RAPPORT 2020 ANNUEL
Transcript of RAPPORT 2020 ANNUEL
RAPPORTANNUEL 2020
Code de lâorganisation judiciaire
Article R. 431-9 (dĂ©cret n°2008-52 du 2 juin 2008) :âIl est fait rapport annuellement au prĂ©sident de la RĂ©publique et au garde des sceaux, ministre de la justice, de la marche des procĂ©dures et de leurs dĂ©lais dâexĂ©cution.âArticle R. 431-10 (dĂ©cret n°2008-522 du 2 juin 2008) :âLe premier prĂ©sident et le procureur gĂ©nĂ©ral peuvent appeler lâattention du garde des sceaux, ministre de la justice, sur les constatations faites par la Cour Ă lâoccasion de lâexamen des pourvois et lui faire part des amĂ©liorations qui leur paraissent de nature Ă remĂ©dier aux difficultĂ©s constatĂ©es.â
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© Direction de lâinformation lĂ©gale et administrative, Paris, 2021Direction artistique pour la couverture et les pages 1et 2 : Service de communication de la Cour de cassationISBN : 978-2-11-157483-0ISSN : 0984-5925
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SOMMAIRE
LIVRE 1DISCOURS .................................................................................................................................................... 5
LIVRE 2SUGGESTIONS DE MODIFICATIONS LĂGISLATIVES OU RĂGLEMENTAIRES ...................... 21
LIVRE 3JURISPRUDENCE DE LA COUR ............................................................................................................ 99
LIVRE 4ACTIVITĂ DE LA COUR ............................................................................................................................. 245
LISTE DES ABRĂVIATIONS ..................................................................................................................... 329
TABLE DES MATIĂRES ............................................................................................................................. 333
LIVRE 1
DISCOURS
/ Discours de la premiÚre présidente
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DISCOURS PRONONCĂ lors de lâaudience solennelle de dĂ©but dâannĂ©e judiciaire, le 11 janvier 2021, par
Madame Chantal Arens, premiÚre présidente de la Cour de cassation
Monsieur le Premier ministre,
La Cour de cassation vous remercie de votre prĂ©sence Ă cette audience solennelle, qui marque le dĂ©but de lâannĂ©e judiciaire. Ces audiences sont parfois lâoccasion de faire le bilan des annĂ©es passĂ©es. Celle-ci sera porteuse de projets dâavenir pour notre institu-tion. Ă sa mesure, sachez que la Cour de cassation est rĂ©solument engagĂ©e dans cette voie.
Monsieur le garde des sceaux,
Soyez Ă©galement remerciĂ© pour votre prĂ©sence qui tĂ©moigne de lâintĂ©rĂȘt que vous portez aux conditions dans lesquelles magistrats et fonctionnaires de justice accom-plissent leur mission, trĂšs souvent avec dĂ©vouement et abnĂ©gation.
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les prĂ©sidents et procureurs gĂ©nĂ©raux des Cours suprĂȘmes,
Monsieur le prĂ©sident de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme,
Monsieur le président du Conseil constitutionnel,
Monsieur le vice-prĂ©sident du Conseil dâĂtat,
Madame la DĂ©fenseure des droits,
Monsieur le premier président de la Cour des comptes,
Madame la procureure générale prÚs ladite Cour,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil supérieur de la magistrature,
Mesdames et Messieurs les hautes personnalités représentant les autorités civiles et militaires,
Monsieur le prĂ©sident de lâordre des avocats au Conseil dâĂtat et Ă la Cour de cassation,
Mesdames et Messieurs les représentants des professions judiciaires,
Mesdames et Messieurs, ici présents,
Mais aussi vous tous qui suivez cette audience solennelle Ă distance, retransmise en direct sur le site internet de la Cour de cassation, faute de pouvoir partager ce moment fort de lâannĂ©e judiciaire avec nous, en raison de lâĂ©pidĂ©mie de Covid 19 qui sĂ©vit encore aujourdâhui en France et dans le monde.
En effet, et alors que la Cour de cassation a traditionnellement le plaisir dâaccueil-lir Ă son audience solennelle de rentrĂ©e prĂšs de 600 invitĂ©s, et parce quâavec Monsieur le procureur gĂ©nĂ©ral nous avons pris la dĂ©cision de maintenir cette audience malgrĂ© le
LIVRE 1 / Discours
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contexte sanitaire actuel, le nombre dâinvitĂ©s a dĂ» ĂȘtre trĂšs sensiblement rĂ©duit et nous adressons, aux personnalitĂ©s qui suivent cet Ă©vĂ©nement Ă distance, nos sincĂšres remer-ciements pour leur comprĂ©hension et leur fidĂ©litĂ©.
Cette rentrĂ©e solennelle sâinscrit donc dans un contexte tout particulier.
Un contexte de crises protĂ©iformes : crise terroriste, alors que plusieurs attentats ont encore frappĂ© notre pays et que les dĂ©fis et enjeux sĂ©curitaires sont de plus en plus prĂ©gnants ; crise sanitaire, qui a confrontĂ© la France et le monde Ă une situation inĂ©-dite par son ampleur et sa gravitĂ©, insĂ©curisante en lâabsence de toute certitude sur les perspectives Ă moyen et long terme ; crise Ă©conomique et sociale, dont on ne mesure encore pas totalement lâampleur, mais dont on voit hĂ©las dĂ©jĂ les consĂ©quences dra-matiques pour les plus fragiles.
Vous le savez, cette crise a bouleversĂ© le fonctionnement de lâinstitution judiciaire.
Au printemps dernier, la justice confinée a fonctionné au ralenti, réduite au traite-ment des contentieux les plus essentiels.
Cet Ă©pisode a rĂ©vĂ©lĂ© lâimpĂ©rative nĂ©cessitĂ© de faire Ă©voluer, rapidement et profondĂ©-ment nos mĂ©thodes de travail, nos organisations et nos systĂšmes informatiques, afin que les juridictions puissent poursuivre leur activitĂ© juridictionnelle en toutes circonstances.
Lors de la deuxiĂšme vague de lâĂ©pidĂ©mie, la justice bien que non Ă©pargnĂ©e Ă©tait mieux prĂ©parĂ©e pour maintenir son activitĂ©.
MalgrĂ© ce contexte difficile, je me fĂ©licite que la Cour de cassation ait pu poursuivre ses diffĂ©rentes missions grĂące Ă lâinvestissement essentiel et dĂ©terminant de tous, et en particulier, celui du personnel de greffe, reprĂ©sentĂ© ici par Madame la directrice du greffe de la Cour de cassation, que je remercie solennellement.
Au-delĂ de la seule Cour de cassation, je salue le fort investissement de lâensemble des magistrats et fonctionnaires des juridictions et leur mobilisation sans faille, alors que leurs conditions de travail Ă©taient encore plus difficiles que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes.
Je vous annonçais, lâan dernier, la mise en place de nombreux groupes de travail, appe-lĂ©s Ă rĂ©flĂ©chir Ă lâĂ©volution et lâamĂ©lioration de lâaction de la Cour. Je pense notamment aux rĂ©flexions menĂ©es sur le contrĂŽle de conventionnalitĂ© ou le traitement des ques-tions prioritaires de constitutionnalitĂ©, qui occupent une place croissante dans lâoffice du juge de cassation, comme lâactualitĂ© jurisprudentielle lâa encore rĂ©cemment illustrĂ©.
Je pense encore aux actions menĂ©es en faveur du renforcement du dialogue et des relations avec les juridictions du fond comme avec les avocats aux Conseils, ou bien aux avancĂ©es rĂ©alisĂ©es en matiĂšre dâĂ©thique et de dĂ©ontologie du juge de cassation.
Je pense enfin au travail essentiel tendant Ă lâharmonisation des mĂ©thodes de travail Ă la Cour de cassation, pour une meilleure lisibilitĂ© et une efficacitĂ© accrue du traite-ment des pourvois. Lâensemble de ces travaux a Ă©tĂ© conduit avec succĂšs, et je souhaite remercier solennellement tous ceux qui ont contribuĂ© Ă cette avancĂ©e majeure pour la Cour : les prĂ©sidents de chambre, dont la contribution a Ă©tĂ© essentielle, les magistrats du siĂšge et du parquet gĂ©nĂ©ral, personnels de greffe, avocats aux Conseils.
/ Discours de la premiÚre présidente
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Jâen profite pour saluer la trĂšs grande qualitĂ© des relations entretenues avec Monsieur le procureur gĂ©nĂ©ral, la richesse des contributions des membres du parquet gĂ©nĂ©ral tout au long de ces travaux, et leur complĂšte adhĂ©sion aux projets menĂ©s pour la Cour.
Je remercie chaleureusement le prĂ©sident Louis BorĂ© pour son entiĂšre coopĂ©ra-tion aux rĂ©flexions engagĂ©es tout au long de lâannĂ©e qui vient de sâachever et qui ont vocation Ă se poursuivre au cours de cette nouvelle annĂ©e. Ă nâen pas douter, le prĂ©-sident MoliniĂ© qui lui succĂšde aura Ă cĆur de consolider la qualitĂ© de nos Ă©changes avec lâordre, dans lâintĂ©rĂȘt de la Cour comme des justiciables.
Des propositions concrÚtes ont été faites et des réformes mises en place, dont vous retrouverez le détail dans un document annexe, mis à votre disposition.
Je rappellerai simplement que lâobjectif de ces rĂ©flexions et rĂ©formes a Ă©tĂ© de renfor-cer la cohĂ©rence de lâaction de la Cour de cassation et de consolider son rĂŽle normatif.
Ainsi, trois circuits diffĂ©renciĂ©s ont Ă©tĂ© mis en place afin dâadapter les mĂ©thodes de travail de la Cour Ă la complexitĂ© de certains dossiers et de se concentrer sur les seules affaires nĂ©cessitant un examen approfondi, les affaires plus simples Ă©tant orien-tĂ©es vers des circuits de traitement plus rapides. Le renforcement du dialogue avec les juges du fond, que jâĂ©voquais il y a un instant, est Ă lâorigine de nouveaux outils pĂ©da-gogiques de prĂ©sentation et de diffusion des arrĂȘts de la Cour. Enfin, au niveau natio-nal comme international, le dialogue des juges sâest trĂšs sensiblement enrichi, grĂące Ă des rencontres rĂ©guliĂšres autour de sujets communs, et parfois, selon de nouveaux for-mats en raison du contexte actuel.
Ă cet Ă©gard, je remercie de leur prĂ©sence Ă cette audience Monsieur le prĂ©sident du Conseil constitutionnel et Monsieur le vice-prĂ©sident du Conseil dâĂtat, qui tĂ©moigne de lâexcellence des relations entretenues avec la Cour de cassation sur des thĂšmes dâin-tĂ©rĂȘt commun.
Je salue Ă©galement la prĂ©sence de nos partenaires europĂ©ens et internatio-naux : Monsieur Spano, prĂ©sident de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme, Madame Solovieff, procureure gĂ©nĂ©rale prĂšs la Cour supĂ©rieure de justice de Luxembourg et Monsieur Ondo Mve, prĂ©sident de la Cour commune de justice et dâarbitrage de lâOHADA. La crise sanitaire nâa hĂ©las pas permis Ă plusieurs de nos homologues Ă©tran-gers dâĂȘtre prĂ©sents, tels Monsieur Wiwinius, prĂ©sident de la Cour supĂ©rieure de justice de Luxembourg et prĂ©sident du RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours supĂ©rieures judiciaires de lâUnion europĂ©enne, que je tiens Ă remercier pour son action dĂ©terminante au ser-vice de la coopĂ©ration judiciaire.
La crise Ă laquelle nous sommes confrontĂ©s a illustrĂ© la nĂ©cessitĂ© de renforcer le dialogue des juges. Ă cet Ă©gard, je tiens plus particuliĂšrement Ă saluer le premier prĂ©-sident de la Cour de cassation du Liban, Monsieur Souheil Abboud, invitĂ© dâhonneur de cette audience de rentrĂ©e Ă laquelle, fort malheureusement, il nâa pas pu se rendre. Le prĂ©sident Abboud mĂšne une action dĂ©terminante dans le renforcement du dialogue des juges, tant sur le plan bilatĂ©ral quâau sein de lâAssociation des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage lâusage du français (AHJUCAF) quâil prĂ©side, et dans la dĂ©fense de la dĂ©mocratie, des droits fondamentaux et de lâĂtat de droit, valeurs qui sont au cĆur des actions de coopĂ©ration de la Cour de cassation. Il nous a fait par-venir un message du Liban, que nous aurons le plaisir de vous faire partager Ă la fin de cette audience solennelle.
LIVRE 1 / Discours
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Les rĂ©flexions de la Cour de cassation se poursuivent aujourdâhui avec la mise en place de comitĂ©s de suivi ou de nouvelles commissions, par exemple en matiĂšre de mĂ©diation Ă la Cour de cassation ou encore, sur la dĂ©matĂ©rialisation des procĂ©dures nĂ©cessaires au traitement des pourvois en matiĂšre pĂ©nale ou chaque fois que la reprĂ©-sentation par avocat nâest pas obligatoire.
Dans cette mĂȘme approche dynamique, et pour donner sens et cohĂ©rence Ă son action, jâai souhaitĂ© que la Cour de cassation se projette dans une perspective Ă plus long terme et quâelle rĂ©flĂ©chisse Ă ce quâelle pourrait devenir Ă moyenne Ă©chĂ©ance. Nous avons, avec Monsieur le procureur gĂ©nĂ©ral, mis en place une Commission de rĂ©flexion, intitulĂ©e « Cour de cassation 2030 », chargĂ©e dâidentifier les grandes tendances qui se dessinent dans lâenvironnement juridique, institutionnel et international de la Cour de cassation et dâenvisager leurs consĂ©quences sur sa place et son office. Le prĂ©sident Potocki a acceptĂ© de conduire cette mission qui se traduira par la remise dâun rapport en septembre 2021. Je le remercie vivement, ainsi que lâensemble des membres de la Commission, pour leur implication dans ce projet ambitieux.
Depuis peu, une rĂ©flexion sur la mise en place de formations ad hoc Ă la Cour de cassation a Ă©tĂ© engagĂ©e, afin de permettre le traitement rapide et efficace des affaires dâune particuliĂšre complexitĂ©, nĂ©cessitant lâexpertise croisĂ©e de plusieurs magistrats reconnus pour leur compĂ©tence dans les domaines concernĂ©s, et pouvant appartenir Ă diffĂ©rentes chambres de la Cour.
Le traitement des pourvois formĂ©s contre les arrĂȘts rendus par la chambre com-merciale internationale de la cour dâappel de Paris, qui couvrent des questions de droit commercial international, dâarbitrage et de procĂ©dure, est un parfait exemple de ces affaires Ă forts enjeux qui mĂ©ritent une apprĂ©hension globale, par des magistrats spĂ©-cialisĂ©s rĂ©unis en une formation ad hoc.
Vous le voyez, la Cour de cassation souhaite, plus que jamais, ancrer son action au cĆur mĂȘme de notre sociĂ©tĂ© et relever les dĂ©fis du xxie siĂšcle dans toute leur com-plexitĂ©. La pĂ©riode actuelle rĂ©vĂšle ce que ces dĂ©fis peuvent avoir dâimprĂ©visible, dessi-nant de nouvelles prioritĂ©s pour la justice de demain.
Dans des temps aussi incertains, marquĂ©s par la peur et lâisolement, il est crucial que la justice occupe toute sa place : celle dâune institution essentielle Ă la cohĂ©sion de la Nation.
Pour cela, je voudrais revenir quelques instants sur la figure du juge ; celui qui, Ă©ty-mologiquement, dit le droit, mais qui ne saurait ĂȘtre rĂ©duit Ă cela.
Le juge est avant tout ce tiers indépendant et impartial dont chaque société consti-tuée a besoin pour faire valoir et veiller au respect des droits de chacun ; pour faire cesser les troubles, mettre fin aux litiges, réparer les dommages, apaiser les conflits, protéger les plus vulnérables, rappeler la dignité et le respect des droits de chacun et de la liberté individuelle, en bref, assurer la paix sociale.
Je voudrais vous parler de ce juge auquel, depuis la nuit des temps, chacune et chacun a recours lorsque le conflit sâinstalle et que le dialogue nâa plus sa place ; lorsque lâin-justice ou la loi du plus fort cherche Ă opprimer, Ă bafouer les droits dâautrui ; lorsquâil est portĂ© atteinte Ă la sĂ©curitĂ© et Ă lâordre public.
/ Discours de la premiÚre présidente
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Je voudrais vous parler de ce juge qui protĂšge, qui rĂ©pare, qui pacifie, qui rĂ©gule, prĂ©cisĂ©ment parce quâaujourdâhui, alors que la sociĂ©tĂ© a plus que jamais besoin de lui, son image se brouille.
Pour Ă©voquer ce juge, jâai choisi une fable de tradition bĂ©douine : la fable du « dou-ziĂšme chameau », si bien contĂ©e par François Ost. Ce bref rĂ©cit nous dit beaucoup de la place du juge dans la sociĂ©tĂ© et plus largement du rĂŽle que le droit y tient. Permettez-moi de la partager avec vous :
« Trois fils se disputent lâexĂ©cution du testament de leur pĂšre, rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ©. Non pas en raison de lâinĂ©galitĂ© des parts, coutumiĂšre en ces temps reculĂ©s, mais plutĂŽt en raison de lâhĂ©ritage Ă partager : un cheptel rĂ©duit Ă onze chameaux. LâaĂźnĂ© devant recevoir la moitiĂ© du cheptel, le puĂźnĂ© le quart, et le cadet le sixiĂšme, le partage semblait impossible. Sur le point dâen venir aux mains, les frĂšres font alors appel Ă la sagesse du khadi qui, aprĂšs avoir rĂ©flĂ©chi, leur dit : âPrenez un de mes chameaux, faites votre par-tage, puis vous me le rendrez.â InterloquĂ©s, les frĂšres ne tardĂšrent pas Ă rĂ©aliser lâingĂ©-niositĂ© du khadi : avec douze chameaux, le partage devenait fort aisĂ© â chacun reçut sa part et le douziĂšme chameau ne manqua pas dâĂȘtre restituĂ©. »
Cette parabole illustre, sans doute, le vĂ©ritable office du juge, dans ce moment au cours duquel les ĂȘtres humains dĂ©cident de confier le rĂšglement de leur litige Ă un tiers reconnu lequel, par sa seule intervention et son aptitude Ă rĂ©soudre le diffĂ©rend qui lui est soumis, en appelle Ă la rĂšgle de droit et donne ainsi naissance Ă une situation juri-dique nouvelle. Ă Ă©gale distance des parties, ce tiers rend lâĂ©change possible, mettant au mĂȘme niveau les protagonistes et restaurant le lien social.
Cette mission originelle semble pourtant bouleversĂ©e face Ă une complexification de lâenvironnement juridique, Ă une demande croissante de justice, et Ă des impĂ©ratifs quantitatifs toujours plus prĂ©gnants. Le juge, fragilisĂ© dans lâexercice de sa mission, se retrouve aussi, parfois, interrogĂ© dans son office.
Ainsi, il doit faire face à une complexification croissante du droit : la norme appli-cable devient multiple quant à son origine, sa portée ou sa valeur normative, sans comp-ter la multiplication des lois de circonstances, qui changent ou évoluent constamment.
La densification du paysage normatif entraßne alors, inexorablement, la complexi-fication de la tùche du juge mais aussi, paradoxalement, le dévoiement de son office.
Trop souvent appelé en bout de chaßne, tardivement, pour sanctionner la violation de rÚgles de toutes natures, mobilisé par cet office sanctionnateur, le juge se voit contraint de délaisser ses autres missions, régulatrice et interprétative, pourtant essentielles.
Ce mĂȘme juge est, par ailleurs, destinataire dâinjonctions contradictoires, tiraillĂ© entre des exigences de quantitĂ© et de qualitĂ©, enfermĂ© dans une logique de gestion qui le conduit Ă emprunter les codes dâune administration de production en termes de flux, de stocks ou de dĂ©lais, lâĂ©loignant du cĆur de sa mission. Les citoyens attendent de lui quâil soit Ă la fois rĂ©pressif, protecteur, psychologue, administrateur.
Sur un plan plus institutionnel, la justice est affectĂ©e de plusieurs maux quâil convient dâidentifier clairement et de prendre en compte.
Je veux souligner ici la solitude que connaßt particuliÚrement le juge civil et qui contri-bue à la désaffection de ses fonctions. La réduction de la collégialité, parfois justifiée,
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en a fait un juge solitaire, isolĂ© dans son exercice. La fonction a beaucoup perdu de son attractivitĂ©. Le travail Ă distance des tribunaux se gĂ©nĂ©ralise Ă bas bruit, ce que la crise sanitaire accentue. Le juge, seul, dans un colloque singulier avec ses dossiers, est sou-vent amenĂ© Ă renoncer Ă sâinvestir plus avant dans la vie de sa juridiction.
Je veux Ă©galement Ă©voquer la crise de lĂ©gitimitĂ© que connaĂźt lâinstitution judiciaire, rĂ©vĂ©latrice du dĂ©ficit de confiance quâon lui accorde.
Beaucoup ont encore du mal Ă se dĂ©partir dâune conception rĂ©ductrice du juge « bouche de la loi ». Le spectre dâun « gouvernement des juges » dĂ©nuĂ©s de lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique est prompt Ă ressurgir chaque fois quâune dĂ©cision de justice dĂ©range ou nâest pas suffisamment comprise, de sorte que lâacceptation mĂȘme de lâoffice du juge juridictionnel est parfois difficile.
Or, plutĂŽt que de prĂ©senter le juge dans une logique dâopposition avec les autres pouvoirs, ne faut-il pas lâaccepter Ă sa juste place de dĂ©fenseur de lâĂtat de droit et de la dĂ©mocratie, dans le cadre dâune interaction renforcĂ©e avec les auxiliaires de justice et plus particuliĂšrement les avocats ?
Lâun des fondements de la confiance des citoyens en la justice est certainement la lĂ©gitimitĂ© de ceux qui prennent des dĂ©cisions « au nom du peuple français ». En France, le juge ne tient pas sa lĂ©gitimitĂ© de lâĂ©lection, mais bien plutĂŽt de son indĂ©pendance et de son impartialitĂ©, de la responsabilitĂ© qui dĂ©coule de ses fonctions, de sa dĂ©ontolo-gie, de sa formation et de ses mĂ©thodes de travail.
Câest une lĂ©gitimitĂ© tout Ă la fois constitutionnelle et Ă©thique, fruit, je le rĂ©pĂšte, dâune formation extrĂȘmement rigoureuse, Ă la hauteur des responsabilitĂ©s qui sont les siennes.
Pourtant, cette lĂ©gitimitĂ© vacille aujourdâhui : elle est rĂ©guliĂšrement interrogĂ©e, certains cherchant mĂȘme Ă faire naĂźtre le doute.
Pour que la confiance des justiciables soit restaurĂ©e et que la justice puisse retrou-ver la place qui est la sienne dans un fonctionnement harmonieux des institutions qui concourent Ă lâĂtat de droit, il faut penser dâautres voies pour demain.
Je vous le dis : lâallocation impĂ©rieuse de moyens supplĂ©mentaires et lâaugmenta-tion des effectifs, toujours dâactualitĂ©, ne suffiront pas.
De nouveaux dĂ©fis se prĂ©sentent Ă nous, que la crise sanitaire a exacerbĂ©s : la ques-tion de lâaccĂšs au juge, celle des mĂ©thodes de travail des magistrats mais aussi des gref-fiers, qui se posent avec une nouvelle acuitĂ©. Une nouvelle transformation numĂ©rique devient Ă la fois une urgence absolue et un dĂ©fi technologique, face Ă la vĂ©tustĂ© de lâĂ©qui-pement informatique des cours et tribunaux.
Au-delĂ de ces aspects, il est urgent dâintervenir et de reconfigurer lâinstitution judiciaire, dans une approche systĂ©mique. Le juge doit ĂȘtre acteur de cette refonda-tion dans le cadre dâune mobilisation collective de lâensemble des partenaires et inter-locuteurs concernĂ©s.
Le juge de demain est un juge ouvert sur le monde. Il lui faudra les moyens de consulter des sachants, de connaĂźtre et de sâinspirer des pratiques de ses homologues Ă©trangers, comme du fonctionnement des autres institutions ou administrations.
/ Discours de la premiÚre présidente
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Cela implique de rĂ©flĂ©chir Ă son pĂ©rimĂštre dâaction, et surtout, de promouvoir et de donner vie Ă lâĂ©quipe autour de lui, Ă lâinstar de ce qui existe dans dâautres institutions comparables, pour lui permettre de se recentrer sur son activitĂ© juridictionnelle, pour rompre avec lâisolement et pour favoriser la rĂ©flexion collective, non pas uniquement avec ses pairs mais avec ses interlocuteurs du quotidien : greffiers, avocats, universitaires.
Le juge de demain, au cĆur dâune Ă©quipe structurĂ©e, doit ĂȘtre formĂ© Ă la gestion des ressources humaines. LâĂcole nationale de la magistrature, qui a beaucoup enrichi son offre de formation ces derniĂšres annĂ©es en ce domaine, pourrait encore plus lui donner les outils indispensables Ă la direction dâune Ă©quipe, dâun service ou dâune juri-diction. Permettez-moi de saluer cette prestigieuse Ăcole et plus particuliĂšrement sa nouvelle directrice, animĂ©e de grandes ambitions pour maintenir au plus haut la qua-litĂ© de lâenseignement qui y est dispensĂ©.
Le juge de demain, mieux entourĂ©, doit aussi ĂȘtre mieux prĂ©parĂ©, pour faire face Ă des contentieux qui se complexifient. Il faut favoriser la spĂ©cialisation dans certains domaines de contentieux, par la formation de juges experts ou la crĂ©ation de chambres spĂ©cialisĂ©es. Le droit Ă©conomique, bancaire et financier, le droit de lâenvironnement, le droit commercial international sont quelques exemples de domaines du droit dans les-quels une spĂ©cialisation des juges constituerait un rĂ©el atout, en ce quâil pourrait favo-riser la confiance des acteurs Ă©conomiques et lâattractivitĂ© de notre systĂšme juridique. En lâĂ©tat de la gestion des ressources humaines des magistrats, cette approche mĂ©rite-rait dâĂȘtre exploitĂ©e par la crĂ©ation de viviers de compĂ©tence.
Ă ces Ă©gards, je tiens ici Ă saluer lâaction dĂ©terminante du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, qui a un regard ouvert sur le monde, qui veille Ă lâindĂ©pendance de la jus-tice et qui, par son rĂŽle dans le recrutement, la mobilitĂ© et la carriĂšre des magistrats, participe Ă lâĂ©mergence du juge de demain.
Le juge de demain doit statuer dans un cadre territorial rĂ©novĂ©. Il doit pouvoir rem-plir son office au sein dâune juridiction dont la taille, plus adaptĂ©e, lui permettra de se recentrer sur ses fonctions essentielles et de rendre une justice de qualitĂ© dans lâintĂ©-rĂȘt du justiciable.
Le juge de demain doit ĂȘtre dans la bonne temporalitĂ© : câest-Ă -dire ĂȘtre dans le juste temps et dans son temps.
Dans le juste temps car, sâil est essentiel que la justice soit rendue dans des dĂ©lais conformes aux standards europĂ©ens, il importe aussi de veiller et de rappeler que toute affaire doit pouvoir donner lieu Ă un traitement adaptĂ© Ă sa complexitĂ©. La temporalitĂ© de la justice nâest pas nĂ©cessairement celle de la sociĂ©tĂ© et des mĂ©dias.
Le juge de demain est aussi celui qui est dans son temps, dans son époque, ouvert aux nouvelles technologies et à la hauteur des enjeux numériques.
Lâouverture progressive, mais massive et gratuite, des bases de jurisprudence Ă tous â lâopen data â corrĂ©lĂ©e au dĂ©veloppement des algorithmes, pourra renforcer la sĂ©curitĂ© juridique en amĂ©liorant la prĂ©visibilitĂ© des dĂ©cisions de justice et la convergence des jurisprudences. Cette ouverture pourra aussi favoriser les modes amiables de rĂ©solu-tion des diffĂ©rends. La Cour de cassation, responsable de la diffusion en open data des dĂ©cisions judiciaires, met tout en Ćuvre pour remplir sa mission. Il est bon de rappeler que ces outils nâont bien Ă©videmment pas vocation Ă se substituer au juge qui, toujours,
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doit garder Ă lâesprit quâune bonne justice est avant tout une justice humaine, rendue publiquement, contradictoirement et, chaque fois que nĂ©cessaire, collĂ©gialement.
Ă cet Ă©gard, la visioconfĂ©rence et la prĂ©sence Ă distance, Ă©prouvĂ©es avec la crise sani-taire, doivent-elles ĂȘtre pensĂ©es comme une solution dâavenir ?
Si la justice de demain devait prendre ce nouveau visage, câest sous la seule mais impĂ©rieuse rĂ©serve que ce ne soit pas au dĂ©triment des principes fondamentaux de la procĂ©dure, au premier rang desquels le respect du principe de la contradiction et des droits de la dĂ©fense.
Pour que la justice de demain ne soit pas dĂ©sincarnĂ©e, lâexigence de motivation est un garde-fou essentiel, Ă la prĂ©servation de laquelle la Cour de cassation sâest engagĂ©e. Ainsi, par le recours Ă la motivation enrichie ou au contrĂŽle de proportionnalitĂ©, ins-pirĂ©s des mĂ©thodes du juge europĂ©en, le juge de cassation veille Ă lâindividualisation et Ă la comprĂ©hension de ses arrĂȘts.
Enfin, le juge de demain doit aussi ĂȘtre un juge qui communique, conscient de son environnement et de lâincidence que sa dĂ©cision a sur celui-ci.
La communication est un enjeu majeur, pour que la confiance en la justice soit restaurée.
Consciente de cela, la Cour de cassation dĂ©veloppe sa communication sous des for-mats renouvelĂ©s : formations Ă distance, colloques diffusĂ©s en direct, visioconfĂ©rences et web-sĂ©minaires avec ses interlocuteurs, en France comme Ă lâĂ©tranger.
Nous devons, collectivement, avoir le courage dâagir et de nous mobiliser pour une nouvelle justice : la justice de demain.
Il est temps dâabandonner cette approche linĂ©aire et horizontale de la justice, mar-quĂ©e par un dĂ©but et une fin, une succession dâĂ©tapes, une chaĂźne dont les maillons seraient cloisonnĂ©s, pour lui prĂ©fĂ©rer une approche systĂ©mique. Ă lâimage du khadi de notre fable, voyons-la plutĂŽt comme une intervention juridique, par un tiers lĂ©gitime, dans une situation sociale, qui vient combler un manque.
La justice serait ainsi restaurĂ©e dans la place qui doit ĂȘtre la sienne, forte de la confiance retrouvĂ©e, en mesure de remplir son rĂŽle de tiers, indispensable Ă tout Ătat dĂ©mocratique, porteur de paix sociale et de rĂ©gulation.
Je rappelais lâannĂ©e derniĂšre, dans mon discours de rentrĂ©e, que la justice est une vertu. Faisons en sorte que, collectivement, elle puisse sâinscrire dans un cercle vertueux.
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DISCOURS PRONONCĂ lors de lâaudience solennelle de dĂ©but dâannĂ©e judiciaire, le 11 janvier 2021, par
Monsieur François Molins, procureur général prÚs la Cour de cassation
Monsieur le Premier ministre,
Vous avez acceptĂ© dâassister Ă lâaudience solennelle de rentrĂ©e de la Cour. Je voudrais vous dire notre gratitude : votre prĂ©sence aujourdâhui est la marque de la considĂ©ra-tion que vous portez Ă la justice, considĂ©ration que vous avez dĂ©jĂ clairement manifes-tĂ©e le 22 octobre dernier, avec le garde des sceaux, devant lâensemble des chefs de cour dâappel et de tribunaux judiciaires en leur disant toute votre volontĂ© de la moderniser et dâaugmenter ses moyens, et en rĂ©affirmant que la sĂ©paration des pouvoirs et lâindĂ©-pendance de la justice fondent les principes mĂȘmes de lâĂtat de droit.
De cet Ătat de droit, de cette indĂ©pendance de la justice, le PrĂ©sident de la RĂ©publique est le garant avec lâassistance du Conseil supĂ©rieur de la magistrature.
Monsieur le ministre, en assistant pour la premiĂšre fois Ă cette audience de la Cour, vous lui manifestez votre intĂ©rĂȘt et votre considĂ©ration pour le rĂŽle Ă©minent qui est le sien. Soyez-en remerciĂ©.
Mesdames et Messieurs les hautes personnalitĂ©s, nous sommes trĂšs sensibles Ă votre prĂ©sence qui traduit lâintĂ©rĂȘt que vous portez Ă la justice et Ă celles et ceux qui sont chargĂ©s de la faire vivre au quotidien.
Je tiens Ă saluer tout particuliĂšrement M. Abboud, premier prĂ©sident de la Cour de cassation libanaise et prĂ©sident de lâAHJUCAF, qui suit notre audience Ă distance, et je souhaite rappeler lâimportance des liens dâamitiĂ© qui unissent nos deux pays et nos deux institutions, bien au-delĂ de nos liens de coopĂ©ration et de solidaritĂ©, et Ă rĂ©af-firmer la prĂ©Ă©minence des valeurs que nous partageons sur le rĂŽle de la justice dans un Ătat de droit.
Rite dĂ©suet pour certains, lâaudience de rentrĂ©e a pourtant un vĂ©ritable sens : elle permet de faire le bilan de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e, de rendre compte de son action et de tracer des perspectives. Car la justice nâest pas la seule affaire des juges et des procureurs, elle est lâaffaire de tous les citoyens.
Ce mois de janvier met un terme Ă une annĂ©e de crise au cours de laquelle notre RĂ©publique a Ă©tĂ© Ă nouveau rattrapĂ©e par lâhorreur du terrorisme islamiste dans toute sa dimension dâobscurantisme criminel. Elle a dĂ» aussi affronter un nouveau danger, un virus qui a donnĂ© lieu Ă un Ă©tat dâurgence dâun genre nouveau, lâĂ©tat dâurgence sani-taire, qui a eu des consĂ©quences profondes sur la vie quotidienne et les libertĂ©s de lâen-semble de nos concitoyens.
Cette crise sanitaire inĂ©dite a mis en lumiĂšre la place centrale du juge dans un monde dominĂ© par les rapports de force politiques, Ă©conomiques, culturels et mĂ©diatiques oĂč
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le droit risque plus que jamais dâĂȘtre instrumentalisĂ© et le juge dâĂȘtre stigmatisĂ© alors quâil assure son rĂŽle de bouche de la loi et de gardien des libertĂ©s.
Le juge judiciaire aurait pu ĂȘtre absent de cet Ă©tat dâurgence sanitaire. Nâayant pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e en mars et en avril dernier comme un service public essentiel de lâĂtat, et ses personnels nâayant en consĂ©quence pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme prioritaires, lâins-titution judiciaire sâest pourtant adaptĂ©e. ConfrontĂ©s Ă une forme de solitude institu-tionnelle, comme a pu le souligner la commission de contrĂŽle du SĂ©nat sur les mesures liĂ©es Ă lâĂ©pidĂ©mie du Covid-19, les chefs de juridictions ont Ă©tabli des plans de continuitĂ© dâactivitĂ© qui ont conduit Ă limiter leurs activitĂ©s aux contentieux urgents et essentiels, en mettant en Ćuvre les ordonnances adaptant les procĂ©dures aux contraintes sanitaires.
Cette crise sanitaire a montrĂ© les faiblesses de notre institution et notamment ses failles numĂ©riques, dĂ©montrant par lĂ mĂȘme lâimportance de nos marges de progres-sion dans le domaine informatique. Elle a aussi Ă©tĂ© un formidable rĂ©vĂ©lateur social et a permis de rappeler lâattention que lâinstitution judiciaire doit constamment porter aux plus fragiles, aux plus vulnĂ©rables, aux plus pauvres, aux gens qui ont du mal Ă sâen sortir et qui forment, de fait, lâessentiel des justiciables.
La justice a jouĂ© son rĂŽle, Ă plusieurs reprises. La Cour de cassation a ainsi participĂ© au contrĂŽle juridictionnel des ordonnances prises par le gouvernement dans le cadre de lâĂ©tat dâurgence sanitaire : la chambre criminelle a ainsi jugĂ© que le systĂšme de prolon-gation de droit des dĂ©tentions provisoires, instaurĂ© par lâordonnance du 25 mars 2020, nâĂ©tait compatible avec la Convention europĂ©enne quâĂ la condition quâun juge judi-ciaire examine Ă bref dĂ©lai la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©tention en cause, rappelant que le juge est une nĂ©cessaire garantie contre lâarbitraire. Quelques semaines plus tard, la chambre criminelle a aussi rappelĂ© et prĂ©cisĂ© les principes et modalitĂ©s dâapplication de la loi dans le temps Ă propos des dispositions de la loi du 23 mars 2019 rĂ©formant le droit de lâexĂ©cution et de lâamĂ©nagement des peines.
La prĂ©Ă©minence du droit est la meilleure arme contre lâarbitraire mĂȘme si on ne doit jamais le tenir pour acquis. Câest ce qui fait la grandeur de toute dĂ©mocratie.
Enfin, en 2020, pour la premiĂšre fois dans lâhistoire rĂ©cente de nos institutions, et alors que la crise sanitaire nâest toujours pas terminĂ©e, la justice a Ă©tĂ© attraite dans la critique de la gestion de cette crise Ă tous les niveaux, avec la judiciarisation de lâaction de nos responsables politiques et dĂ©cideurs publics, Ă la suite des nombreuses plaintes dĂ©posĂ©es devant la Cour de justice de la RĂ©publique et le tribunal judiciaire de Paris. Ces juridictions nâauront bien sĂ»r aucune leçon politique Ă donner mais seulement Ă apprĂ©cier, au regard des donnĂ©es de la science, si des infractions ont Ă©tĂ© commises.
Ce phĂ©nomĂšne nâest pas nouveau : cette judiciarisation, par laquelle le juge devient un rĂ©gulateur de notre sociĂ©tĂ©, va toujours croissant et contribue Ă alimenter les cri-tiques contre lâinstitution judiciaire.
La justice est ainsi de plus en plus contestĂ©e, brocardĂ©e, au risque de dresser la sociĂ©tĂ© contre les juges. Ces derniers mois, ces attaques se sont multipliĂ©es pour dĂ©non-cer un empiĂ©tement des magistrats dans le champ de compĂ©tence des autres pouvoirs et agiter le spectre dâun gouvernement des juges. Ces attaques sapent la confiance de la sociĂ©tĂ© dans la justice, blessent la RĂ©publique et dĂ©stabilisent la dĂ©mocratie alors que notre sociĂ©tĂ© nâa jamais eu autant besoin de transparence et de confiance dans ses ins-titutions et tout particuliĂšrement dans sa justice.
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Le gouvernement des juges, pour reprendre la formule du doyen Vedel, commence quand les juges ne se contentent plus dâappliquer ou dâinterprĂ©ter les textes, mais imposent des normes qui sont en rĂ©alitĂ© le produit de leur propre esprit. Tant quâils appliquent la loi, les magistrats du siĂšge et du parquet sont lĂ©gitimes dans leur action.
Dans ce contexte si particulier, je voudrais rappeler que dans notre dĂ©mocratie, la justice assure, en dernier ressort, la garde de notre pacte social et la promesse de la RĂ©publique ce qui impose pour elle des garanties nĂ©cessaires. Il nây a en effet pas de justice sans sĂ©paration des pouvoirs ni sans indĂ©pendance et impartialitĂ© du juge. Dans notre dĂ©mocratie, lâoffice du juge est de dire le droit et de contrĂŽler le respect par la loi des normes constitutionnelles et conventionnelles. Dire le droit applicable, lâinter-prĂ©ter, pallier ses obscuritĂ©s et ses insuffisances, trancher les conflits et sanctionner les violations de la loi pĂ©nale. Notre ordre juridique est en effet fondĂ© sur les libertĂ©s, il a pour fin leur conservation et le but de lâaction des pouvoirs publics est leur sauvegarde et leur jouissance par chacun. LâĂtat de droit est donc un Ătat qui se soumet au droit mais pas nâimporte lequel : un droit fondĂ© sur la sĂ©paration des pouvoirs et sur un systĂšme de valeurs dont lâexpression rĂ©side dans les droits de lâhomme et les libertĂ©s publiques.
La lĂ©gitimitĂ© du juge tient donc aujourdâhui Ă sa capacitĂ© Ă mettre en Ćuvre la garantie des droits fondamentaux en toute indĂ©pendance et impartialitĂ©. Câest pour cette raison que les magistrats bĂ©nĂ©ficient de garanties dâindĂ©pendance au regard des pouvoirs politiques. Les juges sont inamovibles et les procureurs ne peuvent plus rece-voir dâinstructions du garde des sceaux dans les affaires individuelles. La lĂ©gitimitĂ© du procureur dans sa mission dâapplication de la loi et de mise en Ćuvre dâune politique pĂ©nale se retrouve Ă©galement dans sa mission de contrĂŽle de la lĂ©galitĂ© des moyens mis en Ćuvre par les enquĂȘteurs de la police et de la gendarmerie, et de la proportionnalitĂ© des actes dâinvestigations au regard de la nature et de la gravitĂ© des faits. Cela participe de sa mission de gardien des libertĂ©s telle quâĂ©dictĂ©e par lâarticle 66 de la Constitution.
Lâoffice du magistrat impose aux juges et aux procureurs des responsabilitĂ©s et une vigilance accrue dans lâexercice de leurs fonctions, qui passent par un respect scrupu-leux de leurs obligations dĂ©ontologiques, et par un devoir renforcĂ© de la motivation de leurs dĂ©cisions. Câest ainsi quâils doivent rendre compte de ce quâils font, des dĂ©cisions quâils rendent, sous le contrĂŽle des juridictions supĂ©rieures dâappel et de cassation, le tout dans le respect de la sĂ©paration des pouvoirs qui a, on lâoublie trop souvent, une double dimension. Le juge ne peut se substituer au politique et le politique ne peut sâimmiscer dans lâoffice du juge.
Câest seulement ainsi que, restant dans les limites de ses pouvoirs et de ses compĂ©-tences, mais ne cĂ©dant en rien sur ce qui est nĂ©cessaire pour remplir sa mission, le magis-trat pourra conserver la confiance de ses concitoyens et celle quâil se doit Ă lui-mĂȘme.
Je voudrais enfin aborder les promesses de renouveau que constitue cette année 2021, grùce au travail de réflexion et à la dynamique que vous avez su impulser dans cette Cour Madame la premiÚre présidente et, que, vous le savez, je partage sans réserve et en confiance.
La rĂ©forme constituĂ©e par lâinstauration de circuits diffĂ©renciĂ©s de procĂ©dure, cir-cuit court pour les affaires simples, circuit approfondi pour les pourvois complexes et circuit intermĂ©diaire pour les autres pourvois, doit permettre Ă la Cour de mieux rem-plir son office en continuant de juger, sans aucun filtrage, mais en diffĂ©renciant leur
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traitement afin de consacrer le temps et les moyens nécessaires aux pourvois les plus complexes ou dont la portée juridique sera la plus importante.
Câest ainsi que pour les pourvois orientĂ©s en circuit approfondi, le conseiller rap-porteur et lâavocat gĂ©nĂ©ral seront, dĂšs ce choix dâorientation, dĂ©signĂ©s de façon conco-mitante, permettant un double regard immĂ©diat et suffisamment en amont de lâexamen du dossier par la chambre, autorisant des Ă©changes riches et fructueux. Câest ainsi que sera systĂ©matiquement organisĂ©e pour ces pourvois une sĂ©ance dâinstruction Ă laquelle participeront a minima le prĂ©sident de chambre, le doyen, le conseiller rapporteur et lâavocat gĂ©nĂ©ral.
Cette rĂ©forme qui a dâores et dĂ©jĂ commencĂ© Ă se mettre en place et qui sera plei-nement effective le 1er mars prochain, est une vĂ©ritable avancĂ©e dont le parquet gĂ©nĂ©-ral se rĂ©jouit.
Elle se double dâun projet que jâai souhaitĂ© porter afin que les textes relatifs au statut du parquet gĂ©nĂ©ral et Ă lâoffice de lâavocat gĂ©nĂ©ral soient mis en conformitĂ© avec la rĂ©alitĂ©, et qui vise, tout en maintenant lâarchitecture actuelle du parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation, Ă changer lâappellation dâavocat gĂ©nĂ©ral dans lâexercice de ses fonc-tions devant les chambres de la Cour, afin de mettre fin Ă toute ambiguĂŻtĂ© qui pour-rait encore exister entre le parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation et les parquets des juridictions du fond.
En effet, le mot dâavocat gĂ©nĂ©ral, quand il dĂ©signe le reprĂ©sentant du parquet gĂ©nĂ©-ral Ă la Cour de cassation, semble le rattacher Ă la cohĂ©rence dâune structure pyrami-dale du parquet.
Or, le procureur gĂ©nĂ©ral et les membres du parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassa-tion ne sont ni au sommet dâune hiĂ©rarchie, pour ne disposer dâaucune compĂ©tence en matiĂšre dâaction publique et dâaucune autoritĂ© sur les parquets placĂ©s auprĂšs des juri-dictions du fond, ni soumis Ă lâautoritĂ© du garde des sceaux, hormis le cas particulier de lâordre de former pourvoi dans lâintĂ©rĂȘt de la loi.
Les avocats gĂ©nĂ©raux sont indĂ©pendants du procureur gĂ©nĂ©ral, qui nâa dâautre pou-voir que de les affecter dans une chambre.
Leurs fonctions sont trĂšs diffĂ©rentes de celles des magistrats du parquet dans les juri-dictions du fond. Ils ne soutiennent pas lâaccusation devant les chambres, mĂȘme devant la chambre criminelle, puisque ce sont uniquement des dĂ©cisions qui sont attaquĂ©es. Selon la loi, lâavocat gĂ©nĂ©ral rend des avis sur les pourvois, dans lâintĂ©rĂȘt de la loi et du bien commun, et Ă©claire la Cour sur la portĂ©e de la dĂ©cision Ă intervenir.
NâĂ©tant soumis Ă aucune autoritĂ© hiĂ©rarchique dans lâexercice de sa mission juridic-tionnelle et dĂ©tachĂ© de tout intĂ©rĂȘt particulier, câest en toute indĂ©pendance que lâavo-cat gĂ©nĂ©ral, qui nâest pas une partie au procĂšs, exprime son avis. Partie intĂ©grante de la chambre, il exprime son avis publiquement, le soumet Ă la discussion contradictoire, et participe ainsi Ă lâĂ©laboration de la dĂ©cision, sans pour autant assister au dĂ©libĂ©rĂ©.
Il est en quelque sorte lâavocat de la loi et participe Ă la mission confiĂ©e Ă la Cour de cassation de veiller Ă lâapplication uniforme de la loi sur le territoire national et au respect de lâĂtat de droit et des principes fondamentaux.
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Les textes qui rĂ©gissent actuellement le statut et le rĂŽle de lâavocat gĂ©nĂ©ral Ă la Cour de cassation ne sont donc pas en adĂ©quation avec cette rĂ©alitĂ©. Il apparaĂźt ainsi nĂ©ces-saire, comme lâavait prĂ©conisĂ© le rapport Nallet, dâinscrire dans les textes lâindĂ©pen-dance du parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation, et de faire apparaĂźtre clairement la spĂ©cificitĂ© des fonctions exercĂ©es en son sein.
Je vous ai donc officiellement saisi, Monsieur le garde des sceaux dâune demande visant Ă modifier les textes lĂ©gislatifs et rĂ©glementaires en vigueur pour mentionner explicitement que les membres du parquet gĂ©nĂ©ral ne relĂšvent pas de lâautoritĂ© du garde des sceaux.
Dâautre part, et afin de dissiper toute confusion entre le parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation et les parquets des juridictions du fond, entretenue par lâemploi de la dĂ©no-mination dâ« avocat gĂ©nĂ©ral », il a Ă©tĂ© proposĂ© de retenir la dĂ©nomination de « rap-porteur public » sâagissant des fonctions exercĂ©es par les avocats gĂ©nĂ©raux lorsquâils concluent devant les diffĂ©rentes formations de la Cour. Statutairement le magistrat serait nommĂ© avocat gĂ©nĂ©ral mais exercerait devant les chambres de la Cour la fonc-tion de rapporteur public.
Cette dissociation de lâemploi et de la fonction nâest que la transposition du dispo-sitif en vigueur au Conseil dâĂtat, puisque câest en qualitĂ© de rapporteurs publics que concluent les maĂźtres des requĂȘtes ou les conseillers dâĂtat lorsquâils exercent cette fonction. Par ailleurs, les avocats gĂ©nĂ©raux interviennent dĂ©jĂ devant le Tribunal des conflits comme rapporteurs publics.
Le nouvel article L. 432-1 du code de lâorganisation judiciaire serait libellĂ© comme suit : « Les membres du parquet gĂ©nĂ©ral sont chargĂ©s des fonctions de rapporteur public. Le rapporteur public expose publiquement, et en toute indĂ©pendance, son avis sur les questions que prĂ©sentent Ă juger les pourvois et les requĂȘtes dont est saisie la Cour de cassation. Il rend des avis dans lâintĂ©rĂȘt de la loi et du bien commun. Il Ă©claire la Cour sur la portĂ©e de la dĂ©cision Ă intervenir. »
Ainsi, lâarchitecture actuelle du parquet gĂ©nĂ©ral serait conservĂ©e, mais le rĂŽle de lâavocat gĂ©nĂ©ral devant les chambres serait plus justement dĂ©fini, et le rĂŽle du procureur gĂ©nĂ©ral en termes dâorganisation et dâanimation de son parquet gĂ©nĂ©ral mieux rappelĂ©, puisquâil est proposĂ© dâinscrire dans les textes que celui-ci veille au fonctionnement collectif du parquet gĂ©nĂ©ral dans le respect de lâoffice de lâavocat gĂ©nĂ©ral.
LâindĂ©pendance de ce dernier doit en effet sâinscrire dans un exercice collectif per-mettant dâassurer la cohĂ©rence de lâaction du parquet gĂ©nĂ©ral. Car la lĂ©gitimitĂ© de celui-ci ne peut reposer exclusivement sur celle des magistrats qui le composent, mais doit aussi rĂ©sider dans la dĂ©finition et la mise en Ćuvre de sa mission.
Il sâagit donc, pour le procureur gĂ©nĂ©ral, dâanimer directement, ou par lâintermĂ©-diaire des premiers avocats gĂ©nĂ©raux, des Ă©changes fructueux entre tous les avocats gĂ©nĂ©raux afin de favoriser une rĂ©flexion commune et un partage dâinformations sur des sujets dâintĂ©rĂȘt commun, qui permettront Ă©galement de faciliter un dialogue au sein des chambres entre le siĂšge et le parquet gĂ©nĂ©ral, dans le respect de lâoffice de chacun.
Le fonctionnement collectif du parquet gĂ©nĂ©ral se traduit en outre par la mise en place de groupes de travail sur des mĂ©thodes de travail nouvelles, par lâorganisation
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de rencontres avec dâautres institutions, ou encore de colloques sur des thĂ©matiques dâactualitĂ©.
De cette dimension collective du parquet gĂ©nĂ©ral rĂ©sultera une plus grande cohĂ©-rence de sa parole vis-Ă -vis de lâextĂ©rieur, et notamment dans ses Ă©changes avec le Conseil dâĂtat, le Conseil constitutionnel et les juridictions europĂ©ennes.
Je vous remercie, Madame la premiĂšre prĂ©sidente, dâavoir immĂ©diatement apportĂ© votre soutien Ă cette rĂ©forme confirmant en cela votre volontĂ©, affichĂ©e dĂšs votre ins-tallation, de donner au parquet la place et les moyens lui permettant de mieux rem-plir son office. Cette rĂ©forme est donc consensuelle au sein de la Cour, ce qui nâest pas arrivĂ© depuis longtemps dans notre juridiction. Elle permettrait de clarifier le rĂŽle et le statut du parquet gĂ©nĂ©ral et de son office tout en consacrant son indĂ©pendance.
Je vous remercie, Messieurs les prĂ©sidents de lâordre des avocats au Conseil dâĂtat et Ă la Cour de cassation, dâavoir vous aussi manifestĂ© immĂ©diatement et sans rĂ©serve votre soutien Ă cette rĂ©forme. MaĂźtre MoliniĂ©, je vous fĂ©licite pour votre Ă©lection Ă la tĂȘte de lâordre des avocats aux Conseils. Je sais que nous poursuivrons, dans lâestime et le respect mutuel, le travail riche et fructueux que nous avions engagĂ© avec votre prĂ©-dĂ©cesseur MaĂźtre BorĂ©, Ă qui jâadresse un trĂšs cordial message.
Je ne saurais terminer mon propos sans Ă©voquer ici la mĂ©moire de Pierre Truche successivement procureur gĂ©nĂ©ral puis premier prĂ©sident de la Cour de 1992 Ă 1999 et dĂ©cĂ©dĂ© au cours du confinement en mars dernier. Pierre Truche a constituĂ© un modĂšle et une rĂ©fĂ©rence pour des gĂ©nĂ©rations de magistrats. Dans le cadre de lâensemble des responsabilitĂ©s quâil a exercĂ©es en juridiction ou Ă lâĂcole nationale de la magistra-ture, sa vision et son analyse des choses dĂ©montraient toujours une hauteur de vue et un avant-gardisme qui impressionnent encore aujourdâhui quand on relit ses Ă©crits. DotĂ© dâune conception particuliĂšrement Ă©levĂ©e de ses fonctions, il a toujours prĂŽnĂ© un office du juge fondĂ© sur la loyautĂ©, lâhumilitĂ©, lâhumanitĂ© et le respect de la dignitĂ© de lâhomme, du justiciable. Il se plaisait Ă rappeler que la justice nâappartenait pas aux magistrats mais quâelle appartenait au corps social par lâintermĂ©diaire de ses reprĂ©sen-tants qui sont ceux qui doivent dire ce que sera la justice dans un Ătat de droit, une justice que les magistrats doivent rendre dans de meilleures conditions, une justice qui ne devrait jamais ĂȘtre un enjeu politique mais bien au contraire rĂ©sulter dâun consen-sus reposant sur une grande ambition.
Puissent ces mots continuer Ă raisonner et Ă inspirer notre action.
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SUGGESTIONS DE MODIFICATIONS LĂGISLATIVES OU RĂGLEMENTAIRES
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la premiÚre chambre civile
I/ PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE
I. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA PREMIĂRE CHAMBRE CIVILE
A. Suivi des suggestions de réforme
Caution
Harmonisation des sanctions en matiĂšre dâinformation de la caution
Diverses obligations dâinformation pĂšsent sur le crĂ©ancier Ă lâĂ©gard de la caution, tant lors de sa souscription que pendant sa durĂ©e. Ces obligations se sont multipliĂ©es au cours des derniĂšres dĂ©cennies. Les plus nombreuses ont pour objet, annuellement, le montant des encours garantis par la caution.
Le premier texte lĂ©gislatif Ă avoir imposĂ© une telle obligation est lâarticle L. 313-22 du code monĂ©taire et financier issu de lâarticle 48 de la loi no 84-148 du 1er mars 1984 relative Ă la prĂ©vention et au rĂšglement amiable des difficultĂ©s des entreprises.
Lâarticle 47 de la loi no 94-126 du 11 fĂ©vrier 1994 relative Ă lâinitiative et Ă lâentre-prise individuelle a Ă©tendu cette mĂȘme obligation Ă de nouvelles catĂ©gories de crĂ©an-ciers et de cautions.
Puis lâarticle 101 de la loi no 98-657 du 29 juillet 1998 dâorientation relative Ă la lutte contre les exclusions a inscrit une disposition de mĂȘme nature dans le code civil en ajoutant un nouvel alinĂ©a Ă lâarticle 2016 du code civil, devenu article 2293.
Enfin, les articles 11 et 12 de la loi no 2003-721 du 1er aoĂ»t 2003 pour lâinitiative Ă©conomique ont repris dans leur principe, mais sous une rĂ©serve, le dispositif de lâar-ticle L. 313-22 du code monĂ©taire et financier pour en faire un article L. 341-6 du code de la consommation, devenu article L. 333-2, mais avec un champ dâapplication plus Ă©tendu et sans abroger aucune des dispositions prĂ©existantes.
Aux termes de lâarticle L. 313-22 du code monĂ©taire et financier : « les Ă©tablisse-ments de crĂ©dit ou les sociĂ©tĂ©s de financement ayant accordĂ© un concours financier Ă une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque annĂ©e de faire
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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connaĂźtre Ă la caution le montant du principal et des intĂ©rĂȘts, commissions, frais et accessoires restant Ă courir au 31 dĂ©cembre de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de lâobliga-tion bĂ©nĂ©ficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si lâengagement est Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e, ils rappellent la facultĂ© de rĂ©vocation Ă tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercĂ©e.
La rĂ©alisation de cette obligation lĂ©gale ne peut en aucun cas ĂȘtre facturĂ©e Ă la per-sonne qui bĂ©nĂ©ficie de lâinformation. »
La sanction du dĂ©faut dâaccomplissement de cette formalitĂ© « emporte, dans les rap-ports entre la caution et lâĂ©tablissement tenu Ă cette formalitĂ©, dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts Ă©chus depuis la prĂ©cĂ©dente information jusquâĂ la date de communication de la nou-velle information. Les paiements effectuĂ©s par le dĂ©biteur principal sont rĂ©putĂ©s, dans les rapports entre la caution et lâĂ©tablissement, affectĂ©s prioritairement au rĂšglement du principal de la dette ».
Aux termes de lâarticle 2293 du code civil : « le cautionnement indĂ©fini dâune obli-gation principale sâĂ©tend Ă tous les accessoires de la dette, mĂȘme aux frais de la pre-miĂšre demande, et Ă tous ceux postĂ©rieurs Ă la dĂ©nonciation qui en est faite Ă la caution.
Lorsque ce cautionnement est contractĂ© par une personne physique, celle-ci est informĂ©e par le crĂ©ancier de lâĂ©volution du montant de la crĂ©ance garantie et de ces accessoires au moins annuellement Ă la date convenue entre les parties ou, Ă dĂ©faut, Ă la date anniversaire du contrat ».
La sanction du dĂ©faut dâaccomplissement de cette information est : « la dĂ©chĂ©ance de tous les accessoires de la dette, frais et pĂ©nalitĂ©s ».
Cette obligation dâinformation est considĂ©rĂ©e par la doctrine comme « indĂ©niable-ment la plus Ă©nigmatique et la plus difficilement justifiable » (P. Simler, JCl Civil Code, LexisNexis, articles 2288 Ă 2320, fasc. 40 « Cautionnement », 15 novembre 2019, no 40).
Elle sâimpose Ă tout crĂ©ancier, quâil soit Ă©tablissement de crĂ©dit, professionnel ou simple particulier. Elle est due Ă la caution quelle que soit la personne du dĂ©biteur, entreprise ou simple particulier, personne physique ou personne morale. La pĂ©riodicitĂ© de lâinformation est diffĂ©rente de celle prĂ©vue dans les autres cas puisque lâinformation doit ĂȘtre donnĂ©e non pas avant le 31 mars de chaque annĂ©e mais « Ă la date convenue entre les parties ou, Ă dĂ©faut, Ă la date dâanniversaire du contrat ».
La sanction nâest pas la mĂȘme que dans les autres hypothĂšses dâobligations pĂ©rio-diques dâinformation puisque la dĂ©chĂ©ance est encourue pour « tous les accessoires de la dette, frais et pĂ©nalitĂ©s » et non pas seulement pour les intĂ©rĂȘts.
Une telle gĂ©nĂ©ralisation de lâobligation annuelle dâinformation, issue dâun amen-dement proposĂ© par Mme Neiertz lors de la deuxiĂšme lecture du projet de loi de 1998 devant lâAssemblĂ©e nationale, avait pourtant Ă©tĂ© jugĂ©e trop dangereuse pour les crĂ©an-ciers par le SĂ©nat, qui sây Ă©tait opposĂ© (voir le rapport prĂ©sentĂ© par M. Bernard Seillier, au nom de la Commission des affaires sociales du SĂ©nat, Doc. SĂ©nat, no 544, session ordinaire de 1997-1998, t. I, p. 96), et elle avait, dâailleurs, suscitĂ© des rĂ©serves de la part du gouvernement (JOAN, 2 juillet 1998, p. 5694 ; JO SĂ©nat, 9 juillet 1998, p. 3717 et s.).
Elle a nĂ©anmoins Ă©tĂ© maintenue en derniĂšre lecture par lâAssemblĂ©e nationale.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la premiÚre chambre civile
Ce texte, certes trĂšs protecteur pour la caution personne physique, manque de prĂ©-cision dans la dĂ©finition de la sanction liĂ©e au dĂ©faut dâaccomplissement de lâobliga-tion dâinformation annuelle. Alors que lâarticle 48 de la loi du 1er mars 1984 ne prĂ©voit que la « dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts Ă©chus depuis la prĂ©cĂ©dente information jusquâĂ la date de communication de la nouvelle information », lâarticle 2016, devenu 2293 du code civil, se contente de faire Ă©tat de la « dĂ©chĂ©ance de tous les accessoires de la dette, frais et pĂ©nalitĂ©s » sans aucune limitation dans le temps.
Il ne sâagit pas dâune maladresse de plume car cette diffĂ©rence quant Ă lâampleur de la sanction avait Ă©tĂ© expressĂ©ment invoquĂ©e lors de lâexamen du texte par le SĂ©nat pour justifier son refus (voir le rapport prĂ©c. de M. Seillier, p. 96 ; adde JO SĂ©nat, 9 juil-let 1998, p. 3717).
Si le contentieux sur cette disposition demeure relativement faible, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation vient de rappeler dans un arrĂȘt du 10 octobre 2019 (pourvoi no 18-19.211, publiĂ© au Bulletin) que le dĂ©faut dâinformation annuelle de la caution personne physique en cas de cautionnement indĂ©fini, prĂ©vue Ă lâarticle 2293 du code civil, est sanctionnĂ© par la dĂ©chĂ©ance de tous les accessoires de la dette, frais et pĂ©nalitĂ©s, sans possibilitĂ© de modulation, et ce, mĂȘme si le crĂ©ancier a rempli son obligation dâinformation pendant plusieurs annĂ©es, postĂ©rieurement Ă une omission survenue une annĂ©e.
Le pourvoi invitait la Cour Ă limiter la dĂ©chĂ©ance aux accessoires, frais et pĂ©nalitĂ©s Ă©chus Ă la seule pĂ©riode pendant laquelle lâexĂ©cution de lâobligation dâinformation de la caution prĂ©vue Ă lâarticle 2293 du code civil nâavait pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e, par analogie avec la sanction prĂ©vue par le second alinĂ©a de lâarticle L. 313-22 du code monĂ©taire et financier mais la Cour a rejetĂ© cette argumentation qui serait revenue Ă une inter-prĂ©tation contra legem, compte tenu notamment des travaux parlementaires.
Les diffĂ©rences entre les rĂ©gimes nâapparaissent pas justifiĂ©es et une harmonisa-tion, par le lĂ©gislateur, des modalitĂ©s dâinformation de la caution et des sanctions en cas de non-respect serait opportune, dâautant que lâarticle 2293 du code civil pourrait ĂȘtre attaquĂ© sous lâangle de la proportionnalitĂ© de la sanction ou du principe dâĂ©galitĂ© au moyen dâune QPC.
MalgrĂ© lâavis favorable de la DACS insĂ©rĂ© au Rapport annuel 2019, les sanctions en matiĂšre dâinformation des cautions nâont pas fait lâobjet dâune harmonisation. La pre-miĂšre chambre civile maintient donc sa suggestion.
La DACS est favorable Ă une harmonisation des divers textes prĂ©voyant des obli-gations dâinformation du crĂ©ancier Ă destination de la caution, et observe Ă ce titre que cette proposition rejoint celle formulĂ©e par la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique.
Cette harmonisation a vocation Ă sâinsĂ©rer dans le cadre de la rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s qui sera rĂ©alisĂ©e par ordonnance, en application de lâarticle 60 de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019 relative Ă la croissance et la transformation des entre-prises (loi PACTE).
Aux multiples textes actuels sera substituĂ©e une obligation dâinformation unique, inscrite dans le code civil. Lâavant-projet de rĂ©forme Ă©laborĂ© par lâAssociation Henri Capitant proposait ainsi un nouvel article 2303 du code civil :
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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« Le crĂ©ancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque annĂ©e, de faire connaĂźtre Ă toute caution personne physique le montant du principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 dĂ©cembre de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente, sous peine de dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts et accessoires Ă©chus depuis la date de la prĂ©cĂ©dente information et jusquâĂ celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le crĂ©an-cier et la caution, les paiements effectuĂ©s pendant cette pĂ©riode sont imputĂ©s prioritai-rement sur le principal de la dette.
Si le cautionnement est à durée indéterminée, le créancier professionnel est, en outre, tenu de rappeler à la caution sa faculté de résiliation. »
Aux termes de son avant-projet dâordonnance soumis Ă consultation publique au mois de dĂ©cembre 2020, le gouvernement a proposĂ© un nouvel article 2302 ainsi rĂ©digĂ© :
« Le crĂ©ancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque annĂ©e, de faire connaĂźtre Ă toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intĂ©rĂȘts et autres accessoires restant dus au 31 dĂ©cembre de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de lâobligation garantie, sous peine de dĂ©chĂ©ance de la garantie des intĂ©rĂȘts et pĂ©na-litĂ©s Ă©chus depuis la date de la prĂ©cĂ©dente information et jusquâĂ celle de la commu-nication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le crĂ©ancier et la caution, les paiements effectuĂ©s pendant cette pĂ©riode sont imputĂ©s prioritairement sur le prin-cipal de la dette.
Le crĂ©ancier professionnel est tenu, sous la mĂȘme sanction, de rappeler Ă la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e, sa facultĂ© de rĂ©siliation Ă tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut ĂȘtre exercĂ©e.
Le coût de réalisation de cette obligation légale est à la charge du créancier.
Le prĂ©sent article est Ă©galement applicable aux cautionnements souscrits par une personne morale envers un Ă©tablissement de crĂ©dit ou une sociĂ©tĂ© de financement en garantie dâun concours financier accordĂ© Ă une entreprise. »
La sanction consisterait ainsi en la dĂ©chĂ©ance de lâensemble des intĂ©rĂȘts et pĂ©nali-tĂ©s, mais seulement pour la pĂ©riode durant laquelle lâinformation nâa pas Ă©tĂ© fournie.
Officiers publics et ministériels
RĂŽle du prĂ©sident de la chambre de discipline devant la cour dâappel (articles 16, alinĂ©a 2, et 37 du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 relatif Ă la discipline et au statut des officiers publics ou ministĂ©riels)
Aux termes de lâarticle 16, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 rela-tif Ă la discipline et au statut des officiers publics ou ministĂ©riels, portant sur la procĂ©-dure devant le tribunal de grande instance statuant disciplinairement, « le prĂ©sident de la chambre de discipline prĂ©sente ses observations, le cas Ă©chĂ©ant, par lâintermĂ©diaire dâun membre de la chambre ». Selon lâarticle 37 du mĂȘme dĂ©cret, « il est procĂ©dĂ© devant la cour dâappel comme devant le tribunal de grande instance statuant disciplinairement ».
Si, devant cette derniĂšre juridiction, la prĂ©sence du prĂ©sident de la chambre de dis-cipline ne paraĂźt heurter aucun principe de droit, il nâen va pas nĂ©cessairement ainsi
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la premiÚre chambre civile
lorsque la mĂȘme autoritĂ© prĂ©sente ses observations, en application de la combinaison des textes susvisĂ©s, devant la cour dâappel, dans le cas oĂč celle-ci est saisie dâun recours contre la dĂ©cision de la chambre de discipline.
Il est rappelĂ© que, selon une jurisprudence ancienne et constante, la Cour de cassa-tion juge quâune juridiction disciplinaire ne peut ĂȘtre partie au recours contre ses propres dĂ©cisions (voir, par exemple, 1re Civ., 8 juillet 1994, pourvoi no 92-19.926, Bull. 1994, I, no 241 ; 1re Civ., 28 octobre 2015, pourvoi no 14-19.017).
La Cour de cassation nâen a pas moins jugĂ© que, lorsquâil prĂ©sente ses observations devant la cour dâappel, en application des textes susvisĂ©s, le prĂ©sident de la chambre de discipline, qui sâexprime « en tant que sachant », nâest pas partie Ă lâinstance (voir, par exemple, 1re Civ., 20 dĂ©cembre 2012, pourvoi no 11-26.840 ; 1re Civ., 3 fĂ©vrier 2016, pourvoi no 15-13.437).
La singularitĂ© de la prĂ©sence du prĂ©sident de la chambre de discipline devant le tri-bunal de grande instance statuant disciplinairement et, sur appel, devant la cour dâap-pel continue cependant de susciter des recours, en particulier, dans ce dernier cas, lorsque la cour dâappel statue sur la rĂ©gularitĂ© dâune dĂ©cision de la chambre de disci-pline elle-mĂȘme.
Alors que lâincertitude affectant le statut confĂ©rĂ© au prĂ©sident de la chambre de discipline par les articles 16 et 37 du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 prĂ©-citĂ© a Ă©tĂ© dissipĂ©e par la jurisprudence prĂ©cĂ©demment mentionnĂ©e, celle-ci demeure quant au contenu des observations quâen vertu des mĂȘmes dispositions cette autoritĂ© est amenĂ©e Ă prĂ©senter.
Lâarticle 16, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 prĂ©citĂ©, qui se rĂ©fĂšre, sans plus de prĂ©cisions, aux observations du prĂ©sident de la chambre de disci-pline, a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ© par la voie dâune circulaire du 21 fĂ©vrier 1974 prĂ©cisant que ces observations ont « pour but dâassurer une information plus complĂšte de la juridiction, notamment dans des affaires complexes sur le plan technique ».
Il a, en outre, Ă©tĂ© jugĂ© par la Cour de cassation que câest en qualitĂ© de sachant en matiĂšre disciplinaire que le prĂ©sident de la chambre de discipline prĂ©sente ses observa-tions, que celles-ci ont un caractĂšre technique et quâelles visent Ă informer le juge sur les spĂ©cificitĂ©s de la profession considĂ©rĂ©e et de son exercice (voir, par exemple, 1re Civ., 10 juillet 2014, pourvoi no 14-11.528 ; 1re Civ., 15 mars 2017, pourvoi no 16-10.046, Bull. 2017, I, no 63).
Dans le silence du texte, lâadministration et le juge ont donc Ă©tĂ© amenĂ©s Ă interprĂ©-ter celui-ci par la rĂ©fĂ©rence au caractĂšre technique et professionnel des observations du prĂ©sident de la chambre de discipline.
On peut cependant continuer de sâinterroger sur le sens prĂ©cis de la nature tech-nique et professionnelle reconnue aux observations de lâarticle 16, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 prĂ©citĂ©, Ă©tant observĂ© que lâimprĂ©cision dâun tel texte, qui constitue un Ă©lĂ©ment Ă part entiĂšre de la procĂ©dure juridictionnelle en matiĂšre de discipline des officiers publics ou ministĂ©riels, est de nature Ă fragiliser les actions enga-gĂ©es lorsque, par leur contenu, les observations du prĂ©sident de la chambre de discipline excĂšdent le domaine qui devrait leur ĂȘtre strictement assignĂ© par les textes.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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La premiĂšre chambre civile maintient donc sa suggestion comme en 2017, 2018 et 2019 de complĂ©ter cette disposition afin de prĂ©ciser la mission quâelle confie au prĂ©-sident de la chambre de discipline.
La direction des affaires civiles et du sceau considĂšre, comme plusieurs dĂ©cisions de la Cour lâont confirmĂ©, que le prĂ©sident de la chambre de discipline intervient uni-quement en qualitĂ© de « sachant ». Dans ce cadre, ses observations doivent ĂȘtre circons-crites Ă des Ă©clairages et prĂ©cisions dâordre technique sur la dĂ©ontologie et la mise en application pratique des textes. Le prĂ©sident de la chambre ne peut en aucune façon expertiser le cas en question et Ă©mettre un avis sur la situation dâespĂšce.
Des prĂ©cisions sur la nature des observations produites par le prĂ©sident de la chambre de discipline pourraient effectivement ĂȘtre apportĂ©es.
NĂ©anmoins la difficultĂ© pourra ĂȘtre rĂ©solue Ă lâoccasion de la rĂ©forme du rĂ©gime disciplinaire des officiers publics et ministĂ©riels.
Il est prĂ©vu en effet la suppression de la dualitĂ© de juridiction (tribunal judiciaire, chambre de discipline) en premiĂšre instance. Une chambre de discipline, composĂ©e dâun magistrat du siĂšge de la cour dâappel et de deux assesseurs professionnels, connaĂź-tra dĂ©sormais des actions disciplinaires Ă lâencontre des notaires et des commissaires de justice.
DĂšs lors que la prĂ©sidence de la chambre de discipline sera assurĂ©e par un magis-trat, les dispositions de lâarticle 16, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 dont il est question auront vocation Ă ĂȘtre abrogĂ©es.
RĂ©gimes matrimoniaux
RĂ©vocation, en cas de divorce, de la clause dâexclusion des biens professionnels des Ă©poux du calcul de la crĂ©ance de participation qui constitue un avantage matrimonial prenant effet Ă la dissolution du rĂ©gime matrimonial
Par une dĂ©cision du 18 dĂ©cembre 2019 (1re Civ., 18 dĂ©cembre 2019, pourvoi no 18-26.337, publiĂ© au Bulletin), la premiĂšre chambre civile a considĂ©rĂ©, au visa de lâarticle 265 du code civil, que les profits que lâun ou lâautre des Ă©poux mariĂ©s sous le rĂ©gime de la participation aux acquĂȘts peut retirer des clauses amĂ©nageant le disposi-tif lĂ©gal de liquidation de la crĂ©ance de participation constituent des avantages matri-moniaux prenant effet Ă la dissolution du rĂ©gime matrimonial et, partant, rĂ©voquĂ©s de plein droit par le divorce des Ă©poux, sauf volontĂ© contraire de celui qui les a consentis exprimĂ©e au moment du divorce.
Il en résulte :
1â que la notion dâavantage matrimonial nâest pas cantonnĂ©e, quant Ă son domaine, aux communautĂ©s conventionnelles, visĂ©es par lâarticle 1527 du code civil, mais suscep-tible de sâappliquer, notamment, en prĂ©sence dâun rĂ©gime de participation aux acquĂȘts ;
2â que, conformĂ©ment Ă la jurisprudence antĂ©rieure de la chambre (1re Civ., 31 jan-vier 2006, pourvoi no 02-21.121, Bull. 2006, I, no 48 ; 1re Civ., 3 dĂ©cembre 2008,
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la premiÚre chambre civile
pourvoi no 07-19.348, Bull. 2008, I, no 281), lâavantage matrimonial est constituĂ© par le profit que lâun ou lâautre des Ă©poux peut retirer du fonctionnement du rĂ©gime matrimonial ;
3â quâen prĂ©sence dâun rĂ©gime de participation aux acquĂȘts, le profit rĂ©sultant dâune clause amĂ©nageant les modalitĂ©s de liquidation de la crĂ©ance de participation sâapprĂ©-cie par rĂ©fĂ©rence au rĂ©gime de participation aux acquĂȘts ordinaire, tel quâil est orga-nisĂ© par le code civil ;
4â quâune telle clause prenant nĂ©cessairement effet Ă la dissolution du rĂ©gime matri-monial, lâavantage quâelle procure est rĂ©voquĂ© de plein droit par le divorce des Ă©poux, en application de lâarticle 265, alinĂ©a 2, du code civil, sauf volontĂ© contraire de lâĂ©poux qui lâa consenti ;
5â que cette volontĂ© contraire ne peut ĂȘtre exprimĂ©e quâau moment du divorce.
Ces principes sont ensuite appliquĂ©s Ă la clause excluant du calcul de la crĂ©ance de participation les biens professionnels des Ă©poux en cas de dissolution du rĂ©gime matri-monial pour une autre cause que le dĂ©cĂšs. Une telle clause conduit mĂ©caniquement Ă avantager, au moment du divorce, celui des Ă©poux ayant vu ses actifs nets professionnels croĂźtre de maniĂšre plus importante en diminuant la valeur de ses acquĂȘts dans une pro-portion supĂ©rieure Ă celle de son conjoint. Elle constitue, dĂšs lors, un avantage matri-monial rĂ©voquĂ© de plein droit par le divorce.
Cette solution est inĂ©vitable, compte tenu de la lettre de lâarticle 265, alinĂ©a 2, du code civil, si lâon considĂšre objectivement les effets de la clause, lesquels sâapprĂ©cient lorsquâils se produisent, soit au moment du divorce. Ce rĂ©sultat aboutit mĂ©canique-ment Ă priver de tout intĂ©rĂȘt les clauses dites dâ« exclusion des biens professionnels » stipulĂ©es, comme en lâespĂšce, pour rĂ©gir la liquidation du rĂ©gime de participation aux acquĂȘts en cas de dissolution par le divorce des Ă©poux.
Or, compte tenu de ce que lâintĂ©rĂȘt principal gĂ©nĂ©ralement recherchĂ© par de telles clauses â qui consistent, quelles quâen soient les variantes, Ă permettre Ă lâĂ©poux bĂ©nĂ©-ficiaire de conserver son outil de travail sans courir le risque de devoir le cĂ©der pour payer Ă son conjoint (ou Ă sa succession) une crĂ©ance de participation intĂ©grant la moitiĂ© de la valeur du bien professionnel â nâapparaĂźt pas illĂ©gitime, le lĂ©gislateur pourrait envisager dâen consacrer expressĂ©ment la validitĂ© au sein de lâarticle 265 du code civil, comme il lâa fait en 2006 au troisiĂšme alinĂ©a de ce texte sâagissant de la clause, dite « alsacienne », de reprise des apports en rĂ©gime de communautĂ©.
MalgrĂ© lâavis favorable de la DACS publiĂ© au Rapport annuel 2019, cette disposition est restĂ©e inchangĂ©e. Il convient donc de rĂ©itĂ©rer cette suggestion pour lâannĂ©e 2020.
La DACS considĂšre quâune nouvelle prĂ©cision relative au rĂ©gime de participation aux acquĂȘts pourrait apparaĂźtre cohĂ©rente au regard de lâĂ©volution lĂ©gislative interve-nue en 2006, validant la clause dite « alsacienne » de reprise des apports en rĂ©gime de communautĂ© (article 265, alinĂ©a 3, du code civil).
En effet, cette jurisprudence du 18 dĂ©cembre 2019 risque de faire perdre son attrac-tivitĂ© au rĂ©gime de participation aux acquĂȘts pour le chef dâentreprise si la clause pro-tĂ©geant son conjoint, tout en mettant Ă lâabri son outil professionnel, est privĂ©e dâeffet au moment oĂč elle serait utile.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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Il existe nĂ©anmoins, pour lâheure, une solution conventionnelle alternative : les Ă©poux peuvent prĂ©voir dans leur contrat de mariage que lâavantage sera maintenu en cas de divorce. La chancellerie a en effet indiquĂ© quâune clause rĂ©digĂ©e en ce sens serait valable : « la volontĂ© des Ă©poux de maintenir les avantages matrimoniaux qui ne prennent effet quâĂ la dissolution du rĂ©gime matrimonial ou au dĂ©cĂšs de lâun des Ă©poux et des dispositions Ă cause de mort peut ĂȘtre manifestĂ©e dans le contrat de mariage, le chan-gement de rĂ©gime matrimonial ou la libĂ©ralitĂ©. Au moment du divorce, le juge consta-tera lâaccord de lâĂ©poux pour rendre irrĂ©vocable lâavantage ou la disposition consentis » (RĂ©p. min. no 18632, JOAN Q, 26 mai 2009, p. 5148).
La Cour de cassation ne lâa toutefois jamais confirmĂ©, si bien que lâefficacitĂ© dâune telle clause est aujourdâhui incertaine.
Au regard de lâensemble de ces Ă©lĂ©ments, la direction des affaires civiles et du sceau est favorable Ă la rĂ©forme proposĂ©e par la Cour de cassation, qui pourrait rĂ©pondre Ă trois objectifs :
â sĂ©curiser les conventions matrimoniales ;
â amĂ©liorer la prĂ©visibilitĂ© et la sĂ©curitĂ© juridique ;
â rendre plus attractif le rĂ©gime de participation aux acquĂȘts.
Soins psychiatriques sans consentement
ProcĂ©dure aux fins de mainlevĂ©e immĂ©diate dâune mesure dâhospitalisation dâoffice, sur requĂȘte ou dâoffice
Selon lâarticle L. 3211-12-4 du code de la santĂ© publique, lâordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention prise en application des articles L. 3211-12 (procĂ©dure aux fins de mainlevĂ©e immĂ©diate dâune mesure dâhospitalisation dâoffice, sur requĂȘte ou dâoffice) ou L. 3211-12-1 (intervention du juge pour statuer sur le maintien de lâhos-pitalisation au-delĂ de douze jours) est susceptible dâappel devant le premier prĂ©sident de la cour dâappel ou son dĂ©lĂ©guĂ© et le dĂ©bat est alors tenu selon les modalitĂ©s prĂ©vues Ă lâarticle L. 3211-12-2 du mĂȘme code.
Ce dernier texte dispose notamment que, « Ă lâaudience [tenue par le juge des liber-tĂ©s et de la dĂ©tention], la personne faisant lâobjet de soins psychiatriques est entendue, assistĂ©e ou reprĂ©sentĂ©e par un avocat choisi, dĂ©signĂ© au titre de lâaide juridictionnelle ou commis dâoffice. Si, au vu dâun certificat mĂ©dical motivĂ©, des motifs mĂ©dicaux font obs-tacle, dans son intĂ©rĂȘt, Ă son audition, la personne est reprĂ©sentĂ©e par un avocat [âŠ] ».
De la combinaison de ces deux textes, il ressort que le premier prĂ©sident de la cour dâappel, comme le premier juge, entend la personne soumise Ă une hospitalisation complĂšte sans consentement. Il sâagit dâune obligation pour lui Ă laquelle il ne peut se soustraire que pour des raisons mĂ©dicales mentionnĂ©es dans un certificat Ă©tabli par un mĂ©decin.
LâĂ©loignement gĂ©ographique nâest pas un motif mĂ©dical, de sorte quâil ne paraĂźt pas pouvoir justifier lâabsence dâaudition de lâintĂ©ressĂ©, qui serait alors seulement
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la premiÚre chambre civile
reprĂ©sentĂ© par un avocat, au besoin dĂ©signĂ© dâoffice (1re Civ., 12 octobre 2017, pour-voi no 17-18.040, Bull. 2017, I, no 217).
Cette interprĂ©tation des textes est confortĂ©e par lâarticle R. 3211-8 du code de la santĂ© publique, aux termes duquel : « Devant le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention et le premier prĂ©sident de la cour dâappel, la personne faisant lâobjet de soins psychia-triques est assistĂ©e ou reprĂ©sentĂ©e par un avocat. Elle est reprĂ©sentĂ©e par un avocat dans le cas oĂč le magistrat dĂ©cide, au vu de lâavis mĂ©dical prĂ©vu au deuxiĂšme alinĂ©a de lâarticle L. 3211-12-2, de ne pas lâentendre. » Il se dĂ©duit logiquement de ces disposi-tions que, dans les autres cas, elle est assistĂ©e par un avocat, ce qui suppose sa prĂ©sence Ă lâaudience et son audition.
Cependant, cette solution, qui sâimpose a priori clairement, voit sa portĂ©e affaiblie Ă la lecture de lâarticle R. 3211-21 du code de la santĂ© publique.
En effet, aux termes de lâarticle R. 3211-15, rĂ©gissant la procĂ©dure devant le pre-mier juge : « Ă lâaudience, le juge entend le requĂ©rant et les personnes convoquĂ©es en application de lâarticle R. 3211-13 [donc la personne qui fait lâobjet des soins psychia-triques] ou leur reprĂ©sentant ainsi que le ministĂšre public lorsquâil est partie principale. [âŠ] Le juge peut toujours ordonner la comparution des parties. [âŠ] »
En revanche, lâarticle R. 3211-21 du code de la santĂ© publique, qui concerne la pro-cĂ©dure dâappel, dispose : « Ă lâaudience, les parties et, lorsquâil nâest pas partie, le tiers qui a demandĂ© lâadmission en soins psychiatriques peuvent demander Ă ĂȘtre entendus ou faire parvenir leurs observations par Ă©crit, auquel cas il en est donnĂ© connaissance aux parties prĂ©sentes Ă lâaudience. Le premier prĂ©sident ou son dĂ©lĂ©guĂ© peut toujours ordonner la comparution des parties. [âŠ] »
Il en ressort que ce texte nâimpose pas lâaudition de la personne hospitalisĂ©e en cause dâappel.
Certes, les dispositions du dĂ©cret no 2014-897 du 15 aoĂ»t 2014 modifiant la pro-cĂ©dure judiciaire de mainlevĂ©e et de contrĂŽle des mesures de soins psychiatriques sans consentement ne devraient pas remettre en cause les dispositions lĂ©gales, mais la contra-riĂ©tĂ© existant entre ces diverses dispositions, dans un contentieux oĂč la procĂ©dure doit ĂȘtre strictement respectĂ©e, nĂ©cessite quâil y soit remĂ©diĂ©.
Sâagissant du contrĂŽle des soins sans consentement, la direction des affaires civiles et du sceau considĂšre, comme elle lâa dĂ©jĂ indiquĂ© dans le Rapport 2018 et le Rapport 2019, que, par renvoi de lâarticle L. 3211-12-4 Ă lâarticle L. 3211-12-2 du code de la santĂ© publique, la procĂ©dure dâappel doit suivre celle mise en place devant le juge des liber-tĂ©s et de la dĂ©tention et que les dispositions de lâarticle R. 3211-21 du code de la santĂ© publique, de nature rĂ©glementaire, ne peuvent contredire le principe de la comparution personnelle des parties, de nature lĂ©gislative. La DACS considĂšre que cet article doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens quâil permet aux tiers, dont la comparution nâest pas prĂ©vue par lâarticle L. 3211-12-2 du mĂȘme code, de comparaĂźtre. La direction des affaires civiles et du sceau reconnaĂźt que lâutilisation du terme de « parties » dans lâarticle R. 3211-21 peut ĂȘtre source de confusion. Elle ajoute quâen lâĂ©tat du droit, en matiĂšre de soins sans consentement, le patient doit toujours ĂȘtre entendu, y compris en procĂ©dure dâappel, sauf si des motifs mĂ©dicaux y font obstacle ou en cas de circonstance insurmontable.
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En revanche, dans le cadre du contrĂŽle par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention des mesures dâisolement et de contention imposĂ© par la dĂ©cision du Conseil constitution-nel no 2020-844 QPC en date du 19 juin 2020, lâaudition obligatoire du patient nâest pas le principe. En effet, lâarticle L. 3211-12-2, III, du code de la santĂ© publique, dans sa rĂ©daction issue de la loi no 2020-1576 du 14 dĂ©cembre 2020 de financement pour la sĂ©curitĂ© sociale pour 2021 (article 84), prĂ©voit que le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention statue en la matiĂšre sans audience selon une procĂ©dure Ă©crite, sauf sâil estime nĂ©ces-saire de tenir une audience. Le patient ou, le cas Ă©chĂ©ant, le demandeur peut deman-der Ă ĂȘtre entendu par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, auquel cas cette audition est de droit et toute demande peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©e oralement. NĂ©anmoins, si, au vu dâun avis mĂ©dical motivĂ©, des motifs mĂ©dicaux font obstacle, dans son intĂ©rĂȘt, Ă lâaudition du patient, celui-ci est reprĂ©sentĂ© par un avocat choisi, dĂ©signĂ© au titre de lâaide juri-dictionnelle ou commis dâoffice. Ces dispositions sont applicables en appel par renvoi de lâarticle L. 3211-12-4, alinĂ©a 2, Ă lâarticle L. 3211-12-1.
Proposition de réforme du code de la santé publique : la fugue du patient hospitalisé en soins sans consentement
Le juge judiciaire est compétent pour exercer un contrÎle de la mesure de soins sans consentement en hospitalisation complÚte, sa régularité et son bien-fondé.
Outre les conditions de forme, le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention doit donc vĂ©ri-fier que les conditions lĂ©gales exigĂ©es pour la mise en Ćuvre de la mesure sont respec-tĂ©es et quâelle est nĂ©cessaire, adaptĂ©e et proportionnĂ©e.
Les diffĂ©rentes mesures dâhospitalisation complĂšte sans consentement prises par le directeur dâĂ©tablissement psychiatrique (article L. 3212-1 du CSP), le prĂ©fet (article L. 3213-1 du CSP) ou lâautoritĂ© judiciaire (article 706-135 du code de pro-cĂ©dure pĂ©nale) sont conditionnĂ©es par des troubles mentaux rendant impossible le consentement aux soins du malade et un Ă©tat mental imposant des soins immĂ©diats et une surveillance complĂšte.
Sans substituer son avis Ă celui du mĂ©decin (1re Civ., 27 septembre 2017, pour-voi no 16-22.544, Bull. 2017, I, no 206), le juge exerce son contrĂŽle sur ces dĂ©cisions administratives en se fondant sur les certificats mĂ©dicaux circonstanciĂ©s Ă©tablis par des mĂ©decins psychiatres lesquels doivent constater lâĂ©tat mental de la personne afin de confirmer ou non la nĂ©cessitĂ© des soins psychiatriques.
Ces certificats doivent ĂȘtre actualisĂ©s tous les mois, le mĂ©decin psychiatre apprĂ©-ciant notamment si la forme de la prise en charge est toujours adaptĂ©e.
Or, en cas de fugue du patient, les certificats mĂ©dicaux ne sont pas circonstanciĂ©s, ce qui prive le juge de la facultĂ© dâexercer un contrĂŽle effectif sur la mesure de soins.
Cette hypothÚse, non prévue par la loi et non encore tranchée par la Cour de cas-sation, divise les juges du fond :
â la majoritĂ© des juges des libertĂ©s et de la dĂ©tention (74 % en 2018-2019) lĂšve la mesure en considĂ©rant quâaucun certificat mĂ©dical actualisĂ© et circonstanciĂ© ne permet de confirmer que le patient remplit toujours les conditions lĂ©gales.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la premiÚre chambre civile
En cas de mainlevĂ©e de la mesure, le patient en fugue, toujours potentiellement dangereux pour lui-mĂȘme ou autrui, ne peut plus ĂȘtre inscrit au fichier des personnes recherchĂ©es.
â la majoritĂ© des cours dâappel (86 % en 2018-2019) maintient la mesure en consi-dĂ©rant quâaucun nouvel Ă©lĂ©ment clinique ne permet dâaffirmer que son Ă©tat se serait amĂ©liorĂ© et quâil ne prĂ©senterait plus les troubles ayant justifiĂ© son admission en soins psychiatriques, puis le maintien de la mesure.
Il est donc proposĂ© de complĂ©ter le code de la santĂ© publique afin de prĂ©voir la situation de la fugue du patient et Ă©viter ainsi aux mĂ©decins, prĂ©fets, directeurs dâĂ©ta-blissement et juges judiciaires de se conformer inutilement Ă une procĂ©dure lourde et difficilement applicable lorsque le patient est absent.
La procĂ©dure suivante pourrait ĂȘtre envisagĂ©e comme suit :
â inscription du patient en fugue au fichier des personnes recherchĂ©es ;
â suspension de lâexĂ©cution de la dĂ©cision administrative (par une dĂ©cision du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention dĂ©sormais compĂ©tent pour traiter de lâensemble du conten-tieux ? par une dĂ©cision du directeur ? du prĂ©fet ?) ;
â suspension de la procĂ©dure en dĂ©coulant (renouvellement des certificats mĂ©dicaux, renouvellement des dĂ©cisions des directeurs et des prĂ©fets, contrĂŽle du juge des liber-tĂ©s et de la dĂ©tention Ă 12 jours puis tous les 6 mois) ;
â si rĂ©intĂ©gration du patient dans le mois de la derniĂšre dĂ©cision : reprise de la pro-cĂ©dure en cours ;
â si rĂ©intĂ©gration du patient plus dâun mois aprĂšs la derniĂšre dĂ©cision : reprise de la procĂ©dure avec une nouvelle pĂ©riode dâobservation et de soins de 72 heures, une nou-velle dĂ©cision administrative, ainsi que le contrĂŽle automatique du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention Ă 12 jours.
La premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation maintient sa proposition de lâannĂ©e 2019, cette derniĂšre nâayant pas Ă©tĂ© suivie dâeffet en 2020.
La DACS cette annĂ©e encore rĂ©itĂšre son avis que la suspension proposĂ©e de la mesure prĂ©sente plus dâavantages pratiques que le maintien ou la mainlevĂ©e. NĂ©anmoins, elle souligne que cette modification aurait cependant des impacts sur le rĂ©gime juridique de la responsabilitĂ© des Ă©tablissements de santĂ© pendant la suspension de la mesure, qui verraient leur responsabilitĂ© engagĂ©e par le dĂ©faut de surveillance ayant permis au patient de quitter lâĂ©tablissement. La DACS conclut que la modification lĂ©gislative envisagĂ©e suppose une expertise en lien avec le ministĂšre des solidaritĂ©s et de la santĂ©.
Proposition de réforme de la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation dans les dossiers à délais contraints
Selon lâarticle L. 441-1 du code de lâorganisation judiciaire, « avant de statuer sur une question de droit nouvelle, prĂ©sentant une difficultĂ© sĂ©rieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de lâordre judiciaire peuvent, par une dĂ©cision non susceptible de recours, solliciter lâavis de la Cour de cassation ».
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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La saisine pour avis de la Cour de cassation, rĂ©formĂ©e par la loi no 2016-1088 du 8 aoĂ»t 2016, a pour objectif de clarifier les rĂšgles de droit en Ă©vitant les divergences dâinterprĂ©tation et assurer une plus grande sĂ©curitĂ© juridique.
Lorsque le juge « envisage de solliciter lâavis de la Cour de cassation en applica-tion de lâarticle L. 441-1 du code de lâorganisation judiciaire, il en avise les parties et le ministĂšre public, Ă peine dâirrecevabilitĂ©. Il recueille leurs observations Ă©crites Ă©ven-tuelles dans le dĂ©lai quâil fixe, Ă moins quâils nâaient dĂ©jĂ conclu sur ce point.
DĂšs rĂ©ception des observations ou Ă lâexpiration du dĂ©lai, le juge peut, par une dĂ©ci-sion non susceptible de recours, solliciter lâavis de la Cour de cassation en formulant la question de droit quâil lui soumet. Il sursoit Ă statuer jusquâĂ la rĂ©ception de lâavis ou jusquâĂ lâexpiration du dĂ©lai mentionnĂ© Ă lâarticle 1031-3.
La saisine pour avis ne fait pas obstacle Ă ce que le juge ordonne des mesures dâur-gence ou conservatoires nĂ©cessaires » (article 1031-1 du CPC).
La question de droit doit pouvoir ĂȘtre examinĂ©e par la Cour de cassation dans le dĂ©lai imparti Ă la juridiction pour statuer (Avis de la Cour de cassation, 20 novembre 2000, no 02-00.016, Bull. 2000, Avis, no 10).
Ces dispositions limitent, voire privent, les juges des libertĂ©s et de la dĂ©tention, tou-jours contraints de statuer dans des dĂ©lais trĂšs courts (12 jours en matiĂšre dâhospitali-sation sans consentement, 48 heures en matiĂšre dâĂ©trangers), de la facultĂ© de saisir la Cour de cassation pour avis, dans des contentieux posant pourtant rĂ©guliĂšrement des questions de droit nouvelles, dans de nombreux litiges.
Ă titre tout Ă fait exceptionnel, dans ce type dâhypothĂšse, il serait souhaitable que les juges des libertĂ©s et de la dĂ©tention puissent saisir la Cour de cassation sans sur-seoir Ă statuer.
Ă cet Ă©gard, en matiĂšre de question prioritaire de constitutionnalitĂ©, en vertu de lâarticle 23-3, alinĂ©a 2, de lâordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958, « il nâest sursis Ă statuer ni lorsquâune personne est privĂ©e de libertĂ© Ă raison de lâinstance ni lorsque lâinstance a pour objet de mettre fin Ă une mesure privative de libertĂ© mais en vertu de lâarticle 23-3, alinĂ©a 3, de lâordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958. La juridic-tion peut statuer sans attendre la dĂ©cision relative Ă la question prioritaire de consti-tutionnalitĂ© si la loi ou le rĂšglement prĂ©voit quâelle statue dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ© ou en urgence ».
Il conviendrait par consĂ©quent de calquer la procĂ©dure applicable aux QPC, (article 23-3, alinĂ©a 3, de lâordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958), en ajoutant Ă lâarticle 1031-1, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile la possibilitĂ© pour le juge de statuer sans attendre la dĂ©cision pour avis de la Cour de cassation, si la loi ou le rĂšgle-ment prĂ©voit quâil statue dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ© ou en urgence.
Cette rĂ©forme permettrait ainsi Ă la Cour de cassation dâĂȘtre saisie plus rapidement de questions nouvelles se posant dans de nombreux litiges et qui divisent les juges du fond. Cette suggestion proposĂ©e au Rapport annuel 2019 nâayant pas Ă©tĂ© suivie dâeffet doit ĂȘtre maintenue.
La DACS est attentive aux propositions de la Cour visant à permettre le dévelop-pement de la procédure pour avis dans les dossiers à délais contraints.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la premiÚre chambre civile
Elle constate cependant quâau-delĂ du contentieux des Ă©trangers portĂ© devant le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, dâautres contentieux dans lesquels le juge est tenu par un dĂ©lai pourraient ĂȘtre concernĂ©s.
Câest ainsi le cas de certaines procĂ©dures en matiĂšre de droit des personnes et de la famille : lâarticle 175-2 du code civil prĂ©voit que le prĂ©sident du tribunal judiciaire statue dans les dix jours de la contestation de la dĂ©cision de sursis Ă la cĂ©lĂ©bration du mariage, prise par le procureur de la RĂ©publique, ou de son renouvellement ; lâarticle 1061-1 du code de procĂ©dure civile dispose que le tribunal judiciaire statue dans les vingt-quatre heures de la requĂȘte en matiĂšre de contestations de funĂ©railles. La matiĂšre sociale est Ă©galement concernĂ©e (par exemple : articles R. 2122-28, R. 2122-40, R. 2143-5, R. 2313-3, R. 2313-6, R. 2314-25, R. 23-112-16 du code du travail).
PrĂ©voir quâune QPC peut ĂȘtre formĂ©e sans que le juge saisi dâune affaire doive surseoir Ă statuer dans le cas oĂč il doit statuer dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ© ou en urgence permet un contrĂŽle de constitutionnalitĂ© effectif des dispositions lĂ©gislatives appli-cables au litige ou Ă la procĂ©dure.
La procĂ©dure dâavis ne poursuit pas la mĂȘme finalitĂ©. Elle permet Ă la Cour de cas-sation de faire connaĂźtre rapidement son interprĂ©tation de dispositions nouvelles dans un objectif dâunification de la jurisprudence.
La DACS remarque que, dans les matiĂšres dans lesquelles le juge civil doit statuer dans des dĂ©lais dĂ©terminĂ©s ou en urgence, les voies de recours ouvertes contre les dĂ©ci-sions rendues en premiĂšre instance font lâobjet de dispositions spĂ©ciales permettant leur traitement rapide et la saisine Ă bref dĂ©lai de la Cour de cassation. Elle peut ainsi unifier rapidement la jurisprudence lorsquâune question nouvelle qui divise les juges du fond se pose dans ces matiĂšres. Il nâest dĂšs lors pas Ă©vident que lâouverture de la procĂ©dure dâavis dans ces procĂ©dures, en prĂ©voyant que le juge ne sursoit pas Ă statuer, rĂ©ponde mieux Ă lâobjectif poursuivi que les dispositions procĂ©durales dĂ©jĂ en vigueur.
La DACS est dÚs lors réservée sur cette proposition.
B. Suggestions nouvelles
Pas de suggestions nouvelles en 2020.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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II. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA DEUXIĂME CHAMBRE CIVILE
A. Suivi des suggestions de réforme
Aide juridictionnelle
Lâarticle 16 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă lâaide juridique dispose que le bureau Ă©tabli prĂšs la Cour de cassation est prĂ©sidĂ© par un magistrat du siĂšge de cette Cour en activitĂ© ou honoraire.
Les membres dĂ©signĂ©s du bureau, choisis par la Cour de cassation, peuvent, en revanche, ne pas ĂȘtre des magistrats du siĂšge dĂšs lors que les textes applicables nâont pas exigĂ© cette qualitĂ©. Lâarticle 19 du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 por-tant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă lâaide juridique dis-pose, en effet, que :
« Les membres des bureaux dâaide juridictionnelle choisis par la Cour de cassation et par le Conseil dâĂtat, les avocats et officiers publics ou ministĂ©riels membres des bureaux dâaide juridictionnelle peuvent ĂȘtre choisis parmi les magistrats honoraires Ă la Cour de cassation, les membres honoraires du Conseil dâĂtat, les avocats honoraires et les officiers publics ou ministĂ©riels honoraires. »
Au sein des bureaux dâaide juridictionnelle peuvent ĂȘtre crĂ©Ă©es des divisions en fonction du volume des demandes Ă traiter. Lâarticle 8 du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă lâaide juridique prĂ©-voit, en effet, que les bureaux dâaide juridictionnelle peuvent comporter des divisions si le nombre des affaires lâexige. Il indique, in fine, que les dispositions concernant les bureaux ainsi que leurs prĂ©sidents et membres sont applicables Ă chaque division, Ă lâex-ception de celles du premier alinĂ©a de lâarticle 22, lequel vise le traitement des demandes ne prĂ©sentant manifestement pas de difficultĂ© sĂ©rieuse.
La loi ne contient, quant à elle, aucune disposition spécifique sur la qualité des pré-sidents des divisions, de sorte que cette derniÚre est déterminée par les seules disposi-tions réglementaires ci-avant mentionnées.
La lecture combinĂ©e des dispositions de lâarticle 8 du dĂ©cret du 19 dĂ©cembre 1991 prĂ©citĂ© et de celles de lâarticle 16 de la loi du 10 juillet 1991 prĂ©citĂ© auxquelles il ren-voie en visant les dispositions relatives aux prĂ©sidents et membres des bureaux implique ainsi que chaque division soit prĂ©sidĂ©e, comme le bureau lui-mĂȘme, par un magistrat du siĂšge de la Cour de cassation, en activitĂ© ou honoraire.
Or rien ne paraĂźt lĂ©gitimer une telle distinction, pour la prĂ©sidence des divisions, entre les magistrats du siĂšge de la Cour de cassation et ceux du parquet gĂ©nĂ©ral, les uns comme les autres pouvant indiffĂ©remment ĂȘtre choisis par la Cour pour en ĂȘtre membres et y exercer les responsabilitĂ©s de cette fonction.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
Dans ces conditions, il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© en 2017 dâopĂ©rer une modification de lâarticle 8 du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 prĂ©citĂ©. Celui-ci pourrait ĂȘtre ainsi rĂ©digĂ© :
« Les bureaux dâaide juridictionnelle ou les sections de bureau peuvent comporter des divisions si le nombre des affaires lâexige.
La crĂ©ation de divisions au sein dâun bureau ou dâune section de bureau est dĂ©ci-dĂ©e, selon le cas, par lâautoritĂ© compĂ©tente en vertu des articles 10 et 11 pour nommer le prĂ©sident du bureau ou dâune section de bureau.
La dĂ©cision portant crĂ©ation de divisions au sein dâun bureau ou dâune section de bureau dĂ©signe celui des prĂ©sidents de ces divisions qui exerce la fonction de prĂ©sident du bureau ou de la section de bureau.
Les dispositions concernant les bureaux et les sections de bureau ainsi que leurs prĂ©-sidents et membres sont applicables Ă chaque division, Ă lâexception de celles du premier alinĂ©a de lâarticle 22. Toutefois, les divisions crĂ©Ă©es au sein du bureau Ă©tabli prĂšs la Cour de cassation sont prĂ©sidĂ©es par un magistrat de cette Cour en activitĂ© ou honoraire. »
Si la direction des affaires civiles et du sceau indiquait alors que, pour rĂ©soudre la difficultĂ© identifiĂ©e et permettre aux membres du parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de prĂ©si-der une division il paraissait possible de modifier le dĂ©cret du 19 dĂ©cembre 1991, il faut relever que non seulement aucune Ă©volution nâa Ă©tĂ© constatĂ©e en ce sens, mais quâau contraire ce dĂ©cret a Ă©tĂ© remplacĂ© par le dĂ©cret no 2020-1717 du 28 dĂ©cembre 2020 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă lâaide juridique et relatif Ă lâaide juridictionnelle et Ă lâaide Ă lâintervention de lâavocat dans les procĂ©dures non juridictionnelles, lequel ne procĂšde, sur la question considĂ©rĂ©e, Ă aucune modi-fication. Il convient donc cette annĂ©e encore de maintenir cette proposition, voire de suggĂ©rer, si nĂ©cessaire, que la modification envisagĂ©e soit insĂ©rĂ©e dans la loi du 10 juil-let 1991 elle-mĂȘme, ce que la rĂ©forme de lâaide juridictionnelle en cours pourrait ĂȘtre lâoccasion de mettre en Ćuvre.
La direction des affaires civiles et du sceau nâa pas fait connaĂźtre cette annĂ©e sa position sur ce point.
Droit des assurances
RĂ©forme de lâarticle L. 114-2 du code des assurances : alignement du dĂ©lai de prescription du droit des assurances sur le dĂ©lai de droit commun
Le code des assurances dĂ©roge au dĂ©lai de prescription de droit commun de cinq ans prĂ©vu par lâarticle 2224 du code civil pour retenir, aux termes de son article L. 114-1, que toutes les actions dĂ©rivant du contrat dâassurance sont prescrites par deux ans Ă comp-ter de lâĂ©vĂ©nement qui y donne naissance. Mode dâextinction de lâobligation, cette pres-cription permet Ă lâassureur de se libĂ©rer envers lâassurĂ© restĂ© inactif pendant deux ans.
Lâarticle R. 112-1 du code des assurances impose de rappeler ce dĂ©lai trĂšs court dans les polices dâassurance.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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Pour rendre effective cette obligation dâinformation pesant sur lâassureur, et ainsi protĂ©ger lâassurĂ©, la Cour de cassation a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă prĂ©ciser la sanction de cette obli-gation et son contenu. En effet, Ă dĂ©faut dâavoir satisfait Ă lâobligation prĂ©vue Ă lâar-ticle R. 112-1 prĂ©citĂ©, lâassureur ne peut opposer Ă lâassurĂ© cette prescription (2e Civ., 2 juin 2005, pourvoi no 03-11.871, Bull. 2005, II, no 141). De plus, pour satisfaire Ă lâobli-gation, les polices doivent indiquer les diffĂ©rents points de dĂ©part du dĂ©lai de prescription qui sont citĂ©s Ă lâarticle L. 114-1 prĂ©citĂ© (2e Civ., 28 avril 2011, pourvoi no 10-16.403, Bull. 2011, II, no 92 ; 3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi no 10-16.269, Bull. 2011, III, no 60), et elles doivent mentionner les causes dâinterruption de la prescription citĂ©es Ă lâar-ticle L. 114-2 du code des assurances (2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi no 08-13.094, Bull. 2009, II, no 201 ; 3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi no 10-25.246, Bull. 2011, III, no 195) mais aussi les causes ordinaires dâinterruption de la prescription (2e Civ., 18 avril 2013, pourvoi no 12-19.519, Bull. 2013, II, no 83).
Le lĂ©gislateur a, par la loi no 89-1014 du 31 dĂ©cembre 1989 portant adaptation du code des assurances Ă lâouverture du marchĂ© europĂ©en, fait Ă©chapper Ă cette prescrip-tion biennale, pour la porter Ă dix ans, les contrats dâassurance sur la vie lorsque le bĂ©nĂ©ficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats dâassurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bĂ©nĂ©ficiaires sont les ayants droit de lâassurĂ© dĂ©cĂ©dĂ©. Mais il nâa pas, lors de la rĂ©forme du droit des prescriptions par la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant rĂ©forme de la prescription en matiĂšre civile, modifiĂ© ce rĂ©gime qui demeure dĂ©rogatoire au droit commun quâil instituait.
Le contentieux en la matiĂšre est abondant et gagnerait en simplicitĂ© si la pres-cription en matiĂšre dâassurance rĂ©pondait au rĂ©gime unifiĂ© aujourdâhui codifiĂ© aux articles 2219 et suivants du code civil et, pour le dĂ©lai, Ă celui de cinq ans prĂ©vu Ă lâar-ticle 2224 de ce code pour les actions personnelles ou mobiliĂšres. Cet allongement amĂ©liorerait la protection des assurĂ©s qui, aujourdâhui, se laissent surprendre par le dĂ©lai, notamment parce quâils ne mesurent pas que les pourparlers avec lâassureur ne suspendent pas la prescription.
Cette derniĂšre difficultĂ© a donnĂ© lieu Ă onze reprises depuis 1990, la derniĂšre au Rapport annuel de 2012, Ă une suggestion de rĂ©forme de lâarticle L. 114-2 du code des assurances prĂ©citĂ© qui nâa pas Ă©tĂ© suivie dâeffet. Au regard des consĂ©quences des man-quements aux exigences de lâinformation de lâassurĂ©, qui fait dĂ©sormais peser sur lâassu-reur lâobligation de mentionner prĂ©cisĂ©ment et complĂštement dans la police les rĂšgles du rĂ©gime de la prescription applicable sous peine de sâexposer Ă lâinopposabilitĂ© de celle-ci, il y a lieu de sâinterroger sur lâopportunitĂ© de maintenir le rĂ©gime spĂ©cial de prescription en matiĂšre dâassurance tant quant Ă sa durĂ©e que pour les causes dâinter-ruption et lâobligation dâinformation.
En lâabsence de modification du texte malgrĂ© lâavis favorable Ă©mis par la direction des affaires civiles et du sceau Ă lâoccasion de la publication du Rapport annuel depuis 2018, il convient de maintenir la prĂ©sente suggestion dâaligner le dĂ©lai de prescription du droit des assurances sur le dĂ©lai de droit commun afin que les assurĂ©s ne se laissent plus surprendre par la briĂšvetĂ© du dĂ©lai de deux ans de la prescription.
La DACS est favorable Ă cette proposition, dans la mesure oĂč le dĂ©lai de deux ans prescrit par lâarticle L. 114-2 du code des assurances nâest pas suspendu par les pour-parlers entre lâassureur et lâassurĂ©, mĂȘme en cas dâexpertise amiable en cours. Une autre possibilitĂ© consisterait Ă prĂ©ciser dans le texte que la phase de discussion amiable entre
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
lâassureur et lâassurĂ© est une cause de suspension du dĂ©lai. La direction prĂ©cise toute-fois que cette proposition de modification du code des assurances relĂšve Ă titre princi-pal du ministĂšre en charge de lâĂ©conomie et des finances.
Experts et médiateurs judiciaires
Constitution dâun statut de traducteur assermentĂ© distinct de celui dâexpert judiciaire
Si la traduction de documents rendue nĂ©cessaire par une procĂ©dure judiciaire relĂšve naturellement dâun expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la Cour de cassa-tion ou dâune cour dâappel, de nombreux autres dispositifs, non juridictionnels, imposent la production dâun acte traduit par un traducteur « assermentĂ© » ou « agrĂ©Ă© ».
Tel est le cas, notamment, de la lĂ©galisation des actes Ă©trangers. En lâabsence de statut de traducteur assermentĂ©, il est exigĂ© pour ces traductions administratives en France â Ă la diffĂ©rence du systĂšme prĂ©valant dans dâautres Ătats notamment de lâUnion europĂ©enne â le recours Ă un expert judiciaire. Pourtant, lâexpertise judiciaire nâest pas une profession (2e Civ., 4 juillet 2007, pourvoi no 07-12.078, Bull. 2007, II, no 196), mais une activitĂ© accomplie pour les juridictions. Il en rĂ©sulte que les listes dâexperts judiciaires dressĂ©es par la Cour de cassation et les cours dâappel sont Ă©tablies pour la seule « information des juges » (loi no 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judi-ciaires, article 2).
Cette exigence dâun recours Ă un expert judiciaire pour des activitĂ©s non juridic-tionnelles sâavĂšre aujourdâhui inadaptĂ©e.
Elle est lourde de consĂ©quences pour les juridictions en termes de surcroĂźt dâacti-vitĂ©. En effet, chaque cour dâappel reçoit un nombre important de candidatures Ă lâins-cription sur la liste dâexperts judiciaires quâelle est tenue de dresser chaque annĂ©e et la Cour de cassation connaĂźt, corrĂ©lativement, dâun grand nombre de recours contre les dĂ©cisions refusant de telles inscriptions, notamment en raison de lâabsence de besoin des juridictions (dĂ©cret no 2004-1463 du 23 dĂ©cembre 2004 relatif aux experts judi-ciaires, article 8), auxquelles les requĂ©rants opposent la nĂ©cessitĂ© pour eux de figurer sur une telle liste pour exercer pleinement leur activitĂ© professionnelle de traducteur. Or, lâinscription des traducteurs sur ces listes reprĂ©sente actuellement une grande part de cette activitĂ©.
PrĂ©judiciable pour les juridictions, cette situation nâest pas davantage satisfaisante pour les candidats Ă lâexercice dâune activitĂ© de traduction. En effet, elle leur impose, pour accomplir des traductions reconnues par lâautoritĂ© administrative française ou Ă©trangĂšre â alors quâils disposent, pour la plupart dâentre eux, des qualifications suffi-santes â lâobligation, peu adĂ©quate, de justifier dâune activitĂ© et de compĂ©tences dans le domaine judiciaire. Elle fait, ensuite, peser sur lâinstitution judiciaire une charge dĂ©pourvue de lien avec lâactivitĂ© juridictionnelle et qui sâavĂšre dâautant plus lourde que le processus de sĂ©lection des experts judiciaires sâest progressivement juridictionnalisĂ© â avec notamment lâexigence de motivation des refus dâinscription par les assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales des magistrats du siĂšge des cours dâappel et de la Cour de cassation et lâou-verture dâun recours devant la Cour de cassation dispensĂ© de tout ministĂšre dâavocat.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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La Cour de cassation proposait ainsi, Ă lâoccasion de la publication de ses Rapports annuels depuis 2017, de crĂ©er un statut ou une reconnaissance de qualification de tra-ducteur ne relevant pas de lâautoritĂ© judiciaire, destinĂ© Ă permettre lâaccomplissement de traductions administratives par des traducteurs non inscrits sur les listes dâexperts judiciaires.
Cette suggestion de rĂ©forme nâa toujours pas Ă©tĂ© suivie dâeffet malgrĂ© lâavis favo-rable Ă©mis par la direction des affaires civiles et du sceau aux Rapports 2018 et 2019. La Cour de cassation entend la maintenir cette annĂ©e encore. En effet, les motifs mis en avant au soutien de cette proposition demeurent dâactualitĂ© et paraissent dâautant plus justifier lâopportunitĂ© de son maintien que, dâune part, cette position a Ă©tĂ© soutenue par la chambre lors de sa consultation par le groupe de travail interdirectionnel relatif Ă lâexpertise et, dâautre part, un dĂ©cret du 10 novembre 2020 relatif Ă la lĂ©galisation des actes publics Ă©tablis par une autoritĂ© Ă©trangĂšre prĂ©voit que « Pour ĂȘtre lĂ©galisĂ©s, les actes publics rĂ©digĂ©s en langue Ă©trangĂšre doivent ĂȘtre accompagnĂ©s dâune traduction en fran-çais effectuĂ©e par un traducteur habilitĂ© Ă intervenir auprĂšs des autoritĂ©s judiciaires ou administratives françaises ou dâun autre Ătat membre de lâUnion europĂ©enne ou dâun Ătat partie Ă lâaccord sur lâEspace Ă©conomique europĂ©en ou de la Suisse, ou auprĂšs des autoritĂ©s de lâĂtat de rĂ©sidence. » (dĂ©cret no 2020-1370 du 10 novembre 2020, article 5).
La DACS indique maintenir cette année encore ses observations.
La DACS est sensible Ă la nĂ©cessitĂ© dâallĂ©ger la charge des cours dâappel, au regard de leurs situations, et de la Cour de cassation, au regard du nombre important de recours traitĂ©s. NĂ©anmoins, lâexamen des qualitĂ©s professionnelles des traducteurs par les cours dâappel permet une apprĂ©ciation in concreto des qualifications et de lâexpĂ©rience professionnelle des candidats. La dĂ©cision dâinscription ou non des traducteurs est un gage de qualitĂ© et de sĂ©rieux fondĂ© sur lâindĂ©pendance des magistrats qui la prennent.
Cependant, il apparaĂźt en effet disproportionnĂ© dâimposer aux citoyens de se pro-curer les services dâun traducteur inscrit sur la liste dâune cour dâappel si la diligence est sans lien avec une procĂ©dure judiciaire. De ce point de vue, il pourrait ĂȘtre envi-sagĂ© soit de supprimer lâexigence dâune traduction par un expert inscrit sur les listes dans les textes en question, soit de crĂ©er un agrĂ©ment administratif (sujet Ă examiner en lien avec les ministĂšres concernĂ©s).
La DACS observe quâil convient dâĂ©viter une multiplication des listes sur lesquelles figureraient les traducteurs, qui pourrait ĂȘtre de nature Ă crĂ©er de la confusion chez les citoyens, qui peuvent, selon la diversitĂ© des situations quâils connaissent, sâadresser Ă un traducteur certes inscrit sur une liste, mais pas sur la liste permettant de rĂ©pondre Ă leur besoin spĂ©cifique. LâunicitĂ© de la liste sur laquelle figurent les traducteurs asser-mentĂ©s ou agrĂ©Ă©s est une mesure de simplicitĂ© Ă lâavantage des citoyens.
Rejet non spĂ©cialement motivĂ© du recours contre les dĂ©cisions de refus dâinscription et de rĂ©inscription
La Cour de cassation connaĂźt du recours contre les dĂ©cisions des assemblĂ©es gĂ©nĂ©-rales des magistrats du siĂšge des cours dâappel en matiĂšre dâinscription et de rĂ©inscrip-tion des experts judiciaires, des enquĂȘteurs sociaux et, depuis le dĂ©cret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif Ă la liste des mĂ©diateurs auprĂšs de la cour dâappel, de ces derniers.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
La nature du contrĂŽle quâexerce la Cour de cassation en la matiĂšre, qui la conduit pour lâessentiel Ă sâassurer de lâabsence dâerreur manifeste dans la procĂ©dure suivie ou dans lâapprĂ©ciation des mĂ©rites des candidatures, la conduit Ă nâaccueillir quâune pro-portion trĂšs limitĂ©e des recours qui sont formĂ©s devant elle, lâimmense majoritĂ© de ceux-ci Ă©tant Ă©cartĂ©e, en lâĂ©tat de la constatation de motifs exempts dâerreur manifeste dâapprĂ©ciation, par une dĂ©cision dont la motivation est dĂ©nuĂ©e de rĂ©el intĂ©rĂȘt, y com-pris pour lâauteur du recours lui-mĂȘme. Il est ainsi paradoxal que la Cour de cassation puisse, en application de lâarticle 1014 du code de procĂ©dure civile, rejeter un pour-voi par une dĂ©cision non spĂ©cialement motivĂ©e, mais ne le puisse pas pour un recours formĂ© en cette matiĂšre.
En vue de rationaliser le traitement de ce contentieux par la Cour de cassation (en particulier avec la perspective de la multiplication de ces recours par la constitution de listes de mĂ©diateurs), il est suggĂ©rĂ© de lui permettre de rejeter, par une dĂ©cision non spĂ©-cialement motivĂ©e, les recours contre une dĂ©cision de refus dâinscription ou de rĂ©ins-cription sur lâune de ces listes, qui sont irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature Ă entraĂźner lâannulation de cette dĂ©cision.
Depuis 2017, la direction des affaires civiles et du sceau sâest dĂ©clarĂ©e favorable Ă la proposition consistant Ă permettre Ă la Cour de cassation de rejeter sans motivation les recours qui apparaĂźtraient manifestement irrecevables. Pour les recours recevables, elle relevait en 2017 quâil convenait de tenir compte de la nature du contrĂŽle opĂ©rĂ© par la Cour en la matiĂšre, qui ne connaĂźt pas ici dâun pourvoi en cassation mais dâun recours contre une dĂ©cision administrative.
Cette proposition nâa pas Ă©tĂ© mise en Ćuvre et les motifs Ă©voquĂ©s par la direction des affaires civiles et du sceau ne paraissent pas de nature Ă en justifier lâabandon. On rappellera en particulier, au regard des rĂ©serves tirĂ©es du caractĂšre « administratif » de la dĂ©cision de lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la cour dâappel, que lâinscription ou la rĂ©inscrip-tion sur une liste dâexperts judiciaires ne constitue en aucune façon un droit Ă caractĂšre civil et que le recours exercĂ© en la matiĂšre nâentre ainsi notamment pas dans le champ dâapplication des dispositions de lâarticle 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales (2e Civ., 21 septembre 2006, pourvoi no 06-12.007, Bull. 2006, II, no 243).
Cette proposition sâinscrit dans lâesprit des propositions du rapport « Pour une rĂ©forme du pourvoi en cassation en matiĂšre civile » remis par M. Nallet Ă la garde des sceaux le 9 novembre 2019 et prĂŽnant de renforcer la procĂ©dure dâadmission.
Cette proposition nâayant pas Ă©tĂ© suivie dâeffet, la Cour de cassation entend la main-tenir cette annĂ©e encore. En effet, les motifs mis en avant Ă son soutien demeurent dâactualitĂ© et ont Ă©tĂ© invoquĂ©s par la chambre lors de sa consultation par le groupe de travail interdirectionnel relatif Ă lâexpertise.
La DACS reste favorable Ă la proposition consistant Ă permettre Ă la Cour de cas-sation de rejeter sans motivation les recours contre une dĂ©cision de refus dâinscrip-tion ou de rĂ©inscription sur lâune de ces listes qui seraient manifestement irrecevables.
Sur les recours manifestement infondés la DACS maintient les observations aux suggestions des Rapports de la Cour de cassation depuis 2017, à savoir :
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â quâil est nĂ©cessaire pour le requĂ©rant de connaĂźtre les raisons pour lesquelles sa demande a Ă©tĂ© rejetĂ©e par la Cour de cassation sâagissant dâune dĂ©cision non juridictionnelle ;
â quâil ne peut ĂȘtre renvoyĂ© au rapport pour connaĂźtre la motivation de la dĂ©cision ;
â que le contrĂŽle effectuĂ© par la Cour (absence dâerreur manifeste dans la procĂ©dure suivie et apprĂ©ciation du mĂ©rite de la candidature) a pour consĂ©quence que trĂšs peu de recours sont accueillis.
La DACS rappelle par ailleurs lâarrĂȘt du 17 mars 2011 de la CJUE Josep Penarroja Fa : « Il y a dĂšs lors lieu de rĂ©pondre Ă la troisiĂšme question posĂ©e dans lâaffaire C-372/09 que lâarticle 49 CE, auquel correspond actuellement lâarticle 56, TFUE sâoppose Ă une rĂ©glementation nationale telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle lâinscription sur une liste dâexperts judiciaires traducteurs est soumise Ă des conditions de qualification sans que les intĂ©ressĂ©s puissent obtenir connaissance des motifs de la dĂ©cision prise Ă leur Ă©gard et sans que celle-ci soit susceptible dâun recours de nature juridictionnelle effectif permettant de vĂ©rifier sa lĂ©galitĂ©, notamment quant au respect de lâexigence, rĂ©sultant du droit de lâUnion, que leur qualification acquise et reconnue dans dâautres Ătats membres ait Ă©tĂ© dĂ»ment prise en compte. »
Suspension provisoire de lâexpert judiciaire
Lâarticle 31 du dĂ©cret no 2004-1463 du 23 dĂ©cembre 2004 relatif aux experts judi-ciaires dispose, en matiĂšre disciplinaire : « Lorsque lâurgence le justifie, le premier prĂ©-sident de la cour dâappel ou de la Cour de cassation, sâil sâagit dâun expert inscrit sur la liste nationale, ou le magistrat quâils dĂ©lĂšguent Ă cet effet, peut, Ă la demande du pro-cureur gĂ©nĂ©ral, suspendre provisoirement un expert lorsque ce dernier fait lâobjet de poursuites pĂ©nales ou disciplinaires, aprĂšs avoir mis lâintĂ©ressĂ© en mesure de fournir ses explications. »
Ă la diffĂ©rence de la radiation, aucune disposition du dĂ©cret ne prĂ©voit que la sus-pension provisoire de lâexpert de la liste nationale emporte de plein droit sa suspen-sion sur la liste de la cour dâappel.
En effet, lâarticle 30 du dĂ©cret no 2004-1463 du 23 dĂ©cembre 2004 relatif aux experts judiciaires dispose : « La radiation dâun expert de la liste nationale emporte de plein droit sa radiation de la liste dressĂ©e par une cour dâappel. La radiation dâun expert dâune liste dressĂ©e par une cour dâappel emporte de plein droit sa radiation de la liste nationale.
Une expĂ©dition de la dĂ©cision de radiation est adressĂ©e, selon le cas, au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la cour dâappel ou au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation. »
Or, il semble opportun en termes dâefficience et de cohĂ©rence de la dĂ©cision de sus-pension provisoire dâun expert de la liste nationale que celle-ci emporte de plein droit sa suspension de la liste dressĂ©e par une cour dâappel.
Ainsi, il est proposĂ© de modifier le dĂ©cret relatif aux experts judiciaires Ă lâinstar de lâarticle 30 sur la radiation en ajoutant un second alinĂ©a Ă lâarticle 31 rĂ©digĂ© comme suit :
« La suspension dâun expert de la liste nationale emporte de plein droit sa suspen-sion de la liste dressĂ©e par une cour dâappel. »
Lâactuel alinĂ©a 2 de lâarticle 31, devenant alors alinĂ©a 3, serait ainsi ajustĂ© :
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
« Le premier prĂ©sident qui a ordonnĂ© la suspension peut, Ă la demande du procu-reur gĂ©nĂ©ral, ou Ă la requĂȘte de lâintĂ©ressĂ©, y mettre fin. »
Enfin, le parallĂ©lisme des formes avec la radiation pourrait inciter Ă aller plus loin et Ă prĂ©voir Ă©galement que la suspension dâun expert dâune liste dressĂ©e par une cour dâappel emporterait de plein droit sa suspension de la liste nationale.
Dans le Rapport annuel 2019, la direction des affaires civiles et du sceau avait indiquĂ© ne pas ĂȘtre opposĂ©e Ă une modification de lâarticle 31 du dĂ©cret prĂ©citĂ© du 23 dĂ©cembre 2004.
Cette annĂ©e encore la deuxiĂšme chambre civile entend maintenir sa proposition, lâayant fermement soutenue lors de sa consultation par le groupe de travail interdirec-tionnel relatif Ă lâexpertise.
La direction des affaires civiles et du sceau confirme cette annĂ©e encore ne pas ĂȘtre opposĂ©e Ă une modification de lâarticle 31 du dĂ©cret prĂ©citĂ© du 23 dĂ©cembre 2004 qui permettrait de prĂ©voir que la suspension de la liste nationale emporte de plein droit la suspension de lâexpert de la liste dressĂ©e par la cour dâappel. Elle ajoute quâil peut aussi ĂȘtre envisagĂ© de modifier le dĂ©cret en alignant le rĂ©gime de la suspension provisoire sur celui de la radiation et donc en prĂ©voyant que la suspension dâun expert dâune liste dressĂ©e par une cour dâappel emporte de plein droit sa suspension de la liste nationale.
Experts judiciaires et mĂ©diateurs : amĂ©lioration de lâĂ©laboration des listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours dâappel â certification ou reconnaissance administrative des mĂ©diateurs
Les premiĂšres mises en Ćuvre du dĂ©cret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 rela-tif aux listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours dâappel dĂ©montrent la nĂ©cessitĂ© de faire Ă©voluer la matiĂšre. Sans mĂȘme Ă©voquer les difficultĂ©s ponctuelles posĂ©es par cette nouvelle rĂ©glementation (par exemple pour ce qui concerne lâinscription de personnes morales : 2e Civ., 27 juin 2019, pourvoi no 19-60.120), le nouveau dispositif gagnerait Ă faire lâobjet de deux grandes Ă©volutions.
En premier lieu, câest la tenue mĂȘme par les cours dâappel de telles listes quâil convient dâinterroger. En effet, en lâĂ©tat de la dĂ©nomination de ces listes, regroupant des « mĂ©dia-teurs » et non des « mĂ©diateurs judiciaires » et de la volontĂ© affichĂ©e de dĂ©velopper les modes extrajudiciaires de rĂšglement des conflits, câest-Ă -dire en dehors mĂȘme de toute procĂ©dure judiciaire, on doit se demander si ces listes tendent bien, comme lâindique pourtant lâarticle 22-1 A de la loi no 95-125 du 8 fĂ©vrier 1995 relative Ă lâorganisation des juridictions et Ă la procĂ©dure civile, pĂ©nale et administrative, Ă lâinformation des juridictions. LâĂ©tablissement des listes de mĂ©diateurs par les assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales des magistrats du siĂšge des cours dâappel a ainsi reprĂ©sentĂ© pour ces derniĂšres une mission supplĂ©mentaire, alors mĂȘme quâelle ne constitue pas une activitĂ© juridictionnelle et que la mĂ©diation gagne Ă se dĂ©velopper au-delĂ de la stricte sphĂšre judiciaire. La Cour de cassation a donc formulĂ© au Rapport 2019 la suggestion nouvelle dâune certification ou dâune reconnaissance administrative des mĂ©diateurs. Celle-ci permettrait un pilotage global de lâensemble de ces activitĂ©s de rĂ©solution amiable, dont tous les observateurs soulignent le caractĂšre indispensable. Il pourrait alors ĂȘtre envisagĂ© la transformation de ces listes en listes de mĂ©diateurs judiciaires, alors soumis Ă des conditions dâinscrip-tion plus en phase avec les besoins propres des juridictions.
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Cette proposition récente est parfaitement justifiée, en droit comme en opportu-nité, elle est donc maintenue cette année encore.
La DACS partage le constat selon lequel lâĂ©tablissement dâune liste de mĂ©diateurs fait peser sur les juridictions une mission supplĂ©mentaire qui ne correspond pas Ă une activitĂ© juridictionnelle. Elle Ă©met nĂ©anmoins quelques rĂ©serves quant Ă lâĂ©tablisse-ment de deux listes distinctes et souligne les avantages en termes de cohĂ©rence, de lisibilitĂ© et de simplicitĂ© pour les citoyens dâune liste unique de mĂ©diateurs ainsi que le gage de qualitĂ© que constitue la dĂ©cision dâinscription prise en toute indĂ©pendance par des magistrats apprĂ©ciant in concreto les qualifications et lâexpĂ©rience profession-nelle des candidats.
AmĂ©lioration de lâĂ©laboration des listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours dâappel â interdiction du cumul de demandes dâinscription auprĂšs de plusieurs cours dâappel
En deuxiĂšme lieu, le dĂ©cret du 9 octobre 2017 se caractĂ©rise par une insuffisance des conditions dâinscription sur une liste, au regard des besoins des juridictions. En parti-culier, le texte ne prĂ©voit ni prise en compte des besoins des juridictions du ressort de la cour dâappel, ni condition de rĂ©sidence des candidats, ni interdiction de cumul de candidatures voire dâinscriptions auprĂšs de plusieurs cours dâappel. La Cour de cassa-tion est ainsi amenĂ©e Ă annuler tout refus dâinscription procĂ©dant, directement ou indi-rectement, de tels types de critĂšres (2e Civ., 27 septembre 2018, pourvoi no 18-60.132, publiĂ© au Bulletin ; 2e Civ., 18 octobre 2018, pourvoi no 18-60.128, publiĂ© au Bulletin). Lâinstruction des recours formĂ©s devant la Cour de cassation dĂ©montre alors que nombre de candidats paraissent avoir prĂ©sentĂ© des demandes dâinscription devant plusieurs cours dâappel, accroissant inutilement la charge qui leur est confiĂ©e et faisant encou-rir le risque dâinscriptions multiples, sans certitude sur la capacitĂ© dâun tel mĂ©diateur Ă remplir les missions susceptibles de lui ĂȘtre confiĂ©es par les diffĂ©rentes cours dâap-pel auprĂšs desquelles il serait inscrit. Dans ces conditions, il apparaĂźt indispensable de permettre de prendre en compte les besoins des juridictions, dâimposer aux candidats de choisir une seule cour dâappel auprĂšs de laquelle sâinscrire et dâorganiser, corrĂ©lati-vement, une centralisation de lâinformation â que du reste la certification prĂ©cĂ©dem-ment Ă©voquĂ©e permettrait dâassurer.
