Wagram également; et, pourtout dire, Napoléon, tandis qu'il blâmait le ducde Wellington de s'être placé devant une forêt,lui-même ne s'avança-t-il pas au combat n'ayantderrière lui que le défilé des rues étroites et du

pont plus étroit de Gennape, seule issue paria-quelle, s'il était défait, il pouvait traverser là

Dyle? On peut donc présumer que si le duc deWellington choisit une position d'où la re-traite était difficile, il avait regardé la re-traite comme invraisemblable, et ~s'était cru

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CHAPITRE XVIII. 583

en état de tenir bon jusqu'à l'arrivée des Prus-siens.

Mais ce n'est pas là toute la question; car les

généraux anglais s'accordentà considérer la

forêt de Soignes comme très avantageuse à la

position; et loin d'en rien appréhender, le ducde Wellington croyait que si sa première etsa seconde ligne, étaient malheureusement .for-cées, il pourrait s'y maintenir contre toute l'ar-mée française. Le village de Mont-Saint-Jean,

en face, est une excellente ressource pour unearmée obligée d'occuper la forêt, qui est partoutpraticable pour les hommes et le§ chevaux, lesarbres étant de haute futaie, sans rameaux basni taillis. Par un rare accord d'opinions, nousn'avons  jamais rencontré un officier anglais quine regardât la forêt de Soignes comme une po-

sition admirable pour une dernière résistancetémoin la défense dubois de Bossu, près dé Qua-tre-Bras, contre les attaques réitérées du maré-chal Ney. Cette accusation contre le duc de

Wellington doit donc être rejetée comme nulle,

d'après les principes de la tactique des Anglais.Tout ce que nous ajouterons, c'est qu'il est des

circonstances où les habitudes nationales peu-vent rendre une position avantageuse aux sol-dats d'un pays, quand elle serait périlleuse àceux d'un autre.

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.584

Le second point de cette critiqué envieuseest si singulier, que, s'il ne venait d'un grandhomme dans l'adversité, on serait tenté de

le trouver comique. Napoléon se montra mé-content d'avoir été vaincu par le procédécommun et vulgaire d'une bataille rangée, etnon par des manoeuvres spéciales et tout le dé-

veloppement de l'art militaire, de la part du

vainqueur, mais si cela peut procurer quelqueconsolation à ceux qui chérissent sa renom-

mée, il est facile de montrer que Napoléon futvictime d'un plan habilement conçu, et exé-cuté malgré les circonstances qui l'auraient fait

abandonner par des hommes ordinaires maisil eut affaire à un courage que rien ne pou-vait arrêter, et a une persévérance qui ne re-cula pas devant l'exécution. Napoléon ne pé-

nétra le dessein des généraux alliés que lors-qu'il était trop tard pour empêcher l'anéantis-sement de son armée; il fut vaincu enfin parune science militaire digne d'être comparée àcelle de ses admirables campagnes.

Pour prouver ce que nous avançons, ilsuffira de remarquer que les appuis naturels et

les points de retraite des armées prussienne etanglaise étaient différens; la première se diri-

geant sur Maestricht l'autre sur Anvers, d'ouchacune attendait ses renforts. Sans égard pour

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CHATITRU XVIII. 585

cette considération, et pleins d'une mutuelle

confiance, le prince maréchal Blücher et le duc

de Wellington convinrent de se réunir contre

l'armée française. Cette réunion des forces al-liées~devait se faire à -Ligny, où Blücher ha-'sarda le combat. Par suite de cette combinai-son projetée l'activité de Napoléon et l'impos-sibilité, pour les Anglais, de concentrer assezde forces à Quatre-Bras pour accabler Ney etsa troupe, les empêchèrent de faire un mouve-

ment oblique, et de secourir Blücher dans cemomentcritique.

Lâ partie alors eût été égale, et l'armée an-

glaise serait venue au secours des Prussiens à

Ligny, comme les Prussiens vinrent au secoursdes Anglais à Waterloo.

Napoléon eut le mérite de déconcerter ce

plan pour le moment; mais il ne découvrit pas;et ne pouvait découvrir que les généraux alliés

conservaient, après la perte de la bataille de

Ligny, le même dessein qu'ils avaient au com-mencement de la campagne. Il imagina, commetout ce qui l'entourait, que Blucher se rétire-rait sur Namur, ou dans toute autre direction

qui le séparerait des Anglais; car il était naturelde penser qu'une armée défaite se rapprocheraitde ses ressources, plutôt que d'entreprendre de w

nouvelles opérations 'offensives. Napoléon se

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.586

méprit à cet égard, au point de croire que si

Blücher se retirait sur la même ligne que les

Anglais, les moyens qui restaient aux Prus-

siens pour coopérer avec leurs alliés étaient silimités, et, peut-être pensait-il, le courage du

général si abattu quë le maréchal Grouchy,avec trente-'dëux mille hommes, suffirait pourles tenir, en échec. En conséquence, le maré-

chal fut, comme nous l'avons vu, envoyé beau-

coup trop tard, sans autres instructions que de

suivre les Prussiens et d'occuper leur atten-tion. Trompé par les démonstrations de Blü-

cher, il prit d'abord la route de Namur, et

sans aucune faute de sa part, il perdit un

temps précieux.Buonaparte blâme le maréchal Grouchy de

n'avoir pas découvert la direction réelle de

Blùcher, qu'il n'avait aucun moyen de con-naître, et de n'avoir pas obéi à des ordres quinon seulement ne lui furent jamais donnés, mais

encore qui ne pouvaient l'être, parce que Na-

poléon ignorait aussi-bien que le maréchal, queBlücher eut pris la détermination de se réunir

a tout événement à Wellington. Ce projet d'a-

gir de concert était pour l'Empereur l'énigmedu Sphinx, et il fut vaincu parce qu'il ne putla deviner. Il tourna même cette idée en ridi-

cule. Un de ses officiers, suivant le baron Muf-

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CHAPITRE XVIII. 58y

fting, ayant fait entrevoir la simple possibilitéd'une  jonction entre l'armée prussienne et cellede Wellington, Napoléon souruTavec mépris.

« L'armée prussienne dit-il elle est défaite;éllene peut se rallier de trois jours: j'ai soixante-

quinze mille hommes, les Anglais cinquantemille seulement, Bruxelles me tend les bras;

l'opposition anglaise n'attend que mes succès

pour lever la tête. Alors, adieu subsides et adieucoalition » Napoléon reconnut franchement,

à bord du Northumberland, qu'il ne soupçon-nait pas que le due de Wellington se proposâtd,e combattre en sorte qu'il négligea de recdn-'naître le terrain assez exactement. On sait quelorsqu'iï aperçut les Anglais encore dans leur

position le matin du 18 il s'écria «Je les tiensdonc ces Anglais »

Ce fut a onzeheures et demie lorsque com-mençait la bataille de Waterloo, que Grouchy,comme il a déjà été dit, surprit l'arrière-

gardé des'Prussiens. Une force considérable,

paraissant être toute l'armée prussienne était

devant le maréchal, qui, d'après la nature du

terrain, n'avait aucun moyen d'en reconnaitre

le nombre, ni de découvrir que trois divisionsde l'armée de Blücher étaient déjà en marchen droite, à travers les défilésde Saint-Lambertet que c'était seulement la division de Thiel-

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VIE DE NAPOLÉON BUONAPARTE.588

man qui restait sur la Dyle..Encore moins

pouvait-il savoir, ce qui n'était connu que duduc et de Blücher que les Anglais devaientdonner la bataille a Waterloo. Il entendit a lavérité une forte canonnade dans cette direc-

tion, mais elle pouvait provenir d'une attaquesur l'arrière-garde anglaise le duc, dans l'opi-nion générale de l'armée française, étant en

pleine retraite sur Anvers. De toute manièreles ordres du maréchal étaient d'attaquer l'en-nemi

qu'ilavait devant

luiil

ne pouvaitou-

blier que Ney avait été réprimandé pour avoirdétaché une partie de ses troupes, le 16, surlebruit d'une canonnade, et il devait naturelle-ment désirer d'éviter le même blâme pour lamême cause. Si même Napoléon était sérieuse-ment engagé avec les Anglais, il. semblait que

Grouchy dût occuper les nombreuses forcesqu'il observait à Wavres, et se ranger le longde la Dyle, pour les empêcher de rien entre-

prendre contre Napoléon, si, malgré toutes les

probabilités, il était engagé dans une bataille

générale. Enfin, comme Grouchy pensait avoirdevant lui toute l'armée prussienne, évaluée à

quatre-vingt mille hommes, il lui eût été im-possible de détacher d'une armée de trente-deux mille hommes un corps considérable ausecours de Napoléon. En attaquant avec des

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CHAPITRE XVIII. 58g

forces si inégales, il montrait son dévouaient,au risque d'être totalement détruit.

Cependant, il engagea la bataille sans hésiter,

et, attaqua la ligne des Prussiens le long de laDyle, sur tous les points, à Wavres, au moulinde Bielge et au village de Limale. Les Prus-siens sous Thielman se défendirent avec unetelle valeur, que Grouchy ne put occuper quecette, partie de Wavres qui était de son côté surla Dyle. A quatre heures, et conséquemment

quand le sort de la bataille de Waterloo étaitpresque décidé, Grouchy reçut du maréchalSoult le seul ordre qui lui parvînt dans la jour-née, et qui lui enjoignait de manœuvrer pourse réunir au flanc droit de l'Empereur; mais en

même temps lui donnant la fausse nouvelle quela bataille était gagnée sur la ligne de Waterloo.

Un post scriptum informait Grouchy, queBulow paraissait sur le flanc droit de Napo-'léon, et que s'il.arrivait à temps, il prendraitle Prussien flagrante c~&'c~o.

Ces ordres étaient clairs; mais il fallait deuxchoses pour les exécuter la première, queGrouchy put se défaire de Thielman,: avec

lequel il s'était si étroitement engagé, et quin'eût pas manqué de poursuivre le maréchal

français, s'il se fût retiré sans l'avoir repoussésecondement, il était indispensable qu'il passât

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5go VIE DE NAPOLEON BUONAPARTË.

la petite rivière de la Dyle, défendue par ladivision de Thielman, puisque la route par lesbois de Chapelle-Lambert était celle par la-

quelleil

pouvait plusfacilement marcher sur

Waterloo. Grouchy redoubla d'eSbrts pourforcer la Dyle, mais il ne put y réussir avantla nuit, et même alors ce fut partiellement; carles Prussiens continuèrent à occuper le moulinde Bielge, et restèrent en force, à la portéed'un coup de canon de la position de Grou-

chy.Le lendemain matin, le maréchal, inquietd'apprendre avec certitude le sort de Napoléon,quoiqu'il le crut vainqueur d'après la lettre de

Soult, envoya reconnaître. Quand il apprit la

vérité, il commença sa retraite avec tant de

talent, que malgré la vive poursuite des Prus-

siens dans tout le feu de la victoire, il put ra-mener sa division entière sous les murs deParis. D'après toutes ces circonstances, il est

prouvé que Buonaparte n'avait nul droit de

compter sur le secours de Grouchy, puisqu'ilobéit scrupuleusement àses ordres; et quand à

quatre heures l'ordre d'attaquer et de presser

l'arrière-garde prussienne, fut changé par Soulten celui de se porter à l'aile droite de Buona-

parte, Grouchy était vivement engagé avec.

Thielman, qu'il lui fallait nécessairement dé-

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CHAPITRE X~ni. 5(~1

faire avant de traversèr la Dyle, pour accom-

plir la jonction proposée.Le mouvement de Blûcher fut'donc l'inspi-

ration du courage et du jugement, puisque leprince-maréchal laissa une seule division de sonarmée pour soutenir un combat'douteux contre

Grouchy, et s'enveloppa lui-même avec lestrois autres dans ce mouvement de flanc, àtravers les bois de Saint-Lambert, par lequelBlûcher paya avec intérêt ce qu'il devait à

Napoléon, pour un mouvement semblableavant les affaires de Champ-Aubert etdeMont-mirail en 181~.

Le même système adopté par Blücher exi-

geait que le duc de Wellington maintînt sa po-sition en se bornant à une stricte défensive.La tentative de succès partiels ne pouvait faire

avancer les Anglais, qui devaient, avant tout,garder leur terrain. Chaque pas rétrogradequ'ils eussent pu faire faire aux Français avantl'arrivée des Prussiens, aurait été désavanta-

geux d'autant, puisque l'important n'était pasde battre l'ennemi par les eSbrts des Anglaisseuls, ce qui, dans l'état des deux armées, n'eût

abouti qu'à une victoire momentanée, mais del'arrêter dans la position de la Belle-Alliance,

 jusqu'à l'arrivée de l'armée de Blücher. Quanddonc Napoléon objecte à la conduite du duc de

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592 VIE DE NAPOLEON BUONAPARTE.

Wellington, le 18, qu'il ne manœuvra pasassez tôt, il critique la circonstance même quirendit la victoire décisive. Il fut lui-mêmearrêté dans sa

position, jusqu'àce

que sa pertefût inévitable.

Presque tous les historiens français, et quel-ques Anglais, se sont plu à dire que les An-

glais étaient au moment d'être défaits quand lesPrussiens arrivèrent; C'est le contraire les

Français avaient attaqué, et les Anglais avaientrésisté

depuisonze heures

jusqu'à prèsde

sept;et quoique la bataille fut très meurtrière, les

premiers n'avaient remporté aucun avantage,excepté au bois d'Hougomont et à la ferme dela Haye-Sainte; avantages aussitôt perdus que

gagnés.C'est avec raison que le baron Mufflingdit « que la bataille n'eût pas été plus favorable

à l'ennemi, quand bien même les Prussiens neseraient pas arrivés. )) C'est un témoin et un

 juge irrécusable; et sans doute il voulait exalter,autant que la vérité et l'honneur le permet-traient, la gloire acquise par ses compatriotesdans cette mémorable action; où il eut person-nellement une grande part. Lorsque Napjoléon

faisait les derniers efforts les troupes de Bulowétaient à la vérité sur le-champ de bataillemais elles n'avaient pas encore combattu, etleur présence n'avait excité aucune crainte.

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CHAPtTHËXVUl. 5g3

Napoléon annonça à sa garde, avant ce dernier

effort, que les Prussiens qu'ils voyaient étaient

poursuivis par les Français de l'armée de Grou-

chy. Peut-être le croyait-il lui-même; car le

feu de l'artillerie de Grouchy, qu'on supposaità une lieue et demie, mais'qui était réellementà près de trois lieues, s'entendait distinctement.

Quelqu'un de la suite de Napoléon vit la fuméedes hauteurs deWavres. ((La bataille est gagnée,dit-il; il faut forcer la position des Anglais, etles

jetersur les déniés. Allons la

gardeen

avant! )) Ils attaquèrent donc dans la soirée,

quand l'armée était déjà repoussée en deçà desa propre position. Ainsi, avant que les Prus-siens arrivassent, Napoléon avait fait tout ce

qu'il pouvait faire, et il ne lui restait plus un

corps qui ne fût désorganisé, excepté quatre

-bataillons de la viéille garde. On ne peut doncdire que nos alliés protégèrent l'armée anglaisecontre un ennemi qui était totalement .défait,mais les Prussiens méritent la reconnaissance

Napo)éona donnélesmêmesdétailsàbord duNor-~e~/?~. Le générâtGourgauda dit inexactement

quel'Empereuravaitpris le corpsde Bulowpourcelui

de Grouchy.Napoléona expliquéqu'il avait vu lesPrussienssur'le champde bataiHe et leur avaitopposéuneforcesuffisantecroyantqueGrouchylespressaitenarrièreetenflanc.

VtBDENAp.BcoN. Tome 8. S8

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5c)~ YIE DE NAPOLEON BUONAPARTE

de l'Angleterre et de l'Europe, par la généreuseet courageuse confiance avec laquelle ils vin-rent au secours de Wellington à travers tant de

dangers,et

parle zèle et

l'activité avec lesquelsils complétèrent la victoire.Il est généralement reconnu que l'armée an-

glaise, épuisée par un si long combat, n'aurait

pu profiter, en le terminant, du désordre de

l'ennemi, tandis que rien ne peut surpasser ladextérité et la rapidité que les Prussiens mirent

à le poursuivre.Les lauriers de Waterloo doivent être par-tagés les Anglais gagnèrent la bataille, lesPrussiens l'achevèrent et assurèrent les fruitsde la victoire. 1

Les observations du baron MnfRing, sur l'armée an

glaise, intéresseront nos lecteurs

Il n'y a peut-être pas dans toute l'Europe une armée

supérieure à l'armée anglaise, sur le champ de bataille;

c'est-n-d~re que c'est une armée dans laquelle l'instruction

militaire est entièrement dirigée de ce côté, comme versson objet exclusif. Le soldat anglais est fortement consti-

tué, et la nature l'a doué de courage et d'intrépidité. Il

est accoutumé à une discipline sévère, et il est bien armé.

L'infanterie résiste aveç succès à la cavalerie et se

montre plus indifférente qu'aucune autr&armée de l'Eu-

rope, quand elle est attaquée en flanc ou en queue. Ces

qualités expliquent pourquoi les Anglais n'ont jamais été

défaits en bataille rangée, depuis qu'ils sont commandés

par le duc de Wellington.

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CHAPITREXVIII. 696"D'autre.part, il n'y a point de troupes en Europe

moins exercées que les Anglais dans le service léger et les

escarmouches, aussi ne font-ils pas ce service eux-mêmes.

L'armée anglaise en Espagne formait le centre autour

duquel se ralliaient les Espagnols et les.Portugais. Le duc

de Wellington agissait sagement en réservant ses troupes

anglaises, pour les batailles régulières, et en entretenant

cette idée parmi elles. #

« Si, d'un côté, un pays est digne d'envie, qui possèdeune armée entièrement composée de grenadiers de l'autre

cette armée peut éprouver de grands désavantages, si eUe

n'a point un général qui 'comprenne sa situation particu-

lière, et sache éviter le combat, partout ailleurs que sur

un terrain avantageux. Il est à croire que les Anglais fe-

ront rarement la guerre sur le continent, sans alliés, et il

parait que leur système est établi sur ce principe.« Une telle armée est aussi très précieuse pour ses alliés;

car le point le plus difficile de l'art de la guerre aujour-

d'hui, est de former une armée pour les batailles rangées. »

Le baronajoute

dans unenote,

sur la même

opinion:« Les peuples qui habitent les autres parties du monde, et

qui ne sont pas arrivés au même état que nous de civilisa-

tion, en sont la preuve. Ils savent mieux que les Européens

combattre d'homme à homme, mais ils ne peuvent nous

gagner une bataille. La discipline, dans toute la force du

mot .est le fruit de l'instruction morale et religieuse." »

Histoire de la campagne de l'armée anglaise, etc., sous

oy~e.t <~M~Hc </e~e/o/ 

ef ~e ~'cr/Me'e /He/ty:<*~oM~.f oy~e~K/Mce ~B/KC~er

et de l'arméeprussiennesous les ordres du prince Blücher de yYahlstadt, t 8 t 5;par

C. de W. Stuttgardt et Tubingue t8i7.

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APPENDICE

REMARQUES SUR LA CAMPAGNE DE l8.i5, PAR

LE CAPITAINE JOHN *W. PRINGLE', DU CORPS

ROYAL DES INGENIEURS.

