RAPPORT 2020 ANNUEL

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RAPPORT ANNUEL 2020

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RAPPORTANNUEL 2020

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Code de l’organisation judiciaire

Article R. 431-9 (dĂ©cret n°2008-52 du 2 juin 2008) :“Il est fait rapport annuellement au prĂ©sident de la RĂ©publique et au garde des sceaux, ministre de la justice, de la marche des procĂ©dures et de leurs dĂ©lais d’exĂ©cution.”Article R. 431-10 (dĂ©cret n°2008-522 du 2 juin 2008) :“Le premier prĂ©sident et le procureur gĂ©nĂ©ral peuvent appeler l’attention du garde des sceaux, ministre de la justice, sur les constatations faites par la Cour Ă  l’occasion de l’examen des pourvois et lui faire part des amĂ©liorations qui leur paraissent de nature Ă  remĂ©dier aux difficultĂ©s constatĂ©es.”

Avertissement

Ayant constatĂ© que des Ă©tudes ou des commentaires d’arrĂȘts avaient Ă©tĂ© reproduits sans autorisation, la Cour de cassation entend rappeler ce qui suit :

En application du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle, toute repoduction ou reprĂ©sentation intĂ©grale ou partielle de la prĂ©sente publication, faite par quelque procĂ©dĂ© que ce soit (reprographie, microfilmage, scannĂ©risation, numĂ©risation...), sans le consentement de l’éditeur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnĂ©e par les articles L. 335-2 et suivants du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle.Il est Ă©galement prĂ©cisĂ© que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre Ă©conomique des circuits du livre.

© Direction de l’information lĂ©gale et administrative, Paris, 2021Direction artistique pour la couverture et les pages 1et 2 : Service de communication de la Cour de cassationISBN : 978-2-11-157483-0ISSN : 0984-5925

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SOMMAIRE

LIVRE 1DISCOURS .................................................................................................................................................... 5

LIVRE 2SUGGESTIONS DE MODIFICATIONS LÉGISLATIVES OU RÉGLEMENTAIRES ...................... 21

LIVRE 3JURISPRUDENCE DE LA COUR ............................................................................................................ 99

LIVRE 4ACTIVITÉ DE LA COUR ............................................................................................................................. 245

LISTE DES ABRÉVIATIONS ..................................................................................................................... 329

TABLE DES MATIÈRES ............................................................................................................................. 333

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LIVRE 1

DISCOURS

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/ Discours de la premiÚre présidente

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DISCOURS PRONONCÉ lors de l’audience solennelle de dĂ©but d’annĂ©e judiciaire, le 11 janvier 2021, par

Madame Chantal Arens, premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation

Monsieur le Premier ministre,

La Cour de cassation vous remercie de votre prĂ©sence Ă  cette audience solennelle, qui marque le dĂ©but de l’annĂ©e judiciaire. Ces audiences sont parfois l’occasion de faire le bilan des annĂ©es passĂ©es. Celle-ci sera porteuse de projets d’avenir pour notre institu-tion. À sa mesure, sachez que la Cour de cassation est rĂ©solument engagĂ©e dans cette voie.

Monsieur le garde des sceaux,

Soyez Ă©galement remerciĂ© pour votre prĂ©sence qui tĂ©moigne de l’intĂ©rĂȘt que vous portez aux conditions dans lesquelles magistrats et fonctionnaires de justice accom-plissent leur mission, trĂšs souvent avec dĂ©vouement et abnĂ©gation.

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les prĂ©sidents et procureurs gĂ©nĂ©raux des Cours suprĂȘmes,

Monsieur le prĂ©sident de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme,

Monsieur le président du Conseil constitutionnel,

Monsieur le vice-prĂ©sident du Conseil d’État,

Madame la DĂ©fenseure des droits,

Monsieur le premier président de la Cour des comptes,

Madame la procureure générale prÚs ladite Cour,

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil supérieur de la magistrature,

Mesdames et Messieurs les hautes personnalités représentant les autorités civiles et militaires,

Monsieur le prĂ©sident de l’ordre des avocats au Conseil d’État et Ă  la Cour de cassation,

Mesdames et Messieurs les représentants des professions judiciaires,

Mesdames et Messieurs, ici présents,

Mais aussi vous tous qui suivez cette audience solennelle Ă  distance, retransmise en direct sur le site internet de la Cour de cassation, faute de pouvoir partager ce moment fort de l’annĂ©e judiciaire avec nous, en raison de l’épidĂ©mie de Covid 19 qui sĂ©vit encore aujourd’hui en France et dans le monde.

En effet, et alors que la Cour de cassation a traditionnellement le plaisir d’accueil-lir Ă  son audience solennelle de rentrĂ©e prĂšs de 600 invitĂ©s, et parce qu’avec Monsieur le procureur gĂ©nĂ©ral nous avons pris la dĂ©cision de maintenir cette audience malgrĂ© le

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contexte sanitaire actuel, le nombre d’invitĂ©s a dĂ» ĂȘtre trĂšs sensiblement rĂ©duit et nous adressons, aux personnalitĂ©s qui suivent cet Ă©vĂ©nement Ă  distance, nos sincĂšres remer-ciements pour leur comprĂ©hension et leur fidĂ©litĂ©.

Cette rentrĂ©e solennelle s’inscrit donc dans un contexte tout particulier.

Un contexte de crises protĂ©iformes : crise terroriste, alors que plusieurs attentats ont encore frappĂ© notre pays et que les dĂ©fis et enjeux sĂ©curitaires sont de plus en plus prĂ©gnants ; crise sanitaire, qui a confrontĂ© la France et le monde Ă  une situation inĂ©-dite par son ampleur et sa gravitĂ©, insĂ©curisante en l’absence de toute certitude sur les perspectives Ă  moyen et long terme ; crise Ă©conomique et sociale, dont on ne mesure encore pas totalement l’ampleur, mais dont on voit hĂ©las dĂ©jĂ  les consĂ©quences dra-matiques pour les plus fragiles.

Vous le savez, cette crise a bouleversĂ© le fonctionnement de l’institution judiciaire.

Au printemps dernier, la justice confinée a fonctionné au ralenti, réduite au traite-ment des contentieux les plus essentiels.

Cet Ă©pisode a rĂ©vĂ©lĂ© l’impĂ©rative nĂ©cessitĂ© de faire Ă©voluer, rapidement et profondĂ©-ment nos mĂ©thodes de travail, nos organisations et nos systĂšmes informatiques, afin que les juridictions puissent poursuivre leur activitĂ© juridictionnelle en toutes circonstances.

Lors de la deuxiĂšme vague de l’épidĂ©mie, la justice bien que non Ă©pargnĂ©e Ă©tait mieux prĂ©parĂ©e pour maintenir son activitĂ©.

MalgrĂ© ce contexte difficile, je me fĂ©licite que la Cour de cassation ait pu poursuivre ses diffĂ©rentes missions grĂące Ă  l’investissement essentiel et dĂ©terminant de tous, et en particulier, celui du personnel de greffe, reprĂ©sentĂ© ici par Madame la directrice du greffe de la Cour de cassation, que je remercie solennellement.

Au-delĂ  de la seule Cour de cassation, je salue le fort investissement de l’ensemble des magistrats et fonctionnaires des juridictions et leur mobilisation sans faille, alors que leurs conditions de travail Ă©taient encore plus difficiles que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes.

Je vous annonçais, l’an dernier, la mise en place de nombreux groupes de travail, appe-lĂ©s Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  l’évolution et l’amĂ©lioration de l’action de la Cour. Je pense notamment aux rĂ©flexions menĂ©es sur le contrĂŽle de conventionnalitĂ© ou le traitement des ques-tions prioritaires de constitutionnalitĂ©, qui occupent une place croissante dans l’office du juge de cassation, comme l’actualitĂ© jurisprudentielle l’a encore rĂ©cemment illustrĂ©.

Je pense encore aux actions menĂ©es en faveur du renforcement du dialogue et des relations avec les juridictions du fond comme avec les avocats aux Conseils, ou bien aux avancĂ©es rĂ©alisĂ©es en matiĂšre d’éthique et de dĂ©ontologie du juge de cassation.

Je pense enfin au travail essentiel tendant Ă  l’harmonisation des mĂ©thodes de travail Ă  la Cour de cassation, pour une meilleure lisibilitĂ© et une efficacitĂ© accrue du traite-ment des pourvois. L’ensemble de ces travaux a Ă©tĂ© conduit avec succĂšs, et je souhaite remercier solennellement tous ceux qui ont contribuĂ© Ă  cette avancĂ©e majeure pour la Cour : les prĂ©sidents de chambre, dont la contribution a Ă©tĂ© essentielle, les magistrats du siĂšge et du parquet gĂ©nĂ©ral, personnels de greffe, avocats aux Conseils.

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J’en profite pour saluer la trĂšs grande qualitĂ© des relations entretenues avec Monsieur le procureur gĂ©nĂ©ral, la richesse des contributions des membres du parquet gĂ©nĂ©ral tout au long de ces travaux, et leur complĂšte adhĂ©sion aux projets menĂ©s pour la Cour.

Je remercie chaleureusement le prĂ©sident Louis BorĂ© pour son entiĂšre coopĂ©ra-tion aux rĂ©flexions engagĂ©es tout au long de l’annĂ©e qui vient de s’achever et qui ont vocation Ă  se poursuivre au cours de cette nouvelle annĂ©e. À n’en pas douter, le prĂ©-sident MoliniĂ© qui lui succĂšde aura Ă  cƓur de consolider la qualitĂ© de nos Ă©changes avec l’ordre, dans l’intĂ©rĂȘt de la Cour comme des justiciables.

Des propositions concrÚtes ont été faites et des réformes mises en place, dont vous retrouverez le détail dans un document annexe, mis à votre disposition.

Je rappellerai simplement que l’objectif de ces rĂ©flexions et rĂ©formes a Ă©tĂ© de renfor-cer la cohĂ©rence de l’action de la Cour de cassation et de consolider son rĂŽle normatif.

Ainsi, trois circuits diffĂ©renciĂ©s ont Ă©tĂ© mis en place afin d’adapter les mĂ©thodes de travail de la Cour Ă  la complexitĂ© de certains dossiers et de se concentrer sur les seules affaires nĂ©cessitant un examen approfondi, les affaires plus simples Ă©tant orien-tĂ©es vers des circuits de traitement plus rapides. Le renforcement du dialogue avec les juges du fond, que j’évoquais il y a un instant, est Ă  l’origine de nouveaux outils pĂ©da-gogiques de prĂ©sentation et de diffusion des arrĂȘts de la Cour. Enfin, au niveau natio-nal comme international, le dialogue des juges s’est trĂšs sensiblement enrichi, grĂące Ă  des rencontres rĂ©guliĂšres autour de sujets communs, et parfois, selon de nouveaux for-mats en raison du contexte actuel.

À cet Ă©gard, je remercie de leur prĂ©sence Ă  cette audience Monsieur le prĂ©sident du Conseil constitutionnel et Monsieur le vice-prĂ©sident du Conseil d’État, qui tĂ©moigne de l’excellence des relations entretenues avec la Cour de cassation sur des thĂšmes d’in-tĂ©rĂȘt commun.

Je salue Ă©galement la prĂ©sence de nos partenaires europĂ©ens et internatio-naux : Monsieur Spano, prĂ©sident de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, Madame Solovieff, procureure gĂ©nĂ©rale prĂšs la Cour supĂ©rieure de justice de Luxembourg et Monsieur Ondo Mve, prĂ©sident de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA. La crise sanitaire n’a hĂ©las pas permis Ă  plusieurs de nos homologues Ă©tran-gers d’ĂȘtre prĂ©sents, tels Monsieur Wiwinius, prĂ©sident de la Cour supĂ©rieure de justice de Luxembourg et prĂ©sident du RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours supĂ©rieures judiciaires de l’Union europĂ©enne, que je tiens Ă  remercier pour son action dĂ©terminante au ser-vice de la coopĂ©ration judiciaire.

La crise Ă  laquelle nous sommes confrontĂ©s a illustrĂ© la nĂ©cessitĂ© de renforcer le dialogue des juges. À cet Ă©gard, je tiens plus particuliĂšrement Ă  saluer le premier prĂ©-sident de la Cour de cassation du Liban, Monsieur Souheil Abboud, invitĂ© d’honneur de cette audience de rentrĂ©e Ă  laquelle, fort malheureusement, il n’a pas pu se rendre. Le prĂ©sident Abboud mĂšne une action dĂ©terminante dans le renforcement du dialogue des juges, tant sur le plan bilatĂ©ral qu’au sein de l’Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF) qu’il prĂ©side, et dans la dĂ©fense de la dĂ©mocratie, des droits fondamentaux et de l’État de droit, valeurs qui sont au cƓur des actions de coopĂ©ration de la Cour de cassation. Il nous a fait par-venir un message du Liban, que nous aurons le plaisir de vous faire partager Ă  la fin de cette audience solennelle.

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Les rĂ©flexions de la Cour de cassation se poursuivent aujourd’hui avec la mise en place de comitĂ©s de suivi ou de nouvelles commissions, par exemple en matiĂšre de mĂ©diation Ă  la Cour de cassation ou encore, sur la dĂ©matĂ©rialisation des procĂ©dures nĂ©cessaires au traitement des pourvois en matiĂšre pĂ©nale ou chaque fois que la reprĂ©-sentation par avocat n’est pas obligatoire.

Dans cette mĂȘme approche dynamique, et pour donner sens et cohĂ©rence Ă  son action, j’ai souhaitĂ© que la Cour de cassation se projette dans une perspective Ă  plus long terme et qu’elle rĂ©flĂ©chisse Ă  ce qu’elle pourrait devenir Ă  moyenne Ă©chĂ©ance. Nous avons, avec Monsieur le procureur gĂ©nĂ©ral, mis en place une Commission de rĂ©flexion, intitulĂ©e « Cour de cassation 2030 », chargĂ©e d’identifier les grandes tendances qui se dessinent dans l’environnement juridique, institutionnel et international de la Cour de cassation et d’envisager leurs consĂ©quences sur sa place et son office. Le prĂ©sident Potocki a acceptĂ© de conduire cette mission qui se traduira par la remise d’un rapport en septembre 2021. Je le remercie vivement, ainsi que l’ensemble des membres de la Commission, pour leur implication dans ce projet ambitieux.

Depuis peu, une rĂ©flexion sur la mise en place de formations ad hoc Ă  la Cour de cassation a Ă©tĂ© engagĂ©e, afin de permettre le traitement rapide et efficace des affaires d’une particuliĂšre complexitĂ©, nĂ©cessitant l’expertise croisĂ©e de plusieurs magistrats reconnus pour leur compĂ©tence dans les domaines concernĂ©s, et pouvant appartenir Ă  diffĂ©rentes chambres de la Cour.

Le traitement des pourvois formĂ©s contre les arrĂȘts rendus par la chambre com-merciale internationale de la cour d’appel de Paris, qui couvrent des questions de droit commercial international, d’arbitrage et de procĂ©dure, est un parfait exemple de ces affaires Ă  forts enjeux qui mĂ©ritent une apprĂ©hension globale, par des magistrats spĂ©-cialisĂ©s rĂ©unis en une formation ad hoc.

Vous le voyez, la Cour de cassation souhaite, plus que jamais, ancrer son action au cƓur mĂȘme de notre sociĂ©tĂ© et relever les dĂ©fis du xxie siĂšcle dans toute leur com-plexitĂ©. La pĂ©riode actuelle rĂ©vĂšle ce que ces dĂ©fis peuvent avoir d’imprĂ©visible, dessi-nant de nouvelles prioritĂ©s pour la justice de demain.

Dans des temps aussi incertains, marquĂ©s par la peur et l’isolement, il est crucial que la justice occupe toute sa place : celle d’une institution essentielle Ă  la cohĂ©sion de la Nation.

Pour cela, je voudrais revenir quelques instants sur la figure du juge ; celui qui, Ă©ty-mologiquement, dit le droit, mais qui ne saurait ĂȘtre rĂ©duit Ă  cela.

Le juge est avant tout ce tiers indépendant et impartial dont chaque société consti-tuée a besoin pour faire valoir et veiller au respect des droits de chacun ; pour faire cesser les troubles, mettre fin aux litiges, réparer les dommages, apaiser les conflits, protéger les plus vulnérables, rappeler la dignité et le respect des droits de chacun et de la liberté individuelle, en bref, assurer la paix sociale.

Je voudrais vous parler de ce juge auquel, depuis la nuit des temps, chacune et chacun a recours lorsque le conflit s’installe et que le dialogue n’a plus sa place ; lorsque l’in-justice ou la loi du plus fort cherche Ă  opprimer, Ă  bafouer les droits d’autrui ; lorsqu’il est portĂ© atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© et Ă  l’ordre public.

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Je voudrais vous parler de ce juge qui protĂšge, qui rĂ©pare, qui pacifie, qui rĂ©gule, prĂ©cisĂ©ment parce qu’aujourd’hui, alors que la sociĂ©tĂ© a plus que jamais besoin de lui, son image se brouille.

Pour Ă©voquer ce juge, j’ai choisi une fable de tradition bĂ©douine : la fable du « dou-ziĂšme chameau », si bien contĂ©e par François Ost. Ce bref rĂ©cit nous dit beaucoup de la place du juge dans la sociĂ©tĂ© et plus largement du rĂŽle que le droit y tient. Permettez-moi de la partager avec vous :

« Trois fils se disputent l’exĂ©cution du testament de leur pĂšre, rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ©. Non pas en raison de l’inĂ©galitĂ© des parts, coutumiĂšre en ces temps reculĂ©s, mais plutĂŽt en raison de l’hĂ©ritage Ă  partager : un cheptel rĂ©duit Ă  onze chameaux. L’aĂźnĂ© devant recevoir la moitiĂ© du cheptel, le puĂźnĂ© le quart, et le cadet le sixiĂšme, le partage semblait impossible. Sur le point d’en venir aux mains, les frĂšres font alors appel Ă  la sagesse du khadi qui, aprĂšs avoir rĂ©flĂ©chi, leur dit : “Prenez un de mes chameaux, faites votre par-tage, puis vous me le rendrez.” InterloquĂ©s, les frĂšres ne tardĂšrent pas Ă  rĂ©aliser l’ingĂ©-niositĂ© du khadi : avec douze chameaux, le partage devenait fort aisĂ© – chacun reçut sa part et le douziĂšme chameau ne manqua pas d’ĂȘtre restituĂ©. »

Cette parabole illustre, sans doute, le vĂ©ritable office du juge, dans ce moment au cours duquel les ĂȘtres humains dĂ©cident de confier le rĂšglement de leur litige Ă  un tiers reconnu lequel, par sa seule intervention et son aptitude Ă  rĂ©soudre le diffĂ©rend qui lui est soumis, en appelle Ă  la rĂšgle de droit et donne ainsi naissance Ă  une situation juri-dique nouvelle. À Ă©gale distance des parties, ce tiers rend l’échange possible, mettant au mĂȘme niveau les protagonistes et restaurant le lien social.

Cette mission originelle semble pourtant bouleversĂ©e face Ă  une complexification de l’environnement juridique, Ă  une demande croissante de justice, et Ă  des impĂ©ratifs quantitatifs toujours plus prĂ©gnants. Le juge, fragilisĂ© dans l’exercice de sa mission, se retrouve aussi, parfois, interrogĂ© dans son office.

Ainsi, il doit faire face à une complexification croissante du droit : la norme appli-cable devient multiple quant à son origine, sa portée ou sa valeur normative, sans comp-ter la multiplication des lois de circonstances, qui changent ou évoluent constamment.

La densification du paysage normatif entraßne alors, inexorablement, la complexi-fication de la tùche du juge mais aussi, paradoxalement, le dévoiement de son office.

Trop souvent appelé en bout de chaßne, tardivement, pour sanctionner la violation de rÚgles de toutes natures, mobilisé par cet office sanctionnateur, le juge se voit contraint de délaisser ses autres missions, régulatrice et interprétative, pourtant essentielles.

Ce mĂȘme juge est, par ailleurs, destinataire d’injonctions contradictoires, tiraillĂ© entre des exigences de quantitĂ© et de qualitĂ©, enfermĂ© dans une logique de gestion qui le conduit Ă  emprunter les codes d’une administration de production en termes de flux, de stocks ou de dĂ©lais, l’éloignant du cƓur de sa mission. Les citoyens attendent de lui qu’il soit Ă  la fois rĂ©pressif, protecteur, psychologue, administrateur.

Sur un plan plus institutionnel, la justice est affectĂ©e de plusieurs maux qu’il convient d’identifier clairement et de prendre en compte.

Je veux souligner ici la solitude que connaßt particuliÚrement le juge civil et qui contri-bue à la désaffection de ses fonctions. La réduction de la collégialité, parfois justifiée,

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en a fait un juge solitaire, isolĂ© dans son exercice. La fonction a beaucoup perdu de son attractivitĂ©. Le travail Ă  distance des tribunaux se gĂ©nĂ©ralise Ă  bas bruit, ce que la crise sanitaire accentue. Le juge, seul, dans un colloque singulier avec ses dossiers, est sou-vent amenĂ© Ă  renoncer Ă  s’investir plus avant dans la vie de sa juridiction.

Je veux Ă©galement Ă©voquer la crise de lĂ©gitimitĂ© que connaĂźt l’institution judiciaire, rĂ©vĂ©latrice du dĂ©ficit de confiance qu’on lui accorde.

Beaucoup ont encore du mal Ă  se dĂ©partir d’une conception rĂ©ductrice du juge « bouche de la loi ». Le spectre d’un « gouvernement des juges » dĂ©nuĂ©s de lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique est prompt Ă  ressurgir chaque fois qu’une dĂ©cision de justice dĂ©range ou n’est pas suffisamment comprise, de sorte que l’acceptation mĂȘme de l’office du juge juridictionnel est parfois difficile.

Or, plutĂŽt que de prĂ©senter le juge dans une logique d’opposition avec les autres pouvoirs, ne faut-il pas l’accepter Ă  sa juste place de dĂ©fenseur de l’État de droit et de la dĂ©mocratie, dans le cadre d’une interaction renforcĂ©e avec les auxiliaires de justice et plus particuliĂšrement les avocats ?

L’un des fondements de la confiance des citoyens en la justice est certainement la lĂ©gitimitĂ© de ceux qui prennent des dĂ©cisions « au nom du peuple français ». En France, le juge ne tient pas sa lĂ©gitimitĂ© de l’élection, mais bien plutĂŽt de son indĂ©pendance et de son impartialitĂ©, de la responsabilitĂ© qui dĂ©coule de ses fonctions, de sa dĂ©ontolo-gie, de sa formation et de ses mĂ©thodes de travail.

C’est une lĂ©gitimitĂ© tout Ă  la fois constitutionnelle et Ă©thique, fruit, je le rĂ©pĂšte, d’une formation extrĂȘmement rigoureuse, Ă  la hauteur des responsabilitĂ©s qui sont les siennes.

Pourtant, cette lĂ©gitimitĂ© vacille aujourd’hui : elle est rĂ©guliĂšrement interrogĂ©e, certains cherchant mĂȘme Ă  faire naĂźtre le doute.

Pour que la confiance des justiciables soit restaurĂ©e et que la justice puisse retrou-ver la place qui est la sienne dans un fonctionnement harmonieux des institutions qui concourent Ă  l’État de droit, il faut penser d’autres voies pour demain.

Je vous le dis : l’allocation impĂ©rieuse de moyens supplĂ©mentaires et l’augmenta-tion des effectifs, toujours d’actualitĂ©, ne suffiront pas.

De nouveaux dĂ©fis se prĂ©sentent Ă  nous, que la crise sanitaire a exacerbĂ©s : la ques-tion de l’accĂšs au juge, celle des mĂ©thodes de travail des magistrats mais aussi des gref-fiers, qui se posent avec une nouvelle acuitĂ©. Une nouvelle transformation numĂ©rique devient Ă  la fois une urgence absolue et un dĂ©fi technologique, face Ă  la vĂ©tustĂ© de l’équi-pement informatique des cours et tribunaux.

Au-delĂ  de ces aspects, il est urgent d’intervenir et de reconfigurer l’institution judiciaire, dans une approche systĂ©mique. Le juge doit ĂȘtre acteur de cette refonda-tion dans le cadre d’une mobilisation collective de l’ensemble des partenaires et inter-locuteurs concernĂ©s.

Le juge de demain est un juge ouvert sur le monde. Il lui faudra les moyens de consulter des sachants, de connaĂźtre et de s’inspirer des pratiques de ses homologues Ă©trangers, comme du fonctionnement des autres institutions ou administrations.

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Cela implique de rĂ©flĂ©chir Ă  son pĂ©rimĂštre d’action, et surtout, de promouvoir et de donner vie Ă  l’équipe autour de lui, Ă  l’instar de ce qui existe dans d’autres institutions comparables, pour lui permettre de se recentrer sur son activitĂ© juridictionnelle, pour rompre avec l’isolement et pour favoriser la rĂ©flexion collective, non pas uniquement avec ses pairs mais avec ses interlocuteurs du quotidien : greffiers, avocats, universitaires.

Le juge de demain, au cƓur d’une Ă©quipe structurĂ©e, doit ĂȘtre formĂ© Ă  la gestion des ressources humaines. L’École nationale de la magistrature, qui a beaucoup enrichi son offre de formation ces derniĂšres annĂ©es en ce domaine, pourrait encore plus lui donner les outils indispensables Ă  la direction d’une Ă©quipe, d’un service ou d’une juri-diction. Permettez-moi de saluer cette prestigieuse École et plus particuliĂšrement sa nouvelle directrice, animĂ©e de grandes ambitions pour maintenir au plus haut la qua-litĂ© de l’enseignement qui y est dispensĂ©.

Le juge de demain, mieux entourĂ©, doit aussi ĂȘtre mieux prĂ©parĂ©, pour faire face Ă  des contentieux qui se complexifient. Il faut favoriser la spĂ©cialisation dans certains domaines de contentieux, par la formation de juges experts ou la crĂ©ation de chambres spĂ©cialisĂ©es. Le droit Ă©conomique, bancaire et financier, le droit de l’environnement, le droit commercial international sont quelques exemples de domaines du droit dans les-quels une spĂ©cialisation des juges constituerait un rĂ©el atout, en ce qu’il pourrait favo-riser la confiance des acteurs Ă©conomiques et l’attractivitĂ© de notre systĂšme juridique. En l’état de la gestion des ressources humaines des magistrats, cette approche mĂ©rite-rait d’ĂȘtre exploitĂ©e par la crĂ©ation de viviers de compĂ©tence.

À ces Ă©gards, je tiens ici Ă  saluer l’action dĂ©terminante du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, qui a un regard ouvert sur le monde, qui veille Ă  l’indĂ©pendance de la jus-tice et qui, par son rĂŽle dans le recrutement, la mobilitĂ© et la carriĂšre des magistrats, participe Ă  l’émergence du juge de demain.

Le juge de demain doit statuer dans un cadre territorial rĂ©novĂ©. Il doit pouvoir rem-plir son office au sein d’une juridiction dont la taille, plus adaptĂ©e, lui permettra de se recentrer sur ses fonctions essentielles et de rendre une justice de qualitĂ© dans l’intĂ©-rĂȘt du justiciable.

Le juge de demain doit ĂȘtre dans la bonne temporalitĂ© : c’est-Ă -dire ĂȘtre dans le juste temps et dans son temps.

Dans le juste temps car, s’il est essentiel que la justice soit rendue dans des dĂ©lais conformes aux standards europĂ©ens, il importe aussi de veiller et de rappeler que toute affaire doit pouvoir donner lieu Ă  un traitement adaptĂ© Ă  sa complexitĂ©. La temporalitĂ© de la justice n’est pas nĂ©cessairement celle de la sociĂ©tĂ© et des mĂ©dias.

Le juge de demain est aussi celui qui est dans son temps, dans son époque, ouvert aux nouvelles technologies et à la hauteur des enjeux numériques.

L’ouverture progressive, mais massive et gratuite, des bases de jurisprudence Ă  tous – l’open data â€“ corrĂ©lĂ©e au dĂ©veloppement des algorithmes, pourra renforcer la sĂ©curitĂ© juridique en amĂ©liorant la prĂ©visibilitĂ© des dĂ©cisions de justice et la convergence des jurisprudences. Cette ouverture pourra aussi favoriser les modes amiables de rĂ©solu-tion des diffĂ©rends. La Cour de cassation, responsable de la diffusion en open data des dĂ©cisions judiciaires, met tout en Ɠuvre pour remplir sa mission. Il est bon de rappeler que ces outils n’ont bien Ă©videmment pas vocation Ă  se substituer au juge qui, toujours,

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doit garder Ă  l’esprit qu’une bonne justice est avant tout une justice humaine, rendue publiquement, contradictoirement et, chaque fois que nĂ©cessaire, collĂ©gialement.

À cet Ă©gard, la visioconfĂ©rence et la prĂ©sence Ă  distance, Ă©prouvĂ©es avec la crise sani-taire, doivent-elles ĂȘtre pensĂ©es comme une solution d’avenir ?

Si la justice de demain devait prendre ce nouveau visage, c’est sous la seule mais impĂ©rieuse rĂ©serve que ce ne soit pas au dĂ©triment des principes fondamentaux de la procĂ©dure, au premier rang desquels le respect du principe de la contradiction et des droits de la dĂ©fense.

Pour que la justice de demain ne soit pas dĂ©sincarnĂ©e, l’exigence de motivation est un garde-fou essentiel, Ă  la prĂ©servation de laquelle la Cour de cassation s’est engagĂ©e. Ainsi, par le recours Ă  la motivation enrichie ou au contrĂŽle de proportionnalitĂ©, ins-pirĂ©s des mĂ©thodes du juge europĂ©en, le juge de cassation veille Ă  l’individualisation et Ă  la comprĂ©hension de ses arrĂȘts.

Enfin, le juge de demain doit aussi ĂȘtre un juge qui communique, conscient de son environnement et de l’incidence que sa dĂ©cision a sur celui-ci.

La communication est un enjeu majeur, pour que la confiance en la justice soit restaurée.

Consciente de cela, la Cour de cassation dĂ©veloppe sa communication sous des for-mats renouvelĂ©s : formations Ă  distance, colloques diffusĂ©s en direct, visioconfĂ©rences et web-sĂ©minaires avec ses interlocuteurs, en France comme Ă  l’étranger.

Nous devons, collectivement, avoir le courage d’agir et de nous mobiliser pour une nouvelle justice : la justice de demain.

Il est temps d’abandonner cette approche linĂ©aire et horizontale de la justice, mar-quĂ©e par un dĂ©but et une fin, une succession d’étapes, une chaĂźne dont les maillons seraient cloisonnĂ©s, pour lui prĂ©fĂ©rer une approche systĂ©mique. À l’image du khadi de notre fable, voyons-la plutĂŽt comme une intervention juridique, par un tiers lĂ©gitime, dans une situation sociale, qui vient combler un manque.

La justice serait ainsi restaurĂ©e dans la place qui doit ĂȘtre la sienne, forte de la confiance retrouvĂ©e, en mesure de remplir son rĂŽle de tiers, indispensable Ă  tout État dĂ©mocratique, porteur de paix sociale et de rĂ©gulation.

Je rappelais l’annĂ©e derniĂšre, dans mon discours de rentrĂ©e, que la justice est une vertu. Faisons en sorte que, collectivement, elle puisse s’inscrire dans un cercle vertueux.

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DISCOURS PRONONCÉ lors de l’audience solennelle de dĂ©but d’annĂ©e judiciaire, le 11 janvier 2021, par

Monsieur François Molins, procureur général prÚs la Cour de cassation

Monsieur le Premier ministre,

Vous avez acceptĂ© d’assister Ă  l’audience solennelle de rentrĂ©e de la Cour. Je voudrais vous dire notre gratitude : votre prĂ©sence aujourd’hui est la marque de la considĂ©ra-tion que vous portez Ă  la justice, considĂ©ration que vous avez dĂ©jĂ  clairement manifes-tĂ©e le 22 octobre dernier, avec le garde des sceaux, devant l’ensemble des chefs de cour d’appel et de tribunaux judiciaires en leur disant toute votre volontĂ© de la moderniser et d’augmenter ses moyens, et en rĂ©affirmant que la sĂ©paration des pouvoirs et l’indĂ©-pendance de la justice fondent les principes mĂȘmes de l’État de droit.

De cet État de droit, de cette indĂ©pendance de la justice, le PrĂ©sident de la RĂ©publique est le garant avec l’assistance du Conseil supĂ©rieur de la magistrature.

Monsieur le ministre, en assistant pour la premiĂšre fois Ă  cette audience de la Cour, vous lui manifestez votre intĂ©rĂȘt et votre considĂ©ration pour le rĂŽle Ă©minent qui est le sien. Soyez-en remerciĂ©.

Mesdames et Messieurs les hautes personnalitĂ©s, nous sommes trĂšs sensibles Ă  votre prĂ©sence qui traduit l’intĂ©rĂȘt que vous portez Ă  la justice et Ă  celles et ceux qui sont chargĂ©s de la faire vivre au quotidien.

Je tiens Ă  saluer tout particuliĂšrement M. Abboud, premier prĂ©sident de la Cour de cassation libanaise et prĂ©sident de l’AHJUCAF, qui suit notre audience Ă  distance, et je souhaite rappeler l’importance des liens d’amitiĂ© qui unissent nos deux pays et nos deux institutions, bien au-delĂ  de nos liens de coopĂ©ration et de solidaritĂ©, et Ă  rĂ©af-firmer la prĂ©Ă©minence des valeurs que nous partageons sur le rĂŽle de la justice dans un État de droit.

Rite dĂ©suet pour certains, l’audience de rentrĂ©e a pourtant un vĂ©ritable sens : elle permet de faire le bilan de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e, de rendre compte de son action et de tracer des perspectives. Car la justice n’est pas la seule affaire des juges et des procureurs, elle est l’affaire de tous les citoyens.

Ce mois de janvier met un terme Ă  une annĂ©e de crise au cours de laquelle notre RĂ©publique a Ă©tĂ© Ă  nouveau rattrapĂ©e par l’horreur du terrorisme islamiste dans toute sa dimension d’obscurantisme criminel. Elle a dĂ» aussi affronter un nouveau danger, un virus qui a donnĂ© lieu Ă  un Ă©tat d’urgence d’un genre nouveau, l’état d’urgence sani-taire, qui a eu des consĂ©quences profondes sur la vie quotidienne et les libertĂ©s de l’en-semble de nos concitoyens.

Cette crise sanitaire inĂ©dite a mis en lumiĂšre la place centrale du juge dans un monde dominĂ© par les rapports de force politiques, Ă©conomiques, culturels et mĂ©diatiques oĂč

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le droit risque plus que jamais d’ĂȘtre instrumentalisĂ© et le juge d’ĂȘtre stigmatisĂ© alors qu’il assure son rĂŽle de bouche de la loi et de gardien des libertĂ©s.

Le juge judiciaire aurait pu ĂȘtre absent de cet Ă©tat d’urgence sanitaire. N’ayant pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e en mars et en avril dernier comme un service public essentiel de l’État, et ses personnels n’ayant en consĂ©quence pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme prioritaires, l’ins-titution judiciaire s’est pourtant adaptĂ©e. ConfrontĂ©s Ă  une forme de solitude institu-tionnelle, comme a pu le souligner la commission de contrĂŽle du SĂ©nat sur les mesures liĂ©es Ă  l’épidĂ©mie du Covid-19, les chefs de juridictions ont Ă©tabli des plans de continuitĂ© d’activitĂ© qui ont conduit Ă  limiter leurs activitĂ©s aux contentieux urgents et essentiels, en mettant en Ɠuvre les ordonnances adaptant les procĂ©dures aux contraintes sanitaires.

Cette crise sanitaire a montrĂ© les faiblesses de notre institution et notamment ses failles numĂ©riques, dĂ©montrant par lĂ  mĂȘme l’importance de nos marges de progres-sion dans le domaine informatique. Elle a aussi Ă©tĂ© un formidable rĂ©vĂ©lateur social et a permis de rappeler l’attention que l’institution judiciaire doit constamment porter aux plus fragiles, aux plus vulnĂ©rables, aux plus pauvres, aux gens qui ont du mal Ă  s’en sortir et qui forment, de fait, l’essentiel des justiciables.

La justice a jouĂ© son rĂŽle, Ă  plusieurs reprises. La Cour de cassation a ainsi participĂ© au contrĂŽle juridictionnel des ordonnances prises par le gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : la chambre criminelle a ainsi jugĂ© que le systĂšme de prolon-gation de droit des dĂ©tentions provisoires, instaurĂ© par l’ordonnance du 25 mars 2020, n’était compatible avec la Convention europĂ©enne qu’à la condition qu’un juge judi-ciaire examine Ă  bref dĂ©lai la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©tention en cause, rappelant que le juge est une nĂ©cessaire garantie contre l’arbitraire. Quelques semaines plus tard, la chambre criminelle a aussi rappelĂ© et prĂ©cisĂ© les principes et modalitĂ©s d’application de la loi dans le temps Ă  propos des dispositions de la loi du 23 mars 2019 rĂ©formant le droit de l’exĂ©cution et de l’amĂ©nagement des peines.

La prĂ©Ă©minence du droit est la meilleure arme contre l’arbitraire mĂȘme si on ne doit jamais le tenir pour acquis. C’est ce qui fait la grandeur de toute dĂ©mocratie.

Enfin, en 2020, pour la premiĂšre fois dans l’histoire rĂ©cente de nos institutions, et alors que la crise sanitaire n’est toujours pas terminĂ©e, la justice a Ă©tĂ© attraite dans la critique de la gestion de cette crise Ă  tous les niveaux, avec la judiciarisation de l’action de nos responsables politiques et dĂ©cideurs publics, Ă  la suite des nombreuses plaintes dĂ©posĂ©es devant la Cour de justice de la RĂ©publique et le tribunal judiciaire de Paris. Ces juridictions n’auront bien sĂ»r aucune leçon politique Ă  donner mais seulement Ă  apprĂ©cier, au regard des donnĂ©es de la science, si des infractions ont Ă©tĂ© commises.

Ce phĂ©nomĂšne n’est pas nouveau : cette judiciarisation, par laquelle le juge devient un rĂ©gulateur de notre sociĂ©tĂ©, va toujours croissant et contribue Ă  alimenter les cri-tiques contre l’institution judiciaire.

La justice est ainsi de plus en plus contestĂ©e, brocardĂ©e, au risque de dresser la sociĂ©tĂ© contre les juges. Ces derniers mois, ces attaques se sont multipliĂ©es pour dĂ©non-cer un empiĂ©tement des magistrats dans le champ de compĂ©tence des autres pouvoirs et agiter le spectre d’un gouvernement des juges. Ces attaques sapent la confiance de la sociĂ©tĂ© dans la justice, blessent la RĂ©publique et dĂ©stabilisent la dĂ©mocratie alors que notre sociĂ©tĂ© n’a jamais eu autant besoin de transparence et de confiance dans ses ins-titutions et tout particuliĂšrement dans sa justice.

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Le gouvernement des juges, pour reprendre la formule du doyen Vedel, commence quand les juges ne se contentent plus d’appliquer ou d’interprĂ©ter les textes, mais imposent des normes qui sont en rĂ©alitĂ© le produit de leur propre esprit. Tant qu’ils appliquent la loi, les magistrats du siĂšge et du parquet sont lĂ©gitimes dans leur action.

Dans ce contexte si particulier, je voudrais rappeler que dans notre dĂ©mocratie, la justice assure, en dernier ressort, la garde de notre pacte social et la promesse de la RĂ©publique ce qui impose pour elle des garanties nĂ©cessaires. Il n’y a en effet pas de justice sans sĂ©paration des pouvoirs ni sans indĂ©pendance et impartialitĂ© du juge. Dans notre dĂ©mocratie, l’office du juge est de dire le droit et de contrĂŽler le respect par la loi des normes constitutionnelles et conventionnelles. Dire le droit applicable, l’inter-prĂ©ter, pallier ses obscuritĂ©s et ses insuffisances, trancher les conflits et sanctionner les violations de la loi pĂ©nale. Notre ordre juridique est en effet fondĂ© sur les libertĂ©s, il a pour fin leur conservation et le but de l’action des pouvoirs publics est leur sauvegarde et leur jouissance par chacun. L’État de droit est donc un État qui se soumet au droit mais pas n’importe lequel : un droit fondĂ© sur la sĂ©paration des pouvoirs et sur un systĂšme de valeurs dont l’expression rĂ©side dans les droits de l’homme et les libertĂ©s publiques.

La lĂ©gitimitĂ© du juge tient donc aujourd’hui Ă  sa capacitĂ© Ă  mettre en Ɠuvre la garantie des droits fondamentaux en toute indĂ©pendance et impartialitĂ©. C’est pour cette raison que les magistrats bĂ©nĂ©ficient de garanties d’indĂ©pendance au regard des pouvoirs politiques. Les juges sont inamovibles et les procureurs ne peuvent plus rece-voir d’instructions du garde des sceaux dans les affaires individuelles. La lĂ©gitimitĂ© du procureur dans sa mission d’application de la loi et de mise en Ɠuvre d’une politique pĂ©nale se retrouve Ă©galement dans sa mission de contrĂŽle de la lĂ©galitĂ© des moyens mis en Ɠuvre par les enquĂȘteurs de la police et de la gendarmerie, et de la proportionnalitĂ© des actes d’investigations au regard de la nature et de la gravitĂ© des faits. Cela participe de sa mission de gardien des libertĂ©s telle qu’édictĂ©e par l’article 66 de la Constitution.

L’office du magistrat impose aux juges et aux procureurs des responsabilitĂ©s et une vigilance accrue dans l’exercice de leurs fonctions, qui passent par un respect scrupu-leux de leurs obligations dĂ©ontologiques, et par un devoir renforcĂ© de la motivation de leurs dĂ©cisions. C’est ainsi qu’ils doivent rendre compte de ce qu’ils font, des dĂ©cisions qu’ils rendent, sous le contrĂŽle des juridictions supĂ©rieures d’appel et de cassation, le tout dans le respect de la sĂ©paration des pouvoirs qui a, on l’oublie trop souvent, une double dimension. Le juge ne peut se substituer au politique et le politique ne peut s’immiscer dans l’office du juge.

C’est seulement ainsi que, restant dans les limites de ses pouvoirs et de ses compĂ©-tences, mais ne cĂ©dant en rien sur ce qui est nĂ©cessaire pour remplir sa mission, le magis-trat pourra conserver la confiance de ses concitoyens et celle qu’il se doit Ă  lui-mĂȘme.

Je voudrais enfin aborder les promesses de renouveau que constitue cette année 2021, grùce au travail de réflexion et à la dynamique que vous avez su impulser dans cette Cour Madame la premiÚre présidente et, que, vous le savez, je partage sans réserve et en confiance.