Cette seconde proposition de réforme intéressant spécialement les listes de média-teurs est parfaitement justifiée, en droit comme en opportunité, et suscite un avis favo-rable de la chancellerie, elle est donc maintenue cette année encore.
Sous rĂ©serve de la compĂ©tence de la DACS, cette derniĂšre nâest pas opposĂ©e, sâagissant des listes de mĂ©diateurs, Ă une modification du dĂ©cret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif Ă la liste des mĂ©diateurs auprĂšs de la cour dâappel impliquant notamment lâajout de lâinterdiction du cumul de demandes dâinscription auprĂšs de plusieurs cours dâap-pel, ainsi quâune condition de rĂ©sidence des candidats. Cette modification permettrait un alignement des conditions exigĂ©es par le dĂ©cret prĂ©citĂ© du 9 octobre 2017 pour les mĂ©diateurs sur celles prescrites pour les experts judiciaires par le dĂ©cret no 2004-1463 du 23 dĂ©cembre 2004.
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Procédure civile
Instruction Ă bref dĂ©lai des affaires relevant de la procĂ©dure ordinaire devant la cour dâappel
La rĂ©forme de cette procĂ©dure, en 2009 puis en 2017, a suscitĂ© une intense activitĂ© jurisprudentielle, qui a dĂ©jĂ conduit la Cour de cassation Ă devoir formuler de nom-breuses propositions de rĂ©formes, que le dĂ©cret no 2017-891 du 6 mai 2017 a entendu mettre en Ćuvre, en mĂȘme temps quâil apportait dâautres modifications substantielles Ă la procĂ©dure dâappel. Ces derniĂšres ont suscitĂ© de nouvelles difficultĂ©s pratiques et thĂ©oriques importantes. Il en va en particulier dans le cas oĂč les affaires doivent ĂȘtre instruites Ă bref dĂ©lai. En instaurant dans cette hypothĂšse des rĂšgles de procĂ©dure par-ticuliĂšres, le dĂ©cret sâest heurtĂ© Ă la considĂ©ration que cette instruction ne constitue pas une procĂ©dure autonome (comme lâest par exemple la procĂ©dure Ă jour fixe). Cette absence dâautonomie apparaĂźt en particulier au regard des rĂšgles de formation de lâap-pel, qui sont communes Ă toutes les procĂ©dures ordinaires (Avis de la Cour de cassation, 12 juillet 2018, no 18-70.008, publiĂ© au Bulletin), de mĂȘme quâau regard de la facultĂ© dont dispose le prĂ©sident dâorienter les affaires qui le justifient vers une instruction Ă bref dĂ©lai. DĂšs lors apparaissent des difficultĂ©s, tenant tant Ă la coordination de lâins-truction Ă bref dĂ©lai avec les rĂšgles ordinaires quâaux modalitĂ©s mĂȘmes suivant les-quelles cette instruction Ă bref dĂ©lai doit ĂȘtre menĂ©e (par exemple : 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi no 18-25.769, publiĂ© au Bulletin), les rĂšgles relatives Ă lâinstruction Ă bref dĂ©lai Ă©tant manifestement Ă©noncĂ©es de façon incomplĂšte, en particulier pour ce qui concerne les pouvoirs confĂ©rĂ©s au prĂ©sident de la chambre ou au magistrat chargĂ© dâinstruire lâaffaire. Aussi il apparaĂźt indispensable de simplifier considĂ©rablement le dispositif instaurĂ© par le dĂ©cret du 6 mai 2017. Ă cette fin, il est proposĂ© de rempla-cer lâensemble des rĂšgles dĂ©diĂ©es au bref dĂ©lai par une disposition unique au terme de laquelle, lorsque lâaffaire relĂšve de plein droit dâune instruction Ă bref dĂ©lai (i. e. appel des ordonnances du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s et du juge de la mise en Ă©tat, des jugements du juge de lâexĂ©cution, etc.), les dĂ©lais ordinaires dâinstruction sont de plein droit rĂ©duits, par exemple Ă 15 jours pour la signification de la dĂ©claration dâappel et Ă deux mois pour la remise des conclusions, et dans le cas oĂč lâaffaire est orientĂ©e vers une instruction Ă bref dĂ©lai sur dĂ©cision du prĂ©sident de la chambre, celui-ci dĂ©termine les diffĂ©rents dĂ©lais, dans des conditions que le dĂ©cret pourrait le cas Ă©chĂ©ant prĂ©ciser. Ce faisant, outre la simplification de lâordonnancement des textes en matiĂšre dâappel, lâensemble des rĂšgles qui rĂ©gissent la procĂ©dure ordinaire trouverait Ă sâappliquer, ainsi sâagissant des pouvoirs du conseiller de la mise en Ă©tat et du dĂ©fĂ©rĂ© contre ses dĂ©cisions. Les solu-tions dĂ©gagĂ©es par la jurisprudence auraient dĂšs lors une portĂ©e gĂ©nĂ©rale, amĂ©liorant la lisibilitĂ© de ces rĂšgles et la sĂ©curitĂ© juridique. Cette rĂ©forme pourrait sâĂ©tendre Ă la procĂ©dure sur renvoi de cassation, rĂ©gie par des dispositions similaires (article 1037-1 du code de procĂ©dure civile).
Cette proposition, formulĂ©e pour la premiĂšre fois dans le Rapport annuel 2019 et qui a reçu un accueil favorable de la chancellerie, ne peut quâĂȘtre maintenue au regard de la jurisprudence rĂ©cente, soulignant les difficultĂ©s que posent les dispositions rĂ©gis-sant lâinstruction Ă bref dĂ©lai (voir 2e Civ., 27 fĂ©vrier 2020, pourvoi no 19-11.310 ; 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 19-18.884 ; 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi no 18-25.769, publiĂ© au Bulletin).
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La DACS accueille Ă nouveau avec intĂ©rĂȘt cette proposition de la Cour de cassa-tion, qui prĂ©senterait lâavantage de simplifier la lecture et lâarticulation des textes appli-cables Ă la procĂ©dure dâappel.
Elle justifie une expertise approfondie, qui pourra ĂȘtre menĂ©e Ă la lumiĂšre des conclu-sions du rapport rendu par lâinspection gĂ©nĂ©rale de la justice sur la procĂ©dure dâappel.
La DACS souligne par ailleurs que le dĂ©cret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 a, sous lâimpulsion de la Cour de cassation, procĂ©dĂ© Ă une nouvelle Ă©criture de lâar-ticle 905 du code de procĂ©dure civile afin de clarifier les cas dans lesquels lâaffaire peut ĂȘtre appelĂ©e Ă bref dĂ©lai.
Communication par voie Ă©lectronique â Refonte des arrĂȘtĂ©s dâapplication de lâarticle 748-1 du code de procĂ©dure civile dans sa rĂ©daction issue du dĂ©cret nÂș 2009-1524 du 9 dĂ©cembre 2009
Ă lâoccasion des Rapports annuels depuis 2016, il Ă©tait sollicitĂ© une refonte des arrĂȘ-tĂ©s dâapplication de lâarticle 748-1 du code de procĂ©dure civile dans sa rĂ©daction issue du dĂ©cret no 2009-1524 du 9 dĂ©cembre 2009 relatif Ă la procĂ©dure dâappel avec reprĂ©-sentation obligatoire en matiĂšre civile. En effet, depuis le 1er janvier 2009, la communi-cation par voie Ă©lectronique est, en application de lâarticle 748-1 du code de procĂ©dure civile, autorisĂ©e pour tous les actes de procĂ©dure et devant toutes les juridictions judi-ciaires relevant du code de procĂ©dure civile.
Pour mĂ©nager une montĂ©e en puissance progressive de la communication Ă©lec-tronique, cette facultĂ© de communiquer par la voie Ă©lectronique nâa Ă©tĂ© organisĂ©e que de façon ponctuelle, par des arrĂȘtĂ©s techniques dĂ©terminant les matiĂšres et les actes concernĂ©s. Cette orientation relevait alors dâun Ă©vident pragmatisme. Plusieurs affaires jugĂ©es au cours de lâannĂ©e ont dĂ©montrĂ© les lacunes de lâĂ©tat du droit rĂ©sultant de ces arrĂȘtĂ©s techniques. Ainsi lâarrĂȘtĂ© du 5 mai 2010 relatif Ă la communication par voie Ă©lectronique dans la procĂ©dure sans reprĂ©sentation obligatoire devant les cours dâap-pel ne permet-il lâaccomplissement par la voie Ă©lectronique que de la dĂ©claration dâap-pel, de la constitution dâavocat et des actes qui leur sont associĂ©s, Ă lâexclusion de tout autre acte : il en dĂ©coule que lâappel en matiĂšre dâexpropriation, procĂ©dure Ă©crite dans laquelle le ministĂšre dâavocat nâest pas obligatoire, peut ĂȘtre formĂ© par une dĂ©claration remise par un avocat au greffe suivant la voie Ă©lectronique (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi no 14-25.631, Bull. 2016, II, no 246), dĂ©claration qui ne peut toutefois ĂȘtre suivie de la remise par les parties de leurs mĂ©moires suivant cette mĂȘme voie (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi no 15-25.431, Bull. 2016, II, no 247). Un autre pourvoi a mis en lumiĂšre le caractĂšre incomplet de lâarrĂȘtĂ© du 30 mars 2011 relatif Ă la com-munication par voie Ă©lectronique dans les procĂ©dures avec reprĂ©sentation obligatoire devant les cours dâappel, qui, alors que lâarticle 930-1 du code de procĂ©dure civile impose aux parties de remettre lâensemble de leurs actes au greffe par la voie Ă©lectro-nique, envisage simplement une Ă©numĂ©ration des actes susceptibles dâĂȘtre accomplis de la sorte, omettant ainsi de prendre en compte certains actes, tels que la dĂ©claration de saisine sur renvoi aprĂšs cassation (2e Civ., 1er dĂ©cembre 2016, pourvoi no 15-25.972, Bull. 2016, II, no 260).
Quinze ans aprĂšs le dĂ©cret no 2005-1678 du 28 dĂ©cembre 2005 relatif Ă la procĂ©-dure civile, Ă certaines procĂ©dures dâexĂ©cution et Ă la procĂ©dure de changement de nom
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
ayant adoptĂ© cette rĂ©forme et plus de dix ans aprĂšs les premiĂšres applications de ces textes en procĂ©dure civile, il paraĂźt devenu indispensable dâenvisager la refonte de ces arrĂȘtĂ©s techniques. En effet, leur caractĂšre fragmentaire nâest plus justifiĂ©, voire pour-rait nuire Ă la lisibilitĂ© du droit en la matiĂšre et partant Ă la sĂ©curitĂ© juridique pour les parties et, de façon plus gĂ©nĂ©rale, au dĂ©veloppement de la communication Ă©lectronique, qui a pourtant dĂ©montrĂ© sa rĂ©elle utilitĂ©, ainsi que lâillustre, par exemple, sa gĂ©nĂ©rali-sation rĂ©ussie devant la Cour de cassation.
Cette proposition doit cette annĂ©e encore ĂȘtre retenue. En effet, la refonte appe-lĂ©e de ses vĆux par la Cour de cassation nâa Ă©tĂ© que partiellement mise en Ćuvre, Ă la faveur de deux rĂ©formes intervenues en 2020 : dâune part, la crĂ©ation du tribunal judi-ciaire qui a, par voie de consĂ©quence, Ă©tendu au contentieux jusquâalors traitĂ© par le tribunal dâinstance lâautorisation de la communication Ă©lectronique en vigueur devant le seul tribunal de grande instance ; dâautre part, un arrĂȘtĂ© du 20 mai 2020 relatif Ă la communication par voie Ă©lectronique en matiĂšre civile devant les cours dâappel, qui a gĂ©nĂ©ralisĂ© la facultĂ© pour les avocats de communiquer par la voie Ă©lectronique devant les cours dâappel. La communication Ă©lectronique ne concerne cependant pas toutes les juridictions et reste limitĂ©e aux greffes, ministĂšre public et avocats.
La DACS confirme que la chancellerie entend procĂ©der Ă ce travail de refonte des arrĂȘtĂ©s techniques, ce point sâintĂ©grant dans le plan de transformation numĂ©rique du ministĂšre de la justice, en cours de rĂ©alisation.
La refonte des arrĂȘtĂ©s techniques a progressĂ© en 2020, par la publication de lâar-rĂȘtĂ© du 20 mai 2020 relatif Ă la communication par voie Ă©lectronique en matiĂšre civile devant les cours dâappel. Les avocats ont dĂ©sormais la facultĂ© de communiquer par la voie Ă©lectronique devant les cours dâappel lâensemble des actes de procĂ©dure, lâarrĂȘtĂ© renvoyant aux envois, remises et notifications mentionnĂ©s Ă lâarticle 748-1 du code de procĂ©dure civile qui dispose que sont concernĂ©s par la communication par voie Ă©lec-tronique les actes de procĂ©dure, les piĂšces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procĂšs-verbaux ainsi que les copies et expĂ©ditions revĂȘtues de la formule exĂ©cutoire des dĂ©cisions juridictionnelles.
En outre, via le Portail du justiciable, il est dĂ©sormais possible pour un justiciable, non reprĂ©sentĂ© par un avocat, de se constituer partie civile sâil a reçu un avis Ă victime, et pour un majeur protĂ©gĂ© ou un reprĂ©sentant lĂ©gal de dĂ©poser une requĂȘte au juge des tutelles en cours de mesure de protection.
Communication par voie Ă©lectronique â Modification de la procĂ©dure de recours contre les dĂ©cisions du directeur gĂ©nĂ©ral de lâInstitut national de la propriĂ©tĂ© industrielle
Dans le prolongement de la suggestion prĂ©cĂ©dente formulĂ©e par la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation concernant la refonte des arrĂȘtĂ©s dâapplication de lâar-ticle 748-1 du code de procĂ©dure civile, afin de renforcer lâefficacitĂ© de la communi-cation Ă©lectronique, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation considĂ©rait quâil serait opportun de mieux organiser la facultĂ© de com-muniquer par voie Ă©lectronique dans les procĂ©dures de recours exercĂ©s devant la cour dâappel contre les dĂ©cisions du directeur gĂ©nĂ©ral de lâInstitut national de la propriĂ©tĂ©
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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industrielle (INPI) en matiÚre de délivrance, rejet ou maintien des titres de propriété industrielle, prévus aux articles R. 411-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
Cette suggestion a Ă©tĂ© suivie d'effet, la communication par voie Ă©lectronique dans le cadre du recours devant la cour dâappel contre les dĂ©cisions du directeur gĂ©nĂ©ral de lâINPI est dĂ©sormais possible.
En effet, lâarticle R. 411-20 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle, tel que modifiĂ© par le dĂ©cret no 2019-1316 du 9 dĂ©cembre 2019, dispose que « Sous rĂ©serve des dispo-sitions particuliĂšres de la prĂ©sente section, les recours mentionnĂ©s Ă lâarticle R. 411-19 sont formĂ©s, instruits et jugĂ©s conformĂ©ment aux dispositions du code de procĂ©dure civile » et lâarticle R. 411-24 du mĂȘme code, tel que modifiĂ© par le dĂ©cret no 2019-1316 du 9 dĂ©cembre 2019, prĂ©voit expressĂ©ment quâĂ peine dâirrecevabilitĂ© relevĂ©e dâoffice les actes de procĂ©dure sont remis Ă la juridiction par voie Ă©lectronique, sauf exception tenant Ă une cause Ă©trangĂšre.
DĂ©nonciation au ministĂšre public de lâappel du jugement en matiĂšre de recours en rĂ©vision
Lorsquâune affaire doit ĂȘtre communiquĂ©e au ministĂšre public, cette communica-tion a lieu Ă la diligence du juge. Tel est en principe le cas du recours en rĂ©vision, qui doit ĂȘtre communiquĂ© au ministĂšre public tant en premiĂšre instance quâen appel. Le dĂ©cret no 2012-1515 du 28 dĂ©cembre 2012 portant diverses dispositions relatives Ă la procĂ©dure civile et Ă lâorganisation judiciaire a toutefois complĂ©tĂ© lâarticle 600 du code de procĂ©dure civile, Ă lâeffet que la communication de ce recours au ministĂšre public, lorsquâil est formĂ© par citation, soit faite par son auteur Ă peine dâirrecevabilitĂ©. On peut souligner lâopportunitĂ© de cet ajout, qui tendait Ă rĂ©pondre Ă une prĂ©occupation manifestĂ©e par la Cour de cassation dans ses prĂ©cĂ©dents Rapports. Toutefois, cette dis-position ne concerne que la dĂ©nonciation du recours en rĂ©vision lui-mĂȘme. Lorsque le recours en rĂ©vision doit ĂȘtre, comme câest le plus frĂ©quent, portĂ© devant une juri-diction du premier degrĂ©, la communication au ministĂšre public de lâaffaire en cause dâappel demeure par consĂ©quent accomplie par la cour dâappel, Ă rebours de lâobjectif poursuivi par le dĂ©cret du 28 dĂ©cembre 2012 prĂ©citĂ©.
Il est dĂšs lors suggĂ©rĂ© que lâarticle 600 du code de procĂ©dure civile soit complĂ©tĂ© de maniĂšre Ă prĂ©voir que, en cas dâappel du jugement statuant sur le recours en rĂ©vi-sion, la dĂ©claration dâappel soit, Ă peine dâirrecevabilitĂ©, notifiĂ©e, par son auteur, au ministĂšre public.
Cette proposition, rĂ©itĂ©rĂ©e Ă trois reprises, aisĂ©e Ă mettre en Ćuvre et accueillie favo-rablement par la chancellerie, nâa pas Ă©tĂ© mise en Ćuvre alors quâelle demeure dâactua-litĂ©. La Cour de cassation entend la maintenir cette annĂ©e encore.
Cette annĂ©e encore la DACS reste favorable Ă cette proposition. Lorsque le recours en rĂ©vision est formĂ© par citation, il nâest pas cohĂ©rent que lâobligation de le commu-niquer au ministĂšre public pĂšse sur le demandeur en premiĂšre instance mais sur le juge en cas dâappel. Le transfert de cette charge du juge aux parties, initiĂ© par le dĂ©cret no 2012-1515 du 28 dĂ©cembre 2012, doit ĂȘtre Ă©tendu Ă la cour dâappel en cas dâappel dâun jugement de rĂ©vision rendu sur citation.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
Ordonnances sur requĂȘte â Harmonisation des rĂšgles concernant la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes et crĂ©ation dâune obligation de signification de la requĂȘte et de lâordonnance lorsque lâarticle 145 du code de procĂ©dure civile est applicable
DĂšs le Rapport annuel 2016, la Cour de cassation suggĂ©rait de procĂ©der Ă une har-monisation des rĂšgles concernant la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes et de crĂ©er une obligation de signification de la requĂȘte et de lâordonnance lorsque lâar-ticle 145 du code de procĂ©dure civile est applicable.
Dans le silence du code de procĂ©dure civile concernant la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes, la jurisprudence a, sur une longue pĂ©riode, dĂ©gagĂ© deux critĂšres : le juge compĂ©tent est soit le prĂ©sident de la juridiction saisie au fond, soit le prĂ©sident de la juridiction du lieu oĂč la mesure demandĂ©e doit ĂȘtre exĂ©cutĂ©e, Ă©tant prĂ©cisĂ© quâen cas de pluralitĂ© de mesures, chacune dâelles peut dĂ©signer territorialement un tribu-nal (2e Civ., 18 novembre 1992, pourvoi no 91-16.447, Bull. 1992, II, no 266 ; 2e Civ., 30 avril 2009, pourvoi no 08-15.421, Bull. 2009, II, no 105 ; 2e Civ., 5 mai 2011, pour-voi no 10-20.436).
Mais ces critĂšres ont dĂ» ĂȘtre adaptĂ©s par la Cour de cassation Ă certaines rĂšgles spĂ©-ciales en matiĂšre de requĂȘtes, pour lâapplication de lâarticle 145 du code de procĂ©dure civile et pour lâapplication de lâarticle 706-15-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale.
Un gain de sĂ©curitĂ© juridique serait sans doute la premiĂšre consĂ©quence dâune rĂ©flexion dâensemble sur la compĂ©tence territoriale en matiĂšre dâordonnances sur requĂȘte, quâil sâagisse des rĂšgles spĂ©ciales ou du droit commun supplĂ©tif.
Concernant les requĂȘtes fondĂ©es plus particuliĂšrement sur lâarticle 145 du code de procĂ©dure civile, la jurisprudence a Ă©voluĂ© dans le sens dâune plus grande efficacitĂ© dans lâexĂ©cution de lâordonnance, mais sans que la protection du futur dĂ©fendeur au procĂšs potentiel puisse ĂȘtre suffisamment garantie par les textes.
a) Absence de délai pour exécuter la mesure contre celui à qui elle est opposée
Il nâest pas prĂ©vu que lâordonnance rendue sur le fondement de lâarticle 145 du code de procĂ©dure civile soit notifiĂ©e pour ĂȘtre exĂ©cutoire. Si la jurisprudence nâinterdit pas au requĂ©rant de procĂ©der selon le droit commun de la signification (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi no 14-29.152 ; 2e Civ., 23 juin 2016, pourvoi no 15-19.671, Bull. 2016, II, no 170), le caractĂšre exĂ©cutoire de lâordonnance rĂ©sulte le plus souvent de la seule prĂ©senta-tion de la minute, prĂ©vue par une disposition spĂ©ciale (article 495, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile), ce qui rend dĂ©licate lâapplication aux ordonnances sur requĂȘte de la rĂšgle de droit commun de lâarticle 503, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile, pourtant parfois visĂ© par la Cour de cassation, notamment pour justifier que la remise matĂ©-rielle de lâordonnance et de la requĂȘte, exigĂ©e par lâarticle 495, alinĂ©a 3, ait lieu avant le dĂ©but des opĂ©rations (2e Civ., 10 fĂ©vrier 2011, pourvoi no 10-13.894, Bull. 2011, II, no 36), cette rĂšgle supportant une exception, dont la portĂ©e reste Ă apprĂ©cier, lorsquâil sâagit de constater un comportement (2e Civ., 4 septembre 2014, pourvoi no 13-22.971).
Que le caractĂšre exĂ©cutoire de lâordonnance rĂ©sulte de la prĂ©sentation de la minute avant le dĂ©but des opĂ©rations, dont la date ne dĂ©pend que du choix du requĂ©rant, ou dâune signification, laquelle nâest enfermĂ©e dans aucun dĂ©lai, il en rĂ©sulte que le requĂ©-rant nâest tenu par aucun dĂ©lai lĂ©gal pour exĂ©cuter lâordonnance.
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b) Absence de délai pour informer le défendeur potentiel au procÚs
La jurisprudence ayant restreint les destinataires de lâobligation de remise matĂ©rielle de lâordonnance et de la requĂȘte imposĂ©e par lâarticle 495, alinĂ©a 3, du code de procĂ©-dure civile aux seules personnes supportant lâexĂ©cution de la mesure, quâelles soient ou non dĂ©fendeurs potentiels au procĂšs envisagĂ© et non pas Ă ses dĂ©fendeurs potentiels par principe (2e Civ., 27 fĂ©vrier 2014, pourvoi no 13-10.013, Bull. 2014, II, no 56 ; 2e Civ., 4 juin 2015, pourvoi no 14-14.233, Bull. 2015, II, no 145 ; 2e Civ., 3 dĂ©cembre 2015, pourvoi no 15-12.249), il en est rĂ©sultĂ© une extension jurisprudentielle de lâintĂ©rĂȘt Ă agir en rĂ©tractation (article 496 du code de procĂ©dure civile) pour assurer le respect du contradictoire a posteriori (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi no 15-12.955 ; 2e Civ., 1er sep-tembre 2016, pourvoi no 15-19.799, Bull. 2016, II, no 194, rendu dans le cas particulier dâune intervention volontaire principale dans une instance en rĂ©tractation dĂ©jĂ engagĂ©e).
Il en rĂ©sulte que câest lâabsence de dĂ©lai dans les textes pour intenter lâaction en rĂ©tractation qui, seule, assure actuellement le respect du contradictoire Ă lâĂ©gard du dĂ©fendeur potentiel au procĂšs, lequel nâapprendra quâune mesure a Ă©tĂ© ordonnĂ©e quâĂ lâoccasion de la signification de lâassignation au fond. Ne pouvant discuter lâobten-tion du mode de preuve qui lui sera opposĂ©e sur le terrain de la loyautĂ© de la preuve puisquâil aura Ă©tĂ© ordonnĂ© par un juge, il ne pourra quâagir en rĂ©tractation, ce qui per-turbe le dĂ©roulement de lâaction au fond.
Une obligation de signification de la requĂȘte et de lâordonnance, une fois celle-ci exĂ©cutĂ©e, Ă son profit, dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ© Ă compter de la fin des opĂ©rations serait de nature Ă rĂ©soudre lâinsuffisance du respect du contradictoire et Ă assurer une meil-leure sĂ©curitĂ© juridique.
Une telle rĂ©forme gagnerait en outre, de façon plus gĂ©nĂ©rale, Ă se pencher sur les conditions dâaccomplissement des mesures dâinstruction ordonnĂ©es sur requĂȘte.
Ces propositions recueillent un avis favorable de la chancellerie, sans pour autant avoir Ă©tĂ© mises en Ćuvre.
La Cour de cassation maintient cette suggestion de rĂ©forme, qui se justifie dâautant plus que lâordonnance sur requĂȘte revĂȘt une dimension centrale en matiĂšre probatoire, voire stratĂ©gique dans le domaine Ă©conomique, oĂč ce dispositif peut ĂȘtre dĂ©tournĂ© de sa finalitĂ© de prĂ©paration dâun procĂšs, ce que la jurisprudence nourrie et persistante en la matiĂšre tend Ă dĂ©montrer.
La DACS est sensible Ă ces propositions, le rapport sur lâamĂ©lioration et la simpli-fication de la procĂ©dure civile ayant Ă©galement prĂ©conisĂ© une rĂ©forme du rĂ©gime des ordonnances sur requĂȘte.
La DACS nâest pas opposĂ©e Ă ce que soit engagĂ©e une rĂ©flexion dâensemble sur la question de la compĂ©tence territoriale en matiĂšre dâordonnance sur requĂȘte. Fixer la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes aurait effectivement pour avantage dâof-frir plus de sĂ©curitĂ© juridique mais cela priverait nĂ©anmoins le requĂ©rant dâune alterna-tive entre juridiction saisie au fond et celle dans le ressort duquel la mesure demandĂ©e doit ĂȘtre exĂ©cutĂ©e dont il bĂ©nĂ©ficie aujourdâhui.
Sâagissant plus spĂ©cifiquement des requĂȘtes fondĂ©es sur lâarticle 145 du code de procĂ©dure civile et des propositions formulĂ©es afin que la protection du futur dĂ©fen-deur au procĂšs potentiel soit garantie, la direction des affaires civiles et du sceau nây est
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
pas dĂ©favorable, Ă condition que lâobligation de signifier lâordonnance ne soit envisa-gĂ©e quâaprĂšs lâexĂ©cution de la mesure, sauf Ă priver la dĂ©cision de tout effet de surprise.
Regroupement des dispositions législatives relatives à la procédure civile
LâaccessibilitĂ©, la lisibilitĂ© et la cohĂ©rence des dispositions rĂ©gissant la procĂ©dure civile imposent de promouvoir leur regroupement. Certes, la plupart des rĂšgles intĂ©res-sant la procĂ©dure civile relĂšvent du pouvoir rĂ©glementaire autonome, et peuvent ainsi trouver leur place dans le code de procĂ©dure civile, instituĂ© par un dĂ©cret en Conseil dâĂtat. Toutefois des dispositions de plus en plus nombreuses sont insĂ©rĂ©es dans des lois, sans aucun souci de regroupement. La question ne porte pas ici sur le niveau lĂ©gislatif ou rĂ©glementaire des textes considĂ©rĂ©s, mais sur la dispersion nĂ©faste des dispositions de procĂ©dure civile. La pratique, un temps appliquĂ©e, consistant Ă insĂ©rer dans le code de procĂ©dure civile une disposition reproduisant un texte lĂ©gislatif (tel lâarticle 700 de ce code, reproduisant lâarticle 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative Ă lâaide juridique), ou Ă tout le moins y renvoyant, apparaĂźt avoir Ă©tĂ© abandonnĂ©e, de sorte quâon assiste Ă une fragmentation du droit de la procĂ©dure civile avec, par exemple, des dispositions essentielles contenues dans la loi du 8 fĂ©vrier 1995 relative Ă lâorganisation des juridic-tions et Ă la procĂ©dure civile, pĂ©nale et administrative, qui intĂ©ressent la mĂ©diation. La complexitĂ© et le manque dâaccessibilitĂ© de la procĂ©dure civile, que dĂ©plorent diffĂ©rents travaux rĂ©cents, ne peuvent quâĂȘtre accrus par une telle dispersion, Ă laquelle il devient impĂ©ratif de remĂ©dier, en entreprenant, dans un esprit de codification, le regroupe-ment des dispositions lĂ©gislatives intĂ©ressant la procĂ©dure civile.
En 2020, comme depuis 2018, la DACS a maintenu son avis favorable Ă cette pro-position et a indiquĂ© entendre cette prĂ©conisation, lâobjectif de lisibilitĂ© et dâaccessibi-litĂ© des textes ayant valeur constitutionnelle. Elle a ajoutĂ© que lâopportunitĂ© de crĂ©er une partie lĂ©gislative dans le code de procĂ©dure civile, Ă lâinstar de ce qui a Ă©tĂ© fait dans le code de justice administrative qui comprend un titre prĂ©liminaire recensant les grands principes applicables Ă la matiĂšre, est toujours Ă lâĂ©tude et quâun recensement des dispositions qui auraient vocation Ă intĂ©grer une partie lĂ©gislative dans le code est en effet nĂ©cessaire.
MalgrĂ© lâavis favorable de la chancellerie, lâexamen de cette proposition par ses ser-vices ne semble guĂšre avancer. Il sâagit pourtant dâune proposition de vaste ampleur, qui permet en outre de rĂ©unir et de mettre en cohĂ©rence nombre des propositions plus ponctuelles de la Cour en matiĂšre de procĂ©dure civile, qui relĂšvent clairement dâun exercice de refonte de certains textes imparfaits du code de procĂ©dure civile (par ex. les propositions en matiĂšre de recours en rĂ©vision ou encore de fermeture du pour-voi en matiĂšre dâexĂ©cution provisoire). La Cour de cassation maintient donc sa pro-position de rĂ©forme.
Transmission électronique des dossiers de procédure
Depuis lâinsertion, par le dĂ©cret no 2005-1678 du 28 dĂ©cembre 2005 relatif Ă la pro-cĂ©dure civile, Ă certaines procĂ©dures dâexĂ©cution et Ă la procĂ©dure de changement de nom, dâun article 729-1 dans le code de procĂ©dure civile, le dossier que le greffe ouvre pour chaque affaire peut ĂȘtre tenu sur support Ă©lectronique. En pratique, un dossier matĂ©riel demeure toujours constituĂ©, mĂȘme pour les juridictions devant lesquelles a Ă©tĂ©
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organisĂ©e une communication par voie Ă©lectronique avec les parties. Mais la consultation de ces dossiers par la Cour de cassation, lorsque celle-ci en demande la communication (article 729 du code de procĂ©dure civile), permet de faire le constat que frĂ©quemment les dossiers matĂ©riels ne contiennent plus lâensemble des donnĂ©es intĂ©ressant la procĂ©-dure, en particulier les messages Ă©lectroniques et les actes de procĂ©dure et piĂšces que ces messages transmettent en piĂšces jointes, conformĂ©ment aux dispositions des diffĂ©-rents arrĂȘtĂ©s techniques organisant la communication Ă©lectronique devant les juridic-tions. Ă cet Ă©gard, une premiĂšre Ă©volution sâimpose pour prĂ©ciser, Ă lâarticle 729-1, que le dossier peut ĂȘtre tenu sur support Ă©lectronique « en tout ou partie ».
En outre, en dehors dâune Ă©ventuelle impression par les greffes des donnĂ©es Ă©lec-troniques, qui constitue une tĂąche chronophage et onĂ©reuse, qui nâest assurĂ©ment pas en adĂ©quation avec les mutations actuelles et futures de la procĂ©dure civile, induites par la rĂ©volution numĂ©rique, la Cour de cassation ne dispose dâaucun moyen pour se faire communiquer les Ă©lĂ©ments du dossier Ă©tablis et conservĂ©s sur support Ă©lectronique. Ainsi, la communication du dossier matĂ©riel de lâaffaire par la juridiction du fond ne la met pas toujours en mesure dâapprĂ©cier le respect de telle ou telle exigence procĂ©du-rale, notamment Ă lâeffet dâĂ©viter des cassations motivĂ©es par lâignorance dans laquelle la Cour se trouve du respect par la juridiction du fond de ces exigences. Le dĂ©veloppe-ment de la communication Ă©lectronique rend ainsi nĂ©cessaire dâorganiser les conditions dans lesquelles la Cour de cassation pourrait consulter, dans des conditions propres Ă garantir le principe de la contradiction, les donnĂ©es des dossiers Ă©lectroniques des affaires des juridictions du fond. Au-delĂ du pourvoi en cassation, nombreuses sont en outre les hypothĂšses dans lesquelles le dossier dâune affaire doit ĂȘtre transmis Ă une autre juridiction, quâil sâagisse bien sĂ»r de lâappel (article 968 du code de procĂ©dure civile) ou encore du renvoi dâune affaire, fondĂ© par exemple sur la compĂ©tence, la litis-pendance, la connexitĂ©, etc.
Il apparaĂźt donc nĂ©cessaire de modifier, Ă un second Ă©gard, lâarticle 729-1 du code de procĂ©dure civile, Ă lâeffet de prĂ©voir que le systĂšme de traitement des informations doit permettre dâassurer non seulement la conservation du dossier de la procĂ©dure, mais Ă©galement lâaccĂšs par la juridiction devant laquelle lâaffaire se trouve portĂ©e en vertu de lâarticle 729 du mĂȘme code. Cette modification rĂ©glementaire rendra alors possible une Ă©volution, le cas Ă©chĂ©ant progressive, de lâoutil informatique, propre Ă mettre en Ćuvre cet accĂšs dans des conditions garantissant lâintĂ©gritĂ© et la confidentialitĂ© des donnĂ©es Ă©lectroniques correspondantes.
MalgrĂ© lâavis favorable de la chancellerie en 2018 et 2019, cette proposition nâa pas Ă©tĂ© mise en Ćuvre. Si le dĂ©veloppement du projet de portail de la justice peut constituer un prĂ©alable technique Ă la mise en Ćuvre de la facultĂ© de consultation que cette pro-position tend Ă instaurer, il nâen demeure pas moins que ce dĂ©veloppement ne consti-tue pas une base juridique Ă cette proposition, simplement un prĂ©requis technique, qui laisse donc entiĂšre lâopportunitĂ© de la rĂ©forme proposĂ©e. Elle constitue en outre un enjeu majeur de sĂ©curisation pour la Cour de cassation, qui, depuis la dĂ©matĂ©ria-lisation des procĂ©dures civiles, nâest pas en mesure de sâassurer, avec le dossier papier de la procĂ©dure, que les piĂšces qui lui sont produites figuraient bien dans les dĂ©bats devant la juridiction dont Ă©mane la dĂ©cision frappĂ©e de pourvoi. Cette proposition est donc maintenue.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
La DACS souscrit pleinement à la précision terminologique proposée et ce, afin de tenir compte des contraintes qui pÚsent sur les greffes.
NĂ©anmoins, si elle partage la prĂ©occupation dâun accĂšs large de la Cour de cas-sation au dossier dĂ©matĂ©rialisĂ©, elle souligne que la rĂ©forme rĂ©glementaire ne pourra trouver dâapplication concrĂšte quâavec une Ă©volution des applications existantes. Elle rappelle toutefois que la chancellerie est actuellement engagĂ©e dans un vaste plan de transformation numĂ©rique devant permettre une dĂ©matĂ©rialisation totale de la justice civile dans le cadre du portail des juridictions, lequel a vocation Ă remplacer lâensemble des applications existantes et Ă constituer lâoutil commun Ă lâensemble des juridictions.
Réparation du préjudice
Revalorisation légale des rentes indemnitaires
Il est proposé, depuis 2014 :
â une amĂ©lioration de lâindice lĂ©gal de revalorisation prĂ©vu Ă lâarticle L. 434-17 du code de la sĂ©curitĂ© sociale ;
â un alignement sur le mĂȘme indice de revalorisation de lâensemble des rentes indemnitaires.
Il sâagit de mettre un terme, Ă cet Ă©gard, Ă lâinĂ©galitĂ© de traitement entre les vic-times dâaccidents de la circulation et les autres victimes.
La revalorisation de plein droit des rentes indemnitaires est en effet prĂ©vue seule-ment pour les rentes versĂ©es en rĂ©paration de prĂ©judices causĂ©s par un accident de la circulation, par la loi no 74-1118 du 27 dĂ©cembre 1974 qui dispose, en son article 1er, que sont majorĂ©es de plein droit, selon le coefficient de revalorisation prĂ©vu Ă lâar-ticle L. 434-17 du code de la sĂ©curitĂ© sociale, les rentes allouĂ©es soit conventionnelle-ment, soit judiciairement, en rĂ©paration du prĂ©judice causĂ©, du fait dâun accident de la circulation, Ă la victime ou, en cas de dĂ©cĂšs, aux personnes qui Ă©taient Ă sa charge, Ă©tant notĂ© que lâarticle 2 de cette loi prĂ©cise que les majorations en cause dont le versement incombe aux sociĂ©tĂ©s dâassurance sont gĂ©rĂ©es et financĂ©es par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
Dans les autres cas, le choix de lâindice de revalorisation de la rente indemnitaire est libre et il peut arriver que la revalorisation selon lâindice lĂ©gal dâordre public prĂ©-citĂ© sâavĂšre infĂ©rieure Ă celles rendues possibles par le choix dâautres indices, laissĂ© Ă lâapprĂ©ciation souveraine des juges du fond.
La DACS, qui a indiquĂ© ĂȘtre favorable Ă la rĂ©forme ainsi proposĂ©e, a prĂ©cisĂ© lâannĂ©e derniĂšre quâil Ă©tait prĂ©vu dâintĂ©grer au projet de rĂ©forme de la responsabilitĂ© civile un article 1272 dont le premier alinĂ©a disposerait que : « lâindemnisation due au titre de la perte de gains professionnels, de la perte de revenus des proches ou de lâassistance dâune tierce personne a lieu en principe sous forme dâune rente. Celle-ci est indexĂ©e sur un indice fixĂ© par voie rĂ©glementaire et liĂ© Ă lâĂ©volution du salaire minimum ».
Certes, la rĂ©itĂ©ration depuis plusieurs annĂ©es de la proposition de modification consi-dĂ©rĂ©e nâa pas Ă©tĂ© suivie dâeffet jusquâĂ prĂ©sent, mais il apparaĂźt opportun de la maintenir
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dĂšs lors que la modification en cause pourrait intervenir Ă la faveur de la rĂ©forme de la responsabilitĂ© civile, le cas Ă©chĂ©ant sous la forme de lâarticle 1272 prĂ©citĂ©, ce qui prĂ©-senterait le double avantage, relevĂ© dans le Rapport 2019, de prĂ©voir un indice de rĂ©fĂ©-rence unique dâordre public, dĂ©fini rĂ©glementairement, et de lier cet indice Ă lâĂ©volution du coĂ»t du travail, ce qui constitue une condition indispensable pour permettre une rĂ©paration intĂ©grale du prĂ©judice compte tenu de lâobjet de la rente.
La DACS indique cette annĂ©e encore demeurer favorable Ă cette proposition, dont la mise en Ćuvre ne relĂšve toutefois pas de sa compĂ©tence.
Proposition de modification des dispositions relatives au recours en indemnitĂ© ouvert Ă certaines victimes de dommage rĂ©sultant dâune infraction
Les articles R. 50-18 et R. 50-19 du code de procĂ©dure pĂ©nale prĂ©voient la com-munication au ministĂšre public, qui doit ĂȘtre informĂ© de la date dâaudience, des affaires soumises Ă la commission dâindemnisation des victimes dâinfractions (CIVI). Il nây a pas de dispositions Ă©quivalentes pour la procĂ©dure dâappel des dĂ©cisions des CIVI.
Or, il est certain que le regard du ministĂšre public en ce domaine est aussi impor-tant en appel quâen premiĂšre instance dĂšs lors notamment que lâindemnisation des victimes est liĂ©e Ă la condition que les faits litigieux prĂ©sentent le caractĂšre matĂ©riel dâune infraction.
Il a en consĂ©quence Ă©tĂ© proposĂ© de complĂ©ter lâarticle R. 50-23 du code de procĂ©-dure pĂ©nale par la mention suivante : « en cas dâappel, le procureur gĂ©nĂ©ral est informĂ© de la date dâaudience. »
Il apparaĂźt souhaitable de rĂ©itĂ©rer cette proposition, Ă©tant notĂ© quâil est regret-table quâelle nâait pu ĂȘtre mise en Ćuvre Ă lâoccasion des modifications apportĂ©es par le dĂ©cret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 Ă certaines des dispositions rĂ©gissant la procĂ©dure organisĂ©e par les articles R. 50-1 et suivants du code de procĂ©dure pĂ©nale.
La DACS maintient cette annĂ©e encore ĂȘtre favorable Ă cette proposition, dĂšs lors que lâavis du ministĂšre public apparaĂźt tout aussi incontournable en premiĂšre instance quâen cause dâappel dans ces contentieux impliquant la caractĂ©risation de lâĂ©lĂ©ment matĂ©riel de lâinfraction. La direction prĂ©cise toutefois que cette proposition de modi-fication du code des assurances relĂšve Ă titre principal de la direction des affaires cri-minelles et des grĂąces.
Saisie immobiliĂšre
PĂ©remption du commandement valant saisie immobiliĂšre
Les prĂ©cĂ©dents Rapports soulignaient la nĂ©cessitĂ© de neutraliser les effets nĂ©fastes de la pĂ©remption du commandement de payer valant saisie immobiliĂšre telle que prĂ©vue Ă lâarticle R. 321-20 du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, sur le dĂ©roulement de la procĂ©dure de la saisie immobiliĂšre, Ă tout le moins en en allongeant la durĂ©e, pour la porter de deux Ă cinq ans, correspondant au dĂ©lai de droit commun de la prescription.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
Cette suggestion a Ă©tĂ© suivie dâeffet. Le dĂ©cret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 (article 2, 4o) met en Ćuvre cette proposition en modifiant lâarticle R. 321-20 du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, pour porter Ă cinq ans le dĂ©lai de pĂ©remption du commandement valant saisie immobiliĂšre mettant ainsi fin Ă cette source de conten-tieux stĂ©rile.
La DACS souligne que la modification apportĂ©e, applicable depuis le 1er janvier 2021 aux instances en cours, permet une meilleure prise en compte de la durĂ©e rĂ©elle de la procĂ©dure de saisie immobiliĂšre, sans affecter le rythme de celle-ci, qui demeure contraint par les dĂ©lais prĂ©vus par ailleurs par le code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution.
Surendettement des particuliers
Appréciation de la situation du surendettement : harmonisation du traitement des dettes professionnelles
Si les dettes professionnelles sont exclues au stade de lâapprĂ©ciation de la receva-bilitĂ©, Ă lâexception notable de la dette rĂ©sultant dâun engagement de caution pris en faveur dâune sociĂ©tĂ©, ces dettes ne sont pas exclues dâun plan de surendettement. Aussi ces dettes peuvent-elles faire lâobjet dâun plan de surendettement et notamment ĂȘtre effacĂ©es partiellement ou ĂȘtre comprises dans un moratoire. Pourtant, elles demeu-raient exclues dâune mesure dâeffacement par un plan de rĂ©tablissement personnel Ă lâexception de celles rĂ©sultant dâun engagement de caution au profit dâune sociĂ©tĂ© (ancien article L. 332-5 du code de la consommation devenu articles L. 741-1 et sui-vants du code de la consommation depuis lâordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 relative Ă la partie lĂ©gislative du code de la consommation). Il Ă©tait regrettable que la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 portant rĂ©forme du crĂ©dit Ă la consommation et lâor-donnance no 2016-301 du 14 mars 2016 prĂ©citĂ©e nâaient pas corrigĂ© cette exclusion, cor-rection qui avait pourtant Ă©tĂ© recommandĂ©e par le comitĂ© de suivi de la loi no 2003- 710 du 1er aoĂ»t 2003 dâorientation et de programmation pour la ville et la rĂ©novation urbaine. En pratique, le dĂ©biteur Ă©tait alors parfois incitĂ© Ă refuser la procĂ©dure de rĂ©tablisse-ment personnel pour ce seul motif, un effacement partiel des dettes professionnelles Ă©tant possible dans le cadre des mesures classiques et ne comportant aucune limite de montant ou de proportion. Depuis 2014, les Rapports suggĂšrent ainsi une harmonisa-tion du traitement des dettes professionnelles.
Cette suggestion a Ă©tĂ© suivie dâeffet.
Lâarticle 39 de la loi no 2020-734 du 17 juin 2020 relative Ă diverses dispositions liĂ©es Ă la crise sanitaire, Ă dâautres mesures urgentes ainsi quâau retrait du Royaume-Uni de lâUnion europĂ©enne a introduit cette proposition en permettant dĂ©sormais lâefface-ment de lâensemble des dettes du dĂ©biteur, personnelles comme professionnelles, dans le cadre de la procĂ©dure de rĂ©tablissement personnel, en modifiant les articles L. 741-2 et L. 742-22 du code de la consommation.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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Effet interruptif de prescription attachĂ© Ă la dĂ©cision de recevabilitĂ© de la demande de traitement dâune situation de surendettement
Si la dĂ©cision de recevabilitĂ© dâune demande de traitement dâune situation de suren-dettement emporte, depuis la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 portant rĂ©forme du crĂ©dit Ă la consommation, suspension et interdiction des procĂ©dures dâexĂ©cution dili-gentĂ©es Ă lâencontre des biens du dĂ©biteur, elle nâinterrompt en revanche pas le dĂ©lai de prescription relatif aux crĂ©ances qui correspondent Ă ces procĂ©dures dâexĂ©cution, en lâabsence de disposition en ce sens.
Le lien doit pourtant ĂȘtre fait entre la possibilitĂ© dâaccomplir une mesure dâexĂ©cu-tion et le cours de la prescription, chaque fois en particulier que le crĂ©ancier dispose dĂ©jĂ dâun titre exĂ©cutoire, de sorte quâil ne sera pas conduit Ă interrompre la prescrip-tion par lâengagement dâune procĂ©dure tendant Ă lâobtention dâun tel titre exĂ©cutoire. Pour y remĂ©dier, la Cour de cassation a pu sâappuyer, dans une affaire, sur la consta-tation dâune impossibilitĂ© dâagir du crĂ©ancier, au sens de lâarticle 2232 du code civil (2e Civ., 28 juin 2018, pourvoi no 17-17.481, Bull. 2018, II, no 142). Toutefois, il sâagit dâune solution indirecte et partielle, faute notamment de concerner le crĂ©ancier qui nâest pas titulaire dâun titre exĂ©cutoire. De façon gĂ©nĂ©rale, dĂšs lors que la procĂ©dure de surendettement tend au traitement de lâendettement de son bĂ©nĂ©ficiaire, elle peut justi-fier que le crĂ©ancier attende lâissue de cette procĂ©dure propre Ă permettre le rĂšglement ou Ă entraĂźner lâeffacement des dettes concernĂ©es. Il apparaĂźt ainsi Ă©videmment sou-haitable dâĂ©viter une multiplication des actions en justice, que la procĂ©dure de suren-dettement rend possible, dans un souci, tout Ă la fois, de prĂ©servation des parties et de modĂ©ration de lâactivitĂ© des juridictions.
Dans ces conditions, il apparaĂźt nĂ©cessaire de prĂ©voir que la dĂ©cision de recevabi-litĂ© de la demande de mesure de traitement dâune situation de surendettement inter-rompt le cours du dĂ©lai de prescription ou de forclusion relatif aux crĂ©ances concernĂ©es par cette demande. Il est proposĂ© de complĂ©ter en ce sens lâarticle L. 722-2 du code de la consommation.
Il convient de maintenir cette proposition de rĂ©forme, encore rĂ©cente et qui suscite un avis favorable de la chancellerie, sans pour autant avoir Ă©tĂ© mise en Ćuvre.
La DACS, qui avait émis un avis favorable à cette proposition, indique le mainte-nir et renvoie à ses précédentes observations.
En lâĂ©tat, contrairement Ă ce qui est prĂ©vu en droit des procĂ©dures collectives (article L. 622-21, III, du code de commerce), la dĂ©cision de recevabilitĂ© rendue par la com-mission de surendettement nâa pas pour effet de suspendre ou dâinterrompre les dĂ©lais de prescription ou de forclusion ; seule interrompt les dĂ©lais la demande du dĂ©biteur adressĂ©e Ă la commission, tendant Ă ce quâelle impose certaines mesures prĂ©vues par lâarticle L. 733-1 du code de la consommation en lâabsence dâĂ©laboration dâun plan conventionnel de redressement (article L. 721-5 du code de la consommation).
Certaines dispositions de droit commun, appliquĂ©es par les juridictions, permettent de parvenir Ă une telle solution : il en va ainsi des dispositions de lâarticle 2240 du code civil qui dispose que la reconnaissance par le dĂ©biteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le dĂ©lai de prescription, appliquĂ© du fait de la reconnaissance par le dĂ©biteur dâune dette via sa prise en compte dans lâĂ©tat du passif adressĂ© Ă la com-mission, ou encore des dispositions de lâarticle 2234 du mĂȘme code qui disposent que la
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans lâimpossibilitĂ© dâagir par suite notamment dâun empĂȘchement rĂ©sultant de la loi, Ă©voquĂ© dans la proposition.
Ces dispositions ne permettent toutefois pas de couvrir lâensemble des cas, de sorte quâil serait effectivement souhaitable de prĂ©voir que la dĂ©cision de recevabilitĂ© rendue par la commission de surendettement interrompt les dĂ©lais de prescription ou de for-clusion des crĂ©ances contre le dĂ©biteur.
Une telle modification des textes pourrait intervenir dans le cadre dâune prochaine rĂ©forme du surendettement.
Sécurité sociale
RĂ©paration des consĂ©quences de la faute inexcusable : modification de lâarticle L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale
Depuis 2010, le Rapport suggĂšre une modification des dispositions de lâarticle L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale dĂšs lors que celles-ci, telles quâinterprĂ©tĂ©es par le Conseil constitutionnel, ne permettent pas une indemnisation intĂ©grale des victimes dâacci-dents du travail dus Ă la faute inexcusable de leur employeur. Les normes europĂ©ennes ne peuvent pas davantage ĂȘtre sollicitĂ©es Ă cette fin (2e Civ., 11 juillet 2013, pourvoi no 12-15.402, Bull. 2013, II, no 158).
Les Rapports depuis 2013 ont exposĂ© combien lâĂ©volution de lâindemnisation des victimes dâaccidents du travail liĂ©s Ă une faute inexcusable de lâemployeur tĂ©moigne de lâacuitĂ© du sujet et de lâintĂ©rĂȘt de maintenir la proposition prĂ©cĂ©demment dĂ©veloppĂ©e.
La Cour de cassation maintient donc sa proposition, au moyen dâune formulation quâelle souhaite dĂ©nuĂ©e de toute ambiguĂŻtĂ© sur le caractĂšre intĂ©gral de la rĂ©paration, et propose la modification suivante de lâarticle L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale :
« Article unique
I. â Les dispositions du premier alinĂ©a de lâarticle L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale sont abrogĂ©es et remplacĂ©es par les dispositions suivantes :
âIndĂ©pendamment de la majoration de rente quâelle reçoit en vertu de lâarticle prĂ©-cĂ©dent, la victime a le droit de demander Ă lâemployeur devant la juridiction de sĂ©cu-ritĂ© sociale la rĂ©paration de lâensemble des prĂ©judices qui ne sont pas indemnisĂ©s pour lâintĂ©gralitĂ© de leur montant par les prestations, majorations et indemnitĂ©s prĂ©vues par le prĂ©sent livre.â
II. â La branche accidents du travail du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral et celle du rĂ©gime des sala-riĂ©s agricoles supportent dĂ©finitivement, chacune en ce qui la concerne, la charge impu-table Ă la modification de lâĂ©tendue de la rĂ©paration, rĂ©sultant du I du prĂ©sent article, des accidents du travail survenus et des maladies professionnelles constatĂ©es antĂ©rieu-rement Ă la publication de la prĂ©sente loi. »
La direction de la sĂ©curitĂ© sociale a adoptĂ© une position dĂ©favorable Ă lâĂ©gard dâune telle Ă©volution de la rĂ©paration des victimes dâune faute inexcusable de lâemployeur, pour les raisons dĂ©jĂ Ă©voquĂ©es les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, sur la base des Ă©lĂ©ments suivants :
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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Le Conseil constitutionnel, dans sa dĂ©cision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, a admis le caractĂšre forfaitaire de la rĂ©paration des accidents du travail et des maladies professionnelles, rappelant toutefois que, en cas de faute inexcusable de lâemployeur, les dispositions de lâarticle L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale ne sauraient faire obstacle Ă ce que les victimes dâun accident du travail ou dâune maladie professionnelle ou leurs ayants droit puissent, devant les juridictions, demander Ă lâemployeur rĂ©para-tion non seulement des chefs de prĂ©judice Ă©numĂ©rĂ©s par cet article, mais aussi de lâen-semble des autres dommages non couverts par le livre IV du code de la sĂ©curitĂ© sociale.
La Cour de cassation a prĂ©cisĂ© dans ce cadre que les dispositions du dernier alinĂ©a de lâarticle L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale prĂ©voyant lâavance par les caisses primaires dâassurance maladie des indemnitĂ©s affĂ©rentes Ă ces prĂ©judices sâappliquaient identiquement pour les deux types de prĂ©judice, ce qui prĂ©serve la victime de tout risque dâinsolvabilitĂ© de lâemployeur.
Dans son arrĂȘt du 12 janvier 2017 (CEDH, arrĂȘt du 12 janvier 2017, Saumier c. France, no 74734/14), la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme a, quant Ă elle, jugĂ© conforme aux stipulations de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme le rĂ©gime de rĂ©paration forfaitaire du prĂ©judice du salariĂ© Ă raison de la faute inexcusable de lâemployeur en considĂ©rant que cette rĂ©paration vient en complĂ©ment de dĂ©dom-magements automatiquement perçus par le salariĂ©, ce qui singularise sa situation par rapport Ă la situation de droit commun. Elle en dĂ©duit quâil existe une diffĂ©rence de situation ne permettant pas lâapplication de lâarticle 14 de la Convention prĂ©citĂ©e rela-tif Ă la prohibition des discriminations.
La direction de la sĂ©curitĂ© sociale a considĂ©rĂ© que lâarticulation de ces jurispru-dences permet de prĂ©server le caractĂšre forfaitaire de droit commun de la rĂ©paration des accidents du travail et des maladies professionnelles avec la nĂ©cessitĂ© de la rĂ©para-tion des prĂ©judices non indemnisĂ©s par ailleurs en cas de faute inexcusable. En consĂ©-quence, lâĂ©tat actuel de la jurisprudence offre, Ă ses yeux, aux victimes de sinistres dâorigine professionnelle un niveau Ă©levĂ© de rĂ©paration de leurs prĂ©judices en cas de faute inexcusable de lâemployeur.
La direction de la sĂ©curitĂ© sociale a, en outre, estimĂ© que la proposition de la Cour de cassation en faveur dâune rĂ©paration intĂ©grale des prĂ©judices, quâils soient ou non dĂ©jĂ partiellement indemnisĂ©s au sein du livre IV, va au-delĂ de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui mentionne uniquement les dommages non couverts par la lĂ©gislation au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle aurait pour caractĂ©ristique de supprimer la distinction en vigueur entre la rĂ©paration de la faute inexcusable et celle de la faute intentionnelle prĂ©vue par lâarticle L. 452-5. Elle Ă©largirait les cas dans lesquels la branche des accidents du travail et des maladies pro-fessionnelles avance, sans assurance de rĂ©cupĂ©ration, des sommes pour le compte des employeurs, Ă des situations dans lesquelles elle assure dĂ©jĂ , sous les rĂšgles prĂ©vues par le code de la sĂ©curitĂ© sociale, la rĂ©paration des sinistres. Enfin, elle a Ă©mis lâavis quâune telle proposition comporterait ainsi des risques financiers importants pour lâĂ©quilibre de la branche, qui est au cĆur de son fonctionnement.
Il nâen apparaĂźt pas moins que cette importante suggestion de rĂ©forme, dont les motifs exposĂ©s conservent toute leur pertinence, prĂ©sente un caractĂšre essentiel au regard de ses enjeux et de ses consĂ©quences et en considĂ©ration de lâĂ©quilibre quâelle recherche quant Ă lâĂ©tendue de la rĂ©paration assurĂ©e aux victimes. Elle ne peut quâĂȘtre maintenue.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la deuxiÚme chambre civile
Notification de la décision attributive de rente AT
Suivant les dispositions de lâarticle R. 434-32, alinĂ©a 3, du code de la sĂ©curitĂ© sociale, dans leur rĂ©daction issue du dĂ©cret no 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au 1er jan-vier 2010, qui rĂ©gissent la notification des dĂ©cisions prises en matiĂšre dâattribution de la rente en cas dâincapacitĂ© permanente, « la dĂ©cision motivĂ©e est immĂ©diatement noti-fiĂ©e par la caisse primaire dâassurance maladie par tout moyen permettant de dĂ©termi-ner la date de rĂ©ception, avec mention des voies et dĂ©lais de recours, Ă la victime ou Ă ses ayants droit et Ă lâemployeur au service duquel se trouvait la victime au moment oĂč est survenu lâaccident ».
La Cour de cassation a jugĂ© que ces dispositions nâavaient pas vocation Ă sâappli-quer lorsque lâattribution (ou le refus dâattribution) de la rente se rapporte Ă une inca-pacitĂ© permanente consĂ©cutive non Ă un accident du travail, au sens Ă©troit du terme, mais Ă une maladie professionnelle (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi no 17-28.785, publiĂ© au Bulletin). La solution ainsi retenue a une consĂ©quence bien prĂ©cise : dĂšs lors que lâattribution de la rente sâapplique Ă une maladie professionnelle, le recours de lâem-ployeur nâest a priori enfermĂ© dans aucune condition de dĂ©lai. Il paraĂźt utile, ne serait-ce quâaux fins de sĂ©curisation des dĂ©cisions prises dans une matiĂšre que caractĂ©rise la complexitĂ© des rapports entre la victime ou ses ayants droit, lâemployeur et lâorganisme social, de prĂ©ciser le rĂ©gime spĂ©cifique de la notification des dĂ©cisions en matiĂšre de rente propre aux maladies professionnelles.
Deux formules paraissent envisageables, qui consistent, la premiĂšre, Ă prĂ©voir la notification de la dĂ©cision Ă lâemployeur Ă lâĂ©gard duquel la procĂ©dure dâinstruction de la demande de prise en charge a Ă©tĂ© menĂ©e, la seconde, Ă opter pour la notification Ă lâemployeur (ou Ă chacun des employeurs) au service duquel la victime a Ă©tĂ© expo-sĂ©e au risque.
Le texte nâayant pas Ă©tĂ© modifiĂ©, il convient de renouveler cette proposition.
La DACS nâa pas Ă©mis dâavis concernant cette proposition.
B. Suggestions nouvelles
Pas de suggestions nouvelles en 2020.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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III. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA TROISIĂME CHAMBRE CIVILE
A. Suivi des suggestions de réforme
Bail commercial
Restitution du dépÎt de garantie
En matiÚre commerciale, en cas de vente des locaux loués, la restitution du dépÎt de garantie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas à son ayant cause par-ticulier (voir, notamment, 3e Civ., 30 janvier 1979, pourvoi no 77-12.349, Bull. 1979, III, no 27 ; 3e Civ., 16 mai 2000, pourvoi no 98-20.458 ; 3e Civ., 25 février 2004, pour-voi no 02-16.589, Bull. 2004, III, no 37).
Or, câest la rĂšgle inverse qui sâapplique en matiĂšre de baux dâhabitation : aux termes de lâalinĂ©a 8 de lâarticle 22 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 tendant Ă amĂ©liorer les rapports locatifs et portant modification de la loi no 86-1290 du 23 dĂ©cembre 1986, introduit par la loi no 2009-323 du 25 mars 2009 dite de mobilisation pour le loge-ment et la lutte contre lâexclusion, câest le propriĂ©taire au jour du terme du bail qui est dĂ©biteur de la restitution. La restitution du dĂ©pĂŽt de garantie incombe donc au nou-veau bailleur, peu important que lâancien bailleur lâait ou non transfĂ©rĂ© Ă son succes-seur ou que le locataire en ait Ă©tĂ© ou non avisĂ©.
La troisiÚme chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé récemment que, « en cas de vente de locaux donnés à bail commercial, la restitution du dépÎt de garan-tie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas à son ayant cause à titre parti-culier » (3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi no 17-18.100).
La solution applicable en matiĂšre de bail commercial est discutable sur le plan pra-tique dĂšs lors que les baux sont gĂ©nĂ©ralement anciens et que les biens font frĂ©quem-ment lâobjet de cession, de sorte que le locataire qui quitte les lieux peut ĂȘtre confrontĂ© Ă des difficultĂ©s pour obtenir la restitution de son dĂ©pĂŽt de garantie.
Il est donc suggĂ©rĂ©, comme proposĂ© depuis le Rapport 2018, dâaligner le rĂ©gime de restitution du dĂ©pĂŽt de garantie en matiĂšre de bail commercial sur celui qui existe en matiĂšre de bail dâhabitation.
Dans le Rapport 2019 la DACS indiquait que la proposition formulĂ©e par la Cour de cassation apparaissait pouvoir ĂȘtre retenue, aprĂšs avis prĂ©alable de la direction gĂ©nĂ©rale des entreprises du ministĂšre de lâĂ©conomie. Cette annĂ©e, la DACS nâa pas fait connaĂźtre sa position sur cette suggestion.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la troisiÚme chambre civile
Condition de ressources en cas de pluralité de locataires
Article 15, III, de la loi nÂș 89-462 du 6 juillet 1989 tendant Ă amĂ©liorer les rapports locatifs et portant modification de la loi nÂș 86-1290 du 23 dĂ©cembre 1986
Ce texte est ainsi rédigé :
« Le bailleur ne peut sâopposer au renouvellement du contrat en donnant congĂ© dans les conditions dĂ©finies au paragraphe I ci-dessus Ă lâĂ©gard de tout locataire ĂągĂ© de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont infĂ©rieures Ă un plafond de ressources en vigueur pour lâattribution des logements locatifs conventionnĂ©s fixĂ© par arrĂȘtĂ© du ministre chargĂ© du logement, sans quâun logement correspondant Ă ses besoins et Ă ses possibilitĂ©s lui soit offert dans les limites gĂ©ographiques prĂ©vues Ă lâarticle 13 bis de la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948 prĂ©citĂ©e. Le prĂ©sent alinĂ©a est Ă©galement applicable lorsque le locataire a Ă sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources prĂ©-citĂ©e et que le montant cumulĂ© des ressources annuelles de lâensemble des personnes vivant au foyer est infĂ©rieur au plafond de ressources dĂ©terminĂ© par lâarrĂȘtĂ© prĂ©citĂ©. »
La condition du cumul des ressources de la « personne Ă charge » et du locataire est expressĂ©ment prĂ©vue par le texte Ă la suite dâune dĂ©cision dâinconstitutionnalitĂ©. Le Conseil constitutionnel (Cons. const., 20 mars 2014, dĂ©cision no 2014-691 DC, Loi pour lâaccĂšs au logement et un urbanisme rĂ©novĂ©) a en effet considĂ©rĂ© quâen ins-tituant une telle protection, sans prendre en compte lâaddition des ressources du loca-taire et de la personne Ă sa charge, ces dispositions permettent que le propriĂ©taire soit, dans certains cas, appelĂ© Ă supporter une charge telle que lâĂ©galitĂ© devant les charges publiques se trouverait mĂ©connue.
Elle ne lâest pas en revanche pour les cotitulaires du bail, lâarticle 15, III, de la loi prĂ©citĂ©e disposant toujours que la protection sâapplique Ă lâĂ©gard de « tout locataire ĂągĂ© de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont infĂ©rieures Ă un plafond de ressources ».
Une telle rédaction invite donc à la prise en compte des revenus du seul locataire ùgé de plus de soixante-cinq ans, ce que décidait la jurisprudence.
La troisiĂšme chambre civile a Ă©tĂ© saisie dâune question prioritaire de constitution-nalitĂ© ainsi posĂ©e (3e Civ., 20 juin 2019, QPC no 19-40.009) :
« Lâarticle 15 III de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 et la jurisprudence du juge judiciaire faisant corps avec cette disposition qui prĂ©cise quâil convient de prendre en compte les revenus de chacun des Ă©poux sĂ©parĂ©ment pour calculer les ressources du locataire ĂągĂ© bĂ©nĂ©ficiant de la protection instituĂ©e par cet article sont-ils conformes Ă la Constitution, en particulier Ă lâarticle 13 de la DĂ©claration des droits de lâhomme et du citoyen qui garantit le principe dâĂ©galitĂ© devant les charges publiques ? »
La troisiĂšme chambre civile a rĂ©pondu que la jurisprudence Ă©voquĂ©e nâavait pas Ă©tĂ© rendue sur le fondement de lâarticle 15, III, dans sa rĂ©daction issue de la loi no 2014- 366 du 24 mars 2014 pour lâaccĂšs au logement et un urbanisme rĂ©novĂ©, qui a modifiĂ© les conditions de ressources du locataire.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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En effet, la loi du 24 mars 2014 prĂ©citĂ©e a modifiĂ© le plafond de ressources, qui est dĂ©sormais fixĂ© par rĂ©fĂ©rence au « plafond de ressources en vigueur pour lâattribution des logements locatifs conventionnĂ©s fixĂ© par arrĂȘtĂ© du ministre chargĂ© du logement ». Ce plafond est dĂ©fini par catĂ©gories de mĂ©nages et implique la prise en considĂ©ration des revenus cumulĂ©s du mĂ©nage.
La question de lâarticulation entre la lettre de lâarticle 15, III, de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 qui invite Ă une prise en considĂ©ration individuelle des ressources de chacun des locataires et la dĂ©termination du nouveau plafond de ressources par rĂ©fĂ©-rence aux revenus cumulĂ©s du mĂ©nage, risque de poser une difficultĂ©, dont on ignore Ă ce jour comment elle sera rĂ©solue par la jurisprudence.
Il pourrait paraĂźtre opportun de modifier lâarticle 15, III, de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 afin de prĂ©ciser comment doit ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e la condition de ressources en cas de pluralitĂ© de locataires, ce qui restituerait sa cohĂ©rence Ă ce texte qui, dâun cĂŽtĂ©, invite Ă prendre en considĂ©ration la situation de « tout locataire [âŠ] dont les res-sources⊠», ce qui implique la prise en considĂ©ration individualisĂ©e de sa situation, de lâautre cĂŽtĂ©, renvoie Ă un plafond qui implique de prendre en considĂ©ration les reve-nus du mĂ©nage, donc de tous les cotitulaires du bail.
Cette suggestion proposĂ©e au Rapport annuel 2019 nâayant pas Ă©tĂ© suivie dâeffet, il convient de la maintenir.
La DACS est dâavis quâen lâĂ©tat du texte, la conjonction dâune apprĂ©ciation indivi-duelle de lâĂ©ligibilitĂ© Ă la protection lĂ©gale et dâun renvoi Ă des plafonds de ressources dĂ©terminĂ©s selon la taille du mĂ©nage entraĂźne une difficultĂ© de comprĂ©hension et dâap-plication de la mesure.
Dans lâhypothĂšse dâun titulaire de bail non Ă©ligible Ă titre personnel, qui prend Ă charge Ă son domicile une personne ĂągĂ©e remplissant les conditions dâĂ©ligibilitĂ©, le Conseil constitutionnel a considĂ©rĂ© que les ressources de ce locataire devaient ĂȘtre prises en compte pour apprĂ©cier son Ă©ligibilitĂ©, sauf Ă mĂ©connaĂźtre le principe dâĂ©ga-litĂ© devant les charges publiques. Il peut sâen dĂ©duire quâau stade de lâapprĂ©ciation du niveau de ressources de la personne ĂągĂ©e Ă charge, les revenus des autres membres du foyer nâĂ©taient donc pas pris en compte. De la mĂȘme façon, on pourrait estimer que les revenus de la personne ĂągĂ©e titulaire dâun bail et sollicitant la protection doivent ĂȘtre apprĂ©ciĂ©s par rĂ©fĂ©rence au plafond de ressources dâun mĂ©nage de catĂ©gorie 1, sans prise en compte des revenus de ses cotitulaires.
La DACS souligne que cela ne ressort toutefois nullement des textes puisquâil est simplement renvoyĂ© au « plafond de ressources en vigueur pour lâattribution des loge-ments locatifs conventionnĂ©s fixĂ© par arrĂȘtĂ© du ministre chargĂ© du logement ».
La DACS considĂšre que la rĂ©daction mĂ©riterait donc dâĂȘtre clarifiĂ©e quant Ă la catĂ©-gorie de mĂ©nage Ă retenir pour la mise en Ćuvre de la protection primaire, afin dâen assurer lâintelligibilitĂ© et la cohĂ©rence avec la protection secondaire.
Cette question doit ĂȘtre soumise Ă lâanalyse de la DHUP, celle-ci entrant pleine-ment dans leur champ de compĂ©tence.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la troisiÚme chambre civile
B. Suggestions nouvelles
Pas de suggestions nouvelles en 2020.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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IV. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIĂRE ET ĂCONOMIQUE
A. Suivi des suggestions de réforme
Cautionnement
Reprise des poursuites par la caution
La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©i-tĂšre la proposition figurant aux Rapports depuis 2016 tendant Ă la modification de lâarticle L. 643-11, II, du code de commerce qui permet, en lâĂ©tat, aux cautions profes-sionnelles dâĂ©chapper Ă lâabsence de reprise des poursuites contre le dĂ©biteur.
Pour rappel, aux termes de ces dispositions, par exception posĂ©e Ă la rĂšgle selon laquelle le jugement de clĂŽture de liquidation judiciaire pour insuffisance dâactif ne fait pas recouvrer aux crĂ©anciers lâexercice individuel de leurs actions contre le dĂ©bi-teur, « les coobligĂ©s et les personnes ayant consenti une sĂ»retĂ© personnelle ou ayant affectĂ© ou cĂ©dĂ© un bien en garantie peuvent poursuivre le dĂ©biteur sâils ont payĂ© Ă la place de celui-ci ».
La rĂšgle ne pose pas de difficultĂ© en son principe, mais dĂšs lors que, en pratique, ce sont essentiellement les cautions qui poursuivent le dĂ©biteur aprĂšs la clĂŽture pour insuffisance dâactif, et que le texte ne distingue pas entre les cautions personnes morales et les cautions personnes physiques, il a Ă©tĂ© constatĂ© que la rĂšgle sâappliquait, en par-ticulier, Ă la caution qui est la filiale de lâĂ©tablissement de crĂ©dit qui a consenti un prĂȘt au dĂ©biteur principal.
Il en rĂ©sulte que lâĂ©tablissement de crĂ©dit, au mĂ©pris de lâesprit du texte, peut, de fait, recouvrer sa crĂ©ance par filiale interposĂ©e et, ainsi, en rĂ©alitĂ©, faire obstacle Ă la libĂ©ration du dĂ©biteur dans un cas oĂč cela ne se justifie pas. Tel Ă©tait le cas soumis Ă la chambre commerciale dans un arrĂȘt du 28 juin 2016 (Com., 28 juin 2016, pour-voi no 14-21.810, Bull. 2016, IV, no 98), mais, en lâĂ©tat du texte, la Cour de cassation nâa pu que constater que « lâarticle L. 643-11, II, du code de commerce, qui autorise la caution qui a payĂ© Ă la place du dĂ©biteur principal Ă le poursuivre, malgrĂ© la clĂŽture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance dâactif, ne distingue pas selon que ce paiement est antĂ©rieur ou postĂ©rieur Ă lâouverture de la procĂ©dure collective, ni suivant la nature, subrogatoire ou personnelle, du recours exercĂ© par la caution ».
Il est donc proposĂ© comme les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes de modifier lâarticle L. 643-11, II, du code de commerce prĂ©citĂ© pour rĂ©server le bĂ©nĂ©fice de lâexception instituĂ©e par ce texte aux cautions personnes physiques et en exclure les personnes morales.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la chambre commerciale, financiÚre et économique
La direction des affaires civiles et du sceau relĂšve que cette proposition de modi-fication lĂ©gislative part du constat que, en pratique, la rĂšgle sâapplique Ă la caution qui est la filiale de lâĂ©tablissement de crĂ©dit qui a consenti un prĂȘt au dĂ©biteur principal. Il ressort de la jurisprudence de la chambre commerciale quâil sâagit dâun moyen permet-tant Ă lâĂ©tablissement de crĂ©dit de recouvrer sa crĂ©ance par filiale interposĂ©e, ce qui fait obstacle Ă la libĂ©ration du dĂ©biteur. Cette solution a notamment Ă©tĂ© confirmĂ©e par un arrĂȘt du 28 juin 2016 (Com., 28 juin 2016, pourvoi no 14-21.810, Bull. 2016, IV, no 98).
Ă cet Ă©gard, la direction des affaires civiles et du sceau a confiĂ© en 2016 au profes-seur Michel Grimaldi le soin de rĂ©unir un groupe de travail « afin quâil identifie les amĂ©liorations susceptibles dâĂȘtre apportĂ©es au livre quatriĂšme du code civil, y compris les champs non couverts par la prĂ©sente ordonnance, tels que le cautionnement ». Le droit des sĂ»retĂ©s avait en effet fait lâobjet dâune rĂ©forme dâensemble par ordonnance du 23 mars 2006, Ă lâexclusion du droit du cautionnement et des privilĂšges, qui avaient Ă©tĂ© Ă©cartĂ©s de lâhabilitation par le Parlement. Les propositions du groupe de travail ont Ă©tĂ© rendues publiques sur le site internet de lâAssociation Henri Capitant en sep-tembre 2017. Ce projet de rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s comprend dĂ©jĂ plusieurs dis-positions relatives Ă lâarticulation entre le droit des sĂ»retĂ©s et les procĂ©dures collectives. Il a Ă©tĂ© complĂ©tĂ© avec dâautres propositions de rĂ©formes portant sur cette articulation et le livre VI du code de commerce, Ă partir notamment des suggestions formulĂ©es par la Cour de cassation.
Des consultations ont Ă©tĂ© menĂ©es par la direction des affaires civiles et du sceau sur ce projet et sur lâarticulation entre le droit des sĂ»retĂ©s et le droit des procĂ©dures col-lectives. Le questionnaire soumis Ă consultation publique comprenait ainsi une ques-tion (no 5.15) relative au recours de la caution aprĂšs clĂŽture de la liquidation judiciaire, laquelle a suscitĂ© des rĂ©actions contrastĂ©es de la part des parties prenantes.
Lâavant-projet de rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s dans son volet relatif Ă lâarticula-tion avec le livre VI du code de commerce, soumis Ă consultation publique au dĂ©but de lâannĂ©e 2021, ne comprenait pas de disposition sur la reprise des poursuites de la caution. Il ressort en effet dâĂ©changes antĂ©rieurs avec plusieurs rĂ©pondants Ă la pre-miĂšre consultation publique effectuĂ©e en 2019 que la suppression de la reprise des poursuites de la caution personne morale pourrait induire des effets de bord, lorsque cette personne morale nâest pas un Ă©tablissement spĂ©cialisĂ© dans ce type de garanties, outre le risque dâun renchĂ©rissement du coĂ»t du crĂ©dit liĂ© Ă lâinterdiction de la reprise des poursuites ici envisagĂ©e.
Sanction du dĂ©faut dâinformation annuelle de la caution
Lâarticle L. 333-2 du code de la consommation dispose que le crĂ©ancier profes-sionnel fait connaĂźtre Ă la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque annĂ©e, le montant du principal et des intĂ©rĂȘts, commissions, frais et accessoires restant Ă courir au 31 dĂ©cembre de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de lâobligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement, et rappelle, si lâengagement est Ă durĂ©e indĂ©ter-minĂ©e, la facultĂ© de rĂ©vocation Ă tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercĂ©e. Lâarticle L. 343-6 de ce code prĂ©voit que, lorsquâun crĂ©ancier ne respecte pas ces obligations, la caution nâest pas tenue au paiement des pĂ©nalitĂ©s ou intĂ©rĂȘts de retard Ă©chus depuis la prĂ©cĂ©dente information jusquâĂ la date de communication de la nouvelle information.
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Cette sanction Ă©tait auparavant prĂ©vue, dans les mĂȘmes termes, par lâarticle L. 341-6 du mĂȘme code, jusquâĂ son abrogation par lâordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 relative Ă la partie lĂ©gislative du code de la consommation.
Lâarticle L. 313-22 du code monĂ©taire et financier dispose par ailleurs que les Ă©ta-blissements de crĂ©dit ou les sociĂ©tĂ©s de financement ayant accordĂ© un concours finan-cier Ă une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque annĂ©e de faire connaĂźtre Ă la caution le montant du principal et des intĂ©rĂȘts, commissions, frais et accessoires restant Ă courir au 31 dĂ©cembre de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de lâobli-gation bĂ©nĂ©ficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement et, si lâengage-ment est Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e, rappellent la facultĂ© de rĂ©vocation Ă tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercĂ©e. Le dĂ©faut dâaccomplissement de cette formalitĂ© emporte, dans les rapports entre la caution et lâĂ©tablissement tenu Ă cette for-malitĂ©, dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts Ă©chus depuis la prĂ©cĂ©dente information jusquâĂ la date de communication de la nouvelle information.
Dans lâhypothĂšse dâun cautionnement donnĂ© par une personne physique Ă un Ă©ta-blissement de crĂ©dit ou une sociĂ©tĂ© de financement ayant accordĂ© un concours finan-cier Ă une entreprise, le crĂ©ancier encourt donc la dĂ©chĂ©ance des pĂ©nalitĂ©s ou intĂ©rĂȘts de retard, selon les dispositions du code de la consommation, et la dĂ©chĂ©ance des intĂ©-rĂȘts, selon les dispositions du code monĂ©taire et financier.
La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©itĂšre sa proposition figurant aux Rapports depuis 2017 en vue dâharmoniser les deux sanctions en prĂ©voyant dans lâarticle L. 313-22 du code monĂ©taire et financier que le crĂ©ancier encourt la dĂ©chĂ©ance des « intĂ©rĂȘts contractuels et pĂ©nalitĂ©s de retard ».
La DACS maintient comme lâannĂ©e passĂ©e son avis favorable Ă une harmonisation des divers textes prĂ©voyant des obligations dâinformation du crĂ©ancier Ă destination de la caution, et observe Ă ce titre que cette proposition rejoint celle formulĂ©e par la premiĂšre chambre civile.
Cette harmonisation a vocation Ă sâinsĂ©rer dans le cadre de la rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s qui sera rĂ©alisĂ©e par ordonnance, en application de lâarticle 60 de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019 relative Ă la croissance et la transformation des entre-prises (loi PACTE).
Aux multiples textes actuels sera substituĂ©e une obligation dâinformation unique, inscrite dans le code civil. Lâavant-projet de rĂ©forme Ă©laborĂ© par lâAssociation Henri Capitant proposait ainsi un nouvel article 2303 du code civil :
« Le crĂ©ancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque annĂ©e, de faire connaĂźtre Ă toute caution personne physique le montant du principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 dĂ©cembre de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente, sous peine de dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts et accessoires Ă©chus depuis la date de la prĂ©cĂ©dente information et jusquâĂ celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le crĂ©an-cier et la caution, les paiements effectuĂ©s pendant cette pĂ©riode sont imputĂ©s prioritai-rement sur le principal de la dette.
Si le cautionnement est à durée indéterminée, le créancier professionnel est, en outre, tenu de rappeler à la caution sa faculté de résiliation. »
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la chambre commerciale, financiÚre et économique
Aux termes de son avant-projet dâordonnance soumis Ă consultation publique au mois de dĂ©cembre 2020, le gouvernement a proposĂ© un nouvel article 2302 ainsi rĂ©digĂ© :
« Le crĂ©ancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque annĂ©e, de faire connaĂźtre Ă toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intĂ©rĂȘts et autres accessoires restant dus au 31 dĂ©cembre de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de lâobligation garantie, sous peine de dĂ©chĂ©ance de la garantie des intĂ©rĂȘts et pĂ©na-litĂ©s Ă©chus depuis la date de la prĂ©cĂ©dente information et jusquâĂ celle de la commu-nication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le crĂ©ancier et la caution, les paiements effectuĂ©s pendant cette pĂ©riode sont imputĂ©s prioritairement sur le prin-cipal de la dette.
Le crĂ©ancier professionnel est tenu, sous la mĂȘme sanction, de rappeler Ă la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e, sa facultĂ© de rĂ©siliation Ă tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut ĂȘtre exercĂ©e.
Le coût de réalisation de cette obligation légale est à la charge du créancier.
Le prĂ©sent article est Ă©galement applicable aux cautionnements souscrits par une personne morale envers un Ă©tablissement de crĂ©dit ou une sociĂ©tĂ© de financement en garantie dâun concours financier accordĂ© Ă une entreprise. »
La sanction consisterait ainsi en la dĂ©chĂ©ance de lâensemble des intĂ©rĂȘts et pĂ©nali-tĂ©s, mais seulement pour la pĂ©riode durant laquelle lâinformation nâa pas Ă©tĂ© fournie.
Banque
Action en responsabilitĂ© appartenant au Fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution â Proposition de modification de lâarticle L. 312-6 du code monĂ©taire et financier
Lâarticle L. 312-5 du code monĂ©taire et financier prĂ©voit que le Fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution agit soit Ă titre prĂ©ventif lorsque la situation dâun Ă©tablisse-ment de crĂ©dit devient prĂ©occupante quant Ă la disponibilitĂ© des fonds des clients, soit Ă titre « curatif » lorsquâun Ă©tablissement de crĂ©dit nâest plus en mesure de restituer les fonds des clients. Le Fonds met en Ćuvre le mĂ©canisme de garantie des dĂ©pĂŽts Ă la demande de lâAutoritĂ© de contrĂŽle prudentiel et de rĂ©gulation (ACPR).
Lâarticle L. 312-6 du mĂȘme code crĂ©e une action en responsabilitĂ© au profit du Fonds, Ă lâencontre des dirigeants de fait et de droit ainsi que, depuis la loi no 2013-672 du 26 juillet 2013 de sĂ©paration et de rĂ©gulation des activitĂ©s bancaires, Ă lâencontre des actionnaires, aux fins dâobtenir le remboursement de tout ou partie des sommes quâil a versĂ©es au titre du mĂ©canisme de garantie des dĂ©pĂŽts.
Cependant, le lĂ©gislateur a omis de prĂ©ciser les modalitĂ©s procĂ©durales de lâexer-cice de cette action.
Par un arrĂȘt du 6 dĂ©cembre 2005 (Com., 6 dĂ©cembre 2005, pourvoi no 03-11.858, Bull. 2005, IV, no 239), la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique a jugĂ© quâ« il rĂ©sulte des termes mĂȘmes de la loi du 25 juin 1999 » (devenue lâarticle L. 312-6 du code monĂ©taire et financier) « que le lĂ©gislateur a entendu confĂ©rer au Fonds le pouvoir
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dâexercer Ă lâencontre des dirigeants des Ă©tablissements de crĂ©dit Ă lâorigine de la situa-tion ayant rendu nĂ©cessaire son intervention, fĂ»t-ce Ă titre prĂ©ventif, toutes les actions en responsabilitĂ© dĂ©jĂ existantes, de sorte que lâaction engagĂ©e ne se heurtait pas au principe » de non-rĂ©troactivitĂ© des lois.
Les actions en responsabilitĂ© Ă©tant, selon la Cour de cassation, « dĂ©jĂ existantes », un deuxiĂšme dĂ©bat concernant le dĂ©lai dans lequel le Fonds peut agir ainsi que le point de dĂ©part de ce dĂ©lai sâest ouvert.
Dans un arrĂȘt du 30 mars 2010 (Com., 30 mars 2010, pourvoi no 08-17.841, Bull. 2010, IV, no 69), la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation, faisant application des dispositions de lâarticle L. 225-254 du code de commerce, a retenu que le point de dĂ©part de la prescription triennale de lâaction en responsabilitĂ© contre les dirigeants de droit devait ĂȘtre fixĂ© Ă la date de la rĂ©vĂ©lation du fait domma-geable, dans une hypothĂšse oĂč celui-ci avait Ă©tĂ© dissimulĂ©.
La fixation du point de dĂ©part du dĂ©lai de prescription au jour du fait domma-geable ou, en cas de dissimulation, de sa rĂ©vĂ©lation peut avoir pour effet de priver le Fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution de facto de toute possibilitĂ© de recouvrer les fonds versĂ©s, dans les cas notamment oĂč ce dĂ©lai serait dĂ©jĂ expirĂ© au moment de leur versement.
Ainsi, dans lâespĂšce ayant donnĂ© lieu Ă un arrĂȘt de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique en date du 9 janvier 2019 (Com., 9 janvier 2019, pourvoi no 16-23.675), il a Ă©tĂ© jugĂ© que la prescription de trois ans avait commencĂ© Ă courir au jour des faits dommageables, soit en mai 1996. Le Fonds nâayant versĂ© les sommes Ă lâĂ©tablissement concernĂ© quâen 2000, il apparaĂźt que lâaction en responsabilitĂ© dont il disposait Ă©tait dĂ©jĂ prescrite Ă cette date.
Cet arrĂȘt illustre les difficultĂ©s de mise en Ćuvre de lâaction prĂ©vue par lâar-ticle L. 312-6 du code monĂ©taire et financier, Ă dĂ©faut de rĂšgles spĂ©cifiques de pres-cription rĂ©gissant cette action.
La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©i-tĂšre comme lâannĂ©e passĂ©e sa suggestion de modifier lâarticle L. 312-6 du code monĂ©-taire et financier afin que des rĂšgles spĂ©cifiques de prescription soient fixĂ©es sâagissant de lâaction en responsabilitĂ© prĂ©vue par cette disposition.
La direction des affaires civiles et du sceau avait indiquĂ© au Rapport 2018 ne pas ĂȘtre opposĂ©e Ă la crĂ©ation dâun dĂ©lai de prescription spĂ©cifique Ă lâaction en responsa-bilitĂ© du Fonds contre le dirigeant. Cette suggestion nâayant nĂ©anmoins pas Ă©tĂ© suivie dâeffet, il convient de la maintenir.
La DACS rĂ©itĂšre nâĂȘtre toujours pas opposĂ©e Ă la crĂ©ation dâun dĂ©lai de prescrip-tion spĂ©cifique, mais que cette question relĂšve du ministĂšre de lâĂ©conomie, des finances et de la restructuration.
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Procédures collectives
Cession « Dailly » consentie à titre de garantie pendant la période suspecte
Lâarticle L. 632-1 du code de commerce dispose que sont nuls de plein droit, lorsquâils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, dâune part, « tout paiement, quel quâen ait Ă©tĂ© le mode, pour dettes non Ă©chues au jour du paiement » (3o) et, dâautre part, « toute hypothĂšque conventionnelle, toute hypothĂšque judiciaire ainsi que lâhy-pothĂšque lĂ©gale des Ă©poux et tout droit de nantissement ou de gage constituĂ©s sur les biens du dĂ©biteur pour dettes antĂ©rieurement contractĂ©es » (6o).
La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation a jugĂ© que la cession de crĂ©ances professionnelles par bordereau Dailly effectuĂ©e Ă titre de garantie nâest pas une constitution dâun droit de nantissement sur un bien du dĂ©bi-teur (Com., 28 mai 1996, pourvoi no 94-10.361, Bull. 1996, IV, no 151) et ne constitue pas un paiement (Com., 22 mars 2017, pourvoi no 15-15.361, Bull. 2017, IV, no 43), de sorte quâune telle garantie consentie pendant la pĂ©riode suspecte Ă©chappe Ă la nullitĂ© prĂ©vue par les dispositions prĂ©citĂ©es.
La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation main-tient sa proposition figurant au Rapport 2018 de remplacer la liste des garanties Ă©noncĂ©e par lâarticle L. 632-1, 6o, du code de commerce par les termes : « toute garantie consti-tuĂ©e sur les biens du dĂ©biteur pour dettes antĂ©rieurement contractĂ©es ».
La direction des affaires civiles et du sceau observe que la situation du crĂ©ancier cessionnaire « Dailly » suppose de distinguer selon que la cession de crĂ©ances pro-fessionnelles a Ă©tĂ© opĂ©rĂ©e sous forme de cession « Dailly » â escompte ou de cession « Dailly » â garantie.
Dans la cession « Dailly » conclue Ă titre dâescompte, le crĂ©ancier cessionnaire acquiert les crĂ©ances et, par le paiement du prix, fournit au client cĂ©dant de la trĂ©so-rerie. Il sâagit dâune opĂ©ration de crĂ©dit. Dans la cession « Dailly » conclue Ă titre de garantie, le crĂ©ancier cessionnaire consent un crĂ©dit Ă son client, sans lien direct avec les crĂ©ances professionnelles cĂ©dĂ©es. Cette cession Ă titre de garantie prĂ©sente la par-ticularitĂ© de pouvoir ĂȘtre effectuĂ©e sans prix (article L. 313-24 du code monĂ©taire et financier). Les crĂ©ances sont cĂ©dĂ©es au banquier jusquâĂ ce que le crĂ©dit soit remboursĂ©. Il sâagit ici dâune garantie et non dâune opĂ©ration de crĂ©dit qui Ă©chappe Ă la nullitĂ© de droit de la pĂ©riode suspecte du paiement pour dettes non Ă©chues, prĂ©vue au 3o du I de lâarticle L. 632-1 du code de commerce.
Il convient donc de sâinterroger sur lâopportunitĂ© de maintenir un tel rĂ©gime de faveur pour le crĂ©ancier cessionnaire « Dailly » Ă titre de garantie, par rapport aux crĂ©anciers bĂ©nĂ©ficiaires dâune des sĂ»retĂ©s listĂ©es au 6o du I de lâarticle L. 632-1 (hypo-thĂšque, nantissement ou gage).
La proposition de la Cour de cassation prĂ©sente a priori le mĂ©rite dâadopter un mĂȘme rĂ©gime pour lâensemble des « garanties » conclues pendant la pĂ©riode suspecte.
Toutefois, la rĂ©fĂ©rence Ă la notion de « garantie », si elle est source dâunitĂ©, risque dâengendrer des difficultĂ©s dâinterprĂ©tation quant Ă son champ dâapplication. Cette notion de « garantie » regroupe en outre potentiellement tous les avantages procurĂ©s
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Ă un crĂ©ancier dans le but de faire face au dĂ©faut de son dĂ©biteur, comme le crĂ©dit-bail ou lâassurance-crĂ©dit. Or, il nâest pas certain quâil soit opportun dâinscrire une rĂšgle identique pour toutes ces garanties contractuelles dont une liste exhaustive ne peut ĂȘtre dressĂ©e, sans distinction.
La cession « Dailly » conclue Ă titre de garantie prĂ©sente en outre des similitudes avec la fiducie. Les deux garanties constituent deux formes de propriĂ©tĂ©-sĂ»retĂ©. La fiducie connaĂźt, Ă ce titre, un rĂ©gime spĂ©cifique en pĂ©riode suspecte (aux 9o et 10o du I de lâarticle L. 632-1 du code de commerce). Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire est nul lorsquâil est intervenu depuis la date de cessation des paiements, Ă moins que ce transfert ne soit intervenu Ă titre de garantie dâune dette concomitamment contractĂ©e. Seule la fiducie-sĂ»retĂ© conclue en garantie dâun nouveau financement Ă©chappe ainsi Ă la nullitĂ© de la pĂ©riode suspecte.
Lâavant-projet de rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s, dans son volet relatif Ă lâarticula-tion avec le livre VI du code de commerce, soumis Ă consultation publique au dĂ©but de lâannĂ©e 2021, prĂ©voit de modifier le 6o de lâarticle L. 632-1 du code de commerce pour remplacer lâĂ©numĂ©ration actuelle par toute sĂ»retĂ© rĂ©elle conventionnelle consti-tuĂ©e sur les biens du dĂ©biteur pour dettes antĂ©rieurement contractĂ©es. Une telle modi-fication Ă©tendrait lâapplication de cet alinĂ©a Ă la cession « Dailly » et plus gĂ©nĂ©ralement Ă toutes les sĂ»retĂ©s rĂ©elles conventionnelles.
Pourvoi du ministĂšre public contre une dĂ©cision statuant sur la durĂ©e de la pĂ©riode dâobservation
En matiĂšre de sauvegarde, il rĂ©sulte de lâarticle L. 621-3 du code de commerce (applicable au redressement judiciaire en vertu de lâarticle L. 631-7 du mĂȘme code) que « le jugement ouvre une pĂ©riode dâobservation dâune durĂ©e maximale de six mois qui peut ĂȘtre renouvelĂ©e une fois, pour une durĂ©e maximale de six mois, par dĂ©cision motivĂ©e Ă la demande de lâadministrateur, du dĂ©biteur ou du ministĂšre public » et il est ajoutĂ© quâ« elle peut en outre ĂȘtre exceptionnellement prolongĂ©e Ă la demande du procureur de la RĂ©publique par dĂ©cision motivĂ©e du tribunal pour une durĂ©e maxi-male de six mois ».
Il ressort des Ă©lĂ©ments parvenus Ă la connaissance de la Cour de cassation de maniĂšre informelle que dans dâassez nombreux tribunaux de commerce des prolonga-tions exceptionnelles au-delĂ dâun an interviennent sans demande du procureur de la RĂ©publique, voire contre son avis exprĂšs. Le plus souvent, le tribunal est saisi par lâad-ministrateur, mais se saisit parfois dâoffice. Cette pratique peut trouver une justification dans un arrĂȘt de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique du 10 juin 2008 (Com., 10 juin 2008, pourvoi no 07-17.043, Bull. 2008, IV, no 115) qui a jugĂ© que ni la loi, ni son dĂ©cret dâapplication ne sanctionnent le dĂ©passement des dĂ©lais de la pĂ©riode dâobservation, non plus que sa prolongation exceptionnelle en lâabsence de demande du procureur de la RĂ©publique.
Cette pratique des tribunaux de commerce prend Ă revers plusieurs Ă©volutions majeures de la lĂ©gislation des procĂ©dures collectives : cĂ©lĂ©ritĂ© de la procĂ©dure, rĂŽle rĂ©gulateur du ministĂšre public et interdiction de la saisine dâoffice.
Sâil ne paraĂźt pas nĂ©cessaire que le lĂ©gislateur lâait prĂ©vue pour quâune violation de la loi encoure la censure de la Cour de cassation, cette pratique est nĂ©anmoins difficile
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Ă faire sanctionner par la Cour, car il rĂ©sulte du jeu combinĂ© des articles L. 661-6 et L. 661-7 du code de commerce quâil nâest pas possible (mĂȘme pour le ministĂšre public) de se pourvoir contre les dĂ©cisions statuant sur la durĂ©e de la pĂ©riode dâobser-vation (la question de la recevabilitĂ© du pourvoi nâavait pas Ă©tĂ© posĂ©e dans le dossier qui a abouti Ă la dĂ©cision du 10 juin 2008, pourvoi no 07-17.043, prĂ©citĂ©e).
ConformĂ©ment Ă la jurisprudence de la Cour de cassation, le pourvoi reste possible en cas dâexcĂšs de pouvoir. Mais la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour considĂšre que le tribunal qui prolonge exceptionnellement, pour une durĂ©e nâexcĂ©dant pas six mois, la pĂ©riode dâobservation en lâabsence de demande du ministĂšre public ou en dĂ©pit de lâopposition de celui-ci ne commet pas dâexcĂšs de pouvoir. Elle a donc dĂ©clarĂ© irrecevable le pourvoi formĂ© par le ministĂšre public Ă lâencontre dâun arrĂȘt de cour dâappel ayant refusĂ© dâannuler un jugement statuant en ce sens (Com., 13 dĂ©cembre 2017, pourvoi no 16-50.051, Bull. 2017, IV, no 166).
La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©itĂšre donc comme depuis 2018 sa suggestion de dire dans lâarticle L. 661-7 du code de com-merce (alinĂ©a 2) que « le pourvoi en cassation nâest ouvert quâau ministĂšre public Ă lâen-contre des arrĂȘts rendus en application du I-2o de lâarticle L. 661-6 », le reste inchangĂ©.
La direction des affaires civiles et du sceau rappelle que, Ă lâinstar du redressement judiciaire, lâouverture dâune procĂ©dure de sauvegarde permet au dĂ©biteur de bĂ©nĂ©ficier durant la pĂ©riode dâobservation dâune protection trĂšs Ă©tendue. La durĂ©e de la pĂ©riode dâobservation doit ĂȘtre ainsi strictement encadrĂ©e et limitĂ©e dans le temps afin de res-pecter la concurrence. Il est Ă©galement nĂ©cessaire dâĂ©viter des dĂ©lais excessifs pendant lesquels lâentreprise continue de gĂ©nĂ©rer du passif sans perspective de redressement.
Au niveau européen, la volonté de célérité des procédures préventives comme la sauvegarde est également un des objectifs de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 dite « restructuration et insolvabilité » (article 6.8) qui limite à douze mois la durée totale de la période de suspension des poursuites, pro-longations et renouvellements compris.
La loi confĂšre au procureur de la RĂ©publique, garant de lâordre public Ă©conomique, dont le rĂŽle et les facultĂ©s de recours ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement renforcĂ©s au cours des derniĂšres rĂ©formes, le pouvoir exclusif de solliciter la prorogation exceptionnelle de la pĂ©riode dâobservation. Il sâagit dâune disposition lĂ©gale impĂ©rative. Tout autre mode de saisine (par lâadministrateur ou dâoffice du tribunal) doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme irrĂ©gulier.
La violation de la loi dans les dĂ©cisions des cours dâappel qui auraient passĂ© outre lâabsence de demande du ministĂšre public (ou auraient approuvĂ© la juridiction de pre-miĂšre instance qui aurait fait de mĂȘme) doit pouvoir ĂȘtre sanctionnĂ©e.
La chancellerie est donc favorable Ă la proposition tendant Ă ouvrir au ministĂšre public le pourvoi en cassation contre les dĂ©cisions rendues par les cours dâappel sta-tuant sur la durĂ©e de la pĂ©riode dâobservation.
Une telle proposition de rĂ©forme est actuellement Ă lâĂ©tude dans le cadre de la prĂ©-paration de la transposition de la directive « restructuration et insolvabilitĂ© » Ă laquelle le gouvernement est habilitĂ© Ă procĂ©der par ordonnance sur habilitation de lâarticle 196 de la loi PACTE.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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ProcĂ©dures collectives â Distinction de lâirrecevabilitĂ© de la dĂ©claration de crĂ©ance et du rejet de la crĂ©ance
Lorsquâun dĂ©biteur est soumis Ă une procĂ©dure collective (sauvegarde, redresse-ment ou liquidation judiciaire), lâarticle L. 622-24 du code de commerce impose en principe Ă son crĂ©ancier de dĂ©clarer sa crĂ©ance au passif dans un certain dĂ©lai, afin dâĂȘtre admis dans les rĂ©partitions et dividendes susceptibles dâintervenir dans le cadre de cette procĂ©dure. Il appartient ensuite au juge-commissaire de statuer sur le sort de cette crĂ©ance, en application de lâarticle L. 624-2 du code de commerce. Ce texte dis-pose, Ă lâinstar de lâancien article L. 621-104, quâ « au vu des propositions du manda-taire judiciaire, le juge-commissaire dĂ©cide de lâadmission ou du rejet des crĂ©ances ou constate soit quâune instance est en cours, soit que la contestation ne relĂšve pas de sa compĂ©tence », lâordonnance no 2014-326 du 12 mars 2014 ayant ajoutĂ© quâ « En lâab-sence de contestation sĂ©rieuse, le juge-commissaire a Ă©galement compĂ©tence, dans les limites de la compĂ©tence matĂ©rielle de la juridiction qui lâa dĂ©signĂ©, pour statuer sur tout moyen opposĂ© Ă la demande dâadmission. »
Sous lâempire de la lĂ©gislation antĂ©rieure Ă la loi no 2005-845 du 26 juillet 2015 de sauvegarde des entreprises (article 53 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 rela-tive au redressement et Ă la liquidation judiciaires des entreprises, devenu lâancien article L. 621-46 du code de commerce), la Cour de cassation jugeait que la dĂ©clara-tion de crĂ©ance irrĂ©guliĂšre (notamment en raison du dĂ©faut de pouvoir du dĂ©clarant) valait absence de dĂ©claration, ce qui emportait extinction de la crĂ©ance.
Depuis la loi de sauvegarde des entreprises, la crĂ©ance non dĂ©clarĂ©e est non plus Ă©teinte, mais inopposable Ă la procĂ©dure collective (article L. 622-26 du code de com-merce). La crĂ©ance non dĂ©clarĂ©e continue par consĂ©quent dâexister (v. par ex. : Com., 3 novembre 2010, pourvoi no 09-70.312, Bull. 2010, IV, no 165 ; Com., 8 septembre 2015, pourvoi no 14-15.831, Bull. 2015, IV, no 126 ; Com., 6 juin 2018, pourvoi no 16-23.996, Bull. 2018, IV, no 69), de sorte quâelle est opposable Ă la caution (Com., 12 juillet 2011, pourvoi no 09-71.113, Bull. 2011, IV, no 118).
Et lorsque la dĂ©claration de crĂ©ance est irrĂ©guliĂšre, la Cour de cassation, recondui-sant la jurisprudence antĂ©rieure, juge que lâarticle L. 624-2 du code de commerce « ne distingue pas entre les diffĂ©rents motifs de rejet dâune crĂ©ance dĂ©clarĂ©e, de sorte que la dĂ©cision par laquelle le juge-commissaire retient quâune crĂ©ance a Ă©tĂ© irrĂ©guliĂšrement dĂ©clarĂ©e et ne peut ĂȘtre admise au passif est, au sens du texte prĂ©citĂ©, une dĂ©cision de rejet de la crĂ©ance » (Com., 4 mai 2017, pourvoi no 15-24.854, Bull. 2017, IV, no 65).
La Cour de cassation en a dĂ©duit que cela entraĂźne lâextinction de la sĂ»retĂ© qui garan-tissait la crĂ©ance (Com., 4 mai 2017, prĂ©citĂ©) et que la caution peut se prĂ©valoir de lâab-sence de dĂ©claration rĂ©guliĂšre de la crĂ©ance (Com., 17 mai 2017, pourvoi no 15-25.802).
Cette jurisprudence, qui assimile lâirrecevabilitĂ© de la dĂ©claration de crĂ©ance et le rejet de la crĂ©ance, trouve son origine dans la rĂ©daction mĂȘme de lâarticle L. 624-2 du code de commerce, prĂ©citĂ©, qui prĂ©voit que le juge-commissaire ne peut prendre que trois types de dĂ©cision : une dĂ©cision de rejet de la crĂ©ance dĂ©clarĂ©e, une dĂ©cision dâadmission de cette crĂ©ance ou une dĂ©cision dâincompĂ©tence, sans prĂ©voir que ce juge puisse dĂ©clarer irrecevable une dĂ©claration de crĂ©ance irrĂ©guliĂšre.
De nombreux auteurs ont critiquĂ© cette jurisprudence, et ce pour deux sĂ©ries de rai-sons. Dâabord, selon les principes rĂ©gissant la procĂ©dure civile, lorsquâune prĂ©tention est
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la chambre commerciale, financiÚre et économique
jugĂ©e irrecevable, il est fait interdiction au juge dâexaminer cette prĂ©tention sur le fond. Ainsi, au cas particulier de la dĂ©claration de crĂ©ance, si le juge-commissaire constate lâirrĂ©gularitĂ© de la dĂ©claration de crĂ©ance en raison dâune fin de non-recevoir (dĂ©faut de qualitĂ© ou de pouvoir du dĂ©clarant, notamment) ou dâune exception de nullitĂ©, ce juge ne statue pas sur le fond de la crĂ©ance ; il se prononce seulement sur un moyen de dĂ©fense en application de ses pouvoirs gĂ©nĂ©raux de juge. Ensuite et surtout, cette juris-prudence aboutit Ă ce que le crĂ©ancier qui ne dĂ©clare pas sa crĂ©ance soit mieux traitĂ© que le crĂ©ancier qui a mal dĂ©clarĂ© sa crĂ©ance, puisque, dans la premiĂšre hypothĂšse, la crĂ©ance nâĂ©tant pas considĂ©rĂ©e comme rejetĂ©e, le crĂ©ancier peut toujours actionner la caution de son dĂ©biteur dĂ©faillant.
Il conviendrait, dĂšs lors, de modifier lâarticle L. 624-2 du code de commerce afin de prĂ©ciser explicitement que, parmi les pouvoirs du juge-commissaire statuant en matiĂšre de vĂ©rification du passif, se trouve le pouvoir de dire irrecevable une dĂ©cla-ration de crĂ©ance irrĂ©guliĂšre et que, dans ce cas, cette irrecevabilitĂ© nâĂ©quivaut pas Ă un rejet de la crĂ©ance emportant, pour le crĂ©ancier, la perte des sĂ»retĂ©s qui pouvaient garantir sa crĂ©ance.
MalgrĂ© lâavis favorable de la DACS en 2019 cette suggestion nâa pas Ă©tĂ© suivie dâef-fet, il convient donc de la rĂ©itĂ©rer pour lâannĂ©e 2020.
La DACS rappelle que la loi PACTE habilite le gouvernement à transposer la direc-tive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 dite « res-tructuration et insolvabilité ». Le choix a été effectué de transposer le titre II de cette directive sur les cadres de restructuration préventive en procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.
La prise en compte des droits et intĂ©rĂȘts des diffĂ©rents crĂ©anciers appelĂ©s Ă voter sur le projet de plan de restructuration par classes de crĂ©anciers implique de sâassurer en amont dâune clartĂ© du dispositif de dĂ©claration de crĂ©ances et des consĂ©quences qui sont susceptibles dâen ĂȘtre tirĂ©es pour les crĂ©anciers, en particulier sâagissant des sĂ»re-tĂ©s dont ils bĂ©nĂ©ficient.
Un bilan du dispositif de la dĂ©claration de crĂ©ances et des derniĂšres rĂ©formes pour-rait en outre ĂȘtre opportunĂ©ment rĂ©alisĂ© Ă lâoccasion de ces travaux de transposition.
La diffĂ©rence de traitement entre le crĂ©ancier qui nâa pas dĂ©clarĂ© sa crĂ©ance et celui qui lâa mal dĂ©clarĂ©e nâapparaĂźt pas justifiĂ©e. Une modification de lâarticle L. 624-2 du code de commerce dans le sens proposĂ© par la Cour de cassation est dâores et dĂ©jĂ Ă lâĂ©tude dans le cadre de la prĂ©paration des projets dâordonnances et a Ă©tĂ© soumise Ă la consultation publique ouverte au dĂ©but de lâannĂ©e 2021.
ProcĂ©dures collectives â ResponsabilitĂ© pour insuffisance dâactif â NĂ©gligence
La responsabilitĂ© pour insuffisance dâactif est, aux termes de lâarticle L. 651-1 du code de commerce, applicable « aux dirigeants dâune personne morale de droit privĂ© soumise Ă une procĂ©dure collective, ainsi quâaux personnes physiques reprĂ©sentants per-manents de ces dirigeants personnes morales et aux entrepreneurs individuels Ă respon-sabilitĂ© limitĂ©e ». Cette responsabilitĂ© ne concerne donc pas uniquement les dirigeants de sociĂ©tĂ©s, mais aussi, par exemple, les dirigeants dâassociations.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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Lâarticle L. 651-2, alinĂ©a 1, de ce code dĂ©finit les conditions de mise en Ćuvre de la responsabilitĂ© pour insuffisance dâactif, laquelle est conditionnĂ©e Ă la constata-tion dâune « faute de gestion ayant contribuĂ© Ă cette insuffisance dâactif ». Cependant, afin dâĂ©viter la condamnation dâun dirigeant en cas de faute de « simple nĂ©gligence », la loi no 2016- 1691 du 9 dĂ©cembre 2016 relative Ă la transparence, Ă la lutte contre la corruption et Ă la modernisation de la vie Ă©conomique y a ajoutĂ© cette prĂ©cision : « Toutefois, en cas de simple nĂ©gligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la sociĂ©tĂ©, sa responsabilitĂ© au titre de lâinsuffisance dâactif ne peut ĂȘtre engagĂ©e. »
La portĂ©e de cette modification lĂ©gislative suscite une difficultĂ© dâinterprĂ©tation en ce que lâon pourrait se demander si lâintention du lĂ©gislateur est que seul le dirigeant dâune sociĂ©tĂ© puisse bĂ©nĂ©ficier de ces nouvelles dispositions, de sorte que la faute de simple nĂ©gligence du dirigeant dâune personne morale autre quâune sociĂ©tĂ© (telle une association) pourrait, au contraire, ĂȘtre retenue. Si, au contraire, lâintention du lĂ©gisla-teur est que cette modification lĂ©gislative profite Ă tous les dirigeants, quelle que soit la personne morale concernĂ©e, il conviendrait de modifier la fin de lâarticle L. 651-2, alinĂ©a 1er, en Ă©voquant la simple nĂ©gligence « dans la gestion de la personne morale. »
La DACS rappelle que la loi no 2016-1691 du 9 dĂ©cembre 2016 relative Ă la trans-parence, Ă la lutte contre la corruption et Ă la modernisation de la vie Ă©conomique a modifiĂ© lâarticle L. 651-2 du code de commerce afin dâintroduire une attĂ©nuation dans lâapprĂ©ciation de la gravitĂ© de la faute, condition de lâaction en responsabilitĂ© pour insuffisance dâactif du dirigeant. En cas de simple nĂ©gligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la sociĂ©tĂ©, sa responsabilitĂ© au titre de lâinsuffisance dâactif ne peut ainsi ĂȘtre engagĂ©e.
Le premier alinĂ©a issu de cette derniĂšre rĂ©forme tend nĂ©anmoins, dans sa rĂ©dac-tion actuelle, Ă engendrer une confusion dĂšs lors quâil est fait rĂ©fĂ©rence Ă la liquidation judiciaire dâune personne morale puis à « la simple nĂ©gligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la sociĂ©tĂ© ».
Il nâexiste pas a priori de raison dâexclure les dirigeants des personnes morales autres que les sociĂ©tĂ©s, telles les associations, du bĂ©nĂ©fice de cette rĂ©forme. La DACS a par consĂ©quent proposĂ© une modification lĂ©gislative de cet article pour une application, sans distinction, Ă lâensemble des dirigeants des personnes morales concernĂ©es. Cette modification a Ă©tĂ© soumise Ă consultation publique au dĂ©but de lâannĂ©e 2021, en mĂȘme temps que lâavant-projet dâordonnance relative Ă la transposition de la directive « res-tructuration et insolvabilitĂ© ».
B. Suggestions nouvelles
La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique nâa pas de suggestions nou-velles Ă formuler pour lâannĂ©e 2020.
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la chambre sociale
V. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA CHAMBRE SOCIALE
A. Suivi des suggestions de réforme
Droit du travail
Rémunération du temps de trajet des salariés itinérants
Par un arrĂȘt du 10 septembre 2015 (CJUE, arrĂȘt du 10 septembre 2015, FederaciĂłn de servicios privados del sindicato Comisiones obreras, C-266/14), la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne a dit pour droit que « lâarticle 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de lâamĂ©nagement du temps de travail, [devait] ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens que [lorsque] les travailleurs nâont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du âtemps de travailâ, au sens de cette disposition, le temps de dĂ©placement que ces travailleurs consacrent aux dĂ©placements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients dĂ©signĂ©s par leur employeur ».
Selon lâarticle L. 3121-4 du code du travail, le temps de dĂ©placement profession-nel pour se rendre sur le lieu dâexĂ©cution du contrat de travail nâest pas un temps de travail effectif et nâouvre droit Ă une contrepartie sous forme de repos ou de compen-sation financiĂšre que dans lâhypothĂšse oĂč il dĂ©passe le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.
Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation juge que le temps de trajet entre le domicile dâun salariĂ© itinĂ©rant et le lieu de travail assignĂ© par lâemployeur ne constitue pas un temps de travail effectif et ne peut donner lieu quâĂ contrepartie (Soc., 14 novembre 2012, pourvoi no 11-18.571, Bull. 2012, V, no 295 ; Soc., 24 sep-tembre 2014, pourvoi no 12-29.209). Dans un arrĂȘt rĂ©cent (Soc., 30 mai 2018, pour-voi no 16-20.634, Bull. 2018, V, no 97), saisie par un salariĂ© qui faisait grief Ă lâarrĂȘt de le dĂ©bouter de sa demande en paiement dâun rappel de salaires au titre des heures sup-plĂ©mentaires, la chambre sociale de la Cour de cassation a encore jugĂ© « quâainsi que lâa Ă©noncĂ© lâarrĂȘt de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne C-266/14 du 10 sep-tembre 2015 (Tyco, points 48 et 49), il rĂ©sulte de la jurisprudence de la Cour que, exception faite de lâhypothĂšse particuliĂšre visĂ©e Ă lâarticle 7, paragraphe 1, de la direc-tive 2003/88 en matiĂšre de congĂ© annuel payĂ©, celle-ci se borne Ă rĂ©glementer cer-tains aspects de lâamĂ©nagement du temps de travail, de telle sorte que, en principe, elle ne trouve pas Ă sâappliquer Ă la rĂ©munĂ©ration des travailleurs (voir arrĂȘt Dellas e. a., C-14/04, EU : C : 2005 : 728, point 38, ainsi que ordonnances Vorel, C-437/05, EU : C : 2007 : 23, point 32, et Grigore, C-258/10, EU : C : 2011 : 122, points 81 et 83), et que, partant, le mode de rĂ©munĂ©ration des travailleurs dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle les travailleurs nâont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des dĂ©placements quotidiens entre leur domicile et les sites
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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du premier et du dernier clients dĂ©signĂ©s par leur employeur, relĂšve, non pas de ladite directive, mais des dispositions pertinentes du droit national ; et attendu que la cour dâappel, aprĂšs avoir exactement retenu par motifs adoptĂ©s quâen application de lâar-ticle L. 3121-4 du code du travail dans sa rĂ©daction applicable au litige, le temps de dĂ©placement qui dĂ©passe le temps normal de trajet doit faire lâobjet dâune contrepar-tie, soit sous forme de repos, soit sous forme financiĂšre, a estimĂ© que le salariĂ© avait Ă©tĂ© indemnisĂ© de ses temps de dĂ©placement ».
La rĂ©daction du premier alinĂ©a de lâarticle L. 3121-4 du code du travail semble faire obstacle Ă une interprĂ©tation de ce texte en conformitĂ© avec le droit de lâUnion europĂ©enne.
Afin dâĂ©viter une action en manquement contre la France et des actions en res-ponsabilitĂ© contre lâĂtat du fait dâun dĂ©faut de mise en Ćuvre de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 prĂ©citĂ©e, et au vu de la jurisprudence de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne sur lâeffet direct horizontal de la Charte des droits fondamentaux (CJUE, gde chbre, arrĂȘt du 6 novembre 2018, Bauer, C-569/16 ; CJUE, gde chbre, arrĂȘt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C-684/16) la proposition figurant aux Rapports depuis 2015 de modifier ce texte de droit interne est maintenue.
B. Suggestions nouvelles
Allaitement dâun enfant sur le lieu de travail
La partie lĂ©gislative du code du travail comprend une sous-section spĂ©cifique consa-crĂ©e Ă lâallaitement (PremiĂšre partie : Les relations individuelles de travail ; Livre II : Le contrat de travail ; Titre II : Formation et exĂ©cution du contrat de travail ; Chapitre V : MaternitĂ©, paternitĂ©, adoption et Ă©ducation des enfants ; Section 1 : Protection de la grossesse et de la maternitĂ© ; Sous-section 5 : Dispositions particuliĂšres Ă lâallaitement), qui compte 4 articles, complĂ©tĂ©s par plusieurs dispositions rĂ©glementaires.
Article L. 1225-30. â Pendant une annĂ©e Ă compter du jour de la naissance, la salariĂ©e allaitant son enfant dispose Ă cet effet dâune heure par jour durant les heures de travail.
Article L. 1225-31. â La salariĂ©e peut allaiter son enfant dans lâĂ©tablissement.
Article L. 1225-32. â Tout employeur employant plus de cent salariĂ©es peut ĂȘtre mis en demeure dâinstaller dans son Ă©tablissement ou Ă proximitĂ© des locaux dĂ©diĂ©s Ă lâallaitement.
Article L. 1225-33. â Un dĂ©cret en Conseil dâĂtat dĂ©termine, suivant lâimportance et la nature des Ă©tablissements, les conditions dâapplication de la prĂ©sente sous-section.
Voir Ă©galement les articles R. 4152-13 Ă R. 4152-28 du code du travail sur le local dâallaitement.
Ces articles sont issus dâune loi adoptĂ©e le 5 aoĂ»t 1917. Ils nâont pas Ă©tĂ© modifiĂ©s depuis et lâaffaire qui a donnĂ© lieu Ă lâarrĂȘt de la chambre sociale de la Cour de cassation
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/ Propositions de réforme en matiÚre civile pour la chambre sociale
(Soc., 25 novembre 2020, pourvoi no 19-19.996, publiĂ© au Bulletin) montre quâils ne sont plus adaptĂ©s et quâils sont susceptibles de poser des difficultĂ©s dâapplication.
Ce sont notamment les articles L. 1225-32 et R. 4152-13 Ă R. 4152-28 du code du travail qui posent des difficultĂ©s dâapplication.
Dâune part, ces articles laissent entiĂšre la question des modalitĂ©s de lâallaitement en direct dâun enfant sur le lieu de travail, sâagissant des entreprises de moins de 100 salariĂ©es.
Dâautre part, dans les entreprises de plus de 100 salariĂ©es, câest une vĂ©ritable crĂšche dâentreprise qui est dĂ©crite par les articles R. 4152-13 et suivants (lâemployeur doit four-nir un berceau pour chaque enfant, le local ne peut pas contenir plus de 12 enfants, lâemployeur doit fournir du linge en quantitĂ© suffisante pour que les enfants puissent ĂȘtre changĂ©s aussi souvent que nĂ©cessaire ; en prĂ©voyant que « personne ne doit passer la nuit dans le local dĂ©diĂ© Ă lâallaitement oĂč les enfants passent la journĂ©e », lâarticle R. 4152-26 prĂ©suppose que les enfants pourraient sĂ©journer dans ce local). Mais ces dispositions comportent une contradiction. Ainsi, lâarticle R. 4152-15 du code du tra-vail dispose que les enfants ne peuvent sĂ©journer dans le local destinĂ© Ă lâallaitement que le temps de celui-ci.
Pourtant la question de lâallaitement au travail nâest en rien obsolĂšte et la possi-bilitĂ© de concilier allaitement et travail sâinscrit aujourdâhui dans lâobjectif recherchĂ© dâune Ă©galitĂ© professionnelle entre les femmes et les hommes.
Nous suggĂ©rons donc lâabrogation des articles L. 1225-32 et R. 4152-13 Ă R. 4152-28 du code du travail et lâadoption de dispositions rĂ©glementaires visant Ă mettre en Ćuvre lâarticle L. 1225-31 du code du travail, permettant aux femmes qui le souhaitent de pouvoir allaiter leur enfant dans un local ou de tirer leur lait.
Nous suggĂ©rons Ă©galement de profiter de la rĂ©vision de ces articles pour assurer la conformitĂ© du droit français Ă la Charte sociale europĂ©enne. En effet, si le droit Ă une pause pour allaiter est bien reconnu par lâarticle L. 1225-30 du code du travail, confor-mĂ©ment Ă lâarticle 8, § 3, de la Charte, cette pause nâest pas rĂ©munĂ©rĂ©e.
Or, selon le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux, « Les pauses dâallaitement doivent en principe intervenir pendant le temps de travail et par consĂ©quent, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des heures de travail et rĂ©munĂ©rĂ©es comme telles » (conclusions XVII-2 [2005], Espagne). En consĂ©quence, le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux a conclu en 2011 que la situation de la France nâĂ©tait pas conforme Ă lâarticle 8, § 3, de la Charte sociale europĂ©enne rĂ©visĂ©e au motif que la rĂ©munĂ©ration des pauses dâallaitement nâest pas garantie aux salariĂ©es couvertes par le code du travail (voir le rapport relatif aux conclu-sions 2011 de la Charte sociale europĂ©enne [rĂ©visĂ©e], Strasbourg 13 fĂ©vrier 2013, p. 98 et suivantes. La question se pose aussi dans le secteur public).
Modification de lâarticle R. 1423-33 du code du travail
Madame la premiĂšre prĂ©sidente rĂ©unit, deux Ă trois fois par an, les premiers prĂ©-sidents de cours dâappel pour Ă©changer sur des sujets dâintĂ©rĂȘt commun. Lors de la derniĂšre rĂ©union, Ă distance, le 15 mars 2021, les premiers prĂ©sidents ont Ă©voquĂ© des difficultĂ©s rĂ©currentes pour le fonctionnement des conseils de prudâhommes et ont sol-licitĂ© la Cour de cassation.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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AprĂšs Ă©changes entre les premiers prĂ©sidents, le prĂ©sident de la chambre sociale, le premier avocat gĂ©nĂ©ral de la chambre sociale, Madame la premiĂšre prĂ©sidente et Monsieur le procureur gĂ©nĂ©ral ont dĂ©cidĂ© de saisir la DACS de cette suggestion de modification de lâarticle R. 1423-33 du code du travail.
« Lorsquâun conseil de prudâhommes, ou lâune de ses sections, ne peut se consti-tuer ou ne peut durablement fonctionner dans des conditions permettant lâexpĂ©dition dans un dĂ©lai raisonnable des affaires (remarque : formule reprise de l'article R. 312-68 du COJ), le premier prĂ©sident de la cour dâappel, aprĂšs avis saisi sur requĂȘte du procu-reur gĂ©nĂ©ral, dĂ©signe un autre conseil de prudâhommes la section correspondante dâun autre conseil de prudâhommes ou, Ă dĂ©faut, un ou plusieurs juges mentionnĂ©s Ă lâar-ticle L. 1454- 2, pour connaĂźtre des affaires inscrites au rĂŽle de cette section dont cette derniĂšre ils auraient dĂ» ĂȘtre ultĂ©rieurement saisis.
Il fixe la date Ă compter de laquelle les affaires sont provisoirement soumises Ă cet autre conseil de prudâhommes section ou Ă ces juges.
Lorsque le conseil de prudâhommes ou la section du conseil de prudâhommes est sont de nouveau en mesure de fonctionner, le premier prĂ©sident de la cour dâappel, demeure saisi dans les mĂȘmes conditions, constate cet Ă©tat de fait et fixe la date Ă comp-ter de laquelle les affaires sont Ă nouveau portĂ©es devant ce conseil de prudâhommes ou cette section. Le conseil de prudâhommes la section du conseil de prudâhommes ou les juges mentionnĂ© au premier alinĂ©a dĂ©signĂ© par le premier prĂ©sident demeurent cepen-dant saisis des affaires qui leur lui ont Ă©tĂ© soumises en application du premier alinĂ©a. »
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/ Propositions de réforme en matiÚre pénale pour la chambre criminelle
II/ PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE PĂNALE POUR LA CHAMBRE CRIMINELLE
A. Suivi des suggestions de réforme
Procédure pénale
Extension de lâappel en matiĂšre de contravention de police
Il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©, depuis 2009, de rĂ©former les dispositions de lâarticle 546 du code de procĂ©dure pĂ©nale, en Ă©tendant le droit dâappel Ă toute la matiĂšre contraventionnelle.
Outre quâil est paradoxal que les justiciables puissent saisir directement la Cour de cassation de pourvois contre les dĂ©cisions les moins importantes prises par les juridic-tions pĂ©nales, ces pourvois dĂ©bouchent parfois sur des cassations, rĂ©sultant dâerreurs procĂ©durales commises par certains juges de proximitĂ© en matiĂšre de procĂ©dure pĂ©nale. Et force est de constater que ces erreurs pourraient sans difficultĂ© aboutir Ă des arrĂȘts de rĂ©formation rendus par un juge unique dâappel, sans quâil soit besoin de mobiliser la chambre criminelle Ă travers la procĂ©dure complexe de cassation applicable Ă lâen-semble des pourvois.
En ce domaine, pour rĂ©pondre Ă la crainte parfois exprimĂ©e dâun trop grand nombre dâappels, il pourrait en outre ĂȘtre envisagĂ©, afin de limiter le nombre des recours dila-toires, de modifier lâarticle L. 223-6 du code de la route. Ce texte prĂ©voit que les points du permis de conduire perdus Ă la suite du paiement dâune amende forfaitaire ou dâune amende forfaitaire majorĂ©e, ou Ă la suite dâune condamnation devenue dĂ©finitive, sont rĂ©cupĂ©rĂ©s dĂšs lors quâaucune nouvelle infraction ayant donnĂ© lieu Ă retrait de points nâa Ă©tĂ© commise dans le dĂ©lai prĂ©vu. Cette disposition incite les usagers Ă multiplier les recours afin que la perte de points nâintervienne pas au cours de ce dĂ©lai. La loi pourrait utilement prĂ©voir que câest la date de lâinfraction qui est prise en compte pour mettre obstacle Ă une rĂ©cupĂ©ration des points, et non la date de la perte effective des points Ă la suite dâune nouvelle infraction.
Lâavis rĂ©servĂ© de la direction des affaires criminelles et des grĂąces Ă©tait notamment motivĂ©, en 2017, par un risque dâengorgement des cours dâappel, ce qui ne semble pas pouvoir justifier le maintien dâune voie de recours inadaptĂ©e au contentieux traitĂ©.
En lâabsence de modification envisagĂ©e, la Cour de cassation persiste Ă solliciter une Ă©volution sur ce point.
La position rĂ©servĂ©e de la DACG demeure dâactualitĂ©, sous la rĂ©serve que, dans la mesure oĂč, Ă compter du 1er juin 2019, la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de pro-grammation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice (LPJ) a Ă©tendu la compĂ©tence de
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la formation en juge unique en appel en matiĂšre correctionnelle, les gains rĂ©sultant de cette rĂ©forme pourraient dĂ©sormais permettre la gĂ©nĂ©ralisation de lâappel contra-ventionnel. Il convient toutefois dâattendre de connaĂźtre les consĂ©quences pratiques de la compĂ©tence du juge unique en appel, dâautant que la LPJ prĂ©voit que lâappelant pourra demander le recours Ă la collĂ©gialitĂ©, et quâon ne peut savoir si cette possibilitĂ© sera frĂ©quemment utilisĂ©e.
La DACG appellera par ailleurs Ă attirer lâattention des procureurs gĂ©nĂ©raux sur le rĂŽle de filtrage que ceux-ci peuvent jouer dans les pourvois formĂ©s par les officiers du ministĂšre public.
Lâanalyse des rapports annuels du ministĂšre public permettra dâapprĂ©cier lâeffet du juge unique en appel en matiĂšre correctionnelle.
Extension de la représentation obligatoire devant la chambre criminelle
La procĂ©dure de cassation en matiĂšre pĂ©nale prĂ©sente la particularitĂ© que les demandeurs peuvent soutenir leurs pourvois en dĂ©posant un mĂ©moire personnel alors que, devant toutes les autres chambres de la Cour, la reprĂ©sentation par un avocat aux Conseils est obligatoire. Cette diffĂ©rence nâest pas justifiĂ©e dans la mesure oĂč lâaide juridictionnelle est ouverte aussi pour les procĂ©dures de cassation en matiĂšre pĂ©nale.
Il convient dâexaminer lâintĂ©rĂȘt, pour les justiciables concernĂ©s, de ces pourvois en cassation formĂ©s sans lâappui dâun professionnel de la procĂ©dure de cassation. Lâexamen des statistiques publiĂ©es Ă lâoccasion de chacun des Rapports annuels montre quâune cas-sation est prononcĂ©e deux fois plus souvent lorsque le pourvoi est soutenu par un avocat aux Conseils que lorsquâil lâest par un mĂ©moire personnel. On peut aussi relever que les avocats aux Conseils dissuadent frĂ©quemment les justiciables de former ou main-tenir un pourvoi vouĂ© Ă lâĂ©chec en lâabsence de tout moyen ayant un caractĂšre sĂ©rieux.
Cette situation a abouti Ă des initiatives dâordre lĂ©gislatif, rappelĂ©es au Rapport annuel 2016 (p. 96-97) mais qui ont Ă©tĂ© Ă©cartĂ©es par les dĂ©putĂ©s exprimant la crainte que lâintervention obligatoire dâun avocat aux Conseils limite lâaccĂšs Ă la Cour de cas-sation et le souci que tout citoyen menacĂ© dâune privation de libertĂ© puisse adresser son mĂ©moire personnel Ă la Cour de cassation.
Les arguments ainsi avancĂ©s au soutien dâune absence de reprĂ©sentation obliga-toire devant la chambre criminelle ignoraient le caractĂšre vain dâun recours le plus souvent conclu par un Ă©chec du demandeur et ne permettent pas au justiciable de ne solliciter lâintervention de la chambre criminelle que dans des conditions correspon-dant Ă la nature vĂ©ritable du pourvoi en cassation, lequel exige lâintervention de pro-fessionnels du droit.
LâĂ©volution des discussions parlementaires encore engagĂ©es trĂšs rĂ©cemment Ă lâoc-casion du vote de la loi de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice montre une meilleure prise de conscience de ces considĂ©rations essentielles. Reste la nĂ©cessitĂ© dâune rĂ©forme parallĂšle de la loi sur lâaide juridictionnelle, dernier obstacle Ă une telle rĂ©forme selon les discussions menĂ©es en commission des lois.
Lâan passĂ©, la DACG a indiquĂ© ĂȘtre dâavis que la solution de compromis envisa-gĂ©e en 2016, dans le cadre de lâexamen du projet de loi sur la justice du xxie siĂšcle, et consistant Ă ne prĂ©voir la reprĂ©sentation obligatoire quâen matiĂšre contraventionnelle,
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/ Propositions de réforme en matiÚre pénale pour la chambre criminelle
est satisfaisante, mĂȘme sâil nâest pas certain quâelle soit de nature Ă ĂȘtre adoptĂ©e par le Parlement. La DACG sâĂ©tait engagĂ©e Ă garder une vigilance, dans le but de proposer de nouveau, le moment venu, un amendement instaurant la reprĂ©sentation obligatoire devant la chambre criminelle en matiĂšre contraventionnelle uniquement.
Cette proposition de rĂ©forme rĂ©guliĂšrement formulĂ©e depuis 2000 nâayant pas Ă©tĂ© suivie dâeffet doit encore ĂȘtre renouvelĂ©e aujourdâhui. En effet, elle revĂȘt la plus haute importance dans le cadre de lâobjectif gĂ©nĂ©ral dâinstaurer pleinement la Cour de cas-sation dans son rĂŽle de Cour suprĂȘme judiciaire, tout en assurant les justiciables dâune voie de recours garantissant la bonne application de la loi.
La DACG rĂ©itĂšre son avis selon lequel la solution de compromis envisagĂ©e en 2016 dans le cadre de lâexamen du projet de loi sur la justice du xxie siĂšcle est satisfaisante, mĂȘme sâil nâest pas certain quâelle soit de nature Ă ĂȘtre adoptĂ©e par le Parlement. La DACG sâengage Ă garder une vigilance dans le but de proposer, le moment venu, un amendement instaurant la reprĂ©sentation obligatoire devant la chambre criminelle en matiĂšre contraventionnelle uniquement.