LES observations suivantes furent tracées à la bâte,

dans un temps où l'intérêt public se trouvait excité

par plusieurs relations de ïa campagne de i8i5, rédi-

gées par différens individus réclamant tous en leur

faveur la distinction particulière d'avoir écrit sous la

dictée de Napoléon, du sous sa direction immédiate. A

quelques légères exceptions, près, et sauf  quelques

anecdotes particulières ces relations se ressemblent

beaucoup, quant à ce qui regarde les détails mili-

taires'. Le neuvième volume des Mémoiresde

JVa~o- /éon, publié par Q'Meara, est peut-être la première

Liv tx. ~Mf/MO/rM~M~rtOMM TV~o/eo/t, a-Londres,Liv R. PhHips, 1820. –Montholon, MeMo/r~efe~Va-chez sir R. Philips, 182'0. -Montholon, Mémoires de Na-

poléon, à Londres, 'chez Cotburn,!8'î5.– Las-Cases; &

Londres, 2 vol. -'Gourgaud, Guerre de t8t5; à Londres,

i8a4- On trouvera dans ces ouvrages plusieurs passages quisont absolument

semblables; par exemple ~Montholon,t. n,

pag. 2~2-aSg, répète ce que dit le livre m, page43. Grou-

chy, page 4, désigne ces ouvrages de Sainte-Hélène, comme

contenant des instructions et: des ordres supposés; des mou-

vemens imaginaires, etc. encore,'des assertions erronées,

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5g8 APPENDICE.

source d'où la plus grande partie de ces diverses pro-ductions est tirée. Cet ouvrage est à présent géné-ralement reconnu comme ayant été, jusqu'à un cer-

tainpoint, composé par Buonaparte.Ces écrits ont eu un but particulier, celui de

prendre la défense d'un grand homme dans l'infor-tune. Cet homme est cependant toujours mis en

avant; ses actions sont ou palliées ou louées dans

ce but; et même pour l'atteindre, on sacrifie parmomens 'et la réputation de ses propres officiers et la

stricte vérité des faits. Les détàils militaires de la cam-

pagne sont restés sans explications, pendant que les

généraux dont l'honneur et la.renommée ont été atta-

ques, ont fait paraître d'autres relations qui donnent

des éclaircissemens curieux sur la campagne même,et sur l'ensemble d'un système qui a si long-tempsépouvanté le monde. Ces derniers ouvrages sont peuconnus en Angleterre.

Quiconque a parcouru la. masse des ouvrages mili-taires écrits par des officiers français, la plupart bienécrits et plusieurs composés avec art, doit sentir com-bien ils sont propres à encourager. chez les  jeunes

des hypothèses[faitesaprès coup voyezaussi p. 26. C'estavec justicequi-'ilappellecesauteurs « dès individus qui sepersuadentquel'auréolede gloired'un grandhomme enles

éclairantun moment,lesa transformésen d'irrécusablesau-torités, et ne voyant pas qu'un éclat d'emprunt, qui ne seréfléchitsur aucun fait d'armes connu, sur aucun serviceéminent, nesertqu'a mieuxfaireressortirla présomptueuseimpéritie~dcsjugemensqu'ilsprononcent, page 22.

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APPENDICE. 5gg

gens un certain esprit de supériorité nationale, surtoutdans un pays'où ils ne lisent que les ouvrages mili-taires de leurs compatriotes. Jamais on ne trouvedans ces ouvrages' une armée française battue sur le

champ, de bataille, que cela ne s'explique par uneraison plausible, ou, comme s'exprime Las-Cases«par une combinaison de fatalités inouïes. » De tels

moyens-ont'le plus grand effet sur lés esprits des

 jeunes soldats.w

.On a eu grand soin, dans ces diQ'érëns ouvrages,d'aller à la rencontre des accusations des militaires,

quant à la disposition et a l'emploi de l'armée'fran-çaise.' Si l'on admet une erreùr, elle est du moins

épargnée à B'uonaparté, et attribuée à l'incapacité ouà la négligence de ses généraux. Les talens et la gloiredes chefs anglais sont peu estimés; leurs succès sontattribués au hasard plutôt qu'au talent, et le résultat

emportant deda bataille est attribué moins au cou-

rage des troupes ahglaisës~qu~ à l'arrivée à propos desPrussiens qu'ils disent avoir sauvé l'armée anglaise.Ce qu'aujourd'hui l'on appelle idées libérales paraîtavoir mis à la moded'avancer et de croire ces récits;ët'il n'est .pasrare de trouver des Anglais qui doutentde la gloire et du succès de leurs concitoyens danscette  journée mémorable. Le dépit de l'esprit de fac-tion à contribué à ces sentimens 'et, sous le

masquedu patriotisme il a cherché de révoquer en douteles exploits militaires de nos compatriotes, en.faisant

y ('Vol. H,p. i5.

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600 APPENDICE.

ressortir avec empressement nos fautes ou nos mal-

heurs, pendant qu'ils pallient ceux de nos ennemiset donnent souvent cette entière croyance aux rap-

ports tronqués des Français, qu'ils refusent aux dé-pêches simples et franches d'un général anglais.

C'est ce qui prouve combien décroît chez nous cesentiment national et cette  jalousie pour l'honneurde notre patrie, principales sources de toutes les

grandes actions, pendant que d'autres nations, nos

rivales, s'y livrent avec une nouvelle ardeur.'Per-sonne ne

pourrait persuaderà un Français

quece fut la valeur anglaise qui vainquit dans presquetoutes les batailles, depuis celle de Crécy jusqu'àcelle de Waterloo; et il est impossible d'oubliercet orgueil national, si honorable pour les Fran-

çais, qui même pouvait faire oublier pour un mo-

ment aux malheureux émigrés leur propre misère

dans la gloire qui couronnait les armes de la Répu-

blique pendant cette révolution qui les avait chassésde leurs foyers.

Les ouvrages anglais sur la campagne de i8i5, à

une seule exception près sont incomplets, écrits pardes personnes ne connaissant pas l'art militaire,* et

composés à la bâte de matériaux suspects ou impar-faits. °

Batty.Lameilleurehistoiredela campagneestcelled'un auteur

anonyme, C. de W., publiée a Stuttgardt, i8ry elle estattribuéeaubaron MufHing.Lacandeuret la franchisequ'ony remarque,fonthonneur M'iUustreauteur,quoiqu'i)cherche

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APPENDICE. 60 )

Quiconque a voulu analyser les relations des ba-

tailles modernes, et en distinguer ce qui peut être

estimé vrai, de ce qui est seulement avancé comme

tel, ou quiconque a comparé les relations particu-lières (trop souvent indiscrètement publiées) a des

pièces ofncielles et à des renseignemens bien choisis,ne sera pas étonné de trouver dans les relations fictives

de cette campagne des louanges excessives prodi-

guées à tort à des individus ou à des régimens et

des descriptions de charges, que l'on croirait avoir

dû anéantir des corps entiers, quand où ne trouve'

que cinquante ou soixante hommestues et blessés.danstout un régiment °..

De quelque corps que soient nos officiers, ils doi-

vent se mettre au-dessus de cette vaine fanfaronnade

ou de cette exagération puérile. C'est beaucoup quenous puissions après un long espacé de huit ans, ré"

clamer le mérite d'avoir combattu avec succès les

naturellementà donnerplus d'éclatà l'attaquedesPrussiensfaitele t8, qu'ellen'en eut rée))ement;c'est-à-dire qu'il les

meten action avec toutes leurs forces, beaucoupde tropbonneheure dansla journée.

Laremarque, livre ix, pager5o estjuste cesdétails

appartiennentplusà l'histoirede chaquerégimentqu'a l'his-

toire généraledela bataille.°

Rogniat,page14y,pariantdecescharges,dit S'iismar-

chent )a bayonnette,cen'estqu'un simulacred'attaque;ilsne la croisent jamaisavec celled'un ennemiqu'ilscraignentd'aborder, parce qu'ils se sentent sans défensecontre ses

coups et l'un des deuxpartisprend lafuiteavantd'en venirauxmains. Têtestlefaitdanstoutesles charges.

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6o3 APPENDICE.,

troupes de la première puissance militaire de l'Eu-

rope pendant que nos soldats leur ont disputé la

palme de la valeur, que nos officiers, avec des préten-tions moins outrées

que cellesde ces maréchaux tant

vantés ont déployé autant de science militaire et

que nos armées, au moment de la victoire, ont mon-tré cette humanité -etcette modération que leurs anta-

gonistes ont rarement fait voir.Dans les observations suivantes, on ne prétend

ajouter aucune nouvelle lumière sur un sujet qui a

déjà été tant discuté on y traite cependant de quel-ques faits qui n'ont pas été appréciés, et l'on y prenden considération des vues qui n'ont pas été pleine-ment développées. Plusieurs accusations qui ont été

portées contre les généraux des forces alliées, commeméritant d'être blâmés, et un talent supérieur pourprofiter de leurs fautes qui a été attribué à leurs an-

tagonistes, pourraient être bien expliqués d'après la

situation où ils se trouvaient relativement les uns auxautres. Par exemple, pour juger de l'honneur accordéà Napoléon, d'avoir surpris les armées alliées dansleurs cantonnemens, il est nécessaire de connaîtrel'état des deux pays (la France et la Belgique) sousun autre rapport que celui d'observer les frontières,outre les objets que des chefs de l'armée des Alliésdevaient considérer

avant le commencement de laguerre, et pendant qu'on la pouvait encore regardercomme incertaine.

On sait que la France est garnie de forteresses surla frontière belge, pendant que la Belgique était alors

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APPENDICE. 6o3

sans défense. Les nombreuses forteresses des Pays-Bas avaient été démantelées sous le règne de l'empe-reur Joseph et elles furent entièrement détruites

parles Français

quandils

prirent possession

de ce

pays après la bataille de Fleurus en 1794? à ex-

ception d'Anvers, d'Ostende et de Nieuport, qu'ilsavaient entretenues .à cause dé leur importance mari-

time. Cescirconstances mettaient les deux partis dans

des positions bien duférentes quant à la sécurité et'

à la facilité de préparer ou d'exécuter les mesures

d'attaque ou de défense.

Les Français avaient entretenu leur célèbre triplerang de forteresses, qui s'étend sur cette partie de la

frontière depuis Dunkerque jusqu'à Philippeville et

qu'on avait mises en état de défense pendant la guerrede l'année précédente Ces forteresses donnaient

toutes les facilités pour concentrer et former des trou-

pes, pour fournir de l'artillerie et tout ce qui est né-

cessaire avant de se mettre en campagne, pour ca-cher leurs mouvemens surtout par l'organisation dés

gardes nationales, auxquelles était confié le service dès

garnisons et celui de relever et d'occuper les postesle long des frontières tel était l'état respectif  des

deux pays au moment du retour de Napoléon de l'ile

d'Elbe..On

avait déjàsenti la nécessité de rétablir les prin-

cipales forteresses sur la frontière belge, qui domi-

naient les écluses et les inondations du pays, et onl

Liv. 'x page36.

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6o4 .APPENDICE.

l'avait déjà ordonné pendant que Napoléon était en-core dans l'île d'Elbe. Une compagnie d'ingénieursanglais avait été occupée à examiner le pays dans cette

vue; mais il n'y avait

que

les

planset les

rapportsgénéraux de préparés, lorsque le retour inattendude Buonaparte, sa marche rapide sur Paris, et la pro-babilité d'une prochaine guerre, appelèrent des

moyens de défense prompts et expéditifs. La décla-ration du congrès de Vienne, du r3 mars, arriva àParis le même  jour que Napoléon elle dut le con-vaincre qu'on ne lui permettrait pas de remonter pai-

siblement sur son trône.On.peut bien croire que l'opinion générale en Bel-

gique était que, sans perdre un moment, il cherche-rait à regagner un paysqu'il regardait presque comme

partie de la France; et d'autant plus que par-là il

priverait ses ennemis d'un théâtre si convenable àleurs opérations et aux préparatifs nécessaires pour

attaquer la France. On connaissait le mécontente-ment qui régnait dans la Belgique, et dans les pro-vinces prussiennes sur le Rhin, ainsi que parmi les

troupes saxonnes qui avaient servi dans l'armée de

Napoléon L'esprit séditieux de ces troupes paraissaitêtre d'accord avec les mouvemens des forces françaisessur les frontières, tellement qu'elles furent désarméeset

renvoyéessur les derrières °. Ce mécontentementt

était fomenté par le grand nombre d'officiers et

Liv. ix, pag.58 à 61.

MutHing, page 5.

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APPENDICE. 6oS

de soldats qui, en qualité d'étrangers, avaient été

renvoyés de t'armée frànçaise, dans laquelle ils avaient

servi presque depuis la révolution, et qui se souciaient

peude cacher leur attachement, et leurs sentimens

réels. La fuite'de Louis XVIH de Lille, par la Flan-

dre; ajouta a cette sensation. Tel paraissait être

l'esprit général. Les forces que les Anglais pouvaientlui opposer ne se montaient qu'à six ou sept mille

hommes,, sous les ordres de sir Thomas Graham,

composées principalement de seconds bataillons, ras-

semblés à la hâte, une grande partie de nos meilleures

troupes n'étant pas encore, revenue d'Amérique, Il yavait encore en Belgique la légion allemande et huit

ou dix mille hommes des nouvelles levées hanovrien-

nes. L'organisation des troupes belges venait de com-

mencer, de manière que les forces du prince d'Orange

pouvaient se monter à vingt.mille hommes à peu

près.

Le général prussien Kleist, qui commandait 'surle Rhin et la Meuse, avait trente mille hommes, quise montèrent ensuite à cinquante mille, y compris

cependant les Saxons.

Ces généraux étaient convenus sur-le-champ d'agn'de concert; mais, d'après ce que nous avons dit, si

Napoléon eût concentré trente mille hommes à Lille,le t

avril,comme il dit

qu'illui était

possiblede le

faire il .est très probable qu'il aurait pu en

MuNing,p. 3.

Monthoionvol. H page?.8t )iY.)ï, page53.

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606 APPENDICE.

obtenir les résultats les plus importans car le prince

d'Orange, qui avait rassemblé ses troupes à Ath, à

Mons, à Tournai, n'était pas assez fort pour couvrir

Bruxelles, et il eût été obligé de se replier sur Anvers

ou de former sa jonction avec le général prussienKlëist. La nouvelle du débarquement de Napoléon à

Cannes, le mars, arriva à Bruxelles le g. On fit

sur-le-champ des préparatifs pour la défense du pays.Les troupes anglaises, sous le général Clinton, se con-

centrèrent avec leurs alliés, près d'Ath de Mons et

de Tournai; et l'on ordonna que ces places, ainsi

qu'Ypres, Gand et Oudenarde, fussent mises en étatde défense selon l'exigence du moment. Pour rem-

plir ce but, on se servit de tout ce qui restait des an-

ciennes fortifications on ajouta de nouveaux ouvra-

.ges et l'on se prévalut du grand système de défense

dans ce pays, qui est généralement au-dessous du ni-

veau de quelque canal ou de la mer, et qui est consé-

quemment susceptible d'être inondé. Les digues quidominent-les inondations furent couvertes de fortes

redoutes.

L'inondation du pays près de la mer peut se faire

en deux  jours. Les canaux ou rivières sont des con-

duits pour l'écoulement des eaux de la campagne jus-*qu'à la mer. On ouvre les digues à la marée descen-

dante

pour

la.sortie de ces eaux, et on les ferme

pourempêcher l'entrée de la mer à la marée montante. Il

est donc clair que nous aurions pu submerger le payset couvrir les forteresses des deux ou trois cotés, ce

qui aurait évité la nécessité d'y tenir de nombreuses

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APPENDICE. 607

garnisons pour leur défense Comme cette inonda-

tion de l'eau salée ruine le terrain pour plusieursannées, on résolut de ne se servir de ce moyen qu'ala dernière extrémité mais qu'en attendant on tien-

drait les digues fermées afin d'empêcher la sortie del'eau douce, qui dans cette saison pluvieuse s'accu-,

mula bientôt; et l'inondation de l'eau douce ne dé~truisit les récoltes que pour une saison.

Oh occupait tous.les jours à ces travaux près de

vingt mille ouvriers du pays mis en réquisition, outre

ceux~ue fournissaient les troupes. L'artillerie et les

munitions venaient de l'Angleterre et de la Hol-lande. Il arrivait tous les  jours des corps qui avan-

çaient immédiatement vers les frontières et d'aprèsleurs mouvemens continuels, il est probable quel'ennemi en recevait des rapports exagérés.

Ces mesures vigoureuses et promptes rétablirent la

confiance et dissipèrent les craintes des Belges, qui

virent que, leur pays ne serait abandonné qu'aprèsune défense obstinée; elles fixèrent ceux qui hési-

taient et imposèrent silence aux mécontens. En moins

d'un mois la plupart des places frontières étaient à

l'abri d'un coup de main.

Le duc de Wellington était arrivé de Vienne à

Bruxelles au commencement d'avril et ayant immé-

diatement inspecté la frontière et les forteresses, il

convint d'un plan d'opérations avec les Prussiens,

On pourrait faire monter la mer jusqu'à Gand de ma-

nière à ce que la grande place fut cinq pieds sous l'eau.

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608 ~_Pft:JSDiCE.

au moyen duquel ils concentreraient leurs troupes le

long de la Sambre et de la Meuse occupant Char-

leroi, Namur et Liège, de manière à être en com-munication avec sa gauche. Les Prussiens avaient

réparé les travaux autour de Cologne, ce qui assu-rait*leurs communications avec la Prusse, et leurdonnait une tête<de pont sur le Rhin. La petite for-teresse de Juliers leur assurait la Roér sur la même

ligne, et ils tenaient Maestricht sur la Meuse infé-rieure. Il était important d'occuper Liège et Namur,

quoique les fortifications en eussent été démolies.

Ces places donnaient et la facilité d'agir rapidementsur les deux côtes de la Meuse et le choix des fortes

positions sur les bords de cette rivière. Le méconten-tement dans les provinces sur le Rhin récemment

annexées à la Prusse, était regardé comme encore

plus grand qu'en Belgique. La forteresse de Luxem-

bourg était la clef  que la Prusse possédait pour leur

conservationet son intérêt l'aurait

.engagéeà en

faire son dépôt et la base de ses opérations pour l'in-vasion de la France; mais~outre que cette forteresseest si loin de Bruxelles que des armées occupant des

points si éloignés ne pourraient agir de concert, lesroutes dans cette partie du pays, entre la Meuseet la

Moselle, étaient presque impraticables pour l'artil-lerie et la communication générale d'une armée. De

l'autre côté, les routes et les communications, entraversant le Rhin à Cologne, étaient bonnes, la

ville même aurait pu être mise en état de'défense,et devenir la ligne de communication la meilleure

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APPENDICTE. 6ouet la"plus sûre. En regardant la carte ces observa~tions seront plus sensibles, et l'on verra que lescantonnemens des Prussiens le long de la Sambre et

de la Meuse les mettaient à même d'agir de concert

avec notre armée, de couvrir leur ligne de commu-nication avec la Prusse, et d'entrer rapidement.dans:les provinces de'la Moselle, dans le cas où l'ennemi

avancerait du côte de Metz.

