Revue "Patrimoine brestois" N°6

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Lettre n°6 / Hiver 2008 Jules Noël et Ch. Guilbert, La grande fatigue Gravé par Laisné-Hans 1749 - 1858 Il y a 150 ans, le bagne de Brest fermait

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1749 - 1858 : Il y a 150 ans, le bagne de Brest fermait

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Lettre n°6 / Hiver 2008 Jules Noël et Ch. Guilbert, La grande fatigueGravé par Laisné-Hans

1749 - 1858Il y a 150 ans,

le bagne de Brestfermait

Patrimoines brestois N°6 - OK 12/12/08 16:08 Page 1

L'éditaL 'histoire de notre système punitif

et pénitentiaire a laissé de multiples tracesencore visibles dans nos villes

mais aussi dans nos mémoires collectives.

Le 150'me anniversaire de la fermeturedu bagne de Brest nous donne J'occasion

au travers de ce numéro de Patr imoine Brestoisd'aborder une de ces pages, intimemen t liée

au passé de Brest. Ces différents articlesviennent compléter une première évocation

proposée sur ce thème lors des j ournéesdu Patrimoine en septembre dernier,

journées qui ont permis de présenterquelques objets témoins du quotidien du bagne,

aujourd'hui conservés dans les coflectionspubliques brestoises.

Les oouments du bagne ont disparu du paysageurbain brestois avec la seconde guerre mondiale,

même si, t rop souvent encore, ceux-cisont confondus avec le bâtiment qui abritaitla prison de Pontaniou jusqu'à son transfert

à J'Hermitage. Ce bâtiment de Pontaniouest aLlj'ourd'hui intégré dans la réflexion

sur le Plateau des Capucins.

Au-delà des aspects patrimoniaux, je souhaiteque ce numéro de Patr imoine Brestois

nous inci te à être attentifs aux déba ts en courssur les prisons, les sanctions, tentermement...

Ces sujets nous concernent tous en tantque ci toyens. 1/ est de notre devoir de veit/er

à ce que les réponses apportées le soientdans le respect de nos valeurs démocratiques. •

Gaëlle Abily,adjointe au maire de Brest, chargée de la culture

ju~ Noët et Ch. Guilbert. Baswnnade, Gravé par Lajsne-Hans

Un emblèmede l'histoire de Brest

Disparu depuis 150 ans, le bagne reste un élémentemblématique de l'histoire de Brest, symbole de la dure­té d'une justice ancienne qui condamne aux travaux for­cés des pauvres bougres, vagabonds, cont rebandiers ouvoleurs de poule comme des criminels redoutés ; sym­bole aussi d'une ville de relégation, au bout de l'Occidentloin du cœur du pays, où le poids de l'ordre militaire metà l'abri de toute possibilité de révolte ou de fuite.Pendant près d'un siècle, de 1749 à 1858, plusieursdizaines de milliers de prisonniers passent ainsi parBrest, travaillant enchaînés sur le port qu'ils contribuentà aménager en élargissant les quais ou en faisant recu­ler les falaises, ou en ville en participant par exemple àla première réalisation du cours Dajot. Mauvais garçons,escrocs, gamins miséreux vivant de petits vols ou "corn­battants irréguliers" belges, espagnols ou allemands lut­tant contre les troupes napoléoniennes, les bagnardsont constitué longtemps une part importa nte de la popu­lation de la ville (près de 10 % au 18""'" siècle) qui n'étaitpas seulement enfermée dans le bagne mais circulaitsur le port et parfois dans les rues de la ville, encadréepar des gardes à la sinistre réputation.Univers sordide où le tiers des prisonniers meurt mis­érablement, le bagne est devenu à la fois au 19""'" siècleun lieu de curiosité et de "tourisme" pour les voyageursvisitant Brest, l'un des marqueurs d'une identité négativede la ville et, à parti r de 18 30 , l'objet d'un vaste débatsur son danger sanitaire et surtout son utilité sociale.C'est de ce débat qu'est née l'idée de la déportation enGuyane vers laquelle les derniers forçats de Brestembarquent finalement en 1858 . La fin du bagne nesignifie pourtant pas son oubli et il reste bien présent jus­qu'à aujourd'hui dans la littérature comme dans une cer­taine imagerie t radit ionnelle de Brest.