Pourvoi en cassation â Moment de la dĂ©signation dâun conseiller rapporteur : modifications des articles 587 et 588 du code de procĂ©dure pĂ©nale
Les articles 584 et suivants du code de procĂ©dure pĂ©nale dĂ©terminent la marche Ă suivre pour la constitution des dossiers de pourvoi en cassation devant la chambre cri-minelle de la Cour de cassation. Lorsque les mĂ©moires personnels sont dĂ©posĂ©s ou un ou plusieurs avocats au Conseil dâĂtat et Ă la Cour de cassation constituĂ©s (article 585-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale), le dossier est en Ă©tat.
Le prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de cassation dĂ©signe alors le conseiller chargĂ© de faire le rapport. Lâarticle 587 du code de procĂ©dure pĂ©nale prĂ©-voit en effet que : « Lorsque le dossier est ainsi en Ă©tat, le greffier le remet au magis-trat du ministĂšre public, qui lâadresse immĂ©diatement au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation ; celui-ci le transmet, Ă son tour, au greffe de la chambre criminelle. Le prĂ©sident de cette chambre commet un conseiller pour le rapport. » Lâarticle 588 du mĂȘme code prĂ©voit ensuite que : « Si un ou plusieurs avocats se sont constituĂ©s, le conseiller rapporteur fixe un dĂ©lai pour le dĂ©pĂŽt des mĂ©moires entre les mains du gref-fier de la chambre criminelle. »
On sait quâen matiĂšre civile lâarticle 1011 du code de procĂ©dure civile prĂ©voit un mode de dĂ©signation diffĂ©rent puisquâil dispose que : « Sauf le cas de dĂ©chĂ©ance prĂ©vu Ă lâarticle 978, lâaffaire est distribuĂ©e dĂšs que le demandeur a remis son mĂ©moire et, au plus tard, Ă lâexpiration du dĂ©lai imparti Ă cette fin. » Lâarticle 1012 du mĂȘme code ajoute : « Le prĂ©sident de la formation Ă laquelle lâaffaire est distribuĂ©e dĂ©signe un conseiller ou un conseiller rĂ©fĂ©rendaire de cette formation en qualitĂ© de rapporteur. Il peut fixer aussitĂŽt la date de lâaudience. »
La dĂ©signation immĂ©diate du conseiller rapporteur, dĂšs lâarrivĂ©e du dossier au greffe, avant tout dĂ©pĂŽt de mĂ©moire ampliatif, empĂȘche, en pratique, le prĂ©sident de faire un choix Ă©clairĂ© en fonction des spĂ©cialitĂ©s de chacun, en particulier lorsque les infractions en cause sont diverses et susceptibles de ressortir Ă la compĂ©tence de plu-sieurs des sections de la chambre criminelle. Elle exclut en effet un examen prĂ©alable
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approfondi, au vu des mémoires déposés comportant les moyens de cassation, par le président ou son délégué et une orientation du dossier adaptée.
Il serait donc utile à la gestion des pourvois formés devant la chambre criminelle de la Cour de cassation que la loi prévoie que le président ou son délégué ne désigne un conseiller en qualité de rapporteur que lorsque les mémoires ampliatifs sont parve-nus au greffe de la Cour de cassation dans les délais légaux.
Pour ce faire, il convient de supprimer le second alinĂ©a de lâarticle 587 du code de procĂ©dure pĂ©nale qui prĂ©voit la dĂ©signation du conseiller rapporteur dĂšs la transmis-sion du dossier au greffe de la chambre criminelle.
En parallĂšle, il y a lieu dâajouter Ă lâarticle 588 du mĂȘme code un second alinĂ©a qui prĂ©voit cette dĂ©signation aprĂšs le dĂ©pĂŽt des mĂ©moires.
Lâon prĂ©cisera que la commission dâun conseiller rapporteur est devenue inutile dans un certain nombre de situations depuis lâentrĂ©e en vigueur de la loi no 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisĂ©, le terrorisme et leur finan-cement et amĂ©liorant lâefficacitĂ© et les garanties de la procĂ©dure pĂ©nale.
En effet, le nouvel article 590-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale dispose dĂ©sormais que la dĂ©chĂ©ance du pourvoi, dans les cas et conditions prĂ©vus aux articles 567-2 (dĂ©tention provisoire), 574-1 (mise en accusation devant la cour dâassises ; renvoi devant le tribu-nal correctionnel), 574-2 (mandat dâarrĂȘt europĂ©en) et 590-1 du mĂȘme code (conten-tieux ordinaire), est prononcĂ©e, sans audiencement, par ordonnance du prĂ©sident de la chambre criminelle ou du conseiller par lui dĂ©signĂ©. Cette dĂ©chĂ©ance est encourue lorsque le mĂ©moire nâest pas dĂ©posĂ© dans les dĂ©lais lĂ©gaux.
Il convient donc de rĂ©server les cas de dĂ©chĂ©ance au nouvel alinĂ©a 2 de lâarticle 588 du code de procĂ©dure pĂ©nale.
Enfin, le premier alinĂ©a de lâarticle 588 doit ĂȘtre modifiĂ© afin que le dĂ©lai pour le dĂ©pĂŽt des mĂ©moires soit fixĂ© par le prĂ©sident de la chambre et non plus par le conseil-ler rapporteur qui, Ă ce stade, ne sera donc pas encore dĂ©signĂ©.
Outre le besoin dâharmonisation, cette modification sera conforme Ă une pratique ancienne de la chambre criminelle permettant de sâassurer dâun traitement Ă©gal des diffĂ©rents dĂ©lais accordĂ©s aux avocats aux Conseils.
Cette proposition de rĂ©forme a Ă©tĂ© satisfaite dans le cadre de la loi no 2021-401 du 8 avril 2021 amĂ©liorant lâefficacitĂ© de la justice de proximitĂ© et de la rĂ©ponse pĂ©nale (article 11).
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Texte CPP avant la loi Justice de proximité Texte CPP aprÚs la loi Justice de proximité
Article 587
Lorsque le dossier est ainsi en Ă©tat, le greffier le remet au magistrat du ministĂšre public, qui lâadresse immĂ©diatement au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation ; celui-ci le transmet, Ă son tour, au greffe de la chambre criminelle.
Le président de cette chambre commet un conseiller pour le rapport.
Article 587
Lorsque le dossier est ainsi en Ă©tat, le greffier le remet au magistrat du ministĂšre public, qui lâadresse immĂ©diatement au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation ; celui-ci le transmet, Ă son tour, au greffe de la chambre criminelle.
Le président de cette chambre commet un conseiller pour le rapport.
Article 588
Si un ou plusieurs avocats se sont constitués, le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépÎt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle.
Article 588
Si un ou plusieurs avocats se sont constitués, le conseiller rapporteur président de la chambre fixe un délai pour le dépÎt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle.
Le président de cette chambre commet un conseiller pour le rapport aprÚs le dépÎt de mémoires.
Pourvoi en cassation â PossibilitĂ© dâadresser un mĂ©moire personnel dans un dĂ©lai dâun mois Ă compter de la rĂ©ception du dossier : modification de lâarticle 567-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale
Selon lâarticle 584 du code de procĂ©dure pĂ©nale, de portĂ©e gĂ©nĂ©rale, le demandeur en cassation, non assistĂ© dâun avocat au Conseil dâĂtat et Ă la Cour de cassation, peut dĂ©poser un mĂ©moire personnel, soit en faisant sa dĂ©claration, soit, dans les dix jours suivants, en le dĂ©posant au greffe de la juridiction qui a rendu la dĂ©cision attaquĂ©e.
Deux dĂ©rogations Ă ce principe peuvent ĂȘtre signalĂ©es ici. La premiĂšre, prĂ©vue par lâarticle 567-2 du mĂȘme code, offre au demandeur en cassation contre un arrĂȘt de la chambre de lâinstruction rendu en matiĂšre de dĂ©tention provisoire la possibilitĂ© dâadres-ser directement Ă la Cour de cassation son mĂ©moire personnel dans un dĂ©lai dâun mois Ă compter de la rĂ©ception du dossier.
La seconde, prĂ©vue par lâarticle 585-1 du mĂȘme code, ouvre, de mĂȘme, au deman-deur condamnĂ© pĂ©nalement le droit dâadresser son mĂ©moire personnel directement Ă la Cour de cassation dans le dĂ©lai dâun mois, seul diffĂ©rant le point de dĂ©part du dĂ©lai, ici, la date du pourvoi.
Il sâen dĂ©duit que le demandeur condamnĂ© pĂ©nalement pour un dĂ©lit, mais non encore Ă titre dĂ©finitif, qui forme un pourvoi contre un arrĂȘt dâune cour dâappel ayant statuĂ© Ă son Ă©gard en matiĂšre de dĂ©tention provisoire, nâentre dans aucun des deux cas prĂ©citĂ©s et ne peut prĂ©senter son mĂ©moire personnel que dans le dĂ©lai prĂ©vu par lâar-ticle 584 susvisĂ©. Câest ce quâa dĂ» constater la chambre criminelle de la Cour de cas-sation dans un arrĂȘt rendu le 7 juin 2016 (Crim., 7 juin 2016, pourvoi no 16-81.917), qui a dĂ©clarĂ© irrecevable un mĂ©moire personnel transmis directement au greffe de la Cour de cassation sans le ministĂšre dâun avocat Ă ladite Cour.
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Ce rĂ©gime aboutit Ă ce que le demandeur, Ă qui il est reprochĂ© un dĂ©lit, se trouve dans une situation plus dĂ©favorable que la personne renvoyĂ©e pour un crime devant une cour dâassises, ou en attente dâĂȘtre jugĂ©e par une cour dâassises statuant en appel ou du rĂ©sultat dâun pourvoi formĂ© contre un arrĂȘt de cette derniĂšre juridiction. En effet, lorsque lâaccusĂ© ou le condamnĂ© criminel non dĂ©finitif forme un pourvoi contre une dĂ©cision rejetant sa demande de mise en libertĂ© rendue par la chambre de lâins-truction, laquelle est compĂ©tente en application de lâarticle 148-1 du code de procĂ©-dure pĂ©nale, il peut se prĂ©valoir des dispositions de lâarticle 567-2 prĂ©citĂ©, en raison de la lettre de ce texte.
Pour mettre fin Ă cette inĂ©galitĂ© de traitement non justifiĂ©e entre le prĂ©venu et lâac-cusĂ©, il est proposĂ© dâajouter, dans lâarticle 567-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale, aprĂšs les mots « chambre de lâinstruction », les suivants : « ou de la cour dâappel ».
Cette proposition de rĂ©forme a Ă©tĂ© satisfaite dans le cadre de la loi no 2021-401 du 8 avril 2021 amĂ©liorant lâefficacitĂ© de la justice de proximitĂ© et de la rĂ©ponse pĂ©nale (article 11).
Texte CPP avant la loi Justice de proximité Texte CPP aprÚs la loi Justice de proximité
Article 567-2
La chambre criminelle saisie dâun pourvoi contre un arrĂȘt de la chambre de lâinstruction rendu en matiĂšre de dĂ©tention provisoire doit statuer dans les trois mois qui suivent la rĂ©ception du dossier Ă la Cour de cassation, faute de quoi la personne mise en examen est mise dâoffice en libertĂ©.
Le demandeur en cassation ou son avocat doit, Ă peine de dĂ©chĂ©ance, dĂ©poser son mĂ©moire exposant les moyens de cassation dans le dĂ©lai dâun mois Ă compter de la rĂ©ception du dossier, sauf dĂ©cision du prĂ©sident de la chambre criminelle prorogeant, Ă titre exceptionnel, le dĂ©lai pour une durĂ©e de huit jours. AprĂšs lâexpiration de ce dĂ©lai, aucun moyen nouveau ne peut ĂȘtre soulevĂ© par lui et il ne peut plus ĂȘtre dĂ©posĂ© de mĂ©moire.
DĂšs le dĂ©pĂŽt du mĂ©moire, le prĂ©sident de la chambre criminelle fixe la date de lâaudience.
Article 567-2
La chambre criminelle saisie dâun pourvoi contre un arrĂȘt de la chambre de lâinstruction ou de la chambre correctionnelle de la cour dâappel rendu en matiĂšre de dĂ©tention provisoire doit statuer dans les trois mois qui suivent la rĂ©ception du dossier Ă la Cour de cassation, faute de quoi la personne mise en examen est mise dâoffice en libertĂ©.
Le demandeur en cassation ou son avocat doit, Ă peine de dĂ©chĂ©ance, dĂ©poser son mĂ©moire exposant les moyens de cassation dans le dĂ©lai dâun mois Ă compter de la rĂ©ception du dossier, sauf dĂ©cision du prĂ©sident de la chambre criminelle prorogeant, Ă titre exceptionnel, le dĂ©lai pour une durĂ©e de huit jours. AprĂšs lâexpiration de ce dĂ©lai, aucun moyen nouveau ne peut ĂȘtre soulevĂ© par lui et il ne peut plus ĂȘtre dĂ©posĂ© de mĂ©moire.
DĂšs le dĂ©pĂŽt du mĂ©moire, le prĂ©sident de la chambre criminelle fixe la date de lâaudience.
Modification de lâarticle 380-11 du code de procĂ©dure pĂ©nale
La loi no 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisĂ©, le terrorisme et leur financement, et amĂ©liorant lâefficacitĂ© et les garanties de la procĂ©-dure pĂ©nale, qui a rĂ©formĂ© les rĂšgles de dĂ©signation des cours dâassises dâappel, nâa pas modifiĂ© lâarticle 380-11 du code de procĂ©dure pĂ©nale qui traite du dĂ©sistement dâappel et ouvre, quant au constat de ce dernier, une alternative qui Ă©tait logiquement fondĂ©e sur la chronologie : compĂ©tence du prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de
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cassation lorsque cette derniĂšre est saisie en application de lâarticle 380-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale (dans son ancienne rĂ©daction, câest ce texte qui prĂ©voyait la dĂ©si-gnation de la cour dâassises dâappel par la chambre criminelle) et, aprĂšs dĂ©signation de cette cour dâassises dâappel, compĂ©tence du prĂ©sident de cette cour dâassises (car le dĂ©sistement peut intervenir jusquâĂ lâinterrogatoire prĂ©vu par lâarticle 272 du code de procĂ©dure pĂ©nale).
La dĂ©pĂȘche du 23 mai 2016 et la circulaire du 17 juin 2016 sur lâapplication de la loi du 3 juin 2016 prĂ©citĂ©e dans le domaine de la dĂ©signation des cours dâassises dâap-pel (JORF, 17 juin 2016, NOR JUSD1616979C) nâabordent pas la question du constat des dĂ©sistements dâappel. Certes, dans lâarticle 380-11 du code de procĂ©dure pĂ©nale non modifiĂ©, la rĂ©fĂ©rence Ă lâarticle 380-1 dudit code nâest plus adaptĂ©e puisque ce nâest plus ce texte mais lâarticle 380-14 (issu de la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016) qui prĂ©-voit, dans certains cas, la compĂ©tence de la chambre criminelle pour la dĂ©signation de la cour dâassises dâappel. Mais il est logique dâadmettre que le prĂ©sident de la chambre criminelle nâest compĂ©tent pour constater le dĂ©sistement dâappel que si cette juridic-tion est saisie pour une telle dĂ©signation, et jusquâĂ lâintervention de cette derniĂšre.
Or, les textes nouveaux nâont pas donnĂ© compĂ©tence au premier prĂ©sident de la cour dâappel pour le constat des dĂ©sistements dâappel, alors quâils ont bien envisagĂ© la com-pĂ©tence de ce magistrat pour les suites des appels hors dĂ©lais ou portant sur un arrĂȘt non susceptible dâappel (article 380-15 du code de procĂ©dure pĂ©nale).
Il semble acquis que la juridiction de premiĂšre instance est sans compĂ©tence pour le constat du dĂ©sistement (Crim., 2 septembre 2005, pourvoi no 05-84.433, Bull. crim. 2005, no 215). Câest dâailleurs, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, la juridiction saisie dâun recours qui a com-pĂ©tence pour constater ou donner acte dâun Ă©ventuel dĂ©sistement, sauf dispositions contraires donnant compĂ©tence Ă son prĂ©sident dans un souci dâefficacitĂ© et de rapiditĂ©.
En lâĂ©tat des textes, dans les cas oĂč la chambre criminelle de la Cour de cassation nâa pas Ă intervenir pour la dĂ©signation de la cour dâassises dâappel, on ne voit donc, pour le constat du dĂ©sistement dâappel, que la compĂ©tence du prĂ©sident de la cour dâassises (article 380-11, alinĂ©a 2, in fine, du code de procĂ©dure pĂ©nale), ce qui suppose au prĂ©-alable une dĂ©signation de cette cour dâassises par le premier prĂ©sident de la cour dâap-pel, sauf Ă admettre une compĂ©tence du premier prĂ©sident de la cour dâappel mutatis mutandis, mais en lâĂ©tat sans fondement textuel, ce qui, compte tenu des consĂ©quences dâun dĂ©sistement dâappel pouvant rendre dĂ©finitive une condamnation, ne paraĂźt pas envisageable.
Câest en ce sens quâa jugĂ© la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 15 novembre 2017 :
« Attendu quâen application de lâarticle 380-14 du code de procĂ©dure pĂ©nale, en cas dâappel dâune dĂ©cision de condamnation prononcĂ©e par une cour dâassises, le pre-mier prĂ©sident de la cour dâappel dĂ©signe la cour dâassises chargĂ©e de statuer en appel parmi les autres cours dâassises de son ressort ; que la chambre criminelle de la Cour de cassation nâa compĂ©tence pour statuer quâau cas oĂč la dĂ©signation dâune cour dâas-sises situĂ©e hors de ce ressort est demandĂ©e par le ministĂšre public ou une partie, ou estimĂ©e nĂ©cessaire par le premier prĂ©sident de la cour dâappel ;
Attendu quâil se dĂ©duit de ce texte et de lâarticle 380-11 dudit code quâen cas de dĂ©sis-tement dâappel, sans quâau prĂ©alable la Cour de cassation ait Ă©tĂ© saisie dâune demande
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de dĂ©signation, il appartient au premier prĂ©sident de la cour dâappel de dĂ©signer la cour dâassises chargĂ©e de statuer en appel parmi celles de son ressort, et au prĂ©sident de la cour dâassises ainsi dĂ©signĂ©e de constater ce dĂ©sistement ;
Attendu quâil rĂ©sulte des piĂšces du dossier que M. R⊠et le ministĂšre public se sont dĂ©sistĂ©s des appels quâils avaient interjetĂ©s, sans que la Cour de cassation ait Ă©tĂ© saisie dâune demande de dĂ©signation ;
Quâil y a lieu, en consĂ©quence, de constater lâincompĂ©tence de la chambre crimi-nelle de la Cour de cassation » (Crim., 15 novembre 2017, pourvoi no 17-86.410, Bull. crim. 2017, no 260).
Permettre au premier prĂ©sident dâune cour dâappel de constater le dĂ©sistement dâap-pel prĂ©senterait des avantages de rapiditĂ© et de simplicitĂ©. Câest le sens de la proposition.
Lâarticle 380-11, alinĂ©a 4, serait ainsi rĂ©digĂ© : « Le dĂ©sistement dâappel est constatĂ© par ordonnance du premier prĂ©sident de la cour dâappel ou du prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de cassation saisis en application de lâarticle 380-14, ou par ordon-nance du prĂ©sident de la cour dâassises. »
Cette proposition de rĂ©forme a Ă©tĂ© satisfaite dans le cadre de la loi no 2021-401 du 8 avril 2021 amĂ©liorant lâefficacitĂ© de la justice de proximitĂ© et de la rĂ©ponse pĂ©nale (article 11).
Texte CPP avant la loi Justice de proximité Texte CPP aprÚs la loi Justice de proximité
Article 380-11
LâaccusĂ© peut se dĂ©sister de son appel jusquâĂ son interrogatoire par le prĂ©sident prĂ©vu par lâarticle 272.
Ce désistement rend caducs les appels incidents formés par le ministÚre public ou les autres parties.
Dans tous les cas, le ministĂšre public peut toujours se dĂ©sister de son appel formĂ© aprĂšs celui de lâaccusĂ© en cas de dĂ©sistement de celui-ci.
Le dĂ©sistement dâappel est constatĂ© par ordonnance du prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque celle-ci est saisie en application de lâarticle 380-1 ou par ordonnance du prĂ©sident de la cour dâassises.
Article 380-11
LâaccusĂ© peut se dĂ©sister de son appel jusquâĂ son interrogatoire par le prĂ©sident prĂ©vu par lâarticle 272.
Ce désistement rend caducs les appels incidents formés par le ministÚre public ou les autres parties.
Dans tous les cas, le ministĂšre public peut toujours se dĂ©sister de son appel formĂ© aprĂšs celui de lâaccusĂ© en cas de dĂ©sistement de celui-ci.
Le dĂ©sistement dâappel est constatĂ© par ordonnance du premier prĂ©sident de la cour dâappel ou du prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de cassation, lorsque celle-ci est saisie en application de lâarticle 380-14, ou par ordonnance du prĂ©sident de la cour dâassises.
CrĂ©ation dâun rĂ©pertoire unique et centralisĂ© des personnes majeures protĂ©gĂ©es
Par un arrĂȘt Vaudelle du 30 janvier 2001, la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme a condamnĂ© la France pour avoir fourni une protection insuffisante Ă un prĂ©venu en curatelle. Elle affirmait que des garanties de procĂ©dure devaient ĂȘtre imposĂ©es « pour protĂ©ger ceux qui en raison de leurs troubles mentaux ne sont pas entiĂšrement capables dâagir pour leur propre compte » (CEDH, arrĂȘt du 30 janvier 2001, Vaudelle c. France, no 35683/97).
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/ Propositions de réforme en matiÚre pénale pour la chambre criminelle
La loi no 2007-308 du 5 mars 2007 portant rĂ©forme de la protection juridique des majeurs a pris en compte cette exigence. DĂ©sormais, chaque fois quâil est Ă©tabli quâun majeur bĂ©nĂ©ficie dâune protection, le curateur ou le tuteur doit ĂȘtre informĂ©, par le pro-cureur de la RĂ©publique ou le juge dâinstruction, des poursuites engagĂ©es Ă son encontre ainsi que de lâensemble des dĂ©cisions Ă intervenir (article 706-113 du code de procĂ©-dure pĂ©nale). Le tuteur ou le curateur doit Ă©galement ĂȘtre avisĂ© de la date dâaudience. Il peut faire dĂ©signer un avocat Ă la personne protĂ©gĂ©e, qui doit ĂȘtre assistĂ©e dâun conseil, et prendre connaissance de la procĂ©dure dans les mĂȘmes conditions que celui-ci. De plus, une expertise mĂ©dicale aux fins dâĂ©valuer le degrĂ© de responsabilitĂ© de la personne protĂ©gĂ©e est impĂ©rative conformĂ©ment aux dispositions de lâarticle 706-115 du code de procĂ©dure pĂ©nale et sous rĂ©serve cependant des dispositions des articles D. 47-22 et D. 47-23 du code de procĂ©dure pĂ©nale qui la rendent facultative.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi censurĂ© les procĂ©dures dans lesquelles une personne protĂ©gĂ©e avait Ă©tĂ© condamnĂ©e alors que le tuteur ou le curateur nâavaient pas Ă©tĂ© avisĂ©s des poursuites, lorsque la mesure de protection Ă©tait connue en procĂ©dure (Crim., 12 juillet 2016, pourvoi no 16-82.714, Bull. crim. 2016, no 212, pour lâavis de lâaudience de la chambre dâinstruction oĂč sera Ă©voquĂ© lâappel dâune prolon-gation de dĂ©tention, ou encore Crim., 19 dĂ©cembre 2017, pourvoi no 17-85.841, pour lâavis de lâaudience dâappel de refus dâactes et le renvoi devant la cour dâassises), mais Ă©galement, dans une volontĂ© protectrice de la personne, alors mĂȘme que la mesure de protection nâĂ©tait pas connue de la juridiction (Crim., 14 octobre 2014, pourvoi no 13-82.584 ; Crim., 10 janvier 2017, pourvoi no 15-84.469, Bull. crim. 2017, no 10 ; Crim., 9 janvier 2019, pourvoi no 17-86.922).
La chambre criminelle de la Cour de cassation sâassure, par ailleurs, que, dans la phase antĂ©rieure au jugement, les autoritĂ©s de poursuite aient pris les mesures nĂ©cessaires en cas de doute pour vĂ©rifier lâexistence de la mesure de protection. Ainsi a-t-elle pu censurer des procĂ©dures dans lesquelles le tuteur ou le curateur dâune per-sonne protĂ©gĂ©e nâavaient pas Ă©tĂ© avisĂ©s alors mĂȘme que nâavait pas Ă©tĂ© « caractĂ©risĂ©e une circonstance insurmontable faisant obstacle Ă cette vĂ©rification » (Crim., 19 sep-tembre 2017, pourvoi no 17-81.919, Bull. crim. 2017, no 222) ou, au contraire, validĂ© une procĂ©dure dans laquelle cette vĂ©rification sâĂ©tait effectivement avĂ©rĂ©e impossible (Crim., 11 dĂ©cembre 2018, pourvoi no 18-80.872, Bull. crim. 2018, no 210).
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, rĂ©cemment saisi dâune question prioritaire de constitutionnalitĂ© par la chambre criminelle de la Cour de cassation concernant lâar-ticle 706-113 du code de procĂ©dure pĂ©nale, a dĂ©clarĂ© le premier alinĂ©a de cet article inconstitutionnel â avec effet diffĂ©rĂ© au 1er octobre 2019 â au motif « quâen ne prĂ©-voyant pas, lorsque les Ă©lĂ©ments recueillis au cours de la garde Ă vue dâune personne font apparaĂźtre quâelle fait lâobjet dâune mesure de protection juridique, que lâofficier de police judiciaire ou lâautoritĂ© judiciaire sous le contrĂŽle de laquelle se dĂ©roule la garde Ă vue soit, en principe, tenu dâavertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre dâĂȘtre assistĂ©e dans lâexercice de ses droits, les dispositions contestĂ©es mĂ©connaissent les droits de la dĂ©fense » (Cons. const., 14 septembre 2018, dĂ©cision no 2018-730 QPC, M. Mehdi K. [Absence dâobligation lĂ©gale dâaviser le tuteur ou le curateur dâun majeur protĂ©gĂ© de son placement en garde Ă vue]).
Le champ des situations dans lesquelles le tuteur ou le curateur dâune personne majeure protĂ©gĂ©e devra ĂȘtre tenu informĂ© sâen trouve ainsi Ă©tendu.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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Ainsi, les dĂ©cisions de la Cour de cassation ci-dessus Ă©voquĂ©es ont mis en exergue la difficultĂ©, dans la pratique, de mettre effectivement en Ćuvre les exigences posĂ©es par les articles 706-113 et D. 47-14 du code de procĂ©dure pĂ©nale et pourtant indispen-sables pour assurer la dĂ©fense de la personne majeure protĂ©gĂ©e qui nâest pas toujours en Ă©tat de le faire en raison prĂ©cisĂ©ment de lâaltĂ©ration de ses facultĂ©s personnelles.
En effet, la connaissance dâune mesure de protection nâest pas aisĂ©e dans la mesure oĂč il nâexiste pas de rĂ©pertoire dĂ©matĂ©rialisĂ© centralisĂ© de ces mesures.
Certes le procureur de la RĂ©publique du domicile de la personne protĂ©gĂ©e est avisĂ© de la mesure par la consultation du rĂ©pertoire civil du lieu de naissance, mais il est illu-soire de penser quâĂ lâoccasion de chaque enquĂȘte, il pourrait ĂȘtre sollicitĂ© un extrait intĂ©gral dâacte de naissance.
Il est, par ailleurs, intĂ©ressant de noter que, dans un arrĂȘt du 11 dĂ©cembre 2018 (Crim., 11 dĂ©cembre 2018, pourvoi no 18-80.872, Bull. crim. 2018, no 210), la chambre criminelle de la Cour de cassation semble avoir soulignĂ© lâintĂ©rĂȘt que pourrait avoir lâexistence dâun tel fichier. En effet, au soutien de sa dĂ©cision de rejet, elle a notam-ment indiquĂ© dans sa motivation que « [âŠ] dâautre part, Ă lâheure de cette dĂ©cision, prise suite aux informations qui lui ont Ă©tĂ© transmises par le service enquĂȘteur, le ven-dredi Ă 18 h 50, le procureur de la RĂ©publique, non plus que le juge dâinstruction, faute de fichier national des mesures de protection juridique consultable par lâautoritĂ© judi-ciaire dans les mĂȘmes conditions que le fichier central du casier judiciaire, ne pouvaient ni vĂ©rifier lâexistence dâune mesure de protection ni prendre connaissance de lâidentitĂ© du curateur, le juge des tutelles dĂ©tenant seul cette information ».
Au vu de lâensemble de ces Ă©lĂ©ments, et Ă lâinstar de ce qui a Ă©tĂ© proposĂ© dans le Rapport de mission interministĂ©rielle sur lâĂ©volution de la protection juridique des per-sonnes (proposition no 40), il est proposĂ© la crĂ©ation dâun rĂ©pertoire unique des per-sonnes majeures protĂ©gĂ©es, national, dĂ©matĂ©rialisĂ© et centralisĂ©, dont lâintĂ©rĂȘt serait Ă©vident dans les procĂ©dures pĂ©nales, Ă la fois pour les autoritĂ©s judiciaires, pour les per-sonnes protĂ©gĂ©es suspectĂ©es, mais aussi, plus largement, pour les victimes qui ont Ă©ga-lement besoin dâĂȘtre accompagnĂ©es.
MalgrĂ© lâavis favorable Ă©mis par la direction des affaires criminelles et des grĂąces au Rapport annuel depuis 2019, aucune Ă©volution nâa Ă©tĂ© constatĂ©e. Il convient de main-tenir la prĂ©sente suggestion.
Ă la suite de la QPC sur la garde Ă vue des personnes protĂ©gĂ©es, la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice (« LPJ ») a insĂ©rĂ© dans le code de procĂ©dure pĂ©nale, Ă compter du 1er juin 2019, un article prĂ©-voyant lâinformation du tuteur ou du curateur lors de la garde Ă vue. Anticipant une Ă©ventuelle prochaine QPC, la LPJ prĂ©voit une mĂȘme information en cas dâaudition libre.
Selon la DACG, les dispositions seraient probablement appliquĂ©es de façon plus satisfaisante sâil existait un rĂ©pertoire des personnes protĂ©gĂ©es. Elle nâest donc pas oppo-sĂ©e Ă la crĂ©ation dâun tel rĂ©pertoire, qui ne dĂ©pend toutefois nullement de sa compĂ©-tence, mais relĂšve de celle de la direction des affaires civiles et du sceau dâune part, du secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral dâautre part.
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/ Propositions de réforme en matiÚre pénale pour la chambre criminelle
Lâattention du secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral du ministĂšre de la justice va ĂȘtre de nouveau atti-rĂ©e sur lâopportunitĂ© de la crĂ©ation de ce rĂ©pertoire au vu des enjeux, notamment juri-diques, qui sây attachent.
B. Suggestions nouvelles
Procédure pénale
Comparution du condamné
La chambre criminelle propose de revoir les dispositions de lâarticle 712-13 du code de procĂ©dure pĂ©nale qui excluent formellement la comparution du condamnĂ© devant la chambre de lâapplication des peines.
Lâarticle 712-13 du code de procĂ©dure pĂ©nale exclut formellement la comparution du condamnĂ© en ces termes :
« Lâappel des jugements mentionnĂ©s aux articles 712-6 et 712-7 est portĂ© devant la chambre de lâapplication des peines de la cour dâappel, qui statue par arrĂȘt motivĂ© aprĂšs un dĂ©bat contradictoire au cours duquel sont entendues les rĂ©quisitions du ministĂšre public et les observations de lâavocat du condamnĂ©. Le condamnĂ© nâest pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en dĂ©cide autrement. Son audition est alors effectuĂ©e, en prĂ©sence de son avocat ou celui-ci rĂ©guliĂšrement convoquĂ©, soit selon les modali-tĂ©s prĂ©vues par lâarticle 706-71, soit, par un membre de la juridiction, dans lâĂ©tablisse-ment pĂ©nitentiaire oĂč il se trouve dĂ©tenu. »
Les dispositions de cet article, issues de la loi du 9 mars 2004 et jamais modifiĂ©es depuis lors, ont Ă©tĂ© instaurĂ©es alors que le processus de juridictionnalisation du droit de lâapplication des peines venait de dĂ©buter et font lâobjet aujourdâhui de vives cri-tiques, de la part tant de la doctrine que des professionnels 1, en tant quâelles excluent par principe la comparution du condamnĂ©.
Elles paraissent dâautant plus dĂ©passĂ©es aujourdâhui que la comparution des condam-nĂ©s qui en feraient la demande peut aisĂ©ment ĂȘtre organisĂ©e par visioconfĂ©rence.
La jurisprudence de la Cour a dĂ©jĂ attĂ©nuĂ© la portĂ©e de cette exclusion, au visa de lâarticle prĂ©liminaire du code de procĂ©dure pĂ©nale et de lâarticle 6 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, en imposant la comparution si le condamnĂ© en fait la demande en cas de rĂ©vocation de libĂ©ration conditionnelle (Crim., 15 avril 2015, pourvoi no 14-82.622) ou, dans une affaire oĂč le ministĂšre public avait fait un recours
1. Voir notamment M. Giacoppelli, « La pĂ©nĂ©tration des rĂšgles du procĂšs pĂ©nal devant les juri-dictions de lâapplication des peines : Ă©tat des lieux », RSC 2015, p. 799 ; P. Faucher, JCl. ProcĂ©dure pĂ©nale, LexisNexis, Articles 712-1 Ă 712-23, fasc. 40 « Juridictions de lâapplication des peines. â DĂ©bat contradictoire, commission de lâapplication des peines, modification des mesures en cours », novembre 2010, mise Ă jour mai 2021 ; et M. Herzog-Evans, « Sanction dans les amĂ©na-gements de peine : lâarticle 6 sâapplique et⊠ne sâapplique pas ! », AJ PĂ©nal 2015, p. 562.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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suspensif contre une dĂ©cision du juge de lâapplication des peines accordant une libĂ©-ration conditionnelle, et oĂč lâavocat nâĂ©tait pas prĂ©sent, en jugeant quâil appartenait Ă la chambre de lâapplication des peines « pour fonder sa dĂ©cision sur des Ă©lĂ©ments de fait et des piĂšces qui nâavaient pas Ă©tĂ© contradictoirement discutĂ©s devant le pre-mier juge, de recueillir les observations du condamnĂ© non reprĂ©sentĂ©, en procĂ©dant Ă son audition, au besoin aprĂšs rĂ©ouverture des dĂ©bats. » (Crim., 17 juin 2020, pourvoi no 20-80.240, publiĂ© au Bulletin).
De plus la commission présidée par Monsieur le président Bruno Cotte 2 avait pré-conisé une évolution de ces dispositions en ces termes :
La commission avait recommandé :
« La comparution devant la chambre de lâapplication des peines.
Cette comparution nâest Ă©tonnamment prĂ©vue par aucun texte, que le condamnĂ© soit appelant ou quâil ne le soit pas. Ă moins que la chambre de lâapplication des peines estime utile dâordonner son audition, lâintĂ©ressĂ© est seulement avisĂ© de la date dâau-dience. Il peut toutefois formuler des observations Ă©crites et/ou se faire reprĂ©senter par un avocat. Lâaudition par la chambre nâest obligatoire que si la personne nâa pas com-paru en premiĂšre instance et si le dĂ©bat porte sur un retrait de mesure.
Or les personnes condamnĂ©es se trouvent souvent dans des situations prĂ©caires qui sont susceptibles dâĂ©voluer rapidement. Leur absence lors de la phase dâappel ne permet donc pas aux juges de prendre suffisamment en compte la rĂ©alitĂ© de leur situa-tion au moment oĂč il est statuĂ©.
Au surplus, lâabsence de tout Ă©change verbal, direct et personnel, ne permet pas non plus Ă la chambre de se faire une idĂ©e prĂ©cise de la personne concernĂ©e ainsi que du contexte dans lequel elle Ă©volue et sâinscrivent ses Ă©ventuels manquements, de la viabilitĂ© de son projet.
La commission nâa pas estimĂ© pouvoir retenir le principe dâune comparution systĂ©-matique de lâintĂ©ressĂ© devant la chambre de lâapplication des peines. En revanche, elle propose dâinstituer un droit Ă la comparution lorsque le condamnĂ© en fait la demande dans sa dĂ©claration dâappel ou lorsque, non appelant, il en fait la demande aprĂšs rĂ©cep-tion de lâavis dâappel. Afin toutefois dâĂ©viter la comparution rĂ©itĂ©rĂ©e dâune personne dont la prĂ©sence ne sâavĂ©rerait dâaucune utilitĂ© pour les dĂ©bats, il est proposĂ©, Ă lâins-tar du pouvoir reconnu au prĂ©sident de la chambre de lâinstruction, de donner au prĂ©-sident de la chambre de lâapplication des peines la possibilitĂ© de refuser une demande de comparution par ordonnance motivĂ©e. La chambre disposerait enfin, en tout Ă©tat de cause, de la possibilitĂ© de procĂ©der, en audience, Ă lâaudition de lâintĂ©ressĂ© par un systĂšme de visioconfĂ©rence. Cette procĂ©dure remplacerait le dispositif actuellement en usage qui ne prĂ©voit le recours Ă une telle modalitĂ© quâavant lâaudience, lâaudition Ă©tant effectuĂ©e par lâun seulement des magistrats de la chambre. »
2. Rapport au garde des sceaux de la commission présidée par Monsieur le président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation Bruno Cotte, « Pour une refonte du droit des peines », décembre 2015.
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/ Propositions de réforme en matiÚre pénale pour la chambre criminelle
Il pourrait ainsi ĂȘtre ajoutĂ© Ă lâarticle 712-13, selon lequel « Le condamnĂ© nâest pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en dĂ©cide autrement », que le condamnĂ© est aussi entendu sâil en fait la demande.
La DACG a indiquĂ© comprendre cette demande, mais a fait part en lâĂ©tat de ses rĂ©serves. Elle considĂšre quâil conviendra sur ce point de solliciter lâavis de la ConfĂ©rence nationale des premiers prĂ©sidents et de la ConfĂ©rence nationale des procureurs gĂ©nĂ©-raux, ainsi que des magistrats de lâapplication des peines, au regard des risques de voir ce nouveau droit entraĂźner une multiplication des appels assortis de demandes de com-parutions personnelles devant la chambre de lâapplication des peines.
Si un tel droit Ă©tait reconnu aux condamnĂ©s, il conviendrait en tout Ă©tat de cause, selon la DACG, de permettre au prĂ©sident de la chambre de lâapplication des peines de refuser par dĂ©cision motivĂ©e la comparution du condamnĂ©, comme lâenvisage le rapport Cotte sur la « refonte du droit des peines », et non pas simplement de complĂ©ter les textes actuels pour prĂ©ciser que le condamnĂ© aussi est entendu sâil en fait la demande.
Droit pénal spécial
Placement sous scellés suite aux opérations de saisie
La chambre criminelle propose de donner la possibilitĂ© aux enquĂȘteurs de la DGCCRF de recourir Ă des scellĂ©s provisoires fermĂ©s dans le cadre dâopĂ©rations de saisie autorisĂ©es par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention en matiĂšre dâinfractions Ă la consommation.
Dans le cadre des opĂ©rations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques prohibĂ©es par les articles L. 213-1 et suivants du code de la consomma-tion pratiquĂ©es par les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la rĂ©pression des fraudes, sur autorisation du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, aucune disposition lĂ©gale ne permet Ă ces agents de procĂ©der Ă des scellĂ©s provisoires fermĂ©s en cas de difficultĂ©s pour dresser lâinventaire.
Ce procĂ©dĂ© est cependant prĂ©vu par des dispositions de droit commun, Ă savoir celles du quatriĂšme alinĂ©a de lâarticle 56 du code de procĂ©dure pĂ©nale selon lesquelles :
« Tous objets et documents saisis sont immĂ©diatement inventoriĂ©s et placĂ©s sous scellĂ©s. Cependant, si leur inventaire sur place prĂ©sente des difficultĂ©s, ils font lâobjet de scellĂ©s fermĂ©s provisoires jusquâau moment de leur inventaire et de leur mise sous scellĂ©s dĂ©finitifs et ce, en prĂ©sence des personnes qui ont assistĂ© Ă la perquisition sui-vant les modalitĂ©s prĂ©vues Ă lâarticle 57 » du code de procĂ©dure pĂ©nale.
De mĂȘme cette facultĂ© de procĂ©der Ă des scellĂ©s provisoires est prĂ©vue, en matiĂšre de concurrence, par lâarticle 450-4 du code de commerce, en matiĂšre fiscale par lâar-ticle L. 16 B, IV, du livre des procĂ©dures fiscales, ainsi que par lâarticle L. 212-10 du code de justice militaire.
Ces diffĂ©rences ne paraissent pas justifiĂ©es, notamment sâagissant des enquĂȘteurs de la DGCCRF, suivant quâils agissent pour la recherche dâinfractions au droit de la consommation ou au droit de la concurrence.
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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Dans un arrĂȘt du 4 mars 2020, pourvoi no 18-84.071, la chambre criminelle a validĂ© la pratique de scellĂ©s provisoires fermĂ©s en matiĂšre de consommation en lâabsence de grief. Il paraĂźtrait cependant plus explicite de donner une base textuelle Ă cette exten-sion des pouvoirs des enquĂȘteurs, Ă lâinstar de ce qui existe dans dâautres domaines.
La DACG considĂšre quâil apparaĂźt opportun de complĂ©ter lâarticle L. 512-59 du code de la consommation afin de permettre aux agents de la DGCCRF de placer les objets saisis au cours dâune visite domiciliaire sous scellĂ©s fermĂ©s provisoires.
La DACG indique demeurer vigilante sur cette Ă©volution lorsquâun vecteur sera susceptible dâaccueillir cette Ă©volution normative.
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/ Propositions de réforme non suivies antérieures à 2019
III/ PROPOSITIONS DE RĂFORME NON SUIVIES ANTĂRIEURES Ă 2019
Le tableau ci-dessous liste les propositions de rĂ©formes antĂ©rieures Ă lâannĂ©e 2019 qui nâont pas Ă©tĂ© suivies et pour lesquelles lâavis de la chancellerie reste inchangĂ©. LâintĂ©gralitĂ© de ces propositions figure au Rapport annuel 2018.
DEUXIĂME CHAMBRE CIVILE
Proposition de réforme de la deuxiÚme chambre civile de la Cour de cassation
Date de proposition
Position de la DACS
Fonds de garantie
Harmonisation des textes relatifs Ă la charge des frais et dĂ©pens affĂ©rents aux procĂ©dures judiciaires, en cas de mise en cause dâun fonds de garantie
Rapport 2018, p. 44
Rapports2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
Procédure civile
Fermeture du pourvoi en matiĂšre dâarrĂȘt de lâexĂ©cution provisoire
Rapport 2018, p. 47
Rapports2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
Réparation du préjudice
Indemnisation des victimes dâaccidents de la circulation Toilettage de lâarticle 29 de la loi du 5 juillet 1985 et de lâarticle 706-9 du code de procĂ©dure pĂ©nale
Rapport 2018, p. 51
Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
Saisie immobiliĂšre
Rationalisation des recours intermédiaires
Rapport 2018, p. 55
Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019,2020
Favorable
Sécurité sociale
Actions en recouvrement dâindus faisant suite Ă des contrĂŽles effectuĂ©s par les agences rĂ©gionales de santĂ© â Organisation des liens entre les caisses et ces agences
Pallier les difficultĂ©s rencontrĂ©es tenant Ă lâabsence de production des piĂšces justificatives sur lesquelles se fonde le rapport transmis par lâagence rĂ©gionale de santĂ©
Rapport 2018, p. 56
Rapports2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Absence dâavis
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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Sécurité sociale
Conditions dâaccĂšs aux prestations familiales des ressortissants Ă©trangers hors Union europĂ©enne, Espace Ă©conomique europĂ©en et ConfĂ©dĂ©ration suisse (articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sĂ©curitĂ© sociale)
Rapport 2018, p. 57
Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Absence dâavis
Sécurité sociale
Identification des bĂ©nĂ©ficiaires de pension dâinvaliditĂ© : modification de lâarticle L. 355-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale
Rapport 2018, p. 59
Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Réservée
Sécurité sociale
Ressources prises en considĂ©ration pour lâoctroi de lâallocation de logement social, prĂ©vue aux articles L. 831-1 et suivants du code de la sĂ©curitĂ© sociale
Rapport 2018, p. 62
Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019,2020
Absence dâavis
Sécurité sociale
RĂ©tablissement de lâindemnitĂ© journaliĂšre pour une durĂ©e dâun mois au plus Ă compter de la dĂ©claration dâinaptitude du mĂ©decin du travail lorsque lâemployeur nâa pas reclassĂ© le salariĂ© : modification des dispositions relatives Ă lâapplication du contrĂŽle mĂ©dical
Rapport 2018, p. 63
Rapports2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Absence dâavis
Sécurité sociale
Recouvrement des cotisations et contributions au titre de lâassurance chĂŽmage et de lâAssociation pour la garantie des salaires (AGS)
Rapport 2018, p. 71
Rapports2018, 2019, 2020
Absence dâavis
Surendettement des particuliers
Suppression de la mise en Ćuvre des mesures classiques de dĂ©sendettement en cas dâopposition du dĂ©biteur Ă lâorientation de son dossier vers une procĂ©dure de rĂ©tablissement personnel
Rapport 2018, p. 66
Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019,2020
Favorable
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/ Propositions de réforme non suivies antérieures à 2019
TROISIĂME CHAMBRE CIVILE
Proposition de réforme de la troisiÚme chambre civile de la Cour de cassation
Date de proposition
Position de la DACS
Bail emphytéotique
RĂ©vision du prix du bail â Modification de lâarticle L. 145-3 du code de commerce
Rapport 2018, p. 76
Rapports2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
Clause résolutoire
Suspension des effets â DĂ©lais de paiement : proposition dâadjonction aux articles 24 de la loi du 6 juillet 1989 et L. 145-41 du code de commerce
Rapport 2018, p. 77
Rapports2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
Droit de la construction
Garantie de livraison â Affectation de lâindemnitĂ©
Modification de lâarticle L. 231-6 du code de la construction et de lâhabitationEnvisager lâhypothĂšse dâun versement diffĂ©rĂ© par le garant dâune partie de lâindemnitĂ© en le subordonnant au commencement dâexĂ©cution des travaux
Assurer au garant que les sommes versĂ©es au maĂźtre de lâouvrage seront affectĂ©es Ă la rĂ©alisation des travaux pour lesquels le cautionnement a Ă©tĂ© donnĂ©
Rapport 2018, p. 79
Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
Expropriation
Expropriation â Conclusions complĂ©mentaires dĂ©posĂ©es devant la cour dâappel, aprĂšs un rapport dâexpertise judiciaire
Rapport 2018, p. 82
Rapports2018, 2019, 2020
Favorable
CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIĂRE ET ĂCONOMIQUE
Proposition de réforme de la chambre commerciale, financiÚre et économique de la Cour de cassation
Date de proposition
Position de la DACS
Procédure collective
DĂ©claration dâinsaisissabilitĂ©Suppression de lâarticle L. 526-1 du code de commerce
Rapport 2018, p. 89
Rapports2017, 2018,2019, 2020
Réservée
Crédit-bail mobilier
Publicité
Rapport 2018, p. 96
Rapports2018, 2019, 2020
Réservée
LIVRE 2 / Suggestions de modifications législatives ou réglementaires
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CHAMBRE SOCIALE
Proposition de réforme de la chambre sociale de la Cour de cassation
Date de proposition
Position de la DACS
Droit du travail
CongĂ©s payĂ©s â Modification de lâarticle L. 3141-5 du code du travail â Mise en conformitĂ© avec la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de lâamĂ©nagement du temps de travail
Rapport 2018, p. 98
Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Absence dâavis
Droit du travail
CongĂ©s payĂ©s â Limitation de lâacquisition des droits Ă congĂ©s : accident du travail et maladie professionnelle
Modification de lâarticle L. 3141-5 du code du travail
Rapport 2018, p. 99
Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Absence dâavis
Droit du travail
CongĂ©s payĂ©s et droit communautaire â Acquisition des droits Ă congĂ©s : congĂ© maladie
Modification de lâarticle L. 3141-5 du code du travail
Rapport 2018, p. 100
Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Absence dâavis
Droit du travail
CongĂ©s payĂ©s et droit communautaire (adaptation des rĂšgles lĂ©gales de droit interne) â La perte ou le report des droits au terme de la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence
Rapport 2018, p. 101
Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Réservée
Droit du travail
Droit à réintégration du conseiller du salarié dans son emploi
ComplĂ©ter les dispositions de lâarticle L. 2422-1 du code du travail afin dâinclure dans le champ du droit Ă rĂ©intĂ©gration dans son emploi en cas dâannulation de la dĂ©cision dâautorisation du licenciement le cas du conseiller du salariĂ©
Rapport 2018, p. 103
Rapports2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
Droit du travail
IndemnitĂ© spĂ©cifique de rupture conventionnelle : modification de lâarticle L. 1237-13 du code du travail
Rapport 2018, p. 104
Rapports2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
97
/ Propositions de réforme non suivies antérieures à 2019
Droit du travail
Licenciement dâun salariĂ© protĂ©gĂ© : crĂ©ation dâune sanction pĂ©cuniaire, au titre de la mĂ©connaissance du statut protecteur, en cas de licenciement sans autorisation administrative dâun salariĂ© protĂ©gĂ© qui ne demande pas sa rĂ©intĂ©gration
Rapport 2018, p. 105
Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Favorable
Droit du travail
Protection contre le licenciement de certains Ă©lus locaux â RĂšglement des difficultĂ©s liĂ©es Ă lâabsence de dispositions au sein des titres Ier et II du code du travail
Rapport 2018, p. 106
Rapports2016, 2017, 2018, 2019,2020
Absence dâavis
Droit du travail
Rupture du contrat de travail dâune assistante maternelle : rĂšglement de la contradiction formelle apparente entre les dispositions de lâarticle L. 423-24 et celles de lâarticle L. 423-2, 4o, du code de lâaction sociale et des familles
Rapport 2018, p. 107
Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020
Absence dâavis
***
LIVRE 3
JURISPRUDENCE DE LA COUR
100
LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
JURISPRUDENCE DE LA COUR
I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION .......................................................................... 103
A. Formation pléniÚre............................................................................... 103
B. Formation mixte ................................................................................... 103
C. Avis rendus par les chambres ............................................................ 103
1. Avis rendus en matiĂšre civile .............................................................. 103
2. Avis rendu en matiÚre pénale ............................................................. 105
II. ARRĂTS RENDUS EN ASSEMBLĂE PLĂNIĂRE ET EN CHAMBRE MIXTE ...................... 106
A. Assemblée pléniÚre ............................................................................. 106
1. ArrĂȘts rendus en matiĂšre civile ........................................................... 106
2. ArrĂȘts rendus en matiĂšre pĂ©nale ........................................................ 110
B. Chambre mixte ..................................................................................... 112
III. ARRĂTS RENDUS PAR LES CHAMBRES ................................................................ 113
A. Droit des personnes et de la famille ................................................. 113
1. Ătat civil et filiation ............................................................................ 113
2. Données à caractÚre personnel ........................................................... 115
3. Protection des consommateurs........................................................... 118
B. Droit du travail ...................................................................................... 120
1. Contrat de travail, organisation et exĂ©cution du travail ...................... 120a. Emploi et formation ....................................................................... 120b. Droits et obligations des parties au contrat de travail ..................... 120c. Modification dans la situation juridique de lâemployeur ................. 120d. Contrats et statuts particuliers ........................................................ 120e. Transfert du contrat de travail ........................................................ 123f. Coemploi ........................................................................................ 125
2. Durée du travail et rémunération ........................................................ 128a. Durée du travail, repos et congés .................................................... 128b. Rémunération ................................................................................ 131
3. Santé et sécurité au travail ................................................................. 132
4. ĂgalitĂ© de traitement, discrimination, harcĂšlement ........................... 134a. ĂgalitĂ© de traitement ...................................................................... 134b. Discrimination ............................................................................... 134c. HarcĂšlement ................................................................................... 137
5. Accords collectifs et conflits collectifs de travail ............................... 137a. Conventions et accords collectifs .................................................... 137b. Conflits du travail........................................................................... 137
6. ReprĂ©sentation du personnel et Ă©lections professionnelles ............... 139a. Ălections, reprĂ©sentativitĂ©, reprĂ©sentants syndicaux : mise en Ćuvre de la loi du 20 aoĂ»t 2008 .......................................................... 139b. Ălections, syndicats hors application de la loi du 20 aoĂ»t 2008 ....... 139
101
c. Protection des représentants du personnel ..................................... 139d. Fonctionnement des institutions représentatives du personnel ....... 139e. Syndicat professionnel .................................................................... 143
7. Rupture du contrat de travail ............................................................. 145a. Rupture conventionnelle ................................................................ 145b. Contrat de travail à durée déterminée ............................................ 145c. Indemnités de rupture .................................................................... 145d. Licenciement ................................................................................. 147
8. Actions en justice ................................................................................ 149a. Compétence ................................................................................... 149b. Séparation des pouvoirs.................................................................. 149
C. Droit immobilier, environnement et urbanisme ............................... 149
1. Bail (rÚgles générales) ........................................................................ 149
2. PrivilĂšges............................................................................................. 151
3. Prescription ......................................................................................... 152
4. Responsabilité .................................................................................... 153
D. Activités économiques, commerciales et financiÚres ..................... 160
1. Concurrence déloyale .......................................................................... 160
2. Entreprises en difficulté ..................................................................... 162
3. ImpĂŽts et taxes ................................................................................... 166
4. Propriété littéraire et artistique .......................................................... 171
5. Sociétés .............................................................................................. 175
E. Responsabilité civile, assurance et sécurité sociale....................... 177
1. Assurance ........................................................................................... 177
2. Sécurité sociale .................................................................................. 182
3. Aide sociale......................................................................................... 187
4. Responsabilité civile ........................................................................... 190
F. Procédure civile et organisation des professions ............................. 197
1. Action en justice ................................................................................. 197
2. Appel civil ........................................................................................... 198
3. Compétence ........................................................................................ 203
4. Fonds de garantie ............................................................................... 205
5. Mesures dâinstruction ......................................................................... 207
6. ProcĂ©dure civile dâexĂ©cution ............................................................... 208
G. Droit pénal et procédure pénale ........................................................ 209
1. Droit pénal général ............................................................................. 209
2. Droit pénal spécial .............................................................................. 209
3. Procédure pénale ................................................................................ 217
H. Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme et du droit international.............. 228
1. Droit de lâUnion europĂ©enne .............................................................. 228
2. Droit de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme ............... 235
IV. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITĂ (QPC) ....................................... 242
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/ Avis de la Cour de cassation
I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION
A. Formation pléniÚre
Aucun avis en formation pléniÚre publié au Rapport en 2020.
B. Formation mixte
Aucun avis en formation mixte publié au Rapport en 2020.
C. Avis rendus par les chambres
1. Avis rendus en matiĂšre civile
Protection des consommateurs â IntĂ©rĂȘts â Taux â Taux effectif global â DĂ©faut de mention ou mention erronĂ©e â Sanction â DĂ©termination â Ordonnance nÂș 2019-740 du 17 juillet 2019 â Application dans le temps â Application aux contrats de crĂ©dit conclus avant son entrĂ©e en vigueur (non)Avis de la Cour de cassation, 1re Civ., 10 juin 2020, no 20-70.001, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Vitse et avis de M. LavigneLes dispositions de lâordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 sont inapplicables aux contrats de crĂ©dit conclus avant son entrĂ©e en vigueur.
Protection des consommateurs â CrĂ©dit immobilier â Offre prĂ©alable â Modification du prĂȘt â Conditions du prĂȘt â IntĂ©rĂȘts â Taux â Taux effectif global ou taux conventionnel â Erreur â Sanction â DĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts du prĂȘteur dans la proportion fixĂ©e par le jugeMĂȘme avisEn cas dâerreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnĂ©s dans lâavenant au contrat de crĂ©dit immobilier, le prĂȘteur peut ĂȘtre dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge.
Lâavis, prononcĂ© au regard de crĂ©dits souscrits le 24 mai 2011 et dâun avenant conclu le 17 dĂ©cembre 2013, prĂ©cise, dâune part, le champ dâapplication dans le temps de lâor-donnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de dĂ©faut ou dâerreur du taux effectif global (1), dâautre part, la sanction encourue par le prĂȘteur en cas dâerreur relative au taux effectif global ou au taux conventionnel mentionnĂ©s dans lâavenant de renĂ©gociation dâun crĂ©dit immobilier (2).
104
LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
1) Ă la diversitĂ© de sanctions antĂ©rieurement encourues en cas de dĂ©faut ou dâer-reur du taux effectif global lâordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 prĂ©citĂ©e subs-titue une seule sanction, Ă savoir la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge.
Ce texte ne comporte pas de dispositions transitoires, de sorte que se pose la ques-tion de son application dans le temps.
Aux termes de lâarticle 2 du code civil, la loi ne dispose que pour lâavenir et nâa point dâeffet rĂ©troactif.
Si une loi nouvelle peut dĂ©roger Ă ce principe et ainsi sâappliquer aux contrats conclus avant son entrĂ©e en vigueur, encore faut-il quâelle prĂ©voie une disposition expresse en ce sens.
Or tel nâest pas le cas de lâordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 prĂ©citĂ©e, dont on a vu quâelle ne comportait pas de dispositions transitoires.
Reste que la rĂ©troactivitĂ© dâune loi nouvelle peut Ă©galement ĂȘtre justifiĂ©e, de maniĂšre prĂ©torienne, par des considĂ©rations dâordre public ou par la thĂ©orie des effets lĂ©gaux du contrat.
Seules des considĂ©rations dâordre public impĂ©rieuses peuvent justifier de faire rĂ©troa-gir une loi nouvelle. DĂšs lors que lâordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 vise Ă harmoniser le rĂ©gime des sanctions civiles applicables au prĂȘteur et Ă assurer leur pro-portionnalitĂ©, elle nâobĂ©it pas Ă de telles considĂ©rations.
Quant Ă la thĂ©orie des effets lĂ©gaux du contrat, selon laquelle la loi nouvelle a voca-tion Ă sâappliquer immĂ©diatement aux contrats en cours lorsque les effets du contrat rĂ©sultent de la loi et non de la volontĂ© des parties, elle ne saurait davantage justifier lâap-plication rĂ©troactive de lâordonnance prĂ©citĂ©e aux contrats en cours, quand bien mĂȘme la sanction encourue en cas dâinobservation des rĂšgles de fixation du taux effectif global Ă©chappe manifestement Ă la volontĂ© des parties. En effet, lâapplication de cette thĂ©orie est bornĂ©e par la nĂ©cessitĂ© dâune situation juridique non dĂ©finitivement rĂ©alisĂ©e. Or le vice qui justifie la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts affecte le taux effectif global dĂšs la souscription du contrat de crĂ©dit, de sorte quâil procĂšde dâune situation juridique dĂ©fi-nitivement rĂ©alisĂ©e au jour de la conclusion du contrat.
Ă noter que lâavis est prononcĂ© en contemplation des seuls crĂ©dits litigieux, une demande dâavis nâĂ©tant recevable que si elle commande lâissue du litige. Il sâensuit que lâavis ne vaut que pour les crĂ©dits immobiliers souscrits avant le 18 dĂ©cembre 2013.
Au vu de la directive 2014/17/UE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 14 fĂ©vrier 2014 sur les contrats de crĂ©dit aux consommateurs relatifs aux biens immo-biliers Ă usage rĂ©sidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le rĂšglement (UE) no 1093/2010, qui, Ă lâarticle 38, exige que les sanctions applicables en cas dâinfraction aux dispositions nationales adoptĂ©es sur la base de cette directive soient proportionnĂ©es et qui prĂ©voit quâelle ne sâapplique pas aux contrats de crĂ©dit en cours au 21 mars 2016, date limite de sa transposition, lâapplication rĂ©troactive de lâordon-nance no 2019-740 du 17 juillet 2019 prĂ©citĂ©e aux contrats conclus postĂ©rieurement Ă cette date pourrait se poser.
105
/ Avis de la Cour de cassation
2) Si lâon considĂšre les textes applicables aux crĂ©dits litigieux, lâarticle L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă celle issue de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative Ă la consommation, ne renvoie pas aux dispositions de lâarticle L. 312-14-1 du code de la consommation, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă celle issue de lâordonnance no 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crĂ©dit aux consomma-teurs relatifs aux biens immobiliers Ă usage dâhabitation. Il pourrait sâen dĂ©duire que la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts prĂ©vue au premier de ces textes nâest pas la sanction encourue en cas dâerreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conven-tionnel mentionnĂ©s dans lâavenant prĂ©vu au second, seule la substitution du taux dâin-tĂ©rĂȘt lĂ©gal Ă celui de lâintĂ©rĂȘt conventionnel Ă©tant concevable.
Ce serait toutefois ignorer un arrĂȘt contemporain du prĂ©sent avis, dont il rĂ©sulte que lâomission du taux effectif global dans lâĂ©crit constatant un contrat de prĂȘt comme lâerreur affectant la mention de ce taux dans un tel Ă©crit justifient que le prĂȘteur soit dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge, mĂȘme lorsque le contrat a Ă©tĂ© conclu avant lâentrĂ©e en vigueur de lâordonnance no 2019-740 du 17 juil-let 2019 prĂ©citĂ©e (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi no 18-24.287, publiĂ© au Bulletin).
Une telle jurisprudence a pour but de permettre au juge de prendre en considĂ©-ration, y compris dans les contrats souscrits antĂ©rieurement Ă lâentrĂ©e en vigueur de lâordonnance prĂ©citĂ©e, la gravitĂ© du manquement commis par le prĂȘteur et le prĂ©ju-dice subi par lâemprunteur.
Le mĂȘme objectif de proportionnalitĂ© impose de prĂ©voir une sanction identique en cas dâerreur affectant le calcul du taux conventionnel mentionnĂ© dans lâavenant au contrat de crĂ©dit immobilier.
2. Avis rendu en matiÚre pénale
Aucun avis en matiÚre pénale publié au Rapport en 2020.
106
LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
II. ARRĂTS RENDUS EN ASSEMBLĂE PLĂNIĂRE ET EN CHAMBRE MIXTE
A. Assemblée pléniÚre
1. ArrĂȘts rendus en matiĂšre civile
ResponsabilitĂ© dĂ©lictuelle ou quasi dĂ©lictuelle â Dommage â RĂ©paration â Obligation â BĂ©nĂ©ficiaires â Tiers Ă un contrat â Condition â Dommage causĂ© par un manquement contractuelAss. plĂ©n., 13 janvier 2020, pourvoi no 17-19.963, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Monge et avis de M. de la TourLe tiers Ă un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilitĂ© dĂ©lictuelle, un manquement contractuel dĂšs lors que ce manquement lui a causĂ© un dommage.En consĂ©quence, le tiers Ă un contrat dâalimentation en Ă©nergie, qui, en raison de lâinter-ruption de la fourniture en Ă©nergie endurĂ©e pendant plusieurs semaines par la sociĂ©tĂ© avec laquelle il Ă©tait en relation, a subi un prĂ©judice dâexploitation peut invoquer le manquement contractuel imputable au fournisseur dâĂ©nergie pour obtenir rĂ©paration.
Le 6 octobre 2006, la Cour de cassation, rĂ©unie en assemblĂ©e plĂ©niĂšre, a rendu un arrĂȘt connu sous le nom dâarrĂȘt Boot shop ou Myrâho (Ass. plĂ©n., pourvoi no 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plĂ©n, no 9) par lequel elle retenait que le tiers Ă un contrat peut invo-quer, sur le fondement de la responsabilitĂ© dĂ©lictuelle, un manquement contractuel dĂšs lors que ce manquement lui a causĂ© un dommage.
AppelĂ©e Ă sâinterroger sur le maintien du principe ainsi Ă©noncĂ© au regard dâarrĂȘts de diffĂ©rentes chambres interprĂ©tĂ©s par la doctrine comme exprimant une divergence par comparaison avec la fidĂ©litĂ© observĂ©e dans dâautres arrĂȘts Ă la formulation de lâar-rĂȘt Boot shop, la Cour de cassation, Ă nouveau rĂ©unie en assemblĂ©e plĂ©niĂšre, a rĂ©affirmĂ©, dans les mĂȘmes termes et en sâen expliquant, son attachement Ă ce principe.
En lâespĂšce, au travers dâune action subrogatoire exercĂ©e par un assureur, la question Ă©tait celle de lâindemnisation du tiers Ă un contrat dâalimentation en Ă©nergie, qui, en raison de lâinterruption de la fourniture en Ă©nergie endurĂ©e pendant plusieurs semaines par la sociĂ©tĂ© avec laquelle il Ă©tait en relation, avait subi un prĂ©judice dâexploitation.
Le moyen tirĂ© du manquement contractuel imputable au fournisseur dâĂ©nergie ayant Ă©tĂ© expressĂ©ment soulevĂ©, la cour dâappel avait fait partiellement application de la solution de lâarrĂȘt Boot shop en en reprenant la formulation pour Ă©carter lâopposa-bilitĂ© des clauses dâarbitrage et limitative de responsabilitĂ© invoquĂ©es par le contrac-tant dont la responsabilitĂ© Ă©tait recherchĂ©e, mais elle sâen Ă©tait Ă©loignĂ©e en exigeant la dĂ©monstration dâune faute. Câest cette exigence que lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre sanctionne.
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/ ArrĂȘts rendus en assemblĂ©e plĂ©niĂšre et en chambre mixte
Tout en rĂ©affirmant le fondement dĂ©lictuel ou quasi dĂ©lictuel de lâaction en indem-nisation du tiers au contrat, lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre a ainsi considĂ©rĂ© que la caractĂ©risa-tion dâun manquement contractuel, Ă la condition que ce manquement lui ait causĂ© un dommage, suffisait Ă ouvrir Ă ce tiers droit Ă rĂ©paration.
Ce faisant, elle opte, Ă nouveau et en dĂ©pit des critiques quâa suscitĂ©es lâarrĂȘt Boot shop au sein de la doctrine, en particulier celle inquiĂšte des atteintes pouvant ĂȘtre por-tĂ©es au principe de la relativitĂ© des contrats, pour une solution rĂ©pondant aux attentes des tiers qui, victimes dâune inexĂ©cution ou dâune mauvaise exĂ©cution contractuelle, sont susceptibles, en lâabsence de mĂ©connaissance par le contractant poursuivi dâune obligation gĂ©nĂ©rale de prudence ou de diligence ou du devoir gĂ©nĂ©ral de ne pas nuire Ă autrui, dâĂȘtre privĂ©s de toute indemnisation de leur dommage.
LâarrĂȘt apporte un enseignement supplĂ©mentaire : en appliquant le principe Ă©noncĂ© par lâarrĂȘt Boot shop Ă une situation oĂč le manquement dĂ©noncĂ© portait sur une obliga-tion de rĂ©sultat et non, comme dans ce prĂ©cĂ©dent arrĂȘt, sur une obligation de moyen, lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation ne retient pas la nĂ©cessitĂ© dâune distinc-tion fondĂ©e sur la nature de lâobligation mĂ©connue.
En rĂ©alitĂ©, lâarrĂȘt rendu subordonne le succĂšs de lâaction en indemnisation du tiers Ă la preuve du lien de causalitĂ© quâil incombe Ă celui-ci de rapporter entre le manque-ment contractuel quâil demande de reconnaĂźtre et le prĂ©judice dont il justifie et invite, par consĂ©quent, les juges du fond Ă continuer de privilĂ©gier dans leur examen cet aspect essentiel du litige qui permet de distinguer le prĂ©judice indemnisable de celui qui ne lâest pas.
ProcĂ©dures civiles dâexĂ©cution â Mesures d'exĂ©cution forcĂ©e â Saisie-attribution â Effets â IntĂ©rĂȘts moratoires â Exclusion â Force majeure â Conditions â ExtĂ©rioritĂ©Ass. plĂ©n., 10 juillet 2020, pourvois no 18-18.542 et no 18-21.814, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Mollard et avis de M. MolinsLe gel des avoirs d'une personne ou d'une entitĂ© qui est frappĂ©e par cette mesure en raison de ses activitĂ©s, ne constitue pas pour elle un cas de force majeure, faute d'extĂ©rioritĂ©, de sorte que, malgrĂ© l'impossibilitĂ© oĂč elle se trouve d'exĂ©cuter une condamnation au paiement d'une somme d'argent, le cours des intĂ©rĂȘts lĂ©gaux sur cette somme n'est pas suspendu.
Au dĂ©but des annĂ©es 2000, la RĂ©publique islamique dâIran, Ătat signataire du TraitĂ© de non-prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires, a Ă©tĂ© suspectĂ©e par la communautĂ© interna-tionale de dĂ©velopper un programme nuclĂ©aire et de missiles balistiques en violation de ses engagements internationaux.
Par la rĂ©solution 1737 (2006) du 23 dĂ©cembre 2006, le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies a dĂ©cidĂ© que lâIran devait suspendre toutes les activitĂ©s liĂ©es Ă lâenrichissement et au retraitement ainsi que les travaux sur tous projets liĂ©s Ă lâeau lourde, et prendre certaines mesures prescrites par le Conseil des gouverneurs de lâAgence internatio-nale de lâĂ©nergie atomique. Par cette mĂȘme rĂ©solution, il a dĂ©cidĂ© que lâensemble des Ătats membres des Nations unies devraient appliquer un certain nombre de mesures restrictives, parmi lesquelles le gel des fonds et ressources Ă©conomiques qui sont la
108
LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
propriété ou sont sous le contrÎle de personnes ou entités désignées par le Conseil de sécurité comme concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques iranien.
Par la rĂ©solution 1747 (2007) du 24 mars 2007, le Conseil de sĂ©curitĂ© a identifiĂ© la sociĂ©tĂ© de droit iranien Bank Sepah (la banque Sepah) comme faisant partie des « enti-tĂ©s concourant au programme nuclĂ©aire ou de missiles balistiques » de lâIran auxquelles devait sâappliquer la mesure de gel des avoirs.
Ces rĂ©solutions ont Ă©tĂ© transposĂ©es dans le droit communautaire par les rĂšglements (CE) no 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 concernant lâadoption de mesures res-trictives Ă lâencontre de lâIran et (CE) no 441/2007 de la Commission du 20 avril 2007 modifiant le rĂšglement (CE) no 423/2007 du Conseil concernant lâadoption de mesures restrictives Ă lâencontre de lâIran, de sorte quâĂ compter du 21 avril 2007 tous les avoirs dĂ©tenus par la banque Sepah sur le territoire de la CommunautĂ© europĂ©enne, et notam-ment en France, ont Ă©tĂ© gelĂ©s.
La banque Sepah nâa pas exercĂ©, devant les juridictions europĂ©ennes, les voies de droit permettant de contester son inscription sur la liste des personnes et entitĂ©s frap-pĂ©es par une mesure de gel.
Quelques jours aprĂšs le gel des avoirs de la banque Sepah, la cour dâappel de Paris (chambre des appels correctionnels) a, par arrĂȘt du 26 avril 2007 devenu irrĂ©vocable, dĂ©clarĂ© celle-ci civilement responsable des agissements dĂ©lictueux commis, en 1995, par lâancien directeur de sa succursale en France et lâa en consĂ©quence condamnĂ©e Ă payer certaines sommes aux sociĂ©tĂ©s de droit amĂ©ricain Overseas Financial Ltd (la sociĂ©tĂ© Overseas) et Oaktree Finance Ltd (la sociĂ©tĂ© Oaktree).
Le 17 janvier 2016, le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies a radiĂ© la banque Sepah de la liste des personnes et entitĂ©s faisant lâobjet du gel de leurs avoirs. Cette dĂ©cision a Ă©tĂ© transposĂ©e dans le droit de lâUnion europĂ©enne par le rĂšglement dâexĂ©cution (UE) no 2016/74 du Conseil du 22 janvier 2016 mettant en Ćuvre le rĂšglement (UE) no 267/2012 concernant lâadoption de mesures restrictives Ă lâencontre de lâIran, entrĂ© en vigueur le 23 janvier 2016, date Ă laquelle la banque Sepah a donc recouvrĂ© la libre disposition des avoirs quâelle dĂ©tenait dans lâUnion europĂ©enne.
Le 17 mai 2016, en vertu de lâarrĂȘt du 26 avril 2007 de la cour dâappel de Paris, les sociĂ©tĂ©s Overseas et Oaktree ont fait dĂ©livrer des commandements de payer aux fins de saisie-vente contre la banque Sepah. Le 5 juillet 2016, elles ont encore fait pratiquer entre les mains de la SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale des saisies-attributions et des saisies de droits dâassociĂ©s et valeurs mobiliĂšres, au prĂ©judice de la banque Sepah.
La banque Sepah a alors assignĂ© les sociĂ©tĂ©s Overseas et Oaktree devant le juge de lâexĂ©cution aux fins, notamment, de voir retrancher les intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal des causes des saisies. Si elle reconnaissait devoir le principal des sommes au paiement desquelles elle avait Ă©tĂ© condamnĂ©e, elle soutenait que le gel de ses avoirs, qui lâavait empĂȘchĂ©e dâexĂ©cuter lâarrĂȘt du 26 avril 2007 prĂ©citĂ©, constituait un cas de force majeure ayant entraĂźnĂ© la suspension des intĂ©rĂȘts.
Par arrĂȘt du 8 mars 2018, la cour dâappel de Paris a Ă©cartĂ© le moyen pris de la force majeure aux motifs que « la rĂ©solution 1747 (2007) en date du 24 mars 2007 du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies qui a ordonnĂ© le gel des fonds et des ressources Ă©cono-miques de la Bank Sepah constitue une sanction prononcĂ©e Ă lâencontre de celle-ci »
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/ ArrĂȘts rendus en assemblĂ©e plĂ©niĂšre et en chambre mixte
et que, « dĂšs lors, lâappelante est mal fondĂ©e Ă invoquer lâexistence dâune cause Ă©tran-gĂšre qui lâexonĂ©rerait de son obligation dâexĂ©cuter lâarrĂȘt du 26 avril 2007 en ce quâil lâa condamnĂ©e au paiement des intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal Ă compter de son prononcĂ© ». Elle a donc rejetĂ© la demande de la banque Sepah de voir retrancher des causes des saisies le montant des intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal.
Mais, considĂ©rant que rien nâinterdisait aux sociĂ©tĂ©s Overseas et Oaktree dâengager, sur les avoirs gelĂ©s de la banque Sepah, des mesures dâexĂ©cution, ne serait-ce quâĂ titre conservatoire, elle a dit prescrits les intĂ©rĂȘts courus antĂ©rieurement au 17 mai 2011, en lâabsence de toute cause interruptive de prescription antĂ©rieure Ă la signification des commandements de payer du 17 mai 2016.
La banque Sepah et les sociétés Overseas et Oaktree ont chacune formé un pourvoi.
Ces pourvois offrent, pour la premiĂšre fois, Ă la Cour de cassation lâopportunitĂ© de prĂ©ciser la nature et les consĂ©quences dâune mesure de gel des fonds et des ressources Ă©conomiques. La portĂ©e des solutions apportĂ©es aux questions quâils soulĂšvent est dâau-tant plus grande que, depuis une vingtaine dâannĂ©es, les rĂ©gimes de gel des avoirs se sont multipliĂ©s. Aussi, par arrĂȘt du 27 fĂ©vrier 2020, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle ordonnĂ© le renvoi des deux pourvois devant lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre.
Le premier moyen de la banque Sepah soulevait Ă la fois la question de la nature dâune mesure de gel des fonds et des ressources Ă©conomiques et celle de savoir si une telle mesure constitue, pour la personne ou lâentitĂ© qui en est frappĂ©e, un cas de force majeure.
Selon une jurisprudence constante, un Ă©vĂ©nement nâest constitutif de force majeure que sâil est Ă la fois imprĂ©visible, irrĂ©sistible et extĂ©rieur. Ă cet Ă©gard, il y a lieu de souli-gner que la nouvelle dĂ©finition de la force majeure en matiĂšre contractuelle, introduite dans lâarticle 1218 du code civil par lâordonnance no 2016-131 du 10 fĂ©vrier 2016 por-tant rĂ©forme du droit des contrats, du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral et de la preuve des obligations, nâĂ©tait applicable ni ratione materiae, ni ratione temporis.
La cour dâappel avait constatĂ© lâabsence dâextĂ©rioritĂ© en se fondant sur la nature de sanction de la mesure de gel. Or il ressort de la jurisprudence des juridictions de lâUnion europĂ©enne que le gel des avoirs nâest pas une sanction, de sorte que la moti-vation de lâarrĂȘt attaquĂ© Ă©cartant la force majeure Ă©tait erronĂ©e.
Pour autant, lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation a rejetĂ© le moyen de la banque Sepah pris de la force majeure. En effet, elle a constatĂ©, par un motif substi-tuĂ© de pur droit, que, la banque Sepah ayant Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e par le Conseil de sĂ©curitĂ© en raison de ses activitĂ©s â puisque le motif de sa dĂ©signation Ă©tait lâappui quâelle appor-tait au programme de missiles balistiques iranien â, la mesure de gel ne remplissait pas Ă son Ă©gard la condition dâextĂ©rioritĂ©.
Le moyen unique des sociĂ©tĂ©s Overseas et Oaktree soulĂšve la question de savoir si des mesures conservatoires ou dâexĂ©cution forcĂ©e peuvent ĂȘtre diligentĂ©es sur des fonds et des ressources Ă©conomiques gelĂ©s. La rĂ©ponse est dâun intĂ©rĂȘt considĂ©rable pour les crĂ©anciers dont les dĂ©biteurs voient leurs avoirs gelĂ©s.
LâassemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation sâest plus particuliĂšrement demandĂ©e si, compte tenu de son absence dâeffet attributif, une mesure conservatoire (sĂ»retĂ© judi-ciaire ou saisie conservatoire) peut ĂȘtre diligentĂ©e sur des avoirs gelĂ©s. Elle a constatĂ©
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
que cette question est inĂ©dite, tant devant les juridictions de lâUnion europĂ©enne que devant les juridictions nationales des Ătats membres, que la rĂ©ponse nĂ©cessite une inter-prĂ©tation du rĂšglement (CE) no 423/2007 prĂ©citĂ© et des rĂšglements qui lâont remplacĂ©, et quâelle ne sâimpose pas avec la force de lâĂ©vidence.
Elle a donc sursis Ă statuer et saisi la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne de questions prĂ©judicielles en interprĂ©tation de ces rĂšglements, ce qui lâa conduite, dans son arrĂȘt, Ă apporter Ă la Cour de justice les explications nĂ©cessaires quant Ă la nature et aux effets des mesures conservatoires prĂ©vues dans le code français des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution.
Les questions posées sont les suivantes :
« 1o) Les articles 1er, sous h) et j), et 7, paragraphe 1, du rĂšglement (CE) no 423/2007, 1er, sous i) et h), et 16, paragraphe 1, du rĂšglement (UE) no 961/2010 ainsi que 1er, sous k) et j), et 23, paragraphe 1, du rĂšglement (UE) no 267/2012 doivent-ils ĂȘtre interprĂ©-tĂ©s en ce sens quâils sâopposent Ă ce que soit diligentĂ©e sur des avoirs gelĂ©s, sans auto-risation prĂ©alable de lâautoritĂ© nationale compĂ©tente, une mesure dĂ©pourvue dâeffet attributif, telle une sĂ»retĂ© judiciaire ou une saisie conservatoire, prĂ©vues par le code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution français ?
2o) La circonstance que la cause de la crĂ©ance Ă recouvrer sur la personne ou lâentitĂ© dont les avoirs sont gelĂ©s soit Ă©trangĂšre au programme nuclĂ©aire et balistique iranien et antĂ©rieure Ă la rĂ©solution 1737 (2006) du 23 dĂ©cembre 2006 du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies est-elle pertinente aux fins de rĂ©pondre Ă la premiĂšre question ? ».
2. ArrĂȘts rendus en matiĂšre pĂ©nale
Convention europĂ©enne des droits de lâHomme â Article 6, § 1 â Tribunal â ImpartialitĂ© â Cour de justice de la RĂ©publique â Commission d'instruction statuant sur la rĂ©gularitĂ© des actes de l'information qu'elle a conduiteAss. plĂ©n., 13 mars 2020, pourvois no 19-86.609, no 18-80.162, no 18-80.164 et no 18-80.165, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. GuĂ©ry et avis de M. SalomonNe mĂ©connaĂźt pas les garanties de l'article 6, § 1, de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme, l'arrĂȘt de la commission d'instruction de la Cour de justice de la RĂ©publique statuant sur la rĂ©gularitĂ© des actes de l'information qu'elle a conduite, en application de l'article 23 de la loi organique du 23 novembre 1993, dĂšs lors qu'elle se prononce sous le contrĂŽle de l'assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation ayant, en la matiĂšre, pleine compĂ©tence pour statuer en fait et en droit.
Comptes de campagne â Validation par le Conseil constitutionnel â DĂ©cision â AutoritĂ© de chose jugĂ©e â Etendue â Infractions prĂ©vues Ă lâarticle L. 113-1 du code Ă©lectoral exclusivementMĂȘme arrĂȘtLa validation des comptes de campagne, Ă la date de la dĂ©cision rendue par le Conseil constitutionnel, rĂ©sulte d'un contrĂŽle juridictionnel et l'autoritĂ© de la chose jugĂ©e de cette dĂ©cision ne trouve Ă s'appliquer qu'au regard des infractions prĂ©vues par l'ar-ticle L. 113-1 du code Ă©lectoral, sanctionnant l'absence de respect des obligations visĂ©es par ce texte et imposĂ©es Ă un candidat.
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/ ArrĂȘts rendus en assemblĂ©e plĂ©niĂšre et en chambre mixte
Par le prĂ©sent arrĂȘt, lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation rejette les pourvois formĂ©s par M. A⊠XâŠ, ancien Premier ministre et candidat Ă lâĂ©lection prĂ©sidentielle en 1995, contre trois arrĂȘts avant-dire droit rendus le 21 dĂ©cembre 2017 par la commis-sion dâinstruction de la Cour de justice de la RĂ©publique et contre lâarrĂȘt rendu par la mĂȘme commission, le 30 septembre 2019, portant renvoi devant la formation de jugement de ladite Cour, et non-lieu partiel.
Il est reprochĂ© Ă M. XâŠ, en qualitĂ© de complice et de receleur dâabus de biens sociaux, dâavoir participĂ© Ă la mise en place dâun rĂ©seau dâintermĂ©diaires venu se greffer sur des contrats dâarmement conclus avec lâArabie saoudite et le Pakistan, gĂ©nĂ©rant des rĂ©tro-com-missions ayant pu alimenter sa campagne Ă©lectorale prĂ©sidentielle.
Seules les principales questions juridiques discutĂ©es font lâobjet de la prĂ©sente notice.
Le premier moyen portait sur lâarrĂȘt no 1, rendu le 21 dĂ©cembre 2017, par lequel la commission dâinstruction avait rejetĂ© la demande de nullitĂ© de procĂ©dure prise de ce que les juges de droit commun se seraient dessaisis tardivement de la procĂ©dure alors quâappa-raissaient dĂ©jĂ des Ă©lĂ©ments mettant en cause le Premier ministre.
LâassemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation nâa pas suivi le demandeur dans la compa-raison quâil Ă©tablissait avec la procĂ©dure des anciens articles 679 Ă 688 du code de procĂ©dure pĂ©nale, dite des « privilĂšges de juridiction », dont la portĂ©e Ă©tait profondĂ©ment diffĂ©rente.
Elle rappelle que non seulement le dessaisissement au profit de la Cour de justice de la RĂ©publique ne peut avoir lieu que lorsquâun ministre est mis en cause, mais encore lorsquâil est Ă©tabli que les faits, Ă les supposer avĂ©rĂ©s, auraient Ă©tĂ© commis dans le cadre de ses fonc-tions ministĂ©rielles.
Un tel dessaisissement ne peut ĂȘtre envisagĂ© quâaprĂšs quâil a Ă©tĂ© instruit sur ces cri-tĂšres de compĂ©tence et lâanalyse de la commission dâinstruction est confirmĂ©e sur ce point.
Le deuxiĂšme moyen portait sur lâarrĂȘt no 2, datĂ© du mĂȘme jour, par lequel la commis-sion dâinstruction avait dit nây avoir lieu Ă annulation de la mise en examen de M. XâŠ. Le moyen faisait valoir que la commission dâinstruction nâaurait pas dĂ» statuer, pour apprĂ©cier cette nullitĂ©, dans la mĂȘme composition que celle ayant ordonnĂ© la mise en examen. La ques-tion de violation de lâimpartialitĂ© soulevĂ©e ne touchait pas la personne des magistrats mais la procĂ©dure prĂ©vue par lâarticle 23 de la loi organique no 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la RĂ©publique.
En rĂ©ponse, lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre rappelle que ce sont les dispositions expresses de lâar-ticle 23 de la loi organique no 93-1252 du 23 novembre 1993 prĂ©citĂ©e qui prĂ©voient que la commission dâinstruction de la Cour de justice de la RĂ©publique statue sur les nullitĂ©s de la procĂ©dure, un pourvoi pouvant ĂȘtre formĂ© devant la Cour de cassation, ayant, en la matiĂšre, pleine compĂ©tence pour statuer en fait et en droit, de sorte que ces dispositions ne mĂ©connaissent pas les garanties de lâarticle 6, § 1, de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme.
LâassemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation avait rendu un arrĂȘt dans le mĂȘme sens le 6 juin 2003 (Ass. plĂ©n., 6 juin 2003, pourvois no 01-87.092 et no 03-80.734, Bull. crim. 2003, Ass. plĂ©n., no 2).
Le troisiĂšme moyen critiquait lâarrĂȘt no 3, Ă©galement rendu le 21 dĂ©cembre 2017. Il invoquait, dans une premiĂšre branche, lâimpossibilitĂ© pour la commission dâinstruction
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
de rĂ©pondre dans la mĂȘme composition que celle ayant statuĂ© en 2016 sur la mĂȘme ques-tion. La Cour de cassation rappelle que la premiĂšre dĂ©cision rendue sur la prescription de lâaction publique, par la commission dâinstruction de la Cour de justice de la RĂ©publique, nâavait pas autoritĂ© de la chose jugĂ©e Ă lâĂ©gard de M. XâŠ.
Le demandeur prĂ©tendait, dans le cadre de ce moyen (et du quatriĂšme qui en constituait la consĂ©quence), que la prescription de lâaction publique Ă©tait acquise dĂšs lors que le contrĂŽle par le Conseil constitutionnel des comptes de campagne Ă©tait exclusif de toute dissimulation.
Mais le fait de faire figurer certaines sommes dans les recettes de campagne du candi-dat nâexcluait pas la dissimulation de leur origine. Ă lâĂ©poque des faits, le Conseil consti-tutionnel nâavait ni la mission ni les pouvoirs dâordonner des investigations sur ce point.
En consĂ©quence, le point de dĂ©part de la prescription de lâaction publique avait pu ĂȘtre fixĂ© par la commission dâinstruction au jour de la dĂ©couverte, en septembre 2006, dâun rap-port attestant de lâexistence de rĂ©tro-commissions ayant pu bĂ©nĂ©ficier Ă la campagne prĂ©-sidentielle de M. XâŠ.
Peu importe, Ă cet Ă©gard, que des membres du Conseil constitutionnel aient, Ă des dates postĂ©rieures, fait Ă©tat de leur connaissance de lâexistence dâirrĂ©gularitĂ©s.
Peu importe, encore, que certaines autoritĂ©s qui auraient dĂ» dĂ©noncer les faits en appli-cation de lâarticle 40 du code de procĂ©dure pĂ©nale ne lâaient pas fait, dĂšs lors que câest leur seule connaissance par le ministĂšre public, dans des conditions permettant la mise en Ćuvre de lâaction publique, qui constitue le point de dĂ©part de la prescription.
Le cinquiĂšme moyen et le troisiĂšme moyen, dans lâune de ses branches, arguaient de la violation de lâarticle 62, alinĂ©a 3, de la Constitution du 4 octobre 1958, qui Ă©nonce que les dĂ©cisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles dâaucun recours et sâimposent aux pouvoirs publics et Ă toutes les autoritĂ©s administratives et juridictionnelles.
AprĂšs avoir admis que cette disposition sâapplique aux dĂ©cisions rendues par le Conseil constitutionnel dans le domaine particulier des comptes de campagne, lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation se livre Ă un examen de lâobjet du contrĂŽle exercĂ© en cette occa-sion par le Conseil.
En effet, lâautoritĂ© dite absolue de la chose jugĂ©e des dĂ©cisions du Conseil constitution-nel est circonscrite Ă son objet.
Or la dĂ©cision du Conseil constitutionnel validant les comptes de campagne a un objet diffĂ©rent de celui des investigations menĂ©es par lâautoritĂ© judiciaire sur des dĂ©lits autres que les dĂ©lits Ă©lectoraux prĂ©vus par lâarticle L. 113-1 du code Ă©lectoral, sanctionnant lâabsence de respect des obligations visĂ©es par ce texte et imposĂ©es Ă un candidat. Aussi nâempĂȘche-t-elle pas le juge de procĂ©der Ă de telles investigations.
Telles sont les questions juridiques que lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation a tranchĂ©es Ă lâoccasion des prĂ©sents pourvois.
B. Chambre mixte
Aucun arrĂȘt en chambre mixte publiĂ© au Rapport en 2020.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit des personnes et de la famille
III. ARRĂTS RENDUS PAR LES CHAMBRES
A. Droit des personnes et de la famille
1. Ătat civil et filiation
Filiation â Filiation naturelle â Reconnaissance â Cas â Homme devenu femme qui procrĂ©e avec son Ă©pouse au moyen de ses gamĂštes mĂąles aprĂšs modification de la mention de son sexe dans les actes de lâĂ©tat civil â Effets1re Civ., 16 septembre 2020, pourvois no 18-50.080 et no 19-11.251, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Le Cotty et avis de Mme Caron-DegliseEn lâĂ©tat du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, aprĂšs la modification de la mention de son sexe dans les actes de lâĂ©tat civil, procrĂ©e avec son Ă©pouse au moyen de ses gamĂštes mĂąles nâest pas privĂ©e du droit de faire reconnaĂźtre un lien de filiation biologique avec lâenfant, mais ne peut le faire quâen ayant recours aux modes dâĂ©tablissement de la filiation rĂ©servĂ©s au pĂšre.Ces dispositions du droit national sont conformes Ă lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâenfant, dâune part, en ce quâelles permettent lâĂ©tablissement dâun lien de filiation Ă lâĂ©gard de ses deux parents, Ă©lĂ©ment essentiel de son identitĂ© et qui correspond Ă la rĂ©alitĂ© des conditions de sa conception et de sa naissance, garantissant ainsi son droit Ă la connaissance de ses origines personnelles, dâautre part, en ce quâelles confĂšrent Ă lâenfant nĂ© aprĂšs la modification de la mention du sexe de son parent Ă lâĂ©tat civil la mĂȘme filiation que celle de ses frĂšre et sĆur nĂ©s avant cette modification, Ă©vitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres seront Ă©levĂ©s par deux mĂšres, tout en ayant Ă lâĂ©tat civil lâindication dâune filiation paternelle Ă lâĂ©gard de leur gĂ©niteur, laquelle nâest au demeurant pas rĂ©vĂ©lĂ©e aux tiers dans les extraits dâactes de naissance qui leur sont communiquĂ©s.
En ce quâelles permettent, par la reconnaissance de paternitĂ©, lâĂ©tablissement dâun lien de filiation conforme Ă la rĂ©alitĂ© biologique entre lâenfant et la personne transgenre â homme devenu femme â lâayant conçu, ces dispositions concilient lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâenfant et le droit au respect de la vie privĂ©e et familiale de cette personne, droit auquel il nâest pas portĂ© une atteinte disproportionnĂ©e, au regard du but lĂ©gitime pour-suivi, dĂšs lors quâen ce qui la concerne celle-ci nâest pas contrainte par lĂ mĂȘme de renoncer Ă lâidentitĂ© de genre qui lui a Ă©tĂ© reconnue.Enfin, ces dispositions ne crĂ©ent pas de discrimination entre les femmes selon quâelles ont ou non donnĂ© naissance Ă lâenfant, dĂšs lors que la mĂšre ayant accouchĂ© nâest pas placĂ©e dans la mĂȘme situation que la femme transgenre ayant conçu lâenfant avec un appareil reproductif masculin et nâayant pas accouchĂ©.Câest en consĂ©quence Ă bon droit et sans mĂ©connaĂźtre les exigences conventionnelles quâune cour dâappel constate lâimpossible Ă©tablissement dâune double filiation de nature maternelle pour lâenfant, en prĂ©sence dâun refus de lâadoption intraconjugale, et rejette la demande de transcription, sur les registres de lâĂ©tat civil, de la reconnaissance de maternitĂ© antĂ©natale Ă©tablie par lâĂ©pouse de la mĂšre.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Lâaffaire soumise Ă la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation concernait une personne transgenre homme devenu femme, qui, ayant conservĂ© ses organes repro-ductifs masculins, avait conçu un enfant avec son Ă©pouse.
Cette personne Ă©tait mariĂ©e Ă une femme, avec qui elle avait dĂ©jĂ eu, avant la modi-fication de la mention relative Ă son sexe dans les actes de lâĂ©tat civil, deux enfants dont elle Ă©tait le pĂšre.
Cependant, Ă©tant dĂ©sormais une femme Ă lâĂ©tat civil, elle souhaitait ĂȘtre reconnue comme mĂšre du troisiĂšme enfant, nĂ© aprĂšs la modification de la mention relative Ă son sexe dans les actes de lâĂ©tat civil. Elle demandait donc la transcription, sur lâacte de nais-sance de celui-ci, de sa reconnaissance de maternitĂ© antĂ©natale.
La cour dâappel avait rejetĂ© sa demande de transcription, mais avait estimĂ© que le droit au respect de sa vie privĂ©e ainsi que lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâenfant imposaient de la dĂ©signer comme « parent biologique » dans lâacte de naissance de lâenfant.
LâintĂ©ressĂ©e avait formĂ© un pourvoi, reprochant Ă lâarrĂȘt attaquĂ© dâavoir rejetĂ© sa demande et dâavoir ordonnĂ© la mention « parent biologique » dans lâacte de naissance. Le procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la cour dâappel avait Ă©galement formĂ© un pourvoi, mais qui nâĂ©tait dirigĂ© que contre le chef de dispositif de lâarrĂȘt relatif Ă la mention « parent bio-logique » dans lâacte de naissance de lâenfant.
Sâagissant de la demande de la requĂ©rante relative Ă sa dĂ©signation comme mĂšre dans lâacte de naissance de lâenfant, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation a constatĂ© lâexistence dâun vide juridique. En effet, si la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siĂšcle, qui a rĂ©glementĂ© les conditions de la modifi-cation de la mention du sexe dans les actes de lâĂ©tat civil, a prĂ©vu que celle-ci Ă©tait sans effet sur les filiations Ă©tablies avant cette modification (article 61-8 du code civil), elle nâa pas prĂ©cisĂ© le mode dâĂ©tablissement de la filiation des enfants nĂ©s ultĂ©rieurement.
Face Ă ce vide juridique, la premiĂšre chambre civile sâest rĂ©fĂ©rĂ©e aux dispositions relatives Ă lâĂ©tablissement de la filiation non adoptive, prĂ©vues au titre VII du livre Ier du code civil, et a constatĂ© que la loi française ne permettait pas, en lâĂ©tat, lâĂ©tablisse-ment de deux filiations maternelles, hors adoption. Lorsque la filiation est de nature « charnelle » ou « biologique » â ce qui Ă©tait le cas ici â et que lâenfant a dĂ©jĂ une mĂšre, il ne peut avoir comme second parent quâun pĂšre.
On relĂšvera Ă cet Ă©gard que, mĂȘme si le projet de loi relatif Ă la bioĂ©thique, en cours dâexamen au Parlement, est adoptĂ©, ouvrant ainsi la voie Ă une double filiation maternelle ab initio, hors adoption, celle-ci sera encadrĂ©e et limitĂ©e aux hypothĂšses de recours Ă lâassistance mĂ©dicale Ă la procrĂ©ation avec tiers donneur. Au jour oĂč la Cour de cassation a statuĂ© sur ces pourvois, aucune disposition du projet de loi ne rĂ©gissait la filiation de lâenfant nĂ© dâune personne transgenre, les amendements parlementaires dĂ©posĂ©s en ce sens ayant Ă©tĂ© rejetĂ©s ou retirĂ©s.
La premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation a toutefois considĂ©rĂ© que, dĂšs lors que cette filiation reposait sur une rĂ©alitĂ© biologique qui nâĂ©tait pas contestĂ©e en lâespĂšce, elle devait pouvoir ĂȘtre Ă©tablie par une reconnaissance de paternitĂ©. Elle a donc jugĂ© que, si la reconnaissance de maternitĂ© ne pouvait ĂȘtre transcrite, le lien de filiation de lâenfant pouvait ĂȘtre Ă©tabli par une reconnaissance de paternitĂ© : « en lâĂ©tat du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, aprĂšs la modification de
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit des personnes et de la famille
la mention de son sexe dans les actes de lâĂ©tat civil, procrĂ©e avec son Ă©pouse au moyen de ses gamĂštes mĂąles, nâest pas privĂ©e du droit de faire reconnaĂźtre un lien de filiation biologique avec lâenfant, mais ne peut le faire quâen ayant recours aux modes dâĂ©tablis-sement de la filiation rĂ©servĂ©s au pĂšre » (§ 18).
Dans ces conditions, le rejet de la demande nâest pas apparu comme Ă©tant de nature Ă porter une atteinte excessive ou disproportionnĂ©e au droit au respect de la vie privĂ©e de la requĂ©rante et Ă lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâenfant, au regard du but lĂ©gitime poursuivi par la lĂ©gislation, Ă savoir, la sĂ©curitĂ© juridique et la prĂ©vention des conflits de filiation.
En effet, dâune part, lâenfant peut voir sa filiation Ă©tablie Ă lâĂ©gard de ses deux parents et cette filiation correspond Ă la rĂ©alitĂ© des conditions de sa conception et de sa nais-sance, garantissant ainsi son droit Ă la connaissance de ses origines personnelles.
Dâautre part, lâenfant nĂ© aprĂšs la modification de la mention du sexe de son parent Ă lâĂ©tat civil a la mĂȘme filiation que celle de ses frĂšre et sĆur, nĂ©s avant cette modifica-tion, ce qui Ă©vite les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres sont Ă©levĂ©s par deux mĂšres, tout en ayant Ă lâĂ©tat civil lâindication dâune filiation paternelle Ă lâĂ©gard de leur gĂ©niteur, Ă©tant prĂ©cisĂ© que cette filiation nâest pas rĂ©vĂ©lĂ©e aux tiers dans les extraits dâactes de naissance qui leur sont communiquĂ©s.
Cette solution concilie Ă©galement lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâenfant et le droit au res-pect de la vie privĂ©e et familiale de la personne transgenre, droit auquel il nâest pas portĂ© une atteinte disproportionnĂ©e, au regard du but lĂ©gitime poursuivi, dĂšs lors quâen ce qui la concerne, celle-ci nâest pas contrainte, par lĂ mĂȘme, de renoncer Ă lâidentitĂ© de genre qui lui a Ă©tĂ© reconnue.
Enfin, ces dispositions ne crĂ©ent pas de discrimination entre les femmes selon quâelles ont ou non donnĂ© naissance Ă lâenfant, dĂšs lors que la mĂšre ayant accouchĂ© nâest pas placĂ©e dans la mĂȘme situation que la femme transgenre ayant conçu lâenfant avec un appareil reproductif masculin et nâayant pas accouchĂ©.
LâarrĂȘt de la cour dâappel a en revanche Ă©tĂ© censurĂ© sur le pourvoi du procureur gĂ©nĂ©-ral, la loi française ne permettant pas de dĂ©signer, dans les actes de lâĂ©tat civil, le pĂšre ou la mĂšre de lâenfant comme « parent biologique ». Cette dĂ©cision est, en quelque sorte, le pendant, en matiĂšre de filiation, de lâarrĂȘt du 4 mai 2017 dans lequel la Cour de cas-sation a Ă©noncĂ© que la loi française ne permettait pas de faire figurer, dans les actes de lâĂ©tat civil, lâindication dâun sexe autre que masculin ou fĂ©minin (1re Civ., 4 mai 2017, pourvoi no 16-17.189, Bull. 2017, I, no 101).
En tout Ă©tat de cause, une telle mention, rĂ©vĂ©latrice en elle-mĂȘme de la transiden-titĂ© de lâintĂ©ressĂ©e, ne serait pas de nature Ă garantir le droit au respect de sa vie privĂ©e.
2. Données à caractÚre personnel
Protection des droits de la personne â Informatique et libertĂ©s (loi du 6 jan-vier 1978) â Traitement de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel â DonnĂ©es Ă carac-tĂšre personnel â Qualification â Applications diverses â Adresses IP â Collecte par lâexploitation dâun fichier de journalisation â PortĂ©e
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Soc., 25 novembre 2020, pourvoi no 17-19.523, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Richard et avis de Mme Trassoudaine-VergerEn application des articles 2 et 22 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiĂ©e par la loi no 2004-801 du 6 aoĂ»t 2004, dans sa version antĂ©rieure Ă lâentrĂ©e en vigueur du RĂ©glement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es, les adresses IP, qui permettent dâiden-tifier indirectement une personne physique, sont des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel, au sens de lâarticle 2 susvisĂ©, de sorte que leur collecte par lâexploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel et doit faire lâobjet dâune dĂ©claration prĂ©alable auprĂšs de la Commission nationale de lâinformatique et des libertĂ©s en application de lâarticle 23 de la loi prĂ©citĂ©e.En application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, lâillicĂ©itĂ© dâun moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiĂ©e par la loi no 2004-801 du 6 aoĂ»t 2004, dans sa version antĂ©rieure Ă lâentrĂ©e en vigueur du RĂ©glement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es, nâentraĂźne pas nĂ©cessairement son rejet des dĂ©bats, le juge devant apprĂ©cier si lâutilisation de cette preuve a portĂ© atteinte au caractĂšre Ă©quitable de la procĂ©dure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du sala-riĂ© et le droit Ă la preuve, lequel peut justifier la production dâĂ©lĂ©ments portant atteinte Ă la vie personnelle dâun salariĂ© Ă la condition que cette production soit indispensable Ă lâexercice de ce droit et que lâatteinte soit strictement proportionnĂ©e au but poursuivi.
Encourt la cassation lâarrĂȘt qui Ă©nonce que les logs, fichiers de journalisation et adresses IP ne sont pas soumis Ă une dĂ©claration Ă la CNIL, ni ne doivent faire lâobjet dâune informa-tion du salariĂ© en sa qualitĂ© de correspondant informatique et libertĂ©s lorsquâils nâont pas pour vocation premiĂšre le contrĂŽle des utilisateurs, alors que la collecte des adresses IP par lâexploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de donnĂ©es Ă carac-tĂšre personnel au sens de lâarticle 2 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 susvisĂ©e et est soumise aux formalitĂ©s prĂ©alables Ă la mise en Ćuvre de tels traitements prĂ©vues au chapitre IV de ladite loi, ce dont il rĂ©sulte que la preuve Ă©tait illicite et les dispositions des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des liber-tĂ©s fondamentales invocables.
Dans cet arrĂȘt la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la pre-miĂšre fois sur la question de savoir si une adresse IP (Internet protocol) et des fichiers de journalisation constituent des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel dont le traitement doit faire lâobjet dâune dĂ©claration prĂ©alable Ă la Commission nationale de lâinformatique et des libertĂ©s (CNIL) selon les articles 2 et 22 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative Ă lâinformatique, aux fichiers et aux libertĂ©s modifiĂ©e par la loi no 2004-801 du 6 aoĂ»t 2004 relative Ă la protection des personnes physiques Ă lâĂ©gard des traitements de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel, antĂ©rieurement Ă lâentrĂ©e en vigueur du RĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es (RGPD).
Les faits Ă©taient les suivants :
Un salariĂ© de lâAFP (Agence France-Presse), Ă©galement correspondant informa-tique et libertĂ©s au sein de lâagence, est licenciĂ© pour faute grave, pour avoir adressĂ© Ă une entreprise cliente, et en mĂȘme temps concurrente de lâAFP, cinq demandes de ren-seignements par voie Ă©lectronique en usurpant lâidentitĂ© de sociĂ©tĂ©s clientes.
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LâAFP Ă©tablit les faits reprochĂ©s au moyen dâun constat dâhuissier et dâun expert informatique qui identifient, grĂące Ă lâexploitation des fichiers de journalisation conservĂ©s sur ses serveurs, lâadresse IP Ă partir de laquelle les messages litigieux ont Ă©tĂ© envoyĂ©s, comme Ă©tant celle de ce salariĂ©.
Estimant quâune dĂ©claration prĂ©alable de lâutilisation des fichiers de journalisa-tion et adresses IP nâĂ©tait pas nĂ©cessaire, la cour dâappel a jugĂ© le licenciement justifiĂ©.
La chambre sociale de la Cour de cassation dĂ©cide que, dans la mesure oĂč les adresses IP permettent dâidentifier indirectement une personne physique, comme lâavait Ă©galement retenu la premiĂšre chambre civile (1re Civ., 3 novembre 2016, pour-voi no 15-22.595, Bull. 2016, I, no 206), il sâagit bien de donnĂ©es Ă caractĂšre personnel au sens de lâarticle 2 de la loi prĂ©citĂ©e. Elle juge aussi que leur collecte par lâexploitation dâun fichier de journalisation constitue un traitement de donnĂ©es Ă caractĂšre person-nel qui doit faire lâobjet de la dĂ©claration prĂ©alable prĂ©vue Ă lâarticle 23 de la mĂȘme loi.
LâarrĂȘt marque Ă©galement une Ă©volution de la chambre sociale quant Ă sa jurispru-dence relative Ă lâillicĂ©itĂ© dâune preuve obtenue au moyen de donnĂ©es qui auraient dĂ» faire lâobjet dâune dĂ©claration auprĂšs de la CNIL.
Il Ă©tait en effet jugĂ© par la chambre sociale quâune telle preuve devait dans tous les cas ĂȘtre rejetĂ©e des dĂ©bats, de sorte que, si la faute Ă lâorigine du licenciement nâĂ©tait Ă©tablie quâau moyen de cette preuve illicite, le licenciement se trouvait nĂ©cessairement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse (Soc., 8 octobre 2014, pourvoi no 13-14.991, Bull. 2014, V, no 230).
Dans le prĂ©sent arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation admet que lâilli-cĂ©itĂ© dâun tel moyen de preuve nâentraĂźne pas systĂ©matiquement son rejet, invitant le juge du fond Ă rechercher dans le cadre dâun contrĂŽle de proportionnalitĂ© si lâatteinte portĂ©e Ă la vie personnelle du salariĂ© par une telle production est justifiĂ©e au regard du droit Ă la preuve de lâemployeur. Elle prĂ©cise par ailleurs que cette production doit ĂȘtre indispensable et non plus seulement nĂ©cessaire Ă lâexercice de ce droit.
En effet la chambre sociale avait dĂ©jĂ admis que le droit Ă la preuve puisse justifier la production dâĂ©lĂ©ments portant atteinte Ă la vie personnelle du salariĂ© Ă condition que cette production soit nĂ©cessaire Ă lâexercice de ce droit et que lâatteinte soit proportionnĂ©e au but poursuivi (Soc., 9 novembre 2016, pourvoi no 15-10.203, Bull. 2016, V, no 209).
La conception civiliste de la protection de la vie privĂ©e a ainsi Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă la chambre sociale par la rĂ©fĂ©rence Ă la vie personnelle du salariĂ©, par opposition Ă sa vie professionnelle, notamment dans le cadre de la surveillance des correspondances et communications non professionnelles des employĂ©s. Il sâagit alors de protĂ©ger la libertĂ© individuelle du salariĂ© sur son lieu de travail et de dĂ©finir le pouvoir de direc-tion de lâemployeur.
Le prĂ©sent arrĂȘt sâinspire Ă©galement des dĂ©cisions rendues par la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme au regard des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, et notamment des arrĂȘts BÄrbulescu (CEDH, arrĂȘt du 5 septembre 2017, BÄrbulescu c. Roumanie, no 61496/08) et LĂłpez Ribalda (CEDH, arrĂȘt du 17 octobre 2019, LĂłpez Ribalda et autres c. Espagne, no 1874/13 et no 8567/13) qui ont admis, sur le fondement du droit au procĂšs Ă©quitable et du droit
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Ă la preuve qui en dĂ©coule, des moyens de preuve obtenus au dĂ©triment du droit Ă la vie privĂ©e instituĂ© par lâarticle 8 de la Convention ou en violation du droit interne.
Dans lâarrĂȘt BÄrbulescu, la Cour de Strasbourg a ainsi dĂ©fini un certain nombre de critĂšres auxquels les mesures de contrĂŽle de la correspondance et des communications des employĂ©s doivent se conformer pour permettre dâapprĂ©cier le caractĂšre propor-tionnĂ© de lâatteinte ainsi portĂ©e Ă la vie privĂ©e. Ces critĂšres doivent ĂȘtre appliquĂ©s par les juges des Ătats signataires.
Enfin, lâarrĂȘt de la chambre sociale rappelle les dispositions de lâarticle 13, g), de la directive 95/46/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 24 octobre 1995 relative Ă la protection des personnes physiques Ă lâĂ©gard du traitement des donnĂ©es Ă carac-tĂšre personnel et Ă la libre circulation de ces donnĂ©es, antĂ©rieure au RĂšglement gĂ©nĂ©-ral sur la protection des donnĂ©es, qui prĂ©voyaient que les Ătats membres pouvaient prendre des mesures lĂ©gislatives visant Ă limiter la portĂ©e des obligations et des droits relatifs au traitement des donnĂ©es personnelles lorsquâune telle limitation constitue une mesure nĂ©cessaire non seulement pour sauvegarder la protection de la personne concernĂ©e, mais Ă©galement les droits et libertĂ©s dâautrui.
3. Protection des consommateurs
Protection des consommateurs â IntĂ©rĂȘts â Taux â Taux effectif global â Mention â Mention erronĂ©e â Erreur supĂ©rieure Ă la dĂ©cimale â Sanction â DĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts du prĂȘteur dans la proportion fixĂ©e par le juge1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi no 18-24.287, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Champ et avis de M. SudreAyant relevĂ© que le taux effectif global Ă©tait erronĂ© dans lâĂ©crit constatant le contrat de prĂȘt, faute dâinclusion du taux de cotisation mensuelle dâassurance rĂ©ellement prĂ©levĂ©, et fait ressortir que lâerreur commise Ă©tait supĂ©rieure Ă la dĂ©cimale prescrite par lâar-ticle R. 313-1 du code de la consommation, une cour dâappel retient, Ă bon droit, que la sanction de lâerreur affectant le taux effectif global est la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©-rĂȘts de la banque dans la proportion fixĂ©e par le juge.
Lâaffaire soumise Ă la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation posait la question de la sanction encourue par le prĂȘteur en cas dâerreur relative Ă un taux effec-tif global mentionnĂ© dans un Ă©crit constatant un contrat de prĂȘt.
Selon lâarticle L. 313-2, alinĂ©a 1, du code de la consommation, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă celle issue de lâordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 relative Ă la partie lĂ©gislative du code de la consommation, le taux effectif global doit ĂȘtre mentionnĂ© dans tout Ă©crit constatant un contrat de prĂȘt.
En lâabsence de sanction prĂ©vue par la loi, exception faite de lâoffre de prĂȘt immo-bilier et du crĂ©dit Ă la consommation, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cas-sation a retenu quâen application des articles 1907 du code civil et L. 313-2, alinĂ©a 1, prĂ©citĂ©, lâinexactitude de la mention du taux effectif global dans lâĂ©crit constatant tout contrat de prĂȘt, comme lâomission de la mention de ce taux, qui privent lâemprunteur dâune information sur son coĂ»t, emportent lâannulation de la clause stipulant lâintĂ©rĂȘt conventionnel et la substitution Ă celui-ci de lâintĂ©rĂȘt lĂ©gal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi
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no 80-12.903, Bull. 1981, I, no 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi no 13-16.555, Bull. 2014, I, no 165).
Il est, en effet, apparu quâinstituĂ©e Ă lâorigine pour vĂ©rifier si le taux dâintĂ©rĂȘt pra-tiquĂ© par lâĂ©tablissement prĂȘteur ne prĂ©sentait pas un caractĂšre usuraire, lâobligation de mentionner le taux effectif global dans lâĂ©crit constatant tout contrat de prĂȘt Ă©tait de nature Ă assurer la bonne information de lâemprunteur sur le coĂ»t de celui-ci. La substitution du taux lĂ©gal au taux contractuel a donc Ă©tĂ© retenue au visa, tant de lâar-ticle 1907 du code civil que des dispositions du code de la consommation.
Toutefois, cette sanction, qui nâest pas susceptible de modĂ©ration par le juge, ne permettait la prise en considĂ©ration ni de la gravitĂ© du manquement commis par le prĂȘteur ni du prĂ©judice subi par lâemprunteur, la jurisprudence selon laquelle la subs-titution de taux nâest pas encourue lorsque le taux effectif global est infĂ©rieur Ă celui mentionnĂ© (1re Civ., 12 octobre 2016, pourvoi no 15-25.034, Bull. 2016, I, no 194) ou lorsque lâĂ©cart entre le taux stipulĂ© dans le contrat de prĂȘt et le taux rĂ©el est infĂ©rieur Ă la dĂ©cimale (1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi no 15-24.607, Bull. 2017, I, no 21 ; Com., 18 mai 2017, pourvoi no 16-11.147, Bull. 2017, IV, no 75) nâattĂ©nuant que marginale-ment lâautomaticitĂ© de la sanction.
Il rĂ©sulte, par ailleurs, de lâordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de dĂ©faut ou dâerreur du taux effectif global, qui gĂ©nĂ©ralise la sanction jusquâalors applicable en cas dâirrĂ©gularitĂ© affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crĂ©dit immobilier, quâen cas de dĂ©faut de men-tion ou de mention erronĂ©e du taux effectif global dans un Ă©crit constatant un contrat de prĂȘt, le prĂȘteur nâencourt pas lâannulation de la stipulation de lâintĂ©rĂȘt convention-nel, mais peut ĂȘtre dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge, au regard notamment du prĂ©judice subi par lâemprunteur.
Câest en considĂ©ration de ces Ă©lĂ©ments que, dans les contrats souscrits antĂ©rieu-rement Ă lâentrĂ©e en vigueur de lâordonnance prĂ©citĂ©e, il est apparu justifiĂ© dâunifor-miser le rĂ©gime des sanctions et de juger quâen cas dâomission du taux effectif global dans lâĂ©crit constatant un contrat de prĂȘt, comme en cas dâerreur affectant la mention de ce taux dans un tel Ă©crit, le prĂȘteur peut ĂȘtre dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge.
La premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation, saisie Ă nouveau de la question de la sanction encourue par le prĂȘteur en cas dâerreur relative Ă un taux effectif global mentionnĂ© dans un Ă©crit constatant un contrat de prĂȘt, est donc revenue sur la solution adoptĂ©e dans son arrĂȘt, prĂ©citĂ©, du 24 juin 1981 : par arrĂȘt du 10 juin 2020, elle a jugĂ© quâen cas dâomission du taux effectif global dans lâĂ©crit constatant un contrat de prĂȘt, comme en cas dâerreur affectant la mention de ce taux dans un tel Ă©crit, le prĂȘteur peut ĂȘtre dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge.
Faisant application de cette nouvelle rĂšgle jurisprudentielle, elle a, dans lâaffaire qui lui Ă©tait soumise, approuvĂ© une cour dâappel qui, aprĂšs avoir relevĂ© que le taux effec-tif global Ă©tait erronĂ©, faute dâinclusion du taux de cotisation mensuelle dâassurance rĂ©ellement prĂ©levĂ©, et fait ressortir que lâerreur commise Ă©tait supĂ©rieure Ă la dĂ©cimale prescrite par lâarticle R. 313-1 du code de la consommation, a retenu que la sanction de lâerreur affectant le taux effectif global Ă©tait la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts de la banque dans la proportion fixĂ©e par le juge.
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La solution ainsi consacrĂ©e permet dâunifier le rĂ©gime des sanctions.
B. Droit du travail
1. Contrat de travail, organisation et exécution du travail
a. Emploi et formation
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
b. Droits et obligations des parties au contrat de travail
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
c. Modification dans la situation juridique de lâemployeur
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
d. Contrats et statuts particuliers
Contrat de travail, formation â DĂ©finition â Lien de subordination â ĂlĂ©ments constitutifs â ApprĂ©ciation â CritĂšresSoc., 4 mars 2020, pourvoi no 19-13.316, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme ValĂ©ry et avis de Mme Courcol-BouchardLe lien de subordination est caractĂ©risĂ© par lâexĂ©cution dâun travail sous lâautoritĂ© dâun employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, dâen contrĂŽler lâexĂ©-cution et de sanctionner les manquements de son subordonnĂ©. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein dâun service organisĂ© lorsque lâemployeur en dĂ©termine unilatĂ©ralement les conditions dâexĂ©cution.Justifie lĂ©galement sa dĂ©cision une cour dâappel qui, pour qualifier de contrat de travail la relation entre un chauffeur VTC et la sociĂ©tĂ© utilisant une plate-forme numĂ©rique et une application afin de mettre en relation des clients et des chauffeurs exerçant sous le statut de travailleur indĂ©pendant, retient : 1o) que ce chauffeur a intĂ©grĂ© un service de prestation de transport crĂ©Ă© et entiĂšrement organisĂ© par cette sociĂ©tĂ©, service qui nâexiste que grĂące Ă cette plate-forme, Ă travers lâutilisation duquel il ne constitue aucune clientĂšle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions dâexercice de sa pres-tation de transport, 2o) que le chauffeur se voit imposer un itinĂ©raire particulier dont il nâa pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquĂ©es si le chauf-feur ne suit pas cet itinĂ©raire, 3o) que la destination finale de la course nâest parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut rĂ©ellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indĂ©pendant, la course qui lui convient ou non, 4o) que la sociĂ©tĂ© a la facultĂ© de dĂ©connecter temporairement le chauffeur de son application Ă partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre lâaccĂšs Ă son compte en cas de dĂ©passe-ment dâun taux dâannulation de commandes ou de signalements de « comportements
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail
problĂ©matiques », et dĂ©duit de lâensemble de ces Ă©lĂ©ments lâexĂ©cution dâun travail sous lâautoritĂ© dâun employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, dâen contrĂŽler lâexĂ©cution et de sanctionner les manquements et que, dĂšs lors, le statut de travailleur indĂ©pendant du chauffeur Ă©tait fictif.
Cette dĂ©cision est la seconde que la chambre sociale de la Cour de cassation rend Ă propos des travailleurs des plates-formes, aprĂšs lâarrĂȘt prononcĂ© dans lâaffaire Take Eat Easy (Soc., 28 novembre 2018, pourvoi no 17-20.079, publiĂ© au Bulletin).
La sociĂ©tĂ© Uber BV utilise une plate-forme numĂ©rique et une application afin de mettre en relation avec des clients, en vue dâun transport urbain, des chauffeurs VTC (vĂ©hicule de tourisme avec chauffeur) exerçant leur activitĂ© sous un statut dâindĂ©pendant.
Un chauffeur, aprĂšs la clĂŽture dĂ©finitive de son compte par la sociĂ©tĂ© Uber BV, avait saisi la juridiction prudâhomale dâune demande de requalification de la relation contrac-tuelle en contrat de travail. La cour dâappel, par un arrĂȘt infirmatif, a jugĂ© que le contrat de partenariat signĂ© par le chauffeur et la sociĂ©tĂ© Uber BV sâanalysait en un contrat de travail et a renvoyĂ© lâaffaire devant le conseil de prudâhommes afin quâil statue au fond sur les demandes du chauffeur au titre de rappel dâindemnitĂ©s, de rappel de salaires, de dommages-intĂ©rĂȘts pour non-respect des durĂ©es maximales de travail, de travail dissi-mulĂ© et licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.
Selon une jurisprudence Ă©tablie, lâexistence dâune relation de travail salariĂ©e ne dĂ©pend ni de la volontĂ© exprimĂ©e par les parties ni de la dĂ©nomination quâelles ont donnĂ©e Ă leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercĂ©e lâac-tivitĂ© professionnelle (Soc., 17 avril 1991, pourvoi no 88-40.121, Bull. 1991, V, no 200 ; Soc., 19 dĂ©cembre 2000, pourvoi no 98-40.572, Bull. 2000, V, no 437 ; Soc., 9 mai 2001, pourvoi no 98-46.158, Bull. 2001, V, no 155).
La Cour de cassation en a dĂ©duit, dans lâarrĂȘt Take Eat Easy prĂ©citĂ©, que les dis-positions de lâarticle L. 8221-6 du code du travail selon lesquelles les personnes phy-siques, dans lâexĂ©cution de lâactivitĂ© donnant lieu Ă immatriculation sur les registres ou rĂ©pertoires que ce texte Ă©numĂšre, sont prĂ©sumĂ©es ne pas ĂȘtre liĂ©es avec le donneur dâordre par un contrat de travail, nâĂ©tablissent quâune prĂ©somption simple qui peut ĂȘtre renversĂ©e lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente Ă lâĂ©gard du donneur dâordre. Cette solution est rĂ©itĂ©rĂ©e dans lâarrĂȘt Uber du 4 mars 2020, ici commentĂ©.
En ce qui concerne le critĂšre du travail salariĂ©, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation est fixĂ©e depuis lâarrĂȘt SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale du 13 novembre 1996 (Soc., 13 novembre 1996, pourvoi no 94-13.187, Bull. 1996, V, no 386) selon lequel « le lien de subordination est caractĂ©risĂ© par lâexĂ©cution dâun travail sous lâautoritĂ© dâun employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, dâen contrĂŽler lâexĂ©-cution et de sanctionner les manquements de son subordonnĂ© ; le travail au sein dâun service organisĂ© peut constituer un indice du lien de subordination lorsque lâemployeur dĂ©termine unilatĂ©ralement les conditions dâexĂ©cution du travail ».
Dans lâarrĂȘt prononcĂ© le 4 mars 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation a estimĂ© quâil nâĂ©tait pas possible de sâĂ©carter de cette dĂ©finition dĂ©sormais traditionnelle et a refusĂ© dâadopter le critĂšre de la dĂ©pendance Ă©conomique suggĂ©rĂ© par certains auteurs.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
En effet, dâune part la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne, tant sur le terrain de la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de lâamĂ©nagement du temps de travail que sur celui de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en Ćuvre de mesures visant Ă promouvoir lâamĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© des travailleurs au travail, dĂ©cide que la notion de travailleur visĂ©e dans ces deux textes communautaires est une notion autonome, câest-Ă -dire dĂ©finie par le droit de lâUnion europĂ©enne lui-mĂȘme et non pas renvoyĂ©e pour sa dĂ©finition au droit interne de chaque Ătat membre (voir notamment CJUE, arrĂȘt du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires IsĂšre, C-428/09 ; CJUE, arrĂȘt du 7 avril 2011, May, C-519/09 ; CJUE, arrĂȘt du 26 mars 2015, Fenoll, C-316/13 ; voir par ailleurs lâarticle 3 de la directive 89/391/CEE prĂ©citĂ©e). Or la dĂ©finition donnĂ©e du travailleur par la Cour de justice est semblable Ă celle de la chambre sociale depuis lâarrĂȘt SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale, câest-Ă -dire le critĂšre du lien de subor-dination (CJUE, arrĂȘt Fenoll du 26 mars 2015, prĂ©c.).
Dâautre part, dans sa dĂ©cision no 2019-794 DC du 20 dĂ©cembre 2019 (Cons. const., 20 dĂ©cembre 2019, dĂ©cision no 2019-794 DC, Loi dâorientation des mobilitĂ©s) par laquelle le Conseil constitutionnel a censurĂ© en partie lâarticle 44 de la loi dâorientation des mobilitĂ©s en ce quâil Ă©cartait le pouvoir de requalification par le juge de la relation de travail dâun travailleur de plate-forme en contrat de travail, le Conseil constitution-nel sâest rĂ©fĂ©rĂ© Ă de multiples reprises au critĂšre de lâĂ©tat de subordination juridique (voir les points 25 et 28).
Sans modifier en quoi que ce soit la jurisprudence Ă©tablie depuis lâarrĂȘt SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©-rale de 1996, la Cour de cassation a approuvĂ© la cour dâappel dâavoir requalifiĂ© la rela-tion de travail dâun chauffeur de VTC avec la sociĂ©tĂ© Uber BV en contrat de travail.
En effet, le critÚre du lien de subordination se décompose en trois éléments :
â le pouvoir de donner des instructions ;
â le pouvoir dâen contrĂŽler lâexĂ©cution ;
â le pouvoir de sanctionner le non-respect des instructions donnĂ©es.
Quant au travail indĂ©pendant, il se caractĂ©rise par les Ă©lĂ©ments suivants : la possibi-litĂ© de se constituer une clientĂšle propre, la libertĂ© de fixer ses tarifs, la libertĂ© de fixer les conditions dâexĂ©cution de la prestation de service.
Or la cour dâappel a notamment constatĂ© :
1o) que ce chauffeur a intĂ©grĂ© un service de prestation de transport crĂ©Ă© et entiĂš-rement organisĂ© par cette sociĂ©tĂ©, service qui nâexiste que grĂące Ă cette plate-forme, Ă travers lâutilisation duquel il ne constitue aucune clientĂšle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions dâexercice de sa prestation de transport ;
2o) que le chauffeur se voit imposer un itinĂ©raire particulier dont il nâa pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquĂ©es si le chauffeur ne suit pas cet itinĂ©raire ;
3o) que la destination finale de la course nâest parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut rĂ©ellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indĂ©pen-dant, la course qui lui convient ou non ;
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail
4o) que la sociĂ©tĂ© a la facultĂ© de dĂ©connecter temporairement le chauffeur de son application Ă partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre lâaccĂšs Ă son compte en cas de dĂ©passement dâun taux dâannulation de commandes ou de signa-lements de « comportements problĂ©matiques ».
La Cour de cassation a en consĂ©quence approuvĂ© la cour dâappel dâavoir dĂ©duit de lâensemble de ces Ă©lĂ©ments lâexĂ©cution dâun travail sous lâautoritĂ© dâun employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, dâen contrĂŽler lâexĂ©cution et de sanctionner les manquements et dâavoir jugĂ© que, dĂšs lors, le statut de travailleur indĂ©-pendant du chauffeur Ă©tait fictif.
Lâexistence en lâespĂšce dâun lien de subordination lors des connexions du chauffeur de VTC Ă lâapplication Uber est ainsi reconnue, la Cour de cassation ayant exclu de prendre en considĂ©ration le fait que le chauffeur nâa aucune obligation de connexion et quâaucune sanction nâexiste en cas dâabsence de connexions quelle quâen soit la durĂ©e (Ă la diffĂ©rence de ce qui existait dans lâapplication Take Eat Easy). En effet, la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne retient que la qualification de « prestataire indĂ©pen-dant » donnĂ©e par le droit national nâexclut pas quâune personne doit ĂȘtre qualifiĂ©e de « travailleur », au sens du droit de lâUnion, si son indĂ©pendance nâest que fictive, dĂ©gui-sant ainsi une vĂ©ritable relation de travail (CJUE, arrĂȘt du 13 janvier 2004, Allonby, C-256/01, point 71 ; CJUE, arrĂȘt du 4 dĂ©cembre 2014, FNV Kunsten Informatie en Media, C-413/13, point 35) et que le fait quâaucune obligation ne pĂšse sur les travail-leurs pour accepter une vacation est sans incidence dans le contexte en cause (CJUE, arrĂȘt Allonby du 13 janvier 2004, prĂ©c., point 72).
Tandis quâun rĂ©gime intermĂ©diaire entre le salariat et les indĂ©pendants existe dans certains Ătats europĂ©ens, comme au Royaume-Uni (le rĂ©gime des « workers », rĂ©gime intermĂ©diaire entre les « employees » et les « independents »), ainsi quâen Italie (contrats de « collaborazione coordinata e continuativa », « collaborazione a progetto »), le droit français ne connaĂźt que deux statuts, celui dâindĂ©pendant et de travailleur salariĂ©.
e. Transfert du contrat de travail
Contrat de travail, exĂ©cution â Employeur â Modification dans la situation juridique de lâemployeur â Continuation du contrat de travail â Conditions â Transfert dâune entitĂ© Ă©conomique autonome â Affectation du salariĂ© â Affectation pour partie Ă la sociĂ©tĂ© cĂ©dante et pour partie Ă la sociĂ©tĂ© entrante â Effets â Scission du contrat de travail â Scission au prorata des fonctions exercĂ©es â PossibilitĂ© â DĂ©termination â PortĂ©eSoc., 30 septembre 2020, pourvoi no 18-24.881, publiĂ© au Bulletin, rap-port de Mme Marguerite et avis de Mme LaulomIl rĂ©sulte de lâarticle L. 1224-1 du code du travail, interprĂ©tĂ© Ă la lumiĂšre de la direc-tive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que, lorsque le salariĂ© est affectĂ© tant dans le secteur repris, constituant une entitĂ© Ă©conomique autonome conservant son identitĂ© et dont lâactivitĂ© est poursuivie ou reprise, que dans un secteur dâactivitĂ© non repris, le contrat de travail de ce salariĂ© est transfĂ©rĂ© pour la partie de lâactivitĂ© quâil consacre au secteur cĂ©dĂ©, sauf si la scission du contrat de travail, au prorata des fonc-tions exercĂ©es par le salariĂ©, est impossible, entraĂźne une dĂ©tĂ©rioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Encourt dĂšs lors la cassation lâarrĂȘt qui, aprĂšs avoir retenu que le salariĂ©, consacrant 50 % de son activitĂ© au secteur transfĂ©rĂ©, nâexerçait pas lâessentiel de ses fonctions dans ce secteur, juge que lâensemble du contrat de travail devait se poursuivre avec le cĂ©dant.
Selon la jurisprudence traditionnelle de la chambre sociale de la Cour de cassation, en raison du caractĂšre dâordre public de lâarticle L. 1224-1 du code du travail, lorsquâun salariĂ© nâexerce quâune partie de ses fonctions dans le secteur dâactivitĂ© faisant lâobjet dâun transfert dâentreprise, son contrat de travail est transfĂ©rĂ© pour la partie dâactivitĂ© quâil consacrait Ă ce secteur (Soc., 22 juin 1993, pourvoi no 90-44.705, Bull. 1993, V, no 171 ; Soc., 2 mai 2001, pourvoi no 99-41.960, Bull. 2001, V, no 145 ; Soc., 9 mars 1994, pourvoi no 92-40.916, Bull. 1994, V, no 83).
Cette jurisprudence avait fait lâobjet de critiques doctrinales dĂšs lors quâelle impo-sait au salariĂ© un changement partiel dâemployeur et une division de son contrat de travail en deux contrats Ă temps partiel.
Dans deux dĂ©cisions, la chambre sociale de la Cour de cassation avait alors attĂ©nuĂ© les effets de sa jurisprudence en retenant un critĂšre dâexĂ©cution pour lâessentiel du contrat de travail de maniĂšre Ă aboutir soit Ă un transfert complet du contrat de travail lorsquâil sâexĂ©cutait pour lâessentiel dans le secteur dâactivitĂ© repris (Soc., 30 mars 2010, pour-voi no 08-42.065, Bull. 2010, V, no 78), soit Ă une absence de tout transfert du contrat de travail lorsque le salariĂ© nâexerçait pas lâessentiel de ses fonctions au sein de lâac-tivitĂ© reprise (Soc., 21 septembre 2016, pourvoi no 14-30.056, Bull. 2016, V, no 169).
Dans le cas dâespĂšce, la cour dâappel, aprĂšs avoir constatĂ© que la salariĂ©e consacrait 50 % de ses fonctions Ă lâentitĂ© transfĂ©rĂ©e, a retenu quâelle nâexerçait pas lâessentiel de ses fonctions au sein de cette entitĂ© et quâainsi son contrat de travail ne devait pas ĂȘtre transfĂ©rĂ© pour moitiĂ© au repreneur.
En cours de traitement du pourvoi, la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (CJUE), par un arrĂȘt du 26 mars 2020 (CJUE, arrĂȘt du 26 mars 2020, ISS Facility Services, C-344/18), sâest prononcĂ©e pour la premiĂšre fois sur la question de la divi-sion du contrat de travail en prĂ©sence dâun transfert dâentreprise impliquant plu-sieurs cessionnaires, au regard des dispositions de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des lĂ©gislations des Ătats membres rela-tives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert dâentreprises, dâĂ©tablis-sements ou de parties dâentreprises ou dâĂ©tablissements.