LésRusses devaient arriver sur laligne'à Mayence;mais ils n'atteignirent le Rhin qu'en juin et encorece ne fut que leur premier corps; de manière que,

pour le moment, il existait un vide entre la gaucheprussienne à Dinant, et la droite austro-bavaroise à

Manheim..Il était important de couvrir Bruxelles, et il'faut

se rappeler que cette ville,formé pour ainsi dire, lecentre d'une grande portion de la frontière française,s'étendant sur un espace de soixante et dix milles de

laLys'à

à laMeuse, savoir, depuis

Menin jusqu'àPhilippeville ou Givet; qu'elle est éloignée à peu

près de cinquante milles de ces points extrêmes qu'ilétait nécessaire de garder l'entrée du côté de la

France par Tournai, Mons et Charleroi, et qu'il fal-

lait aussi empêcher que Gand ne'fût attaqué du côté

de Lille. La défense de tous ces points éloignés et la

Unetelleattaquecependant n'eût pas été continuée car)a chausséede Charleroiet de Givetétait le chemin le pluscourten venantde France dans cette direction. Le.chemin

 jusqu'à Mayenceétait alors presque impraticablepour de

grandesarmées.On y a faitdepuisde bonnesroutes.Vis or. N*p.BuoN.Tome8. 3g

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APPENDICE.6io

difficulté d'approvisionner les troupes, surtout la ca-

valerie et l'artillerie sont des causes qui expliquentassez pourquoi les armées, n'étaient pas plus rappro-chées dans leurs cantonnemens Buonaparte, d'a-

.près les bulletins tout imprimés qui furent trouvés

dans ses bagages, parait avoir attaché beaucoup d'im-

portance à l'occupation de Bruxelles. Il était donc

urgent, sous tous les rapports, d'empêcher l'occupa-tion de .cette ville, quand même elle n'eût été que

momentanée, et cela ne pouvait se faire qu'en ris-

quant une bataille devant cette place. Le duc de

Wellington et le maréchal Blücher avaient aussichacun, des vues particulières en conservant ces li-

gnes d'opérations, et ni l'un ni l'autre n'était dis-

posé à les abandonner volontiers l'un voulait main-

tenir ses communications avec l'Angleterre par

Buonaparte blâme les généraux alliés de n'avoir pas forméun camp devant Bruxelles comme il avance

qu'oneût

pu)e faire au commencement de mai. La saison pluvieuse et la

difficulté d'approvisionner une si grande masse de troupesétaient des objections, outre que Napoléon aurait pu envoyervingt mille hommes de ses garnisons pour ravager Gand etie pays au-delà de l'Escaut, et couper nos communicationsavec Ostende. En iSt~, pendant que les Prussiens étaientconcentrés près de Bruxelles, un plan semblable fut réalisé

par des forces venant de Lille. On aurait Marné les Alliés de

n'avoir pas pris des précautions contre une telle mesure.Il était certainement d'une haute importance de couvrir

Bruxelles, et le meilleur moyen d'effectuer cet objet, s'il eûtété le seul en vue aurait été sans doute de former un campdevant cette ville.

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APPENDICE. 6n

Bruxelles, l'autre avec la Prusse par Cologne. Voila

probablement la cause qui fit choisir Quatre-Braset Ligny comme des positions couvrant les deux

lignes.

Il est évident qu'une armée placée en cantônne-mens, de manière à réunir ce double objet, ne pou-vait qu'être concentrée dans une position couvrantla ville les troupes les plus avancées étant à mêmede tenir l'ennemi en échec, afin de favoriser cetteconcentration. On avait reconnu avec soin toutes

les positions sur les différentes routes par lesquelles

on pouvait approcher par la frontière française,particulièrement celle du Mont-Saint-Jean ou de

Waterloo; et il paraît qu'on ne négligea aucune

précaution pour faire face à l'attaque de l'ennemi.

Vers la fin de mars, on remarqua sur la fronhèréfrançaise, entre Lille et Berguen, des mouvemens

qui indiquaient des opérations offensives les troupescantonnées près de Menin reçurent l'ordre de faire

détruire le pont sur la Lys pour se replier sur Cour-

trai, leur point de ralliement et après une rési-

stance calculée de manière à ne pas compromettre la

sûreté de leur retraite, elles devaient chercher à

connaître l'objet des mouvemens de l'ennemi, et

donner le temps aux troupes de s'assembler. Elles

devaient se retirer sur Oudenarde et Gand, en ou-

vrant les écluses et étendant l'inondation. On ob-serva encore, vers le commencement de mai, de

semblables mouvemens mais les craintes étaient

moindres, puisque les travaux àTournai étant avancés

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6] 3 APPENDICE.

et les têtes de pont d'Oudenarde et de Gand nousrendant maîtres de l'Escaut, nous aurions pu prendrel'offensive.

On ne

peutcértainement

s'empêcherde louer

Napoléon de la manière dont il cacha ses mouve-

mens, et de la rapidité avec laquelle il concentra

son armée. La fatigue que ses troupes éprouvè-renttà la suite des marches forcées qu'elles furent

obligées de faire, paraît cependant avoir paralysé sesmouvëméns subséquens. Les nombreuses forteresses

françaises favorisaient beaucoup ses plans, en lui

procurant les moyens d'en employer les garnisons etles gardes nationaux à l'occupation des postes le longde la frontière et lui donnant ensuite l'occasion defaire des démonstrations sur les frontières près de

Lille, pendant qu'il assemblait son armée sur laSambre. Ce plan se trouvait aussi favorisé par la

circonstance que les hostilités n'étaient pas encore

commencées, ce qui empêchait nos avant-postes(quand même ils se fussent doutés d'un changementdans les troupes qui leur étaient opposées) d'obligerl'ennemi à se montrer au moyen d'une escarmouche,et d'obtenir des prisonniers la connaissance de cesmouvemens. Napoléon avait un autre avantage fort

important. L'armée qu'il commandait était composéepour la plupart de vieux soldats du même pays, et

elle était sous un seul chef. L'armée alliée était com-

posée de différentes nations, en grande partie de

Liv.ix, pag.68a 85.Montho)on,voi. if, page 132.

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APPENDICE..6l 3

nouvelles levées, et elle était sous deux généraux,chacun d'eux  jouissant d'une réputation trop grande

pour qu'ils eussent beaucoup de déférence l'un pourl'autre. l

La nuit du t~ juin, l'armée française, en trois

divisions, bivouaqua le plus près possible de la fron-

tière, sans être aperçue des Prussiens. Celle de gau-

che, à Ham-sur-Heure; celle du centre, à Beau-

mont où était le quartier-général, et celle de droite

à Philippeville.Le 15 juin, à trois heures du matin, l'armée fran-

çaise passa la frontière en trois colonnes se portantsur Marchiennes Charleroi et Châtelet. Les avant-

postes prussiens furent bientôt chassés cependant ilsdéfendirent le terrain opiniâtrement sur trois points,

 jusqu'à onze heures, lorsque le général Ziethen pritune position à Gilly et à Gosselies,- afin d'arrêter lés

progrès de l'ennemi, et puis se retira lentement sur

Fleurus, selon les ordres du maréchal Blücher, afinde lui donner le temps de concentrer son armée Le

pont de Charleroi n'étant pas entièrement détruit,

Buonaparte lui-mêmea dit « L'unitéde commandementest la chosela plusimportantedans la guerre."

Buonaparte,liv. ix page 6g, éva)ùèses forcesà 'cent

vingt-deuxmillequatrecentshommesettroiscentcinquantecanons.

–MuBIng, pagen,àcent trentemil!e.–D'autresles

portent à moins, et Batty à cent vingt-sept rnHIequatrecents, et trois cent cinquantecanons.

Grouchy, page 5g, parle de'la rapidité avec laquelleBlücherassemblasonarmée.Plusieursmi)itniresfrançaisen

parlentaussidansleursécrits.

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6l 4 APPENDICE.

fut bien vite réparé par l'ennemi. Ziethen ayantabandonné la chaussée qui mène Bruxelles parQuatre-Bras, le maréchal Ney, qui commandait la

gauchede l'armée

française,eut ordre d'avancer

parce chemin sur Gosselies; et il trouva à Fr'asnes une

partie de l'armée du duc de Wellington, composéedes troupes de Nassau, sous le commandement du

prince Bernard de Saxe-Weimar, qui, après quel-ques escarmouches, maintint sa position L'armée

française se forma la nuit du 15, en trois colonnesla gauche à Gosselies, celle du centre près de Gilly,et la:droite à Châtelet. La mêmenuit, deux corps del'armée prussienne occupèrent la position de Som-

bref, où ils furent joints par le premier corps, et ils

occupèrent Saint-Arnaud, Bry etLjtgny; de manière

que, malgré tous les efforts des Français dans une

circonstance où tous les instans étaient si précieux,ils n'avaient pu s'avancer qu'environ quinze milles

Ney aurait probablementpu repousserces troupes et

occuperl'importantepositionde Quatre-Bras; mais enten-dantunefortecanonnadesur sadroite, où Ziethenavaitprissa position, il jugeaà propos de fairehalte, et de détacherune divisiondu côtédeFleurus;carc'estun faità remarquer,puisqu'ilfut sévèrementblâmépar Napoléonde n'avoirpassuivi ses ordreslittéralementen avançantsur. Quatre-Bras.Ce reproche fut fait en présencedu maréchal Grouchy,quilecitecommeuneraisond'avoiragicommeil lefitle t8,et den'avoirpas avancésur sa gauchepour soutenirNapo-léonà Waterloo.–Voyez Observationsde Grouchysur laRelationdela campagnede i8t5, par le généralGourgaud.Philadelphie, i8t8.

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APPJENDJCE. 6j5 J

anglais dans une  journée entière Le ~orps dé

Ziethen avait beaùc'O'ùp souffert; mais, ayant rempliles ordres qu'on lui avait donnés, Blûcher~ le i5de~bonne heure

put

mettre troi~corps

de son armée

quatre-vingt mille hommes en position, et son qua-trième corps était~en marchepour le joindre le mêmesoir.

Il semble que le duc'de'Wellington s'attendait àêtre attaque par là chaussée de Mons° et en rece-

vant la nouvelle des mouvemens de l'ennemi r ilordonna seulement queses troupes se tinssent toutes

prêtes, ce qui eut lieu le 15 juin, à six heures. Â'yaAtreçu d'autres nouvelles vers les on~e h'eurës, qui con-=

firmaient que l'attaque réelle de l'ennemi était le'

long de la Samore, il ordonna immédiatement aux

troupes de marcher sur ~uàtre-Bras. Si, dans ce'

moment-là, le général anglais eût fait un faux mou-

vement sur sa droite, il n'eut pas été facile d'y re~

médïer à te'mps'pdur combattre devant Bruxelles etpour effectuer sa  jonction avec les' Prussiens mais

comme le maréchal Blueher ne së'battait'à Ligny quedans l'attente d~ëtre''s6utèhu par le 'du'c de Wel-

Hhgton, il est probable'que c'e combat ti'&ut pas eu.

Heu. Ije mai-éch~ Blucher"p'ouvait~cependantope'rel'une retraite certaine, sur le corps de Bulow et sur

Maestpc~t:, d.e;mgm,e:quele du.~ We~nfgto~pou-'t.t~.t,< n~t: ;p- .r.'J~ogtnat, p. 54i.dit'quune grande,partie de iar~nee.

françNsen arrivaa Charteroiq~taifd, ,jg tPt, et a Fteur~sle i6 â onzeheurés ~~ar~e~oi~~}~!q.' 1 .it, 36, ~,vle 16a onzeheuresdu matin. ~o~ezG*y, j); 36.

',Dépêchgsofficielles.'tt' 'j" ~J'YJWl1,.(Tt.J~ i8.,'.DépêchesofHcieHes.–MuBing, page:o. ~&

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S]6 -APPENDICE.

vait- faire la sienne sur Gand et sur Anvers, .où le

plan quel'on adopta,ensuite de concentrer à Waterloo

etWavres, n'eût pu être mis à exécution que diffici-

lement. Il est surprenant que Buonaparte ne fit pasune démonstration plus sérieuse du côté de Lille etde Mons. Le duc, en se décidant sur ces.mouvemens,était obligé d'agir d'après les avis donnés par des es-

pions ou des déserteurs, sur lesquels on ne peutcompter qu'autant qu'ils sont confirmes par les ren-

seignemens des. avant-postes qui peuvent encoreêtre trompés eux-mêmes Ce qui était vrai au mo-

ment de leur départ peut se trouver être entièrementchange à leur arrivée car ce n'est plus aujourd'huicomme autrefois il n'arrive que bien rarement àcelui qui possèdeles secrets de cabinet, surtout à un

ofncier, de trahir la confiance que l'on a en lui.

Le duc deW.ellington arriva, à Quatre-Bras le16 de bonne heure, et alla sur-le-champ à Bry,afin de

concerter avec le maréchal BIùcher le plan leplus avantageux pour se soutenir, l'un l'autre. Il sem-blait alors que toute l'attaque des Français se diri-gerait contre les~ Prussiens des masses.considérablesde l'ennepi~ étant eh mouvement sur leur front.

Bhi.cher.é~ait.dans~ce.moment au moulin~de.Bry~a! ,à:,'4"1

'L!: ,irt'(1:^:utr'.·

~Bmmg~fy. dépendant oX'ràppot-t~deFouchequ'if s~S'~a à i~rd WeUingtoù]'avis de~mauvernensde Buona-P.te.Le courrierfutattaqueet.po~rso~vi'jtar.ordrede Fon-cée, ace quel~-yoit;-de maDi.èreque.eI)ji-ciavait pour

Jes <~uxpa~a~excu~e toute p'r'ë'te en'c'as'~cbesoin.

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APPENDICE. 017

environ cinq milles anglais de Quatre-Bras Le duc

proposa'd'avancer sur Frasnes et Gosselies, ce qui

eût été un mouvement décisif  sur les communica-

tions des Français et immédiatement en arrière

de leur flanc droit; mais comme les troupes ne

pouvaient pas être prêtes à évacuer Quatre-Bras avant

quatre heures l'attaque eut été faite trop tard;

et en attendant, les Prussiens eussent été obligés de

soutenir l'attaque de presque toute l'armée française.Le maréchal Blùcher jugea donc qu'il était plus à

propos que le duc format sa jonction avec la droite

prussienne, en marchant directement par la chausséede Quatre-Bras à Bry.

Le but de l'ennemi, le 16, commeon peut le voir

par les ordres généraux communiqués par Soult à

Ney et à Grouchy, était de tourner la droite prus-sienne en chassant les Anglais de Quatre-Bras, puisde marcher par la chaussée sur Bry, et de séparer

ainsi les deux armées 3. Ney fut détachéavec

qua-rante-trois mille hommes pour cet objet-là 4. D'aprèsces ordres, il ne paraît pas que l'on s'attendît à

'.MufHing,pageio.

MuNing,~p. 61 reconnaîtquela positionde Lignyétait

trop. étenduesurlagauche',maisle but étaitd'avoirunelignede communicationavecla Meuseet Cologne fauteà laquelle

il fait allusioncommeprovenantdece qu'il y avait deuxar-

mées,et deuxchefsayanten vuedifférensobjets.

~o~e: ces ordres dans l'Appendicede Batty,tx xm,

page t5o a t53.Liv.'x,p. <o5.PapiersoBiciel!

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6l 8 APPENDICE.

prendre possession, sans trop de résistance, de Som-bref et de Quatre-Bras Ney a été accusé d'avoirdifféré l'attaque'; mais en examinant ses ordres, onverra qu'ils disaient de n'attaquer qu'à deux heures

après midi, en conséquence de ce que les Alliéss'étaient assemblés en force à Quatre-Bras. Le planétait excellent, et siNey eût réussi, il aurait conduit a

des. résultats importans. Après avoir obtenu posses-sion de Quatre-Bras, il devait détacher une partiede'ses forces pour attaquer le ûanc droit des Prus-siens en arrière de Saint-Amand, pendant que Buo-

naparte exécutait la principale attaque sur ce village,le plus fort de la position, et qu'en même temps iltenait toute la ligne prussienne engagée. La moitiédes forces de Ney étaient restées en réserve près dé

Frasnes, afin de soutenir les attaques sur Quatre-Bras ou sur Saint-Amand; et, dans le cas où l'une etl'autre eussent réussi, afin de tourner la droite prus-

sienne, en marchant directement sur Wagnèleou

sur Bry. 3

~oyezGrouchy,p. 4~.–Gourgaùd,Iiv. 'x, page toa.On supposedifficilementqu'un officierhardi et entre-

prenant commeNey, et pour qui le résultatétait si impor-tant, auraithésité d'attaquer à Quatre-Bras s'il avait euses troupes prêtes; mais il paraît qu'il ne pouvait avoir eule tempsdese trouver sur ce point d'aussibonneheure queBuonapartelui avait indiqué.Ney aussiconnaissaittrop lecaractèredes troupesqu'il combattaitpour agir trop préci-pitamment.

Les Françaisn'attaquèrentqu'à trois heures aprèsmidi,les différens corps nécessairespour l'action n'étant pas

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APPENDICE. 619

Le village de Saint-Amand fut bien défendu il

formait la force de la droite prussienne; et étant en-

tre-coupé par des jardins et des haies, il était suscep-tible de défense

quoiquetrès avancé sur le reste de

la position prussienne. La surface du pays sur le de-

vant de cette position n'a rien de remarquable la

pente du terrain vers le ruisseau est douce et d'un

abord facile. Après avoir continué l'attaque pendantdeux heures, l'ennemi n'avait obtenu possessionquede la moitié du village de Saint-Amand, et dans une

brusque attaque. Ligny fut pris et repris plusieurs

fois A(? moment, Buonaparte envoya chercher lecorps de réserve que Ney avait laissé à Frasnes

mais avant d'atteindre Saint-Amand, il eut ordre de

faire une contre-marche, à cause de l'échec éprouvéà Quatre-Bras et, d'après cette circonstance, il

devint peu utile à Buonaparte ou àNey. Ayant observé

les masses de troupes que Blücher avait amenées der-

rière Saint-Amand" (peut-être aussi parce que ce corpsdont nous venons de parler était nécessaire à Quatre-

arrivésde meilleureheure. Grouchy, page36 Rogniatpag.34t.

LettredeNeyau ducd'Otrante. Paris, 1815.–MuNing,

pagei4.

MuSing, page4. Blücheravait employésesréserves

pour soutenirsadroiteà Saint-Amand,etn'étaitpas préparéà cechangementd'attaque.MuSing observecependantquesi, aulieudesacavalerie,il eûtfaitavancersoninfanteriede

Saint-Amandpour reprendreLigny,ilaurait réussi, et qu'dauraitgagnélabataille.

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620 APPENDICE.

Bras' ), Buonaparte paraît avoir changé la dispositionde ses réserves qui marchaient sur Saint-Amand etles avoir dirigées vers la droite pour attaquer le centre

prussien à Ligny, qu'elles emportèrent, obtenant

ainsi possession de ce village Un nombreux corps decavalerie française et un autre d'infanterie s'avan-cèrent alors sur lahauteur, entre Bryet Sombref, di-rectement derrière Ligny, et prëcisement'au milieude la position prussienne, où.ils furent attaqués parBlücher à la tête de sa cavalerie cette tentative pourrétablir le combat manqua, et la cavalerie prussienne

fut repoussée sur l'infanterie'. Il était alors neuf heures, et presque nuit, ce qui empêcha les Fran-

çais d'avancer plus loin et ils se contentèrent d'oc-

cuper Ligny. Les Prussiens. n'évacuèrent Bry qu'àtrois heures du matin le i~ Pendant la nuit, lesPrussiens rétrogradèrent sur Tilly et Gembloux. La

perte des Prussiens, selon leur propre rapport, semonta

à quatorze mille hommes et à quinze pièces deGrouchy, page :o, faitvoir combienpeu décisiffut le

combat.« Labataillede Lignyn'a finique vers neuf heuresdu soir; seulementalors la retraitedesPrussiensa été pré-sumée.»

Ce fut ici que Blücher fut si près de tomberentre lesmainsde la cavaleriefrançaise.

Grouchy,page11,dit que mêmele 17,on supposaitque

lesPrussienss'étaientretiréssur Namur, tantilsfurentpour-suivisfaiblement,la cavalerielégère du généralPajot lespoursuivitdanscettedirectionle n, prit quelquescanonsce qui, avec quelquestraineurscommeil s'en trouve-danstoutes lesarmées futtoutsonsuccès.

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APPENDICE 621~t

canon et, selon le rapport officiel des Français dans

le Moniteur, à quinze mille hommes'. Les Français

reconnaissent en avoir perdu sept mille. Il est évident

que Buonaparte en changeant le point d'attaque dela droite prussienne a' Saint-Amand, au centre à

Ligny, forçait les Prussiens, s'ils venaient à 'être

battus, à faire leur retraite sur l'armée anglaise et à

abandonner leur ligne d'opération mais à cette

heure du soir, lorsqu'on considère la situation des

armées, le changement d'attaque paraît avoir été le

seul

espoir qu'il

avait d'obtenir même un succès

par-tiel. D'après ces circonstances ce fut peut-êtré le

meilleur parti qu'il eut à suivre.