La rĂ©forme constituĂ©e par l’instauration de circuits diffĂ©renciĂ©s de procĂ©dure, cir-cuit court pour les affaires simples, circuit approfondi pour les pourvois complexes et circuit intermĂ©diaire pour les autres pourvois, doit permettre Ă  la Cour de mieux rem-plir son office en continuant de juger, sans aucun filtrage, mais en diffĂ©renciant leur

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traitement afin de consacrer le temps et les moyens nécessaires aux pourvois les plus complexes ou dont la portée juridique sera la plus importante.

C’est ainsi que pour les pourvois orientĂ©s en circuit approfondi, le conseiller rap-porteur et l’avocat gĂ©nĂ©ral seront, dĂšs ce choix d’orientation, dĂ©signĂ©s de façon conco-mitante, permettant un double regard immĂ©diat et suffisamment en amont de l’examen du dossier par la chambre, autorisant des Ă©changes riches et fructueux. C’est ainsi que sera systĂ©matiquement organisĂ©e pour ces pourvois une sĂ©ance d’instruction Ă  laquelle participeront a minima le prĂ©sident de chambre, le doyen, le conseiller rapporteur et l’avocat gĂ©nĂ©ral.

Cette rĂ©forme qui a d’ores et dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  se mettre en place et qui sera plei-nement effective le 1er mars prochain, est une vĂ©ritable avancĂ©e dont le parquet gĂ©nĂ©-ral se rĂ©jouit.

Elle se double d’un projet que j’ai souhaitĂ© porter afin que les textes relatifs au statut du parquet gĂ©nĂ©ral et Ă  l’office de l’avocat gĂ©nĂ©ral soient mis en conformitĂ© avec la rĂ©alitĂ©, et qui vise, tout en maintenant l’architecture actuelle du parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation, Ă  changer l’appellation d’avocat gĂ©nĂ©ral dans l’exercice de ses fonc-tions devant les chambres de la Cour, afin de mettre fin Ă  toute ambiguĂŻtĂ© qui pour-rait encore exister entre le parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation et les parquets des juridictions du fond.

En effet, le mot d’avocat gĂ©nĂ©ral, quand il dĂ©signe le reprĂ©sentant du parquet gĂ©nĂ©-ral Ă  la Cour de cassation, semble le rattacher Ă  la cohĂ©rence d’une structure pyrami-dale du parquet.

Or, le procureur gĂ©nĂ©ral et les membres du parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassa-tion ne sont ni au sommet d’une hiĂ©rarchie, pour ne disposer d’aucune compĂ©tence en matiĂšre d’action publique et d’aucune autoritĂ© sur les parquets placĂ©s auprĂšs des juri-dictions du fond, ni soumis Ă  l’autoritĂ© du garde des sceaux, hormis le cas particulier de l’ordre de former pourvoi dans l’intĂ©rĂȘt de la loi.

Les avocats gĂ©nĂ©raux sont indĂ©pendants du procureur gĂ©nĂ©ral, qui n’a d’autre pou-voir que de les affecter dans une chambre.

Leurs fonctions sont trĂšs diffĂ©rentes de celles des magistrats du parquet dans les juri-dictions du fond. Ils ne soutiennent pas l’accusation devant les chambres, mĂȘme devant la chambre criminelle, puisque ce sont uniquement des dĂ©cisions qui sont attaquĂ©es. Selon la loi, l’avocat gĂ©nĂ©ral rend des avis sur les pourvois, dans l’intĂ©rĂȘt de la loi et du bien commun, et Ă©claire la Cour sur la portĂ©e de la dĂ©cision Ă  intervenir.

N’étant soumis Ă  aucune autoritĂ© hiĂ©rarchique dans l’exercice de sa mission juridic-tionnelle et dĂ©tachĂ© de tout intĂ©rĂȘt particulier, c’est en toute indĂ©pendance que l’avo-cat gĂ©nĂ©ral, qui n’est pas une partie au procĂšs, exprime son avis. Partie intĂ©grante de la chambre, il exprime son avis publiquement, le soumet Ă  la discussion contradictoire, et participe ainsi Ă  l’élaboration de la dĂ©cision, sans pour autant assister au dĂ©libĂ©rĂ©.

Il est en quelque sorte l’avocat de la loi et participe Ă  la mission confiĂ©e Ă  la Cour de cassation de veiller Ă  l’application uniforme de la loi sur le territoire national et au respect de l’État de droit et des principes fondamentaux.

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Les textes qui rĂ©gissent actuellement le statut et le rĂŽle de l’avocat gĂ©nĂ©ral Ă  la Cour de cassation ne sont donc pas en adĂ©quation avec cette rĂ©alitĂ©. Il apparaĂźt ainsi nĂ©ces-saire, comme l’avait prĂ©conisĂ© le rapport Nallet, d’inscrire dans les textes l’indĂ©pen-dance du parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation, et de faire apparaĂźtre clairement la spĂ©cificitĂ© des fonctions exercĂ©es en son sein.

Je vous ai donc officiellement saisi, Monsieur le garde des sceaux d’une demande visant Ă  modifier les textes lĂ©gislatifs et rĂ©glementaires en vigueur pour mentionner explicitement que les membres du parquet gĂ©nĂ©ral ne relĂšvent pas de l’autoritĂ© du garde des sceaux.

D’autre part, et afin de dissiper toute confusion entre le parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation et les parquets des juridictions du fond, entretenue par l’emploi de la dĂ©no-mination d’« avocat gĂ©nĂ©ral », il a Ă©tĂ© proposĂ© de retenir la dĂ©nomination de « rap-porteur public » s’agissant des fonctions exercĂ©es par les avocats gĂ©nĂ©raux lorsqu’ils concluent devant les diffĂ©rentes formations de la Cour. Statutairement le magistrat serait nommĂ© avocat gĂ©nĂ©ral mais exercerait devant les chambres de la Cour la fonc-tion de rapporteur public.

Cette dissociation de l’emploi et de la fonction n’est que la transposition du dispo-sitif en vigueur au Conseil d’État, puisque c’est en qualitĂ© de rapporteurs publics que concluent les maĂźtres des requĂȘtes ou les conseillers d’État lorsqu’ils exercent cette fonction. Par ailleurs, les avocats gĂ©nĂ©raux interviennent dĂ©jĂ  devant le Tribunal des conflits comme rapporteurs publics.

Le nouvel article L. 432-1 du code de l’organisation judiciaire serait libellĂ© comme suit : « Les membres du parquet gĂ©nĂ©ral sont chargĂ©s des fonctions de rapporteur public. Le rapporteur public expose publiquement, et en toute indĂ©pendance, son avis sur les questions que prĂ©sentent Ă  juger les pourvois et les requĂȘtes dont est saisie la Cour de cassation. Il rend des avis dans l’intĂ©rĂȘt de la loi et du bien commun. Il Ă©claire la Cour sur la portĂ©e de la dĂ©cision Ă  intervenir. »

Ainsi, l’architecture actuelle du parquet gĂ©nĂ©ral serait conservĂ©e, mais le rĂŽle de l’avocat gĂ©nĂ©ral devant les chambres serait plus justement dĂ©fini, et le rĂŽle du procureur gĂ©nĂ©ral en termes d’organisation et d’animation de son parquet gĂ©nĂ©ral mieux rappelĂ©, puisqu’il est proposĂ© d’inscrire dans les textes que celui-ci veille au fonctionnement collectif du parquet gĂ©nĂ©ral dans le respect de l’office de l’avocat gĂ©nĂ©ral.

L’indĂ©pendance de ce dernier doit en effet s’inscrire dans un exercice collectif per-mettant d’assurer la cohĂ©rence de l’action du parquet gĂ©nĂ©ral. Car la lĂ©gitimitĂ© de celui-ci ne peut reposer exclusivement sur celle des magistrats qui le composent, mais doit aussi rĂ©sider dans la dĂ©finition et la mise en Ɠuvre de sa mission.

Il s’agit donc, pour le procureur gĂ©nĂ©ral, d’animer directement, ou par l’intermĂ©-diaire des premiers avocats gĂ©nĂ©raux, des Ă©changes fructueux entre tous les avocats gĂ©nĂ©raux afin de favoriser une rĂ©flexion commune et un partage d’informations sur des sujets d’intĂ©rĂȘt commun, qui permettront Ă©galement de faciliter un dialogue au sein des chambres entre le siĂšge et le parquet gĂ©nĂ©ral, dans le respect de l’office de chacun.

Le fonctionnement collectif du parquet gĂ©nĂ©ral se traduit en outre par la mise en place de groupes de travail sur des mĂ©thodes de travail nouvelles, par l’organisation

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de rencontres avec d’autres institutions, ou encore de colloques sur des thĂ©matiques d’actualitĂ©.

De cette dimension collective du parquet gĂ©nĂ©ral rĂ©sultera une plus grande cohĂ©-rence de sa parole vis-Ă -vis de l’extĂ©rieur, et notamment dans ses Ă©changes avec le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et les juridictions europĂ©ennes.

Je vous remercie, Madame la premiĂšre prĂ©sidente, d’avoir immĂ©diatement apportĂ© votre soutien Ă  cette rĂ©forme confirmant en cela votre volontĂ©, affichĂ©e dĂšs votre ins-tallation, de donner au parquet la place et les moyens lui permettant de mieux rem-plir son office. Cette rĂ©forme est donc consensuelle au sein de la Cour, ce qui n’est pas arrivĂ© depuis longtemps dans notre juridiction. Elle permettrait de clarifier le rĂŽle et le statut du parquet gĂ©nĂ©ral et de son office tout en consacrant son indĂ©pendance.

Je vous remercie, Messieurs les prĂ©sidents de l’ordre des avocats au Conseil d’État et Ă  la Cour de cassation, d’avoir vous aussi manifestĂ© immĂ©diatement et sans rĂ©serve votre soutien Ă  cette rĂ©forme. MaĂźtre MoliniĂ©, je vous fĂ©licite pour votre Ă©lection Ă  la tĂȘte de l’ordre des avocats aux Conseils. Je sais que nous poursuivrons, dans l’estime et le respect mutuel, le travail riche et fructueux que nous avions engagĂ© avec votre prĂ©-dĂ©cesseur MaĂźtre BorĂ©, Ă  qui j’adresse un trĂšs cordial message.

Je ne saurais terminer mon propos sans Ă©voquer ici la mĂ©moire de Pierre Truche successivement procureur gĂ©nĂ©ral puis premier prĂ©sident de la Cour de 1992 Ă  1999 et dĂ©cĂ©dĂ© au cours du confinement en mars dernier. Pierre Truche a constituĂ© un modĂšle et une rĂ©fĂ©rence pour des gĂ©nĂ©rations de magistrats. Dans le cadre de l’ensemble des responsabilitĂ©s qu’il a exercĂ©es en juridiction ou Ă  l’École nationale de la magistra-ture, sa vision et son analyse des choses dĂ©montraient toujours une hauteur de vue et un avant-gardisme qui impressionnent encore aujourd’hui quand on relit ses Ă©crits. DotĂ© d’une conception particuliĂšrement Ă©levĂ©e de ses fonctions, il a toujours prĂŽnĂ© un office du juge fondĂ© sur la loyautĂ©, l’humilitĂ©, l’humanitĂ© et le respect de la dignitĂ© de l’homme, du justiciable. Il se plaisait Ă  rappeler que la justice n’appartenait pas aux magistrats mais qu’elle appartenait au corps social par l’intermĂ©diaire de ses reprĂ©sen-tants qui sont ceux qui doivent dire ce que sera la justice dans un État de droit, une justice que les magistrats doivent rendre dans de meilleures conditions, une justice qui ne devrait jamais ĂȘtre un enjeu politique mais bien au contraire rĂ©sulter d’un consen-sus reposant sur une grande ambition.

Puissent ces mots continuer Ă  raisonner et Ă  inspirer notre action.

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LIVRE 2

SUGGESTIONS DE MODIFICATIONS LÉGISLATIVES OU RÉGLEMENTAIRES

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la premiĂšre chambre civile

I/ PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE

I. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

A. Suivi des suggestions de réforme

Caution

Harmonisation des sanctions en matiùre d’information de la caution

Diverses obligations d’information pĂšsent sur le crĂ©ancier Ă  l’égard de la caution, tant lors de sa souscription que pendant sa durĂ©e. Ces obligations se sont multipliĂ©es au cours des derniĂšres dĂ©cennies. Les plus nombreuses ont pour objet, annuellement, le montant des encours garantis par la caution.

Le premier texte lĂ©gislatif Ă  avoir imposĂ© une telle obligation est l’article L. 313-22 du code monĂ©taire et financier issu de l’article 48 de la loi no 84-148 du 1er mars 1984 relative Ă  la prĂ©vention et au rĂšglement amiable des difficultĂ©s des entreprises.

L’article 47 de la loi no 94-126 du 11 fĂ©vrier 1994 relative Ă  l’initiative et Ă  l’entre-prise individuelle a Ă©tendu cette mĂȘme obligation Ă  de nouvelles catĂ©gories de crĂ©an-ciers et de cautions.

Puis l’article 101 de la loi no 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative Ă  la lutte contre les exclusions a inscrit une disposition de mĂȘme nature dans le code civil en ajoutant un nouvel alinĂ©a Ă  l’article 2016 du code civil, devenu article 2293.

Enfin, les articles 11 et 12 de la loi no 2003-721 du 1er aoĂ»t 2003 pour l’initiative Ă©conomique ont repris dans leur principe, mais sous une rĂ©serve, le dispositif de l’ar-ticle L. 313-22 du code monĂ©taire et financier pour en faire un article L. 341-6 du code de la consommation, devenu article L. 333-2, mais avec un champ d’application plus Ă©tendu et sans abroger aucune des dispositions prĂ©existantes.

Aux termes de l’article L. 313-22 du code monĂ©taire et financier : « les Ă©tablisse-ments de crĂ©dit ou les sociĂ©tĂ©s de financement ayant accordĂ© un concours financier Ă  une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque annĂ©e de faire

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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connaĂźtre Ă  la caution le montant du principal et des intĂ©rĂȘts, commissions, frais et accessoires restant Ă  courir au 31 dĂ©cembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de l’obliga-tion bĂ©nĂ©ficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e, ils rappellent la facultĂ© de rĂ©vocation Ă  tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercĂ©e.

La rĂ©alisation de cette obligation lĂ©gale ne peut en aucun cas ĂȘtre facturĂ©e Ă  la per-sonne qui bĂ©nĂ©ficie de l’information. »

La sanction du dĂ©faut d’accomplissement de cette formalitĂ© « emporte, dans les rap-ports entre la caution et l’établissement tenu Ă  cette formalitĂ©, dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts Ă©chus depuis la prĂ©cĂ©dente information jusqu’à la date de communication de la nou-velle information. Les paiements effectuĂ©s par le dĂ©biteur principal sont rĂ©putĂ©s, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectĂ©s prioritairement au rĂšglement du principal de la dette ».

Aux termes de l’article 2293 du code civil : « le cautionnement indĂ©fini d’une obli-gation principale s’étend Ă  tous les accessoires de la dette, mĂȘme aux frais de la pre-miĂšre demande, et Ă  tous ceux postĂ©rieurs Ă  la dĂ©nonciation qui en est faite Ă  la caution.

Lorsque ce cautionnement est contractĂ© par une personne physique, celle-ci est informĂ©e par le crĂ©ancier de l’évolution du montant de la crĂ©ance garantie et de ces accessoires au moins annuellement Ă  la date convenue entre les parties ou, Ă  dĂ©faut, Ă  la date anniversaire du contrat ».

La sanction du dĂ©faut d’accomplissement de cette information est : « la dĂ©chĂ©ance de tous les accessoires de la dette, frais et pĂ©nalitĂ©s ».

Cette obligation d’information est considĂ©rĂ©e par la doctrine comme « indĂ©niable-ment la plus Ă©nigmatique et la plus difficilement justifiable » (P. Simler, JCl Civil Code, LexisNexis, articles 2288 Ă  2320, fasc. 40 « Cautionnement », 15 novembre 2019, no 40).

Elle s’impose Ă  tout crĂ©ancier, qu’il soit Ă©tablissement de crĂ©dit, professionnel ou simple particulier. Elle est due Ă  la caution quelle que soit la personne du dĂ©biteur, entreprise ou simple particulier, personne physique ou personne morale. La pĂ©riodicitĂ© de l’information est diffĂ©rente de celle prĂ©vue dans les autres cas puisque l’information doit ĂȘtre donnĂ©e non pas avant le 31 mars de chaque annĂ©e mais « Ă  la date convenue entre les parties ou, Ă  dĂ©faut, Ă  la date d’anniversaire du contrat ».

La sanction n’est pas la mĂȘme que dans les autres hypothĂšses d’obligations pĂ©rio-diques d’information puisque la dĂ©chĂ©ance est encourue pour « tous les accessoires de la dette, frais et pĂ©nalitĂ©s » et non pas seulement pour les intĂ©rĂȘts.

Une telle gĂ©nĂ©ralisation de l’obligation annuelle d’information, issue d’un amen-dement proposĂ© par Mme Neiertz lors de la deuxiĂšme lecture du projet de loi de 1998 devant l’AssemblĂ©e nationale, avait pourtant Ă©tĂ© jugĂ©e trop dangereuse pour les crĂ©an-ciers par le SĂ©nat, qui s’y Ă©tait opposĂ© (voir le rapport prĂ©sentĂ© par M. Bernard Seillier, au nom de la Commission des affaires sociales du SĂ©nat, Doc. SĂ©nat, no 544, session ordinaire de 1997-1998, t. I, p. 96), et elle avait, d’ailleurs, suscitĂ© des rĂ©serves de la part du gouvernement (JOAN, 2 juillet 1998, p. 5694 ; JO SĂ©nat, 9 juillet 1998, p. 3717 et s.).

Elle a nĂ©anmoins Ă©tĂ© maintenue en derniĂšre lecture par l’AssemblĂ©e nationale.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la premiĂšre chambre civile

Ce texte, certes trĂšs protecteur pour la caution personne physique, manque de prĂ©-cision dans la dĂ©finition de la sanction liĂ©e au dĂ©faut d’accomplissement de l’obliga-tion d’information annuelle. Alors que l’article 48 de la loi du 1er mars 1984 ne prĂ©voit que la « dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts Ă©chus depuis la prĂ©cĂ©dente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information », l’article 2016, devenu 2293 du code civil, se contente de faire Ă©tat de la « dĂ©chĂ©ance de tous les accessoires de la dette, frais et pĂ©nalitĂ©s » sans aucune limitation dans le temps.

Il ne s’agit pas d’une maladresse de plume car cette diffĂ©rence quant Ă  l’ampleur de la sanction avait Ă©tĂ© expressĂ©ment invoquĂ©e lors de l’examen du texte par le SĂ©nat pour justifier son refus (voir le rapport prĂ©c. de M. Seillier, p. 96 ; adde JO SĂ©nat, 9 juil-let 1998, p. 3717).

Si le contentieux sur cette disposition demeure relativement faible, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation vient de rappeler dans un arrĂȘt du 10 octobre 2019 (pourvoi no 18-19.211, publiĂ© au Bulletin) que le dĂ©faut d’information annuelle de la caution personne physique en cas de cautionnement indĂ©fini, prĂ©vue Ă  l’article 2293 du code civil, est sanctionnĂ© par la dĂ©chĂ©ance de tous les accessoires de la dette, frais et pĂ©nalitĂ©s, sans possibilitĂ© de modulation, et ce, mĂȘme si le crĂ©ancier a rempli son obligation d’information pendant plusieurs annĂ©es, postĂ©rieurement Ă  une omission survenue une annĂ©e.

Le pourvoi invitait la Cour Ă  limiter la dĂ©chĂ©ance aux accessoires, frais et pĂ©nalitĂ©s Ă©chus Ă  la seule pĂ©riode pendant laquelle l’exĂ©cution de l’obligation d’information de la caution prĂ©vue Ă  l’article 2293 du code civil n’avait pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e, par analogie avec la sanction prĂ©vue par le second alinĂ©a de l’article L. 313-22 du code monĂ©taire et financier mais la Cour a rejetĂ© cette argumentation qui serait revenue Ă  une inter-prĂ©tation contra legem, compte tenu notamment des travaux parlementaires.

Les diffĂ©rences entre les rĂ©gimes n’apparaissent pas justifiĂ©es et une harmonisa-tion, par le lĂ©gislateur, des modalitĂ©s d’information de la caution et des sanctions en cas de non-respect serait opportune, d’autant que l’article 2293 du code civil pourrait ĂȘtre attaquĂ© sous l’angle de la proportionnalitĂ© de la sanction ou du principe d’égalitĂ© au moyen d’une QPC.

MalgrĂ© l’avis favorable de la DACS insĂ©rĂ© au Rapport annuel 2019, les sanctions en matiĂšre d’information des cautions n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation. La pre-miĂšre chambre civile maintient donc sa suggestion.

La DACS est favorable Ă  une harmonisation des divers textes prĂ©voyant des obli-gations d’information du crĂ©ancier Ă  destination de la caution, et observe Ă  ce titre que cette proposition rejoint celle formulĂ©e par la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique.

Cette harmonisation a vocation Ă  s’insĂ©rer dans le cadre de la rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s qui sera rĂ©alisĂ©e par ordonnance, en application de l’article 60 de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019 relative Ă  la croissance et la transformation des entre-prises (loi PACTE).

Aux multiples textes actuels sera substituĂ©e une obligation d’information unique, inscrite dans le code civil. L’avant-projet de rĂ©forme Ă©laborĂ© par l’Association Henri Capitant proposait ainsi un nouvel article 2303 du code civil :

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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« Le crĂ©ancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque annĂ©e, de faire connaĂźtre Ă  toute caution personne physique le montant du principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 dĂ©cembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, sous peine de dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts et accessoires Ă©chus depuis la date de la prĂ©cĂ©dente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le crĂ©an-cier et la caution, les paiements effectuĂ©s pendant cette pĂ©riode sont imputĂ©s prioritai-rement sur le principal de la dette.

Si le cautionnement est à durée indéterminée, le créancier professionnel est, en outre, tenu de rappeler à la caution sa faculté de résiliation. »

Aux termes de son avant-projet d’ordonnance soumis Ă  consultation publique au mois de dĂ©cembre 2020, le gouvernement a proposĂ© un nouvel article 2302 ainsi rĂ©digĂ© :

« Le crĂ©ancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque annĂ©e, de faire connaĂźtre Ă  toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intĂ©rĂȘts et autres accessoires restant dus au 31 dĂ©cembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de l’obligation garantie, sous peine de dĂ©chĂ©ance de la garantie des intĂ©rĂȘts et pĂ©na-litĂ©s Ă©chus depuis la date de la prĂ©cĂ©dente information et jusqu’à celle de la commu-nication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le crĂ©ancier et la caution, les paiements effectuĂ©s pendant cette pĂ©riode sont imputĂ©s prioritairement sur le prin-cipal de la dette.

Le crĂ©ancier professionnel est tenu, sous la mĂȘme sanction, de rappeler Ă  la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e, sa facultĂ© de rĂ©siliation Ă  tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut ĂȘtre exercĂ©e.

Le coût de réalisation de cette obligation légale est à la charge du créancier.

Le prĂ©sent article est Ă©galement applicable aux cautionnements souscrits par une personne morale envers un Ă©tablissement de crĂ©dit ou une sociĂ©tĂ© de financement en garantie d’un concours financier accordĂ© Ă  une entreprise. »

La sanction consisterait ainsi en la dĂ©chĂ©ance de l’ensemble des intĂ©rĂȘts et pĂ©nali-tĂ©s, mais seulement pour la pĂ©riode durant laquelle l’information n’a pas Ă©tĂ© fournie.

Officiers publics et ministériels

RĂŽle du prĂ©sident de la chambre de discipline devant la cour d’appel (articles 16, alinĂ©a 2, et 37 du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 relatif Ă  la discipline et au statut des officiers publics ou ministĂ©riels)

Aux termes de l’article 16, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 rela-tif Ă  la discipline et au statut des officiers publics ou ministĂ©riels, portant sur la procĂ©-dure devant le tribunal de grande instance statuant disciplinairement, « le prĂ©sident de la chambre de discipline prĂ©sente ses observations, le cas Ă©chĂ©ant, par l’intermĂ©diaire d’un membre de la chambre ». Selon l’article 37 du mĂȘme dĂ©cret, « il est procĂ©dĂ© devant la cour d’appel comme devant le tribunal de grande instance statuant disciplinairement ».

Si, devant cette derniĂšre juridiction, la prĂ©sence du prĂ©sident de la chambre de dis-cipline ne paraĂźt heurter aucun principe de droit, il n’en va pas nĂ©cessairement ainsi

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la premiĂšre chambre civile

lorsque la mĂȘme autoritĂ© prĂ©sente ses observations, en application de la combinaison des textes susvisĂ©s, devant la cour d’appel, dans le cas oĂč celle-ci est saisie d’un recours contre la dĂ©cision de la chambre de discipline.

Il est rappelĂ© que, selon une jurisprudence ancienne et constante, la Cour de cassa-tion juge qu’une juridiction disciplinaire ne peut ĂȘtre partie au recours contre ses propres dĂ©cisions (voir, par exemple, 1re Civ., 8 juillet 1994, pourvoi no 92-19.926, Bull. 1994, I, no 241 ; 1re Civ., 28 octobre 2015, pourvoi no 14-19.017).

La Cour de cassation n’en a pas moins jugĂ© que, lorsqu’il prĂ©sente ses observations devant la cour d’appel, en application des textes susvisĂ©s, le prĂ©sident de la chambre de discipline, qui s’exprime « en tant que sachant », n’est pas partie Ă  l’instance (voir, par exemple, 1re Civ., 20 dĂ©cembre 2012, pourvoi no 11-26.840 ; 1re Civ., 3 fĂ©vrier 2016, pourvoi no 15-13.437).

La singularitĂ© de la prĂ©sence du prĂ©sident de la chambre de discipline devant le tri-bunal de grande instance statuant disciplinairement et, sur appel, devant la cour d’ap-pel continue cependant de susciter des recours, en particulier, dans ce dernier cas, lorsque la cour d’appel statue sur la rĂ©gularitĂ© d’une dĂ©cision de la chambre de disci-pline elle-mĂȘme.

Alors que l’incertitude affectant le statut confĂ©rĂ© au prĂ©sident de la chambre de discipline par les articles 16 et 37 du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 prĂ©-citĂ© a Ă©tĂ© dissipĂ©e par la jurisprudence prĂ©cĂ©demment mentionnĂ©e, celle-ci demeure quant au contenu des observations qu’en vertu des mĂȘmes dispositions cette autoritĂ© est amenĂ©e Ă  prĂ©senter.

L’article 16, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 prĂ©citĂ©, qui se rĂ©fĂšre, sans plus de prĂ©cisions, aux observations du prĂ©sident de la chambre de disci-pline, a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ© par la voie d’une circulaire du 21 fĂ©vrier 1974 prĂ©cisant que ces observations ont « pour but d’assurer une information plus complĂšte de la juridiction, notamment dans des affaires complexes sur le plan technique ».

Il a, en outre, Ă©tĂ© jugĂ© par la Cour de cassation que c’est en qualitĂ© de sachant en matiĂšre disciplinaire que le prĂ©sident de la chambre de discipline prĂ©sente ses observa-tions, que celles-ci ont un caractĂšre technique et qu’elles visent Ă  informer le juge sur les spĂ©cificitĂ©s de la profession considĂ©rĂ©e et de son exercice (voir, par exemple, 1re Civ., 10 juillet 2014, pourvoi no 14-11.528 ; 1re Civ., 15 mars 2017, pourvoi no 16-10.046, Bull. 2017, I, no 63).

Dans le silence du texte, l’administration et le juge ont donc Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  interprĂ©-ter celui-ci par la rĂ©fĂ©rence au caractĂšre technique et professionnel des observations du prĂ©sident de la chambre de discipline.

On peut cependant continuer de s’interroger sur le sens prĂ©cis de la nature tech-nique et professionnelle reconnue aux observations de l’article 16, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 prĂ©citĂ©, Ă©tant observĂ© que l’imprĂ©cision d’un tel texte, qui constitue un Ă©lĂ©ment Ă  part entiĂšre de la procĂ©dure juridictionnelle en matiĂšre de discipline des officiers publics ou ministĂ©riels, est de nature Ă  fragiliser les actions enga-gĂ©es lorsque, par leur contenu, les observations du prĂ©sident de la chambre de discipline excĂšdent le domaine qui devrait leur ĂȘtre strictement assignĂ© par les textes.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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La premiĂšre chambre civile maintient donc sa suggestion comme en 2017, 2018 et 2019 de complĂ©ter cette disposition afin de prĂ©ciser la mission qu’elle confie au prĂ©-sident de la chambre de discipline.

La direction des affaires civiles et du sceau considĂšre, comme plusieurs dĂ©cisions de la Cour l’ont confirmĂ©, que le prĂ©sident de la chambre de discipline intervient uni-quement en qualitĂ© de « sachant ». Dans ce cadre, ses observations doivent ĂȘtre circons-crites Ă  des Ă©clairages et prĂ©cisions d’ordre technique sur la dĂ©ontologie et la mise en application pratique des textes. Le prĂ©sident de la chambre ne peut en aucune façon expertiser le cas en question et Ă©mettre un avis sur la situation d’espĂšce.

Des prĂ©cisions sur la nature des observations produites par le prĂ©sident de la chambre de discipline pourraient effectivement ĂȘtre apportĂ©es.

NĂ©anmoins la difficultĂ© pourra ĂȘtre rĂ©solue Ă  l’occasion de la rĂ©forme du rĂ©gime disciplinaire des officiers publics et ministĂ©riels.

Il est prĂ©vu en effet la suppression de la dualitĂ© de juridiction (tribunal judiciaire, chambre de discipline) en premiĂšre instance. Une chambre de discipline, composĂ©e d’un magistrat du siĂšge de la cour d’appel et de deux assesseurs professionnels, connaĂź-tra dĂ©sormais des actions disciplinaires Ă  l’encontre des notaires et des commissaires de justice.

DĂšs lors que la prĂ©sidence de la chambre de discipline sera assurĂ©e par un magis-trat, les dispositions de l’article 16, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 dont il est question auront vocation Ă  ĂȘtre abrogĂ©es.

RĂ©gimes matrimoniaux

RĂ©vocation, en cas de divorce, de la clause d’exclusion des biens professionnels des Ă©poux du calcul de la crĂ©ance de participation qui constitue un avantage matrimonial prenant effet Ă  la dissolution du rĂ©gime matrimonial

Par une dĂ©cision du 18 dĂ©cembre 2019 (1re Civ., 18 dĂ©cembre 2019, pourvoi no 18-26.337, publiĂ© au Bulletin), la premiĂšre chambre civile a considĂ©rĂ©, au visa de l’article 265 du code civil, que les profits que l’un ou l’autre des Ă©poux mariĂ©s sous le rĂ©gime de la participation aux acquĂȘts peut retirer des clauses amĂ©nageant le disposi-tif lĂ©gal de liquidation de la crĂ©ance de participation constituent des avantages matri-moniaux prenant effet Ă  la dissolution du rĂ©gime matrimonial et, partant, rĂ©voquĂ©s de plein droit par le divorce des Ă©poux, sauf volontĂ© contraire de celui qui les a consentis exprimĂ©e au moment du divorce.

Il en résulte :

1– que la notion d’avantage matrimonial n’est pas cantonnĂ©e, quant Ă  son domaine, aux communautĂ©s conventionnelles, visĂ©es par l’article 1527 du code civil, mais suscep-tible de s’appliquer, notamment, en prĂ©sence d’un rĂ©gime de participation aux acquĂȘts ;

2– que, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence antĂ©rieure de la chambre (1re Civ., 31 jan-vier 2006, pourvoi no 02-21.121, Bull. 2006, I, no 48 ; 1re Civ., 3 dĂ©cembre 2008,

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la premiĂšre chambre civile

pourvoi no 07-19.348, Bull. 2008, I, no 281), l’avantage matrimonial est constituĂ© par le profit que l’un ou l’autre des Ă©poux peut retirer du fonctionnement du rĂ©gime matrimonial ;

3– qu’en prĂ©sence d’un rĂ©gime de participation aux acquĂȘts, le profit rĂ©sultant d’une clause amĂ©nageant les modalitĂ©s de liquidation de la crĂ©ance de participation s’apprĂ©-cie par rĂ©fĂ©rence au rĂ©gime de participation aux acquĂȘts ordinaire, tel qu’il est orga-nisĂ© par le code civil ;

4– qu’une telle clause prenant nĂ©cessairement effet Ă  la dissolution du rĂ©gime matri-monial, l’avantage qu’elle procure est rĂ©voquĂ© de plein droit par le divorce des Ă©poux, en application de l’article 265, alinĂ©a 2, du code civil, sauf volontĂ© contraire de l’époux qui l’a consenti ;

5– que cette volontĂ© contraire ne peut ĂȘtre exprimĂ©e qu’au moment du divorce.

Ces principes sont ensuite appliquĂ©s Ă  la clause excluant du calcul de la crĂ©ance de participation les biens professionnels des Ă©poux en cas de dissolution du rĂ©gime matri-monial pour une autre cause que le dĂ©cĂšs. Une telle clause conduit mĂ©caniquement Ă  avantager, au moment du divorce, celui des Ă©poux ayant vu ses actifs nets professionnels croĂźtre de maniĂšre plus importante en diminuant la valeur de ses acquĂȘts dans une pro-portion supĂ©rieure Ă  celle de son conjoint. Elle constitue, dĂšs lors, un avantage matri-monial rĂ©voquĂ© de plein droit par le divorce.

Cette solution est inĂ©vitable, compte tenu de la lettre de l’article 265, alinĂ©a 2, du code civil, si l’on considĂšre objectivement les effets de la clause, lesquels s’apprĂ©cient lorsqu’ils se produisent, soit au moment du divorce. Ce rĂ©sultat aboutit mĂ©canique-ment Ă  priver de tout intĂ©rĂȘt les clauses dites d’« exclusion des biens professionnels » stipulĂ©es, comme en l’espĂšce, pour rĂ©gir la liquidation du rĂ©gime de participation aux acquĂȘts en cas de dissolution par le divorce des Ă©poux.

Or, compte tenu de ce que l’intĂ©rĂȘt principal gĂ©nĂ©ralement recherchĂ© par de telles clauses – qui consistent, quelles qu’en soient les variantes, Ă  permettre Ă  l’époux bĂ©nĂ©-ficiaire de conserver son outil de travail sans courir le risque de devoir le cĂ©der pour payer Ă  son conjoint (ou Ă  sa succession) une crĂ©ance de participation intĂ©grant la moitiĂ© de la valeur du bien professionnel â€“ n’apparaĂźt pas illĂ©gitime, le lĂ©gislateur pourrait envisager d’en consacrer expressĂ©ment la validitĂ© au sein de l’article 265 du code civil, comme il l’a fait en 2006 au troisiĂšme alinĂ©a de ce texte s’agissant de la clause, dite « alsacienne », de reprise des apports en rĂ©gime de communautĂ©.

MalgrĂ© l’avis favorable de la DACS publiĂ© au Rapport annuel 2019, cette disposition est restĂ©e inchangĂ©e. Il convient donc de rĂ©itĂ©rer cette suggestion pour l’annĂ©e 2020.

La DACS considĂšre qu’une nouvelle prĂ©cision relative au rĂ©gime de participation aux acquĂȘts pourrait apparaĂźtre cohĂ©rente au regard de l’évolution lĂ©gislative interve-nue en 2006, validant la clause dite « alsacienne » de reprise des apports en rĂ©gime de communautĂ© (article 265, alinĂ©a 3, du code civil).

En effet, cette jurisprudence du 18 dĂ©cembre 2019 risque de faire perdre son attrac-tivitĂ© au rĂ©gime de participation aux acquĂȘts pour le chef d’entreprise si la clause pro-tĂ©geant son conjoint, tout en mettant Ă  l’abri son outil professionnel, est privĂ©e d’effet au moment oĂč elle serait utile.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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Il existe nĂ©anmoins, pour l’heure, une solution conventionnelle alternative : les Ă©poux peuvent prĂ©voir dans leur contrat de mariage que l’avantage sera maintenu en cas de divorce. La chancellerie a en effet indiquĂ© qu’une clause rĂ©digĂ©e en ce sens serait valable : « la volontĂ© des Ă©poux de maintenir les avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du rĂ©gime matrimonial ou au dĂ©cĂšs de l’un des Ă©poux et des dispositions Ă  cause de mort peut ĂȘtre manifestĂ©e dans le contrat de mariage, le chan-gement de rĂ©gime matrimonial ou la libĂ©ralitĂ©. Au moment du divorce, le juge consta-tera l’accord de l’époux pour rendre irrĂ©vocable l’avantage ou la disposition consentis » (RĂ©p. min. no 18632, JOAN Q, 26 mai 2009, p. 5148).

La Cour de cassation ne l’a toutefois jamais confirmĂ©, si bien que l’efficacitĂ© d’une telle clause est aujourd’hui incertaine.

Au regard de l’ensemble de ces Ă©lĂ©ments, la direction des affaires civiles et du sceau est favorable Ă  la rĂ©forme proposĂ©e par la Cour de cassation, qui pourrait rĂ©pondre Ă  trois objectifs :

– sĂ©curiser les conventions matrimoniales ;

– amĂ©liorer la prĂ©visibilitĂ© et la sĂ©curitĂ© juridique ;

– rendre plus attractif le rĂ©gime de participation aux acquĂȘts.

Soins psychiatriques sans consentement

ProcĂ©dure aux fins de mainlevĂ©e immĂ©diate d’une mesure d’hospitalisation d’office, sur requĂȘte ou d’office

Selon l’article L. 3211-12-4 du code de la santĂ© publique, l’ordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention prise en application des articles L. 3211-12 (procĂ©dure aux fins de mainlevĂ©e immĂ©diate d’une mesure d’hospitalisation d’office, sur requĂȘte ou d’office) ou L. 3211-12-1 (intervention du juge pour statuer sur le maintien de l’hos-pitalisation au-delĂ  de douze jours) est susceptible d’appel devant le premier prĂ©sident de la cour d’appel ou son dĂ©lĂ©guĂ© et le dĂ©bat est alors tenu selon les modalitĂ©s prĂ©vues Ă  l’article L. 3211-12-2 du mĂȘme code.

Ce dernier texte dispose notamment que, « Ă  l’audience [tenue par le juge des liber-tĂ©s et de la dĂ©tention], la personne faisant l’objet de soins psychiatriques est entendue, assistĂ©e ou reprĂ©sentĂ©e par un avocat choisi, dĂ©signĂ© au titre de l’aide juridictionnelle ou commis d’office. Si, au vu d’un certificat mĂ©dical motivĂ©, des motifs mĂ©dicaux font obs-tacle, dans son intĂ©rĂȘt, Ă  son audition, la personne est reprĂ©sentĂ©e par un avocat [
] ».

De la combinaison de ces deux textes, il ressort que le premier prĂ©sident de la cour d’appel, comme le premier juge, entend la personne soumise Ă  une hospitalisation complĂšte sans consentement. Il s’agit d’une obligation pour lui Ă  laquelle il ne peut se soustraire que pour des raisons mĂ©dicales mentionnĂ©es dans un certificat Ă©tabli par un mĂ©decin.

L’éloignement gĂ©ographique n’est pas un motif mĂ©dical, de sorte qu’il ne paraĂźt pas pouvoir justifier l’absence d’audition de l’intĂ©ressĂ©, qui serait alors seulement

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la premiĂšre chambre civile

reprĂ©sentĂ© par un avocat, au besoin dĂ©signĂ© d’office (1re Civ., 12 octobre 2017, pour-voi no 17-18.040, Bull. 2017, I, no 217).

Cette interprĂ©tation des textes est confortĂ©e par l’article R. 3211-8 du code de la santĂ© publique, aux termes duquel : « Devant le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention et le premier prĂ©sident de la cour d’appel, la personne faisant l’objet de soins psychia-triques est assistĂ©e ou reprĂ©sentĂ©e par un avocat. Elle est reprĂ©sentĂ©e par un avocat dans le cas oĂč le magistrat dĂ©cide, au vu de l’avis mĂ©dical prĂ©vu au deuxiĂšme alinĂ©a de l’article L. 3211-12-2, de ne pas l’entendre. » Il se dĂ©duit logiquement de ces disposi-tions que, dans les autres cas, elle est assistĂ©e par un avocat, ce qui suppose sa prĂ©sence Ă  l’audience et son audition.

Cependant, cette solution, qui s’impose a priori clairement, voit sa portĂ©e affaiblie Ă  la lecture de l’article R. 3211-21 du code de la santĂ© publique.

En effet, aux termes de l’article R. 3211-15, rĂ©gissant la procĂ©dure devant le pre-mier juge : « À l’audience, le juge entend le requĂ©rant et les personnes convoquĂ©es en application de l’article R. 3211-13 [donc la personne qui fait l’objet des soins psychia-triques] ou leur reprĂ©sentant ainsi que le ministĂšre public lorsqu’il est partie principale. [
] Le juge peut toujours ordonner la comparution des parties. [
] »

En revanche, l’article R. 3211-21 du code de la santĂ© publique, qui concerne la pro-cĂ©dure d’appel, dispose : « À l’audience, les parties et, lorsqu’il n’est pas partie, le tiers qui a demandĂ© l’admission en soins psychiatriques peuvent demander Ă  ĂȘtre entendus ou faire parvenir leurs observations par Ă©crit, auquel cas il en est donnĂ© connaissance aux parties prĂ©sentes Ă  l’audience. Le premier prĂ©sident ou son dĂ©lĂ©guĂ© peut toujours ordonner la comparution des parties. [
] »

Il en ressort que ce texte n’impose pas l’audition de la personne hospitalisĂ©e en cause d’appel.

Certes, les dispositions du dĂ©cret no 2014-897 du 15 aoĂ»t 2014 modifiant la pro-cĂ©dure judiciaire de mainlevĂ©e et de contrĂŽle des mesures de soins psychiatriques sans consentement ne devraient pas remettre en cause les dispositions lĂ©gales, mais la contra-riĂ©tĂ© existant entre ces diverses dispositions, dans un contentieux oĂč la procĂ©dure doit ĂȘtre strictement respectĂ©e, nĂ©cessite qu’il y soit remĂ©diĂ©.

S’agissant du contrĂŽle des soins sans consentement, la direction des affaires civiles et du sceau considĂšre, comme elle l’a dĂ©jĂ  indiquĂ© dans le Rapport 2018 et le Rapport 2019, que, par renvoi de l’article L. 3211-12-4 Ă  l’article L. 3211-12-2 du code de la santĂ© publique, la procĂ©dure d’appel doit suivre celle mise en place devant le juge des liber-tĂ©s et de la dĂ©tention et que les dispositions de l’article R. 3211-21 du code de la santĂ© publique, de nature rĂ©glementaire, ne peuvent contredire le principe de la comparution personnelle des parties, de nature lĂ©gislative. La DACS considĂšre que cet article doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens qu’il permet aux tiers, dont la comparution n’est pas prĂ©vue par l’article L. 3211-12-2 du mĂȘme code, de comparaĂźtre. La direction des affaires civiles et du sceau reconnaĂźt que l’utilisation du terme de « parties » dans l’article R. 3211-21 peut ĂȘtre source de confusion. Elle ajoute qu’en l’état du droit, en matiĂšre de soins sans consentement, le patient doit toujours ĂȘtre entendu, y compris en procĂ©dure d’appel, sauf si des motifs mĂ©dicaux y font obstacle ou en cas de circonstance insurmontable.