LâhypothĂšse dâun transfert au seul cessionnaire pour lequel le travailleur est conduit Ă exercer ses fonctions Ă titre principal est Ă©cartĂ©e par la CJUE car, si elle prĂ©serve les intĂ©rĂȘts du travailleur, elle fait abstraction des intĂ©rĂȘts du cessionnaire (§ 31) et abou-tit Ă priver dâeffet utile la directive. La CJUE relĂšve que le transfert nâa pas pour objet dâamĂ©liorer les conditions de travail des travailleurs (§§ 25 et 26). La CJUE considĂšre alors que le transfert du contrat de travail Ă chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercĂ©es par le travailleur, permet, en principe, dâassurer un juste Ă©quilibre entre la sauvegarde des intĂ©rĂȘts des travailleurs et la sauvegarde de ceux des cessionnaires (§ 34). Toutefois, la CJUE apporte un tempĂ©rament Ă cette consĂ©quence en retenant que, si la scission du contrat de travail se rĂ©vĂšle impossible ou entraĂźne une dĂ©tĂ©riora-tion des conditions de travail ou porte atteinte au maintien des droits des travailleurs garantis par la directive, lâĂ©ventuelle rĂ©siliation du contrat de travail qui sâensuivrait
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devait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien mĂȘme elle serait intervenue Ă lâinitiative du travailleur (§ 37).
DĂšs lors, aprĂšs avoir rappelĂ© cet arrĂȘt mais Ă©galement lâarrĂȘt du 7 fĂ©vrier 1985 (CJCE, arrĂȘt du 7 fĂ©vrier 1985, Botzen Rotterdamsche Droogdok Maatschappij, C-186/83) de la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes (CJCE), qui retient le critĂšre dâaf-fectation du salariĂ© Ă la partie transfĂ©rĂ©e de lâentreprise pour dĂ©terminer si le contrat de travail dâun salariĂ© est concernĂ© par un transfert dâentreprise, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que, lorsquâun salariĂ© est affectĂ© tant dans un secteur repris, constituant une entitĂ© Ă©conomique autonome conservant son identitĂ© et dont lâacti-vitĂ© est poursuivie ou reprise, que dans un secteur dâactivitĂ© non repris, le principe est celui du transfert du contrat de travail pour la partie de lâactivitĂ© que le salariĂ© consacre au secteur cĂ©dĂ©.
Toutefois, la chambre sociale précise que ce principe ne saurait recevoir applica-tion si la scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible, entraßne une détérioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.
DĂšs lors, lâarrĂȘt de la cour dâappel, qui nâavait pas retenu lâexistence dâun transfert partiel alors quâelle avait constatĂ© que la salariĂ©e consacrait 50 % de ses fonctions Ă lâen-titĂ© transfĂ©rĂ©e, est cassĂ© par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Reste pendante la question des consĂ©quences sur le contrat de travail du salariĂ© dâune situation dans laquelle la division du contrat de travail entraĂźnerait une dĂ©tĂ©-rioration des conditions de travail du salariĂ© ou une atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.
f. Coemploi
Contrat de travail, exĂ©cution â Employeur â DĂ©termination â Coemployeurs â Notion â CritĂšres â DĂ©termination â PortĂ©eSoc., 25 novembre 2020, pourvoi no 18-13.769, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Prache et avis de Mme BerriatHors lâexistence dâun lien de subordination, une sociĂ©tĂ© faisant partie dâun groupe ne peut ĂȘtre qualifiĂ©e de coemployeur du personnel employĂ© par une autre que sâil existe, au-delĂ de la nĂ©cessaire coordination des actions Ă©conomiques entre les sociĂ©tĂ©s appar-tenant Ă un mĂȘme groupe et de lâĂ©tat de domination Ă©conomique que cette apparte-nance peut engendrer, une immixtion permanente de cette sociĂ©tĂ© dans la gestion Ă©conomique et sociale de la sociĂ©tĂ© employeur, conduisant Ă la perte totale dâautono-mie dâaction de cette derniĂšre.
Par cet arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation dĂ©cide du maintien de la notion de coemploi, dont la question de lâabandon, au profit de la seule responsabi-litĂ© extra-contractuelle de la sociĂ©tĂ© mĂšre, Ă©tait soumise Ă la formation plĂ©niĂšre (I). La chambre sociale rĂ©affirme cependant le caractĂšre tout Ă fait exceptionnel du coemploi, en donnant une nouvelle dĂ©finition de ses Ă©lĂ©ments constitutifs (II).
I â Le maintien de la notion de coemploi
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
En dehors du coemploi, le droit du travail prend en compte les relations Ă©troites qui unissent lâemployeur aux entitĂ©s membres du groupe notamment par lâapprĂ©ciation du motif Ă©conomique des licenciements au niveau du secteur dâactivitĂ© du groupe (Soc., 16 novembre 2016, pourvoi no 14-30.063, Bull. 2016, V, no 216), lâobligation de reclasser les salariĂ©s dans le groupe (Soc., 16 novembre 2016, pourvoi no 15-19.927, Bull. 2016, V, no 217), la mise en place dâun plan de sauvegarde de lâemploi proportionnĂ© aux moyens du groupe (Soc., 16 novembre 2016, pourvoi no 15-15.287, Bull. 2016, V, no 218).
Mais ces rĂšgles ne conduisent pas la sociĂ©tĂ© mĂšre Ă ĂȘtre dĂ©bitrice dâobligations vis-Ă -vis des salariĂ©s de sa filiale, ce Ă quoi conduit en revanche le mĂ©canisme du coem-ploi, dont lâobjectif premier est de rechercher le vĂ©ritable dĂ©cideur pour lui imputer les effets de ses dĂ©cisions, notamment pour obtenir lâextension de lâobligation de la dette, par lâadjonction dâun autre dĂ©biteur Ă la crĂ©ance de dommages-intĂ©rĂȘts pour licencie-ment nul ou sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.
En effet, la recherche et la reconnaissance dâun coemployeur nâa pas pour fonc-tion premiĂšre dâindemniser un prĂ©judice, mais constitue une « technique dâimputa-tion dâobligations lĂ©gales ».
Dans son arrĂȘt Lee Cooper (Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 16-22.881, Bull. 2018, V, no 88), la chambre sociale de la Cour de cassation a admis un mĂ©canisme dâimputation directe Ă la sociĂ©tĂ© mĂšre des dĂ©cisions prĂ©judiciables prises dans le seul intĂ©rĂȘt dâaction-naires, en tant que telles fautives, et ayant « concouru Ă la dĂ©confiture de lâemployeur et Ă la disparition des emplois qui en est rĂ©sultĂ©e ». Elle a ainsi ouvert la voie Ă la res-ponsabilitĂ© extra-contractuelle des sociĂ©tĂ©s mĂšre et grand-mĂšre, et Ă lâoctroi aux sala-riĂ©s concernĂ©s de dommages-intĂ©rĂȘts au titre de la perte de leur emploi.
Cependant, cette voie procĂ©durale suppose, lorsquâil nâest pas soutenu lâexistence dâune situation de coemploi, lâengagement dâune procĂ©dure distincte devant le tribunal de grande instance, le conseil de prudâhommes Ă©tant alors incompĂ©tent pour connaĂźtre dâune telle action, en lâabsence de contrat de travail entre les salariĂ©s et la sociĂ©tĂ© mĂšre du groupe auquel appartient la sociĂ©tĂ© qui les employait (Soc., 13 juin 2018, pourvoi no 16-25.873, Bull. 2018, V, no 117).
Par ailleurs, la dĂ©confiture de la sociĂ©tĂ© mĂšre entraĂźne lâarrĂȘt des poursuites indi-viduelles contre cette derniĂšre et lâirrecevabilitĂ© de lâaction engagĂ©e par les salariĂ©s aprĂšs lâouverture de la procĂ©dure collective sur le fondement de sa responsabilitĂ© extra-contractuelle (Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 17-15.630, Bull. 2018, V, no 86).
Ces considĂ©rations, ainsi que lâimpĂ©ratif de sĂ©curitĂ© juridique, amĂšnent donc la chambre sociale Ă maintenir la notion de coemploi, mais en affinant ses Ă©lĂ©ments constitutifs.
II â Une nouvelle dĂ©finition des Ă©lĂ©ments constitutifs du coemploi
Le critĂšre de la triple confusion dâintĂ©rĂȘts, dâactivitĂ©s et de direction issu de la juris-prudence Molex (Soc., 2 juillet 2014, pourvoi no 13-15.208, Bull. 2014, V, no 159) ne per-mettait en effet plus de circonscrire avec la rigueur nĂ©cessaire des situations qui doivent rester dans le domaine de lâexception, ainsi que le soulignait la chambre sociale de la Cour de cassation dans son commentaire de lâarrĂȘt Molex paru dans le Mensuel du droit du travail (no 56, juillet 2014, p. 4). Celui-ci rappelait quâ« il nây a immixtion sociale
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quâĂ condition que la direction du personnel et la gestion du personnel soient prises en main par la sociĂ©tĂ© mĂšre qui ne permet plus Ă la filiale de se comporter comme le vĂ©ritable employeur Ă lâĂ©gard de ses salariĂ©s ».
Depuis cet arrĂȘt Molex, la Cour de cassation sâest ainsi employĂ©e Ă circonscrire les indices permettant de caractĂ©riser cette immixtion (Soc., 6 juillet 2016, pour-vois no 14-27.266 Ă no 14-27.946, Bull. 2016, V, no 146 ; Soc., 6 juillet 2016, pourvoi no 14-26.541, Bull. 2016, V, no 145), allant jusquâĂ retenir que « le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en Ă©troite collaboration avec la sociĂ©tĂ© domi-nante, que celle-ci ait apportĂ© Ă sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient Ă©tĂ© signĂ©es avec la sociĂ©tĂ© dominante une convention de trĂ©sorerie ainsi quâune convention gĂ©nĂ©rale dâassistance moyennant rĂ©munĂ©ration » ne caractĂ©rise pas une situation de coemploi (Soc., 7 mars 2017, pourvoi no 15-16.865, Bull. 2017, V, no 39 ; voir Ă©galement, sâagissant de la mĂȘme sociĂ©tĂ©, Soc., 13 juillet 2017, pourvoi no 16-13.701 ; Soc., 14 dĂ©cembre 2017, pourvoi no 16-21.313 ou encore, Soc., 17 mai 2017, pourvoi no 15-27.766 ; Soc., 17 janvier 2018, pourvoi no 15-26.065).
RĂ©cemment, la chambre sociale a Ă©galement jugĂ© que « la centralisation de services supports, des remontĂ©es de dividendes, des conventions de trĂ©sorerie et de compensa-tion, des dettes non rĂ©glĂ©es Ă la filiale, des facturations de prestations de services par-tiellement sans contrepartie pour ladite filiale, la maĂźtrise de la facturation de celle-ci durant une pĂ©riode limitĂ©e dans le temps et lâoctroi dâune prime exceptionnelle aux salariĂ©s de la filiale ne pouvaient caractĂ©riser une situation de coemploi », cassant lâar-rĂȘt de la cour dâappel de Douai qui lâavait retenue (Soc., 9 octobre 2019, pourvoi no 17-28.150, publiĂ© au Bulletin).
Depuis lâarrĂȘt Molex, lâexistence dâun coemploi nâa ainsi Ă©tĂ© reconnue par la chambre sociale que dans une situation de perte totale dâautonomie de la filiale par une immix-tion permanente de sociĂ©tĂ©s du groupe dans sa gestion Ă©conomique, technique et administrative ainsi que dans la gestion de ses ressources humaines, notamment par la centralisation des recrutements au niveau du groupe (Soc., 6 juillet 2016, pourvoi no 15-15.481, Bull. 2016, V, no 147).
Cependant, le contentieux soumis au cours des quatre derniĂšres annĂ©es Ă la chambre sociale tĂ©moigne de la difficultĂ© persistante des juges du fond Ă apprĂ©hender les critĂšres dĂ©finis par cette derniĂšre et, dĂšs lors, Ă caractĂ©riser lâexistence ou non dâune situation de coemploi (voir notamment Soc., 28 mars 2018, pourvoi no 16-22.188 ; Soc., 31 mai 2018, pourvoi no 17-11.049 ; Soc., 28 juin 2018, pourvoi no 14-26.616 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi no 17-22.421 ; Soc., 25 septembre 2019, pourvoi no 17-28.452).
Par lâarrĂȘt ici commentĂ©, le critĂšre de la triple confusion est donc abandonnĂ© au profit dâune nouvelle dĂ©finition du coemploi se voulant plus explicite, fondĂ©e sur lâim-mixtion permanente de la sociĂ©tĂ© mĂšre dans la gestion Ă©conomique et sociale et la perte totale dâautonomie dâaction de la filiale, figurant dans le sommaire de lâarrĂȘt dit 3 Suisses prĂ©citĂ© (Soc., 6 juillet 2016, pourvoi no 15-15.493). Cette nouvelle dĂ©finition, recentrĂ©e sur la caractĂ©risation de la situation objective de la sociĂ©tĂ© employeur, se rap-proche de la notion de transparence de la personne morale utilisĂ©e par le Conseil dâĂtat.
La Cour de cassation retient dĂ©sormais que câest la perte dâautonomie dâaction de la filiale, qui ne dispose pas du pouvoir rĂ©el de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion Ă©conomique et sociale, qui est dĂ©terminante dans la caractĂ©risation dâune
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immixtion permanente anormale de la sociĂ©tĂ© mĂšre, constitutive dâun coemploi, justi-fiant alors que le principe dâindĂ©pendance juridique des personnes morales soit excep-tionnellement neutralisĂ©. En effet, « celui qui mĂ©connaĂźt ainsi la nĂ©cessaire autonomie juridique de la sociĂ©tĂ© employeur, fĂ»t-elle sa filiale, câest-Ă -dire sa capacitĂ© Ă agir par elle-mĂȘme, ne peut alors se cacher derriĂšre le voile de la personnalitĂ© morale quâil a ignorĂ© pour se soustraire aux consĂ©quences sociales de ses agissements. » (P. Bailly, « Le co-emploi n'est ni une â baguette magique â ni une aberration juridique », Semaine sociale Lamy, 7 octobre 2013, no 1600, pp. 11 et s.).
Dans lâaffaire ici soumise Ă la Cour de cassation, la cour dâappel de Caen avait retenu lâexistence dâune situation de coemploi caractĂ©risĂ©e, selon elle, par la gestion des ressources humaines au moment de la cessation de lâactivitĂ©, le financement de la procĂ©dure de licenciement Ă©conomique, des conventions de trĂ©sorerie et dâassistance moyennant rĂ©munĂ©ration, la prise de dĂ©cisions commerciales et sociales dans lâexer-cice de la prĂ©sidence de la sociĂ©tĂ© et des reprises dâactifs dans des conditions dĂ©savan-tageuses pour la filiale.
Ces Ă©lĂ©ments nâĂ©tant pas de nature Ă Ă©tablir que la sociĂ©tĂ© mĂšre agissait vĂ©ritable-ment de façon permanente en lieu et place de sa filiale, de sorte que celle-ci aurait tota-lement perdu son autonomie dâaction, les motifs de lâarrĂȘt attaquĂ© sont dĂšs lors censurĂ©s.
2. Durée du travail et rémunération
a. Durée du travail, repos et congés
Travail rĂ©glementation, durĂ©e du travail â Heures supplĂ©mentaires â Accomplissement â Preuve â Charge â PortĂ©eSoc., 18 mars 2020, pourvoi no 18-10.919, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme SommĂ© et avis de M. DesplanIl rĂ©sulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinĂ©a 1, L. 3171-3, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă celle issue de la loi no 2016-1088 du 8 aoĂ»t 2016, et L. 3171-4 du code du travail, quâen cas de litige relatif Ă lâexistence ou au nombre dâheures de travail accom-plies, il appartient au salariĂ© de prĂ©senter, Ă lâappui de sa demande, des Ă©lĂ©ments suf-fisamment prĂ©cis quant aux heures non rĂ©munĂ©rĂ©es quâil prĂ©tend avoir accomplies afin de permettre Ă lâemployeur, qui assure le contrĂŽle des heures de travail effectuĂ©es, dây rĂ©pondre utilement en produisant ses propres Ă©lĂ©ments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de lâensemble de ces Ă©lĂ©ments au regard des exigences rappelĂ©es aux dispositions lĂ©gales et rĂ©glementaires prĂ©citĂ©es. AprĂšs analyse des piĂšces produites par lâune et lâautre des parties, dans lâhypothĂšse oĂč il retient lâexistence dâheures supplĂ©-mentaires, il Ă©value souverainement, sans ĂȘtre tenu de prĂ©ciser le dĂ©tail de son calcul, lâimportance de celles-ci et fixe les crĂ©ances salariales sây rapportant.
Cette dĂ©cision est relative Ă la preuve des heures supplĂ©mentaires, lesquelles, on le sait, font lâobjet dâun abondant contentieux.
Le code du travail institue Ă lâarticle L. 3171-4 un rĂ©gime de preuve partagĂ©e entre lâemployeur et le salariĂ© des heures de travail effectuĂ©es. Les obligations de lâemployeur,
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relatives au dĂ©compte du temps de travail, sont quant Ă elles prĂ©vues par les articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du mĂȘme code.
Depuis un arrĂȘt du 25 fĂ©vrier 2004 (Soc., 25 fĂ©vrier 2004, pourvoi no 01-45.441, Bull. 2004, V, no 62), la Cour de cassation juge que si la preuve des heures de travail effectuĂ©es nâincombe spĂ©cialement Ă aucune des parties et que lâemployeur doit four-nir au juge les Ă©lĂ©ments de nature Ă justifier les horaires effectivement rĂ©alisĂ©s par le salariĂ©, il appartient cependant Ă ce dernier de fournir prĂ©alablement au juge des Ă©lĂ©-ments de nature Ă Ă©tayer sa demande.
Elle a par la suite prĂ©cisĂ©, par un arrĂȘt du 24 novembre 2010 (Soc., 24 novembre 2010, pourvoi no 09-40.928, Bull. 2010, V, no 266), quâen cas de litige relatif Ă lâexistence ou au nombre dâheures de travail accomplies, il appartient au salariĂ© dâĂ©tayer sa demande par la production dâĂ©lĂ©ments suffisamment prĂ©cis quant aux horaires effectivement rĂ©a-lisĂ©s pour permettre Ă lâemployeur de rĂ©pondre en fournissant ses propres Ă©lĂ©ments. Il sâagissait alors de souligner que parce que le prĂ©alable pĂšse sur le salariĂ© et que la charge de la preuve est partagĂ©e, le salariĂ© nâa pas Ă apporter des Ă©lĂ©ments de preuve mais seulement des Ă©lĂ©ments factuels, pouvant ĂȘtre Ă©tablis unilatĂ©ralement par ses soins, mais revĂȘtant un minimum de prĂ©cision afin que lâemployeur, qui assure le contrĂŽle des heures de travail accomplies, puisse y rĂ©pondre utilement.
Dans la continuitĂ© de cette jurisprudence, la chambre sociale de la Cour de cassa-tion a ainsi jugĂ© que constituaient des Ă©lĂ©ments suffisamment prĂ©cis, notamment, des dĂ©comptes dâheures (Soc., 3 juillet 2013, pourvoi no 12-17.594 ; Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 17-14.490), des relevĂ©s de temps quotidiens (Soc., 19 juin 2013, pourvoi no 11-27.709), un tableau (Soc., 22 mars 2012, pourvoi no 11-14.466), ou encore des fiches de saisie informatique enregistrĂ©es sur lâintranet de lâemployeur contenant le dĂ©compte journalier des heures travaillĂ©es (Soc., 24 janvier 2018, pourvoi no 16-23.743).
Il a Ă©tĂ© Ă©galement jugĂ© que peu importait que les tableaux produits par le salariĂ© aient Ă©tĂ© Ă©tablis durant la procĂ©dure prudâhomale ou a posteriori (Soc., 12 avril 2012, pourvoi no 10-28.090 ; Soc., 29 janvier 2014, pourvoi no 12-24.858).
Depuis lors, la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne, saisie dâun litige collectif por-tant sur lâenregistrement du temps de travail journalier et des Ă©ventuelles heures sup-plĂ©mentaires rĂ©alisĂ©es, est venue affirmer, dans un arrĂȘt du 14 mai 2019 (CJUE, arrĂȘt du 14 mai 2019, CCOO, C-55/18), que « les articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de lâamĂ©nagement du temps de travail, lus Ă la lumiĂšre de lâarticle 31, para-graphe 2, de la charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne, ainsi que de lâarticle 4, paragraphe 1, de lâarticle 11, paragraphe 3, et de lâarticle 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en Ćuvre de mesures visant Ă promouvoir lâamĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© des travail-leurs au travail, doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens quâils sâopposent Ă une rĂ©glementa-tion dâun Ătat membre qui, selon lâinterprĂ©tation qui en est donnĂ©e par la jurisprudence nationale, nâimpose pas aux employeurs lâobligation dâĂ©tablir un systĂšme permettant de mesurer la durĂ©e du temps de travail journalier effectuĂ© par chaque travailleur ».
Dans les motifs de son arrĂȘt, la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne prĂ©cise que :
â contrairement Ă un systĂšme mesurant la durĂ©e du temps de travail journalier effectuĂ©, les moyens de preuve pouvant ĂȘtre produits par le travailleur, tels que, notamment, des
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
tĂ©moignages ou des courriers Ă©lectroniques, afin de fournir lâindice dâune violation de ses droits et entraĂźner ainsi un renversement de la charge de la preuve, ne permettent pas dâĂ©tablir de maniĂšre objective et fiable le nombre dâheures de travail quotidien et hebdomadaire effectuĂ©es par le travailleur, compte tenu de sa situation de faiblesse dans la relation de travail (points 53 Ă 56) ;
â afin dâassurer lâeffet utile des droits prĂ©vus par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 prĂ©citĂ©e et du droit fondamental de chaque travailleur Ă une limita-tion de la durĂ©e maximale de travail et Ă des pĂ©riodes de repos journaliĂšres et hebdo-madaires consacrĂ© Ă lâarticle 31, § 2, de la Charte, les Ătats membres doivent imposer aux employeurs lâobligation de mettre en place un systĂšme objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durĂ©e du temps de travail journalier effectuĂ© par chaque tra-vailleur, avec toutefois une marge dâapprĂ©ciation dans la mise en Ćuvre concrĂšte de cette obligation pour tenir compte des particularitĂ©s propres Ă chaque secteur dâacti-vitĂ© concernĂ© et des spĂ©cificitĂ©s de certaines entreprises (points 60 Ă 63).
Prenant en compte cette dĂ©cision, la chambre sociale de la Cour de cassation dĂ©cide, sans modifier lâordre des Ă©tapes de la rĂšgle probatoire, puisque, conformĂ©ment Ă lâar-ticle 6 du code de procĂ©dure civile, tout demandeur en justice doit rapporter des Ă©lĂ©-ments au soutien de ses prĂ©tentions, dâabandonner la notion dâĂ©taiement, pouvant ĂȘtre source de confusion avec celle de preuve, en y substituant lâexpression de prĂ©sentation par le salariĂ© dâĂ©lĂ©ments Ă lâappui de sa demande. La chambre sociale rappelle que ces Ă©lĂ©ments doivent ĂȘtre suffisamment prĂ©cis quant aux heures non rĂ©munĂ©rĂ©es que le salariĂ© prĂ©tend avoir accomplies afin de permettre Ă lâemployeur dây rĂ©pondre utile-ment en produisant ses propres Ă©lĂ©ments, en mettant lâaccent en parallĂšle sur les obli-gations pesant sur ce dernier quant au contrĂŽle des heures de travail effectuĂ©es. Il est enfin rappelĂ© que, lorsquâils retiennent lâexistence dâheures supplĂ©mentaires, les juges du fond Ă©valuent souverainement, sans ĂȘtre tenus de prĂ©ciser le dĂ©tail de leur calcul, lâimportance de celles-ci et les crĂ©ances salariales sây rapportant (Soc., 4 dĂ©cembre 2013, pourvoi no 12-22.344, Bull. 2013, V, no 299).
Par lâarrĂȘt commentĂ©, la Cour de cassation entend souligner que les juges du fond doivent apprĂ©cier les Ă©lĂ©ments produits par le salariĂ© Ă lâappui de sa demande au regard de ceux produits par lâemployeur et ce afin que les juges, dĂšs lors que le salariĂ© a pro-duit des Ă©lĂ©ments factuels revĂȘtant un minimum de prĂ©cision, se livrent Ă une pesĂ©e des Ă©lĂ©ments de preuve produits par lâune et lâautre des parties, ce qui est en dĂ©finitive la finalitĂ© du rĂ©gime de preuve partagĂ©e.
Câest prĂ©cisĂ©ment pour avoir fait porter son analyse sur les seules piĂšces produites en lâespĂšce par le salariĂ©, qui versait aux dĂ©bats des dĂ©comptes dâheures quâil prĂ©ten-dait avoir rĂ©alisĂ©es, aboutissant ainsi Ă faire peser la charge de la preuve des heures supplĂ©mentaires exclusivement sur celui-ci, que lâarrĂȘt de la cour dâappel est censurĂ©.
La chambre sociale de la Cour de cassation marque ainsi sa volonté de contrÎler le respect par les juges du fond du mécanisme probatoire propre aux heures supplémentaires.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail
b. Rémunération
Emploi â Travailleurs privĂ©s dâemploi â Garantie de ressources â Allocation dâassurance â Financement â Cotisation â Assiette â RĂ©munĂ©rations brutes â DĂ©finition2e Civ., 12 mars 2020, pourvoi no 18-20.729, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Brinet et avis de Mme CeccaldiSelon lâarticle L. 5422-9, alinĂ©a 1, du code du travail, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă la loi no 2018-771 du 5 septembre 2018, lâallocation dâassurance est financĂ©e par des contributions des employeurs et des salariĂ©s assises sur les rĂ©munĂ©rations brutes dans la limite dâun plafond, lesquelles doivent sâentendre de lâensemble des gains et rĂ©mu-nĂ©rations au sens de lâarticle L. 242-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale.
Le pourvoi soumis Ă la Cour de cassation se rapportait Ă lâassiette des contributions de lâassurance chĂŽmage et des cotisations de lâassurance de garantie des salaires rĂ©cla-mĂ©es Ă une entreprise Ă la suite dâun contrĂŽle opĂ©rĂ© par une URSSAF.
AntĂ©rieurement Ă la rĂ©forme de lâindemnisation du chĂŽmage rĂ©sultant de la loi no 2008-126 du 13 fĂ©vrier 2008 relative Ă la rĂ©forme de lâorganisation du service public de lâemploi, le financement du rĂ©gime dâassurance chĂŽmage Ă©tait distinct du finance-ment des rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© sociale. Il appartenait Ă lâAssĂ©dic (Association pour lâemploi dans lâindustrie et le commerce) de pourvoir aux opĂ©rations dâassiette et de recouvre-ment des contributions dues par les employeurs pour le financement des prestations de lâassurance chĂŽmage. Ces opĂ©rations reposaient sur lâapplication de rĂšgles propres, le contentieux y affĂ©rent relevait de la compĂ©tence des juridictions civiles de droit commun.
La loi no 2008-126 du 13 fĂ©vrier 2008 a modifiĂ© significativement les modalitĂ©s de la gestion du rĂ©gime dâassurance chĂŽmage : si lâattribution et le paiement des allocations dâassurance chĂŽmage relĂšvent de la compĂ©tence de PĂŽle emploi, le recouvrement des contributions des employeurs pour le financement du rĂ©gime incombe aux URSSAF, moyennant lâapplication des rĂšgles propres au paiement, au contrĂŽle et au redresse-ment, au recouvrement forcĂ© et au contentieux des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale (article L. 2422-16 du code du travail).
Lâassiette des contributions de lâassurance chĂŽmage nâa pas donnĂ© lieu, en revanche, Ă une mĂȘme assimilation. Suivant les dispositions de lâarticle L. 5422-9 du code du tra-vail (dans leur rĂ©daction applicable Ă la date dâexigibilitĂ© des contributions litigieuses) :
« Lâallocation dâassurance est financĂ©e par des contributions des employeurs et des salariĂ©s assises sur les rĂ©munĂ©rations brutes dans la limite dâun plafond.
Toutefois, lâassiette des contributions peut ĂȘtre forfaitaire pour les catĂ©gories de salariĂ©s pour lesquelles les cotisations Ă un rĂ©gime de base de sĂ©curitĂ© sociale sont ou peuvent ĂȘtre calculĂ©es sur une assiette forfaitaire. »
Il convenait, dĂšs lors, de sâinterroger sur lâĂ©tendue de lâassiette des contributions de lâassurance chĂŽmage et de dĂ©terminer, plus prĂ©cisĂ©ment, si celle-ci devait ĂȘtre assi-milĂ©e Ă lâassiette des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale ou bien rĂ©pondre Ă une concep-tion autonome.
Peu nombreux, les commentaires sur la question optent en faveur dâune assiette dĂ©ter-minĂ©e selon les rĂšgles applicables aux cotisations de sĂ©curitĂ© sociale (Cf. J.-P. Domergue,
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
RĂ©p. dr. du travail, Dalloz, Vo ChĂŽmage : aspects institutionnels, janvier 2010, mise Ă jour janvier 2019, no 49 et s., et C. Willmann, JCl. Protection sociale TraitĂ©, LexisNexis, fasc. 853, « Assurance chĂŽmage.- Organisation », 11 septembre 2019, no 118). Les clauses des conventions successives dâassurance chĂŽmage ainsi que leurs rĂšglements annexĂ©s sâinscrivent de longue date dans cette mĂȘme perspective.
Câest Ă cette interprĂ©tation des termes de lâarticle L. 5422-9, alinĂ©a 1, du code du travail que souscrit la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation en Ă©nonçant, dans le « chapeau » intĂ©rieur de son arrĂȘt, que les rĂ©munĂ©rations brutes, dans la limite dâun plafond, qui constituent, selon ce texte, lâassiette des contributions de lâassurance chĂŽmage, « doivent sâentendre de lâensemble des gains et rĂ©munĂ©rations au sens de lâarticle L. 242-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale ».
La solution retenue Ă©tend ses effets aux cotisations dues au titre de lâassurance de garantie des salaires. Les dispositions de lâarticle L. 3253-18, alinĂ©a 1, du code du tra-vail prĂ©cisent, en effet, que celle-ci « est financĂ©e par des cotisations des employeurs assises sur les rĂ©munĂ©rations servant de base au calcul des contributions au rĂ©gime dâassurance chĂŽmage ».
On observera enfin que la Cour de cassation a recouru, pour rejeter le pourvoi dont elle Ă©tait saisie par lâemployeur, Ă un motif de pur droit substituĂ© aux motifs critiquĂ©s du jugement attaquĂ©. Les juges du fond sâĂ©taient fondĂ©s, en effet, sur les clauses de lâar-ticle 43 du rĂšglement annexĂ© Ă la convention dâassurance chĂŽmage du 6 mai 2011, les-quelles renvoyaient aux dispositions de lâarticle L. 242-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale pour la dĂ©termination de lâassiette des contributions de lâassurance chĂŽmage. En recou-rant Ă un motif substituĂ© tirĂ© de lâapplication de lâarticle L. 5422-9, alinĂ©a 1, du code du travail, la Cour de cassation fonde sur les dispositions mĂȘmes du code du travail qui dĂ©terminent les principes directeurs du rĂ©gime dâassurance chĂŽmage lâassimilation de lâassiette des contributions de celui-ci Ă lâassiette des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale.
3. Santé et sécurité au travail
Travail rĂ©glementation, santĂ© et sĂ©curitĂ© â ComitĂ© dâhygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail â Missions â Ătendue â Cas â Protection de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© des travailleurs â Recours Ă un expert â Travailleurs concer-nĂ©s â SalariĂ©s temporaires dâune entreprise utilisatrice â Action du comitĂ© de lâentreprise temporaire â Conditions â DĂ©termination â PortĂ©eSoc., 26 fĂ©vrier 2020, pourvoi no 18-22.556, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme PĂ©caut-Rivolier et avis de Mme BerriatIl rĂ©sulte de lâarticle L. 4614-12 du code du travail alors applicable et de lâarticle L. 1251-21 du mĂȘme code, interprĂ©tĂ©s Ă la lumiĂšre de lâalinĂ©a 11 du prĂ©ambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de lâarticle 31, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne et de lâarticle 6, § 4, de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en Ćuvre de mesures visant Ă promouvoir lâamĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© des travailleurs au travail, une obligation pour ceux qui emploient des travailleurs de veiller Ă ce que leur droit Ă la santĂ© et Ă la sĂ©curitĂ© soit assurĂ©, sous la vigilance des ins-titutions reprĂ©sentatives du personnel ayant pour mission la prĂ©vention et la protection de la santĂ© physique ou mentale et de la sĂ©curitĂ© des travailleurs.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail
Sâagissant des salariĂ©s des entreprises de travail temporaire, si la responsabilitĂ© de la protection de leur santĂ© et de leur sĂ©curitĂ© est commune Ă lâemployeur et Ă lâentreprise utilisatrice, ainsi que cela dĂ©coule de lâarticle 8 de la directive 91/383/CEE du Conseil du 25 juin 1991 complĂ©tant les mesures visant Ă promouvoir lâamĂ©lioration de la sĂ©cu-ritĂ© et de la santĂ© au travail des travailleurs ayant une relation de travail Ă durĂ©e dĂ©ter-minĂ©e ou une relation de travail intĂ©rimaire, il incombe au premier chef Ă lâentreprise utilisatrice de prendre toutes les dispositions nĂ©cessaires pour assurer cette protection en application de lâarticle L. 1251-21, 4o, du code du travail. Par consĂ©quent, câest au comitĂ© dâhygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail (CHSCT) de lâentreprise uti-lisatrice, en application de lâarticle 6 de la directive 91/383 prĂ©citĂ©e, quâil appartient dâexercer une mission de vigilance Ă lâĂ©gard de lâensemble des salariĂ©s de lâĂ©tablisse-ment placĂ©s sous lâautoritĂ© de lâemployeur.Cependant, lorsque le CHSCT de lâentreprise de travail temporaire constate que les sala-riĂ©s mis Ă disposition de lâentreprise utilisatrice sont soumis Ă un risque grave et actuel, au sens de lâarticle L. 4614-12 du code du travail alors applicable, sans que lâentreprise utilisatrice ne prenne de mesures, et sans que le CHSCT de lâentreprise utilisatrice ne fasse usage des droits quâil tient dudit article, il peut, au titre de lâexigence constitution-nelle du droit Ă la santĂ© des travailleurs, faire appel Ă un expert agrĂ©Ă© afin dâĂ©tudier la rĂ©alitĂ© du risque et les moyens Ă©ventuels dây remĂ©dier.
Ce dossier pose la question de savoir si le comitĂ© dâhygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des condi-tions de travail (CHSCT) dâune entreprise de travail temporaire peut intervenir, en dĂ©signant un expert, dans lâentreprise utilisatrice, en cas de risque grave et actuel pour les travailleurs temporaires mis Ă disposition de cette entreprise utilisatrice.
La rĂ©ponse Ă la question impliquait de mettre en balance deux droits constitution-nellement garantis que sont, dâune part, le droit de propriĂ©tĂ©, et dâautre part, le droit Ă la santĂ© des travailleurs.
Sâagissant du droit de propriĂ©tĂ©, lâentreprise de travail temporaire, qui contestait la possibilitĂ© pour son propre CHSCT de dĂ©signer un expert afin de vĂ©rifier les condi-tions de travail des travailleurs temporaires au sein de lâentreprise utilisatrice, faisait valoir quâune telle intervention serait disproportionnĂ©e par rapport Ă lâobjectif pour-suivi en ce quâelle conduirait Ă autoriser Ă pĂ©nĂ©trer dans une entreprise extĂ©rieure, Ă une immixtion dans sa gestion et Ă accĂ©der Ă des informations confidentielles, en contra-diction notamment avec le principe de libertĂ© dâentreprendre rappelĂ© par le Conseil constitutionnel dans sa dĂ©cision du 8 dĂ©cembre 2016 (Cons. const., 8 dĂ©cembre 2016, dĂ©cision no 2016-741 DC, Loi relative Ă la transparence, Ă la lutte contre la corruption et Ă la modernisation de la vie Ă©conomique).
Lâentreprise rappelait par ailleurs que, aux termes des textes du code du travail et de la jurisprudence de la chambre sociale, câest Ă lâentreprise utilisatrice, et donc Ă son CHSCT le cas Ă©chĂ©ant, quâil incombe de se prĂ©occuper de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© des travailleurs qui sont mis Ă sa disposition.
Cette affirmation est en effet conforme Ă la fois Ă lâarticle 8 de la directive 91/383/CEE du Conseil du 25 juin 1991 complĂ©tant les mesures visant Ă promouvoir lâamĂ©lio-ration de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© au travail des travailleurs ayant une relation de travail Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e ou une relation de travail intĂ©rimaire, et Ă lâarticle L. 1251-21, 4o, du code du travail qui affirme que lâentreprise utilisatrice est responsable, pendant la
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
durĂ©e de la mission, des conditions dâexĂ©cution du travail des travailleurs intĂ©rimaires et particuliĂšrement de leur santĂ© et de leur sĂ©curitĂ©.
Cependant, un certain nombre de constats conduisent Ă considĂ©rer que la respon-sabilitĂ© de lâentreprise utilisatrice ne peut pas, Ă elle seule, garantir le droit Ă la santĂ© et Ă la sĂ©curitĂ© des travailleurs intĂ©rimaires.
Sâappuyant sur les Ă©tudes de la direction de lâanimation de la recherche, des Ă©tudes et des statistiques (DARES), lâavocate gĂ©nĂ©rale Anne Berriat a ainsi rappelĂ© dans ses conclusions que :
« Avec un effectif de 806 000 salariĂ©s employĂ©s en fin de mois, les travailleurs intĂ©-rimaires reprĂ©sentent un peu plus de 3 % de la population active au travail, un effectif en hausse depuis 2014. Ce sont Ă 80 % des ouvriers, employĂ©s principalement dans lâin-dustrie, le tertiaire et la construction. Ils sont placĂ©s dans un environnement de travail sans cesse renouvelĂ© et soumis Ă une mobilitĂ© continuelle. La durĂ©e de leur mission est variable mais trĂšs brĂšve en moyenne, soit 1,9 semaine au troisiĂšme trimestre 2019 et mĂȘme moins dâune semaine dans les secteurs du soin et de lâhĂ©bergement mĂ©dico-social. »
4. ĂgalitĂ© de traitement, discrimination, harcĂšlement
a. ĂgalitĂ© de traitement
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
b. Discrimination
Contrat de travail, exĂ©cution â RĂšglement intĂ©rieur â Contenu â Restriction aux libertĂ©s individuelles â Restriction Ă la libertĂ© religieuse â ValiditĂ© â Conditions â DĂ©termination â PortĂ©eSoc., 8 juillet 2020, pourvoi no 18-23.743, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme SommĂ© et avis de Mme Trassoudaine-VergerIl rĂ©sulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans leur rĂ©daction applicable, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en Ćuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que les restric-tions Ă la libertĂ© religieuse doivent ĂȘtre justifiĂ©es par la nature de la tĂąche Ă accomplir, rĂ©pondre Ă une exigence professionnelle essentielle et dĂ©terminante et proportionnĂ©es au but recherchĂ©. Aux termes de lâarticle L. 1321-3, 2o, du code du travail dans sa rĂ©daction applicable, le rĂšglement intĂ©rieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertĂ©s individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiĂ©es par la nature de la tĂąche Ă accomplir ni proportionnĂ©es au but recherchĂ©.Lâemployeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communautĂ© de tra-vail lâensemble des libertĂ©s et droits fondamentaux de chaque salariĂ©, peut prĂ©voir dans le rĂšglement intĂ©rieur de lâentreprise ou dans une note de service soumise aux mĂȘmes dispositions que le rĂšglement intĂ©rieur, en application de lâarticle L. 1321-5 du code du travail dans sa rĂ©daction applicable, une clause de neutralitĂ© interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dĂšs lors que
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail
cette clause gĂ©nĂ©rale et indiffĂ©renciĂ©e nâest appliquĂ©e quâaux salariĂ©s se trouvant en contact avec les clients.Ayant relevĂ© que lâemployeur ne produisait aucun rĂšglement intĂ©rieur ni aucune note de service prĂ©cisant la nature des restrictions quâil entendait imposer au salariĂ© en raison des impĂ©ratifs de sĂ©curitĂ© invoquĂ©s, une cour dâappel en dĂ©duit Ă bon droit que lâinter-diction faite au salariĂ©, lors de lâexercice de ses missions, du port de la barbe, en tant quâelle manifesterait des convictions religieuses et politiques, et lâinjonction faite par lâemployeur de revenir Ă une apparence considĂ©rĂ©e par ce dernier comme plus neutre caractĂ©risaient lâexistence dâune discrimination directement fondĂ©e sur les convictions religieuses et politiques du salariĂ©.
Contrat de travail, exĂ©cution â RĂšglement intĂ©rieur â Contenu â Restriction aux libertĂ©s individuelles â Restriction Ă la libertĂ© religieuse â ValiditĂ© â Conditions â DĂ©termination â PortĂ©eMĂȘme arrĂȘtIl rĂ©sulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (CJUE, arrĂȘt du 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15), que la notion dâ « exi-gence professionnelle essentielle et dĂ©terminante », au sens de lâarticle 4, § 1, de la direc-tive no 2000/78/CE du 27 novembre 2000, renvoie Ă une exigence objectivement dictĂ©e par la nature ou les conditions dâexercice de lâactivitĂ© professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considĂ©rations subjectives, telles que la volontĂ© de lâem-ployeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.
Si les demandes dâun client relatives au port dâune barbe pouvant ĂȘtre connotĂ©e de façon religieuse ne sauraient, par elles-mĂȘmes, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme une exigence professionnelle essentielle et dĂ©terminante au sens de lâarticle 4, § 1, de la direc-tive no 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, lâobjectif lĂ©gitime de sĂ©curitĂ© du personnel et des clients de lâentreprise peut justifier en application de ces mĂȘmes dis-positions des restrictions aux droits des personnes et aux libertĂ©s individuelles et collec-tives et, par suite, permet Ă lâemployeur dâimposer aux salariĂ©s une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nĂ©cessaire afin de prĂ©venir un danger objectif.Ayant constatĂ© que lâemployeur ne dĂ©montrait pas les risques de sĂ©curitĂ© spĂ©cifiques liĂ©s au port de la barbe dans le cadre de lâexĂ©cution de la mission du salariĂ© de nature Ă constituer une justification Ă une atteinte proportionnĂ©e aux libertĂ©s de ce dernier, une cour dâappel en dĂ©duit Ă bon droit que le licenciement du salariĂ© reposait, au moins pour partie, sur le motif discriminatoire pris de ce que lâemployeur considĂ©rait comme lâexpression par le salariĂ© de ses convictions politiques ou religieuses au travers du port de sa barbe, de sorte que le licenciement Ă©tait nul en application de lâarticle L. 1132-4 du code du travail.
Par cet arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation poursuit lâĂ©laboration de sa jurisprudence relative aux libertĂ©s et droits fondamentaux du salariĂ© dans lâentreprise.
Un salariĂ©, consultant sĂ»retĂ© dâune sociĂ©tĂ© assurant des prestations de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense pour des gouvernements, organisations internationales non gouvernemen-tales ou entreprises privĂ©es, avait Ă©tĂ© licenciĂ© pour faute grave, lâemployeur lui repro-chant le port dâune barbe « taillĂ©e dâune maniĂšre volontairement signifiante aux doubles plans religieux et politique ».
La chambre sociale, reprenant les rĂšgles Ă©noncĂ©es par son arrĂȘt de principe du 22 novembre 2017 (Soc., 22 novembre 2017, pourvoi no 13-19.855, Bull. 2017, V,
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
no 200), rendu sur question prĂ©judicielle posĂ©e Ă la Cour de justice de lâUnion euro-pĂ©enne, rĂ©affirme en premier lieu quâil rĂ©sulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rĂ©daction applicable, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en Ćuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant crĂ©ation dâun cadre gĂ©nĂ©ral en faveur de lâĂ©galitĂ© de traite-ment en matiĂšre dâemploi et de travail, que les restrictions Ă la libertĂ© religieuse doivent ĂȘtre justifiĂ©es par la nature de la tĂąche Ă accomplir, rĂ©pondre Ă une exigence profession-nelle essentielle et dĂ©terminante et proportionnĂ©es au but recherchĂ©.
Il est rĂ©affirmĂ© en second lieu, aprĂšs rappel des termes de lâarticle L. 1321-3, 2o, du code du travail dans sa rĂ©daction applicable, prĂ©voyant que le rĂšglement intĂ©rieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertĂ©s indi-viduelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiĂ©es par la nature de la tĂąche Ă accomplir ni proportionnĂ©es au but recherchĂ©, que lâemployeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communautĂ© de travail lâensemble des libertĂ©s et droits fondamentaux de chaque salariĂ©, peut prĂ©voir dans le rĂšglement intĂ©rieur de lâentreprise ou dans une note de service soumise aux mĂȘmes dispositions que le rĂšgle-ment intĂ©rieur, en application de lâarticle L. 1321-5 du code du travail dans sa rĂ©daction applicable, une clause de neutralitĂ© interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dĂšs lors que cette clause gĂ©nĂ©rale et indiffĂ©renciĂ©e nâest appliquĂ©e quâaux salariĂ©s se trouvant en contact avec les clients.
Dans la mesure oĂč, dans lâentreprise concernĂ©e, aucune clause de neutralitĂ© ne figu-rait dans le rĂšglement intĂ©rieur ou dans une note de service relevant du mĂȘme rĂ©gime lĂ©gal, lâinterdiction faite au salariĂ©, lors de lâexercice de ses missions, du port de la barbe, en tant quâelle manifesterait des convictions religieuses et politiques, et lâinjonction faite par lâemployeur de revenir Ă une apparence considĂ©rĂ©e par ce dernier comme plus neutre, caractĂ©risaient une discrimination directement fondĂ©e sur les convictions reli-gieuses et politiques du salariĂ©.
Par consĂ©quent, seule une exigence professionnelle et dĂ©terminante, rĂ©sultant de la nature de lâactivitĂ© professionnelle ou des conditions de son exercice et pour autant que lâobjectif poursuivi soit lĂ©gitime et que lâexigence soit proportionnĂ©e, permettant, en application de lâarticle 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 prĂ©ci-tĂ©e, de dĂ©roger au principe de non-discrimination, Ă©tait susceptible en lâespĂšce de jus-tifier le licenciement pour faute prononcĂ© par lâemployeur.
Or, il rĂ©sulte de la jurisprudence de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (CJUE, arrĂȘt du 14 mars 2017, Bougnaoui et ADDH, C-188/15) que la notion dâ« exi-gence professionnelle et dĂ©terminante », au sens de lâarticle 4, § 1, susvisĂ©, renvoie Ă une exigence objectivement dictĂ©e par la nature ou les conditions dâexercice de lâacti-vitĂ© professionnelle en cause, sans quâelle puisse couvrir des considĂ©rations subjectives, telles que la volontĂ© de lâemployeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.
Sâinscrivant dans le droit fil de cette jurisprudence, la chambre sociale de la Cour de cassation Ă©nonce que les demandes dâun client relatives au port dâune barbe pou-vant ĂȘtre connotĂ©e de façon religieuse ne sauraient, par elles-mĂȘmes, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme une exigence professionnelle et dĂ©terminante au sens de lâarticle 4, § 1, susvisĂ©.
En revanche lâobjectif lĂ©gitime de sĂ©curitĂ© du personnel et des clients de lâentreprise peut justifier, en application de ces mĂȘmes dispositions, des restrictions aux droits des
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personnes et aux libertĂ©s individuelles et collectives et, par suite, permet Ă lâemployeur dâimposer aux salariĂ©s une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nĂ©cessaire afin de prĂ©venir un danger objectif, ce quâil lui appartient de dĂ©montrer.
Dans lâespĂšce en cause la cour dâappel a constatĂ©, examinant souverainement les Ă©lĂ©ments de fait et preuve qui lui Ă©taient soumis, que lâemployeur ne justifiait pas des risques invoquĂ©s de sĂ©curitĂ© spĂ©cifiques liĂ©s au port de la barbe dans le cadre de lâexĂ©-cution de la mission du salariĂ©, de nature Ă constituer une justification Ă une atteinte proportionnĂ©e aux libertĂ©s de ce dernier.
La cour dâappel est dĂšs lors approuvĂ©e dâavoir jugĂ© que le licenciement du salariĂ© reposait, au moins pour partie, sur le motif discriminatoire pris de ce que lâemployeur considĂ©rait comme lâexpression par lâintĂ©ressĂ© de ses convictions politiques ou reli-gieuses au travers du port de sa barbe, de sorte que le licenciement Ă©tait nul en appli-cation de lâarticle L. 1132-4 du code du travail.
c. HarcĂšlement
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
5. Accords collectifs et conflits collectifs de travail
a. Conventions et accords collectifs
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
b. Conflits du travail
Statut collectif du travail â NĂ©gociation collective â PĂ©riodicitĂ© de la nĂ©gociation â NĂ©gociation triennale â MobilitĂ© interne â MobilitĂ© professionnelle ou gĂ©ogra-phique interne Ă lâentreprise â Conditions â MobilitĂ© sâinscrivant dans le cadre de mesures collectives dâorganisation courantes sans projet de rĂ©duction dâef-fectifs â DĂ©finition â Cas â PortĂ©eSoc., 2 dĂ©cembre 2020, pourvois no 19-11.986 et suivants, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Marguerite et avis de Mme BerriatSelon lâarticle L. 2242-21 du code du travail, dans sa rĂ©daction issue de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013, lâemployeur peut engager une nĂ©gociation portant sur les conditions de la mobilitĂ© professionnelle ou gĂ©ographique interne Ă lâentreprise dans le cadre de mesures collectives dâorganisation courantes sans projet de rĂ©duction dâeffectifs.Une cour dâappel, qui constate que lâaccord de mobilitĂ© interne avait Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© en dehors de tout projet de rĂ©duction dâeffectifs au niveau de lâentreprise afin dâappor-ter des solutions Ă des pertes de marchĂ© sur certains territoires, en dĂ©duit exactement que cette rĂ©organisation constituait une mesure collective dâorganisation courante au sens du texte prĂ©citĂ©, quand bien mĂȘme les mesures envisagĂ©es entraĂźnaient la sup-pression de certains postes.
Les accords de mobilitĂ© interne ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s par la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 relative Ă la sĂ©curisation de lâemploi, qui a introduit les articles L. 2242-21 Ă L. 2242-23
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du code du travail, sur la base des stipulations de lâaccord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modĂšle Ă©conomique et social au service de la compĂ©-titivitĂ© des entreprises et de la sĂ©curisation de lâemploi et des parcours professionnels des salariĂ©s, ayant le mĂȘme objet. Ces dispositions ont ensuite Ă©tĂ© reprises aux articles L. 2242-17, L. 2242-18 et L. 2242-19 du mĂȘme code, Ă la suite de la loi no 2015-994 du 17 aoĂ»t 2015 relative au dialogue social et Ă lâemploi. Puis, ces accords de mobilitĂ© ont Ă©tĂ© supprimĂ©s par lâordonnance no 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la nĂ©gociation collective qui a instaurĂ© un rĂ©gime unique pour cer-tains accords collectifs Ă lâarticle L. 2254-2 du code du travail.
Dans lâaffaire soumise Ă la Cour de cassation, plusieurs salariĂ©s ont Ă©tĂ© licenciĂ©s sur le fondement du dernier alinĂ©a de lâarticle L. 2242-23 du code du travail aprĂšs avoir refusĂ© les propositions de postes qui leur avaient Ă©tĂ© faites en application dâun accord de mobilitĂ© interne conclu dans lâentreprise.
Par cet arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce dâabord, pour la deuxiĂšme fois, sur la portĂ©e du critĂšre prĂ©vu Ă lâarticle L. 2242-21 du code du tra-vail tenant Ă ce que les conditions de la mobilitĂ© interne sâinscrivent dans le cadre de mesures collectives dâorganisation courantes sans projet de rĂ©duction dâeffectifs.
Dans la lignĂ©e de son prĂ©cĂ©dent arrĂȘt du 11 dĂ©cembre 2019 (Soc., 11 dĂ©cembre 2019, pourvoi no 18-13.599, publiĂ© au Bulletin), la chambre sociale juge que, dĂšs lors que lâac-cord de mobilitĂ© interne avait Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© en dehors de tout projet de rĂ©duction dâef-fectifs au niveau de lâentreprise, mĂȘme si, ayant pour objet de rĂ©pondre Ă des situations de perte de marchĂ©, il entraĂźnait des suppressions de postes impliquant la rĂ©affectation des salariĂ©s concernĂ©s, il rĂ©pondait au critĂšre des mesures collectives dâorganisation courantes sans projet de rĂ©duction dâeffectifs.
Puis, par cet arrĂȘt, la chambre sociale se prononce sur la cause des licenciements rĂ©sultant du refus de salariĂ©s de lâapplication Ă leur contrat de travail des stipulations de lâaccord relatives Ă la mobilitĂ© interne.
Lâarticle L. 2242-23 du code du travail, dans sa rĂ©daction issue de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 prĂ©citĂ©e, disposait que, lorsquâun ou plusieurs salariĂ©s refusent lâapplication Ă leur contrat de travail des stipulations de lâaccord relatives Ă la mobilitĂ© interne, leur licenciement repose sur un motif Ă©conomique.
La chambre sociale de la Cour de cassation juge dâabord que cet article a insti-tuĂ© un motif Ă©conomique de licenciement autonome des motifs Ă©conomiques prĂ©vus Ă lâarticle L. 1233-3 du code du travail. DĂšs lors, lâemployeur nâa pas Ă justifier que la modification du contrat de travail proposĂ©e en application de lâaccord de mobilitĂ© est consĂ©cutive Ă des difficultĂ©s Ă©conomiques, des mutations technologiques, une rĂ©orga-nisation de lâentreprise nĂ©cessaire Ă la sauvegarde de sa compĂ©titivitĂ© ou une cessation complĂšte dâactivitĂ©.
La chambre sociale se prononce ensuite sur le contrĂŽle de la cause rĂ©elle et sĂ©rieuse du licenciement dĂ©volu au juge prudâhomal.
Dâune part, dans la lignĂ©e de sa jurisprudence sur les accords de rĂ©duction du temps de travail (Soc., 15 mars 2006, pourvoi no 04-41.935, Bull. 2006, V, no 107 ; Soc., 23 sep-tembre 2009, pourvoi no 07-44.712, Bull. 2009, V, no 201), Ă laquelle dâailleurs les travaux parlementaires faisaient rĂ©fĂ©rence, la chambre sociale de la Cour de cassation prĂ©cise
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que le caractĂšre rĂ©el et sĂ©rieux du licenciement consĂ©cutif au refus dâun salariĂ© dâap-plication Ă son contrat de travail des stipulations de lâaccord de mobilitĂ© interne sup-pose que cet accord soit conforme aux dispositions lĂ©gales le rĂ©gissant.
Dâautre part, au visa des stipulations de lâarticle 4 de la Convention internationale du travail no 158 sur le licenciement de lâOrganisation internationale du travail qui prĂ©voient quâun licenciement non inhĂ©rent Ă la personne du salariĂ© doit ĂȘtre fondĂ© sur les nĂ©cessitĂ©s du fonctionnement de lâentreprise, de lâĂ©tablissement ou du service et de celles des articles 9.1 et 9.3 qui dĂ©finissent le contrĂŽle du juge sur les motifs invo-quĂ©s pour justifier le licenciement, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que le caractĂšre rĂ©el et sĂ©rieux du licenciement faisant suite Ă un refus du salariĂ© dâappli-cation Ă son contrat de travail des stipulations de lâaccord de mobilitĂ© interne suppose que lâaccord de mobilitĂ© interne soit justifiĂ© par lâexistence des nĂ©cessitĂ©s du fonction-nement de lâentreprise, ce quâil appartient au juge dâapprĂ©cier.
6. Représentation du personnel et élections professionnelles
a. Ălections, reprĂ©sentativitĂ©, reprĂ©sentants syndicaux : mise en Ćuvre de la loi du 20 aoĂ»t 2008
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
b. Ălections, syndicats hors application de la loi du 20 aoĂ»t 2008
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
c. Protection des représentants du personnel
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
d. Fonctionnement des institutions représentatives du personnel
ReprĂ©sentation des salariĂ©s â ComitĂ© dâentreprise â Attributions â Attributions consultatives â Organisation, gestion et marche gĂ©nĂ©rale de lâentreprise â Action en justice â Pouvoirs des juges â Ătendue â Prolongation ou fixation dâun nouveau dĂ©lai de consultation â Conditions â DĂ©termination â PortĂ©eSoc., 26 fĂ©vrier 2020, pourvoi no 18-22.759, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme PĂ©caut-Rivolier et avis de M. WeissmannEn application de lâarticle L. 2323-4 du code du travail alors applicable, interprĂ©tĂ© confor-mĂ©ment aux articles 4, § 3, et 8, § 1 et § 2, de la directive 2002/14/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 11 mars 2002 Ă©tablissant un cadre gĂ©nĂ©ral relatif Ă lâinfor-mation et la consultation des travailleurs dans la CommunautĂ© europĂ©enne, la saisine du prĂ©sident du tribunal de grande instance avant lâexpiration des dĂ©lais dont dispose le comitĂ© dâentreprise pour rendre son avis permet au juge, dĂšs lors que celui-ci retient que les informations nĂ©cessaires Ă lâinstitution reprĂ©sentative du personnel et deman-dĂ©es par cette derniĂšre pour formuler un avis motivĂ© nâont pas Ă©tĂ© transmises ou mises Ă disposition par lâemployeur, dâordonner la production des Ă©lĂ©ments dâinformation
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complĂ©mentaires et, en consĂ©quence, de prolonger ou de fixer le dĂ©lai de consultation tel que prĂ©vu par lâarticle R. 2323-1-1 du code du travail Ă compter de la communica-tion de ces Ă©lĂ©ments complĂ©mentaires.
Depuis la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 relative Ă la sĂ©curisation de lâemploi, les dĂ©lais de consultation des institutions reprĂ©sentatives de personnel sont encadrĂ©s par des dĂ©lais prĂ©cis, fixĂ©s par accord, et Ă dĂ©faut par les textes lĂ©gaux et rĂ©glementaires.
Selon lâarticle R. 2323-1-1 du code du travail dans sa rĂ©daction applicable au litige (dĂ©cret no 2013-1305 du 27 dĂ©cembre 2013 relatif Ă la base de donnĂ©es Ă©conomiques et sociales et aux dĂ©lais de consultation du comitĂ© dâentreprise et dâexpertise), ces dĂ©lais sont dâun mois en gĂ©nĂ©ral, deux mois en cas de recours Ă une expertise, et trois mois en cas de consultation obligatoire prĂ©alable des comitĂ©s dâhygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail. Ă lâissue de ce dĂ©lai, si le comitĂ© dâentreprise nâa pas donnĂ© son avis, il est rĂ©putĂ© avoir rendu un avis nĂ©gatif (article L. 2323-3, applicable en lâespĂšce).
La loi a prĂ©vu la possibilitĂ© pour le comitĂ© dâentreprise de saisir une juridiction, le prĂ©sident du tribunal de grande instance statuant en la forme des rĂ©fĂ©rĂ©s, lorsque ses membres estiment ne pas disposer dâĂ©lĂ©ments suffisants, afin quâil puisse ĂȘtre ordonnĂ© la communication par lâemployeur des Ă©lĂ©ments manquants. Elle prĂ©cise, en son article L. 2323-4 du code du travail, que cette saisine « nâa pas pour effet de prolonger le dĂ©lai dont dispose le comitĂ© pour rendre son avis », tout en ouvrant la possibilitĂ© au juge de dĂ©cider de la prolongation du dĂ©lai « en cas de difficultĂ©s particuliĂšres dâaccĂšs aux informations nĂ©cessaires Ă la formulation de lâavis motivĂ© du comitĂ© dâentreprise ».
Le lĂ©gislateur a ainsi souhaitĂ©, et les dĂ©bats parlementaires en tĂ©moignent, empĂȘ-cher des actions dilatoires du comitĂ© dâentreprise dont lâaction en justice nâaurait pour seule finalitĂ© que de prolonger les dĂ©lais de consultation et retarder la mise en Ćuvre des projets objets de la consultation.
Ces textes, reconnus conformes Ă la Constitution par une dĂ©cision du Conseil consti-tutionnel (Cons. const., 4 aoĂ»t 2017, dĂ©cision no 2017-652 QPC, ComitĂ© dâentreprise de lâunitĂ© Ă©conomique et sociale Markem Imaje [DĂ©lai de consultation du comitĂ© dâen-treprise]) ont suscitĂ© un contentieux important dĂšs lors que, dans la pratique, la saisine du juge par le comitĂ© dâentreprise arguant de lâinsuffisance de lâinformation transmise pouvait conduire, au regard des dĂ©lais de consultation contraints, Ă ce que ces dĂ©lais soient dĂ©jĂ expirĂ©s au moment oĂč le juge statue. Lâaction du comitĂ© dâentreprise ris-quait de se trouver de ce fait sans objet, alors mĂȘme quâelle pouvait ĂȘtre fondĂ©e et avoir Ă©tĂ© diligentĂ©e dans le temps le plus utile.
Par ailleurs lâarticle 4, § 3, de la directive 2002/14/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 11 mars 2002 Ă©tablissant un cadre gĂ©nĂ©ral relatif Ă lâinformation et la consultation des travailleurs dans la CommunautĂ© europĂ©enne instaure un droit Ă lâin-formation appropriĂ©e.
Aux termes de deux prĂ©cĂ©dents arrĂȘts, la chambre sociale de la Cour de cassation a fixĂ© le point de dĂ©part du dĂ©lai de consultation en distinguant le cas de lâabsence totale dâinformation de celui de lâinsuffisance de lâinformation, conformĂ©ment aux termes de lâarticle L. 2323-4 du code du travail :
â dans une dĂ©cision du 21 septembre 2016 (Soc., 21 septembre 2016, pourvoi no 15-19.003, Bull. 2016, V, no 176), elle a jugĂ© que le dĂ©lai Ă lâexpiration duquel le comitĂ© dâentreprise
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est rĂ©putĂ© avoir donnĂ© un avis court Ă compter de la date Ă laquelle il a reçu une infor-mation le mettant en mesure dâapprĂ©cier lâimportance de lâopĂ©ration envisagĂ©e et de saisir le prĂ©sident du tribunal de grande instance sâil estime que lâinformation com-muniquĂ©e est insuffisante ;
â elle en dĂ©duit que, dĂšs lors, le dĂ©lai ne peut pas courir lorsque certains documents dont la loi ou lâaccord collectif prĂ©voit la communication, et notamment ceux rele-vant de la base de donnĂ©es Ă©conomiques et sociales, nâont pas Ă©tĂ© mis Ă disposition du comitĂ© dâentreprise (Soc., 28 mars 2018, pourvoi no 17-13.081, Bull. 2018, V, no 49).
Le prĂ©sent arrĂȘt complĂšte lâanalyse des textes en sâinterrogeant sur les incidences de la saisine du prĂ©sident du tribunal de grande instance statuant en la forme des rĂ©fĂ©-rĂ©s au motif de lâinsuffisance des informations fournies ou transmises.
La chambre sociale de la Cour de cassation prĂ©cise que le comitĂ© dâentreprise doit obligatoirement saisir la juridiction dans le dĂ©lai qui lui est imparti pour donner son avis, en application de lâarticle R. 2323-1-1 du code du travail. Ainsi, dans lâaffaire ayant donnĂ© lieu Ă lâarrĂȘt du 21 septembre 2016 prĂ©citĂ©, la saisine Ă©tant postĂ©rieure Ă lâexpi-ration du dĂ©lai, la demande de prolongation des dĂ©lais Ă©tait nĂ©cessairement irrecevable.
La saisine de la juridiction ne prolonge pas par elle-mĂȘme les dĂ©lais de consultation, comme lâindique lâarticle L. 2323-4 du code du travail. Par consĂ©quent, si la demande se rĂ©vĂšle infondĂ©e, les documents ayant Ă©tĂ© transmis Ă©tant estimĂ©s par le juge comme suf-fisants pour que le comitĂ© dâentreprise puisse formuler un avis motivĂ©, le dĂ©lai sâachĂšve Ă la date initialement prĂ©vue.
En revanche, si le juge considĂšre que la demande est fondĂ©e, câest-Ă -dire sâil retient que les informations nĂ©cessaires Ă lâinstitution reprĂ©sentative du personnel et deman-dĂ©es par cette derniĂšre pour formuler un avis motivĂ© nâont pas Ă©tĂ© transmises ou mises Ă disposition par lâemployeur, le juge peut ordonner la production des Ă©lĂ©ments dâinfor-mation complĂ©mentaires et dans ce cas, quelle que soit la date Ă laquelle il se prononce, prolonger ou fixer un nouveau dĂ©lai de consultation pour une durĂ©e correspondant Ă celles fixĂ©es par lâarticle R. 2323-1-1 du code du travail Ă compter de la communica-tion de ces Ă©lĂ©ments complĂ©mentaires.
Ce mĂ©canisme, qui sâinscrit dans le cadre de lâobligation lĂ©gale faite au juge de se prononcer dans un dĂ©lai rapide, doit permettre de maintenir dans des dĂ©lais raison-nables la procĂ©dure de consultation du comitĂ© dâentreprise, aujourdâhui du comitĂ© social et Ă©conomique, tout en lui assurant le droit Ă lâinformation appropriĂ©e que lui garantit le texte europĂ©en.
ReprĂ©sentation des salariĂ©s â ComitĂ© social et Ă©conomique â Mise en place â Mise en place au niveau de lâentreprise â DĂ©termination du nombre et du pĂ©rimĂštre des Ă©tablissements distincts â ModalitĂ©s â Accord collectif â DĂ©faut â DĂ©cision de lâemployeur â Contestation â Saisine de lâautoritĂ© administra-tive â DĂ©cision de lâautoritĂ© administrative â Recours â Tribunal dâinstance â Pouvoirs â Ătendue â DĂ©termination â PortĂ©e
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Soc., 8 juillet 2020, pourvois no 19-60.107 et nÂș 19-11.918, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Le Masne de Chermont et avis de Mme BerriatIl rĂ©sulte de lâarticle L. 2313-5 du code du travail que, lorsquâil est saisi de contesta-tions de la dĂ©cision de lâautoritĂ© administrative quant Ă la fixation du nombre et du pĂ©ri-mĂštre des Ă©tablissements distincts, il appartient au juge de se prononcer sur la lĂ©galitĂ© de cette dĂ©cision au regard de lâensemble des circonstances de fait dont il est justifiĂ© Ă la date de la dĂ©cision administrative et, en cas dâannulation de cette derniĂšre dĂ©cision, de statuer Ă nouveau, en fixant ce nombre et ce pĂ©rimĂštre dâaprĂšs lâensemble des cir-constances de fait Ă la date oĂč le juge statue.
Issus de lâordonnance no 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative Ă la nouvelle organisation du dialogue social et Ă©conomique dans lâentreprise et favorisant lâexer-cice et la valorisation des responsabilitĂ©s syndicales, les articles L. 2313-1 Ă L. 2313-5 du code du travail instaurent un mĂ©canisme original de fixation du nombre et du pĂ©ri-mĂštre des Ă©tablissements distincts, qui articule nĂ©gociation collective, dĂ©cision unilatĂ©-rale de lâemployeur, dĂ©cision administrative du directeur rĂ©gional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de lâemploi (DIRECCTE) et contrĂŽle exclusif du juge judiciaire.
Selon lâarticle L. 2313-4 du code du travail, en lâabsence dâaccord conclu avec les organisations syndicales reprĂ©sentatives ou le comitĂ© social et Ă©conomique dans les conditions mentionnĂ©es aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 de ce code, lâemployeur fixe ce nombre et ce pĂ©rimĂštre, compte tenu de lâautonomie de gestion du responsable de lâĂ©tablissement, notamment en matiĂšre de gestion du personnel.
Lâarticle L. 2313-5 du code du travail prĂ©voit que, en cas de litige portant sur la dĂ©cision de lâemployeur prĂ©vue Ă lâarticle L. 2313-4, le nombre et le pĂ©rimĂštre des Ă©ta-blissements distincts sont fixĂ©s par lâautoritĂ© administrative du siĂšge de lâentreprise, la dĂ©cision de cette autoritĂ© pouvant faire lâobjet dâun recours devant le juge judiciaire, Ă lâexclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
Dans un arrĂȘt publiĂ© du 19 dĂ©cembre 2018 (Soc., 19 dĂ©cembre 2018, pourvoi no 18-23.655, publiĂ© au Bulletin), la chambre sociale de la Cour de cassation a Ă©tĂ© appe-lĂ©e Ă se prononcer, pour la premiĂšre fois, sur lâobjet de lâoffice du juge judiciaire saisi, dans le cadre de cet article L. 2313-5, dâun recours formĂ© contre la dĂ©cision adminis-trative du DIRECCTE.
Sâinspirant du contrĂŽle de plein contentieux propre aux juridictions administra-tives, elle a affirmĂ©, au visa de ce texte, quâil appartient au tribunal dâinstance dâexami-ner lâensemble des contestations, que celles-ci portent sur la lĂ©galitĂ© externe ou sur la lĂ©galitĂ© interne de cette dĂ©cision, et, sâil les dit mal fondĂ©es, de confirmer la dĂ©cision, sâil les accueille partiellement ou totalement, de statuer Ă nouveau, par une dĂ©cision se substituant Ă celle de lâautoritĂ© administrative, sur les questions demeurant en litige.
La question posĂ©e au travers du prĂ©sent pourvoi est celle des faits Ă prendre en considĂ©ration tant pour contrĂŽler la lĂ©galitĂ© de la dĂ©cision administrative que pour, en cas dâannulation de cette derniĂšre, fixer le nombre et le pĂ©rimĂštre des Ă©tablisse-ments distincts.
Sâinscrivant, de nouveau, dans la logique dâun contrĂŽle de plein contentieux, la chambre sociale de la Cour de cassation a opĂ©rĂ© une distinction selon les diffĂ©rentes
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Ă©tapes de lâexercice par le juge de son office lorsquâil a Ă connaĂźtre dâun recours formĂ© contre la dĂ©cision du DIRECCTE.
La chambre sociale de la Cour de cassation retient que le contrĂŽle de la lĂ©galitĂ© de la dĂ©cision administrative se fait au regard de lâensemble des circonstances de fait dont il est justifiĂ© Ă la date Ă laquelle cette dĂ©cision a Ă©tĂ© prise. Cette solution est justifiĂ©e par les termes mĂȘmes de lâarticle L. 2313-5 du code du travail qui disposent quâen cas de contestation de la dĂ©cision unilatĂ©rale de lâemployeur, le nombre et le pĂ©rimĂštre des Ă©tablissements distincts sont fixĂ©s par lâautoritĂ© administrative.
Toutefois, en cas dâannulation de la dĂ©cision du DIRECCTE par le juge, pour fixer le nombre et le pĂ©rimĂštre des Ă©tablissements distincts, celui-ci doit prendre en consi-dĂ©ration lâensemble des circonstances de fait Ă la date oĂč il statue.
Un tel schĂ©ma garantit la sĂ©curitĂ© juridique de la dĂ©cision administrative du DIRECCTE qui ne peut ĂȘtre remise en cause en considĂ©ration de faits ignorĂ©s par celui-ci Ă la date oĂč elle a Ă©tĂ© prise, et permet au juge, lorsque ce dernier procĂšde Ă lâannulation dâune telle dĂ©cision, de dĂ©finir un dĂ©coupage de lâentreprise en Ă©tablis-sements distincts, appelĂ© Ă rĂ©gir les relations collectives de travail durant tout le cycle Ă©lectoral, en adĂ©quation avec lâorganisation de lâentreprise contemporaine du jugement.
e. Syndicat professionnel
Syndicat professionnel â Statuts â Objet â Objet des syndicats professionnels dits primaires â Ătendue â Exclusion â Cas â ReprĂ©sentation intercatĂ©gorielleSoc., 21 octobre 2020, pourvoi no 20-18.669, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme PĂ©caut-Rivolier et avis de Mme BerriatLe code du travail distingue les syndicats dits primaires, qui, aux termes de lâar-ticle L. 2131-2 du code du travail, regroupent des personnes exerçant la mĂȘme pro-fession, des mĂ©tiers similaires ou des mĂ©tiers connexes concourant Ă lâĂ©tablissement de produits dĂ©terminĂ©s ou la mĂȘme profession libĂ©rale, et les unions de syndicats, au sein desquelles, selon lâarticle L. 2133-1 du code du travail, les syndicats profession-nels rĂ©guliĂšrement constituĂ©s peuvent se concerter pour la dĂ©fense de leurs intĂ©rĂȘts matĂ©riels et moraux.Il rĂ©sulte de cette distinction que si les unions de syndicats peuvent ĂȘtre intercatĂ©go-rielles, les syndicats professionnels primaires doivent respecter dans leurs statuts les prescriptions de lâarticle L. 2131-2 et ne peuvent dĂšs lors prĂ©tendre reprĂ©senter tous les salariĂ©s et tous les secteurs dâactivitĂ©.
Une organisation syndicale « primaire » peut-elle couvrir, par ses statuts, un champ dâaction interprofessionnel ? Telle Ă©tait la question soumise Ă la chambre sociale de la Cour de cassation dans un contentieux nĂ© Ă lâoccasion du scrutin visant Ă mesurer lâau-dience des organisations syndicales concernant les entreprises de moins de onze salariĂ©s.
Dans le cadre de ce scrutin, organisĂ© tous les quatre ans en application de la loi no 2010-1215 du 15 octobre 2010 complĂ©tant les dispositions relatives Ă la dĂ©mocra-tie sociale issues de la loi no 2008-789 du 20 aoĂ»t 2008 pour permettre de mesurer la reprĂ©sentativitĂ© des organisations syndicales dans les TPE, en complĂ©ment de la mesure dâaudience adossĂ©e aux Ă©lections professionnelles dans les entreprises dâau moins onze
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
salariĂ©s, les organisations syndicales peuvent ĂȘtre candidates, soit au niveau dâune rĂ©gion, soit au niveau national. Le vote se fait sur sigle.
Au niveau national, les candidatures sont formĂ©es auprĂšs de la direction gĂ©nĂ©rale du travail. Selon lâarticle R. 2122-35 du code du travail : « Les syndicats affiliĂ©s Ă une mĂȘme organisation syndicale au niveau interprofessionnel se dĂ©clarent candidats sous le seul nom de cette organisation. Les organisations syndicales autres que celles aux-quelles leurs statuts donnent vocation Ă ĂȘtre prĂ©sentes au niveau interprofessionnel indiquent la ou les branches dans lesquelles elles se portent candidates compte tenu des salariĂ©s quâelles ont statutairement vocation Ă reprĂ©senter. »
En pratique, la direction gĂ©nĂ©rale du travail dresse deux listes des candidatures nationales, lâune pour les syndicats professionnels, lâautre pour les organisations syn-dicales interprofessionnelles.
Lors du scrutin 2020, une organisation syndicale professionnelle avait, peu de temps avant de dĂ©poser sa candidature, modifiĂ© ses statuts et ajoutĂ© Ă lâĂ©noncĂ© des salariĂ©s couverts par son champ professionnel « et de tous les salariĂ©s sans exclusive (cadres compris) ».
Au regard de cette mention, le syndicat avait été inscrit par la direction générale du travail sur la liste des organisations syndicales interprofessionnelles pour le scrutin TPE.
Cette inscription a Ă©tĂ© contestĂ©e par plusieurs confĂ©dĂ©rations nationales interpro-fessionnelles qui ont fait valoir devant le juge judiciaire quâune organisation syndicale devait nĂ©cessairement avoir un champ professionnel, la possibilitĂ© dâavoir un champ gĂ©nĂ©ral interprofessionnel Ă©tant rĂ©servĂ©e aux unions et confĂ©dĂ©rations. Ă lâinverse, lâor-ganisation syndicale dont la candidature Ă©tait contestĂ©e mettait en avant la libertĂ© pour les syndicats de choisir leur champ de compĂ©tence statutaire.
De fait, la jurisprudence affirme rĂ©guliĂšrement que les syndicats choisissent libre-ment leur champ dâaction gĂ©ographique et professionnel, quâils indiquent dans leurs statuts. DĂšs lors, lorsquâelle examine les statuts, la Cour de cassation en fait une lecture trĂšs souple (voir Soc., 18 novembre 2009, pourvoi no 09-65.639, Bull. 2009, V, no 263), et admet facilement quâun syndicat regroupe des professions relativement diverses (en ce sens par exemple, Soc., 8 fĂ©vrier 2012, pourvoi no 11-15.342, Bull. 2012, V, no 68).
Cependant, ce principe de libertĂ© statutaire a pour limite un autre principe, insti-tuĂ© par lâarticle L. 2131-2 du code du travail, celui de spĂ©cialitĂ© statutaire : les syndi-cats reprĂ©sentent des « personnes exerçant la mĂȘme profession, des mĂ©tiers similaires ou des mĂ©tiers connexes concourant Ă lâĂ©tablissement de produits dĂ©terminĂ©s ou la mĂȘme profession libĂ©rale ».
Certes, ce texte qui date de 1884 peut paraĂźtre dĂ©suet dans son expression. Mais il garde toute son importance dans une organisation de la nĂ©gociation collective en France qui repose sur une division en champs professionnels et en branches, ce qui permet aux organisations syndicales une reprĂ©sentation dâintĂ©rĂȘts spĂ©cifiques.
En parallĂšle, la loi prĂ©voit la possibilitĂ© pour les syndicats professionnels de se regrouper et de former des unions syndicales qui, selon lâexpression de J.-M. Verdier, « ont justement pour rĂŽle de traduire les solidaritĂ©s plus vastes qui lient les travail-leurs ou les employeurs, dont le rĂ©gime est trĂšs voisin des syndicats » (J.-M. Verdier,
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Syndicats, TraitĂ© de droit du travail, tome 5, 1966, Dalloz, p. 171). Ces unions peuvent ĂȘtre interprofessionnelles.
Il en rĂ©sulte quâun syndicat primaire ne peut prĂ©tendre reprĂ©senter tous les sala-riĂ©s ou toutes les activitĂ©s. Câest dâailleurs ce que la chambre sociale de la Cour de cas-sation avait dĂ©jĂ affirmĂ© dans un arrĂȘt publiĂ© en 1996 (Soc., 8 octobre 1996, pourvoi no 95-40.521, Bull. 1996, V, no 316). Câest ce quâelle rĂ©affirme dans la prĂ©sente dĂ©cision.
La qualitĂ© de syndicat ne peut donc ĂȘtre reconnue Ă une organisation profession-nelle qui, sans ĂȘtre une union de syndicats, prĂ©tendrait reprĂ©senter lâensemble des sala-riĂ©s et des activitĂ©s professionnelles.
7. Rupture du contrat de travail
a. Rupture conventionnelle
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
b. Contrat de travail à durée déterminée
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
c. Indemnités de rupture
Statuts professionnels particuliers â Journaliste professionnel â Contrat de travail â RĂ©siliation â IndemnitĂ© â Attribution â Commission arbitrale des journalistes â CompĂ©tence â Ătendue â DĂ©terminationSoc., 30 septembre 2020, pourvoi nÂș 19-12.885, publiĂ© au Bulletin, rap-port de Mme Monge et avis de M. DesplanIl nây a pas lieu de distinguer lĂ oĂč la loi ne distingue pas. Les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes pro-fessionnels au service dâune entreprise de presse quelle quâelle soit.DĂšs lors la cour dâappel, saisie dâun recours en annulation formĂ© contre la dĂ©cision de la commission arbitrale des journalistes ayant fixĂ© lâindemnitĂ© de licenciement dâun jour-naliste professionnel, Ă©carte Ă bon droit le moyen tirĂ© de lâincompĂ©tence de cette com-mission fondĂ© sur le fait que lâemployeur Ă©tait une agence de presse.
La question soumise ici Ă la Cour de cassation Ă©tait celle de savoir si un journaliste professionnel qui exerçait sa profession dans une agence de presse pouvait prĂ©tendre Ă une indemnitĂ© de licenciement fixĂ©e par la commission arbitrale des journalistes sâil remplissait les conditions fixĂ©es Ă lâarticle L. 7112-4 du code du travail, dans sa rĂ©dac-tion modifiĂ©e par la loi no 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant lâordonnance no 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie lĂ©gislative), ou si le fait que son employeur ne fĂ»t pas une entreprise de journaux et pĂ©riodiques y faisait obstacle.
Le texte mĂȘme de lâarticle L. 7112-4 du code du travail, muet sur la personne de lâemployeur, ne fournissait pas Ă lui seul la rĂ©ponse.
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Il pouvait, Ă lâinstar de lâarticle L. 7112-3 du mĂȘme code qui reconnaissait au jour-naliste salariĂ© le droit Ă une indemnitĂ© de licenciement calculĂ©e selon des modalitĂ©s dĂ©rogatoires au droit commun si lâemployeur Ă©tait Ă lâinitiative de la rupture, se lire dans le prolongement de lâarticle L. 7112-2 du code du travail relatif au dĂ©lai de prĂ©-avis, qui prĂ©cisait, quant Ă lui, son champ dâapplication en faisant clairement rĂ©fĂ©rence aux employeurs entreprises de journaux et pĂ©riodiques.
Il pouvait aussi, avec lâarticle L. 7112-3, sâen sĂ©parer, dĂšs lors que le lĂ©gislateur nây avait apportĂ© aucune restriction expresse quant Ă la personne de lâemployeur.
Ănonçant quâil nây avait pas lieu de distinguer lĂ oĂč la loi ne distinguait pas, la Cour a jugĂ© que les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail Ă©taient applicables Ă tous les journalistes professionnels au service dâune entreprise de presse, quelle quâelle soit.
Ce faisant, elle a renouĂ© avec la solution dĂ©gagĂ©e par un arrĂȘt du 5 octobre 1999 (Soc., 5 octobre 1999, pourvoi no 97-41.997) et est revenue sur celle adoptĂ©e par un arrĂȘt du 13 avril 2016 (Soc., 13 avril 2016, pourvoi no 11-28.713, Bull. 2016, V, no 74).
Le premier, non publiĂ©, avait reconnu au salariĂ© dâune agence de presse le droit Ă lâindemnitĂ© spĂ©ciale de licenciement crĂ©Ă©e par lâarticle L. 761-5 du code du travail, issu de la loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes, dite « loi Brachard », et recodifiĂ© sous les articles susvisĂ©s L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du tra-vail, en sa qualitĂ© de journaliste professionnel.
Ă lâinverse, le second avait exclu le journaliste professionnel travaillant pour le compte dâune agence de presse du bĂ©nĂ©fice de lâindemnitĂ© de congĂ©diement instituĂ©e par lâarticle L. 7112-3.
PostĂ©rieurement Ă ce dernier arrĂȘt, plusieurs dĂ©cisions de la Cour Ă©taient dĂ©jĂ lâin-dice de ce que cette derniĂšre position pouvait nâĂȘtre pas dĂ©finitive.
Celle, dâabord, rendue le 14 fĂ©vrier 2018 (Soc., 14 fĂ©vrier 2018, pourvoi no 16-25.649, Bull. 2018, V, no 27) qui, dans une instance opposant un journaliste professionnel licen-ciĂ© pour inaptitude professionnelle Ă son employeur, la sociĂ©tĂ© France TĂ©lĂ©visions, a retenu que la commission arbitrale Ă©tait seule compĂ©tente pour statuer sur lâoctroi et le montant dâune indemnitĂ© de licenciement quelle quâen soit la cause aux journalistes professionnels de plus de quinze ans dâanciennetĂ©, Ă©tant rappelĂ© que la sociĂ©tĂ© France TĂ©lĂ©visions nâest pas une entreprise de journaux et pĂ©riodiques.
Celle, ensuite, du 9 mai 2018 (Soc., 9 mai 2018, pourvoi no 18-40.007, Bull. 2018, V, no 81), par laquelle la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de ne pas ren-voyer la question prioritaire suivante :
« LâinterprĂ©tation jurisprudentielle constante des articles L. 7112-2, L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail issue de lâarrĂȘt de la chambre sociale de la Cour de cas-sation no 11-28.713 du 13 avril 2016 (FS-P+B) rĂ©servant le bĂ©nĂ©fice de lâindemnitĂ© de licenciement [de congĂ©diement] aux journalistes salariĂ©s des entreprises de journaux et pĂ©riodiques Ă lâexclusion des journalistes des agences de presse et de lâaudiovisuel est-elle conforme aux droits et libertĂ©s constitutionnellement garantis, dont en premier lieu le principe dâĂ©galitĂ© ? » en retenant :
« quâil nâexiste pas, en lâĂ©tat, dâinterprĂ©tation jurisprudentielle constante des dis-positions lĂ©gislatives contestĂ©es refusant au journaliste salariĂ© dâune agence de presse
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le bĂ©nĂ©fice de lâindemnitĂ© de licenciement prĂ©vue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail ».
En jugeant, par lâarrĂȘt commentĂ©, que tous les journalistes professionnels, sala-riĂ©s dâune entreprise de presse, quelle quâelle soit, pouvaient prĂ©tendre Ă lâapplica-tion Ă leur profit des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, la Cour de cassation rejoint lâopinion dĂ©jĂ exprimĂ©e par le Conseil constitutionnel dans sa dĂ©ci-sion du 14 mai 2012 (Cons. const., 14 mai 2012, dĂ©cision nos 2012-243/244/245/246 QPC, SociĂ©tĂ© Yonne RĂ©publicaine et autre [Saisine obligatoire de la commission arbi-trale des journalistes et rĂ©gime dâindemnisation de la rupture du contrat de travail]), qui, pour conclure Ă la constitutionnalitĂ© de ces deux articles, avait soulignĂ© la spĂ©ci-ficitĂ© des conditions dâexercice de la profession de journaliste qui rendait la situation de ceux-ci diffĂ©rente de celle des autres salariĂ©s, considĂ©rant dans son analyse le corps des journalistes dans son ensemble sans opĂ©rer de distinction particuliĂšre entre ceux dont lâemployeur Ă©tait une entreprise de journaux et de pĂ©riodiques et ceux dont lâem-ployeur Ă©tait une agence de presse.
d. Licenciement
Contrat de travail, rupture â Licenciement Ă©conomique â Cause â Cause rĂ©elle et sĂ©rieuse â Motif Ă©conomique â DĂ©faut â Cas â DifficultĂ©s Ă©cono-miques rĂ©sultant dâagissements fautifs de lâemployeur â CaractĂ©risation â Applications diverses â Erreur de lâemployeur dans lâapprĂ©ciation du risque inhĂ©rent Ă tout choix de gestion â Exclusion â PortĂ©eSoc., 4 novembre 2020, pourvois nÂș 18-23.029 Ă no 18-23.033, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Prache et avis de Mme BerriatSi la faute de lâemployeur Ă lâorigine de la menace pesant sur la compĂ©titivitĂ© de lâen-treprise rendant nĂ©cessaire sa rĂ©organisation est de nature Ă priver de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse les licenciements consĂ©cutifs Ă cette rĂ©organisation, lâerreur Ă©ventuellement commise dans lâapprĂ©ciation du risque inhĂ©rent Ă tout choix de gestion ne caractĂ©rise pas Ă elle seule une telle faute.
Pour apprĂ©cier le bien-fondĂ© du motif Ă©conomique du licenciement consĂ©cutif Ă une rĂ©organisation de lâentreprise, il revient au juge de vĂ©rifier la rĂ©alitĂ© dâune menace sur la compĂ©titivitĂ© de lâentreprise ou du secteur dâactivitĂ© du groupe dont elle relĂšve (Soc., 31 mai 2006, pourvoi no 04-47.376, Bull. 2006, V, no 200 ; Soc., 15 janvier 2014, pourvoi no 12-23.869).
Il nâappartient toutefois pas au juge de se prononcer sur la cause du motif Ă©cono-mique (Soc., 1er mars 2000, pourvoi no 98-40.340, Bull. 2000, V, no 81) et en particulier de porter une apprĂ©ciation sur les choix de gestion de lâemployeur et leurs consĂ©-quences sur lâentreprise (Ass. plĂ©n., 8 dĂ©cembre 2000, pourvoi no 97-44.219, Bull. 2000, Ass. plĂ©n., no 11 ; Soc., 27 juin 2001, pourvoi no 99-45.817 ; Soc., 8 juillet 2009, pourvoi no 08-40.046, Bull. 2009, V, no 173 ; Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 16-18.307).
Toutefois, la chambre sociale de la Cour de cassation juge traditionnellement que lâemployeur ne peut se prĂ©valoir dâune situation Ă©conomique qui rĂ©sulte dâune « atti-tude intentionnelle et frauduleuse » de sa part ou dâ« une situation artificiellement crĂ©Ă©e rĂ©sultant dâune attitude frauduleuse » (Soc., 9 octobre 1991, pourvoi no 89-41.705,
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Bull. 1991, V, no 402 ; Soc., 13 janvier 1993, pourvoi no 91-45.894, Bull. 1993, V, no 9 ; Soc., 12 janvier 1994, pourvoi no 92-43.191).
Ainsi la chambre sociale jugeait-elle que le licenciement est dĂ©pourvu de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse lorsque les difficultĂ©s Ă©conomiques, mĂȘme Ă©tablies, sont imputables Ă la lĂ©gĂšretĂ© blĂąmable de lâemployeur (Soc., 22 septembre 2015, pourvoi no 14-15.520).
Elle a ensuite retenu, dans un arrĂȘt dit Keyria, que lorsque les difficultĂ©s Ă©cono-miques invoquĂ©es Ă lâappui du licenciement dâun salariĂ© rĂ©sultent dâagissements fau-tifs de lâemployeur, allant au-delĂ des seules erreurs de gestion, le licenciement est sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse (Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 17-12.560, Bull. 2018, V, no 85).
La chambre sociale de la Cour de cassation a depuis longtemps transposĂ© cette rĂšgle dans le domaine de la cessation dâactivitĂ©, lorsque la faute de lâemployeur en est Ă lâorigine (Soc., 16 janvier 2001, pourvoi no 98-44.647, Bull. 2001, V, no 10 ; Soc., 23 mars 2017, pourvoi no 15-21.183, Bull. 2017, V, no 56), lâĂ©tendant rĂ©cemment Ă lâhy-pothĂšse oĂč la cessation dâactivitĂ© rĂ©sulte de la liquidation judiciaire de lâentreprise (Soc., 8 juillet 2020, pourvoi no 18-26.140, publiĂ© au Bulletin).
La question posĂ©e en lâespĂšce Ă la chambre sociale Ă©tait de savoir si cette solution Ă©tait transposable Ă cet autre motif Ă©conomique que constitue la rĂ©organisation nĂ©ces-saire Ă la sauvegarde de la compĂ©titivitĂ© de lâentreprise. En effet, la frontiĂšre avec les choix de gestion de lâemployeur, sur lesquels le juge nâa pas Ă porter une apprĂ©ciation, paraĂźt plus tĂ©nue en matiĂšre de rĂ©organisation que de difficultĂ©s Ă©conomiques, ce qui pouvait interroger sur la possibilitĂ© pour le juge de se prononcer sur lâexistence dâune faute de lâemployeur privant de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse un licenciement prononcĂ© Ă la suite dâune rĂ©organisation.
La rĂšgle semblait cependant avoir Ă©tĂ© implicitement admise, aux termes dâun arrĂȘt simplement diffusĂ© censurant une cour dâappel qui, pour juger sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse des licenciements fondĂ©s sur une menace sur la compĂ©titivitĂ©, avait retenu comme fau-tifs des faits constituant des choix de gestion (Soc., 21 mai 2014, pourvoi no 12-28.803).
Le pourvoi formĂ© par la sociĂ©tĂ© Pages jaunes contre les arrĂȘts de la cour dâappel de Caen est lâoccasion pour la Cour de cassation dâadmettre, pour la premiĂšre fois, quâune faute de lâemployeur Ă lâorigine de la menace pesant sur la compĂ©titivitĂ© de lâentreprise rendant nĂ©cessaire sa rĂ©organisation est susceptible de priver de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse les licenciements prononcĂ©s. Mais la chambre sociale rappelle que lâerreur Ă©ventuelle-ment commise dans lâapprĂ©ciation du risque inhĂ©rent Ă tout choix de gestion ne carac-tĂ©rise pas Ă elle seule une telle faute.
Les arrĂȘts attaquĂ©s sont par consĂ©quent censurĂ©s, la cour dâappel ayant seulement caractĂ©risĂ© la faute de lâemployeur par « des dĂ©cisions de mise Ă disposition de liquidi-tĂ©s empĂȘchant ou limitant les investissements nĂ©cessaires », en lâoccurrence les remon-tĂ©es de dividendes de la sociĂ©tĂ© Pages jaunes vers la holding qui permettaient dâassurer le remboursement dâun emprunt du groupe rĂ©sultant dâune opĂ©ration dâachat avec effet levier (LBO).
Par la dĂ©cision ici commentĂ©e, la chambre sociale de la Cour de cassation, quel que soit le motif Ă©conomique du licenciement et, a fortiori, lorsquâil rĂ©side dans une rĂ©or-ganisation de lâentreprise rendue nĂ©cessaire par la sauvegarde de la compĂ©titivitĂ©, reste vigilante Ă ce que, sous couvert dâun contrĂŽle de la faute, les juges du fond nâexercent
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit immobilier, environnement et urbanisme
pas un contrĂŽle sur les choix de gestion de lâemployeur (Soc., 14 dĂ©cembre 2005, pour-voi no 03-44.380, Bull. 2005, no 365).
8. Actions en justice
a. Compétence
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
b. SĂ©paration des pouvoirs
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
C. Droit immobilier, environnement et urbanisme
1. Bail (rÚgles générales)
Bail (rĂšgles gĂ©nĂ©rales) â DĂ©finition â Contrat de sĂ©jour dans les Ă©tablissements sociaux et mĂ©dico-sociaux â Exclusion â Effets â Incendie â ResponsabilitĂ© du preneur â Articles 1733 et suivants du code civil â Application (non)3e Civ., 3 dĂ©cembre 2020, pourvoi no 19-19.670, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Parneix et avis de Mme Morel-Coujard3e Civ., 3 dĂ©cembre 2020, pourvoi no 20-10.122, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Parneix et avis de M. SturlĂšseLe contrat de sĂ©jour au sens de lâarticle L. 311-4 du code de lâaction sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de choses.Il en rĂ©sulte que la prĂ©somption de responsabilitĂ© du locataire en cas dâincendie, prĂ©vue par lâarticle 1733 du code civil, nâest pas applicable.
Par ces arrĂȘts, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation affirme avec net-tetĂ© que le contrat de sĂ©jour prĂ©vu par lâarticle L. 311-4 du code de lâaction sociale et des familles est exclusif de la qualification de louage de choses et nâest pas rĂ©gi par les rĂšgles du code civil.
Un contrat de sĂ©jour avait Ă©tĂ© consenti respectivement au profit dâune retraitĂ©e, dans la premiĂšre affaire, et au profit dâune personne ĂągĂ©e dĂ©pendante, dans la seconde. Dans les deux cas, le contrat prĂ©voyait la mise Ă disposition dâun logement et de ser-vices annexes Ă caractĂšre social ou mĂ©dical. Un incendie sâĂ©tait dĂ©clarĂ© dans chacun de ces logements et le propriĂ©taire de lâimmeuble avait assignĂ© lâassureur des rĂ©sidentes en indemnisation du sinistre sur le fondement de lâarticle 1733 du code civil Ă©dictant une prĂ©somption de responsabilitĂ© Ă la charge du locataire.
La question se posait donc de savoir si lâattribution du logement pouvait sâanaly-ser en un contrat de bail.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Le contrat de sĂ©jour peut ĂȘtre dĂ©fini comme un contrat associant un hĂ©bergement et des services dâaccompagnement ou dâaide Ă la personne du rĂ©sident (repas, soins, loi-sirs, assistance mĂ©dicale) qui varient selon son degrĂ© dâautonomie et de prise en charge.
Les textes du code de lâaction sociale et des familles qui le rĂ©gissent, notamment son article L. 311-4, dĂ©crivent son contenu, les obligations respectives des parties et les services individuels ou collectifs accordĂ©s au rĂ©sident, mais nâen donnent pas de dĂ©fi-nition juridique et ne le rattachent Ă aucun contrat spĂ©cial prĂ©cis. On a pu parler de contrat hybride ou sui generis.
La jurisprudence Ă©tait peu abondante et ne permettait pas de rĂ©pondre Ă la question posĂ©e. Dans un arrĂȘt du 1er juillet 1998 (3e Civ., 1er juillet 1998, pourvoi no 96-17.515, Bull. 1998, III, no 45), la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait jugĂ© que « le contrat de sĂ©jour par lequel une maison de retraite sâoblige Ă hĂ©berger une per-sonne ĂągĂ©e et Ă fournir des prestations hĂŽteliĂšres, sociales et mĂ©dicales nâest pas soumis aux rĂšgles du code civil relatives au louage de choses et nâest rĂ©gi que par la convention des parties ». Et, dans deux arrĂȘts des 17 fĂ©vrier 1981 (3e Civ., 17 fĂ©vrier 1981, pourvoi no 79-14.712, Bull. 1981, III, no 32) et 1er juillet 2003 (3e Civ., 1er juillet 2003, pourvoi no 01-17.661), la mĂȘme chambre avait dĂ©cidĂ© que le tribunal dâinstance nâĂ©tait pas com-pĂ©tent pour connaĂźtre des actions relatives Ă un logement-foyer pour les travailleurs isolĂ©s en raison des prestations collectives accordĂ©es aux rĂ©sidents. Mais ces dĂ©cisions ne se prononçaient pas sur lâapplication de lâarticle 1733 du code civil.
Face au silence des textes et Ă lâinsuffisance de la jurisprudence, lâhĂ©sitation Ă©tait permise. En lâespĂšce, les juges du fond ont procĂ©dĂ© Ă la recherche de la commune intention des parties, Ă laquelle lâarrĂȘt de 1998 prĂ©citĂ© semblait les inviter, dĂšs lors que cette dĂ©cision avait retenu que le contrat de sĂ©jour Ă©tait rĂ©gi par la seule loi des par-ties. Dans la premiĂšre affaire, la cour dâappel a estimĂ© que lâobjet essentiel du contrat Ă©tait la mise Ă disposition dâun logement, les prestations accessoires nâĂ©tant que faculta-tives et la redevance, qualifiĂ©e de loyer, portant Ă©galement sur les charges de chauffage, dâeau et dâĂ©lectricitĂ©. Dans la seconde, dans laquelle les prestations Ă©taient beaucoup plus lourdes, sâagissant dâune personne dĂ©pendante, et les restrictions Ă la jouissance du logement plus fortes, la cour dâappel a procĂ©dĂ© Ă une « application distributive » des clauses du contrat. Elle a considĂ©rĂ© que le contrat de sĂ©jour Ă©tait pour partie un contrat de bail et pour partie un contrat de prestation de services. Elle a notamment retenu que lâexistence dâun rĂšglement intĂ©rieur nâĂ©tait pas incompatible avec la quali-fication de contrat de louage et que la rĂ©sidente avait signĂ© un Ă©tat des lieux dâentrĂ©e, versĂ© un dĂ©pĂŽt de garantie et souscrit une assurance multirisques habitation couvrant le risque incendie. Dans les deux affaires, les juges en ont dĂ©duit que lâarticle 1733 du code civil Ă©tait applicable.
Les deux arrĂȘts ici commentĂ©s auraient pu ĂȘtre approuvĂ©s sous lâangle du pouvoir souverain accordĂ© aux juges pour apprĂ©cier la commune intention des parties. Toutefois, le risque de solutions disparates et dâune insĂ©curitĂ© juridique Ă©tait rĂ©el, alors que les contrats de sĂ©jour sont appelĂ©s Ă se multiplier compte tenu des difficultĂ©s sociales et du vieillissement de la population.
Pour conjurer ce risque, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a prĂ©-fĂ©rĂ© adopter une solution claire sĂ©parant totalement le contrat de sĂ©jour du contrat de bail. Elle a donc renforcĂ© et gĂ©nĂ©ralisĂ© la doctrine de son arrĂȘt du 1er juillet 1998
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prĂ©citĂ©, en retenant que le contrat de sĂ©jour nâĂ©tait soumis Ă aucune des rĂšgles du code civil relatives au contrat de louage de choses.
2. PrivilĂšges
PrivilĂšges â Vendeur dâimmeuble â Inscription â DĂ©lai â Domaine dâapplication â Exclusion â Cas â Alsace-Moselle â PortĂ©e3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi no 18-16.888, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Guillaudier et avis de Mme VassalloLe dĂ©lai de deux mois prĂ©vu par lâarticle 2379, alinĂ©a 1, du code civil nâest pas applicable dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.DĂšs lors, doit ĂȘtre cassĂ© lâarrĂȘt qui, pour rejeter le pourvoi formĂ© contre la dĂ©cision de rejet de la requĂȘte en inscription du privilĂšge du vendeur par le juge du livre foncier, retient que le dĂ©lai de deux mois imposĂ© par lâarticle 2379 du code civil nâest pas une rĂšgle de publicitĂ© fonciĂšre Ă laquelle le droit local pourrait dĂ©roger, mais une disposition de fond qui fixe la condition dâefficacitĂ© du privilĂšge du vendeur et que cette disposition est appli-cable en Alsace-Moselle.
LâarrĂȘt commentĂ© a Ă©tĂ© lâoccasion pour la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation de rĂ©pondre Ă une question de principe :
Le dĂ©lai de deux mois prĂ©vu par lâarticle 2379, alinĂ©a 1, du code civil est-il appli-cable dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ?
Aux termes de ce texte, le vendeur privilĂ©giĂ©, ou le prĂȘteur qui a fourni les deniers pour lâacquisition dâun immeuble, conserve son privilĂšge par une inscription qui doit ĂȘtre prise, Ă sa diligence, en la forme prĂ©vue aux articles 2426 et 2428 du code civil, et dans le dĂ©lai de deux mois Ă compter de lâacte de vente. Le privilĂšge prend rang Ă la date dudit acte.
En lâespĂšce, un notaire avait, aprĂšs avoir dressĂ© un acte dâune vente en lâĂ©tat futur dâachĂšvement, dĂ©posĂ© une requĂȘte tendant Ă lâinscription du privilĂšge du vendeur, laquelle avait Ă©tĂ© rejetĂ©e par le juge du livre foncier de Strasbourg.
Pour rejeter le pourvoi formĂ© contre cette dĂ©cision, la cour dâappel de Colmar avait jugĂ© que le dĂ©lai de deux mois imposĂ© par lâarticle 2379 du code civil nâĂ©tait pas une rĂšgle de publicitĂ© fonciĂšre Ă laquelle le droit local pouvait dĂ©roger, mais une disposi-tion de fond qui fixait la condition dâefficacitĂ© du privilĂšge du vendeur et que cette dis-position Ă©tait applicable en Alsace-Moselle.
La Cour de cassation a retenu que lâarticle 2379 du code civil, qui conditionne lâefficacitĂ© du privilĂšge, Ă©tait effectivement une disposition de fond puisque, si le dĂ©lai nâĂ©tait pas respectĂ©, le privilĂšge dĂ©gĂ©nĂ©rait en hypothĂšque et ne prenait rang, Ă lâĂ©gard des tiers, que de la date de lâinscription.
Mais elle a rappelĂ© que, dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, il rĂ©sultait des articles 36 et 36-1 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la lĂ©gislation civile française dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, que les droits sur les immeubles, les privilĂšges et les hypothĂšques Ă©taient ceux prĂ©vus par la lĂ©gislation civile française et les rĂšgles concernant lâorganisation, la
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constitution, la transmission et lâextinction des droits rĂ©els immobiliers et autres droits et actes soumis Ă publicitĂ© Ă©taient celles de la lĂ©gislation civile française, sous rĂ©serve de plusieurs dispositions.
Ainsi, selon les articles 38, 45 et 52, les privilĂšges sont inscrits au livre foncier, aux fins dâopposabilitĂ© aux tiers, la date et le rang de lâinscription sont dĂ©terminĂ©s par la mention du dĂ©pĂŽt de la requĂȘte, portĂ©e au registre des dĂ©pĂŽts, et lâinscription des pri-vilĂšges et des hypothĂšques est sans effet rĂ©troactif.
Et lâarticle 52 du dĂ©cret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant rĂ©forme de la publicitĂ© fonciĂšre a expressĂ©ment prĂ©vu quâil nâĂ©tait pas dĂ©rogĂ© Ă ces dispositions.
La Cour de cassation en a dĂ©duit que ces dispositions spĂ©cifiques du droit local ins-tituant un rĂ©gime spĂ©cial avec des rĂšgles de fond diffĂ©rentes de celles du droit gĂ©nĂ©-ral continuaient Ă sâappliquer dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et que le dĂ©lai de deux mois prĂ©vu par lâarticle 2379, alinĂ©a 1, du code civil nâĂ©tait pas applicable dans ces dĂ©partements.
3. Prescription
Assurance dommages â Assurance dommages-ouvrage â DĂ©sordres de nature dĂ©cennale â Prise en charge par le garant â Recours contre lâassureur dom-mages-ouvrage â Prescription â Prescription biennale â DĂ©lai â Point de dĂ©part â DĂ©termination3e Civ., 13 fĂ©vrier 2020, pourvoi no 19-12.281, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Nivose et avis de M. BurgaudLe point de dĂ©part du dĂ©lai de prescription biennale de lâaction du garant de livraison, subrogĂ© dans les droits du maĂźtre de lâouvrage, contre lâassureur dommages-ouvrage, dans le cas de dĂ©sordres survenus avant rĂ©ception et de liquidation judiciaire de lâentre-prise, est la date de lâĂ©vĂ©nement donnant naissance Ă lâaction, câest-Ă -dire celle de lâou-verture de la procĂ©dure collective, emportant rĂ©siliation du contrat de louage dâouvrage.
LâarrĂȘt commentĂ© tranche une question inĂ©dite : quel est le point de dĂ©part du dĂ©lai de prescription biennale de lâaction du garant de livraison, subrogĂ© dans les droits du maĂźtre de lâouvrage, contre lâassureur dommages-ouvrage quand la garantie de celui-ci est recherchĂ©e avant rĂ©ception et que le constructeur a Ă©tĂ© mis en liquidation judiciaire ?
Deux solutions sâoffraient Ă la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation :
â fixer le point de dĂ©part du dĂ©lai biennal Ă la date Ă laquelle les maĂźtres de lâouvrage avaient eu connaissance des dĂ©sordres ;
â fixer ce point de dĂ©part Ă la date de lâouverture de la liquidation judiciaire de lâen-treprise, emportant rĂ©siliation du contrat de louage dâouvrage.
Pour accueillir le pourvoi du garant et retenir la seconde solution, la troisiĂšme chambre civile cite tout dâabord les deux textes applicables.
Dâune part, lâarticle L. 114-1, alinĂ©a 1, du code des assurances, qui dispose que toutes actions dĂ©rivant dâun contrat dâassurance sont prescrites par deux ans Ă comp-ter de lâĂ©vĂ©nement qui y donne naissance.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit immobilier, environnement et urbanisme
Dâautre part, lâarticle L. 242-1 du mĂȘme code, qui prĂ©voit que lâassurance de dom-mages-ouvrage prend effet, avant la rĂ©ception, aprĂšs mise en demeure restĂ©e infruc-tueuse, le contrat de louage dâouvrage conclu avec lâentrepreneur Ă©tant rĂ©siliĂ© pour inexĂ©cution, par celui-ci, de ses obligations.
Pour les dĂ©sordres survenus aprĂšs rĂ©ception, la jurisprudence dĂ©cide que lâassurĂ© dispose dâun dĂ©lai de deux ans Ă compter de la connaissance quâil a des dĂ©sordres sur-venus dans les dix ans qui ont suivi la rĂ©ception pour rĂ©clamer lâexĂ©cution de la garan-tie souscrite (1re Civ., 4 mai 1999, pourvoi no 97-13.198, Bull. 1999, I, no 141 ; 3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi no 15-16.688).
LâarrĂȘt commentĂ© souligne que cette doctrine nâest pas applicable avant rĂ©ception. En effet, dans cette hypothĂšse, lâĂ©vĂ©nement Ă lâorigine de la mise en Ćuvre de la garan-tie nâest pas la survenance des dĂ©sordres de nature dĂ©cennale, qui est une condition de la garantie, mais la dĂ©faillance de lâentrepreneur qui manque Ă ses obligations en ne procĂ©dant pas Ă la reprise des dĂ©sordres, ce qui justifie la rĂ©siliation du marchĂ©. Cette dĂ©faillance constitue lâĂ©vĂ©nement qui donne naissance Ă lâaction contre lâassureur dom-mages-ouvrage au sens de lâarticle L. 114-1 du code des assurances.
Un autre paramĂštre devait ĂȘtre pris en considĂ©ration dans lâaffaire ayant donnĂ© lieu Ă lâarrĂȘt commentĂ© : le constructeur avait Ă©tĂ© mis en liquidation judiciaire.
La troisiĂšme chambre civile rappelle que la Cour de cassation juge quâil peut ĂȘtre dĂ©rogĂ© Ă lâobligation prĂ©vue par lâarticle L. 242-1 du code des assurances de mettre en demeure lâentrepreneur dĂ©faillant, avant rĂ©ception, lorsque celle-ci sâavĂšre impos-sible ou inutile en cas de cessation de lâactivitĂ© de lâentreprise (1re Civ., 23 juin 1998, pourvoi no 95-19.340, Bull. 1998, I, no 222) ou de liquidation judiciaire emportant rĂ©si-liation de contrat de louage dâouvrage (1re Civ., 3 mars 1998, pourvoi no 95-10.293, Bull. 1998, I, no 83).
Elle en dĂ©duit quâavant rĂ©ception, la date dâouverture de la liquidation judiciaire de lâentrepreneur emportant rĂ©siliation du contrat de louage dâouvrage, constitue lâĂ©vĂ©-nement donnant naissance Ă lâaction du garant de livraison subrogĂ© dans les droits du maĂźtre de lâouvrage contre lâassureur dommages-ouvrage et, partant, le point de dĂ©part du dĂ©lai de la prescription biennale prĂ©vu par lâarticle L. 114-1 du code des assurances.
4. Responsabilité
Contrat dâentreprise â Sous-traitant â ResponsabilitĂ© â ResponsabilitĂ© Ă lâĂ©gard des tiers â Mise en Ćuvre â ModalitĂ©s3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi nÂș 18-21.895, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Georget et avis de M. BrunLâaction de lâarticle 2270-2, devenu 1792-4-2, du code civil, rĂ©servĂ©e au maĂźtre de lâouvrage, nâest pas ouverte aux tiers Ă lâopĂ©ration de construire.
Architecte entrepreneur â ResponsabilitĂ© â ResponsabilitĂ© Ă lâĂ©gard du maĂźtre de lâouvrage â PrĂ©judice â RĂ©paration â Action rĂ©cursoire â Recours de
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lâarchitecte contre un sous-traitant â Action en responsabilitĂ© extra-contrac-tuelle â Prescription â DĂ©lai â Point de dĂ©part â DĂ©termination3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Georget et avis de M. BrunLe recours dâun constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relĂšve des dispositions de lâarticle 2224 du code civil. Il se prescrit donc par cinq ans Ă compter du jour oĂč le premier a connu ou aurait dĂ» connaĂźtre les faits lui permettant de lâexercer.Tel est le cas dâune assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de lâouvrage Ă lâentrepreneur principal, laquelle met en cause la responsabilitĂ© de ce dernier.
PrĂšs de douze ans aprĂšs lâentrĂ©e en vigueur de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, portant rĂ©forme de la prescription en matiĂšre civile, deux pourvois ont offert Ă la troi-siĂšme chambre civile de la Cour de cassation lâoccasion de prĂ©ciser le rĂ©gime du dĂ©lai dâaction en responsabilitĂ© contre les constructeurs et leurs sous-traitants par les personnes autres que le maĂźtre de lâouvrage lorsquâune rĂ©ception de lâouvrage a Ă©tĂ© prononcĂ©e.
La troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation dĂ©cide que les articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil sont rĂ©servĂ©s aux actions dirigĂ©es par les maĂźtres de lâouvrage (A). Elle prĂ©cise que le point de dĂ©part du recours entre constructeurs et sous-trai-tants est lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de lâouvrage Ă celui qui entend exercer un recours (B).
A. â Les dispositions des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil sont rĂ©ser-vĂ©es aux actions dirigĂ©es par les maĂźtres de lâouvrage et les acquĂ©reurs de lâouvrage
Les juges du fond, Ă lâinstar de la doctrine, Ă©taient trĂšs divisĂ©s en la matiĂšre.
Dans un souci de sĂ©curitĂ© juridique, il Ă©tait donc impĂ©ratif que la Cour de cassa-tion exerçùt son rĂŽle dâharmonisation de la jurisprudence en clarifiant le champ dâap-plication des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil.
Lâarticle 1792-4-2 du code civil dispose que les actions en responsabilitĂ© dirigĂ©es contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des Ă©lĂ©ments dâĂ©quipement dâun ouvrage mentionnĂ©s aux articles 1792 et 1792-2 du mĂȘme code se prescrivent par dix ans Ă compter de la rĂ©ception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des Ă©lĂ©ments dâĂ©quipement de lâouvrage mentionnĂ©s Ă lâarticle 1792-3, par deux ans Ă compter de cette mĂȘme rĂ©ception.
Lâarticle 1792-4-3 du code civil prĂ©voit que, en dehors des actions rĂ©gies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilitĂ© dirigĂ©es contre les constructeurs dĂ©signĂ©s aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans Ă compter de la rĂ©ception des travaux.
Ces deux textes passent sous silence la qualité des auteurs des actions en responsabilité.
Deux interprétations étaient en concurrence :
â le dĂ©lai spĂ©cifique de dix ans avec un point de dĂ©part fixe, Ă savoir la rĂ©ception, sâapplique quelle que soit la qualitĂ© de lâauteur de lâaction (maĂźtre de lâouvrage, constructeur, tiersâŠ) ;
â lâapplication des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil est rĂ©servĂ©e aux seules actions engagĂ©es par les maĂźtres ou les acquĂ©reurs de lâouvrage, les autres recours Ă©tant soumis au dĂ©lai quinquennal de droit commun de lâarticle 2224 du code civil.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit immobilier, environnement et urbanisme
Les partisans de la premiĂšre solution se fondaient essentiellement sur lâuniformisation des dĂ©lais pour agir et la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil.
La troisiÚme chambre civile de la Cour de cassation, qui a opté pour la seconde solution, a précisé, par une motivation enrichie, les motifs juridiques et les impératifs pratiques ayant fondé son choix.
LâarrĂȘt du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publiĂ© au Bulletin) Ă©nonce que le recours en garantie dâun constructeur contre un autre construc-teur, en lâoccurrence un architecte contre un entrepreneur, relĂšve des dispositions de lâarticle 2224 du code civil.
Dâabord, la troisiĂšme chambre civile sâappuie sur un fondement lĂ©gal. Lâarticle 1792-4-3 du code civil, qui figure dans une section du code civil relative aux devis et marchĂ©s et insĂ©rĂ©e dans un chapitre consacrĂ© aux contrats de louage dâouvrage et dâindustrie, nâa vocation Ă sâappliquer quâaux actions en responsabilitĂ© dirigĂ©es par le maĂźtre de lâou-vrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.
Ensuite, elle se rĂ©fĂšre Ă lâobjet de lâaction. Alors que le maĂźtre de lâouvrage recherche la rĂ©paration dâun dommage Ă lâouvrage, le recours dâun constructeur contre un autre constructeur a pour objet de dĂ©terminer la charge dĂ©finitive de la dette que devra sup-porter chaque responsable. LâarrĂȘt rappelle que la Cour de cassation juge quâune telle action, qui ne peut ĂȘtre fondĂ©e sur la garantie dĂ©cennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liĂ©s et de nature quasi dĂ©lictuelle sâils ne le sont pas (3e Civ., 8 fĂ©vrier 2012, pourvoi no 11-11.417, Bull. 2012, III, no 23).
Enfin, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation, dans un souci de rĂ©alisme procĂ©dural, invoque le droit Ă lâaccĂšs au juge. Lorsque le maĂźtre de lâouvrage engage son action contre les constructeurs et leurs sous-traitants en toute fin du dĂ©lai dâĂ©preuve, ceux-ci risquent dâĂȘtre privĂ©s dâun recours contre les autres intervenants Ă lâacte de construire si le point de dĂ©part et la durĂ©e du dĂ©lai sont identiques pour toutes les parties.
Le second arrĂȘt du mĂȘme jour (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-21.895, publiĂ© au Bulletin) consacre la mĂȘme solution. Cette affaire concernait une situation moins frĂ©quente que celle relative au pourvoi no 18-25.915 prĂ©citĂ© puisque lâaction Ă©tait dirigĂ©e par le locataire de lâouvrage et par une sociĂ©tĂ© exerçant son activitĂ© dans lâimmeuble contre un sous-traitant. La troisiĂšme chambre civile dĂ©cide que lâaction de lâarticle 1792-4-2 du code civil, rĂ©servĂ©e au maĂźtre de lâouvrage, nâest pas ouverte aux tiers Ă lâopĂ©ration de construire. En effet, lâĂ©viction des recours entre constructeurs et sous-traitants du pĂ©rimĂštre des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil sâĂ©tend logi-quement aux actions formĂ©es par des tiers qui sont totalement Ă©trangers au contrat de louage dâouvrage et Ă la rĂ©ception de lâouvrage.
Un troisiĂšme arrĂȘt du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 16-24.352), qui nâest pas publiĂ© au Rapport annuel de la Cour de cassation, dĂ©cide fort logiquement que lâaction de lâarticle 1792-4-3 du code civil, rĂ©servĂ©e au maĂźtre de lâouvrage, nâest pas ouverte aux tiers Ă lâopĂ©ration de construction agissant sur le fondement dâun trouble anormal du voisinage.
B. â Le point de dĂ©part du recours entre constructeurs et sous-traitants est lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de lâouvrage (ou lâacquĂ©-reur de lâouvrage)
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Appliquer le rĂ©gime de droit commun de la prescription extinctive impliquait de dĂ©terminer le point de dĂ©part du dĂ©lai dâaction.
En effet, lâarticle 2224 du code civil, de portĂ©e gĂ©nĂ©rale, prĂ©voit un point de dĂ©part « glissant », puisquâil dispose que « les actions personnelles ou mobiliĂšres se prescrivent par cinq ans Ă compter du jour oĂč le titulaire dâun droit a connu ou aurait dĂ» connaĂźtre les faits lui permettant de lâexercer ».
Ă quelle date le constructeur connaĂźt-il ou doit-il connaĂźtre les faits lui permettant dâexercer son recours en garantie ?
LĂ encore, plusieurs solutions Ă©taient envisageables.
Le point de dĂ©part du dĂ©lai quinquennal du recours du constructeur ou du sous-traitant pouvait ĂȘtre fixĂ© soit Ă compter de lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise qui lui avait Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e, soit Ă compter de lâassignation au fond.
En fixant le point de dĂ©part de la prescription au jour de lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise, la troisiĂšme chambre civile sâinscrit dans une construction jurisprudentielle ancienne.
Ainsi, sâagissant de lâapplication de lâarticle L. 114-1, alinĂ©a 3, du code des assu-rances, en ce quâil prĂ©voit que, « quand lâaction de lâassurĂ© contre lâassureur a pour cause le recours dâun tiers, le dĂ©lai de la prescription ne court que du jour oĂč ce tiers a exercĂ© une action en justice contre lâassurĂ© ou a Ă©tĂ© indemnisĂ© par ce dernier », il est acquis depuis 1996 quâune action en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise fait courir la prescription (1re Civ., 18 juin 1996, pourvoi no 94-14.985, Bull. 1996, I, no 254 ; 2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi no 08-18.092, Bull. 2009, II, no 202). La troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation applique depuis longtemps cette jurisprudence (3e Civ., 15 dĂ©cembre 2010, pourvoi no 09-17.119).
Il Ă©tait logique dâĂ©tendre cette doctrine aux recours entre coobligĂ©s.
Dâailleurs, ainsi que mentionnĂ© par lâarrĂȘt commentĂ© du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publiĂ© au Bulletin), la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait annoncĂ© sa jurisprudence par un arrĂȘt du 19 mai 2016 (3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi no 15-11.355) qui dĂ©cide que « lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de lâouvrage Ă lâentrepreneur principal met en cause la responsabilitĂ© de ce dernier et constitue le point de dĂ©part du dĂ©lai de son action rĂ©cur-soire Ă lâencontre des sous-traitants ».
Le Conseil dâĂtat (CE, 7e et 2e chambres rĂ©unies, 10 fĂ©vrier 2017, no 391722, men-tionnĂ© dans les tables du Recueil Lebon), au visa des dispositions de lâarticle 2270-1 du code civil, alors applicable, a adoptĂ© une autre solution en fixant le point de dĂ©part du recours entre constructeurs Ă la date de lâassignation au fond dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de lâouvrage et en retenant quâune demande en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise introduite par le maĂźtre de lâouvrage sur le fondement de lâarticle R. 532-1 du code de justice administrative ne pouvait ĂȘtre regardĂ©e comme constituant, Ă elle seule, une recherche de responsa-bilitĂ© des constructeurs par le maĂźtre de lâouvrage.
La troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation considĂšre, pour sa part, que, dĂšs lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise, qui vise les dĂ©sordres en cause, le constructeur a
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connaissance des faits qui lui permettront dâexercer son recours rĂ©cursoire, au sens de lâarticle 2224 du code civil.
Cette position sâinscrit, en outre, dans lâesprit de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 prĂ©citĂ©e qui tend Ă la rĂ©duction des dĂ©lais de prescription de droit commun.
Ă lâinstar de lâassurĂ© qui souhaite mettre en cause son assureur, la solution retenue par la troisiĂšme chambre civile oblige le constructeur, qui entend exercer un recours en garantie, Ă rĂ©agir en temps utile, dans un dĂ©lai non nĂ©gligeable de cinq ans, par un acte (une assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise, une assignation aux fins dâextension dâune mesure dâexpertise Ă dâautres parties, une assignation au fond voire des conclusions) interruptif ou suspensif de prescription dans les conditions notamment prĂ©vues par les articles 2239 et 2241 du code civil.
Ainsi cette solution tend-elle Ă resserrer le temps du procĂšs et Ă favoriser au maxi-mum le caractĂšre contradictoire des opĂ©rations dâexpertise dont on connaĂźt lâextrĂȘme importance dans le contentieux de la construction.
Architecte entrepreneur â ResponsabilitĂ© â ResponsabilitĂ© Ă lâĂ©gard du maĂźtre de lâouvrage â Garantie dĂ©cennale â Domaine dâapplication â ĂlĂ©ment dâĂ©qui-pement ou construction dâun ouvrage â CaractĂ©risation â Exclusion â Cas â Enduit de façade non destinĂ© Ă fonctionner3e Civ., 13 fĂ©vrier 2020, pourvoi nÂș 19-10.249, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Pronier et avis de M. BurgaudUn enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsquâil a une fonction dâĂ©tanchĂ©itĂ©, ne constitue pas un Ă©lĂ©ment dâĂ©quipement, mĂȘme sâil a une fonction dâimpermĂ©abilisation, dĂšs lors quâil nâest pas destinĂ© Ă fonctionner.
ProcĂ©dant Ă un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a retenu, par trois arrĂȘts successifs, publiĂ©s au Rapport annuel, que les dĂ©sordres affectant des Ă©lĂ©ments dâĂ©quipement, dissociables ou non, dâorigine ou installĂ©s sur existant, relĂšvent de la responsabilitĂ© dĂ©cennale lorsquâils rendent lâouvrage dans son ensemble impropre Ă sa destination (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi no 16-19.640, Bull. 2017, III, no 71 ; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi no 16-17.323, Bull. 2017, III, no 100 ; 3e Civ., 26 octobre 2017, pourvoi no 16-18.120, Bull. 2017, III, no 119).
Restait Ă dĂ©finir la notion dâĂ©lĂ©ment dâĂ©quipement.
Câest Ă cette question que le prĂ©sent arrĂȘt rĂ©pond, Ă propos dâun enduit de façade, par un double apport doctrinal :
En premier lieu, la Cour de cassation rappelle, en le confirmant, quâen application de lâarticle 1792 du code civil, un enduit de façade constitue un ouvrage lorsquâil a une fonction dâĂ©tanchĂ©itĂ© (3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi no 11-25.198, Bull. 2013, III, no 45).
En second lieu, la Cour de cassation Ă©nonce quâun enduit de façade ne constitue pas un Ă©lĂ©ment dâĂ©quipement, mĂȘme sâil a une fonction dâimpermĂ©abilisation, dĂšs lors quâil nâest pas destinĂ© Ă fonctionner.
Il sâensuit que des travaux, autres que la construction de lâouvrage et les Ă©lĂ©ments dâĂ©quipement qui en sont indissociables, ne constituent un Ă©lĂ©ment dâĂ©quipement disso-ciable, au sens de lâarticle 1792-3 du code civil, que sâils fonctionnent, ce qui nâest pas le
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
cas des moquettes et tissus (3e Civ., 30 novembre 2011, pourvoi no 09-70.345, Bull. 2011, III, no 202), de dallages (3e Civ., 13 fĂ©vrier 2013, pourvoi no 12-12.016, Bull. 2013, III, no 20) ou dâun carrelage (3e Civ., 11 septembre 2013, pourvoi no 12-19.483, Bull. 2013, III, no 103).
Cette solution sâexplique par la garantie de bon fonctionnement applicable aux Ă©lĂ©-ments dâĂ©quipement dissociables instituĂ©e par lâarticle 1792-3 du code civil.
La Cour de cassation en dĂ©duit que la solution, nĂ©e du revirement de jurisprudence, nâest pas applicable Ă un enduit de façade, dĂšs lors quâil nâest pas destinĂ© Ă fonctionner. Sur ce point, la Cour reprend la distinction dĂ©jĂ faite entre la fonction dâĂ©tanchĂ©itĂ© et la fonction dâimpermĂ©abilisation (3e Civ., 9 fĂ©vrier 2000, pourvoi no 98-13.931, Bull. 2000, III, no 27).
Cette solution sera Ă©tendue Ă tous les Ă©lĂ©ments dâĂ©quipement dissociables qui ne fonctionnent pas.
Enfin, il est permis de souligner que la nouvelle rĂ©daction des arrĂȘts en style direct permet dâen mieux prĂ©senter lâapport doctrinal.
Architecte entrepreneur â ResponsabilitĂ© â ResponsabilitĂ© Ă lâĂ©gard du vendeur â ResponsabilitĂ© contractuelle de droit commun â Action en responsabilitĂ© â DĂ©lai quinquennal â Interruption et suspension â Causes â Assignation en rĂ©fĂ©rĂ© â BĂ©nĂ©ficiaire â DĂ©termination â PortĂ©e3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi nÂș 19-13.459, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Bech et avis de Mme VassalloEn lâabsence de rĂ©ception de lâouvrage, le dĂ©lai de prescription de lâaction du maĂźtre de lâouvrage en responsabilitĂ© contractuelle de droit commun du constructeur est de cinq ans. Lâinstance en rĂ©fĂ©rĂ© nâayant pas Ă©tĂ© introduite par le maĂźtre de lâouvrage, lâinterruption puis la suspension de cette prescription ne lui profitent pas.
Le prĂ©sent arrĂȘt offre Ă la Cour de cassation lâoccasion dâenrichir sa jurisprudence sur les rĂšgles de prescription dans le domaine du droit de la construction, aprĂšs lâen-trĂ©e en vigueur de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant rĂ©forme de la prescrip-tion en matiĂšre civile.
Lâarticle 1792-4-3 du code civil, dans sa rĂ©daction issue de la loi prĂ©citĂ©e, dispose que, « en dehors des actions rĂ©gies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilitĂ© dirigĂ©es contre les constructeurs dĂ©signĂ©s aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans Ă compter de la rĂ©ception des travaux ».
Lâarticle 2224 du mĂȘme code, dans sa version actuelle, prĂ©voit que les actions per-sonnelles ou mobiliĂšres se prescrivent par cinq ans Ă compter du jour oĂč le titulaire dâun droit a connu ou aurait dĂ» connaĂźtre les faits lui permettant de lâexercer.
Lorsque lâouvrage a fait lâobjet dâune rĂ©ception, lâaction du maĂźtre de lâouvrage en indemnisation de prĂ©judices nĂ©s de dĂ©sordres relevant de la garantie dĂ©cennale des constructeurs est soumise aux dispositions du premier texte citĂ©.
En lâabsence de rĂ©ception, la garantie dĂ©cennale ne peut ĂȘtre invoquĂ©e et le maĂźtre de lâouvrage souhaitant agir contre un constructeur avec lequel il Ă©tait liĂ© par un contrat doit rechercher sa responsabilitĂ© contractuelle de droit commun.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit immobilier, environnement et urbanisme
En lâespĂšce, Ă la suite dâun engagement pris Ă lâĂ©gard de particuliers auxquels elle avait achetĂ© des terrains, une sociĂ©tĂ© avait confiĂ© Ă une entreprise lâexĂ©cution de travaux de voirie et de crĂ©ation de rĂ©seaux dans la propriĂ©tĂ© des vendeurs. Il nâĂ©tait pas discutĂ© que la sociĂ©tĂ© ayant commandĂ© les travaux agissait en qualitĂ© de maĂźtre de lâouvrage. Se plaignant de dĂ©sordres et dâun retard dans la rĂ©alisation des travaux, les propriĂ©taires du terrain avaient assignĂ© la sociĂ©tĂ© et lâentreprise en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise. AprĂšs dĂ©pĂŽt du rapport de lâexpert, la sociĂ©tĂ© avait conclu avec eux une transaction dâindemnisation et sâest ensuite retournĂ©e contre lâentreprise pour obtenir la rĂ©paration de ses prĂ©judices.
La cour dâappel saisie du litige a appliquĂ© le dĂ©lai quinquennal de prescription Ă lâaction du maĂźtre de lâouvrage et en a fixĂ© le point de dĂ©part au jour oĂč celui-ci avait connu les faits lui permettant dâexercer son action, soit, selon elle, Ă la date de lâassi-gnation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise, la cour ajoutant que cet acte avait interrompu le dĂ©lai de prescription qui sâĂ©tait trouvĂ© suspendu durant le temps des opĂ©rations dâexpertise, de sorte que les demandes du maĂźtre de lâouvrage Ă©chappaient Ă la fin de non-recevoir tirĂ©e de la prescription de lâaction.
Lâentreprise soutenait dans le premier moyen de son pourvoi que le dĂ©lai de pres-cription nâavait Ă©tĂ© ni interrompu ni suspendu par lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ© dans la mesure oĂč lâinitiative de lâinstance ainsi engagĂ©e avait Ă©tĂ© prise par les propriĂ©taires du ter-rain qui avaient sollicitĂ© lâorganisation dâune expertise. Le moyen Ă©tait fondĂ©, outre sur une mĂ©connaissance du principe de la contradiction, sur une violation des articles 2224, 2239 et 2241 du code civil.
Pour sa part, la sociĂ©tĂ© maĂźtre de lâouvrage soutenait, entre autres objections, que la critique du pourvoi Ă©tait inopĂ©rante puisque, avant lâentrĂ©e en vigueur de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 prĂ©citĂ©e, la Cour de cassation avait fixĂ© Ă dix ans Ă comp-ter de la manifestation du dommage le dĂ©lai de prescription de lâaction en responsabi-litĂ© contractuelle de droit commun du constructeur en lâabsence de rĂ©ception et que ce dĂ©lai dĂ©cennal avait Ă©tĂ© maintenu par le lĂ©gislateur Ă lâarticle 1792-4-3 du code civil. Selon la dĂ©fenderesse au pourvoi, il y avait lieu de retenir le dĂ©lai de dix ans, de le faire courir Ă compter de la manifestation du dommage, fixĂ©e par la cour dâappel Ă la date de lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ©, et de constater quâelle avait agi dans les dix ans suivant cette date.
Cet argument amenait, incidemment, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cas-sation Ă envisager la question de la durĂ©e du dĂ©lai de prescription de lâaction du maĂźtre de lâouvrage dĂšs lors que, selon la solution retenue, les branches du moyen relatives aux effets interruptif et suspensif de lâassignation en rĂ©fĂ©rĂ© sâavĂ©raient ou non inopĂ©rantes.