Lesécrits de Sainte-Hélène font monter ce nombre à vingtmille homnies, avec quarante pièces d'artillerie, des éten-~

dards, etc. ~byezGrouchy sur ce sujet, en réponse à Gour-

gaud, p. 48 et 49. Montholon dit qu'ils perdirent soixante

mille hommes. Le liv. x, page i48 dit que l'armée prus-

sienne fut réduite à quarante mille hommes, par les pertesqu'elle avait éprouvées; trente mille hommes de tués et de

blessés, et vingt mille hommes qui s'étaient débandés et qui

ravageaient les bords de la Meuse, et par les détaehemens

envoyés dans la direction de Namur, pour couvrir la retraite

et les bagages.On sait que l'intention des maréchaux alliés était d'agir

de concert, quel que fût le résultat. Lord Wellington avait

ordonné les inondations d'Anvers dans leur plus grande éten-

due. On devait laisser les forteresses à leurs propres res-

sources, et si les évcnemens du 16 eussent été tels qu'il eût

fallufaire une retraite et abandonner Bruxelles, Maestricht

aurait été probablement le point sur lequel les deux armées

se seraient retirées.

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622 APPENDICE.

Il est difficile de concevoir qu'une défaite, dans

aucun cas, eût été telle qu'elle eut pu empêcher leur

 jonction, puisque chaque armée avait des renforts

considérables si près d'elle; elles auraient même puse retirer, au besoin, dans leut's forteresses, et formerdes camps retranches en pleine sécurité avec tous les

moyens de réparer leurs pertes.Les forces de l'ennemi, au moment que le duc de

Wellington quitta Quatre-Bras pour se concerter

avec Blücher, paraissent avoir été si faibles que l'on

ne devait point craindre alors d'attaque sérieuse 0

mais étant revenu à cette position vers les trois heu-res, il trouva que les Français avaient réuni de

nombreuses troupes à Frasnes, et se préparaient pourune attaque qui eut lieu vers les trois heures et

demie, -par deux colonnes d'infanterie et presquetoute leur cavalerie, soutenue par un grand feu d'ar-

tillerie. Les troupes qu'il avait dans ce moment sous

son commandement s'élevaientà

dix septmille

hommes d'infanterie et deux mille hommes de cava-

lerie, dont quatre mille cinq cents hommes de l'in-

fanterie anglaise; le reste était des Hanovriens, des

Si lord Wellingtoneût reçu des avis plus positifs oumoinstardifs sur les plans de l'ennemi, et queles troupeseussentétémisesen mouvementle soirdu i5, les combinai-

sons deschefsalliéseussentétéparfaites.Il n'en fautpas da-vantagepour démontrercombienleursplansavaientétébien

concertés,maisils nefurent paspleinementréaliséspar unede ces circonstancesfortuites qu'aucune prévoyancehumainene peutprévenir.

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APPENDICE. 62 3

Belges et des troupes de Nassau Les ennemis ob-

tinrent d'abord quelque succès, et repoussèrent la

cavalerie belge et celle de Brunswick leur cavalerie

pénétra dans notre infanterie avant qu'elle eût le

temps de former des carrés, et en contraignit une par-tie à se retirer dans le bois adjacent; elle fut cepen-

dant repoussée. Il y avait peu de temps que l'action

était engagée, lorsqu'arriva sur les. trois heures la

troisième division anglaise, sous le général Alton. Elle

consistait dans environ six mille trois cents hommes,

et était composée d'Anglais de la légion allemande du

Roi et d'Hanovriens.Ils se maintinrent difficilement,et l'un des régimens perdit un drapeau'. Ils par-

vinrent cependant à repousser l'ennemi des points

Liv. tX page io5, Buonaparte dit que Ney attaqua avec

dix mille hommes d'infanterie trois mille hommes de cava-

lerie et quarante-quatre canons laissant en réserve à Fras-

nes seize mille hommes d'infanterie, quatre mille cinq centshommes de cavalerie, et soixante-quatre canons.

° Ce drapeau appartenait au 6ge régiment, et non au 42',comme le dit le liv. ix, page io4, et ce fut presque le seul dee

pris pendant toute la guerre. On peut observer ici que si les

Français avaient eu, dans leurs régimens, le quart du nombre

d'aigles que nous avons de drapeaux, on en trouverait à pré-sent une bien plus grande quantité à Whitehall. Un faible ba-

taillon d'infanterie anglaise porte, toujours deux grands dra-peaux, lourds et incommodes pendant que l'on ne donnait

q~ une aigle à tout un régiment français compose de plusieursbataillons, et l'on pouvait facilement la mettre en sûreté, en

cas de défaite.

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APPENDICE.6a4

avancés qu'il avait gagnés à ta ferme de Gemincourt

et au village de Pierremont.

Ney cependant occupait encore une partie du bois

de Bossu, qui s'étend de Quatre-Bras sur la droite

de la route vers Frasnes', à la distance d'environ unmille. Cette position favorisait une attaque sur la

droite de la nôtre. Ney la tenta après avoir été re-

poussé sur la gauche. Dans ce même moment arriva

d'Enghien la division du général Cooke, composéede quatre mille hommes des gardes, ce qui aida

beaucoup à repousser cette attaque; et, après des ef-

forts considérables, l'ennemi se retira en désordresur Frasnes. Cette affaire fut vivement disputée et

quoique l'ennemi fût repoussé, la perte de part et

d'autre fut à peu près égale, à cause de la supérioritéde l'artillerie française. La perte des ennemis fut

cependant considérable, et contre-balança l'avantage

qu'ils retirèrent de leur artillerie. Il fallut alors de

grands efforts pour maintenir l'important poste deQuatre-Bras dans les situations relatives des deuxarmées. Il est certain que si Ney se fût avancé aussi

rapidement que Buonaparte dit qu'il l'aurait pu faire,il aurait rempli son objet. Ney, dans sa lettre, con-tredit cependant cette assertion, ce qui parait con-firmé par la lettre que Soult lui écrit, datée de deuxheures après midi' dans

laquelle

il lui ditqueGrouchy doit attaquer Bry avec le 3°et le 4ecorps,

à deux heures et demie après midi que Ney doit

~o~ezlesPapiersofficielsdansl'Appendicede Batty.

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APP~NUTCE. 6a5 ~J

attaquer le corps qui est sur son front; et ensuite

secounr Grouchy; mais que si Neyte premier battaitles troupes sur son frpnt, Grouchy aurait ordre de

l'aider dans ses opérations,Il est assez probable que le

corps resté a Frasnes, et que Ney se plaint d'avoir étéretiré sansqu'il eneutconnaissance, était destiné àsou-tenir l'une ou l'autre des attaques selon l'occasion.

Quand même Ney aurait pris possession de Qua-

tre-Bras de meilleure heure, il n'aurait guère pu dé-tacher une force suffisante contre les Prussiens, en

voyant, comme il pouvait ou comme il aurait au

.moins dû calculer, que les forces anglaises arrivaientrapidement sur le point qu'on supposait qu'il occu-

pait lui-même.Les Anglais auraient encore pu faire -leur retraite

sur Waterloo, et être concentrés dans cette positionle n rien n'empêchait les Prussiens de se repliersur Wavres, comme ils le firent ensuite. Quoique

Buonapartedise

que,le

i5;tout avait réussi àson

gréet que le duc de Wellington avait manœuvré comme

il aurait pu désirer qu'il le fit cependant, un seul

corps de l'armée prussienne l'avait tenu en échec au

point qu'il ne put atteindre Fleurus; et le 16 il ne

put commencer l'attaque qu'à trois heures après midi.

Il ne fut maître de Quatre-Bras que dans la matinée

du n. Une partie de son armée avait éprouvé un

rude échec, et l'autre n'avait remporté qu'un succèsindécis la perte des Alliés ne dépassait pas la sienne,

Liv.tx page'2og.ViE us N.tp. BuoN. Tome 8.

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626 ArfENDiCË.

pendant qu'ils avaient l'avantage de s'être retirés len-

tement du côté de leurs ressources et de leurs ren-

forts, et que par leur retraite ils n'abandonnaient

aucune

positionimportante à l'ennemi. Le célèbre

Ingénieur le général Rogniat n'hésite pas à appelëtce combat une action indécise. Le succès qu'eurentles Anglais en répoussant l'attaque de Quatre-Bras les

encouragea à attendre plus hàrdimènt la nouvelle

attaque de Waterloo et peut-être produisit-il l'effet

contraire sur l'ennemi tandis que la manière dont le

corps prussien de Thielman soutint l'attaque de Groù-

éhy le ï8, montra combien peu la confiance des Prus-siens avait été ébranlée par la bataillé de Ligny. On

doit remarquer que les forces engagées à Lighyétaient à peu près égales, même en déduisant le corpsde d'Erlon comme n'étant pas engagé, et qui était

testé à Frasnes. Les Français avaient passé les frofi-

tières avec environ cent vingt-ëiHq mille hommes.

Blücher en avait quatre-vingt mille; et, à la nn de là journée, lord Wellington en avait trente mille Les

chefs des armées alliées ne paraissent pas s'être trom-

pés sur ce qu'ils devaient attendre de leurs troupes

Liv. ix, page 60, Buonaparteremarqueque le totaldesfortesde l'arméealliéene doit pas se calculer'sur leur état

numérique, parce quel'arméedes Alliésétait composéede

troupes plus ou moins bonnes.Un Anglais pourrait êtrecompté pour un Français et deux Hollandais Prus-siensousoldats de la Confédérationpour un Français.Lesarméesennemiesétaient cantonnéessousle commandementde deux générauxdifférens, et forméesde deux nations

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APPENDICE. 62'y7

il n'en fut pas exactemente même du cote de leurennemi.

Le plan de Napoléon pour séparer les deux arméesétait sans doute bien conçu et, comme nous l'avons

vu, il'fut près de réussir cependant, on présumeque quand cela eût été, même au point que Buona-

parté pouvait l'espérer, les Alliés avaient encore une

retraite assurée et des ressources suffisantes: Ce fut de

tous côtés un calèul d'heures. Il n'est guère possible désavoir le point qu'un ennemi entreprenant se proposé

d'attaquer, surtout sur une ligne si étendue voilà en

quoi celui qui attaque a l'avantage. On a trouvé àrediré à ce que le duc de Wellington le 16, n'avait

pas d'artillerie, et, qu'il avait très peu de cavalerie.

Aucune partie de l'une ou dé l'autre n'était avec la

réserve à Bruxelles, ce qui est remarquable surtout

quant à ce qui regarde l'artillerie.La constance avec laquelle les généraux alliés tin-

rent à leurs plans de défense convenus, et là prë-

divisées d'intérêts et de'sentimëhs. Son armée, au contraire

était sous un seul chef, t'id6!e dé ses soldats, qui étaient du

premier ordre des vétérans qui avaient combattu dans la

brillante campagne de i8t3-i4, et de détachemëns des nom-

breuses garnisons qui étaient depuis rentrées en France

de Hambourg de Magdehourg, de Dantzick, de Mayence

d'Alexandrie,dé

Màntoùe, etc.et des nombreux

prisonniersd'Angleterre. Liv. ix page aoi.

On préparait a BruxéUes trois batteries de canons en fer

du calibre de dix-huit, mais ils n'étaient pas assez avancés

pour être envoyés a Waterioo.

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628 APPENDICE.

sence d'esprit avec laquelle ils se tirèrent des diffi-cultés où ils se trouvèrent par l'attaque vigoureusequ'ils eurent à supporter, et que leur commandement

séparé tendait plutôt à augmenter, méritent l'admi-ration. Puisque la guerre n'est qu'un 'grand jeu oùles mouvemens sont influences par des événemens

qui surviennent pendant leur exécution et leurs

progrès événemens que la prévoyance des hommesne peut anticiper, il est facile de critiquer les opéra-tions qui ont eu lieu, lorsque toutes les donnéessur lesquelles elles étaient fondées ou auraient pu

1;'être, sontconnues; mais, former un bon plan d'at-taque ou un plan de campagne, agir avec résolution

~et fermeté profiter au premier coup d'œil des chan-

gemens qui s'opèrent dans le moment, c'est là ce quidistingue le petit nombre des généraux parvenus àucommandement d'une grande armée.

Le matin du i~, les troupes anglaises étaient en-

core en possession de Quatre-Bras, où le'reste del'armée avait joint le duc de Wellington, qui était pré-paré à maintenir cette position contre l'armée fran-

çaise si les Prussiens fussent demeurés dans la posi-tion de Ligny, de manière à le soutenir.

Le maréchal Blücher avait envoyé informer leduc de sa retraite mais l'aide-de-camp fut mal-heureusement tué, et ce ne fut

qu'à septheures du

matin du i~, que lord Wellington apprit la direction

que lesPrussiens avaient prise. Une patrouille envoyéeau point duj ourpour communiqueravec lesPrussiens,s'avança au-delà de Bry et de Sombref, ce qui con-

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APPENDICE. 62C)

firma quel petit espace de la position prussienne avait

été occupe par les Français. Les Prussiens s'étaient

replies lentement sur Wavres, leur arrière-garde

.occupant Bry, qui ne fût pas évacué avant trois

heures du matin le i~. Buonaparte, en trompant le

peuple français par les nouvelles qu'il envoya de la

défaite des Prussiens à Ligny, semblerait s'être

trompé lui-même. Il devait savoir que l'action n'était

pas décisive; que Fennemi s'était retiré en bon ordre;

qu'il n'avait pu le poursuivre, et que ses propres

'pertes avaient considérablement affaibli son armée,

pendant que les Prussiens se repliaient sur leurs ren-forts et surtout que le maréchal Blùcher les com-

mandait.

L'armée prussienne se concentra de bonne heure à

Wavres, et il y eut une communication entre le duc

de Wellington et Blücher, au moyen de laquelle une

 jonction fut arrêtée pour le lendemain à Waterloo

Lemouvement rétrograde

des Prussiens en entraî-

nait un pareil de la part des Anglais, et il fut effectué

bien tranquillement le duc permettant à ses soldats

de finir leur cuisine. Vers les dix heures, toute l'ar-

mée se retira en trois colonnes, par Genappe et Ni-

velles, pour prendre position à Waterloo on. avait

laissé une arrière-garde pour occuper le.térrain, et

cacher le mouvement à l'ennemi, qui, vers midi,

déploya ses troupes en colonnes d'attaque, croyant y

MutBingpage20, dit que Blùcherne demandaque le

tempsdedistribuerà sessoldatsdesrationsetdescartouches.

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63o APPENDICE.

trouver l'armée anglaise en position. Il nous pour-suivit immédiatement avec de la cavalerie et de l'ar'-

tillerie légère. Une rencontre de cavalerie eut lieu à

Genappe,où le hussards

attaquasans succès un

régiment français de lanciers; mais la grosse cava-

lerie fut amenée par le marquis d'Anglesea, qui, par

une charge vigoureuse et décisive, arrêta les progrèsde l'ennemi.

A mesure que les troupes arrivaient sur la positiondevant le Mont-Saint-Jean, elles se rangeaient sur le

terrain qu'elles devaient défendre cette opération

fut effectuée de bonne heure le soir. Le temps com-mença alors à être fort mauvais. Toute l'armée fran-

çaise, sous Buonaparte, à l'exception de deux corpssous Grouchy (trente mille hommes et cent huit

canons), prit une position directement en front; et

après quelques coups de canon, les deux armées res-

tèrent en présence l'une de l'autre pendant laji,uit,

la pluie tombant par torrens. Le duc avait déjà com-muniqué avec le maréchal Blùcher, qui promit de

venir à son secours avec toute son armée, le matin

du 18. Il fut en conséquence décidé de garder la posi-tion du Mont-Saint-Jean pour couvrir.Bruxelles, dont

la conservation, sous tous les rapports, était si impor-tante au roi des Pays-Bas. L'intention des chefs alliés,s'ils n'eussent

pas

été attaqués le 18 était d'attaquerl'ennemi le ig.

Montholon,Uv.vn, page!34; Hv.tx, pag. nS a 207.

Gourgaud,pagei3t.

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APPENDICE. 63l

Puisque nous en sommes à 11 position du Mpnt-

Saint-Jean, il est bon de faire quelques remarques,sur cette position, qui a été regardée par de certainsauteurs comme mauvaise, et sur

laquelleon a fait

des critiques hasardées, mais, en s'appuyant plus.par-ticulièrement sur ce qu'elle ne garantissait pas uneretraite assurée dans le cas où l'attaque de l'ennemieût réussi. Cependant, avant d'entrer en discus-sion quant aux avantages de la position du Mont-

Saint-Jean, il serait nécessaire d'examiner quelquesunes des conditions que l'on regarde comme plus pu

moinsindispensables dans toute position prisepar unearmée. La première condition requise est que le ter-

rain à portée du canon se voie distinctement, et quetous les points d'approche à portée du fusil, soientbien découverts. La deuxième, que le terrain que l'on

occupe soit susceptible de communication pour les

troupes et les canons de droite a gauche et de front

en arrière, afin d'envoyer des secours où ils peuventêtre nécessaires il faut aussi que les sinuosités du

terrain ou tout autre abri empêchent l'ennemi d'a-

percevoir les mouvemens. Le troisième, que vosflancs soient bien appuyés, de manière-à ce qu'ils ne

puissent être tournés. Ennn, que votre retraite soitassurée au cas que votre position soit forcée ou

tournée.La position du Mont-Saint-Jean et les accidens du

terrain environnant 'ont été si souvent et si bien dé-crits que nous pouvons croire qu'ils sont connus detout le monde. La pente douce et régulière des che-

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APPENDICE.63a

mins par lesquels on pouvait descendre dans la vallée,soit des hauteurs que nous occupions, soit de celles

qu'occupait l'ennemi, et dont nous étions séparés parla distance d'environ un mille ou un mille et demi,

remplissait pleinement la première condition la se-

conde l'était aussi par les deux chaussées presque

perpendiculaires à notre ligne par la vallée immé-

diatement en arrière et qui lui était parallèle, pardeux chemins de traverse allant dans la même direc-

tion, et par la rase campagne. La même vallée pré-sentait un abri à la réserve de notre première hgne

pour son artillerie et ses caissonsde réserve; pendantque notre seconde ligne et les réserves placées au-

dessus et derrière l'autre sommet, à environ 5 ou 600

toises de notre première ligne, n'étaient pas vues de

l'ennemi mais tellement exposées, que plusieurs de

ses boulets et de ses obus passaient par-dessus notre

première ligne pour aller tomber dans la seconde et

parmi les corps de réserve. La quatrième conditionrequise, quant à ce qui regarde la sécurité des nancs;était pleinement remplie par l'occupation du villagede Braine-la-Lende, sur la droite village qui aurait

pu être fortifié sans un malentendu, et de la Haye et

d'Ohain sur la gauche les deux flancs étaient aussi

appuyés sur la forêt de Soignies.Nous nous Battons, malgré la critique que nous

venons de citer, d'établir d'une manière satisfaisante

que l'on avait suffisamment pourvu à notre retraite

en cas de revers. Notre position était assez en avant

de l'entrée de la chaussée dans la forêt pour y laisser

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APPENDICE. 633

un libre accès de toutes les parties du'champ de ba-

taille, pendant que le pays découvert donnait aux

troupes tous les moyens d'en profiter. Si notre pre-mière position eût été forcée, le village du Mont-

Saint-Jean, à la jonction des deux chaussées, fournis-sait un excellent point d'appui pour une seconde, quel'ennemi n'auraitpu emporter qu'avec la même diffi-

culté, sans compter qu'il y a encore une autre ferme

derrière le Mont-Saint-Jean et devant l'entrée de la

foret. En occupant ces points nous aurions pu en tout

temps effectuer notre retraite, et avec assez de loisir

pour faire filer dans la forêt tous les canons qui n'é-taient pas démontés. Il n'y a point de doute que sinotre centre eut été rompu dans la dernière attaquede l'ennemi nous eussions laissé derrière nous une

grande partie de l'artillerie, plusieurs canons)eussentété démontés; il en eut coûté la vie à plus d'un soldatet à plusieurs chevaux. L'ennemi se serait aussi em-

parédes batteries

quiétaient

placéestant soit

peuen

avant de l'infanterie, et qui restèrent jusqu'au der-

nier moment tirant à mitraille dans ses colonnes.Les hommes et les chevaux se fussent sauvés avec

l'infanterie, et ils se seraient bientôt équipés de

nouveau dans les forteresses. Les troupes à Hougo-mont eussent été interceptées si l'attaque eut réussi,mais leur retraite était ouverte, soit sur le corps de

seize mille hommes laissé à Halle pour couvrir Bruxel-les, soit sur Rraine-la-Leude, qui était occupé par

Verstessept heureset demie.