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En revanche, dans le cadre du contrĂŽle par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention des mesures d’isolement et de contention imposĂ© par la dĂ©cision du Conseil constitution-nel no 2020-844 QPC en date du 19 juin 2020, l’audition obligatoire du patient n’est pas le principe. En effet, l’article L. 3211-12-2, III, du code de la santĂ© publique, dans sa rĂ©daction issue de la loi no 2020-1576 du 14 dĂ©cembre 2020 de financement pour la sĂ©curitĂ© sociale pour 2021 (article 84), prĂ©voit que le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention statue en la matiĂšre sans audience selon une procĂ©dure Ă©crite, sauf s’il estime nĂ©ces-saire de tenir une audience. Le patient ou, le cas Ă©chĂ©ant, le demandeur peut deman-der Ă  ĂȘtre entendu par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, auquel cas cette audition est de droit et toute demande peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©e oralement. NĂ©anmoins, si, au vu d’un avis mĂ©dical motivĂ©, des motifs mĂ©dicaux font obstacle, dans son intĂ©rĂȘt, Ă  l’audition du patient, celui-ci est reprĂ©sentĂ© par un avocat choisi, dĂ©signĂ© au titre de l’aide juri-dictionnelle ou commis d’office. Ces dispositions sont applicables en appel par renvoi de l’article L. 3211-12-4, alinĂ©a 2, Ă  l’article L. 3211-12-1.

Proposition de rĂ©forme du code de la santĂ© publique : la fugue du patient hospitalisĂ© en soins sans consentement

Le juge judiciaire est compétent pour exercer un contrÎle de la mesure de soins sans consentement en hospitalisation complÚte, sa régularité et son bien-fondé.

Outre les conditions de forme, le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention doit donc vĂ©ri-fier que les conditions lĂ©gales exigĂ©es pour la mise en Ɠuvre de la mesure sont respec-tĂ©es et qu’elle est nĂ©cessaire, adaptĂ©e et proportionnĂ©e.

Les diffĂ©rentes mesures d’hospitalisation complĂšte sans consentement prises par le directeur d’établissement psychiatrique (article L. 3212-1 du CSP), le prĂ©fet (article L. 3213-1 du CSP) ou l’autoritĂ© judiciaire (article 706-135 du code de pro-cĂ©dure pĂ©nale) sont conditionnĂ©es par des troubles mentaux rendant impossible le consentement aux soins du malade et un Ă©tat mental imposant des soins immĂ©diats et une surveillance complĂšte.

Sans substituer son avis Ă  celui du mĂ©decin (1re Civ., 27 septembre 2017, pour-voi no 16-22.544, Bull. 2017, I, no 206), le juge exerce son contrĂŽle sur ces dĂ©cisions administratives en se fondant sur les certificats mĂ©dicaux circonstanciĂ©s Ă©tablis par des mĂ©decins psychiatres lesquels doivent constater l’état mental de la personne afin de confirmer ou non la nĂ©cessitĂ© des soins psychiatriques.

Ces certificats doivent ĂȘtre actualisĂ©s tous les mois, le mĂ©decin psychiatre apprĂ©-ciant notamment si la forme de la prise en charge est toujours adaptĂ©e.

Or, en cas de fugue du patient, les certificats mĂ©dicaux ne sont pas circonstanciĂ©s, ce qui prive le juge de la facultĂ© d’exercer un contrĂŽle effectif sur la mesure de soins.

Cette hypothÚse, non prévue par la loi et non encore tranchée par la Cour de cas-sation, divise les juges du fond :

– la majoritĂ© des juges des libertĂ©s et de la dĂ©tention (74 % en 2018-2019) lĂšve la mesure en considĂ©rant qu’aucun certificat mĂ©dical actualisĂ© et circonstanciĂ© ne permet de confirmer que le patient remplit toujours les conditions lĂ©gales.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la premiĂšre chambre civile

En cas de mainlevĂ©e de la mesure, le patient en fugue, toujours potentiellement dangereux pour lui-mĂȘme ou autrui, ne peut plus ĂȘtre inscrit au fichier des personnes recherchĂ©es.

– la majoritĂ© des cours d’appel (86 % en 2018-2019) maintient la mesure en consi-dĂ©rant qu’aucun nouvel Ă©lĂ©ment clinique ne permet d’affirmer que son Ă©tat se serait amĂ©liorĂ© et qu’il ne prĂ©senterait plus les troubles ayant justifiĂ© son admission en soins psychiatriques, puis le maintien de la mesure.

Il est donc proposĂ© de complĂ©ter le code de la santĂ© publique afin de prĂ©voir la situation de la fugue du patient et Ă©viter ainsi aux mĂ©decins, prĂ©fets, directeurs d’éta-blissement et juges judiciaires de se conformer inutilement Ă  une procĂ©dure lourde et difficilement applicable lorsque le patient est absent.

La procĂ©dure suivante pourrait ĂȘtre envisagĂ©e comme suit :

– inscription du patient en fugue au fichier des personnes recherchĂ©es ;

– suspension de l’exĂ©cution de la dĂ©cision administrative (par une dĂ©cision du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention dĂ©sormais compĂ©tent pour traiter de l’ensemble du conten-tieux ? par une dĂ©cision du directeur ? du prĂ©fet ?) ;

– suspension de la procĂ©dure en dĂ©coulant (renouvellement des certificats mĂ©dicaux, renouvellement des dĂ©cisions des directeurs et des prĂ©fets, contrĂŽle du juge des liber-tĂ©s et de la dĂ©tention Ă  12 jours puis tous les 6 mois) ;

– si rĂ©intĂ©gration du patient dans le mois de la derniĂšre dĂ©cision : reprise de la pro-cĂ©dure en cours ;

– si rĂ©intĂ©gration du patient plus d’un mois aprĂšs la derniĂšre dĂ©cision : reprise de la procĂ©dure avec une nouvelle pĂ©riode d’observation et de soins de 72 heures, une nou-velle dĂ©cision administrative, ainsi que le contrĂŽle automatique du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention Ă  12 jours.

La premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation maintient sa proposition de l’annĂ©e 2019, cette derniĂšre n’ayant pas Ă©tĂ© suivie d’effet en 2020.

La DACS cette annĂ©e encore rĂ©itĂšre son avis que la suspension proposĂ©e de la mesure prĂ©sente plus d’avantages pratiques que le maintien ou la mainlevĂ©e. NĂ©anmoins, elle souligne que cette modification aurait cependant des impacts sur le rĂ©gime juridique de la responsabilitĂ© des Ă©tablissements de santĂ© pendant la suspension de la mesure, qui verraient leur responsabilitĂ© engagĂ©e par le dĂ©faut de surveillance ayant permis au patient de quitter l’établissement. La DACS conclut que la modification lĂ©gislative envisagĂ©e suppose une expertise en lien avec le ministĂšre des solidaritĂ©s et de la santĂ©.

Proposition de rĂ©forme de la procĂ©dure de saisine pour avis de la Cour de cassation dans les dossiers Ă  dĂ©lais contraints

Selon l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, « avant de statuer sur une question de droit nouvelle, prĂ©sentant une difficultĂ© sĂ©rieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent, par une dĂ©cision non susceptible de recours, solliciter l’avis de la Cour de cassation ».

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La saisine pour avis de la Cour de cassation, rĂ©formĂ©e par la loi no 2016-1088 du 8 aoĂ»t 2016, a pour objectif de clarifier les rĂšgles de droit en Ă©vitant les divergences d’interprĂ©tation et assurer une plus grande sĂ©curitĂ© juridique.

Lorsque le juge « envisage de solliciter l’avis de la Cour de cassation en applica-tion de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, il en avise les parties et le ministĂšre public, Ă  peine d’irrecevabilitĂ©. Il recueille leurs observations Ă©crites Ă©ven-tuelles dans le dĂ©lai qu’il fixe, Ă  moins qu’ils n’aient dĂ©jĂ  conclu sur ce point.

DĂšs rĂ©ception des observations ou Ă  l’expiration du dĂ©lai, le juge peut, par une dĂ©ci-sion non susceptible de recours, solliciter l’avis de la Cour de cassation en formulant la question de droit qu’il lui soumet. Il sursoit Ă  statuer jusqu’à la rĂ©ception de l’avis ou jusqu’à l’expiration du dĂ©lai mentionnĂ© Ă  l’article 1031-3.

La saisine pour avis ne fait pas obstacle Ă  ce que le juge ordonne des mesures d’ur-gence ou conservatoires nĂ©cessaires » (article 1031-1 du CPC).

La question de droit doit pouvoir ĂȘtre examinĂ©e par la Cour de cassation dans le dĂ©lai imparti Ă  la juridiction pour statuer (Avis de la Cour de cassation, 20 novembre 2000, no 02-00.016, Bull. 2000, Avis, no 10).

Ces dispositions limitent, voire privent, les juges des libertĂ©s et de la dĂ©tention, tou-jours contraints de statuer dans des dĂ©lais trĂšs courts (12 jours en matiĂšre d’hospitali-sation sans consentement, 48 heures en matiĂšre d’étrangers), de la facultĂ© de saisir la Cour de cassation pour avis, dans des contentieux posant pourtant rĂ©guliĂšrement des questions de droit nouvelles, dans de nombreux litiges.

À titre tout Ă  fait exceptionnel, dans ce type d’hypothĂšse, il serait souhaitable que les juges des libertĂ©s et de la dĂ©tention puissent saisir la Cour de cassation sans sur-seoir Ă  statuer.

À cet Ă©gard, en matiĂšre de question prioritaire de constitutionnalitĂ©, en vertu de l’article 23-3, alinĂ©a 2, de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958, « il n’est sursis Ă  statuer ni lorsqu’une personne est privĂ©e de libertĂ© Ă  raison de l’instance ni lorsque l’instance a pour objet de mettre fin Ă  une mesure privative de libertĂ© mais en vertu de l’article 23-3, alinĂ©a 3, de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958. La juridic-tion peut statuer sans attendre la dĂ©cision relative Ă  la question prioritaire de consti-tutionnalitĂ© si la loi ou le rĂšglement prĂ©voit qu’elle statue dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ© ou en urgence ».

Il conviendrait par consĂ©quent de calquer la procĂ©dure applicable aux QPC, (article 23-3, alinĂ©a 3, de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958), en ajoutant Ă  l’article 1031-1, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile la possibilitĂ© pour le juge de statuer sans attendre la dĂ©cision pour avis de la Cour de cassation, si la loi ou le rĂšgle-ment prĂ©voit qu’il statue dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ© ou en urgence.

Cette rĂ©forme permettrait ainsi Ă  la Cour de cassation d’ĂȘtre saisie plus rapidement de questions nouvelles se posant dans de nombreux litiges et qui divisent les juges du fond. Cette suggestion proposĂ©e au Rapport annuel 2019 n’ayant pas Ă©tĂ© suivie d’effet doit ĂȘtre maintenue.

La DACS est attentive aux propositions de la Cour visant à permettre le dévelop-pement de la procédure pour avis dans les dossiers à délais contraints.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la premiĂšre chambre civile

Elle constate cependant qu’au-delĂ  du contentieux des Ă©trangers portĂ© devant le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, d’autres contentieux dans lesquels le juge est tenu par un dĂ©lai pourraient ĂȘtre concernĂ©s.

C’est ainsi le cas de certaines procĂ©dures en matiĂšre de droit des personnes et de la famille : l’article 175-2 du code civil prĂ©voit que le prĂ©sident du tribunal judiciaire statue dans les dix jours de la contestation de la dĂ©cision de sursis Ă  la cĂ©lĂ©bration du mariage, prise par le procureur de la RĂ©publique, ou de son renouvellement ; l’article 1061-1 du code de procĂ©dure civile dispose que le tribunal judiciaire statue dans les vingt-quatre heures de la requĂȘte en matiĂšre de contestations de funĂ©railles. La matiĂšre sociale est Ă©galement concernĂ©e (par exemple : articles R. 2122-28, R. 2122-40, R. 2143-5, R. 2313-3, R. 2313-6, R. 2314-25, R. 23-112-16 du code du travail).

PrĂ©voir qu’une QPC peut ĂȘtre formĂ©e sans que le juge saisi d’une affaire doive surseoir Ă  statuer dans le cas oĂč il doit statuer dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ© ou en urgence permet un contrĂŽle de constitutionnalitĂ© effectif des dispositions lĂ©gislatives appli-cables au litige ou Ă  la procĂ©dure.

La procĂ©dure d’avis ne poursuit pas la mĂȘme finalitĂ©. Elle permet Ă  la Cour de cas-sation de faire connaĂźtre rapidement son interprĂ©tation de dispositions nouvelles dans un objectif d’unification de la jurisprudence.

La DACS remarque que, dans les matiĂšres dans lesquelles le juge civil doit statuer dans des dĂ©lais dĂ©terminĂ©s ou en urgence, les voies de recours ouvertes contre les dĂ©ci-sions rendues en premiĂšre instance font l’objet de dispositions spĂ©ciales permettant leur traitement rapide et la saisine Ă  bref dĂ©lai de la Cour de cassation. Elle peut ainsi unifier rapidement la jurisprudence lorsqu’une question nouvelle qui divise les juges du fond se pose dans ces matiĂšres. Il n’est dĂšs lors pas Ă©vident que l’ouverture de la procĂ©dure d’avis dans ces procĂ©dures, en prĂ©voyant que le juge ne sursoit pas Ă  statuer, rĂ©ponde mieux Ă  l’objectif poursuivi que les dispositions procĂ©durales dĂ©jĂ  en vigueur.

La DACS est dÚs lors réservée sur cette proposition.

B. Suggestions nouvelles

Pas de suggestions nouvelles en 2020.

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II. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

A. Suivi des suggestions de réforme

Aide juridictionnelle

L’article 16 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă  l’aide juridique dispose que le bureau Ă©tabli prĂšs la Cour de cassation est prĂ©sidĂ© par un magistrat du siĂšge de cette Cour en activitĂ© ou honoraire.

Les membres dĂ©signĂ©s du bureau, choisis par la Cour de cassation, peuvent, en revanche, ne pas ĂȘtre des magistrats du siĂšge dĂšs lors que les textes applicables n’ont pas exigĂ© cette qualitĂ©. L’article 19 du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 por-tant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă  l’aide juridique dis-pose, en effet, que :

« Les membres des bureaux d’aide juridictionnelle choisis par la Cour de cassation et par le Conseil d’État, les avocats et officiers publics ou ministĂ©riels membres des bureaux d’aide juridictionnelle peuvent ĂȘtre choisis parmi les magistrats honoraires Ă  la Cour de cassation, les membres honoraires du Conseil d’État, les avocats honoraires et les officiers publics ou ministĂ©riels honoraires. »

Au sein des bureaux d’aide juridictionnelle peuvent ĂȘtre crĂ©Ă©es des divisions en fonction du volume des demandes Ă  traiter. L’article 8 du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă  l’aide juridique prĂ©-voit, en effet, que les bureaux d’aide juridictionnelle peuvent comporter des divisions si le nombre des affaires l’exige. Il indique, in fine, que les dispositions concernant les bureaux ainsi que leurs prĂ©sidents et membres sont applicables Ă  chaque division, Ă  l’ex-ception de celles du premier alinĂ©a de l’article 22, lequel vise le traitement des demandes ne prĂ©sentant manifestement pas de difficultĂ© sĂ©rieuse.

La loi ne contient, quant à elle, aucune disposition spécifique sur la qualité des pré-sidents des divisions, de sorte que cette derniÚre est déterminée par les seules disposi-tions réglementaires ci-avant mentionnées.

La lecture combinĂ©e des dispositions de l’article 8 du dĂ©cret du 19 dĂ©cembre 1991 prĂ©citĂ© et de celles de l’article 16 de la loi du 10 juillet 1991 prĂ©citĂ© auxquelles il ren-voie en visant les dispositions relatives aux prĂ©sidents et membres des bureaux implique ainsi que chaque division soit prĂ©sidĂ©e, comme le bureau lui-mĂȘme, par un magistrat du siĂšge de la Cour de cassation, en activitĂ© ou honoraire.

Or rien ne paraĂźt lĂ©gitimer une telle distinction, pour la prĂ©sidence des divisions, entre les magistrats du siĂšge de la Cour de cassation et ceux du parquet gĂ©nĂ©ral, les uns comme les autres pouvant indiffĂ©remment ĂȘtre choisis par la Cour pour en ĂȘtre membres et y exercer les responsabilitĂ©s de cette fonction.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

Dans ces conditions, il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© en 2017 d’opĂ©rer une modification de l’article 8 du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 prĂ©citĂ©. Celui-ci pourrait ĂȘtre ainsi rĂ©digĂ© :

« Les bureaux d’aide juridictionnelle ou les sections de bureau peuvent comporter des divisions si le nombre des affaires l’exige.

La crĂ©ation de divisions au sein d’un bureau ou d’une section de bureau est dĂ©ci-dĂ©e, selon le cas, par l’autoritĂ© compĂ©tente en vertu des articles 10 et 11 pour nommer le prĂ©sident du bureau ou d’une section de bureau.

La dĂ©cision portant crĂ©ation de divisions au sein d’un bureau ou d’une section de bureau dĂ©signe celui des prĂ©sidents de ces divisions qui exerce la fonction de prĂ©sident du bureau ou de la section de bureau.

Les dispositions concernant les bureaux et les sections de bureau ainsi que leurs prĂ©-sidents et membres sont applicables Ă  chaque division, Ă  l’exception de celles du premier alinĂ©a de l’article 22. Toutefois, les divisions crĂ©Ă©es au sein du bureau Ă©tabli prĂšs la Cour de cassation sont prĂ©sidĂ©es par un magistrat de cette Cour en activitĂ© ou honoraire. »

Si la direction des affaires civiles et du sceau indiquait alors que, pour rĂ©soudre la difficultĂ© identifiĂ©e et permettre aux membres du parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de prĂ©si-der une division il paraissait possible de modifier le dĂ©cret du 19 dĂ©cembre 1991, il faut relever que non seulement aucune Ă©volution n’a Ă©tĂ© constatĂ©e en ce sens, mais qu’au contraire ce dĂ©cret a Ă©tĂ© remplacĂ© par le dĂ©cret no 2020-1717 du 28 dĂ©cembre 2020 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă  l’aide juridique et relatif Ă  l’aide juridictionnelle et Ă  l’aide Ă  l’intervention de l’avocat dans les procĂ©dures non juridictionnelles, lequel ne procĂšde, sur la question considĂ©rĂ©e, Ă  aucune modi-fication. Il convient donc cette annĂ©e encore de maintenir cette proposition, voire de suggĂ©rer, si nĂ©cessaire, que la modification envisagĂ©e soit insĂ©rĂ©e dans la loi du 10 juil-let 1991 elle-mĂȘme, ce que la rĂ©forme de l’aide juridictionnelle en cours pourrait ĂȘtre l’occasion de mettre en Ɠuvre.

La direction des affaires civiles et du sceau n’a pas fait connaĂźtre cette annĂ©e sa position sur ce point.

Droit des assurances

RĂ©forme de l’article L. 114-2 du code des assurances : alignement du dĂ©lai de prescription du droit des assurances sur le dĂ©lai de droit commun

Le code des assurances dĂ©roge au dĂ©lai de prescription de droit commun de cinq ans prĂ©vu par l’article 2224 du code civil pour retenir, aux termes de son article L. 114-1, que toutes les actions dĂ©rivant du contrat d’assurance sont prescrites par deux ans Ă  comp-ter de l’évĂ©nement qui y donne naissance. Mode d’extinction de l’obligation, cette pres-cription permet Ă  l’assureur de se libĂ©rer envers l’assurĂ© restĂ© inactif pendant deux ans.

L’article R. 112-1 du code des assurances impose de rappeler ce dĂ©lai trĂšs court dans les polices d’assurance.

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Pour rendre effective cette obligation d’information pesant sur l’assureur, et ainsi protĂ©ger l’assurĂ©, la Cour de cassation a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  prĂ©ciser la sanction de cette obli-gation et son contenu. En effet, Ă  dĂ©faut d’avoir satisfait Ă  l’obligation prĂ©vue Ă  l’ar-ticle R. 112-1 prĂ©citĂ©, l’assureur ne peut opposer Ă  l’assurĂ© cette prescription (2e Civ., 2 juin 2005, pourvoi no 03-11.871, Bull. 2005, II, no 141). De plus, pour satisfaire Ă  l’obli-gation, les polices doivent indiquer les diffĂ©rents points de dĂ©part du dĂ©lai de prescription qui sont citĂ©s Ă  l’article L. 114-1 prĂ©citĂ© (2e Civ., 28 avril 2011, pourvoi no 10-16.403, Bull. 2011, II, no 92 ; 3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi no 10-16.269, Bull. 2011, III, no 60), et elles doivent mentionner les causes d’interruption de la prescription citĂ©es Ă  l’ar-ticle L. 114-2 du code des assurances (2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi no 08-13.094, Bull. 2009, II, no 201 ; 3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi no 10-25.246, Bull. 2011, III, no 195) mais aussi les causes ordinaires d’interruption de la prescription (2e Civ., 18 avril 2013, pourvoi no 12-19.519, Bull. 2013, II, no 83).

Le lĂ©gislateur a, par la loi no 89-1014 du 31 dĂ©cembre 1989 portant adaptation du code des assurances Ă  l’ouverture du marchĂ© europĂ©en, fait Ă©chapper Ă  cette prescrip-tion biennale, pour la porter Ă  dix ans, les contrats d’assurance sur la vie lorsque le bĂ©nĂ©ficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bĂ©nĂ©ficiaires sont les ayants droit de l’assurĂ© dĂ©cĂ©dĂ©. Mais il n’a pas, lors de la rĂ©forme du droit des prescriptions par la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant rĂ©forme de la prescription en matiĂšre civile, modifiĂ© ce rĂ©gime qui demeure dĂ©rogatoire au droit commun qu’il instituait.

Le contentieux en la matiĂšre est abondant et gagnerait en simplicitĂ© si la pres-cription en matiĂšre d’assurance rĂ©pondait au rĂ©gime unifiĂ© aujourd’hui codifiĂ© aux articles 2219 et suivants du code civil et, pour le dĂ©lai, Ă  celui de cinq ans prĂ©vu Ă  l’ar-ticle 2224 de ce code pour les actions personnelles ou mobiliĂšres. Cet allongement amĂ©liorerait la protection des assurĂ©s qui, aujourd’hui, se laissent surprendre par le dĂ©lai, notamment parce qu’ils ne mesurent pas que les pourparlers avec l’assureur ne suspendent pas la prescription.

Cette derniĂšre difficultĂ© a donnĂ© lieu Ă  onze reprises depuis 1990, la derniĂšre au Rapport annuel de 2012, Ă  une suggestion de rĂ©forme de l’article L. 114-2 du code des assurances prĂ©citĂ© qui n’a pas Ă©tĂ© suivie d’effet. Au regard des consĂ©quences des man-quements aux exigences de l’information de l’assurĂ©, qui fait dĂ©sormais peser sur l’assu-reur l’obligation de mentionner prĂ©cisĂ©ment et complĂštement dans la police les rĂšgles du rĂ©gime de la prescription applicable sous peine de s’exposer Ă  l’inopposabilitĂ© de celle-ci, il y a lieu de s’interroger sur l’opportunitĂ© de maintenir le rĂ©gime spĂ©cial de prescription en matiĂšre d’assurance tant quant Ă  sa durĂ©e que pour les causes d’inter-ruption et l’obligation d’information.

En l’absence de modification du texte malgrĂ© l’avis favorable Ă©mis par la direction des affaires civiles et du sceau Ă  l’occasion de la publication du Rapport annuel depuis 2018, il convient de maintenir la prĂ©sente suggestion d’aligner le dĂ©lai de prescription du droit des assurances sur le dĂ©lai de droit commun afin que les assurĂ©s ne se laissent plus surprendre par la briĂšvetĂ© du dĂ©lai de deux ans de la prescription.

La DACS est favorable Ă  cette proposition, dans la mesure oĂč le dĂ©lai de deux ans prescrit par l’article L. 114-2 du code des assurances n’est pas suspendu par les pour-parlers entre l’assureur et l’assurĂ©, mĂȘme en cas d’expertise amiable en cours. Une autre possibilitĂ© consisterait Ă  prĂ©ciser dans le texte que la phase de discussion amiable entre

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

l’assureur et l’assurĂ© est une cause de suspension du dĂ©lai. La direction prĂ©cise toute-fois que cette proposition de modification du code des assurances relĂšve Ă  titre princi-pal du ministĂšre en charge de l’économie et des finances.

Experts et médiateurs judiciaires

Constitution d’un statut de traducteur assermentĂ© distinct de celui d’expert judiciaire

Si la traduction de documents rendue nĂ©cessaire par une procĂ©dure judiciaire relĂšve naturellement d’un expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la Cour de cassa-tion ou d’une cour d’appel, de nombreux autres dispositifs, non juridictionnels, imposent la production d’un acte traduit par un traducteur « assermentĂ© » ou « agrĂ©Ă© ».

Tel est le cas, notamment, de la lĂ©galisation des actes Ă©trangers. En l’absence de statut de traducteur assermentĂ©, il est exigĂ© pour ces traductions administratives en France – Ă  la diffĂ©rence du systĂšme prĂ©valant dans d’autres États notamment de l’Union europĂ©enne â€“ le recours Ă  un expert judiciaire. Pourtant, l’expertise judiciaire n’est pas une profession (2e Civ., 4 juillet 2007, pourvoi no 07-12.078, Bull. 2007, II, no 196), mais une activitĂ© accomplie pour les juridictions. Il en rĂ©sulte que les listes d’experts judiciaires dressĂ©es par la Cour de cassation et les cours d’appel sont Ă©tablies pour la seule « information des juges » (loi no 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judi-ciaires, article 2).

Cette exigence d’un recours Ă  un expert judiciaire pour des activitĂ©s non juridic-tionnelles s’avĂšre aujourd’hui inadaptĂ©e.

Elle est lourde de consĂ©quences pour les juridictions en termes de surcroĂźt d’acti-vitĂ©. En effet, chaque cour d’appel reçoit un nombre important de candidatures Ă  l’ins-cription sur la liste d’experts judiciaires qu’elle est tenue de dresser chaque annĂ©e et la Cour de cassation connaĂźt, corrĂ©lativement, d’un grand nombre de recours contre les dĂ©cisions refusant de telles inscriptions, notamment en raison de l’absence de besoin des juridictions (dĂ©cret no 2004-1463 du 23 dĂ©cembre 2004 relatif aux experts judi-ciaires, article 8), auxquelles les requĂ©rants opposent la nĂ©cessitĂ© pour eux de figurer sur une telle liste pour exercer pleinement leur activitĂ© professionnelle de traducteur. Or, l’inscription des traducteurs sur ces listes reprĂ©sente actuellement une grande part de cette activitĂ©.

PrĂ©judiciable pour les juridictions, cette situation n’est pas davantage satisfaisante pour les candidats Ă  l’exercice d’une activitĂ© de traduction. En effet, elle leur impose, pour accomplir des traductions reconnues par l’autoritĂ© administrative française ou Ă©trangĂšre – alors qu’ils disposent, pour la plupart d’entre eux, des qualifications suffi-santes â€“ l’obligation, peu adĂ©quate, de justifier d’une activitĂ© et de compĂ©tences dans le domaine judiciaire. Elle fait, ensuite, peser sur l’institution judiciaire une charge dĂ©pourvue de lien avec l’activitĂ© juridictionnelle et qui s’avĂšre d’autant plus lourde que le processus de sĂ©lection des experts judiciaires s’est progressivement juridictionnalisĂ© – avec notamment l’exigence de motivation des refus d’inscription par les assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales des magistrats du siĂšge des cours d’appel et de la Cour de cassation et l’ou-verture d’un recours devant la Cour de cassation dispensĂ© de tout ministĂšre d’avocat.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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La Cour de cassation proposait ainsi, Ă  l’occasion de la publication de ses Rapports annuels depuis 2017, de crĂ©er un statut ou une reconnaissance de qualification de tra-ducteur ne relevant pas de l’autoritĂ© judiciaire, destinĂ© Ă  permettre l’accomplissement de traductions administratives par des traducteurs non inscrits sur les listes d’experts judiciaires.

Cette suggestion de rĂ©forme n’a toujours pas Ă©tĂ© suivie d’effet malgrĂ© l’avis favo-rable Ă©mis par la direction des affaires civiles et du sceau aux Rapports 2018 et 2019. La Cour de cassation entend la maintenir cette annĂ©e encore. En effet, les motifs mis en avant au soutien de cette proposition demeurent d’actualitĂ© et paraissent d’autant plus justifier l’opportunitĂ© de son maintien que, d’une part, cette position a Ă©tĂ© soutenue par la chambre lors de sa consultation par le groupe de travail interdirectionnel relatif Ă  l’expertise et, d’autre part, un dĂ©cret du 10 novembre 2020 relatif Ă  la lĂ©galisation des actes publics Ă©tablis par une autoritĂ© Ă©trangĂšre prĂ©voit que « Pour ĂȘtre lĂ©galisĂ©s, les actes publics rĂ©digĂ©s en langue Ă©trangĂšre doivent ĂȘtre accompagnĂ©s d’une traduction en fran-çais effectuĂ©e par un traducteur habilitĂ© Ă  intervenir auprĂšs des autoritĂ©s judiciaires ou administratives françaises ou d’un autre État membre de l’Union europĂ©enne ou d’un État partie Ă  l’accord sur l’Espace Ă©conomique europĂ©en ou de la Suisse, ou auprĂšs des autoritĂ©s de l’État de rĂ©sidence. » (dĂ©cret no 2020-1370 du 10 novembre 2020, article 5).

La DACS indique maintenir cette année encore ses observations.

La DACS est sensible Ă  la nĂ©cessitĂ© d’allĂ©ger la charge des cours d’appel, au regard de leurs situations, et de la Cour de cassation, au regard du nombre important de recours traitĂ©s. NĂ©anmoins, l’examen des qualitĂ©s professionnelles des traducteurs par les cours d’appel permet une apprĂ©ciation in concreto des qualifications et de l’expĂ©rience professionnelle des candidats. La dĂ©cision d’inscription ou non des traducteurs est un gage de qualitĂ© et de sĂ©rieux fondĂ© sur l’indĂ©pendance des magistrats qui la prennent.

Cependant, il apparaĂźt en effet disproportionnĂ© d’imposer aux citoyens de se pro-curer les services d’un traducteur inscrit sur la liste d’une cour d’appel si la diligence est sans lien avec une procĂ©dure judiciaire. De ce point de vue, il pourrait ĂȘtre envi-sagĂ© soit de supprimer l’exigence d’une traduction par un expert inscrit sur les listes dans les textes en question, soit de crĂ©er un agrĂ©ment administratif (sujet Ă  examiner en lien avec les ministĂšres concernĂ©s).

La DACS observe qu’il convient d’éviter une multiplication des listes sur lesquelles figureraient les traducteurs, qui pourrait ĂȘtre de nature Ă  crĂ©er de la confusion chez les citoyens, qui peuvent, selon la diversitĂ© des situations qu’ils connaissent, s’adresser Ă  un traducteur certes inscrit sur une liste, mais pas sur la liste permettant de rĂ©pondre Ă  leur besoin spĂ©cifique. L’unicitĂ© de la liste sur laquelle figurent les traducteurs asser-mentĂ©s ou agrĂ©Ă©s est une mesure de simplicitĂ© Ă  l’avantage des citoyens.

Rejet non spĂ©cialement motivĂ© du recours contre les dĂ©cisions de refus d’inscription et de rĂ©inscription

La Cour de cassation connaĂźt du recours contre les dĂ©cisions des assemblĂ©es gĂ©nĂ©-rales des magistrats du siĂšge des cours d’appel en matiĂšre d’inscription et de rĂ©inscrip-tion des experts judiciaires, des enquĂȘteurs sociaux et, depuis le dĂ©cret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif Ă  la liste des mĂ©diateurs auprĂšs de la cour d’appel, de ces derniers.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

La nature du contrĂŽle qu’exerce la Cour de cassation en la matiĂšre, qui la conduit pour l’essentiel Ă  s’assurer de l’absence d’erreur manifeste dans la procĂ©dure suivie ou dans l’apprĂ©ciation des mĂ©rites des candidatures, la conduit Ă  n’accueillir qu’une pro-portion trĂšs limitĂ©e des recours qui sont formĂ©s devant elle, l’immense majoritĂ© de ceux-ci Ă©tant Ă©cartĂ©e, en l’état de la constatation de motifs exempts d’erreur manifeste d’apprĂ©ciation, par une dĂ©cision dont la motivation est dĂ©nuĂ©e de rĂ©el intĂ©rĂȘt, y com-pris pour l’auteur du recours lui-mĂȘme. Il est ainsi paradoxal que la Cour de cassation puisse, en application de l’article 1014 du code de procĂ©dure civile, rejeter un pour-voi par une dĂ©cision non spĂ©cialement motivĂ©e, mais ne le puisse pas pour un recours formĂ© en cette matiĂšre.

En vue de rationaliser le traitement de ce contentieux par la Cour de cassation (en particulier avec la perspective de la multiplication de ces recours par la constitution de listes de mĂ©diateurs), il est suggĂ©rĂ© de lui permettre de rejeter, par une dĂ©cision non spĂ©-cialement motivĂ©e, les recours contre une dĂ©cision de refus d’inscription ou de rĂ©ins-cription sur l’une de ces listes, qui sont irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature Ă  entraĂźner l’annulation de cette dĂ©cision.

Depuis 2017, la direction des affaires civiles et du sceau s’est dĂ©clarĂ©e favorable Ă  la proposition consistant Ă  permettre Ă  la Cour de cassation de rejeter sans motivation les recours qui apparaĂźtraient manifestement irrecevables. Pour les recours recevables, elle relevait en 2017 qu’il convenait de tenir compte de la nature du contrĂŽle opĂ©rĂ© par la Cour en la matiĂšre, qui ne connaĂźt pas ici d’un pourvoi en cassation mais d’un recours contre une dĂ©cision administrative.

Cette proposition n’a pas Ă©tĂ© mise en Ɠuvre et les motifs Ă©voquĂ©s par la direction des affaires civiles et du sceau ne paraissent pas de nature Ă  en justifier l’abandon. On rappellera en particulier, au regard des rĂ©serves tirĂ©es du caractĂšre « administratif » de la dĂ©cision de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la cour d’appel, que l’inscription ou la rĂ©inscrip-tion sur une liste d’experts judiciaires ne constitue en aucune façon un droit Ă  caractĂšre civil et que le recours exercĂ© en la matiĂšre n’entre ainsi notamment pas dans le champ d’application des dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales (2e Civ., 21 septembre 2006, pourvoi no 06-12.007, Bull. 2006, II, no 243).

Cette proposition s’inscrit dans l’esprit des propositions du rapport « Pour une rĂ©forme du pourvoi en cassation en matiĂšre civile » remis par M. Nallet Ă  la garde des sceaux le 9 novembre 2019 et prĂŽnant de renforcer la procĂ©dure d’admission.

Cette proposition n’ayant pas Ă©tĂ© suivie d’effet, la Cour de cassation entend la main-tenir cette annĂ©e encore. En effet, les motifs mis en avant Ă  son soutien demeurent d’actualitĂ© et ont Ă©tĂ© invoquĂ©s par la chambre lors de sa consultation par le groupe de travail interdirectionnel relatif Ă  l’expertise.

La DACS reste favorable Ă  la proposition consistant Ă  permettre Ă  la Cour de cas-sation de rejeter sans motivation les recours contre une dĂ©cision de refus d’inscrip-tion ou de rĂ©inscription sur l’une de ces listes qui seraient manifestement irrecevables.

Sur les recours manifestement infondés la DACS maintient les observations aux suggestions des Rapports de la Cour de cassation depuis 2017, à savoir :

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– qu’il est nĂ©cessaire pour le requĂ©rant de connaĂźtre les raisons pour lesquelles sa demande a Ă©tĂ© rejetĂ©e par la Cour de cassation s’agissant d’une dĂ©cision non juridictionnelle ;

– qu’il ne peut ĂȘtre renvoyĂ© au rapport pour connaĂźtre la motivation de la dĂ©cision ;

– que le contrĂŽle effectuĂ© par la Cour (absence d’erreur manifeste dans la procĂ©dure suivie et apprĂ©ciation du mĂ©rite de la candidature) a pour consĂ©quence que trĂšs peu de recours sont accueillis.

La DACS rappelle par ailleurs l’arrĂȘt du 17 mars 2011 de la CJUE Josep Penarroja Fa : « Il y a dĂšs lors lieu de rĂ©pondre Ă  la troisiĂšme question posĂ©e dans l’affaire C-372/09 que l’article 49 CE, auquel correspond actuellement l’article 56, TFUE s’oppose Ă  une rĂ©glementation nationale telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’inscription sur une liste d’experts judiciaires traducteurs est soumise Ă  des conditions de qualification sans que les intĂ©ressĂ©s puissent obtenir connaissance des motifs de la dĂ©cision prise Ă  leur Ă©gard et sans que celle-ci soit susceptible d’un recours de nature juridictionnelle effectif permettant de vĂ©rifier sa lĂ©galitĂ©, notamment quant au respect de l’exigence, rĂ©sultant du droit de l’Union, que leur qualification acquise et reconnue dans d’autres États membres ait Ă©tĂ© dĂ»ment prise en compte. »

Suspension provisoire de l’expert judiciaire

L’article 31 du dĂ©cret no 2004-1463 du 23 dĂ©cembre 2004 relatif aux experts judi-ciaires dispose, en matiĂšre disciplinaire : « Lorsque l’urgence le justifie, le premier prĂ©-sident de la cour d’appel ou de la Cour de cassation, s’il s’agit d’un expert inscrit sur la liste nationale, ou le magistrat qu’ils dĂ©lĂšguent Ă  cet effet, peut, Ă  la demande du pro-cureur gĂ©nĂ©ral, suspendre provisoirement un expert lorsque ce dernier fait l’objet de poursuites pĂ©nales ou disciplinaires, aprĂšs avoir mis l’intĂ©ressĂ© en mesure de fournir ses explications. »

À la diffĂ©rence de la radiation, aucune disposition du dĂ©cret ne prĂ©voit que la sus-pension provisoire de l’expert de la liste nationale emporte de plein droit sa suspen-sion sur la liste de la cour d’appel.

En effet, l’article 30 du dĂ©cret no 2004-1463 du 23 dĂ©cembre 2004 relatif aux experts judiciaires dispose : « La radiation d’un expert de la liste nationale emporte de plein droit sa radiation de la liste dressĂ©e par une cour d’appel. La radiation d’un expert d’une liste dressĂ©e par une cour d’appel emporte de plein droit sa radiation de la liste nationale.

Une expĂ©dition de la dĂ©cision de radiation est adressĂ©e, selon le cas, au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la cour d’appel ou au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation. »

Or, il semble opportun en termes d’efficience et de cohĂ©rence de la dĂ©cision de sus-pension provisoire d’un expert de la liste nationale que celle-ci emporte de plein droit sa suspension de la liste dressĂ©e par une cour d’appel.

Ainsi, il est proposĂ© de modifier le dĂ©cret relatif aux experts judiciaires Ă  l’instar de l’article 30 sur la radiation en ajoutant un second alinĂ©a Ă  l’article 31 rĂ©digĂ© comme suit :

« La suspension d’un expert de la liste nationale emporte de plein droit sa suspen-sion de la liste dressĂ©e par une cour d’appel. »

L’actuel alinĂ©a 2 de l’article 31, devenant alors alinĂ©a 3, serait ainsi ajustĂ© :

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

« Le premier prĂ©sident qui a ordonnĂ© la suspension peut, Ă  la demande du procu-reur gĂ©nĂ©ral, ou Ă  la requĂȘte de l’intĂ©ressĂ©, y mettre fin. »

Enfin, le parallĂ©lisme des formes avec la radiation pourrait inciter Ă  aller plus loin et Ă  prĂ©voir Ă©galement que la suspension d’un expert d’une liste dressĂ©e par une cour d’appel emporterait de plein droit sa suspension de la liste nationale.

Dans le Rapport annuel 2019, la direction des affaires civiles et du sceau avait indiquĂ© ne pas ĂȘtre opposĂ©e Ă  une modification de l’article 31 du dĂ©cret prĂ©citĂ© du 23 dĂ©cembre 2004.

Cette annĂ©e encore la deuxiĂšme chambre civile entend maintenir sa proposition, l’ayant fermement soutenue lors de sa consultation par le groupe de travail interdirec-tionnel relatif Ă  l’expertise.

La direction des affaires civiles et du sceau confirme cette annĂ©e encore ne pas ĂȘtre opposĂ©e Ă  une modification de l’article 31 du dĂ©cret prĂ©citĂ© du 23 dĂ©cembre 2004 qui permettrait de prĂ©voir que la suspension de la liste nationale emporte de plein droit la suspension de l’expert de la liste dressĂ©e par la cour d’appel. Elle ajoute qu’il peut aussi ĂȘtre envisagĂ© de modifier le dĂ©cret en alignant le rĂ©gime de la suspension provisoire sur celui de la radiation et donc en prĂ©voyant que la suspension d’un expert d’une liste dressĂ©e par une cour d’appel emporte de plein droit sa suspension de la liste nationale.

Experts judiciaires et mĂ©diateurs : amĂ©lioration de l’élaboration des listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours d’appel – certification ou reconnaissance administrative des mĂ©diateurs

Les premiĂšres mises en Ɠuvre du dĂ©cret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 rela-tif aux listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours d’appel dĂ©montrent la nĂ©cessitĂ© de faire Ă©voluer la matiĂšre. Sans mĂȘme Ă©voquer les difficultĂ©s ponctuelles posĂ©es par cette nouvelle rĂ©glementation (par exemple pour ce qui concerne l’inscription de personnes morales : 2e Civ., 27 juin 2019, pourvoi no 19-60.120), le nouveau dispositif gagnerait Ă  faire l’objet de deux grandes Ă©volutions.