Les parties sâaccordaient sur lâabsence de rĂ©ception des travaux litigieux. Il sâagissait en consĂ©quence de prĂ©ciser le dĂ©lai enfermant lâaction du maĂźtre de lâouvrage fondĂ©e sur la responsabilitĂ© contractuelle de droit commun de lâentreprise. Ce dĂ©lai Ă©tait-il celui, dĂ©cennal, de lâarticle 1792-4-3 du code civil, ou celui, quinquennal, de lâarticle 2224 du mĂȘme code et de lâarticle L. 110-4 du code de commerce que lâentreprise invoquait au soutien de sa fin de non-recevoir tirĂ©e de la prescription ?
Plusieurs auteurs estiment que lâarticle 1792-4-3 du code civil, en ce quâil suppose une rĂ©ception de lâouvrage, ne peut ĂȘtre invoquĂ© lorsque celle-ci fait dĂ©faut. Ils prĂ©co-nisent lâadoption du dĂ©lai de cinq ans de lâarticle 2224 du code civil.
Dâun autre cĂŽtĂ©, il peut ĂȘtre observĂ© que la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait manifestĂ©, avant lâadoption du nouveau rĂ©gime de prescription, la volontĂ©
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
dâuniformiser les dĂ©lais de prescription en matiĂšre de construction. Ainsi avait-elle jugĂ©, par un arrĂȘt du 24 mai 2006 (3e Civ., 24 mai 2006, pourvoi no 04-19.716, Bull. 2006, III, no 132), que lâaction en responsabilitĂ© contractuelle de droit commun du construc-teur quant aux dĂ©sordres rĂ©vĂ©lĂ©s en lâabsence de rĂ©ception se prescrivait par dix ans Ă compter de la manifestation du dommage. Elle avait de la sorte rĂ©duit le dĂ©lai de lâac-tion contre le constructeur, qui Ă©tait initialement de trente ans.
Par lâarrĂȘt ici commentĂ©, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation dĂ©cide de soumettre le dĂ©lai de lâaction en responsabilitĂ© contractuelle du maĂźtre de lâou-vrage contre un constructeur aux dispositions de lâarticle 2224 du code civil et de le faire partir de la date Ă laquelle le maĂźtre de lâouvrage a connu les faits lui permettant dâexercer son action.
La troisiĂšme chambre civile Ă©carte, par lĂ mĂȘme, lâapplication de lâarticle 1792-4-3 du code civil et ne transpose pas le dĂ©lai dĂ©cennal, mĂȘme en en amĂ©nageant les moda-litĂ©s, Ă la situation dans laquelle aucune rĂ©ception nâest intervenue. Elle complĂšte ainsi sa jurisprudence sur les dĂ©lais de prescription des diffĂ©rentes actions envisageables dans le domaine du droit de la construction. Par deux arrĂȘts du 16 janvier 2020 Ă©ga-lement publiĂ©s au Rapport annuel de la Cour de cassation (3e Civ., 16 janvier 2020, pour-voi no 18-25.915, publiĂ© au Bulletin ; 3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-21.895, publiĂ© au Bulletin), elle a jugĂ©, dans un cas, que le recours dâun constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relĂšve des dispositions de lâarticle 2224 du code civil et, dans lâautre, que lâaction fondĂ©e sur lâarticle 2270-2, devenu 1792-4-2, du code civil est rĂ©servĂ©e au maĂźtre de lâouvrage et nâest pas ouverte Ă un tiers Ă lâopĂ©-ration de construire.
D. Activités économiques, commerciales et financiÚres
1. Concurrence déloyale
Concurrence dĂ©loyale ou illicite â PrĂ©judice â Ăvaluation â ĂlĂ©ments dâapprĂ©ciation â Ăconomie injustement rĂ©alisĂ©eCom., 12 fĂ©vrier 2020, pourvoi nÂș 17-31.614, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Le Bras et avis de Mme PĂ©nichonLorsque les effets prĂ©judiciables, en termes de trouble Ă©conomique, dâactes de concur-rence dĂ©loyale sont particuliĂšrement difficiles Ă quantifier, ce qui est le cas de ceux consistant Ă parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matĂ©riels ou pro-motionnels, dâun concurrent ou Ă sâaffranchir dâune rĂ©glementation, dont le respect a nĂ©cessairement un coĂ»t, tous actes qui, en ce quâils permettent Ă lâauteur des pra-tiques de sâĂ©pargner une dĂ©pense en principe obligatoire, induisent pour celui-ci un avantage concurrentiel, il y a lieu dâadmettre que la rĂ©paration du prĂ©judice peut ĂȘtre Ă©valuĂ©e en prenant en considĂ©ration lâavantage indu que sâest octroyĂ© lâauteur des actes de concurrence dĂ©loyale au dĂ©triment de ses concurrents, modulĂ© Ă proportion des volumes dâaffaires respectifs des parties affectĂ©s par ces actes.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres
Doit donc ĂȘtre approuvĂ©e la cour dâappel qui, appelĂ©e Ă statuer sur la rĂ©paration dâun prĂ©judice rĂ©sultant dâune pratique commerciale trompeuse pour le consommateur, confĂ©rant Ă son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport Ă ses concurrents, tient compte, pour Ă©valuer lâindemnitĂ© Ă allouer Ă lâun de ceux-ci, de lâĂ©conomie injus-tement rĂ©alisĂ©e par lui, quâelle a modulĂ©e en tenant compte des volumes dâaffaires respectifs des parties affectĂ©s par lesdits agissements.
Cet arrĂȘt rĂ©pond Ă la question dĂ©licate, et relativement frĂ©quente en matiĂšre de responsabilitĂ© pour concurrence dĂ©loyale, de lâĂ©valuation du prĂ©judice de la victime lorsque celui-ci est difficile Ă dĂ©montrer.
La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation Ă©tait invitĂ©e Ă sâinterroger sur la rĂ©paration du prĂ©judice rĂ©sultant de pratiques dĂ©loyales qui, sans donner lieu Ă un manque Ă gagner ou une perte subie par la victime, ont induit un vĂ©ritable avantage concurrentiel indu au profit de lâauteur de ces actes : un tel avan-tage peut-il ĂȘtre pris en considĂ©ration pour indemniser le prĂ©judice de la victime et, dans lâaffirmative, selon quelles modalitĂ©s ?
Une jurisprudence constante de la chambre commerciale (depuis Com., 22 octobre 1985, pourvoi no 83-15.096, Bull. 1985, IV, no 245) Ă©nonce quâil sâinfĂšre nĂ©cessairement un prĂ©judice, fĂ»t-il seulement moral, dâun acte de concurrence dĂ©loyale. Cette prĂ©somption de prĂ©judice, qui ne dispense pas le demandeur de dĂ©montrer lâĂ©ten-due de celui-ci, permet aux juges dâavoir moins dâexigences probatoires Ă lâĂ©gard des prĂ©judices qui sâavĂšrent difficiles Ă Ă©tablir. Ceci concerne tout particuliĂšrement les effets prĂ©judiciables de pratiques qui consistent Ă parasiter les efforts et les investisse-ments intellectuels, matĂ©riels ou promotionnels dâun concurrent ou Ă sâaffranchir dâune rĂ©glementation, dont le respect a nĂ©cessairement un coĂ»t pour celui qui sây conforme. Les actes de parasitisme ou les actes illicites de concurrence dĂ©loyale, en ce quâils per-mettent Ă lâauteur des pratiques de sâĂ©pargner une dĂ©pense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble Ă©cono-mique, sont difficiles Ă quantifier avec les Ă©lĂ©ments de preuve disponibles, sauf Ă enga-ger des dĂ©penses qui seraient disproportionnĂ©es au regard des intĂ©rĂȘts en jeu.
Aussi, en matiĂšre de parasitisme, lequel consiste, pour un opĂ©rateur Ă©conomique, Ă se placer dans le sillage dâun autre afin de tirer profit, sans rien dĂ©penser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriĂ©tĂ© acquise ou des investissements consentis, la juris-prudence a admis Ă plusieurs reprises, sous le couvert, certes, de lâapprĂ©ciation souve-raine des juges du fond, quâen ce que les agissements parasitaires procuraient au parasite des avantages concurrentiels indus qui faussaient Ă son profit exclusif les rĂšgles nor-males du marchĂ©, tels que le fait de rĂ©aliser des Ă©conomies dâinvestissements ou de ne pas avoir Ă dĂ©velopper des efforts intellectuels de conception ou de crĂ©ation, cette Ă©co-nomie indĂ»ment rĂ©alisĂ©e par le parasite pouvait servir de base Ă lâĂ©valuation de lâin-demnitĂ© de la victime.
Invoquant cependant le fait que le principe de rĂ©paration intĂ©grale â dont lâapplica-tion est contrĂŽlĂ©e par la Cour de cassation â interdirait aux juges du fond de prendre en considĂ©ration le profit ou lâĂ©conomie rĂ©alisĂ©s par lâauteur dâun prĂ©tendu acte de concur-rence dĂ©loyale pour Ă©valuer le prĂ©judice subi, lâauteur du pourvoi, une sociĂ©tĂ© spĂ©ciali-sĂ©e dans les produits des arts de la table en cristal et accusĂ©e de pratiques commerciales trompeuses Ă lâĂ©gard dâune sociĂ©tĂ© concurrente, reprochait Ă la cour dâappel dâavoir Ă©valuĂ© le prĂ©judice de celle-ci en considĂ©ration de lâĂ©conomie rĂ©alisĂ©e par lâauteur du
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
dommage. Il arguait de ce que le préjudice subi par la victime est le seul élément que la loi autorise de prendre en compte, sans perte ni profit pour elle.
La cour dâappel avait en effet fait droit Ă la demande de la victime qui estimait que son prĂ©judice correspondait Ă la diffĂ©rence de prix de revient des produits en cause entre les deux sociĂ©tĂ©s calculĂ©e sur la base de la masse salariale de chacune, en consi-dĂ©rant que le concurrent dĂ©loyal sâĂ©tait assurĂ© un avantage concurrentiel au prĂ©judice de la victime quâil convenait de rĂ©parer.
Le grief du pourvoi contre cette dĂ©cision est rejetĂ©. La chambre commerciale, finan-ciĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation explicitant par le prĂ©sent arrĂȘt une solution quâelle avait dĂ©jĂ approuvĂ©e en matiĂšre de parasitisme, dĂ©cide, sans que cela ne remette en cause le principe de rĂ©paration intĂ©grale du prĂ©judice, quâil y a lieu dâadmettre que la rĂ©paration du prĂ©judice subi par la victime dâactes de concurrence dĂ©loyale peut ĂȘtre Ă©valuĂ©e en prenant en considĂ©ration lâavantage indu que sâest octroyĂ© lâauteur de ces actes, au dĂ©triment de ses concurrents, consistant ici en une Ă©conomie injustement rĂ©a-lisĂ©e, et prĂ©cise que cet avantage doit ĂȘtre modulĂ© Ă proportion des volumes dâaffaires respectifs des parties affectĂ©s par ces actes.
2. Entreprises en difficulté
Entreprise en difficultĂ© (loi du 26 juillet 2005) â Redressement judiciaire â PĂ©riode dâobservation â CrĂ©anciers â DĂ©claration des crĂ©ances â Domaine dâapplication â Exclusion â Cas â SĂ»retĂ© rĂ©elle consentie pour garantir la dette dâun tiers â PortĂ©e â CrĂ©ance â Admission (non)Com., 17 juin 2020, pourvoi nÂș 19-13.153, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Vallansan et avis de Mme GuinamantUne sĂ»retĂ© rĂ©elle consentie pour garantir la dette dâun tiers nâimpliquant aucun enga-gement personnel du constituant de cette sĂ»retĂ© Ă satisfaire Ă lâobligation dâautrui, le crĂ©ancier bĂ©nĂ©ficiaire de la sĂ»retĂ© ne peut agir en paiement contre le constituant, qui nâest pas son dĂ©biteur.En consĂ©quence, un crĂ©dit-bailleur, qui bĂ©nĂ©ficie en garantie du paiement des loyers du nantissement de parts sociales dĂ©tenues par une sociĂ©tĂ© tierce, nâĂ©tant pas le crĂ©an-cier de cette derniĂšre au titre de ce nantissement, câest Ă bon droit quâune cour dâap-pel rejette la demande dâadmission dâune crĂ©ance Ă ce titre au passif de cette sociĂ©tĂ©.
La principale question soulevĂ©e par cet arrĂȘt concerne la relation entre un dĂ©biteur en procĂ©dure collective qui, en garantie de la dette dâun tiers, avait consenti au crĂ©an-cier de ce dernier une sĂ»retĂ© rĂ©elle sur son patrimoine et le bĂ©nĂ©ficiaire de la garantie. Selon lâarticle L. 622-24 du code de commerce, tous les crĂ©anciers du dĂ©biteur doivent dĂ©clarer leur crĂ©ance Ă la procĂ©dure de leur dĂ©biteur. Cette dĂ©claration suivie de lâad-mission de leur crĂ©ance leur permet dâavoir accĂšs au gage commun des crĂ©anciers que crĂ©e la procĂ©dure collective. Ă dĂ©faut de dĂ©claration, la crĂ©ance est inopposable Ă la procĂ©dure et le crĂ©ancier ne peut pas participer aux distributions ou rĂ©partitions. Lorsque le garant est caution, un lien dâobligation sâest nouĂ© entre lui et le crĂ©ancier. Sâil entend participer aux distributions aprĂšs paiement, soit il bĂ©nĂ©ficie de la dĂ©clara-tion du crĂ©ancier auquel il se substitue, soit il doit dĂ©clarer sa crĂ©ance personnelle en indemnisation contre le dĂ©biteur.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres
La situation du garant par constitution dâune sĂ»retĂ© rĂ©elle est diffĂ©rente. La quali-fication de cette catĂ©gorie de sĂ»retĂ© a Ă©tĂ© posĂ©e par un arrĂȘt de principe de la chambre mixte de la Cour de cassation du 2 dĂ©cembre 2005 (Ch. mixte., 2 dĂ©cembre 2005, pourvoi no 03-18.210, Bull. 2005, Ch. mixte, no 7) : « Une sĂ»retĂ© rĂ©elle consentie pour garantir la dette dâun tiers nâimpliquant aucun engagement personnel Ă satisfaire Ă lâobligation dâautrui et nâĂ©tant pas dĂšs lors un cautionnement, lequel ne se prĂ©sume pas, la cour dâap-pel a exactement retenu que lâarticle 1415 du code civil nâĂ©tait pas applicable au nan-tissement donnĂ© par âle constituantâ) ». Cette analyse est aujourdâhui de jurisprudence constante pour toutes les chambres de la Cour de cassation qui refusent de faire pro-duire les effets du cautionnement Ă une telle garantie (1re Civ., 7 fĂ©vrier 2006, pourvoi no 02-16.010, Bull. 2006, I, no 53 ; 1re Civ., 25 novembre 2015, pourvoi no 14-21.332, Bull. 2015, I, no 290 ; 2e Civ., 4 septembre 2014, pourvoi no 13-11.887, Bull. 2014, II, no 179 ; 3e Civ., 15 fĂ©vrier 2006, pourvoi no 04-19.847, Bull. 2006, III, no 35 ; 3e Civ., 23 mars 2017, pourvoi no 16-10.766 ; Com., 7 mars 2006, pourvoi no 04-13.762, Bull. 2006, IV, no 59 ; Com., 24 mars 2009, pourvoi no 08-13.034, Bull. 2009, IV, no 43).
Partant de cette jurisprudence, Ă la question de savoir si le bĂ©nĂ©ficiaire de la garantie doit dĂ©clarer sa crĂ©ance au passif du constituant, deux thĂšses sâaffrontaient. Le bĂ©nĂ©fi-ciaire de la garantie soutenait que, sâil nâĂ©tait pas crĂ©ancier du garant, il devait disposer dâun droit sur le bien qui se trouvait dans lâactif de la procĂ©dure. Il lui Ă©tait donc nĂ©ces-saire, pour bĂ©nĂ©ficier dâune quote-part du prix des biens donnĂ©s en garantie, qui font partie du gage commun, de dĂ©clarer « une crĂ©ance limitĂ©e Ă la valeur du bien affectĂ© ». Telle nâest pas la solution de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation, qui, approuvant la position de la cour dâappel, retient que, le bĂ©nĂ©-ficiaire de la garantie ne disposant dâaucune crĂ©ance, aucune dĂ©claration nâest possible. Par cette dĂ©cision, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique sâinscrit dans le mouvement initiĂ© en 2006. En complĂ©ment de cette dĂ©cision, la chambre commer-ciale a ultĂ©rieurement jugĂ© que le bĂ©nĂ©ficiaire de la garantie, nâayant pas la qualitĂ© de crĂ©ancier du garant, nâest pas soumis Ă la rĂšgle de lâarrĂȘt des voies dâexĂ©cution rĂ©sul-tant de lâouverture de la procĂ©dure collective de ce dernier (Com., 25 novembre 2020, pourvoi no 19-11.525, publiĂ© au Bulletin).
Entreprise en difficultĂ© (loi du 26 juillet 2005) â Sauvegarde â PĂ©riode dâob-servation â ArrĂȘt des poursuites individuelles â Exequatur dâune sentence arbitrale internationale â PortĂ©eCom., 12 novembre 2020, pourvoi nÂș 19-18.849, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme BĂ©laval et avis de Mme GuinamantSi lâexequatur dâune sentence arbitrale internationale ayant condamnĂ© un dĂ©biteur Ă payer une somme dâargent ne saurait, sans mĂ©connaĂźtre le principe de lâarrĂȘt des pour-suites individuelles contre ce dĂ©biteur mis en procĂ©dure de sauvegarde, avoir pour effet de confĂ©rer Ă la sentence la force exĂ©cutoire dâune dĂ©cision de condamnation du dĂ©biteur, en revanche lâexequatur de la sentence peut ĂȘtre accordĂ©, Ă la demande du crĂ©ancier, dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaĂźtre son droit de crĂ©ance lorsque celui-ci est contestĂ© devant le juge-commissaire.
Un litige Ă©tant survenu entre une sociĂ©tĂ© cĂ©dante et une sociĂ©tĂ© cessionnaire de titres au sujet de la fixation dâun complĂ©ment de prix, une procĂ©dure dâarbitrage inter-national a Ă©tĂ© engagĂ©e qui a abouti, le 23 dĂ©cembre 2016, Ă une sentence condamnant la sociĂ©tĂ© cessionnaire Ă payer Ă la sociĂ©tĂ© cĂ©dante une somme dâun certain montant.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Quelques jours plus tard, la sociĂ©tĂ© cessionnaire, de droit français, a Ă©tĂ© mise en pro-cĂ©dure de sauvegarde. La crĂ©ance correspondant au montant de la condamnation, qui nâavait pas Ă©tĂ© payĂ©e, a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e au passif et contestĂ©e devant le juge-commissaire.
La sociĂ©tĂ© cĂ©dante a demandĂ© lâexequatur de la sentence et obtenu, le 10 mars 2017, une ordonnance qui a dĂ©clarĂ© la sentence exĂ©cutoire. Il en a Ă©tĂ© fait appel par la sociĂ©tĂ© cessionnaire. Le juge-commissaire a sursis Ă statuer sur la demande dâadmission de la crĂ©ance dans lâattente de la dĂ©cision de la cour dâappel statuant sur lâappel de lâordon-nance dâexequatur.
La cour dâappel sâest livrĂ©e Ă une dĂ©composition des diffĂ©rents objets dâune dĂ©ci-sion dâexequatur en infirmant lâordonnance du 10 mars 2017 en ce quâelle rendait exĂ©cutoire une condamnation Ă payer des sommes dâargent, mais en la confirmant en ce quâelle emportait reconnaissance de la sentence du 23 dĂ©cembre 2016. Ce faisant, la cour dâappel a nettement dissociĂ©, dans sa conception de lâobjet de lâexequatur, la recherche de lâeffet de reconnaissance et dâopposabilitĂ© de la sentence en France et la recherche de la force exĂ©cutoire confĂ©rĂ©e Ă la sentence permettant, en thĂ©orie, la mise en Ćuvre de voies dâexĂ©cution.
LâarrĂȘt de la cour dâappel Ă©nonçait, en premier lieu, que les principes de lâarrĂȘt des poursuites individuelles des crĂ©anciers, du dessaisissement du dĂ©biteur et de lâinter-ruption de lâinstance en cas de procĂ©dure dâinsolvabilitĂ© Ă©taient Ă la fois dâordre public interne et international, ce qui rĂ©sulte en effet dâune jurisprudence constante de la Cour de cassation (1re Civ., 8 mars 1988, pourvoi no 86-12.015, Bull. 1988, I, no 65 ; 1re Civ., 5 fĂ©vrier 1991, pourvoi no 89-14.382, Bull. 1991, I, no 44 ; 1re Civ., 6 mai 2009, pour-voi no 08-10.281, Bull. 2009, I, no 86). Il retenait que ces principes impliquaient que lorsquâune sentence arbitrale rendue Ă lâĂ©tranger avait condamnĂ© au paiement dâune somme dâargent un dĂ©biteur Ă lâĂ©gard duquel une procĂ©dure collective avait Ă©tĂ© ouverte par un jugement ultĂ©rieur, le crĂ©ancier ne pouvait solliciter son exequatur en France quâaprĂšs avoir dĂ©clarĂ© sa crĂ©ance et que, la sentence ne pouvant ĂȘtre contestĂ©e, confor-mĂ©ment aux dispositions de lâarticle 1525 du code de procĂ©dure civile, que par la voie de lâappel de lâordonnance dâexequatur et pour les motifs Ă©numĂ©rĂ©s par lâarticle 1525 du mĂȘme code, il appartenait au crĂ©ancier de solliciter lâexequatur, lorsque la vĂ©rifica-tion des crĂ©ances faisait apparaĂźtre une contestation Ă lâĂ©gard de laquelle le juge-com-missaire nâĂ©tait pas compĂ©tent. LâarrĂȘt en dĂ©duisait que lâexequatur prononcĂ© dans de telles circonstances ne pouvait avoir pour objet que la reconnaissance et lâopposabi-litĂ© en France de la sentence et ne saurait, sans mĂ©connaĂźtre le principe dâarrĂȘt des poursuites individuelles, rendre exĂ©cutoire une condamnation Ă paiement du dĂ©biteur.
Les pourvois posaient deux questions principales :
â la sociĂ©tĂ© cĂ©dante invitait la Cour de cassation Ă dĂ©terminer si lâexequatur dâune sen-tence prononçant une condamnation Ă payer une somme dâargent Ă lâĂ©gard dâun dĂ©bi-teur en procĂ©dure collective Ă©tait ou non assimilable Ă une mesure dâexĂ©cution forcĂ©e, pourtant interdite par lâarticle L. 622-21 du code de commerce ;
â la sociĂ©tĂ© cessionnaire questionnait la Cour de cassation sur la facultĂ© pour le crĂ©an-cier, bĂ©nĂ©ficiaire de la condamnation prononcĂ©e par le tribunal arbitral, qui a dĂ©clarĂ© sa crĂ©ance au passif du dĂ©biteur en sauvegarde, de saisir directement le juge dâune demande dâexequatur ou de reconnaissance de la sentence arbitrale sans attendre la dĂ©cision du juge-commissaire lâinvitant Ă saisir le juge compĂ©tent, alors mĂȘme que la contestation ou la crĂ©ance ne relĂšverait pas, a priori, du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire.
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Ă la premiĂšre question la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©pond en approuvant la cour dâappel dâavoir retenu que lâexequatur ne saurait, sans mĂ©connaĂźtre le principe de lâarrĂȘt des poursuites individuelles, qui est dâordre public interne et international, rendre exĂ©cutoire une condamnation du dĂ©biteur Ă payer une somme dâargent. La solution se fonde sur lâobjectif le plus Ă©vident dâune demande dâexequatur, Ă savoir lâobtention dâun titre revĂȘtu de la force exĂ©cutoire per-mettant dâengager des voies dâexĂ©cution. Plus largement que la question posĂ©e par le moyen du pourvoi de la sociĂ©tĂ© cĂ©dante qui se limitait Ă confronter les effets de lâexe-quatur avec le principe de lâinterdiction des voies dâexĂ©cution, la solution se prĂ©vaut du principe plus large de lâinterruption ou de lâinterdiction des poursuites individuelles. Une sentence internationale condamnant le dĂ©biteur Ă payer une somme dâargent ne peut, sans mĂ©connaĂźtre ce dernier principe, acquĂ©rir, aprĂšs le jugement dâouverture de la procĂ©dure collective du dĂ©biteur, force exĂ©cutoire en France au moyen dâune dĂ©ci-sion dâexequatur. Rappelons que les dispositions combinĂ©es des articles 1525 et 1520 du code de procĂ©dure civile autorisent un recours dans des cas limitativement dĂ©crits, incluant le cas oĂč la reconnaissance ou lâexĂ©cution de la sentence est contraire Ă lâordre public international. Ici, il serait bien contraire Ă lâordre public international de munir un crĂ©ancier, soumis Ă la discipline collective dâune condamnation Ă paiement exĂ©cu-toire contre le dĂ©biteur.
Ă la seconde question qui concerne plus spĂ©cifiquement lâarticulation des pouvoirs entre le juge de lâexequatur et le juge-commissaire, qui a, en vertu de lâarticle L. 624-2 du code de commerce, hors le cas dâune instance en cours ou dâune contestation ne relevant pas de sa compĂ©tence, une compĂ©tence exclusive pour dĂ©cider de lâadmission ou du rejet dâune crĂ©ance dĂ©clarĂ©e au passif, et qui comporte en filigrane celle de la profondeur du contrĂŽle par le juge-commissaire de sa compĂ©tence, la chambre com-merciale rĂ©pond en deux temps. Elle approuve dâabord la cour dâappel dâavoir retenu que lâexequatur de la sentence pouvait ĂȘtre accordĂ© dans le but, non de confĂ©rer Ă la sentence arbitrale la force exĂ©cutoire dâune dĂ©cision de condamnation du dĂ©biteur, mais exclusivement de permettre Ă la sociĂ©tĂ© cĂ©dante de faire reconnaĂźtre son droit de crĂ©ance. Elle approuve ensuite la cour dâappel dâavoir autorisĂ© le crĂ©ancier Ă deman-der lâexequatur dans les circonstances prĂ©cises de lâespĂšce, dont nous rappelons quâelles Ă©taient les suivantes :
â le juge-commissaire, saisi dâune contestation de la crĂ©ance, avait ordonnĂ© un sursis Ă statuer sur la demande dâadmission dans lâattente de la dĂ©cision Ă rendre sur lâappel de lâordonnance dâexequatur, et nâavait donc pas invitĂ© les parties Ă saisir le juge du fond de la contestation ni statuĂ© sur la rĂ©gularitĂ© de la dĂ©claration de la crĂ©ance dont il conservait, dans tous les cas, lâapprĂ©ciation exclusive ;
â selon lâarrĂȘt attaquĂ©, et sans que le moyen du pourvoi ne remette ce point en dis-cussion, la vĂ©rification des crĂ©ances avait fait apparaĂźtre une contestation Ă lâĂ©gard de laquelle le juge-commissaire nâĂ©tait pas compĂ©tent.
Le crĂ©ancier bĂ©nĂ©ficiaire de la sentence internationale doit se soumettre Ă la disci-pline collective et dĂ©clarer sa crĂ©ance. Si le juge-commissaire demeure compĂ©tent pour vĂ©rifier la rĂ©gularitĂ© de la dĂ©claration, et pour admettre ou rejeter la crĂ©ance, le crĂ©an-cier peut, sans attendre, en cas de contestation de la crĂ©ance susceptible dâĂ©chapper Ă la compĂ©tence du juge-commissaire, demander lâexequatur au juge compĂ©tent dans le seul but de faire reconnaĂźtre son droit de crĂ©ance et de lâopposer Ă la procĂ©dure collective.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
3. ImpĂŽts et taxes
ImpĂŽts et taxes â Enregistrement â Droits de mutation â Mutation Ă titre onĂ©reux de meubles â Cession de droits sociaux â SociĂ©tĂ© Ă prĂ©pondĂ©rance immobi-liĂšre â DĂ©finition â Immeubles et droits rĂ©els immobiliers â Champ dâapplication â Exclusion â Immeubles par destinationCom., 2 dĂ©cembre 2020, pourvoi nÂș 18-25.559, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Ponsot et avis de M. DebacqSelon lâarticle 726, I, 2Âș, du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, dans sa rĂ©daction issue de la loi du 30 dĂ©cembre 2009, est Ă prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre la personne morale, quelle que soit sa nationalitĂ©, dont les droits sociaux ne sont pas nĂ©gociĂ©s sur un marchĂ© rĂ©gle-mentĂ© dâinstruments financiers et dont lâactif est principalement constituĂ© dâimmeubles ou de droits immobiliers situĂ©s en France.Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits rĂ©els immobiliers, sans viser les immeubles par destination, câest Ă bon droit quâune cour dâappel retient que ces der-niers ne peuvent ĂȘtre pris en compte pour dĂ©terminer si, au sens de lâarticle 726, I, 2Âș, susvisĂ©, une personne morale est Ă prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre.
CrĂ©Ă© par la loi de finances pour 1999, le rĂ©gime des droits de mutation applicables aux sociĂ©tĂ©s Ă prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre a Ă©tĂ© instituĂ© Ă une Ă©poque oĂč de fortes dis-paritĂ©s de taxation existaient selon quâun immeuble Ă©tait cĂ©dĂ© directement ou, indirec-tement, par la cession des parts dâune sociĂ©tĂ© dont il constituait le principal actif. Ce nouveau rĂ©gime, prĂ©vu Ă lâarticle 726, I, 2o, du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, a permis dâattĂ©-nuer les diffĂ©rences de rĂ©gime qui dĂ©coulaient tant du regard du mode de transmission que de lâusage donnĂ© aux immeubles cĂ©dĂ©s, et de rendre ainsi la fiscalitĂ© plus neutre.
LâapprĂ©ciation de la prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre nĂ©cessite de procĂ©der Ă une rĂšgle de trois en plaçant, au numĂ©rateur, la valeur des immeubles et droits rĂ©els immobiliers dĂ©tenus au jour de la cession, et, au dĂ©nominateur, la valeur brute rĂ©elle de la totalitĂ© des Ă©lĂ©ments dâactifs. Encore convient-il de savoir ce que recouvrent les immeubles visĂ©s : immeubles par nature ou immeubles par destination ?
Câest Ă cette question inĂ©dite que la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©cono-mique de la Cour de cassation a eu Ă rĂ©pondre pour la premiĂšre fois, deux dĂ©cennies aprĂšs lâadoption du nouveau dispositif.
Lâaffaire jugĂ©e concernait la cession de la totalitĂ© des actions dâune sociĂ©tĂ© exploi-tant une centrale hydroĂ©lectrique. Les parties avaient considĂ©rĂ© que cette opĂ©ration devait ĂȘtre soumise au taux applicable aux cessions dâactions de droit commun (1,1 % plafonnĂ©). Lâadministration fiscale a, au contraire, estimĂ© que lâopĂ©ration relevait du rĂ©gime applicable aux sociĂ©tĂ©s Ă prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre (au taux de 5 % non pla-fonnĂ©), eu Ă©gard Ă lâimportance et Ă la valeur des immeubles par destination (turbine et autres Ă©quipements affectĂ©s Ă lâexploitation du fonds). Lâadministration entendait ainsi appliquer la dĂ©finition donnĂ©e par lâarticle 524, alinĂ©a 1, du code civil : « Les objets que le propriĂ©taire dâun fonds y a placĂ©s pour le service et lâexploitation de ce fonds sont immeubles par destination. »
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En faveur de la thĂšse du pourvoi, on pouvait retenir lâabsence dâexception, dans le texte de lâarticle 726, I, 2o, du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts Ă la dĂ©finition des immeubles donnĂ©e par le droit civil, qui inclut les immeubles par destination.
De mĂȘme, on pouvait trouver un argument en faveur de lâunitĂ© des notions civi-liste et fiscaliste de lâimmeuble avec lâarticle 683 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, relatif aux mutations Ă titre onĂ©reux dâimmeubles, qui envisage bien les immeubles par destination, pour dire quâils doivent faire lâobjet dâun prix particulier et dâune dĂ©signation dĂ©taillĂ©e.
En matiĂšre de droit dâenregistrement sur les immeubles ruraux, la jurisprudence a eu Ă appliquer la notion dâimmeuble par destination Ă propos du cheptel, pour exclure de lâassiette des droits le bĂ©tail destinĂ© Ă la reproduction et Ă lâembouche, consacrant impli-citement mais nĂ©cessairement que le bĂ©tail attachĂ© au fonds est immeuble par destination (Com., 12 novembre 1996, pourvoi n° 95-11.080, Bull. 1996, IV, n° 268) ; de mĂȘme elle a considĂ©rĂ© quâentrait dans lâassiette des droits dâenregistrement sur les immeubles un pont roulant cĂ©dĂ© sĂ©parĂ©ment de lâimmeuble (Com., 18 fĂ©vrier 1997, pourvoi n° 95-12.702).
En sens inverse, le caractĂšre dĂ©rogatoire et moins favorable du rĂ©gime des sociĂ©-tĂ©s Ă prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre militait en faveur dâune interprĂ©tation stricte de son champ dâapplication.
Du reste, les cas dans lesquels la loi ou la jurisprudence ont pris en compte les immeubles par destination dans le calcul des droits posaient un problĂšme dâassiette et non de rĂ©gime dâimposition.
Par ailleurs, le fait que la chambre commerciale a refusĂ© de considĂ©rer comme meubles par anticipation des arbres de futaie encore sur pied au jour de la cession (Com., 7 mai 2019, pourvoi n° 17-13.591) nâimplique en rien que des biens meubles rattachĂ©s Ă lâexploitation du fonds soient Ă prendre en considĂ©ration pour apprĂ©cier si une sociĂ©tĂ© est Ă prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre.
Surtout, dans une affaire intĂ©ressant, certes, lâimposition des produits, le Conseil dâĂtat est venu consacrer expressĂ©ment lâautonomie du droit fiscal quant Ă la notion de biens immobiliers, excluant de cette notion les immeubles par destination (CE, 9/10 SSR, 27 mai 2002, no 125959, publiĂ© au Recueil Lebon, p. 184). De telle sorte que, lorsquâil est fait rĂ©fĂ©rence aux immeubles par destination dans la loi fiscale, câest de maniĂšre spĂ©cifique, sans quâil en dĂ©coule une dĂ©finition gĂ©nĂ©rale.
Câest Ă cette conception autonome de lâimmeuble en matiĂšre fiscale que sâest ral-liĂ©e la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation dans son arrĂȘt du 2 dĂ©cembre 2020 (Com., 2 dĂ©cembre 2020, pourvoi n° 18-25.559, publiĂ© au Bulletin).
Cette solution apparaĂźt conforme Ă lâesprit de la rĂ©forme opĂ©rĂ©e en 1999, qui a Ă©tĂ© dâĂ©viter que des immeubles soient cĂ©dĂ©s au travers de sociĂ©tĂ©s constituĂ©es dans le but principal dâallĂ©ger la fiscalitĂ©, mais non dâapprĂ©hender en tant quâimmeubles des Ă©qui-pements industriels mobiliers qui, jusque-lĂ , relevaient du rĂ©gime de droit commun.
ImpĂŽts et taxes â Redressement et vĂ©rifications (rĂšgles communes) â ProcĂ©dures de contrĂŽle â Transmission de piĂšces par lâautoritĂ© judiciaire Ă lâadministra-tion des finances â PiĂšces issues de la commission dâun dĂ©lit â Condition
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Com., 16 dĂ©cembre 2020, pourvoi nÂș 18-16.801, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Daubigney et avis de M. DebacqSelon lâarticle L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales, dans sa version alors applicable, lâautoritĂ© judiciaire doit communiquer Ă lâadministration des finances toute indication quâelle peut recueillir, de nature Ă faire prĂ©sumer une fraude commise en matiĂšre fiscale ou une manĆuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour rĂ©sultat de frau-der ou de compromettre un impĂŽt, quâil sâagisse dâune instance civile ou commerciale ou dâune information criminelle ou correctionnelle, mĂȘme terminĂ©e par un non-lieu. En matiĂšre de procĂ©dures de contrĂŽle de lâimpĂŽt, Ă lâexception de celles relatives aux visites en tous lieux, mĂȘme privĂ©s, les piĂšces issues de la commission dâun dĂ©lit ne peuvent ĂȘtre Ă©cartĂ©es au seul motif de leur origine dĂšs lors quâelles ont Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement portĂ©es Ă la connaissance de lâadministration fiscale par application de lâarticle L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales et que les conditions dans lesquelles elles lui ont Ă©tĂ© communi-quĂ©es nâont pas Ă©tĂ© ultĂ©rieurement dĂ©clarĂ©es illĂ©gales par un juge.
Ă la suite de la transmission par un procureur de la RĂ©publique dâinformations obte-nues Ă lâoccasion de lâexĂ©cution dâune commission rogatoire des autoritĂ©s helvĂ©tiques enquĂȘtant sur le vol de donnĂ©es bancaires par un des salariĂ©s dâun Ă©tablissement ban-caire et dâune perquisition rĂ©alisĂ©e au domicile français de ce salariĂ©, laissant suppo-ser quâun contribuable dĂ©tenait des avoirs sur des comptes bancaires ouverts dans les livres de cet Ă©tablissement, lâadministration fiscale a dĂ©posĂ© une plainte pour fraude fiscale Ă son encontre, Ă la suite de laquelle ce dernier a Ă©tĂ© dĂ©finitivement condamnĂ© par un tribunal correctionnel.
ParallĂšlement, lâadministration fiscale a notifiĂ© Ă ce contribuable, aprĂšs avoir sollicitĂ© de sa part des informations sur le fondement de lâarticle L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales, deux propositions de rectification portant sur des rappels de droits dâenregis-trement selon la procĂ©dure de taxation dâoffice sur le fondement de lâarticle 755 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, les sommes figurant sur les comptes bancaires dĂ©tenus dans cette banque suisse Ă©tant rĂ©putĂ©es constituer un patrimoine acquis Ă titre gratuit, et sur des rappels dâimpĂŽt de solidaritĂ© sur la fortune et de la contribution exception-nelle sur les hauts revenus.
Un tribunal de grande instance lâa dĂ©boutĂ© de ses demandes tendant Ă voir annu-ler la dĂ©cision de rejet de ses rĂ©clamations de lâadministration fiscale et Ă obtenir la dĂ©charge de ses impositions. Ce jugement a Ă©tĂ© confirmĂ© en appel.
Cet arrĂȘt est lâoccasion pour la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation de prĂ©ciser sa position sur lâadmissibilitĂ© de la preuve en matiĂšre fiscale, et sur la prescription et le fait gĂ©nĂ©rateur des droits dâenregistrements dus Ă la suite de la dĂ©couverte dâavoirs dâorigine indĂ©terminĂ©e sur un compte non dĂ©clarĂ© Ă lâĂ©tranger.
I/ Sur lâadmissibilitĂ© de la preuve en matiĂšre fiscale
Le contribuable faisait grief Ă lâarrĂȘt de la cour dâappel dâavoir violĂ© les dispositions de lâarticle 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des liber-tĂ©s fondamentales ainsi que celles de lâarticle L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales.
Ă cette occasion, la Cour, Ă la suite de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH, arrĂȘt du 12 juillet 2001, Ferrazzini c. Italie, no 44759/98, § 29), a rappelĂ© que le contentieux de lâimpĂŽt, en dĂ©pit des effets patrimoniaux quâil a nĂ©cessairement sur
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la situation des contribuables, Ă©chappe au champ des obligations de caractĂšre civil de lâarticle 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales.
Elle a ensuite jugĂ©, au visa de lâarticle L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales, quâen matiĂšre de procĂ©dures de contrĂŽle de lâimpĂŽt, Ă lâexception de celles relatives aux visites en tous lieux, mĂȘme privĂ©s, les piĂšces issues de la commission dâun dĂ©lit ne peuvent ĂȘtre Ă©cartĂ©es au seul motif de leur origine dĂšs lors quâelles ont Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement portĂ©es Ă la connaissance de lâadministration fiscale et que les conditions dans lesquelles elles lui ont Ă©tĂ© communiquĂ©es nâont pas Ă©tĂ© ultĂ©rieurement dĂ©clarĂ©es illĂ©gales par le juge. Analysant les Ă©nonciations, constatations et apprĂ©ciations de la cour dâappel, la Cour de cassation a jugĂ© que celle-ci avait dĂ©duit, Ă bon droit, que les donnĂ©es produites par lâadministration fiscale constituaient des preuves admissibles.
La Cour de cassation sâinscrit ainsi dans la ligne dĂ©gagĂ©e par le Conseil constitution-nel Ă lâoccasion de lâexamen de la conformitĂ© Ă la Constitution de lâarticle 37 de la loi no 2013-1117 du 6 dĂ©cembre 2013 puisque le Conseil a validĂ© la possibilitĂ© pour lâadmi-nistration fiscale, aux fins dâexercice du contrĂŽle de lâimpĂŽt, de se fonder sur des docu-ments, piĂšces ou informations quelle que soit leur origine, Ă condition quâils lui aient Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement transmis au titre du droit de communication ou de lâassistance admi-nistrative internationale (Cons. Constit., 4 dĂ©cembre 2013, dĂ©cision no 2013-679 DC, Loi relative Ă la lutte contre la fraude fiscale et la grande dĂ©linquance Ă©conomique et financiĂšre), position reprise par le Conseil dâĂtat qui a jugĂ© que la seule circonstance que lâadministration ait disposĂ© dâinformations issues de documents obtenus de maniĂšre frauduleuse par un tiers est, par elle-mĂȘme, sans incidence sur la rĂ©gularitĂ© de la pro-cĂ©dure dâimposition (CE, 8e-3e chambres rĂ©unies, 20 octobre 2016, no 390639, men-tionnĂ© aux tables du Recueil Lebon).
On notera que dans la dĂ©cision prĂ©citĂ©e, le Conseil constitutionnel a Ă©galement examinĂ© la conformitĂ© Ă la Constitution de lâarticle 39 de la loi no 2013-1117 du 6 dĂ©cembre 2013, lequel avait pour objet de permettre Ă lâadministration fiscale de demander au juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention lâautorisation de procĂ©der Ă des visites domiciliaires sur le fondement de toute information quelle quâen soit lâorigine. Il a dĂ©cidĂ© que ces dispositions Ă©taient contraires Ă la Constitution, en ce quâelles privent de garanties lĂ©gales les exigences du droit au respect de la vie privĂ©e et, en particulier, de lâinviolabilitĂ© du domicile.
Ce faisant, il a confortĂ© la jurisprudence de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation qui, par deux arrĂȘts rendus en 2012, avait jugĂ© que la transmission par le procureur de la RĂ©publique, en application de lâarticle L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales, de documents volĂ©s ou dĂ©tournĂ©s ou prĂ©sumĂ©s lâĂȘtre, ne pouvait rendre licites leur dĂ©tention et leur production par les agents de lâadministra-tion fiscale Ă lâappui dâune demande de visites et saisies domiciliaires (Com., 31 jan-vier 2012, pourvoi no 11-13.097, Bull. 2012, IV, no 22, et Com., 21 fĂ©vrier 2012, pourvoi no 11-15.162).
II/ La prescription et la mise en Ćuvre des dispositions combinĂ©es des articles 755 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts et L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales
Sur le fond, le contribuable faisait valoir que les avoirs dĂ©tenus Ă lâĂ©tranger pro-venaient de la succession de sa mĂšre et de sa tante et que, sa mĂšre Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ©e le
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
16 mars 2006 et la dĂ©claration de succession dĂ©finitive dĂ©posĂ©e le 27 septembre 2006, la prescription en matiĂšre de droits dâenregistrement Ă©tait acquise au 31 dĂ©cembre 2012, conformĂ©ment aux dispositions de lâarticle L. 186 du livre des procĂ©dures fiscales, de sorte que lâadministration fiscale ne pouvait, sur le fondement de lâarticle L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales, demander des justifications que sur lâorigine et les moda-litĂ©s dâacquisition des avoirs figurant sur le compte, en dehors de tout autre Ă©lĂ©ment.
Cet arrĂȘt a Ă©tĂ© lâoccasion pour la Cour de cassation dâĂ©noncer que, selon les dispo-sitions combinĂ©es des articles 1649 A du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts et L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales, les personnes physiques domiciliĂ©es en France sont tenues de dĂ©clarer, en mĂȘme temps que leur dĂ©claration de revenus ou de rĂ©sultats, les rĂ©fĂ©rences des comptes ouverts utilisĂ©s ou clos Ă lâĂ©tranger. Lorsque cette obligation nâa pas Ă©tĂ© respectĂ©e au moins une fois au titre des dix annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, lâadministration peut demander Ă la personne physique soumise Ă cette obligation de fournir, dans un dĂ©lai de soixante jours, les informations ou justifications sur lâorigine et les modalitĂ©s dâacquisi-tion des avoirs figurant sur le compte et, lorsque la personne a rĂ©pondu de façon insuf-fisante aux demandes de lâadministration, elle lui adresse une mise en demeure dâavoir Ă complĂ©ter sa rĂ©ponse dans un dĂ©lai de trente jours, de sorte que le fait gĂ©nĂ©rateur de lâimposition correspond Ă la date dâexpiration des dĂ©lais prĂ©vus Ă lâarticle L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales et constitue le point de dĂ©part de la prescription dĂ©cen-nale fixĂ©e par lâarticle L. 181-0 A du livre des procĂ©dures fiscales.
Elle a, en application de ces principes, approuvĂ© la cour dâappel qui avait jugĂ© que le contribuable ne pouvait invoquer la prescription du droit de reprise de lâadminis-tration, sâagissant des avoirs quâil prĂ©tendait avoir hĂ©ritĂ© de sa mĂšre, puisquâil ne rap-portait pas la preuve de cette succession. Ainsi, le fait gĂ©nĂ©rateur de lâimposition devait ĂȘtre fixĂ© au 30 septembre 2013 soit trente jours aprĂšs lâenvoi de la mise en demeure.
Cet arrĂȘt fait application des principes identiques Ă ceux que retient le Conseil dâĂtat, selon lesquels dĂšs lors que le redevable nâapporte aucune prĂ©cision, ni aucun commencement de justification sur la nature des ressources ayant servi Ă constituer les avoirs figurant sur un compte dĂ©tenu Ă lâĂ©tranger non dĂ©clarĂ© Ă lâadministration fis-cale, ni sur la circonstance que ces ressources auraient dĂ©jĂ Ă©tĂ© imposĂ©es ou nâauraient pas Ă©tĂ© imposables, il ne fait pas Ă©chec Ă la prĂ©somption qui rĂ©sulte des articles 1649 A et 1649 quater A du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts de sorte que câest Ă bon droit que lâadmi-nistration fiscale regarde les sommes litigieuses, qui ne peuvent dâailleurs, par nature, quâĂȘtre qualifiĂ©es de revenus dâorigine indĂ©terminĂ©e dĂšs lors que le fait gĂ©nĂ©rateur de lâimposition est constituĂ© par la constatation du transfert et non par la perception ou par lâorigine de ces sommes, comme des revenus imposables (CE, 10e et 9e sous-sec-tions rĂ©unies, 4 fĂ©vrier 2015, no 365180, mentionnĂ© aux tables du Recueil Lebon).
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4. Propriété littéraire et artistique
PropriĂ©tĂ© littĂ©raire et artistique â Droits voisins du droit dâauteur â Droits des artistes-interprĂštes â Artiste-interprĂšte â Droits patrimoniaux et droits moraux â Exploitation des prestations â Exercice des droits dâexploitation des archives audiovisuelles par lâInstitut national de lâaudiovisuel â RĂ©gime dĂ©rogatoire â Article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 modifiĂ©e â ConformitĂ© Ă la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 â PortĂ©e1re Civ., 22 janvier 2020, pourvoi nÂș 17-18.177, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Le Gall et avis de Mme LegohĂ©relPar arrĂȘt du 14 novembre 2019 (affaire C-484/18), la Cour de justice de lâUnion euro-pĂ©enne a dit pour droit que lâarticle 2, sous b), et lâarticle 3, § 2, sous a), de la direc-tive 2001/29/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 22 mai 2001 sur lâharmonisation de certains aspects du droit dâauteur et des droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de lâinforma-tion, doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens quâils ne sâopposent pas Ă une lĂ©gislation natio-nale qui Ă©tablit, en matiĂšre dâexploitation dâarchives audiovisuelles par une institution dĂ©signĂ©e Ă cette fin, une prĂ©somption rĂ©fragable dâautorisation de lâartiste-interprĂšte Ă la fixation et Ă lâexploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprĂšte participe Ă lâen-registrement dâune Ćuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.DĂšs lors, ayant constatĂ©, dâabord, que lâINA a une mission particuliĂšre donnĂ©e par les lois successives de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national, quâil assure la conservation des archives audiovisuelles des sociĂ©tĂ©s nationales de programme et contribue Ă leur exploitation, ensuite, que les vidĂ©ogrammes et phonogrammes litigieux sont soumis au rĂ©gime dĂ©rogatoire dont bĂ©nĂ©ficie lâINA, ce dont il rĂ©sulte que lâartiste-inter-prĂšte avait participĂ© Ă la rĂ©alisation de ces Ćuvres aux fins de leur radiodiffusion par des sociĂ©tĂ©s nationales de programme et quâil avait, dâune part, connaissance de lâutilisation envisagĂ©e de sa prestation, dâautre part, effectuĂ© sa prestation aux fins dâune telle utilisa-tion, la cour dâappel a exactement Ă©noncĂ© quâen exonĂ©rant lâINA de prouver par un Ă©crit lâautorisation donnĂ©e par lâartiste-interprĂšte, lâarticle 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 modifiĂ©e ne supprime pas lâexigence de ce consentement mais instaure une prĂ©somption simple dâautorisation qui peut ĂȘtre combattue et ne remet pas en cause le droit exclusif de lâartiste-interprĂšte dâautoriser ou dâinterdire la reproduction de sa prestation ainsi que sa communication et sa mise Ă la disposition du public.
Lâarticle L. 212-3 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle impose la nĂ©cessitĂ© dâune autorisation Ă©crite de lâartiste-interprĂšte pour la fixation de sa prestation, la reproduc-tion de celle-ci et sa communication au public, et lâarticle L. 212-4 du mĂȘme code ins-taure une prĂ©somption dâautorisation de lâartiste-interprĂšte au profit du producteur dâĆuvre audiovisuelle.
Selon lâarticle 49 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative Ă la libertĂ© de communication (Loi LĂ©otard), lâInstitut national de lâaudiovisuel (INA), Ă©tablisse-ment public de lâĂtat Ă caractĂšre industriel et commercial, est chargĂ© de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national. Ă ce titre, il assure la conser-vation des archives audiovisuelles des sociĂ©tĂ©s nationales de programme et contribue Ă leur exploitation.
Le II de cet article, modifiĂ© par la loi no 2006-961 du 1er aoĂ»t 2006 relative au droit dâauteur et aux droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de lâinformation, prĂ©voit que lâINA exerce
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les droits dâexploitation mentionnĂ©s Ă ce paragraphe dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits dâauteurs ou de droits voisins du droit dâauteur, et de leurs ayants droit. Toutefois, par dĂ©rogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 prĂ©-citĂ©s, les conditions dâexploitation des prestations des artistes-interprĂštes des archives de lâINA et les rĂ©munĂ©rations auxquelles cette exploitation donne lieu sont rĂ©gies par des accords conclus entre les artistes-interprĂštes eux-mĂȘmes ou les organisations de salariĂ©s reprĂ©sentatives des artistes-interprĂštes et lâINA. Ces accords doivent notamment prĂ©-ciser le barĂšme des rĂ©munĂ©rations et les modalitĂ©s de versement de ces rĂ©munĂ©rations.
Cette disposition a pour objectif de permettre Ă lâINA dâexploiter son fonds dâar-chives mĂȘme sâil ne dispose pas des autorisations des artistes-interprĂštes ou de leurs ayants droit, ou des contrats conclus par les artistes-interprĂštes avec les producteurs. En effet, pour ses plus anciennes archives, les contrats ont pu disparaĂźtre et la recherche des ayants droit pourrait sâavĂ©rer longue et incertaine, ne permettant pas Ă lâINA de remplir sa mission.
Si cette disposition a Ă©tĂ© jugĂ©e conforme Ă la Constitution (Cons. const., 27 juil-let 2006, dĂ©cision no 2006-540 DC, Loi relative au droit dâauteur et aux droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de lâinformation) en ce que ce rĂ©gime dĂ©rogatoire est justifiĂ© par un intĂ©-rĂȘt gĂ©nĂ©ral suffisant et ne dĂ©nature pas les droits de propriĂ©tĂ© des artistes-interprĂštes, la question sâest posĂ©e de sa conformitĂ© Ă la directive 2001/29/CE du Parlement euro-pĂ©en et du Conseil du 22 mai 2001 sur lâharmonisation de certains aspects du droit dâauteur et des droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de lâinformation.
En effet, lâarticle 5 de la directive prĂ©citĂ©e offre la facultĂ© aux Ătats membres de prĂ©voir des exceptions et limitations au droit de reproduction et au droit de commu-nication au public visĂ©s aux articles 2 et 3 du mĂȘme texte, la liste de ces exceptions et limitations Ă©tant exhaustive.
Or, si lâarticle 49, II, de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 prĂ©citĂ©e devait sâin-terprĂ©ter comme constituant un rĂ©gime dĂ©rogatoire au fond en ce quâil dispenserait lâINA de toute autorisation de lâartiste-interprĂšte, et non comme instaurant une rĂšgle de preuve, alors sa conformitĂ© Ă la directive poserait question, dĂšs lors quâil ne corres-pond Ă aucune des exceptions et limitations prĂ©vues Ă lâarticle 5.
Il a Ă©tĂ© jugĂ© (1re Civ., 14 octobre 2015, pourvoi no 14-19.917, Bull. 2015, I, no 244) que lâapplication du rĂ©gime dĂ©rogatoire dont bĂ©nĂ©ficie lâINA nâest pas subordonnĂ©e Ă la preuve de lâautorisation par lâartiste-interprĂšte de la premiĂšre exploitation de sa prestation.
Toutefois, cet arrĂȘt ne prĂ©cisait pas pourquoi lâINA Ă©tait dispensĂ© de faire la preuve de lâautorisation par lâartiste-interprĂšte de la premiĂšre exploitation de sa prestation : Ă©tait-ce parce quâil bĂ©nĂ©ficie dâun rĂ©gime sans autorisation (rĂšgle de fond) ou bien dâune prĂ©somption dâautorisation (rĂšgle de preuve) ?
La cour dâappel statuant sur renvoi aprĂšs cassation (Versailles, 10 mars 2017, RG no 15/07483) a retenu que lâarticle 49, II, de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 prĂ©citĂ©e ne supprime pas lâexigence dâun consentement de lâartiste-interprĂšte mais instaure une prĂ©somption simple de consentement au profit de lâINA, dont la mise en Ćuvre est soumise Ă des accords collectifs, lesquels ont pour seul objectif de fixer la rĂ©munĂ©ration de lâartiste-interprĂšte.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres
Saisie par la Cour de cassation (1re Civ., 11 juillet 2018, pourvoi no 17-18.177, publiĂ© au Bulletin) dâune question prĂ©judicielle portant sur lâinterprĂ©tation des articles 2, 3 et 5 de la directive au regard de lâarticle 49, II, de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne a, par arrĂȘt du 14 novembre 2019 (CJUE, arrĂȘt du 14 novembre 2019, Spedidam e. a., C-484/18), dit pour droit que lâarticle 2, sous b), et lâarticle 3, § 2, sous a), de la directive 2001/29/CE prĂ©citĂ©e doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens quâils ne sâopposent pas Ă une lĂ©gislation nationale qui Ă©tablit, en matiĂšre dâexploitation dâarchives audiovisuelles par une institution dĂ©signĂ©e Ă cette fin, une prĂ©somption rĂ©fragable dâautorisation de lâartiste-interprĂšte Ă la fixation et Ă lâexploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprĂšte participe Ă lâenregistre-ment dâune Ćuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.
La Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (CJUE) valide ainsi, au regard du droit de lâUnion, le rĂ©gime probatoire spĂ©cial dont bĂ©nĂ©ficie lâINA, selon deux critĂšres : dâune part, lâexploitation dâarchives audiovisuelles est effectuĂ©e par une institution dĂ©signĂ©e Ă cette fin, dâautre part, lâartiste-interprĂšte a participĂ© Ă lâenregistrement de lâĆuvre audiovisuelle exploitĂ©e par lâINA aux fins de sa radiodiffusion.
Par son arrĂȘt du 22 janvier 2020, la Cour de cassation confirme que lâarticle 49, II, de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 prĂ©citĂ©e nâĂ©dicte quâune rĂšgle de preuve au profit de lâINA, pour lâexploitation de ses archives : celui-ci bĂ©nĂ©ficie dâune prĂ©somption simple dâau-torisation dâexploitation de lâartiste-interprĂšte ayant participĂ© Ă la rĂ©alisation des Ćuvres liti-gieuses aux fins de leur radiodiffusion par des sociĂ©tĂ©s nationales de programme. Ce rĂ©gime de preuve sâapplique dans le respect du droit des artistes-interprĂštes et de leurs ayants droit de percevoir la rĂ©munĂ©ration attachĂ©e Ă lâexploitation de leurs prestations.
PropriĂ©tĂ© littĂ©raire et artistique â Droits dâauteur â Droits patrimoniaux â Droit de reproduction â Limitations â Cas â Exception de copie privĂ©e â RĂ©munĂ©ration des auteurs, artistes-interprĂštes et producteurs â DĂ©biteur â DĂ©termination â PortĂ©e1re Civ., 5 fĂ©vrier 2020, pourvoi nÂș 18-23.752, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Canas et avis de M. ChaumontLorsquâun utilisateur rĂ©sidant en France fait lâacquisition, auprĂšs dâun vendeur professionnel Ă©tabli dans un autre Ătat membre de lâUnion europĂ©enne, dâun support dâenregistrement permettant la reproduction Ă titre privĂ© dâune Ćuvre protĂ©gĂ©e, et en cas dâimpossibilitĂ© dâassurer la perception de la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e auprĂšs de cet utilisateur, lâarticle L. 311-4 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens que cette rĂ©munĂ©ration est due par le vendeur qui a contribuĂ© Ă lâimportation dudit support en le mettant Ă la disposition de lâutilisateur final.
ConformĂ©ment aux articles L. 122-5, 2o, et L. 211-3, 2o, du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle, les titulaires de droits dâauteur et de droits voisins ne peuvent sâopposer Ă la rĂ©alisation de copies de lâĆuvre, Ă partir dâune source licite, si elles sont strictement rĂ©servĂ©es Ă lâusage privĂ© du copiste. Cependant, afin de compenser la perte financiĂšre rĂ©sultant de cette « exception de copie privĂ©e », la loi no 85-660 du 3 juillet 1985, rela-tive aux droits dâauteur et aux droits des artistes-interprĂštes, des producteurs de pho-nogrammes et de vidĂ©ogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, a instaurĂ©, Ă leur profit, une « rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e », collectĂ©e par une sociĂ©tĂ© de gestion collective et ensuite redistribuĂ©e aux ayants droit.
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Aux termes de lâarticle L. 311-4, alinĂ©a 1, du mĂȘme code, cette rĂ©munĂ©ration est versĂ©e par « le fabricant, lâimportateur ou la personne qui rĂ©alise des acquisitions intra-communautaires, au sens du 3o du I de lâarticle 256 bis du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, de supports dâenregistrement utilisables pour la reproduction Ă usage privĂ© dâĆuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports ».
Se conformant strictement Ă la lettre de ce texte, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation avait exclu quâun cybercommerçant Ă©tabli dans un autre Ătat membre de lâUnion europĂ©enne, nâayant pas instituĂ© la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e, puisse ĂȘtre assujetti au paiement de cette redevance, Ă dĂ©faut de « revĂȘt [ir] aucune de ces trois qualitĂ©s » (1re Civ., 27 novembre 2008, pourvoi no 07-15.066, Bull. 2008, I, no 268).
Mais la nĂ©cessitĂ© dâune « compensation Ă©quitable » au bĂ©nĂ©fice des titulaires de droits a Ă©galement Ă©tĂ© consacrĂ©e par lâarticle 5, § 2, de la directive 2001/29/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 22 mai 2001 sur lâharmonisation de certains aspects du droit dâauteur et des droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de lâinformation, la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne ayant dit pour droit quâil sâagissait dâune « notion autonome du droit de lâUnion, qui doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e dâune maniĂšre uniforme dans tous les Ătats membres ayant introduit une exception de copie privĂ©e, indĂ©pendam-ment de la facultĂ© reconnue Ă ceux-ci de dĂ©terminer, dans les limites imposĂ©es par le droit de lâUnion, notamment par la mĂȘme directive, la forme, les modalitĂ©s de finan-cement et de perception ainsi que le niveau de cette compensation Ă©quitable » (CJUE, arrĂȘt du 21 octobre 2010, Padawan, C-467/08).
Lâarticle L. 311-4 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle doit donc ĂȘtre interprĂ©tĂ© Ă la lumiĂšre de cette directive pour atteindre le rĂ©sultat visĂ© par celle-ci, sans que, toute-fois, lâobligation dâinterprĂ©tation conforme ne puisse servir de fondement Ă une inter-prĂ©tation contra legem du droit national (voir, notamment, en ce sens : CJCE, arrĂȘt du 13 novembre 1990, Marleasing SA, C-106/89, point 8 ; CJUE, arrĂȘt du 19 avril 2016, DI, C-441/14, points 30 Ă 32 ; 1re Civ., 15 mai 2015, pourvoi no 14-13.151, Bull. 2015, I, no 117). Les juridictions nationales sont, en outre, tenues de prendre en considĂ©ration lâinterprĂ©tation que la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne a donnĂ©e de ces disposi-tions du droit de lâUnion, dĂšs lors quâelle « Ă©claire et prĂ©cise, lorsque le besoin en est, la signification et la portĂ©e de cette rĂšgle, telle quâelle doit ou aurait dĂ» ĂȘtre comprise et appliquĂ©e depuis le moment de sa mise en vigueur » (CJCE, arrĂȘt du 10 fĂ©vrier 2000, Deutsche Telekom AG contre Lilli Schröder, C-50/96, point 43).
Or, par arrĂȘt du 16 juin 2011 (CJUE, arrĂȘt du 16 juin 2011, Stichting de Thuiskopie, C-462/09), la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne a dit pour droit que : « La direc-tive 2001/29, en particulier son article 5, § 2, b), et 5, doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e en ce sens quâil incombe Ă lâĂtat membre qui a instituĂ© un systĂšme de redevance pour copie privĂ©e Ă la charge du fabricant ou de lâimportateur de supports de reproduction dâĆuvres pro-tĂ©gĂ©es, et sur le territoire duquel se produit le prĂ©judice causĂ© aux auteurs par lâutilisa-tion Ă des fins privĂ©es de leurs Ćuvres par des acheteurs qui y rĂ©sident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation Ă©quitable destinĂ©e Ă les indemniser de ce prĂ©judice. Ă cet Ă©gard, la seule circonstance que le vendeur professionnel dâĂ©qui-pements, dâappareils ou de supports de reproduction est Ă©tabli dans un Ătat membre autre que celui dans lequel rĂ©sident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obli-gation de rĂ©sultat. Il appartient Ă la juridiction nationale, en cas dâimpossibilitĂ© dâassu-rer la perception de la compensation Ă©quitable auprĂšs des acheteurs, dâinterprĂ©ter le
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres
droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprĂšs dâun dĂ©bi-teur agissant en qualitĂ© de commerçant. »
En considĂ©ration de cette dĂ©cision, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cas-sation, saisie Ă nouveau de la question de la dĂ©termination du dĂ©biteur de la rĂ©munĂ©-ration pour copie privĂ©e, est revenue sur la solution adoptĂ©e dans son arrĂȘt, prĂ©citĂ©, du 27 novembre 2008 : par arrĂȘt du 5 fĂ©vrier 2020, elle a jugĂ© que, lorsquâun utilisateur rĂ©sidant en France fait lâacquisition, auprĂšs dâun vendeur professionnel Ă©tabli dans un autre Ătat membre de lâUnion europĂ©enne, dâun support dâenregistrement permettant la reproduction Ă titre privĂ© dâune Ćuvre protĂ©gĂ©e, et en cas dâimpossibilitĂ© dâassurer la perception de la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e auprĂšs de cet utilisateur, lâarticle L. 311-4 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens que cette rĂ©munĂ©ration est due par le vendeur qui a contribuĂ© Ă lâimportation dudit support en le mettant Ă la disposition de lâutilisateur final.
Faisant application de cette nouvelle rĂšgle jurisprudentielle, elle a, dans lâaffaire qui lui Ă©tait soumise, approuvĂ© une cour dâappel dâavoir retenu quâune sociĂ©tĂ© luxem-bourgeoise, qui proposait de tels supports Ă la vente sur Internet, Ă©tait redevable du paiement de la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e, aprĂšs avoir relevĂ© que les commandes effectuĂ©es par des consommateurs français, Ă partir de son site rĂ©digĂ© en français et per-mettant le paiement en euros, Ă©taient livrĂ©es sur le territoire national.
5. Sociétés
SociĂ©tĂ© en nom collectif â AssociĂ©s â Revendication de la qualitĂ© dâassociĂ© â Conjoint dâun associĂ© â Conditions â Consentement unanime des associĂ©sCom., 18 novembre 2020, pourvoi nÂș 18-21.797, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Ponsot et avis de Mme BeaudonnetIl rĂ©sulte de la combinaison des articles 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil et L. 221-13 du code de commerce que la revendication de la qualitĂ© dâassociĂ© par le conjoint dâun associĂ© en nom, bien que ne constituant pas une cession, est subordonnĂ©e au consentement una-nime des autres associĂ©s, qui rĂ©pondent indĂ©finiment et solidairement des dettes sociales.
La revendication de la qualitĂ© dâassociĂ© par lâĂ©poux dâun associĂ© en nom dâune sociĂ©tĂ© en nom collectif (SNC) est-elle soumise Ă lâagrĂ©ment des autres associĂ©s ? Le cas Ă©chĂ©ant, sous quelle forme lâagrĂ©ment de lâautre associĂ© peut-il ĂȘtre donnĂ© ?
Câest Ă cette double question inĂ©dite que la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation a eu Ă rĂ©pondre.
Dans cette affaire, lâĂ©pouse avait, au cours de la procĂ©dure de divorce, (on rappellera que la revendication peut intervenir aussi longtemps que le jugement de divorce nâest pas passĂ© en force de chose jugĂ©e : Com., 18 novembre 1997, pourvoi no 95-16.371, Bull. 1997, IV, no 298), notifiĂ© son intention dâĂȘtre personnellement associĂ©e Ă hauteur de la moitiĂ© des parts de la SNC crĂ©Ă©e par son Ă©poux Ă lâaide de biens communs avec un autre associĂ©, en application de lâarticle 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Aucune rĂ©ponse nâayant Ă©tĂ© donnĂ©e Ă cette demande, lâĂ©pouse a, quelques annĂ©es plus tard, dans le cadre des opĂ©rations de liquidation de la communautĂ©, saisi le juge dâune demande Ă cet effet.
La cour dâappel le lui refuse en considĂ©rant que cette revendication nĂ©cessitait lâac-cord de lâautre associĂ©, en application de lâarticle L. 221-13 du code de commerce, et que cet accord nâa pas Ă©tĂ© valablement donnĂ© par le courrier de lâavocat de lâautre asso-ciĂ©, adressĂ© huit ans aprĂšs la notification initiale, faisant Ă©tat de lâabsence dâopposition de son client Ă cette revendication.
Devant la Cour de cassation, se prĂ©valant des dĂ©bats parlementaires ayant prĂ©cĂ©dĂ© lâadoption de la loi no 82-596 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints dâartisans et de commerçants travaillant dans lâentreprise familiale, lâĂ©pouse faisait valoir que la reven-dication de la qualitĂ© dâassociĂ© ainsi effectuĂ©e ne rĂ©alise pas une cession, de sorte quâen lâabsence de clause dâagrĂ©ment prĂ©vue Ă cet effet dans les statuts, les obstacles Ă la libre cessibilitĂ© des parts, quâils rĂ©sultent des statuts ou de la loi, ne lui sont pas opposables.
Dans un attendu de principe au double visa des articles 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil et L. 221-13 du code de commerce, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©co-nomique de la Cour de cassation, tout en convenant quâil ne sâagit pas dâune cession, rejette le pourvoi, en soulignant que les associĂ©s rĂ©pondent indĂ©finiment et solidaire-ment des dettes sociales.
Ce faisant, la Cour de cassation indique quâelle a fait prĂ©valoir la caractĂ©ristique dominante de la SNC sur le mĂ©canisme prĂ©vu par lâarticle 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil.
On sait en effet que la SNC se caractĂ©rise par un intuitus personae et un jus frater-natis particuliĂšrement marquĂ©s, qui sâexpriment par la responsabilitĂ© indĂ©finie et soli-daire de chaque associĂ© (article L. 221-1 du code de commerce), par le fait que, sauf clause contraire, chaque associĂ© est gĂ©rant et a donc le pouvoir dâengager la sociĂ©tĂ© (L. 221-3 du code de commerce), ou encore par la soumission des dĂ©cisions excĂ©dant les pouvoirs des gĂ©rants Ă la rĂšgle de lâunanimitĂ©, sauf clause contraire (L. 221-6 du code de commerce).
Ces caractĂ©ristiques justifient, pour la Cour de cassation, que lâirruption du conjoint dâun associĂ© soit soumise Ă lâagrĂ©ment des autres, comme sâil sâagissait dâune cession.
Cette solution est cohĂ©rente avec la rĂšgle qui veut que lâon ne puisse augmenter les engagements dâun associĂ© sans son consentement (article 1836, alinĂ©a 2, du code civil). Or, lâentrĂ©e dâun associĂ© insolvable est de nature Ă augmenter la contribution des autres Ă la dette. Ainsi, dans une SNC comprenant deux associĂ©s, chacun doit contri-buer Ă la dette Ă hauteur de la moitiĂ© ; si le conjoint de lâun dâeux revendique la qua-litĂ© dâassociĂ© mais sâavĂšre insolvable, la contribution Ă la dette de lâautre associĂ© risque donc dâĂȘtre portĂ©e aux deux tiers.
Par ailleurs, sâil est incontestable que le dispositif de lâarticle 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil est dâordre public en ce sens que les statuts ne sauraient exclure sa mise en Ćuvre, cet ordre public est nĂ©anmoins relatif puisque, prĂ©cisĂ©ment, la loi permet de prĂ©voir une clause dâagrĂ©ment Ă cet effet. Par contraste, la nĂ©cessitĂ© dâobtenir lâagrĂ©-ment des associĂ©s dâune SNC exprime un ordre public absolu, toute clause contraire Ă©tant exclue par lâarticle L. 221-13 du code de commerce. La seule attĂ©nuation Ă cette rĂšgle concerne la possibilitĂ© dâinsĂ©rer, au profit du conjoint ou des hĂ©ritiers, une clause
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
de continuation en cas de dĂ©cĂšs dâun des associĂ©s (article L. 221-15 du code de com-merce) : mais lâenjeu est ici dâĂ©viter la dissolution de plein droit de la sociĂ©tĂ©.
Restait alors la question de lâexpression du consentement de lâautre associĂ©. Ce point est important, tant il est nĂ©cessaire de savoir Ă partir de quand un associĂ© peut engager la sociĂ©tĂ©. Il en est de mĂȘme pour lâaccomplissement des formalitĂ©s de publi-citĂ© au registre du commerce et des sociĂ©tĂ©s (RCS).
La Cour de cassation approuve la cour dâappel de considĂ©rer que lâabsence dâop-position exprimĂ©e huit ans aprĂšs par un courrier de lâavocat de lâautre associĂ© ne suffit pas. Faisant Ćuvre de pĂ©dagogie, elle prĂ©cise quâil aurait fallu que ce consentement, donnĂ© par dĂ©finition par acte sĂ©parĂ©, soit annexĂ© au procĂšs-verbal prĂ©vu par lâarticle R. 221-2 du code de commerce.
Sâagissant, en effet, dâun consentement requis dâun seul associĂ©, la Cour de cassation pouvait difficilement exiger une dĂ©libĂ©ration collĂ©giale et elle a raisonnĂ© par analogie avec les rĂšgles prĂ©vues en cas de consultation Ă©crite (il nâest guĂšre besoin de rappe-ler que la SNC ne connaĂźt pas de forme unipersonnelle, de sorte quâil nâexiste pas de rĂšgles organisant la prise de dĂ©cision par un associĂ© unique).
Incidemment, lâarrĂȘt commentĂ© vient confirmer le fait que le consentement de lâĂ©poux associĂ© nâest pas requis : ainsi lâun des objectifs de lâarticle 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil, qui est de surmonter lâobstacle mis par lâun des Ă©poux Ă la participation de lâautre Ă la gestion des biens communs, est-il entiĂšrement prĂ©servĂ©. On peut, en effet, imaginer quâun Ă©poux soit opposĂ© Ă lâentrĂ©e de son conjoint dans la sociĂ©tĂ©, mais que les autres associĂ©s y soient favorables.
E. Responsabilité civile, assurance et sécurité sociale
1. Assurance
Assurance responsabilitĂ© â Garantie â Ătendue â Globalisation du sinistre â Article L. 124-1-1 du code des assurances â Exclusion â Cas â Manquement Ă ses obligations dâinformation et de conseil â ResponsabilitĂ© de lâassurĂ©2e Civ., 24 septembre 2020, pourvois no 18-12.593 et no 18-13.726, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Besson et avis de Mme NicolĂ©tisLes dispositions de lâarticle L. 124-1-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables Ă la responsabilitĂ© encourue par un professionnel en cas de manquements Ă ses obligations dâinformation et de conseil, celles-ci, individua-lisĂ©es par nature, excluant lâexistence dâune cause technique, au sens de ce texte, per-mettant de les assimiler Ă un fait dommageable unique.
La Cour de cassation Ă©tait saisie par deux assureurs couvrant la responsabilitĂ© dâune sociĂ©tĂ© spĂ©cialisĂ©e en conseil en gestion de patrimoine, Ă laquelle plusieurs de ses clients avaient confiĂ© un mandat de recherche de produits de dĂ©fiscalisation, de pourvois formĂ©s contre un arrĂȘt de cour dâappel les obligeant Ă garantir cette sociĂ©tĂ© de condamnations
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
prononcĂ©es en faveur de lâun de ses clients ayant fait lâobjet dâun redressement fiscal, en raison de divers manquements Ă ses obligations de proposer Ă celui-ci des investis-sements en adĂ©quation avec sa situation et ses attentes et de lâinformer des risques fis-caux attachĂ©s Ă ceux-ci.
Exposant que ces manquements sâĂ©taient Ă©tendus sur deux annĂ©es consĂ©cutives et quâen outre ils avaient Ă©tĂ© saisis de diffĂ©rentes rĂ©clamations Ă©manant dâautres clients de leur assurĂ©e, les assureurs, soutenant que ces rĂ©clamations procĂ©daient toutes dâune mĂȘme cause technique tenant Ă des dĂ©faillances rĂ©pĂ©tĂ©es de leur assurĂ©e dans lâexĂ©cu-tion de ses obligations, et quâils Ă©taient ainsi fondĂ©s Ă lui opposer la « globalisation » de tous ces sinistres en un sinistre unique, pour leur appliquer le plafond annuel de garantie prĂ©vu par sinistre, critiquaient lâarrĂȘt attaquĂ© qui retenait au contraire que ces manquements imputĂ©s Ă lâassurĂ©e Ă©taient spĂ©cifiques Ă lâaffaire qui lâopposait au client concernĂ© et nâavaient pas une mĂȘme cause technique que ceux qui lui Ă©taient reprochĂ©s Ă lâappui des rĂ©clamations qui avaient Ă©tĂ© formĂ©es par dâautres clients.
Les demandeurs au pourvoi, invoquant un manque de base lĂ©gale au regard de lâarticle L.124-1-1 du code des assurances, reprochaient de ce fait Ă la cour dâappel de nâavoir pas recherchĂ© si les diffĂ©rents manquements de leur assurĂ©e Ă son obliga-tion dâinformer ses clients du risque fiscal qui sâĂ©tait produit « ne procĂ©daient pas dâun mĂȘme vice de conception de la prĂ©sentation des produits de dĂ©fiscalisation et dâune mĂȘme erreur dâanalyse quant Ă lâĂ©tendue des risques fiscaux attachĂ©s Ă ces produits », soit « dâune mĂȘme cause technique », et sâils ne devaient pas « dĂšs lors ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme un fait dommageable unique ».
Il convient de rappeler que lâarticle L. 124-1-1 du code des assurances qui fondait ainsi la critique, dispose :
â « Au sens du prĂ©sent chapitre, constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causĂ©s Ă des tiers, engageant la responsabilitĂ© de lâassurĂ©, rĂ©sultant dâun fait dommageable et ayant donnĂ© lieu Ă une ou plusieurs rĂ©clamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause gĂ©nĂ©ratrice du dommage. Un ensemble de faits domma-geables ayant la mĂȘme cause technique est assimilĂ© Ă un fait dommageable unique. »
Ce texte, issu de la loi no 2003-706 du 1er aoĂ»t 2003 de sĂ©curitĂ© financiĂšre, a de la sorte consacrĂ© la validitĂ© du mĂ©canisme connu par la pratique sous le nom de « globali-sation des sinistres », lequel permet de considĂ©rer comme un sinistre unique des sinistres sĂ©riels subis par une pluralitĂ© de victimes, dĂšs lors quâils ont la mĂȘme cause technique.
Au cas particulier, la clause de la police dâassurance stipulant une telle globalisation reprenait littĂ©ralement Ă lâidentique â Ă la seule exception non significative de lâexpres-sion « dommages causĂ©s Ă des tiers », Ă laquelle Ă©tait substituĂ©e celle de « dommages causĂ©s Ă autrui » â le texte de lâarticle L. 124-1-1 du code des assurances, en sorte que la problĂ©matique soulevĂ©e, qui consistait Ă dĂ©terminer si les manquements Ă ses obliga-tions qui Ă©taient imputĂ©s Ă lâassurĂ©e relevaient dâune « mĂȘme cause technique », devait ĂȘtre envisagĂ©e Ă lâaune de celui-ci.
Mais au-delĂ des questionnements rĂ©currents que cette notion de « mĂȘme cause technique », qui demeure encore source dâincertitude, a suscitĂ©s tant en doctrine (cf. : J. Kullmann soulignant « la part dâombre » subsistant dans lâapprĂ©hension des sinistres sĂ©riels (Revue gĂ©nĂ©rale du droit des assurances, 1er juillet 2013, no 2013-03, pages 610 et 692 ; « Droit des assurances », JCP Ă©d. G no 14, 1er avril 2013, chronique
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
de jurisprudence, doctrine 400) ; M. Chagny, Droit des assurances, dĂ©cembre 2018, LGDJ, no 683 ; D. Bakouche, « La globalisation des sinistres », ResponsabilitĂ© civile et assurances no 9, septembre 2016, dossier 22, no 10 ; H. Groutel, F. Leduc, Ph. Pierre et M. Asselain, TraitĂ© du contrat dâassurance terrestre, 2008, LexisNexis-Litec, no 1733, p. 1090) quâen jurisprudence, la difficultĂ© qui sâattachait spĂ©cifiquement Ă cette dĂ©marche tenait ici Ă la nature particuliĂšre de lâensemble des faits dommageables considĂ©rĂ©s.
Si cette notion peut en effet ĂȘtre assez aisĂ©ment cernĂ©e lorsque les faits domma-geables Ă lâorigine de plusieurs sinistres procĂšdent concrĂštement et factuellement dâun mĂȘme vice affectant des objets ou produits (voitures, appareils Ă©lectromĂ©nagers, tuiles, mĂ©dicaments, etc.) issus dâun processus de conception ou de fabrication dĂ©fectueux, elle se conçoit en revanche plus difficilement lorsquâelle se rapporte Ă des faits de nature juridique tels quâune prestation de services, et il est alors plus dĂ©licat de dĂ©terminer si des manquements rĂ©pĂ©tĂ©s Ă une obligation dâinformation quâun assurĂ© doit dispen-ser Ă ses diffĂ©rents clients, en lâadaptant Ă leurs profils particuliers, relĂšvent bien dâune cause technique unique.
Il a cependant Ă©tĂ© observĂ© que, dans une affaire qui concernait lâexposition de salariĂ©s Ă lâamiante, Ă lâoccasion de laquelle Ă©tait invoquĂ©e la faute inexcusable dâun employeur que son assurance de responsabilitĂ© couvrait pour les rĂ©clamations formulĂ©es en raison dâune « violation des rĂšgles relatives aux rapports sociaux », la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait retenu lâexistence dâune mĂȘme cause technique dans « le non-respect allĂ©guĂ© de lâobligation de sĂ©curitĂ© de rĂ©sultat de lâemployeur ayant rendu possible lâexposition Ă lâamiante » (2e Civ., 3 mars 2016, pourvoi no 15-11.001).
Au cas particulier soumis par les pourvois, oĂč lâassurĂ©e proposait des produits spĂ©ci-fiques dont la conception ressortissait Ă une activitĂ© dâingĂ©nierie financiĂšre mettant en Ćuvre des techniques juridiques, et qui avait pour objectif la rĂ©alisation dâavantages fis-caux, il sâagissait donc de dĂ©terminer si lâinformation relative aux risques Ă©ventuels quâils prĂ©sentaient Ă©tait une donnĂ©e dâune nature telle que les manquements successifs et/ou rĂ©pĂ©tĂ©s du professionnel Ă ses obligations procĂ©daient, au sens de lâarticle L. 124- 1-1 du code des assurances, dâune « mĂȘme cause technique » Ă lâorigine de lâensemble des dommages subis par ses diffĂ©rents clients, rĂ©sultant de lâimpossibilitĂ© oĂč ceux-ci sâĂ©taient en dĂ©finitive trouvĂ©s dâobtenir la dĂ©fiscalisation de leurs investissements.
Relevant que les obligations dâinformation et de conseil Ă©taient « individualisĂ©es par nature », et que lâassurĂ©e en Ă©tait « spĂ©cifiquement dĂ©bitrice Ă lâĂ©gard » de son client concernĂ©, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a considĂ©rĂ©, au terme de lâarrĂȘt commentĂ©, que ceci excluait lâexistence dâune mĂȘme cause technique au sens de lâarticle L. 124-1-1, en posant en rĂšgle :
â « Les dispositions de lâarticle L. 124-1 du code des assurances consacrant la globali-sation des sinistres ne sont pas applicables Ă la responsabilitĂ© encourue par un profes-sionnel en cas de manquements Ă ses obligations dâinformation et de conseil, celles-ci, individualisĂ©es par nature, excluant lâexistence dâune cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler Ă un fait dommageable unique. »
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Assurance (rĂšgles gĂ©nĂ©rales) â Recours contre le tiers responsable â Subrogation lĂ©gale â Article L. 121-12 du code des assurances â Dispositions non impĂ©ratives â Cession des droits et actions nĂ©s des dommages â PossibilitĂ©Com., 21 octobre 2020, pourvoi nÂș 19-16.206, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Fontaine et avis de Mme GuinamantUne personne, assurĂ©e contre le risque dâavaries et pertes subies par des marchandises transportĂ©es, peut librement consentir Ă son assureur une cession de ses droits et actions nĂ©s des dommages, de sorte que ce dernier peut agir en responsabilitĂ© contre le com-missionnaire de transport et le transporteur sur le fondement de cette seule cession et non par voie de subrogation.
Un assureur dommages est en droit dâagir contre lâauteur dâun dommage causĂ© Ă son assurĂ© soit en application de la subrogation lĂ©gale soit en justifiant dâune subro-gation conventionnelle, puisque son recours peut ĂȘtre fondĂ© sur lâarticle L. 121-12 du code des assurances, ou sur lâancien article 1251, 3o, du code civil (devenu lâarticle 1346 de ce code) ou sur lâancien article 1250 du mĂȘme code (aujourdâhui lâarticle 1346-1).
La premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation a en effet affirmĂ© que « la subro-gation lĂ©gale de lâassureur contre le tiers responsable, instituĂ©e par les dispositions de lâarticle L. 121-12 du code des assurances, qui ne sont pas impĂ©ratives, nâexclut pas lâĂ©ventualitĂ© dâune subrogation conventionnelle » (1re Civ., 9 dĂ©cembre 1997, pour-voi no 95-19.003, Bull. 1997, I, no 355 ; 1re Civ., 29 avril 2003, pourvoi no 00-13.861).
Et la deuxiĂšme chambre civile a prĂ©cisĂ© que « lâassureur qui a payĂ© lâindemnitĂ© dâas-surance dispose contre les tiers qui, par leur fait, ont causĂ© le dommage ayant donnĂ© lieu Ă la responsabilitĂ© de lâassureur, non seulement de la subrogation lĂ©gale de lâar-ticle L. 121-12 du code des assurances, mais aussi du droit dâinvoquer la subrogation conventionnelle dans les droits de son assurĂ©, prĂ©vue par lâarticle 1250 du code civil, rĂ©sultant de la volontĂ© expresse de ce dernier, manifestĂ©e concomitamment ou antĂ©rieu-rement au paiement reçu de lâassureur, sans avoir Ă Ă©tablir que ce rĂšglement a Ă©tĂ© fait en exĂ©cution de son obligation contractuelle de garantie » (2e Civ., 17 novembre 2016, pourvoi no 15-25.409, Bull. 2016, II, no 251).
Ce « double mĂ©canisme subrogatoire » est-il exclusif de la possibilitĂ© dâagir au titre dâune cession des droits de lâassurĂ© ?
Câest cette question qui Ă©tait posĂ©e dans ce pourvoi, rendu en matiĂšre de droit des transports.
Dans la prĂ©sente affaire, des marchandises ayant Ă©tĂ© volĂ©es en cours dâachemine-ment, lâassureur du commettant a assignĂ© le commissionnaire de transport et le voi-turier en paiement de la valeur des marchandises, sur le fondement dâune cession de droits consentie par son assurĂ©.
Lâaction de cet assureur a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e recevable tant par le jugement que par lâarrĂȘt.
La question principale du pourvoi portait sur cette recevabilitĂ©, contestĂ©e par le com-missionnaire au motif que le mĂ©canisme de la subrogation prĂ©vu par le code des assu-rances serait exclusif de la possibilitĂ© dâagir au titre dâune cession des droits de lâassurĂ©.
La pratique trĂšs ancienne dâinsĂ©rer dans les polices dâassurances une clause de ces-sion de droits et actions, en vertu de laquelle, Ă lâavance, lâassurĂ© transmettait Ă lâassureur
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
son droit éventuel de recours contre le tiers responsable, avait été validée par la jurispru-dence (Civ., 3 février et 5 août 1886, DP 1886, I, 173 ; 3 novembre 1928, DH 1928.605).
Mais Ă la suite de lâentrĂ©e en vigueur de la loi du 13 juillet 1930 (dite Godart) rela-tive au contrat dâassurances, plusieurs arrĂȘts de la Cour de cassation ont posĂ© expres-sĂ©ment le principe que « lâarticle 36 de la loi (devenu lâarticle L. 121-12 du code des assurances), en subrogeant lâassureur qui a payĂ© lâindemnitĂ© dâassurance, jusquâĂ concur-rence de cette indemnitĂ©, dans les droits et actions de son assurĂ© contre le tiers qui a causĂ© le dommage, dĂ©termine le seul moyen offert Ă lâassureur pour se prĂ©valoir de ces droits Ă lâencontre de lâauteur du sinistre, prohibant ainsi toute cession conven-tionnelle de ceux-ci » (Chambre civile, 5 mars 1945 ; 1re Civ., 8 juillet 1968, Bull. 1968, no 198 ; 3e Civ., 5 fĂ©vrier 1985, pourvoi no 83-15.080, Bull. 1985, III, no 22 ; 1re Civ., 2 juillet 1985, pourvoi no 84-12.327, Bull. 1985, I, no 213 ; 1re Civ., 9 juillet 1985, pour-voi no 84-12.327, Bull. 1985, I, no 213).
Toutefois, sâagissant de la matiĂšre trĂšs particuliĂšre du droit des transports (le seul arrĂȘt rendu sur cette question en droit des transports, rendu dans le sens de ces arrĂȘts, Ă©tant ancien et isolĂ© (Com., 25 juin 1996, pourvoi no 94-10.962)), la question posĂ©e ne peut ĂȘtre dissociĂ©e, dans son analyse, de la pratique professionnelle ou des incidences Ă©conomiques, de plus en plus internationalisĂ©es.
Ainsi, pour certains auteurs (Lamy transport, tome 1, no 979), la cession de droits ne peut pas ĂȘtre Ă©cartĂ©e : « lâassureur aura toujours intĂ©rĂȘt Ă se prĂ©valoir de la subroga-tion (lĂ©gale ou conventionnelle). Si toutefois les conditions de celle-ci ne sont pas rĂ©u-nies, il pourra, pour autant quâaient Ă©tĂ© respectĂ©es les dispositions des articles 1689 et suivants du code civil, se prĂ©valoir de la cession de droits ».
En droit maritime, les praticiens « recourent encore largement aux cessions de droit, du fait de la complexité de certaines situations maritimes ».
Et la cession de droits et actions, beaucoup plus souple dans ses conditions que la subrogation, est couramment admise par les législations étrangÚres.
En outre, aucun texte ne vient, mĂȘme implicitement, prohiber la facultĂ© pour lâas-sureur de bĂ©nĂ©ficier dâune telle cession, pour un litige passĂ© ou Ă venir. Quant Ă lâar-ticle L. 172-29 du code des assurances, applicable aux contrats dâassurance qui ont pour objet de garantir les risques relatifs au transport des marchandises par voie maritime, aĂ©rienne ou terrestre, il ne parle pas de subrogation mais dâacquisition par lâassureur, Ă concurrence de son paiement, de tous les droits de lâassurĂ© nĂ©s des dommages qui ont donnĂ© lieu Ă garantie.
Par le prĂ©sent arrĂȘt, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation, statuant en matiĂšre dâassurance-transport de marchandises, vient donc affirmer que lâassureur de dommages peut se retourner contre le responsable du dom-mage sur le fondement dâune cession de droits et actions et approuve les juges du fond pour avoir dĂ©clarĂ© recevable son action.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
2. Sécurité sociale
SĂ©curitĂ© sociale â Caisse â CrĂ©ances â RĂ©duction â PrĂ©caritĂ© de la situation du dĂ©biteur â Office du juge2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi nÂș 18-26.512, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Vigneras et avis de M. GaillardotDĂšs lors quâil est rĂ©guliĂšrement saisi dâun recours contre la dĂ©cision administrative ayant rejetĂ© en totalitĂ© ou en partie une demande de remise gracieuse dâune dette nĂ©e de lâap-plication de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale au sens de lâarticle L. 256-4 du code de la sĂ©curitĂ© sociale, il entre dans lâoffice du juge dâapprĂ©cier si la situation de prĂ©caritĂ© du dĂ©biteur justifie une remise totale ou partielle de la somme litigieuse.
Saisie dâun pourvoi dirigĂ© contre un jugement accordant Ă une assurĂ©e la remise gra-cieuse de la totalitĂ© des indus de pension dâinvaliditĂ© dont elle Ă©tait redevable, la Cour de cassation a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă revenir sur sa jurisprudence dĂ©terminant lâoffice du juge quant Ă la remise des dettes nĂ©es de lâapplication de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale.
Dans leur rĂ©daction applicable au litige, les dispositions de lâarticle L. 256-4 du code de la sĂ©curitĂ© sociale Ă©noncent que, sauf en ce qui concerne les cotisations et majora-tions de retard (lesquelles font lâobjet de rĂšgles qui leur sont propres), les crĂ©ances des caisses nĂ©es de lâapplication de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale, peuvent ĂȘtre rĂ©duites en cas de prĂ©caritĂ© de la situation du dĂ©biteur par dĂ©cision motivĂ©e de la caisse.
On relĂšvera que ces dispositions ont Ă©tĂ© modifiĂ©es, postĂ©rieurement au litige, par la loi no 2017-1836 du 30 dĂ©cembre 2017 de financement de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2018 qui exclut toute remise gracieuse de lâindu en cas de manĆuvre frauduleuse ou de fausses dĂ©clarations de lâassurĂ© ou de lâallocataire.
JusquâĂ prĂ©sent, la Cour de cassation jugeait de maniĂšre constante, sur le fondement de ces dispositions, que les organismes de sĂ©curitĂ© sociale avaient seuls qualitĂ© pour rĂ©duire le montant de leurs crĂ©ances nĂ©es de lâapplication de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale en cas de prĂ©caritĂ© de la situation du dĂ©biteur. Il nâentrait pas dans les pouvoirs du juge du contentieux gĂ©nĂ©ral de la sĂ©curitĂ© sociale de statuer sur une telle demande (Soc., 31 octobre 1991, pourvoi no 89-20.720, Bull. 1991, V, no 463 ; Soc., 19 mars 1992, pourvoi no 89-21.056, Bull. 1992, V, no 203 ; 2e Civ., 10 mai 2012, pourvoi no 11-11.278, Bull. 2012, II, no 79 ; 2e Civ., 22 janvier 2015, pourvoi no 14-10.505).
On observera toutefois que le dernier arrĂȘt publiĂ© sur ce point se rapportait Ă un pourvoi dirigĂ© contre un jugement statuant, non pas sur un recours formĂ© contre la dĂ©cision de lâorganisme social de rejeter, en tout ou partie, une demande de remise de dette, mais sur une demande de remise de dette prĂ©sentĂ©e directement devant le tri-bunal des affaires de sĂ©curitĂ© sociale. Câest dans ces conditions que la Cour de cassa-tion a rappelĂ© que seules les caisses de sĂ©curitĂ© sociale avaient qualitĂ© pour rĂ©duire le montant de leurs crĂ©ances (2e Civ., 29 novembre 2018, pourvoi no 17-20.278, publiĂ© au Bulletin ; RJS 2019, no 128).
Câest Ă cette jurisprudence constante que la Cour de cassation a entendu mettre fin : ayant rappelĂ© les dispositions de lâarticle L. 256-4 du code de la sĂ©curitĂ© sociale qui, dĂ©rogeant au caractĂšre dâordre public des rĂšgles du droit de la sĂ©curitĂ© sociale, ouvrent expressĂ©ment la possibilitĂ©, selon les conditions et modalitĂ©s quâelles prĂ©cisent, dâune
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
remise gracieuse de dette au bĂ©nĂ©fice des assurĂ©s et allocataires, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation juge quâil « entre dans lâoffice du juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondĂ© de la dĂ©cision administrative dâun organisme de sĂ©curitĂ© sociale dĂ©terminant lâĂ©tendue de la crĂ©ance quâil dĂ©tient sur lâun de ses assurĂ©s, rĂ©sul-tant de lâapplication de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale ».
Ce faisant, la Cour de cassation confirme la solution retenue, voici quelques mois, dans le contentieux de lâadmission Ă lâaide sociale, transfĂ©rĂ© pour partie Ă lâautoritĂ© judiciaire par la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la jus-tice du xxie siĂšcle. RĂ©pondant Ă une demande dâavis sur ce point, la deuxiĂšme chambre civile a prĂ©cisĂ© que « dĂšs lors quâil est rĂ©guliĂšrement saisi dâun recours contre la dĂ©ci-sion administrative ayant rejetĂ© en totalitĂ© ou en partie une demande de remise gra-cieuse dâun indu de prestation de compensation du handicap, il entre dans lâoffice du juge dâapprĂ©cier si la situation de prĂ©caritĂ© et la bonne foi du dĂ©biteur justifient une remise totale ou partielle de la crĂ©ance dont il sâagit » (Avis de la Cour de cassation, 28 novembre 2019, no 19-70.019, publiĂ© au Bulletin). La deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait relevĂ©, au prĂ©alable, que, lâarticle R. 245-72 du code de lâac-tion sociale et des familles prĂ©voyant que le recouvrement de lâindu de prestation de compensation du handicap est poursuivi comme en matiĂšre de contributions directes, la facultĂ© pour les organismes sociaux de procĂ©der Ă la remise gracieuse de dette pou-vait sâautoriser des dispositions de lâarticle L. 247 du livre des procĂ©dures fiscales.
SĂ©curitĂ© sociale â Assujettissement â GĂ©nĂ©ralitĂ©s â Affiliation des salariĂ©s au rĂ©gime français de sĂ©curitĂ© sociale â Cas â Travailleurs dĂ©tachĂ©s â Emploi en France par une entreprise française â Conditions â DĂ©termination â PortĂ©eSoc., 4 novembre 2020, pourvois nÂș 18-24.451 et suivants, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Le Masne de Chermont et avis de Mme LaulomIl rĂ©sulte des articles 13, § 2, sous a), et 14, points 1, sous a), et 2, du rĂšglement (CEE) nÂș 1408/71 du 14 juin 1971 relatif Ă lâapplication des rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© sociale aux travailleurs salariĂ©s, aux travailleurs non salariĂ©s et aux membres de leur famille qui se dĂ©placent Ă lâintĂ©rieur de la CommunautĂ©, tel que modifiĂ© par le rĂšglement (CE) nÂș 592/2008 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 17 juin 2008, des articles 11, § 1, et 12 bis, points 1, sous b), 2 et 4, du rĂšglement (CEE) nÂș 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalitĂ©s dâapplication du rĂšglement (CEE) nÂș 1408/71, tel que modifiĂ© par le rĂšgle-ment (CE) nÂș 120/2009 de la Commission du 9 fĂ©vrier 2009, ainsi que des articles 11, § 3, sous a), 12, § 1, et 13, § 1, du rĂšglement (CE) nÂș 883/2004 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale, et des articles 15, § 1, 16, § 2, et 19, § 2, du rĂšglement (CE) nÂș 987/2009 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalitĂ©s dâapplication du rĂšgle-ment (CE) nÂș 883/2004, que, en lâabsence de certificat E101/A1 rĂ©sultant dâun refus de dĂ©livrance ou dâun retrait par une institution compĂ©tente, seule sâapplique la lĂ©gislation de lâĂtat membre oĂč est exercĂ©e lâactivitĂ© salariĂ©e.
Travail rĂ©glementation â ContrĂŽle de lâapplication de la lĂ©gislation â Lutte contre le travail illĂ©gal â Travail dissimulĂ© â Sanction â Indemnisation â Condamnation â SolidaritĂ© de lâentreprise utilisatrice et de lâentreprise de travail temporaire â Ătendue â DĂ©termination â PortĂ©e
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Travail rĂ©glementation â ContrĂŽle de lâapplication de la lĂ©gislation â Lutte contre le travail illĂ©gal â Travail dissimulĂ© â Cessation de la situation â Injonction aux fins de cessation â Charge â Obligation des donneurs dâordre et maĂźtres dâouvrage â InexĂ©cution â Sanction â PortĂ©eMĂȘme arrĂȘtIl rĂ©sulte des articles L. 8222-2, 3Âș, du code du travail et L. 8222-5, alinĂ©as 1 et 2, de ce code, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă la loi nÂș 2014-790 du 10 juillet 2014, quâil appartient Ă lâentreprise utilisatrice, informĂ©e de lâintervention de salariĂ©s, employĂ©s par une entre-prise de travail temporaire, en situation irrĂ©guliĂšre au regard des formalitĂ©s mentionnĂ©es aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce code, dâenjoindre aussitĂŽt Ă celle-ci de faire cesser sans dĂ©lai cette situation.Ă dĂ©faut, elle est tenue solidairement avec lâentreprise de travail temporaire au paiement des indemnitĂ©s pour travail dissimulĂ©.
Par un arrĂȘt rendu le 4 novembre 2020 (Soc., 4 novembre 2020, pourvois no 18-24.451 et suivants, publiĂ© au Bulletin), la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce, dâune part, sur lâapplication des rĂšgles de conflit de lois en matiĂšre de sĂ©curitĂ© sociale dans lâhypothĂšse du retrait des certificats E101 ou A1 Ă©mis par lâinstitution compĂ©tente de lâĂtat dâĂ©tablissement de lâemployeur et, dâautre part, sur les conditions dans les-quelles la solidaritĂ© financiĂšre du donneur dâordre prĂ©vue Ă lâarticle L. 8222-5 du code du travail, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă la loi no 2014-790 du 10 juillet 2014 visant Ă lutter contre la concurrence sociale dĂ©loyale, peut ĂȘtre engagĂ©e.
Les affaires en cause concernent plusieurs salariĂ©s, de nationalitĂ© polonaise et domi-ciliĂ©s en Pologne, mis Ă disposition dâune sociĂ©tĂ© de droit français spĂ©cialisĂ©e dans les travaux publics, par une entreprise de travail temporaire de droit chypriote, entre le mois de mars 2010 et le mois de juin 2011, pour exercer une activitĂ© salariĂ©e sur le chantier de construction dâun rĂ©acteur nuclĂ©aire de nouvelle gĂ©nĂ©ration sur le site de Flamanville.
Elles se distinguent dâaffaires aux contextes comparables dont la chambre sociale a prĂ©alablement eu Ă connaĂźtre en ce que les certificats E101 et A1 dĂ©livrĂ©s pour les sala-riĂ©s par lâinstitution compĂ©tente de lâĂtat dâĂ©tablissement de lâemployeur, en lâoccur-rence la RĂ©publique de Chypre, ont Ă©tĂ© retirĂ©s.
Le pourvoi, formĂ© par lâentreprise utilisatrice, critiquait lâarrĂȘt de la cour dâappel en ce que celle-ci, dâune part, a jugĂ© que lâentreprise de travail temporaire avait exercĂ© un travail dissimulĂ© et a condamnĂ© cette derniĂšre au paiement dâune indemnitĂ© for-faitaire Ă ce titre et, dâautre part, a dĂ©clarĂ© engagĂ©e la solidaritĂ© financiĂšre de lâentre-prise utilisatrice au titre de ce travail dissimulĂ© sur le fondement de lâarticle L. 8222-5 du code du travail.
Lâexamen de ce pourvoi a requis, dans un premier temps, quâil soit statuĂ© sur le conflit de lois en matiĂšre de sĂ©curitĂ© sociale.
En effet, les obligations de dĂ©claration aux organismes de sĂ©curitĂ© sociale prĂ©vues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, qui, respectivement, dĂ©finissent le travail dissimulĂ© par dissimulation dâactivitĂ© et le travail dissimulĂ© par dissimulation dâemploi salariĂ©, ne sâappliquent que dans la mesure oĂč lâactivitĂ© ou lâemploi salariĂ© relĂšve du rĂ©gime français de sĂ©curitĂ© sociale.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
Pour rĂ©soudre ledit conflit, lâarrĂȘt sâappuie sur les lignes dâinterprĂ©tation tracĂ©es par la jurisprudence de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (CJUE) et sur la lettre des dispositions de droit de lâUnion applicables.
Ainsi il rappelle, dâabord, la jurisprudence de cette Cour selon laquelle les dispo-sitions du titre II du rĂšglement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif Ă lâapplication des rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© sociale aux travailleurs salariĂ©s et Ă leur famille qui se dĂ©placent Ă lâintĂ©rieur de la CommunautĂ©, tel que modifiĂ© par le rĂšglement (CE) no 592/2008 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 17 juin 2008, et du titre II du rĂšglement (CE) no 883/2004 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 29 avril 2004 por-tant sur la coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale constituent un systĂšme complet et uniforme de rĂšgles de conflit de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se dĂ©placent Ă lâintĂ©rieur de lâUnion europĂ©enne au rĂ©gime de la sĂ©curitĂ© sociale dâun seul Ătat membre, de sorte que les cumuls de lĂ©gislations nationales applicables et les complications qui peuvent en rĂ©sulter soient Ă©vitĂ©s (CJCE, arrĂȘt du 24 mars 1994, Van Poucke / Rijksinstituut voor de Sociale Verzekeringen der Zelfstandigen e. a., C-71/93, point 22 ; CJCE, arrĂȘt du 10 fĂ©vrier 2000, FTS, C-202/97, point 20).
Selon ladite Cour, ce systĂšme repose sur le principe de coopĂ©ration loyale qui impose Ă lâinstitution de sĂ©curitĂ© sociale compĂ©tente de procĂ©der Ă une apprĂ©ciation correcte des faits pertinents pour lâapplication des rĂšgles relatives Ă la dĂ©termination de la lĂ©gislation applicable et, partant, de garantir lâexactitude des mentions figurant dans le certificat dĂ©livrĂ© (CJCE, arrĂȘt du 10 fĂ©vrier 2000, FTS, C-202/97, point 51).
Ce principe implique Ă©galement celui de confiance mutuelle (CJUE, arrĂȘt du 6 fĂ©vrier 2018, Altun e. a., C-359/16, point 40).
LâarrĂȘt reprend, ensuite, les termes des dispositions de droit de lâUnion applicables.
Il relĂšve que, selon les articles 13, § 2, a), du rĂšglement (CEE) no 1408/71 du 14 juin 1971 et 11, § 3, a), du rĂšglement (CE) no 883/2004 du 29 avril 2004 prĂ©citĂ©s, la rĂšgle gĂ©nĂ©-rale est celle de lâapplication de la lĂ©gislation de lâĂtat dâexercice de lâactivitĂ© salariĂ©e.
Font exception Ă cette rĂšgle, en vertu de lâarticle 14, point 1, a), et point 2, du rĂšgle-ment (CEE) no 1408/71 prĂ©citĂ© et des articles 12, § 1 et 13, § 1, du rĂšglement (CE) no 883/2004 prĂ©citĂ©, les situations de travail dĂ©tachĂ© et dâexercice normal dâune acti-vitĂ© salariĂ©e dans deux ou plusieurs Ătats membres.
LâarrĂȘt Ă©nonce que, conformĂ©ment Ă lâarticle 14, point 1, a) du rĂšglement (CEE) no 1408/71 prĂ©citĂ©, aux articles 11, § 1 et 12 bis, point 1, b), du rĂšglement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalitĂ©s dâapplication du rĂšgle-ment (CEE) no 1408/71 relatif Ă lâapplication des rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© sociale aux travail-leurs salariĂ©s, aux travailleurs non salariĂ©s et aux membres de leur famille qui se dĂ©placent Ă lâintĂ©rieur de la CommunautĂ©, tel que modifiĂ© par le rĂšglement (CE) no 120/2009 de la Commission du 9 fĂ©vrier 2009, Ă lâarticle 12, § 1, du rĂšglement (CE) no 883/2004, aux articles 15, § 1 et 16, § 2, du rĂšglement (CE) no 987/2009 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalitĂ©s dâapplication du rĂšglement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale, lâinsti-tution dĂ©signĂ©e vĂ©rifie si une situation de dĂ©tachement est caractĂ©risĂ©e en sorte que la lĂ©gislation applicable est celle de lâĂtat membre de cette institution ou dĂ©termine, dans une situation dâexercice dâune activitĂ© salariĂ©e dans deux ou plusieurs Ătats membres, quelle est la lĂ©gislation applicable.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Cette institution est, dans le cas dâune situation de dĂ©tachement, celle de lâĂtat oĂč lâemployeur exerce normalement son activitĂ©.
Dans le cas dâune situation dâexercice dâune activitĂ© salariĂ©e dans deux ou plusieurs Ătats membres, ladite institution est celle de lâĂtat membre de rĂ©sidence de la per-sonne concernĂ©e.
Selon les articles 11, § 1, 12 bis, points 2 et 4, du rĂšglement (CEE) no 574/72, lâar-ticle 19, § 2, du rĂšglement (CE) no 987/2009, Ă la demande de la personne concernĂ©e ou de lâemployeur, lâinstitution compĂ©tente de lâĂtat membre dont la lĂ©gislation est appli-cable atteste, par la dĂ©livrance des certificats A1/E101, que cette lĂ©gislation est applicable.
LâarrĂȘt relĂšve quâil rĂ©sulte des textes prĂ©citĂ©s que la caractĂ©risation de situations de dĂ©tachement ou dâexercice dâune activitĂ© salariĂ©e dans deux ou plusieurs Ătats membres au sens des rĂšglements de coordination ressort uniquement Ă la compĂ©tence soit de lâins-titution compĂ©tente de lâĂtat membre dans lequel lâemployeur exerce normalement son activitĂ©, dans le cas oĂč une situation de dĂ©tachement est allĂ©guĂ©e, soit, dans le second cas, de lâinstitution dĂ©signĂ©e par lâautoritĂ© compĂ©tente de lâĂtat membre de rĂ©sidence.
Aussi lâarrĂȘt constate que le systĂšme complet et uniforme de conflit de lois instituĂ© par les titres II des rĂšglements de coordination, sauf fraude et lorsque Ătat membre de rĂ©sidence et Ătat membre oĂč est exercĂ©e lâactivitĂ© salariĂ©e ne coĂŻncident pas, ne confĂšre aux institutions compĂ©tentes de ce dernier Ătat ou Ă ses juridictions nationales aucune compĂ©tence pour procĂ©der Ă une telle caractĂ©risation afin de retenir lâapplication dâune loi autre que celle de cet Ătat.
LâarrĂȘt en dĂ©duit, enfin, que, en lâabsence de certificat E101/A1 rĂ©sultant dâun refus de dĂ©livrance ou dâun retrait par lâinstitution compĂ©tente, seule trouve Ă sâappliquer la lĂ©gislation de lâĂtat membre oĂč est exercĂ©e lâactivitĂ© salariĂ©e.
Cette conclusion sâest imposĂ©e avec une telle Ă©vidence Ă la chambre sociale de la Cour de cassation quâelle nâa laissĂ© place Ă aucun doute raisonnable au regard des carac-tĂ©ristiques propres des rĂšglements de coordination et de lâabsence de toute difficultĂ© particuliĂšre dâinterprĂ©tation ou de tout risque de divergence de jurisprudence Ă lâintĂ©-rieur de lâUnion. En consĂ©quence, ladite chambre a dit quâil nây a pas lieu de poser de question Ă titre prĂ©judiciel Ă la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne.
LâarrĂȘt, dĂšs lors, approuve lâarrĂȘt de la cour dâappel qui, aprĂšs avoir constatĂ© que les salariĂ©s mis Ă disposition de la sociĂ©tĂ© française exerçaient une activitĂ© salariĂ©e sur le ter-ritoire français et que les certificats A1/E101 dĂ©livrĂ©s par lâinstitution compĂ©tente chy-priote avaient Ă©tĂ© retirĂ©s, retient que ces salariĂ©s Ă©taient soumis Ă la lĂ©gislation française.
Dans de telles circonstances, les employeurs Ă©tablis dans dâautres Ătats membres que la France sont soumis aux obligations de dĂ©claration aux organismes de sĂ©curitĂ© sociale prĂ©vues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail.
LâarrĂȘt, dans un second temps, se prononce sur les conditions dans lesquelles la solidaritĂ© financiĂšre du donneur dâordre prĂ©vue Ă lâarticle L. 8222-5 du code du tra-vail peut ĂȘtre engagĂ©e ainsi que sur lâĂ©tendue de celle-ci.
Le pourvoi soutenait, Ă cet Ă©gard, que cet article ne couvre pas lâintervention dâune entreprise de travail temporaire en situation irrĂ©guliĂšre et que la solidaritĂ© financiĂšre quâil prĂ©voit ne porte pas sur lâindemnitĂ© forfaitaire pour travail dissimulĂ©.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
Ledit article, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă la loi no 2014-790 du 10 juillet 2014 visant Ă lutter contre la concurrence sociale dĂ©loyale fait obligation au donneur dâordre, informĂ© par Ă©crit par un agent de contrĂŽle mentionnĂ© Ă lâarticle L. 8271-7 du code du travail ou par un syndicat ou une association professionnels ou une institution reprĂ©-sentative du personnel, de lâintervention dâun sous-traitant ou dâun subdĂ©lĂ©gataire en situation irrĂ©guliĂšre au regard des formalitĂ©s mentionnĂ©es aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce code dâenjoindre aussitĂŽt Ă son cocontractant de faire cesser sans dĂ©lai cette situation. Ă dĂ©faut, il est tenu, selon cet article L. 8222-5, solidairement avec son cocontractant au paiement des impĂŽts, taxes, cotisations, rĂ©munĂ©rations et charges mentionnĂ©s aux 1° Ă 3° de lâarticle L. 8222-2 dudit code, dans les conditions fixĂ©es Ă lâarticle L. 8222-3 du mĂȘme code.
LâarrĂȘt relĂšve que sont mentionnĂ©es, Ă lâarticle L. 8222-2, 3o, du code du travail, les rĂ©munĂ©rations, les indemnitĂ©s et les charges dues par celui qui a fait lâobjet dâun procĂšs-verbal pour dĂ©lit de travail dissimulĂ©, Ă raison de lâemploi de salariĂ©s nâayant pas fait lâobjet de lâune des formalitĂ©s prĂ©vues aux articles L. 1221-10 du code du tra-vail, relatif Ă la dĂ©claration prĂ©alable Ă lâembauche, et L. 3243-2, relatif Ă la dĂ©livrance du bulletin de paie.
Ces articles L. 8222-2 et L. 8222-5 du code du travail figurent dans le chapitre de ce code intitulĂ© « Obligations et solidaritĂ© financiĂšre des donneurs dâordre et des maĂźtres dâouvrage » qui instaure, par les dispositions quâil prĂ©voit, au bĂ©nĂ©fice du TrĂ©sor, des organismes de sĂ©curitĂ© sociale et des salariĂ©s, une garantie de lâensemble des crĂ©ances dues par lâemployeur qui exerce un travail dissimulĂ© Ă la charge des personnes qui recourent aux services de celui-ci afin de prĂ©munir ces crĂ©anciers du risque dâinsolva-bilitĂ© du dĂ©biteur principal.
LâarrĂȘt en dĂ©duit quâil rĂ©sulte de lâobjet et de lâĂ©conomie desdites dispositions que ce mĂ©canisme de garantie est applicable aux crĂ©ances indemnitaires pour travail dissi-mulĂ© des salariĂ©s employĂ©s par des entreprises de travail temporaire.
Aussi, la chambre sociale de la Cour de cassation interprĂšte les articles L. 8222-2, 3o, et L. 8222-5, alinĂ©as 1 et 2, du code du travail, en ce sens quâil appartient Ă lâentre-prise utilisatrice, informĂ©e de lâintervention de salariĂ©s, employĂ©s par une entreprise de travail temporaire, en situation irrĂ©guliĂšre au regard des formalitĂ©s mentionnĂ©es aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce code, dâenjoindre aussitĂŽt Ă celle-ci de faire cesser sans dĂ©lai cette situation et que, Ă dĂ©faut, elle est tenue solidairement avec lâentreprise de travail temporaire au paiement des indemnitĂ©s pour travail dissimulĂ©.
3. Aide sociale
Aide sociale â Prestations â Attribution â Recours contre le bĂ©nĂ©ficiaire â Conditions â Retour Ă meilleure fortune â DĂ©finition2e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi nÂș 19-20.478, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Dudit et avis de Mme CeccaldiSelon lâarticle L. 132-1 du code de lâaction sociale et des familles, il est tenu compte, pour lâapprĂ©ciation des ressources du postulant Ă lâaide sociale, des revenus professionnels
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est Ă©valuĂ©e dans les conditions fixĂ©es par voie rĂ©glementaire.Selon lâarticle R. 132-1 du mĂȘme code, les biens non productifs de revenu, Ă lâexclusion de ceux constituant lâhabitation principale du demandeur, sont considĂ©rĂ©s comme pro-curant un revenu annuel Ă©gal Ă 50 % de leur valeur locative sâil sâagit dâimmeubles bĂątis, Ă 80 % de cette valeur sâil sâagit de terrains non bĂątis et Ă 3 % du montant des capitaux.Selon lâarticle L. 132-8, 1Âș, du mĂȘme code, des recours aux fins de rĂ©cupĂ©ration des prestations dâaide sociale sont exercĂ©s, selon le cas, par lâĂtat ou le dĂ©partement, contre le bĂ©nĂ©ficiaire revenu Ă meilleure fortune ou contre la succession.Pour lâapplication de ce dernier texte, le retour Ă meilleure fortune sâentend, Ă lâexclu-sion de la seule augmentation des revenus, prise en compte lors de la rĂ©vision pĂ©rio-dique des conditions dâouverture des droits du bĂ©nĂ©ficiaire, de tout Ă©vĂ©nement, survenu postĂ©rieurement Ă la date Ă laquelle les ressources du bĂ©nĂ©ficiaire ont Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©es pour lâouverture de ses droits Ă prestations, ayant pour effet, indĂ©pendamment de toute modification de la consistance du patrimoine, dâaugmenter substantiellement la valeur globale de celui-ci, dans des proportions telles quâelles le mettent en mesure de rem-bourser les prestations rĂ©cupĂ©rables, perçues jusquâalors.Viole ces textes la cour dâappel qui retient que la bĂ©nĂ©ficiaire de lâaide sociale est reve-nue Ă meilleure fortune Ă la suite de la vente dâun immeuble, alors quâil ressortait de ses constatations que cette vente nâavait pas eu pour effet dâaugmenter substantielle-ment la valeur globale de son patrimoine.
Admise, en 2015, par le dĂ©partement du Pas-de-Calais au bĂ©nĂ©fice de lâaide sociale pour la prise en charge de ses frais dâhĂ©bergement en Ă©tablissement dâhĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes (EHPAD), une personne dĂ©cide, deux ans plus tard, de procĂ©der Ă la vente dâun bien immobilier lui appartenant. Le dĂ©partement prĂ©tend rĂ©cupĂ©rer le montant des sommes versĂ©es au titre des frais dâhĂ©bergement en usant de lâaction en rĂ©cupĂ©ration en cas de retour Ă meilleure fortune, prĂ©vue par lâarticle L. 132-8 du code de lâaction sociale et des familles. Lâassociation tutĂ©laire, prise en sa qualitĂ© de tutrice de la personne ĂągĂ©e, engage un recours. Celui-ci ayant Ă©tĂ© rejetĂ© par la commission dĂ©partementale de lâaide sociale, lâassociation saisit la Commission cen-trale dâaide sociale, avant que le dossier ne soit transmis Ă la cour dâappel dâAmiens en application de lâarticle 12 de la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisa-tion de la justice du xxie siĂšcle. Cette derniĂšre ayant rejetĂ© son appel, câest Ă la Cour de cassation quâil appartenait de se prononcer sur le litige. Se trouvaient plus particu-liĂšrement en cause les conditions auxquelles est subordonnĂ©e lâaction en rĂ©cupĂ©ration en cas de retour Ă meilleure fortune.
FondĂ©e sur la solidaritĂ© nationale, financĂ©e par lâimpĂŽt, lâaide sociale revĂȘt, en prin-cipe, un caractĂšre subsidiaire en tant quâelle nâest attribuĂ©e que pour autant que celui qui en sollicite les prestations ne peut subvenir par lui-mĂȘme Ă ses besoins.
Pour autant, lâattribution de plusieurs des prestations considĂ©rĂ©es est subordonnĂ©e Ă la mise en Ćuvre, au prĂ©alable, de lâobligation alimentaire incombant aux proches du demandeur.
Elle est, enfin, assortie de la faculté pour la collectivité publique de récupérer le mon-tant des prestations, soit contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, soit contre la succession lorsque la valeur de celle-ci excÚde un seuil déterminé.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
Au fil du temps, le mĂ©canisme de la rĂ©cupĂ©ration est devenu exceptionnel. Ainsi est-il exclu pour diffĂ©rentes prestations de lâaide sociale : tel est le cas des prestations de lâaide sociale Ă lâenfance, des prestations pour les handicapĂ©s ou encore du revenu de solidaritĂ© active (RSA). Sâagissant de quelques prestations, telle lâallocation de soli-daritĂ© des personnes ĂągĂ©es (ASPA), seule est ouverte lâaction en rĂ©cupĂ©ration contre la succession. En revanche, la prise en charge par lâaide sociale des frais dâhĂ©berge-ment â qui prennent la forme, le plus souvent, dâun prix de journĂ©e fixĂ© par le prĂ©sident du conseil dĂ©partemental â peut donner lieu Ă rĂ©cupĂ©ration tant contre la succession quâĂ lâencontre du bĂ©nĂ©ficiaire revenu Ă meilleure fortune.
La prĂ©sentation de lâarrĂȘt appelle quelques prĂ©cisions prĂ©alables relatives Ă lâĂ©vo-lution des rĂšgles de compĂ©tence juridictionnelle. La prise en charge des frais dâhĂ©ber-gement des personnes ĂągĂ©es au titre de lâaide sociale est au nombre des prestations dont le contentieux a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© aux juridictions de lâordre judiciaire par la loi de modernisation de la justice du xxie siĂšcle (loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016). Quâil sâapplique Ă lâattribution des prestations ou Ă la rĂ©cupĂ©ration de leur montant, le contentieux ressortit dĂ©sormais au contentieux de la sĂ©curitĂ© sociale et de lâadmission Ă lâaide sociale au sens des articles L. 142-1 et s. du code de la sĂ©curitĂ© sociale. Il doit ĂȘtre portĂ©, successivement, devant le tribunal judiciaire (pĂŽle social) et la cour dâap-pel. Ainsi, la Cour de cassation Ă©tait appelĂ©e Ă se prononcer pour la premiĂšre fois sur une question jusquâalors soumise aux juridictions de lâaide sociale et in fine du Conseil dâĂtat statuant au contentieux.
EnoncĂ©e, sans la dĂ©finir, par lâarticle L. 132-8, 1o, du code de lâaction sociale et des familles, la notion de retour Ă meilleure fortune souffre dâimprĂ©cision. AppelĂ© Ă se prononcer sur son contenu, le Conseil dâĂtat a retenu que « la rĂ©alisation par le bĂ©nĂ©ficiaire de lâaide sociale dâun immeuble qui lui appartenait lorsque cette aide lui a Ă©tĂ© accordĂ©e ne saurait, par elle-mĂȘme, constituer le retour Ă meilleure fortune [âŠ] dĂšs lors quâelle nâaugmente pas la valeur du patrimoine de lâintĂ©ressĂ© » (CE, 1/4 SSR, 15 mars 1999, no 195748, publiĂ© au Recueil Lebon), avant dâajouter, plus rĂ©cemment, que le recours peut sâexercer du vivant du bĂ©nĂ©ficiaire « Lorsquâun Ă©vĂ©nement nou-veau vient amĂ©liorer sa situation de sorte quâil dispose alors dâun patrimoine suffisant pour rembourser les prestations dâaide sociale rĂ©cupĂ©rables perçues jusquâalors » (CE, 26 septembre 2016, no 140319).
Tout en sâinscrivant dans la continuitĂ© de ces dĂ©cisions, la Cour de cassation retient du retour Ă meilleure fortune une dĂ©finition prĂ©cise et exigeante, procĂ©dant de trois cri-tĂšres cumulatifs :
â un critĂšre dâordre temporel : il implique lâintervention dâun Ă©vĂ©nement, postĂ©rieu-rement Ă la date Ă laquelle les ressources du bĂ©nĂ©ficiaire ont Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©es pour lâou-verture de ses droits aux prestations rĂ©cupĂ©rables ;
â un critĂšre dâordre matĂ©riel : il conduit Ă exclure du champ dâapplication du recours en rĂ©cupĂ©ration la simple augmentation des revenus du bĂ©nĂ©ficiaire, telle la percep-tion dâune pension de rĂ©version liquidĂ©e postĂ©rieurement Ă lâadmission au bĂ©nĂ©fice de lâaide sociale. Si une telle augmentation doit assurĂ©ment ĂȘtre prise en considĂ©ration Ă lâoccasion de la rĂ©vision pĂ©riodique des droits du bĂ©nĂ©ficiaire, elle nâouvre pas, en revanche, Ă la collectivitĂ© publique la facultĂ© dâexercer un recours en rĂ©cupĂ©ration. Ă ce premier critĂšre ainsi Ă©noncĂ© fait Ă©cho, dans le chapeau de lâarrĂȘt, le rappel des dis-positions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de lâaction sociale et des familles
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
qui, pour lâapprĂ©ciation des ressources pour lâattribution des prestations, retiennent les seuls revenus du bĂ©nĂ©ficiaire ;
â un critĂšre tenant aux consĂ©quences de lâĂ©vĂ©nement sur le patrimoine du bĂ©nĂ©ficiaire : lâĂ©vĂ©nement considĂ©rĂ© doit avoir eu pour effet dâaugmenter substantiellement la valeur globale du patrimoine de lâintĂ©ressĂ© dans des proportions telles quâelles mettent ce der-nier en mesure de rembourser le montant des prestations quâil a jusquâalors perçues. Ainsi, seule, lâaugmentation significative de la valeur du patrimoine peut constituer un retour Ă meilleure fortune. Il nâen va pas de mĂȘme de la simple modification de la consistance du patrimoine rĂ©sultant, par exemple, de la substitution dâune somme en capital ou encore de titres Ă un bien immeuble.
En sâappuyant sur cette dĂ©finition du retour Ă meilleure fortune, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation prononce la cassation de lâarrĂȘt attaquĂ© aux motifs quâen retenant que la bĂ©nĂ©ficiaire de lâaide sociale Ă©tait revenue Ă meilleure fortune Ă la suite de la vente dâun immeuble, alors quâil ressortait de ses constatations que cette vente nâavait pas eu pour effet dâaugmenter substantiellement la valeur du patrimoine de lâin-tĂ©ressĂ©e, la cour dâappel a violĂ© les articles L. 132-1, L. 132-8, 1o, et R. 132-1 du code de lâaction sociale et des familles.
4. Responsabilité civile
ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux â Produit â Mise en circulation â Moment â DĂ©termination1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi no 19-18.689, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Mornet et avis de M. LavigneSelon lâarticle 21 de la loi nÂș 98-389 du 19 mai 1998 portant transposition de la direc-tive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative Ă un rĂ©gime harmonisĂ© de responsabi-litĂ© sans faute du producteur du fait dâun produit dĂ©fectueux, les articles 1386-1 Ă 1386-18, devenus 1245 Ă 1245-17, du code civil sâappliquent aux produits dont la mise en circu-lation est postĂ©rieure Ă la date dâentrĂ©e en vigueur de la loi, intervenue le 22 mai 1998.Et il rĂ©sulte de lâarticle 1386-5, devenu 1245-4, du code civil que la date de mise en circulation du produit sâentend, dans le cas de produits fabriquĂ©s en sĂ©rie, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie.Une cour dâappel ayant constatĂ© que le produit litigieux, acquis en avril 2004, avait Ă©tĂ© livrĂ© en juillet 2002 Ă une coopĂ©rative agricole par la sociĂ©tĂ© assignĂ©e, a pu retenir, en lâabsence de preuve dâun stockage de longue durĂ©e de ce produit, quâil avait Ă©tĂ© mis en circulation par son producteur postĂ©rieurement au 22 mai 1998, de sorte que le rĂ©gime de responsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux Ă©tait applicable.
ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux â Producteur assimilĂ© â DĂ©terminationMĂȘme arrĂȘtNonobstant certaines mentions, inscrites en petits caractĂšres sur le conditionnement du pro-duit, relatives au lieu de sa fabrication et Ă des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres, une cour dâappel, qui a constatĂ© que la dĂ©nomination sociale de la sociĂ©tĂ© assignĂ©e, son adresse et son numĂ©ro dâinscription au registre du commerce et des sociĂ©tĂ©s figuraient de façon apparente sur
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
lâĂ©tiquette aprĂšs la dĂ©signation du nom et des caractĂ©ristiques dudit produit, a pu en dĂ©duire que cette sociĂ©tĂ© devait ĂȘtre assimilĂ©e Ă un producteur au sens de lâarticle 1386-6, alinĂ©a 2, 1Âș, devenu 1245-5, alinĂ©a 2, 1Âș, du code civil, se prĂ©sentant comme tel.
ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux â Produit â DĂ©fectuositĂ© â Lien de causalitĂ© avec le dommage â Preuve par le demandeur â CaractĂ©risation â PrĂ©somptions graves, prĂ©cises et concordantesMĂȘme arrĂȘtAux termes de lâarticle 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le dĂ©faut et le lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut et le dommage. Il en rĂ©sulte que le demandeur doit prĂ©alablement Ă©tablir que le dommage est imputable au produit. Cette preuve peut ĂȘtre apportĂ©e par tout moyen et notamment par des indices graves, prĂ©cis et concordants.
ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux â Produit â DĂ©fectuositĂ© â DĂ©finition â Produit nâoffrant pas la sĂ©curitĂ© Ă laquelle on peut lĂ©gitimement sâattendre â CaractĂ©risation â Applications diversesMĂȘme arrĂȘtUne cour dâappel, ayant retenu que lâĂ©tiquetage du produit litigieux ne respectait pas la rĂ©glementation applicable et quâaucune mise en garde sur la dangerositĂ© particuliĂšre de certains travaux nâavait Ă©tĂ© faite, a pu en dĂ©duire que ce produit ne prĂ©sentait pas la sĂ©curitĂ© Ă laquelle on pouvait lĂ©gitimement sâattendre et Ă©tait dĂšs lors dĂ©fectueux au sens de lâarticle 1386-4, devenu 1245-3, du code civil (premiĂšre et deuxiĂšme branches).En application de lâarticle 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, la preuve du lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut du produit et le dommage peut ĂȘtre rapportĂ©e par tout moyen, et notamment par des prĂ©somptions ou indices graves, prĂ©cis et concordants. Ce lien de causalitĂ© ne peut ĂȘtre dĂ©duit de la seule implication du produit dans la rĂ©alisation du dommage (troisiĂšme Ă sixiĂšme branches).
ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux â Producteur â ResponsabilitĂ© â ExonĂ©ration â Risque de dĂ©veloppement â Exclusion â CasMĂȘme arrĂȘtLe producteur est responsable de plein droit du dommage causĂ© par le dĂ©faut de son produit Ă moins quâil ne prouve, selon le 4° de lâarticle 1386-11, devenu 1245-10, du code civil, que lâĂ©tat des connaissances scientifiques et techniques, au moment oĂč il a mis le produit en circulation, nâa pas permis de dĂ©celer lâexistence du dĂ©faut.Une cour dâappel dont il rĂ©sulte des Ă©nonciations que lâĂ©tat des connaissances scien-tifiques et techniques, au moment de la mise en circulation du produit, permettait de dĂ©celer lâexistence du dĂ©faut, en a exactement dĂ©duit que le producteur nâĂ©tait pas fondĂ© Ă bĂ©nĂ©ficier dâune telle exonĂ©ration de responsabilitĂ© (premiĂšre et deuxiĂšme branches).Lâapplication de lâarticle 1386-13, devenu 1245-12, du code civil nâest pas fondĂ©e en lâabsence dâun lien de causalitĂ© entre la faute allĂ©guĂ©e de la victime et le dommage (troisiĂšme branche).
La directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions lĂ©gislatives, rĂ©glementaires et administratives des Ătats membres en matiĂšre de responsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux a instituĂ© un rĂ©gime de responsabilitĂ©
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
sans faute des producteurs europĂ©ens pour les dommages causĂ©s par les dĂ©fauts de leurs produits, quâun contrat ait Ă©tĂ© ou non conclu. La loi no 98-389 du 19 mai 1998 relative Ă la responsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux, entrĂ©e en vigueur le 22 mai, a trans-posĂ© cette directive, sous le titre IV bis du livre III du code civil intitulĂ© « De la respon-sabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux », aux articles 1386-1 Ă 1386-18, devenus 1245 Ă 1245-17 de ce code par lâeffet de lâordonnance no 2016-131 du 10 fĂ©vrier 2016 por-tant rĂ©forme du droit des contrats, du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral et de la preuve des obligations.
La Cour de cassation a Ă©tĂ© saisie du cas dâun agriculteur qui invoquait avoir, en 2004, lors de lâouverture dâune cuve de traitement dâun pulvĂ©risateur, accidentellement inhalĂ© les vapeurs dâun herbicide quâil avait acquis auprĂšs dâune coopĂ©rative agricole, com-mercialisĂ© sous le nom de « Lasso » par la sociĂ©tĂ© Monsanto Agriculture France, jusquâĂ son retrait du marchĂ© en 2007 et qui avait assignĂ© cette sociĂ©tĂ©, aux droits de laquelle se trouve la sociĂ©tĂ© Monsanto, en rĂ©paration de son prĂ©judice corporel.
Elle a, dâabord, eu Ă se prononcer sur lâapplication de ce rĂ©gime de responsabilitĂ© au litige.