Philippe Jarnoux

Jules Noël et Ch. Guilbert,Forçat tJ perpétuité,

Forçat tJ temps.Garde-chiourme

Gravé par Laisne-Hans.

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Corrigerles corps

et les esprits

Un formepanoptique

Un tourismecarcéral

Le bagne de Brest ou la "pr ison machine"A la fin du XVIII" siècle se met en place ce que Michel Foucault a appelé la "prtson-mact une" dont la voca­tian consiste d'une part à priver les individus délinquants de leur liber té, d'autre par t à les corr iger, c'est­a-dire à exercer sur leurs corps et leurs espr its un ensemble de disposi tifs destinés à normaliser leurscomportements. Le bagne de Bres t. construit par l'ingénieur Choquet de Lindu. est emblémati que decette évolut ion de la justice carcérale. Dans un texte manuscrit conservé à la Bibliothèque municipale deBrest. Choquet de Lindu insiste sur la particula rité de l'édifice construit à Brest qui est "presque le seultiettment qui ait été élevé dans te vue directe de renfermer les malheureux avec une dépense et une somp.tuosité eu-dessus de tout ce qui a été fait en ce genre"2. Au lieu de réaffecter des locaux inutihses . manu­factures, coroertes ou magasins - à la réclusion des condamnés, Choquet choisit donc de construi re unbagne ex-nihilo, dont l'architecture fût expressement dict ée par les objectifs assignés à ce type de resl­denee. à savoir "maintenir aisément la Police, éviter l'évasion [des détenus}, et leur fournir les besoinsindispensables à la vie'? .

Il fallait par consé quent que la forme meme du batiment permit d'une part de surveiller, d'autre par t depriver de liberté, enfin de garantir l'existence physique des individus . Trois piliers, pour ainsi dire, de l'u.nivers carcéral , qui se traduisirent par une configura tion spécifique. Le bagne de Brest se caractérisai ten effet par sa forme "panopt ique", les postes de garde étant situés au centre de l'édifice de façon à peromettre une surveillance globale. L'ensemble était ceint d'un mur infranchissable et les circ ulationsconçues de manière à cloisonner rapidement les espaces en cas de sédition. Enfin, un effort tout par ti.cutter fut fait en matière de salubri té : de nombreuses latr ines et fontaines, alimentées par un réseaucomplexe de canalisations provenant d'une cite rne construite en amont. furent aménagées aussi biendans les dortoirs que dans la cour intérieure . Ces "bains" - origine du mot "bagne" - étaient cornpretes parun système sommaire d'aéra tion, l'ensemble devant perm ettre d'améliorer les condi tions sanitaires et delimiter le r isque d'épidémies.C'est dans ce lieu qu'était expérimentée, pour rep rendre l'expression de Foucault. la "technologie correcti­ve de l'individtf . Voleurs et assassi ns y étaient contraints à une discipline tota le. Une manille au pied, lesbagnards étaient encharn és deux par deux, affublés d'un costume . bonnet rouge pour les condamnés "àtemps', c'est-a-cire à durée déterminée, bonnet vert pour les condamnés à perpétuité - et soumis aux tra ­vaux forcés consistant. la plupart du temps, à effectuer les taches les plus pénibles, telles que le creuse­ment des formes de radoub. L'on considérai t en effet que le travail participait de la "r éhabilitat iotf des indi­vidus "déviants" que la société se devait de remettre dans le droit chemin en les intégrant dans un appa·rel! dest iné à les rendre dociles et utiles, Une réhabilitation qui passait également par la discipline reüqreu­se, com me l'atteste "l'autel sur rouettes: prévu par Choquet et "que l'on transporte au pied de tesceterpour venir à l'enfilade des salles et y dire la messe (.. .), les forçats ne bougeant point de leurs bencs" .