En premier lieu, c’est la tenue mĂȘme par les cours d’appel de telles listes qu’il convient d’interroger. En effet, en l’état de la dĂ©nomination de ces listes, regroupant des « mĂ©dia-teurs » et non des « mĂ©diateurs judiciaires » et de la volontĂ© affichĂ©e de dĂ©velopper les modes extrajudiciaires de rĂšglement des conflits, c’est-Ă -dire en dehors mĂȘme de toute procĂ©dure judiciaire, on doit se demander si ces listes tendent bien, comme l’indique pourtant l’article 22-1 A de la loi no 95-125 du 8 fĂ©vrier 1995 relative Ă  l’organisation des juridictions et Ă  la procĂ©dure civile, pĂ©nale et administrative, Ă  l’information des juridictions. L’établissement des listes de mĂ©diateurs par les assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales des magistrats du siĂšge des cours d’appel a ainsi reprĂ©sentĂ© pour ces derniĂšres une mission supplĂ©mentaire, alors mĂȘme qu’elle ne constitue pas une activitĂ© juridictionnelle et que la mĂ©diation gagne Ă  se dĂ©velopper au-delĂ  de la stricte sphĂšre judiciaire. La Cour de cassation a donc formulĂ© au Rapport 2019 la suggestion nouvelle d’une certification ou d’une reconnaissance administrative des mĂ©diateurs. Celle-ci permettrait un pilotage global de l’ensemble de ces activitĂ©s de rĂ©solution amiable, dont tous les observateurs soulignent le caractĂšre indispensable. Il pourrait alors ĂȘtre envisagĂ© la transformation de ces listes en listes de mĂ©diateurs judiciaires, alors soumis Ă  des conditions d’inscrip-tion plus en phase avec les besoins propres des juridictions.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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Cette proposition récente est parfaitement justifiée, en droit comme en opportu-nité, elle est donc maintenue cette année encore.

La DACS partage le constat selon lequel l’établissement d’une liste de mĂ©diateurs fait peser sur les juridictions une mission supplĂ©mentaire qui ne correspond pas Ă  une activitĂ© juridictionnelle. Elle Ă©met nĂ©anmoins quelques rĂ©serves quant Ă  l’établisse-ment de deux listes distinctes et souligne les avantages en termes de cohĂ©rence, de lisibilitĂ© et de simplicitĂ© pour les citoyens d’une liste unique de mĂ©diateurs ainsi que le gage de qualitĂ© que constitue la dĂ©cision d’inscription prise en toute indĂ©pendance par des magistrats apprĂ©ciant in concreto les qualifications et l’expĂ©rience profession-nelle des candidats.

AmĂ©lioration de l’élaboration des listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours d’appel – interdiction du cumul de demandes d’inscription auprĂšs de plusieurs cours d’appel

En deuxiĂšme lieu, le dĂ©cret du 9 octobre 2017 se caractĂ©rise par une insuffisance des conditions d’inscription sur une liste, au regard des besoins des juridictions. En parti-culier, le texte ne prĂ©voit ni prise en compte des besoins des juridictions du ressort de la cour d’appel, ni condition de rĂ©sidence des candidats, ni interdiction de cumul de candidatures voire d’inscriptions auprĂšs de plusieurs cours d’appel. La Cour de cassa-tion est ainsi amenĂ©e Ă  annuler tout refus d’inscription procĂ©dant, directement ou indi-rectement, de tels types de critĂšres (2e Civ., 27 septembre 2018, pourvoi no 18-60.132, publiĂ© au Bulletin ; 2e Civ., 18 octobre 2018, pourvoi no 18-60.128, publiĂ© au Bulletin). L’instruction des recours formĂ©s devant la Cour de cassation dĂ©montre alors que nombre de candidats paraissent avoir prĂ©sentĂ© des demandes d’inscription devant plusieurs cours d’appel, accroissant inutilement la charge qui leur est confiĂ©e et faisant encou-rir le risque d’inscriptions multiples, sans certitude sur la capacitĂ© d’un tel mĂ©diateur Ă  remplir les missions susceptibles de lui ĂȘtre confiĂ©es par les diffĂ©rentes cours d’ap-pel auprĂšs desquelles il serait inscrit. Dans ces conditions, il apparaĂźt indispensable de permettre de prendre en compte les besoins des juridictions, d’imposer aux candidats de choisir une seule cour d’appel auprĂšs de laquelle s’inscrire et d’organiser, corrĂ©lati-vement, une centralisation de l’information – que du reste la certification prĂ©cĂ©dem-ment Ă©voquĂ©e permettrait d’assurer.

Cette seconde proposition de réforme intéressant spécialement les listes de média-teurs est parfaitement justifiée, en droit comme en opportunité, et suscite un avis favo-rable de la chancellerie, elle est donc maintenue cette année encore.

Sous rĂ©serve de la compĂ©tence de la DACS, cette derniĂšre n’est pas opposĂ©e, s’agissant des listes de mĂ©diateurs, Ă  une modification du dĂ©cret no 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif Ă  la liste des mĂ©diateurs auprĂšs de la cour d’appel impliquant notamment l’ajout de l’interdiction du cumul de demandes d’inscription auprĂšs de plusieurs cours d’ap-pel, ainsi qu’une condition de rĂ©sidence des candidats. Cette modification permettrait un alignement des conditions exigĂ©es par le dĂ©cret prĂ©citĂ© du 9 octobre 2017 pour les mĂ©diateurs sur celles prescrites pour les experts judiciaires par le dĂ©cret no 2004-1463 du 23 dĂ©cembre 2004.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

Procédure civile

Instruction Ă  bref dĂ©lai des affaires relevant de la procĂ©dure ordinaire devant la cour d’appel

La rĂ©forme de cette procĂ©dure, en 2009 puis en 2017, a suscitĂ© une intense activitĂ© jurisprudentielle, qui a dĂ©jĂ  conduit la Cour de cassation Ă  devoir formuler de nom-breuses propositions de rĂ©formes, que le dĂ©cret no 2017-891 du 6 mai 2017 a entendu mettre en Ɠuvre, en mĂȘme temps qu’il apportait d’autres modifications substantielles Ă  la procĂ©dure d’appel. Ces derniĂšres ont suscitĂ© de nouvelles difficultĂ©s pratiques et thĂ©oriques importantes. Il en va en particulier dans le cas oĂč les affaires doivent ĂȘtre instruites Ă  bref dĂ©lai. En instaurant dans cette hypothĂšse des rĂšgles de procĂ©dure par-ticuliĂšres, le dĂ©cret s’est heurtĂ© Ă  la considĂ©ration que cette instruction ne constitue pas une procĂ©dure autonome (comme l’est par exemple la procĂ©dure Ă  jour fixe). Cette absence d’autonomie apparaĂźt en particulier au regard des rĂšgles de formation de l’ap-pel, qui sont communes Ă  toutes les procĂ©dures ordinaires (Avis de la Cour de cassation, 12 juillet 2018, no 18-70.008, publiĂ© au Bulletin), de mĂȘme qu’au regard de la facultĂ© dont dispose le prĂ©sident d’orienter les affaires qui le justifient vers une instruction Ă  bref dĂ©lai. DĂšs lors apparaissent des difficultĂ©s, tenant tant Ă  la coordination de l’ins-truction Ă  bref dĂ©lai avec les rĂšgles ordinaires qu’aux modalitĂ©s mĂȘmes suivant les-quelles cette instruction Ă  bref dĂ©lai doit ĂȘtre menĂ©e (par exemple : 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi no 18-25.769, publiĂ© au Bulletin), les rĂšgles relatives Ă  l’instruction Ă  bref dĂ©lai Ă©tant manifestement Ă©noncĂ©es de façon incomplĂšte, en particulier pour ce qui concerne les pouvoirs confĂ©rĂ©s au prĂ©sident de la chambre ou au magistrat chargĂ© d’instruire l’affaire. Aussi il apparaĂźt indispensable de simplifier considĂ©rablement le dispositif instaurĂ© par le dĂ©cret du 6 mai 2017. À cette fin, il est proposĂ© de rempla-cer l’ensemble des rĂšgles dĂ©diĂ©es au bref dĂ©lai par une disposition unique au terme de laquelle, lorsque l’affaire relĂšve de plein droit d’une instruction Ă  bref dĂ©lai (i. e. appel des ordonnances du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s et du juge de la mise en Ă©tat, des jugements du juge de l’exĂ©cution, etc.), les dĂ©lais ordinaires d’instruction sont de plein droit rĂ©duits, par exemple Ă  15 jours pour la signification de la dĂ©claration d’appel et Ă  deux mois pour la remise des conclusions, et dans le cas oĂč l’affaire est orientĂ©e vers une instruction Ă  bref dĂ©lai sur dĂ©cision du prĂ©sident de la chambre, celui-ci dĂ©termine les diffĂ©rents dĂ©lais, dans des conditions que le dĂ©cret pourrait le cas Ă©chĂ©ant prĂ©ciser. Ce faisant, outre la simplification de l’ordonnancement des textes en matiĂšre d’appel, l’ensemble des rĂšgles qui rĂ©gissent la procĂ©dure ordinaire trouverait Ă  s’appliquer, ainsi s’agissant des pouvoirs du conseiller de la mise en Ă©tat et du dĂ©fĂ©rĂ© contre ses dĂ©cisions. Les solu-tions dĂ©gagĂ©es par la jurisprudence auraient dĂšs lors une portĂ©e gĂ©nĂ©rale, amĂ©liorant la lisibilitĂ© de ces rĂšgles et la sĂ©curitĂ© juridique. Cette rĂ©forme pourrait s’étendre Ă  la procĂ©dure sur renvoi de cassation, rĂ©gie par des dispositions similaires (article 1037-1 du code de procĂ©dure civile).

Cette proposition, formulĂ©e pour la premiĂšre fois dans le Rapport annuel 2019 et qui a reçu un accueil favorable de la chancellerie, ne peut qu’ĂȘtre maintenue au regard de la jurisprudence rĂ©cente, soulignant les difficultĂ©s que posent les dispositions rĂ©gis-sant l’instruction Ă  bref dĂ©lai (voir 2e Civ., 27 fĂ©vrier 2020, pourvoi no 19-11.310 ; 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 19-18.884 ; 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi no 18-25.769, publiĂ© au Bulletin).

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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La DACS accueille Ă  nouveau avec intĂ©rĂȘt cette proposition de la Cour de cassa-tion, qui prĂ©senterait l’avantage de simplifier la lecture et l’articulation des textes appli-cables Ă  la procĂ©dure d’appel.

Elle justifie une expertise approfondie, qui pourra ĂȘtre menĂ©e Ă  la lumiĂšre des conclu-sions du rapport rendu par l’inspection gĂ©nĂ©rale de la justice sur la procĂ©dure d’appel.

La DACS souligne par ailleurs que le dĂ©cret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 a, sous l’impulsion de la Cour de cassation, procĂ©dĂ© Ă  une nouvelle Ă©criture de l’ar-ticle 905 du code de procĂ©dure civile afin de clarifier les cas dans lesquels l’affaire peut ĂȘtre appelĂ©e Ă  bref dĂ©lai.

Communication par voie Ă©lectronique – Refonte des arrĂȘtĂ©s d’application de l’article 748-1 du code de procĂ©dure civile dans sa rĂ©daction issue du dĂ©cret nÂș 2009-1524 du 9 dĂ©cembre 2009

À l’occasion des Rapports annuels depuis 2016, il Ă©tait sollicitĂ© une refonte des arrĂȘ-tĂ©s d’application de l’article 748-1 du code de procĂ©dure civile dans sa rĂ©daction issue du dĂ©cret no 2009-1524 du 9 dĂ©cembre 2009 relatif Ă  la procĂ©dure d’appel avec reprĂ©-sentation obligatoire en matiĂšre civile. En effet, depuis le 1er janvier 2009, la communi-cation par voie Ă©lectronique est, en application de l’article 748-1 du code de procĂ©dure civile, autorisĂ©e pour tous les actes de procĂ©dure et devant toutes les juridictions judi-ciaires relevant du code de procĂ©dure civile.

Pour mĂ©nager une montĂ©e en puissance progressive de la communication Ă©lec-tronique, cette facultĂ© de communiquer par la voie Ă©lectronique n’a Ă©tĂ© organisĂ©e que de façon ponctuelle, par des arrĂȘtĂ©s techniques dĂ©terminant les matiĂšres et les actes concernĂ©s. Cette orientation relevait alors d’un Ă©vident pragmatisme. Plusieurs affaires jugĂ©es au cours de l’annĂ©e ont dĂ©montrĂ© les lacunes de l’état du droit rĂ©sultant de ces arrĂȘtĂ©s techniques. Ainsi l’arrĂȘtĂ© du 5 mai 2010 relatif Ă  la communication par voie Ă©lectronique dans la procĂ©dure sans reprĂ©sentation obligatoire devant les cours d’ap-pel ne permet-il l’accomplissement par la voie Ă©lectronique que de la dĂ©claration d’ap-pel, de la constitution d’avocat et des actes qui leur sont associĂ©s, Ă  l’exclusion de tout autre acte : il en dĂ©coule que l’appel en matiĂšre d’expropriation, procĂ©dure Ă©crite dans laquelle le ministĂšre d’avocat n’est pas obligatoire, peut ĂȘtre formĂ© par une dĂ©claration remise par un avocat au greffe suivant la voie Ă©lectronique (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi no 14-25.631, Bull. 2016, II, no 246), dĂ©claration qui ne peut toutefois ĂȘtre suivie de la remise par les parties de leurs mĂ©moires suivant cette mĂȘme voie (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi no 15-25.431, Bull. 2016, II, no 247). Un autre pourvoi a mis en lumiĂšre le caractĂšre incomplet de l’arrĂȘtĂ© du 30 mars 2011 relatif Ă  la com-munication par voie Ă©lectronique dans les procĂ©dures avec reprĂ©sentation obligatoire devant les cours d’appel, qui, alors que l’article 930-1 du code de procĂ©dure civile impose aux parties de remettre l’ensemble de leurs actes au greffe par la voie Ă©lectro-nique, envisage simplement une Ă©numĂ©ration des actes susceptibles d’ĂȘtre accomplis de la sorte, omettant ainsi de prendre en compte certains actes, tels que la dĂ©claration de saisine sur renvoi aprĂšs cassation (2e Civ., 1er dĂ©cembre 2016, pourvoi no 15-25.972, Bull. 2016, II, no 260).

Quinze ans aprĂšs le dĂ©cret no 2005-1678 du 28 dĂ©cembre 2005 relatif Ă  la procĂ©-dure civile, Ă  certaines procĂ©dures d’exĂ©cution et Ă  la procĂ©dure de changement de nom

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

ayant adoptĂ© cette rĂ©forme et plus de dix ans aprĂšs les premiĂšres applications de ces textes en procĂ©dure civile, il paraĂźt devenu indispensable d’envisager la refonte de ces arrĂȘtĂ©s techniques. En effet, leur caractĂšre fragmentaire n’est plus justifiĂ©, voire pour-rait nuire Ă  la lisibilitĂ© du droit en la matiĂšre et partant Ă  la sĂ©curitĂ© juridique pour les parties et, de façon plus gĂ©nĂ©rale, au dĂ©veloppement de la communication Ă©lectronique, qui a pourtant dĂ©montrĂ© sa rĂ©elle utilitĂ©, ainsi que l’illustre, par exemple, sa gĂ©nĂ©rali-sation rĂ©ussie devant la Cour de cassation.

Cette proposition doit cette annĂ©e encore ĂȘtre retenue. En effet, la refonte appe-lĂ©e de ses vƓux par la Cour de cassation n’a Ă©tĂ© que partiellement mise en Ɠuvre, Ă  la faveur de deux rĂ©formes intervenues en 2020 : d’une part, la crĂ©ation du tribunal judi-ciaire qui a, par voie de consĂ©quence, Ă©tendu au contentieux jusqu’alors traitĂ© par le tribunal d’instance l’autorisation de la communication Ă©lectronique en vigueur devant le seul tribunal de grande instance ; d’autre part, un arrĂȘtĂ© du 20 mai 2020 relatif Ă  la communication par voie Ă©lectronique en matiĂšre civile devant les cours d’appel, qui a gĂ©nĂ©ralisĂ© la facultĂ© pour les avocats de communiquer par la voie Ă©lectronique devant les cours d’appel. La communication Ă©lectronique ne concerne cependant pas toutes les juridictions et reste limitĂ©e aux greffes, ministĂšre public et avocats.

La DACS confirme que la chancellerie entend procĂ©der Ă  ce travail de refonte des arrĂȘtĂ©s techniques, ce point s’intĂ©grant dans le plan de transformation numĂ©rique du ministĂšre de la justice, en cours de rĂ©alisation.

La refonte des arrĂȘtĂ©s techniques a progressĂ© en 2020, par la publication de l’ar-rĂȘtĂ© du 20 mai 2020 relatif Ă  la communication par voie Ă©lectronique en matiĂšre civile devant les cours d’appel. Les avocats ont dĂ©sormais la facultĂ© de communiquer par la voie Ă©lectronique devant les cours d’appel l’ensemble des actes de procĂ©dure, l’arrĂȘtĂ© renvoyant aux envois, remises et notifications mentionnĂ©s Ă  l’article 748-1 du code de procĂ©dure civile qui dispose que sont concernĂ©s par la communication par voie Ă©lec-tronique les actes de procĂ©dure, les piĂšces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procĂšs-verbaux ainsi que les copies et expĂ©ditions revĂȘtues de la formule exĂ©cutoire des dĂ©cisions juridictionnelles.

En outre, via le Portail du justiciable, il est dĂ©sormais possible pour un justiciable, non reprĂ©sentĂ© par un avocat, de se constituer partie civile s’il a reçu un avis Ă  victime, et pour un majeur protĂ©gĂ© ou un reprĂ©sentant lĂ©gal de dĂ©poser une requĂȘte au juge des tutelles en cours de mesure de protection.

Communication par voie Ă©lectronique – Modification de la procĂ©dure de recours contre les dĂ©cisions du directeur gĂ©nĂ©ral de l’Institut national de la propriĂ©tĂ© industrielle

Dans le prolongement de la suggestion prĂ©cĂ©dente formulĂ©e par la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation concernant la refonte des arrĂȘtĂ©s d’application de l’ar-ticle 748-1 du code de procĂ©dure civile, afin de renforcer l’efficacitĂ© de la communi-cation Ă©lectronique, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation considĂ©rait qu’il serait opportun de mieux organiser la facultĂ© de com-muniquer par voie Ă©lectronique dans les procĂ©dures de recours exercĂ©s devant la cour d’appel contre les dĂ©cisions du directeur gĂ©nĂ©ral de l’Institut national de la propriĂ©tĂ©

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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industrielle (INPI) en matiĂšre de dĂ©livrance, rejet ou maintien des titres de propriĂ©tĂ© industrielle, prĂ©vus aux articles R. 411-9 et suivants du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle.

Cette suggestion a Ă©tĂ© suivie d'effet, la communication par voie Ă©lectronique dans le cadre du recours devant la cour d’appel contre les dĂ©cisions du directeur gĂ©nĂ©ral de l’INPI est dĂ©sormais possible.

En effet, l’article R. 411-20 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle, tel que modifiĂ© par le dĂ©cret no 2019-1316 du 9 dĂ©cembre 2019, dispose que « Sous rĂ©serve des dispo-sitions particuliĂšres de la prĂ©sente section, les recours mentionnĂ©s Ă  l’article R. 411-19 sont formĂ©s, instruits et jugĂ©s conformĂ©ment aux dispositions du code de procĂ©dure civile » et l’article R. 411-24 du mĂȘme code, tel que modifiĂ© par le dĂ©cret no 2019-1316 du 9 dĂ©cembre 2019, prĂ©voit expressĂ©ment qu’à peine d’irrecevabilitĂ© relevĂ©e d’office les actes de procĂ©dure sont remis Ă  la juridiction par voie Ă©lectronique, sauf exception tenant Ă  une cause Ă©trangĂšre.

DĂ©nonciation au ministĂšre public de l’appel du jugement en matiĂšre de recours en rĂ©vision

Lorsqu’une affaire doit ĂȘtre communiquĂ©e au ministĂšre public, cette communica-tion a lieu Ă  la diligence du juge. Tel est en principe le cas du recours en rĂ©vision, qui doit ĂȘtre communiquĂ© au ministĂšre public tant en premiĂšre instance qu’en appel. Le dĂ©cret no 2012-1515 du 28 dĂ©cembre 2012 portant diverses dispositions relatives Ă  la procĂ©dure civile et Ă  l’organisation judiciaire a toutefois complĂ©tĂ© l’article 600 du code de procĂ©dure civile, Ă  l’effet que la communication de ce recours au ministĂšre public, lorsqu’il est formĂ© par citation, soit faite par son auteur Ă  peine d’irrecevabilitĂ©. On peut souligner l’opportunitĂ© de cet ajout, qui tendait Ă  rĂ©pondre Ă  une prĂ©occupation manifestĂ©e par la Cour de cassation dans ses prĂ©cĂ©dents Rapports. Toutefois, cette dis-position ne concerne que la dĂ©nonciation du recours en rĂ©vision lui-mĂȘme. Lorsque le recours en rĂ©vision doit ĂȘtre, comme c’est le plus frĂ©quent, portĂ© devant une juri-diction du premier degrĂ©, la communication au ministĂšre public de l’affaire en cause d’appel demeure par consĂ©quent accomplie par la cour d’appel, Ă  rebours de l’objectif poursuivi par le dĂ©cret du 28 dĂ©cembre 2012 prĂ©citĂ©.

Il est dĂšs lors suggĂ©rĂ© que l’article 600 du code de procĂ©dure civile soit complĂ©tĂ© de maniĂšre Ă  prĂ©voir que, en cas d’appel du jugement statuant sur le recours en rĂ©vi-sion, la dĂ©claration d’appel soit, Ă  peine d’irrecevabilitĂ©, notifiĂ©e, par son auteur, au ministĂšre public.

Cette proposition, rĂ©itĂ©rĂ©e Ă  trois reprises, aisĂ©e Ă  mettre en Ɠuvre et accueillie favo-rablement par la chancellerie, n’a pas Ă©tĂ© mise en Ɠuvre alors qu’elle demeure d’actua-litĂ©. La Cour de cassation entend la maintenir cette annĂ©e encore.

Cette annĂ©e encore la DACS reste favorable Ă  cette proposition. Lorsque le recours en rĂ©vision est formĂ© par citation, il n’est pas cohĂ©rent que l’obligation de le commu-niquer au ministĂšre public pĂšse sur le demandeur en premiĂšre instance mais sur le juge en cas d’appel. Le transfert de cette charge du juge aux parties, initiĂ© par le dĂ©cret no 2012-1515 du 28 dĂ©cembre 2012, doit ĂȘtre Ă©tendu Ă  la cour d’appel en cas d’appel d’un jugement de rĂ©vision rendu sur citation.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

Ordonnances sur requĂȘte – Harmonisation des rĂšgles concernant la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes et crĂ©ation d’une obligation de signification de la requĂȘte et de l’ordonnance lorsque l’article 145 du code de procĂ©dure civile est applicable

DĂšs le Rapport annuel 2016, la Cour de cassation suggĂ©rait de procĂ©der Ă  une har-monisation des rĂšgles concernant la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes et de crĂ©er une obligation de signification de la requĂȘte et de l’ordonnance lorsque l’ar-ticle 145 du code de procĂ©dure civile est applicable.

Dans le silence du code de procĂ©dure civile concernant la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes, la jurisprudence a, sur une longue pĂ©riode, dĂ©gagĂ© deux critĂšres : le juge compĂ©tent est soit le prĂ©sident de la juridiction saisie au fond, soit le prĂ©sident de la juridiction du lieu oĂč la mesure demandĂ©e doit ĂȘtre exĂ©cutĂ©e, Ă©tant prĂ©cisĂ© qu’en cas de pluralitĂ© de mesures, chacune d’elles peut dĂ©signer territorialement un tribu-nal (2e Civ., 18 novembre 1992, pourvoi no 91-16.447, Bull. 1992, II, no 266 ; 2e Civ., 30 avril 2009, pourvoi no 08-15.421, Bull. 2009, II, no 105 ; 2e Civ., 5 mai 2011, pour-voi no 10-20.436).

Mais ces critĂšres ont dĂ» ĂȘtre adaptĂ©s par la Cour de cassation Ă  certaines rĂšgles spĂ©-ciales en matiĂšre de requĂȘtes, pour l’application de l’article 145 du code de procĂ©dure civile et pour l’application de l’article 706-15-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale.

Un gain de sĂ©curitĂ© juridique serait sans doute la premiĂšre consĂ©quence d’une rĂ©flexion d’ensemble sur la compĂ©tence territoriale en matiĂšre d’ordonnances sur requĂȘte, qu’il s’agisse des rĂšgles spĂ©ciales ou du droit commun supplĂ©tif.

Concernant les requĂȘtes fondĂ©es plus particuliĂšrement sur l’article 145 du code de procĂ©dure civile, la jurisprudence a Ă©voluĂ© dans le sens d’une plus grande efficacitĂ© dans l’exĂ©cution de l’ordonnance, mais sans que la protection du futur dĂ©fendeur au procĂšs potentiel puisse ĂȘtre suffisamment garantie par les textes.

a) Absence de délai pour exécuter la mesure contre celui à qui elle est opposée

Il n’est pas prĂ©vu que l’ordonnance rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procĂ©dure civile soit notifiĂ©e pour ĂȘtre exĂ©cutoire. Si la jurisprudence n’interdit pas au requĂ©rant de procĂ©der selon le droit commun de la signification (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi no 14-29.152 ; 2e Civ., 23 juin 2016, pourvoi no 15-19.671, Bull. 2016, II, no 170), le caractĂšre exĂ©cutoire de l’ordonnance rĂ©sulte le plus souvent de la seule prĂ©senta-tion de la minute, prĂ©vue par une disposition spĂ©ciale (article 495, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile), ce qui rend dĂ©licate l’application aux ordonnances sur requĂȘte de la rĂšgle de droit commun de l’article 503, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile, pourtant parfois visĂ© par la Cour de cassation, notamment pour justifier que la remise matĂ©-rielle de l’ordonnance et de la requĂȘte, exigĂ©e par l’article 495, alinĂ©a 3, ait lieu avant le dĂ©but des opĂ©rations (2e Civ., 10 fĂ©vrier 2011, pourvoi no 10-13.894, Bull. 2011, II, no 36), cette rĂšgle supportant une exception, dont la portĂ©e reste Ă  apprĂ©cier, lorsqu’il s’agit de constater un comportement (2e Civ., 4 septembre 2014, pourvoi no 13-22.971).

Que le caractĂšre exĂ©cutoire de l’ordonnance rĂ©sulte de la prĂ©sentation de la minute avant le dĂ©but des opĂ©rations, dont la date ne dĂ©pend que du choix du requĂ©rant, ou d’une signification, laquelle n’est enfermĂ©e dans aucun dĂ©lai, il en rĂ©sulte que le requĂ©-rant n’est tenu par aucun dĂ©lai lĂ©gal pour exĂ©cuter l’ordonnance.

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b) Absence de délai pour informer le défendeur potentiel au procÚs

La jurisprudence ayant restreint les destinataires de l’obligation de remise matĂ©rielle de l’ordonnance et de la requĂȘte imposĂ©e par l’article 495, alinĂ©a 3, du code de procĂ©-dure civile aux seules personnes supportant l’exĂ©cution de la mesure, qu’elles soient ou non dĂ©fendeurs potentiels au procĂšs envisagĂ© et non pas Ă  ses dĂ©fendeurs potentiels par principe (2e Civ., 27 fĂ©vrier 2014, pourvoi no 13-10.013, Bull. 2014, II, no 56 ; 2e Civ., 4 juin 2015, pourvoi no 14-14.233, Bull. 2015, II, no 145 ; 2e Civ., 3 dĂ©cembre 2015, pourvoi no 15-12.249), il en est rĂ©sultĂ© une extension jurisprudentielle de l’intĂ©rĂȘt Ă  agir en rĂ©tractation (article 496 du code de procĂ©dure civile) pour assurer le respect du contradictoire a posteriori (2e Civ., 17 mars 2016, pourvoi no 15-12.955 ; 2e Civ., 1er sep-tembre 2016, pourvoi no 15-19.799, Bull. 2016, II, no 194, rendu dans le cas particulier d’une intervention volontaire principale dans une instance en rĂ©tractation dĂ©jĂ  engagĂ©e).

Il en rĂ©sulte que c’est l’absence de dĂ©lai dans les textes pour intenter l’action en rĂ©tractation qui, seule, assure actuellement le respect du contradictoire Ă  l’égard du dĂ©fendeur potentiel au procĂšs, lequel n’apprendra qu’une mesure a Ă©tĂ© ordonnĂ©e qu’à l’occasion de la signification de l’assignation au fond. Ne pouvant discuter l’obten-tion du mode de preuve qui lui sera opposĂ©e sur le terrain de la loyautĂ© de la preuve puisqu’il aura Ă©tĂ© ordonnĂ© par un juge, il ne pourra qu’agir en rĂ©tractation, ce qui per-turbe le dĂ©roulement de l’action au fond.

Une obligation de signification de la requĂȘte et de l’ordonnance, une fois celle-ci exĂ©cutĂ©e, Ă  son profit, dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ© Ă  compter de la fin des opĂ©rations serait de nature Ă  rĂ©soudre l’insuffisance du respect du contradictoire et Ă  assurer une meil-leure sĂ©curitĂ© juridique.

Une telle rĂ©forme gagnerait en outre, de façon plus gĂ©nĂ©rale, Ă  se pencher sur les conditions d’accomplissement des mesures d’instruction ordonnĂ©es sur requĂȘte.

Ces propositions recueillent un avis favorable de la chancellerie, sans pour autant avoir Ă©tĂ© mises en Ɠuvre.

La Cour de cassation maintient cette suggestion de rĂ©forme, qui se justifie d’autant plus que l’ordonnance sur requĂȘte revĂȘt une dimension centrale en matiĂšre probatoire, voire stratĂ©gique dans le domaine Ă©conomique, oĂč ce dispositif peut ĂȘtre dĂ©tournĂ© de sa finalitĂ© de prĂ©paration d’un procĂšs, ce que la jurisprudence nourrie et persistante en la matiĂšre tend Ă  dĂ©montrer.

La DACS est sensible Ă  ces propositions, le rapport sur l’amĂ©lioration et la simpli-fication de la procĂ©dure civile ayant Ă©galement prĂ©conisĂ© une rĂ©forme du rĂ©gime des ordonnances sur requĂȘte.

La DACS n’est pas opposĂ©e Ă  ce que soit engagĂ©e une rĂ©flexion d’ensemble sur la question de la compĂ©tence territoriale en matiĂšre d’ordonnance sur requĂȘte. Fixer la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes aurait effectivement pour avantage d’of-frir plus de sĂ©curitĂ© juridique mais cela priverait nĂ©anmoins le requĂ©rant d’une alterna-tive entre juridiction saisie au fond et celle dans le ressort duquel la mesure demandĂ©e doit ĂȘtre exĂ©cutĂ©e dont il bĂ©nĂ©ficie aujourd’hui.

S’agissant plus spĂ©cifiquement des requĂȘtes fondĂ©es sur l’article 145 du code de procĂ©dure civile et des propositions formulĂ©es afin que la protection du futur dĂ©fen-deur au procĂšs potentiel soit garantie, la direction des affaires civiles et du sceau n’y est

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pas dĂ©favorable, Ă  condition que l’obligation de signifier l’ordonnance ne soit envisa-gĂ©e qu’aprĂšs l’exĂ©cution de la mesure, sauf Ă  priver la dĂ©cision de tout effet de surprise.

Regroupement des dispositions législatives relatives à la procédure civile

L’accessibilitĂ©, la lisibilitĂ© et la cohĂ©rence des dispositions rĂ©gissant la procĂ©dure civile imposent de promouvoir leur regroupement. Certes, la plupart des rĂšgles intĂ©res-sant la procĂ©dure civile relĂšvent du pouvoir rĂ©glementaire autonome, et peuvent ainsi trouver leur place dans le code de procĂ©dure civile, instituĂ© par un dĂ©cret en Conseil d’État. Toutefois des dispositions de plus en plus nombreuses sont insĂ©rĂ©es dans des lois, sans aucun souci de regroupement. La question ne porte pas ici sur le niveau lĂ©gislatif ou rĂ©glementaire des textes considĂ©rĂ©s, mais sur la dispersion nĂ©faste des dispositions de procĂ©dure civile. La pratique, un temps appliquĂ©e, consistant Ă  insĂ©rer dans le code de procĂ©dure civile une disposition reproduisant un texte lĂ©gislatif (tel l’article 700 de ce code, reproduisant l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative Ă  l’aide juridique), ou Ă  tout le moins y renvoyant, apparaĂźt avoir Ă©tĂ© abandonnĂ©e, de sorte qu’on assiste Ă  une fragmentation du droit de la procĂ©dure civile avec, par exemple, des dispositions essentielles contenues dans la loi du 8 fĂ©vrier 1995 relative Ă  l’organisation des juridic-tions et Ă  la procĂ©dure civile, pĂ©nale et administrative, qui intĂ©ressent la mĂ©diation. La complexitĂ© et le manque d’accessibilitĂ© de la procĂ©dure civile, que dĂ©plorent diffĂ©rents travaux rĂ©cents, ne peuvent qu’ĂȘtre accrus par une telle dispersion, Ă  laquelle il devient impĂ©ratif de remĂ©dier, en entreprenant, dans un esprit de codification, le regroupe-ment des dispositions lĂ©gislatives intĂ©ressant la procĂ©dure civile.

En 2020, comme depuis 2018, la DACS a maintenu son avis favorable Ă  cette pro-position et a indiquĂ© entendre cette prĂ©conisation, l’objectif de lisibilitĂ© et d’accessibi-litĂ© des textes ayant valeur constitutionnelle. Elle a ajoutĂ© que l’opportunitĂ© de crĂ©er une partie lĂ©gislative dans le code de procĂ©dure civile, Ă  l’instar de ce qui a Ă©tĂ© fait dans le code de justice administrative qui comprend un titre prĂ©liminaire recensant les grands principes applicables Ă  la matiĂšre, est toujours Ă  l’étude et qu’un recensement des dispositions qui auraient vocation Ă  intĂ©grer une partie lĂ©gislative dans le code est en effet nĂ©cessaire.

MalgrĂ© l’avis favorable de la chancellerie, l’examen de cette proposition par ses ser-vices ne semble guĂšre avancer. Il s’agit pourtant d’une proposition de vaste ampleur, qui permet en outre de rĂ©unir et de mettre en cohĂ©rence nombre des propositions plus ponctuelles de la Cour en matiĂšre de procĂ©dure civile, qui relĂšvent clairement d’un exercice de refonte de certains textes imparfaits du code de procĂ©dure civile (par ex. les propositions en matiĂšre de recours en rĂ©vision ou encore de fermeture du pour-voi en matiĂšre d’exĂ©cution provisoire). La Cour de cassation maintient donc sa pro-position de rĂ©forme.

Transmission électronique des dossiers de procédure

Depuis l’insertion, par le dĂ©cret no 2005-1678 du 28 dĂ©cembre 2005 relatif Ă  la pro-cĂ©dure civile, Ă  certaines procĂ©dures d’exĂ©cution et Ă  la procĂ©dure de changement de nom, d’un article 729-1 dans le code de procĂ©dure civile, le dossier que le greffe ouvre pour chaque affaire peut ĂȘtre tenu sur support Ă©lectronique. En pratique, un dossier matĂ©riel demeure toujours constituĂ©, mĂȘme pour les juridictions devant lesquelles a Ă©tĂ©

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organisĂ©e une communication par voie Ă©lectronique avec les parties. Mais la consultation de ces dossiers par la Cour de cassation, lorsque celle-ci en demande la communication (article 729 du code de procĂ©dure civile), permet de faire le constat que frĂ©quemment les dossiers matĂ©riels ne contiennent plus l’ensemble des donnĂ©es intĂ©ressant la procĂ©-dure, en particulier les messages Ă©lectroniques et les actes de procĂ©dure et piĂšces que ces messages transmettent en piĂšces jointes, conformĂ©ment aux dispositions des diffĂ©-rents arrĂȘtĂ©s techniques organisant la communication Ă©lectronique devant les juridic-tions. À cet Ă©gard, une premiĂšre Ă©volution s’impose pour prĂ©ciser, Ă  l’article 729-1, que le dossier peut ĂȘtre tenu sur support Ă©lectronique « en tout ou partie ».

En outre, en dehors d’une Ă©ventuelle impression par les greffes des donnĂ©es Ă©lec-troniques, qui constitue une tĂąche chronophage et onĂ©reuse, qui n’est assurĂ©ment pas en adĂ©quation avec les mutations actuelles et futures de la procĂ©dure civile, induites par la rĂ©volution numĂ©rique, la Cour de cassation ne dispose d’aucun moyen pour se faire communiquer les Ă©lĂ©ments du dossier Ă©tablis et conservĂ©s sur support Ă©lectronique. Ainsi, la communication du dossier matĂ©riel de l’affaire par la juridiction du fond ne la met pas toujours en mesure d’apprĂ©cier le respect de telle ou telle exigence procĂ©du-rale, notamment Ă  l’effet d’éviter des cassations motivĂ©es par l’ignorance dans laquelle la Cour se trouve du respect par la juridiction du fond de ces exigences. Le dĂ©veloppe-ment de la communication Ă©lectronique rend ainsi nĂ©cessaire d’organiser les conditions dans lesquelles la Cour de cassation pourrait consulter, dans des conditions propres Ă  garantir le principe de la contradiction, les donnĂ©es des dossiers Ă©lectroniques des affaires des juridictions du fond. Au-delĂ  du pourvoi en cassation, nombreuses sont en outre les hypothĂšses dans lesquelles le dossier d’une affaire doit ĂȘtre transmis Ă  une autre juridiction, qu’il s’agisse bien sĂ»r de l’appel (article 968 du code de procĂ©dure civile) ou encore du renvoi d’une affaire, fondĂ© par exemple sur la compĂ©tence, la litis-pendance, la connexitĂ©, etc.

Il apparaĂźt donc nĂ©cessaire de modifier, Ă  un second Ă©gard, l’article 729-1 du code de procĂ©dure civile, Ă  l’effet de prĂ©voir que le systĂšme de traitement des informations doit permettre d’assurer non seulement la conservation du dossier de la procĂ©dure, mais Ă©galement l’accĂšs par la juridiction devant laquelle l’affaire se trouve portĂ©e en vertu de l’article 729 du mĂȘme code. Cette modification rĂ©glementaire rendra alors possible une Ă©volution, le cas Ă©chĂ©ant progressive, de l’outil informatique, propre Ă  mettre en Ɠuvre cet accĂšs dans des conditions garantissant l’intĂ©gritĂ© et la confidentialitĂ© des donnĂ©es Ă©lectroniques correspondantes.

MalgrĂ© l’avis favorable de la chancellerie en 2018 et 2019, cette proposition n’a pas Ă©tĂ© mise en Ɠuvre. Si le dĂ©veloppement du projet de portail de la justice peut constituer un prĂ©alable technique Ă  la mise en Ɠuvre de la facultĂ© de consultation que cette pro-position tend Ă  instaurer, il n’en demeure pas moins que ce dĂ©veloppement ne consti-tue pas une base juridique Ă  cette proposition, simplement un prĂ©requis technique, qui laisse donc entiĂšre l’opportunitĂ© de la rĂ©forme proposĂ©e. Elle constitue en outre un enjeu majeur de sĂ©curisation pour la Cour de cassation, qui, depuis la dĂ©matĂ©ria-lisation des procĂ©dures civiles, n’est pas en mesure de s’assurer, avec le dossier papier de la procĂ©dure, que les piĂšces qui lui sont produites figuraient bien dans les dĂ©bats devant la juridiction dont Ă©mane la dĂ©cision frappĂ©e de pourvoi. Cette proposition est donc maintenue.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

La DACS souscrit pleinement à la précision terminologique proposée et ce, afin de tenir compte des contraintes qui pÚsent sur les greffes.

NĂ©anmoins, si elle partage la prĂ©occupation d’un accĂšs large de la Cour de cas-sation au dossier dĂ©matĂ©rialisĂ©, elle souligne que la rĂ©forme rĂ©glementaire ne pourra trouver d’application concrĂšte qu’avec une Ă©volution des applications existantes. Elle rappelle toutefois que la chancellerie est actuellement engagĂ©e dans un vaste plan de transformation numĂ©rique devant permettre une dĂ©matĂ©rialisation totale de la justice civile dans le cadre du portail des juridictions, lequel a vocation Ă  remplacer l’ensemble des applications existantes et Ă  constituer l’outil commun Ă  l’ensemble des juridictions.

Réparation du préjudice

Revalorisation légale des rentes indemnitaires

Il est proposé, depuis 2014 :

– une amĂ©lioration de l’indice lĂ©gal de revalorisation prĂ©vu Ă  l’article L. 434-17 du code de la sĂ©curitĂ© sociale ;

– un alignement sur le mĂȘme indice de revalorisation de l’ensemble des rentes indemnitaires.

Il s’agit de mettre un terme, Ă  cet Ă©gard, Ă  l’inĂ©galitĂ© de traitement entre les vic-times d’accidents de la circulation et les autres victimes.

La revalorisation de plein droit des rentes indemnitaires est en effet prĂ©vue seule-ment pour les rentes versĂ©es en rĂ©paration de prĂ©judices causĂ©s par un accident de la circulation, par la loi no 74-1118 du 27 dĂ©cembre 1974 qui dispose, en son article 1er, que sont majorĂ©es de plein droit, selon le coefficient de revalorisation prĂ©vu Ă  l’ar-ticle L. 434-17 du code de la sĂ©curitĂ© sociale, les rentes allouĂ©es soit conventionnelle-ment, soit judiciairement, en rĂ©paration du prĂ©judice causĂ©, du fait d’un accident de la circulation, Ă  la victime ou, en cas de dĂ©cĂšs, aux personnes qui Ă©taient Ă  sa charge, Ă©tant notĂ© que l’article 2 de cette loi prĂ©cise que les majorations en cause dont le versement incombe aux sociĂ©tĂ©s d’assurance sont gĂ©rĂ©es et financĂ©es par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

Dans les autres cas, le choix de l’indice de revalorisation de la rente indemnitaire est libre et il peut arriver que la revalorisation selon l’indice lĂ©gal d’ordre public prĂ©-citĂ© s’avĂšre infĂ©rieure Ă  celles rendues possibles par le choix d’autres indices, laissĂ© Ă  l’apprĂ©ciation souveraine des juges du fond.

La DACS, qui a indiquĂ© ĂȘtre favorable Ă  la rĂ©forme ainsi proposĂ©e, a prĂ©cisĂ© l’annĂ©e derniĂšre qu’il Ă©tait prĂ©vu d’intĂ©grer au projet de rĂ©forme de la responsabilitĂ© civile un article 1272 dont le premier alinĂ©a disposerait que : « l’indemnisation due au titre de la perte de gains professionnels, de la perte de revenus des proches ou de l’assistance d’une tierce personne a lieu en principe sous forme d’une rente. Celle-ci est indexĂ©e sur un indice fixĂ© par voie rĂ©glementaire et liĂ© Ă  l’évolution du salaire minimum ».