Un premier arrĂȘt de cour dâappel a confirmĂ© le jugement qui avait retenu la res-ponsabilitĂ© de la sociĂ©tĂ© Monsanto sur le fondement de la responsabilitĂ© dĂ©lictuelle.
Par un arrĂȘt rendu en formation Ă©largie (Ch. mixte, 7 juillet 2017, pourvoi no 15-25.651, Bull. 2017, Ch. mixte, no 2), la Cour de cassation a relevĂ© dâoffice le moyen pris de la violation de la directive 85/374/CEE, des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil, ensemble lâarticle 12 du code de procĂ©dure civile et des prin-cipes de primautĂ© et dâeffectivitĂ© du droit de lâUnion europĂ©enne, dont la cour dâap-pel aurait dĂ» examiner dâoffice lâapplicabilitĂ© au litige.
La cour dâappel de renvoi ayant retenu la responsabilitĂ© civile de la sociĂ©tĂ© Monsanto sur le fondement des textes portant transposition de la directive prĂ©citĂ©e, la Cour de cassation, saisie du pourvoi de cette sociĂ©tĂ©, a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă se prononcer sur les condi-tions de la responsabilitĂ© civile du fait des produits dĂ©fectueux.
Par lâarrĂȘt rendu le 21 octobre 2020 (1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi no 19-18.689, publiĂ© au Bulletin), elle a rejetĂ© le pourvoi, aprĂšs avoir rĂ©pondu Ă diffĂ©rents moyens sur la mise en circulation du produit (1), sur la notion de personne assimilĂ©e au produc-teur (2), sur le lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut du produit et le dommage (3), et sur les causes dâexonĂ©ration de responsabilitĂ© (4).
1 â La date de mise en circulation (premier moyen)
Aux termes de lâarticle 1245-4 du code civil : « Un produit est mis en circulation lorsque le producteur sâen est dessaisi volontairement. Un produit ne fait lâobjet que dâune seule mise en circulation. »
La mise en circulation nâest dĂ©finie ni par la directive ni par la loi. Selon la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (CJUE), lâarticle 11 de la directive « doit ĂȘtre inter-prĂ©tĂ© en ce sens quâun produit est mis en circulation lorsquâil est sorti du processus de fabrication mis en Ćuvre par le producteur et quâil est entrĂ© dans un processus de com-mercialisation dans lequel il se trouve en lâĂ©tat offert au public aux fins dâĂȘtre utilisĂ© ou consommĂ© » (CJCE, arrĂȘt du 9 fĂ©vrier 2006, OâByrne, C-127/04).
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale
LâarrĂȘt du 21 octobre 2020 ici commentĂ© rappelle que « la date de mise en cir-culation du produit qui a causĂ© le dommage sâentend, dans le cas de produits fabri-quĂ©s en sĂ©rie, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie » (1re Civ., 22 novembre 2017, pourvoi no 16-24.719), et que la mise en circulation du produit correspond Ă son entrĂ©e dans le processus de commercialisation. Il approuve ensuite la cour dâappel de sâĂȘtre attachĂ©e aux effets de lâabsence dâĂ©lĂ©ment de preuve relatif Ă un stockage du produit par la sociĂ©tĂ© Monsanto, en Ă©nonçant que, dĂšs lors que celui-ci, acquis par lâagriculteur en avril 2004, avait Ă©tĂ© livrĂ© en juillet 2002 Ă la coopĂ©ra-tive agricole par la sociĂ©tĂ© Monsanto France, la sociĂ©tĂ© Monsanto devait Ă©tablir quâil avait Ă©tĂ© mis en circulation avant le 22 mai 1998, date dâentrĂ©e en vigueur de la loi de transposition, et quâen lâabsence de preuve dâun stockage de longue durĂ©e du produit, la cour dâappel avait pu retenir que le produit avait Ă©tĂ© mis en circulation par son pro-ducteur postĂ©rieurement Ă cette date.
2â La notion de « personne assimilĂ©e au producteur » (deuxiĂšme moyen)
Selon lâarticle 1386-6, alinĂ©a 2, devenu 1245-5, alinĂ©a 2, du code civil, transposant lâarticle 3 de la directive prĂ©citĂ©e : « Est assimilĂ©e Ă un producteur pour lâapplication du prĂ©sent titre toute personne agissant Ă titre professionnel : 1o) Qui se prĂ©sente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif. »
La cour dâappel sâest livrĂ©e Ă une analyse trĂšs prĂ©cise de lâĂ©tiquette figurant sur le conditionnement du produit. AprĂšs avoir constatĂ© que, sur celui-ci, figuraient les mentions « FabriquĂ© en Belgique », « Monsanto Europe SA » et « Marque dĂ©posĂ©e de Monsanto Company USA », ce qui prĂȘtait Ă une certaine confusion sur le producteur, elle a relevĂ© que lâĂ©tiquette mettait en avant le fait que le produit « Lasso », terme Ă©crit en gros caractĂšres blancs sur noir, Ă©tait un dĂ©sherbant sĂ©lectif du maĂŻs grain, semence et fourrage, du soja, avec la mention « un herbicide Monsanto », suivie de « siĂšge social Monsanto Agriculture France SAS » avec lâadresse de la sociĂ©tĂ© Ă Lyon et le numĂ©ro dâinscription au registre du commerce et des sociĂ©tĂ©s de Lyon.
Ayant ainsi fait ressortir que la sociĂ©tĂ© Monsanto se prĂ©sentait comme le producteur sur lâĂ©tiquette du produit, la cour dâappel avait pu en dĂ©duire que la sociĂ©tĂ© Monsanto Agriculture France devait ĂȘtre assimilĂ©e au producteur.
3â Le lien de causalitĂ© (troisiĂšme et quatriĂšme moyens)
Il rĂ©sulte de lâarticle 1245-8 du code civil quâil appartient Ă la victime dâĂ©tablir le lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut du produit et le dommage.
La question du lien de causalitĂ© est dĂ©licate et lâarrĂȘt prĂ©cise les diffĂ©rentes Ă©tapes du raisonnement :
3-1 LâimputabilitĂ© du dommage au produit (le troisiĂšme moyen)
Le demandeur devait dâabord Ă©tablir que le dommage Ă©tait imputable au moins pour partie au produit (1re Civ., 29 mai 2013, pourvoi no 12-20.903, Bull. 2013, I, no 116), par tout moyen, y compris par des prĂ©somptions ou indices graves, prĂ©cis et concor-dants (1re Civ., 22 mai 2008, pourvoi no 06-10.967, Bull. 2008, I, no 149 ; 1re Civ., 20 sep-tembre 2017, pourvoi no 16-19.643, Bull. 2017, I, no 193).
La cour dâappel sâest fondĂ©e sur diffĂ©rentes piĂšces versĂ©es aux dĂ©bats relatives aux conditions dâintoxication de lâagriculteur, aux troubles prĂ©sentĂ©s par celui-ci ayant conduit
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Ă son hospitalisation et aux recherches effectuĂ©es durant celle-ci sur la toxicitĂ© du « Lasso », pour admettre quâun lien Ă©tait Ă©tabli entre lâinhalation du produit et le dommage survenu. Ayant ainsi estimĂ©, dans lâexercice de son pouvoir souverain dâapprĂ©ciation et sans prĂ©-sumer lâexistence dâun lien causal, que ces Ă©lĂ©ments de preuve constituaient des indices graves, prĂ©cis et concordants, elle avait pu en dĂ©duire quâun tel lien Ă©tait Ă©tabli.
3-2 Le défaut du produit (les deux premiÚres branches du quatriÚme moyen)
Selon lâarticle 1245-3 du code civil, « Un produit est dĂ©fectueux au sens du prĂ©-sent titre lorsquâil nâoffre pas la sĂ©curitĂ© Ă laquelle on peut lĂ©gitimement sâattendre.
Dans lâapprĂ©ciation de la sĂ©curitĂ© Ă laquelle on peut lĂ©gitimement sâattendre, il doit ĂȘtre tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la prĂ©sentation du pro-duit, de lâusage qui peut en ĂȘtre raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. »
LâarrĂȘt du 21 octobre 2020 approuve la cour dâappel dâavoir retenu lâexistence dâun dĂ©faut du produit, aprĂšs avoir constatĂ© quâen raison dâun Ă©tiquetage ne respectant pas la rĂ©glementation applicable et de lâabsence de mise en garde sur la dangerositĂ© olfac-tive du produit et sur la nĂ©cessitĂ© de porter un appareil de protection respiratoire et de prendre certaines prĂ©cautions dâusage lors de travaux sur ou dans des cuves et rĂ©ser-voirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzĂšne, le produit ne prĂ©sentait pas la sĂ©curitĂ© Ă laquelle on pouvait lĂ©gitimement sâattendre.
3-3 Le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage (les derniÚres branches du quatriÚme moyen)
La preuve du lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut du produit et le dommage peut ĂȘtre apportĂ©e par tout moyen et notamment par des prĂ©somptions ou indices graves, prĂ©cis et concordants. Un lien causal ne peut cependant ĂȘtre dĂ©duit de la seule implication du produit dans la rĂ©alisation du dommage (1re Civ., 27 juin 2018, pourvoi no 17-17.469, Bull. 2018, I, no 119 ; 1re Civ., 29 mai 2013, pourvoi no 12-20.903, Bull. 2013, I, no 116).
La Cour de cassation a estimĂ©, en procĂ©dant Ă un contrĂŽle lĂ©ger, que, faisant suite aux Ă©nonciations de lâarrĂȘt attaquĂ© sur lâorigine des troubles prĂ©sentĂ©s par lâagricul-teur et sur le dĂ©faut du produit, les constatations de la cour dâappel sur lâinhalation accidentelle et sur les insuffisances de la notice dâinformation ne faisant apparaĂźtre ni la nĂ©cessitĂ© dâĂ©viter lâinhalation de vapeurs et de rĂ©aliser en appareil clos toute opĂ©ra-tion industrielle, ni celle de porter, dans ce cas, un appareil de protection respiratoire et de procĂ©der aux prĂ©cautions dâusage Ă©voquĂ©es, permettaient de dĂ©duire lâexistence dâun lien causal entre le dĂ©faut et le dommage subi.
4â Les causes dâexonĂ©ration (cinquiĂšme moyen)
4-1 La méconnaissance du défaut par le producteur (deux premiÚres branches)
Selon lâarticle 1245-10 du code civil, « Le producteur est responsable de plein droit Ă moins quâil ne prouve : [âŠ]
4o) Que lâĂ©tat des connaissances scientifiques et techniques, au moment oĂč il a mis le produit en circulation, nâa pas permis de dĂ©celer lâexistence du dĂ©faut. »
La Cour de justice de lâUnion europĂ©enne a dit pour droit que « pour pouvoir se libĂ©rer de sa responsabilitĂ© [âŠ], le producteur dâun produit dĂ©fectueux doit Ă©tablir que
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lâĂ©tat objectif des connaissances techniques et scientifiques, en ce compris son niveau le plus avancĂ©, au moment de la mise en circulation du produit en cause, ne permet-tait pas de dĂ©celer le dĂ©faut de celui-ci » (CJCE, arrĂȘt du 29 mai 1997, Commission / Royaume-Uni, C-300/95) et prĂ©cisĂ© que « les cas limitativement Ă©numĂ©rĂ©s dans les-quels le producteur peut sâexonĂ©rer de sa responsabilitĂ© devaient faire lâobjet dâune interprĂ©tation stricte » (CJCE, arrĂȘt du 10 mai 2001, Henning Veedfald contre Ă rhus Amtskommune, C-203/99).
LâarrĂȘt du 21 octobre 2020 approuve la cour dâappel dâavoir jugĂ© que la sociĂ©tĂ© ne pouvait bĂ©nĂ©ficier de cette exonĂ©ration de responsabilitĂ© aprĂšs avoir relevĂ© que les rĂ©glementations sur le fondement desquelles lâexistence dâun dĂ©faut avait Ă©tĂ© retenue ainsi quâune fiche toxicologique dressĂ©e par lâInstitut national de recherche et de sĂ©cu-ritĂ© pour la prĂ©vention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) en 1997 Ă©tablissaient quâen juillet 2002 la sociĂ©tĂ© Monsanto Agriculture France avait toute latitude pour connaĂźtre le dĂ©faut liĂ© Ă lâĂ©tiquetage du produit et Ă lâabsence de mise en garde sur la dangerositĂ© particuliĂšre des travaux.
4-2 La faute de la victime (troisiĂšme branche)
Lâarticle 1245-12 du code civil ajoute que « La responsabilitĂ© du producteur peut ĂȘtre rĂ©duite ou supprimĂ©e, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dom-mage est causĂ© conjointement par un dĂ©faut du produit et par la faute de la victime ou dâune personne dont la victime est responsable. »
Cette cause exonĂ©ratoire a Ă©galement Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e par la cour dâappel. Celle-ci ayant retenu que si, comme lâinvoquait la sociĂ©tĂ© Monsanto, lâagriculteur ne portait pas de protection destinĂ©e Ă Ă©viter un contact du produit sur le visage, en tout Ă©tat de cause, une telle protection aurait Ă©tĂ© inefficace en cas dâinhalation, en lâabsence dâappareil de protection respiratoire, de sorte quâelle avait pu en dĂ©duire que la faute allĂ©guĂ©e de lâagriculteur Ă©tait sans lien de causalitĂ© avec le dommage.
ResponsabilitĂ© contractuelle â Obligation de sĂ©curitĂ© â CaractĂšre â Obligation de rĂ©sultat â Applications diverses â Maintenance dâune porte automatique dâaccĂšs Ă un parking 3e Civ., 5 novembre 2020, pourvoi nÂș 19-10.857, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Bech et avis de M. CardiniCelui qui est chargĂ© de la maintenance dâune porte automatique dâaccĂšs Ă un parking est tenu dâune obligation de rĂ©sultat en ce qui concerne la sĂ©curitĂ© de lâappareil.
Dans le souci de préserver la sécurité des personnes et de garantir la réparation des dommages corporels, la Cour de cassation a introduit une obligation accessoire de sécurité inhérente à certains contrats.
Par un arrĂȘt du 21 novembre 1911, Cie gĂ©nĂ©rale transatlantique, rendu en matiĂšre de transport maritime, la Cour de cassation a dĂ©cidĂ© que « lâexĂ©cution du contrat de transport comporte [âŠ] lâobligation de conduire le voyageur sain et sauf Ă destination ».
Cette obligation de sĂ©curitĂ© a connu une expansion significative dans des domaines divers, par exemple, la vente (1re Civ., 17 janvier 1995, no 93-13.075, Bull. 1995, I, no 43), lâorganisation dâactivitĂ©s sportives (1re Civ., 22 mai 2008, no 07-10.903 ; 1re Civ., 22 jan-vier 2009, no 07-21.843 ; 1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi no 16-11.953, Bull. 2017, I, no 26).
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
LâintensitĂ© de cette obligation varie.
Lorsquâelle est dite de moyens, il appartient au crĂ©ancier de lâobligation de rappor-ter la preuve de la faute du dĂ©biteur qui est seulement tenu dâapporter les soins et dili-gences normalement nĂ©cessaires pour atteindre un certain but.
Lorsquâil est tenu Ă une obligation de rĂ©sultat, le dĂ©biteur doit apporter la presta-tion promise. Ă dĂ©faut, il lui appartiendra, pour sâexonĂ©rer de sa responsabilitĂ©, de rap-porter la preuve dâun cas de force majeure.
En lâespĂšce, un locataire, griĂšvement blessĂ© au poignet en tentant de refermer manuellement la porte automatique dâaccĂšs Ă un parking qui nâavait pas fonctionnĂ©, a assignĂ© en indemnisation le propriĂ©taire de lâimmeuble et son assureur.
Cet assureur, condamné à réparer les préjudices subis par la victime, a recherché la garantie de la société chargée de la maintenance de la porte automatique.
Retenant que lâobligation de sĂ©curitĂ© pesant sur la sociĂ©tĂ© chargĂ©e de lâentretien de la porte Ă©tait de moyens, « sâagissant des avaries survenant entre deux visites et sans lien avec lâune de ces visites », la cour dâappel a rejetĂ© cette demande en lâabsence de preuve de faute du prestataire.
Lâassureur du propriĂ©taire de lâimmeuble a formĂ© un pourvoi incident en soutenant que lâobligation de sĂ©curitĂ© pesant sur celui qui est chargĂ© de la maintenance dâune porte automatique de garage est de rĂ©sultat.
En lâoccurrence, nul doute quâun mĂ©canisme de porte automatique de garage est susceptible de porter atteinte Ă lâintĂ©gritĂ© physique des personnes. Dâailleurs, la partie rĂ©glementaire du code de la construction et de lâhabitation consacre une section Ă la sĂ©curitĂ© des portes automatiques de garage et impose aux propriĂ©taires dâun bĂątiment ou groupe de bĂątiments dâhabitation Ă©quipĂ©s de telles portes de les faire entretenir et vĂ©rifier pĂ©riodiquement aux termes de contrats Ă©crits (article R. 125-5 du code de la construction et de lâhabitation).
Par lâarrĂȘt commentĂ©, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a accueilli le pourvoi en Ă©nonçant le principe suivant : « celui qui est chargĂ© de la maintenance dâune porte automatique dâaccĂšs Ă un parking est tenu dâune obligation de rĂ©sultat en ce qui concerne la sĂ©curitĂ© de lâappareil ».
Ce faisant, la Cour de cassation a Ă©tendu au professionnel chargĂ© de la maintenance dâune porte automatique de garage la solution retenue pour le prestataire chargĂ© de lâentretien des ascenseurs.
La premiĂšre chambre civile a, en effet, jugĂ© que celui qui est chargĂ© de rĂ©parer un ascenseur est tenu dâune obligation de rĂ©sultat, en ce qui concerne la sĂ©curitĂ© de lâap-pareil (1re Civ., 15 juillet 1999, pourvoi no 96-22.796, Bull. 1999, I, no 238). La troi-siĂšme chambre civile a confortĂ© cette jurisprudence dans les mĂȘmes termes (3e Civ., 1er avril 2009, pourvoi no 08-10.070, Bull. 2009, III, no 71 ; S. Hocquet-Berg, « Chute d'un locataire montant dans un ascenceur », ResponsabilitĂ© civile et assurances no 5, mai 2009, comm. 142 ; B. Vial-Pedroletti, « Chute due Ă un ascenseur : obligation de rĂ©sultat Ă la charge du bailleur et de la sociĂ©tĂ© chargĂ©e de lâentretien de lâascenseur », Loyers et CopropriĂ©tĂ© no 6, juin 2009, comm. 139).
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ProcĂ©dure civile et organisation des professions
Cette obligation de sĂ©curitĂ© de rĂ©sultat pĂšse sur les prestataires chargĂ©s de la main-tenance des portes automatiques de garage, mĂȘme entre deux visites de contrĂŽle.
F. Procédure civile et organisation des professions
1. Action en justice
ProcĂ©dure civile â Notification â Signification â Acte dâhuissier de justice â Acte ne satisfaisant pas aux exigences des articles 655 Ă 659 du code de procĂ©dure civile â Effet2e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi nÂș 18-23.210, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Cardini et avis de M. AparisiIl rĂ©sulte de la combinaison des articles 14, 471 et 655 Ă 659 du code de procĂ©dure civile et de lâarticle 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales que lorsquâune partie, citĂ©e Ă comparaĂźtre par acte dâhuis-sier de justice, ne comparaĂźt pas, le juge, tenu de vĂ©rifier que cette partie a Ă©tĂ© rĂ©gu-liĂšrement appelĂ©e, doit vĂ©rifier que lâacte fait mention des diligences prĂ©vues, selon les cas, aux articles 655 Ă 659 susvisĂ©s. Ă dĂ©faut pour lâacte de satisfaire Ă ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie dĂ©faillante.
Lâhuissier de justice chargĂ© de citer une partie en justice est tenu dâaccomplir un certain nombre de diligences qui doivent ĂȘtre mentionnĂ©es dans le procĂšs-verbal quâil dresse, que ce soit notamment pour vĂ©rifier que le destinataire de lâacte demeure bien Ă lâadresse indiquĂ©e (article 656 du code de procĂ©dure civile : « Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de lâacte et sâil rĂ©sulte des vĂ©rifications faites par lâhuissier de justice, dont il sera fait mention dans lâacte de signification, que le destinataire demeure bien Ă lâadresse indiquĂ©e, la signification est faite Ă domicile [âŠ] ») ou pour rechercher celui-ci (article 659, alinĂ©a 1, du code de procĂ©dure civile : « Lorsque la personne Ă qui lâacte doit ĂȘtre signifiĂ© nâa ni domicile, ni rĂ©sidence, ni lieu de travail connus, lâhuis-sier de justice dresse un procĂšs-verbal oĂč il relate avec prĂ©cision les diligences quâil a accomplies pour rechercher le destinataire de lâacte »), lâemploi du pluriel (« des vĂ©rifi-cations », « les diligences ») Ă©tant, Ă cet Ă©gard, significatif (La signification des actes de procĂ©dure par les huissiers de justice, BICC, 1er dĂ©cembre 2007, no 672, p. 12 et p. 14).
Nulle partie ne pouvant, aux termes de lâarticle 14 du code de procĂ©dure civile, ĂȘtre jugĂ©e sans avoir Ă©tĂ© entendue ou appelĂ©e, le juge est tenu, pour sa part, de vĂ©rifier que la partie non comparante a Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement appelĂ©e (3e Civ., 10 mai 1989, pour-voi no 87-16.761, Bull. 1989, III, nÂș 107 ; Soc., 4 octobre 1989, pourvoi nÂș 88-40.308, Bull. 1989, V, no 566 ; 2e Civ., 19 mai 1998, pourvoi nÂș 96-11.348, Bull. 1998, II, no 155 ; 3e Civ., 18 juin 2008, pourvoi nÂș 07-13.117, Bull. 2008, III, nÂș 105).
Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme, le « droit Ă un tribunal » comporte plusieurs aspects, dont le droit dâaccĂšs et lâĂ©galitĂ© des armes, qui exige un juste Ă©quilibre entre les parties. Ces principes sâappliquant Ă©galement dans le domaine particulier de la signification et de la notification des actes
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
judiciaires aux parties (CEDH, arrĂȘt du 31 mai 2007, Miholapa c. Lettonie, no 61655/00, § 23 ; CEDH, arrĂȘt du 8 janvier 2013, S. C. Raisa M. Shipping S. R. L. c. Roumanie, no 37576/05, § 29). La Cour europĂ©enne en dĂ©duit que « les tribunaux doivent faire tout ce que lâon peut raisonnablement attendre dâeux pour citer les requĂ©rants et sâassurer que ces derniers sont au courant des procĂ©dures auxquelles ils sont parties » (CEDH, arrĂȘt du 8 janvier 2013, S.C. Raisa M. Shipping S.R.L. c. Roumanie, nÂș 37576/05, § 30).
Cependant, le juge nâa pas le pouvoir de relever dâoffice lâexception de procĂ©dure tirĂ©e de lâinsuffisance des investigations portĂ©es par lâhuissier de justice dans son acte (2e Civ., 20 mars 2003, pourvoi nÂș 01-03.218, Bull. 2003, II, nÂș 71), sâagissant dâune nullitĂ© pour vice de forme subordonnĂ©e, en application de lâarticle 114, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile, Ă la dĂ©monstration dâun grief (« La nullitĂ© ne peut ĂȘtre prononcĂ©e quâĂ charge pour lâadversaire qui lâinvoque de prouver le grief que lui cause lâirrĂ©gularitĂ©, mĂȘme lorsquâil sâagit dâune formalitĂ© substantielle ou dâordre public »).
Sans revenir sur cette derniĂšre jurisprudence, lâarrĂȘt de la deuxiĂšme chambre civile du 1er octobre 2020 vient ici prĂ©ciser lâoffice du juge en Ă©nonçant, au visa des articles 14, 471 et 655 Ă 659 du code de procĂ©dure civile, interprĂ©tĂ©s Ă la lumiĂšre de lâarticle 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, que celui-ci, tenu de sâassurer que la partie non comparante a Ă©tĂ© rĂ©gu-liĂšrement appelĂ©e, doit vĂ©rifier que lâacte fait mention des diligences prĂ©vues, selon les cas, aux articles 655 Ă 659 du mĂȘme code et, quâĂ dĂ©faut pour lâacte de satisfaire Ă ces exigences, il ordonne une nouvelle citation de la partie dĂ©faillante.
2. Appel civil
Appel civil â Appelant â Conclusions â Dispositif â Appelant nâayant conclu ni Ă lâinfirmation ni Ă lâannulation du jugement â PortĂ©e2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi nÂș 18-23.626, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Lemoine et avis de M. GirardIl rĂ©sulte des articles 542 et 954 du code de procĂ©dure civile que lorsque lâappelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni lâinfirmation ni lâannulation du juge-ment, la cour dâappel ne peut que confirmer le jugement.Lâapplication immĂ©diate de cette rĂšgle de procĂ©dure, qui rĂ©sulte de lâinterprĂ©tation nou-velle dâune disposition au regard de la rĂ©forme de la procĂ©dure dâappel avec reprĂ©-sentation obligatoire issue du dĂ©cret nÂș 2017-891 du 6 mai 2017 et qui nâa jamais Ă©tĂ© affirmĂ©e par la Cour de cassation dans un arrĂȘt publiĂ©, dans les instances introduites par une dĂ©claration dâappel antĂ©rieure Ă la date du prĂ©sent arrĂȘt, aboutirait Ă priver les appelants du droit Ă un procĂšs Ă©quitable.
En consĂ©quence, se trouve lĂ©galement justifiĂ© lâarrĂȘt dâune cour dâappel qui infirme un jugement sans que cette infirmation nâait Ă©tĂ© demandĂ©e dĂšs lors que la dĂ©claration dâappel est antĂ©rieure au prĂ©sent arrĂȘt.
Par un arrĂȘt rendu le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 18-23.626, publiĂ© au Bulletin), la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation sâest prononcĂ©e sur deux questions nouvelles portant, pour la premiĂšre, sur le contenu des conclusions dans la procĂ©dure dâappel avec reprĂ©sentation obligatoire telle quâis-sue du dĂ©cret no 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions dâincompĂ©tence et Ă
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ProcĂ©dure civile et organisation des professions
lâappel en matiĂšre civile et, pour la seconde, sur lâexĂ©cution des mesures conservatoires pratiquĂ©es dans le lieu dâhabitation du dĂ©biteur.
Sâagissant, dâabord, de la procĂ©dure dâappel avec reprĂ©sentation obligatoire, la deu-xiĂšme chambre civile a jugĂ© quâil rĂ©sulte des articles 542 et 954 du code de procĂ©dure civile que lorsque lâappelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni lâinfir-mation ni lâannulation du jugement, la cour dâappel ne peut que confirmer le jugement.
Selon lâarticle 954 du code de procĂ©dure civile, la cour dâappel ne statue que sur les prĂ©tentions Ă©noncĂ©es au dispositif des conclusions. Or, dĂšs lors quâen application de lâarticle 542 du code de procĂ©dure civile, lâappel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degrĂ©, Ă sa rĂ©formation ou Ă son annulation par la cour dâappel, constitue une prĂ©tention en appel, sur laquelle la cour dâappel doit statuer dans le dispositif de son arrĂȘt, la demande par laquelle lâappelant sollicite lâinfirmation, en vue de leur rĂ©formation, des chefs du jugement critiquĂ©s ou lâannulation du jugement.
La deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation dĂ©duit de la combinaison de ces rĂšgles que la cour dâappel ne peut, selon le cas, rĂ©former ou anĂ©antir la dĂ©cision dĂ©fĂ©rĂ©e que si elle est saisie de conclusions dâappelant dont le dispositif prĂ©cise sâil est sollicitĂ© lâinfirmation des chefs de jugement expressĂ©ment critiquĂ©s ou lâannulation de ce jugement. Or, la cour dâappel ne peut statuer sur les aspects du litige tranchĂ©s par le jugement quâen raison de son infirmation ou son annulation prĂ©alable. Ă dĂ©faut, elle ne peut que le confirmer.
Cette rĂšgle de procĂ©dure, qui rĂ©sulte de lâinterprĂ©tation nouvelle dâune disposition au regard de la rĂ©forme de la procĂ©dure dâappel avec reprĂ©sentation obligatoire issue du dĂ©cret no 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions dâincompĂ©tence et Ă lâappel en matiĂšre civile, tendant notamment Ă faire coĂŻncider le dispositif des conclusions avec le dispositif de lâarrĂȘt rĂ©clamĂ©, nâa jamais Ă©tĂ© affirmĂ©e par la Cour de cassation dans un arrĂȘt publiĂ© (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi no 18-10.983). Une application immĂ©diate de cette rĂšgle nouvelle Ă des litiges antĂ©rieurs Ă sa formulation Ă©tait susceptible de porter atteinte au principe de sĂ©curitĂ© juridique, et par lĂ mĂȘme aux exigences de lâarticle 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales.
Câest pourquoi, afin de ne pas priver les appelants du droit Ă un procĂšs Ă©quitable, lâarrĂȘt commentĂ© dĂ©cide que cette rĂšgle de procĂ©dure nâest pas applicable dans les ins-tances introduites par une dĂ©claration dâappel antĂ©rieure Ă la date de lâarrĂȘt, soit le 17 septembre 2020, et nâa donc pas Ă©tĂ© appliquĂ©e par la deuxiĂšme chambre civile au litige qui lui Ă©tait soumis.
Sâagissant, ensuite, de lâexĂ©cution des mesures conservatoires, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a retenu que le droit, Ă valeur constitutionnelle, au res-pect de la vie privĂ©e et Ă lâinviolabilitĂ© du domicile, Ă©galement consacrĂ© par lâarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, exclut que de telles mesures puissent ĂȘtre pratiquĂ©es dans un lieu affectĂ© Ă lâhabitation du dĂ©biteur par le crĂ©ancier sans une autorisation donnĂ©e par un juge.
La deuxiĂšme chambre civile a dĂ©cidĂ©, en consĂ©quence, quâĂ dĂ©faut dâune autorisa-tion donnĂ©e par le juge de lâexĂ©cution en application de lâarticle R. 121-24 du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, une mesure conservatoire pratiquĂ©e dans un lieu affectĂ© Ă lâhabitation du dĂ©biteur doit ĂȘtre annulĂ©e.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Cette analyse, qui permet une protection renforcĂ©e du domicile du dĂ©biteur, trouve son fondement tant dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const., 5 avril 2019, dĂ©cision no 2019-772 QPC, M. Sing Kwon C. et autre [Visite des locaux Ă usage dâhabitation par des agents municipaux]) que dans celle de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH, arrĂȘt du 16 mai 2019, Halabi c. France, no 66554/14).
Elle sâimpose en dĂ©pit de la possibilitĂ©, pour le crĂ©ancier, dâexĂ©cuter une mesure conservatoire sans autorisation prĂ©alable du juge dĂšs lors quâil se prĂ©vaut dâun titre exĂ©cutoire ou dâune dĂ©cision de justice qui nâa pas encore force exĂ©cutoire, prĂ©vue par lâarticle L. 511-2 du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, et de lâabsence de dispo-sition rĂ©gissant lâentrĂ©e dans le lieu dâhabitation du dĂ©biteur pour exĂ©cuter une mesure conservatoire. Lâarticle L. 142-3 du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, qui est la seule disposition organisant lâentrĂ©e dans un domicile et qui prĂ©voit la dĂ©livrance prĂ©-alable dâun commandement de payer ainsi que la justification par lâhuissier de justice quâil dĂ©tient un titre exĂ©cutoire nâest, en effet, manifestement pas applicable aux mesures conservatoires pour lesquelles doit ĂȘtre mĂ©nagĂ© un effet de surprise.
Cette solution permet Ă©galement de concilier le droit au respect de la vie privĂ©e et Ă lâinviolabilitĂ© du domicile avec le droit Ă lâexĂ©cution des dĂ©cisions de justice, de mĂȘme valeur, qui peut lui-mĂȘme ĂȘtre exercĂ© dĂšs lors que les conditions lĂ©gales de la mesure conservatoire sont rĂ©unies et que le juge de lâexĂ©cution a donnĂ© sur simple requĂȘte une autorisation pour pĂ©nĂ©trer dans le domicile du dĂ©biteur. Sâagissant de la mise en Ćuvre de droits et libertĂ©s fondamentaux, la solution est immĂ©diatement applicable.
Fonds de garantie â Fonds dâindemnisation des victimes de lâamiante â Victime de lâamiante â Action en justice contre le Fonds â ModalitĂ©s â Saisine de la cour dâappel â Demande â PiĂšces justificatives â RecevabilitĂ© â Communication â DĂ©lai â Inobservation â PortĂ©e2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi nÂș 18-22.069, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme GuĂ©ho et avis de M. Grignon DumoulinLes dispositions des articles 27, 28 et 29 du dĂ©cret nÂș 2001-963 du 23 octobre 2001, qui fixent au demandeur Ă une action contre le Fonds dâindemnisation des victimes de lâamiante (FIVA) un dĂ©lai pour dĂ©poser ses piĂšces et documents justificatifs et au FIVA un dĂ©lai pour transmettre le dossier, nâimposent pas Ă la cour dâappel dâĂ©carter des dĂ©bats les piĂšces produites Ă lâexpiration de ces dĂ©lais lorsquâil est Ă©tabli que la partie destinataire de la communication a Ă©tĂ© mise, en temps utile, en mesure de les exami-ner, de les discuter et dây rĂ©pondre.
En consĂ©quence, viole ces textes la cour dâappel qui dĂ©clare irrecevables les piĂšces pro-duites par le demandeur au seul motif quâelles nâont pas Ă©tĂ© remises dans le dĂ©lai imparti dâun mois.
Poursuivant lâobjectif dâaccĂ©lĂ©rer et de simplifier lâindemnisation des victimes de lâamiante (v. rapport fait par M. C. Evin au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2001 [no 2606], tome II), lâarticle 53 de la loi no 2000-1257 du 23 dĂ©cembre 2000 de finance-ment de la sĂ©curitĂ© sociale a instituĂ© une procĂ©dure dont les rĂšgles, largement dĂ©roga-toires au droit commun, ont Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©es par le dĂ©cret no 2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au Fonds dâindemnisation des victimes de lâamiante.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ProcĂ©dure civile et organisation des professions
La demande est prĂ©sentĂ©e directement au Fonds dâindemnisation des victimes de lâamiante (FIVA), lequel dispose dâun dĂ©lai bref, de six mois, pour prĂ©senter une offre dâindemnisation lorsque sont Ă©tablis la rĂ©alitĂ© de lâexposition Ă lâamiante et son lien avec la maladie. Le demandeur ne dispose du droit dâaction en justice contre le FIVA que si aucune offre ne lui a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e dans ce dĂ©lai, si sa demande dâindemnisa-tion a Ă©tĂ© rejetĂ©e ou sâil nâa pas acceptĂ© lâoffre qui lui a Ă©tĂ© faite (article 53, V, alinĂ©a 1, de la loi no 2000-1257 du 23 dĂ©cembre 2000 prĂ©citĂ©e). Cette action, qui est exercĂ©e devant la cour dâappel (article 24 du dĂ©cret no 2001-963 du 23 octobre 2001 prĂ©citĂ©), nâest pas soumise aux dispositions du code de procĂ©dure civile relatives Ă la juridic-tion du second degrĂ© mais est engagĂ©e, instruite et jugĂ©e selon des rĂšgles spĂ©cifiques (article 26 du mĂȘme dĂ©cret).
En particulier, comme le rappelle Ă nouveau la Cour de cassation dans lâarrĂȘt com-mentĂ©, lâarticle 27 du dĂ©cret prĂ©citĂ© prĂ©voit que lorsque la dĂ©claration Ă©crite du deman-deur exerçant, devant la cour dâappel, une action contre le FIVA ne contient pas lâexposĂ© des motifs invoquĂ©s, le demandeur doit dĂ©poser cet exposĂ© dans le mois qui suit le dĂ©pĂŽt de la dĂ©claration, Ă peine dâirrecevabilitĂ© de la demande. Selon lâarticle 28, les piĂšces et documents justificatifs produits par le demandeur doivent ĂȘtre mentionnĂ©s dans la dĂ©claration ou lâexposĂ© des motifs et ĂȘtre remis au greffe de la cour dâappel en mĂȘme temps que la dĂ©claration ou lâexposĂ© des motifs considĂ©rĂ©s.
La deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a dĂ©duit de ces derniers textes quâĂ©taient irrecevables les piĂšces et documents justificatifs du demandeur qui nâavaient pas Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s au greffe en mĂȘme temps que la dĂ©claration ou lâexposĂ© des motifs ou qui avaient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s postĂ©rieurement au dĂ©lai dâun mois prescrit (2e Civ., 13 sep-tembre 2007, pourvoi no 06-20.337, Bull. 2007, II, no 217 ; 2e Civ., 10 avril 2008, pour-voi no 07-15.580).
Les termes mĂȘmes des articles 27 et 28 du dĂ©cret prĂ©citĂ© nâimposaient pas une telle interprĂ©tation, le premier de ces textes prĂ©voyant lâirrecevabilitĂ© de la demande dans le seul cas de non-respect du dĂ©lai dâun mois pour dĂ©poser lâexposĂ© des motifs. Ainsi, la deuxiĂšme chambre civile, appliquant une mĂ©thode dâinterprĂ©tation fondĂ©e sur lâin-tention du lĂ©gislateur, a, en combinant les deux dispositions, fait Ćuvre crĂ©atrice afin de prĂ©server lâobjectif de cĂ©lĂ©ritĂ© de la procĂ©dure.
Cette jurisprudence prĂ©sentait cependant lâinconvĂ©nient de contraindre le deman-deur Ă dĂ©poser toutes ses piĂšces justificatives dĂšs lâintroduction de son recours, sans connaĂźtre lâargumentation qui serait dĂ©veloppĂ©e par le FIVA, et de lui interdire dây rĂ©pondre en produisant, le cas Ă©chĂ©ant, les documents pertinents.
Plusieurs cours dâappel, se fondant sur le respect du principe de la contradiction, ont dĂ©clarĂ© recevables des piĂšces produites par le demandeur au-delĂ du dĂ©lai imparti dâun mois. Leurs dĂ©cisions ont Ă©tĂ© censurĂ©es par la Cour de cassation qui, consolidant sa jurisprudence, a jugĂ© que les dispositions rĂ©glementaires en cause, fixant en droit interne les conditions de recevabilitĂ© du recours devant la cour dâappel et lâadmissibi-litĂ© des preuves, ne mĂ©connaissaient pas les exigences de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales au regard du droit Ă un procĂšs Ă©quitable (2e Civ., 8 janvier 2009, pourvoi no 08-14.127, Bull. 2009, II, no 2 ; voir aussi, 2e Civ., 15 mai 2008, pourvoi no 07-16.452 ; 2e Civ., 12 mai 2011, pourvoi no 10-19.020 ; 2e Civ., 8 mars 2018, pourvoi no 17-14.463).
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Dans certaines situations, lâapplication de cette jurisprudence se conciliait difficile-ment avec le principe de la rĂ©paration intĂ©grale sans perte ni profit pour la victime et celui, corrĂ©latif, de lâimputation poste par poste du recours des tiers payeurs. Aussi la Cour de cassation y avait-elle apportĂ© un tempĂ©rament dans lâhypothĂšse oĂč les piĂšces concernĂ©es Ă©taient relatives aux dĂ©bours des tiers payeurs (2e Civ., 12 mai 2011, pour-voi no 10-19.022 ; 2e Civ., 30 juin 2011, pourvoi no 10-23.596). En revanche, elle avait, postĂ©rieurement, censurĂ© un arrĂȘt qui avait dĂ©clarĂ© recevables des piĂšces relatives aux revenus et indemnitĂ©s journaliĂšres perçus par le demandeur et que la cour dâappel estimait indispensables pour statuer sur les prĂ©tentions dont elle Ă©tait saisie (2e Civ., 15 dĂ©cembre 2011, pourvoi no 11-10.193).
La Cour de cassation nâavait cependant jamais eu Ă se prononcer expressĂ©ment sur la compatibilitĂ© des articles 27 et 28 du dĂ©cret du 23 octobre 2001 prĂ©citĂ©, tels quâin-terprĂ©tĂ©s par elle dans les termes de la jurisprudence rappelĂ©e supra, avec le principe de lâĂ©galitĂ© des armes, qui est lâune des composantes du droit Ă un procĂšs Ă©quitable garanti par lâarticle 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales.
Saisie de cette question, elle a, par lâarrĂȘt commentĂ©, en relevant un moyen dâof-fice, procĂ©dĂ© Ă un revirement de jurisprudence dont les raisons sont rendues explicites par une motivation en forme dĂ©veloppĂ©e.
Lâarticle 29 du dĂ©cret du 23 octobre 2001 prĂ©citĂ© prĂ©voit en effet que dans le mois de la notification de la dĂ©claration de recours par le greffe, le FIVA doit transmettre Ă celui-ci le dossier. Ce dĂ©lai nâĂ©tant assorti dâaucune sanction, le FIVA peut produire des piĂšces Ă tout moment. DĂšs lors, juger quâĂ lâinverse câest Ă peine dâirrecevabilitĂ© que le demandeur est astreint Ă produire ses piĂšces dans le dĂ©lai dâun mois suivant le dĂ©pĂŽt de sa dĂ©claration, aboutit, en mĂ©connaissance des principes dĂ©gagĂ©s par la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH), Ă placer ce dernier dans une « situation de net dĂ©savantage par rapport Ă son adversaire » en matiĂšre dâadministration de la preuve (voir, CEDH, arrĂȘt du 19 septembre 2017, RĂ©gnier c. RĂ©publique tchĂšque, no 35289/11 ; CEDH, arrĂȘt du 23 mai 2016, AvotinĆĄ c. Lettonie, no 17502/07 ; CEDH, arrĂȘt du 27 octobre 1993, Dombo Beheer B. V. c. Pays-Bas, no 14448/88).
Ce revirement est, en outre, justifiĂ© par le respect du principe de la contradiction auquel celui de lâĂ©galitĂ© des armes est Ă©troitement liĂ©. Il implique, en effet, que lâauteur du recours ait la facultĂ© de rĂ©pliquer de maniĂšre appropriĂ©e Ă lâargumentation et aux piĂšces du FIVA, en produisant lui-mĂȘme de nouvelles piĂšces sâil y a lieu.
Ainsi, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation retient dĂ©sormais quâune cour dâappel nâest pas tenue dâĂ©carter des dĂ©bats les piĂšces produites par lâauteur du recours ou par le FIVA Ă lâexpiration du dĂ©lai dâun mois qui leur est imparti par les articles 27 et 29 du dĂ©cret du 23 octobre 2001 prĂ©citĂ©. Pour autant, la cour dâappel saisie du recours devra sâassurer que chacune des parties a Ă©tĂ© mise en mesure, en temps utile, dâexaminer les piĂšces adverses, de les discuter et dây rĂ©pondre. La condition, ainsi posĂ©e, dĂ©cline dans la situation considĂ©rĂ©e celle fixĂ©e par lâarrĂȘt du 5 dĂ©cembre 2014 de lâAs-semblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation pour la communication des piĂšces entre les parties prĂ©vue par lâarticle 906 du code de procĂ©dure civile (Ass. plĂ©n., 5 dĂ©cembre 2014, pourvoi no 13-19.674, Bull. 2014, Ass. plĂ©n., no 3).
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ProcĂ©dure civile et organisation des professions
On soulignera, enfin, que lâobjectif de cĂ©lĂ©ritĂ© de la procĂ©dure dâindemnisation des victimes de lâamiante nâest pas mĂ©connu puisquâil demeure solidement assurĂ© par lâap-plication de lâarticle 30 du dĂ©cret du 23 octobre 2001 selon lequel le premier prĂ©sident de la cour dâappel fixe les dĂ©lais dans lesquels les parties Ă lâinstance doivent se com-muniquer leurs observations Ă©crites et en dĂ©poser copie au greffe de la cour et dĂ©ter-mine la date des dĂ©bats.
3. Compétence
Outre-mer â Nouvelle-CalĂ©donie â Ălections â Liste Ă©lectorale â Liste Ă©lectorale spĂ©ciale Ă la consultation sur lâaccession de la Nouvelle-CalĂ©donie Ă la pleine souverainetĂ© â RĂ©gularitĂ© â Recours contentieux â Article L. 20 du code Ă©lec-toral â Saisine du tribunal judiciaire â Membre de la commission administra-tive spĂ©ciale â RecevabilitĂ© (non)2e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi no 20-60.249, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Talabardon et avis de Mme NicolĂ©tisNul ne pouvant ĂȘtre juge et partie, les membres de la commission administrative spĂ©-ciale instituĂ©e par le II de lâarticle 189 de la loi nÂș 99-209 organique du 19 mars 1999 relative Ă la Nouvelle-CalĂ©donie, qui ont statuĂ© en matiĂšre de rĂ©vision de la liste Ă©lecto-rale spĂ©ciale Ă lâĂ©lection des membres du congrĂšs et des assemblĂ©es de province de la Nouvelle-CalĂ©donie, prĂ©vue au I du mĂȘme texte, ne peuvent saisir le tribunal de contes-tations Ă©levĂ©es contre les dĂ©cisions de cette commission.Viole les articles L. 20 et R. 225 du code Ă©lectoral le tribunal qui dĂ©clare recevable la demande de radiation dâun Ă©lecteur de cette liste Ă©lectorale spĂ©ciale, formĂ©e par des tiers Ă©lecteurs dont il ressortait dâĂ©lĂ©ments de la procĂ©dure quâils Ă©taient membres de la commission administrative spĂ©ciale ayant procĂ©dĂ© Ă lâinscription contestĂ©e.
Par cet arrĂȘt, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a jugĂ© que, nul ne pouvant ĂȘtre juge et partie, les membres de la commission administrative spĂ©ciale instituĂ©e par le II de lâarticle 189 de la loi no 99-209 organique du 19 mars 1999 rela-tive Ă la Nouvelle-CalĂ©donie, qui ont statuĂ© en matiĂšre de rĂ©vision de la liste Ă©lecto-rale spĂ©ciale Ă lâĂ©lection des membres du congrĂšs et des assemblĂ©es de province de la Nouvelle-CalĂ©donie, prĂ©vue au I du mĂȘme texte, ne peuvent exercer un recours conten-tieux contre les dĂ©cisions de cette commission.
Ce faisant, la Cour de cassation a appliquĂ© Ă la Nouvelle-CalĂ©donie un principe quâelle a rĂ©cemment posĂ© dans son arrĂȘt du 12 juin 2020 (2e Civ., 12 juin 2020, pourvoi no 20-60.143, publiĂ© au Bulletin [rejet]), selon lequel les membres de la commission de contrĂŽle prĂ©vue par lâarticle L. 19 du code Ă©lectoral, dans sa rĂ©daction issue de lâordon-nance no 2019-964 du 18 septembre 2019 prise en application de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice, ne peuvent saisir le tribunal judiciaire de contestations relatives Ă la liste Ă©lectorale sur laquelle cette commission exerce ses attributions.
Lâinterdiction ainsi faite aux membres des commissions administratives ayant Ă connaĂźtre de lâĂ©tablissement et de la rĂ©vision des listes Ă©lectorales, soit de leur propre chef â telle la commission administrative spĂ©ciale nĂ©o-calĂ©donienne mentionnĂ©e supra â, soit sur les recours administratifs prĂ©alables contre les dĂ©cisions dâinscription et de
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
radiation prises par le maire â telle la commission de contrĂŽle de droit commun â de saisir la juridiction judiciaire compĂ©tente de contestations contre les dĂ©cisions de ces commissions, a, certes, Ă©tĂ© Ă©tablie de longue date. Elle a conduit la Cour de cassation Ă censurer, Ă de nombreuses reprises, les dĂ©cisions de tribunaux statuant sur de telles contestations, aprĂšs avoir admis lâintervention Ă lâinstance dâun membre de la commis-sion administrative concernĂ©e, quâil se soit agi du maire de la commune â lequel, en application de lâancien article L. 17 du code Ă©lectoral, en Ă©tait membre de droit (2e Civ., 11 mars 1993, pourvoi no 93-60.060, Bull. 1993, II, no 100 ; 2e Civ., 23 mai 2001, pour-voi no 01-60.556, Bull. 2001, II, no 103 ; 2e Civ., 10 mars 2004, pourvoi no 04-60.124, Bull. 2004, II, no 111) â ou de quelque autre membre que ce fĂ»t de cette commission (2e Civ., 19 mars 2014, pourvoi no 14-60.226, Bull. 2014, II, no 70).
Pour autant, cette solution trouvait une limite : le recours contentieux formĂ© par le membre dâune telle commission ne pouvait ĂȘtre dĂ©clarĂ© irrecevable si lâintĂ©ressĂ© dĂ©cla-rait agir en sa seule qualitĂ© de tiers Ă©lecteur. En effet, selon la jurisprudence alors en vigueur, « les membres de la commission administrative qui ont statuĂ© en matiĂšre de rĂ©vision des listes Ă©lectorales ne peuvent, en tant que tels, saisir le tribunal dâinstance de contestations Ă©levĂ©es contre les dĂ©cisions de cette commission » (2e Civ., 14 avril 2005, pourvoi no 05-60.087, Bull. 2005, II, no 94) ; en revanche, « aucun texte nâinterdit Ă un Ă©lecteur, fĂ»t-il membre de la commission administrative, de contester devant le tribu-nal dâinstance, en sa qualitĂ© dâĂ©lecteur inscrit, lâinscription ou la radiation dâun autre Ă©lecteur » (2e Civ., 16 fĂ©vrier 1995, pourvoi no 95-60.086, Bull. 1995, II, no 58), le requĂ©-rant fĂ»t-il mĂȘme, par ailleurs, maire de la commune (2e Civ., 16 mars 1988, pourvoi no 88-60.140, Bull. 1988, II, no 67).
Il en dĂ©coulait que lorsquâun jugement Ă©tait censurĂ© pour avoir dĂ©clarĂ© recevable le recours formĂ© par un membre de la commission administrative, Ăšs qualitĂ©s, la cassa-tion donnait lieu Ă renvoi devant une autre juridiction puisquâil Ă©tait loisible Ă lâintĂ©-ressĂ© de rĂ©gulariser son action en faisant alors Ă©tat, devant la juridiction de renvoi, de sa seule qualitĂ© de tiers Ă©lecteur (2e Civ., 14 avril 2005, pourvoi no 05-60.087, prĂ©citĂ©).
LâarrĂȘt commentĂ© du 1er octobre 2020, comme celui du 12 juin 2020 (pourvoi no 20-60.143) prĂ©citĂ©, marque une Ă©volution trĂšs substantielle de cette jurisprudence. En effet, la Cour de cassation privilĂ©gie dĂ©sormais une approche objective de lâim-partialitĂ© en jugeant que, dĂšs lors quâil ressort « des Ă©lĂ©ments de la procĂ©dure » â en dâautres termes des piĂšces du dossier comme des dĂ©bats Ă lâaudience â que le deman-deur est membre de la commission administrative ayant eu Ă connaĂźtre de la situation litigieuse, il appartient au tribunal, sâil nâest pas saisi dâune fin de non-recevoir en ce sens, de relever dâoffice lâirrecevabilitĂ© du recours.
LâarrĂȘt commentĂ© censure ainsi, sur un moyen de cassation relevĂ© dâoffice, le juge-ment du tribunal de premiĂšre instance de NoumĂ©a qui, pour dĂ©clarer recevable le recours tendant Ă la radiation dâun Ă©lecteur de la liste Ă©lectorale spĂ©ciale Ă lâĂ©lection des membres du congrĂšs et des assemblĂ©es de province de la Nouvelle-CalĂ©donie, Ă©nonçait que « les demandeurs, prĂ©sents Ă lâaudience, ont justifiĂ© de leur qualitĂ© de tiers Ă©lec-teur », alors quâil ressortait du dossier de la procĂ©dure que les intĂ©ressĂ©s avaient dĂ©clarĂ©, dans leur requĂȘte introductive dâinstance, agir en la qualitĂ© tant de « tiers Ă©lecteurs de la ville de NoumĂ©a » que de « membres des commissions administratives spĂ©ciales ».
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Enfin, la cassation ainsi prononcĂ©e lâest sans renvoi. En lâabsence de possibilitĂ©, pour les requĂ©rants, de rĂ©gulariser leur qualitĂ© Ă agir, la Cour de cassation statue au fond et dĂ©clare elle-mĂȘme irrecevable le recours formĂ© par les intĂ©ressĂ©s devant le tribunal.
4. Fonds de garantie
RĂ©fĂ©rĂ© â Provision â Attribution â Conditions â Obligation non sĂ©rieusement contestable â Fonds de garantie â Actes de terrorisme et autres infractions â CaractĂ©risation â NĂ©cessitĂ©2e Civ., 20 mai 2020, pourvoi nÂș 19-12.780, rapport de Mme Bouvier et avis de M. GaillardotIl rĂ©sulte des articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances que la rĂ©paration intĂ©grale des dommages rĂ©sultant dâune atteinte Ă la personne subis par les victimes dâinfractions constitutives dâactes de terrorisme, visĂ©es par lâarticle 421-1 du code pĂ©nal, est assurĂ©e par lâintermĂ©diaire du Fonds de garantie des victimes des actes de terro-risme et d'autres infractions (FGTI).DĂšs lors, prive sa dĂ©cision de base lĂ©gale une cour dâappel, statuant en matiĂšre de rĂ©fĂ©rĂ©, qui dĂ©duit de ses constatations, pour condamner le FGTI Ă payer une provision Ă valoir sur lâindemnisation de prĂ©judices dâune personne, que celle-ci a Ă©tĂ©, avec lâĂ©vi-dence requise en rĂ©fĂ©rĂ©, victime de lâattentat, sans quâil soit besoin que la juridiction prĂ©cise la nature et les Ă©lĂ©ments matĂ©riels de lâinfraction quâelle retient comme ayant Ă©tĂ© commise au prĂ©judice de cette victime alors quâil lui appartenait de caractĂ©riser une infraction constitutive dâun acte de terrorisme prĂ©vue par lâarticle 421-1 du code pĂ©nal, ouvrant droit de maniĂšre non sĂ©rieusement contestable, au sens de lâarticle 809, alinĂ©a 2, devenu 835, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile, Ă lâindemnisation sollicitĂ©e du FGTI.
La question posĂ©e Ă©tait celle de lâexigence de caractĂ©risation par le juge civil de lâin-fraction ouvrant droit Ă lâindemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) dâune victime dâun acte de terrorisme.
En effet, lâexistence de lâobligation dâindemnisation du FGTI peut ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e par le juge civil, y compris en matiĂšre de rĂ©fĂ©rĂ©, sans attendre lâissue pĂ©nale.
Au regard de lâautonomie de cette procĂ©dure dâindemnisation, Ă laquelle le fonds de garantie est partie, le juge civil, si les faits gĂ©nĂ©rateurs du dommage ont donnĂ© lieu Ă des poursuites pĂ©nales, nâest en effet pas tenu de surseoir Ă statuer jusquâĂ dĂ©cision dĂ©finitive de la juridiction rĂ©pressive et les victimes des dommages disposent, dans le dĂ©lai prĂ©vu Ă lâarticle 2226 du code civil, du droit dâaction en justice contre le fonds de garantie (article L. 422-3 du code des assurances).
Dans lâinstance ayant donnĂ© lieu Ă lâarrĂȘt commentĂ©, le FGTI sâest pourvu contre lâarrĂȘt dâune cour dâappel qui, statuant en rĂ©fĂ©rĂ©, sur renvoi aprĂšs cassation, lâavait condamnĂ© Ă payer Ă Mme B. une indemnitĂ© provisionnelle complĂ©mentaire Ă valoir sur lâindemnisation de son prĂ©judice moral. Le 9 janvier 2015, un attentat Ă caractĂšre antisĂ©mite a Ă©tĂ© perpĂ©trĂ© dans le magasin Hyper Cacher, situĂ© avenue de la Porte-de-Vincennes Ă Paris, lors duquel un terroriste a pris des clients en otage et tuĂ© quatre personnes avant dâĂȘtre abattu par les forces de lâordre. Mme B., qui se trouvait aux abords du magasin, a pu se rĂ©fugier deux heures durant dans sa voiture, stationnĂ©e Ă
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
quelques mĂštres, elle a Ă©tĂ© exfiltrĂ©e sous protection policiĂšre avant lâassaut de la bri-gade de rĂ©pression du banditisme pour libĂ©rer les otages. Inscrite sur la liste unique des victimes dâactes de terrorisme Ă©tablie par le parquet prĂšs le tribunal de Paris, Mme B., qui avait reçu deux versements, Ă titre de provisions, de la part du FGTI, a saisi la juri-diction des rĂ©fĂ©rĂ©s dâune demande de provision complĂ©mentaire, Ă valoir sur la rĂ©pa-ration de son prĂ©judice psychologique. Par un premier arrĂȘt publiĂ© du 8 fĂ©vrier 2018 (2e Civ., 8 fĂ©vrier 2018, pourvoi no 17-10.456, Bull. 2018, II, no 26), la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a censurĂ© la dĂ©cision de la cour dâappel en rappelant que la qualitĂ© de victime dâune personne inscrite sur cette liste pouvait ĂȘtre contestĂ©e par le FGTI, nonobstant le versement de provisions par ce fonds.
LâarrĂȘt de la cour dâappel de renvoi est Ă©galement cassĂ© par lâarrĂȘt publiĂ© du 20 mai 2020 pour avoir retenu quâil ressortait de ses constatations, avec lâĂ©vidence requise en rĂ©fĂ©rĂ©, que Mme B. avait Ă©tĂ© victime de lâattentat, sans quâil soit besoin que la juridiction prĂ©cise la nature et les Ă©lĂ©ments matĂ©riels de lâinfraction quâelle retient comme ayant Ă©tĂ© commise au prĂ©judice de cette personne.
En affirmant quâil lui appartenait, au contraire, de caractĂ©riser une infraction consti-tutive dâun acte de terrorisme prĂ©vue par lâarticle 421-1 du code pĂ©nal, la Cour de cas-sation sâinscrit dans la droite ligne de lâobligation Ă laquelle est tenu le juge civil de prĂ©ciser la nature et les Ă©lĂ©ments matĂ©riels de lâinfraction susceptible dâouvrir droit Ă indemnisation par le FGTI, en application de lâarticle 706-3 du code de procĂ©dure pĂ©nale (2e Civ., 3 juillet 2014, pourvoi no 13-21.991), et de rechercher si le dommage invoquĂ© rĂ©sulte de faits prĂ©sentant le caractĂšre matĂ©riel dâune telle infraction (2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi no 16-13.799).
En matiĂšre dâactes de terrorisme, au sens de lâarticle 421-1 du code pĂ©nal, il en est de mĂȘme, comme le prĂ©cise lâarrĂȘt du 20 mai 2020 (2e Civ., 20 mai 2020, pourvoi no 19-12.780).
LâarrĂȘt commentĂ© rappelle quâil rĂ©sulte des articles L. 126-1 et L 422-1 du code des assurances que la rĂ©paration intĂ©grale des dommages rĂ©sultant dâune atteinte Ă la personne subis par les victimes dâinfractions constitutives dâactes de terrorisme, visĂ©es par lâarticle 421-1 du code pĂ©nal, est assurĂ©e par le FGTI.
Lâarticle 421-1, 1o, du code pĂ©nal prĂ©cise que constituent des actes de terrorisme, lorsquâelles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement lâordre public par lâintimidation ou la terreur, les atteintes volontaires Ă la vie, les atteintes volontaires Ă lâintĂ©gritĂ© de la per-sonne, lâenlĂšvement et la sĂ©questration.
Si, en lâespĂšce, est Ă©tabli le caractĂšre terroriste de lâattentat commis le 9 janvier 2015 au magasin Hyper Cacher, Ă Paris, la juridiction des rĂ©fĂ©rĂ©s Ă©tait tenue de rechercher si Mme B. avait Ă©tĂ© victime dâune infraction constitutive dâun acte de terrorisme, prĂ©vue par lâarticle 421-1 susmentionnĂ©, ouvrant droit de maniĂšre, non sĂ©rieusement contes-table, au sens de lâarticle 809, alinĂ©a 2, devenu 835, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile, Ă une indemnisation provisionnelle par le FGTI. Sa dĂ©cision est censurĂ©e, faute dâavoir procĂ©dĂ© Ă cette recherche.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ProcĂ©dure civile et organisation des professions
5. Mesures dâinstruction
Mesures dâinstruction â Juge chargĂ© du contrĂŽle â Pouvoirs â Pouvoirs des articles 166, 167 et 168 du code de procĂ©dure civile â Principe de la contra-diction â Respect â NĂ©cessitĂ©2e Civ., 10 dĂ©cembre 2020, pourvoi no 18-18.504, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Jollec et avis de M. GirardLorsque le juge chargĂ© du contrĂŽle dâune mesure dâinstruction exerce les pouvoirs prĂ©vus aux articles 166, 167 et 168 du code de procĂ©dure civile, il doit respecter le principe de la contradiction et statuer, les parties entendues ou appelĂ©es.
Par cet arrĂȘt, la Cour de cassation affirme que la procĂ©dure devant le juge chargĂ© du contrĂŽle des mesures dâinstruction, saisi de demandes fondĂ©es sur les articles 166, 167 ou 168 du code de procĂ©dure civile, est soumise au respect du principe de la contra-diction, les parties devant ĂȘtre entendues ou appelĂ©es.
Dans lâaffaire dont Ă©tait saisie la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation, un prĂ©sident dâun tribunal de grande instance avait rendu une ordonnance sur requĂȘte sur le fondement de lâarticle 145 du code de procĂ©dure civile, autorisant des mesures dâinstruction et dĂ©signĂ© un huissier de justice pour y procĂ©der. SâĂ©tant rĂ©servĂ© le conten-tieux du contrĂŽle de la mesure dâinstruction, ce magistrat avait ensuite autorisĂ©, par une ordonnance rendue sur requĂȘte, lâhuissier de justice Ă conserver le disque dur.
Ă lâappui du pourvoi contre lâarrĂȘt de la cour dâappel qui avait confirmĂ© lâordon-nance de rĂ©fĂ©rĂ© ayant rejetĂ© les demandes de rĂ©tractation, lâauteur de ce recours faisait valoir que le juge saisi dâune difficultĂ© dâexĂ©cution sur le fondement de lâarticle 168 du code de procĂ©dure civile, ne pouvait statuer par ordonnance sur requĂȘte, par nature non contradictoire. LâalinĂ©a 2 de lâarticle 168 du code de procĂ©dure civile dispose, en effet, que le juge chargĂ© du contrĂŽle dâune mesure dâinstruction statue aprĂšs avoir convoquĂ© les parties et sâil y a lieu, le technicien.
La Cour de cassation a cassĂ© lâarrĂȘt attaquĂ© sur ce moyen, fondĂ© sur les articles 16 et 168 du code de procĂ©dure civile, en lui donnant, toutefois, une plus large portĂ©e. Elle censure, en effet, lâarrĂȘt au visa de ces textes, mais Ă©galement de lâarticle 14 du code de procĂ©dure civile, qui Ă©nonce que toute partie doit ĂȘtre entendue ou appelĂ©e, et de lâarticle 166 du code de procĂ©dure civile, selon lequel le juge chargĂ© de procĂ©der Ă une mesure dâinstruction ou dâen contrĂŽler lâexĂ©cution peut ordonner telle autre mesure dâinstruction que rendrait opportune lâexĂ©cution de celle qui a dĂ©jĂ Ă©tĂ© prescrite.
Le principe ainsi affirmĂ© sâapplique lors de la phase de lâexĂ©cution de la mesure dâinstruction, qui est contradictoire, quand bien mĂȘme cette mesure aurait Ă©tĂ© ordon-nĂ©e par ordonnance sur requĂȘte.
Il en rĂ©sulte que, saisi dâune demande fondĂ©e sur les articles 166, 167 ou 168 du code de procĂ©dure civile, le juge chargĂ© du contrĂŽle ne peut pas statuer par ordonnance sur requĂȘte, par nature non contradictoire, le fait que le contradictoire puisse ĂȘtre rĂ©tabli par un recours en rĂ©tractation Ă©tant, Ă cet Ă©gard, indiffĂ©rent. Lâordonnance quâil rend en application de lâalinĂ©a 2 de lâarticle 170 du code de procĂ©dure civile, ne pourra ĂȘtre prise quâĂ lâissue dâune procĂ©dure contradictoire.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Câest la premiĂšre fois que la Cour de cassation Ă©nonce ce principe. En effet, si dans plu-sieurs arrĂȘts, elle avait dĂ©jĂ marquĂ© une rĂ©ticence Ă admettre, dans cette hypothĂšse, le recours Ă lâordonnance sur requĂȘte, par nature non contradictoire, elle ne lâavait pas condamnĂ©, pour autant, jugeant quâen cette occurrence, seul le recours en rĂ©tractation Ă©tait possible, conformĂ©ment au droit commun de lâordonnance sur requĂȘte (2e Civ., 24 avril 1989, pour-voi no 88-10.941, Bull. 1989, II, no 98 ; 2e Civ., 4 juillet 2007, pourvoi no 05-20.075).
Par un arrĂȘt du 27 juin 2019 (2e Civ., 27 juin 2019, pourvoi no 18-12.194, publiĂ© au Bulletin), la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait franchi un pas sup-plĂ©mentaire en jugeant que « La dĂ©cision dâextension de la mission de lâexpert dĂ©si-gnĂ© par un juge des rĂ©fĂ©rĂ©s, rendue Ă la demande dâune partie sollicitant le respect du principe de la contradiction par le juge du contrĂŽle des expertises ne constitue pas, du seul fait que les parties nâont Ă©tĂ© ni entendues ni appelĂ©es Ă lâinstance, une ordonnance sur requĂȘte rendant lâappel immĂ©diat de la dĂ©cision irrecevable. »
LâarrĂȘt du 10 dĂ©cembre 2020 ici commentĂ© parachĂšve cette Ă©volution en fermant dĂ©finitivement la voie de lâordonnance sur requĂȘte au juge du contrĂŽle de la mesure dâinstruction, saisi dans la phase dâexĂ©cution de la dĂ©cision ordonnant une telle mesure.
6. ProcĂ©dure civile dâexĂ©cution
ProcĂ©dure civile dâexĂ©cution â Mesures conservatoires â Autorisation du juge â NĂ©cessitĂ© â Cas â Saisie de meubles dans un local dâhabitation du dĂ©biteur2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 18-23.626, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Lemoine et avis de M. GirardLe droit, Ă valeur constitutionnelle, au respect de la vie privĂ©e et Ă lâinviolabilitĂ© du domi-cile, Ă©galement consacrĂ© par lâarticle 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, exclut quâune mesure conservatoire puisse ĂȘtre pratiquĂ©e dans un lieu affectĂ© Ă lâhabitation du dĂ©biteur par le crĂ©ancier sans une auto-risation donnĂ©e par un juge.En consĂ©quence, une mesure conservatoire ne peut ĂȘtre pratiquĂ©e dans un lieu affectĂ© Ă lâhabitation du dĂ©biteur par le crĂ©ancier sans que le juge de lâexĂ©cution lâ y ait auto-risĂ© en application de lâarticle R. 121-24 du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, et ce mĂȘme dans lâhypothĂšse prĂ©vue Ă lâarticle L. 511-2 du mĂȘme code dans laquelle le crĂ©ancier se prĂ©vaut dâun titre exĂ©cutoire ou dâune dĂ©cision de justice qui nâa pas encore force exĂ©cutoire. Ă dĂ©faut, une telle mesure doit ĂȘtre annulĂ©e.(Voir le commentaire sous la partie Appel civil p. 198)
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
G. Droit pénal et procédure pénale
1. Droit pénal général
Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.
2. Droit pénal spécial
ResponsabilitĂ© pĂ©nale â Personne morale â Conditions â Fusion-absorption â EffetCrim., 25 novembre 2020, pourvoi no 18-86.955, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Fouquet et avis de M. SalomonIl se dĂ©duit de lâarticle 121-1 du code pĂ©nal, interprĂ©tĂ© Ă la lumiĂšre de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative Ă la fusion des sociĂ©tĂ©s anonymes, codifiĂ©e en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 14 juin 2017 et de lâarticle 6 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, quâen cas de fusion-absorption dâune sociĂ©tĂ© par une autre sociĂ©tĂ© entrant dans le champ de la directive prĂ©-citĂ©e, la sociĂ©tĂ© absorbante peut ĂȘtre condamnĂ©e pĂ©nalement Ă une peine dâamende ou de confiscation pour des faits constitutifs dâune infraction commise par la sociĂ©tĂ© absor-bĂ©e avant lâopĂ©ration.La personne morale absorbĂ©e Ă©tant continuĂ©e par la sociĂ©tĂ© absorbante, cette derniĂšre, qui bĂ©nĂ©ficie des mĂȘmes droits que la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e, peut se prĂ©valoir de tout moyen de dĂ©fense que celle-ci aurait pu invoquer.En consĂ©quence, le juge qui constate quâil a Ă©tĂ© procĂ©dĂ© Ă une opĂ©ration de fusion-absorption entrant dans le champ de la directive prĂ©citĂ©e ayant entraĂźnĂ© la dissolution de la sociĂ©tĂ© mise en cause, peut, aprĂšs avoir constatĂ© que les faits objets des poursuites sont caractĂ©risĂ©s, dĂ©clarer la sociĂ©tĂ© absorbante coupable de ces faits et la condam-ner Ă une peine dâamende ou de confiscation.Cette interprĂ©tation nouvelle, qui constitue un revirement de jurisprudence, ne sâappli-quera quâaux opĂ©rations de fusion conclues postĂ©rieurement au 25 novembre 2020, date de prononcĂ© de lâarrĂȘt, afin de ne pas porter atteinte au principe de prĂ©visibilitĂ© juridique dĂ©coulant de lâarticle 7 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme.
ResponsabilitĂ© pĂ©nale â Personne morale â Conditions â Fusion-absorption â Cas â Fraude Ă la loi â EffetMĂȘme arrĂȘtEn tout Ă©tat de cause, quelle que soit la date de la fusion ou la nature de la sociĂ©tĂ© concernĂ©e, la responsabilitĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbante peut ĂȘtre engagĂ©e si lâopĂ©-ration de fusion-absorption a eu pour objectif de faire Ă©chapper la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă sa responsabilitĂ© pĂ©nale et quâelle constitue ainsi une fraude Ă la loi.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, rĂ©unie en formation solennelle, a rendu le 25 novembre 2020 un arrĂȘt qui marque une Ă©volution substantielle de sa juris-prudence concernant la question du transfert de la responsabilitĂ© pĂ©nale dâune per-sonne morale en cas de fusion-absorption dâune sociĂ©tĂ© par une autre.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Cet arrĂȘt est particuliĂšrement important en ce quâil Ă©carte dorĂ©navant lâanalyse de lâopĂ©ration de fusion-absorption consistant Ă assimiler la dissolution de la sociĂ©tĂ© absor-bĂ©e au dĂ©cĂšs dâune personne physique.
Abandonnant cette conception anthropomorphique et prenant en considĂ©ration la spĂ©cificitĂ© des personnes morales, il sâattache Ă tirer les consĂ©quences de la rĂ©alitĂ© Ă©co-nomique de la fusion et autorise, Ă certaines conditions, le transfert de la responsabi-litĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă la sociĂ©tĂ© absorbante.
Cette interprĂ©tation renouvelĂ©e des textes internes, permise par le droit issu de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales et induite par le droit de lâUnion europĂ©enne, permet dâĂ©viter que la fusion-absorption ne fasse obstacle Ă la responsabilitĂ© pĂ©nale des sociĂ©tĂ©s.
1. PrĂ©sentation de lâaffaire et de la problĂ©matique posĂ©e
Une sociĂ©tĂ© mise en cause pour des faits de destruction involontaire par incendie avait Ă©tĂ© absorbĂ©e par une autre sociĂ©tĂ© Ă lâoccasion dâune opĂ©ration de fusion, avant dâĂȘtre convoquĂ©e devant la juridiction correctionnelle pour y ĂȘtre jugĂ©e.
La demanderesse au pourvoi â la sociĂ©tĂ© absorbante intervenant Ă la cause â repro-chait Ă lâarrĂȘt de la cour dâappel attaquĂ© dâavoir ordonnĂ© un supplĂ©ment dâinforma-tion afin de rechercher si lâopĂ©ration de fusion-absorption nâavait pas Ă©tĂ© entachĂ©e de fraude, au motif que dans un tel cas la responsabilitĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbante pourrait ĂȘtre engagĂ©e. La requĂ©rante faisait valoir que le principe de personnalitĂ© des dĂ©lits et des peines Ă©noncĂ© Ă lâarticle 121-1 du code pĂ©nal sâoppose Ă toute poursuite contre la sociĂ©tĂ© absorbante.
Les moyens soulevés en demande et les arguments développés en défense par les parties civiles ont amené la chambre criminelle de la Cour de cassation à distinguer trois questions (cf. §§ 13 et 14) auxquelles elle répond de façon successive :
En premier lieu, en cas de fusion entraĂźnant lâabsorption dâune sociĂ©tĂ© par une autre, la sociĂ©tĂ© absorbante peut-elle ĂȘtre condamnĂ©e pour des faits commis par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant la fusion ?
En deuxiĂšme lieu, en cas de transfert de la responsabilitĂ© pĂ©nale Ă la sociĂ©tĂ© absor-bante constitutif dâun revirement de jurisprudence, convient-il dâappliquer ce nouveau principe immĂ©diatement ou dâen diffĂ©rer dans le temps son application au regard du principe de prĂ©visibilitĂ© juridique ?
En dernier lieu, et sous rĂ©serve des rĂ©ponses apportĂ©es aux deux premiĂšres questions, quâen est-il dans le cas dâune Ă©ventuelle fraude lors de lâopĂ©ration de fusion-absorption ?
2. Le nouveau principe du transfert de la responsabilité pénale de la société absorbée à la société absorbante en cas de fusion-absorption entre sociétés anonymes ou assimilées
Avant de poser ce nouveau principe (§ 35), la chambre criminelle de la Cour de cassation explique de façon particuliÚrement motivée et détaillée les raisons du revire-ment de jurisprudence (§§ 15 à 34).
2.1 La jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation
La chambre criminelle de la Cour de cassation jugeait jusquâici de maniĂšre constante que lâarticle 121-1 du code pĂ©nal, aux termes duquel nul nâest responsable que de son
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
propre fait, sâopposait Ă ce que la sociĂ©tĂ© absorbante soit poursuivie pour des faits commis par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant lâopĂ©ration de fusion (Crim., 20 juin 2000, pourvoi no 99-86.742, Bull. crim. 2000, no 237 ; Crim., 14 octobre 2003, pourvoi no 02-86.376, Bull. crim. 2003, no 189 ; Crim., 18 fĂ©vrier 2014, pourvoi no 12-85.807).
Cette interprĂ©tation de lâarticle 121-1 du code pĂ©nal se fondait sur une assimilation de la situation de la personne morale absorbĂ©e Ă celle dâune personne physique dĂ©cĂ©-dĂ©e : la fusion, qui entraĂźne la dissolution de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e, lui faisant perdre sa personnalitĂ© juridique, doit entraĂźner lâextinction de lâaction publique en application de lâarticle 6 du code de procĂ©dure pĂ©nale (extinction de lâaction publique par « dĂ©cĂšs »). La sociĂ©tĂ© absorbante, personne morale distincte, ne saurait en consĂ©quence ĂȘtre pour-suivie pour les faits commis par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e.
Par ailleurs, cette interprĂ©tation de lâarticle 121-1 du code pĂ©nal apparaissait comme la seule permettant de respecter lâarticle 6 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme tel quâinterprĂ©tĂ© par la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme.
Cette derniĂšre ne sâĂ©tait jusquâici prononcĂ©e que sur le transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale entre personnes physiques.
Ainsi, dans un arrĂȘt du 29 aoĂ»t 1997 (CEDH, arrĂȘt du 29 aoĂ»t 1997, E. L., R. L. et J. O.-L. c. Suisse, no 20919/92), se fondant sur le deuxiĂšme paragraphe de lâarticle 6 de la Convention, elle a affirmĂ© que le principe selon lequel la responsabilitĂ© pĂ©nale ne survit pas Ă lâauteur de lâacte dĂ©lictueux est une rĂšgle fondamentale du droit pĂ©nal.
Elle a en consĂ©quence jugĂ© que la condamnation des hĂ©ritiers Ă une amende fis-cale â Ă©quivalente selon elle Ă une sanction pĂ©nale â pour une fraude fiscale imputĂ©e au dĂ©funt, constituait une violation de ce texte.
2.2 Une évolution en cohérence avec le double contexte jurisprudentiel européen
Dans un premier temps, une jurisprudence de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne qui nâa pas permis Ă elle seule une Ă©volution du droit national (§ 17 Ă 18)
La Cour de justice de lâUnion europĂ©enne, dans un arrĂȘt du 5 mars 2015, a dit pour droit que :
« Lâarticle 19, paragraphe 1, de la troisiĂšme directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, fondĂ©e sur lâarticle 54, paragraphe 3, sous g), du traitĂ© et concernant les fusions des sociĂ©tĂ©s anonymes, telle que modifiĂ©e par la directive 2009/109/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 16 septembre 2009, doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens quâune fusion par absorption, au sens de lâarticle 3, paragraphe 1, de ladite directive, entraĂźne la transmission, Ă la sociĂ©tĂ© absorbante, de lâobligation de payer une amende infligĂ©e par dĂ©cision dĂ©finitive aprĂšs cette fusion pour des infractions au droit du tra-vail commises par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant ladite fusion » (CJUE, arrĂȘt du 5 mars 2015, Modelo Continente Hipermercados, C-343/13).
La Cour de justice a considĂ©rĂ© que la responsabilitĂ© contraventionnelle rĂ©sul-tant de faits commis antĂ©rieurement Ă la fusion est transmise Ă la sociĂ©tĂ© absorbante en tant quâĂ©lĂ©ment du patrimoine passif de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e. Cette solution sâim-pose puisquâĂ dĂ©faut cette responsabilitĂ© se trouverait Ă©teinte et les droits de lâĂtat,
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
qui figure parmi les tiers dont la directive prĂ©citĂ©e vise la protection des intĂ©rĂȘts, sâen trouveraient mĂ©connus.
Cette dĂ©cision nâa cependant pas, Ă elle seule, amenĂ© la Cour de cassation Ă modi-fier sa jurisprudence.
En effet, si les juridictions nationales ont lâobligation dâinterprĂ©ter le droit interne dans un sens conforme au droit de lâUnion, câest Ă la condition que cette interprĂ©ta-tion ne les conduise pas Ă faire produire aux dispositions dâune directive un effet direct Ă lâencontre dâun particulier (CJCE, arrĂȘt du 26 septembre 1993, Arcaro, C-168/95 ; CJCE, arrĂȘt du 3 mai 2005, Berlusconi e. a., C-387/02, C-391/02 et C-403/02). Cette limite nâest respectĂ©e que lorsque le texte national peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© dans le sens de la directive, de sorte quâil nâest pas nĂ©cessaire de lâĂ©carter pour donner son plein effet Ă cette derniĂšre.
En application de ces principes, la Cour de cassation, dans un arrĂȘt du 25 octobre 2016 (Crim., 25 octobre 2016, pourvoi no 16-80.366, Bull. crim. 2016, no 275), a considĂ©rĂ© que :
â dâune part, lâarticle 121-1 du code pĂ©nal ne pouvait sâinterprĂ©ter, au regard notam-ment de lâarticle 6 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, que comme interdisant que des poursuites pĂ©nales soient engagĂ©es Ă lâencontre de la sociĂ©tĂ© absor-bante pour des faits commis par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant que cette derniĂšre ne perde son existence juridique par lâeffet dâune fusion-absorption ;
â dâautre part, ledit article ne pouvait ĂȘtre Ă©cartĂ© comme contraire Ă la directive 78/855/CEE du 9 octobre 1978 prĂ©citĂ©e puisquâune directive ne peut pas produire un effet direct Ă lâencontre dâun particulier.
Dans un second temps, une jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme qui permet, au cĂŽtĂ© de celle de la Cour de justice, une Ă©volution du droit national (§§ 19 Ă 34)
Cependant, une dĂ©cision rĂ©cente de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme conduit aujourdâhui la Cour de cassation Ă faire Ă©voluer substantiellement sa jurisprudence.
Par une dĂ©cision du 24 octobre 2019, la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme, se fondant sur la continuitĂ© Ă©conomique existant entre la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e et la sociĂ©tĂ© absorbante, en dĂ©duit que « la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e nâest pas vĂ©ritablement âautruiâ Ă lâĂ©gard de la sociĂ©tĂ© absorbante ». Elle juge en consĂ©quence que lâapplication dâune amende civile, Ă laquelle est applicable le volet pĂ©nal de lâarticle 6 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, Ă une sociĂ©tĂ© absorbante pour des actes restrictifs de concur-rence commis avant la fusion par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e ne porte pas atteinte au principe de personnalitĂ© des peines (CEDH, dĂ©cision du 24 octobre 2019, Carrefour France c. France, no 37858/14).
Cette solution autorise Ă abandonner lâapproche anthropomorphique de lâopĂ©ra-tion de fusion-absorption, critiquable en ce que :
â dâune part elle ne tient pas compte de la spĂ©cificitĂ© de la personne morale, qui peut changer de forme sans pour autant ĂȘtre liquidĂ©e ;
â dâautre part, elle est sans rapport avec la rĂ©alitĂ© Ă©conomique.
Elle ouvre la voie Ă une nouvelle interprĂ©tation de lâarticle 121-1 du code pĂ©nal, respectueuse de lâarticle 6, § 2, de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme,
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
permettant que la sociĂ©tĂ© absorbante soit condamnĂ©e pĂ©nalement pour des faits constitutifs dâune infraction commise par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant lâopĂ©ration de fusion-absorption.
Lâarticle 6 du code de procĂ©dure pĂ©nale, qui ne prĂ©voit pas expressĂ©ment lâextinc-tion de lâaction publique lors de lâabsorption dâune sociĂ©tĂ©, ne sâoppose pas non plus Ă cette interprĂ©tation.
Cette interprĂ©tation, dĂšs lors quâelle est possible, sâimpose Ă la Cour de cassation puisquâelle est la seule Ă permettre de tirer les consĂ©quences de lâarrĂȘt de la Cour de justice du 5 mars 2015, prĂ©citĂ©.
Dans son arrĂȘt, la chambre criminelle de la Cour de cassation expose lâintĂ©gralitĂ© du raisonnement suivi par la Cour de justice, sâappropriant ainsi les Ă©lĂ©ments relevĂ©s par la juridiction europĂ©enne pour motiver sa dĂ©cision (§§ 29 Ă 33) :
â lâopĂ©ration de fusion par absorption entraĂźne de façon automatique la cessation de lâexistence de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e de sorte que sans la transmission Ă la sociĂ©tĂ© absor-bante de la responsabilitĂ© contraventionnelle, cette responsabilitĂ© serait Ă©teinte ; une telle extinction serait en contradiction avec la nature mĂȘme de la fusion par absorp-tion au sens de la directive, dans la mesure oĂč, une telle fusion consiste en un transfert de lâensemble du patrimoine de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă la sociĂ©tĂ© absorbante par suite dâune dissolution sans liquidation ;
â la transmission de la responsabilitĂ© contraventionnelle rĂ©pond Ă©galement Ă lâobjec-tif posĂ© par la directive de protection des tiers, parmi lesquels figure notamment lâĂtat membre, qui ne peut pas encore ĂȘtre qualifiĂ© de crĂ©ancier, mais qui pourrait le deve-nir aprĂšs lâopĂ©ration, ses autoritĂ©s Ă©tant susceptibles dâinfliger une sanction pour une infraction commise avant la fusion ;
â si la transmission dâune telle responsabilitĂ© Ă©tait exclue, une fusion constituerait un moyen pour une sociĂ©tĂ© dâĂ©chapper aux consĂ©quences des infractions quâelle aurait commises, au dĂ©triment de lâĂtat membre concernĂ© ou dâautres intĂ©ressĂ©s Ă©ventuels ;
â lâargument selon lequel la transmission de la responsabilitĂ© contraventionnelle dâune sociĂ©tĂ© absorbĂ©e moyennant une fusion serait contraire aux intĂ©rĂȘts des crĂ©anciers et des actionnaires de la sociĂ©tĂ© absorbante, dans la mesure oĂč ces derniers ne seraient pas Ă mĂȘme dâĂ©valuer les consĂ©quences Ă©conomiques et patrimoniales de cette fusion, doit ĂȘtre Ă©cartĂ© car :
â dâune part, lesdits crĂ©anciers doivent, en vertu de lâarticle 13, § 2, de la direc-tive 78/855/ CEE du Conseil du 9 octobre 1978, avoir le droit dâobtenir des garanties adĂ©quates lorsque la situation financiĂšre des sociĂ©tĂ©s qui fusionnent rend cette protec-tion nĂ©cessaire, le cas Ă©chĂ©ant en saisissant lâautoritĂ© administrative ou judiciaire com-pĂ©tente pour obtenir de telles garanties ;
â dâautre part les actionnaires de la sociĂ©tĂ© absorbante peuvent ĂȘtre protĂ©gĂ©s, notam-ment, par lâinsertion dâune clause de dĂ©clarations et de garanties dans lâaccord de fusion ;
â en outre, rien nâempĂȘche la sociĂ©tĂ© absorbante de faire effectuer avant la fusion un audit dĂ©taillĂ© de la situation Ă©conomique et juridique de la sociĂ©tĂ© Ă absorber pour obte-nir, en plus des documents et des informations disponibles en vertu des dispositions lĂ©gislatives, une vue plus complĂšte des obligations de cette sociĂ©tĂ©.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
2.3 Une Ă©volution qui sâinscrit dans un mouvement jurisprudentiel interne convergent
Il convient de remarquer que la dĂ©cision de la chambre criminelle sâinscrit dans un mouvement jurisprudentiel interne favorable Ă une telle Ă©volution.
Ainsi, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation admet lâapplication Ă la sociĂ©tĂ© absorbante dâamendes civiles prononcĂ©es pour des man-quements Ă la rĂ©glementation en matiĂšre de concurrence commis, avant la fusion, par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e (Com., 28 fĂ©vrier 2006, pourvoi no 05-12.138, Bull. 2006, IV, no 49 ; Com., 21 janvier 2014, pourvoi no 12-29.166, Bull. 2014, IV, no 11).
Le Conseil constitutionnel a validĂ© la jurisprudence de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique. Il a considĂ©rĂ© quâelle ne portait pas atteinte au principe selon lequel nul nâest punissable que de son propre fait, celui-ci pouvant faire lâobjet dâadap-tations dĂšs lors que celles-ci sont justifiĂ©es par la nature de la sanction et par lâobjet quâelle poursuit et quâelles sont proportionnĂ©es Ă cet objet (Cons. const., 18 mai 2016, dĂ©cision no 2016-542 QPC, SociĂ©tĂ© ITM Alimentaire International SAS [PrononcĂ© dâune amende civile Ă lâencontre dâune personne morale Ă laquelle une entreprise a Ă©tĂ© transmise]). Il a en particulier retenu « la mutabilitĂ© des formes juridiques sous les-quelles sâexercent les activitĂ©s Ă©conomiques concernĂ©es ».
Ă lâappui de sa conclusion, le Conseil constitutionnel a notamment relevĂ© que lâamende civile encourue par la sociĂ©tĂ© absorbante est une sanction pĂ©cuniaire et quâelle ne peut ĂȘtre prononcĂ©e que contre une personne bĂ©nĂ©ficiaire de la transmission du patrimoine de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e, dissoute sans liquidation.
Bien que le Conseil constitutionnel ait paru exclure, dans une incise, la possibilitĂ© dâune telle adaptation du principe de personnalitĂ© des dĂ©lits et des peines en droit pĂ©nal, en cohĂ©rence avec la jurisprudence de la chambre criminelle dâalors (voir le commen-taire de cette dĂ©cision publiĂ©e aux Cahiers), il convient de souligner quâil nâa jamais Ă©tĂ© amenĂ© Ă se prononcer directement sur cette question.
Le Conseil dâĂtat, en matiĂšre de rĂ©gulation des marchĂ©s financiers et en matiĂšre fiscale, a Ă©galement admis que des sanctions pĂ©cuniaires soient prononcĂ©es Ă lâencontre de la sociĂ©tĂ© absorbante pour des faits commis avant la fusion (CE, 22 novembre 2000, no 207697, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 30 mai 2007, no 293423, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, avis, 3e et 8e ss-sect., 4 dĂ©cembre 2009, no 329173, publiĂ© au Recueil Lebon, JORF no 0034 du 10 fĂ©vrier 2010 ; voir dans le mĂȘme sens, CE, 17 juillet 2013, no 352989, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 17 juillet 2013, no 356523, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 17 juillet 2013, no 360706, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 9 avril 2014, no 359913, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 23 juin 2014, no 352990, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 23 juil-let 2014, no 359902, publiĂ© au Recueil Lebon).
Dans tous les cas, il sâagit dâĂ©viter que les autoritĂ©s compĂ©tentes se voient empĂȘ-chĂ©es de sanctionner un comportement illĂ©gal par le simple jeu dâun mĂ©canisme du droit des sociĂ©tĂ©s.
Les enjeux sont importants en particulier dans des domaines comme le droit pĂ©nal de lâenvironnement, dans lesquels il apparaĂźt particuliĂšrement nĂ©cessaire de prĂ©server le caractĂšre effectif et dissuasif des peines susceptibles dâĂȘtre prononcĂ©es.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
3. Les conditions et limites du transfert de responsabilité pénale de la société absor-bée à la société absorbante
La Cour de cassation précise les conditions et les limites du transfert de responsa-bilité pénale de la société absorbée à la société absorbante.
3.1 Une portée limitée aux fusions relevant de la directive relative à la fusion des sociétés anonymes
En premier lieu, ce transfert, issu de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative Ă la fusion des sociĂ©tĂ©s anonymes, codifiĂ©e en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 14 juin 2017 relative Ă certains aspects du droit des sociĂ©tĂ©s, ne sâapplique que dans le champ dâapplication de celle-ci, Ă savoir, pour la France, en cas de fusion de sociĂ©tĂ©s anonymes (§§ 35 et 37).
Ă ce titre, il convient cependant de prĂ©ciser que la directive relative aux fusions des sociĂ©tĂ©s anonymes est Ă©galement applicable aux sociĂ©tĂ©s par actions simplifiĂ©es (SAS). En effet, les SAS ne sont quâune catĂ©gorie particuliĂšre de sociĂ©tĂ© par actions et sont soumises, dans la mesure oĂč elles sont compatibles avec les dispositions particuliĂšres les concernant, aux rĂšgles concernant les sociĂ©tĂ©s anonymes (article L. 227-1 du code de commerce, alinĂ©a 3 : « dans la mesure oĂč elles sont compatibles avec les dispositions particuliĂšres prĂ©vues par le prĂ©sent chapitre, les rĂšgles concernant les sociĂ©tĂ©s ano-nymes, Ă lâexception de lâarticle L. 224-2, du second alinĂ©a de lâarticle L. 225-14, des articles L. 225-17 Ă L. 225-102-2, L. 225-103 Ă L. 225-126, L. 225-243, du I de lâar-ticle L. 233-8 et du troisiĂšme alinĂ©a de lâarticle L. 236-6, sont applicables Ă la sociĂ©tĂ© par actions simplifiĂ©e ».
3.2 Un transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale Ă des fins Ă©ventuelles dâamende ou de confiscation
En deuxiĂšme lieu, seules les peines dâamende et de confiscation sont susceptibles dâĂȘtre prononcĂ©es Ă lâencontre de la sociĂ©tĂ© absorbante (§ 37).
Cette limitation sâimpose de par le fondement du transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale, qui dĂ©coule de la transmission universelle du patrimoine de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă la sociĂ©tĂ© absorbante.
3.3 Des droits de la défense également transférés
En troisiĂšme lieu, il est prĂ©cisĂ© que la personne morale absorbĂ©e Ă©tant continuĂ©e par la sociĂ©tĂ© absorbante, cette derniĂšre, qui bĂ©nĂ©ficie des mĂȘmes droits que la sociĂ©tĂ© absor-bĂ©e, peut se prĂ©valoir de tout moyen de dĂ©fense que celle-ci aurait pu invoquer (§ 36).
Il pourrait en ĂȘtre ainsi, par exemple, de toute exception de nullitĂ©, y compris celles pour lesquelles seule la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avait qualitĂ© pour agir.
4. Lâapplication dans le temps du principe de transfert de la responsabilitĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă la sociĂ©tĂ© absorbante
Il rĂ©sulte de lâarticle 7 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, tel quâinterprĂ©tĂ© par la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme que tout justiciable doit pouvoir savoir, Ă partir du libellĂ© de la disposition pertinente, au besoin Ă lâaide de lâinterprĂ©tation qui en est donnĂ©e par les tribunaux et le cas Ă©chĂ©ant
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
aprÚs avoir recouru à des conseils éclairés, quels actes et omissions engagent sa respon-sabilité pénale et quelle peine il encourt de ce chef.
La Cour de cassation considĂšre que lâinterprĂ©tation nouvelle posĂ©e dans lâarrĂȘt rendu le 25 novembre 2020 constitue un revirement substantiel de jurisprudence et que le prin-cipe de prĂ©visibilitĂ© sâoppose Ă son application aux fusions antĂ©rieures Ă sa dĂ©cision (§ 38).
Elle ne pourra sâappliquer quâaux opĂ©rations de fusion conclues postĂ©rieurement au 25 novembre 2020 (§ 39).
Lâabsence de transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă la sociĂ©tĂ© absorbante lorsque la fusion est antĂ©rieure au 25 novembre 2020, ou lorsque lâopĂ©ra-tion nâentre pas dans le champ de la directive prĂ©citĂ©e amĂšne la chambre criminelle de la Cour de cassation Ă sâinterroger sur lâincidence que peut avoir lâexistence dâune fraude Ă la loi dans ces hypothĂšses.
5. Lâincidence dâune fraude Ă la loi
La Cour de cassation juge Ă©galement que lâexistence dâune fraude Ă la loi permet au juge de prononcer toute sanction pĂ©nale encourue Ă lâencontre de la sociĂ©tĂ© absor-bante lorsque lâopĂ©ration de fusion-absorption a eu pour objectif de faire Ă©chapper la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă sa responsabilitĂ© pĂ©nale.
5.1 Le nouveau principe de responsabilité pénale en cas de fraude dans la fusion-absorption
Les rĂ©ponses apportĂ©es par la chambre criminelle de la Cour de cassation sur les ques-tions du transfert de la responsabilitĂ© pĂ©nale en cas de fusion-absorption et de son application dans le temps lâamĂšnent Ă se demander si la solution doit ĂȘtre diffĂ©rente en cas de fraude.
La chambre criminelle nâavait jusquâici pas eu lâoccasion de se prononcer sur lâin-cidence dâune fraude Ă la loi commise Ă lâoccasion dâune opĂ©ration de fusion.
Pour autant, cette notion nâest pas Ă©trangĂšre Ă sa jurisprudence et elle en a dĂ©jĂ fait application en droit pĂ©nal des sociĂ©tĂ©s.
Ainsi, dans un arrĂȘt du 23 avril 1970 (Crim., 23 avril 1970, pourvoi no 68-91.333, Bull. crim. 1970, no 144), elle a jugĂ© quâil incombe aux juges correctionnels, saisis Ă cet Ă©gard de conclusions rĂ©guliĂšres dâune partie civile, de rechercher si la substitution dâune sociĂ©tĂ© commerciale Ă une autre nâa pas dissimulĂ© la continuation dâune mĂȘme entreprise et si le changement de forme juridique apportĂ© Ă cette entreprise nâa pas Ă©tĂ© utilisĂ©, en fraude de la loi, pour faire Ă©chec Ă la libre dĂ©signation des dĂ©lĂ©guĂ©s du per-sonnel et des membres du comitĂ© dâentreprise.
La chambre criminelle de la Cour de cassation affirme, pour la premiĂšre fois, que lâexistence dâune fraude Ă la loi permet au juge de prononcer une sanction pĂ©nale Ă lâencontre de la sociĂ©tĂ© absorbante lorsque lâopĂ©ration de fusion-absorption a eu pour but de faire Ă©chapper la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă sa responsabilitĂ© pĂ©nale (§ 41).
5.2 Conditions de mise en Ćuvre de cette jurisprudence
Application dans le temps
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
Cette doctrine, expressĂ©ment Ă©noncĂ©e dans lâarrĂȘt rendu, ne constitue pas un revi-rement de jurisprudence et nâĂ©tait pas imprĂ©visible. DĂšs lors, elle sâapplique immĂ©dia-tement, y compris aux fusions conclues antĂ©rieurement (§ 42).
Il sâen dĂ©duit que si le juge rĂ©pressif constate quâil a Ă©tĂ© procĂ©dĂ©, en fraude Ă la loi, Ă une opĂ©ration de fusion-absorption pour faire Ă©chec aux poursuites diligentĂ©es contre la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e, il peut, aprĂšs avoir constatĂ© que les faits objets des poursuites sont caractĂ©risĂ©s, dĂ©clarer la sociĂ©tĂ© absorbante coupable de ces faits.
Cette solution sâapplique que la fusion ait Ă©tĂ© conclue avant ou aprĂšs le 25 novembre 2020 et quâelle entre ou non dans le champ de la directive prĂ©citĂ©e.
Responsabilité pénale pleine et entiÚre
Dans cette hypothĂšse, lâeffet illicite recherchĂ© devant ĂȘtre considĂ©rĂ© comme non avenu, toute peine encourue par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e peut ĂȘtre prononcĂ©e Ă lâencontre de la sociĂ©tĂ© absorbante.
La sociĂ©tĂ© absorbante conserve la possibilitĂ© dâinvoquer tout moyen de dĂ©fense que la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e aurait pu invoquer.
Par consĂ©quent, dans lâaffaire qui lui Ă©tait soumise, la Cour de cassation a conclu quâen ordonnant un supplĂ©ment dâinformation dans le but, notamment, de dĂ©termi-ner si lâopĂ©ration avait Ă©tĂ© entachĂ©e de fraude, la cour dâappel nâa pas mĂ©connu le droit applicable au moment oĂč elle a statuĂ© (§ 43).
Lâon relĂšvera que toutefois lâarrĂȘt attaquĂ© est censurĂ© mais pour un motif autre. En effet la cour dâappel, qui nâa pas dĂ©signĂ© lâun de ses membres pour procĂ©der au sup-plĂ©ment dâinformation quâelle a ordonnĂ©, a mĂ©connu les articles 463 et 512 du code de procĂ©dure pĂ©nale (§§ 47 Ă 49).
3. Procédure pénale
Action publique â Mise en mouvement â MinistĂšre public â Procureur de la RĂ©publique financier â CompĂ©tence matĂ©rielle â DĂ©termination â Affaire de grande complexitĂ© â Applications diversesCrim., 1er avril 2020, pourvoi no 19-80.875, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Planchon et avis de Mme MoracchiniLe procureur de la RĂ©publique financier est compĂ©tent, en application du 6Âș de lâar-ticle 705 du code de procĂ©dure pĂ©nale, pour la poursuite du dĂ©lit de blanchiment des infractions figurant, notamment, aux 1Âș Ă 5Âș du mĂȘme article, parmi lesquelles figure celle de dĂ©tournement de biens publics prĂ©vue par lâarticle 432-15 du code pĂ©nal, lorsque les faits revĂȘtent un caractĂšre de complexitĂ© qui peut ĂȘtre caractĂ©risĂ©, notam-ment, par la dimension internationale des faits, la prĂ©sence de multiples sociĂ©tĂ©s Ă©crans dans plusieurs pays considĂ©rĂ©s comme des paradis fiscaux et des circuits de blanchi-ment complexes.Une interprĂ©tation stricte de lâarticle 705 susvisĂ©, tendant Ă interdire au procureur de la RĂ©publique financier, de connaĂźtre du dĂ©lit de blanchiment de sommes, produit dâinfrac-tions commises Ă lâĂ©tranger pouvant correspondre Ă lâun des dĂ©lits susvisĂ©s va Ă lâencontre de la volontĂ© du lĂ©gislateur qui, en votant la loi nÂș 2013-1115 du 6 dĂ©cembre 2013, a
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
souhaitĂ© doter lâorganisation judiciaire dâun parquet hautement spĂ©cialisĂ© dont lâobjet, Ă la faveur dâune centralisation des moyens et des compĂ©tences, est de lutter contre les formes les plus complexes de la dĂ©linquance Ă©conomique et financiĂšre Ă dimen-sion, notamment, internationale.Elle est Ă©galement en contradiction avec la volontĂ© des instances europĂ©ennes et inter-nationales qui tendent Ă favoriser la dimension internationale des poursuites en matiĂšre de blanchiment.Justifie en consĂ©quence sa dĂ©cision la chambre de lâinstruction qui confirme la saisie dâun bien immobilier ordonnĂ©e dans le cadre dâune enquĂȘte prĂ©liminaire ouverte par le procureur de la RĂ©publique financier du chef de blanchiment aggravĂ© de sommes constituant le produit dâun dĂ©lit commis Ă lâĂ©tranger consistant dans le dĂ©tournement de fonds au prĂ©judice de personnes publiques Ă lâaide de sociĂ©tĂ©s Ă©crans localisĂ©es dans dâautres pays Ă©trangers, dĂšs lors que la Cour de cassation est en mesure de sâassurer que ces faits peuvent recevoir, en France, la qualification de dĂ©tournements de biens publics, faits prĂ©vus et rĂ©primĂ©s par lâarticle 432-15 du code pĂ©nal, dĂ©jĂ en vigueur Ă la date de commission des faits par les mis en cause.
Le procureur de la RĂ©publique financier ou parquet national financier (PNF) a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par la loi no 2013-1117 du 6 dĂ©cembre 2013 relative Ă la lutte contre la fraude fis-cale et la grande dĂ©linquance Ă©conomique et financiĂšre et la Cour de cassation a eu peu dâoccasions de se prononcer sur ses pouvoirs et ses compĂ©tences.
LâarrĂȘt du 1er avril 2020 (Crim., 1er avril 2020, pourvoi no 19-80.875, publiĂ© au Bulletin) lui permet de prĂ©ciser la compĂ©tence de ce magistrat en matiĂšre de blanchi-ment de sommes provenant de dĂ©lits commis Ă lâĂ©tranger.
En lâespĂšce, un ancien ministre des finances de la rĂ©gion de Moscou et son Ă©pouse faisaient lâobjet de poursuites devant les juridictions judiciaires russes pour des faits de dĂ©tournements de droits de crĂ©ances et de fonds publics qui lui avaient Ă©tĂ© confiĂ©s en raison de sa qualitĂ© et de blanchiment des biens dĂ©tournĂ©s. La seconde Ă©tait Ă©galement impliquĂ©e, au moins indirectement, dans lâacquisition dâhĂŽtels de luxe sur le territoire français grĂące aux fonds dĂ©tournĂ©s, lâopĂ©ration Ă©tant susceptible de constituer le dĂ©lit de blanchiment, dont sâest saisi le PNF.
La chambre de lâinstruction dont lâarrĂȘt a fait lâobjet du pourvoi Ă©tait saisie de lâap-pel, par chacune des sociĂ©tĂ©s propriĂ©taires des hĂŽtels, des mesures de saisies de ces biens immobiliers, ordonnĂ©es par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, sur requĂȘte du pro-cureur de la RĂ©publique financier.
Le premier moyen concerne la compĂ©tence de ce magistrat et soutient que, nâayant Ă©tĂ© instituĂ© que pour veiller Ă la moralisation de la vie publique française, il ne pouvait ĂȘtre saisi de faits de blanchiment, intervenus sur le sol français, ayant pour infraction dâorigine des dĂ©tournements commis Ă lâĂ©tranger.
Lâarticle 705, 6o, du code de procĂ©dure pĂ©nale consacre la compĂ©tence du PNF pour connaĂźtre du dĂ©lit de blanchiment de lâune des infractions visĂ©es du 1o au 5o du mĂȘme article, parmi lesquelles figure le dĂ©lit de dĂ©tournement de biens publics rĂ©primĂ© par lâarticle 432-15 du code pĂ©nal, dĂšs lors quâil sâagit dâaffaires dâune grande complexitĂ© telle que dĂ©finie au 1o de ces dispositions.
La Cour de cassation rappelle tout dâabord sa jurisprudence en matiĂšre de blanchi-ment, infraction gĂ©nĂ©rale, distincte et autonome, dont il rĂ©sulte quâil nâest pas nĂ©cessaire
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
ni que lâinfraction ayant permis dâobtenir les sommes blanchies ait Ă©tĂ© commise sur le ter-ritoire national, ni que les juridictions françaises soient compĂ©tentes pour la poursuivre.
Elle fait ensuite Ă©tat de la volontĂ© qui a prĂ©sidĂ© au vote de la loi no 2013-1115 du 6 dĂ©cembre 2013 susvisĂ©e, de confier au procureur de la RĂ©publique financier le rĂŽle dâinterlocuteur privilĂ©giĂ© Ă la fois des autoritĂ©s judiciaires Ă©trangĂšres dans le cadre de lâentraide pĂ©nale internationale et du procureur europĂ©en, les parlementaires insistant sur la visibilitĂ© donnĂ©e Ă lâaction de la France en matiĂšre de lutte contre le crime organisĂ©.
La Cour de cassation relĂšve ensuite que lâinterprĂ©tation stricte de lâarticle 705 du code de procĂ©dure pĂ©nale dĂ©fendue par la demanderesse est Ă©galement « en contradic-tion avec la volontĂ© des instances europĂ©ennes et internationales qui tendent Ă favori-ser la dimension internationale des poursuites en matiĂšre de blanchiment », dimension encore renforcĂ©e depuis par la directive (UE) 2018/843 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative Ă la prĂ©vention de lâutilisation du systĂšme financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du finan-cement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE.
Pour Ă©tablir que les fonds blanchis en France avaient pour origine une infraction susceptible de correspondre au dĂ©lit de dĂ©tournement de biens publics visĂ© au 1o de lâarticle 705 du code de procĂ©dure pĂ©nale, la Cour de cassation recherche si les faits commis en Russie peuvent recevoir une qualification pĂ©nale en France.
Cet exercice, fondĂ© sur le principe dâautonomie du dĂ©lit de blanchiment, est simi-laire Ă celui de la rĂšgle de la double incrimination, rappelĂ©e par lâarticle 113-6, alinĂ©a 2, du code pĂ©nal qui dĂ©finit la compĂ©tence des juridictions françaises pour des dĂ©lits commis par un Français hors du territoire de la RĂ©publique qui doivent ĂȘtre punis par la lĂ©gislation du pays concernĂ©, et qui constitue aussi lâun des Ă©lĂ©ments conditionnant la remise dâune personne se trouvant sous le coup dâun mandat dâarrĂȘt europĂ©en ou dâune procĂ©dure dâextradition.
Cette rĂšgle a donnĂ© lieu Ă une abondante jurisprudence du Conseil dâĂtat comme de la Cour de cassation en matiĂšre dâextradition, de laquelle il ressort quâil nâest pas exigĂ© que la qualification française donnĂ©e par la chambre de lâinstruction aux faits fon-dant la demande dâextradition corresponde en tous points Ă la qualification Ă©trangĂšre.
Ainsi, le Conseil dâĂtat a admis que lâinfraction de trafic dâinfluence relevant du droit français pouvait correspondre Ă celle de concussion visĂ©e par le droit Ă©tran-ger (CE, 2/1 SSR, 8 dĂ©cembre 2000, no 215357, publiĂ© au recueil Lebon) tandis que la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmĂ© la remise aux autoritĂ©s belges ou algĂ©riennes de ressortissants de ces pays poursuivis, notamment, pour des faits de dĂ©tournement de fonds publics en relevant leur adĂ©quation avec notre dĂ©lit de dĂ©tour-nement de biens publics visĂ© Ă lâarticle 432-15 du code pĂ©nal (Crim., 23 aoĂ»t 2006, pourvoi no 06-85.847, pour la Belgique et Crim., 11 mai 2005, pourvoi no 05-81.111, Bull. crim. 2005, no 147 pour lâAlgĂ©rie).
La chambre criminelle de la Cour de cassation, aprĂšs avoir relevĂ© que les biens acquis sur le territoire français pouvaient lâavoir Ă©tĂ© Ă lâaide des fonds provenant des infractions commises en Russie et sâappuyant sur les piĂšces de la procĂ©dure dont elle a le contrĂŽle, souligne donc les correspondances entre les faits commis en Russie Ă©voquĂ©s ci-dessus avec le dĂ©lit dĂ©fini par lâarticle 432-15 du code pĂ©nal ainsi que leur caractĂšre
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
de grande complexitĂ© au sens de lâarticle 705, 1o, du code de procĂ©dure pĂ©nale carac-tĂ©risĂ© par le recours Ă des sociĂ©tĂ©s Ă©crans dissĂ©minĂ©es dans plusieurs Ătats Ă©trangers.
Elle conclut quâelle est en mesure de sâassurer que les faits constituant lâinfrac-tion dâorigine du dĂ©lit de blanchiment commis en Russie peuvent recevoir en France la qualification de dĂ©tournements de biens publics, faits prĂ©vus et rĂ©primĂ©s par lâar-ticle 432-15 du code pĂ©nal, dĂ©jĂ en vigueur Ă la date de commission des faits par les mis en cause, et que câest donc Ă bon droit que le procureur de la RĂ©publique finan-cier a diligentĂ©, en France, une enquĂȘte prĂ©liminaire sur le blanchiment de fonds qui en constituent le produit.
Cet arrĂȘt est Ă©galement lâoccasion pour la chambre criminelle de prĂ©ciser sa juris-prudence en matiĂšre dâaccĂšs aux piĂšces sâagissant du contentieux des saisies.
La demanderesse reprochait en effet Ă la chambre de lâinstruction de ne pas avoir mis Ă sa disposition les piĂšces visĂ©es par lâarrĂȘt, Ă savoir un procĂšs-verbal dâaudition du commissaire aux comptes dâune des sociĂ©tĂ©s impliquĂ©es dans les faits de blanchi-ment, et les informations issues dâune demande dâentraide pĂ©nale des autoritĂ©s russes.
Lâarticle 25 de la loi no 2013-1117 du 6 dĂ©cembre 2013 prĂ©citĂ©e a prĂ©vu, notamment, dans les deux derniĂšres phrases du second alinĂ©a des articles 706-148, 706-150 et 706-153 et les deux derniĂšres phrases du deuxiĂšme alinĂ©a de lâarticle 706-158 du code de procĂ©dure pĂ©nale relatifs aux saisies spĂ©ciales, que lâappelant ne peut prĂ©tendre quâĂ la mise Ă disposition des seules piĂšces de la procĂ©dure se rapportant Ă la saisie quâil conteste.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, aprĂšs avoir jugĂ© que cette restriction Ă la mise Ă disposition des piĂšces du dossier ne mĂ©connaĂźt pas lâarticle 6 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme (Crim., 25 fĂ©vrier 2015, pourvoi no 14-86.447, Bull. crim. 2015, no 36), sâest employĂ©e depuis Ă dĂ©finir ce que lâon entend par la notion de piĂšces se rapportant Ă la saisie.
Elle a ainsi jugĂ© quâentrent dans cette catĂ©gorie la requĂȘte du ministĂšre public, lâor-donnance attaquĂ©e et, le cas Ă©chĂ©ant, la dĂ©cision de saisie (avant lâentrĂ©e en vigueur de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice, Ă lâexception de la saisie de patrimoine qui devait ĂȘtre ordonnĂ©e par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, les autres saisies spĂ©ciales nâĂ©taient quâautorisĂ©es par ce magistrat, le ministĂšre public Ă©tant tenu de rendre une dĂ©cision pour les mettre Ă exĂ©-cution) prĂ©cisant les Ă©lĂ©ments sur lesquels se fonde la mesure de saisie immobiliĂšre (Crim., 13 juin 2018, pourvoi no 17-83.238 ; Crim., 13 juin 2018, pourvoi no 17-83.242).
Depuis, elle a ajoutĂ©, sâagissant de la saisie dâun compte bancaire fondĂ©e sur lâar-ticle 706-154 du code de procĂ©dure pĂ©nale, le procĂšs-verbal constatant les opĂ©rations de saisie initiale, la requĂȘte du ministĂšre public sollicitant le maintien de celle-ci (Crim., 24 juin 2020, pourvoi no 19-84.631, publiĂ© au Bulletin).
Par ailleurs, elle a consacrĂ© le droit pour lâappelant de se voir communiquer les piĂšces sur lesquelles la chambre de lâinstruction sâest appuyĂ©e pour confirmer la dĂ©ci-sion de saisie (Crim., 13 juin 2018, pourvoi no 17-83.893, Bull. crim. 2018, no 110), Ă©tant prĂ©cisĂ© que sont seules concernĂ©es celles qui sont visĂ©es dans les motifs dĂ©cisoires de lâarrĂȘt (Crim., 30 janvier 2019, pourvoi no 18-82.644, Bull. crim. 2019, no 31 ; Crim., 23 octobre 2019, pourvoi no 18-87.097, publiĂ© au Bulletin).
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
En lâespĂšce, la Cour de cassation relĂšve quâil a Ă©tĂ© communiquĂ© Ă la sociĂ©tĂ© requĂ©-rante les piĂšces sur la base desquelles la chambre de lâinstruction sâest prononcĂ©e, et, notamment, la requĂȘte du procureur de la RĂ©publique financier faisant Ă©tat tant du tĂ©moignage du commissaire aux comptes de la sociĂ©tĂ© S. que du contenu de la demande dâentraide pĂ©nale internationale et rejette donc le pourvoi.
Ainsi donc, mĂȘme si les piĂšces susvisĂ©es nâont pas Ă©tĂ©, en tant que telles, communi-quĂ©es Ă lâappelante, contrairement Ă la requĂȘte du procureur de la RĂ©publique finan-cier sur le contenu de laquelle la chambre de lâinstruction sâest fondĂ©e, le fait que cet acte en reprenne les principaux Ă©lĂ©ments, est suffisant pour la Cour pour sâassurer que le principe du contradictoire a Ă©tĂ© respectĂ©.
Par la dĂ©cision commentĂ©e, la Cour de cassation a donc consacrĂ© la vocation inter-nationale du procureur de la RĂ©publique financier et confirmĂ© sa compĂ©tence pour connaĂźtre du dĂ©lit de blanchiment de faits constitutifs dâatteinte Ă la probitĂ© commis Ă lâĂ©tranger.
DĂ©tention provisoire â Ordonnance de mise en accusation â Comparution du prĂ©venu dĂ©tenu devant la cour dâassises â DĂ©lai de comparution â Prolongation du dĂ©lai de comparution â Chambre de lâinstruction â Maintien de la dĂ©tention provisoire â ContrĂŽle â NĂ©cessitĂ©Crim., 26 mai 2020, pourvoi nÂș 20-81.910, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Labrousse et avis de M. Desportes1. Lâarticle 16 de lâordonnance nÂș 2020-303 du 25 mars 2020 sâinterprĂšte comme prolon-geant, sans intervention judiciaire, pour les durĂ©es quâil prĂ©voit, tout titre de dĂ©tention venant Ă expiration, mais Ă une seule reprise au cours de chaque procĂ©dure.2. Lâarticle 16 prĂ©citĂ© nâexcĂšde pas les limites de la loi dâhabilitation nÂș 2020-290 du 23 mars 2020.3. Il rĂ©sulte de lâarticle 5 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme que lorsque la loi prĂ©voit, au-delĂ de la durĂ©e initiale quâelle dĂ©termine pour chaque titre concernĂ©, la prolongation dâune mesure de dĂ©tention provisoire, lâintervention du juge judiciaire est nĂ©cessaire comme garantie contre lâarbitraire.DĂšs lors, lâarticle 16 prĂ©citĂ© de lâordonnance nâest compatible avec lâarticle 5 de cette Convention et la prolongation quâil prĂ©voit rĂ©guliĂšre que si la juridiction qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tente pour prolonger la dĂ©tention rend une dĂ©cision par laquelle elle se pro-nonce sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention, dans le cadre dâun dĂ©bat contradic-toire tenu, le cas Ă©chĂ©ant, selon les modalitĂ©s prĂ©vues par lâarticle 19 de lâordonnance.Cette dĂ©cision doit intervenir dans un dĂ©lai qui court Ă compter de la date dâexpiration du titre ayant Ă©tĂ© prolongĂ© de plein droit et qui ne peut ĂȘtre supĂ©rieur, dâune part, Ă un mois en matiĂšre dĂ©lictuelle, dâautre part, Ă trois mois en matiĂšre criminelle ainsi quâen cas dâappel de la condamnation prononcĂ©e en premiĂšre instance.
Une telle dĂ©cision ne sâimpose pas lorsquâen premiĂšre instance ou en appel, la juridiction compĂ©tente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provi-soire, a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de cette mesure dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©.Elle ne sâimpose pas non plus si la juridiction compĂ©tente a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©tention, dâoffice ou lors de lâexamen dâune demande de mise en libertĂ©, toujours dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Dans les autres cas, si lâintĂ©ressĂ© nâa pas, entre-temps, fait lâobjet dâun nouveau titre de dĂ©tention, il incombe au juge dâeffectuer ce contrĂŽle dans les dĂ©lais prĂ©citĂ©s, Ă moins que, dans ce dĂ©lai, il nâait dĂ©jĂ exercĂ© son contrĂŽle en application de lâarticle 16-1, alinĂ©a 5, de lâordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020.Ă dĂ©faut dâun tel contrĂŽle et sauf sâil est dĂ©tenu pour autre cause, lâintĂ©ressĂ© doit ĂȘtre immĂ©diatement remis en libertĂ©.
Encourt dĂšs lors la cassation lâarrĂȘt qui, aprĂšs avoir relevĂ© que le dĂ©lai de comparu-tion devant la cour dâassises avait Ă©tĂ© prolongĂ© de six mois de plein droit, Ă©nonce que la saisine de la chambre de lâinstruction est devenue sans objet, alors quâil appartenait Ă cette juridiction de statuer sur la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©tention de lâaccusĂ©, qui sollicitait dâailleurs sa mise en libertĂ© dans son mĂ©moire.
DĂ©tention provisoire â Chambre de lâinstruction â Appel dâune dĂ©cision de prolongation â Maintien en dĂ©tention provisoire â ContrĂŽle â NĂ©cessitĂ©Crim., 26 mai 2020, pourvoi nÂș 20-81.971, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Labrousse et avis de M. Desportes1. Lâarticle 16 de lâordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 sâinterprĂšte comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durĂ©es quâil prĂ©voit, tout titre de dĂ©tention venant Ă expiration, mais Ă une seule reprise au cours de chaque procĂ©dure.2. Lâarticle 16 prĂ©citĂ© nâexcĂšde pas les limites de la loi dâhabilitation nÂș 2020-290 du 23 mars 2020.3. Il rĂ©sulte de lâarticle 5 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme que lorsque la loi prĂ©voit, au-delĂ de la durĂ©e initiale quâelle dĂ©termine pour chaque titre concernĂ©, la prolongation dâune mesure de dĂ©tention provisoire, lâintervention du juge judiciaire est nĂ©cessaire comme garantie contre lâarbitraire.DĂšs lors, lâarticle 16 prĂ©citĂ© de lâordonnance nâest compatible avec lâarticle 5 de cette Convention et la prolongation quâil prĂ©voit rĂ©guliĂšre que si la juridiction qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tente pour prolonger la dĂ©tention rend une dĂ©cision par laquelle elle se pro-nonce sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention, dans le cadre dâun dĂ©bat contradic-toire tenu, le cas Ă©chĂ©ant, selon les modalitĂ©s prĂ©vues par lâarticle 19 de lâordonnance.Cette dĂ©cision doit intervenir dans un dĂ©lai qui court Ă compter de la date dâexpiration du titre ayant Ă©tĂ© prolongĂ© de plein droit et qui ne peut ĂȘtre supĂ©rieur dâune part, Ă un mois en matiĂšre dĂ©lictuelle, dâautre part, Ă trois mois en matiĂšre criminelle ainsi quâen cas dâappel de la condamnation prononcĂ©e en premiĂšre instance.
Une telle dĂ©cision ne sâimpose pas lorsquâen premiĂšre instance ou en appel, la juridiction compĂ©tente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provi-soire, a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de cette mesure dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©.Elle ne sâimpose pas non plus si la juridiction compĂ©tente a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©tention, dâoffice ou lors de lâexamen dâune demande de mise en libertĂ©, tou-jours dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©.Dans les autres cas, si lâintĂ©ressĂ© nâa pas, entre-temps, fait lâobjet dâun nouveau titre de dĂ©tention, il incombe au juge dâeffectuer ce contrĂŽle dans les dĂ©lais prĂ©citĂ©s, Ă moins que, dans ce dĂ©lai, il nâait dĂ©jĂ exercĂ© son contrĂŽle en application de lâarticle 16-1, alinĂ©a 5, de lâordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020.Ă dĂ©faut dâun tel contrĂŽle et sauf sâil est dĂ©tenu pour autre cause, lâintĂ©ressĂ© doit ĂȘtre immĂ©diatement remis en libertĂ©.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
Encourt dĂšs lors la cassation lâarrĂȘt, qui, pour confirmer lâordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention ayant constatĂ© la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire de la personne mise en examen, Ă©nonce que ce juge nâa pu que constater cette prolon-gation, alors quâil appartenait Ă la chambre de lâinstruction de statuer sur la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©tention de la personne mise en examen, qui sollicitait dâailleurs sa mise en libertĂ© dans son mĂ©moire.
Par ces arrĂȘts, la chambre criminelle de la Cour de cassation a tranchĂ© plusieurs ques-tions de principe concernant lâarticle 16 de lâordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de rĂšgles de procĂ©dure pĂ©nale sur le fondement de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 dâurgence pour faire face Ă lâĂ©pidĂ©mie de Covid-19 dont lâobjet Ă©tait de prolonger de plein droit la dĂ©tention provisoire durant lâĂ©tat dâurgence sanitaire.
Il convient de rappeler que, pour faire face au risque sanitaire majeur provoquĂ© par lâĂ©pidĂ©mie de Covid-19, le lĂ©gislateur a adoptĂ©, le 23 mars 2020, une loi dĂ©clarant lâĂ©tat dâurgence sanitaire pour deux mois et autorisant, dans son article 1er, le gouver-nement Ă modifier par ordonnances, dans les conditions prĂ©vues Ă lâarticle 38 de la Constitution, les rĂšgles relatives au « dĂ©roulement et Ă la durĂ©e des dĂ©tentions provi-soires [âŠ] aux seules fins de limiter la propagation de lâĂ©pidĂ©mie de Covid-19 parmi les personnes participant Ă ces procĂ©dures ».
Câest sur le fondement de cette habilitation lĂ©gislative que le gouvernement a adoptĂ© lâordonnance no 2020-303 prĂ©citĂ©e qui, en son article 16, prĂ©voyait une prolongation de plein droit « des dĂ©lais maximums de dĂ©tention provisoire », pour des durĂ©es variables selon la peine encourue.
En application de lâarticle 15 de lâordonnance prĂ©citĂ©e, cette disposition devait sâap-pliquer aux dĂ©tentions provisoires en cours ou dĂ©butant entre le 26 mars 2020 et la fin de lâĂ©tat dâurgence sanitaire. Toutefois, la loi no 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant lâĂ©tat dâurgence sanitaire et complĂ©tant ses dispositions a insĂ©rĂ©, au sein de lâordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e, un article 16-1 qui a mis fin Ă lâapplication des dispositions contestĂ©es pour les dĂ©tentions provisoires venant Ă expiration Ă compter du 11 mai 2020. Ainsi, les dispositions contestĂ©es se sont appliquĂ©es aux seules dĂ©ten-tions provisoires dont les titres devaient expirer entre le 26 mars et le 11 mai 2020.
Pour autant, les arrĂȘts prĂ©citĂ©s, par la rĂ©ponse de principe quâils ont apportĂ©e Ă la question inĂ©dite de la conformitĂ© de la prolongation automatique dâun titre de dĂ©ten-tion venant Ă expiration aux exigences conventionnelles en matiĂšre de libertĂ© indivi-duelle, revĂȘtent une importance capitale.
Avant dâexpliciter cette rĂ©ponse et dâanalyser la portĂ©e des arrĂȘts commentĂ©s, il convient de prĂ©ciser lâinterprĂ©tation faite par la chambre criminelle de lâarticle 16 prĂ©citĂ©.
1. LâinterprĂ©tation de lâarticle 16 de lâordonnance du 25 mars 2020
Lâarticle 16 de lâordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de rĂšgles de procĂ©dure pĂ©nale sur le fondement de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 dâurgence pour faire face Ă lâĂ©pidĂ©mie de Covid-19 disposait que « les dĂ©lais maximums de dĂ©tention provisoire » [quâil sâagisse des dĂ©tentions au cours de lâinstruction ou des dĂ©tentions pour lâaudiencement] « sont prolongĂ©s de plein droit » pour une durĂ©e de deux ou trois mois en matiĂšre correctionnelle, de six mois en matiĂšre criminelle ainsi quâen matiĂšre correctionnelle pour lâaudiencement des affaires devant la cour dâappel.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Cette disposition a soulevĂ© une difficultĂ© majeure dâinterprĂ©tation, source dâune insĂ©curitĂ© juridique importante.
La question se posait en effet de savoir si lâexpression « dĂ©lais maximums de dĂ©ten-tion provisoire » dĂ©signait la durĂ©e totale de la dĂ©tention susceptible dâĂȘtre subie aprĂšs lâultime prolongation permise par le code de procĂ©dure pĂ©nale ou la durĂ©e au terme de laquelle le titre de dĂ©tention cesse de produire effet en lâabsence de dĂ©cision de prolongation.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugĂ© que lâarticle 16 de lâordon-nance du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e sâinterprĂ©tait comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durĂ©es quâil prĂ©voyait, tout titre de dĂ©tention venant Ă expiration, mais Ă une seule reprise au cours de chaque procĂ©dure.
Dans une motivation enrichie, la chambre criminelle a développé le raisonnement suivant :
â lâexpression « dĂ©lais maximums de dĂ©tention provisoire » ne permet pas, Ă elle seule, de dĂ©terminer la portĂ©e de lâarticle 16 ;
â les autres articles de lâordonnance ne permettent pas davantage dâinterprĂ©ter de façon Ă©vidente, dans un sens ou dans un autre, les termes de « dĂ©lais maximums » ;
â en revanche, lâexpression « prolongation de plein droit » des dĂ©lais maximums de dĂ©tention provisoire ne peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e que comme signifiant lâallongement de ces dĂ©lais, pour la durĂ©e mentionnĂ©e Ă lâarticle 16, sans que ne soit prĂ©vue lâinterven-tion dâun juge ;
â or, il serait paradoxal que lâarticle 16 ait prĂ©vu que lâallongement de la durĂ©e totale de la dĂ©tention sâeffectue sans intervention judiciaire tandis que lâallongement dâun titre de dĂ©tention intermĂ©diaire serait subordonnĂ© Ă une dĂ©cision judiciaire prise en appli-cation de lâarticle 19 de lâordonnance.
2. Lâexamen de la conventionnalitĂ© de lâarticle 16
Lâarticle 16 ainsi interprĂ©tĂ©, la chambre criminelle de la Cour de cassation a exa-minĂ© sa conformitĂ© Ă lâarticle 5 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, comme lây invitaient les moyens des demandeurs.
Comme elle lâa rĂ©affirmĂ© dans son arrĂȘt du 15 avril 2011 rendu par sa formation la plus solennelle (Ass. plĂ©n., 15 avril 2011, pourvoi no 10-17.049, Bull. crim. 2011, Ass. plĂ©n., no 1), la Cour de cassation juge en effet de façon constante que le juge national est le juge de droit commun de la conventionnalitĂ©.
Lâarticle 5 de la Convention prĂ©citĂ©e garantit que nul ne doit ĂȘtre privĂ© de sa libertĂ© individuelle de maniĂšre arbitraire.
La Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH) en dĂ©duit quâun individu placĂ© en dĂ©tention provisoire ne doit pas courir le risque de rester en dĂ©tention aprĂšs le moment oĂč sa privation de libertĂ© a perdu toute justification. En consĂ©quence, la circonstance quâun individu ait Ă©tĂ© lĂ©galement placĂ© en dĂ©tention provisoire ne dispense pas dâun contrĂŽle juridictionnel pĂ©riodique, Ă des intervalles rĂ©guliers, de la lĂ©galitĂ© et du bien-fondĂ© de celle-ci (CEDH, arrĂȘt du 25 octobre 1989, Bezicheri c. Italie, no 11400/85, SĂ©rie A, p. 164 ; CEDH, arrĂȘt du 9 janvier 2003, Chichkov c. Bulgarie, no 38822/97).
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
La France nâayant pas exercĂ© le droit de dĂ©rogation prĂ©vu Ă lâarticle 15 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, il incombait Ă la chambre criminelle de la Cour de cassation de confronter lâarticle 16 de lâordonnance prĂ©citĂ©e aux exi-gences de lâarticle 5 de la Convention, sans tenir compte du contexte dâurgence sani-taire dans lequel il avait Ă©tĂ© adoptĂ©.
Pour remplir son office, la chambre criminelle a relevĂ© les deux principales consĂ©-quences attachĂ©es Ă une prolongation dâun titre de dĂ©tention provisoire, sans inter-vention du juge, Ă savoir :
â dâune part, lâarticle 16 conduisait Ă maintenir en dĂ©tention, de par le seul effet de la loi et sans dĂ©cision judiciaire, des personnes dĂ©tenues, au-delĂ de la durĂ©e du terme du titre de dĂ©tention et retirait ainsi Ă la juridiction compĂ©tente le pouvoir dâapprĂ©cier, dans tous les cas, sâil y avait lieu dâordonner la mise en libertĂ© de la personne dĂ©tenue, au regard des critĂšres prĂ©vus par le code de procĂ©dure pĂ©nale ;
â dâautre part, ce mĂȘme texte conduisait Ă diffĂ©rer, Ă lâĂ©gard de tous les dĂ©tenus, lâexa-men systĂ©matique, par la juridiction compĂ©tente, de la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©ten-tion et du caractĂšre raisonnable de la durĂ©e de celle-ci.
En lâespĂšce, lâapplication de lâarticle 16 de lâordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e conduisait Ă diffĂ©rer dâun an lâexamen de la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©tention des deman-deurs, alors quâun tel examen aurait dĂ» intervenir normalement au bout de six mois.
Par ailleurs, la chambre criminelle de la Cour de cassation a constatĂ© que lâexigence conventionnelle dâun contrĂŽle effectif de la dĂ©tention provisoire ne pouvait ĂȘtre aban-donnĂ©e Ă la seule initiative de la personne dĂ©tenue, ni Ă la possibilitĂ© pour la juridiction compĂ©tente dâordonner, Ă tout moment, dâoffice ou sur demande du ministĂšre public, la mainlevĂ©e de la mesure de dĂ©tention.
Par une technique juridique assimilable Ă une rĂ©serve dâinterprĂ©tation, elle en a dĂ©duit que lâarticle 16 de lâordonnance prĂ©citĂ©e nâĂ©tait compatible avec lâarticle 5 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme et la prolongation quâil prĂ©voyait nâĂ©tait rĂ©guliĂšre que si la juridiction qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tente pour prolonger la dĂ©ten-tion rendait, dans un dĂ©lai rapprochĂ© courant Ă compter de la date dâexpiration du titre ayant Ă©tĂ© prolongĂ© de plein droit, une dĂ©cision par laquelle elle se prononçait sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention.
Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation nâa pas jugĂ© que lâarticle 16 de lâordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e Ă©tait radicalement inconvention-nel mais elle a considĂ©rĂ© que sa compatibilitĂ© avec lâarticle 5 de la Convention suppo-sait que la juridiction qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tente pour prolonger la dĂ©tention rende, dans un dĂ©lai rapprochĂ© courant Ă compter de la date dâexpiration du titre, une dĂ©cision par laquelle elle se prononçait sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention.
La notion de « dĂ©lai rapprochĂ© » pouvant, par son imprĂ©cision, gĂ©nĂ©rer une insĂ©cu-ritĂ© juridique, dans un contexte dĂ©jĂ incertain, la chambre criminelle a dâemblĂ©e, dans son office de juge de la conventionnalitĂ©, prĂ©cisĂ© que ce dĂ©lai ne pouvait dĂ©passer trois mois en matiĂšre criminelle et en appel et un mois en matiĂšre dĂ©lictuelle, et ce mĂȘme en tenant compte des circonstances de fait exceptionnelles rĂ©sultant du contexte Ă©pi-dĂ©mique, qui ont pu affecter le fonctionnement normal des juridictions et retarder le traitement normal des procĂ©dures. Le dĂ©lai de trois mois retenu en cas dâappel prend
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
en compte la circonstance que les faits reprochĂ©s Ă la personne dĂ©tenue ont dĂ©jĂ fait lâobjet dâun examen au fond par une juridiction de jugement.