Pour autan t. l'univers du bagne étai t ouver t sur l'extérieur. D'une par t. on l'a dit. en raison des travau xque les forçats étaient contraints d'accomplir sur les rives de la Penfeld : d'aut re part en raison des ectl­vites commerciales qui avaient lieu dans la cour intérieure de l'édifice, où les bagnards, disposant d'unprivilège du roi, pouvaient à loisir vendre leur productio n artisanale dans des baraques adossées au murd'encein te , Si bien que le bagne fit l'objet d'un "tourisme cercerer, com me en té moigne un manuscrit ano­nyme de 18 42 intitulé Excursion en Bretagne' . Deux jeunes gens d'une vingtaine d'années, de passage àBrest, poussent les portes de l'étab lissement pénitencier et y decrivent la vie des condamnés qui. lorsquele temps leur est offer t. "se livrent au travail et confectionnent des petits ouvrages pleins de goût et qu'ilsvendent bon prix aux curieux qui viennent les visiter" , l es bagnards étaient donc bel et bien visibles etjo uaient à ce tit re un rcle social en suscitant tantot l'indignation, tantot la compassion des spec ta teurs,à l'instar de nos deux voyageurs qui. semblant s'y connanre en matière de frust rat ion, s'émeuvent du faitque "la possession d'une femme leur {soit} imerane: Sans doute était-ce là un moindre mal. •

Nicolas Tocquer

1· M ichel Foucault, Surveiller et punir , Paris : Gallimard. 1975.2 · Choquet de Lindu, Description du Bagne. t auce M ti pour logement de galeriens ou forçats dans l'Arsenal de marine tJ Bres ten 1750 et 1751. Projet é. conSfruit. dessiné et grflvé pl!r M. Choquer. BMB, RES FB F1.3 · Ibid .4 - lbid_5· Excursion en Bretagne, 1842, BMB , MS18 3

/Brest et le bagneAucune trace du bagne ne subsiste dans l'architecturede la ville. Heureusement les Archives demeurent.

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Le Bagne s'installe sur la Rive gauche de la Penfelden septembre 1748 . Choquet de Lindu. ingénieurdes batjrnents de la Mar ine, a été cha rgé de lacons truction du bàtlm ent situé à l'emplacementactuel du boulevard Jean Moulin .Mais. du passage de 60 000 bagnards pendantplus d'un siècle . il ne demeure, dans la ville, aucu­ne trace visible.Heureusement. il reste les Arc hives de cette lnsn­tution pénitentiaire conservées essent iellement parl'antenne brestorse du Service Histor ique de laDéfense mais aussi par les Archives municipales etcommunautaires.Ces dernières ont fait l'acquisition de dix lettres,sur un site d'enchères bien connu. provenant detoute la France et écri tes par des familles inque­tes sur le sort de leur prisonnier(e) à la veille de lafermeture du bagne ,Sont-ils toujours vivants? Sont-ils mor ts ? Ou enco­re. vont-ils êt re libérés par anticipation?

l 'intérêt de ces lettres, outre l'émotion dont ellessont chargées. réside dans les réponses sèches ,sans aménité et sans aucun état d'arne de redml­nrstretlon du Bagne ou des gardes chiourmes eux­memes .On devine aussi, ligne apres ligne, que des écritvains publics ont pris la plume pour exprimer ceque des familles modestes, ne sachant souvent nilire ni écrire. avaient à exprimer aux autori tés péniltenttaires.Une exception: celle de ce père, que l'on devine dela bonne bourgeoisie de province , qui écrit audirecteur pour lui signifier qu'il ne souhaite plusparler à ce fils misérable et qu'il l'a desherite .l 'achat de ces lett res va dans le droit fil de la poli­t ique patrimoniale d'acquisit ion définie par l'établis .semen t : tous les aspects de la vie quotidienne dela populat ion de l'agglomération bres torse. et enroccurence ici, de ses notes forcés. •

Christine aererou.aancr

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Tonnerrede Brest ,

A chaque fois qu'un força t s'évadait on lai­sait tonn er le canon pour alerter les habi­tants. Le canon s'enten dait à 20 km à laronde, d'où l'expression favor ite du capi­taine Haddock : "Tonnerre de Brest !"

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"Vallet (Loire-Infériellre) le 71 novembre 1856

Monsieur le commissaire,Permettez à lIne meneuceuse veuve de recourir à VOliS pour avoirdes nouvelles de son fils parti pour le bagne au mois de mai dernier.et qui avait promis de donner de ses nouvelles eussitot son arrivée.Comme je n'ai rien reçu depuis cerre époque je viens vous prier devouloir bien me faire connaitre si mon fils est encore vivant. "

Réponse de l'administration du bagne :

"Le nommé Cassin (Joseph) votre fils, au sujet duqllel VOliS m'avezécrit le 11 novembre de ce mois a ère extrait du bagne de Brestle 14 mai dernier et embarqué le même jour pour la Guyane.Le directeur des colonies, au ministère de la Marine, à Paris, pour­rait seul vous donner des nouvelles de cet homme qui a cessé dedependre du bagne de Brest depuis le jour de son embarquement. ~

Brest le 77 novembre 7856.Le commissaire de la Marine..