Certes, la rĂ©itĂ©ration depuis plusieurs annĂ©es de la proposition de modification consi-dĂ©rĂ©e n’a pas Ă©tĂ© suivie d’effet jusqu’à prĂ©sent, mais il apparaĂźt opportun de la maintenir

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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dĂšs lors que la modification en cause pourrait intervenir Ă  la faveur de la rĂ©forme de la responsabilitĂ© civile, le cas Ă©chĂ©ant sous la forme de l’article 1272 prĂ©citĂ©, ce qui prĂ©-senterait le double avantage, relevĂ© dans le Rapport 2019, de prĂ©voir un indice de rĂ©fĂ©-rence unique d’ordre public, dĂ©fini rĂ©glementairement, et de lier cet indice Ă  l’évolution du coĂ»t du travail, ce qui constitue une condition indispensable pour permettre une rĂ©paration intĂ©grale du prĂ©judice compte tenu de l’objet de la rente.

La DACS indique cette annĂ©e encore demeurer favorable Ă  cette proposition, dont la mise en Ɠuvre ne relĂšve toutefois pas de sa compĂ©tence.

Proposition de modification des dispositions relatives au recours en indemnitĂ© ouvert Ă  certaines victimes de dommage rĂ©sultant d’une infraction

Les articles R. 50-18 et R. 50-19 du code de procĂ©dure pĂ©nale prĂ©voient la com-munication au ministĂšre public, qui doit ĂȘtre informĂ© de la date d’audience, des affaires soumises Ă  la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI). Il n’y a pas de dispositions Ă©quivalentes pour la procĂ©dure d’appel des dĂ©cisions des CIVI.

Or, il est certain que le regard du ministĂšre public en ce domaine est aussi impor-tant en appel qu’en premiĂšre instance dĂšs lors notamment que l’indemnisation des victimes est liĂ©e Ă  la condition que les faits litigieux prĂ©sentent le caractĂšre matĂ©riel d’une infraction.

Il a en consĂ©quence Ă©tĂ© proposĂ© de complĂ©ter l’article R. 50-23 du code de procĂ©-dure pĂ©nale par la mention suivante : « en cas d’appel, le procureur gĂ©nĂ©ral est informĂ© de la date d’audience. »

Il apparaĂźt souhaitable de rĂ©itĂ©rer cette proposition, Ă©tant notĂ© qu’il est regret-table qu’elle n’ait pu ĂȘtre mise en Ɠuvre Ă  l’occasion des modifications apportĂ©es par le dĂ©cret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 Ă  certaines des dispositions rĂ©gissant la procĂ©dure organisĂ©e par les articles R. 50-1 et suivants du code de procĂ©dure pĂ©nale.

La DACS maintient cette annĂ©e encore ĂȘtre favorable Ă  cette proposition, dĂšs lors que l’avis du ministĂšre public apparaĂźt tout aussi incontournable en premiĂšre instance qu’en cause d’appel dans ces contentieux impliquant la caractĂ©risation de l’élĂ©ment matĂ©riel de l’infraction. La direction prĂ©cise toutefois que cette proposition de modi-fication du code des assurances relĂšve Ă  titre principal de la direction des affaires cri-minelles et des grĂąces.

Saisie immobiliĂšre

PĂ©remption du commandement valant saisie immobiliĂšre

Les prĂ©cĂ©dents Rapports soulignaient la nĂ©cessitĂ© de neutraliser les effets nĂ©fastes de la pĂ©remption du commandement de payer valant saisie immobiliĂšre telle que prĂ©vue Ă  l’article R. 321-20 du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, sur le dĂ©roulement de la procĂ©dure de la saisie immobiliĂšre, Ă  tout le moins en en allongeant la durĂ©e, pour la porter de deux Ă  cinq ans, correspondant au dĂ©lai de droit commun de la prescription.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

Cette suggestion a Ă©tĂ© suivie d’effet. Le dĂ©cret no 2020-1452 du 27 novembre 2020 (article 2, 4o) met en Ɠuvre cette proposition en modifiant l’article R. 321-20 du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, pour porter Ă  cinq ans le dĂ©lai de pĂ©remption du commandement valant saisie immobiliĂšre mettant ainsi fin Ă  cette source de conten-tieux stĂ©rile.

La DACS souligne que la modification apportĂ©e, applicable depuis le 1er janvier 2021 aux instances en cours, permet une meilleure prise en compte de la durĂ©e rĂ©elle de la procĂ©dure de saisie immobiliĂšre, sans affecter le rythme de celle-ci, qui demeure contraint par les dĂ©lais prĂ©vus par ailleurs par le code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution.

Surendettement des particuliers

ApprĂ©ciation de la situation du surendettement : harmonisation du traitement des dettes professionnelles

Si les dettes professionnelles sont exclues au stade de l’apprĂ©ciation de la receva-bilitĂ©, Ă  l’exception notable de la dette rĂ©sultant d’un engagement de caution pris en faveur d’une sociĂ©tĂ©, ces dettes ne sont pas exclues d’un plan de surendettement. Aussi ces dettes peuvent-elles faire l’objet d’un plan de surendettement et notamment ĂȘtre effacĂ©es partiellement ou ĂȘtre comprises dans un moratoire. Pourtant, elles demeu-raient exclues d’une mesure d’effacement par un plan de rĂ©tablissement personnel Ă  l’exception de celles rĂ©sultant d’un engagement de caution au profit d’une sociĂ©tĂ© (ancien article L. 332-5 du code de la consommation devenu articles L. 741-1 et sui-vants du code de la consommation depuis l’ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 relative Ă  la partie lĂ©gislative du code de la consommation). Il Ă©tait regrettable que la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 portant rĂ©forme du crĂ©dit Ă  la consommation et l’or-donnance no 2016-301 du 14 mars 2016 prĂ©citĂ©e n’aient pas corrigĂ© cette exclusion, cor-rection qui avait pourtant Ă©tĂ© recommandĂ©e par le comitĂ© de suivi de la loi no 2003- 710 du 1er aoĂ»t 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rĂ©novation urbaine. En pratique, le dĂ©biteur Ă©tait alors parfois incitĂ© Ă  refuser la procĂ©dure de rĂ©tablisse-ment personnel pour ce seul motif, un effacement partiel des dettes professionnelles Ă©tant possible dans le cadre des mesures classiques et ne comportant aucune limite de montant ou de proportion. Depuis 2014, les Rapports suggĂšrent ainsi une harmonisa-tion du traitement des dettes professionnelles.

Cette suggestion a Ă©tĂ© suivie d’effet.

L’article 39 de la loi no 2020-734 du 17 juin 2020 relative Ă  diverses dispositions liĂ©es Ă  la crise sanitaire, Ă  d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union europĂ©enne a introduit cette proposition en permettant dĂ©sormais l’efface-ment de l’ensemble des dettes du dĂ©biteur, personnelles comme professionnelles, dans le cadre de la procĂ©dure de rĂ©tablissement personnel, en modifiant les articles L. 741-2 et L. 742-22 du code de la consommation.

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Effet interruptif de prescription attachĂ© Ă  la dĂ©cision de recevabilitĂ© de la demande de traitement d’une situation de surendettement

Si la dĂ©cision de recevabilitĂ© d’une demande de traitement d’une situation de suren-dettement emporte, depuis la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010 portant rĂ©forme du crĂ©dit Ă  la consommation, suspension et interdiction des procĂ©dures d’exĂ©cution dili-gentĂ©es Ă  l’encontre des biens du dĂ©biteur, elle n’interrompt en revanche pas le dĂ©lai de prescription relatif aux crĂ©ances qui correspondent Ă  ces procĂ©dures d’exĂ©cution, en l’absence de disposition en ce sens.

Le lien doit pourtant ĂȘtre fait entre la possibilitĂ© d’accomplir une mesure d’exĂ©cu-tion et le cours de la prescription, chaque fois en particulier que le crĂ©ancier dispose dĂ©jĂ  d’un titre exĂ©cutoire, de sorte qu’il ne sera pas conduit Ă  interrompre la prescrip-tion par l’engagement d’une procĂ©dure tendant Ă  l’obtention d’un tel titre exĂ©cutoire. Pour y remĂ©dier, la Cour de cassation a pu s’appuyer, dans une affaire, sur la consta-tation d’une impossibilitĂ© d’agir du crĂ©ancier, au sens de l’article 2232 du code civil (2e Civ., 28 juin 2018, pourvoi no 17-17.481, Bull. 2018, II, no 142). Toutefois, il s’agit d’une solution indirecte et partielle, faute notamment de concerner le crĂ©ancier qui n’est pas titulaire d’un titre exĂ©cutoire. De façon gĂ©nĂ©rale, dĂšs lors que la procĂ©dure de surendettement tend au traitement de l’endettement de son bĂ©nĂ©ficiaire, elle peut justi-fier que le crĂ©ancier attende l’issue de cette procĂ©dure propre Ă  permettre le rĂšglement ou Ă  entraĂźner l’effacement des dettes concernĂ©es. Il apparaĂźt ainsi Ă©videmment sou-haitable d’éviter une multiplication des actions en justice, que la procĂ©dure de suren-dettement rend possible, dans un souci, tout Ă  la fois, de prĂ©servation des parties et de modĂ©ration de l’activitĂ© des juridictions.

Dans ces conditions, il apparaĂźt nĂ©cessaire de prĂ©voir que la dĂ©cision de recevabi-litĂ© de la demande de mesure de traitement d’une situation de surendettement inter-rompt le cours du dĂ©lai de prescription ou de forclusion relatif aux crĂ©ances concernĂ©es par cette demande. Il est proposĂ© de complĂ©ter en ce sens l’article L. 722-2 du code de la consommation.

Il convient de maintenir cette proposition de rĂ©forme, encore rĂ©cente et qui suscite un avis favorable de la chancellerie, sans pour autant avoir Ă©tĂ© mise en Ɠuvre.

La DACS, qui avait émis un avis favorable à cette proposition, indique le mainte-nir et renvoie à ses précédentes observations.

En l’état, contrairement Ă  ce qui est prĂ©vu en droit des procĂ©dures collectives (article L. 622-21, III, du code de commerce), la dĂ©cision de recevabilitĂ© rendue par la com-mission de surendettement n’a pas pour effet de suspendre ou d’interrompre les dĂ©lais de prescription ou de forclusion ; seule interrompt les dĂ©lais la demande du dĂ©biteur adressĂ©e Ă  la commission, tendant Ă  ce qu’elle impose certaines mesures prĂ©vues par l’article L. 733-1 du code de la consommation en l’absence d’élaboration d’un plan conventionnel de redressement (article L. 721-5 du code de la consommation).

Certaines dispositions de droit commun, appliquĂ©es par les juridictions, permettent de parvenir Ă  une telle solution : il en va ainsi des dispositions de l’article 2240 du code civil qui dispose que la reconnaissance par le dĂ©biteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le dĂ©lai de prescription, appliquĂ© du fait de la reconnaissance par le dĂ©biteur d’une dette via sa prise en compte dans l’état du passif adressĂ© Ă  la com-mission, ou encore des dispositions de l’article 2234 du mĂȘme code qui disposent que la

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilitĂ© d’agir par suite notamment d’un empĂȘchement rĂ©sultant de la loi, Ă©voquĂ© dans la proposition.

Ces dispositions ne permettent toutefois pas de couvrir l’ensemble des cas, de sorte qu’il serait effectivement souhaitable de prĂ©voir que la dĂ©cision de recevabilitĂ© rendue par la commission de surendettement interrompt les dĂ©lais de prescription ou de for-clusion des crĂ©ances contre le dĂ©biteur.

Une telle modification des textes pourrait intervenir dans le cadre d’une prochaine rĂ©forme du surendettement.

Sécurité sociale

RĂ©paration des consĂ©quences de la faute inexcusable : modification de l’article L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale

Depuis 2010, le Rapport suggĂšre une modification des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale dĂšs lors que celles-ci, telles qu’interprĂ©tĂ©es par le Conseil constitutionnel, ne permettent pas une indemnisation intĂ©grale des victimes d’acci-dents du travail dus Ă  la faute inexcusable de leur employeur. Les normes europĂ©ennes ne peuvent pas davantage ĂȘtre sollicitĂ©es Ă  cette fin (2e Civ., 11 juillet 2013, pourvoi no 12-15.402, Bull. 2013, II, no 158).

Les Rapports depuis 2013 ont exposĂ© combien l’évolution de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail liĂ©s Ă  une faute inexcusable de l’employeur tĂ©moigne de l’acuitĂ© du sujet et de l’intĂ©rĂȘt de maintenir la proposition prĂ©cĂ©demment dĂ©veloppĂ©e.

La Cour de cassation maintient donc sa proposition, au moyen d’une formulation qu’elle souhaite dĂ©nuĂ©e de toute ambiguĂŻtĂ© sur le caractĂšre intĂ©gral de la rĂ©paration, et propose la modification suivante de l’article L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale :

« Article unique

I. – Les dispositions du premier alinĂ©a de l’article L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale sont abrogĂ©es et remplacĂ©es par les dispositions suivantes :

“IndĂ©pendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article prĂ©-cĂ©dent, la victime a le droit de demander Ă  l’employeur devant la juridiction de sĂ©cu-ritĂ© sociale la rĂ©paration de l’ensemble des prĂ©judices qui ne sont pas indemnisĂ©s pour l’intĂ©gralitĂ© de leur montant par les prestations, majorations et indemnitĂ©s prĂ©vues par le prĂ©sent livre.”

II. – La branche accidents du travail du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral et celle du rĂ©gime des sala-riĂ©s agricoles supportent dĂ©finitivement, chacune en ce qui la concerne, la charge impu-table Ă  la modification de l’étendue de la rĂ©paration, rĂ©sultant du I du prĂ©sent article, des accidents du travail survenus et des maladies professionnelles constatĂ©es antĂ©rieu-rement Ă  la publication de la prĂ©sente loi. »

La direction de la sĂ©curitĂ© sociale a adoptĂ© une position dĂ©favorable Ă  l’égard d’une telle Ă©volution de la rĂ©paration des victimes d’une faute inexcusable de l’employeur, pour les raisons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, sur la base des Ă©lĂ©ments suivants :

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Le Conseil constitutionnel, dans sa dĂ©cision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, a admis le caractĂšre forfaitaire de la rĂ©paration des accidents du travail et des maladies professionnelles, rappelant toutefois que, en cas de faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale ne sauraient faire obstacle Ă  ce que les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou leurs ayants droit puissent, devant les juridictions, demander Ă  l’employeur rĂ©para-tion non seulement des chefs de prĂ©judice Ă©numĂ©rĂ©s par cet article, mais aussi de l’en-semble des autres dommages non couverts par le livre IV du code de la sĂ©curitĂ© sociale.

La Cour de cassation a prĂ©cisĂ© dans ce cadre que les dispositions du dernier alinĂ©a de l’article L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale prĂ©voyant l’avance par les caisses primaires d’assurance maladie des indemnitĂ©s affĂ©rentes Ă  ces prĂ©judices s’appliquaient identiquement pour les deux types de prĂ©judice, ce qui prĂ©serve la victime de tout risque d’insolvabilitĂ© de l’employeur.

Dans son arrĂȘt du 12 janvier 2017 (CEDH, arrĂȘt du 12 janvier 2017, Saumier c. France, no 74734/14), la Cour europĂ©enne des droits de l’homme a, quant Ă  elle, jugĂ© conforme aux stipulations de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme le rĂ©gime de rĂ©paration forfaitaire du prĂ©judice du salariĂ© Ă  raison de la faute inexcusable de l’employeur en considĂ©rant que cette rĂ©paration vient en complĂ©ment de dĂ©dom-magements automatiquement perçus par le salariĂ©, ce qui singularise sa situation par rapport Ă  la situation de droit commun. Elle en dĂ©duit qu’il existe une diffĂ©rence de situation ne permettant pas l’application de l’article 14 de la Convention prĂ©citĂ©e rela-tif Ă  la prohibition des discriminations.

La direction de la sĂ©curitĂ© sociale a considĂ©rĂ© que l’articulation de ces jurispru-dences permet de prĂ©server le caractĂšre forfaitaire de droit commun de la rĂ©paration des accidents du travail et des maladies professionnelles avec la nĂ©cessitĂ© de la rĂ©para-tion des prĂ©judices non indemnisĂ©s par ailleurs en cas de faute inexcusable. En consĂ©-quence, l’état actuel de la jurisprudence offre, Ă  ses yeux, aux victimes de sinistres d’origine professionnelle un niveau Ă©levĂ© de rĂ©paration de leurs prĂ©judices en cas de faute inexcusable de l’employeur.

La direction de la sĂ©curitĂ© sociale a, en outre, estimĂ© que la proposition de la Cour de cassation en faveur d’une rĂ©paration intĂ©grale des prĂ©judices, qu’ils soient ou non dĂ©jĂ  partiellement indemnisĂ©s au sein du livre IV, va au-delĂ  de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui mentionne uniquement les dommages non couverts par la lĂ©gislation au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle aurait pour caractĂ©ristique de supprimer la distinction en vigueur entre la rĂ©paration de la faute inexcusable et celle de la faute intentionnelle prĂ©vue par l’article L. 452-5. Elle Ă©largirait les cas dans lesquels la branche des accidents du travail et des maladies pro-fessionnelles avance, sans assurance de rĂ©cupĂ©ration, des sommes pour le compte des employeurs, Ă  des situations dans lesquelles elle assure dĂ©jĂ , sous les rĂšgles prĂ©vues par le code de la sĂ©curitĂ© sociale, la rĂ©paration des sinistres. Enfin, elle a Ă©mis l’avis qu’une telle proposition comporterait ainsi des risques financiers importants pour l’équilibre de la branche, qui est au cƓur de son fonctionnement.

Il n’en apparaĂźt pas moins que cette importante suggestion de rĂ©forme, dont les motifs exposĂ©s conservent toute leur pertinence, prĂ©sente un caractĂšre essentiel au regard de ses enjeux et de ses consĂ©quences et en considĂ©ration de l’équilibre qu’elle recherche quant Ă  l’étendue de la rĂ©paration assurĂ©e aux victimes. Elle ne peut qu’ĂȘtre maintenue.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la deuxiĂšme chambre civile

Notification de la décision attributive de rente AT

Suivant les dispositions de l’article R. 434-32, alinĂ©a 3, du code de la sĂ©curitĂ© sociale, dans leur rĂ©daction issue du dĂ©cret no 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au 1er jan-vier 2010, qui rĂ©gissent la notification des dĂ©cisions prises en matiĂšre d’attribution de la rente en cas d’incapacitĂ© permanente, « la dĂ©cision motivĂ©e est immĂ©diatement noti-fiĂ©e par la caisse primaire d’assurance maladie par tout moyen permettant de dĂ©termi-ner la date de rĂ©ception, avec mention des voies et dĂ©lais de recours, Ă  la victime ou Ă  ses ayants droit et Ă  l’employeur au service duquel se trouvait la victime au moment oĂč est survenu l’accident ».

La Cour de cassation a jugĂ© que ces dispositions n’avaient pas vocation Ă  s’appli-quer lorsque l’attribution (ou le refus d’attribution) de la rente se rapporte Ă  une inca-pacitĂ© permanente consĂ©cutive non Ă  un accident du travail, au sens Ă©troit du terme, mais Ă  une maladie professionnelle (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi no 17-28.785, publiĂ© au Bulletin). La solution ainsi retenue a une consĂ©quence bien prĂ©cise : dĂšs lors que l’attribution de la rente s’applique Ă  une maladie professionnelle, le recours de l’em-ployeur n’est a priori enfermĂ© dans aucune condition de dĂ©lai. Il paraĂźt utile, ne serait-ce qu’aux fins de sĂ©curisation des dĂ©cisions prises dans une matiĂšre que caractĂ©rise la complexitĂ© des rapports entre la victime ou ses ayants droit, l’employeur et l’organisme social, de prĂ©ciser le rĂ©gime spĂ©cifique de la notification des dĂ©cisions en matiĂšre de rente propre aux maladies professionnelles.

Deux formules paraissent envisageables, qui consistent, la premiĂšre, Ă  prĂ©voir la notification de la dĂ©cision Ă  l’employeur Ă  l’égard duquel la procĂ©dure d’instruction de la demande de prise en charge a Ă©tĂ© menĂ©e, la seconde, Ă  opter pour la notification Ă  l’employeur (ou Ă  chacun des employeurs) au service duquel la victime a Ă©tĂ© expo-sĂ©e au risque.

Le texte n’ayant pas Ă©tĂ© modifiĂ©, il convient de renouveler cette proposition.

La DACS n’a pas Ă©mis d’avis concernant cette proposition.

B. Suggestions nouvelles

Pas de suggestions nouvelles en 2020.

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III. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

A. Suivi des suggestions de réforme

Bail commercial

Restitution du dépÎt de garantie

En matiĂšre commerciale, en cas de vente des locaux louĂ©s, la restitution du dĂ©pĂŽt de garantie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas Ă  son ayant cause par-ticulier (voir, notamment, 3e Civ., 30 janvier 1979, pourvoi no 77-12.349, Bull. 1979, III, no 27 ; 3e Civ., 16 mai 2000, pourvoi no 98-20.458 ; 3e Civ., 25 fĂ©vrier 2004, pour-voi no 02-16.589, Bull. 2004, III, no 37).

Or, c’est la rĂšgle inverse qui s’applique en matiĂšre de baux d’habitation : aux termes de l’alinĂ©a 8 de l’article 22 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 tendant Ă  amĂ©liorer les rapports locatifs et portant modification de la loi no 86-1290 du 23 dĂ©cembre 1986, introduit par la loi no 2009-323 du 25 mars 2009 dite de mobilisation pour le loge-ment et la lutte contre l’exclusion, c’est le propriĂ©taire au jour du terme du bail qui est dĂ©biteur de la restitution. La restitution du dĂ©pĂŽt de garantie incombe donc au nou-veau bailleur, peu important que l’ancien bailleur l’ait ou non transfĂ©rĂ© Ă  son succes-seur ou que le locataire en ait Ă©tĂ© ou non avisĂ©.

La troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugĂ© rĂ©cemment que, « en cas de vente de locaux donnĂ©s Ă  bail commercial, la restitution du dĂ©pĂŽt de garan-tie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas Ă  son ayant cause Ă  titre parti-culier » (3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi no 17-18.100).

La solution applicable en matiĂšre de bail commercial est discutable sur le plan pra-tique dĂšs lors que les baux sont gĂ©nĂ©ralement anciens et que les biens font frĂ©quem-ment l’objet de cession, de sorte que le locataire qui quitte les lieux peut ĂȘtre confrontĂ© Ă  des difficultĂ©s pour obtenir la restitution de son dĂ©pĂŽt de garantie.

Il est donc suggĂ©rĂ©, comme proposĂ© depuis le Rapport 2018, d’aligner le rĂ©gime de restitution du dĂ©pĂŽt de garantie en matiĂšre de bail commercial sur celui qui existe en matiĂšre de bail d’habitation.

Dans le Rapport 2019 la DACS indiquait que la proposition formulĂ©e par la Cour de cassation apparaissait pouvoir ĂȘtre retenue, aprĂšs avis prĂ©alable de la direction gĂ©nĂ©rale des entreprises du ministĂšre de l’économie. Cette annĂ©e, la DACS n’a pas fait connaĂźtre sa position sur cette suggestion.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la troisiĂšme chambre civile

Condition de ressources en cas de pluralité de locataires

Article 15, III, de la loi nÂș 89-462 du 6 juillet 1989 tendant Ă  amĂ©liorer les rapports locatifs et portant modification de la loi nÂș 86-1290 du 23 dĂ©cembre 1986

Ce texte est ainsi rédigé :

« Le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congĂ© dans les conditions dĂ©finies au paragraphe I ci-dessus Ă  l’égard de tout locataire ĂągĂ© de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont infĂ©rieures Ă  un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnĂ©s fixĂ© par arrĂȘtĂ© du ministre chargĂ© du logement, sans qu’un logement correspondant Ă  ses besoins et Ă  ses possibilitĂ©s lui soit offert dans les limites gĂ©ographiques prĂ©vues Ă  l’article 13 bis de la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948 prĂ©citĂ©e. Le prĂ©sent alinĂ©a est Ă©galement applicable lorsque le locataire a Ă  sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources prĂ©-citĂ©e et que le montant cumulĂ© des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est infĂ©rieur au plafond de ressources dĂ©terminĂ© par l’arrĂȘtĂ© prĂ©citĂ©. »

La condition du cumul des ressources de la « personne Ă  charge » et du locataire est expressĂ©ment prĂ©vue par le texte Ă  la suite d’une dĂ©cision d’inconstitutionnalitĂ©. Le Conseil constitutionnel (Cons. const., 20 mars 2014, dĂ©cision no 2014-691 DC, Loi pour l’accĂšs au logement et un urbanisme rĂ©novĂ©) a en effet considĂ©rĂ© qu’en ins-tituant une telle protection, sans prendre en compte l’addition des ressources du loca-taire et de la personne Ă  sa charge, ces dispositions permettent que le propriĂ©taire soit, dans certains cas, appelĂ© Ă  supporter une charge telle que l’égalitĂ© devant les charges publiques se trouverait mĂ©connue.

Elle ne l’est pas en revanche pour les cotitulaires du bail, l’article 15, III, de la loi prĂ©citĂ©e disposant toujours que la protection s’applique Ă  l’égard de « tout locataire ĂągĂ© de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont infĂ©rieures Ă  un plafond de ressources ».

Une telle rédaction invite donc à la prise en compte des revenus du seul locataire ùgé de plus de soixante-cinq ans, ce que décidait la jurisprudence.

La troisiĂšme chambre civile a Ă©tĂ© saisie d’une question prioritaire de constitution-nalitĂ© ainsi posĂ©e (3e Civ., 20 juin 2019, QPC no 19-40.009) :

« L’article 15 III de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 et la jurisprudence du juge judiciaire faisant corps avec cette disposition qui prĂ©cise qu’il convient de prendre en compte les revenus de chacun des Ă©poux sĂ©parĂ©ment pour calculer les ressources du locataire ĂągĂ© bĂ©nĂ©ficiant de la protection instituĂ©e par cet article sont-ils conformes Ă  la Constitution, en particulier Ă  l’article 13 de la DĂ©claration des droits de l’homme et du citoyen qui garantit le principe d’égalitĂ© devant les charges publiques ? »

La troisiĂšme chambre civile a rĂ©pondu que la jurisprudence Ă©voquĂ©e n’avait pas Ă©tĂ© rendue sur le fondement de l’article 15, III, dans sa rĂ©daction issue de la loi no 2014- 366 du 24 mars 2014 pour l’accĂšs au logement et un urbanisme rĂ©novĂ©, qui a modifiĂ© les conditions de ressources du locataire.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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En effet, la loi du 24 mars 2014 prĂ©citĂ©e a modifiĂ© le plafond de ressources, qui est dĂ©sormais fixĂ© par rĂ©fĂ©rence au « plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnĂ©s fixĂ© par arrĂȘtĂ© du ministre chargĂ© du logement ». Ce plafond est dĂ©fini par catĂ©gories de mĂ©nages et implique la prise en considĂ©ration des revenus cumulĂ©s du mĂ©nage.

La question de l’articulation entre la lettre de l’article 15, III, de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 qui invite Ă  une prise en considĂ©ration individuelle des ressources de chacun des locataires et la dĂ©termination du nouveau plafond de ressources par rĂ©fĂ©-rence aux revenus cumulĂ©s du mĂ©nage, risque de poser une difficultĂ©, dont on ignore Ă  ce jour comment elle sera rĂ©solue par la jurisprudence.

Il pourrait paraĂźtre opportun de modifier l’article 15, III, de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 afin de prĂ©ciser comment doit ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e la condition de ressources en cas de pluralitĂ© de locataires, ce qui restituerait sa cohĂ©rence Ă  ce texte qui, d’un cĂŽtĂ©, invite Ă  prendre en considĂ©ration la situation de « tout locataire [
] dont les res-sources
 », ce qui implique la prise en considĂ©ration individualisĂ©e de sa situation, de l’autre cĂŽtĂ©, renvoie Ă  un plafond qui implique de prendre en considĂ©ration les reve-nus du mĂ©nage, donc de tous les cotitulaires du bail.

Cette suggestion proposĂ©e au Rapport annuel 2019 n’ayant pas Ă©tĂ© suivie d’effet, il convient de la maintenir.

La DACS est d’avis qu’en l’état du texte, la conjonction d’une apprĂ©ciation indivi-duelle de l’éligibilitĂ© Ă  la protection lĂ©gale et d’un renvoi Ă  des plafonds de ressources dĂ©terminĂ©s selon la taille du mĂ©nage entraĂźne une difficultĂ© de comprĂ©hension et d’ap-plication de la mesure.

Dans l’hypothĂšse d’un titulaire de bail non Ă©ligible Ă  titre personnel, qui prend Ă  charge Ă  son domicile une personne ĂągĂ©e remplissant les conditions d’éligibilitĂ©, le Conseil constitutionnel a considĂ©rĂ© que les ressources de ce locataire devaient ĂȘtre prises en compte pour apprĂ©cier son Ă©ligibilitĂ©, sauf Ă  mĂ©connaĂźtre le principe d’éga-litĂ© devant les charges publiques. Il peut s’en dĂ©duire qu’au stade de l’apprĂ©ciation du niveau de ressources de la personne ĂągĂ©e Ă  charge, les revenus des autres membres du foyer n’étaient donc pas pris en compte. De la mĂȘme façon, on pourrait estimer que les revenus de la personne ĂągĂ©e titulaire d’un bail et sollicitant la protection doivent ĂȘtre apprĂ©ciĂ©s par rĂ©fĂ©rence au plafond de ressources d’un mĂ©nage de catĂ©gorie 1, sans prise en compte des revenus de ses cotitulaires.

La DACS souligne que cela ne ressort toutefois nullement des textes puisqu’il est simplement renvoyĂ© au « plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des loge-ments locatifs conventionnĂ©s fixĂ© par arrĂȘtĂ© du ministre chargĂ© du logement ».

La DACS considĂšre que la rĂ©daction mĂ©riterait donc d’ĂȘtre clarifiĂ©e quant Ă  la catĂ©-gorie de mĂ©nage Ă  retenir pour la mise en Ɠuvre de la protection primaire, afin d’en assurer l’intelligibilitĂ© et la cohĂ©rence avec la protection secondaire.

Cette question doit ĂȘtre soumise Ă  l’analyse de la DHUP, celle-ci entrant pleine-ment dans leur champ de compĂ©tence.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la troisiĂšme chambre civile

B. Suggestions nouvelles

Pas de suggestions nouvelles en 2020.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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IV. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET Ă‰CONOMIQUE

A. Suivi des suggestions de réforme

Cautionnement

Reprise des poursuites par la caution

La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©i-tĂšre la proposition figurant aux Rapports depuis 2016 tendant Ă  la modification de l’article L. 643-11, II, du code de commerce qui permet, en l’état, aux cautions profes-sionnelles d’échapper Ă  l’absence de reprise des poursuites contre le dĂ©biteur.

Pour rappel, aux termes de ces dispositions, par exception posĂ©e Ă  la rĂšgle selon laquelle le jugement de clĂŽture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux crĂ©anciers l’exercice individuel de leurs actions contre le dĂ©bi-teur, « les coobligĂ©s et les personnes ayant consenti une sĂ»retĂ© personnelle ou ayant affectĂ© ou cĂ©dĂ© un bien en garantie peuvent poursuivre le dĂ©biteur s’ils ont payĂ© Ă  la place de celui-ci ».

La rĂšgle ne pose pas de difficultĂ© en son principe, mais dĂšs lors que, en pratique, ce sont essentiellement les cautions qui poursuivent le dĂ©biteur aprĂšs la clĂŽture pour insuffisance d’actif, et que le texte ne distingue pas entre les cautions personnes morales et les cautions personnes physiques, il a Ă©tĂ© constatĂ© que la rĂšgle s’appliquait, en par-ticulier, Ă  la caution qui est la filiale de l’établissement de crĂ©dit qui a consenti un prĂȘt au dĂ©biteur principal.

Il en rĂ©sulte que l’établissement de crĂ©dit, au mĂ©pris de l’esprit du texte, peut, de fait, recouvrer sa crĂ©ance par filiale interposĂ©e et, ainsi, en rĂ©alitĂ©, faire obstacle Ă  la libĂ©ration du dĂ©biteur dans un cas oĂč cela ne se justifie pas. Tel Ă©tait le cas soumis Ă  la chambre commerciale dans un arrĂȘt du 28 juin 2016 (Com., 28 juin 2016, pour-voi no 14-21.810, Bull. 2016, IV, no 98), mais, en l’état du texte, la Cour de cassation n’a pu que constater que « l’article L. 643-11, II, du code de commerce, qui autorise la caution qui a payĂ© Ă  la place du dĂ©biteur principal Ă  le poursuivre, malgrĂ© la clĂŽture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d’actif, ne distingue pas selon que ce paiement est antĂ©rieur ou postĂ©rieur Ă  l’ouverture de la procĂ©dure collective, ni suivant la nature, subrogatoire ou personnelle, du recours exercĂ© par la caution ».

Il est donc proposĂ© comme les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes de modifier l’article L. 643-11, II, du code de commerce prĂ©citĂ© pour rĂ©server le bĂ©nĂ©fice de l’exception instituĂ©e par ce texte aux cautions personnes physiques et en exclure les personnes morales.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique

La direction des affaires civiles et du sceau relĂšve que cette proposition de modi-fication lĂ©gislative part du constat que, en pratique, la rĂšgle s’applique Ă  la caution qui est la filiale de l’établissement de crĂ©dit qui a consenti un prĂȘt au dĂ©biteur principal. Il ressort de la jurisprudence de la chambre commerciale qu’il s’agit d’un moyen permet-tant Ă  l’établissement de crĂ©dit de recouvrer sa crĂ©ance par filiale interposĂ©e, ce qui fait obstacle Ă  la libĂ©ration du dĂ©biteur. Cette solution a notamment Ă©tĂ© confirmĂ©e par un arrĂȘt du 28 juin 2016 (Com., 28 juin 2016, pourvoi no 14-21.810, Bull. 2016, IV, no 98).

À cet Ă©gard, la direction des affaires civiles et du sceau a confiĂ© en 2016 au profes-seur Michel Grimaldi le soin de rĂ©unir un groupe de travail « afin qu’il identifie les amĂ©liorations susceptibles d’ĂȘtre apportĂ©es au livre quatriĂšme du code civil, y compris les champs non couverts par la prĂ©sente ordonnance, tels que le cautionnement ». Le droit des sĂ»retĂ©s avait en effet fait l’objet d’une rĂ©forme d’ensemble par ordonnance du 23 mars 2006, Ă  l’exclusion du droit du cautionnement et des privilĂšges, qui avaient Ă©tĂ© Ă©cartĂ©s de l’habilitation par le Parlement. Les propositions du groupe de travail ont Ă©tĂ© rendues publiques sur le site internet de l’Association Henri Capitant en sep-tembre 2017. Ce projet de rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s comprend dĂ©jĂ  plusieurs dis-positions relatives Ă  l’articulation entre le droit des sĂ»retĂ©s et les procĂ©dures collectives. Il a Ă©tĂ© complĂ©tĂ© avec d’autres propositions de rĂ©formes portant sur cette articulation et le livre VI du code de commerce, Ă  partir notamment des suggestions formulĂ©es par la Cour de cassation.

Des consultations ont Ă©tĂ© menĂ©es par la direction des affaires civiles et du sceau sur ce projet et sur l’articulation entre le droit des sĂ»retĂ©s et le droit des procĂ©dures col-lectives. Le questionnaire soumis Ă  consultation publique comprenait ainsi une ques-tion (no 5.15) relative au recours de la caution aprĂšs clĂŽture de la liquidation judiciaire, laquelle a suscitĂ© des rĂ©actions contrastĂ©es de la part des parties prenantes.

L’avant-projet de rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s dans son volet relatif Ă  l’articula-tion avec le livre VI du code de commerce, soumis Ă  consultation publique au dĂ©but de l’annĂ©e 2021, ne comprenait pas de disposition sur la reprise des poursuites de la caution. Il ressort en effet d’échanges antĂ©rieurs avec plusieurs rĂ©pondants Ă  la pre-miĂšre consultation publique effectuĂ©e en 2019 que la suppression de la reprise des poursuites de la caution personne morale pourrait induire des effets de bord, lorsque cette personne morale n’est pas un Ă©tablissement spĂ©cialisĂ© dans ce type de garanties, outre le risque d’un renchĂ©rissement du coĂ»t du crĂ©dit liĂ© Ă  l’interdiction de la reprise des poursuites ici envisagĂ©e.

Sanction du dĂ©faut d’information annuelle de la caution

L’article L. 333-2 du code de la consommation dispose que le crĂ©ancier profes-sionnel fait connaĂźtre Ă  la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque annĂ©e, le montant du principal et des intĂ©rĂȘts, commissions, frais et accessoires restant Ă  courir au 31 dĂ©cembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement, et rappelle, si l’engagement est Ă  durĂ©e indĂ©ter-minĂ©e, la facultĂ© de rĂ©vocation Ă  tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercĂ©e. L’article L. 343-6 de ce code prĂ©voit que, lorsqu’un crĂ©ancier ne respecte pas ces obligations, la caution n’est pas tenue au paiement des pĂ©nalitĂ©s ou intĂ©rĂȘts de retard Ă©chus depuis la prĂ©cĂ©dente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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Cette sanction Ă©tait auparavant prĂ©vue, dans les mĂȘmes termes, par l’article L. 341-6 du mĂȘme code, jusqu’à son abrogation par l’ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 relative Ă  la partie lĂ©gislative du code de la consommation.

L’article L. 313-22 du code monĂ©taire et financier dispose par ailleurs que les Ă©ta-blissements de crĂ©dit ou les sociĂ©tĂ©s de financement ayant accordĂ© un concours finan-cier Ă  une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque annĂ©e de faire connaĂźtre Ă  la caution le montant du principal et des intĂ©rĂȘts, commissions, frais et accessoires restant Ă  courir au 31 dĂ©cembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de l’obli-gation bĂ©nĂ©ficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement et, si l’engage-ment est Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e, rappellent la facultĂ© de rĂ©vocation Ă  tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercĂ©e. Le dĂ©faut d’accomplissement de cette formalitĂ© emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu Ă  cette for-malitĂ©, dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts Ă©chus depuis la prĂ©cĂ©dente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

Dans l’hypothĂšse d’un cautionnement donnĂ© par une personne physique Ă  un Ă©ta-blissement de crĂ©dit ou une sociĂ©tĂ© de financement ayant accordĂ© un concours finan-cier Ă  une entreprise, le crĂ©ancier encourt donc la dĂ©chĂ©ance des pĂ©nalitĂ©s ou intĂ©rĂȘts de retard, selon les dispositions du code de la consommation, et la dĂ©chĂ©ance des intĂ©-rĂȘts, selon les dispositions du code monĂ©taire et financier.

La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©itĂšre sa proposition figurant aux Rapports depuis 2017 en vue d’harmoniser les deux sanctions en prĂ©voyant dans l’article L. 313-22 du code monĂ©taire et financier que le crĂ©ancier encourt la dĂ©chĂ©ance des « intĂ©rĂȘts contractuels et pĂ©nalitĂ©s de retard ».

La DACS maintient comme l’annĂ©e passĂ©e son avis favorable Ă  une harmonisation des divers textes prĂ©voyant des obligations d’information du crĂ©ancier Ă  destination de la caution, et observe Ă  ce titre que cette proposition rejoint celle formulĂ©e par la premiĂšre chambre civile.

Cette harmonisation a vocation Ă  s’insĂ©rer dans le cadre de la rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s qui sera rĂ©alisĂ©e par ordonnance, en application de l’article 60 de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019 relative Ă  la croissance et la transformation des entre-prises (loi PACTE).

Aux multiples textes actuels sera substituĂ©e une obligation d’information unique, inscrite dans le code civil. L’avant-projet de rĂ©forme Ă©laborĂ© par l’Association Henri Capitant proposait ainsi un nouvel article 2303 du code civil :

« Le crĂ©ancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque annĂ©e, de faire connaĂźtre Ă  toute caution personne physique le montant du principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 dĂ©cembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, sous peine de dĂ©chĂ©ance des intĂ©rĂȘts et accessoires Ă©chus depuis la date de la prĂ©cĂ©dente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le crĂ©an-cier et la caution, les paiements effectuĂ©s pendant cette pĂ©riode sont imputĂ©s prioritai-rement sur le principal de la dette.

Si le cautionnement est à durée indéterminée, le créancier professionnel est, en outre, tenu de rappeler à la caution sa faculté de résiliation. »

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique

Aux termes de son avant-projet d’ordonnance soumis Ă  consultation publique au mois de dĂ©cembre 2020, le gouvernement a proposĂ© un nouvel article 2302 ainsi rĂ©digĂ© :

« Le crĂ©ancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque annĂ©e, de faire connaĂźtre Ă  toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intĂ©rĂȘts et autres accessoires restant dus au 31 dĂ©cembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente au titre de l’obligation garantie, sous peine de dĂ©chĂ©ance de la garantie des intĂ©rĂȘts et pĂ©na-litĂ©s Ă©chus depuis la date de la prĂ©cĂ©dente information et jusqu’à celle de la commu-nication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le crĂ©ancier et la caution, les paiements effectuĂ©s pendant cette pĂ©riode sont imputĂ©s prioritairement sur le prin-cipal de la dette.

Le crĂ©ancier professionnel est tenu, sous la mĂȘme sanction, de rappeler Ă  la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e, sa facultĂ© de rĂ©siliation Ă  tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut ĂȘtre exercĂ©e.

Le coût de réalisation de cette obligation légale est à la charge du créancier.

Le prĂ©sent article est Ă©galement applicable aux cautionnements souscrits par une personne morale envers un Ă©tablissement de crĂ©dit ou une sociĂ©tĂ© de financement en garantie d’un concours financier accordĂ© Ă  une entreprise. »

La sanction consisterait ainsi en la dĂ©chĂ©ance de l’ensemble des intĂ©rĂȘts et pĂ©nali-tĂ©s, mais seulement pour la pĂ©riode durant laquelle l’information n’a pas Ă©tĂ© fournie.

Banque

Action en responsabilitĂ© appartenant au Fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution – Proposition de modification de l’article L. 312-6 du code monĂ©taire et financier

L’article L. 312-5 du code monĂ©taire et financier prĂ©voit que le Fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution agit soit Ă  titre prĂ©ventif lorsque la situation d’un Ă©tablisse-ment de crĂ©dit devient prĂ©occupante quant Ă  la disponibilitĂ© des fonds des clients, soit Ă  titre « curatif » lorsqu’un Ă©tablissement de crĂ©dit n’est plus en mesure de restituer les fonds des clients. Le Fonds met en Ɠuvre le mĂ©canisme de garantie des dĂ©pĂŽts Ă  la demande de l’AutoritĂ© de contrĂŽle prudentiel et de rĂ©gulation (ACPR).