Sâagissant de lâoffice de lâautoritĂ© judiciaire, la chambre criminelle a retenu quâil appartenait au juge qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tent pour se prononcer sur la prolongation de la dĂ©tention provisoire si celle-ci nâavait pas eu lieu de plein droit, non pas dâordonner cette prolongation, mais dâexaminer la question du maintien en dĂ©tention de la per-sonne dĂ©tenue, en exerçant le mĂȘme contrĂŽle que celui qui aurait Ă©tĂ© le sien sâil avait dĂ» prononcer sur cette prolongation.
Sâagissant enfin des modalitĂ©s procĂ©durales dâintervention du juge, la chambre cri-minelle a prĂ©cisĂ© que la dĂ©cision de maintien en dĂ©tention devait ĂȘtre prise, comme lâaurait Ă©tĂ© une dĂ©cision de prolongation, dans le cadre dâun dĂ©bat contradictoire, tenu, le cas Ă©chĂ©ant, selon les modalitĂ©s allĂ©gĂ©es prĂ©vues par lâarticle 19 de lâordonnance prĂ©-citĂ©e tant que cet article demeurait applicable (soit jusquâĂ un mois aprĂšs la cessation de lâĂ©tat dâurgence).
La chambre criminelle de la Cour de cassation a rĂ©servĂ© nĂ©anmoins trois hypo-thĂšses dans lesquelles une telle intervention du juge nâĂ©tait pas nĂ©cessaire, un contrĂŽle par celui-ci ayant Ă©tĂ© dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© :
â la premiĂšre concerne le cas oĂč, en premiĂšre instance ou en appel, la juridiction com-pĂ©tente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire, a, dans le respect de lâarticle 5 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme et dans le plein exercice de son office de gardien de la libertĂ© individuelle, statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© du maintien de cette mesure dans le dĂ©lai prĂ©citĂ© ;
â la deuxiĂšme est relative Ă la situation oĂč, dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©, la juridiction compĂ©-tente a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©tention, dâoffice ou lors de lâexamen dâune demande de mise en libertĂ© ;
â la troisiĂšme a trait Ă lâapplication de lâarticle 16-1 prĂ©citĂ© de lâordonnance du 25 mars 2020, crĂ©Ă© par la loi du 11 mai 2020. Cet article prĂ©voit que lorsque la dĂ©ten-tion provisoire a Ă©tĂ© prolongĂ©e de plein droit, au cours de lâinstruction, pour une durĂ©e de six mois, cette prolongation ne peut maintenir ses effets jusquâĂ son terme que par une dĂ©cision prise par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, qui doit intervenir au moins trois mois avant le terme de la prolongation. DĂšs lors, sâagissant des dĂ©tentions provi-soires en matiĂšre criminelle en cours durant lâinformation judiciaire, la garantie posĂ©e par lâarrĂȘt de la chambre criminelle rejoignait celle de lâarticle 16-1 prĂ©citĂ©.
Enfin, tirant les consĂ©quences de lâexigence dâun contrĂŽle du juge, la chambre cri-minelle a prĂ©cisĂ© quâĂ dĂ©faut dâun tel contrĂŽle exercĂ© selon les modalitĂ©s et dans le dĂ©lai prĂ©cisĂ©s ci-dessus, lâintĂ©ressĂ© devait ĂȘtre immĂ©diatement remis en libertĂ©, sauf sâil Ă©tait dĂ©tenu pour autre cause.
Dans les deux pourvois commentĂ©s, la chambre criminelle de la Cour de cassation a censurĂ© les arrĂȘts attaquĂ©s pour ne pas avoir prononcĂ© sur le maintien en dĂ©tention de la personne dĂ©tenue, qui sollicitait dâailleurs sa mise en libertĂ© dans son mĂ©moire :
â dans le premier, saisie en appel dâune ordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©ten-tion ayant constatĂ© la prolongation de la dĂ©tention provisoire, la chambre de lâinstruction avait Ă©noncĂ©, sans autre analyse, que le juge nâavait pu que constater que la dĂ©tention provisoire avait Ă©tĂ© prolongĂ©e de plein droit pour une durĂ©e de six mois ;
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale
â dans le second, saisie sur requĂȘte du procureur gĂ©nĂ©ral aux fins de prolongation de la dĂ©tention dâun accusĂ©, la chambre de lâinstruction, aprĂšs avoir relevĂ© quâil nây avait pas lieu dâexaminer le bien-fondĂ© de la prolongation de la dĂ©tention, sâĂ©tait bornĂ©e Ă Ă©noncer que sa saisine Ă©tait devenue sans objet, le dĂ©lai de comparution devant la cour dâassises ayant Ă©tĂ© prolongĂ© de six mois de plein droit.
3. PortĂ©e des arrĂȘts : le contentieux postĂ©rieur sur lâarticle 16
Saisie dâun contentieux important sur lâarticle 16 de lâordonnance, la chambre cri-minelle de la Cour de cassation a, Ă plusieurs reprises, fait application des principes ainsi dĂ©gagĂ©s, ce qui lâa conduite Ă casser des arrĂȘts de chambres de lâinstruction qui sâĂ©taient bornĂ©s soit Ă confirmer lâordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention ayant constatĂ© la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire, soit Ă Ă©non-cer que la saisine de la chambre de lâinstruction Ă©tait devenue sans objet du fait de la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire de la personne mise en examen.
Dans ces hypothĂšses, aprĂšs avoir constatĂ© que la cassation devait intervenir sans renvoi, elle a jugĂ© que celle-ci ne devait toutefois pas entraĂźner la mise en libertĂ© immĂ©-diate de la personne dĂ©tenue sâil rĂ©sultait des piĂšces de la procĂ©dure que soit le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention soit la chambre de lâinstruction sâĂ©tait prononcĂ©e sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention, peu important Ă cet Ă©gard que lâordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention soit frappĂ©e dâappel (Crim., 1er septembre 2020, pourvoi no 20-82.938, publiĂ© au Bulletin).
ParallĂšlement Ă lâapplication des principes dĂ©gagĂ©s, dans son office de gardien de la libertĂ© individuelle, la chambre criminelle a affirmĂ© le caractĂšre subsidiaire, au regard des rĂšgles de droit commun de la dĂ©tention provisoire, des dispositions de lâarticle 16 de lâordonnance.
Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejetĂ© le pourvoi formĂ© par un procureur gĂ©nĂ©ral Ă lâencontre dâun arrĂȘt dâune chambre de lâinstruction qui avait confirmĂ© la dĂ©cision du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention ayant statuĂ© sur le bien-fondĂ© de la prolongation de la dĂ©tention provisoire aprĂšs dĂ©bat contradictoire. Le moyen sou-tenait que la dĂ©cision du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention Ă©tait nulle dĂšs lors que la dĂ©tention provisoire Ă©tait prolongĂ©e de plein droit par lâeffet de la loi. La chambre cri-minelle a Ă©cartĂ© cette argumentation : dĂšs lors que le juge saisi estimait ĂȘtre en mesure, malgrĂ© les circonstances sanitaires, dâassurer normalement son office de gardien de la libertĂ© individuelle, il pouvait Ă©carter lâapplication du droit dâexception et ordonner la prolongation de la dĂ©tention provisoire dans les conditions habituelles prĂ©vues par la loi (Crim., 1er septembre 2020, pourvoi no 20-82.146, publiĂ© au Bulletin).
Dans le mĂȘme sens, la chambre criminelle a censurĂ©, au visa de lâarticle 5 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme et de lâarticle 145-2 du code de pro-cĂ©dure pĂ©nale relatif Ă la prolongation de la dĂ©tention provisoire en matiĂšre crimi-nelle, une chambre de lâinstruction, qui avait cru devoir annuler une ordonnance de prolongation de la dĂ©tention provisoire rendue par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©ten-tion en application des textes de droit commun du code de procĂ©dure pĂ©nale puis constater la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire. Ă lâappui de sa dĂ©cision, la chambre criminelle a relevĂ© que lâarticle 16 de lâordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e « ne saurait sâinterprĂ©ter comme faisant obstacle Ă lâexer-cice de ses compĂ©tences par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention dans des conditions
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
conformes aux seuls textes du code de procĂ©dure pĂ©nale ». Constatant que le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention sâĂ©tait prononcĂ© sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention provisoire, la chambre a jugĂ© que lâintĂ©ressĂ© ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme dĂ©tenu sans titre. Soucieuse nĂ©anmoins de prĂ©server le droit Ă un appel effectif de la personne dĂ©tenue, elle a cassĂ© avec renvoi cette dĂ©cision afin de permettre Ă la chambre de lâins-truction dâexaminer Ă nouveau le recours de lâintĂ©ressĂ© (Crim., 29 septembre 2020, pourvoi no 20-82.564, publiĂ© au Bulletin).
Pour terminer, on relĂšvera que, saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassa-tion dâune question prioritaire de constitutionnalitĂ© (QPC) portant sur lâarticle 16 de lâordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e (Crim., 3 novembre 2020, QPC no 20-83.457 ; Crim., 3 novembre 2020, QPC no 20-83.189), le Conseil constitution-nel a dĂ©clarĂ© celui-ci contraire Ă lâarticle 66 de la Constitution qui Ă©rige lâautoritĂ© judi-ciaire en gardienne de la libertĂ© individuelle.
Ă lâappui de sa dĂ©cision, le Conseil constitutionnel a relevĂ© que les dispositions contestĂ©es maintenaient de plein droit des personnes en dĂ©tention provisoire sans que lâapprĂ©ciation de la nĂ©cessitĂ© de ce maintien soit obligatoirement soumise, Ă bref dĂ©lai, au contrĂŽle du juge judiciaire ; que lâobjectif poursuivi par les dispositions contestĂ©es nâĂ©tait pas de nature Ă justifier que lâapprĂ©ciation de la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©ten-tion soit, durant de tels dĂ©lais, soustraite au contrĂŽle systĂ©matique du juge judiciaire et quâau demeurant lâintervention du juge judiciaire pouvait, le cas Ă©chĂ©ant, faire lâobjet dâamĂ©nagements procĂ©duraux (Cons. const., 29 janvier 2021, dĂ©cision no 2020-878/879 QPC, M. Ion Andronie R. et autre [Prolongation de plein droit des dĂ©tentions provi-soires dans un contexte dâurgence sanitaire]).
H. Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme et du droit international
1. Droit de lâUnion europĂ©enne
Ălections â Liste Ă©lectorale â Liste Ă©lectorale complĂ©mentaire des citoyens de lâUnion europĂ©enne â Inscription â Conditions â CitoyennetĂ© europĂ©enne â DĂ©faut â Cas â Ressortissants britanniques â Demande postĂ©rieure Ă lâen-trĂ©e en vigueur de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et dâIrlande du Nord de lâUnion europĂ©enne et de la CommunautĂ© europĂ©enne de lâĂ©nergie atomique2e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi no 20-16.901, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Talabardon et avis de Mme NicolĂ©tisIl rĂ©sulte des stipulations combinĂ©es des articles 20 et 22 du TraitĂ© sur le fonction-nement de lâUnion europĂ©enne (le TFUE) instituant, au profit des ressortissants dâun Ătat membre, une citoyennetĂ© de lâUnion emportant un droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© aux Ă©lections municipales dans lâĂtat membre oĂč ces ressortissants rĂ©sident, Ă©gale-ment consacrĂ© par lâarticle 40 de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion euro-pĂ©enne (la Charte), de lâarticle 50 du TraitĂ© sur lâUnion europĂ©enne (le TUE), relatives
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne
des droits de lâhomme et du droit international
au retrait de lâUnion dâun Ătat membre, et de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et dâIrlande du Nord de lâUnion europĂ©enne et de la CommunautĂ© europĂ©enne de lâĂ©nergie atomique (lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni), publiĂ© au Journal officiel de lâUnion europĂ©enne du 31 janvier 2020, notamment celles de son article 2 dĂ©finissant le « citoyen de lâUnion » comme « toute personne ayant la nationa-litĂ© dâun Ătat membre » par opposition au « ressortissant britannique », quâĂ compter du 1er fĂ©vrier 2020, date dâentrĂ©e en vigueur de cet accord, le Royaume-Uni a cessĂ© dâĂȘtre un Ătat membre de lâUnion europĂ©enne et que, par suite, ses ressortissants ne jouissent plus de la citoyennetĂ© europĂ©enne, Ă laquelle est subordonnĂ©, aux termes des articles 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 et LO 227-1 du code Ă©lectoral, le droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© aux Ă©lections municipales en France.
Ălections â Liste Ă©lectorale â Liste Ă©lectorale complĂ©mentaire des citoyens de lâUnion europĂ©enne â Inscription â Ressortissants britanniques â Demande postĂ©-rieure Ă lâentrĂ©e en vigueur de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et dâIrlande du Nord de lâUnion europĂ©enne et de la CommunautĂ© europĂ©enne de lâĂ©nergie atomique â PĂ©riode de transition â Application â Exclusion â Discrimination (non)MĂȘme arrĂȘtLâarticle 127, paragraphe 1, sous b), de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni stipule expressĂ©ment que, par dĂ©rogation au principe selon lequel le droit de lâUnion demeure applicable au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la pĂ©riode de transition dont le terme est fixĂ©, par lâarticle 126, au 31 dĂ©cembre 2020, ne sont pas applicables Ă cet Ătat et sur son territoire, pendant la mĂȘme pĂ©riode, les articles 20, paragraphe 2, point b), et 22 du TFUE, ainsi que les articles 39 et 40 de la Charte, relatifs au droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© aux Ă©lections au Parlement europĂ©en ainsi quâaux Ă©lections municipales dans lâĂtat membre de rĂ©sidence.Cette exclusion du droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© des dispositions du droit de lâUnion rendues applicables au Royaume-Uni pendant la pĂ©riode de transition, dâune part, vise nĂ©cessairement les ressortissants britanniques qui ont exercĂ© leur droit de rĂ©sider dans un Ătat membre de lâUnion avant la fin de cette pĂ©riode, dâautre part, ne relĂšve pas de cette interdiction, posĂ©e par lâarticle 12 de lâaccord, de toute discrimination exercĂ©e en raison de la nationalitĂ© au sens de lâarticle 18, alinĂ©a 1, du TFUE, Ă lâĂ©gard de ces ressortissants dans lâĂtat membre dâac-cueil ou dans lâĂtat membre de travail. En effet, cette interdiction nâest Ă©dictĂ©e, aux termes mĂȘmes de lâarticle 12 et conformĂ©ment au point 6 du prĂ©ambule de lâaccord, que dans le champ dâapplication de la deuxiĂšme partie de ce texte, qui a pour objet de garantir une pro-tection rĂ©ciproque en matiĂšre de droits liĂ©s au sĂ©jour, de droits des travailleurs salariĂ©s et non salariĂ©s, de qualifications professionnelles et de coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale, tant aux citoyens de lâUnion quâaux ressortissants du Royaume-Uni, ayant exercĂ© leurs droits respectifs de libre circulation avant la fin de la pĂ©riode de transition.
Par cet arrĂȘt, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation sâest prononcĂ©e sur le droit, invoquĂ© par un ressortissant britannique, Ă©tabli sur le territoire français depuis plusieurs annĂ©es, de participer aux Ă©lections municipales de lâannĂ©e 2020 dans sa commune de rĂ©sidence.
LâintĂ©ressĂ© avait Ă©tĂ© radiĂ© des listes Ă©lectorales par lâInstitut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques (lâINSEE) Ă la suite de lâentrĂ©e en vigueur, le 1er fĂ©vrier 2020, de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et dâIrlande du Nord de
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
lâUnion europĂ©enne et de la CommunautĂ© europĂ©enne de lâĂ©nergie atomique, publiĂ© au Journal officiel de lâUnion europĂ©enne du 31 janvier 2020 (lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni), et il nâavait pu participer au premier tour du scrutin.
Le 30 avril 2020, il a sollicitĂ© sa rĂ©inscription sur la liste Ă©lectorale complĂ©mentaire en vue de participer au second tour du scrutin, reportĂ© au 28 juin 2020, mais, par une dĂ©cision du 7 mai suivant, le maire a rejetĂ© sa demande et, le 4 juin suivant, la commis-sion de contrĂŽle, quâil avait saisie dâun recours administratif prĂ©alable, a confirmĂ© le refus de le rĂ©inscrire sur ladite liste.
LâintĂ©ressĂ© a alors saisi un tribunal judiciaire aux fins, dâune part, de saisine de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (la CJUE) de quatre questions prĂ©judicielles en interprĂ©tation et en apprĂ©ciation de validitĂ© de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni, dâautre part, dâannulation du rejet de sa demande de rĂ©inscription sur les listes Ă©lecto-rales de sa commune de rĂ©sidence, puis il sâest pourvu en cassation contre le jugement lâayant dĂ©boutĂ© de lâensemble de ses demandes.
Par un moyen unique, le demandeur soutenait principalement que lâentrĂ©e en vigueur de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni nâavait pas fait perdre la citoyen-netĂ© europĂ©enne aux ressortissants britanniques ayant exercĂ© leur droit de libre cir-culation et dâinstallation avant la fin de la pĂ©riode de transition prĂ©vue par ce texte et quâen consĂ©quence, ces ressortissants conservaient leur droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© aux Ă©lections municipales dans lâĂtat membre de rĂ©sidence.
Il ajoutait quâĂ supposer que lâentrĂ©e en vigueur de lâaccord eĂ»t fait perdre Ă ces ressortissants la citoyennetĂ© europĂ©enne, le principe de non-discrimination, consacrĂ© Ă leur Ă©gard, par ce texte, devait conduire Ă maintenir leur droit de participer aux Ă©lec-tions municipales dans cet Ătat.
La Cour de cassation a jugé que les postulats sur lesquels reposait le moyen consi-déré manquaient en droit.
Ainsi, en premier lieu, lâarrĂȘt quâelle a rendu Ă©nonce quâil rĂ©sulte des stipulations combinĂ©es des articles 20 et 22 du TraitĂ© sur le fonctionnement de lâUnion europĂ©enne (le TFUE) instituant, au profit des ressortissants dâun Ătat membre, une citoyennetĂ© de lâUnion, emportant un droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© aux Ă©lections municipales dans lâĂtat membre oĂč ces ressortissants rĂ©sident, Ă©galement consacrĂ© par lâarticle 40 de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne (la Charte), de lâarticle 50 du TraitĂ© sur lâUnion europĂ©enne (le TUE), relatives au retrait de lâUnion dâun Ătat membre, et de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni, notamment celles de son article 2 dĂ©finissant le « citoyen de lâUnion » comme « toute personne ayant la nationa-litĂ© dâun Ătat membre », par opposition au « ressortissant britannique », quâĂ compter du 1er fĂ©vrier 2020, date dâentrĂ©e en vigueur de lâaccord sur son retrait, le Royaume-Uni a cessĂ© dâĂȘtre un Ătat membre de lâUnion et que, par suite, ses ressortissants ne jouissent plus de la citoyennetĂ© europĂ©enne, Ă laquelle est subordonnĂ©, aux termes des articles 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 et LO 227-1 du code Ă©lectoral, le droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© aux Ă©lections municipales en France.
En second lieu, lâarrĂȘt rappelle que lâarticle 127, § 1, sous b), de lâaccord de retrait prĂ©citĂ© stipule expressĂ©ment que, par dĂ©rogation au principe selon lequel le droit de lâUnion demeure applicable au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la pĂ©riode de transition, Ă savoir jusquâau 31 dĂ©cembre 2020, ne sont plus applicables Ă cet Ătat
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des droits de lâhomme et du droit international
et sur son territoire, pendant la mĂȘme pĂ©riode, les articles 20, § 2, point b), et 22 du TFUE, ainsi que les articles 39 et 40 de la Charte, câest-Ă -dire les textes relatifs au droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© aux Ă©lections au Parlement europĂ©en et Ă©lections municipales dans lâĂtat membre de rĂ©sidence.
Puis, Ă©cartant lâargumentation du requĂ©rant, qui soutenait que la dĂ©rogation ainsi instituĂ©e nâavait vocation Ă sâappliquer que sur le territoire du Royaume-Uni, sans pou-voir affecter les ressortissants britanniques rĂ©sidant dans un Ătat membre de lâUnion, et quâen juger autrement serait contraire Ă lâinterdiction, posĂ©e par lâarticle 12 de lâac-cord, de toute discrimination exercĂ©e en raison de la nationalitĂ©, au sens de lâarticle 18, alinĂ©a 1, du TFUE, Ă lâĂ©gard de ces ressortissants dans lâĂtat membre dâaccueil ou dans lâĂtat membre de travail, la Cour de cassation a jugĂ© que lâexclusion du droit de vote et dâĂ©ligibilitĂ© des dispositions du droit de lâUnion rendues applicables au Royaume-Uni pendant la pĂ©riode de transition, dâune part, ne pouvait que viser les ressortissants bri-tanniques ayant exercĂ© leur droit de rĂ©sider dans un Ătat membre de lâUnion avant la fin de cette pĂ©riode, dâautre part, ne relevait pas de la prohibition des discriminations Ă raison de la nationalitĂ© posĂ©e par ledit article 12, dĂšs lors quâaux termes mĂȘmes de ce texte et conformĂ©ment au point 6 du prĂ©ambule de lâaccord, cette prohibition nâĂ©tait Ă©dictĂ©e que dans le champ dâapplication de la deuxiĂšme partie dudit accord, laquelle avait pour seul objet de garantir une protection rĂ©ciproque en matiĂšre de droits liĂ©s au sĂ©jour, de droits des travailleurs salariĂ©s et non salariĂ©s, de qualifications profession-nelles et de coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale, tant aux citoyens de lâUnion quâaux ressortissants du Royaume-Uni, ayant exercĂ© leurs droits respectifs de libre cir-culation avant la fin de la pĂ©riode de transition.
Autrement dit, lâargumentation du requĂ©rant reposait, pour une partie, sur un pos-tulat erronĂ© en droit et, pour lâautre, sur une stipulation de lâaccord de retrait inappli-cable Ă la matiĂšre Ă©lectorale.
Enfin, la Cour de cassation a considĂ©rĂ© que les questions soulevĂ©es par le pour-voi du demandeur nâĂ©tant pas pertinentes et lâapplication correcte du droit de lâUnion sâimposant en lâespĂšce avec une telle Ă©vidence quâelle ne laissait place Ă aucun doute raisonnable, il nây avait pas lieu de saisir la CJUE Ă titre prĂ©judiciel, en interprĂ©ta-tion ou en apprĂ©ciation de validitĂ© de lâaccord sur le retrait du Royaume-Uni, comme le lui demandait lâintĂ©ressĂ© Ă titre subsidiaire (voir, en ce sens, les arrĂȘts de la CJUE du 6 octobre 1982 : CJUE, arrĂȘt du 6 octobre 1982, Cilfit e. a./ministĂšre de la santĂ©, C-283/81, EU : C : 1982 : 335, point 21 ; du 9 septembre 2015 : CJUE, arrĂȘt du 9 sep-tembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e. a., C-160/14, EU : C : 2015 : 565, points 38 et 39 ; et du 28 juillet 2016 : CJUE, arrĂȘt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C-379/15, EU : C : 2016 : 603, point 50).
Transport aĂ©rien â Transport de personnes â ResponsabilitĂ© des transporteurs de personnes â Obligations â Indemnisation et assistance des passagers prĂ©vues par le rĂšglement communautaire du 11 fĂ©vrier 2004 â Conditions â PrĂ©sentation des passagers Ă lâenregistrement â Preuve â Charge â DĂ©termination â PortĂ©e1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi no 19-13.016, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Chevalier et avis de Mme LegoherelLe passager dâun vol retardĂ© de trois heures ou plus Ă son arrivĂ©e, qui possĂšde une rĂ©servation confirmĂ©e pour ce vol, ne peut pas se voir refuser lâindemnisation prĂ©vue par
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
le rĂšglement (CE) no 261/2004 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 11 fĂ©vrier 2004 au seul motif que, Ă lâoccasion de sa demande dâindemnisation, il nâa pas prouvĂ© sa prĂ©sence Ă lâenregistrement pour ledit vol, notamment au moyen de la carte dâem-barquement, Ă moins quâil soit dĂ©montrĂ© que ce passager nâa pas Ă©tĂ© transportĂ© sur le vol retardĂ© en cause, ce quâil appartient Ă la juridiction nationale de vĂ©rifier.
En application du rĂšglement (CE) no 261/2004 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 11 fĂ©vrier 2004 Ă©tablissant des rĂšgles communes en matiĂšre dâindemnisa-tion et dâassistance des passagers en cas de refus dâembarquement et dâannulation ou de retard important dâun vol, et abrogeant le rĂšglement (CEE) no 295/91, le passager dâun vol arrivĂ© Ă destination avec un retard de trois heures ou plus a droit Ă une indem-nitĂ© versĂ©e par le transporteur aĂ©rien.
La Cour de cassation estimait que, pour bĂ©nĂ©ficier de cette indemnitĂ©, le passager devait justifier Ă la fois avoir une rĂ©servation confirmĂ©e pour le vol concernĂ© et sâĂȘtre prĂ©sentĂ© Ă lâenregistrement (1re Civ., 14 fĂ©vrier 2018, pourvoi no 16-23.205, Bull. 2018, I, no 34 ; 1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi no 18-20.491, publiĂ© au Bulletin).
Dans lâarrĂȘt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation opĂšre un revirement de cette jurisprudence au vu de lâordonnance rendue par la CJUE le 24 octobre 2019 dans lâaf-faire C-756/18 (CJUE, ordonnance du 24 octobre 2019, EasyJet Airline, C-756/18) qui a retenu quâune indemnisation ne pouvait ĂȘtre refusĂ©e au seul motif que les passa-gers nâavaient pas prouvĂ© leur prĂ©sence Ă lâenregistrement, notamment au moyen de la carte dâembarquement, Ă moins quâil soit dĂ©montrĂ© quâils nâavaient pas Ă©tĂ© trans-portĂ©s sur le vol retardĂ© en cause.
DĂ©sormais, le passager dâun vol retardĂ© de trois heures ou plus qui dispose dâune rĂ©servation confirmĂ©e pour le vol concernĂ© doit donc bĂ©nĂ©ficier de lâindemnitĂ© Ă moins que le transporteur aĂ©rien ne prouve que le passager en question nâĂ©tait pas Ă bord.
Union europĂ©enne â RĂšglement (CE) nÂș 1346/2000 du 29 mai 2000 â ProcĂ©dures dâinsolvabilitĂ© â Article 18, § 1, et § 3 â Pouvoirs du syndic de la procĂ©dure principale â Action en partage de lâindivisionCom., 16 juillet 2020, pourvoi nÂș 17-16.200, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme BĂ©laval et avis de Mme HenryLâarticle 16 du rĂšglement (CE) nÂș 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procĂ©dures dâinsolvabilitĂ© pose le principe de la reconnaissance dans tous les autres Ătats membres de toute dĂ©cision ouvrant une procĂ©dure dâinsolvabilitĂ© prise par une juridiction dâun Ătat membre compĂ©tente en vertu de lâarticle 3.
Il rĂ©sulte de lâarticle 18, § 1, que, en dehors dâhypothĂšses Ă©trangĂšres Ă lâespĂšce, le syndic dĂ©signĂ© par une juridiction compĂ©tente en vertu de lâarticle 3, § 1, peut exer-cer sur le territoire dâun autre Ătat membre tous les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s par la loi de lâĂtat dâouverture. Lâarticle 18, § 3, dispose que, dans lâexercice de ses pou-voirs, le syndic doit respecter la loi de lâĂtat membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux modalitĂ©s de rĂ©alisation des biens et que ses pouvoirs ne peuvent inclure lâemploi de moyens contraignants.
En consĂ©quence, doit ĂȘtre approuvĂ©e la cour dâappel qui, aprĂšs avoir constatĂ© que lâordonnance ouvrant, au Royaume-Uni, la faillite personnelle dâun dĂ©biteur Ă©tait une dĂ©cision dâouverture dâune procĂ©dure dâinsolvabilitĂ© principale, en dĂ©duit que cette pro-cĂ©dure produisait, sans aucune autre formalitĂ© dans tout Ătat membre, les effets que
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne
des droits de lâhomme et du droit international
lui attribuait la loi de lâĂtat dâouverture, et en particulier le transfert au syndic de la pro-priĂ©tĂ© des biens du dĂ©biteur, incluant sa quote-part indivise sur un immeuble situĂ© en France, lui permettant dâexercer sur le territoire de cet Ătat tous les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s par ce transfert de propriĂ©tĂ© et, en consĂ©quence, celui dâagir en partage de lâindivision existant sur cet immeuble.Doit encore ĂȘtre approuvĂ©e la cour dâappel qui, aprĂšs avoir reconnu les effets de cette procĂ©dure dâinsolvabilitĂ© attribuĂ©s par la loi anglaise sur la propriĂ©tĂ© des biens du dĂ©bi-teur, a fait application de la loi française, loi du lieu de situation de lâimmeuble, pour dĂ©terminer le fondement et le rĂ©gime de lâaction engagĂ©e par le syndic devant les juridic-tions françaises, et retenu que le syndic, devenu propriĂ©taire des biens du dĂ©biteur, Ă©tait coĂŻndivisaire de lâimmeuble avec un tiers et quâil agissait en consĂ©quence sur le fonde-ment de lâarticle 815 du code civil, et non sur celui de lâarticle 815-17 du mĂȘme code.
Union europĂ©enne â RĂšglement (CE) nÂș 1346/2000 du 29 mai 2000 â ProcĂ©dures dâinsolvabilitĂ© â Article 26 â Absence de contrariĂ©tĂ© Ă lâordre public international â CaractĂ©risation â Applications diverses â Transfert au syndic de la propriĂ©tĂ© des biens du dĂ©biteurMĂȘme arrĂȘtLâarticle 26 du rĂšglement (CE) no 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux pro-cĂ©dures dâinsolvabilitĂ© permet Ă tout Ătat membre de refuser de reconnaĂźtre une pro-cĂ©dure dâinsolvabilitĂ© ouverte dans un autre Ătat membre ou dâexĂ©cuter une dĂ©cision prise dans le cadre dâune telle procĂ©dure lorsque cette reconnaissance ou cette exĂ©-cution produirait des effets manifestement contraires Ă son ordre public, en particulier Ă ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertĂ©s individuelles garantis par sa constitution. La Cour de justice de lâUnion europĂ©enne a dit pour droit que ce recours Ă la clause dâordre public ne devait jouer que dans des cas exceptionnels (CJUE, arrĂȘt du 21 janvier 2010, Mg Probud Gdynia, C-444/07, point 34).
La rĂšgle du transfert au syndic de la propriĂ©tĂ© des biens du dĂ©biteur, personne physique, mis en liquidation judiciaire, rĂ©sultant de la loi anglaise, ne produit pas des effets mani-festement contraires Ă la conception française de lâordre public international.
Quels sont les pouvoirs que le syndic dĂ©signĂ© dans le cadre dâune procĂ©dure dâin-solvabilitĂ© ouverte en Angleterre peut exercer sur la quote-part dâun bien immobilier indivis situĂ© sur le territoire français, sous lâempire du rĂšglement (CE) no 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procĂ©dures dâinsolvabilitĂ© ?
La question posĂ©e prĂ©sentait en lâespĂšce une particularitĂ© liĂ©e aux effets de la procĂ©-dure dâinsolvabilitĂ© en cause. Il sâagissait dâune procĂ©dure de faillite personnelle ouverte en Angleterre Ă lâĂ©gard dâun dĂ©biteur, personne physique, impliquant le transfert auto-matique au syndic de la propriĂ©tĂ© des avoirs du dĂ©biteur. Or, le dĂ©biteur Ă©tant propriĂ©-taire de parts indivises dâun immeuble situĂ© sur le territoire français, le syndic avait agi en France en partage de lâindivision. Le coĂŻndivisaire avait demandĂ© Ă bĂ©nĂ©ficier des dispositions de lâarticle 815-17, alinĂ©a 3, du code civil permettant dâĂ©viter le partage en dĂ©sintĂ©ressant le crĂ©ancier personnel du coĂŻndivisaire poursuivant.
LâarrĂȘt fournit une illustration de lâarticulation Ă opĂ©rer entre lâarticle 18, § 1, du rĂšglement (CE) no 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procĂ©dures dâinsolvabilitĂ© qui permet au syndic dâexercer sur le territoire dâun autre Ătat membre que lâĂtat dâou-verture tous les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s par la loi de cet Ătat et lâarticle 18, § 3,
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
du mĂȘme rĂšglement qui lui impose, dans lâexercice de ses pouvoirs, de respecter la loi de lâĂtat membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux moda-litĂ©s de rĂ©alisation des biens, et qui lui interdit dâemployer des moyens contraignants.
Le principe de reconnaissance sans formalitĂ© dans tous les Ătats membres de la dĂ©ci-sion dâouverture de la faillite personnelle prise par le juge anglais a pour consĂ©quence que cette dĂ©cision produit en France les effets que lui attribue la loi anglaise, dont le transfert au syndic de la propriĂ©tĂ© de la quote-part du dĂ©biteur sur lâimmeuble indivis situĂ© en France et que le syndic peut donc exercer sur le territoire français, en appli-cation de lâarticle 18, § 1, du rĂšglement prĂ©citĂ©, tous les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s par ce transfert de propriĂ©tĂ© et agir en partage de lâindivision.
En revanche, en application de lâarticle 18, § 3, du mĂȘme rĂšglement, le syndic doit respecter la loi française, loi du lieu de situation de lâimmeuble, quant aux modalitĂ©s de rĂ©alisation du bien, et exclure lâutilisation de tout moyen contraignant. Sur quel fon-dement de la loi française devait-il agir et quelles Ă©taient les consĂ©quences juridiques pour le coĂŻndivisaire du rĂ©gime lĂ©gal Ă appliquer ?
DĂšs lors que le juge français est tenu de reconnaĂźtre le transfert de propriĂ©tĂ© au syndic de la quote-part du dĂ©biteur, il lui revient de considĂ©rer ce syndic comme un coĂŻndivisaire agissant en partage sur le fondement de lâarticle 815 du code civil et non comme un crĂ©ancier personnel dâun coĂŻndivisaire agissant sur le fondement de lâar-ticle 815-17 du mĂȘme code, ce qui entraĂźne pour le coĂŻndivisaire lâimpossibilitĂ© dâob-tenir lâapplication de lâalinĂ©a 3 de ce texte.
Devant la Cour de cassation, le dĂ©biteur et le coĂŻndivisaire ont en consĂ©quence sou-tenu sans succĂšs que le transfert au syndic de la propriĂ©tĂ© des biens appartenant au dĂ©bi-teur figurait au nombre des procĂ©dĂ©s contraignants prĂ©vus par la loi de lâĂtat dâouverture pour la rĂ©alisation de lâactif du dĂ©biteur quâil nâĂ©tait pas au pouvoir du syndic dâaccom-plir sur le territoire dâun autre Ătat membre, et que les effets de la loi anglaise sur le transfert de propriĂ©tĂ© ne permettaient pas au syndic dâagir comme sâil Ă©tait indivisaire.
Ils invoquaient aussi lâordre public dâĂ©viction pour dĂ©noncer le transfert de pro-priĂ©tĂ© au syndic des biens du dĂ©biteur en application de la loi anglaise et pour criti-quer la privation faite au coĂŻndivisaire de la facultĂ© dâarrĂȘter le cours de lâaction en partage. Compte tenu de lâapproche restrictive de lâordre public dâĂ©viction en droit de lâUnion europĂ©enne et de la jurisprudence de la Cour de justice de lâUnion euro-pĂ©enne, le moyen a Ă©tĂ© rejetĂ©.
LâĂ©tendue du dessaisissement dâune personne physique mise en faillite personnelle en Angleterre est plus vaste que celle du dessaisissement du dĂ©biteur mis en liquida-tion judiciaire en France. Toutefois, les effets de ce dessaisissement restent similaires en matiĂšre de rĂ©alisation dâun bien indivis. La seule diffĂ©rence quant aux effets du dessaisis-sement sur la rĂ©alisation de tels biens, câest que dans le cadre dâune procĂ©dure de liqui-dation judiciaire française, le liquidateur, qui, agissant dans lâexercice de ses pouvoirs, reprĂ©sente Ă la fois le dĂ©biteur et la collectivitĂ© des crĂ©anciers du dĂ©biteur, peut agir en partage du bien indivis sur le fondement de lâarticle 815 du code civil ou sur le fonde-ment de lâaction oblique de lâarticle 815-17 du mĂȘme code, quand, dans notre espĂšce, le syndic ne peut pas agir sur le fondement de lâaction oblique. Ce qui entraĂźne, certes, lâimpossibilitĂ© pour le coĂŻndivisaire de se prĂ©valoir de lâarticle 815-17, alinĂ©a 3, du code civil, pour arrĂȘter le cours du partage mais cette impossibilitĂ© est une consĂ©quence de
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne
des droits de lâhomme et du droit international
lâapplication de la seule loi française, loi du lieu de situation de lâimmeuble, habile Ă dĂ©finir les modalitĂ©s de rĂ©alisation du bien situĂ© sur le territoire français.
2. Droit de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme
Preuve â RĂšgles gĂ©nĂ©rales â Moyen de preuve â Moyen illicite â Exclusion â Cas â Production en justice dâĂ©lĂ©ments extraits du compte privĂ© Facebook dâun salariĂ© portant atteinte Ă sa vie privĂ©e â Conditions â Production indispensable Ă lâexercice du droit Ă la preuve et atteinte proportionnĂ©e au but poursuivi â DĂ©termination â PortĂ©eSoc., 30 septembre 2020, pourvoi nÂș 19-12.058, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Depelley et avis de Mme BerriatIl rĂ©sulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procĂ©dure civile que le droit Ă la preuve peut justifier la production en justice dâĂ©lĂ©ments extraits du compte privĂ© Facebook dâun salariĂ© portant atteinte Ă sa vie privĂ©e, Ă la condition que cette production soit indis-pensable Ă lâexercice de ce droit et que lâatteinte soit proportionnĂ©e au but poursuivi.
Par cet arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur le point de savoir si un employeur peut licencier disciplinairement un salariĂ© en raison dâĂ©lĂ©ments que ce dernier a publiĂ©s sur son compte privĂ© Facebook et surtout si lâemployeur peut rapporter de maniĂšre licite la preuve de la publication litigieuse.
La chambre sociale rappelle dâabord sa jurisprudence selon laquelle lâemployeur ne peut avoir recours Ă un stratagĂšme pour recueillir une preuve (Soc., 18 mars 2008, pourvoi no 06-40.852, Bull. 2008, V, no 65 ; Soc., 16 janvier 1991, pourvoi no 89-41.052, Bull. 1991, V, no 15). Mais elle constate quâen lâespĂšce la publication litigieuse avait Ă©tĂ© spontanĂ©ment communiquĂ©e Ă lâemployeur par une autre salariĂ©e qui Ă©tait autori-sĂ©e Ă accĂ©der au compte Facebook de la salariĂ©e licenciĂ©e. La chambre sociale dĂ©cide donc que le procĂ©dĂ© dâobtention de la preuve nâavait pas Ă©tĂ© dĂ©loyal. Cette situation se distinguait de celle ayant donnĂ© lieu Ă un arrĂȘt diffusĂ© dans lequel la chambre sociale avait admis le rejet dâun procĂšs-verbal de constat dâhuissier Ă©tabli Ă la demande dâun employeur et rapportant des informations extraites dâun compte Facebook dâune salariĂ©e obtenues Ă partir du tĂ©lĂ©phone portable dâun de ses collĂšgues (Soc., 20 dĂ©cembre 2017, pourvoi no 16-19.609).
La chambre sociale de la Cour de cassation examine alors la question de production en justice de la preuve ainsi recueillie. En effet, si le procĂ©dĂ© dâobtention de la preuve nâest pas dĂ©loyal, la production de la preuve en justice nâest-elle pas nĂ©anmoins atten-tatoire Ă la vie privĂ©e de la salariĂ©e ?
Sans se rĂ©fĂ©rer au nombre de personnes autorisĂ©es par le titulaire du compte Facebook Ă y accĂ©der, la chambre sociale juge que la production en justice par lâem-ployeur dâune photographie extraite du compte privĂ© Facebook de la salariĂ©e, auquel il nâĂ©tait pas autorisĂ© Ă accĂ©der, ainsi que dâĂ©lĂ©ments dâidentification des personnes enre-gistrĂ©es comme « amis » destinataires de cette publication, constituait une atteinte Ă la vie privĂ©e de la salariĂ©e.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Pour autant, la chambre sociale rappelle que les juges du fond doivent mettre en balance, ainsi que le fait la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme, la protection de la vie privĂ©e et le droit Ă la preuve, et opĂ©rer ainsi un contrĂŽle de proportionnalitĂ© en recherchant si la production litigieuse est indispensable Ă lâexercice du droit Ă la preuve et si lâatteinte Ă la vie privĂ©e qui en rĂ©sulte est proportionnĂ©e au but poursuivi (1re Civ., 25 fĂ©vrier 2016, pourvoi no 15-12.403, Bull. 2016, I, no 48 ; 1re Civ., 22 sep-tembre 2016, pourvoi no 15-24.015, Bull. 2016, I, no 178 ; au regard du secret bancaire : Com., 15 mai 2019, pourvoi no 18-10.491, publiĂ© au Bulletin).
La chambre sociale de la Cour de cassation confirme ici la jurisprudence quâelle avait Ă©tablie dans une hypothĂšse dans laquelle un syndicat avait produit devant le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s des dĂ©comptes de durĂ©e de travail de salariĂ©s afin de faire constater une mĂ©con-naissance dâune interdiction dâemploi de salariĂ©s le dimanche (Soc., 9 novembre 2016, pourvoi no 15-10.203, Bull. 2016, V, no 209).
En lâespĂšce, la cour dâappel avait constatĂ© que lâemployeur, qui reprochait Ă la sala-riĂ©e dâavoir publiĂ© sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection prĂ©sentĂ©e exclusivement Ă certains membres de lâentreprise, sâĂ©tait bornĂ© Ă produire la photographie publiĂ©e par la salariĂ©e sur son compte Facebook et le profil profes-sionnel de ses seuls « amis » travaillant dans le mĂȘme secteur dâactivitĂ© et quâil nâavait fait procĂ©der Ă un constat dâhuissier que pour rĂ©pondre Ă la contestation de la salariĂ©e quant Ă lâidentitĂ© du titulaire du compte. La chambre sociale juge que la cour dâappel a ainsi fait ressortir, dâune part, que la production de ces Ă©lĂ©ments Ă©tait indispensable Ă lâexercice du droit Ă la preuve de lâemployeur et, dâautre part, que lâatteinte Ă la vie privĂ©e de la salariĂ©e avait Ă©tĂ© proportionnĂ©e Ă lâintĂ©rĂȘt lĂ©gitime de lâemployeur tenant en lâespĂšce Ă la confidentialitĂ© de ses affaires.
Enfin, rappelant quâun motif tirĂ© de la vie personnelle du salariĂ© peut justifier un licenciement disciplinaire sâil constitue un manquement de lâintĂ©ressĂ© Ă une obliga-tion dĂ©coulant de son contrat de travail (Soc., 21 octobre 2003, pourvoi no 00-45.291, Bull. 2003, V, no 259 ; Soc., 27 mars 2012, pourvoi no 10-19.915, Bull. 2012, V, no 106), la chambre sociale de la Cour de cassation juge que la cour dâappel a pu retenir que la publication par la salariĂ©e sur son compte Facebook, regroupant plus de 200 amis tra-vaillant dans le mĂȘme secteur dâactivitĂ©, de cette photographie de la nouvelle collection qui nâĂ©tait pas encore publique constituait une violation de son obligation contrac-tuelle de confidentialitĂ©.
DĂ©tention provisoire â Atteinte Ă la dignitĂ© â Recours prĂ©ventif â Office du juge â VĂ©rification de la situation personnelle de la personne incarcĂ©rĂ©e â ContrĂŽle â PortĂ©eCrim., 8 juillet 2020, pourvoi nÂș 20-81.739, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. GuĂ©ry et avis de Mme Zientara-LogeayIl appartient au juge national, chargĂ© dâappliquer la Convention, de tenir compte, sans attendre une Ă©ventuelle modification des textes lĂ©gislatifs ou rĂ©glementaires, de la dĂ©ci-sion de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme condamnant la France pour le dĂ©faut de recours prĂ©ventif permettant de mettre fin Ă des conditions de dĂ©tention indignes.Le juge judiciaire a lâobligation de garantir Ă la personne placĂ©e dans des conditions indignes de dĂ©tention un recours prĂ©ventif et effectif permettant de mettre un terme Ă la violation de lâarticle 3 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme.
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne
des droits de lâhomme et du droit international
En tant que gardien de la libertĂ© individuelle, il incombe Ă ce juge de veiller Ă ce que la dĂ©tention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en Ćuvre dans des condi-tions respectant la dignitĂ© des personnes et de sâassurer que cette privation de libertĂ© est exempte de tout traitement inhumain et dĂ©gradant.La description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de dĂ©tention doit ĂȘtre suffisamment crĂ©dible, prĂ©cise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractĂšre indigne.Il appartient alors Ă la chambre de lâinstruction, dans le cas oĂč le ministĂšre public nâau-rait pas prĂ©alablement fait vĂ©rifier ces allĂ©gations, et en dehors du pouvoir quâelle dĂ©tient dâordonner la mise en libertĂ© de lâintĂ©ressĂ©, de faire procĂ©der Ă des vĂ©rifications com-plĂ©mentaires afin dâen apprĂ©cier la rĂ©alitĂ©.
La chambre criminelle de la Cour de cassation rend ce jour un arrĂȘt qui, marquant une Ă©volution substantielle de sa jurisprudence relative aux consĂ©quences des conditions indignes de dĂ©tention sur la situation des personnes incarcĂ©rĂ©es, tranche une question de principe concernant les moyens de mettre un terme, lorsquâelles sont constatĂ©es, aux atteintes Ă la dignitĂ© des personnes placĂ©es en dĂ©tention provisoire.
Par un arrĂȘt distinct, elle transmet Ă©galement au Conseil constitutionnel une ques-tion prioritaire de constitutionnalitĂ© relative aux articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale.
1. La condamnation de la France par la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme, le 30 janvier 2020
Aux termes de lâarticle 3 de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme : « Nul ne peut ĂȘtre soumis Ă la torture ni Ă des peines ou traitements inhumains ou dĂ©gra-dants. » Ce droit est absolu de sorte quâil ne peut supporter dâexception.
Selon lâarticle 13 de la Convention, « Toute personne dont les droits et libertĂ©s reconnus dans la [âŠ] Convention ont Ă©tĂ© violĂ©s, a droit Ă lâoctroi dâun recours effectif devant une instance nationale, alors mĂȘme que la violation aurait Ă©tĂ© commise par des personnes agissant dans lâexercice de leurs fonctions officielles. »
Saisie par de nombreux requĂ©rants incarcĂ©rĂ©s dans divers Ă©tablissements pĂ©niten-tiaires en France, en mĂ©tropole ou dans les DOM-COM, la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH) a rendu, le 30 janvier 2020, une dĂ©cision condamnant la France pour violation des articles 3 et 13 de la Convention (CEDH, arrĂȘt du 30 janvier 2020, J. M. B. et autres c. France, no 9671/15).
Elle a notamment jugĂ© que les dĂ©tenus ne disposaient pas dâun espace personnel au moins Ă©gal Ă 3 mÂČ, cet Ă©lĂ©ment Ă©tant considĂ©rĂ© comme Ă ce point grave quâil donne lieu Ă une forte prĂ©somption de violation de lâarticle 3 de la Convention prĂ©citĂ©e que le gouvernement français nâa pu combattre.
Elle a Ă©galement prononcĂ© une condamnation sur la base de lâarticle 13 de la Convention et relevĂ© quâil nâavait pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que les voies de recours prĂ©ven-tives indiquĂ©es par le gouvernement Ă©taient effectives en pratique, câest-Ă -dire suscep-tibles dâempĂȘcher la continuation de la violation allĂ©guĂ©e et dâassurer aux requĂ©rants une amĂ©lioration de leurs conditions matĂ©rielles de dĂ©tention.
Elle a constatĂ© ainsi quâen lâĂ©tat de la lĂ©gislation française, il nâexistait aucun recours prĂ©ventif en matiĂšre judiciaire.
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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
Sâagissant de la saisine du juge administratif, en lâoccurrence du juge du rĂ©fĂ©rĂ©-libertĂ©, elle a relevĂ© que cette procĂ©dure avait permis la mise en Ćuvre de mesures visant Ă remĂ©dier aux atteintes les plus graves auxquelles sont exposĂ©es les personnes dĂ©tenues dans certains Ă©tablissements pĂ©nitentiaires. Elle a toutefois jugĂ© que le pou-voir dâinjonction confĂ©rĂ© Ă ce juge ne lâautorisait pas Ă prendre des mesures de rĂ©or-ganisation du service public de la justice et quâil sâen tenait Ă des mesures pouvant ĂȘtre mises en Ćuvre rapidement. De surcroĂźt, il faisait dĂ©pendre son office, dâune part, du niveau des moyens de lâadministration et, dâautre part, des actes quâelle avait dĂ©jĂ enga-gĂ©s, la mise en Ćuvre des injonctions connaissant par ailleurs des dĂ©lais non conformes Ă lâexigence dâun redressement diligent.
Sur le fondement de lâarticle 46 de la Convention, elle a Ă©mis diverses recomman-dations : lâĂtat français doit adopter des mesures gĂ©nĂ©rales aux fins de garantir aux dĂ©tenus des conditions de dĂ©tention conformes Ă lâarticle 3 de la Convention prĂ©citĂ©e et Ă©tablir un recours prĂ©ventif et effectif, combinĂ© avec le recours indemnitaire, per-mettant aux dĂ©tenus de redresser la situation dont ils sont victimes, et dâempĂȘcher la continuation dâune violation allĂ©guĂ©e.
2. La jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation
Avant que nâintervienne lâarrĂȘt de la Cour de Strasbourg mentionnĂ© ci-dessus, la chambre criminelle de la Cour de cassation faisait une application stricte des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale selon lesquels le juge, pour apprĂ©cier la nĂ©cessitĂ© ou non de placer ou maintenir une personne en dĂ©tention provisoire, doit se dĂ©terminer en tenant compte des impĂ©ratifs de la procĂ©dure judiciaire, des exigences de prĂ©servation de lâordre public et du caractĂšre raisonnable de la durĂ©e de cette dĂ©ten-tion. Elle en dĂ©duisait quâune Ă©ventuelle atteinte Ă la dignitĂ© de la personne en raison des conditions de dĂ©tention, si elle est susceptible dâengager la responsabilitĂ© de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne sau-rait constituer un obstacle lĂ©gal au placement et au maintien en dĂ©tention provisoire (Crim., 18 septembre 2019, pourvoi no 19-83.950, publiĂ© au Bulletin).
Elle faisait ainsi prĂ©valoir ces dispositions spĂ©ciales sur celle, plus gĂ©nĂ©rale, de lâar-ticle prĂ©liminaire III, alinĂ©a 4, du code de procĂ©dure pĂ©nale, qui pose en principe que « les mesures de contraintes dont la personne suspectĂ©e ou poursuivie peut faire lâob-jet sont prises sur dĂ©cision ou sous le contrĂŽle effectif de lâautoritĂ© judiciaire. Elles doivent ĂȘtre strictement limitĂ©es aux nĂ©cessitĂ©s de la procĂ©dure, proportionnĂ©es Ă la gravitĂ© de lâinfraction reprochĂ©e et ne pas porter atteinte Ă la dignitĂ© de la personne ».
Toutefois, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugĂ©, dans une affaire relative Ă la santĂ© du dĂ©tenu, que « les Ă©nonciations de lâarrĂȘt attaquĂ© mettent la Cour de cassation en mesure de sâassurer que la chambre de lâinstruction, qui, faute dâallĂ©ga-tion dâĂ©lĂ©ments propres Ă la personne concernĂ©e, suffisamment graves pour mettre en danger sa santĂ© physique ou mentale, sâest en consĂ©quence dĂ©terminĂ©e par des consi-dĂ©rations de droit et de fait rĂ©pondant aux seules exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procĂ©dure pĂ©nale, a justifiĂ© sa dĂ©cision » (Crim., 29 fĂ©vrier 2012, pourvoi no 11-88.441, Bull. crim. 2012, no 58).
Il sâen dĂ©duisait quâune demande de mise en libertĂ© fondĂ©e sur le caractĂšre inhumain et dĂ©gradant des conditions dâincarcĂ©ration Ă©tait susceptible dâaboutir Ă une libĂ©ration
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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne
des droits de lâhomme et du droit international
en cas dâĂ©lĂ©ments personnels Ă la personne dĂ©tenue prĂ©sentant un degrĂ© de gravitĂ© suf-fisant pour mettre en danger sa santĂ© physique ou mentale.
Consacrant cette jurisprudence, le lĂ©gislateur est intervenu par la loi no 2014-896 du 15 aoĂ»t 2014 relative Ă lâindividualisation des peines et renforçant lâefficacitĂ© des sanc-tions pĂ©nales, crĂ©ant un nouvel article 147-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale, qui dispose quâen toute matiĂšre et Ă tous les stades de la procĂ©dure, sauf sâil existe un risque grave de renouvellement de lâinfraction, la mise en libertĂ© dâune personne placĂ©e en dĂ©ten-tion provisoire peut ĂȘtre ordonnĂ©e, dâoffice ou Ă la demande de lâintĂ©ressĂ©, lorsquâune expertise mĂ©dicale Ă©tablit que cette personne est atteinte dâune pathologie engageant le pronostic vital ou que son Ă©tat de santĂ© physique ou mentale est incompatible avec le maintien en dĂ©tention.
3. La transmission dâune question prioritaire de constitutionnalitĂ© au Conseil constitutionnel
Tenant compte de la dĂ©cision de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme du 30 janvier 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalitĂ© qui allĂ©guait notamment des atteintes au principe de sauvegarde de la dignitĂ© de la personne humaine et au droit au recours effectif par les articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale, en ce quâils ne prĂ©voient pas « que le juge dâinstruction ou le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention puisse, de maniĂšre effective, redresser la situation dont sont victimes les dĂ©te-nus dont les conditions dâincarcĂ©ration constituent un traitement inhumain et dĂ©gra-dant afin dâempĂȘcher la continuation de la violation allĂ©guĂ©e devant lui ».
Il appartient désormais au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la confor-mité à la Constitution des dispositions législatives en cause.
Lâon prĂ©cisera que le requĂ©rant Ă©tant privĂ© de libertĂ©, la chambre criminelle nâavait pas Ă surseoir Ă statuer jusquâĂ la dĂ©cision du Conseil constitutionnel et devait apprĂ©-cier la valeur de lâexception dâinconventionnalitĂ© soulevĂ©e.
4. Les nouveaux principes affirmés
Le demandeur au pourvoi avait demandĂ© Ă la chambre de lâinstruction saisie de tirer les enseignements de lâarrĂȘt de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme prĂ©citĂ©. En se rĂ©fĂ©rant Ă la jurisprudence traditionnelle de la chambre criminelle, la chambre de lâinstruction a rejetĂ© la demande. Elle a ajoutĂ© que cette demande avait un carac-tĂšre gĂ©nĂ©ral et nâapportait pas de prĂ©cision sur les conditions personnelles de dĂ©ten-tion du requĂ©rant.
Pour répondre à la question posée, dans une motivation dite enrichie, la chambre criminelle de la Cour de cassation développe le raisonnement suivant :
â si lâarrĂȘt de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme met en premier lieu Ă la charge de lâĂtat français une obligation de sây conformer, il entre dans lâoffice du juge judiciaire dâappliquer la Convention, en tenant compte de cette dĂ©cision, sans attendre une Ă©ventuelle modification des textes lĂ©gislatifs ou rĂ©glementaires ;
â le juge a lâobligation de garantir Ă la personne placĂ©e dans des conditions indignes de dĂ©tention un recours prĂ©ventif et effectif permettant dâempĂȘcher la continuation de la violation de lâarticle 3 de la Convention ;
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â il lui incombe, en tant que gardien de la libertĂ© individuelle, de veiller Ă ce que la dĂ©tention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en Ćuvre dans des conditions respectant la dignitĂ© des personnes et de sâassurer que cette privation de libertĂ© est exempte de tout traitement inhumain et dĂ©gradant.
Ainsi, par la décision du 8 juillet 2020 ici commentée, la chambre criminelle pro-cÚde à un infléchissement sérieux de sa jurisprudence antérieure puisque, dorénavant, des conditions indignes de détention sont susceptibles de constituer un obstacle à la poursuite de cette détention.
5. Des prĂ©cisions sur la procĂ©dure en cas de violation allĂ©guĂ©e de lâarticle 3 de la Convention
LâarrĂȘt commentĂ© prĂ©cise les Ă©tapes du raisonnement en cas dâallĂ©gations portant sur des conditions de dĂ©tention qui seraient contraires Ă lâarticle 3 de la Convention.
Tout dâabord, la Cour pose une exigence de qualitĂ© des observations soumises Ă la juridiction. Le requĂ©rant doit fournir dans sa demande les prĂ©cisions nĂ©cessaires Ă lâap-prĂ©ciation dâune Ă©ventuelle violation de lâarticle 3 de la Convention.
Ces Ă©lĂ©ments, qui doivent ĂȘtre « crĂ©dibles, prĂ©cis et actuels », doivent se rapporter Ă la situation personnelle de lâintĂ©ressĂ© et ne peuvent se contenter de dĂ©crire lâĂ©tat gĂ©nĂ©-ral de la dĂ©tention dans lâĂ©tablissement dans lequel il est dĂ©tenu. Il peut sâagir notam-ment de donnĂ©es relatives Ă la superficie de la cellule et au nombre de ses occupants, Ă son amĂ©nagement intĂ©rieur, aux heures journaliĂšres dâoccupation.
Si elle répond à ces conditions, la demande constitue un commencement de preuve du caractÚre indigne de la détention.
Il appartient alors Ă la chambre de lâinstruction, dans le cas oĂč le ministĂšre public nâaurait pas prĂ©alablement fait vĂ©rifier ces allĂ©gations, et en dehors du pouvoir quâelle dĂ©tient dâordonner la mise en libertĂ© de lâintĂ©ressĂ©, de faire procĂ©der Ă des vĂ©rifications complĂ©mentaires afin dâen apprĂ©cier la rĂ©alitĂ©.
La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle ainsi le pouvoir dont dis-pose la chambre de lâinstruction, conformĂ©ment Ă son office, de libĂ©rer le dĂ©tenu.
Elle rappelle Ă©galement le rĂŽle important que peut jouer le ministĂšre public en la matiĂšre. DĂšs lors quâil est informĂ© de la demande, ce magistrat peut se rapprocher de lâadministration pĂ©nitentiaire aux fins de vĂ©rifier, en amont de lâaudience, la rĂ©alitĂ© des assertions du dĂ©tenu. Lâadministration pĂ©nitentiaire se trouve ainsi mise en mesure de faire cesser le trouble Ă©ventuel avant mĂȘme que la chambre de lâinstruction ne se prononce.
Ces vĂ©rifications sont celles « concernant sa demande » qui sont prĂ©vues par lâar-ticle 194, alinĂ©a 4, lorsque la chambre de lâinstruction est saisie dâun appel, par lâar-ticle 148, alinĂ©a 5, lorsquâelle est saisie directement parce que le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention nâa pas rĂ©pondu Ă une demande de mise en libertĂ© dans le dĂ©lai imparti par le troisiĂšme alinĂ©a du mĂȘme article, et enfin par lâarticle 148-4 lorsquâelle est saisie par le dĂ©tenu qui nâa pas Ă©tĂ© interrogĂ© par le magistrat instructeur depuis quatre mois.
Il convient de rappeler que lorsque la chambre de lâinstruction est saisie, sur le fon-dement des articles 148-1 et 148-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale, dâune demande de mise en libertĂ©, postĂ©rieurement Ă la dĂ©cision de rĂšglement rendue par la juridiction dâinstruction, elle peut, selon la jurisprudence de la chambre criminelle, ordonner des
241
/ ArrĂȘts rendus par les chambres Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne
des droits de lâhomme et du droit international
vĂ©rifications dĂšs lors quâelle ordonne, dans le dĂ©lai qui lui est imparti, le maintien en dĂ©tention (Crim., 7 mars 1991, pourvoi no 90-87.728, Bull. crim. 1991, no 116).
Dans une Ă©ventuelle audience ultĂ©rieure et dans le cas oĂč il nâa pas Ă©tĂ© mis fin dans lâintervalle Ă la situation dĂ©noncĂ©e, si la chambre de lâinstruction, aprĂšs que les vĂ©ri-fications ont Ă©tĂ© effectuĂ©es, constate une violation du principe de dignitĂ©, elle doit en tirer les consĂ©quences en ordonnant la mise en libertĂ© de la personne.
La chambre criminelle de la Cour de cassation prĂ©cise, de la sorte, quâil nây a pas lieu de libĂ©rer la personne dĂ©tenue sur le fondement de lâarticle 3 de la Convention dans le cas oĂč il a Ă©tĂ© mis fin dans lâintervalle Ă la situation dĂ©noncĂ©e. En effet, selon la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme, « le recours prĂ©ventif doit ĂȘtre de nature Ă empĂȘcher la continuation de la violation allĂ©guĂ©e de lâarticle 3 ou de permettre une amĂ©lioration des conditions matĂ©rielles de dĂ©tention ».
Cette libĂ©ration peut ĂȘtre accompagnĂ©e dâun contrĂŽle judiciaire ou dâune assigna-tion Ă rĂ©sidence avec surveillance Ă©lectronique.
6. Lâapplication des principes au cas dâespĂšce
La chambre de lâinstruction avait affirmĂ© quâune Ă©ventuelle atteinte Ă la dignitĂ© de la personne en raison des conditions de dĂ©tention ne saurait constituer un obstacle lĂ©gal au placement et au maintien en dĂ©tention provisoire.
Cette affirmation, qui Ă©tait conforme Ă la jurisprudence qui Ă©tait alors celle de la chambre criminelle, ne lâest plus au regard des principes que cette derniĂšre tire dĂ©sor-mais de la dĂ©cision de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme.
Toutefois, la chambre de lâinstruction avait Ă©galement fondĂ© le rejet de la demande de mise en libertĂ© sur le fait que le requĂ©rant sâĂ©tait bornĂ© Ă faire Ă©tat de la situation gĂ©nĂ©rale des conditions de dĂ©tention dans les Ă©tablissements concernĂ©s, sans apporter de prĂ©cisions sur sa situation personnelle.
Ce motif suffisant Ă justifier la dĂ©cision de la chambre de lâinstruction, le pourvoi est rejetĂ©.
242
LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
IV. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITĂ (QPC)
Lois et rĂšglements â Application dans le temps â Lois de forme ou de pro-cĂ©dure â Application immĂ©diate â Domaine dâapplication â Article 108 de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 â PortĂ©e2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi no 19-23.219, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Jollec et avis de M. AparisiLâarticle 108 de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019, dĂ©pourvu de caractĂšre interprĂ©-tatif, est applicable aux actes dâexĂ©cution forcĂ©e postĂ©rieurs Ă lâentrĂ©e en vigueur de ce texte, soit le 25 mars 2019.
Alsace-Moselle â ProcĂ©dure civile â ExĂ©cution forcĂ©e â ExĂ©cution sur les biens immeubles â Titre exĂ©cutoire â ValiditĂ© â Conditions â DĂ©termination â PortĂ©eMĂȘme arrĂȘtConstitue un titre exĂ©cutoire, au sens de lâarticle L. 111-5, 1Âș, du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă la loi nÂș 2019-222 du 23 mars 2019, un acte notariĂ© de prĂȘt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du dĂ©biteur Ă son exĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate, le montant du capital empruntĂ© et ses modalitĂ©s de remboursement permettant, au jour des poursuites, dâĂ©valuer la crĂ©ance dont le recouvrement est poursuivi.
Saisie dâune question prioritaire de constitutionnalitĂ© (QPC) portant sur lâinter-prĂ©tation jurisprudentielle par la Cour de cassation de lâarticle L. 111-5, 1o, du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice, la deu-xiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a jugĂ© quâil nây avait pas lieu Ă transmis-sion de la question au Conseil constitutionnel, dĂšs lors que, par arrĂȘt du mĂȘme jour, elle a dĂ©cidĂ©, procĂ©dant Ă un revirement de jurisprudence, que constitue un titre exĂ©-cutoire, au sens de lâarticle L. 111-5, 1o, du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, alors applicable, un acte notariĂ© de prĂȘt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du dĂ©biteur Ă son exĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate, le montant du capi-tal empruntĂ© et ses modalitĂ©s de remboursement permettant, au jour des poursuites, dâĂ©valuer la crĂ©ance dont le recouvrement est poursuivi.
Jusquâalors, la Cour de cassation, par une jurisprudence constante (1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi no 15-11.077 ; 1re Civ., 4 octobre 2017, pourvoi no 16-15.458 ; 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi no 16-14.671 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi no 16-19.675 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi no 16-26.413 ; 2e Civ., 22 mars 2018, pourvoi no 17-10.635), jugeait que, pour constituer un titre exĂ©cutoire, lâacte de prĂȘt dressĂ© par le notaire dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, devait mentionner, outre le consentement du dĂ©biteur Ă lâexĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate, une crĂ©ance dĂ©terminĂ©e au jour des poursuites. Ne pouvaient donc constituer un titre exĂ©cutoire les actes de prĂȘt dont la crĂ©ance poursuivie nâĂ©tait que dĂ©terminable, sauf dans lâhypothĂšse oĂč les parties, conformĂ©ment Ă une pratique locale, avaient stipulĂ© au contrat une clause dâar-rĂȘtĂ© de compte, donnant pouvoir au reprĂ©sentant de lâorganisme prĂȘteur dâarrĂȘter les comptes en cas de carence du dĂ©biteur.
243
/ Question prioritaire de constitutionnalité
Cette jurisprudence a fait lâobjet dâimportantes controverses doctrinales. Elle a engendrĂ© des difficultĂ©s dâordre pratique. Elle a eu, en effet, pour consĂ©quence dâim-poser au crĂ©ancier, dont lâacte notariĂ© avait Ă©tĂ© dressĂ© dans un des trois dĂ©partements de lâAlsace-Moselle, dâagir en justice pour obtenir un titre exĂ©cutoire alors que partout ailleurs dans lâensemble du territoire national, cet acte notariĂ© permettait dâengager une procĂ©dure dâexĂ©cution forcĂ©e. En outre, des divergences de jurisprudence entre les cours dâappel de Metz et de Colmar sont apparues, source dâinsĂ©curitĂ© juridique.
La loi no 2019-222 du 23 mars 2019 prĂ©citĂ©e est venue modifier lâarticle L. 111-5, 1o, prĂ©citĂ© en Ă©nonçant que « constituent aussi des titres exĂ©cutoires : 1o Les actes Ă©ta-blis par un notaire de ces trois dĂ©partements lorsquâils sont dressĂ©s au sujet dâune prĂ©tention ayant pour objet le paiement dâune somme dâargent dĂ©terminĂ©e ou dĂ©ter-minable, ou la prestation dâune quantitĂ© dĂ©terminĂ©e ou dĂ©terminable dâautres choses fongibles ou de valeurs mobiliĂšres, et que le dĂ©biteur consent dans lâacte Ă lâexĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate ».
Câest dans ce contexte que la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a Ă©tĂ© saisie dâun pourvoi formĂ© contre lâarrĂȘt dâune cour dâappel ayant statuĂ© Ă propos dâun acte dâexĂ©cution antĂ©rieur Ă lâentrĂ©e en vigueur de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 prĂ©citĂ©e, ainsi que dâune question prioritaire de constitutionnalitĂ© formulĂ©e Ă lâocca-sion de ce recours.
La deuxiĂšme chambre civile a, dâabord, jugĂ© que cette loi nâĂ©tait pas interprĂ©tative et quâil en rĂ©sultait que le texte applicable au prĂ©sent litige Ă©tait lâarticle L. 111-5, 1o, du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution dans sa version antĂ©rieure Ă la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 prĂ©citĂ©e.
Prenant, ensuite, appui sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a dĂ©cidĂ© de procĂ©der Ă un revirement de jurisprudence afin, pour lâessentiel, de rapprocher les rĂšgles du droit local de celles du droit gĂ©nĂ©ral. Ă cet Ă©gard, il convient dâobserver que si le maintien du droit local a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©, par le Conseil constitution-nel, au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la RĂ©publique, la portĂ©e de ce principe a Ă©tĂ© circonscrite en ce que, notamment, les dispositions de droit local ne peuvent ĂȘtre amĂ©nagĂ©es que dans la mesure oĂč les diffĂ©rences de traitement qui en rĂ©sultent ne sont pas accrues et que leur champ dâapplication nâest pas Ă©largi (Cons. const., 5 aoĂ»t 2011, dĂ©cision no 2011-157 QPC, SociĂ©tĂ© SOMODIA [Interdiction du travail le dimanche en Alsace-Moselle]). Or, en lâespĂšce, le maintien de la jurisprudence de la Cour de cassation contribuait Ă accroĂźtre les diffĂ©rences entre les dispositions de droit local et celles du droit applicable dans le reste du territoire national.
Sâinspirant de la « doctrine du droit vivant », la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a donc donnĂ© une interprĂ©tation renouvelĂ©e de lâarticle L. 111-5, 1o, du code des procĂ©dures civiles dâexĂ©cution, dans sa version antĂ©rieure Ă la loi de 2019, des-tinĂ©e Ă assurer sa conformitĂ© aux exigences dĂ©coulant du principe fondamental reconnu par les lois de la RĂ©publique dĂ©gagĂ© par le Conseil constitutionnel dans la dĂ©cision no 2011-157 QPC du 5 aoĂ»t 2011 prĂ©citĂ©e.
Elle en a dĂ©duit que, dans ces conditions, la question prioritaire de constitutionna-litĂ© nâavait plus lieu dâĂȘtre transmise au Conseil constitutionnel.
Si le Conseil constitutionnel a admis (Cons. const., 6 octobre 2010, dĂ©cision no 2010-39 QPC, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein dâun couple non mariĂ©])
244
LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour
que tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalitĂ© de la portĂ©e effective quâune interprĂ©tation jurisprudentielle constante confĂšre Ă cette disposition, la Cour de cassation, et notamment la chambre criminelle (Crim., 5 octobre 2011, pourvoi no 11-90.087, Bull. crim. 2011, no 196 ; Crim., 12 avril 2012, pourvoi no 12-90.004, Bull. crim. 2012, no 100 ; Crim., 26 juin 2012, pourvoi no 12-80.319, Bull. crim. 2012, no 159 ; Crim., 11 avril 2018, pourvoi no 16-87.622, Bull. crim. 2018, no 75), a dĂ©jĂ procĂ©dĂ©, elle-mĂȘme, Ă lâinterprĂ©tation de la constitutionnalitĂ© dâune jurisprudence, appliquant ainsi ce qui est convenu dâappeler la doctrine « du droit vivant ». La prĂ©sente dĂ©cision de non-lieu Ă transmission de la question prioritaire de constitutionnalitĂ©, renvoyant Ă lâarrĂȘt du mĂȘme jour, procĂ©dant au revirement de jurisprudence, en fournit une illustration.
LIVRE 4
ACTIVITĂ DE LA COUR
247
I. Activité juridictionnelle
249
/ Activité juridictionnelle
BILAN DâACTIVITĂ DE LA COUR DE CASSATION POUR LâANNĂE 2020
A. LâactivitĂ© juridictionnelle de la Cour de cassation
1. LâactivitĂ© des chambres civiles
1. Ăvolution des affaires nouvelles et terminĂ©es et durĂ©e des procĂ©dures civiles, commerciales et sociales 2011-2020
Oscillant entre 19 000 et 20 000 au cours des annĂ©es 2011 Ă 2016, le nombre des pourvois dĂ©croĂźt fortement aprĂšs avoir atteint un maximum en 2017 (22 040). Ce nombre diminue ensuite de 24 % en 2018, puis faiblement en 2019 (16 419, soit de 2 %), pour chuter Ă nouveau de 19 % en 2020 (13 269) â tableau 1. Cette baisse sâexplique en partie par le contexte de la crise sanitaire 1, notamment par lâincidence sur le nombre des pourvois de la rĂ©duction importante dâactivitĂ© enregistrĂ©e devant les cours dâappel en 2020 en raison du report des audiences.
Tableau 1 â Ăvolution du nombre des affaires nouvelles et terminĂ©es et de la durĂ©e de procĂ©dures
2011-2020Unité de compte = pourvoi
Années Affaires nouvelles * Affaires terminées ** Durée moyenne (en mois)2011 20 710 21 315 12,62012 20 998 20 688 12,82013 19 024 19 822 13,12014 20 677 19 398 12,82015 19 773 17 648 13,62016 19 296 20 882 14,32017 22 040 19 999 14,02018 16 805 21 303 13,52019 16 419 17 509 14,52020 13 269 14 076 15,7
** DĂ©clarations de pourvoi.** Pourvois ayant fait lâobjet dâune dĂ©cision de dessaisissement, y compris aprĂšs jonction.Source : NOMOS.
1. Il convient de rappeler que pour ĂȘtre dĂ©clarĂ© recevable, câest-Ă -dire pour pouvoir ĂȘtre examinĂ©, un pourvoi doit ĂȘtre formĂ© dans un dĂ©lai donnĂ©, en gĂ©nĂ©ral dans les 2 mois qui suivent la signi-fication ou la notification de la dĂ©cision attaquĂ©e (article 612 du code de procĂ©dure civile, sauf procĂ©dures particuliĂšres des articles 996 et 999 du code de procĂ©dure civile). PassĂ©s ces dĂ©lais, le pourvoi sera dĂ©clarĂ© irrecevable.
En raison de la crise sanitaire et de la « pĂ©riode juridiquement protĂ©gĂ©e » (« PJP ») le dĂ©lai de droit commun pour former un pourvoi a Ă©tĂ© Ă©tendu. Ainsi, tout pourvoi qui aurait dĂ» ĂȘtre formĂ© entre le 12 mars 2020 et la date de fin de la pĂ©riode juridiquement protĂ©gĂ©e fixĂ©e au 23 juin 2020 inclus est rĂ©putĂ© avoir Ă©tĂ© formĂ© Ă temps sâil lâa Ă©tĂ© dans les deux mois suivants la fin de PJP. Ainsi Ă titre dâexemple un pourvoi qui aurait dĂ», faute dâirrecevabilitĂ©, ĂȘtre formĂ© avant le 20 mars 2020 doit ĂȘtre dĂ©clarĂ© recevable sâil a Ă©tĂ© formĂ© avant le 22 aoĂ»t 2020.
250
LIVRE 4 / Activité de la Cour
La Cour de cassation Ă©tant saisie de pourvois formĂ©s dans plus de 90 % contre des dĂ©cisions prononcĂ©es par les cours dâappel 2, la mise en perspective de la sĂ©rie des dĂ©ci-sions rendues par les cours dâappel 3 avec celle des pourvois met en Ă©vidence le lien existant entre activitĂ© des cours dâappel et pourvois formĂ©s devant la Cour de cassa-tion â tableau 2 et figure 1.
En 2020, on enregistre une baisse conjoncturelle trĂšs importante (- 23,4 %). Les cours dâappel ont en effet rendu prĂšs de 42 000 dĂ©cisions de moins quâen 2019. On constate lâimpact de cette baisse sur le nombre des pourvois, puisque celui-ci diminue Ă©galement fortement (- 19,2 %).
Tableau 2 â Ăvolution du nombre des dĂ©cisions prononcĂ©es par les cours dâappel et des pourvois
2011-2020
Années Décisions CA Pourvois2011 173 584 20 7102012 175 326 20 9982013 163 465 19 0242014 166 619 20 6772015 175 831 19 7732016 178 059 19 2962017 184 949 22 0402018 177 850 16 8052019 177 576 16 4192020 136 051 13 269
Source : RGC cour d'appel et NOMOS
2. Sur les dĂ©cisions prononcĂ©es en 2019 par les juridictions du fond ayant fait lâobjet au moins dâun pourvoi, en 2019 et 2020, plus de 93 % ont Ă©tĂ© prononcĂ©es par une cour dâappel, dont 30 % en matiĂšre prudâhomale et moins de 1 % par la Cour nationale de lâincapacitĂ© et de la tarifica-tion. Au total, moins de 6 % des dĂ©cisions attaquĂ©es devant la Cour de cassation ont Ă©tĂ© pronon-cĂ©es par une juridiction du premier degrĂ©. Au sein de ces derniĂšres, le tribunal dâinstance arrive en tĂȘte (3 %), plus de la moitiĂ© de ces pourvois attaquant des dĂ©cisions rendues en matiĂšre dâĂ©lec-tions professionnelles. Le tribunal de grande instance arrive en seconde position (1,8 %) mais le dispositif statistique de la Cour de cassation ne permet pas de connaĂźtre la nature des conten-tieux concernĂ©s. Seulement 0,9 % des dĂ©cisions attaquĂ©es ont Ă©tĂ© prononcĂ©es par des conseils de prudâhommes, 0,2 % par un tribunal de commerce.3. Pour Ă©tablir cette statistique, les donnĂ©es statistiques du rĂ©pertoire gĂ©nĂ©ral civil des cours dâap-pel ont Ă©tĂ© exploitĂ©es. Ont Ă©tĂ© retenues les dĂ©cisions des cours dâappel statuant sur les demandes susceptibles dâĂȘtre attaquĂ©es devant la Cour de cassation (codes de la variable DECISION 33A et suivants).
251
/ Activité juridictionnelle
Figure 1 â Ăvolution du nombre des dĂ©cisions prononcĂ©es par les cours dâappel et des pourvois2011-2020
0
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
60 000
0
20 000
40 000
60 000
80 000
100 000
120 000
140 000
160 000
180 000
200 000
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
DĂ©cisions CA Pourvois
⹠à la fin de la décennie, le stock des affaires en cours devant la Cour de cassation diminue légÚrement
Au cours des trois derniĂšres annĂ©es de la dĂ©cennie, on constate que le nombre dâaf-faires terminĂ©es devant la Cour de cassation dĂ©passe celui des affaires nouvelles (+ 4 498 en 2018, + 1 090 en 2019, enfin + 807 en 2020), ce qui a eu pour effet de rĂ©sorber le stock des affaires en cours. Lâaugmentation de la durĂ©e moyenne des procĂ©dures obser-vĂ©e en 2019 et 2020 pourrait ainsi sâexpliquer par le fait que, ayant moins Ă©tĂ© saisies de pourvois, les chambres ont pu traiter davantage dâaffaires plus anciennes 4 â tableau 1 et figure 2.
4. Les statistiques produites par la Cour de cassation ne permettent pas actuellement de vĂ©rifier cette hypothĂšse et de connaĂźtre lâĂ©volution de lâĂąge du stock.
252
LIVRE 4 / Activité de la Cour
Figure 2 â Ăvolution des affaires nouvelles et terminĂ©es en matiĂšre civile, commerciale et sociale
2011-2020
2. Les abandons de procédure
⹠20 % des demandeurs au pourvoi se désistent ou ne déposent pas de mémoire amplia-tif dans les délais impartis
Une part non nĂ©gligeable de procĂ©dures introduites devant la Cour de cassation ne fait pas lâobjet dâune orientation dans les chambres civiles, commerciale ou sociale, ayant fait lâobjet soit dâun dĂ©sistement, soit dâune dĂ©chĂ©ance constatĂ©s par ordonnance du premier prĂ©sident ou de son dĂ©lĂ©guĂ©.
La dĂ©chĂ©ance du pourvoi est encourue, lorsquâil est constatĂ© que le demandeur nâa pas remis au greffe de la Cour de cassation un mĂ©moire ampliatif contenant les moyens de droit invoquĂ©s contre la dĂ©cision attaquĂ©e, dans le dĂ©lai de quatre mois Ă compter du pourvoi. Sous peine de la mĂȘme sanction, le mĂ©moire doit ĂȘtre notifiĂ© dans le mĂȘme dĂ©lai aux avocats des autres parties ou Ă la partie qui nâest pas tenue de constituer un avocat au Conseil dâĂtat et Ă la Cour de cassation (article 978 du CPC).
Pour rendre compte de la fréquence des abandons de procédure, nous avons comp-tabilisé les désistements et déchéances prononcés par ordonnance, donc avant orienta-tion dans les chambres en 2019 et 2020 qui concernaient des pourvois formés en 2019.
On constate ainsi que plus de 20 % des procĂ©dures ne sont pas menĂ©es jusquâĂ leur terme, les dĂ©sistements Ă©tant plus frĂ©quents (13,2 %) que les dĂ©chĂ©ances (7,6 %) 5
â figure 3.
5. Il sera prochainement possible dâexploiter la variable « Nature dâaffaire » (Nomenclature des Affaires Civiles) codĂ©e par les cours dâappel qui figure dĂ©sormais dans NOMOS. Cette donnĂ©e permettra ainsi de savoir si certains types de contentieux font plus souvent que dâautres lâobjet dâabandons de procĂ©dure, mais surtout de calculer des taux de pourvoi par nature de contentieux.
253
/ Activité juridictionnelle
Figure 3 â Proportion de procĂ©dures introduites en 2019 abandonnĂ©es avant orientation dans les chambres
DïżœSISTEMENTS
13,2%
AFFAIRES TERMINïżœES AVANT ORIENTATION20,7%
DïżœCHïżœANCES
7,6%
DïżœCLARATIONS DE POURVOI 2019100%
3. Les pourvois orientés
⹠En moyenne, sur la période 2011-2020, plus de quatre pourvois sur dix sont orien-tés devant la chambre sociale
Sur lâensemble de la pĂ©riode 2011-2020, prĂšs de 43 % des pourvois ont Ă©tĂ© orientĂ©s devant la chambre sociale. Si lâon ajoute les pourvois traitĂ©s par la deuxiĂšme chambre civile en matiĂšre de protection sociale, on constate que les chambres consacrent prĂšs de la moitiĂ© de leur activitĂ© au traitement de ces deux types de contentieux. Cette part varie cependant notablement selon les annĂ©es en raison de lâarrivĂ©e de contentieux sĂ©riels en matiĂšre prudâhomale qui gĂ©nĂšrent dâimportantes fluctuations du nombre des pourvois orientĂ©s (36,4 % en 2011, 51,4 % en 2017) â tableau 3.
Tableau 3 â Ăvolution du nombre des pourvois orientĂ©s par chambre 2011-2020
Années TOTAL
Chambres
CIV1
CIV2
CIV3 COM SOCTotal
Dont protection
socialeTotal 150 423 21 597 26 645 10 489 19 485 18 551 64 145 % 100,0 14,4 17,7 7,0 13,0 12,3 42,6
2011 16 466 2 360 3 782 1 350 2 265 2 060 5 9992012 16 870 2 331 2 763 991 2 147 1 944 7 6852013 15 271 2 159 2 338 886 2 145 1 955 6 6742014 16 626 2 166 2 907 1 034 2 161 2 042 7 3502015 15 715 2 311 2 337 920 2 148 1 875 7 0442016 15 046 2 160 2 484 986 1 807 1 801 6 7942017 17 551 2 158 2 580 1 124 1 991 1 807 9 0152018 13 165 2 024 2 535 1 099 1 739 1 856 5 0112019 12 948 2 174 2 547 1 051 1 765 1 732 4 7302020 10 765 1 754 2 372 1 048 1 317 1 479 3 843
Source : NOMOS.
En moyenne, sur la période, la deuxiÚme chambre civile a reçu 17,7 % des pourvois orientés, cette part varie également au fil des années de 14,7 % en 2017 à prÚs de 23 % en 2020. On observe que cette chambre consacre une part croissante de son activité au
254
LIVRE 4 / Activité de la Cour
traitement des contentieux de la protection sociale. Cette part reprĂ©sentait en effet un peu plus dâun tiers des pourvois orientĂ©s devant la deuxiĂšme chambre civile en 2011 (35,7 %), elle dĂ©passe 44 % en 2020.
En moyenne, sur la pĂ©riode 2011-2020, 14,4 % des pourvois ont Ă©tĂ© orientĂ©s devant la premiĂšre chambre civile, 13 % devant la troisiĂšme chambre civile, enfin 12,3 % devant la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique. En 2020, ces proportions sont respectivement de 16,3 %, 12,2 % et 13,7 %. En lâabsence dâinformations qualita-tives sur la nature des affaires orientĂ©es devant les chambres, il est difficile dâexpliquer les fluctuations annuelles observĂ©es. La mise en place prochaine dâune nomenclature des affaires orientĂ©es (NAO) permettra dâapprĂ©hender les Ă©volutions qualitatives des affaires traitĂ©es par chaque chambre.
4. De la statistique des pourvois à la statistique des décisions
Chaque dĂ©claration de pourvoi est enregistrĂ©e sous un numĂ©ro de pourvoi. Lorsque la chambre rend une dĂ©cision de dessaisissement, celle-ci est Ă son tour enregistrĂ©e sous un numĂ©ro dâarrĂȘt. Si lâon comptabilise les numĂ©ros dâarrĂȘt, on constate que leur nombre est parfois trĂšs infĂ©rieur Ă celui des numĂ©ros de pourvois. Cet Ă©cart sâobserve lorsque la chambre prononce une jonction de plusieurs pourvois â figure 4.
Les dĂ©cisions de jonction sont prononcĂ©es dâune part lorsque plusieurs pourvois sont formĂ©s par des personnes diffĂ©rentes contre la mĂȘme dĂ©cision, dâautre part lorsque plusieurs pourvois sont formĂ©s contre des dĂ©cisions similaires. Ce dernier cas est de loin le plus frĂ©quent et concerne principalement les litiges jugĂ©s par la chambre sociale opposant un nombre parfois trĂšs important de salariĂ©s Ă un mĂȘme employeur.
Les courbes de la figure 4 mettent en évidence un effet de séries permanent devant la chambre sociale, avec des pics trÚs nets en 2016 et 2018. à cet égard, les deux séries les plus emblématiques ont concerné, pour la premiÚre, les pourvois formés par prÚs de 700 salariés à la suite du licenciement collectif du groupe « Continental », la seconde, les actions individuelles de 1 704 agents contractuels de droit privé de La Poste récla-mant des rappels de salaire au titre du « complément Poste ».
Les autres chambres sont peu concernĂ©es, Ă lâexception dâun pic devant la deu-xiĂšme chambre civile en 2011. Cette chambre a traitĂ© en effet cette annĂ©e-lĂ des sĂ©ries de pourvois en matiĂšre de protection sociale formĂ©s par des demandeurs rĂ©sidant en AlgĂ©rie ou au Maroc qui nâavaient pas Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement convoquĂ©s.
255
/ Activité juridictionnelle
Figure 4 â Nombre de pourvois jugĂ©s et dĂ©cisions prononcĂ©es 2011-2020
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 6 110 5 633 6 261 6 013 5 118 7 420 5 738 7 598 5 765 4 231ArrĂȘts 3 158 3 406 3 070 3 319 2 968 3 306 3 211 3 215 2 905 2 299
1 0002 0003 0004 0005 0006 0007 0008 0009 000
SOC
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 1913 2245 2052 2025 2005 1984 2051 2045 1748 1373ArrĂȘts 1884 2209 1946 1929 1931 1901 1993 1938 1714 1336
1000
1200
1400
1600
1800
2000
2200
2400
CIV1
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 3 445 2 662 2 431 2 672 2 280 2 345 2 333 2 272 2 301 2 185ArrĂȘts 2 466 2 599 2 374 2 600 2 080 2 262 2 278 2 210 2 271 2 147
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
CIV2
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 1 957 1 956 1 813 1 842 1 876 2 001 1 801 1 826 1 528 1 422ArrĂȘts 1 857 1 884 1 771 1 748 1 762 1 809 1 745 1 729 1 484 1 394
1 000
1 200
1 400
1 600
1 800
2 000
2 200
CIV3
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 15 218 14 218 14 205 14 061 12 644 15 080 13 945 15 406 12 805 10 486ArrĂȘts 11 114 11 777 10 702 11 029 10 027 10 550 11 151 10 693 9 733 8 318
5 000
7 000
9 000
11 000
13 000
15 000
17 000
ENSEMBLE DES CHAMBRES
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 1 793 1 722 1 648 1 509 1 365 1 330 2 022 1 665 1 463 1 275ArrĂȘts 1 749 1 679 1 541 1 433 1 286 1 272 1 924 1 601 1 359 1 142
500700900
1 1001 3001 5001 7001 9002 100
COM
5. Les décisions prononcées par les chambres
âą Chaque annĂ©e, autour dâun tiers des demandeurs au pourvoi obtiennent la cassation
Parmi les dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois de 2011 Ă 2020, on constate quâun peu plus dâun tiers des dĂ©cisions attaquĂ©es ont Ă©tĂ© cassĂ©es. Cette proportion est assez stable au fil des annĂ©es, fluctuant peu (34,5 % en 2011 et 31,8 % en 2020) â tableau 6 et figure 5.
256
LIVRE 4 / Activité de la Cour
Figure 5 â Ăvolution de la proportion de cassations, de rejets et de RNSM 2011-2020 Ensemble des chambres civiles, commerciale et sociale
⹠En moyenne, de 2011 à 2020, 10 % des cassations sont prononcées sans renvoi
Aux termes de lâarticle L. 411.3 du code de lâorganisation judiciaire entrĂ© en vigueur le 20 novembre 2016 : « La Cour de cassation peut casser sans renvoi lorsque la cassa-tion nâimplique pas quâil soit Ă nouveau statuĂ© sur le fond.
Elle peut aussi, en matiĂšre civile, statuer au fond lorsque lâintĂ©rĂȘt dâune bonne admi-nistration de la justice le justifie (âŠ) ».
Sur lâensemble de la pĂ©riode, les cassations sans renvoi reprĂ©sentent 3,4 % du total des arrĂȘts statuant sur les moyens des pourvois et 10 % du total des cassations â tableau 6.
En lâabsence dâinformations sur la nature des contentieux concernĂ©s, il nâest pas possible dâidentifier les matiĂšres Ă cassation nâimpliquant pas quâil soit Ă nouveau statuĂ© sur le fond.
On verra que la proportion de cassations prononcĂ©es sans renvoi varie dâune chambre Ă lâautre, sans doute en raison de la spĂ©cificitĂ© des contentieux traitĂ©s. Au cours de la pĂ©riode 2011 Ă 2020, en moyenne 10 % des cassations ont Ă©tĂ© prononcĂ©es sans renvoi. On constate que la premiĂšre chambre civile, la deuxiĂšme chambre civile et la chambre sociale sont les chambres qui prononcent le plus frĂ©quemment des cassations sans renvoi (respectivement 13,5 %, 11,9 % et 10,1 %) â tableaux 6-1, 6-2 et 6-5.
257
/ Activité juridictionnelle
Tableau 6 â Ăvolution des dĂ©cisions prononcĂ©es 2011-2020 Ensemble des chambres civiles, commerciale et sociale
Total Avec renvoi
Sans renvoi
Total 109 604 4 510 105 094 35 161 31 626 3 535 35 314 34 6192011 11 508 394 11 114 3 829 3 452 377 4 138 3 1472012 12 262 485 11 777 3 986 3 530 456 4 246 3 5452013 11 227 525 10 702 3 701 3 359 342 4 048 2 9532014 11 506 477 11 029 3 658 3 323 335 4 081 3 2902015 10 541 514 10 027 3 494 3 192 302 3 753 2 7802016 11 101 551 10 550 3 528 3 232 296 3 806 3 2162017 11 622 471 11 151 3 677 3 356 321 3 567 3 9072018 11 084 391 10 693 3 412 3 017 395 2 845 4 4362019 10 158 425 9 733 3 234 2 843 391 2 664 3 8352020 8 595 277 8 318 2 642 2 322 320 2 166 3 510
Unité de compte : décisionsSource : NOMOS
Années Total
DĂ©cisions ne
statuant pas sur les pourvois
DĂ©cisions statuant
sur les pourvois
Cassa ons
Rejets RNSM
⹠La part des rejets non spécialement motivés augmente et dépasse 42 % en 2020
Comme la proportion des cassations, celle de lâensemble des rejets varie peu. En revanche, la part des rejets non spĂ©cialement motivĂ©s (RNSM) poursuit sa progression. En 2017, pour la premiĂšre fois, la part des RNSM devance celle des rejets et cette pro-portion se situe autour de 40 %, voire la dĂ©passe les trois annĂ©es suivantes. En 2020, elle atteint mĂȘme 42 %. Ainsi, en 2020, plus de six rejets sur dix ne sont pas motivĂ©s.
Seules les parties ont une connaissance prĂ©cise des motifs pour lesquels leur pour-voi a Ă©tĂ© rejetĂ©. En effet, le rapport du conseiller rapporteur leur est systĂ©matiquement communiquĂ© avant lâaudience. Il y expose les motifs justifiant, selon lui, quâune dĂ©ci-sion dâirrecevabilitĂ© ou de rejet non motivĂ© soit rendue.
La mise en place prochaine par la Cour de cassation dâune nomenclature de la nature des affaires orientĂ©es permettra cependant de connaĂźtre la nature des litiges qui font plus frĂ©quemment que dâautres lâobjet de ces dĂ©cisions non motivĂ©es.
Si la proportion de demandeurs au pourvoi qui obtiennent la cassation est relative-ment stable au fil des annĂ©es devant toutes les chambres, on observe en revanche des pratiques diffĂ©rentes en matiĂšre de recours aux RNSM. En effet, si lâon observe une croissance gĂ©nĂ©rale de la part des RNSM devant toutes les chambres, lâampleur de la hausse diffĂšre selon les chambres â figures 5-1 Ă 5-5.
258
LIVRE 4 / Activité de la Cour
âą PremiĂšre chambre civile
Devant la premiĂšre chambre civile, la proportion de cassations est en moyenne dâun tiers sur lâensemble de la pĂ©riode, elle oscille entre 29 % et 36,6 % selon les annĂ©es â tableau 6-1 et figure 5-1. La part des cassations sans renvoi reprĂ©sente en moyenne 13,5 % du total des cassations prononcĂ©es. Elle varie dâune annĂ©e sur lâautre (de 9,2 % en 2014 Ă 21,9 % en 2020) mais, compte tenu des variations annuelles observĂ©es, on ne peut pas en dĂ©duire une vĂ©ritable tendance Ă la hausse, la part des cassations sans renvoi dĂ©pend vraisemblablement de la nature des contentieux traitĂ©s par cette chambre : dans celui des Ă©trangers et des hospitalisations sans consentement, on a constatĂ© au cours de la pĂ©riode des proportions de cassations sans renvoi atteignant 100 %.
Figure 5-1 â PremiĂšre chambre civile Ăvolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s
2011-2020
⹠Devant la premiÚre chambre civile, la proportion des RNSM progresse et dépasse celle des rejets à partir de 2017
Depuis 2015, la proportion de RNSM nâa cessĂ© dâaugmenter au dĂ©triment des rejets, passant de 30,6 % Ă 45,7 % en 2020. En 2017, la part des RNSM dĂ©passe pour la premiĂšre fois celle des rejets (38,2 % contre 27,5 %). Les annĂ©es suivantes, lâĂ©cart se creuse, en 2020, la proportion de RNSM devance de 21 points celle des rejets (45,7 %, contre 24,9 %) â figure 5-1.
259
/ Activité juridictionnelle
Tableau 6-1 â Ăvolution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la premiĂšre chambre civile
Total Avec renvoi
Sans renvoi
Total 19 417 636 18 781 6 291 5 443 848 5 769 6 7212011 1 939 55 1 884 544 467 77 581 7592012 2 282 73 2 209 713 599 114 709 7872013 2 011 65 1 946 686 620 66 701 5592014 2 002 73 1 929 674 612 62 731 5242015 2 014 83 1 931 681 608 73 660 5902016 1 959 58 1 901 633 533 100 651 6172017 2 068 75 1 993 682 608 74 549 7622018 1 991 53 1 938 709 626 83 437 7922019 1 773 59 1 714 576 463 113 417 7212020 1 378 42 1 336 393 307 86 333 610
Unité de compte : décisions
Années
Source : NOMOS
Cassa ons
Rejets RNSM
DĂ©cisions statuant
sur les pourvois
DĂ©cisionsne
statuant pas sur les pourvois
Total
âą DeuxiĂšme chambre civile
Devant la deuxiÚme chambre civile, les demandeurs au pourvoi obtiennent la cassa-tion dans 35,3 % en moyenne sur la période. Cette part varie de 41 % en 2011 à 30 % en 2014 et se situe à 34 % en 2020.
Comme devant toutes les chambres, la proportion des cassations prononcĂ©es sans renvoi fluctue dâune annĂ©e Ă lâautre. Devant la deuxiĂšme chambre civile cette part varie ainsi de 7,8 % en 2012 Ă 15,9 % en 2019 â tableau 6-2. Il est difficile dâinter-prĂ©ter ces fluctuations annuelles en lâabsence dâinformations sur la nature des conten-tieux concernĂ©s 6.
⹠Devant la deuxiÚme chambre civile, la proportion des RNSM progresse et dépasse celle des rejets à partir de 2017
Devant cette chambre, la proportion des RNSM tend constamment Ă augmenter Ă partir de 2016 et dĂ©passe celle des rejets en 2018 (28,3 % et 36,5 %), pour atteindre 38,9 % en 2020 â figure 5-2. Il est difficile, ici encore, dâapprĂ©cier ces Ă©volutions des RNSM en lâabsence de donnĂ©es qualitatives sur la nature des contentieux faisant lâob-jet dâun rejet ou dâun RNSM.
6. Ă cet Ă©gard, la mise en place prochaine de la nomenclature des affaires orientĂ©es permettra dâapporter un Ă©clairage sur la frĂ©quence des cassations sans renvoi par nature de contentieux.
260
LIVRE 4 / Activité de la Cour
Figure 5-2 â DeuxiĂšme chambre civile Ăvolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s
2011-2020
Tableau 6-2 â Ăvolution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la deuxiĂšme chambre civile
Total Avec renvoi
Sans renvoi
Total 24 875 1 588 23 287 8 210 7 230 980 7 346 7 7312011 2 582 116 2 466 1 017 938 79 804 6452012 2 745 146 2 599 912 801 111 797 8902013 2 575 201 2 374 861 776 85 803 7102014 2 763 163 2 600 792 689 103 865 9432015 2 255 175 2 080 757 661 96 769 5542016 2 460 198 2 262 738 660 78 831 6932017 2 426 148 2 278 776 674 102 691 8112018 2 349 139 2 210 779 667 112 625 8062019 2 462 191 2 271 841 707 134 586 8442020 2 258 111 2 147 737 657 80 575 835
Unité de compte : décisions
Cassa ons
Rejets RNSM
Source : NOMOS
Années Total
DĂ©cisions ne
statuant pas sur les pourvois
DĂ©cisions statuant
sur les pourvois
261
/ Activité juridictionnelle
âą TroisiĂšme chambre civile
Devant la troisiĂšme chambre civile, la proportion moyenne de cassations est de 31,5 %. Selon les annĂ©es, cette part fluctue lĂ©gĂšrement autour de cette moyenne : de lâordre de 28 % en 2011 et 2018, elle atteint 33 % en 2013 et 2019 et 32 % en 2020.
⹠La part des cassations sans renvoi reste moins fréquente devant la troisiÚme chambre civile que devant les autres chambres
La part des cassations sans renvoi est trĂšs faible, ne dĂ©passant pas 7 % en moyenne sur la pĂ©riode 2011-2020. Au fil des annĂ©es, cette part fluctue entre 4,5 % en 2011 et 7,9 % en 2019 â tableau 6-3. On peut faire lâhypothĂšse que cette frĂ©quence plus faible de cassations prononcĂ©es sans renvoi devant la troisiĂšme chambre civile tient vraisem-blablement Ă la nature des affaires quâelle traite.
⹠Restée à un faible niveau dans la premiÚre moitié de la décennie, la part des RNSM progresse ensuite réguliÚrement pour atteindre prÚs de 38 % en 2020
En moyenne, sur la pĂ©riode, la proportion des RNSM observĂ©e devant la troi-siĂšme chambre civile est significativement plus faible que devant les autres chambres (26,2 %). En effet, bien que tendant Ă augmenter rĂ©guliĂšrement au fil des annĂ©es, les proportions de RNSM sont demeurĂ©es relativement basses jusquâen 2017, descendant mĂȘme Ă 14,6 % et 18,4 % en 2013 et 2014. Ce nâest quâen 2018 que cette part dĂ©passe pour la premiĂšre fois celle des rejets de 6 points (respectivement 38,8 % et 32,9 %). LâannĂ©e suivante, la part des rejets devance celle des RNSM (36,2 % et 30,7 %). En 2020, la part des RNSM surpasse Ă nouveau celle des rejets (de plus de 7 points : 37,7 % et 30,2 %) â figure 5-3.
Figure 5-3 â TroisiĂšme chambre civile Ăvolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s
2011-2020
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Cassa ons 28,6 31,6 33,0 31,5 31,2 33,1 32,9 28,3 33,2 32,1Rejets 47,9 46,9 52,3 50,1 44,4 39,1 38,5 32,9 36,2 30,2RNSM 23,4 21,5 14,6 18,4 24,4 27,9 28,7 38,8 30,7 37,7
0,0
10,0
20,0
30,0
40,0
50,0
60,0
CIV3
262
LIVRE 4 / Activité de la Cour
Tableau 6-3 â Ăvolution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la troisiĂšme chambre civile
Total Avec renvoi
Sans renvoi
Total 17 640 457 17 183 5 414 5 097 317 7 264 4 5052011 1 899 42 1 857 532 508 24 890 4352012 1 923 39 1 884 595 565 30 884 4052013 1 823 52 1 771 585 552 33 927 2592014 1 806 58 1 748 551 522 29 875 3222015 1 809 47 1 762 549 517 32 783 4302016 1 867 58 1 809 598 571 27 707 5042017 1 786 41 1 745 574 537 37 671 5002018 1 775 46 1 729 490 457 33 569 6702019 1 528 44 1 484 492 453 39 537 4552020 1 424 30 1 394 448 415 33 421 525
Unité de compte : décisions
DĂ©cisions statuant
sur les pourvois
Cassa ons
Rejets RNSM
Source : NOMOS
Années Total
DĂ©cisions ne
statuant pas sur les pourvois
âą Chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique
Comme devant les autres chambres, la proportion des demandeurs au pourvoi qui obtiennent la cassation varie relativement peu annuellement au cours de la pĂ©riode â tableau 6-4 et figure 5-4. De 2011 Ă 2020, en moyenne, les cassations reprĂ©sentent 32,2 % des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois. Cette part varie peu autour de cette moyenne : par exemple, elle avoisine 36 % en 2016 et se situe entre 30 % et 31 % de 2012 Ă 2015 et 2018 et 33 % en 2020.
Comme devant les autres chambres, la part des cassations sans renvoi est relative-ment faible (6,9 % en moyenne sur la période). On observe des fluctuations annuelles de cette part (4,8 % en 2019, 10,6 % en 2011) qui tiennent ici encore probablement à la nature des litiges traités.
⹠Une évolution contrastée de la part des RNSM devant la chambre commerciale, financiÚre et économique
Devant la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique, lâĂ©volution des parts respectives des deux types de rejets est plus contrastĂ©e â figure 5-4. On observe en effet une baisse sensible de la proportion des RNSM de 2012 Ă 2016, celle-ci passant de 34,4 % en 2011 Ă 22 % en 2016 (il sâagit lĂ de la proportion la plus faible observĂ©e devant toutes les autres chambres). DĂšs lâannĂ©e suivante (2017) cette baisse laisse place Ă une nette tendance haussiĂšre. La part des RNSM atteignant 41 % en 2018 dĂ©passe de 13 points celle des rejets. Elle diminue ensuite au cours des deux annĂ©es suivantes mais continue Ă devancer la part des rejets.
263
/ Activité juridictionnelle
Figure 5-4 â Chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique Ăvolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s
2011-2020
Tableau 6-4 â Ăvolution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique
Total Avec renvoi
Sans renvoi
Total 15 704 718 14 986 4 827 4 494 333 5 464 4 6952011 1 821 72 1 749 566 506 60 582 6012012 1 759 80 1 679 506 458 48 641 5322013 1 622 81 1 541 473 445 28 625 4432014 1 521 88 1 433 457 427 30 554 4222015 1 373 87 1 286 409 385 24 547 3302016 1 355 83 1 272 457 436 21 535 2802017 2 007 83 1 924 642 616 26 754 5282018 1 653 52 1 601 498 452 46 447 6562019 1 412 53 1 359 441 420 21 416 5022020 1 181 39 1 142 378 349 29 363 401
Unité de compte : décisions
Années Total
DĂ©cisions ne
statuant pas sur les pourvois
DĂ©cisions statuant
sur les pourvois
Cassa ons
Rejets RNSM
Source : NOMOS
264
LIVRE 4 / Activité de la Cour
âą Chambre sociale
En moyenne, sur la pĂ©riode, devant la chambre sociale, les demandeurs au pourvoi obtiennent gain de cause au moins partiellement dans un peu plus dâun tiers des cas (33,8 %), cette part variant de 30,4 % (2019) Ă 37 % (2011, 2012 et 2015) et sâĂ©tablit Ă 29,8 % en 2020 â tableau 6-5 et figure 5-5.
La part des cassations prononcĂ©es sans renvoi est de lâordre de 10 % en moyenne sur la pĂ©riode. Elle fluctue au fil des annĂ©es, entre 6 % et 8 % de 2015 Ă 2017, elle dĂ©passe 11 % plusieurs annĂ©es de suite (2011, 2012 et 2013), remonte Ă 13 % en 2018, baisse en 2019 (9,5 %) remonte enfin Ă 13,4 % en 2020 â tableau 6-5.
âą Devant la chambre sociale, la part des RNSM augmente fortement au fil des annĂ©es, elle reprĂ©sente prĂšs de la moitiĂ© des arrĂȘts prononcĂ©s en 2020
Devant la chambre sociale, au cours de la dĂ©cennie, on observe une forte tendance Ă la hausse de la part des RNSM au dĂ©triment des rejets. En 2017, cette part, atteignant plus de 40 % des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois, dĂ©passe de 13 points celle des rejets. Cet Ă©cart se creuse les annĂ©es suivantes. En 2020, il est de 29 points. La proportion de RNSM reprĂ©sente prĂšs de la moitiĂ© des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois prononcĂ©es par la chambre sociale â figure 5-5.
Figure 5-5 â Chambre sociale Ăvolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s
2011-2020
265
Tableau 6-5 â Ăvolution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la chambre sociale 2011-2020
Total Avec renvoi
Sans renvoi
Total 31 968 1 111 30 857 10 419 9 362 1 057 9 471 10 9672011 3 267 109 3 158 1 170 1 033 137 1 281 7072012 3 553 147 3 406 1 260 1 107 153 1 215 9312013 3 196 126 3 070 1 096 966 130 992 9822014 3 414 95 3 319 1 184 1 073 111 1 056 1 0792015 3 090 122 2 968 1 098 1 021 77 994 8762016 3 460 154 3 306 1 102 1 032 70 1 082 1 1222017 3 335 124 3 211 1 003 921 82 902 1 3062018 3 316 101 3 215 936 815 121 767 1 5122019 2 983 78 2 905 884 800 84 708 1 3132020 2 354 55 2 299 686 594 92 474 1 139
Unité de compte : décisionsSource : NOMOS
Années Total
DĂ©cisions ne
statuant pas sur les pourvois
DĂ©cisions statuant
sur les pourvois
Cassa ons
Rejets RNSM
6. Durée moyenne des décisions statuant sur les moyens des pourvois prononcées en 2020
Il convient de rappeler que pour ĂȘtre dĂ©clarĂ© recevable, câest-Ă -dire pour pouvoir ĂȘtre examinĂ©, un pourvoi doit ĂȘtre formĂ© dans un dĂ©lai donnĂ©, en gĂ©nĂ©ral dans les 2 mois qui suivent la signification ou la notification de la dĂ©cision attaquĂ©e (article 612 du code de procĂ©dure civile, sauf procĂ©dures particuliĂšres des articles 996 et 999 du code de procĂ©dure civile). PassĂ©s ces dĂ©lais, le pourvoi sera dĂ©clarĂ© irrecevable.
Une fois le pourvoi formĂ© dans les 2 mois qui suivent la signification ou la notifica-tion de la dĂ©cision attaquĂ©e, les parties sont tenues, sauf disposition contraire, de choi-sir un avocat au Conseil dâĂtat et Ă la Cour de cassation devant les chambres civiles avec reprĂ©sentation obligatoire (article 973 du code de procĂ©dure civile). Sous peine de dĂ©chĂ©ance, lâavocat du demandeur remet au greffe, dans le dĂ©lai de quatre mois, un mĂ©moire ampliatif contenant les moyens de droit invoquĂ©s contre la dĂ©cision attaquĂ©e et fait signifier ce mĂ©moire au dĂ©fendeur (article 978). Le dĂ©fendeur dispose alors dâun dĂ©lai de deux mois pour produire un mĂ©moire en rĂ©ponse (article 982).
En 2020, toutes chambres civiles, commerciale et sociale confondues, les dĂ©ci-sions statuant sur les moyens des pourvois ont Ă©tĂ© rendues en 18 mois en moyenne â tableau 7. Il sâest Ă©coulĂ© 18,5 mois entre la dĂ©claration de pourvoi et la dĂ©cision de cassation. Les procĂ©dures se terminant par une cassation sans renvoi sont lĂ©gĂšrement plus longues que celles qui cassent avec renvoi (19,7 mois, contre 18,4 mois).
Enfin, la durĂ©e des rejets, quâils soient motivĂ©s ou non, est du mĂȘme ordre (autour de 17 mois) â tableau 7.
266
LIVRE 4 / Activité de la Cour
La durĂ©e de traitement des procĂ©dures varie beaucoup dâune chambre Ă lâautre (de 15,3 mois devant la deuxiĂšme chambre civile Ă 23,6 mois devant la chambre commer-ciale, financiĂšre et Ă©conomique). En lâabsence dâinformations qualitatives sur la durĂ©e des procĂ©dures par nature et de contentieux traitĂ©s par chacune des chambres, il est difficile dâinterprĂ©ter les Ă©carts observĂ©s.
Pour la chambre sociale, il se pourrait que lâexistence de pourvois sĂ©riels gĂ©nĂšre un allongement des durĂ©es. De façon gĂ©nĂ©rale, on peut Ă©galement faire lâhypothĂšse dâune dispersion plus importante des contentieux devant certaines chambres qui requiĂšrent un investissement de spĂ©cialisation plus grand pour juger des litiges, certes numĂ©ri-quement peu importants, mais trĂšs variĂ©s.
Tableau 7 â DurĂ©e moyenne des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois prononcĂ©es en 2020 par chambre
Nbre Durée Nbre Durée Nbre Durée Nbre Durée Nbre Durée Nbre DuréeTotal 8 318 18,0 1 336 17,0 2 147 15,3 1 394 16,5 1 142 23,6 2 299 20,7 Cassa on total 2 642 18,5 393 16,8 737 15,9 448 17,2 378 23,0 686 20,8 Cassa ons avec renvoi 2 322 18,4 307 17,0 657 15,8 415 17,3 349 22,8 594 20,1 Cassa ons sans renvoi 320 19,7 86 16,3 80 16,8 33 16,7 29 26,0 92 24,5 Rejets 2 166 17,5 333 17,4 575 13,0 421 17,4 363 23,5 474 18,5 RNSM 3 510 17,9 610 17,2 835 15,5 525 14,7 401 22,2 1 139 19,9
SOC
Source : NOMOS
Nature de la décision Total CIV1 CIV2 CIV3 COM
7. Les formations de jugement
Aux termes de lâarticle L. 431-1 du code de lâorganisation judiciaire : « Les affaires soumises Ă une chambre civile sont examinĂ©es par une formation de trois magistrats appartenant Ă la chambre Ă laquelle elles ont Ă©tĂ© distribuĂ©es.
Cette formation statue lorsque la solution du pourvoi sâimpose. Dans le cas contraire, elle renvoie lâexamen du pourvoi Ă lâaudience de la chambre.
Toutefois, le premier prĂ©sident ou le prĂ©sident de la chambre concernĂ©e, ou leurs dĂ©lĂ©guĂ©s, dâoffice ou Ă la demande du procureur gĂ©nĂ©ral ou de lâune des parties, peuvent renvoyer directement une affaire Ă lâaudience de la chambre par dĂ©cision non motivĂ©e. »
Aux termes de lâarticle R. 421-3 du code de lâorganisation judiciaire : « La Cour de cassation comprend cinq chambres civiles et une chambre criminelle.
Chaque chambre comprend une ou plusieurs sections.
Chaque chambre siĂšge soit en formation plĂ©niĂšre, soit en formation de section, soit en formation restreinte, en matiĂšre civile, conformĂ©ment aux deux premiers alinĂ©as de lâarticle L. 431-1, et, en matiĂšre pĂ©nale, conformĂ©ment Ă lâarticle L. 431-2 et Ă lâar-ticle 567-1-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale. »
267
/ Activité juridictionnelle
La part des formations restreintes 7 nâa cessĂ© dâaugmenter au cours de ces 10 der-niĂšres annĂ©es, pour reprĂ©senter prĂšs de 95 % des affaires traitĂ©es en matiĂšre civile toutes chambres confondues.
Au sein de ces formations restreintes, une ventilation peut ĂȘtre faite entre celles donnant lieu Ă un arrĂȘt motivĂ© qui reprĂ©sentent 52 % des formations et celles aboutis-sant Ă un rejet non spĂ©cialement motivĂ© (« RNSM ») qui reprĂ©sentent 41 % des forma-tions. Lâarticle 1014 du code de procĂ©dure civile autorise la Cour de cassation Ă rejeter de maniĂšre non spĂ©cialement motivĂ©e les pourvois irrecevables ou qui ne sont manifes-tement pas de nature Ă entraĂźner la cassation de lâarrĂȘt attaquĂ© (voir Ă©galement p. 257).
En 2020, seulement 5,5 % des affaires relĂšvent de la formation de section 8, alors quâen 2011, 11 % des affaires relevaient dâune formation de section. On constate donc un glissement opĂ©rĂ© ces derniĂšres annĂ©es des formations de section au profit des for-mations restreintes et plus spĂ©cifiquement celles aboutissant Ă un RNSM.
Tableau 8 â RĂ©partition des dĂ©cisions selon la formation Ensemble des chambres civiles
Nbre % Nbre % Nbre %
2011 11 510 1 304 11,3 10 177 88,4 29 0,32012 12 264 1 525 12,4 10 711 87,3 28 0,22013 11 227 1 308 11,7 9 882 88,0 37 0,32014 11 520 1 118 9,7 10 377 90,1 25 0,22015 10 547 989 9,4 9 522 90,3 36 0,32016 11 102 1 043 9,4 10 043 90,5 16 0,12017 11 624 885 7,6 10 722 92,2 17 0,12018 11 084 778 7,0 10 259 92,6 47 0,42019 10 160 708 7,0 9 434 92,9 18 0,22020 8 595 473 5,5 8 107 94,3 13 0,2
Source : NOMOS
Années Total
Forma on de sec on
Forma on restreinte
Forma on pléniÚre
7. Formation de trois magistrats appartenant Ă la chambre Ă laquelle lâaffaire a Ă©tĂ© distribuĂ©e.8. Formation composĂ©e habituellement de lâensemble dâune section de la chambre.
268
LIVRE 4 / Activité de la Cour
Figure 6 â Ăvolution de la proportion de dĂ©cisions prononcĂ©es en formation de section par chambre
269
/ Activité juridictionnelle
2. LâactivitĂ© de la chambre criminelle
2.1. Ăvolution des pourvois jugĂ©s en matiĂšre pĂ©nale
* LâĂ©volution Ă la baisse du nombre dâarrĂȘts mettant fin Ă lâinstance rĂ©sulte directement de lâapplication de lâarticle 590-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale, introduit par la loi n° 2016/731 du 3 juin 2016, prĂ©voyant que la dĂ©chĂ©ance du pourvoi est dĂ©sormais prononcĂ©e par ordonnance du prĂ©sident de la chambre criminelle.
Tableau 2.23 - ĂVOLUTION DES POURVOIS JUGĂS EN MATIERE PĂNALE
7 926
8 7118 158
8 612
7 600 7 828 7 799 7 587 7 470 7 547
7 1227 679
6 922
7 657
6 5385 887
3 500 3 3873 337 2 919
2 500
3 500
4 500
5 500
6 500
7 500
8 500
9 500
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Nombre de pourvois jugĂ©sNombre dÊŒarrĂȘts mettant fin Ă l'instance *
Contrairement aux chambres civiles, le nombre des pourvois est restĂ© stable en 2020, sâinscrivant ainsi dans une remarquable stabilitĂ© du nombre des pourvois annuellement formĂ©s en matiĂšre pĂ©nale depuis 2015, et le nombre dâarrĂȘts mettant fin Ă lâinstance nâa que trĂšs lĂ©gĂšrement baissĂ©.
Il convient de rappeler, pour une bonne comprĂ©hension des chiffres, que la chute du nombre dâarrĂȘts mettant fin lâinstance en 2016 sâexplique uniquement par lâentrĂ©e en vigueur de la rĂ©forme confiant le prononcĂ© des dĂ©chĂ©ances au prĂ©sident, ou Ă son dĂ©lĂ©guĂ©, dont les ordonnances, qui reprĂ©sentent plus de la moitiĂ© des dĂ©cisions ren-dues, ne sont plus comptabilisĂ©es dans ce tableau (il sâagit de pourvois non soutenus par les requĂ©rants).
270
LIVRE 4 / Activité de la Cour
2.2. RĂ©partition du contentieux pĂ©nal en 2020 par nature dâaffaires
En 2020, le volume des affaires correctionnelles a diminuĂ© (2 838 contre 4 277 en 2019). La part des affaires correctionnelles reprĂ©sente moins de la moitiĂ© du conten-tieux pĂ©nal avec une part de 43 % en 2020 contre 53 % en 2019 et 52 % en 2018. Cette baisse des pourvois en matiĂšre correctionnelle sâexplique notamment de façon conjonc-turelle, par le contexte de crise sanitaire en 2020 qui a entraĂźnĂ© certains reports dâau-dience devant les juridictions correctionnelles.
En revanche, lâannĂ©e 2020 voit une augmentation trĂšs sensible du contentieux de la dĂ©tention, avec 1 814 affaires. Cette hausse, amorcĂ©e en 2017 (1 199 affaires contre 915 en 2016, puis 1 335 en 2018 et 1 386 en 2019), se confirme donc en 2020 oĂč le contentieux de la dĂ©tention reprĂ©sente dĂ©sormais 28 % du volume global des affaires de la chambre criminelle, contre 12 % en 2016, 16 % en 2017, 18 % en 2018 et 17 % en 2019. Cette tendance sâinscrit non seulement dans le cadre dâun mouvement de fond qui concerne particuliĂšrement les pourvois formĂ©s contre les dĂ©cisions rendues par les chambres de lâinstruction, mais aussi dans le contexte de crise sanitaire prĂ©cĂ©-demment Ă©voquĂ©. Le contentieux croissant de la dĂ©tention reprĂ©sente une charge sin-guliĂšre pour la chambre criminelle en ce quâil est insĂ©rĂ© par la loi dans des dĂ©lais de jugement fortement contraints et courts.
En 2020, la part des affaires de police et de lâinstruction se maintient, avec respec-tivement 4 % et 18 % du contentieux pĂ©nal (contre 3 % et 18 % en 2019).
Le contentieux des affaires aux assises connaßt un pourcentage identique depuis 2017 représentant 3 % du contentieux pénal (188 affaires en 2020 contre 240 en 2019, 203 en 2018 et 216 en 2017).
271
/ Activité juridictionnelle
2.3. Répartition des pourvois jugés en matiÚre penale en 2020 par catégorie de décisions
Le nombre des dĂ©cisions de rejet connaĂźt une baisse de 30 % sur une annĂ©e (891 en 2020 contre 1 284 en 2019, soit une part de 12 % contre 17 % en 2019) compensĂ©e par une hausse de 25,6 % du nombre des dĂ©cisions de non-admission (1 623 en 2020 contre 1 292 en 2019, soit une part de 21 % contre 17 % en 2019). Ainsi, le recours Ă la non-admission poursuit son dĂ©veloppement en matiĂšre pĂ©nale : rapportĂ© Ă lâensemble des dĂ©cisions hors ordonnances de dĂ©chĂ©ance, il reprĂ©sente dorĂ©navant prĂšs de 40 % des arrĂȘts rendus par la chambre.
272
LIVRE 4 / Activité de la Cour
2.4. Durée moyenne de traitement des pourvois en matiÚre pénale (en jours)
La durĂ©e moyenne de traitement des affaires devant la chambre criminelle, qui sâinscri-vait dans une tendance Ă la baisse ces derniĂšres annĂ©es, connaĂźt une trĂšs lĂ©gĂšre augmenta-tion en 2020 avec 215 jours contre 202 en 2019 mais reste en deçà du chiffre de 2018 (216).
3. Les questions prioritaires de constitutionnalitĂ© (QPC)Tableau 3.1. â Questions prioritaires de constitutionnalitĂ© enregistrĂ©es
273
/ Activité juridictionnelle
Tableau 3.2. â RĂ©partition des QPC enregistrĂ©es en matiĂšre civile
Tableau 3.3. â RĂ©partition des QPC enregistrĂ©es en matiĂšre pĂ©nale
0
100
200
300
2015 2016 2017 2018 2019 2020
23 31 28 35 37 35
112 110 99126 122 134
QPC transmises QPC incidentes
Tableau 3.3 - RĂPARTITION DES QPC ENREGISTRĂES EN MATIĂRE PĂNALE
07/10/2021
En 2020, 282 QPC transmises par les juridictions du fond et incidentes Ă un pourvoi ont Ă©tĂ© enregistrĂ©es. En matiĂšre civile, le nombre de QPC enregistrĂ©es reste stable par rapport Ă lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente avec 113 QPC contre 126 en 2019. Le nombre de QPC en matiĂšre pĂ©nale avec 169 QPC contre 159 en 2019 est quant Ă lui en lĂ©gĂšre augmentation.
En matiĂšre civile, Ă lâinverse des deux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, la part des QPC inci-dentes (42 %) est infĂ©rieure Ă celle des QPC transmises (58 %) (47 QPC incidentes contre 66 QPC transmises).
274
LIVRE 4 / Activité de la Cour
En matiĂšre pĂ©nale, Ă lâinstar des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, la proportion des QPC inci-dentes (79 %) reste toujours supĂ©rieure Ă celle des QPC transmises (21 %) (134 QPC incidentes contre 35 QPC transmises).
Depuis la crĂ©ation de cette voie de recours, il a Ă©tĂ© constatĂ© que la matiĂšre pĂ©nale Ă©tait le terrain privilĂ©giĂ© des QPC. En 2016 et 2017, cette tendance sâest inversĂ©e laissant place Ă davantage de QPC enregistrĂ©es en matiĂšre civile. Ces trois derniĂšres annĂ©es, la tendance originaire a de nouveau fait surface avec en 2020, un total de 169 QPC enregistrĂ©es en matiĂšre pĂ©nale contre 113 en matiĂšre civile. Ces variations dâune pĂ©riode Ă une autre dĂ©montrent que les droits fondamentaux sont autant invoquĂ©s en matiĂšre pĂ©nale que civile.
Tableau 3.4. â DĂ©cisions rendues sur les questions prioritaires de constitutionnalitĂ©
Renvoi au CC
Non-renvoi au CC
Autres * Total CIVIL
Renvoi au CC
Non-renvoi au CC
Autres * Total PĂNAL
2013 35 109 12 8 118 51
22% 70% 8% 5% 67% 29%
2014 22 99 19 25 133 57
16% 71% 14% 12% 62% 27%
2015 17 62 18 14 85 33
18% 64% 19% 11% 64% 25%
2016 26 273 38 25 83 31
8 % 81 % 11 % 17 % 60 % 22 %
2017 17 95 38 11 72 24
11 % 63 % 25 % 10 % 67 % 22 %
2018 28 69 18 12 60 10
24 % 60 % 15 % 15 % 73 % 12 %
11 92 9 19 107 36
10 % 82 % 8 % 12 % 66 % 22 %
65 70 4 33 93 28
47 % 50 % 3 % 21 % 60 % 19 %Total 221 869 156 1 246 147 751 270 1 168 2 414
* Irrecevabilité, renonciation.
355
22997
140
392931
274
476
257
197
2020
150
154
82
156 177
132
215
112 162
139
2019
115
337
107
333
Totalpar
année
PĂNALAnnĂ©e
CIVIL
Tableau 3.4 - DĂCISIONS RENDUES SUR LES QUESTIONS PRIORITAIRES DE CONSTITUTIONNALITĂ
275
/ Activité juridictionnelle
Tableau 3.5. â RĂ©partition des dĂ©cisions rendues sur QPC en matiĂšre civile
17 26 17 2811
6562
273
9569
9270
1838 38
18 9 40
50
100
150
200
250
300
2015 2016 2017 2018 2019 2020
Renvoi au CC Non-renvoi au CC Autres (irrecevabilité, renonciation)
Tableau 3.5 - RĂPARTITION DES DĂCISIONS RENDUES SUR QPCEN MATIĂRE CIVILE
07/10/2021
Tableau 3.6. â RĂ©partition des dĂ©cisions rendues sur QPC en matiĂšre pĂ©nale
1425
11 12 1933
85 8372
60
10793
33 31 2410
3628
0
70
140
210
2015 2016 2017 2018 2019 2020
Renvoi au CC Non-renvoi au CC Autres (irrecevabilité, renonciation)
Tableau 3.6 - RĂPARTITION DES DĂCISIONS RENDUES SUR QPCEN MATIĂRE PĂNALE
07/10/2021
Le nombre de décisions rendues sur QPC, toutes chambres confondues, a aug-menté en 2020 avec un total de 293 décisions contre 274 en 2019, enregistrant une hausse continue depuis 2018 (197 décisions sur QPC).
Les chambres civiles ont rendu 139 dĂ©cisions sur QPC (contre 112 en 2019), dont 47 % ont fait lâobjet dâun renvoi au Conseil constitutionnel, contre 10 % en 2019, 24 % en 2018 et 11 % en 2017, ce qui marque une hausse significative. Il sâagit ainsi du taux de renvoi le plus haut jamais enregistrĂ©.
276
LIVRE 4 / Activité de la Cour
En matiĂšre pĂ©nale, 154 dĂ©cisions sur QPC ont Ă©tĂ© rendues par la chambre crimi-nelle (contre 162 en 2019), dont 21 % ont fait lâobjet dâun renvoi au Conseil constitu-tionnel. Lâaugmentation importante en matiĂšre civile ne se retrouve ainsi qu'en partie en matiĂšre pĂ©nale, qui connaĂźt toutefois son plus haut taux de renvoi depuis 2013 (12 % en 2019, 15 % en 2018 et 17 % en 2016).
Depuis lâorigine, en matiĂšre civile, le taux de renvoi au Conseil constitutionnel oscille entre 8 et 25 % ; en matiĂšre pĂ©nale, exception faite de la premiĂšre annĂ©e (du 1er mars au 31 dĂ©cembre 2010) oĂč 42 % des QPC ont Ă©tĂ© renvoyĂ©es au Conseil consti-tutionnel, ce taux oscille entre 4 et 21 %. Ainsi, si habituellement la Cour de cassation rend trĂšs majoritairement des dĂ©cisions de non-renvoi au Conseil constitutionnel, autant dans le domaine civil quâen matiĂšre pĂ©nale, lâannĂ©e 2020 marque une excep-tion en matiĂšre civile.
En 2020, tout comme en 2019, les chambres civiles ont rendu moins de dĂ©cisions sur QPC que la chambre criminelle qui reprĂ©sente 52,6 % de lâensemble des dĂ©cisions sur QPC. Cela marque ainsi un retour Ă la tendance originaire Ă lâinverse des annĂ©es 2016, 2017 et 2018, qui avaient laissĂ© place Ă davantage de dĂ©cisions sur QPC en matiĂšre civile quâen matiĂšre pĂ©nale.
277
/ Activité juridictionnelle
Tableau 3.7. â RĂ©partition des dĂ©cisions sur QPC transmises par ressort de Cour d'appel
Cour dÊŒappel QPC civiles
QPC pénales Total %
DOUAI 212 12 224 22,4 %PARIS 192 87 279 27,9 %AIX-EN-PROVENCE 51 23 74 7,4 %VERSAILLES 28 14 42 4,2 %MONTPELLIER 18 9 27 2,7 %BORDEAUX 20 16 36 3,6 %RENNES 21 17 38 3,8 %LYON 15 8 23 2,3 %TOULOUSE 10 4 14 1,4 %ROUEN 12 4 16 1,6 %NANCY 26 11 37 3,7 %NIMES 9 4 13 1,3 %AMIENS 9 1 10 1,0 %PAU 6 4 10 1,0 %BOURGES 6 4 10 1,0 %COLMAR 4 7 11 1,1 %POITIERS 6 2 8 0,8 %REIMS 7 5 12 1,2 %GRENOBLE 8 3 11 1,1 %LIMOGES 5 2 7 0,7 %ORLEANS 5 4 9 0,9 %ANGERS 6 6 12 1,2 %CAEN 5 3 8 0,8 %METZ 6 6 12 1,2 %BASSE-TERRE 3 1 4 0,4 %DIJON 2 5 7 0,7 %CHAMBERY 4 3 7 0,7 %PAPEETE 4 2 6 0,6 %AGEN 22 0,2 %FORT-DE-FRANCE 3 1 4 0,4 %RIOM 3 3 6 0,6 %BASTIA 2 2 4 0,4 %BESANCON 1 1 2 0,2 %SAINT-DENIS DE LA REUNION 1 5 6 0,6 %NOUMEA 4 1 5 0,5 %CAYENNE 2 2 0,2 %MAMOOUDZOU 1 1 0,1 %MAYOTTE 1 1 0,1 %
Total 716 284 1000 100 %
Tableau 3.7 - RĂPARTITION DES DĂCISIONS SUR QPC TRANSMISESPAR RESSORT DE COUR DÊŒAPPEL
DU 1er janvier 2013 AU 31 DĂCEMBRE 2020
278
LIVRE 4 / Activité de la Cour
Sur les six derniĂšres annĂ©es, lâessentiel des QPC transmises provient des juridic-tions du ressort de la cour dâappel de Paris (279, soit 27,9 % du total en 2020) ainsi que de la cour dâappel de Douai (224, soit 22,4 %) puis de la cour dâappel dâAix-en-Provence (74, soit 7,4 %).
B. LâactivitĂ© des juridictions et commissions placĂ©es auprĂšs de la Cour de cassation
1. La Cour de réexamen des décisions civiles
La Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles a Ă©tĂ© instituĂ©e par la loi no 2016-1547 du 16 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siĂšcle, qui a introduit au titre V du livre IV du code de lâorganisation judiciaire un chapitre II â RĂ©examen en matiĂšre civile â comprenant les articles L. 452-1 Ă L. 452-6 nouveaux.
La procĂ©dure crĂ©Ă©e par ce texte ouvre la possibilitĂ© de demander le rĂ©examen dâune dĂ©cision civile dĂ©finitive rendue en matiĂšre dâĂ©tat des personnes, dont la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme a jugĂ© quâelle a Ă©tĂ© prononcĂ©e en violation de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales ou de ses protocoles additionnels, le demandeur devant avoir Ă©tĂ© partie Ă lâinstance et dispo-ser dâun intĂ©rĂȘt Ă prĂ©senter cette demande.
Le rĂ©examen peut ĂȘtre ordonnĂ© lorsque, « par sa nature et sa gravitĂ©, la violation constatĂ©e entraĂźne, pour cette personne, des consĂ©quences dommageables auxquelles la satisfaction Ă©quitable accordĂ©e en application de lâarticle 41 de la mĂȘme convention ne pourrait mettre un terme ».
Le rĂ©examen dâun pourvoi en cassation peut ĂȘtre demandĂ© dans les mĂȘmes condi-tions. La Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles est prĂ©sidĂ©e par le doyen des prĂ©si-dents de chambre Ă la Cour de cassation et composĂ©e de douze conseillers de cette Cour, deux par chambre. Le parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation assure les fonc-tions du ministĂšre public devant la formation de jugement.
Cette procĂ©dure, proche de celle instituĂ©e en matiĂšre pĂ©nale par la loi du 15 juin 2000, permet Ă la France de mettre en Ćuvre, dans la seule matiĂšre de lâĂ©tat des personnes, lâengagement rĂ©sultant pour elle de lâarticle 46 de la Convention europĂ©enne de se conformer aux arrĂȘts dĂ©finitifs rendus par la Cour de Strasbourg.