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L'entretienLa sinistre réputat iondu bagne de Glomelrésonnait j usqu'à Brest

Le bagne de Brest n'était pas le seulen Bretagne. Dans les COtes d'Armor,des centaines de bagnards ont creuséla Tranchée de Glomel, sur le Canalde Nantes à Brest.Quel rapport entre les deux?Entretien avec Jean Kergrist,historien et romancier

Jean Kergrista écrit deux ouvrages

sur le bagne de Glomel.Il est co-scénariste

d'un oocu-ûcttonsur le sujet.

qu'il réalise actuellementavec Pierr e Mathiote.

Diffusion prévuesur France 3 national

fin 2009 .

• Bagne de Brest :de1749 à 1858.

Capacité :3000 forçats .

• Bagne de Glomel :de 18 2 3 à 1832

Capacité :600 forçats .

• Quel est le dénominateur commun ent re les deux bagnes ?

Assurément. le Canal de Nantes à Brest. conç u par Vauban pour désenclaver Brest. port mut.taire, en cas de blocus anglais . Les bagnard s des COtes d'Armor travaillaient au creusement dela tranchée de Glomel. Longue de 3,2 km , profonde de 23 mètres, elle assure la jonction entrel'Aulne et le Blavet et constitue le point culminant du Canal (184 ml . Pour vous rendre comptede ce chantier, imaginez que la quantité de déblai produit par ce creusement est compa rable aumatériau nécessaire à t'édification de la pyramide de Khéops en Egypte ,Toutefois. le bagne de Glomel fut assimilé à tort à celui de Brest. car si Brest abritait des pri­sonniers de droi t commun. Glomel était réservé aux condamnés militaires.

• le t ra itement des bagnards était- il égal d'un bagne à l'aut re ?

Un black-out presque total a régné sur les bagnes militaires. empechant de prendre la mesurede leur réalité. Au fil des recherches, qui se poursuivent encor e, nous avons des éléments con­crets sur les conditions de vie d'un camp qu'un médecin de l'époque n'hésita pas à qualifier de"cloaque tntecr , l es bagnards y vivaient dans le froid . la boue, l'humidité , dans des baraques enbois et paille équipées seulement de hamacs. Bon nombre d'entre eux moururent - entre autre .du paludisme , une maladie longtemps non identifiée . Les conditions de vie étaient à ce point dif·nenes que les bagnards de Glomel lacéraient leurs effet s d'habillement ou de campement dans leseul but d'etre traduits devant le conseil de guerre à Brest.

• Pourquoi voulaient-ils aller à Brest ?

Ce n'était pas pour y être transféré au bagne. Celui-ci était réservé aux seuls prisonniers de droitcommun. Mais les conditions du bagne brestois étaient plus "douces" : il y avait des paillasses .des latrines, l'eau courante et les prisonniers y étaien t davantage en contact avec la population,à laquelle ils vendaient memes des petits objets . Non, en venant à Brest se faire juger, ils avaientl'espoir de s'évader en chemin ou d'être envoyes. apr ès jugement. dans un autre bagne militaire .A La Rochelle. par exemple, qui avait la réputation d'être plus vivable. Ce stratagème pour écnap­per aux miasmes de Glomel fonctionna quelque temps jusqu'à ce qu'il fut éventé. Mais son usagetémoignai t de l'enfer de ce bagne. Les prisonniers qui passaient devant le conseil de guerre deBrest savaient pourtant bien qu'ils allaient. en s'y présentant, doubler leur peine.Les bagnards de Glomel ne furent jamais abrités au bagne bres tors. En 1832 toutefois , ils furentconduits au fort de Oueiem en presqu'ile de Crozon, à la suite d'une alerte au choléra . Ils y res­tèrent deux ans et se révoltèrent même un jour contre des barbiers dépêchés de Brest pour leurraser la tête! Apprenez enfin pour l'anecdote. que l'expression "Tonner re de Brest n'avait pasd'équivalent à Glomel. Les évasions n'étaient pas signalées par des coups de canon mais par lescloches de l'église. Les candidats à l'évasion attendaient l'angelus. quand les cloches sonnaient àtoute volée. pour se faire la belle! •