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APPENDICE.634

une brigade d'infanterie qui avait fortifié ce poste,entre lequel et notre flanc droit il y avait une com-

munication ouverte au moyen d'une brigade de cava-

lerie. De Braine-la-Leude à Bruxelles il y avait un,

très bon chemin à travers la forêt par Alemberg, parlequel les troupes et l'artillerie de notre flanc droit

auraient pu effectuer leur retraite. Supposons,main-

tenant que l'ennemi, au lieu de notre centre droit,eut rompu notre centre gauche par la grande attaque

qu'il fit à trois heures Ohain fournissait les mêmes

avantages à la gauche de notre armée que Braine-la-

Leude à la droite. Il y a un chemin qui mène de là àBruxelles par la forêt; ou bien notre aile droite aurait

pu se retirer sur les Prussiens à Wavres de manière

que quand même l'une de ces deux grandes attaqueseut réussi, il n'eût pas été nécessaire de précipiternotre retraite par les défilés de la forêt. Nos. troupesn'ont pas le défaut de prendre l'alarme et de perdre

confiance, parce-qu'ellesse trouvent tournées ou bat-

tues partiellement. On pourrait en citer plusieurs

exemples. La meilleure preuve cependant en est quel'ennemi put à peine montrer quelques centaines de

prisonniers faits sur nous pendant toute la dernière

guerre.Les attaques, que nous soutînmes le 18 jusqu'au

dernier moment furent aussi terribles que l'on puisse

se l'imaginer. Cependant, jusqu'à la dernière, une

partie de la réserve et de la cavalerie n'avait pas beau-

coup souffert; pendant que toute la grosse cavalerie

française avait été engagée avant cinq heures, et

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APPENDICE. 635

n'était plus en état de prendre avantage d'une victoire,

d'après les pertes qu'elle avait éprouvéesMais, supposons que nous eussions été chassés dans

lebois

parsuite d'une déroute

semblableà celle des

Français, la forêt ne nous eût pas tenus enfermés

hermétiquement, comme le furent, par un marais, les

troupes battues à Austerlitz. Les restes de nos batail-lons entamés auraient gagné la forêt et s'y seraient

trouvés en sécurité elle présente du haut bois,sans taillis, praticable presque partout pour les hom-

mes et pour les chevaux. ]\os troupes auraient donc

pu gagner la chaussée et lorsqu'enfin nous nous se-rions bornés à la défense de l'entrée de la forêt, toute

personne qui a la moindre expérience dans l'art de la

guerre sait l'extrême difficulté qu'il y a de forcer de

l'infanterie dans un bois qui ne peut être tourné.

Quelques régimens, avec ou sans artillerie, auraient

tenu en échec toute l'armée française, eut-elle été

aussi fraîche que le jour qu'elle passa les frontières

~<~Mliv. !x, pageig6. «Ainsi,à cinqheuresaprèsmidi,t'arméesetrouvasansavoir uneréserve de cavalerie.Si, àhuitheureset demie cetteréserveeût existé etc. etc. II

est singulierde voircommede grands capitainesse contre-

disent, en rapportantdesactionsmilitaires.Napoléonattri-bue en grandepartiela perte de la bataille, a cequesa ca-

valeriefut engagéesitôtet sigénéralementqu'il ne luirestait

pasde réservepour protégersaretraite; Le généralFoy, aucontraire, aNirmeque ce ne fut pas la cavaleriefrançaisemaisl'anglaisequi fut détruite à Waterloo. Guerre~~?Pe~H/MU/epage 116, /M<e.

Let6 lorsqu'à Quatre-Brasle 33" régimentanglais et

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APPENDICE.636

La forêt, sur nos derrières, nous donnait même un

avantage si évident, qu'il est difficile de croire qu'uneobservation contraire ait été faite par Napoléon. Pou-vait-il absolument oublier sa

propreretraite ? Il lui

servit péu d'avoir deux belles chaussées et un paysouvert sur ses derrières; tout son matériel fut aban-

donné, et il ne resta pas même un seul bataillonentier.

Les deux fermes devant la position du Mont-Saint-Jean faisaient sa principale force. Celle de Hougo-mont, avec ses jardins et ses enclos, pouvait con-

tenir des troupes suffisantes pour la rendre un postefort important. Celle de la Haye-Sainte était trop pe-tite autrement, sa situation sur la chaussée de Ge-

nappe la rendait plus propre à cet objet. Ces fermessont sur la pente de la vallée, à environ i,5oo toisesl'une de l'autre de manière qu'une colonne ennemiene pouvait passer entre elles sans être exposée un

feu de flanc. A la vérité, le terrain nous donnait peud'avantage sur l'ennemi, excepté la perte à laquelleil devait nécessairement être exposé en avançant encolonne sur une position déjà établie.

D'après ces observations, il paraît que notre re-traite était bien assurée et que les avantages de la

position pour un champ de bataille étaient très réelsde sorte

qu'il n'yavait

guèreà craindre

qu'ellefût

ensuite deuxbataillonsdesgardesfurent obligésde céderàuneattaquedel'ennemi,poursuivispar la cavaleriefrançaise,ils se sauvèrentdans le boisde Bossu s'y formèrentle longde ses lisières etrepoussèrentl'ennemiavecgrandeperte.

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APPENDtCE. .637

,disputée avec succès, quand même les Prussiens n'au-

raient pu, par quelque fatalité, opérer leur  jonction.

La dégradation des chemins, occasionnée par les gran-

des pluies, les empêcha de nous  joindre avant cinq

heures. Nous eûmes donc à soutenir l'attaque d'une

armée supérieure beaucoup plus long-temps qu'on .ne

l'avait calculé pourtant cette armée ne put nous en-

tamer. Toutes les attaques avaient été repoussées avec

le plus grand succès, et nous pouvons conclure que

quand même les Prussiens ne nous eussent pas joints à

temps, nous eussions encore pu maintenir notre posi-.

tion et repousser l'ennemi; quoique peut-être, commeà Talaveyra, nous n'eussions pas pu profiter de cet

avantage ou suivre nos succès.'

L'ennemi passa la matinée du 18 et une partie de

l'après-midi dans un état d'inactivité qu'il est difficile

d'expliquer. Il est vrai que la pluie avait retardé ses

Lesarmées se trouvaient alors sous leurs chefs favoris

comme les deux nations l'avaient long-temps désiré, et dans

une arène que l'on peut regarder comme étant aussi égale-

ment avantageuse, pour l'une que pour l'autre, que pouvaientl'offrir les chances de la guerre. Les troupes anglaises n'étaient

pas cependant composées de nos meilleurs régimens, du

moins notre infanterie, ni égales cette armée qui avait été

l'année précédente dans le midi de la France. Plusieurs de nos

régimens les plus complets avaient été envoyés en Amérique;

d'abord une brigade, de Bordeaux a Washington, une autreau Canada et une autre partie de Portsmouth à la Nou-

velle-Orléans. Il,n'en revint aucune à temps pour Waterloo

quoiqu'elles fussent e/zcAem/M.–Liv. ix, pageaoS, on a vu

comme était Composée l'armée française.

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APPENDICE.638

mouvemëns, et plus particulièrement celui d'amener

son artillerie en position que l'on remarqua cepen-dant avoir été effectué de bonne heure. Ontrouve dans

l'ouvrage de Grouchy la raison qui a pu causer ce dé-

lai il prétend que les munitions dé Napoléon avaientété tellement épuisées dans les actions, précédentes,

qu'il ne lui en restait quë pour un combat de huit

heures. Bubhaparte dit' qu'il fallut attendre que le

terrain fût assez sec pour faire manœuvrer la cava-

lerie et l'artillerie cependant, dans un terrain sem-

blable, quelques heures pouvaient faire bien peu de

différence/d'autant plus qu'une pluie fine tombatoute la matinée, et même après que le combat eut

commencé. Les grandes pluies pendant la nuit .du

i~ au 18 furent sans doute plus désavantageuses à

l'ennemi qu'aux troupes de lord Wellington celles-

ci étaient au bivouac, et n'avaient que peu de

mouvemens à faire pendant que les colonnes de

l'ennemi,et surtout sa

cavalerie,étaient fort embar-

rassées par le mauvais état des lieux; elles avancè-

rent plus lentement, et furent long-temps exposéesau feu. De l'autre côté, les mêmes causes retardèrent

les Prussiens dans leur jonction, qu'ils avaient promisd'effectuer à onze heures, et obligèrent lord Wel-

lington de maintenir seul là position près de cinqheures de plus qu'il n'avait calculé.

L'ennemi commença l'action vers midi par une

'Liv.Ji.

Montholon liv. u page t36.

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ArrEuntci- 63<~

attaque sur Hougomont, avec plusieurs colonnes de

troupes légères qui, après quelques vives escat'mou-

ches, chassèrent les troupes dé Nassau du bois situé

sur le front de notre ligne, et s'y établirent; Gette

.attaque fut soutenue par le feu continuel de l'artil-lerie. Un batailloii des gardes occupait la maison-, les

 jardins et les autres enclos qui donnaient de grandes

facilités pour une défense et après un combat opi-niâtre et une perte immense, l'ennemi fut repousséet une grande partie du bois repris'.

Pendant la'première moitié de la  journée, le com-

bat se borna presque entièrement à'cette partie de la

Buonaparte, liv. ix, page 142, dit qu'il vit avec plaisirles gardes anglais placés sur notre droite, parce qu'étant nosmeilleures troupes, son attaque préméditée sur notre gauchedevenait plus facile. Nos gardes ne Sont pas, comme dans

d'autres armées, l'élite de la nôtre ils ne sont pas choisiscomme dans les autres États; parmi les meilleurs soldats des

autres régimens, mais ils sont recrutés absolument comme les

troupes de la ligne excepté qu'on les prend d'une taille untant soit peu plus grande. On peut observer ici la grande su-

périorité en apparence que les troupes françaises et autres

avaient sur les nôtres à la fin dé la guerre. La manière de re-cruter explique cela. Nos milices même sous ce rapport,étaient bien supérieures aux troupes de la lighe, et la plupartdes meilleurs soldats en étaient tirés. Nos recrues étaient gé-néralement prises dans la population' des grandes cités ou

des villes manufacturières, qui certainement neproduisentpas les meilleurs échantillons dé notre population et le ser-

vice militaire n'est nullement en estime chez nos paysans;pendant que t'armée française était composée d'hommeschoisis sur trente millions, et d'autres nations en proportion.

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APPE~DfCH.64oligne, excepté un feu meurtrier de l'artillerie le

long du centre, auquel nos canons ripostèrent vigou-reusement. Ce feu s'étendit insensiblement vers la

gauche,et l'ennemi fit

quelques démonstrationsd'une attaque de cavalerie. Comme nos troupesétaient rangées sur le penchant de la colline, elles

souffrirent beaucoup de l'artillerie ennemie. Lord

Wellington les fit reculer d'environ cent cinquante à

deux cents verges sur le revers de la colline, afin de

les abriter du feu direct des canons notre artillerie

conséquemment resta en avant, afin de pouvoir do-miner la vallée. Ce mouvement fut dirigé par le duclui-même, entre une et deux heures, le long du

front ou centre de la position, sur la hauteur, à droite

de la Haye-Sainte.]1 n'est pas du tout improbable que l'ennemi re-

garda ce mouvement génëraF commele commence-

ment d'une retraite une partie considérable de nos

troupes cessant d'être visibles pour lui; et il sedétermina en conséquence à attaquer notre centre

droit, afin d'obtenir possession des bâtimens appelésla ferme du Mont-Saint-Jean, ou même du village,

qui commande le point de jonction des deux chaus-

sées. Les colonnes d'attaque s'avancèrent sur la

chaussée de Genappe et par le flanc; elles consis-

taienten

quatrecolonnes d'infanterie

(le corpsde

d'Erlon, qui n'avait pas été engagé le 16), trente'

pièces d'artillerie et un corps nombreux de cui-

rassiers (celui de Milhaud).La cavalerie française,

sur la gauche de cette attaque, avait un peu devancé

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APPENDICE. 64 i

l'infanterie lorsque le duc de Wellington ordonna

à là grosse cavalerie (/t/e~Mar~) de la charger au

moment où elle gravissait la position près de la

Haye-Sainte. La cavalerie française fut repoussée sur

sa propre position, où la chaussée traversant unehauteur laisse des bords profonds de chaque côté.

Elles se sabrèrent dans cet espace resserré pendant

quelques minutes, jusqu'à ce que l'ennemi amena de

l'artillerie légère; la cavalerie anglaise se retira alors

dans sa position. La perte des cuirassiers ne parut pas'avoir été grande. Ils reprirent leurs rangs, et bientôt

après ils s'avancèrent pour attaquer notre infanteriequi, n'étant pas alors soutenue par la cavalerie,s'était formée en carrés pour les recevoir. Les co-

lonnes d'infanterie française, cependant s'avancè-

rent vers notre gauche sur la chaussée de Genappe

au-delàdc la Haye-Sainte,qu'elles ne cherchèrentpointà occuper dans cette attaque. Une brigade d'infauterie

belge, formée sur le front, plia, et ces colonnes attei-gnirent la position. Sir Thomas Piéton fit alors

avancer, de la seconde ligne, la brigade du générâtPack (le ga* régiment en tête), qui commença le feu

sur la colonne au moment qu'elle gagnait la hauteur

la colonne commença à hésiter; dans ce moment une

brigade de grosse cavalerie (les i" et a"de dragons)tourna le gx" régiment, et prit la colonne en flancla déroute fut complète les Français jetant bas leurs

armes, coururent dans notre position pour éviter

d'être sabrés par la cavalerie plusieurs furent tués,et deux aigles avec deux mille hommes .furent pris.

V~ nu NAP.BuoN.Tome8. ~i

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APPENDICE.64a

Mais la cavalerie poursuivit ses succès trop avantet recevant le feu de l'une des autres colonnes, dansun moment de confusion, oùla cavalerie française fut

envoyée pour soutenir l'attaque, les Anglais furentobligés de se retirer après une perte considérable.

L'ennemi, dans cette attaque, avait avancé plusieurs

pièces d'artillerie, qui furent prises par notre cava-

lerie mais les chevaux de l'artillerie ayant été tués,nous fûmes obligés d'abandonner ces pièces. Le gé-néral Ponsonby, qui commandait la cavalerie, fut au

~nombre des morts; le brave'sir ThomasPictonfut aussi

tué à la tête de sa division*. Dans cette multiplicitéd'événemens, il était impossible de voir tout le

combat; et, au milieu du bruit, de la confusion et

du danger, il est difficile de préciser chaque cir-

constance.

Ce n'est qu'après, en discutant toutes les chances,

que de telles questions deviennent intéressantes ce

.qui peut, jusqu'à un certain point, expliquer la diffé-rence des rapports rendus par des officiers présens,

Rogniat, page 25 Hâme les deux généraux d'avoir

employéleur cavaleriede trop bonneheure. Danslecascité

ici, il dit quele succèsfut contretouteprobabilité, la cava-lerie chargeantde l'infanterienon rompue. La têtedesco-lonnesd'attaqueavaitété ébranléecependant, par l'attaquedu g2' régiment; ce quieutlieuà peuprès aumomentquelacavaleriechargeait.

MuBing,page26, observeque la fuméeétait si épaissequepersonnene voyaitl'ensembledel'action.

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APPENDICE. 643

quant au temps et aux particularités des principauxévënemens.

Depuis deux heures et demie jusqu'à la fin de l'ac-

tiônla cavalerie

anglaisefut à

peine engagéemais

elle se tint prête dans la seconde ligne Les cuiras-siers avancèrent de nouveau sur notre position, et

firent plusieurs'vives attaques, sur notre infanterie,

qui se forma sur-le-champ en carrés, et se maintintavec le courage le plus déterminé et le plus grandsang-froid. Quelque temps auparavant vers les

trois heures, une attaque eut lieu sur la Haye-Sainte qui n'est qu'une petite ferme elle était oc-

cupée par deux compagnies de la légion allemande.L'ennemi s'était avancé au-delà, de manière que lacommunication en fut interrompue pour quelquetemps. Les troupes ayant épuisé leurs munitions, ce

poste fut enlevé. Un feu continuel fut dirigé vers ce

point, et l'ennemi fut obligé bientôt après de l'a-

bandonner, sans pouvoir en profiter comme pointd'appui pour ses colonnes d'attaque. La maison était

trop petite pour qu'un nombre suffisant de troupespût se tenir si près de notre position, sous un feu simeurtrier.

La cavalerie française, dans l'attaque dont nousvenons de parler, ne fut pas soutenue par de l'in-

fanterie elle avança cependant, avec le plus grandLiv.ix, page2og, Buonapartedit « L'infanterieanglaise

a étéfermeet solide la cavaleriepouvaitmieuxfaire.'Rogniat,pagea5i, dit -tlls s'élevaientà douze mille

hommes y comprisd'autre grossecavalerie.»

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APPENDICE.644

courage, près des carrés de notre infanterie; l'artil-

lerie, qui était un peu en avant, continua un feu bien

dirigé mais à l'approche de l'ennemi, les canon-niers furent

obligésde se retirer dans les

carrésde sorte que les canons tombèrent au pouvoir de lacavalerie française, qui ne put néanmoins les garderni même les enclouer, quand même elle en aurait eules moyens, à cause du grand feu de mousqueterie

auquel elle était exposée. Les' rapports français di-sent que plusieurs carrés furent rompus et plusieursétendards pris, ce qui est fapx puisqu'au con-

traire les carrés repoussèrent constamment la cava-lerie, qu'ils laissaient avancer presqu'à bout 'por-tant avant de tirer Elle fut repoussée de tous les

points avec perte; et les artilleurs, avec la' plusgrande promptitude, reprirent sur-le-champ leurs

Lacavalerie arriva au trot sur un des carres, et elle sem-

bla s'arrêter comme pour attendre notre feu elle en en-veloppa deux côtés, ayant un front de soixante-dix ou de

quatre-vingts hommes. Les Français vinrent si près d'un

angle, qu'ils semblaient vouloir combattre avec leurs sabres

par-dessus les bayonnettes. Les carrés étaient ordinairement

de quatre rangs de profondeur, et arrondis aux angles. A.

l'approche de la cavalerie, deux rangs tiraient, les autres

réservant leur feu la cavalerie tourna alors et il est diffi-

cile de croire combien peu il en tomba un omeier et deux

hommes seulement plusieurs furent sans doute blessés, maisils ne tombèrent pas de cheval. Plusieurs carrés tirèrent à la

distance de trente pas mais sans aucun effet, nos troupesayant tire trop haut; ce qui pouvait être remarqué par l'ob-

servateur le moins attentif.

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APPENDICE. 645

pièces, et firent un feu meurtrier à mitraille.