En 2020, une requĂȘte a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e devant la Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles.
Ăvolution de lâactivitĂ© de la Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles
AnnĂ©e RequĂȘtes DĂ©cisions rendues
2019 0 0
2020 1 0
ĂVOLUTION DE L'ACTIVITĂ DE LA COUR DE RĂEXAMEN DES DĂCISIONS CIVILES
08/10/2021
279
/ Activité juridictionnelle
2. La commission dâinstruction des demandes en rĂ©vision et en rĂ©examen et la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen des condamnations pĂ©nales
Ăvolution de l'activitĂ© de la commission d'instruction des demandes en rĂ©vision et en rĂ©examen(Loi no 2014-640 du 20 juin 2014, applicable Ă compter du 1er octobre 2014)
Resteà juger Reçues Total
Ord
onna
nce
Prés
iden
t
Irrec
evab
ilité
DĂ©s
iste
men
t
Rej
et
Sais
ine
Total
2019 84 153 237 81 57 1 0 4 143 94
2020 94 129 223 94 23 0 0 6 123 100
DĂ©cisions rendues
Année
RequĂȘtes
Reste Ă juger
ĂVOLUTION DE LÊŒACTIVITĂ DE LA COMMISSION DÊŒINSTRUCTIONDES DEMANDES EN RĂVISION ET EN RĂEXAMEN
(Loi no 2014-640 du 20 juin 2014, applicable Ă compter du 1er octobre 2014)
La commission dâinstruction de la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen a Ă©tĂ© saisie en 2020 de 128 requĂȘtes en rĂ©vision et dâune requĂȘte en rĂ©examen. Ce nombre de dos-siers nouveaux est en baisse par rapport aux 153 dossiers reçus en 2019.
Le stock de dossiers restant à juger au 31 décembre 2020 est de 100 dossiers contre 94 au 31 décembre 2019.
Ont Ă©tĂ© rendues, en 2020, 123 dĂ©cisions concernant majoritairement des affaires correctionnelles (vol, recel, escroquerie : 19 ; violences : 23 ; urbanisme : 4 ; infractions routiĂšres : 4 ; fraude fiscale : 3 ; stupĂ©fiants : 3), les affaires criminelles, essentiellement viols et meurtres, reprĂ©sentant un peu plus du tiers de lâensemble (44).
Il sâagit pour la quasi-totalitĂ© de dĂ©cisions dâirrecevabilitĂ© (117), rendues soit sous forme dâordonnance par le prĂ©sident de la commission (94), soit par la commission dans sa formation collĂ©giale (23). Ces irrecevabilitĂ©s sont le plus souvent motivĂ©es par lâabsence de fait nouveau ou dâĂ©lĂ©ment inconnu de la juridiction de jugement au jour du procĂšs.
La commission a, en outre, ordonnĂ© deux supplĂ©ments dâinformation avant de se prononcer sur la recevabilitĂ© des requĂȘtes concernĂ©es.
Elle a saisi la formation de jugement de la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen de cinq dossiers en rĂ©vision, tous relatifs Ă des condamnations correctionnelles, et dâun dos-sier en rĂ©examen.
280
LIVRE 4 / Activité de la Cour
Ăvolution de lâactivitĂ© de la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen en matiĂšre pĂ©nale(Loi no 2014-640 du 20 juin 2014, applicable Ă compter du 1er octobre 2014)
Cor
rect
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Crim
inel
Cor
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Crim
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Crim
inel
Cor
rect
ionn
el
Crim
inel
2019 4 0 0 4 4 0 0 2 0 0 1 0 0 7
2020 5 0 1 6 3 0 0 0 0 0 0 0 0 3
Année
SaisinesDĂ©cisions
Annulation Rejet Irrecevabilité
Total
RĂ©vision
RĂ©e
xam
enTotal
RĂ©vision
RĂ©e
xam
en
RĂ©vision
RĂ©e
xam
en
RĂ©vision
RĂ©e
xam
en
ĂVOLUTION DE LÊŒACTIVITĂ DE LA COUR DE RĂVISION ET DE RĂEXAMEN EN MATIĂRE PĂNALE
(Loi no 2014-640 du 20 juin 2014, applicable Ă compter du 1er octobre 2014)
La formation de jugement de la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen a prononcĂ© trois annulations sans renvoi en matiĂšre correctionnelle. Aucun rejet ni aucune irrecevabi-litĂ© nâont Ă©tĂ© prononcĂ©s. En fin dâannĂ©e, il lui restait Ă juger trois affaires.
3. La Commission nationale de réparation des détentions
a. Ătude statistique des recours et des dĂ©cisions
La Commission nationale de réparation des détentions a enregistré trente recours en 2020. Le nombre des recours a donc sensiblement diminué par rapport aux années précédentes (quarante-trois recours en 2019 et soixante-quatre recours en 2018).
Les recours reçus ont concernĂ© des dĂ©cisions rendues dans dix-sept cours dâappel. Celles dâAix-en-Provence et de Rennes ont transmis Ă la commission nationale quatre recours chacune, celles de Paris et de Versailles trois recours chacune.
La commission nationale a rendu quarante dĂ©cisions en 2020, dont trente-cinq ont Ă©tĂ© rendues au fond. Treize dâentre elles ont Ă©tĂ© des dĂ©cisions de rejet, trois ont accueilli intĂ©gralement le recours et dix-neuf lâont accueilli partiellement.
La Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a en outre rendu une dĂ©cision dâirrecevabilitĂ© et a Ă©tĂ© saisie dâune question prioritaire de constitutionnalitĂ© (QPC), quâelle nâa pas transmise Ă la Cour de cassation.
Le dĂ©lai moyen de jugement par affaire a Ă©tĂ© de quinze mois en 2020. Ce dĂ©lai, qui Ă©tait de dix mois lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente, peut sâexpliquer par la prise en compte statistique dâun recours du 14 octobre 2011, sur lequel la dĂ©cision, rendue le 24 septembre 2012, a fait lâobjet dâune requĂȘte en rectification dâerreur matĂ©rielle, dĂ©posĂ©e le 17 fĂ©vrier 2020.
LâĂąge moyen des demandeurs, Ă la date de leur incarcĂ©ration, Ă©tait de 36,6 ans. Cet Ăąge moyen est plus Ă©levĂ© que celui des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes (30,98 en 2019, 31,20 en 2018 et 33,62 en 2017), comparable Ă celui de lâannĂ©e 2016 (36,22 ans). Les Ăąges extrĂȘmes ont Ă©tĂ© de 19 ans et 71 ans.
La durĂ©e moyenne des dĂ©tentions indemnisĂ©es a Ă©tĂ© de 379,05 jours. Elle est supĂ©-rieure Ă celle de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente (356,19 jours) mais infĂ©rieure Ă celle de lâannĂ©e 2018
281
/ Activité juridictionnelle
(405,08 jours). Cette durée moyenne a été de 288,06 jours en 2017, de 372,61 jours en 2016, de 376 jours en 2015 et de 367 jours en 2014.
Onze dĂ©tentions indemnisĂ©es ont Ă©tĂ© supĂ©rieures ou Ă©gales Ă un an, six dâentre elles supĂ©rieures Ă deux ans, dont deux supĂ©rieures Ă trois ans, la plus longue ayant Ă©tĂ© de 1 644 jours. Sept dĂ©tentions nâont pas excĂ©dĂ© trois mois, la plus courte ayant Ă©tĂ© de trente-quatre jours.
Ăvolution de lâactivitĂ© de la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions
RĂ©partition des dĂ©cisions de la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions par catĂ©gories â annĂ©e 2020
282
LIVRE 4 / Activité de la Cour
En ce qui concerne la répartition par infractions, il convient de noter la part toujours importante des infractions contre les personnes (homicides volontaires, viols et violences).
RĂ©partition des requĂȘtes devant la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions par infractions poursuivies â annĂ©e 2020
b. Analyse de la jurisprudence
Conditions du droit à réparation
La commission nationale a jugĂ© quâune demande en rĂ©paration de la dĂ©tention pro-visoire est recevable dans le cas oĂč :
â dâune part, la procĂ©dure dâinformation a Ă©tĂ© annulĂ©e partiellement par un arrĂȘt de la chambre de lâinstruction ayant prononcĂ© la nullitĂ© du rĂ©quisitoire introductif, de la mise en examen du requĂ©rant et de lâensemble des titres de dĂ©tention de celui-ci ;
â dâautre part, le reliquat des piĂšces de la procĂ©dure a ultĂ©rieurement fait lâobjet dâune dĂ©cision de classement sans suite du ministĂšre public, aucune poursuite nâayant Ă©tĂ© reprise (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions,13 octobre 2020, no 19CRD035).
Cette dĂ©cision sâinscrit dans le courant de la jurisprudence de la commission natio-nale selon laquelle, en Ă©dictant lâarticle 149 du code de procĂ©dure pĂ©nale, le lĂ©gislateur a voulu, sauf dans les cas limitativement Ă©numĂ©rĂ©s, que toute personne non dĂ©clarĂ©e coupable dĂ©finitivement ait le droit dâobtenir rĂ©paration du prĂ©judice que lui a causĂ© la dĂ©tention provisoire quelle que soit la cause de la non-dĂ©claration de culpabilitĂ©.
Elle a ainsi admis des demandes dâindemnisation dans certains cas dâannulation dâactes de la procĂ©dure, lorsque lâannulation empĂȘche celle-ci dâaller jusquâĂ son terme normal et prive la personne ayant Ă©tĂ© dĂ©tenue de toute possibilitĂ© dâobtenir une dĂ©ci-sion de non-lieu, de relaxe ou dâacquittement (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 21 janvier 2008, no 07CRD068, Bull. crim. 2008, CNRD ; Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 15 avril 2013, no 12CRD036, Bull. crim. 2013, CNRD, no 2 ; Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 16 juin 2015, no 14CRD066, Bull. crim. 2015, CNRD, no 4).
283
/ Activité juridictionnelle
Plusieurs dĂ©cisions ont par ailleurs Ă©tĂ© lâoccasion pour la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions de rappeler certaines de ses jurisprudences constantes.
En premier lieu, la commission a confirmĂ© que sa compĂ©tence est limitĂ©e aux dĂ©ten-tions rĂ©sultant de poursuites exercĂ©es par les autoritĂ©s judiciaires françaises, de sorte que la dĂ©tention subie en France sous Ă©crou extraditionnel Ă la requĂȘte dâun Ătat Ă©tranger ne revĂȘt pas le caractĂšre dâune dĂ©tention provisoire au sens des articles 149 Ă 150 du code de procĂ©dure pĂ©nale, et nâouvre donc pas droit Ă indemnisation en faveur du deman-deur, qui ne justifie dâaucune dĂ©cision de non-lieu, de relaxe, ou dâacquittement rendue par une juridiction française (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 14 janvier 2020, no 19CRD017 â en ce sens : Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 24 fĂ©vrier 2014, no 13CRD029, Bull. crim. 2014, CNRD, no 2).
En deuxiĂšme lieu, la commission a jugĂ© Ă nouveau que lâhypothĂšse selon laquelle un demandeur, ayant exĂ©cutĂ© durant sa dĂ©tention provisoire une peine dâemprisonnement ferme, aurait pu, en dâautres circonstances, bĂ©nĂ©ficier dâun Ă©ventuel amĂ©nagement de cette peine, demeure sans incidence sur lâapplication de lâarticle 149 du code de pro-cĂ©dure pĂ©nale, qui exclut toute rĂ©paration lorsque le demandeur Ă©tait, dans le mĂȘme temps, dĂ©tenu pour autre cause (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 11 fĂ©vrier 2020, no 19CRD026 â en ce sens : Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 13 juin 2017, no 16CRD055, Bull. crim. 2017, CNRD, no 1).
En troisiĂšme lieu, la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a rappelĂ© que sâappliquent au droit Ă rĂ©paration ouvert par les articles 149 et suivants du code de procĂ©dure pĂ©nale les dispositions de lâarticle 1er de la loi no 68-1250 du 31 dĂ©cembre 1968 relative Ă la prescription des crĂ©ances sur lâĂtat, les dĂ©partements, les communes et les Ă©tablissements publics, selon lequel sont prescrites au profit de lâĂtat toutes crĂ©ances qui nâont pas Ă©tĂ© payĂ©es dans un dĂ©lai de quatre ans Ă partir du premier jour de lâan-nĂ©e suivant celle au cours de laquelle les droits ont Ă©tĂ© acquis.
Faisant application de ce texte, elle a jugĂ© que lâabsence de notification Ă lâintĂ©ressĂ© de la possibilitĂ© de former une demande en rĂ©paration nâa dâeffet que sur la recevabi-litĂ© de la requĂȘte au regard du dĂ©lai de six mois dans lequel elle doit ĂȘtre dĂ©posĂ©e, et ne constitue pas un empĂȘchement Ă agir rĂ©sultant de lâignorance lĂ©gitime de lâexistence de la crĂ©ance, au sens de lâarticle 3 de la loi no 68-1250 du 31 dĂ©cembre 1968 prĂ©citĂ©e (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 14 janvier 2020, no 19CRD012 â en ce sens : Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 16 juin 2015, no 14CRD066, Bull. crim. 2015, CNRD, no 4).
Ătendue du droit Ă indemnisation
La Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a rendu plusieurs dĂ©cisions relatives Ă la durĂ©e de la dĂ©tention indemnisable, par lesquelles elle sâest prononcĂ©e sur la transposition des dispositions de lâarticle 716-4, alinĂ©a 1, du code de procĂ©dure pĂ©nale selon lequel « quand il y a eu dĂ©tention provisoire Ă quelque stade que ce soit de la procĂ©dure, cette dĂ©tention est intĂ©gralement dĂ©duite de la durĂ©e de la peine pro-noncĂ©e ou, sâil y a lieu, de la durĂ©e totale de la peine Ă subir aprĂšs confusion ».
Elle a jugĂ© par application de ce texte que lorsquâun demandeur, placĂ© en dĂ©tention provisoire du chef dâune des infractions poursuivies, bĂ©nĂ©ficie dâune dĂ©cision dĂ©finitive de non-lieu, de relaxe ou dâacquittement pour cette infraction, mais est dĂ©finitivement
284
LIVRE 4 / Activité de la Cour
condamnĂ©, pour tout ou partie des autres chefs de la poursuite, Ă une peine dâempri-sonnement ferme, la durĂ©e de la dĂ©tention provisoire indemnisable est dĂ©terminĂ©e en tenant compte de cette peine, peu important que les infractions quâelle rĂ©prime nâau-torisaient pas le placement en dĂ©tention provisoire (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©ten-tions, 15 octobre 2020, no 19CRD001).
De mĂȘme a-t-elle jugĂ© que lâarticle prĂ©citĂ© est applicable lorsque le demandeur a Ă©tĂ©, dans une mĂȘme procĂ©dure, placĂ© en dĂ©tention provisoire pour tentative de meurtre et que, les faits ayant Ă©tĂ© ultĂ©rieurement disqualifiĂ©s, il a en dĂ©finitive Ă©tĂ© condamnĂ©, pour un dĂ©lit distinct pour lequel il nâavait pas Ă©tĂ© placĂ© en dĂ©tention provisoire, Ă une peine dâemprisonnement ferme (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 15 dĂ©cembre 2020, no 19CRD042).
En revanche, la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a jugĂ© que lorsque les faits pour lesquels le demandeur a Ă©tĂ© mis en examen et placĂ© en dĂ©tention provisoire ont fait lâobjet dâun arrĂȘt dĂ©finitif de non-lieu rendu par une chambre de lâinstruction, ordonnant par ailleurs une disjonction, et un renvoi devant un juge dâins-truction sâagissant de faits objets dâune mise en examen supplĂ©tive, il nây avait pas lieu, en raison de la disjonction, et de lâexistence subsĂ©quente dâune seconde procĂ©dure, Ă application de lâarticle 716-4 du code de procĂ©dure pĂ©nale, de sorte quâil Ă©tait en la cir-constance justifiĂ© dâune dĂ©tention provisoire indemnisable et que la requĂȘte en indem-nisation Ă©tait recevable (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 15 dĂ©cembre 2020, no 19CRD039).
On prĂ©cisera que lâagent judiciaire de lâĂtat, dont lâargumentation sâappuyait sur la jurisprudence selon laquelle le demandeur est irrecevable Ă prĂ©senter une requĂȘte en rĂ©paration tant quâil nâa pas Ă©tĂ© statuĂ© par une dĂ©cision devenue dĂ©finitive sur chacune des infractions faisant lâobjet de la mise en examen, de la prĂ©vention ou de lâaccusation (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 23 mai 2011, no 10CRD076, Bull. crim. 2011, CNRD, no 3), avait en lâespĂšce soulevĂ© une fin de non-recevoir tirĂ©e du caractĂšre prĂ©-maturĂ© de la demande dâindemnisation, en faisant valoir quâen cas de condamnation Ă une peine dâemprisonnement ferme la durĂ©e de dĂ©tention subie serait, en applica-tion de lâarticle 716-4 du code de procĂ©dure pĂ©nale, dĂ©duite de la peine prononcĂ©e.
C. Le bureau dâaide juridictionnelle
Lâoctroi de lâaide juridictionnelle devant la Cour de cassation est subordonnĂ© non seulement Ă la condition de ressources que connaissent tous les bureaux dâaide juridic-tionnelle mais aussi Ă une exigence propre, nĂ©e de la spĂ©cificitĂ© du recours en cassation : celle de lâexistence dâun moyen sĂ©rieux de cassation, exigence dont la conventionnalitĂ© a Ă©tĂ© reconnue par deux arrĂȘts du 26 fĂ©vrier 2002 de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH, arrĂȘt du 26 fĂ©vrier 2002, Del Sol c. France, no 46800/99 ; CEDH, arrĂȘt du 26 fĂ©vrier 2002, Essaadi c. France, no 49384/99).
285
/ Activité juridictionnelle
Ăvolution de lâactivitĂ© du bureau dâaide juridictionnelle
Année 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Affaires restant Ă examiner au 1er janvier 3 278 2 938 3 211 2 750 3 386 3 638 3 788 2 554 2 030 2 707
Affaires reçues * 8 568 8 736 8 250 8 128 7 696 8 123 7 939 7 268 7 265 5 850
Décisions rendues mettant fin à la procédure 8 908 8 463 8 711 7 492 6 816 7 973 9 173 7 792 6 583 5 811
Affaires restant à examiner au 31 décembre 2 938 3 211 2 750 3 386 3 638 3 788 2 554 2 030 2 712 2 746
* Les affaires reçues incluent, outre les demandes nouvelles (5787 en 2020), les requĂȘtes diverses (6 en 2020) et les retours aprĂšs admission du recours (57 en 2020).
ĂVOLUTION DE LÊŒACTIVITĂ DU BUREAU DÊŒAIDE JURIDICTIONNELLE
RĂ©partition des dĂ©cisions du bureau dâaide juridictionnelle par catĂ©gories
Année 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Rejet 3 456 3 432 3 492 3 292 3 767 3 606 4 257 4 048 3 100 2 722
Admission 2 232 2 033 1 880 1 723 1 615 1 383 1 890 1 577 1 708 1 672
Irrecevabilité et caducité 3 220 2 998 3 339 2 477 1 434 2 984 3 026 2 167 1 775 1 417
Suppléments d'instruction 70 67 40 41 58 43 56 44 13 14
Total 8 978 8 530 8 751 7 533 6 874 8 016 9 229 7 836 6 596 5 825
RĂPARTITION DES DĂCISIONS DU BUREAU DÊŒAIDE JURIDICTIONNELLE PAR CATĂGORIES
Depuis 2006 (10 829 demandes), le bureau dâaide juridictionnelle avait connu une dĂ©crue assez rĂ©guliĂšre de ses saisines : 10 315 en 2007, 9 170 en 2008, 9 677 en 2009, 9 414 en 2010, 8 568 en 2011, 8 736 en 2012, 8 250 en 2013, 8 071 en 2014, 7 638 en 2015, avant une lĂ©gĂšre augmentation en 2016 (8 066 demandes) puis une nouvelle dĂ©crue en 2017 (7 863 demandes) et les deux annĂ©es suivantes (7 193 et 7 196 demandes), qui sâest accentuĂ©e en 2020 (5 787 demandes).
La durée de traitement des demandes atteint 231 jours en matiÚre civile et 104 jours en matiÚre pénale.
La maĂźtrise de cette durĂ©e est dâautant plus importante quâelle peut affecter lâexa-men du pourvoi en considĂ©ration duquel la demande a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e.
En effet, si, en matiĂšre pĂ©nale, la demande nâa pas dâeffet interruptif, ni mĂȘme dâef-fet suspensif, sur le cours de lâinstruction et du jugement du pourvoi, en revanche, en matiĂšre civile, entendue au sens large de matiĂšre non pĂ©nale, le dĂ©lai de pourvoi, comme les dĂ©lais de dĂ©pĂŽt des mĂ©moires, sont interrompus, en cas de saisine du bureau dâaide juridictionnelle avant leur expiration et ne recommencent de courir quâaprĂšs dĂ©cision dĂ©finitive sur la demande.
Sâagissant de la saisine propre Ă interrompre ces dĂ©lais, il convient de rappeler que la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 3 mai 2016, aprĂšs avis de la deu-xiĂšme chambre civile, un arrĂȘt dâune particuliĂšre importance au regard du dispositif mis en place par les textes qui rĂ©gissent lâaide juridictionnelle en cas de saisine dâun bureau incompĂ©tent.
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On sait que lâarticle 32, alinĂ©a 1, du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 por-tant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă lâaide juridique dispose que le bureau qui se dĂ©clare incompĂ©tent renvoie la demande par dĂ©cision motivĂ©e devant le bureau quâil dĂ©signe. Cette disposition est semblable Ă celle qui figure Ă lâar-ticle 96, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile qui prĂ©voit que le juge qui se dĂ©clare incompĂ©tent dĂ©signe la juridiction quâil estime compĂ©tente. On pourrait ĂȘtre tentĂ© de dĂ©duire de cette similitude que de mĂȘme que, selon lâarticle 2241 du code civil, la demande en justice portĂ©e devant une juridiction incompĂ©tente interrompt le dĂ©lai de prescription, la demande dâaide juridictionnelle formĂ©e en vue de se pourvoir en cas-sation en matiĂšre civile, mais adressĂ©e Ă un bureau dâaide juridictionnelle autre que le bureau Ă©tabli prĂšs la Cour de cassation, interrompt les dĂ©lais impartis pour le dĂ©pĂŽt du pourvoi et des mĂ©moires.
Câest une position contraire quâa adoptĂ©e la Cour de cassation dans ledit arrĂȘt du 3 mai 2016 (Soc., 3 mai 2016, pourvoi no 14-16.533, Bull. 2016, V, no 78) qui pose en principe que « seule la demande dâaide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matiĂšre civile devant la Cour de cassation adressĂ©e au bureau dâaide juridictionnelle Ă©tabli prĂšs cette juridiction interrompt le dĂ©lai imparti pour le dĂ©pĂŽt du pourvoi et des mĂ©moires » et prĂ©cise « quâun tel effet interruptif nâest attachĂ© ni au dĂ©pĂŽt de la demande devant un autre bureau dâaide juridictionnelle ni Ă la transmission de la demande par celui-ci au bureau de la Cour de cassation ».
Il est vrai quâĂ la diffĂ©rence de lâarticle 96, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile selon lequel la dĂ©signation par le juge incompĂ©tent de la juridiction quâil estime com-pĂ©tente sâimpose au juge de renvoi, lâarticle 32, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 prĂ©citĂ©, qui Ă©tait alors en vigueur, disposait que la dĂ©cision de renvoi sâimpose au sein dâun mĂȘme ordre de juridiction, Ă moins que le bureau dĂ©signĂ© ne soit dâun niveau supĂ©rieur. Et le bureau dâaide juridictionnelle Ă©tabli prĂšs la Cour de cassa-tion est, par hypothĂšse, dâun niveau supĂ©rieur Ă celui du bureau de renvoi. Toutefois, cette disposition ne figure plus dans le dĂ©cret no 2020-1717 du 28 dĂ©cembre 2020 por-tant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă lâaide juridique et rela-tif Ă lâaide juridictionnelle et Ă lâaide Ă lâintervention de lâavocat dans les procĂ©dures non juridictionnelles, lequel, entrĂ© en vigueur le 1er janvier 2021, abroge et remplace le dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 prĂ©citĂ©. Il appartiendra Ă la Cour de cas-sation de se prononcer sur lâincidence de cette abrogation sur la doctrine exprimĂ©e dans lâarrĂȘt prĂ©citĂ©.
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II. Service de documentation, des Ă©tudes et du rapport de la Cour de cassation
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/ Service de documentation, des Ă©tudes et du rapport de la Cour de cassation
ACTIVITĂ 2020 DU SERVICE DE DOCUMENTATION, DES ĂTUDES ET DU RAPPORT DE LA COUR DE CASSATION
LâĂ©volution du rĂŽle de la Cour de cassation, des besoins dâassistance des chambres et des juridictions du fond, la dĂ©matĂ©rialisation des procĂ©dures et de leur traitement, les perspectives de modernisation des bases de donnĂ©es et lâavĂšnement et lâessor de lâopen data judiciaire ont conduit le service de documentation, des Ă©tudes et du rapport (SDER) Ă reconsidĂ©rer son organisation au cours de lâannĂ©e 2020.
LâactivitĂ© du service a Ă©tĂ© consacrĂ©e, dâune part, Ă la mise en Ćuvre opĂ©rationnelle des propositions de rĂ©forme engagĂ©es par la Cour et, dâautre part, Ă la poursuite de son activitĂ© traditionnelle de recherche, dâaide au traitement des pourvois et de diffu-sion de la jurisprudence.
A. La participation du SDER à la réforme de la Cour
1. La nouvelle organisation du service
Le service de documentation, des études et du rapport a vu ses attributions recen-trées sur ses missions traditionnelles depuis le rattachement à la premiÚre présidence du service des relations internationales et du service de la communication.
Le choix a donc été fait, pour une meilleure lisibilité, de diviser le service en 2 pÎles.
Le premier, intitulĂ© « pĂŽle Ă©tudes et recherches », rĂ©pond notamment aux objectifs fixĂ©s par lâarticle R. 433-2 du code de lâorganisation judiciaire.
En effet, la premiĂšre des missions du service consiste Ă rassembler les Ă©lĂ©ments dâinformation utiles aux travaux de la Cour et Ă procĂ©der aux recherches nĂ©cessaires. Il classe les pourvois dĂšs le dĂ©pĂŽt du mĂ©moire ampliatif et analyse les moyens de cas-sation, afin de faciliter les rapprochements entre les affaires en cours.
Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de mettre fin Ă la dĂ©nomination en bureaux dits « miroirs » de chacune des six chambres, dâoffrir de la souplesse par ce dĂ©cloisonnement tout en attribuant aux chefs de bureaux et Ă leur Ă©quipe des contentieux clairement identifiĂ©s et spĂ©cialisĂ©s.
La seconde mission est reprise aux articles R. 433-3 et R. 433-4 du code de lâorga-nisation judiciaire : le service de documentation et dâĂ©tudes tient une base des dĂ©cisions de la Cour de cassation et des dĂ©cisions rendues par les autres juridictions prĂ©sentant un intĂ©rĂȘt particulier ainsi quâune base de donnĂ©es distincte rassemblant lâensemble des arrĂȘts rendus par les cours dâappel et dĂ©cisions prises par les premiers prĂ©sidents de ces cours. Il Ă©tablit deux bulletins, lâun pour les chambres civiles, lâautre pour la chambre criminelle.
Une directrice de projet open data, conseillĂšre rĂ©fĂ©rendaire, a Ă©tĂ© nommĂ©e en jan-vier 2020 et anime le second pĂŽle intitulĂ© « diffusion de la jurisprudence ». Le service a Ă©tĂ© renforcĂ© par la crĂ©ation dâun bureau du droit du numĂ©rique et de la protection des
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LIVRE 4 / Activité de la Cour
donnĂ©es et conduit la rĂ©flexion sur la hiĂ©rarchisation des arrĂȘts. En effet, Ă lâheure de lâopen data, tous les arrĂȘts rendus par la Cour de cassation ayant vocation Ă ĂȘtre diffu-sĂ©s sur le site internet de la Cour, la hiĂ©rarchisation des arrĂȘts, fondĂ©e principalement sur le mode de support de diffusion, est apparue obsolĂšte.
La valorisation de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le site internet est par ailleurs au cĆur des rĂ©flexions portant sur la refonte du site internet de la Cour, qui intĂ©grera un moteur de recherche de jurisprudence en cours de dĂ©veloppement au sein du SDER.
2. Lâaide Ă la sĂ©lection des pourvois
Ă lâissue des rĂ©flexions et arbitrages rendus sur les mĂ©thodes de travail, trois cir-cuits de traitement des pourvois ont Ă©tĂ© instaurĂ©s Ă la Cour, afin dâajuster les moyens employĂ©s pour rĂ©soudre le litige en fonction du degrĂ© de complexitĂ© quâil prĂ©sente et de rĂ©server lâexpression de la Cour de cassation, par des arrĂȘts motivĂ©s en style direct, aux dĂ©cisions prĂ©sentant un apport normatif.
Pour les dossiers orientĂ©s en circuit approfondi, le SDER sera systĂ©matiquement informĂ© afin dâapporter son concours au traitement des pourvois, en termes de recherche de prĂ©cĂ©dents et dâĂ©lĂ©ments de fond, y compris par la mobilisation des rĂ©seaux aux-quels il participe.
Le service poursuit et dĂ©veloppe de son cĂŽtĂ© sa mission traditionnelle de signale-ment des pourvois qui revĂȘtent un caractĂšre urgent ou complexe ou encore des pour-vois qui posent une question Ă©mergente ou de principe.
En son sein, les Ă©quipes chargĂ©es de lâorientation des pourvois en matiĂšre civile et commerciale bĂ©nĂ©ficient de lâaide dâun logiciel utilisant lâintelligence artificielle, dĂ©ve-loppĂ© par un data scientist recrutĂ©. Lâalgorithme propose une orientation des pourvois vers une chambre en fonction de lâanalyse des prĂ©cĂ©dents, mais la validation de lâorien-tation dĂ©finitive et surtout le codage de la nature dâaffaire du pourvoi sur la base du mĂ©moire ampliatif, qui constituent des tĂąches essentielles, sont effectuĂ©s sous la res-ponsabilitĂ© du chef de bureau. Un important projet de refonte de la nomenclature des affaires orientĂ©es dans les chambres de la Cour est actuellement en cours. La construc-tion et la mise en place de cette nomenclature ont pour ambition de faciliter la distri-bution des affaires au sein des chambres mais, avant tout, dâamĂ©liorer la connaissance des affaires traitĂ©es par la Cour par la rĂ©alisation dâexploitations statistiques qualitatives.
3. Lâaide Ă la dĂ©cision
Le SDER exerce ses missions au service de la Cour. Il est placĂ© sous lâautoritĂ© du premier prĂ©sident et lâactivitĂ© des bureaux est, au premier chef, tournĂ©e vers les chambres et vers lâaide Ă la dĂ©cision des magistrats, notamment des rapporteurs, dont les travaux prĂ©paratoires sont Ă©tablis au sein dâune formation de jugement. Le service peut Ă©galement intervenir au profit des avocats gĂ©nĂ©raux ou partager ses travaux avec le parquet gĂ©nĂ©ral.
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/ Service de documentation, des Ă©tudes et du rapport de la Cour de cassation
De nombreuses questions prĂ©sentent aujourdâhui un caractĂšre transversal, Ă la jonc-tion de diffĂ©rentes branches du droit et sollicitent des compĂ©tences relevant de plu-sieurs chambres. La nouvelle organisation du SDER prend en compte ces Ă©volutions. Par ailleurs, le service est de plus en plus saisi de questions de droit public ou trouvant des prolongements dans le droit intĂ©grĂ© de lâUnion ou dans la mise en Ćuvre des exi-gences de conventionnalitĂ© et de respect des droits fondamentaux. Ă lâeffet dâapporter une contribution utile dans ces domaines, le SDER comprend deux bureaux transver-saux : lâun consacrĂ© au droit public, dont la direction est dĂ©sormais confiĂ©e Ă un magis-trat de lâordre administratif en dĂ©tachement, et le second, dĂ©nommĂ© bureau du droit europĂ©en, des droits fondamentaux et du droit comparĂ©.
Des conventions de recherche sont aussi signĂ©es avec des universitaires dont les travaux justifient la mise Ă disposition des dĂ©cisions rendues par la Cour de cassation et les cours dâappel, disponibles dans les bases tenues par le service. Ces partenariats ont vocation Ă ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s, dans le but de mieux connaĂźtre les contentieux traitĂ©s par la Cour et par les juridictions du fond et dâanticiper les mouvements de jurispru-dence. Ă titre dâexemple, une recherche sur les ordonnances du 22 septembre 2017 concernant le barĂšme des indemnitĂ©s de licenciement est actuellement en cours avec lâuniversitĂ© de Lorraine.
Par ailleurs, un groupe de travail chargĂ© de la programmation, de la rĂ©daction et de la validation dâoutils mĂ©thodologiques tels que des fiches et des recommandations, animĂ© par le prĂ©sident de chambre honoraire Alain Lacabarats, a Ă©tĂ© constituĂ©. Les Ă©quipes du SDER contribuent Ă lâĂ©laboration et Ă la rĂ©daction de ces outils ainsi quâĂ leur diffusion.
Enfin, la nouvelle lettre du SDER, établie à destination des juridictions du fond, a été diffusée en décembre 2020. Au travers de cette publication trimestrielle, sont mis à la disposition des magistrats des cours et tribunaux les principaux travaux du service ainsi que les outils méthodologiques, fiches, recommandations et études réalisés avec son concours.
4. La participation aux groupes de travail
Le service de documentation, des Ă©tudes et du rapport participe activement Ă la plupart des groupes de travail instituĂ©s par Madame la premiĂšre prĂ©sidente Chantal Arens dont lâobjectif est de trouver une rĂ©ponse adaptĂ©e aux dĂ©fis auxquels la Cour de cassation est et sera confrontĂ©e. Il apporte son expertise sur le signalement et lâorien-tation des pourvois, lâaide Ă la dĂ©cision et la diffusion de la jurisprudence, notamment en fournissant des donnĂ©es dâanalyse des procĂ©dures et des contentieux.
5. Les relations extérieures au SDER
En premier lieu, le SDER entretient des relations Ă©troites avec diffĂ©rents partenaires comme le Centre de recherche et de diffusion juridique (CRDJ) du Conseil dâĂtat, la direction de lâinformation lĂ©gale et administrative (DILA) et la Commission nationale de lâinformatique et des libertĂ©s (CNIL).
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Le SDER est par ailleurs en relation avec les diffĂ©rentes directions de lâadminis-tration centrale sâagissant notamment des suggestions du Rapport annuel, afin dâassurer un meilleur suivi des propositions de rĂ©formes lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires. Dans le contexte de la mise en Ćuvre du projet dâopen data des dĂ©cisions de justice, une comito-logie est mise en place avec trois niveaux permettant un pilotage stratĂ©gique du projet, un pilotage opĂ©rationnel et la mise en place de groupes de travail sur des sujets dĂ©diĂ©s. Des contacts trĂšs rĂ©guliers ont lieu avec la chancellerie sur ce projet.
En ce qui concerne les cours dâappel, un groupe de travail pilote, animĂ© par la pre-miĂšre prĂ©sidence de la Cour en lien avec la confĂ©rence des premiers prĂ©sidents a Ă©tĂ© crĂ©Ă©. Le service devrait participer Ă des dĂ©placements dans les cours dâappel et contri-buer au dĂ©roulement de stages organisĂ©s au bĂ©nĂ©fice des prĂ©sidents de chambre de cours dâappel, Ă la Cour de cassation, Ă qui seront notamment prĂ©sentĂ©s le service et les ressources documentaires disponibles gĂ©rĂ©es par le SDER.
Le service participe aussi aux travaux de la commission de liaison rĂ©novĂ©e, char-gĂ©e dâanalyser la jurisprudence des cours dâappel. Le service rĂ©alise Ă©galement des tra-vaux dâinitiative, comme des Ă©tudes et recherches en direction des juridictions du fond. Ă titre dâexemple, le SDER a finalisĂ© en 2020 la rĂ©daction dâune Ă©tude sur les cassa-tions disciplinaires.
Un groupe de travail mis en place en janvier 2020 a Ă©galement permis de rĂ©unir les institutions concernĂ©es par la diffusion dâoutils pĂ©dagogiques, mĂ©thodologiques et de la documentation juridique et judiciaire Ă destination des magistrats : en particulier lâĂcole nationale de la magistrature, la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) et la direction des affaires criminelles et des grĂąces (DACG).
Les rĂ©unions de ce groupe ont permis de recenser les diffĂ©rents outils proposĂ©s par chacune des institutions, de rĂ©aliser ainsi un travail dâinventaire prĂ©alable, et de mieux connaĂźtre les productions de chaque institution ainsi que leurs sites et circuits de diffusion.
Le groupe sâest ensuite efforcĂ© de dĂ©terminer des critĂšres permettant de faciliter lâaccĂšs Ă ces ressources et dâen assurer la diffusion selon les modes appropriĂ©s.
B. La mise en valeur et la diffusion de la jurisprudence
La mise en valeur et la diffusion de la jurisprudence de la Cour de cassation consti-tuent les missions traditionnelles du service que lui confient, pour lâessentiel, les articles R. 433-2, R. 433-3 et R. 433-4 du code de lâorganisation judiciaire. Elles se dĂ©clinent en plusieurs activitĂ©s :
â lâenrichissement des arrĂȘts publiĂ©s de la Cour de cassation ;
â lâĂ©laboration et la publication de ses Bulletins (Bulletins des arrĂȘts civils et criminels, Bulletin dâinformation de la Cour de cassation) ;
â la diffusion des arrĂȘts et des Bulletins dĂ©matĂ©rialisĂ©s sur le site www.courdecassation.fr (arrĂȘts classĂ©s par rubrique et par date, Bulletins numĂ©riques des arrĂȘts publiĂ©s des chambres civiles et de la chambre criminelle, Mensuel du droit du travail) ;
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â la tenue des bases de donnĂ©es Jurinet et Jurica ainsi que la participation Ă la concep-tion des moyens de traitement automatisĂ© de donnĂ©es jurisprudentielles.
La coordination de ces diffĂ©rentes activitĂ©s est principalement assurĂ©e au sein de deux bureaux dĂ©diĂ©s, lâun consacrĂ© au traitement des arrĂȘts et Ă leur diffusion dans le cadre traditionnel des publications de la Cour (1), lâautre attachĂ© plus spĂ©cifiquement Ă la diffusion numĂ©rique de la jurisprudence (2).
LâexpĂ©rience ainsi acquise par le service en matiĂšre dâĂ©dition, de gestion de base de donnĂ©es, de classification et de diffusion de la jurisprudence qualifiait particuliĂšrement le SDER pour, au nom de la Cour de cassation, alimenter et orienter les rĂ©flexions et les orientations relatives Ă la mise en Ćuvre de lâopen data des dĂ©cisions de justice (3).
1. Le traitement et la publication des arrĂȘts
Le service assure lâenrichissement des arrĂȘts « P », câest-Ă -dire publiĂ©s aux Bulletins mensuels des arrĂȘts des chambres civiles et de la chambre criminelle, par le titrage, la recherche de connexitĂ©s et de rapprochements de jurisprudence.
En 2020, 1 014 arrĂȘts de la chambre criminelle et des chambres civiles (environ 8 % des arrĂȘts motivĂ©s) ont Ă©tĂ© ainsi enrichis. Parmi ces 1 014 arrĂȘts, 178 proviennent de la premiĂšre chambre civile, 277 de la deuxiĂšme chambre civile, 94 de la troisiĂšme chambre civile, 123 de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique, 140 de la chambre sociale et 199 de la chambre criminelle.
Le SDER mettait, traditionnellement, en valeur les dĂ©cisions les plus significa-tives de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e en publiant dans le Bulletin dâinformation de la Cour de cassation (BICC) les sommaires et titres des arrĂȘts « B », le cas Ă©chĂ©ant avec un commentaire. La publication du BICC a cessĂ© au 1er mai 2020 (no 922), pour laisser place aux nou-velles Lettres publiĂ©es par chacune des chambres de la Cour de cassation. Le service compose, en outre, le Rapport annuel de la Cour de cassation, dont le livre III comporte les titres et sommaires des avis et arrĂȘts « R », assortis dâun commentaire explicatif. Les 66 dĂ©cisions les plus marquantes de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e sont ainsi analysĂ©es dans le prĂ©-sent volume (cf. supra, III).
Enfin, les formations de jugement peuvent dĂ©cider de la publication sur le site inter-net de la Cour des arrĂȘts les plus attendus et les plus susceptibles dâintĂ©resser le public (mention « I »). Ainsi, en 2020, 642 dĂ©cisions ont Ă©tĂ© publiĂ©es qui se ventilent comme suit : 3 arrĂȘts dâassemblĂ©e plĂ©niĂšre, 50 dĂ©cisions de la premiĂšre chambre civile, 268 de la deuxiĂšme chambre civile, 93 de la troisiĂšme chambre civile, 3 de la chambre commer-ciale, financiĂšre et Ă©conomique, 26 de la chambre sociale et 199 de la chambre criminelle.
2. Les bases jurisprudentielles de la Cour de cassation
En application de lâarticle R. 433-3 du code de lâorganisation judiciaire, le SDER tient deux bases de donnĂ©es nationales de jurisprudence. La premiĂšre, appelĂ©e « Jurinet », comprend lâensemble des dĂ©cisions de la Cour de cassation et une sĂ©lection de dĂ©ci-sions rendues par les juridictions du fond dâun intĂ©rĂȘt particulier. La seconde, dĂ©nom-mĂ©e « Jurica », regroupe lâintĂ©gralitĂ© des dĂ©cisions rendues par les chambres civiles,
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sociales et commerciales des cours dâappel dessaisissant la juridiction, ainsi que cer-taines dĂ©cisions des cours dâappel ne dessaisissant pas les juridictions.
Une dĂ©pĂȘche pour amĂ©liorer les modalitĂ©s de lâalimentation des bases jurispruden-tielles de la Cour de cassation a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e par la direction des services judiciaires du ministĂšre de la justice, avec la collaboration active du service. Elle a Ă©tĂ© adressĂ©e aux cours dâappel le 9 juin 2020. En dĂ©cembre 2020, il y avait un stock de 872 501 dĂ©ci-sions (dont 711 100 provenant de la Cour de cassation) dans la base Jurinet et un stock de 2 167 610 dĂ©cisions dans la base Jurica.
Les dĂ©cisions contenues dans la base Jurinet alimentent le site internet LĂ©gifrance sur lequel ont Ă©tĂ© publiĂ©es, en 2020, 8 350 dĂ©cisions, dont 7 350 dĂ©cisions de la Cour de cassation et 1 000 arrĂȘts de cours dâappel.
3. Le mouvement de lâopen dataLâopen data des dĂ©cisions de justice est dĂ©fini par lâarticle L. 111-13 du code de lâorga-
nisation judiciaire crĂ©Ă© par la loi no 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une RĂ©publique numĂ©rique et modifiĂ© par lâarticle 33 de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de pro-grammation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice.
Il est ainsi prĂ©vu que : « sous rĂ©serve des dispositions particuliĂšres qui rĂ©gissent lâaccĂšs aux dĂ©cisions de justice et leur publicitĂ©, les dĂ©cisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises Ă la disposition du public Ă titre gratuit sous forme Ă©lectronique. Les nom et prĂ©noms des personnes physiques mentionnĂ©es dans la dĂ©cision, lorsquâelles sont parties ou tiers, sont occul-tĂ©s prĂ©alablement Ă la mise Ă la disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature Ă porter atteinte Ă la sĂ©curitĂ© ou au respect de la vie privĂ©e de ces personnes ou de leur entourage, est Ă©galement occultĂ© tout Ă©lĂ©ment permettant dâidentifier les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe ».
Ce faisant, la loi a instaurĂ© deux niveaux dâoccultation : une occultation dite « socle », obligatoire et dĂ©pourvue dâapprĂ©ciation, et une occultation complĂ©mentaire, faculta-tive, dĂ©cidĂ©e par le prĂ©sident de la formation de jugement ou le magistrat ayant rendu la dĂ©cision en cause, lorsque lâoccultation concerne une partie ou un tiers et par le prĂ©sident de la juridiction concernĂ©e lorsque lâoccultation concerne un magistrat ou un membre du greffe, comme est venu le prĂ©ciser lâarticle R. 111-12 du COJ issu du dĂ©cret no 2020-797 du 29 juin 2020 relatif Ă la mise Ă la disposition du public des dĂ©ci-sions des juridictions judiciaires et administratives.
Ce décret a confié à la Cour de cassation la responsabilité de la mise à la disposi-tion du public, sous forme électronique, des décisions de justice rendues par les juri-dictions judiciaires.
Ă lâoccasion de lâexamen de ce projet de dĂ©cret, la CNIL a, dans son avis du 6 fĂ©vrier 2020, estimĂ© « indispensable quâune doctrine soit Ă©laborĂ©e afin de permettre une harmonisation des occultations complĂ©mentaires effectuĂ©es ». En effet, la CNIL a observĂ© « quâen lâabsence de prĂ©cisions au niveau rĂ©glementaire, il existe, en lâĂ©tat du dispositif projetĂ©, des risques de disparitĂ©s importants dans lâoccultation des dĂ©cisions tant entre les deux ordres de juridictions quâentre les diffĂ©rentes formations de jugement amenĂ©es Ă se prononcer ».
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/ Service de documentation, des Ă©tudes et du rapport de la Cour de cassation
Câest dans ce cadre et afin de faciliter la mise en Ćuvre de lâopen data des dĂ©cisions de justice que la Cour de cassation a crĂ©Ă©, dans un premier temps, un groupe de travail ayant pour mission de rĂ©flĂ©chir aux occultations complĂ©mentaires des dĂ©cisions de la Cour de cassation avec pour objectif de tendre vers lâharmonisation des pratiques prĂ©-conisĂ©e par la CNIL, tout en prĂ©servant le pouvoir laissĂ© Ă lâapprĂ©ciation du juge et sans trop alourdir la charge de travail des magistrats et des greffiers.
Le groupe de travail était présidé par le président de chambre, directeur du SDER, et composé de représentants de la premiÚre présidence, des six chambres de la Cour de cassation, du parquet général, de la directrice de greffe, des représentants du greffe, du SDER et du chef de projet informatique. Installé le 17 septembre 2020, il a remis son rapport à la premiÚre présidente de la Cour le 15 janvier 2021.
Les travaux se poursuivront au premier semestre 2021 avec les cours dâappel, en vue de la mise Ă disposition en open data des dĂ©cisions civiles, sociales et commerciales des cours dâappel.
Sâagissant de la mise en Ćuvre concrĂšte de lâopen data, le SDER sâest dĂ©placĂ© en Espagne en fĂ©vrier 2020 pour rencontrer le CENDOJ, le centre de documentation dĂ©pendant du conseil gĂ©nĂ©ral du pouvoir judiciaire espagnol, afin de bĂ©nĂ©ficier de leur retour dâexpĂ©rience sur la diffusion Ă grande Ă©chelle de la jurisprudence. Cette ren-contre a marquĂ© le dĂ©but dâĂ©changes fructueux sur les modalitĂ©s de la mise en Ćuvre de lâopen data.
Dâun point de vue technique, il est Ă noter que, depuis janvier 2018, la Cour de cas-sation assure dĂ©jĂ la pseudonymisation (occultation des Ă©lĂ©ments dâidentification) des dĂ©cisions de justice mises Ă disposition sur le site LĂ©gifrance, Ă savoir les arrĂȘts de la Cour de cassation et une sĂ©lection dâarrĂȘts des cours dâappel.
DĂ©butĂ© en 2019, le programme « Entrepreneurs dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral 3 » cofinancĂ© par la mission Ătalab de la DINUM, a permis de crĂ©er un nouveau moteur de pseudonymi-sation des dĂ©cisions de justice, qui a Ă©tĂ© mis en production au dĂ©but de lâannĂ©e 2020. Ce nouveau moteur, qui atteint un taux dâenviron 99 % de rĂ©ussite sur les noms et prĂ©-noms des personnes physiques mentionnĂ©es dans la dĂ©cision, est une premiĂšre Ă©tape pour permettre un open data des dĂ©cisions des juridictions judiciaires.
Dans la continuitĂ©, le programme « Entrepreneurs dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral 4 » a dĂ©butĂ© en septembre 2020 au SDER, en vue de crĂ©er une nouvelle interface dâanonymisation des dĂ©cisions de justice, dĂ©nommĂ©e « LABEL », afin de permettre une relecture opti-misĂ©e des dĂ©cisions, une relecture diffĂ©renciĂ©e des dĂ©cisions, tout en amĂ©liorant les conditions de travail des agents anonymisateurs. La nouvelle interface dâanonymisa-tion sera mise en production courant 2021.
LâĂ©quipe technique du SDER est dĂ©sormais composĂ©e de deux data scientists et dâun dĂ©veloppeur contractuels au SDER, outre les deux dĂ©veloppeurs et le designer du pro-gramme EIG 4.
Lâopen data des dĂ©cisions constitue une opportunitĂ© majeure en termes de diffu-sion de la jurisprudence et de diffusion des connaissances. Ce mouvement implique de repenser plus largement les publications de la Cour. Cette rĂ©flexion a dĂ©butĂ© en 2020 et connaĂźtra des dĂ©veloppements dĂšs 2021. En outre, afin de valoriser la jurisprudence de la Cour, le SDER a entrepris en 2020 lâĂ©laboration dâun moteur de recherche de
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LIVRE 4 / Activité de la Cour
jurisprudence qui sera mis en production sur le site internet rénové de la Cour de cas-sation en septembre 2021.
Par lâensemble de ces actions, la Cour de cassation tĂ©moigne enfin de sa dĂ©termina-tion Ă Ćuvrer en faveur dâune application maĂźtrisĂ©e et raisonnĂ©e des algorithmes dâin-telligence artificielle appliquĂ©s au traitement des dĂ©cisions de justice.
De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, la Cour de cassation prend sa place dans la rĂ©flexion qui sâest engagĂ©e en 2020 sur la question de la rĂ©utilisation des donnĂ©es des dĂ©cisions de justice, qui sâest concrĂ©tisĂ©e par lâinstauration dâun groupe de travail sur ce thĂšme avec le Conseil dâĂtat et le ministĂšre de la justice.
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III. Relations européennes et internationales
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/ Relations européennes et internationales
RELATIONS EUROPĂENNES ET INTERNATIONALES EN 2020
Deux temps forts ont marquĂ© lâactivitĂ© internationale de la Cour de cassation pour lâannĂ©e 2020 : dâune part, la dĂ©finition dâune stratĂ©gie internationale et, dâautre part, la survenance de la crise sanitaire et ses effets.
La premiĂšre prĂ©sidente, Chantal Arens, a souhaitĂ© dĂ©finir une stratĂ©gie internatio-nale pour la Cour de cassation visant Ă recentrer les actions de coopĂ©ration de la Cour auprĂšs de partenaires gĂ©ographiques ciblĂ©s, en dĂ©finissant des thĂ©matiques privilĂ©giĂ©es et en hiĂ©rarchisant les prioritĂ©s. Le service des relations internationales, directement rattachĂ© Ă la premiĂšre prĂ©sidente et dirigĂ© par Florence Merloz, conseillĂšre rĂ©fĂ©ren-daire chargĂ©e de mission auprĂšs de la premiĂšre prĂ©sidente, est chargĂ© de la mise en Ćuvre de cette stratĂ©gie.
Fruit de rĂ©flexions et dâĂ©changes menĂ©s tant au sein de la Cour quâauprĂšs de ses partenaires institutionnels, la stratĂ©gie internationale de la Cour de cassation est axĂ©e autour de trois objectifs principaux :
â promouvoir et valoriser lâinstitution quâest la Cour de cassation, notamment en fai-sant valoir ses mĂ©thodes de travail et sa jurisprudence. Cette action sâinscrit dans lâob-jectif plus large de promotion du droit continental et de la francophonie ;
â porter les valeurs et principes fondamentaux du systĂšme judiciaire français (indĂ©-pendance de la justice, sĂ©curitĂ© juridique, dialogue des juges, libertĂ©s fondamentales) ;
â apprendre des autres systĂšmes juridiques et Ă©changer sur des thĂ©matiques communes afin dâenrichir le droit français.
Au plan bilatĂ©ral, cette stratĂ©gie se traduit notamment par un renforcement de la coopĂ©ration avec les Cours suprĂȘmes europĂ©ennes et des relations avec les cours euro-pĂ©ennes (la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme et la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne). Au-delĂ de lâEurope, la Cour de cassation souhaite dĂ©velopper sa coopĂ©-ration avec des cours situĂ©es en Asie et en AmĂ©rique du Nord et du Sud, favorisant des Ă©changes approfondis sur des thĂ©matiques identifiĂ©es. Au plan multilatĂ©ral, cette stra-tĂ©gie sâillustre par une forte mobilisation de la Cour de cassation au sein des diffĂ©rents rĂ©seaux tels que le RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours suprĂȘmes judiciaires de lâUnion europĂ©enne ou lâAssociation des hautes juridictions de cassation des pays ayant en par-tage lâusage du français (AHJUCAF) et par une rĂ©flexion sur les rĂ©seaux dans lesquels la Cour pourrait avoir avantage Ă renforcer sa participation.
Enfin, la mise en Ćuvre de la stratĂ©gie internationale a Ă©tĂ© lâoccasion de repenser la communication de la Cour de cassation autour des actions internationales. Ainsi, le site intranet de la Cour a Ă©tĂ© modernisĂ© et des actualitĂ©s internationales sont rĂ©guliĂšre-ment mises en ligne. En outre, dans le cadre de la refonte du site internet, la prĂ©senta-tion des actions de coopĂ©ration de la Cour et de la documentation utile a Ă©tĂ© repensĂ©e afin dâen faciliter lâaccĂšs et de mieux faire connaĂźtre lâaction de la Cour en ce domaine.
La crise sanitaire liĂ©e Ă la Covid-19 a inĂ©vitablement impactĂ© lâactivitĂ© internatio-nale de la Cour, engendrant lâannulation et le report de nombreuses rencontres.
Toutefois, la Cour de cassation sâest pleinement mobilisĂ©e pour maintenir le dialogue des juges en dĂ©pit de cette situation et pour mettre en Ćuvre sa stratĂ©gie internationale
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LIVRE 4 / Activité de la Cour
en proposant des rencontres selon de nouvelles modalitĂ©s : Ă©changes par visioconfĂ©-rence, webinaires, vidĂ©os, Ă lâinstar de celle rĂ©alisĂ©e par la premiĂšre prĂ©sidente qui sâest adressĂ©e Ă ses homologues europĂ©ens dĂšs le dĂ©but de la crise afin dâinitier un dialogue virtuel dans lâattente dâune rencontre 1.
A. Le renforcement de la coopération européenne
Dans le contexte actuel (Brexit, crises sanitaire, terroriste, sociale et Ă©conomique), face aux remises en cause croissantes de lâĂtat de droit, y compris au sein de lâUnion europĂ©enne, la Cour de cassation a conduit des actions de coopĂ©ration avec les Cours suprĂȘmes europĂ©ennes dans le but de renforcer le dialogue des juges et contribuer Ă la crĂ©ation dâun espace judiciaire commun en Europe, dans le respect des droits fon-damentaux. Elle sâest Ă©galement mobilisĂ©e pour renforcer les liens entretenus avec la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH) et la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (CJUE).
1. Lâenrichissement du dialogue bilatĂ©ral entre Cours suprĂȘmes europĂ©ennes
Une grande partie des actions de coopĂ©ration de la Cour de cassation avec les Cours suprĂȘmes europĂ©ennes a pour cadre le RĂ©seau des Cours suprĂȘmes judiciaires de lâUnion europĂ©enne. Si la coopĂ©ration au sein de ce rĂ©seau est essentielle, la Cour a souhaitĂ© renforcer sa coopĂ©ration bilatĂ©rale afin de permettre des Ă©changes appro-fondis sur des thĂ©matiques identifiĂ©es.
Ă titre dâexemple, la Cour de cassation, engagĂ©e dans la transformation numĂ©rique et soucieuse dâinnover et de moderniser son systĂšme dâinformation, a organisĂ© un Ă©change avec la Cour suprĂȘme estonienne sur la gestion de la crise sanitaire et lâopen data. LâEstonie est en effet lâun des pays en Europe qui a Ă©tĂ© le moins impactĂ© par la crise sani-taire, notamment dans le domaine de la justice. Ă lâoccasion de cette rencontre, Bruno Cathala, prĂ©sident de la chambre sociale, et Henri de LarosiĂšre de Champfeu, conseiller Ă la chambre criminelle, sont intervenus pour prĂ©senter la maniĂšre dont la Cour sâest adaptĂ©e pour faire face Ă la crise et Ă©voquer les spĂ©cificitĂ©s propres aux matiĂšres civile et pĂ©nale. Lâintervention dâInĂšs Cherichi, adjointe au directeur du service de docu-mentation, des Ă©tudes et du rapport (SDER), a permis de prĂ©senter le rĂŽle spĂ©cifique de ce service et la façon dont ses mĂ©thodes de travail ont Ă©tĂ© adaptĂ©es pour faire face Ă la crise. La deuxiĂšme partie de la rencontre sâest concentrĂ©e sur les aspects budgĂ©-taires et informatiques. Fatima Halla, secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale adjointe, a prĂ©sentĂ© la nou-velle stratĂ©gie du systĂšme dâinformation de la Cour de cassation. Estelle Jond-Necand, conseillĂšre rĂ©fĂ©rendaire, directrice du projet open data, a prĂ©sentĂ© les actions menĂ©es dans le domaine de lâopen data, les enjeux de ce projet dâenvergure et les dĂ©fis identifiĂ©s.
LâactualitĂ© liĂ©e au Brexit et la nĂ©cessitĂ© de renforcer le dialogue avec les pays de Common Law ont conduit la Cour de cassation Ă renforcer ses liens avec la Cour
1. Pour accéder à la vidéo : https://youtu.be/GjGnYL-qR5M
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/ Relations européennes et internationales
suprĂȘme du Royaume-Uni et plus largement Ă poursuivre sa mobilisation auprĂšs des pays de Common Law.
Ă ce titre, Florence Merloz, conseillĂšre rĂ©fĂ©rendaire, cheffe du service des relations internationales, sâest rendue les 27 et 28 janvier Ă Londres oĂč elle a rencontrĂ© le nou-veau chef de la Cour suprĂȘme, Lord Reed, ainsi que plusieurs autres juges de la Cour suprĂȘme. Florence Merloz a Ă©galement participĂ© Ă la rĂ©ception annuelle de la Franco-Bristish Lawyers Society (FBLS) Ă la Chambre des Lords oĂč Ă©taient notamment prĂ©-sentes Lady Hale et Lady Arden (Cour suprĂȘme du Royaume-Uni). Cet Ă©vĂ©nement, oĂč Ă©tait Ă©galement prĂ©sente Sylvaine Poillot-Perruzzetto, conseillĂšre en service extraor-dinaire et membre de la FBLS, a Ă©tĂ© lâoccasion pour la Cour de cassation dâexprimer sa volontĂ© de renforcer ses liens avec cette association, qui participe au renforcement du dialogue entre juges de Common Law et juges de droit continental.
Par ailleurs, les stages et visites dâĂ©tude Ă©tant suspendus en raison de la crise sanitaire, la Cour de cassation a organisĂ© avec la cour dâappel de Londres, dans le cadre du comitĂ© franco-britanno-irlandais (FBI) 2, un stage Ă distance, en visioconfĂ©rence. Ce stage a Ă©tĂ© lâoccasion pour Gildas Barbier, conseiller rĂ©fĂ©rendaire Ă la chambre criminelle, dâassis-ter Ă une audience de la chambre criminelle prĂ©sidĂ©e par Lord Flaux, chef du service des relations internationales Ă la cour dâappel, prĂ©sident de la chambre commerciale, et dâĂ©changer avec ce dernier sur les diffĂ©rences entre les deux systĂšmes judiciaires.
Enfin, la Cour de cassation a participĂ© Ă certains Ă©vĂ©nements en lien avec lâactua-litĂ© judiciaire et juridique europĂ©enne, dĂ©veloppant ainsi le dialogue quâelle entretient avec les juges europĂ©ens.
La Cour de cassation, sensible aux questions de droit environnemental notamment en termes dâarticulation entre les diffĂ©rentes normes nationales et internationales et attentive aux Ă©volutions jurisprudentielles en la matiĂšre, a participĂ© Ă la confĂ©rence annuelle du Forum des juges de lâUnion europĂ©enne pour lâenvironnement les 9 et 10 octobre 2020 (visioconfĂ©rence) sur le thĂšme de la pollution atmosphĂ©rique. Françoise NĂ©si, conseillĂšre Ă la troisiĂšme chambre civile et membre du conseil dâadministra-tion du Forum, a assistĂ© Ă cet Ă©vĂ©nement oĂč il a notamment Ă©tĂ© question de la mise en Ćuvre de la lĂ©gislation europĂ©enne sur la pollution atmosphĂ©rique par les autori-tĂ©s et les juges nationaux.
2. Lâapprofondissement du dialogue bilatĂ©ral avec les cours europĂ©ennes : CEDH et CJUE
La Cour sâest engagĂ©e Ă entretenir les liens dĂ©jĂ forts qui la lient Ă la CEDH et Ă dĂ©velopper ceux qui lâunissent Ă la CJUE.
2. Le comitĂ© FBI, crĂ©Ă© en 1994, vise Ă renforcer la coopĂ©ration juridictionnelle entre la France, le Royaume-Uni et lâIrlande. Ses actions consistent en lâorganisation de colloques et de visites dâĂ©tude pour les magistrats. Le comitĂ© rĂ©unit de hautes personnalitĂ©s du monde de la justice des trois pays et regroupe, du cĂŽtĂ© français, le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, le Conseil dâĂtat, lâĂcole nationale de la magistrature, le ministĂšre de la justice, lâInstitut des hautes Ă©tudes sur la justice et les magistrats de liaison.
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Avec la Cour EDH
DĂšs le dĂ©but de lâannĂ©e 2020, des rencontres ont Ă©tĂ© organisĂ©es illustrant la grande proximitĂ© entre nos deux cours. Ainsi, le prĂ©sident de la CEDH, Linos-Alexandre Sicilianos, a Ă©tĂ© conviĂ© en qualitĂ© dâinvitĂ© dâhonneur de lâaudience solennelle de ren-trĂ©e judiciaire de la Cour de cassation. Dans son discours dâouverture, la premiĂšre prĂ©-sidente a soulignĂ© le rĂŽle essentiel de la CEDH dans la dĂ©fense de la dĂ©mocratie et de lâĂtat de droit et la qualitĂ© du dialogue que la Cour de cassation entretient avec la CEDH, comme lâa illustrĂ© la premiĂšre demande dâavis adressĂ©e par la Cour de cassa-tion sur le fondement du Protocole no 16 Ă la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales.
La premiĂšre prĂ©sidente a participĂ© Ă lâaudience solennelle de rentrĂ©e de la CEDH le 31 janvier 2020, assistant prĂ©alablement, avec le procureur gĂ©nĂ©ral, au sĂ©minaire prĂ©-cĂ©dant lâaudience de rentrĂ©e, consacrĂ© à « La Convention europĂ©enne des droits de lâhomme : un instrument vivant de 70 ans » en prĂ©sence de nombreuses personnalitĂ©s du monde judiciaire europĂ©en.
LâannĂ©e 2020, marquĂ©e par le 70e anniversaire de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme, a Ă©tĂ© une occasion supplĂ©mentaire dâorganiser plusieurs rencontres avec la CEDH.
Ainsi, la premiĂšre prĂ©sidente a participĂ© le 18 septembre Ă la confĂ©rence cĂ©lĂ©brant le 70e anniversaire de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme sur le thĂšme « La Convention europĂ©enne des droits de lâhomme a 70 ans â Dates marquantes et grandes avancĂ©es », et qui comptait plusieurs personnalitĂ©s dont dâanciens prĂ©sidents de la Cour. La premiĂšre prĂ©sidente est intervenue dans le cadre de la table ronde consa-crĂ©e au thĂšme : « Promouvoir et assurer la diversitĂ© de la vie familiale » notamment pour donner des illustrations du dialogue qui existe entre la Cour de cassation et la CEDH, lequel sâest intensifiĂ© au fil des annĂ©es.
Par ailleurs, la Cour de cassation a participĂ© Ă la table ronde organisĂ©e par lâAssem-blĂ©e parlementaire du Conseil de lâEurope sur le thĂšme : « La portĂ©e de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme sur lâordre juridique français : 70 ans aprĂšs sa signa-ture, un texte toujours plus actuel ». Ă lâoccasion de cet Ă©vĂ©nement rĂ©unissant des dĂ©pu-tĂ©s et sĂ©nateurs de la dĂ©lĂ©gation française Ă lâAssemblĂ©e parlementaire du Conseil de lâEurope, Christophe Soulard, prĂ©sident de la chambre criminelle, est intervenu pour prĂ©senter la rĂ©ception de la jurisprudence de la CEDH par la Cour de cassation. Il intervenait aux cĂŽtĂ©s de Mattias Guyomar, juge français Ă la CEDH, et la prĂ©sidente du Conseil national des barreaux, Christiane Feral-Schuhl.
LâannĂ©e 2020 sâest clĂŽturĂ©e par une derniĂšre rencontre entre la Cour de cassation et la CEDH. Le 11 dĂ©cembre, la premiĂšre prĂ©sidente et le procureur gĂ©nĂ©ral ont Ă©changĂ©, en visioconfĂ©rence, avec le prĂ©sident de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme, Robert Spano, en prĂ©sence du juge français Ă la CEDH, Mattias Guyomar. Parmi les sujets abordĂ©s, ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©es les consĂ©quences de la crise sanitaire sur lâactivitĂ© juri-dictionnelle et la nĂ©cessaire protection des droits fondamentaux face aux mesures prises. Par ailleurs, les Ă©changes ont portĂ© sur lâĂtat de droit, sujet de prĂ©occupation partagĂ© par les chefs de cours au regard du contexte de crises protĂ©iformes et aux remises en cause croissantes des valeurs fondatrices de lâĂtat de droit et plus particuliĂšrement de
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lâindĂ©pendance de la justice. Une rencontre entre les juges de chacune des hautes juri-dictions sera programmĂ©e dĂšs que la crise sanitaire le permettra.
Enfin, afin de mieux reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts de la Cour de cassation dans le cadre du contentieux devant la CEDH, la Cour de cassation entend renforcer le dialogue avec ses partenaires institutionnels, ministĂšre de la justice et ministĂšre de lâEurope et des affaires Ă©trangĂšres. Ce sujet a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© lors dâune rencontre entre la premiĂšre prĂ©sidente et le directeur des affaires juridiques du Quai dâOrsay le 14 septembre 2020.
Avec la CJUE
La Cour de cassation a souhaitĂ© renforcer les liens existants avec la CJUE. Ă ce titre, le 3 fĂ©vrier 2020, sâest tenue Ă Luxembourg une rencontre entre la premiĂšre prĂ©-sidente et le procureur gĂ©nĂ©ral et le prĂ©sident de la CJUE, Koen Lenaerts. Puis une sĂ©ance de travail a Ă©tĂ© organisĂ©e pour traiter des questions de lâopen data et de la pro-tection des donnĂ©es, avec la participation de J.-C. Bonichot, juge français Ă la Cour, A. Calot Escobar, greffier de la Cour, J.-M. Rachet, chef de cabinet de M. le greffier, R. Peica, directrice des technologies de lâinformation, C. Lannone, directrice de la recherche et documentation, et C. Pellerin, attachĂ©e auprĂšs de M. le greffier.
La crise sanitaire a hélas contraint la Cour à reporter les autres événements pro-grammés avec la CJUE (visite de A. Calot Escobar, greffier de la CJUE à la Cour de cassation, et stages des magistrats de la Cour de cassation).
La Cour de cassation reste nĂ©anmoins mobilisĂ©e afin de renforcer le dialogue avec la Cour et contribuer Ă une meilleure diffusion du droit de lâUnion europĂ©enne.
Ainsi, Ă lâoccasion du 20e anniversaire de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne, Ălise BarbĂ©, conseillĂšre rĂ©fĂ©rendaire Ă la chambre criminelle et prĂ©sidente du conseil dâadministration de lâAgence des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne (FRA), a participĂ© Ă la confĂ©rence en ligne organisĂ©e le 7 dĂ©cembre 2020 par la Commission europĂ©enne et la FRA. Ălise BarbĂ© a notamment pu sâexprimer sur lâapplication de la Charte en France et plus particuliĂšrement dans la jurisprudence de la Cour de cassation, aux cĂŽtĂ©s de Me Olivier Cousi, bĂątonnier de lâordre des avocats de Paris, et de George Pau-Langevin â adjointe de la DĂ©fenseure des droits, vice-prĂ©sidente du collĂšge chargĂ© de la lutte contre les discriminations et de la promotion de lâĂ©galitĂ©.
La Cour de cassation organisera par ailleurs avec le Conseil dâĂtat, en lien avec le ministĂšre de la justice, un Ă©vĂ©nement qui se tiendra au printemps 2022 Ă lâoccasion du 70e anniversaire de la CJUE dans le cadre de la prĂ©sidence française de lâUnion europĂ©enne.
Enfin, afin de mieux reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts de la Cour de cassation dans le cadre du contentieux devant la CJUE, la Cour de cassation entend renforcer le dialogue avec ses partenaires institutionnels (ministĂšre de la justice, ministĂšre de lâEurope et des affaires Ă©trangĂšres et secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral aux affaires europĂ©ennes â SGAE). La Cour a ainsi participĂ©, aux cĂŽtĂ©s du Conseil dâĂtat, Ă la prĂ©paration dâune intervention fran-çaise dans le cadre dâune question prĂ©judicielle italienne, assistant en outre Ă lâaudience.
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Lâextension de la participation de la Cour de cassation au sein des rĂ©seaux europĂ©ens
Le RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours suprĂȘmes judiciaires de lâUnion europĂ©enne 3
La situation sanitaire nâa pas permis Ă la Cour de cassation dâaccueillir cette annĂ©e les magistrats Ă©trangers devant y effectuer un stage dans le cadre du programme dâĂ©changes du RĂ©seau. Afin dâentretenir le dialogue entre les juges, la Cour de cassation a mis en place, pour la premiĂšre fois, un stage Ă distance, par visioconfĂ©rence. Umberto Scotti, conseiller Ă la Cour de cassation italienne, a ainsi pu dĂ©couvrir le travail de la Cour en assistant Ă plusieurs interventions 4 portant sur les aspects majeurs de lâactualitĂ© de la Cour comme les derniĂšres rĂ©formes concernant la rĂ©daction des arrĂȘts et les nouvelles mĂ©thodes de travail, mais Ă©galement pour Ă©changer sur le contentieux des Ă©trangers, le juge judiciaire italien Ă©tant exclusivement compĂ©tent en ce domaine.
Lâimplication de la Cour de cassation au sein du RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours suprĂȘmes judiciaires de lâUnion europĂ©enne sâest enfin illustrĂ©e par les Ă©changes surve-nus au sein du groupe de liaison de droit comparĂ© 5 entre Cours suprĂȘmes. La Cour de cassation a sollicitĂ© ce groupe dans cinq affaires, souvent jugĂ©es en formation solennelle, notamment concernant le contrĂŽle du juge sur les conditions de privation de libertĂ©. La Cour de cassation a Ă©galement rĂ©pondu aux douze demandes des autres Cours suprĂȘmes de ce rĂ©seau, ainsi quâĂ cinq demandes dâĂ©lĂ©ments de comparaison concernant le rĂŽle et le fonctionnement des Cours suprĂȘmes, hors du cadre dâun pourvoi.
Le Réseau des Cours supérieures
Ă travers ce rĂ©seau 6, la CEDH consulte les juridictions suprĂȘmes sur leur droit national afin de dĂ©terminer lâexistence dâĂ©ventuels consensus sur certaines problĂ©ma-tiques juridiques au sein du Conseil de lâEurope. Cette annĂ©e, quatre consultations ont Ă©tĂ© transmises auxquelles la Cour de cassation a systĂ©matiquement rĂ©pondu.
La crise sanitaire a par ailleurs Ă©tĂ© lâoccasion pour ce rĂ©seau de dĂ©velopper de nou-veaux outils pour favoriser les Ă©changes entre les Cours suprĂȘmes et la CEDH. Dans
3. Le RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours suprĂȘmes de lâUnion europĂ©enne est une association de droit français crĂ©Ă©e en 2004 dont la Cour de cassation est membre Ă lâinstar des autres pays de lâUnion europĂ©enne. Ses principales actions portent sur la connaissance des systĂšmes juridiques et judiciaires des Ătats membres (Ă ce titre, par exemple, des colloques sont organisĂ©s chaque annĂ©e) ainsi que sur le fonctionnement et la jurisprudence des Cours suprĂȘmes notamment grĂące Ă la mise Ă disposition dâun portail commun de jurisprudence (ce portail est composĂ© dâun moteur de recherche multilingue sur les bases de jurisprudence des Cours suprĂȘmes judiciaires de lâUnion europĂ©enne permettant dâinterroger simultanĂ©ment tout ou partie des bases de jurisprudence europĂ©ennes disponibles sur internet pour les pays de lâUnion europĂ©enne) et Ă des Ă©changes de magistrats des Cours suprĂȘmes.4. Pour visualiser le dĂ©tail des interventions, un lien est accessible vers le programme dĂ©taillĂ© du stage.5. Ce groupe de liaison est composĂ© des conseillers rĂ©fĂ©rendaires ou juristes assistants des Cours suprĂȘmes judiciaires allemande, britannique, belge, finlandaise, nĂ©erlandaise, tchĂšque et française.6. Le RĂ©seau des Cours supĂ©rieures a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 2015 sous lâimpulsion du Conseil dâĂtat et de la Cour de cassation. Sept nouvelles Cours suprĂȘmes ont rejoint ce rĂ©seau qui comprend aujourdâhui 93 cours rĂ©parties dans 40 Ătats.
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ce cadre, le rĂ©seau a procĂ©dĂ© Ă un travail de recensement des mesures prises par les juridictions suprĂȘmes nationales face Ă la crise afin de les compiler dans un document partagĂ©. Ce nouvel usage du rĂ©seau est Ă saluer en ce quâil permet dâapporter aux juri-dictions supĂ©rieures nationales des Ă©lĂ©ments de droit comparĂ©.
Enfin, le rĂ©seau a Ă©galement organisĂ© des webinaires pour permettre aux membres de juridictions supĂ©rieures et de la CEDH dâĂ©changer sur des thĂ©matiques spĂ©cifiques. La Cour de cassation a participĂ© Ă ces Ă©vĂ©nements. Les premiers sujets traitĂ©s ont Ă©tĂ© lâimpact de la Covid-19 sur le droit au procĂšs Ă©quitable et la santĂ© en dĂ©tention.
Le RĂ©seau judiciaire de lâUnion europĂ©enne 7
La Cour de cassation publie rĂ©guliĂšrement sur ce rĂ©seau ses arrĂȘts publiĂ©s intĂ©res-sant le droit de lâUnion. Ces arrĂȘts seront Ă terme disponibles sur le site Curia.
Le rĂ©seau a en outre crĂ©Ă© trois groupes de rĂ©flexion sur les thĂ©matiques suivantes : terminologie juridique, innovation et recherches juridiques, auxquels la Cour de cas-sation participe. Si le lancement des travaux de ces groupes a Ă©tĂ© retardĂ© en raison de la pandĂ©mie, le groupe « terminologie juridique » a pu se rĂ©unir Ă distance Ă plusieurs reprises afin dâĂ©changer sur les problĂšmes de terminologie et de traduction entre les services des juridictions suprĂȘmes nationales et ceux de la Cour de justice.
Le Réseau judiciaire européen en matiÚre civile et commerciale (RJECC) 8
La Cour de cassation a rejoint en dĂ©but dâannĂ©e le RJECC. Ce rĂ©seau a pour but de faciliter la coopĂ©ration dans lâespace judiciaire europĂ©en Ă travers un rĂ©seau dâau-toritĂ© centrale et de points de contact. La dĂ©signation dâun point de contact de ce rĂ©seau au sein de la Cour de cassation constitue un moyen complĂ©mentaire dâassurer
7. CrĂ©Ă© en 2017 Ă lâinitiative du prĂ©sident de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (CJUE), avec lâassentiment des prĂ©sidents des juridictions constitutionnelles et suprĂȘmes des Ătats membres, le RĂ©seau judiciaire de lâUnion europĂ©enne (RJUE) vise Ă contribuer Ă lâĂ©mergence dâune vĂ©ri-table justice europĂ©enne en rĂ©seau et au renforcement de la coopĂ©ration judiciaire en Europe au service dâune justice de qualitĂ©. La rĂ©alisation de cet objectif prend forme par lâorganisation de rencontres, notamment dâune rĂ©union annuelle des correspondants du rĂ©seau. Surtout, le RJUE sâappuie sur la mise en place dâune plate-forme dâĂ©changes entre ses juridictions membres afin de permettre le partage et la centralisation des informations et documents utiles aux fins de lâap-plication, de la diffusion et de lâĂ©tude du droit de lâUE. Lâespace RJUE permet ainsi dâaccĂ©der directement aux affaires prĂ©judicielles, notamment de consulter les dĂ©cisions de renvoi prĂ©judi-ciel, mais aussi de consulter des dĂ©cisions nationales prĂ©sentant un intĂ©rĂȘt pour le droit de lâUE, ainsi que diffĂ©rents documents issus de travaux de recherche ou de veille rĂ©alisĂ©s par les juridic-tions membres du RJUE dans une optique comparative.8. CrĂ©Ă© en 2001 par dĂ©cision du Conseil de lâUE, le RĂ©seau judiciaire europĂ©en en matiĂšre civile et commerciale a pour objectif dâamĂ©liorer, simplifier et accĂ©lĂ©rer la coopĂ©ration judiciaire effec-tive entre les Ătats membres dans les matiĂšres civiles et commerciales. Le RJECC vise Ă soutenir la mise en Ćuvre des instruments de lâUE en matiĂšre de justice civile dans la pratique juridique quotidienne, en favorisant les relations entre autoritĂ©s judiciaires nationales grĂące Ă des points de contact Ă©tablis dans chaque Ătat. Tous les Ătats membres de lâUE participent au RJECC Ă lâexception du Danemark. Le rĂ©seau compte plus de 500 membres. Outre les points de contact nationaux dĂ©signĂ©s par chaque Ătat membre, des reprĂ©sentants des professions judiciaires (magis-trats de liaison, notaires, avocats, huissiers) participent Ă©galement au rĂ©seau.
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lâinformation des magistrats de la Cour de lâactualitĂ© de la coopĂ©ration judiciaire euro-pĂ©enne en matiĂšre civile.
Le RĂ©seau des procureurs gĂ©nĂ©raux des Cours suprĂȘmes de lâUnion europĂ©enne
CrĂ©Ă© en 2008 Ă lâinitiative de M. Jean-Louis Nadal, alors procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation, ce rĂ©seau a pour objet de dĂ©velopper une coopĂ©ration Ă©troite entre les procureurs gĂ©nĂ©raux de lâUnion europĂ©enne. Ce rĂ©seau sâĂ©tait rĂ©uni pour la premiĂšre fois Ă Paris le 6 fĂ©vrier 2009 et le principe dâune prĂ©sidence tournante avait Ă©tĂ© adoptĂ©.
La 12e rĂ©union des procureurs gĂ©nĂ©raux des Cours suprĂȘmes de lâUnion euro-pĂ©enne Ă©tait prĂ©vue Ă Vienne en mai 2020 mais a Ă©tĂ© reportĂ©e Ă lâautomne 2021 en raison de la crise sanitaire.
B. Lâouverture Ă de nouveaux axes de coopĂ©ration internationale
1. La coopération bilatérale avec les pays de la francophonie notamment avec les pays du Moyen-Orient et du Golfe
La situation sanitaire nâa pas permis de mettre en Ćuvre davantage dâactions de coo-pĂ©ration dans ces rĂ©gions au niveau bilatĂ©ral. Pour autant, la Cour de cassation met Ă profit cette pĂ©riode pour planifier des projets de coopĂ©ration quâelle mettra en Ćuvre dĂšs que la situation le permettra.
Par ailleurs, la Cour maintient sa forte implication dans les actions menĂ©es par lâAs-sociation des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage lâusage du français (AHJUCAF). La premiĂšre prĂ©sidente a ainsi participĂ© en visioconfĂ©rence Ă la rĂ©union annuelle du bureau de lâAHJUCAF le 23 octobre 2020, sous la prĂ©sidence de Souheil Abboud, premier prĂ©sident de la Cour de cassation du Liban. La premiĂšre prĂ©sidente a en outre rĂ©alisĂ© une intervention filmĂ©e mise en ligne sur le site de lâAHJUCAF sur une page consacrĂ©e Ă la motivation des dĂ©cisions dans les Cours suprĂȘmes de lâespace francophone. Elle y dresse une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale de la rĂ©forme de la motivation des arrĂȘts de la Cour de cassation avec une vision de lâaccessibilitĂ© et de la comprĂ©-hension de ces dĂ©cisions au niveau national et international. Le prĂ©sident Lacabarats est Ă©galement intervenu dans ce cadre en prĂ©sentant des illustrations de cette nouvelle mĂ©thode de rĂ©daction 9.
2. Le dĂ©veloppement dâactions de coopĂ©ration en Asie
La Cour de cassation souhaite renforcer sa coopĂ©ration avec certains pays dâAsie, continent abritant de nombreuses Cours suprĂȘmes appartenant Ă un systĂšme de droit
9. https://www.ahjucaf.org/page/la-motivation-des-d%C3%A9cisions-de-justice%C2%A0-principes-et-illustrations-dans-l%E2%80%99espace-judiciaire
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mixte influencĂ© par le droit civil français. Ces actions de coopĂ©ration permettront Ă la Cour de valoriser sa jurisprudence et plus largement de promouvoir le droit continen-tal face Ă lâinfluence grandissante de la Common Law.
Ainsi, Patrick Matet, doyen honoraire Ă la premiĂšre chambre civile, a reprĂ©sentĂ© la premiĂšre prĂ©sidente lors dâune confĂ©rence internationale organisĂ©e par la Cour suprĂȘme indienne sur le thĂšme du pouvoir judiciaire dans un monde en mutation, qui sâest tenue Ă New Delhi du 21 au 23 fĂ©vrier 2020. Plus dâune vingtaine de cours Ă©trangĂšres, dâAsie, dâAfrique, de Russie et dâEurope ont assistĂ© Ă cette manifestation. Cette confĂ©rence de haut niveau a Ă©tĂ© clĂŽturĂ©e par le PrĂ©sident de la RĂ©publique dâInde.
Le doyen Patrick Matet est intervenu lors dâune table ronde consacrĂ©e Ă inter-net sur le sujet de la protection des donnĂ©es personnelles contenues dans des fichiers publics. Il a notamment expliquĂ© le rĂŽle dĂ©cisif jouĂ©, depuis 2014, par les juridictions françaises et europĂ©ennes pour consacrer un droit Ă lâoubli numĂ©rique et pour protĂ©-ger les donnĂ©es Ă caractĂšre personnel.
La situation sanitaire nâa pas permis de mettre en Ćuvre dâautres actions de coo-pĂ©ration dans ces rĂ©gions, au niveau bilatĂ©ral.
3. Le renforcement des actions de coopération en Amérique du Nord et du Sud
Les liens existants entre notre systĂšme de droit continental et les systĂšmes de droit mixte des pays lusophones et hispanophones dâAmĂ©rique latine favorisent la mise en Ćuvre dâactions de coopĂ©ration auxquelles la Cour de cassation peut participer.
Câest en ce sens que Patrick Matet, doyen honoraire Ă la premiĂšre chambre civile, est intervenu lors dâune formation organisĂ©e Ă distance et dĂ©diĂ©e aux nouvelles mĂ©thodes de travail de la Cour de cassation, Ă lâinitiative de la Cour suprĂȘme (Suprema Corte de justicia) et lâĂcole nationale judiciaire (ENJ) de la RĂ©publique dominicaine dans le cadre de la rĂ©forme portant sur la rĂ©daction des dĂ©cisions de justice liĂ©e au plan stratĂ©gique plus global du pouvoir judiciaire dominicain.
Lors de la session de formation organisĂ©e du 2 au 4 dĂ©cembre 2020 et destinĂ©e aux juges et avocats rĂ©dacteurs de la Suprema Corte de justicia, la participation du doyen Patrick Matet a pris la forme, en raison du contexte sanitaire, dâune rencontre vir-tuelle au moyen de deux sĂ©quences vidĂ©o enregistrĂ©es. Ces interventions ont permis de prĂ©senter les rĂ©formes engagĂ©es par la Cour de cassation en matiĂšre de rĂ©daction des arrĂȘts, avec une illustration jurisprudentielle commentant lâarrĂȘt de la premiĂšre chambre civile du 27 novembre 2019 (1re Civ., 27 novembre 2019, pourvoi no 18-14.675, publiĂ© au Bulletin).
La situation sanitaire nâa pas permis de mettre en Ćuvre dâautres actions de coo-pĂ©ration dans ces rĂ©gions au niveau bilatĂ©ral.
Conclusion
La stratĂ©gie internationale dĂ©finie par la premiĂšre prĂ©sidente donne une impulsion nouvelle Ă la Cour de cassation. En dĂ©pit de la crise sanitaire, la Cour de cassation a su sâadapter afin de mener diverses actions de coopĂ©ration dans le but dâentretenir le dialogue des juges. ParallĂšlement aux actions de coopĂ©ration dĂ©crites dans le prĂ©sent
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rapport, plusieurs groupes de travail ont Ă©tĂ© mis en place au sein de la Cour afin de rĂ©pondre aux prioritĂ©s identifiĂ©es par la stratĂ©gie internationale (groupe de travail pour la traduction des arrĂȘts ; groupe de travail pour renforcer les liens avec la CJUEâŠ) dont les rĂ©sultats sont attendus avant la fin de lâannĂ©e 2021.
Les chiffres clés de 2020 :
13 pays partenaires et institutions avec lesquels la Cour a organisé un événe-ment de coopération (Royaume-Uni, République dominicaine, Italie, Estonie, GrÚce, Japon, Pays-Bas, Inde, Slovaquie, Congo RDC, Bénin, CEDH, CJUE) ;
20 Ă©vĂ©nements Ă dimension internationale organisĂ©s dans lâannĂ©e malgrĂ© la crise sanitaire : 9 en distanciel (Ă©changes par visioconfĂ©rences, web sĂ©minaires, stages) et 11 en prĂ©sentiel (visites dâĂ©tude, interventions lors de confĂ©rences ou colloques, rencontres institutionnelles) ;
26 événements à dimension internationale annulés ou reportés en raison de la crise.
C. Un dialogue multilatĂ©ral au sein de lâAssociation des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage lâusage du français (AHJUCAF)
LâAHJUCAF, crĂ©Ă©e en 2001 Ă lâinitiative de la Cour de cassation française avec le soutien de lâOrganisation internationale de la francophonie (OIF), a pour objectif le renforcement de la solidaritĂ© et de la coopĂ©ration entre les hautes juridictions de cas-sation. Le rĂ©seau regroupe cinquante hautes juridictions : Cours suprĂȘmes ou Cours de cassation, deux Cours fĂ©dĂ©rales (Canada et Suisse) et trois Cours communautaires dâAfrique (la Cour commune de justice et dâarbitrage de lâOHADA, la Cour de jus-tice de la CommunautĂ© Ă©conomique et monĂ©taire de lâAfrique centrale â CEMAC â et la Cour de justice de lâUnion Ă©conomique et monĂ©taire ouest-africaine â UEMOA).
LâAHJUCAF est prĂ©sidĂ©e depuis 2019, pour un mandat de trois ans, par M. Souheil Abboud, premier prĂ©sident de la Cour de cassation du Liban, qui a succĂ©dĂ© Ă M. Ousmane Batoko, prĂ©sident de la Cour suprĂȘme du BĂ©nin, devenu membre de droit du Bureau. Mme Chantal Arens, premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation, exerce une des vice-prĂ©sidences avec M. Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly, prĂ©sident de la Cour suprĂȘme du SĂ©nĂ©gal, et M. Wafi Ougadeye, premier prĂ©sident de la Cour suprĂȘme du Mali.
M. Jean-Paul Jean, prĂ©sident de chambre honoraire Ă la Cour de cassation, a Ă©tĂ© rĂ©Ă©lu au CongrĂšs de Beyrouth dans les fonctions de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâAHJUCAF, dont la Cour de cassation française assure le secrĂ©tariat administratif.
LâAHJUCAF dispose dâun site internet (www.ahjucaf.org) qui contient une abon-dante documentation juridique et judiciaire, des actualitĂ©s et pages consacrĂ©es Ă chaque cour nationale, des dossiers thĂ©matiques et vidĂ©o relatifs aux Ă©vĂ©nements et aux for-mations quâelle organise.
LâAHJUCAF assure Ă©galement la gestion dâune base de donnĂ©es gratuite de juris-prudence francophone â JURICAF â intĂ©grant plus dâun million de dĂ©cisions dĂ©sor-mais intĂ©gralement pseudonymisĂ©es, accessibles depuis le lien www.juricaf.org.
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En 2020, avant le confinement, les 24 et 25 janvier lâAHJUCAF a coorganisĂ© avec lâAssociation française pour lâhistoire de la justice (AFHJ) un colloque Ă La Rochelle intitulĂ© : « Lâesclave : de la marchandise au sujet de droit ». Les interventions de M. le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Jean-Paul Jean et de M. Elhadji Malick Sow, prĂ©sident de chambre Ă la Cour suprĂȘme du SĂ©nĂ©gal, sont publiĂ©es dans lâouvrage Justice et esclavages, paru dĂ©but 2021 Ă la Documentation française.
M. Ousmane Batoko, prĂ©sident de la Cour suprĂȘme du BĂ©nin, et M. le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Jean-Paul Jean ont reprĂ©sentĂ© lâAHJUCAF lors de la confĂ©rence internatio-nale de Doha (Qatar) les 25-27 fĂ©vrier 2020, Ă lâinvitation de lâONUDC, dans le cadre de son rĂ©seau consacrĂ© Ă lâintĂ©gritĂ© judiciaire.
Les autres Ă©vĂ©nements programmĂ©s par lâAHJUCAF impliquant des dĂ©placements internationaux ont ensuite dĂ» ĂȘtre reportĂ©s ou rĂ©alisĂ©s sous dâautres formes, compte tenu de la situation liĂ©e Ă la pandĂ©mie de la Covid-19.
Lors de la premiĂšre vague de la pandĂ©mie, lâAHJUCAF a Ă©laborĂ© un dossier thĂ©-matique disponible sur internet « Juridictions face au coronavirus » prĂ©sentant les dis-positions prises par les Cours suprĂȘmes judiciaires de la francophonie concernant leur organisation, les contentieux prioritaires, la dĂ©matĂ©rialisation des dossiers, le recours Ă la visioconfĂ©rence pour les audiences ainsi que les dispositions lĂ©gislatives et rĂ©gle-mentaires adoptĂ©es dans le cadre de lâurgence sanitaire. Une synthĂšse a Ă©tĂ© Ă©tablie au 6 mai 2020 concernant 21 pays et juridictions internationales, avec des liens utiles. M. le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Jean-Paul Jean a publiĂ© plusieurs articles dans des revues juri-diques et a prĂ©sentĂ© une synthĂšse au Conseil de lâEurope dans le cadre des travaux de la CEPEJ (Commission europĂ©enne pour lâefficacitĂ© de la justice), « Les systĂšmes de justice face Ă la pandĂ©mie du Covid-19 ».
Le jury du prix de lâAHJUCAF pour la promotion du droit 2019, qui nâa pu se rĂ©unir physiquement Ă Dakar, a dĂ©libĂ©rĂ© Ă distance le 20 avril 2020. Le jury, prĂ©sidĂ© par Mme Florence Aubry-Girardin, juge au Tribunal fĂ©dĂ©ral suisse, membre du Bureau, a retenu deux laurĂ©ats : M. Aubin Dassi Nde (Cameroun) pour sa thĂšse « LâĂ©galitĂ© pro-fessionnelle hommes/femmes dans les Ătats dâAfrique noire francophone », soutenue Ă lâuniversitĂ© YaoundĂ© II (Cameroun), et M. Gaudens Djihouessi (BĂ©nin) pour sa thĂšse « Lâappropriation privĂ©e de lâeau en Afrique de lâOuest francophone », soutenue Ă lâuni-versitĂ© de LomĂ© (Togo).
Le prix va permettre la publication de ces recherches sous forme dâouvrages sur deux thĂ©matiques prioritaires pour lâAfrique. Lâouvrage du laurĂ©at de lâannĂ©e prĂ©cĂ©-dente, Mme Ola Mohty, Lâinformation du consommateur et le commerce Ă©lectronique (uni-versitĂ©s de Rennes et Beyrouth), a Ă©tĂ© publiĂ© en 2020 aux Presses universitaires de Rennes avec le soutien de lâAHJUCAF.
Les actes du VIe congrĂšs de lâAHJUCAF qui sâest tenu les 13 et 14 juin 2019 Ă Beyrouth, La diffusion de la jurisprudence des Cours suprĂȘmes judiciaires au temps d'internet, ont Ă©tĂ© publiĂ©s aux Ă©ditions Lexbase et sont aussi disponibles en version numĂ©rique sur le site internet de lâAHJUCAF.
Ă lâinitiative de la Cour de cassation française, au moment de la fermeture de la bibliothĂšque annexe du boulevard Saint-Germain, a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e une importante opĂ©ra-tion dâenvoi dâouvrages juridiques qui Ă©taient en double Ă 12 cours membres de lâAHJU-CAF. 182 cartons de livres ont ainsi Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s aux Cours suprĂȘmes du BĂ©nin, du
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Cameroun, du Mali, de Mauritanie, du SĂ©nĂ©gal, aux Cours de cassation du Burkina Faso, du Liban, du Maroc, du Niger, de Roumanie, de Tunisie, et Ă la Cour commune de justice et dâarbitrage de lâOHADA.
En septembre 2020, un questionnaire a Ă©tĂ© adressĂ© aux cours membres du rĂ©seau sur la paritĂ© hommes-femmes dans les Cours suprĂȘmes judiciaires de la francophonie pour la rĂ©alisation dâune synthĂšse sur cette thĂ©matique prioritaire pour lâOIF et lâONU.
Du fait de la pandĂ©mie de Covid-19, le Bureau de lâAHJUCAF sâest rĂ©uni le 23 octobre 2020 par webconfĂ©rence internationale animĂ©e depuis Paris, les autres par-ticipants se trouvant Ă Bamako, Beyrouth, Cotonou, Dakar, Lausanne, Niamey, Ottawa et Rabat. La stratĂ©gie dâadaptation aux contraintes imposĂ©es par la pandĂ©mie a conduit Ă reporter le sĂ©minaire rĂ©gional de formation annuel de lâAHJUCAF en Afrique de lâOuest Ă lâinvitation de la Cour suprĂȘme du SĂ©nĂ©gal sur « La motivation et la valo-risation des dĂ©cisions des Cours suprĂȘmes judiciaires », ainsi que les stages en France des correspondants de lâAHJUCAF.
LâAHJUCAF a Ă©largi la variĂ©tĂ© de ses ressources documentaires en dĂ©veloppant des supports vidĂ©o. Chaque cour est invitĂ©e Ă rĂ©aliser des vidĂ©os illustrant son fonctionne-ment et le mode de rĂ©daction et de motivation des dĂ©cisions, sur les modĂšles dĂ©jĂ rĂ©a-lisĂ©s par le SĂ©nĂ©gal, la France et le Liban, disponibles sur le site internet. LâAHJUCAF dispose Ă©galement, outre ses comptes Facebook et Twitter, dâune chaĂźne YouTube constituant un support permanent de diffusion de ces vidĂ©os pour valoriser les travaux des cours de la francophonie.
Deux thĂ©matiques prioritaires ont Ă©tĂ© dĂ©finies pour lâannĂ©e 2021. Dâabord, le rĂŽle des Cours suprĂȘmes judiciaires dans la lutte contre la corruption, en lien avec les tra-vaux dĂ©jĂ rĂ©alisĂ©s sur lâintĂ©gritĂ© judiciaire. Ensuite, la dĂ©finition des critĂšres de ce que pourrait ĂȘtre une Cour suprĂȘme judiciaire francophone idĂ©ale, afin de dĂ©gager des prin-cipes directeurs dans une vision prospective, qui pourront ĂȘtre prĂ©sentĂ©s en 2021 Ă lâoc-casion de lâanniversaire des vingt ans de la crĂ©ation de lâAHJUCAF, en phase avec les rĂ©flexions engagĂ©es par la Cour de cassation française.
Ă lâinvitation de Chantal Arens, premiĂšre prĂ©sidente, le prĂ©sident de lâAHJUCAF, M. Souheil Abboud, premier prĂ©sident de la Cour de cassation du Liban, est intervenu en visioconfĂ©rence lors de lâaudience solennelle de rentrĂ©e de la Cour de cassation le 11 janvier 2021. M. CĂ©sar Apollinaire Ondo MvĂ©, prĂ©sident de la Cour commune de justice et dâarbitrage de lâOHADA, membre de lâAHJUCAF, Ă©tait Ă©galement prĂ©sent.
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IV. Les liens avec le grand public
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/ Les liens avec le grand public
LES LIENS AVEC LE GRAND PUBLIC
Dans le cadre de la politique de communication institutionnelle de la Cour de cassa-tion Ă destination de la communautĂ© des juristes et du grand public, le service de com-munication assure par le rĂ©seau internet tant la diffusion de la jurisprudence que celle des informations portant sur lâactivitĂ© extrajuridictionnelle de la Cour.
On rappellera que, lors du dĂ©libĂ©rĂ©, le prĂ©sident de la chambre concernĂ©e peut dĂ©cider que lâarrĂȘt ou lâavis sera publiĂ© sur le site internet de la Cour. Les arrĂȘts des formations les plus solennelles (assemblĂ©es plĂ©niĂšres et chambres mixtes) le sont sys-tĂ©matiquement avec le rapport du conseiller rapporteur et lâavis de lâavocat gĂ©nĂ©ral, accompagnĂ©s dâun commentaire.
Plus gĂ©nĂ©ralement, la publication des dĂ©cisions les plus importantes peut ĂȘtre accom-pagnĂ©e dâun communiquĂ© ou dâune note explicative, destinĂ©s Ă permettre au grand public et aux mĂ©dias de prendre connaissance des dĂ©cisions sous une forme accessible. En 2020, 8 communiquĂ©s de presse ont Ă©tĂ© diffusĂ©s (Uber [04.03.2020]/Conditions de dĂ©tention indignes et office du juge [08.07.2020]/ConsĂ©quences dâune mesure de gel des avoirs sur le paiement des dettes de la sociĂ©tĂ© en faisant lâobjet [10.07.2020]/Urgence sani-taire Covid-19 et dĂ©tention provisoire [26.05.20]/ExĂ©cution dâun mandat dâarrĂȘt inter-national et gĂ©nocide rwandais [30.09.20]/Suppression de lâamĂ©nagement des peines dâemprisonnement supĂ©rieures Ă un an et application de la loi dans le temps [20.10.20]/Transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale entre sociĂ©tĂ©s lors dâune opĂ©ration de fusion-absorp-tion [25.11.20]/PublicitĂ© pour un site internet de rencontres extraconjugales [16.12.20]).
AprĂšs le lancement de la Lettre de la chambre sociale en 2019, lâannĂ©e 2020 a vu les autres chambres sâinscrire dans la mĂȘme dynamique de valorisation de la jurispru-dence Ă destination de la communautĂ© des juristes mais aussi dâun public plus large : Lettre de la chambre criminelle depuis juin 2020, Lettre de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique depuis septembre 2020, Lettre de la premiĂšre chambre civile et Lettre de la troisiĂšme chambre civile depuis dĂ©cembre 2020.
En 2020, 85 contenus relatifs au fonctionnement de la Cour, à sa politique inter-nationale, à ses manifestations, aux discours, aux relations avec le milieu universitaire, ou encore à ses publications, ont été mis en ligne sur le site internet, qui a été consulté 5 785 476 fois, soit une moyenne de 482 123 visites par mois.
Créé en 2013, le compte Twitter de la Cour de cassation a, quant à lui, poursuivi sa croissance : au 31 décembre 2020, il comptait 134 739 abonnés (contre 112 534 au 31 décembre 2019).
LâannĂ©e 2020 a Ă©galement Ă©tĂ© marquĂ©e par la crise sanitaire liĂ©e Ă la propagation de la Covid-19. Son dispositif de diffusion en direct via son site internet courdecassation.fr, sa page YouTube, ainsi que ses comptes Twitter et Facebook, a permis Ă la Cour de maintenir un certain nombre de ses manifestations (colloques, confĂ©rences, audiences solennellesâŠ) dans le respect des rĂšgles de distanciation sociale (sans prĂ©sentiel). Au cours de cette annĂ©e, les directs ont connu un niveau dâaudience trĂšs important, avec des diffusions pouvant cumuler plus de 10 000 connexions. Ces vidĂ©os sont ensuite ren-dues disponibles en diffĂ©rĂ© sur le site internet www.courdecassation.fr (pour les col-loques : rubrique « ĂvĂ©nements » ; « Colloques » ; « Colloques en vidĂ©os » et pour les audiences solennelles : rubrique « ĂvĂ©nements » ; « Audiences solennelles »).
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V. Manifestations organisées à la Cour de cassation
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/ Manifestations organisées à la Cour de cassation
MANIFESTATIONS ORGANISĂES Ă LA COUR DE CASSATION EN 2020
DĂ©veloppĂ©s sous lâĂ©gide de la premiĂšre prĂ©sidence et du parquet gĂ©nĂ©ral, les col-loques et confĂ©rences de la Cour de cassation permettent, en complĂ©ment de sa mission juridictionnelle, dâenrichir la rĂ©flexion collective sur le droit, ses missions et ses enjeux.
En 2020, et malgrĂ© le contexte sanitaire, la Cour a poursuivi son action destinĂ©e Ă offrir une large offre de formation, motivĂ©e par la volontĂ© dâouvrir au plus grand nombre lâaccĂšs Ă ces manifestations, dans une logique de diffusion et de partage des savoirs.
LâaccĂšs au plus grand nombre a Ă©tĂ© favorisĂ© par la captation audiovisuelle et la dif-fusion en direct et en diffĂ©rĂ© sur le site internet de la Cour de cassation ainsi que sur ses comptes Twitter, Facebook et YouTube permettant ainsi dâenregistrer, en temps rĂ©el, jusquâĂ 15 000 connexions.
Enfin, pour la grande majoritĂ© des manifestations, une publication des actes ou une mise en ligne des interventions contribuent encore au partage des savoirs et dâexpĂ©riences.
Si lâannĂ©e 2020 aura Ă©tĂ© marquĂ©e par la nĂ©cessaire reprogrammation de certains colloques initialement prĂ©vus pendant la pĂ©riode du confinement, elle se caractĂ©rise Ă©galement par un net Ă©largissement du public, qui a pu suivre Ă distance les manifes-tations proposĂ©es.
La programmation scientifique de la Cour a ainsi été maintenue dÚs le mois de mai 2020, les colloques et conférences organisés sans public, étant accessibles en direct et en différé sur le site internet de la Cour de cassation et les réseaux sociaux.
Plusieurs moments forts ont rythmĂ© cette annĂ©e, dans cet objectif renouvelĂ© de nourrir le dialogue avec les juridictions du fond ainsi quâavec les universitaires et les praticiens du droit, dans un esprit dâenrichissement rĂ©ciproque : la tenue le 30 jan-vier 2020 des « 4es rencontres de jurisprudence autour du droit immobilier », lâorga-nisation le 4 dĂ©cembre 2020 des « 10es rencontres de procĂ©dure civile » consacrĂ©es au renouvellement des catĂ©gories en procĂ©dure civile, ou encore le colloque « Crise sani-taire et contrats » organisĂ© le 16 octobre 2020.
Des cycles de confĂ©rence coorganisĂ©s avec lâuniversitĂ© et initiĂ©s en 2019 se sont poursuivis tandis que dâautres ont vu le jour, en lien avec des thĂšmes qui interrogent notre sociĂ©tĂ©. Ainsi du cycle « Justice environnementale : le dĂ©fi de lâeffectivitĂ© » ou encore du cycle « Penser lâoffice du juge ».
Ce sont ainsi 25 colloques et conférences qui se sont tenus à la Cour de cassation en 2020, enregistrant un total de 145 702 connexions.
* * *
Le parquet gĂ©nĂ©ral a proposĂ© en janvier et en septembre 2020 une formation Ă la technique de cassation et Ă la rĂ©daction des avis Ă lâattention des avocats gĂ©nĂ©raux nouvellement nommĂ©s Ă la Cour de cassation. Par ailleurs, une journĂ©e dâĂ©tude des-tinĂ©e Ă lâensemble des procureurs gĂ©nĂ©raux des cours dâappel a Ă©tĂ© organisĂ©e au mois dâoctobre 2020, et a Ă©tĂ© lâoccasion dâĂ©changer sur des thĂ©matiques communes et de
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LIVRE 4 / Activité de la Cour
présenter un panorama de la jurisprudence civile, sociale, commerciale et criminelle de la Cour de cassation.
Dans la situation sanitaire actuelle, un colloque sur « Les discriminations », orga-nisĂ© par le parquet gĂ©nĂ©ral, a pu se tenir en Grandâchambre le 20 novembre 2020, sans public prĂ©sent, mais en Ă©tant diffusĂ© en direct sur le site internet et les rĂ©seaux sociaux de la Cour de cassation. 9 500 internautes ont pu sây connecter.
Enfin, la Cour de cassation a rendu hommage Ă Pierre Truche.
Premier prĂ©sident de la Cour de cassation de 1996 Ă 1999, Pierre Truche a Ă©gale-ment occupĂ© les fonctions de procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de 1992 Ă 1996. Magistrat dâexception, il fut lâune des figures emblĂ©matiques de la dĂ©fense des droits de lâhomme.
La Cour de cassation lui a rendu hommage le 28 septembre 2020, lors dâune cĂ©rĂ©-monie au cours de laquelle plusieurs hautes personnalitĂ©s â Bruno Cotte, conseil-ler honoraire Ă la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, ancien prĂ©sident de la Haute AutoritĂ© pour la transparence de la vie publique, procureur gĂ©nĂ©ral honoraire prĂšs la Cour de cassation, Mireille Delmas-Marty, professeure honoraire au CollĂšge de France et membre de lâAcadĂ©mie des sciences morales et politiques, Henri Leclerc, avocat Ă la cour, Jean-Olivier Viout, magistrat, membre du Conseil supĂ©rieur de la magistra-ture, Thierry Renoux, professeur agrĂ©gĂ© des facultĂ©s de droit, membre du CollĂšge de dĂ©ontologie, Jean-Paul Jean, prĂ©sident de chambre honoraire Ă la Cour de cassa-tion, Christine Lazerges, professeure Ă©mĂ©rite de droit Ă lâuniversitĂ© Paris 1 PanthĂ©on-Sorbonne, Denis Salas, magistrat, prĂ©sident de lâAssociation française pour lâhistoire de la justice, Antoine Garapon, magistrat, directeur de lâInstitut des hautes Ă©tudes sur la justice â ont partagĂ©, en prĂ©sence de sa famille, de la premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation et du procureur gĂ©nĂ©ral, des souvenirs professionnels illustrant le grand homme de droit quâĂ©tait Pierre Truche.
* * *
Les tableaux ci-aprĂšs prĂ©sentent lâensemble des manifestations organisĂ©es en 2020.
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LIVRE 4 / Activité de la Cour
AUTRES MANIFESTATIONS
Hommage Ă Pierre Truche
Premier prĂ©sident de la Cour de cassation de 1996 Ă 1999, Pierre Truche a Ă©galement occupĂ© les fonctions de procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs cette Cour de 1992 Ă 1996. Magistrat dâexception, il fut lâune des figures emblĂ©matiques de la dĂ©fense des droits de lâhomme.
La Cour de cassation lui a rendu hommage le 28 septembre 2020, lors dâune cĂ©rĂ©-monie au cours de laquelle plusieurs hautes personnalitĂ©s ont partagĂ©, en prĂ©sence de sa famille, de la premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation et du procureur gĂ©nĂ©ral, des souvenirs professionnels marquants.
329
LISTE DES ABRĂVIATIONS
PUBLICATIONS (OUVRAGES, REVUES ET ĂDITEURS)
BICC : Bulletin dâinformation de Cour de cassation
Bull. : Bulletin des arrĂȘts de la Cour de cassation, chambres civiles
Bull. crim. : Bulletin des arrĂȘts de la Cour de cassation, chambre criminelle
D. : Recueil Dalloz-Sirey
JCP : La Semaine juridique, JurisClasseur pĂ©riodique (LexisNexis)â Ă©d. E : Entreprise et affaires â Ă©d. G : Ădition gĂ©nĂ©rale
Rapport, Rapport annuel : Rapport annuel de la Cour de cassation
Recueil Lebon : Recueil des arrĂȘts du Conseil dâEtat
RJS : Revue de jurisprudence sociale
AUTRES ABRĂVIATIONS
ADDH : Association de dĂ©fense des droits de lâhomme
AFDIT : Association française de droit de lâinformatique et de la tĂ©lĂ©communication
AFDP : Association française de droit pénal
AFHJ : Association française pour lâhistoire de la justice
AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
AGS : Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés
AHJUCAF : Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en par-tage lâusage du français
AIDP : Association internationale de droit pénal
AMF : Autorité des marchés financiers
ANPE : Agence nationale pour lâemploi
ARS : Agence régionale de santé
ASSEDIC : Association pour lâemploi dans lâindustrie et le commerce
/ Liste des abréviations
330
CCMSA : Caisse centrale de la mutualité sociale agricole
CDPC : Centre de droit pénal et de criminologie
CE : Conseil dâĂtat
CEE : Communauté économique européenne
CEDH : Cour europĂ©enne des droits de lâhomme
CEMAC : CommunautĂ© Ă©conomique et monĂ©taire de lâAfrique centrale
CESEDA : code de lâentrĂ©e et du sĂ©jour des Ă©trangers et du droit dâasile
CGT : Confédération générale du travail
ch. : chambre(s)
CHSCT : comitĂ© dâhygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail
CIDPH : Convention internationale des droits des personnes handicapées
CIREM : Centre interuniversitaire de recherche sur la premiÚre modernité
CJCE : Cour de justice des Communautés européennes
CJUE : Cour de justice de lâUnion europĂ©enne
CNAF : Caisse nationale dâallocations familiales
Cons. const. : Conseil constitutionnel
CRDPDS : Centre de recherche en droit privé et droit de la santé
CSE : Comité social et économique
CSM : Conseil supérieur de la magistrature
DACS : Direction des affaires civiles et du sceau
DADS : déclaration annuelle de données sociales
DC : contrÎle de constitutionnalité des lois ordinaires, organiques, des traités, des rÚglements des assemblées
DECT : Direction exécutive du Comité contre le terrorisme
DGE : Direction générale des entreprises
DHUP : Direction de lâhabitat, de lâurbanisme et des paysages
DIRECCTE : Direction rĂ©gionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de lâemploi
DNI : dĂ©claration notariĂ©e dâinsaisissabilitĂ©
DUP : Délégation unique du personnel
EIRL : entreprise individuelle à responsabilité limitée
e. a. : et autres
Ă©d. : Ă©ditions
331
/ Liste des abréviations
ENC : Ecole nationale des chartes
ENM : Ecole nationale de la magistrature
ERA : Académie de droit européen
FGTI : fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et dâautres infractions
FGAO : Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages
GIP : groupement dâintĂ©rĂȘt public
GPA : gestation pour autrui
HLM : habitation à loyer modéré
IMGHC : implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité
INA : Institut national de lâaudiovisuel
INPI : Institut national de la propriété industrielle
IRDA : Institut de recherche pour un droit attractif
IRJS : Institut de recherche juridique de la Sorbonne
ITI : indemnitĂ© temporaire dâinaptitude
JAI : Justice et affaires intérieures (Conseil)
JCI : Justice coopération internationale
LDH : Ligue des droits de lâhomme
OHADA : Organisation pour lâharmonisation en Afrique du droit des affaires
OIF : Organisation internationale de la Francophonie
OIT : Organisation internationale du travail
ONIAM : Office national dâindemnisation des accidents mĂ©dicaux, des affections IatrogĂšnes et des infections nosocomiales
ONU : Organisation des Nations unies
ONUDC : Office des Nations unies contre la drogue et le crime
OPA : Office publique dâacquisition
ORTF : Office de radiodiffusion télévision française
PACS : Pacte civil de solidarité
PVC : polychlorure de vinyle
préc. : précité
QPC : question prioritaire de constitutionnalité
RCS : RĂ©seau des Cours suprĂȘmes
RJUE : RĂ©seau judiciaire de lâUnion europĂ©enne
SCI : société civile immobiliÚre
332
SCN : Superior Courts network (Réseau des Cours supérieures)
SCOM : Service de communication (Cour de cassation)
SDER : Service de documentation, des Ă©tudes et du Rapport (Cour de cassation)
SGAE : secrétaire général aux affaires européennes
SLC : Société de législation comparée
SMIC : salaire minimum interprofessionnel de croissance
SPEDIDAM : Société de perception et de distribution des droits des artistes-inter-prÚtes de la musique et de la danse
SRI : service des relations internationales (Cour de cassation)
TVA : taxe sur la valeur ajoutée
T2A : tarification Ă lâactivitĂ©
UEMOA : Union économique et monétaire ouest-africaine
UFR DSPS : Unité de formation et de recherche en droit, sciences politiques et sociales
UNEDIC : Union nationale interprofessionnelle pour lâemploi dans lâindustrie et le commerce
UPEC : université Paris-Est Créteil
UPEM : université Paris-Est Marne-la-Vallée
URSSAF : Union de recouvrement des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale et dâalloca-tions familiales
VRD : voierie et réseaux divers
333
/ Table des matiĂšres
TABLE DES MATIĂRES
LIVRE 1DISCOURS .................................................................................................................................................... 5
DISCOURS PRONONCĂ lors de lâaudience solennelle de dĂ©but dâannĂ©e judiciaire, le 11 janvier 2021, par Madame Chantal Arens, premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation............................................................... 7
DISCOURS PRONONCĂ lors de lâaudience solennelle de dĂ©but dâannĂ©e judiciaire, le 11 janvier 2021, par Monsieur François Molins, procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation ................................................................ 15
LIVRE 2SUGGESTIONS DE MODIFICATIONS LĂGISLATIVES OU RĂGLEMENTAIRES ...................... 21
I/ PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE ................................................................ 23
I. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA PREMIĂRE CHAMBRE CIVILE .......... 23
A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 23Caution ................................................................................................................................... 23
Harmonisation des sanctions en matiĂšre dâinformation de la caution .. 23Officiers publics et ministĂ©riels .................................................................................. 26
RĂŽle du prĂ©sident de la chambre de discipline devant la cour dâappel (articles 16, alinĂ©a 2, et 37 du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 relatif Ă la discipline et au statut des officiers publics ou ministĂ©riels) ............................................................................................ 26
RĂ©gimes matrimoniaux ................................................................................................... 28RĂ©vocation, en cas de divorce, de la clause dâexclusion des biens professionnels des Ă©poux du calcul de la crĂ©ance de participation qui constitue un avantage matrimonial prenant effet Ă la dissolution du rĂ©gime matrimonial ............................................................................................. 28
Soins psychiatriques sans consentement .............................................................. 30ProcĂ©dure aux fins de mainlevĂ©e immĂ©diate dâune mesure dâhospitalisation dâoffice, sur requĂȘte ou dâoffice .......................................... 30Proposition de rĂ©forme du code de la santĂ© publique : la fugue du patient hospitalisĂ© en soins sans consentement ...................... 32
Proposition de réforme de la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation dans les dossiers à délais contraints ..................... 33
B. Suggestions nouvelles ...................................................................................................... 35
334
II. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA DEUXIĂME CHAMBRE CIVILE ......... 36
A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 36Aide juridictionnelle ......................................................................................................... 36Droit des assurances ........................................................................................................ 37
RĂ©forme de lâarticle L. 114-2 du code des assurances : alignement du dĂ©lai de prescription du droit des assurances sur le dĂ©lai de droit commun ................................................................................. 37
Experts et mĂ©diateurs judiciaires .............................................................................. 39Constitution dâun statut de traducteur assermentĂ© distinct de celui dâexpert judiciaire ...................................................................................... 39Rejet non spĂ©cialement motivĂ© du recours contre les dĂ©cisions de refus dâinscription et de rĂ©inscription .......................................................... 40Suspension provisoire de lâexpert judiciaire .................................................... 42Experts judiciaires et mĂ©diateurs : amĂ©lioration de lâĂ©laboration des listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours dâappel â certification ou reconnaissance administrative des mĂ©diateurs ......................................... 43AmĂ©lioration de lâĂ©laboration des listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours dâappel â interdiction du cumul de demandes dâinscription auprĂšs de plusieurs cours dâappel .............................................. 44
ProcĂ©dure civile ................................................................................................................. 45Instruction Ă bref dĂ©lai des affaires relevant de la procĂ©dure ordinaire devant la cour dâappel ........................................................................... 45Communication par voie Ă©lectronique â Refonte des arrĂȘtĂ©s dâapplication de lâarticle 748-1 du code de procĂ©dure civile dans sa rĂ©daction issue du dĂ©cret nÂș 2009-1524 du 9 dĂ©cembre 2009 .................. 46Communication par voie Ă©lectronique â Modification de la procĂ©dure de recours contre les dĂ©cisions du directeur gĂ©nĂ©ral de lâInstitut national de la propriĂ©tĂ© industrielle ........................................... 47DĂ©nonciation au ministĂšre public de lâappel du jugement en matiĂšre de recours en rĂ©vision ........................................................................ 48Ordonnances sur requĂȘte â Harmonisation des rĂšgles concernant la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes et crĂ©ation dâune obligation de signification de la requĂȘte et de lâordonnance lorsque lâarticle 145 du code de procĂ©dure civile est applicable .............................. 49Regroupement des dispositions lĂ©gislatives relatives Ă la procĂ©dure civile ...................................................................................................... 51Transmission Ă©lectronique des dossiers de procĂ©dure ................................. 51
RĂ©paration du prĂ©judice................................................................................................. 53Revalorisation lĂ©gale des rentes indemnitaires ............................................... 53Proposition de modification des dispositions relatives au recours en indemnitĂ© ouvert Ă certaines victimes de dommage rĂ©sultant dâune infraction ........................................................................................................... 54
Saisie immobiliĂšre ............................................................................................................ 54PĂ©remption du commandement valant saisie immobiliĂšre ........................ 54
Surendettement des particuliers ................................................................................ 55ApprĂ©ciation de la situation du surendettement : harmonisation du traitement des dettes professionnelles .......................... 55Effet interruptif de prescription attachĂ© Ă la dĂ©cision de recevabilitĂ© de la demande de traitement dâune situation de surendettement ........... 56
335
/ Table des matiĂšres
SĂ©curitĂ© sociale .................................................................................................................. 57RĂ©paration des consĂ©quences de la faute inexcusable : modification de lâarticle L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale ............. 57Notification de la dĂ©cision attributive de rente AT ...................................... 59
B. Suggestions nouvelles ..................................................................................................... 59
III. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA TROISIĂME CHAMBRE CIVILE ....... 60
A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 60Bail commercial ................................................................................................................. 60
Restitution du dépÎt de garantie .......................................................................... 60Condition de ressources en cas de pluralité de locataires ............................. 61
Article 15, III, de la loi nÂș 89-462 du 6 juillet 1989 tendant Ă amĂ©liorer les rapports locatifs et portant modification de la loi nÂș 86-1290 du 23 dĂ©cembre 1986 ....................................................... 61
B. Suggestions nouvelles ...................................................................................................... 63
IV. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIĂRE ET ĂCONOMIQUE...................................................................................................................................... 64
A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 64Cautionnement ................................................................................................................... 64
Reprise des poursuites par la caution ................................................................. 64Sanction du dĂ©faut dâinformation annuelle de la caution ........................... 65
Banque ................................................................................................................................... 67Action en responsabilitĂ© appartenant au Fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution â Proposition de modification de lâarticle L. 312-6 du code monĂ©taire et financier.............................................................................. 67
ProcĂ©dures collectives .................................................................................................... 69Cession « Dailly » consentie Ă titre de garantie pendant la pĂ©riode suspecte .......................................................................................................................... 69Pourvoi du ministĂšre public contre une dĂ©cision statuant sur la durĂ©e de la pĂ©riode dâobservation ..................................................................................... 70ProcĂ©dures collectives â Distinction de lâirrecevabilitĂ© de la dĂ©claration de crĂ©ance et du rejet de la crĂ©ance ............................................. 72ProcĂ©dures collectives â ResponsabilitĂ© pour insuffisance dâactif â NĂ©gligence ................................................................................................... 73
B. Suggestions nouvelles ..................................................................................................... 74
V. PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE CIVILE POUR LA CHAMBRE SOCIALE ......................... 75
A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 75Droit du travail .................................................................................................................... 75
Rémunération du temps de trajet des salariés itinérants ............................ 75
B. Suggestions nouvelles ..................................................................................................... 76Allaitement dâun enfant sur le lieu de travail................................................... 76Modification de lâarticle R. 1423-33 du code du travail ............................. 77
336
II/ PROPOSITIONS DE RĂFORME EN MATIĂRE PĂNALE POUR LA CHAMBRE CRIMINELLE ...................................................................................................... 79
A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 79Procédure pénale............................................................................................................... 79
Extension de lâappel en matiĂšre de contravention de police ..................... 79Extension de la reprĂ©sentation obligatoire devant la chambre criminelle ....................................................................................................................... 80Pourvoi en cassation â Moment de la dĂ©signation dâun conseiller rapporteur : modifications des articles 587 et 588 du code de procĂ©dure pĂ©nale ........................................................................................................ 81Pourvoi en cassation â PossibilitĂ© dâadresser un mĂ©moire personnel dans un dĂ©lai dâun mois Ă compter de la rĂ©ception du dossier : modification de lâarticle 567-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale ................... 83Modification de lâarticle 380-11 du code de procĂ©dure pĂ©nale ................ 84CrĂ©ation dâun rĂ©pertoire unique et centralisĂ© des personnes majeures protĂ©gĂ©es..................................................................................................... 86
B. Suggestions nouvelles ..................................................................................................... 89Procédure pénale............................................................................................................... 89
Comparution du condamné ................................................................................... 89Droit pénal spécial ............................................................................................................ 91
Placement sous scellés suite aux opérations de saisie ................................... 91
III/ PROPOSITIONS DE RĂFORME NON SUIVIES ANTĂRIEURES Ă 2019 ........................... 93
LIVRE 3JURISPRUDENCE DE LA COUR ............................................................................................................ 99
I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION ....................................................................................................... 103
A. Formation pléniÚre ........................................................................................................... 103
B. Formation mixte ................................................................................................................ 103
C. Avis rendus par les chambres ..................................................................................... 1031. Avis rendus en matiÚre civile ................................................................................ 1032. Avis rendu en matiÚre pénale ............................................................................... 105
II. ARRĂTS RENDUS EN ASSEMBLĂE PLĂNIĂRE ET EN CHAMBRE MIXTE ......................................... 106
A. AssemblĂ©e plĂ©niĂšre ......................................................................................................... 1061. ArrĂȘts rendus en matiĂšre civile ............................................................................ 1062. ArrĂȘts rendus en matiĂšre pĂ©nale ......................................................................... 110
B. Chambre mixte .................................................................................................................. 112
III. ARRĂTS RENDUS PAR LES CHAMBRES ........................................................................................... 113
A. Droit des personnes et de la famille ........................................................................ 1131. Ătat civil et filiation ................................................................................................... 1132. DonnĂ©es Ă caractĂšre personnel ............................................................................ 115
337
/ Table des matiĂšres
3. Protection des consommateurs ............................................................................ 118
B. Droit du travail .................................................................................................................... 1201. Contrat de travail, organisation et exécution du travail ............................ 120
a. Emploi et formation ............................................................................................ 120b. Droits et obligations des parties au contrat de travail ........................... 120c. Modification dans la situation juridique de lâemployeur ...................... 120d. Contrats et statuts particuliers ........................................................................ 120e. Transfert du contrat de travail ......................................................................... 123f. Coemploi .................................................................................................................. 125
2. Durée du travail et rémunération ........................................................................ 128a. Durée du travail, repos et congés ................................................................... 128b. Rémunération ........................................................................................................ 131
3. SantĂ© et sĂ©curitĂ© au travail .................................................................................... 1324. ĂgalitĂ© de traitement, discrimination, harcĂšlement ................................... 134
a. ĂgalitĂ© de traitement ........................................................................................... 134b. Discrimination ....................................................................................................... 134c. HarcĂšlement ........................................................................................................... 137
5. Accords collectifs et conflits collectifs de travail ........................................ 137a. Conventions et accords collectifs ................................................................... 137b. Conflits du travail ................................................................................................. 137
6. ReprĂ©sentation du personnel et Ă©lections professionnelles.................... 139a. Ălections, reprĂ©sentativitĂ©, reprĂ©sentants syndicaux : mise en Ćuvre de la loi du 20 aoĂ»t 2008 ........................................................................... 139b. Ălections, syndicats hors application de la loi du 20 aoĂ»t 2008 ......... 139c. Protection des reprĂ©sentants du personnel ................................................ 139d. Fonctionnement des institutions reprĂ©sentatives du personnel......... 139e. Syndicat professionnel ........................................................................................ 143
7. Rupture du contrat de travail ................................................................................ 145a. Rupture conventionnelle ................................................................................... 145b. Contrat de travail à durée déterminée ......................................................... 145c. Indemnités de rupture ........................................................................................ 145d. Licenciement.......................................................................................................... 147
8. Actions en justice ........................................................................................................ 149a. Compétence ............................................................................................................ 149b. Séparation des pouvoirs ..................................................................................... 149
C. Droit immobilier, environnement et urbanisme ................................................... 1491. Bail (rÚgles générales) .............................................................................................. 1492. PrivilÚges ........................................................................................................................ 1513. Prescription ................................................................................................................... 1524. Responsabilité ............................................................................................................. 153
D. Activités économiques, commerciales et financiÚres ....................................... 1601. Concurrence déloyale ............................................................................................... 1602. Entreprises en difficulté .......................................................................................... 1623. ImpÎts et taxes ............................................................................................................ 1664. Propriété littéraire et artistique............................................................................ 1715. Sociétés........................................................................................................................... 175
338
E. Responsabilité civile, assurance et sécurité sociale .......................................... 1771. Assurance ....................................................................................................................... 1772. Sécurité sociale ........................................................................................................... 1823. Aide sociale ................................................................................................................... 1874. Responsabilité civile ................................................................................................. 190
F. ProcĂ©dure civile et organisation des professions ................................................. 1971. Action en justice ......................................................................................................... 1972. Appel civil ...................................................................................................................... 1983. CompĂ©tence .................................................................................................................. 2034. Fonds de garantie ....................................................................................................... 2055. Mesures dâinstruction ............................................................................................... 2076. ProcĂ©dure civile dâexĂ©cution ................................................................................. 208
G. Droit pénal et procédure pénale ................................................................................. 2091. Droit pénal général .................................................................................................... 2092. Droit pénal spécial ..................................................................................................... 2093. Procédure pénale ........................................................................................................ 217
H. Application du droit de lâUnion europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme et du droit international ............................... 228
1. Droit de lâUnion europĂ©enne ................................................................................. 2282. Droit de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme .................... 235
IV. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITĂ (QPC) ............................................................. 242
LIVRE 4ACTIVITĂ DE LA COUR ............................................................................................................................. 245
I. ACTIVITĂ JURIDICTIONNELLE ............................................................................................................. 247
BILAN DâACTIVITĂ DE LA COUR DE CASSATION POUR LâANNĂE 2020 ................................................. 249
A. LâactivitĂ© juridictionnelle de la Cour de cassation .............................................. 2491. LâactivitĂ© des chambres civiles ............................................................................. 249
1. Ăvolution des affaires nouvelles et terminĂ©es et durĂ©e des procĂ©dures civiles, commerciales et sociales 2011-2020 ..................... 2492. Les abandons de procĂ©dure .............................................................................. 2523. Les pourvois orientĂ©s .......................................................................................... 2534. De la statistique des pourvois Ă la statistique des dĂ©cisions ................. 2545. Les dĂ©cisions prononcĂ©es par les chambres ............................................... 2556. DurĂ©e moyenne des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois prononcĂ©es en 2020 ........................................................................ 2657. Les formations de jugement ............................................................................. 266
2. LâactivitĂ© de la chambre criminelle .................................................................... 2692.1. Ăvolution des pourvois jugĂ©s en matiĂšre pĂ©nale .................................. 2692.2. RĂ©partition du contentieux pĂ©nal en 2020 par nature dâaffaires .... 270
339
/ Table des matiĂšres
2.3. Répartition des pourvois jugés en matiÚre penale en 2020 par catégorie de décisions ....................................................................................... 2712.4. Durée moyenne de traitement des pourvois en matiÚre pénale (en jours) ........................................................................................................................ 272
3. Les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ............................. 272
B. LâactivitĂ© des juridictions et commissions placĂ©es auprĂšs de la Cour de cassation ................................................................................................................................ 278
1. La Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles .................................................... 2782. La commission dâinstruction des demandes en rĂ©vision et en rĂ©examen et la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen des condamnations pĂ©nales ......................................................................................... 2793. La Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions ........................... 280
a. Ătude statistique des recours et des dĂ©cisions ............................................ 280b. Analyse de la jurisprudence ............................................................................... 282
C. Le bureau dâaide juridictionnelle ................................................................................ 284
II. SERVICE DE DOCUMENTATION, DES ĂTUDES ET DU RAPPORT DE LA COUR DE CASSATION ....... 287
ACTIVITĂ 2020 DU SERVICE DE DOCUMENTATION, DES ĂTUDES ET DU RAPPORT DE LA COUR DE CASSATION ......................................................................................................................................... 289
A. La participation du SDER Ă la rĂ©forme de la Cour ............................................. 2891. La nouvelle organisation du service ................................................................... 2892. Lâaide Ă la sĂ©lection des pourvois ....................................................................... 2903. Lâaide Ă la dĂ©cision ..................................................................................................... 2904. La participation aux groupes de travail ............................................................ 2915. Les relations extĂ©rieures au SDER ..................................................................... 291
B. La mise en valeur et la diffusion de la jurisprudence ...................................... 2921. Le traitement et la publication des arrĂȘts ....................................................... 2932. Les bases jurisprudentielles de la Cour de cassation ................................ 2933. Le mouvement de lâopen data .............................................................................. 294
III. RELATIONS EUROPĂENNES ET INTERNATIONALES ....................................................................... 297
RELATIONS EUROPĂENNES ET INTERNATIONALES EN 2020 .............................................................. 299
A. Le renforcement de la coopĂ©ration europĂ©enne .................................................. 3001. Lâenrichissement du dialogue bilatĂ©ral entre Cours suprĂȘmes europĂ©ennes......................................................................................................................... 3002. Lâapprofondissement du dialogue bilatĂ©ral avec les cours europĂ©ennes : CEDH et CJUE ..................................................................................... 301
Avec la Cour EDH .................................................................................................... 302Avec la CJUE ............................................................................................................... 303Lâextension de la participation de la Cour de cassation au sein des rĂ©seaux europĂ©ens ............................................................................................... 304
B. Lâouverture Ă de nouveaux axes de coopĂ©ration internationale .................... 3061. La coopĂ©ration bilatĂ©rale avec les pays de la francophonie notamment avec les pays du Moyen-Orient et du Golfe ................................. 3062. Le dĂ©veloppement dâactions de coopĂ©ration en Asie ................................ 306
340
3. Le renforcement des actions de coopération en Amérique du Nord et du Sud .............................................................................................................................. 307
Conclusion .................................................................................................................... 307
C. Un dialogue multilatĂ©ral au sein de lâAssociation des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage lâusage du français (AHJUCAF) ....... 308
IV. LES LIENS AVEC LE GRAND PUBLIC ................................................................................................. 311
V. MANIFESTATIONS ORGANISĂES Ă LA COUR DE CASSATION ............................................................ 315
LISTE DES ABRĂVIATIONS ..................................................................................................................... 329