Monique Ferec

Bagne de BrestSér ie 20 (1749-1858)t'oroomance du 27 septembre 1748 réunit lecorps des galères à la Marine ; les galériens sontrépartis entre les ports de Toulon et de Brest. Lespremiers forçats arrivent à Brest en mai 1749.Les archives du service historique de la défense ­département Marine à Brest - conservent lamatricule sur laquelle sont inscrits le signalementde chaque condamné. son état civil. la cause de

sa condamnation et la durée de sa peine. Sontégalement conservées les matricules des bagnestemporaires d'Anvers et Cherbourg. Les derniersforçats quittent Brest en decembre 1858.Les forçats contribuent aux constructions dugros œuvre et des bassins de l'arsenal de Brestet du canal de Nantes à Brest. Ils sont. pour lecanal, regroupés au camp de Glomel dont lesarchives sont conservées par les ArchivesDépartementales de Loire-Auantique. •

M arie·Andrée Guyot

Les actualités

Nouvelles acquisitions• La vie de Marie Amice Picard.Par le Père Julien Maunoirde la Compagnie de Jesus

Ce manuscrit inédit, peut-être rédigé par le pèreJulien Maunoir lui-même (1606-1683), relate lavie extraordinaire de Marie Amice Picard (1599-1652), mystique bretonne dont le cas suscitales plus vives polémiques. Marie Amice Picard,née dans la paroisse de Guiclan, diocèse deLéon, est l’une des figures les plus énigmatiquesdu XVIIe siècle breton. Le 7 août 1635, elle com-mença d’éprouver le martyr des Saints. Lemanuscrit du père Maunoir décrit avec précisionles stigmates dont sont corps fut successive-ment meurtri, ainsi que les passions que déchaî-na la jeune femme. Lapidée, transpercée de plusde cent flèches, décapitée, blessée à coups dehache, empalée, flagellée, écorchée vive, plon-gée dans l’huile brûlante… Marie Amice survitmiraculeusement à tous ces supplices. Accuséede sorcellerie et confrontée à la vindicte populai-re, elle fut traduite en justice et, sur ordre deMonseigneur Cupif, évêque de Léon, transféréeà Saint-Pol de Léon pour être soumise à la ques-tion. A la suite de cette enquête, elle fut recon-nue comme “une extatique très loyale et trèschrétienne”1. Elle mourut le jour de Noël 1652dans un état d’extase et fut inhumée à la cathé-drale de Saint-Pol de Léon.Ce document a beaucoup intrigué les commen-tateurs. En 1895, Xavier-Auguste Séjourné,dans son Histoire du Vénérable serviteur deDieu Julien Maunoir de la Compagnie de Jésusémettait quelques réserves quant à ce récit :“Nos idées modernes, écrit-il, ne sont plus fai-tes à de pareilles épreuves. Nous sommes ten-tés de rejeter a priori ces merveilleuses singu-larités, dont les témoins ont été si nombreux àSaint-Pol de Léon.”2 Jugement réitéré par M.de Gouvello quelques années plus tard : “Pagesimpossibles à publier, tellement elles sont naï-ves et étranges”3. Toutefois, d’après le PèreSéjourné, ce manuscrit a fait l’objet de troiscopies, l’une se trouvant à Paris, l’autre àRome, la dernière à Quimper4. D’autre part, lemanuscrit du Père Maunoir a donné lieu à deuxabrégés, le premier en 1756 par le Père Jean-François de la Marche, l’autre en 1892 parl’abbé Peyron, chanoine de Quimper.Ce document présente un intérêt scientifiqueconsidérable pour l’étude du sentiment religieux enBretagne au XVIIe siècle. Ses qualités littérairessont par ailleurs indéniables. Aussi offre-t-il de lar-ges perspectives pour la recherche universitaire.

1 - LE GOUVELLO, Hippolyte, Armelle Nicolas dite la BonneArmelle, Paris : Pierre Téqui, 1913, p.251, BMB FB D698.

2 - SEJOURNE, Xavier-Auguste, Histoire du Vénérable ser-viteur de Dieu Julien Maunoir de la Compagnie de Jésus,Paris : H. Oudin, 1895, p. 227, BMB FB X C196.