L’article L. 312-6 du mĂȘme code crĂ©e une action en responsabilitĂ© au profit du Fonds, Ă  l’encontre des dirigeants de fait et de droit ainsi que, depuis la loi no 2013-672 du 26 juillet 2013 de sĂ©paration et de rĂ©gulation des activitĂ©s bancaires, Ă  l’encontre des actionnaires, aux fins d’obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes qu’il a versĂ©es au titre du mĂ©canisme de garantie des dĂ©pĂŽts.

Cependant, le lĂ©gislateur a omis de prĂ©ciser les modalitĂ©s procĂ©durales de l’exer-cice de cette action.

Par un arrĂȘt du 6 dĂ©cembre 2005 (Com., 6 dĂ©cembre 2005, pourvoi no 03-11.858, Bull. 2005, IV, no 239), la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique a jugĂ© qu’« il rĂ©sulte des termes mĂȘmes de la loi du 25 juin 1999 » (devenue l’article L. 312-6 du code monĂ©taire et financier) « que le lĂ©gislateur a entendu confĂ©rer au Fonds le pouvoir

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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d’exercer Ă  l’encontre des dirigeants des Ă©tablissements de crĂ©dit Ă  l’origine de la situa-tion ayant rendu nĂ©cessaire son intervention, fĂ»t-ce Ă  titre prĂ©ventif, toutes les actions en responsabilitĂ© dĂ©jĂ  existantes, de sorte que l’action engagĂ©e ne se heurtait pas au principe » de non-rĂ©troactivitĂ© des lois.

Les actions en responsabilitĂ© Ă©tant, selon la Cour de cassation, « dĂ©jĂ  existantes », un deuxiĂšme dĂ©bat concernant le dĂ©lai dans lequel le Fonds peut agir ainsi que le point de dĂ©part de ce dĂ©lai s’est ouvert.

Dans un arrĂȘt du 30 mars 2010 (Com., 30 mars 2010, pourvoi no 08-17.841, Bull. 2010, IV, no 69), la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation, faisant application des dispositions de l’article L. 225-254 du code de commerce, a retenu que le point de dĂ©part de la prescription triennale de l’action en responsabilitĂ© contre les dirigeants de droit devait ĂȘtre fixĂ© Ă  la date de la rĂ©vĂ©lation du fait domma-geable, dans une hypothĂšse oĂč celui-ci avait Ă©tĂ© dissimulĂ©.

La fixation du point de dĂ©part du dĂ©lai de prescription au jour du fait domma-geable ou, en cas de dissimulation, de sa rĂ©vĂ©lation peut avoir pour effet de priver le Fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution de facto de toute possibilitĂ© de recouvrer les fonds versĂ©s, dans les cas notamment oĂč ce dĂ©lai serait dĂ©jĂ  expirĂ© au moment de leur versement.

Ainsi, dans l’espĂšce ayant donnĂ© lieu Ă  un arrĂȘt de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique en date du 9 janvier 2019 (Com., 9 janvier 2019, pourvoi no 16-23.675), il a Ă©tĂ© jugĂ© que la prescription de trois ans avait commencĂ© Ă  courir au jour des faits dommageables, soit en mai 1996. Le Fonds n’ayant versĂ© les sommes Ă  l’établissement concernĂ© qu’en 2000, il apparaĂźt que l’action en responsabilitĂ© dont il disposait Ă©tait dĂ©jĂ  prescrite Ă  cette date.

Cet arrĂȘt illustre les difficultĂ©s de mise en Ɠuvre de l’action prĂ©vue par l’ar-ticle L. 312-6 du code monĂ©taire et financier, Ă  dĂ©faut de rĂšgles spĂ©cifiques de pres-cription rĂ©gissant cette action.

La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©i-tĂšre comme l’annĂ©e passĂ©e sa suggestion de modifier l’article L. 312-6 du code monĂ©-taire et financier afin que des rĂšgles spĂ©cifiques de prescription soient fixĂ©es s’agissant de l’action en responsabilitĂ© prĂ©vue par cette disposition.

La direction des affaires civiles et du sceau avait indiquĂ© au Rapport 2018 ne pas ĂȘtre opposĂ©e Ă  la crĂ©ation d’un dĂ©lai de prescription spĂ©cifique Ă  l’action en responsa-bilitĂ© du Fonds contre le dirigeant. Cette suggestion n’ayant nĂ©anmoins pas Ă©tĂ© suivie d’effet, il convient de la maintenir.

La DACS rĂ©itĂšre n’ĂȘtre toujours pas opposĂ©e Ă  la crĂ©ation d’un dĂ©lai de prescrip-tion spĂ©cifique, mais que cette question relĂšve du ministĂšre de l’économie, des finances et de la restructuration.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique

Procédures collectives

Cession « Dailly » consentie à titre de garantie pendant la période suspecte

L’article L. 632-1 du code de commerce dispose que sont nuls de plein droit, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, d’une part, « tout paiement, quel qu’en ait Ă©tĂ© le mode, pour dettes non Ă©chues au jour du paiement » (3o) et, d’autre part, « toute hypothĂšque conventionnelle, toute hypothĂšque judiciaire ainsi que l’hy-pothĂšque lĂ©gale des Ă©poux et tout droit de nantissement ou de gage constituĂ©s sur les biens du dĂ©biteur pour dettes antĂ©rieurement contractĂ©es » (6o).

La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation a jugĂ© que la cession de crĂ©ances professionnelles par bordereau Dailly effectuĂ©e Ă  titre de garantie n’est pas une constitution d’un droit de nantissement sur un bien du dĂ©bi-teur (Com., 28 mai 1996, pourvoi no 94-10.361, Bull. 1996, IV, no 151) et ne constitue pas un paiement (Com., 22 mars 2017, pourvoi no 15-15.361, Bull. 2017, IV, no 43), de sorte qu’une telle garantie consentie pendant la pĂ©riode suspecte Ă©chappe Ă  la nullitĂ© prĂ©vue par les dispositions prĂ©citĂ©es.

La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation main-tient sa proposition figurant au Rapport 2018 de remplacer la liste des garanties Ă©noncĂ©e par l’article L. 632-1, 6o, du code de commerce par les termes : « toute garantie consti-tuĂ©e sur les biens du dĂ©biteur pour dettes antĂ©rieurement contractĂ©es ».

La direction des affaires civiles et du sceau observe que la situation du crĂ©ancier cessionnaire « Dailly » suppose de distinguer selon que la cession de crĂ©ances pro-fessionnelles a Ă©tĂ© opĂ©rĂ©e sous forme de cession « Dailly » – escompte ou de cession « Dailly » â€“ garantie.

Dans la cession « Dailly » conclue Ă  titre d’escompte, le crĂ©ancier cessionnaire acquiert les crĂ©ances et, par le paiement du prix, fournit au client cĂ©dant de la trĂ©so-rerie. Il s’agit d’une opĂ©ration de crĂ©dit. Dans la cession « Dailly » conclue Ă  titre de garantie, le crĂ©ancier cessionnaire consent un crĂ©dit Ă  son client, sans lien direct avec les crĂ©ances professionnelles cĂ©dĂ©es. Cette cession Ă  titre de garantie prĂ©sente la par-ticularitĂ© de pouvoir ĂȘtre effectuĂ©e sans prix (article L. 313-24 du code monĂ©taire et financier). Les crĂ©ances sont cĂ©dĂ©es au banquier jusqu’à ce que le crĂ©dit soit remboursĂ©. Il s’agit ici d’une garantie et non d’une opĂ©ration de crĂ©dit qui Ă©chappe Ă  la nullitĂ© de droit de la pĂ©riode suspecte du paiement pour dettes non Ă©chues, prĂ©vue au 3o du I de l’article L. 632-1 du code de commerce.

Il convient donc de s’interroger sur l’opportunitĂ© de maintenir un tel rĂ©gime de faveur pour le crĂ©ancier cessionnaire « Dailly » Ă  titre de garantie, par rapport aux crĂ©anciers bĂ©nĂ©ficiaires d’une des sĂ»retĂ©s listĂ©es au 6o du I de l’article L. 632-1 (hypo-thĂšque, nantissement ou gage).

La proposition de la Cour de cassation prĂ©sente a priori le mĂ©rite d’adopter un mĂȘme rĂ©gime pour l’ensemble des « garanties » conclues pendant la pĂ©riode suspecte.

Toutefois, la rĂ©fĂ©rence Ă  la notion de « garantie », si elle est source d’unitĂ©, risque d’engendrer des difficultĂ©s d’interprĂ©tation quant Ă  son champ d’application. Cette notion de « garantie » regroupe en outre potentiellement tous les avantages procurĂ©s

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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Ă  un crĂ©ancier dans le but de faire face au dĂ©faut de son dĂ©biteur, comme le crĂ©dit-bail ou l’assurance-crĂ©dit. Or, il n’est pas certain qu’il soit opportun d’inscrire une rĂšgle identique pour toutes ces garanties contractuelles dont une liste exhaustive ne peut ĂȘtre dressĂ©e, sans distinction.

La cession « Dailly » conclue Ă  titre de garantie prĂ©sente en outre des similitudes avec la fiducie. Les deux garanties constituent deux formes de propriĂ©tĂ©-sĂ»retĂ©. La fiducie connaĂźt, Ă  ce titre, un rĂ©gime spĂ©cifique en pĂ©riode suspecte (aux 9o et 10o du I de l’article L. 632-1 du code de commerce). Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire est nul lorsqu’il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, Ă  moins que ce transfert ne soit intervenu Ă  titre de garantie d’une dette concomitamment contractĂ©e. Seule la fiducie-sĂ»retĂ© conclue en garantie d’un nouveau financement Ă©chappe ainsi Ă  la nullitĂ© de la pĂ©riode suspecte.

L’avant-projet de rĂ©forme du droit des sĂ»retĂ©s, dans son volet relatif Ă  l’articula-tion avec le livre VI du code de commerce, soumis Ă  consultation publique au dĂ©but de l’annĂ©e 2021, prĂ©voit de modifier le 6o de l’article L. 632-1 du code de commerce pour remplacer l’énumĂ©ration actuelle par toute sĂ»retĂ© rĂ©elle conventionnelle consti-tuĂ©e sur les biens du dĂ©biteur pour dettes antĂ©rieurement contractĂ©es. Une telle modi-fication Ă©tendrait l’application de cet alinĂ©a Ă  la cession « Dailly » et plus gĂ©nĂ©ralement Ă  toutes les sĂ»retĂ©s rĂ©elles conventionnelles.

Pourvoi du ministĂšre public contre une dĂ©cision statuant sur la durĂ©e de la pĂ©riode d’observation

En matiĂšre de sauvegarde, il rĂ©sulte de l’article L. 621-3 du code de commerce (applicable au redressement judiciaire en vertu de l’article L. 631-7 du mĂȘme code) que « le jugement ouvre une pĂ©riode d’observation d’une durĂ©e maximale de six mois qui peut ĂȘtre renouvelĂ©e une fois, pour une durĂ©e maximale de six mois, par dĂ©cision motivĂ©e Ă  la demande de l’administrateur, du dĂ©biteur ou du ministĂšre public » et il est ajoutĂ© qu’« elle peut en outre ĂȘtre exceptionnellement prolongĂ©e Ă  la demande du procureur de la RĂ©publique par dĂ©cision motivĂ©e du tribunal pour une durĂ©e maxi-male de six mois ».

Il ressort des Ă©lĂ©ments parvenus Ă  la connaissance de la Cour de cassation de maniĂšre informelle que dans d’assez nombreux tribunaux de commerce des prolonga-tions exceptionnelles au-delĂ  d’un an interviennent sans demande du procureur de la RĂ©publique, voire contre son avis exprĂšs. Le plus souvent, le tribunal est saisi par l’ad-ministrateur, mais se saisit parfois d’office. Cette pratique peut trouver une justification dans un arrĂȘt de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique du 10 juin 2008 (Com., 10 juin 2008, pourvoi no 07-17.043, Bull. 2008, IV, no 115) qui a jugĂ© que ni la loi, ni son dĂ©cret d’application ne sanctionnent le dĂ©passement des dĂ©lais de la pĂ©riode d’observation, non plus que sa prolongation exceptionnelle en l’absence de demande du procureur de la RĂ©publique.

Cette pratique des tribunaux de commerce prend Ă  revers plusieurs Ă©volutions majeures de la lĂ©gislation des procĂ©dures collectives : cĂ©lĂ©ritĂ© de la procĂ©dure, rĂŽle rĂ©gulateur du ministĂšre public et interdiction de la saisine d’office.

S’il ne paraĂźt pas nĂ©cessaire que le lĂ©gislateur l’ait prĂ©vue pour qu’une violation de la loi encoure la censure de la Cour de cassation, cette pratique est nĂ©anmoins difficile

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique

Ă  faire sanctionner par la Cour, car il rĂ©sulte du jeu combinĂ© des articles L. 661-6 et L. 661-7 du code de commerce qu’il n’est pas possible (mĂȘme pour le ministĂšre public) de se pourvoir contre les dĂ©cisions statuant sur la durĂ©e de la pĂ©riode d’obser-vation (la question de la recevabilitĂ© du pourvoi n’avait pas Ă©tĂ© posĂ©e dans le dossier qui a abouti Ă  la dĂ©cision du 10 juin 2008, pourvoi no 07-17.043, prĂ©citĂ©e).

ConformĂ©ment Ă  la jurisprudence de la Cour de cassation, le pourvoi reste possible en cas d’excĂšs de pouvoir. Mais la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour considĂšre que le tribunal qui prolonge exceptionnellement, pour une durĂ©e n’excĂ©dant pas six mois, la pĂ©riode d’observation en l’absence de demande du ministĂšre public ou en dĂ©pit de l’opposition de celui-ci ne commet pas d’excĂšs de pouvoir. Elle a donc dĂ©clarĂ© irrecevable le pourvoi formĂ© par le ministĂšre public Ă  l’encontre d’un arrĂȘt de cour d’appel ayant refusĂ© d’annuler un jugement statuant en ce sens (Com., 13 dĂ©cembre 2017, pourvoi no 16-50.051, Bull. 2017, IV, no 166).

La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©itĂšre donc comme depuis 2018 sa suggestion de dire dans l’article L. 661-7 du code de com-merce (alinĂ©a 2) que « le pourvoi en cassation n’est ouvert qu’au ministĂšre public Ă  l’en-contre des arrĂȘts rendus en application du I-2o de l’article L. 661-6 », le reste inchangĂ©.

La direction des affaires civiles et du sceau rappelle que, Ă  l’instar du redressement judiciaire, l’ouverture d’une procĂ©dure de sauvegarde permet au dĂ©biteur de bĂ©nĂ©ficier durant la pĂ©riode d’observation d’une protection trĂšs Ă©tendue. La durĂ©e de la pĂ©riode d’observation doit ĂȘtre ainsi strictement encadrĂ©e et limitĂ©e dans le temps afin de res-pecter la concurrence. Il est Ă©galement nĂ©cessaire d’éviter des dĂ©lais excessifs pendant lesquels l’entreprise continue de gĂ©nĂ©rer du passif sans perspective de redressement.

Au niveau europĂ©en, la volontĂ© de cĂ©lĂ©ritĂ© des procĂ©dures prĂ©ventives comme la sauvegarde est Ă©galement un des objectifs de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 20 juin 2019 dite « restructuration et insolvabilitĂ© » (article 6.8) qui limite Ă  douze mois la durĂ©e totale de la pĂ©riode de suspension des poursuites, pro-longations et renouvellements compris.

La loi confĂšre au procureur de la RĂ©publique, garant de l’ordre public Ă©conomique, dont le rĂŽle et les facultĂ©s de recours ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement renforcĂ©s au cours des derniĂšres rĂ©formes, le pouvoir exclusif de solliciter la prorogation exceptionnelle de la pĂ©riode d’observation. Il s’agit d’une disposition lĂ©gale impĂ©rative. Tout autre mode de saisine (par l’administrateur ou d’office du tribunal) doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme irrĂ©gulier.

La violation de la loi dans les dĂ©cisions des cours d’appel qui auraient passĂ© outre l’absence de demande du ministĂšre public (ou auraient approuvĂ© la juridiction de pre-miĂšre instance qui aurait fait de mĂȘme) doit pouvoir ĂȘtre sanctionnĂ©e.

La chancellerie est donc favorable Ă  la proposition tendant Ă  ouvrir au ministĂšre public le pourvoi en cassation contre les dĂ©cisions rendues par les cours d’appel sta-tuant sur la durĂ©e de la pĂ©riode d’observation.

Une telle proposition de rĂ©forme est actuellement Ă  l’étude dans le cadre de la prĂ©-paration de la transposition de la directive « restructuration et insolvabilitĂ© » Ă  laquelle le gouvernement est habilitĂ© Ă  procĂ©der par ordonnance sur habilitation de l’article 196 de la loi PACTE.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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ProcĂ©dures collectives – Distinction de l’irrecevabilitĂ© de la dĂ©claration de crĂ©ance et du rejet de la crĂ©ance

Lorsqu’un dĂ©biteur est soumis Ă  une procĂ©dure collective (sauvegarde, redresse-ment ou liquidation judiciaire), l’article L. 622-24 du code de commerce impose en principe Ă  son crĂ©ancier de dĂ©clarer sa crĂ©ance au passif dans un certain dĂ©lai, afin d’ĂȘtre admis dans les rĂ©partitions et dividendes susceptibles d’intervenir dans le cadre de cette procĂ©dure. Il appartient ensuite au juge-commissaire de statuer sur le sort de cette crĂ©ance, en application de l’article L. 624-2 du code de commerce. Ce texte dis-pose, Ă  l’instar de l’ancien article L. 621-104, qu’ « au vu des propositions du manda-taire judiciaire, le juge-commissaire dĂ©cide de l’admission ou du rejet des crĂ©ances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relĂšve pas de sa compĂ©tence », l’ordonnance no 2014-326 du 12 mars 2014 ayant ajoutĂ© qu’ « En l’ab-sence de contestation sĂ©rieuse, le juge-commissaire a Ă©galement compĂ©tence, dans les limites de la compĂ©tence matĂ©rielle de la juridiction qui l’a dĂ©signĂ©, pour statuer sur tout moyen opposĂ© Ă  la demande d’admission. »

Sous l’empire de la lĂ©gislation antĂ©rieure Ă  la loi no 2005-845 du 26 juillet 2015 de sauvegarde des entreprises (article 53 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 rela-tive au redressement et Ă  la liquidation judiciaires des entreprises, devenu l’ancien article L. 621-46 du code de commerce), la Cour de cassation jugeait que la dĂ©clara-tion de crĂ©ance irrĂ©guliĂšre (notamment en raison du dĂ©faut de pouvoir du dĂ©clarant) valait absence de dĂ©claration, ce qui emportait extinction de la crĂ©ance.

Depuis la loi de sauvegarde des entreprises, la crĂ©ance non dĂ©clarĂ©e est non plus Ă©teinte, mais inopposable Ă  la procĂ©dure collective (article L. 622-26 du code de com-merce). La crĂ©ance non dĂ©clarĂ©e continue par consĂ©quent d’exister (v. par ex. : Com., 3 novembre 2010, pourvoi no 09-70.312, Bull. 2010, IV, no 165 ; Com., 8 septembre 2015, pourvoi no 14-15.831, Bull. 2015, IV, no 126 ; Com., 6 juin 2018, pourvoi no 16-23.996, Bull. 2018, IV, no 69), de sorte qu’elle est opposable Ă  la caution (Com., 12 juillet 2011, pourvoi no 09-71.113, Bull. 2011, IV, no 118).

Et lorsque la dĂ©claration de crĂ©ance est irrĂ©guliĂšre, la Cour de cassation, recondui-sant la jurisprudence antĂ©rieure, juge que l’article L. 624-2 du code de commerce « ne distingue pas entre les diffĂ©rents motifs de rejet d’une crĂ©ance dĂ©clarĂ©e, de sorte que la dĂ©cision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une crĂ©ance a Ă©tĂ© irrĂ©guliĂšrement dĂ©clarĂ©e et ne peut ĂȘtre admise au passif est, au sens du texte prĂ©citĂ©, une dĂ©cision de rejet de la crĂ©ance » (Com., 4 mai 2017, pourvoi no 15-24.854, Bull. 2017, IV, no 65).

La Cour de cassation en a dĂ©duit que cela entraĂźne l’extinction de la sĂ»retĂ© qui garan-tissait la crĂ©ance (Com., 4 mai 2017, prĂ©citĂ©) et que la caution peut se prĂ©valoir de l’ab-sence de dĂ©claration rĂ©guliĂšre de la crĂ©ance (Com., 17 mai 2017, pourvoi no 15-25.802).

Cette jurisprudence, qui assimile l’irrecevabilitĂ© de la dĂ©claration de crĂ©ance et le rejet de la crĂ©ance, trouve son origine dans la rĂ©daction mĂȘme de l’article L. 624-2 du code de commerce, prĂ©citĂ©, qui prĂ©voit que le juge-commissaire ne peut prendre que trois types de dĂ©cision : une dĂ©cision de rejet de la crĂ©ance dĂ©clarĂ©e, une dĂ©cision d’admission de cette crĂ©ance ou une dĂ©cision d’incompĂ©tence, sans prĂ©voir que ce juge puisse dĂ©clarer irrecevable une dĂ©claration de crĂ©ance irrĂ©guliĂšre.

De nombreux auteurs ont critiquĂ© cette jurisprudence, et ce pour deux sĂ©ries de rai-sons. D’abord, selon les principes rĂ©gissant la procĂ©dure civile, lorsqu’une prĂ©tention est

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique

jugĂ©e irrecevable, il est fait interdiction au juge d’examiner cette prĂ©tention sur le fond. Ainsi, au cas particulier de la dĂ©claration de crĂ©ance, si le juge-commissaire constate l’irrĂ©gularitĂ© de la dĂ©claration de crĂ©ance en raison d’une fin de non-recevoir (dĂ©faut de qualitĂ© ou de pouvoir du dĂ©clarant, notamment) ou d’une exception de nullitĂ©, ce juge ne statue pas sur le fond de la crĂ©ance ; il se prononce seulement sur un moyen de dĂ©fense en application de ses pouvoirs gĂ©nĂ©raux de juge. Ensuite et surtout, cette juris-prudence aboutit Ă  ce que le crĂ©ancier qui ne dĂ©clare pas sa crĂ©ance soit mieux traitĂ© que le crĂ©ancier qui a mal dĂ©clarĂ© sa crĂ©ance, puisque, dans la premiĂšre hypothĂšse, la crĂ©ance n’étant pas considĂ©rĂ©e comme rejetĂ©e, le crĂ©ancier peut toujours actionner la caution de son dĂ©biteur dĂ©faillant.

Il conviendrait, dĂšs lors, de modifier l’article L. 624-2 du code de commerce afin de prĂ©ciser explicitement que, parmi les pouvoirs du juge-commissaire statuant en matiĂšre de vĂ©rification du passif, se trouve le pouvoir de dire irrecevable une dĂ©cla-ration de crĂ©ance irrĂ©guliĂšre et que, dans ce cas, cette irrecevabilitĂ© n’équivaut pas Ă  un rejet de la crĂ©ance emportant, pour le crĂ©ancier, la perte des sĂ»retĂ©s qui pouvaient garantir sa crĂ©ance.

MalgrĂ© l’avis favorable de la DACS en 2019 cette suggestion n’a pas Ă©tĂ© suivie d’ef-fet, il convient donc de la rĂ©itĂ©rer pour l’annĂ©e 2020.

La DACS rappelle que la loi PACTE habilite le gouvernement Ă  transposer la direc-tive (UE) 2019/1023 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 20 juin 2019 dite « res-tructuration et insolvabilitĂ© ». Le choix a Ă©tĂ© effectuĂ© de transposer le titre II de cette directive sur les cadres de restructuration prĂ©ventive en procĂ©dures de sauvegarde et de redressement judiciaire.

La prise en compte des droits et intĂ©rĂȘts des diffĂ©rents crĂ©anciers appelĂ©s Ă  voter sur le projet de plan de restructuration par classes de crĂ©anciers implique de s’assurer en amont d’une clartĂ© du dispositif de dĂ©claration de crĂ©ances et des consĂ©quences qui sont susceptibles d’en ĂȘtre tirĂ©es pour les crĂ©anciers, en particulier s’agissant des sĂ»re-tĂ©s dont ils bĂ©nĂ©ficient.

Un bilan du dispositif de la dĂ©claration de crĂ©ances et des derniĂšres rĂ©formes pour-rait en outre ĂȘtre opportunĂ©ment rĂ©alisĂ© Ă  l’occasion de ces travaux de transposition.

La diffĂ©rence de traitement entre le crĂ©ancier qui n’a pas dĂ©clarĂ© sa crĂ©ance et celui qui l’a mal dĂ©clarĂ©e n’apparaĂźt pas justifiĂ©e. Une modification de l’article L. 624-2 du code de commerce dans le sens proposĂ© par la Cour de cassation est d’ores et dĂ©jĂ  Ă  l’étude dans le cadre de la prĂ©paration des projets d’ordonnances et a Ă©tĂ© soumise Ă  la consultation publique ouverte au dĂ©but de l’annĂ©e 2021.

ProcĂ©dures collectives – ResponsabilitĂ© pour insuffisance d’actif â€“ NĂ©gligence

La responsabilitĂ© pour insuffisance d’actif est, aux termes de l’article L. 651-1 du code de commerce, applicable « aux dirigeants d’une personne morale de droit privĂ© soumise Ă  une procĂ©dure collective, ainsi qu’aux personnes physiques reprĂ©sentants per-manents de ces dirigeants personnes morales et aux entrepreneurs individuels Ă  respon-sabilitĂ© limitĂ©e ». Cette responsabilitĂ© ne concerne donc pas uniquement les dirigeants de sociĂ©tĂ©s, mais aussi, par exemple, les dirigeants d’associations.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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L’article L. 651-2, alinĂ©a 1, de ce code dĂ©finit les conditions de mise en Ɠuvre de la responsabilitĂ© pour insuffisance d’actif, laquelle est conditionnĂ©e Ă  la constata-tion d’une « faute de gestion ayant contribuĂ© Ă  cette insuffisance d’actif ». Cependant, afin d’éviter la condamnation d’un dirigeant en cas de faute de « simple nĂ©gligence », la loi no 2016- 1691 du 9 dĂ©cembre 2016 relative Ă  la transparence, Ă  la lutte contre la corruption et Ă  la modernisation de la vie Ă©conomique y a ajoutĂ© cette prĂ©cision : « Toutefois, en cas de simple nĂ©gligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la sociĂ©tĂ©, sa responsabilitĂ© au titre de l’insuffisance d’actif ne peut ĂȘtre engagĂ©e. »

La portĂ©e de cette modification lĂ©gislative suscite une difficultĂ© d’interprĂ©tation en ce que l’on pourrait se demander si l’intention du lĂ©gislateur est que seul le dirigeant d’une sociĂ©tĂ© puisse bĂ©nĂ©ficier de ces nouvelles dispositions, de sorte que la faute de simple nĂ©gligence du dirigeant d’une personne morale autre qu’une sociĂ©tĂ© (telle une association) pourrait, au contraire, ĂȘtre retenue. Si, au contraire, l’intention du lĂ©gisla-teur est que cette modification lĂ©gislative profite Ă  tous les dirigeants, quelle que soit la personne morale concernĂ©e, il conviendrait de modifier la fin de l’article L. 651-2, alinĂ©a 1er, en Ă©voquant la simple nĂ©gligence « dans la gestion de la personne morale. »

La DACS rappelle que la loi no 2016-1691 du 9 dĂ©cembre 2016 relative Ă  la trans-parence, Ă  la lutte contre la corruption et Ă  la modernisation de la vie Ă©conomique a modifiĂ© l’article L. 651-2 du code de commerce afin d’introduire une attĂ©nuation dans l’apprĂ©ciation de la gravitĂ© de la faute, condition de l’action en responsabilitĂ© pour insuffisance d’actif du dirigeant. En cas de simple nĂ©gligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la sociĂ©tĂ©, sa responsabilitĂ© au titre de l’insuffisance d’actif ne peut ainsi ĂȘtre engagĂ©e.

Le premier alinĂ©a issu de cette derniĂšre rĂ©forme tend nĂ©anmoins, dans sa rĂ©dac-tion actuelle, Ă  engendrer une confusion dĂšs lors qu’il est fait rĂ©fĂ©rence Ă  la liquidation judiciaire d’une personne morale puis Ă  « la simple nĂ©gligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la sociĂ©tĂ© ».

Il n’existe pas a priori de raison d’exclure les dirigeants des personnes morales autres que les sociĂ©tĂ©s, telles les associations, du bĂ©nĂ©fice de cette rĂ©forme. La DACS a par consĂ©quent proposĂ© une modification lĂ©gislative de cet article pour une application, sans distinction, Ă  l’ensemble des dirigeants des personnes morales concernĂ©es. Cette modification a Ă©tĂ© soumise Ă  consultation publique au dĂ©but de l’annĂ©e 2021, en mĂȘme temps que l’avant-projet d’ordonnance relative Ă  la transposition de la directive « res-tructuration et insolvabilitĂ© ».

B. Suggestions nouvelles

La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique n’a pas de suggestions nou-velles Ă  formuler pour l’annĂ©e 2020.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la chambre sociale

V. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA CHAMBRE SOCIALE

A. Suivi des suggestions de réforme

Droit du travail

Rémunération du temps de trajet des salariés itinérants

Par un arrĂȘt du 10 septembre 2015 (CJUE, arrĂȘt du 10 septembre 2015, FederaciĂłn de servicios privados del sindicato Comisiones obreras, C-266/14), la Cour de justice de l’Union europĂ©enne a dit pour droit que « l’article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’amĂ©nagement du temps de travail, [devait] ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens que [lorsque] les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du “temps de travail”, au sens de cette disposition, le temps de dĂ©placement que ces travailleurs consacrent aux dĂ©placements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients dĂ©signĂ©s par leur employeur ».

Selon l’article L. 3121-4 du code du travail, le temps de dĂ©placement profession-nel pour se rendre sur le lieu d’exĂ©cution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif et n’ouvre droit Ă  une contrepartie sous forme de repos ou de compen-sation financiĂšre que dans l’hypothĂšse oĂč il dĂ©passe le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.

Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation juge que le temps de trajet entre le domicile d’un salariĂ© itinĂ©rant et le lieu de travail assignĂ© par l’employeur ne constitue pas un temps de travail effectif et ne peut donner lieu qu’à contrepartie (Soc., 14 novembre 2012, pourvoi no 11-18.571, Bull. 2012, V, no 295 ; Soc., 24 sep-tembre 2014, pourvoi no 12-29.209). Dans un arrĂȘt rĂ©cent (Soc., 30 mai 2018, pour-voi no 16-20.634, Bull. 2018, V, no 97), saisie par un salariĂ© qui faisait grief Ă  l’arrĂȘt de le dĂ©bouter de sa demande en paiement d’un rappel de salaires au titre des heures sup-plĂ©mentaires, la chambre sociale de la Cour de cassation a encore jugĂ© « qu’ainsi que l’a Ă©noncĂ© l’arrĂȘt de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne C-266/14 du 10 sep-tembre 2015 (Tyco, points 48 et 49), il rĂ©sulte de la jurisprudence de la Cour que, exception faite de l’hypothĂšse particuliĂšre visĂ©e Ă  l’article 7, paragraphe 1, de la direc-tive 2003/88 en matiĂšre de congĂ© annuel payĂ©, celle-ci se borne Ă  rĂ©glementer cer-tains aspects de l’amĂ©nagement du temps de travail, de telle sorte que, en principe, elle ne trouve pas Ă  s’appliquer Ă  la rĂ©munĂ©ration des travailleurs (voir arrĂȘt Dellas e. a., C-14/04, EU : C : 2005 : 728, point 38, ainsi que ordonnances Vorel, C-437/05, EU : C : 2007 : 23, point 32, et Grigore, C-258/10, EU : C : 2011 : 122, points 81 et 83), et que, partant, le mode de rĂ©munĂ©ration des travailleurs dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des dĂ©placements quotidiens entre leur domicile et les sites

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du premier et du dernier clients dĂ©signĂ©s par leur employeur, relĂšve, non pas de ladite directive, mais des dispositions pertinentes du droit national ; et attendu que la cour d’appel, aprĂšs avoir exactement retenu par motifs adoptĂ©s qu’en application de l’ar-ticle L. 3121-4 du code du travail dans sa rĂ©daction applicable au litige, le temps de dĂ©placement qui dĂ©passe le temps normal de trajet doit faire l’objet d’une contrepar-tie, soit sous forme de repos, soit sous forme financiĂšre, a estimĂ© que le salariĂ© avait Ă©tĂ© indemnisĂ© de ses temps de dĂ©placement ».

La rĂ©daction du premier alinĂ©a de l’article L. 3121-4 du code du travail semble faire obstacle Ă  une interprĂ©tation de ce texte en conformitĂ© avec le droit de l’Union europĂ©enne.

Afin d’éviter une action en manquement contre la France et des actions en res-ponsabilitĂ© contre l’État du fait d’un dĂ©faut de mise en Ɠuvre de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 prĂ©citĂ©e, et au vu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne sur l’effet direct horizontal de la Charte des droits fondamentaux (CJUE, gde chbre, arrĂȘt du 6 novembre 2018, Bauer, C-569/16 ; CJUE, gde chbre, arrĂȘt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C-684/16) la proposition figurant aux Rapports depuis 2015 de modifier ce texte de droit interne est maintenue.

B. Suggestions nouvelles

Allaitement d’un enfant sur le lieu de travail

La partie lĂ©gislative du code du travail comprend une sous-section spĂ©cifique consa-crĂ©e Ă  l’allaitement (PremiĂšre partie : Les relations individuelles de travail ; Livre II : Le contrat de travail ; Titre II : Formation et exĂ©cution du contrat de travail ; Chapitre V : MaternitĂ©, paternitĂ©, adoption et Ă©ducation des enfants ; Section 1 : Protection de la grossesse et de la maternitĂ© ; Sous-section 5 : Dispositions particuliĂšres Ă  l’allaitement), qui compte 4 articles, complĂ©tĂ©s par plusieurs dispositions rĂ©glementaires.

Article L. 1225-30. – Pendant une annĂ©e Ă  compter du jour de la naissance, la salariĂ©e allaitant son enfant dispose Ă  cet effet d’une heure par jour durant les heures de travail.

Article L. 1225-31. – La salariĂ©e peut allaiter son enfant dans l’établissement.

Article L. 1225-32. – Tout employeur employant plus de cent salariĂ©es peut ĂȘtre mis en demeure d’installer dans son Ă©tablissement ou Ă  proximitĂ© des locaux dĂ©diĂ©s Ă  l’allaitement.

Article L. 1225-33. – Un dĂ©cret en Conseil d’État dĂ©termine, suivant l’importance et la nature des Ă©tablissements, les conditions d’application de la prĂ©sente sous-section.

Voir Ă©galement les articles R. 4152-13 Ă  R. 4152-28 du code du travail sur le local d’allaitement.

Ces articles sont issus d’une loi adoptĂ©e le 5 aoĂ»t 1917. Ils n’ont pas Ă©tĂ© modifiĂ©s depuis et l’affaire qui a donnĂ© lieu Ă  l’arrĂȘt de la chambre sociale de la Cour de cassation

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre civile pour la chambre sociale

(Soc., 25 novembre 2020, pourvoi no 19-19.996, publiĂ© au Bulletin) montre qu’ils ne sont plus adaptĂ©s et qu’ils sont susceptibles de poser des difficultĂ©s d’application.

Ce sont notamment les articles L. 1225-32 et R. 4152-13 Ă  R. 4152-28 du code du travail qui posent des difficultĂ©s d’application.

D’une part, ces articles laissent entiĂšre la question des modalitĂ©s de l’allaitement en direct d’un enfant sur le lieu de travail, s’agissant des entreprises de moins de 100 salariĂ©es.

D’autre part, dans les entreprises de plus de 100 salariĂ©es, c’est une vĂ©ritable crĂšche d’entreprise qui est dĂ©crite par les articles R. 4152-13 et suivants (l’employeur doit four-nir un berceau pour chaque enfant, le local ne peut pas contenir plus de 12 enfants, l’employeur doit fournir du linge en quantitĂ© suffisante pour que les enfants puissent ĂȘtre changĂ©s aussi souvent que nĂ©cessaire ; en prĂ©voyant que « personne ne doit passer la nuit dans le local dĂ©diĂ© Ă  l’allaitement oĂč les enfants passent la journĂ©e », l’article R. 4152-26 prĂ©suppose que les enfants pourraient sĂ©journer dans ce local). Mais ces dispositions comportent une contradiction. Ainsi, l’article R. 4152-15 du code du tra-vail dispose que les enfants ne peuvent sĂ©journer dans le local destinĂ© Ă  l’allaitement que le temps de celui-ci.

Pourtant la question de l’allaitement au travail n’est en rien obsolĂšte et la possi-bilitĂ© de concilier allaitement et travail s’inscrit aujourd’hui dans l’objectif recherchĂ© d’une Ă©galitĂ© professionnelle entre les femmes et les hommes.

Nous suggĂ©rons donc l’abrogation des articles L. 1225-32 et R. 4152-13 Ă  R. 4152-28 du code du travail et l’adoption de dispositions rĂ©glementaires visant Ă  mettre en Ɠuvre l’article L. 1225-31 du code du travail, permettant aux femmes qui le souhaitent de pouvoir allaiter leur enfant dans un local ou de tirer leur lait.

Nous suggĂ©rons Ă©galement de profiter de la rĂ©vision de ces articles pour assurer la conformitĂ© du droit français Ă  la Charte sociale europĂ©enne. En effet, si le droit Ă  une pause pour allaiter est bien reconnu par l’article L. 1225-30 du code du travail, confor-mĂ©ment Ă  l’article 8, § 3, de la Charte, cette pause n’est pas rĂ©munĂ©rĂ©e.

Or, selon le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux, « Les pauses d’allaitement doivent en principe intervenir pendant le temps de travail et par consĂ©quent, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des heures de travail et rĂ©munĂ©rĂ©es comme telles » (conclusions XVII-2 [2005], Espagne). En consĂ©quence, le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux a conclu en 2011 que la situation de la France n’était pas conforme Ă  l’article 8, § 3, de la Charte sociale europĂ©enne rĂ©visĂ©e au motif que la rĂ©munĂ©ration des pauses d’allaitement n’est pas garantie aux salariĂ©es couvertes par le code du travail (voir le rapport relatif aux conclu-sions 2011 de la Charte sociale europĂ©enne [rĂ©visĂ©e], Strasbourg 13 fĂ©vrier 2013, p. 98 et suivantes. La question se pose aussi dans le secteur public).

Modification de l’article R. 1423-33 du code du travail

Madame la premiĂšre prĂ©sidente rĂ©unit, deux Ă  trois fois par an, les premiers prĂ©-sidents de cours d’appel pour Ă©changer sur des sujets d’intĂ©rĂȘt commun. Lors de la derniĂšre rĂ©union, Ă  distance, le 15 mars 2021, les premiers prĂ©sidents ont Ă©voquĂ© des difficultĂ©s rĂ©currentes pour le fonctionnement des conseils de prud’hommes et ont sol-licitĂ© la Cour de cassation.

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AprĂšs Ă©changes entre les premiers prĂ©sidents, le prĂ©sident de la chambre sociale, le premier avocat gĂ©nĂ©ral de la chambre sociale, Madame la premiĂšre prĂ©sidente et Monsieur le procureur gĂ©nĂ©ral ont dĂ©cidĂ© de saisir la DACS de cette suggestion de modification de l’article R. 1423-33 du code du travail.

« Lorsqu’un conseil de prud’hommes, ou l’une de ses sections, ne peut se consti-tuer ou ne peut durablement fonctionner dans des conditions permettant l’expĂ©dition dans un dĂ©lai raisonnable des affaires (remarque : formule reprise de l'article R. 312-68 du COJ), le premier prĂ©sident de la cour d’appel, aprĂšs avis saisi sur requĂȘte du procu-reur gĂ©nĂ©ral, dĂ©signe un autre conseil de prud’hommes la section correspondante d’un autre conseil de prud’hommes ou, Ă  dĂ©faut, un ou plusieurs juges mentionnĂ©s Ă  l’ar-ticle L. 1454- 2, pour connaĂźtre des affaires inscrites au rĂŽle de cette section dont cette derniĂšre ils auraient dĂ» ĂȘtre ultĂ©rieurement saisis.

Il fixe la date à compter de laquelle les affaires sont provisoirement soumises à cet autre conseil de prud’hommes section ou à ces juges.

Lorsque le conseil de prud’hommes ou la section du conseil de prud’hommes est sont de nouveau en mesure de fonctionner, le premier prĂ©sident de la cour d’appel, demeure saisi dans les mĂȘmes conditions, constate cet Ă©tat de fait et fixe la date Ă  comp-ter de laquelle les affaires sont Ă  nouveau portĂ©es devant ce conseil de prud’hommes ou cette section. Le conseil de prud’hommes la section du conseil de prud’hommes ou les juges mentionnĂ© au premier alinĂ©a dĂ©signĂ© par le premier prĂ©sident demeurent cepen-dant saisis des affaires qui leur lui ont Ă©tĂ© soumises en application du premier alinĂ©a. »

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre pĂ©nale pour la chambre criminelle

II/ PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE PÉNALE POUR LA CHAMBRE CRIMINELLE

A. Suivi des suggestions de réforme

Procédure pénale

Extension de l’appel en matiùre de contravention de police

Il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©, depuis 2009, de rĂ©former les dispositions de l’article 546 du code de procĂ©dure pĂ©nale, en Ă©tendant le droit d’appel Ă  toute la matiĂšre contraventionnelle.

Outre qu’il est paradoxal que les justiciables puissent saisir directement la Cour de cassation de pourvois contre les dĂ©cisions les moins importantes prises par les juridic-tions pĂ©nales, ces pourvois dĂ©bouchent parfois sur des cassations, rĂ©sultant d’erreurs procĂ©durales commises par certains juges de proximitĂ© en matiĂšre de procĂ©dure pĂ©nale. Et force est de constater que ces erreurs pourraient sans difficultĂ© aboutir Ă  des arrĂȘts de rĂ©formation rendus par un juge unique d’appel, sans qu’il soit besoin de mobiliser la chambre criminelle Ă  travers la procĂ©dure complexe de cassation applicable Ă  l’en-semble des pourvois.