Après que la première attaque eut manqué, les

Français n'avaient plus guère de chance en la re-

nouvelant mais les officiers,peut-être

honteux

que~-des troupes tant vantées eussent échoué, cherchè-

rent plusieurs fois à les' ramener pour charger les

carrés elles' pénétrèrent ainsi  jusque dans notre

seconde ligne, où elles sabrèrent des traîneurs et

des artilleurs qui étaient avec les chariots de muni-

tions mais les charges contre les carrés belges dans

cette seconde ligné n'eurent que peu de succès; et la

grosse cavalerie belge s'étant montrée, elles se reti-rèrent bientôt, j

Si nous eussions été en retraite, comme l'ennemile supposait, une telle attaque de cavalerie eût alors

eu les résultats les plus importans; mais en restant si

inutilement dans notre position, et passant et repas-sant devant rios carrés d'infanterie, elle souffrit de

leur feu tellement, qu'avant la fin de l'action, lors-qu'elle eût pu être d'un grand service, soit dans l'at-

taque, soit en couvrant la retraite, elle était presqueentièrement détruite Le seul avantage qui parut ré-

Ona dit quesil'ennemiavaitamenésoninfanterieetsonartillerielégère,noscarréseussentété enfoncés.Cettedispo-sitioneût certainementété préférable; maisalors notre ré-

serveet notre cavalerieeussentavancépour arrêter la cava-leriefrançaise,et les carrés eussentprobablementrepoussél'attaquede l'infanterie.L'ennemiavaitcherchéà aménerdescauonsavecles colonnesd'attaque, au commencementde la

 journée la conséquencefut queleschevauxfurenttuésavant

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646 APPENDICE.;sulter pour les Français, en restant dans notre posi-tion, fut de distraire le feu de nos canons descolonnes qui se formèrent ensuite près de la Belle-Al-

liance,afin de déboucher

pourune nouvelle

attaque.Le feu destructeur de notre infanterie força cepen-dant la cavalerie française dese retirer dans le ravin,afin de s'abriter les artilleurs sè remirent dès-lorsà leurs canons, et, étant en avant des carrés, ils pou-vaient tout voir dans la vallée; leur feu bien dirigésemblait faire des vides dans la cavalerie, qui toute-fois ne renonçait pas à revenir à la charge. Si Buo-

naparte eût été plus près du front, il aurait certaine-ment empêché ce sacrifice inutile de ses meilleures

troupes; on ne peut même expliquer l'attaque de sa

cavalerie dans ce moment, que par la suppositionque notre armée était en retraite; il n'avait pas eu le

temps de profiter de son artillerie pour entamer la

partie de la ligne qu'il se proposait d'attaquer, selon

son usage; et c'était traiter son ennemi avec un mé-pris qui, d'après ce qu'il avait éprouvé à Quatre-Bras, ne pouvait être justifié Il reconnaît dans le

d'avoirbeaucoupavancé, de sortequeles canonsne pouvantsuivrelesmouvemensde l'infanterie furentlaissésderrière.Un essaisemblablefut fait dansle midi de la France dans

l'attaquedu corpsde lordHillsurlaNive les canonsétaientattelésdemanièrequ'on pouvaitles

déchargeren avançant,

maisles chevauxétant bientôttués ou mis hors d'étatdeservice, les canonsfurentabandonnéslorsque l'attaquefut

repoussée.C'estce que Marmontavaitfait à Aropiles,dans la ba-

taillede Salamanque,et à songrand désavantage.

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APPENDICE. -647livre ix, page 156, que cette charge fut faite de tropbonne heure; mais qu'il fallut la soutenir et queles cuirassiers, sous Kellermann au nombre de trois

mille, eurent conséquemment ordre d'avancer pourmaintenir la position. Aux .pages i5~ et ig6 dulivre ix,, il reconnaît encore que les grenadiers à

cheval et les dragons de la garde, qui étaient en

réserve, s'avancèrent sans en avoir l'ordre qu'il en-

voya pour les rappeler, mais lorsqu'ils étaient engagés,et que tout mouvement rétrograde eût été dangereux.

Ainsi, toutes les attaques de l'ennemi, avaient été

repoussées, et il avait éprouvé une grande perte:l'influence que ces combats devaient exercer sur le

moral de chaque armée était de beaucoup en faveur.

des,Anglais.L'ennemi paraissait alors concentrer son artillerie,

surtout sur la gauche de la chaussée de Genappe, de-

vant la Belle-Alliance une grande partie de ses

canons étaient du calibre de 12. Sonfeu fut

dirigésur cette partie de notre ligne qui s'étendait de

derrière la Haye-Sainte vers Hougomont. Notre

infanterie trouva un abri en se couchant derrière les

tertres, et supporta ce feu avec une patience vraiment

héroïque. Plusieurs de nos canons avaient été mis hors

de service, et plusieurs artilleurs avaient été tués ou

blessés,mais lorsque le nouveau point d'attaque ne.

MuBing,page2~, dit après cette attaque, qu'ilrapporteavoireu lieuà quatreheures La batailleavaitététrèssan-

glante, maisil n'y avait point de danger pour l'arméean-

glaisée"II dit qu'il étaitalors cinqheures.

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APPENDICE.648fut plus douteux, deux brigades de tachéesdu corps de

lord Hill, sur la droite, furent d'un secours essentiel.Il est bien de remarquer ici la situation de l'armée

prussienne, et le service qu'elle avait rendu jusqu'àce moment, vers six heures.

L'armée anglaise avait soutenu plusieurs attaques',

qui avaient toutes été repoussées, et l'ennemi n'en

avait tiré aucunavantage marquant. Il avait pris pos-session du bois et du  jardin de Hougomont et de.la

Haye-Sainte; mais il ne put conserver celle-ci. Aucun

carré n'avait été ni rompu, ni ébranlé, ni obligé de

se retirer; notre infanterie continuait à montrer lamême opiniâtreté, le mêmesang-froid, et cette même

confiance en elle-même, en son chef  et ses officiers

qui l'avait couverte de gloire dans la longue et pénibleguerre de la Péninsule. D'après le peu d'étendue du

champ de bataille, et le feu nourri auquel sescolonnes

étaient exposées, la perte de l'ennemi ne pouvait

monter à moins de quinze mille hommes tués et bles-sés. Deux aigles et deux mille hommes avaient déjàété pris, et la cavalerie était presque détruite nous

occupions encore à peu prés la même position que le

matin; mais notre perte avait été grande, peut-être

 jusqu'à dix mille hommes de tués et blessés. Nos rangsétalent encore éclaircis par le nombre de soldats quienlevaient les blessés et dont une partie ne revenait

plus au champ dé bataille. Le nombre de troupes

belges et hanovr-iennes dont plusieurs étaient de

 jeunes levées, qui se refoulaient sur les derrières, fut

considérable, outre le nombre de nos propres dragons

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APPENDICE. 649

démontés, et de soldats de'notre infanterie -dont

quelques uns,'comnie il s'en trouve toujours dans les

meilleures armées, furent bien aises de s'esquiver du

champ de bataille. Tous se précipitaient sur la route

qui mène à Bruxelles, avec une vitesse incroyablepour quiconque né l'a pas vu ainsi peut-être quela force réelle du duc de Wellington, à six heup'eset

demie, ne s'élevait pas à plus de trente-quatre mille

hommes. Nous avions été de bonne heure en com-

munication avec des vedettes de la cavalerie prus-sienne sur notre extrême gauche. Un corps prussien

sous Bulow avait marché de bonne heure de Wavrespour manœuvrer sur la droite et l'arrière-gardé del'armée française; mais une grande partie de l'armée

prussienne était encore sur les hauteurs au-delà de

Wavres, après que l'action eut commencé à Wa-

terloo". L'état des chemins, et son immense train

d'artillerie, retinrent le corps de Bulow pendant un

temps considérable; il n'avaitpas

cependant plus

~-fzMuming, page 32 Un régiment de la cavalerie

alliée, dont l'uniforme ressemblait à celui des Français,

ayant fui vers Bruxelles, le bruit se répandit que l'ennemi

était aux portes de la ville. Plusieurs de ceux qui avaient

quitté le champ de bataille, et pour dire toute la .vérité,même des Anglais, s'enfuirent de la ville ef ne s'arrêtèrent

que lorsqu'ils aperçurent Anvers. C'est un fait trop bien

attesté pour le révoquer en doute.

MuBing, page 2g. « A quatre heures dit-il il n'avait

pas encore paru un homme de cette armée.

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65o APPENDICE.

de douze ou quatorze milles à faire. A une heure',l'avant-garde de ce corps fut aperçue des Fran-

çais vers les deux heures, les vedettes du corpsde Bulow furent découvertes d'une partie de notre

position. Les Français détachèrent de la cavalerie

légère pour l'observer; ce qui fut la seule diver-

sion qui eût eu-lieu  jusqu'alors. A quatre heures etdemie Blücher avait  joint en personne le corps de

Bulow, lorsque deux brigades d'infanterie et .de la

cavalerie furent détachées sur la droite desFrançaismais le feu de l'artillerie était trop éloigne pour pro-

duire aucuneffet le but de Blücher était principale-ment de nous donner avis de son arrivée 3. Il étaitcertainement cinq heures passées quand le feu de

l'artillerie prussienne 4 fut observé de notre position,et il parut bientôt cesser entièrement. Les Prussiens

s'étaient avancés, et avaient obtenu quelques succès;mais ils furent ensuite repoussés à une distance consi-dérable

parles

Français, qui envoyèrentun

corpssous le général Lobau pour les tenir en échec Versles six heures et demie, le premier corpsprussien futen communication avec notre extrême gauche prèsd'Ohain.

~oyezlalettre de Soulta Grouçhy datée du champ debatailleà une heure.

VoyezMufBingpag. 3o, 31, près de Frichermont. /~eM,page31.

Ducorpsde Bulow.Liv.ix, paget55 Buonaparte dit qu'il étaitseptheures

lorsqueLobaules repoussa.

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APPENDICE. 651

L'état effectif  des différentes armées peut être

considéré comme il suit

L'armée sous les ordres du duc de Wellington se

montait au commencement de là campagne à

soixante-quinze mille hommes dont quarante mille

étaient Anglais ou de la légion allemande du Roi.

Notre perte à Quatre-Bras s'élevait à quatre mille

cinq cents hommes de tués et de blessés, ce qui ré-

duisit l'armée à soixante-dix mille cinq cents hom-

mes, dont environ cinquante-quatre mille combat-

tirent réellement à Waterloo à peu près trente-deux

mille se composaient des troupes anglaises ou de lalégion allemande du Roi, y compris la cavalerie, l'in-

fanterie et l'artillerie le reste, sous le prince Frédé-ric, ne prit pas part à l'action, maiscouvrit l'approchede Bruxelles par Nivelles, et était stationné dans le

voisinage de Halle. Les forces françaises ont été di-

versement énumérées, et il n'est pas facile de citer

un état très exact de leur nombre; Batty les porte àcent vingt-sept mille, c'est-à-dire le total qui passales frontières dans le livre ix, page 69, on le porteà cent vingt-deux mille; Gourgaud le réduit à cent

quinze mille, dont vingt et un mille de cavalerie et

il y avait trois cent cinquante canons. Prenons cepen-dant l'état dans le livre ix

Becelle-ci environdouzenulle septcents étalentde bcavalerie.

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6 5 a APPENDICE.

.~?.a,ooo

5,3oo à déduire, laissésà Charleroi; liv. !x, p. oa

n6,7oo

to,35o perte à Quatre-Brai et à Ligny, liv. tx,p.<ooettb6.

'p6,35o3,2oo laissés à Ligny (Grouchy. page 8).Liv. tx,

p. )g3 les porte à 3ooo.

io3,i5o3?.,ooo avec Grouchy(Grouchy,-paTe8\ 

7'5o -engagésà Waterloo.

Ces calculs sont réellement au-dessous de l'ënumé-ration réelle; Buonaparte, le 18 juin, avait plus de

soixante-quinze mille hommes sous son commande-ment, immédiat.

Buonaparte, livre ix, pages 102, n~, porte à

soixante-quinzemille hommes les forces

prussiennesconcentrées à Wavres Grouchy, page g, les faitmonter à quatre-vingt-quinze mille. Il est cependantreconnu généralement qu'il n'y avait pas plus desoixante-dix mille hommes dans l'armée à Wavres.

Ici, il est nécessaire de se reporter.aux opérationsdu corps de Grouchy, qui fut détaché à la poursuitedes Prussiens. Il paraît que le i~, à midi, Buonaparteignorait la direction que l'armée prussienne avait

Liv.!x page 193, cetteforceest portéeà quatrecinqmillehommes.

°MuBHngpage58 rapportequeBuonapartedit à "n of-

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APPENDICE. 653

prise On supposait généralement qu'elle était en

marche sur Namur.'A cette heure-là, Buonaparteordonna à Grouchy' de la suivre avec trente-deux

mille hommes. Les

troupes

étant un peu écartées les

unes des autres, il était trois heures avant qu'ellesfussent en mouvement, et elles n'arrivèrent à Gem-

bloux que la nuit du i lorsque Grouchy informa

Buonaparte de la direction qu'avait prise l'armée

prussienne. Il découvrit l'arrière-garde des Prussiens

près de Wavres, le 8 vers midi, et à deux heures il

attaqua Wavres, qui fut opiniâtrément défendu par

le général Thielman, et réussit à prendre possessiond'une partie du village. La défense courageuse de ce

postepar le général Thielman fit croire ~àGrouehy

'que toute l'armée prussienne était devant lui; Blù-cher avait cependant détaché le corps dé Bulow ( le

quatrième) de bonne heure sur Chapelle-Lambert,pour agir sur les derrières de l'armée française. Le

mouvement de ce corps fut beaucoup retardé par unincendie qui eut lieu à Wavres, et par le mauvais état

des routes; de sorte que l'on eut bien de la difficulté

à faire avancer la nombreuse artillerie que ce corps

ficier-général,dansla matinéedu ;8, qu'il, avaitsoixante-

quinzemillehommes,et que les Anglaisn'en avait que cin-

quantemille.Liv.tx pageigS. Prenant le'rapport de Buo-

napartelui-même,danscettepartie du livre, et calculant,on verra qu'il y établit qu'il avait plus de soixante-qua-torzemillehommes.

Grouchy, page13.Grouchy.

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65~ APPENDICE.

avait avec lui, ce qui l'empêcha d'attaquer l'ennemi

avant quatre heures et demie. l'

Le second corps prussien marcha sur Chapelle-

Lambert et Lasne, et plus tard, dans la journéele premier corps avança dans la direction d'Ohain.Le troisième corps était destiné à soutenir les

quatrième et deuxième. Blùcher ne savait pas la

grande force, sous les ordres de Grouchy, qui atta-

quait le 3e corps prêt à quitter Wavres ce corps fut

obligé de prendre une position sur la Dyle, entre

Limale etWayres

où ilreçut

ensuite ordre de se

maintenir comme il pourrait.L'armée anglaise, dans ce moment critique, se

montait à environ trente-quatre mille hommes (sup-posant dix mille de tués et blessés, et dix mille de

plus qui avaient quitté le champ de bataille) dont

dix-huit mille étaient Anglais. L'ennemi pouvait avoira peu près quarante-cinq mille hommes directement

opposésà nous, en supposant vingt mille hommes tués,blessés, et faits prisonniers et dix mille hommes de

détachés contre les Prussiens.On s'était attendu au secoursdesPrussiens de bonne

heure, ce qui avait engagé lord Wellington à accepterla bataille en sorte que l'armée anglaise eut à sup-

~oyezMuBIng,pag. M 5r,6t.

Gourgaud, pag. g8et

dit qu'il étaitquatreheureset demie lorsquele général'DumontinformaBuonapartede l'arrivéedececorps.

Liv. tx, p. t68, 169,Buonapartedit que l'attaquedeHulowavaiteulieuaprèsle coucherdusoleil.

~<yesMufHing,pageSa.

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APPENDICE. 655

.porter tout le fort de l'action pendant un temps bien

plus long que l'on n'avait calculé Lord Wellington,

cependant, ne montra aucune inquiétude quant au

résultat. Lecorps

delord Hill, plusieurs

bataillons

belges, et une grande partie de là cavalerie, n'avaientété que peu engagés. Il connaissait les troupes sous

son commandement, et il paraissait certain de pou-voimmaintenir sa position, quand même les Prussiensne seraient pas arrivés avant la nuit. Son armée

n'était pas informée de leur approche,-et il ne jugeâpas nécessaire de l'en informer pour soutenir son zèle.

Buonaparte, au contraire, jugea à propos de ranimerle courage abattu de ses troupes, même de sa;garde,

qui n'avait pas encore été engagée, en leur envoyantson aide-de-camp Labedoyère leur dire, au moment

qu'elles allaient avancer que Grouchy avait jointle flanc droit; il trompa Ney même parce faux avis.

Nous sommes entré dans ce détail pour faire voir

l'état des armées vers la fin de la journée. Buonapartepressentit alors la puissante diversion que les Prus-siens étaient sur le point de faire, mais en même

temps il parut se persuader que Grouchy seraità même de paralyser leurs mouvemens. Il résolutdonc de faire un dernier effort désespère pour romprele centre de l'armée anglaise, et enlever la position

MuBIng,page62, dit que l'on avaitespéréque l'arméeprussienneauraitattaquéà deuxheures maisil était quatreheures et demieavant qu'elle pût tirer un seul coup decanon.

Liv.ix, page)6~. Lettrede Ney.

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-ArpE~nrcE.656

avant que l'attaque des Prussiens pût être effectuée.La garde Impériale avait été tenue en réserve et

était depuis quelque temps formée sur les hauteurs,s'étendant de la Belle-Alliance vers Hougomont, où

s'appuyait le flanc droit; elle n'avait pas encore été

engagée.Vers les sept heures, elle s'avança en deux co-

lon'nes laissantquatre bataillons en'réserve, elleétait commandée par Ney. On fit avancer en même

temps quelques troupes légères dans la direction'dela Haye. Les colonnes de la garde'étaient protégées,

pendant qu'elles s'avançaient, par un feu violent det'artillerie. Lord Wellington fit avancer sur-le-champnotre infanterie, qui avait été portée sur le reversde la colline pour être abritée contre le feu des ca-nons. La brigade, de gardes du général Maitland, etcelle du général Adam (les cinquante-deuxième etsoixante et onzième régimens et le quatre-vingt-

quinzième des tirailleurs ) reçurent cette attaqueformidable. Elles étaient flanquées de deux batteriesd'artillerie qui entretinrent un feu meurtrier sur lescolonnes françaises. Nos troupes attendaient l'ennemi

avec leur sang-froid caractéristique jusqu'à ce qu'il fûtà une petite distance'de notre ligne; elle était dequatrerangs de profondeur. Les soldats tiraient à volontéfaisant quelques pas en arrière pour recharger ex faire

feu de nouveau. LesFrançais, sousleur brave comman-

dant, s~avançaient toujours malgré ce feu redoutable.Ils étaient alors à cinquante toises environ de notre

~<yezlesdépêchesde lordWellington.

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APPENDICE. 657

ligné lorsqu'ils cherchèrent à se déployer afin de

riposter à notre feu. Notre ligne~paraissait vouloir

les entourer. Ils ne purent cependant pas se déployersous un feu si violent, et dès qu'ils cessèrent d'avan-

cer, toute chance de réussir fut perdue pour eux.Ils ne formaient plus dès-lors qu'une masse confuse:et enfin ils cédèrent, se retirant dans le plus granddésordre. Ils furent immédiatement poursuivis parles troupes légères de la brigade.du général Adam

cela décida la bataille. L'ennemi avait alors épuisétous ses moyens d'attaque. Il avait encore cependant

les quatre bataillons de réserve de la vieille garde.Lord Wellington ordonna immédiatement à toute la

.ligne d'avancer pour attaquer leur position. L'ennemi

cherchait déjà à faire sa retraite. Les quatre batail-

lons de réserve formèrent un carré, flanqué de quel-

ques canons et soutenu par de la cavalerie légère (leslanciers rouges), pour couvrir la retraite des colonnes

dispersées.< Le premier corps prussien avait alors joint notreextrême gauche; il avait obtenu possession du villagede la Haye, en ayant chassé les troupes légères fran-

.çaises qui l'avaient occupé. Bulow, avec le quatrième.corps, avait, quelque temps auparavant, fait une at-

taque malheureuse sur le village dePlanchenoit surles derrières de l'aile droite de l'ennemi renforcé parle second corps ( celui de Pirch ), il 's'avança encore

pour l'attaquer'. Cependant, le carré de la vieille

garde se maintenait; les canons placés sur son flanc

Gneisnaudit qu'il étaitsept heures et demiequand )ecorpsde Pircharriva.