3 - Cité par BREMOND, Henri, Histoire littéraire du senti-ment religieux en France, Paris : Bloud et Gay, 1936, chap.III, p. 138, BMB XC1980.

4 - Op. cit. p. 231.

Exposition• ZUP de BellevueDans le cadre de la semaine de l'architectu-re et à l'occasion du 50ème anniversaire de lacréation des Zones à Urbaniser en Priorité(ZUP), le 31 décembre 1958, les Archivesprésentent une exposition de photographiesnouvellement acquises sur la ZUP deBellevue.Du 10 novembre 2008 au 2 janvier 2009,hall des Archives municipales et communau-taires, 1 rue Jean Foucher.

Acquisitions• Cartes postaleset photos aériennesLes Archives ont acquis une série de cartespostales complétant les séries sur le 14juillet et les fêtes franco-anglaises de 1905.Elles continuent également à compléter leurfonds de photographies aériennes avec l'a-chat de clichés de la rade de Brest en 1952et de l'anse de Kéroullé en 1954.

NumérisationLe fonds Maurice Marchand concernant lethéâtre à Brest dans les années 1920 esten cours de numérisation ainsi que les déli-bérations du conseil municipal de Brest de1980 à 2002. Idem pour les registres paroissiaux desanciennes paroisses des Sept Saints et duChâteau, les photos aériennes de Brest (villeet/ou littoral) en août 1944, 1946, 1962et 1965 et les clichés de l'embouchure del'Aber Wrac'h en 1932, don d'un particulier.

En ligne • Les listes électorales de Brest, Saint-Marc et Saint-Pierre Quilbignon de 1880 à1970.• Les recensements de population de Brest(1921, 1931)

Bibliothèque d’Etudede Brest

Musée des beaux-artsde Brest

Archives municipaleset communautairesde BrestUne heure, une œuvre

• Lundi 26 janvier de 18h à 19hLecture approfondie d’une œuvre du muséeprésentée dans l’expositionSaint-Pol-Roux, Bretagne est univers Tarif : 4 euros - Tarif réduit : 2,50 euros Gratuit sous conditions

Ont participé à ce numéro, les services de la Ville de Brest et de Brest métropole océane : Christine Berthou-Ballot et Hugues Courant, Archives, Françoise Daniel,Sandra Mellot, Musée des beaux-arts, Nicolas Tocquer, Bibliothèque d’Etude, Philippe Jarnoux, Marie-Andrée Guyot, Service historique de la Défense, Monique Férec,journaliste - Illustrations et fonds documentaire, Archives municipales et communautaires et Musée des beaux-arts de Brest métropole océane, Bibliothèque d’Etude dela Ville de Brest - Coordination, Paula Fourdeux, Direction communication de Brest métropole océane - Maquette, Amure - Crédits photographiques : Archives, Muséedes beaux-arts, Bibliothèque d’Etude de Brest, Monique Férec - Impression, CERID Brest.- ISSN : 1959-2426

Exposition

Saint-Pol-Roux “Bretagne est univers”L’exposition retrace l’itinéraire singulier dupoète Saint-Pol-Roux (1860-1940). D’a-bord dans la filiation de Stéphane Mallarmé,Charles Baude-laire et les symbolistes, il futsalué en son temps par André Breton, PaulEluard et les surréalistes.L’exposition rend compte de ses activitésmultiples, de son engagement poétique, desa rencontre avec les avant-gardes et lesurréalisme, de ses relations avec les artis-tes, peintres et sculpteurs tels queGauguin, Maurice Denis, Filliger, Lemor-dant, Quillevic, Sérusier, Emile Bernard,Désiré-Lucas, Rochegrosse, Monticelli… Sont exposés les portraits du poète parMary Piriou, Rodolphe Strebelle ou PierreVaillant, les œuvres des nombreux photo-graphes qui l’ont fait poser, de Nadar àMan Ray, ainsi que le décor du manoirqu’il fit construire sur les hauteurs deCamaret et où il vécut de 1905 à sa morten 1940. ■

Musée des beaux-arts,02 98 00 87 96Bibliothèque d’étude,02 98 00 87 6022/24 rue Traverse - 29200 BREST

Exposition du 16 décembre 2008au 15 mars 2009.Fermeture lundi et jours fériéswww.mairie-brest.fr

Saint-Pol-Roux par Mary Piriou

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