En ce domaine, pour rĂ©pondre Ă  la crainte parfois exprimĂ©e d’un trop grand nombre d’appels, il pourrait en outre ĂȘtre envisagĂ©, afin de limiter le nombre des recours dila-toires, de modifier l’article L. 223-6 du code de la route. Ce texte prĂ©voit que les points du permis de conduire perdus Ă  la suite du paiement d’une amende forfaitaire ou d’une amende forfaitaire majorĂ©e, ou Ă  la suite d’une condamnation devenue dĂ©finitive, sont rĂ©cupĂ©rĂ©s dĂšs lors qu’aucune nouvelle infraction ayant donnĂ© lieu Ă  retrait de points n’a Ă©tĂ© commise dans le dĂ©lai prĂ©vu. Cette disposition incite les usagers Ă  multiplier les recours afin que la perte de points n’intervienne pas au cours de ce dĂ©lai. La loi pourrait utilement prĂ©voir que c’est la date de l’infraction qui est prise en compte pour mettre obstacle Ă  une rĂ©cupĂ©ration des points, et non la date de la perte effective des points Ă  la suite d’une nouvelle infraction.

L’avis rĂ©servĂ© de la direction des affaires criminelles et des grĂąces Ă©tait notamment motivĂ©, en 2017, par un risque d’engorgement des cours d’appel, ce qui ne semble pas pouvoir justifier le maintien d’une voie de recours inadaptĂ©e au contentieux traitĂ©.

En l’absence de modification envisagĂ©e, la Cour de cassation persiste Ă  solliciter une Ă©volution sur ce point.

La position rĂ©servĂ©e de la DACG demeure d’actualitĂ©, sous la rĂ©serve que, dans la mesure oĂč, Ă  compter du 1er juin 2019, la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de pro-grammation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice (LPJ) a Ă©tendu la compĂ©tence de

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la formation en juge unique en appel en matiĂšre correctionnelle, les gains rĂ©sultant de cette rĂ©forme pourraient dĂ©sormais permettre la gĂ©nĂ©ralisation de l’appel contra-ventionnel. Il convient toutefois d’attendre de connaĂźtre les consĂ©quences pratiques de la compĂ©tence du juge unique en appel, d’autant que la LPJ prĂ©voit que l’appelant pourra demander le recours Ă  la collĂ©gialitĂ©, et qu’on ne peut savoir si cette possibilitĂ© sera frĂ©quemment utilisĂ©e.

La DACG appellera par ailleurs Ă  attirer l’attention des procureurs gĂ©nĂ©raux sur le rĂŽle de filtrage que ceux-ci peuvent jouer dans les pourvois formĂ©s par les officiers du ministĂšre public.

L’analyse des rapports annuels du ministĂšre public permettra d’apprĂ©cier l’effet du juge unique en appel en matiĂšre correctionnelle.

Extension de la représentation obligatoire devant la chambre criminelle

La procĂ©dure de cassation en matiĂšre pĂ©nale prĂ©sente la particularitĂ© que les demandeurs peuvent soutenir leurs pourvois en dĂ©posant un mĂ©moire personnel alors que, devant toutes les autres chambres de la Cour, la reprĂ©sentation par un avocat aux Conseils est obligatoire. Cette diffĂ©rence n’est pas justifiĂ©e dans la mesure oĂč l’aide juridictionnelle est ouverte aussi pour les procĂ©dures de cassation en matiĂšre pĂ©nale.

Il convient d’examiner l’intĂ©rĂȘt, pour les justiciables concernĂ©s, de ces pourvois en cassation formĂ©s sans l’appui d’un professionnel de la procĂ©dure de cassation. L’examen des statistiques publiĂ©es Ă  l’occasion de chacun des Rapports annuels montre qu’une cas-sation est prononcĂ©e deux fois plus souvent lorsque le pourvoi est soutenu par un avocat aux Conseils que lorsqu’il l’est par un mĂ©moire personnel. On peut aussi relever que les avocats aux Conseils dissuadent frĂ©quemment les justiciables de former ou main-tenir un pourvoi vouĂ© Ă  l’échec en l’absence de tout moyen ayant un caractĂšre sĂ©rieux.

Cette situation a abouti Ă  des initiatives d’ordre lĂ©gislatif, rappelĂ©es au Rapport annuel 2016 (p. 96-97) mais qui ont Ă©tĂ© Ă©cartĂ©es par les dĂ©putĂ©s exprimant la crainte que l’intervention obligatoire d’un avocat aux Conseils limite l’accĂšs Ă  la Cour de cas-sation et le souci que tout citoyen menacĂ© d’une privation de libertĂ© puisse adresser son mĂ©moire personnel Ă  la Cour de cassation.

Les arguments ainsi avancĂ©s au soutien d’une absence de reprĂ©sentation obliga-toire devant la chambre criminelle ignoraient le caractĂšre vain d’un recours le plus souvent conclu par un Ă©chec du demandeur et ne permettent pas au justiciable de ne solliciter l’intervention de la chambre criminelle que dans des conditions correspon-dant Ă  la nature vĂ©ritable du pourvoi en cassation, lequel exige l’intervention de pro-fessionnels du droit.

L’évolution des discussions parlementaires encore engagĂ©es trĂšs rĂ©cemment Ă  l’oc-casion du vote de la loi de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice montre une meilleure prise de conscience de ces considĂ©rations essentielles. Reste la nĂ©cessitĂ© d’une rĂ©forme parallĂšle de la loi sur l’aide juridictionnelle, dernier obstacle Ă  une telle rĂ©forme selon les discussions menĂ©es en commission des lois.

L’an passĂ©, la DACG a indiquĂ© ĂȘtre d’avis que la solution de compromis envisa-gĂ©e en 2016, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la justice du xxie siĂšcle, et consistant Ă  ne prĂ©voir la reprĂ©sentation obligatoire qu’en matiĂšre contraventionnelle,

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre pĂ©nale pour la chambre criminelle

est satisfaisante, mĂȘme s’il n’est pas certain qu’elle soit de nature Ă  ĂȘtre adoptĂ©e par le Parlement. La DACG s’était engagĂ©e Ă  garder une vigilance, dans le but de proposer de nouveau, le moment venu, un amendement instaurant la reprĂ©sentation obligatoire devant la chambre criminelle en matiĂšre contraventionnelle uniquement.

Cette proposition de rĂ©forme rĂ©guliĂšrement formulĂ©e depuis 2000 n’ayant pas Ă©tĂ© suivie d’effet doit encore ĂȘtre renouvelĂ©e aujourd’hui. En effet, elle revĂȘt la plus haute importance dans le cadre de l’objectif gĂ©nĂ©ral d’instaurer pleinement la Cour de cas-sation dans son rĂŽle de Cour suprĂȘme judiciaire, tout en assurant les justiciables d’une voie de recours garantissant la bonne application de la loi.

La DACG rĂ©itĂšre son avis selon lequel la solution de compromis envisagĂ©e en 2016 dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la justice du xxie siĂšcle est satisfaisante, mĂȘme s’il n’est pas certain qu’elle soit de nature Ă  ĂȘtre adoptĂ©e par le Parlement. La DACG s’engage Ă  garder une vigilance dans le but de proposer, le moment venu, un amendement instaurant la reprĂ©sentation obligatoire devant la chambre criminelle en matiĂšre contraventionnelle uniquement.

Pourvoi en cassation – Moment de la dĂ©signation d’un conseiller rapporteur : modifications des articles 587 et 588 du code de procĂ©dure pĂ©nale

Les articles 584 et suivants du code de procĂ©dure pĂ©nale dĂ©terminent la marche Ă  suivre pour la constitution des dossiers de pourvoi en cassation devant la chambre cri-minelle de la Cour de cassation. Lorsque les mĂ©moires personnels sont dĂ©posĂ©s ou un ou plusieurs avocats au Conseil d’État et Ă  la Cour de cassation constituĂ©s (article 585-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale), le dossier est en Ă©tat.

Le prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de cassation dĂ©signe alors le conseiller chargĂ© de faire le rapport. L’article 587 du code de procĂ©dure pĂ©nale prĂ©-voit en effet que : « Lorsque le dossier est ainsi en Ă©tat, le greffier le remet au magis-trat du ministĂšre public, qui l’adresse immĂ©diatement au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation ; celui-ci le transmet, Ă  son tour, au greffe de la chambre criminelle. Le prĂ©sident de cette chambre commet un conseiller pour le rapport. » L’article 588 du mĂȘme code prĂ©voit ensuite que : « Si un ou plusieurs avocats se sont constituĂ©s, le conseiller rapporteur fixe un dĂ©lai pour le dĂ©pĂŽt des mĂ©moires entre les mains du gref-fier de la chambre criminelle. »

On sait qu’en matiĂšre civile l’article 1011 du code de procĂ©dure civile prĂ©voit un mode de dĂ©signation diffĂ©rent puisqu’il dispose que : « Sauf le cas de dĂ©chĂ©ance prĂ©vu Ă  l’article 978, l’affaire est distribuĂ©e dĂšs que le demandeur a remis son mĂ©moire et, au plus tard, Ă  l’expiration du dĂ©lai imparti Ă  cette fin. » L’article 1012 du mĂȘme code ajoute : « Le prĂ©sident de la formation Ă  laquelle l’affaire est distribuĂ©e dĂ©signe un conseiller ou un conseiller rĂ©fĂ©rendaire de cette formation en qualitĂ© de rapporteur. Il peut fixer aussitĂŽt la date de l’audience. »

La dĂ©signation immĂ©diate du conseiller rapporteur, dĂšs l’arrivĂ©e du dossier au greffe, avant tout dĂ©pĂŽt de mĂ©moire ampliatif, empĂȘche, en pratique, le prĂ©sident de faire un choix Ă©clairĂ© en fonction des spĂ©cialitĂ©s de chacun, en particulier lorsque les infractions en cause sont diverses et susceptibles de ressortir Ă  la compĂ©tence de plu-sieurs des sections de la chambre criminelle. Elle exclut en effet un examen prĂ©alable

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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approfondi, au vu des mémoires déposés comportant les moyens de cassation, par le président ou son délégué et une orientation du dossier adaptée.

Il serait donc utile à la gestion des pourvois formés devant la chambre criminelle de la Cour de cassation que la loi prévoie que le président ou son délégué ne désigne un conseiller en qualité de rapporteur que lorsque les mémoires ampliatifs sont parve-nus au greffe de la Cour de cassation dans les délais légaux.

Pour ce faire, il convient de supprimer le second alinĂ©a de l’article 587 du code de procĂ©dure pĂ©nale qui prĂ©voit la dĂ©signation du conseiller rapporteur dĂšs la transmis-sion du dossier au greffe de la chambre criminelle.

En parallĂšle, il y a lieu d’ajouter Ă  l’article 588 du mĂȘme code un second alinĂ©a qui prĂ©voit cette dĂ©signation aprĂšs le dĂ©pĂŽt des mĂ©moires.

L’on prĂ©cisera que la commission d’un conseiller rapporteur est devenue inutile dans un certain nombre de situations depuis l’entrĂ©e en vigueur de la loi no 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisĂ©, le terrorisme et leur finan-cement et amĂ©liorant l’efficacitĂ© et les garanties de la procĂ©dure pĂ©nale.

En effet, le nouvel article 590-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale dispose dĂ©sormais que la dĂ©chĂ©ance du pourvoi, dans les cas et conditions prĂ©vus aux articles 567-2 (dĂ©tention provisoire), 574-1 (mise en accusation devant la cour d’assises ; renvoi devant le tribu-nal correctionnel), 574-2 (mandat d’arrĂȘt europĂ©en) et 590-1 du mĂȘme code (conten-tieux ordinaire), est prononcĂ©e, sans audiencement, par ordonnance du prĂ©sident de la chambre criminelle ou du conseiller par lui dĂ©signĂ©. Cette dĂ©chĂ©ance est encourue lorsque le mĂ©moire n’est pas dĂ©posĂ© dans les dĂ©lais lĂ©gaux.

Il convient donc de rĂ©server les cas de dĂ©chĂ©ance au nouvel alinĂ©a 2 de l’article 588 du code de procĂ©dure pĂ©nale.

Enfin, le premier alinĂ©a de l’article 588 doit ĂȘtre modifiĂ© afin que le dĂ©lai pour le dĂ©pĂŽt des mĂ©moires soit fixĂ© par le prĂ©sident de la chambre et non plus par le conseil-ler rapporteur qui, Ă  ce stade, ne sera donc pas encore dĂ©signĂ©.

Outre le besoin d’harmonisation, cette modification sera conforme Ă  une pratique ancienne de la chambre criminelle permettant de s’assurer d’un traitement Ă©gal des diffĂ©rents dĂ©lais accordĂ©s aux avocats aux Conseils.

Cette proposition de rĂ©forme a Ă©tĂ© satisfaite dans le cadre de la loi no 2021-401 du 8 avril 2021 amĂ©liorant l’efficacitĂ© de la justice de proximitĂ© et de la rĂ©ponse pĂ©nale (article 11).

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre pĂ©nale pour la chambre criminelle

Texte CPP avant la loi Justice de proximité Texte CPP aprÚs la loi Justice de proximité

Article 587

Lorsque le dossier est ainsi en Ă©tat, le greffier le remet au magistrat du ministĂšre public, qui l’adresse immĂ©diatement au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation ; celui-ci le transmet, Ă  son tour, au greffe de la chambre criminelle.

Le président de cette chambre commet un conseiller pour le rapport.

Article 587

Lorsque le dossier est ainsi en Ă©tat, le greffier le remet au magistrat du ministĂšre public, qui l’adresse immĂ©diatement au procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation ; celui-ci le transmet, Ă  son tour, au greffe de la chambre criminelle.

Le président de cette chambre commet un conseiller pour le rapport.

Article 588

Si un ou plusieurs avocats se sont constitués, le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépÎt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle.

Article 588

Si un ou plusieurs avocats se sont constituĂ©s, le conseiller rapporteur prĂ©sident de la chambre fixe un dĂ©lai pour le dĂ©pĂŽt des mĂ©moires entre les mains du greffier de la chambre criminelle.

Le prĂ©sident de cette chambre commet un conseiller pour le rapport aprĂšs le dĂ©pĂŽt de mĂ©moires.

Pourvoi en cassation – PossibilitĂ© d’adresser un mĂ©moire personnel dans un dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la rĂ©ception du dossier : modification de l’article 567-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale

Selon l’article 584 du code de procĂ©dure pĂ©nale, de portĂ©e gĂ©nĂ©rale, le demandeur en cassation, non assistĂ© d’un avocat au Conseil d’État et Ă  la Cour de cassation, peut dĂ©poser un mĂ©moire personnel, soit en faisant sa dĂ©claration, soit, dans les dix jours suivants, en le dĂ©posant au greffe de la juridiction qui a rendu la dĂ©cision attaquĂ©e.

Deux dĂ©rogations Ă  ce principe peuvent ĂȘtre signalĂ©es ici. La premiĂšre, prĂ©vue par l’article 567-2 du mĂȘme code, offre au demandeur en cassation contre un arrĂȘt de la chambre de l’instruction rendu en matiĂšre de dĂ©tention provisoire la possibilitĂ© d’adres-ser directement Ă  la Cour de cassation son mĂ©moire personnel dans un dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la rĂ©ception du dossier.

La seconde, prĂ©vue par l’article 585-1 du mĂȘme code, ouvre, de mĂȘme, au deman-deur condamnĂ© pĂ©nalement le droit d’adresser son mĂ©moire personnel directement Ă  la Cour de cassation dans le dĂ©lai d’un mois, seul diffĂ©rant le point de dĂ©part du dĂ©lai, ici, la date du pourvoi.

Il s’en dĂ©duit que le demandeur condamnĂ© pĂ©nalement pour un dĂ©lit, mais non encore Ă  titre dĂ©finitif, qui forme un pourvoi contre un arrĂȘt d’une cour d’appel ayant statuĂ© Ă  son Ă©gard en matiĂšre de dĂ©tention provisoire, n’entre dans aucun des deux cas prĂ©citĂ©s et ne peut prĂ©senter son mĂ©moire personnel que dans le dĂ©lai prĂ©vu par l’ar-ticle 584 susvisĂ©. C’est ce qu’a dĂ» constater la chambre criminelle de la Cour de cas-sation dans un arrĂȘt rendu le 7 juin 2016 (Crim., 7 juin 2016, pourvoi no 16-81.917), qui a dĂ©clarĂ© irrecevable un mĂ©moire personnel transmis directement au greffe de la Cour de cassation sans le ministĂšre d’un avocat Ă  ladite Cour.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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Ce rĂ©gime aboutit Ă  ce que le demandeur, Ă  qui il est reprochĂ© un dĂ©lit, se trouve dans une situation plus dĂ©favorable que la personne renvoyĂ©e pour un crime devant une cour d’assises, ou en attente d’ĂȘtre jugĂ©e par une cour d’assises statuant en appel ou du rĂ©sultat d’un pourvoi formĂ© contre un arrĂȘt de cette derniĂšre juridiction. En effet, lorsque l’accusĂ© ou le condamnĂ© criminel non dĂ©finitif forme un pourvoi contre une dĂ©cision rejetant sa demande de mise en libertĂ© rendue par la chambre de l’ins-truction, laquelle est compĂ©tente en application de l’article 148-1 du code de procĂ©-dure pĂ©nale, il peut se prĂ©valoir des dispositions de l’article 567-2 prĂ©citĂ©, en raison de la lettre de ce texte.

Pour mettre fin Ă  cette inĂ©galitĂ© de traitement non justifiĂ©e entre le prĂ©venu et l’ac-cusĂ©, il est proposĂ© d’ajouter, dans l’article 567-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale, aprĂšs les mots « chambre de l’instruction », les suivants : « ou de la cour d’appel ».

Cette proposition de rĂ©forme a Ă©tĂ© satisfaite dans le cadre de la loi no 2021-401 du 8 avril 2021 amĂ©liorant l’efficacitĂ© de la justice de proximitĂ© et de la rĂ©ponse pĂ©nale (article 11).

Texte CPP avant la loi Justice de proximité Texte CPP aprÚs la loi Justice de proximité

Article 567-2

La chambre criminelle saisie d’un pourvoi contre un arrĂȘt de la chambre de l’instruction rendu en matiĂšre de dĂ©tention provisoire doit statuer dans les trois mois qui suivent la rĂ©ception du dossier Ă  la Cour de cassation, faute de quoi la personne mise en examen est mise d’office en libertĂ©.

Le demandeur en cassation ou son avocat doit, Ă  peine de dĂ©chĂ©ance, dĂ©poser son mĂ©moire exposant les moyens de cassation dans le dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la rĂ©ception du dossier, sauf dĂ©cision du prĂ©sident de la chambre criminelle prorogeant, Ă  titre exceptionnel, le dĂ©lai pour une durĂ©e de huit jours. AprĂšs l’expiration de ce dĂ©lai, aucun moyen nouveau ne peut ĂȘtre soulevĂ© par lui et il ne peut plus ĂȘtre dĂ©posĂ© de mĂ©moire.

DĂšs le dĂ©pĂŽt du mĂ©moire, le prĂ©sident de la chambre criminelle fixe la date de l’audience.

Article 567-2

La chambre criminelle saisie d’un pourvoi contre un arrĂȘt de la chambre de l’instruction ou de la chambre correctionnelle de la cour d’appel rendu en matiĂšre de dĂ©tention provisoire doit statuer dans les trois mois qui suivent la rĂ©ception du dossier Ă  la Cour de cassation, faute de quoi la personne mise en examen est mise d’office en libertĂ©.

Le demandeur en cassation ou son avocat doit, Ă  peine de dĂ©chĂ©ance, dĂ©poser son mĂ©moire exposant les moyens de cassation dans le dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la rĂ©ception du dossier, sauf dĂ©cision du prĂ©sident de la chambre criminelle prorogeant, Ă  titre exceptionnel, le dĂ©lai pour une durĂ©e de huit jours. AprĂšs l’expiration de ce dĂ©lai, aucun moyen nouveau ne peut ĂȘtre soulevĂ© par lui et il ne peut plus ĂȘtre dĂ©posĂ© de mĂ©moire.

DĂšs le dĂ©pĂŽt du mĂ©moire, le prĂ©sident de la chambre criminelle fixe la date de l’audience.

Modification de l’article 380-11 du code de procĂ©dure pĂ©nale

La loi no 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisĂ©, le terrorisme et leur financement, et amĂ©liorant l’efficacitĂ© et les garanties de la procĂ©-dure pĂ©nale, qui a rĂ©formĂ© les rĂšgles de dĂ©signation des cours d’assises d’appel, n’a pas modifiĂ© l’article 380-11 du code de procĂ©dure pĂ©nale qui traite du dĂ©sistement d’appel et ouvre, quant au constat de ce dernier, une alternative qui Ă©tait logiquement fondĂ©e sur la chronologie : compĂ©tence du prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre pĂ©nale pour la chambre criminelle

cassation lorsque cette derniĂšre est saisie en application de l’article 380-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale (dans son ancienne rĂ©daction, c’est ce texte qui prĂ©voyait la dĂ©si-gnation de la cour d’assises d’appel par la chambre criminelle) et, aprĂšs dĂ©signation de cette cour d’assises d’appel, compĂ©tence du prĂ©sident de cette cour d’assises (car le dĂ©sistement peut intervenir jusqu’à l’interrogatoire prĂ©vu par l’article 272 du code de procĂ©dure pĂ©nale).

La dĂ©pĂȘche du 23 mai 2016 et la circulaire du 17 juin 2016 sur l’application de la loi du 3 juin 2016 prĂ©citĂ©e dans le domaine de la dĂ©signation des cours d’assises d’ap-pel (JORF, 17 juin 2016, NOR JUSD1616979C) n’abordent pas la question du constat des dĂ©sistements d’appel. Certes, dans l’article 380-11 du code de procĂ©dure pĂ©nale non modifiĂ©, la rĂ©fĂ©rence Ă  l’article 380-1 dudit code n’est plus adaptĂ©e puisque ce n’est plus ce texte mais l’article 380-14 (issu de la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016) qui prĂ©-voit, dans certains cas, la compĂ©tence de la chambre criminelle pour la dĂ©signation de la cour d’assises d’appel. Mais il est logique d’admettre que le prĂ©sident de la chambre criminelle n’est compĂ©tent pour constater le dĂ©sistement d’appel que si cette juridic-tion est saisie pour une telle dĂ©signation, et jusqu’à l’intervention de cette derniĂšre.

Or, les textes nouveaux n’ont pas donnĂ© compĂ©tence au premier prĂ©sident de la cour d’appel pour le constat des dĂ©sistements d’appel, alors qu’ils ont bien envisagĂ© la com-pĂ©tence de ce magistrat pour les suites des appels hors dĂ©lais ou portant sur un arrĂȘt non susceptible d’appel (article 380-15 du code de procĂ©dure pĂ©nale).

Il semble acquis que la juridiction de premiĂšre instance est sans compĂ©tence pour le constat du dĂ©sistement (Crim., 2 septembre 2005, pourvoi no 05-84.433, Bull. crim. 2005, no 215). C’est d’ailleurs, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, la juridiction saisie d’un recours qui a com-pĂ©tence pour constater ou donner acte d’un Ă©ventuel dĂ©sistement, sauf dispositions contraires donnant compĂ©tence Ă  son prĂ©sident dans un souci d’efficacitĂ© et de rapiditĂ©.

En l’état des textes, dans les cas oĂč la chambre criminelle de la Cour de cassation n’a pas Ă  intervenir pour la dĂ©signation de la cour d’assises d’appel, on ne voit donc, pour le constat du dĂ©sistement d’appel, que la compĂ©tence du prĂ©sident de la cour d’assises (article 380-11, alinĂ©a 2, in fine, du code de procĂ©dure pĂ©nale), ce qui suppose au prĂ©-alable une dĂ©signation de cette cour d’assises par le premier prĂ©sident de la cour d’ap-pel, sauf Ă  admettre une compĂ©tence du premier prĂ©sident de la cour d’appel mutatis mutandis, mais en l’état sans fondement textuel, ce qui, compte tenu des consĂ©quences d’un dĂ©sistement d’appel pouvant rendre dĂ©finitive une condamnation, ne paraĂźt pas envisageable.

C’est en ce sens qu’a jugĂ© la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 15 novembre 2017 :

« Attendu qu’en application de l’article 380-14 du code de procĂ©dure pĂ©nale, en cas d’appel d’une dĂ©cision de condamnation prononcĂ©e par une cour d’assises, le pre-mier prĂ©sident de la cour d’appel dĂ©signe la cour d’assises chargĂ©e de statuer en appel parmi les autres cours d’assises de son ressort ; que la chambre criminelle de la Cour de cassation n’a compĂ©tence pour statuer qu’au cas oĂč la dĂ©signation d’une cour d’as-sises situĂ©e hors de ce ressort est demandĂ©e par le ministĂšre public ou une partie, ou estimĂ©e nĂ©cessaire par le premier prĂ©sident de la cour d’appel ;

Attendu qu’il se dĂ©duit de ce texte et de l’article 380-11 dudit code qu’en cas de dĂ©sis-tement d’appel, sans qu’au prĂ©alable la Cour de cassation ait Ă©tĂ© saisie d’une demande

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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de dĂ©signation, il appartient au premier prĂ©sident de la cour d’appel de dĂ©signer la cour d’assises chargĂ©e de statuer en appel parmi celles de son ressort, et au prĂ©sident de la cour d’assises ainsi dĂ©signĂ©e de constater ce dĂ©sistement ;

Attendu qu’il rĂ©sulte des piĂšces du dossier que M. R
 et le ministĂšre public se sont dĂ©sistĂ©s des appels qu’ils avaient interjetĂ©s, sans que la Cour de cassation ait Ă©tĂ© saisie d’une demande de dĂ©signation ;

Qu’il y a lieu, en consĂ©quence, de constater l’incompĂ©tence de la chambre crimi-nelle de la Cour de cassation » (Crim., 15 novembre 2017, pourvoi no 17-86.410, Bull. crim. 2017, no 260).

Permettre au premier prĂ©sident d’une cour d’appel de constater le dĂ©sistement d’ap-pel prĂ©senterait des avantages de rapiditĂ© et de simplicitĂ©. C’est le sens de la proposition.

L’article 380-11, alinĂ©a 4, serait ainsi rĂ©digĂ© : « Le dĂ©sistement d’appel est constatĂ© par ordonnance du premier prĂ©sident de la cour d’appel ou du prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de cassation saisis en application de l’article 380-14, ou par ordon-nance du prĂ©sident de la cour d’assises. »

Cette proposition de rĂ©forme a Ă©tĂ© satisfaite dans le cadre de la loi no 2021-401 du 8 avril 2021 amĂ©liorant l’efficacitĂ© de la justice de proximitĂ© et de la rĂ©ponse pĂ©nale (article 11).

Texte CPP avant la loi Justice de proximité Texte CPP aprÚs la loi Justice de proximité

Article 380-11

L’accusĂ© peut se dĂ©sister de son appel jusqu’à son interrogatoire par le prĂ©sident prĂ©vu par l’article 272.

Ce dĂ©sistement rend caducs les appels incidents formĂ©s par le ministĂšre public ou les autres parties.

Dans tous les cas, le ministĂšre public peut toujours se dĂ©sister de son appel formĂ© aprĂšs celui de l’accusĂ© en cas de dĂ©sistement de celui-ci.

Le dĂ©sistement d’appel est constatĂ© par ordonnance du prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque celle-ci est saisie en application de l’article 380-1 ou par ordonnance du prĂ©sident de la cour d’assises.

Article 380-11

L’accusĂ© peut se dĂ©sister de son appel jusqu’à son interrogatoire par le prĂ©sident prĂ©vu par l’article 272.

Ce dĂ©sistement rend caducs les appels incidents formĂ©s par le ministĂšre public ou les autres parties.

Dans tous les cas, le ministĂšre public peut toujours se dĂ©sister de son appel formĂ© aprĂšs celui de l’accusĂ© en cas de dĂ©sistement de celui-ci.

Le dĂ©sistement d’appel est constatĂ© par ordonnance du premier prĂ©sident de la cour d’appel ou du prĂ©sident de la chambre criminelle de la Cour de cassation, lorsque celle-ci est saisie en application de l’article 380-14, ou par ordonnance du prĂ©sident de la cour d’assises.

CrĂ©ation d’un rĂ©pertoire unique et centralisĂ© des personnes majeures protĂ©gĂ©es

Par un arrĂȘt Vaudelle du 30 janvier 2001, la Cour europĂ©enne des droits de l’homme a condamnĂ© la France pour avoir fourni une protection insuffisante Ă  un prĂ©venu en curatelle. Elle affirmait que des garanties de procĂ©dure devaient ĂȘtre imposĂ©es « pour protĂ©ger ceux qui en raison de leurs troubles mentaux ne sont pas entiĂšrement capables d’agir pour leur propre compte » (CEDH, arrĂȘt du 30 janvier 2001, Vaudelle c. France, no 35683/97).

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre pĂ©nale pour la chambre criminelle

La loi no 2007-308 du 5 mars 2007 portant rĂ©forme de la protection juridique des majeurs a pris en compte cette exigence. DĂ©sormais, chaque fois qu’il est Ă©tabli qu’un majeur bĂ©nĂ©ficie d’une protection, le curateur ou le tuteur doit ĂȘtre informĂ©, par le pro-cureur de la RĂ©publique ou le juge d’instruction, des poursuites engagĂ©es Ă  son encontre ainsi que de l’ensemble des dĂ©cisions Ă  intervenir (article 706-113 du code de procĂ©-dure pĂ©nale). Le tuteur ou le curateur doit Ă©galement ĂȘtre avisĂ© de la date d’audience. Il peut faire dĂ©signer un avocat Ă  la personne protĂ©gĂ©e, qui doit ĂȘtre assistĂ©e d’un conseil, et prendre connaissance de la procĂ©dure dans les mĂȘmes conditions que celui-ci. De plus, une expertise mĂ©dicale aux fins d’évaluer le degrĂ© de responsabilitĂ© de la personne protĂ©gĂ©e est impĂ©rative conformĂ©ment aux dispositions de l’article 706-115 du code de procĂ©dure pĂ©nale et sous rĂ©serve cependant des dispositions des articles D. 47-22 et D. 47-23 du code de procĂ©dure pĂ©nale qui la rendent facultative.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi censurĂ© les procĂ©dures dans lesquelles une personne protĂ©gĂ©e avait Ă©tĂ© condamnĂ©e alors que le tuteur ou le curateur n’avaient pas Ă©tĂ© avisĂ©s des poursuites, lorsque la mesure de protection Ă©tait connue en procĂ©dure (Crim., 12 juillet 2016, pourvoi no 16-82.714, Bull. crim. 2016, no 212, pour l’avis de l’audience de la chambre d’instruction oĂč sera Ă©voquĂ© l’appel d’une prolon-gation de dĂ©tention, ou encore Crim., 19 dĂ©cembre 2017, pourvoi no 17-85.841, pour l’avis de l’audience d’appel de refus d’actes et le renvoi devant la cour d’assises), mais Ă©galement, dans une volontĂ© protectrice de la personne, alors mĂȘme que la mesure de protection n’était pas connue de la juridiction (Crim., 14 octobre 2014, pourvoi no 13-82.584 ; Crim., 10 janvier 2017, pourvoi no 15-84.469, Bull. crim. 2017, no 10 ; Crim., 9 janvier 2019, pourvoi no 17-86.922).

La chambre criminelle de la Cour de cassation s’assure, par ailleurs, que, dans la phase antĂ©rieure au jugement, les autoritĂ©s de poursuite aient pris les mesures nĂ©cessaires en cas de doute pour vĂ©rifier l’existence de la mesure de protection. Ainsi a-t-elle pu censurer des procĂ©dures dans lesquelles le tuteur ou le curateur d’une per-sonne protĂ©gĂ©e n’avaient pas Ă©tĂ© avisĂ©s alors mĂȘme que n’avait pas Ă©tĂ© « caractĂ©risĂ©e une circonstance insurmontable faisant obstacle Ă  cette vĂ©rification » (Crim., 19 sep-tembre 2017, pourvoi no 17-81.919, Bull. crim. 2017, no 222) ou, au contraire, validĂ© une procĂ©dure dans laquelle cette vĂ©rification s’était effectivement avĂ©rĂ©e impossible (Crim., 11 dĂ©cembre 2018, pourvoi no 18-80.872, Bull. crim. 2018, no 210).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, rĂ©cemment saisi d’une question prioritaire de constitutionnalitĂ© par la chambre criminelle de la Cour de cassation concernant l’ar-ticle 706-113 du code de procĂ©dure pĂ©nale, a dĂ©clarĂ© le premier alinĂ©a de cet article inconstitutionnel – avec effet diffĂ©rĂ© au 1er octobre 2019 â€“ au motif « qu’en ne prĂ©-voyant pas, lorsque les Ă©lĂ©ments recueillis au cours de la garde Ă  vue d’une personne font apparaĂźtre qu’elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique, que l’officier de police judiciaire ou l’autoritĂ© judiciaire sous le contrĂŽle de laquelle se dĂ©roule la garde Ă  vue soit, en principe, tenu d’avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d’ĂȘtre assistĂ©e dans l’exercice de ses droits, les dispositions contestĂ©es mĂ©connaissent les droits de la dĂ©fense » (Cons. const., 14 septembre 2018, dĂ©cision no 2018-730 QPC, M. Mehdi K. [Absence d’obligation lĂ©gale d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protĂ©gĂ© de son placement en garde Ă  vue]).

Le champ des situations dans lesquelles le tuteur ou le curateur d’une personne majeure protĂ©gĂ©e devra ĂȘtre tenu informĂ© s’en trouve ainsi Ă©tendu.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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Ainsi, les dĂ©cisions de la Cour de cassation ci-dessus Ă©voquĂ©es ont mis en exergue la difficultĂ©, dans la pratique, de mettre effectivement en Ɠuvre les exigences posĂ©es par les articles 706-113 et D. 47-14 du code de procĂ©dure pĂ©nale et pourtant indispen-sables pour assurer la dĂ©fense de la personne majeure protĂ©gĂ©e qui n’est pas toujours en Ă©tat de le faire en raison prĂ©cisĂ©ment de l’altĂ©ration de ses facultĂ©s personnelles.

En effet, la connaissance d’une mesure de protection n’est pas aisĂ©e dans la mesure oĂč il n’existe pas de rĂ©pertoire dĂ©matĂ©rialisĂ© centralisĂ© de ces mesures.

Certes le procureur de la RĂ©publique du domicile de la personne protĂ©gĂ©e est avisĂ© de la mesure par la consultation du rĂ©pertoire civil du lieu de naissance, mais il est illu-soire de penser qu’à l’occasion de chaque enquĂȘte, il pourrait ĂȘtre sollicitĂ© un extrait intĂ©gral d’acte de naissance.

Il est, par ailleurs, intĂ©ressant de noter que, dans un arrĂȘt du 11 dĂ©cembre 2018 (Crim., 11 dĂ©cembre 2018, pourvoi no 18-80.872, Bull. crim. 2018, no 210), la chambre criminelle de la Cour de cassation semble avoir soulignĂ© l’intĂ©rĂȘt que pourrait avoir l’existence d’un tel fichier. En effet, au soutien de sa dĂ©cision de rejet, elle a notam-ment indiquĂ© dans sa motivation que « [
] d’autre part, Ă  l’heure de cette dĂ©cision, prise suite aux informations qui lui ont Ă©tĂ© transmises par le service enquĂȘteur, le ven-dredi Ă  18 h 50, le procureur de la RĂ©publique, non plus que le juge d’instruction, faute de fichier national des mesures de protection juridique consultable par l’autoritĂ© judi-ciaire dans les mĂȘmes conditions que le fichier central du casier judiciaire, ne pouvaient ni vĂ©rifier l’existence d’une mesure de protection ni prendre connaissance de l’identitĂ© du curateur, le juge des tutelles dĂ©tenant seul cette information ».

Au vu de l’ensemble de ces Ă©lĂ©ments, et Ă  l’instar de ce qui a Ă©tĂ© proposĂ© dans le Rapport de mission interministĂ©rielle sur l’évolution de la protection juridique des per-sonnes (proposition no 40), il est proposĂ© la crĂ©ation d’un rĂ©pertoire unique des per-sonnes majeures protĂ©gĂ©es, national, dĂ©matĂ©rialisĂ© et centralisĂ©, dont l’intĂ©rĂȘt serait Ă©vident dans les procĂ©dures pĂ©nales, Ă  la fois pour les autoritĂ©s judiciaires, pour les per-sonnes protĂ©gĂ©es suspectĂ©es, mais aussi, plus largement, pour les victimes qui ont Ă©ga-lement besoin d’ĂȘtre accompagnĂ©es.

MalgrĂ© l’avis favorable Ă©mis par la direction des affaires criminelles et des grĂąces au Rapport annuel depuis 2019, aucune Ă©volution n’a Ă©tĂ© constatĂ©e. Il convient de main-tenir la prĂ©sente suggestion.

À la suite de la QPC sur la garde Ă  vue des personnes protĂ©gĂ©es, la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice (« LPJ ») a insĂ©rĂ© dans le code de procĂ©dure pĂ©nale, Ă  compter du 1er juin 2019, un article prĂ©-voyant l’information du tuteur ou du curateur lors de la garde Ă  vue. Anticipant une Ă©ventuelle prochaine QPC, la LPJ prĂ©voit une mĂȘme information en cas d’audition libre.

Selon la DACG, les dispositions seraient probablement appliquĂ©es de façon plus satisfaisante s’il existait un rĂ©pertoire des personnes protĂ©gĂ©es. Elle n’est donc pas oppo-sĂ©e Ă  la crĂ©ation d’un tel rĂ©pertoire, qui ne dĂ©pend toutefois nullement de sa compĂ©-tence, mais relĂšve de celle de la direction des affaires civiles et du sceau d’une part, du secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral d’autre part.

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/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre pĂ©nale pour la chambre criminelle

L’attention du secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral du ministĂšre de la justice va ĂȘtre de nouveau atti-rĂ©e sur l’opportunitĂ© de la crĂ©ation de ce rĂ©pertoire au vu des enjeux, notamment juri-diques, qui s’y attachent.

B. Suggestions nouvelles

Procédure pénale

Comparution du condamné

La chambre criminelle propose de revoir les dispositions de l’article 712-13 du code de procĂ©dure pĂ©nale qui excluent formellement la comparution du condamnĂ© devant la chambre de l’application des peines.

L’article 712-13 du code de procĂ©dure pĂ©nale exclut formellement la comparution du condamnĂ© en ces termes :

« L’appel des jugements mentionnĂ©s aux articles 712-6 et 712-7 est portĂ© devant la chambre de l’application des peines de la cour d’appel, qui statue par arrĂȘt motivĂ© aprĂšs un dĂ©bat contradictoire au cours duquel sont entendues les rĂ©quisitions du ministĂšre public et les observations de l’avocat du condamnĂ©. Le condamnĂ© n’est pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en dĂ©cide autrement. Son audition est alors effectuĂ©e, en prĂ©sence de son avocat ou celui-ci rĂ©guliĂšrement convoquĂ©, soit selon les modali-tĂ©s prĂ©vues par l’article 706-71, soit, par un membre de la juridiction, dans l’établisse-ment pĂ©nitentiaire oĂč il se trouve dĂ©tenu. »

Les dispositions de cet article, issues de la loi du 9 mars 2004 et jamais modifiĂ©es depuis lors, ont Ă©tĂ© instaurĂ©es alors que le processus de juridictionnalisation du droit de l’application des peines venait de dĂ©buter et font l’objet aujourd’hui de vives cri-tiques, de la part tant de la doctrine que des professionnels 1, en tant qu’elles excluent par principe la comparution du condamnĂ©.

Elles paraissent d’autant plus dĂ©passĂ©es aujourd’hui que la comparution des condam-nĂ©s qui en feraient la demande peut aisĂ©ment ĂȘtre organisĂ©e par visioconfĂ©rence.

La jurisprudence de la Cour a dĂ©jĂ  attĂ©nuĂ© la portĂ©e de cette exclusion, au visa de l’article prĂ©liminaire du code de procĂ©dure pĂ©nale et de l’article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, en imposant la comparution si le condamnĂ© en fait la demande en cas de rĂ©vocation de libĂ©ration conditionnelle (Crim., 15 avril 2015, pourvoi no 14-82.622) ou, dans une affaire oĂč le ministĂšre public avait fait un recours

1. Voir notamment M. Giacoppelli, « La pĂ©nĂ©tration des rĂšgles du procĂšs pĂ©nal devant les juri-dictions de l’application des peines : Ă©tat des lieux », RSC 2015, p. 799 ; P. Faucher, JCl. ProcĂ©dure pĂ©nale, LexisNexis, Articles 712-1 Ă  712-23, fasc. 40 « Juridictions de l’application des peines. – DĂ©bat contradictoire, commission de l’application des peines, modification des mesures en cours », novembre 2010, mise Ă  jour mai 2021 ; et M. Herzog-Evans, « Sanction dans les amĂ©na-gements de peine : l’article 6 s’applique et
 ne s’applique pas ! », AJ PĂ©nal 2015, p. 562.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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suspensif contre une dĂ©cision du juge de l’application des peines accordant une libĂ©-ration conditionnelle, et oĂč l’avocat n’était pas prĂ©sent, en jugeant qu’il appartenait Ă  la chambre de l’application des peines « pour fonder sa dĂ©cision sur des Ă©lĂ©ments de fait et des piĂšces qui n’avaient pas Ă©tĂ© contradictoirement discutĂ©s devant le pre-mier juge, de recueillir les observations du condamnĂ© non reprĂ©sentĂ©, en procĂ©dant Ă  son audition, au besoin aprĂšs rĂ©ouverture des dĂ©bats. » (Crim., 17 juin 2020, pourvoi no 20-80.240, publiĂ© au Bulletin).

De plus la commission présidée par Monsieur le président Bruno Cotte 2 avait pré-conisé une évolution de ces dispositions en ces termes :

La commission avait recommandé :

« La comparution devant la chambre de l’application des peines.

Cette comparution n’est Ă©tonnamment prĂ©vue par aucun texte, que le condamnĂ© soit appelant ou qu’il ne le soit pas. À moins que la chambre de l’application des peines estime utile d’ordonner son audition, l’intĂ©ressĂ© est seulement avisĂ© de la date d’au-dience. Il peut toutefois formuler des observations Ă©crites et/ou se faire reprĂ©senter par un avocat. L’audition par la chambre n’est obligatoire que si la personne n’a pas com-paru en premiĂšre instance et si le dĂ©bat porte sur un retrait de mesure.

Or les personnes condamnĂ©es se trouvent souvent dans des situations prĂ©caires qui sont susceptibles d’évoluer rapidement. Leur absence lors de la phase d’appel ne permet donc pas aux juges de prendre suffisamment en compte la rĂ©alitĂ© de leur situa-tion au moment oĂč il est statuĂ©.