YIE DE NAP. BuoN. Tome 8. /{~

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APPENDICE.658

tiraient sur notre cavalerie légère, qui menaçait de ç

tourner son flanc. Nos troupes légères étaient prèsde son front, et toute notre ligne s'avançait lorsque.ce

corps,l'élite, et alors le seul

espoirde l'ennemi,

lâcha pied en abandonnant ses canons et tout son ma-

tériel. Il était presque nuit. Bulow, joint par le corpsde Pirch, attaqua de nouveau Planchenoit, qu'iltourna et prit. D s'avança sur-le-champ vers la chaus-sée de Genappe, et tourna la droite des Françaisles chassant devant lui et augmentant leur confusion.Ses troupes vinrent dans la grande route, ou chaussée

près la Maison du Roi, et Blùcher et Wellingtons'étant rencontrés à peu près vers le même tempsprès la Belle-Alliance, il fut résolu de poursuivrel'ennemi et de ne pas lui donner le temps de se ral-

lier. La perte des Prussiens, le 18, ne passa pas huit

cents hommes. Le fort de l'action avait été supportéprincipalement par les Anglais et la légion allemande

du Roi; d'autres contingens furent utiles, mais ilsconsistaient principalement en nouvelles recrues sur

lesquelles on ne pouvait compter dans une occasion

importante. H y en eut qui se comportèrent mal,comme on le sait. Il n'y en avait pas dans notre pre-mière ligne, excepté les troupes de Nassau à Hougo-mont, et il y en avait-peu sur notre extrême gauche.Ces contingens furent placés dans la seconde ligne et

dans la vallée derrière la première ligne et sur ladroite à Braine-la-Leude. Ils avaient été généralementformés en ligne avec les brigades anglaises des diffé-

Liv.;ï, page169.

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APPKNDICH. 659

rentes divisions, comme lord Wellington avait fait

pour les troupes portugaises; mais les diverses bri-

gades d'une division ne se connaissaient pas encore,et n'avaient aucune confiance l'une dans l'autre. Plu-

sieurs bataillons, surtout quèlques troupes belges,sur les derrières de la première ligne, tinrent ferme

contre les attaques de la cavalerie française, et la re-

poussèrent peut-être souffrirent-ils de l'artillerie de

l'ennemi plus que la première ligne, et cependant,à la fin de l'action, ils s'avancèrent avec beaucoup de

fermeté et de régularité poursoutenirla première ligne.

Les Prussiens, qui n'avaient fait qu'une~ petitemarche pendant la journée, poursuivirent l'ennemi

si vigoureusement, qu'il ne put rallier un seul ba-

taillon. L'armée anglaise fit halte sur le champ de

bataille. Les ennemis cherchèrent à faire quelquedémonstration de résistance à Genappé, où peut-être, s'ils avaient eu un chef  pour les diriger., ils au-

raientpu

se maintenirjusqu'au jour,

laposition

du

village étant forte, et ils eussent du moins conservé

l'apparence d'une armée. Le second corps prussienfut ensuite détaché pour couper Grouchy, qui ne

sut le résultat de la bataille que le lendemain à midi.

Il avait obtenu quelque avantage sur le général Thiel-

man, et avait pris possession de Wavres. Il lui fal-

lut immédiatement faire sa retraite sur Namur, où

son arrière-garde se maintint contre tous les effortsdes Prussiens, qui souffrirent beaucoup en'cherchantà prendre cette place. La retraite fut habilement

conduite il conserva une ligne parallèle à Blücher,

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APPENDICE.66o

et ayant ramassé plusieurs des fuyards, il ramena

à Paris son armée sans perte on l'avait cru perdu etson armée prisonnière. Cette croyance fut en grande

partie la cause de l'abdication de Buonaparte; au-

trement avec cette armée,. celui-ci aurait pu rassem-bler soixante-dix ou quatre-vingt mille hommes; et

avec les fortifications et les ressources de Paris, quiétait suffisamment assuré contre un coup de main,il n'est pas probable qu'il se fût soumis si facilement,sans un autre effort, après la brillante campagne dé-fensive qu'il avait faite l'année précédente. Le grand

dépôt central de Paris et celui de Lyon lui donnaientde grandes ressources, comme il est biendémontré dans

l'introduction du livre ix, et à la page 181 et il eût

pu du moins faire des conditions. Les provinces iné-ridionales et orientales de la France étaient décidé-ment en sa faveur il n'y avait que quelques semaines

que lui et son armée y avaient été bien reçus. Cette

armée et une grande partie de la population eussentencore volontiers fait des sacrifices pour chercher àrendre àsesarmes leur ancien 'éclat. Il avait du moinsensonpouvoir l'honneur de tomber les armesà lamain.

L'heure de l'arrivée des Prussiens a été différem-ment rapportée Ce qu'on vient d'en dire approche

peut-être de la vérité autant qu'il est possible. Les

Lelivre<xdit qu'il était onzeheuresquand ~esPrussiens joignirent Gourgaudet Montholonle copient. La lettre deSoulta Grouchy datée deuneheureet demie, disantqu'ilsétaientinformésdela marchedeBulowpar un prisonnier,etqu'ils croyaientapercevoirses avant-postescette heure,contreditcetteassertioncomplètement.

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APPENDICE. 66 T

Français disent les' Prussiens venus plus tôt/pour

rappeler~leur défaite avec moins d'amertume. Les

Prussiens aussi avancent l'heure, afin de participeraux honneurs

de la journée.Leur

puissantsecours a

été reconnu'dans toute son étendue.

Après que les Français eurent ëchbuë dans toutes

leurs attaques, qui continuèrent pendant plus de

sept heures contre les Anglais; après que1 leur cava-.

lerie eut été détruite, leur garde impériale repous-

sée, que des aigles et des prisonniers furent tombés

au pouvoir de l'ennemi, et que leurs moyens de re-

nouveler l'attaque pouvaient être regardés comme

épuisés, les Prussiens achevèrent leur destruction.

L'armée' anglaise avait beaucoup souffert', et n'était

pas en état de prbfiter de la déroute des Français;mais notre sûreté né fut  jamais compromise un seul

moment, et aucun calcul ne pouvait justifier l'idée

que nous aurions été si facilement défaits et chasses

de notre position, sans que l'ennemi pût retirerbeaucoup d'avantages de nos revers. Muffting a ob-

-servé que le mouvement de Blücher; le'18, n'avait

pas été suffisamment apprécie; il fut hardi et savant;

Même, quand on lui eut dit que Grouchy, avec une

grande force, était sûr ses'derrières, ses' plans ne

furent point changés quoique cette circonstance pûten

quelquesorte retarder ses mouvemens Cet habile

MufHing,page 61. a Il ne s'agit pasde savoir ce qu'ungé-néral ordinaire aurait fait; mais une nouvelle de.cette natureaurait puentraîner le général le plus distingué à prendre desprécautions, ou la résolution de changer l'offensive vigou-reuse en simple démonstration. »

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66~ APPENDICE.

vétéran savait que c'était sur le champ de Waterloo

que devait se décider le sort de la journée; et quandmême Grouchy eût attaqué le corps de Bulow, il n'yavait rien

quieût

pu empêcherle

premier et lese-

cond corps de  joindre l'armée anglaise par Ohain.

Grouchy ne pouvait tout au plus que tenir en échecles troisième et quatrième corps. On ne peut douterun instant de l'anxiété et des efforts des Prussiens

pour nous aider le 18.L'amitié cordiale des Prussiensa été sentie et reconnue de tous les officiers qui depuisont eu occasion de visiter la Prusse; tel a été le senti-

ment général, surtout parmi les militaires.Cette campagne de quelques heures fut une opé-

ration commune; il faut en partager les honneurs.Le 16, les Prussiens combattirent à Ligny, sur la pro-messe de notre coopération, qui ne put pas cepen-dant être donnée dans l'étendue que l'on souhaitaitou que l'on espérait. Le 18, lord Wellington combat-

tit à Waterloo, sur la promesse d'un prompt secoursdes Prussiens, lequel, quoique inévitablement retardé,arriva enfin pour amener le plus grand de tous lesrésultats. La plus belle armée que la France vit ja-mais, commandée par le plus grand et le plus habilede ses chefs cessa d'exister; et dans un moment ladestinée de l'Europe fut changée.

1

A cette longuecitationil estfaciled'opposerplusd'unerelationcontradictoiredes mêmesévénement.L'auteurcon-vientlui-mêmequeplus d'un Anglaisa adoptél'opiniondeNapoléonsur lesmanœuvresdeWaterloo.(F~'<.)

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TABLE DES MATIÈRES

DU TOMEHUITIÈME.

CHAPITRE I. f,

Préparatifs de Napoléon contre l'invasion de la France,

page a. Conditions de ta paix offertes de la part des

Alliéspar

le baron deSaint-Aignan,

3. Bases du

traité, 7. Congrès tenu à Manheim, 10. Lord

Castlereagh,. n. Manifeste des AHiés, ibid. Ré-

plique de Buonaparte, t3. Son manque de sincé-

rité, t~. État des partis en France, 18: !°. Les

adhérens des Bourbons, ~<W; leurs principaux par-

tisans, ao: –2°. Les anciens Républicains, 2t. La

population de )a France en générât, est lasse de la

guerre, et désire la déposition de Buonaparte23.

Ses efforts inutiles pour soulever l'esprit national, ~5.

Conseil d'État extraordinaire, tenu le t novembre on

tmpose de nouvelles taxes, et l'on décrète une nouvelle

conscription de trois cent m!He hommes, 26. et suiv.

Sombre aspect du Conseil, et violence de Buona-

parte, 27. Rapport sur l'état .de la nation présenté à

Napoléon par le Corps Législatif, 3o. Son indigna-

tion en )e recevant, 3a. Le Corps Législatif est

pro-rogé, <&t' Envoi de commissaires, dans les Dépar-

temens pour faire lever ie peuple, 35. Inutilité de

cette mesure, ibid. Activité infatigable de l'Empe-

reur, 36. Appel de la Garde Nationa)e, 3?. Na-

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TABLE664

poléon lui confie son épouse et son Ris et prend congédu peuple, 3' H part dé Paris pour se rendre à

l'armée le 25  janvier <8t4, plein de funestes pré-

sages, 38.

CHAPITRE II.

Déclaration des vues des Alliés en entrant en France, ~i~Ils entrent en Suisse et s'emparent de Genève 45.

Passage du Rhin par le prince Schwartzenberg ibid.

Apathie des Français, 46. Jonction de Blücher

avec la Grande-Armée, ~7.– Conduite du prince royalde

Suède, ~8.Lenteur des

Alliés 5~.Infériorité

numérique des forces de Napoléon 56. Batailles de

Brienne et de la Rothière, ,6t. Embarras de Buona-

parte il médite d'abdiquer la couronne, 65. Il

attaque avec succès l'armée de Silésie à Champ-Au-

bert, 68.-Blücher est forcé de battre eu retraite 69.La grande armée des Alliés emporte Nogent et Mon-

tereau, 71. Ette est attaquée par Napoléon, et

Schwartzenberglui

envoie une lettre de remontrance, y3.Montereau est pris d'assaut, ibid. Violence de

Buonapartë envers ses généraux, ibid. Les Autri-

chiens se décident à une retraite générale jusqu'à Nancyet Langres. Leurs motifs, 75. Indignation et excès

des troupes autrichiennes, 77. Réponse de Napoléonà la lettre du prince Schwartzenberg, 78. Le princeWenceslas envoyé au quartier-général de Buonaparte

pour traiter d'un armistice ~o. Les Français bom-bardent Troyes, et y entrent ïea3 février, ~'<7.

Exécution de Gouault royaliste ,81. Peine de mort

prononcée contre tous ceux qui portent les emblèmes

des Bourbons, et contre tout émigré qui joindrait les

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DES MATIjHHJES. · 665

Aiiiés ibiel. Coup d'œil en arrière sur les mouve-

mens sur~es frontières 82 e< ~!c.

CHAPITRE III.

Coup d'oeil sur les événemens militaires q'ii se passaient

sur les frontières de la France, 87. Défection de Mu-

rat, qui se déclare en faveur des'Alliés, Ses

conséquences 8g. Augereau est forcé d'abandonner

le pays de Gex et la. Franche-Comté, go. Le nord

de l'Allemagne et la Beigique perdus pour la France, () t.

Carnot chargé du commandement'd'Anvers, g'

Berg-op-Zoom presque pris par sir Thomas Graham,est perdu par le désordre qui se met dans les troupes

au moment du'succès 93. -'Les Alliés prennent Spis-

sons et l'évacuent, 96. Bulow et Winzingerode se.

 joignent à. Biùeher, ibid. Le duc de Wellington

s'ouvre un chemin à travers le pays des Gaves, ibid,

État des Royalistes dans l'ouest.de !a Franée, ()6.

Mécontentement des anciens Républicains', dû'gouverne-

ment de Napoléon 98.– Vues des différehs membresde l'Alliance sur les dynasties des- Bourbons et de Na-

poiéon, tôt. Mesures des ducs de Berry et d'An-

goulême et de Monsieur, 1 o4. Les deux derniers

entrent en France, io5. Les Francais défaits par

Wellington à Orthez 108, Bordeaux est volontaire-

ment rendu au maréchai Beresford par les habitans,

qui prennent la cocarde blanche, t'o.Détail des

négociations de ChàtHlon ,11/).Traité de Chaumont,

par lequel les Alliés s'engagent de nouveau à conduire

là guerre avec vigueur, t2/t. –Napoléon présente à

Chatillon un contre-projet singulièrement déraison-

''nable, 12~. –Rupture du congrès de ChâtiDon, 128.

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TABLE666

CHAPITRE IV.

Embarras de Buonaparte, 131. Il marche contre Blü-

cher, qui est en possession de Soissons )35. H at-

taque cette ville sans succès, ibid.-Bataille de Craonne,

te 7 mars, sans résultat décisif, t36. Blücher se re-

tire sur Laon, t37.– Bataille de Laon, le g, iSg.

Napoléon est forcé de se retirer le 11 avec grande

perte 141. Il attaque Reims, que les Russes éva-

cuent, t ~2. Défaite à Bar sur Aube des divisions

françaises commandées par Oudinot et Gérard, qui, de

même que Macdonald, sont forcés à battre en retraitesur la grande route de Paris, 146. Schwartzenberg

désire se retirer derrière l'Aube, 1~7. L'empereur

Alexandre et lord Castlereagh s'opposent à cette mesure,

et l'on se décide à marcher sur Paris t48. Napoléon

occupe Arcis, i5i. Bataille d'Arcis, le 30, t5a.

Napoléon est  joint, pendant la nuit qui suit la bataille,

par Macdonald Oudinot et Gérard, t53.–Cepen-

dant il se met en retraite sur les deux rives de l'Aube,avec peu de perte, 154.

CHAPITRE V.

Plans de Buonaparte dans sa position difficile, i56.–

Questions militaires et politiques relativement'à à Paris

) 60. Napoléon se décide à passer derrière la frontière

orientale, et traverse la Marne le 22 mars, t68. Coupd'oeil sur les événemens qui avaient eu lieu dans les en-

virons de Lyon, etc., 169. Marches des Alliés sur

Paris, t~o. –Défaites des Français de différens

côtés, t72. –Marmont et Mortier avec leurs troupes

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DES MATIERES. 667

découragées et désorganisées, font leur retraite sous

les murs de Paris < 77. Jusqu'à quel point Paris est

susceptible d'être défendu, t~S. –Efforts de Joseph

Buonaparte, t02. L'impératrice Marie-Louise et

les autorités civiles du gouvernement quittent la Ca-

pitale, ï8~. -Attaque de Paris le 3o et défaite com-

plète des Français, tôt. Demande d'une trêve; elle

est accordée ,192. Joseph Buonaparte fuit avec toute

sa suite, ig4.

CHAPITRE VI.

État des partis dans Paris, Jû8. Royalistes, aoo;Révolutionnaires, ibid; -Buonapartistes, ibid. Tal-

leyrand, t&ses plans et ses vues, 202. Cha-

teaubriand, 20~ influence de son éloquence en'

faveur des Royalistes, ibid. Mission des Royalistesaux souverains alliés, 2o5 leur réponse, !'&<

Efforts. des Buonapartistes 206. Sentimens des plusbasses classes de Paris, ibid. des classes moyen-

nes, 208. Force et confiance croissante des Roya-listes, 200 ils distribuent des proclamations et des

cocardes blanches, 210. Foule qui s'assemble sur

les boulevards pour voir entrer les Alliés, 2T).Instabilité du caractère français, 212. Les Alliés

sont reçus avec des acclamations de joie, 213. Leur

armée prend ses quartiers, et les Cosaques bivouaquentdans. les Champs-Ëtyséës, 2t~.

CHAPITRE VII.

Craintes des Parisiens 2)6. Napoléon apprend la dis-

solution du congrès de Chatiiton ibid. Opérations

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TABLE668

de la cavalerie française en arrière des AUiés, ~<

Prise du baron autrichien Wessemberg, 217. L'em-

pereur d'Autriche est presque surpris ibid. Napo-

léon marche à la hâte sur Paris, et arrive à Troyes dans

la nuit du 29 mars 220. Opinion de Macdonald surla possibilité de secourir Paris, 221. –Napoléon quitte

Troyes le 3o, et rencontre, à quelques milles de Paris,

Belliard en pleine retraite, Leur conversa-

tion, 223. II prend la résolution de se rendre à

Paris mais il s'en laisse enfin dissuader, 226. Il dé-

pêche Caulaincourt à Paris pour y recevoir les condi-

tions des souverains alliés, 227. Il retourne lui-même

à Fontainebleau, ibid.

CHAPITRE VIII.

Les souverains alliés annoncent par une proclamatiott

qu'ils ne traiteront pas. avec Buonaparte, 23o. –Le

Sénat Conservateur nomme un gouvernement provi-

soire, et rend un décret prononçant la déchéance de

Napoléon, 234. -Ce décret est sanctionné pardes dé-

clarations de toutes les autorités constituées de Pa-

ris, 235. Discussion sur !a !éga)Ité de ces actes, 236.

Sentimens des classes Inférieures et du militaire à

l'égard de Napoléon 24!. Le 4 avril, Buonaparte

signe son abdication.du trône de France, ~54. Agi-

tation qu'il éprouve ensuite et désir qu'il montre de

continuer la guerre, 256. L'acte d'abdication est

définitivement envoyé ibid,

CHAPITRE IX.

Victor et d'autres maréchaux français reconnaissent le

gouvernement provisoire 258. Marmont fait une

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DESMATIERES. 66qconvention séparée, mais il. assiste aux conférences

tenues à Paris; laissant à Souham le commandement en

second de son armée, 260. Les maréchaux ont une

entrevue avec l'empereur Alexandre, –So.uham

entre avec.son armée dans les lignes des AHiés, en con-

séquence, les souverains alliés insistent sur l'abdication

pure et simple de Napo)éon 264. Sa conduite en

apprenant ce résultat, 265. Répugnance avec la-

quelle il y donne son acquiescement 266. Condi-

tions qui lui sont accordées, 269. Considérations

politiques, 270. Désapprobation de lord Castle-

reagh, 27~ L'impératrice Marie-Louise retourne

sous la protection de son père, 270. Mort de José-

phine s8o. Singulier récit fait par )e baron Fain,

secrétaire.de Napoléon, de la tentative faite par l'Em-

pereur pour se donner la mort 282. H montre en-

suite plus de, résignation, 283. Ses vues sur Ja.poH-

tique que doivent adopter les Bourbons comme ses

successeurs, 284.-Il quitte Fontainebleau et part pourl'tte d'Elbe le 20 .avril, 287.

CHAPITRE X.

'Commissaires nommés pour escorter Napotéon, 28g.H quitte Fontainebleau le 2o avril, 201. Son en-

trevue avec Augereau à Valence, ibid. Expressiondu mécontentement public à l'égard de Napoléon dans

le midi de la France, 2o3. Craintes pour sa sûreté

personnelle, !'6/ Son agitation, ses alarmes, 2Q/i–précautions qu'il prend, ibid. Il arrive à Fréjus,

et s'embarque bord de l'7/?~</e avec les commis-

saires anglais et autrichiens 2q5. Il arrive à l'ile

<t'Etbe le 4 mai, et débarque a Porto-Ferrajo, 3oa.

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670 TABLE

L'île d'Elbe, 304. Manière de vivre et occupations de

Napoléon,3o8. Effet

produit parsa

résidence à l'îled'Elbe sur le royaume d'Italie, qui en est voisin, 3i a.Il reçoit la visite de sa mère de la princesse Pauline etd'une dame polonaise, 3i3. -Sir Niel Campbell seul

commissaire laissé à File d'Elbe, 317. Conversationsde Napoléon sur l'état de l'Europe, 3tg. Difncultés

pécuniaires qu'il éprouve et ses craintes d'être assas-

siné, 325. Son Impatience au milieu de ces sujets de

plaintes,33i.

Bigarrure de sa cour, 3 3 a. Il serenferme dans sa dignité pour n'avoir aucune liaison

avec sir Niel Campbell, 334. Symptômes d'une crise

prochaine, !& Une partie de la vieille garde est

licenciée et renvoyée en France 335. Napoléon

s'échappe de l'ile d'Elbe, !~W. Sir Niel Campbell le

poursuit inutilement. 336.

Coup d'ceil en arrière, 33y. La restauration des Bour-

bons déplaît aux soldats, mais est agréable au peu-

ple, 338. Conditions favorables à la France, accor-dées par les Alliés, 33o. On est mécontent de la ma-nière dont la Charte est octroyée, 342. Autrescauses de mécontentement, 3~4. –Crainte qu'on ne

reprenne lesbiens du clergé

et ceux de la cou-

ronne, 35g, 36<). –Résurrection de ta faction des Ja-

cobins, 366. Motion en faveur des prétentions des

émigrés dans la Chambre des Députés, 38o. Propo-sition du maréchal Macdonald, 383. Embarras dans

CHAPITRE XI.

CHAPITRE .XII.

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DES MATIÈRES. 6~ 1

les finances 385. Restrictions imposées à la liberté

de la presse, 38o. Rénexions à ce sujet, ibid.

CHAPITRE XIII.Mémoire de Carnot sur les affaires publiques, 3o5.

Fouché échoue dans ses efforts pour obtenir la faveur

du Roi, et s'unit aux Jacobins, 4o3. Divers projets

de ce parti, qui finit par se joindre aux Buonapar-

tistes, ~t i. Commencement d'intrigues actives ,4*5.

Congrès de Vienne, 4~t. Murat, alarmé de ce

qui s'y passe,entre en communication avec Napo-

léon, 423. Plans des conspirateurs, 4~4- Buona-

parte s'échappe de l'île d'Elbe, 425. II débarque à

Cannes et pénètre en France, 4~6. Trois mille hom-

mes de troupes se joignent à lui à Grenoble, 420. -Il

s'arrête à Lyon nomme un ministère, et rend plusieurs

décrets, 435. Consternation du gouvernement

royal, 440. Intrigues de Fouché, 44'- Trahison

~deNey, 446.

Révolte de l'armée des Bourbons, à

Melun, 448. Le Roi quitte Paris, et Buonaparte y

arrive, /;5t. Accueil qu'il y reçoit, 453.

CHAPITRE XIV.

Diverses tentatives faites mais sans succès pour orga-niser une défense en faveur des Bourbons, 456. Na-

poléon rétabli sur le trône de France désire conser-

ver la paix avec les Alliés, 45g. Il ne reçoit pas de

réponse à ses lettres 460. Traité de Vienne, 4~t-

Griefs allégués par Buonaparte pour justifier son

entreprise, 465 Débats dans la Chambre des Commu-

nes à Londres, sur le renouvellement de la guerre, 468.

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672 TABLE

–Murât occupeRomeaveccinquantemillehommes, 471.

Sa proclamation pour appeler les Italiens aux ar-

mes, 4?3- Il avance contre les Autrichiens /6/<

Il est repoussé à Occhio-BeUo <& Défait à Tolen-

tino, il s'enfuit à Naples, et de là, déguisé, en France, 4y5,où Napoléon refuse de le recevoir, 4 7 6.

CHAPITRE XV.

Tentatives de Buonaparte pour se concilier l'Angle-

terre, ~81. Le compiot pour enlever Marie-Louise

échoue, 483. -Opinions en France au sujet du retour

de Buonaparte, 484. L'armée, ibid. Les Jaco-bins, 485. Les Constitutionnels 486. Fouché et

Sieyès créés pairs, 4~9. Liberté de la presse accordée

et violée, ,49'- -Conduite indépendante de M. Comte,

éditeur du Cc/MeMy,492. Les classes inférieures se

détachent de Buonaparte, 494. Une partie lui reste

dévouée, 49~. Celle-ci se rassemble devant les Tuile-

ries et applaudit l'Empereur, 496. –Fête des Fédé-

rés, –Nouvelle Constitution, 499;– elle estreçue avec mécontentement., 5oa. Assemblée du

Champ-de-Mai pour la ratifier, 504. Adresse de

Buonaparte aux deux Chambres, 5og. L'esprit de

 jacobinisme prédomine dans la Chambre des Représen-

tans, Sic.

CHAPITRE XVI.

Préparatifs de guerre, 5 )i.–Positions des troupes a)iiées:

elles s'élèvent à un million, 512; celles de Buona-

partp, pas au-delà de zoo,ooo hommes, 5<3. It

n'ose renouveler la conscription, ibid. Garde Nà-

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DES MATrÉMSS. 6733

tiohale, 5)4- Sa répugnance à servir, ibid. Plu-

sieurs provinces mal disposées pour la cause de Napo-

léon, ibid. Un rapport de Fouché fait connaître la

désaffection générale, 5i5. Insurrection dans la

Vendée réprimée 5i8. Ressources militaires de laFrance, Stg. Plan de campagne de Napoléon, 5zi.

Paris mis en état de défense, 5aa. Les villes et

les passages des frontières aussi fortinés, 5x3. Gé-

néraux qui acceptent le commandement sous Napo-.

léon, 5 2 4.–II annonce son projet de se mesurer lui-

même avec Wellington, 5a6.

CHAPITRE XVII.L'armée de Wellington couvre Bruxelles,' 5x8 celle

de Blücher concentrée sur la Sambre et la Meuse 53 ).

"–Napoléon passe en revue sa Grande-Armée le )~

 juin, 533. H avance sur Charleroi, ibid. Son

plan pour séparer les armées des deux généraux estsans succès 534. Entrevue de Wellington et de Blü-

cher à Brie 536. L'armée anglaise concentrée àQuatre-Bras ibid. Plan d'attaque de Napoléon, 53?.

Bataille de Lighy et défaite de BIùcher 'le t66

 juin, 53g.-Affaire de Quatre-Bras, le même jour, 5~a.

Les Anglais restent en possession du champ de ba-

taille, ibid. Blücher évite la poursuite dés Fran-

çais, ibid. Napoléon rejoint Ney, 546. Retraite

des Anglais sur Waterloo, où le duc de Wellington se

décide à faire une halte ibid. Description de ce lieucélèbre, 548.

VtB DENAl'. BuoN. Tom~iL 43

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y

67~ TABLE DES MATIERES.

CHAPITRE XVIII.

Napoléon espère que la Sainte-Alliance sera dissoute dans

lecas où'il triompherait des Anglais en Belgique, 551.L'armée anglaise prend ses positions le 17 juin, et

les Français le lendemain matin 555. Force des

deux armées, 556. Plans de leurs généraux, 558.

Bataille de Waterloo, commencée l'après-midi du 18

 juin, 55q. Les Français dirigent leur attaque sur le

centre de l'armée anglaise, 56o. Charges des cui-

rassiers, 561; et comment ils sont reçus, 563.

Arrivée des Prussiens 566. Charge de Ney à la têtede la garde impériale, 56g. Il est repoussé Syo.

Napoléon commande sa retraite, ibid. Rencontre

des généraux-victorieux à la Belle-Alliance, 5~3.

Conduite de Napoléon pendant l'action, ibid. Blü-

cher se met à la poursuite des Français, 5y~. -Perte

des Anglais, 5?5, des Français 5~6. -Tentatives

subséquentes de Napoléon. pour déprécier les talens

militaires du duc de Wellington; réponse, 578. Cen-sures mal fondées qu'il fait du général Grouchy, 586.

L'opinion que les Anglais étaient sur le point de

perdre la bataille, au moment où les Prussiens arri-

vaient, démontrée fausse, 5o2.

APPENDICE.

Remarques ~sur~ la Campagne de i8t5, par le capitaineJohn W. Pringle, du corps royal des ingénieurs, 5Qy.

F)K t)E !.ATABLE OU HUITtBMEVOLUME.

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CHAPITRE I.

Préparatifs de Napoléon contre l'invasion de la France, page 

- Conditions de la paix offertes de la part des Alliés par le baron de Saint-Aignan,

- Bases du traité,

- Congrès tenu à Manheim,

- Lord Castlereagh,

- Manifeste des Alliés,

- Réplique de Buonaparte,

- Son manque de sincérité,

- Etat des partis en France,

- 1°. Les adhérens des Bourbons,

- leurs principaux partisans,

- 2°. Les anciens Républicains,

- La population de la France, en général, est lasse de la guerre, et désire la déposition de Buonaparte,- Ses efforts inutiles pour soulever l'esprit national,

- Conseil d'Etat extraordinaire, tenu le 11 novembre; on impose de nouvelles taxes, et l'on décrète une nouvelle conscription de trois cent mille hommes,et suiv.

- Sombre aspect du Conseil, et violence de Buonaparte,

- Rapport sur l'état de la nation présenté à Napoléon par le Corps Législatif,

- Son indignation en le recevant,

- Le Corps Législatif est prorogé,

- Envoi de commissaires dans les Départemens pour faire lever le peuple,

- Inutilité de cette mesure,

- Activité infatigable de l'Empereur,

- Appel de la Garde Nationale,

- Napoléon lui confie son épouse et son fils, et prend congé du peuple,

- Il part de Paris pour se rendre à l'armée le 25 janvier 1814, plein de funestes présages,

CHAPITRE II.

Déclaration des vues des Alliés en entrant en France,

- Ils entrent en Suisse et s'emparent de Genève,

- Passage du Rhin par le prince Schwartzenberg,- Apathie des Français,

- Jonction de Blücher avec la Grande-Armée,

- Conduite du prince royal de Suède,

- Lenteur des Alliés,

- Infériorité numérique des forces de Napoléon,

- Batailles de Brienne et de la Rothière,

- Embarras de Buonaparte; il médite d'abdiquer la couronne,

- Il attaque avec succès l'armée de Silésie à Champ-Aubert,

- Blücher est forcé de battre en retraite,

- La grande armée des Alliés emporte Nogent et Montereau,

- Elle est attaquée par Napoléon, et Schwartzenberg lui envoie une lettre de remontrance,

- Montereau est pris d'assaut,

- Violence de Buonaparte envers ses généraux,

- Les Autrichiens se décident à une retraite générale jusqu'à Nancy et Langres. Leurs motifs,

- Indignation et excès des troupes autrichiennes,

- Réponse de Napoléon à la lettre du prince Schwartzenberg,- Le prince Wenceslas envoyé au quartier-général de Buonaparte pour traiter d'un armistice,

- Les Français bombardent Troyes, et y entrent le 23 février,

- Exécution de Gouault, royaliste,

- Peine de mort prononcée contre tous ceux qui portent les emblèmes des Bourbons, et contre tout émigré qui joindrait les Alliés,

- Coup d'oeil en arrière sur les mouvemens sur les frontières,et suiv.

CHAPITRE III.

Coup d'oeil sur les événemens militaires qui se passaient sur les frontières de la France,

- Défection de Murat, qui se déclare en faveur des Alliés,

- Ses conséquences,

- Augereau est forcé d'abandonner le pays de Gex et la Franche-Comté,

- Le nord de l'Allemagne et la Belgique perdus pour la France,

- Carnot chargé du commandement d'Anvers,

- Berg-op-Zoom presque pris par sir Thomas Graham, est perdu par le désordre qui se met dans les troupes au moment du succès,

- Les Alliés prennent Soissons et l'évacuent,

- Bulow et Winzingerode se joignent à Blücher,

- Le duc de Wellington s'ouvre un chemin à travers le pays des Gaves,- Etat des Royalistes dans l'ouest de la France,

- Mécontentement des anciens Républicains, du gouvernement de Napoléon,

- Vues des différens membres de l'Alliance sur les dynasties des Bourbons et de Napoléon,

- Mesures des dues de Berry et d'Angoulême et de Monsieur,

- Les deux derniers entrent en France,

- Les Français défaits par Wellington à Orthez,

- Bordeaux est volontairement rendu au maréchal Beresford par les habitans, qui prennent la cocarde blanche,

- Détail des négociations de Châtillon,

- Traité de Chaumont, par lequel les Alliés s'engagent de nouveau à conduire la guerre avec vigueur,

- Napoléon présente à Châtillon un contre-projet singulièrement déraisonnable,

- Rupture du congrès de Châtillon,

CHAPITRE IV.

Embarras de Buonaparte,

- Il marche contre Blücher, qui est en possession de Soissons,

- Il attaque cette ville sans succès,

- Bataille de Craonne, le 7 mars, sans résultat décisif,- Blücher se retire sur Laon,

- Bataille de Laon, le 9,

- Napoléon est forcé de se retirer le 11 avec grande perte,

- Il attaque Reims, que les Russes évacuent,

- Défaite à Bar-sur-Aube des divisions françaises commandées par Oudinot et Gérard, qui, de même que Macdonald, sont forcés à battre en retraite sur la grande route de

Paris,

- Schwartzenberg désire se retirer derrière l'Aube,

- L'empereur Alexandre et lord Castlereagh s'opposent à cette mesure, et l'on se décide à marcher sur Paris,

- Napoléon occupe Arcis,

- Bataille d'Arcis, le 20,

- Napoléon est joint, pendant la nuit qui suit la bataille, par Macdonald, Oudinot et Gérard,

- Cependant il se met en retraite sur les deux rives de l'Aube, avec peu de perte,

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CHAPITRE V.

Plans de Buonaparte dans sa position difficile,

- Questions militaires et politiques relativement à Paris,

- Napoléon se décide à passer derrière la frontière orientale, et traverse la Marne le 22 mars,

- Coup d'oeil sur les événemens qui avaient eu lieu dans les environs de Lyon, etc.,

- Marches des Alliés sur Paris,

- Défaites des Français de différens côtés,

- Marmont et Mortier avec leurs troupes découragées et désorganisées, font leur retraite sous les murs de Paris,

- Jusqu'à quel point Paris est susceptible d'être défendu,

- Efforts de Joseph Buonaparte,

- L'impératrice Marie-Louise et les autorités civiles du gouvernement quittent la Capitale,

- Attaque de Paris le 30, et défaite complète des Français,

- Demande d'une trève; elle est accordée,

- Joseph Buonaparte fuit avec toute sa suite,CHAPITRE VI.

Etat des partis dans Paris,

- Royalistes,

- Révolutionnaires,

- Buonapartistes,

- Talleyrand,

- ses plans et ses vues,

- Chateaubriand,

- influence de son éloquence en faveur des Royalistes,

- Mission des Royalistes aux souverains alliés,

- leur réponse,

- Efforts des Buonapartistes,

- Sentimens des plus basses classes de Paris,

- des classes moyennes,

- Force et confiance croissante des Royalistes,

- ils distribuent des proclamations et des cocardes blanches,- Foule qui s'assemble sur les boulevards pour voir entrer les Alliés,

- Instabilité du caractère français,

- Les Alliés sont reçus avec des acclamations de joie,

- Leur armée prend ses quartiers, et les Cosaques bivouaquent dans les Champs-Elysées,

CHAPITRE VII.

Craintes des Parisiens,

- Napoléon apprend la dissolution du congrès de Châtillon,

- Opérations de la cavalerie française en arrière des Alliés,

- Prise du baron autrichien Wessemberg,

- L'empereur d'Autriche est presque surpris,

- Napoléon marche à la hâte sur Paris, et arrive à Troyes dans la nuit du 29 mars,

- Opinion de Macdonald sur la possibilité de secourir Paris,

- Napoléon quitte Troyes le 30, et rencontre, à quelques milles de Paris, Belliard en pleine retraite,

- Leur conversation,

- Il prend la résolution de se rendre à Paris, mais il s'en laisse enfin dissuader,

- Il dépêche Caulaincourt à Paris pour y recevoir les conditions des souverains alliés,- Il retourne lui-même à Fontainebleau,

CHAPITRE VIII.

Les souverains alliés annoncent par une proclamation qu'ils ne traiteront pas avec Buonaparte,

- Le Sénat Conservateur nomme un gouvernement provisoire, et rend un décret prononçant la déchéance de Napoléon,

- Ce décret est sanctionné par des déclarations de toutes les autorités constituées de Paris,

- Discussion sur la légalité de ces actes,

- Sentimens des classes inférieures et du militaire à l'égard de Napoléon,

- Le 4 avril, Buonaparte signe son abdication du trône de France,

- Agitation qu'il éprouve ensuite, et désir qu'il montre de continuer la guerre,

- L'acte d'abdication est définitivement envoyé,

CHAPITRE IX.

Victor et d'autres maréchaux français reconnaissent le gouvernement provisoire,

- Marmont fait une convention séparée, mais il assiste aux conférences tenues à Paris; laissant à Souham le commandement en second de son armée,

- Les maréchaux ont une entrevue avec l'empereur Alexandre,

- Souham entre avec son armée dans les lignes des Alliés; en conséquence, les souverains alliés insistent sur l'abdication pure et simple de Napoléon,

- Sa conduite en apprenant ce résultat,- Répugnance avec laquelle il y donne son acquiescement,

- Conditions qui lui sont accordées,

- Considérations politiques,

- Désapprobation de lord Castlereagh,

- L'impératrice Marie-Louise retourne sous la protection de son père,

- Mort de Joséphine,

- Singulier récit fait par le baron Fain, secrétaire de Napoléon, de la tentative faite par l'Empereur pour se donner la mort,

- Il montre ensuite plus de résignation,

- Ses vues sur la politique que doivent adopter les Bourbons, comme ses successeurs,

- Il quitte Fontainebleau et part pour l'île d'Elbe, le 20 avril,

CHAPITRE X.

Commissaires nommés pour escorter Napoléon,

- Il quitte Fontainebleau le 20 avril,

- Son entrevue avec Augereau à Valence,

- Expression du mécontentement public à l'égard de Napoléon dans le midi de la France,

- Craintes pour sa sûreté personnelle,- Son agitation, ses alarmes,

- précautions qu'il prend,

- Il arrive à Fréjus, et s'embarque à bord de l'Intrépide avec les commissaires anglais et autrichiens,

- Il arrive à l'île d'Elbe le 4 mai, et débarque à Porto-Ferrajo,

CHAPITRE XI