Au surplus, l’absence de tout Ă©change verbal, direct et personnel, ne permet pas non plus Ă  la chambre de se faire une idĂ©e prĂ©cise de la personne concernĂ©e ainsi que du contexte dans lequel elle Ă©volue et s’inscrivent ses Ă©ventuels manquements, de la viabilitĂ© de son projet.

La commission n’a pas estimĂ© pouvoir retenir le principe d’une comparution systĂ©-matique de l’intĂ©ressĂ© devant la chambre de l’application des peines. En revanche, elle propose d’instituer un droit Ă  la comparution lorsque le condamnĂ© en fait la demande dans sa dĂ©claration d’appel ou lorsque, non appelant, il en fait la demande aprĂšs rĂ©cep-tion de l’avis d’appel. Afin toutefois d’éviter la comparution rĂ©itĂ©rĂ©e d’une personne dont la prĂ©sence ne s’avĂ©rerait d’aucune utilitĂ© pour les dĂ©bats, il est proposĂ©, Ă  l’ins-tar du pouvoir reconnu au prĂ©sident de la chambre de l’instruction, de donner au prĂ©-sident de la chambre de l’application des peines la possibilitĂ© de refuser une demande de comparution par ordonnance motivĂ©e. La chambre disposerait enfin, en tout Ă©tat de cause, de la possibilitĂ© de procĂ©der, en audience, Ă  l’audition de l’intĂ©ressĂ© par un systĂšme de visioconfĂ©rence. Cette procĂ©dure remplacerait le dispositif actuellement en usage qui ne prĂ©voit le recours Ă  une telle modalitĂ© qu’avant l’audience, l’audition Ă©tant effectuĂ©e par l’un seulement des magistrats de la chambre. »

2. Rapport au garde des sceaux de la commission présidée par Monsieur le président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation Bruno Cotte, « Pour une refonte du droit des peines », décembre 2015.

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91

/ Propositions de rĂ©forme en matiĂšre pĂ©nale pour la chambre criminelle

Il pourrait ainsi ĂȘtre ajoutĂ© Ă  l’article 712-13, selon lequel « Le condamnĂ© n’est pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en dĂ©cide autrement », que le condamnĂ© est aussi entendu s’il en fait la demande.

La DACG a indiquĂ© comprendre cette demande, mais a fait part en l’état de ses rĂ©serves. Elle considĂšre qu’il conviendra sur ce point de solliciter l’avis de la ConfĂ©rence nationale des premiers prĂ©sidents et de la ConfĂ©rence nationale des procureurs gĂ©nĂ©-raux, ainsi que des magistrats de l’application des peines, au regard des risques de voir ce nouveau droit entraĂźner une multiplication des appels assortis de demandes de com-parutions personnelles devant la chambre de l’application des peines.

Si un tel droit Ă©tait reconnu aux condamnĂ©s, il conviendrait en tout Ă©tat de cause, selon la DACG, de permettre au prĂ©sident de la chambre de l’application des peines de refuser par dĂ©cision motivĂ©e la comparution du condamnĂ©, comme l’envisage le rapport Cotte sur la « refonte du droit des peines », et non pas simplement de complĂ©ter les textes actuels pour prĂ©ciser que le condamnĂ© aussi est entendu s’il en fait la demande.

Droit pénal spécial

Placement sous scellés suite aux opérations de saisie

La chambre criminelle propose de donner la possibilitĂ© aux enquĂȘteurs de la DGCCRF de recourir Ă  des scellĂ©s provisoires fermĂ©s dans le cadre d’opĂ©rations de saisie autorisĂ©es par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention en matiĂšre d’infractions Ă  la consommation.

Dans le cadre des opĂ©rations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques prohibĂ©es par les articles L. 213-1 et suivants du code de la consomma-tion pratiquĂ©es par les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la rĂ©pression des fraudes, sur autorisation du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, aucune disposition lĂ©gale ne permet Ă  ces agents de procĂ©der Ă  des scellĂ©s provisoires fermĂ©s en cas de difficultĂ©s pour dresser l’inventaire.

Ce procĂ©dĂ© est cependant prĂ©vu par des dispositions de droit commun, Ă  savoir celles du quatriĂšme alinĂ©a de l’article 56 du code de procĂ©dure pĂ©nale selon lesquelles :

« Tous objets et documents saisis sont immĂ©diatement inventoriĂ©s et placĂ©s sous scellĂ©s. Cependant, si leur inventaire sur place prĂ©sente des difficultĂ©s, ils font l’objet de scellĂ©s fermĂ©s provisoires jusqu’au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellĂ©s dĂ©finitifs et ce, en prĂ©sence des personnes qui ont assistĂ© Ă  la perquisition sui-vant les modalitĂ©s prĂ©vues Ă  l’article 57 » du code de procĂ©dure pĂ©nale.

De mĂȘme cette facultĂ© de procĂ©der Ă  des scellĂ©s provisoires est prĂ©vue, en matiĂšre de concurrence, par l’article 450-4 du code de commerce, en matiĂšre fiscale par l’ar-ticle L. 16 B, IV, du livre des procĂ©dures fiscales, ainsi que par l’article L. 212-10 du code de justice militaire.

Ces diffĂ©rences ne paraissent pas justifiĂ©es, notamment s’agissant des enquĂȘteurs de la DGCCRF, suivant qu’ils agissent pour la recherche d’infractions au droit de la consommation ou au droit de la concurrence.

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

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Dans un arrĂȘt du 4 mars 2020, pourvoi no 18-84.071, la chambre criminelle a validĂ© la pratique de scellĂ©s provisoires fermĂ©s en matiĂšre de consommation en l’absence de grief. Il paraĂźtrait cependant plus explicite de donner une base textuelle Ă  cette exten-sion des pouvoirs des enquĂȘteurs, Ă  l’instar de ce qui existe dans d’autres domaines.

La DACG considĂšre qu’il apparaĂźt opportun de complĂ©ter l’article L. 512-59 du code de la consommation afin de permettre aux agents de la DGCCRF de placer les objets saisis au cours d’une visite domiciliaire sous scellĂ©s fermĂ©s provisoires.

La DACG indique demeurer vigilante sur cette Ă©volution lorsqu’un vecteur sera susceptible d’accueillir cette Ă©volution normative.

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/ Propositions de rĂ©forme non suivies antĂ©rieures Ă  2019

III/ PROPOSITIONS DE RÉFORME NON SUIVIES ANTÉRIEURES À 2019

Le tableau ci-dessous liste les propositions de rĂ©formes antĂ©rieures Ă  l’annĂ©e 2019 qui n’ont pas Ă©tĂ© suivies et pour lesquelles l’avis de la chancellerie reste inchangĂ©. L’intĂ©gralitĂ© de ces propositions figure au Rapport annuel 2018.

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

Proposition de réforme de la deuxiÚme chambre civile de la Cour de cassation

Date de proposition

Position de la DACS

Fonds de garantie

Harmonisation des textes relatifs Ă  la charge des frais et dĂ©pens affĂ©rents aux procĂ©dures judiciaires, en cas de mise en cause d’un fonds de garantie

Rapport 2018, p. 44

Rapports2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Procédure civile

Fermeture du pourvoi en matiĂšre d’arrĂȘt de l’exĂ©cution provisoire

Rapport 2018, p. 47

Rapports2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Réparation du préjudice

Indemnisation des victimes d’accidents de la circulation Toilettage de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et de l’article 706-9 du code de procĂ©dure pĂ©nale

Rapport 2018, p. 51

Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Saisie immobiliĂšre

Rationalisation des recours intermédiaires

Rapport 2018, p. 55

Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019,2020

Favorable

Sécurité sociale

Actions en recouvrement d’indus faisant suite Ă  des contrĂŽles effectuĂ©s par les agences rĂ©gionales de santĂ© – Organisation des liens entre les caisses et ces agences

Pallier les difficultĂ©s rencontrĂ©es tenant Ă  l’absence de production des piĂšces justificatives sur lesquelles se fonde le rapport transmis par l’agence rĂ©gionale de santĂ©

Rapport 2018, p. 56

Rapports2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Absence d’avis

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LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

94

Sécurité sociale

Conditions d’accĂšs aux prestations familiales des ressortissants Ă©trangers hors Union europĂ©enne, Espace Ă©conomique europĂ©en et ConfĂ©dĂ©ration suisse (articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sĂ©curitĂ© sociale)

Rapport 2018, p. 57

Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Absence d’avis

Sécurité sociale

Identification des bĂ©nĂ©ficiaires de pension d’invaliditĂ© : modification de l’article L. 355-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale

Rapport 2018, p. 59

Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Réservée

Sécurité sociale

Ressources prises en considĂ©ration pour l’octroi de l’allocation de logement social, prĂ©vue aux articles L. 831-1 et suivants du code de la sĂ©curitĂ© sociale

Rapport 2018, p. 62

Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019,2020

Absence d’avis

Sécurité sociale

RĂ©tablissement de l’indemnitĂ© journaliĂšre pour une durĂ©e d’un mois au plus Ă  compter de la dĂ©claration d’inaptitude du mĂ©decin du travail lorsque l’employeur n’a pas reclassĂ© le salariĂ© : modification des dispositions relatives Ă  l’application du contrĂŽle mĂ©dical

Rapport 2018, p. 63

Rapports2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Absence d’avis

Sécurité sociale

Recouvrement des cotisations et contributions au titre de l’assurance chîmage et de l’Association pour la garantie des salaires (AGS)

Rapport 2018, p. 71

Rapports2018, 2019, 2020

Absence d’avis

Surendettement des particuliers

Suppression de la mise en Ɠuvre des mesures classiques de dĂ©sendettement en cas d’opposition du dĂ©biteur Ă  l’orientation de son dossier vers une procĂ©dure de rĂ©tablissement personnel

Rapport 2018, p. 66

Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019,2020

Favorable

Page 95: RAPPORT 2020 ANNUEL

95

/ Propositions de rĂ©forme non suivies antĂ©rieures Ă  2019

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

Proposition de réforme de la troisiÚme chambre civile de la Cour de cassation

Date de proposition

Position de la DACS

Bail emphytéotique

RĂ©vision du prix du bail – Modification de l’article L. 145-3 du code de commerce

Rapport 2018, p. 76

Rapports2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Clause résolutoire

Suspension des effets – DĂ©lais de paiement : proposition d’adjonction aux articles 24 de la loi du 6 juillet 1989 et L. 145-41 du code de commerce

Rapport 2018, p. 77

Rapports2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Droit de la construction

Garantie de livraison – Affectation de l’indemnitĂ©

Modification de l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitationEnvisager l’hypothĂšse d’un versement diffĂ©rĂ© par le garant d’une partie de l’indemnitĂ© en le subordonnant au commencement d’exĂ©cution des travaux

Assurer au garant que les sommes versĂ©es au maĂźtre de l’ouvrage seront affectĂ©es Ă  la rĂ©alisation des travaux pour lesquels le cautionnement a Ă©tĂ© donnĂ©

Rapport 2018, p. 79

Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Expropriation

Expropriation – Conclusions complĂ©mentaires dĂ©posĂ©es devant la cour d’appel, aprĂšs un rapport d’expertise judiciaire

Rapport 2018, p. 82

Rapports2018, 2019, 2020

Favorable

CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE

Proposition de réforme de la chambre commerciale, financiÚre et économique de la Cour de cassation

Date de proposition

Position de la DACS

Procédure collective

DĂ©claration d’insaisissabilitĂ©Suppression de l’article L. 526-1 du code de commerce

Rapport 2018, p. 89

Rapports2017, 2018,2019, 2020

Réservée

Crédit-bail mobilier

Publicité

Rapport 2018, p. 96

Rapports2018, 2019, 2020

Réservée

Page 96: RAPPORT 2020 ANNUEL

LIVRE 2 / Suggestions de modifications lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires

96

CHAMBRE SOCIALE

Proposition de rĂ©forme de la chambre sociale de la Cour de cassation

Date de proposition

Position de la DACS

Droit du travail

CongĂ©s payĂ©s – Modification de l’article L. 3141-5 du code du travail â€“ Mise en conformitĂ© avec la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’amĂ©nagement du temps de travail

Rapport 2018, p. 98

Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Absence d’avis

Droit du travail

CongĂ©s payĂ©s – Limitation de l’acquisition des droits Ă  congĂ©s : accident du travail et maladie professionnelle

Modification de l’article L. 3141-5 du code du travail

Rapport 2018, p. 99

Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Absence d’avis

Droit du travail

CongĂ©s payĂ©s et droit communautaire – Acquisition des droits Ă  congĂ©s : congĂ© maladie

Modification de l’article L. 3141-5 du code du travail

Rapport 2018, p. 100

Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Absence d’avis

Droit du travail

CongĂ©s payĂ©s et droit communautaire (adaptation des rĂšgles lĂ©gales de droit interne) – La perte ou le report des droits au terme de la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence

Rapport 2018, p. 101

Rapports2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Réservée

Droit du travail

Droit Ă  rĂ©intĂ©gration du conseiller du salariĂ© dans son emploi

ComplĂ©ter les dispositions de l’article L. 2422-1 du code du travail afin d’inclure dans le champ du droit Ă  rĂ©intĂ©gration dans son emploi en cas d’annulation de la dĂ©cision d’autorisation du licenciement le cas du conseiller du salariĂ©

Rapport 2018, p. 103

Rapports2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Droit du travail

IndemnitĂ© spĂ©cifique de rupture conventionnelle : modification de l’article L. 1237-13 du code du travail

Rapport 2018, p. 104

Rapports2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Page 97: RAPPORT 2020 ANNUEL

97

/ Propositions de rĂ©forme non suivies antĂ©rieures Ă  2019

Droit du travail

Licenciement d’un salariĂ© protĂ©gĂ© : crĂ©ation d’une sanction pĂ©cuniaire, au titre de la mĂ©connaissance du statut protecteur, en cas de licenciement sans autorisation administrative d’un salariĂ© protĂ©gĂ© qui ne demande pas sa rĂ©intĂ©gration

Rapport 2018, p. 105

Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Favorable

Droit du travail

Protection contre le licenciement de certains Ă©lus locaux – RĂšglement des difficultĂ©s liĂ©es Ă  l’absence de dispositions au sein des titres Ier et II du code du travail

Rapport 2018, p. 106

Rapports2016, 2017, 2018, 2019,2020

Absence d’avis

Droit du travail

Rupture du contrat de travail d’une assistante maternelle : rĂšglement de la contradiction formelle apparente entre les dispositions de l’article L. 423-24 et celles de l’article L. 423-2, 4o, du code de l’action sociale et des familles

Rapport 2018, p. 107

Rapports2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020

Absence d’avis

***

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LIVRE 3

JURISPRUDENCE DE LA COUR

Page 100: RAPPORT 2020 ANNUEL

100

LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

JURISPRUDENCE DE LA COUR

I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION .......................................................................... 103

A. Formation pléniÚre............................................................................... 103

B. Formation mixte ................................................................................... 103

C. Avis rendus par les chambres ............................................................ 103

1. Avis rendus en matiĂšre civile .............................................................. 103

2. Avis rendu en matiÚre pénale ............................................................. 105

II. ARRÊTS RENDUS EN ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE ET EN CHAMBRE MIXTE ...................... 106

A. Assemblée pléniÚre ............................................................................. 106

1. ArrĂȘts rendus en matiĂšre civile ........................................................... 106

2. ArrĂȘts rendus en matiĂšre pĂ©nale ........................................................ 110

B. Chambre mixte ..................................................................................... 112

III. ARRÊTS RENDUS PAR LES CHAMBRES ................................................................ 113

A. Droit des personnes et de la famille ................................................. 113

1. État civil et filiation ............................................................................ 113

2. Données à caractÚre personnel ........................................................... 115

3. Protection des consommateurs........................................................... 118

B. Droit du travail ...................................................................................... 120

1. Contrat de travail, organisation et exĂ©cution du travail ...................... 120a. Emploi et formation ....................................................................... 120b. Droits et obligations des parties au contrat de travail ..................... 120c. Modification dans la situation juridique de l’employeur ................. 120d. Contrats et statuts particuliers ........................................................ 120e. Transfert du contrat de travail ........................................................ 123f. Coemploi ........................................................................................ 125

2. Durée du travail et rémunération ........................................................ 128a. Durée du travail, repos et congés .................................................... 128b. Rémunération ................................................................................ 131

3. Santé et sécurité au travail ................................................................. 132

4. ÉgalitĂ© de traitement, discrimination, harcĂšlement ........................... 134a. ÉgalitĂ© de traitement ...................................................................... 134b. Discrimination ............................................................................... 134c. HarcĂšlement ................................................................................... 137

5. Accords collectifs et conflits collectifs de travail ............................... 137a. Conventions et accords collectifs .................................................... 137b. Conflits du travail........................................................................... 137

6. ReprĂ©sentation du personnel et Ă©lections professionnelles ............... 139a. Élections, reprĂ©sentativitĂ©, reprĂ©sentants syndicaux : mise en Ɠuvre de la loi du 20 aoĂ»t 2008 .......................................................... 139b. Élections, syndicats hors application de la loi du 20 aoĂ»t 2008 ....... 139

Page 101: RAPPORT 2020 ANNUEL

101

c. Protection des représentants du personnel ..................................... 139d. Fonctionnement des institutions représentatives du personnel ....... 139e. Syndicat professionnel .................................................................... 143

7. Rupture du contrat de travail ............................................................. 145a. Rupture conventionnelle ................................................................ 145b. Contrat de travail à durée déterminée ............................................ 145c. Indemnités de rupture .................................................................... 145d. Licenciement ................................................................................. 147

8. Actions en justice ................................................................................ 149a. Compétence ................................................................................... 149b. Séparation des pouvoirs.................................................................. 149

C. Droit immobilier, environnement et urbanisme ............................... 149

1. Bail (rÚgles générales) ........................................................................ 149

2. PrivilĂšges............................................................................................. 151

3. Prescription ......................................................................................... 152

4. Responsabilité .................................................................................... 153

D. Activités économiques, commerciales et financiÚres ..................... 160

1. Concurrence déloyale .......................................................................... 160

2. Entreprises en difficulté ..................................................................... 162

3. ImpĂŽts et taxes ................................................................................... 166

4. Propriété littéraire et artistique .......................................................... 171

5. Sociétés .............................................................................................. 175

E. Responsabilité civile, assurance et sécurité sociale....................... 177

1. Assurance ........................................................................................... 177

2. Sécurité sociale .................................................................................. 182

3. Aide sociale......................................................................................... 187

4. Responsabilité civile ........................................................................... 190

F. Procédure civile et organisation des professions ............................. 197

1. Action en justice ................................................................................. 197

2. Appel civil ........................................................................................... 198

3. Compétence ........................................................................................ 203

4. Fonds de garantie ............................................................................... 205

5. Mesures d’instruction ......................................................................... 207

6. ProcĂ©dure civile d’exĂ©cution ............................................................... 208

G. Droit pénal et procédure pénale ........................................................ 209

1. Droit pénal général ............................................................................. 209

2. Droit pénal spécial .............................................................................. 209

3. Procédure pénale ................................................................................ 217

H. Application du droit de l’Union europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme et du droit international.............. 228

1. Droit de l’Union europĂ©enne .............................................................. 228

2. Droit de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme ............... 235

IV. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ (QPC) ....................................... 242

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103

/ Avis de la Cour de cassation

I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION

A. Formation pléniÚre

Aucun avis en formation pléniÚre publié au Rapport en 2020.

B. Formation mixte

Aucun avis en formation mixte publié au Rapport en 2020.

C. Avis rendus par les chambres

1. Avis rendus en matiĂšre civile

Protection des consommateurs – IntĂ©rĂȘts – Taux – Taux effectif global – DĂ©faut de mention ou mention erronĂ©e – Sanction – DĂ©termination – Ordonnance nÂș 2019-740 du 17 juillet 2019 â€“ Application dans le temps – Application aux contrats de crĂ©dit conclus avant son entrĂ©e en vigueur (non)Avis de la Cour de cassation, 1re Civ., 10 juin 2020, no 20-70.001, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Vitse et avis de M. LavigneLes dispositions de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 sont inapplicables aux contrats de crĂ©dit conclus avant son entrĂ©e en vigueur.

Protection des consommateurs â€“ CrĂ©dit immobilier – Offre prĂ©alable – Modification du prĂȘt – Conditions du prĂȘt – IntĂ©rĂȘts – Taux – Taux effectif global ou taux conventionnel – Erreur – Sanction – DĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts du prĂȘteur dans la proportion fixĂ©e par le jugeMĂȘme avisEn cas d’erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conventionnel mentionnĂ©s dans l’avenant au contrat de crĂ©dit immobilier, le prĂȘteur peut ĂȘtre dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge.

L’avis, prononcĂ© au regard de crĂ©dits souscrits le 24 mai 2011 et d’un avenant conclu le 17 dĂ©cembre 2013, prĂ©cise, d’une part, le champ d’application dans le temps de l’or-donnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de dĂ©faut ou d’erreur du taux effectif global (1), d’autre part, la sanction encourue par le prĂȘteur en cas d’erreur relative au taux effectif global ou au taux conventionnel mentionnĂ©s dans l’avenant de renĂ©gociation d’un crĂ©dit immobilier (2).

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1) À la diversitĂ© de sanctions antĂ©rieurement encourues en cas de dĂ©faut ou d’er-reur du taux effectif global l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 prĂ©citĂ©e subs-titue une seule sanction, Ă  savoir la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge.

Ce texte ne comporte pas de dispositions transitoires, de sorte que se pose la ques-tion de son application dans le temps.

Aux termes de l’article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rĂ©troactif.

Si une loi nouvelle peut dĂ©roger Ă  ce principe et ainsi s’appliquer aux contrats conclus avant son entrĂ©e en vigueur, encore faut-il qu’elle prĂ©voie une disposition expresse en ce sens.

Or tel n’est pas le cas de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 prĂ©citĂ©e, dont on a vu qu’elle ne comportait pas de dispositions transitoires.

Reste que la rĂ©troactivitĂ© d’une loi nouvelle peut Ă©galement ĂȘtre justifiĂ©e, de maniĂšre prĂ©torienne, par des considĂ©rations d’ordre public ou par la thĂ©orie des effets lĂ©gaux du contrat.

Seules des considĂ©rations d’ordre public impĂ©rieuses peuvent justifier de faire rĂ©troa-gir une loi nouvelle. DĂšs lors que l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 vise Ă  harmoniser le rĂ©gime des sanctions civiles applicables au prĂȘteur et Ă  assurer leur pro-portionnalitĂ©, elle n’obĂ©it pas Ă  de telles considĂ©rations.

Quant Ă  la thĂ©orie des effets lĂ©gaux du contrat, selon laquelle la loi nouvelle a voca-tion Ă  s’appliquer immĂ©diatement aux contrats en cours lorsque les effets du contrat rĂ©sultent de la loi et non de la volontĂ© des parties, elle ne saurait davantage justifier l’ap-plication rĂ©troactive de l’ordonnance prĂ©citĂ©e aux contrats en cours, quand bien mĂȘme la sanction encourue en cas d’inobservation des rĂšgles de fixation du taux effectif global Ă©chappe manifestement Ă  la volontĂ© des parties. En effet, l’application de cette thĂ©orie est bornĂ©e par la nĂ©cessitĂ© d’une situation juridique non dĂ©finitivement rĂ©alisĂ©e. Or le vice qui justifie la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts affecte le taux effectif global dĂšs la souscription du contrat de crĂ©dit, de sorte qu’il procĂšde d’une situation juridique dĂ©fi-nitivement rĂ©alisĂ©e au jour de la conclusion du contrat.

À noter que l’avis est prononcĂ© en contemplation des seuls crĂ©dits litigieux, une demande d’avis n’étant recevable que si elle commande l’issue du litige. Il s’ensuit que l’avis ne vaut que pour les crĂ©dits immobiliers souscrits avant le 18 dĂ©cembre 2013.

Au vu de la directive 2014/17/UE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 14 fĂ©vrier 2014 sur les contrats de crĂ©dit aux consommateurs relatifs aux biens immo-biliers Ă  usage rĂ©sidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le rĂšglement (UE) no 1093/2010, qui, Ă  l’article 38, exige que les sanctions applicables en cas d’infraction aux dispositions nationales adoptĂ©es sur la base de cette directive soient proportionnĂ©es et qui prĂ©voit qu’elle ne s’applique pas aux contrats de crĂ©dit en cours au 21 mars 2016, date limite de sa transposition, l’application rĂ©troactive de l’ordon-nance no 2019-740 du 17 juillet 2019 prĂ©citĂ©e aux contrats conclus postĂ©rieurement Ă  cette date pourrait se poser.

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/ Avis de la Cour de cassation

2) Si l’on considĂšre les textes applicables aux crĂ©dits litigieux, l’article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  celle issue de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative Ă  la consommation, ne renvoie pas aux dispositions de l’article L. 312-14-1 du code de la consommation, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  celle issue de l’ordonnance no 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crĂ©dit aux consomma-teurs relatifs aux biens immobiliers Ă  usage d’habitation. Il pourrait s’en dĂ©duire que la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts prĂ©vue au premier de ces textes n’est pas la sanction encourue en cas d’erreur affectant le calcul du taux effectif global ou du taux conven-tionnel mentionnĂ©s dans l’avenant prĂ©vu au second, seule la substitution du taux d’in-tĂ©rĂȘt lĂ©gal Ă  celui de l’intĂ©rĂȘt conventionnel Ă©tant concevable.

Ce serait toutefois ignorer un arrĂȘt contemporain du prĂ©sent avis, dont il rĂ©sulte que l’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prĂȘt comme l’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel Ă©crit justifient que le prĂȘteur soit dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge, mĂȘme lorsque le contrat a Ă©tĂ© conclu avant l’entrĂ©e en vigueur de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juil-let 2019 prĂ©citĂ©e (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi no 18-24.287, publiĂ© au Bulletin).

Une telle jurisprudence a pour but de permettre au juge de prendre en considĂ©-ration, y compris dans les contrats souscrits antĂ©rieurement Ă  l’entrĂ©e en vigueur de l’ordonnance prĂ©citĂ©e, la gravitĂ© du manquement commis par le prĂȘteur et le prĂ©ju-dice subi par l’emprunteur.

Le mĂȘme objectif de proportionnalitĂ© impose de prĂ©voir une sanction identique en cas d’erreur affectant le calcul du taux conventionnel mentionnĂ© dans l’avenant au contrat de crĂ©dit immobilier.

2. Avis rendu en matiÚre pénale

Aucun avis en matiĂšre pĂ©nale publiĂ© au Rapport en 2020.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

II. ARRÊTS RENDUS EN ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE ET EN CHAMBRE MIXTE

A. Assemblée pléniÚre

1. ArrĂȘts rendus en matiĂšre civile

ResponsabilitĂ© dĂ©lictuelle ou quasi dĂ©lictuelle – Dommage – RĂ©paration – Obligation – BĂ©nĂ©ficiaires – Tiers Ă  un contrat – Condition – Dommage causĂ© par un manquement contractuelAss. plĂ©n., 13 janvier 2020, pourvoi no 17-19.963, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Monge et avis de M. de la TourLe tiers Ă  un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilitĂ© dĂ©lictuelle, un manquement contractuel dĂšs lors que ce manquement lui a causĂ© un dommage.En consĂ©quence, le tiers Ă  un contrat d’alimentation en Ă©nergie, qui, en raison de l’inter-ruption de la fourniture en Ă©nergie endurĂ©e pendant plusieurs semaines par la sociĂ©tĂ© avec laquelle il Ă©tait en relation, a subi un prĂ©judice d’exploitation peut invoquer le manquement contractuel imputable au fournisseur d’énergie pour obtenir rĂ©paration.

Le 6 octobre 2006, la Cour de cassation, rĂ©unie en assemblĂ©e plĂ©niĂšre, a rendu un arrĂȘt connu sous le nom d’arrĂȘt Boot shop ou Myr’ho (Ass. plĂ©n., pourvoi no 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plĂ©n, no 9) par lequel elle retenait que le tiers Ă  un contrat peut invo-quer, sur le fondement de la responsabilitĂ© dĂ©lictuelle, un manquement contractuel dĂšs lors que ce manquement lui a causĂ© un dommage.

AppelĂ©e Ă  s’interroger sur le maintien du principe ainsi Ă©noncĂ© au regard d’arrĂȘts de diffĂ©rentes chambres interprĂ©tĂ©s par la doctrine comme exprimant une divergence par comparaison avec la fidĂ©litĂ© observĂ©e dans d’autres arrĂȘts Ă  la formulation de l’ar-rĂȘt Boot shop, la Cour de cassation, Ă  nouveau rĂ©unie en assemblĂ©e plĂ©niĂšre, a rĂ©affirmĂ©, dans les mĂȘmes termes et en s’en expliquant, son attachement Ă  ce principe.

En l’espĂšce, au travers d’une action subrogatoire exercĂ©e par un assureur, la question Ă©tait celle de l’indemnisation du tiers Ă  un contrat d’alimentation en Ă©nergie, qui, en raison de l’interruption de la fourniture en Ă©nergie endurĂ©e pendant plusieurs semaines par la sociĂ©tĂ© avec laquelle il Ă©tait en relation, avait subi un prĂ©judice d’exploitation.

Le moyen tirĂ© du manquement contractuel imputable au fournisseur d’énergie ayant Ă©tĂ© expressĂ©ment soulevĂ©, la cour d’appel avait fait partiellement application de la solution de l’arrĂȘt Boot shop en en reprenant la formulation pour Ă©carter l’opposa-bilitĂ© des clauses d’arbitrage et limitative de responsabilitĂ© invoquĂ©es par le contrac-tant dont la responsabilitĂ© Ă©tait recherchĂ©e, mais elle s’en Ă©tait Ă©loignĂ©e en exigeant la dĂ©monstration d’une faute. C’est cette exigence que l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre sanctionne.

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/ ArrĂȘts rendus en assemblĂ©e plĂ©niĂšre et en chambre mixte

Tout en rĂ©affirmant le fondement dĂ©lictuel ou quasi dĂ©lictuel de l’action en indem-nisation du tiers au contrat, l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre a ainsi considĂ©rĂ© que la caractĂ©risa-tion d’un manquement contractuel, Ă  la condition que ce manquement lui ait causĂ© un dommage, suffisait Ă  ouvrir Ă  ce tiers droit Ă  rĂ©paration.

Ce faisant, elle opte, Ă  nouveau et en dĂ©pit des critiques qu’a suscitĂ©es l’arrĂȘt Boot shop au sein de la doctrine, en particulier celle inquiĂšte des atteintes pouvant ĂȘtre por-tĂ©es au principe de la relativitĂ© des contrats, pour une solution rĂ©pondant aux attentes des tiers qui, victimes d’une inexĂ©cution ou d’une mauvaise exĂ©cution contractuelle, sont susceptibles, en l’absence de mĂ©connaissance par le contractant poursuivi d’une obligation gĂ©nĂ©rale de prudence ou de diligence ou du devoir gĂ©nĂ©ral de ne pas nuire Ă  autrui, d’ĂȘtre privĂ©s de toute indemnisation de leur dommage.

L’arrĂȘt apporte un enseignement supplĂ©mentaire : en appliquant le principe Ă©noncĂ© par l’arrĂȘt Boot shop Ă  une situation oĂč le manquement dĂ©noncĂ© portait sur une obliga-tion de rĂ©sultat et non, comme dans ce prĂ©cĂ©dent arrĂȘt, sur une obligation de moyen, l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation ne retient pas la nĂ©cessitĂ© d’une distinc-tion fondĂ©e sur la nature de l’obligation mĂ©connue.

En rĂ©alitĂ©, l’arrĂȘt rendu subordonne le succĂšs de l’action en indemnisation du tiers Ă  la preuve du lien de causalitĂ© qu’il incombe Ă  celui-ci de rapporter entre le manque-ment contractuel qu’il demande de reconnaĂźtre et le prĂ©judice dont il justifie et invite, par consĂ©quent, les juges du fond Ă  continuer de privilĂ©gier dans leur examen cet aspect essentiel du litige qui permet de distinguer le prĂ©judice indemnisable de celui qui ne l’est pas.

ProcĂ©dures civiles d’exĂ©cution – Mesures d'exĂ©cution forcĂ©e – Saisie-attribution  – Effets – IntĂ©rĂȘts moratoires – Exclusion – Force majeure – Conditions – ExtĂ©rioritĂ©Ass. plĂ©n., 10 juillet 2020, pourvois no 18-18.542 et no 18-21.814, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Mollard et avis de M. MolinsLe gel des avoirs d'une personne ou d'une entitĂ© qui est frappĂ©e par cette mesure en raison de ses activitĂ©s, ne constitue pas pour elle un cas de force majeure, faute d'extĂ©rioritĂ©, de sorte que, malgrĂ© l'impossibilitĂ© oĂč elle se trouve d'exĂ©cuter une condamnation au paiement d'une somme d'argent, le cours des intĂ©rĂȘts lĂ©gaux sur cette somme n'est pas suspendu.

Au dĂ©but des annĂ©es 2000, la RĂ©publique islamique d’Iran, État signataire du TraitĂ© de non-prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires, a Ă©tĂ© suspectĂ©e par la communautĂ© interna-tionale de dĂ©velopper un programme nuclĂ©aire et de missiles balistiques en violation de ses engagements internationaux.

Par la rĂ©solution 1737 (2006) du 23 dĂ©cembre 2006, le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies a dĂ©cidĂ© que l’Iran devait suspendre toutes les activitĂ©s liĂ©es Ă  l’enrichissement et au retraitement ainsi que les travaux sur tous projets liĂ©s Ă  l’eau lourde, et prendre certaines mesures prescrites par le Conseil des gouverneurs de l’Agence internatio-nale de l’énergie atomique. Par cette mĂȘme rĂ©solution, il a dĂ©cidĂ© que l’ensemble des États membres des Nations unies devraient appliquer un certain nombre de mesures restrictives, parmi lesquelles le gel des fonds et ressources Ă©conomiques qui sont la

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

propriété ou sont sous le contrÎle de personnes ou entités désignées par le Conseil de sécurité comme concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques iranien.

Par la rĂ©solution 1747 (2007) du 24 mars 2007, le Conseil de sĂ©curitĂ© a identifiĂ© la sociĂ©tĂ© de droit iranien Bank Sepah (la banque Sepah) comme faisant partie des « enti-tĂ©s concourant au programme nuclĂ©aire ou de missiles balistiques » de l’Iran auxquelles devait s’appliquer la mesure de gel des avoirs.

Ces rĂ©solutions ont Ă©tĂ© transposĂ©es dans le droit communautaire par les rĂšglements (CE) no 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 concernant l’adoption de mesures res-trictives Ă  l’encontre de l’Iran et (CE) no 441/2007 de la Commission du 20 avril 2007 modifiant le rĂšglement (CE) no 423/2007 du Conseil concernant l’adoption de mesures restrictives Ă  l’encontre de l’Iran, de sorte qu’à compter du 21 avril 2007 tous les avoirs dĂ©tenus par la banque Sepah sur le territoire de la CommunautĂ© europĂ©enne, et notam-ment en France, ont Ă©tĂ© gelĂ©s.

La banque Sepah n’a pas exercĂ©, devant les juridictions europĂ©ennes, les voies de droit permettant de contester son inscription sur la liste des personnes et entitĂ©s frap-pĂ©es par une mesure de gel.

Quelques jours aprĂšs le gel des avoirs de la banque Sepah, la cour d’appel de Paris (chambre des appels correctionnels) a, par arrĂȘt du 26 avril 2007 devenu irrĂ©vocable, dĂ©clarĂ© celle-ci civilement responsable des agissements dĂ©lictueux commis, en 1995, par l’ancien directeur de sa succursale en France et l’a en consĂ©quence condamnĂ©e Ă  payer certaines sommes aux sociĂ©tĂ©s de droit amĂ©ricain Overseas Financial Ltd (la sociĂ©tĂ© Overseas) et Oaktree Finance Ltd (la sociĂ©tĂ© Oaktree).

Le 17 janvier 2016, le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies a radiĂ© la banque Sepah de la liste des personnes et entitĂ©s faisant l’objet du gel de leurs avoirs. Cette dĂ©cision a Ă©tĂ© transposĂ©e dans le droit de l’Union europĂ©enne par le rĂšglement d’exĂ©cution (UE) no 2016/74 du Conseil du 22 janvier 2016 mettant en Ɠuvre le rĂšglement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives Ă  l’encontre de l’Iran, entrĂ© en vigueur le 23 janvier 2016, date Ă  laquelle la banque Sepah a donc recouvrĂ© la libre disposition des avoirs qu’elle dĂ©tenait dans l’Union europĂ©enne.

Le 17 mai 2016, en vertu de l’arrĂȘt du 26 avril 2007 de la cour d’appel de Paris, les sociĂ©tĂ©s Overseas et Oaktree ont fait dĂ©livrer des commandements de payer aux fins de saisie-vente contre la banque Sepah. Le 5 juillet 2016, elles ont encore fait pratiquer entre les mains de la SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale des saisies-attributions et des saisies de droits d’associĂ©s et valeurs mobiliĂšres, au prĂ©judice de la banque Sepah.

La banque Sepah a alors assignĂ© les sociĂ©tĂ©s Overseas et Oaktree devant le juge de l’exĂ©cution aux fins, notamment, de voir retrancher les intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal des causes des saisies. Si elle reconnaissait devoir le principal des sommes au paiement desquelles elle avait Ă©tĂ© condamnĂ©e, elle soutenait que le gel de ses avoirs, qui l’avait empĂȘchĂ©e d’exĂ©cuter l’arrĂȘt du 26 avril 2007 prĂ©citĂ©, constituait un cas de force majeure ayant entraĂźnĂ© la suspension des intĂ©rĂȘts.

Par arrĂȘt du 8 mars 2018, la cour d’appel de Paris a Ă©cartĂ© le moyen pris de la force majeure aux motifs que « la rĂ©solution 1747 (2007) en date du 24 mars 2007 du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies qui a ordonnĂ© le gel des fonds et des ressources Ă©cono-miques de la Bank Sepah constitue une sanction prononcĂ©e Ă  l’encontre de celle-ci »

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/ ArrĂȘts rendus en assemblĂ©e plĂ©niĂšre et en chambre mixte

et que, « dĂšs lors, l’appelante est mal fondĂ©e Ă  invoquer l’existence d’une cause Ă©tran-gĂšre qui l’exonĂ©rerait de son obligation d’exĂ©cuter l’arrĂȘt du 26 avril 2007 en ce qu’il l’a condamnĂ©e au paiement des intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal Ă  compter de son prononcĂ© ». Elle a donc rejetĂ© la demande de la banque Sepah de voir retrancher des causes des saisies le montant des intĂ©rĂȘts au taux lĂ©gal.

Mais, considĂ©rant que rien n’interdisait aux sociĂ©tĂ©s Overseas et Oaktree d’engager, sur les avoirs gelĂ©s de la banque Sepah, des mesures d’exĂ©cution, ne serait-ce qu’à titre conservatoire, elle a dit prescrits les intĂ©rĂȘts courus antĂ©rieurement au 17 mai 2011, en l’absence de toute cause interruptive de prescription antĂ©rieure Ă  la signification des commandements de payer du 17 mai 2016.

La banque Sepah et les sociétés Overseas et Oaktree ont chacune formé un pourvoi.

Ces pourvois offrent, pour la premiĂšre fois, Ă  la Cour de cassation l’opportunitĂ© de prĂ©ciser la nature et les consĂ©quences d’une mesure de gel des fonds et des ressources Ă©conomiques. La portĂ©e des solutions apportĂ©es aux questions qu’ils soulĂšvent est d’au-tant plus grande que, depuis une vingtaine d’annĂ©es, les rĂ©gimes de gel des avoirs se sont multipliĂ©s. Aussi, par arrĂȘt du 27 fĂ©vrier 2020, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle ordonnĂ© le renvoi des deux pourvois devant l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre.

Le premier moyen de la banque Sepah soulevait Ă  la fois la question de la nature d’une mesure de gel des fonds et des ressources Ă©conomiques et celle de savoir si une telle mesure constitue, pour la personne ou l’entitĂ© qui en est frappĂ©e, un cas de force majeure.

Selon une jurisprudence constante, un Ă©vĂ©nement n’est constitutif de force majeure que s’il est Ă  la fois imprĂ©visible, irrĂ©sistible et extĂ©rieur. À cet Ă©gard, il y a lieu de souli-gner que la nouvelle dĂ©finition de la force majeure en matiĂšre contractuelle, introduite dans l’article 1218 du code civil par l’ordonnance no 2016-131 du 10 fĂ©vrier 2016 por-tant rĂ©forme du droit des contrats, du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral et de la preuve des obligations, n’était applicable ni ratione materiae, ni ratione temporis.

La cour d’appel avait constatĂ© l’absence d’extĂ©rioritĂ© en se fondant sur la nature de sanction de la mesure de gel. Or il ressort de la jurisprudence des juridictions de l’Union europĂ©enne que le gel des avoirs n’est pas une sanction, de sorte que la moti-vation de l’arrĂȘt attaquĂ© Ă©cartant la force majeure Ă©tait erronĂ©e.

Pour autant, l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation a rejetĂ© le moyen de la banque Sepah pris de la force majeure. En effet, elle a constatĂ©, par un motif substi-tuĂ© de pur droit, que, la banque Sepah ayant Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e par le Conseil de sĂ©curitĂ© en raison de ses activitĂ©s – puisque le motif de sa dĂ©signation Ă©tait l’appui qu’elle appor-tait au programme de missiles balistiques iranien â€“, la mesure de gel ne remplissait pas Ă  son Ă©gard la condition d’extĂ©rioritĂ©.

Le moyen unique des sociĂ©tĂ©s Overseas et Oaktree soulĂšve la question de savoir si des mesures conservatoires ou d’exĂ©cution forcĂ©e peuvent ĂȘtre diligentĂ©es sur des fonds et des ressources Ă©conomiques gelĂ©s. La rĂ©ponse est d’un intĂ©rĂȘt considĂ©rable pour les crĂ©anciers dont les dĂ©biteurs voient leurs avoirs gelĂ©s.

L’assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation s’est plus particuliĂšrement demandĂ©e si, compte tenu de son absence d’effet attributif, une mesure conservatoire (sĂ»retĂ© judi-ciaire ou saisie conservatoire) peut ĂȘtre diligentĂ©e sur des avoirs gelĂ©s. Elle a constatĂ©

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que cette question est inĂ©dite, tant devant les juridictions de l’Union europĂ©enne que devant les juridictions nationales des États membres, que la rĂ©ponse nĂ©cessite une inter-prĂ©tation du rĂšglement (CE) no 423/2007 prĂ©citĂ© et des rĂšglements qui l’ont remplacĂ©, et qu’elle ne s’impose pas avec la force de l’évidence.

Elle a donc sursis Ă  statuer et saisi la Cour de justice de l’Union europĂ©enne de questions prĂ©judicielles en interprĂ©tation de ces rĂšglements, ce qui l’a conduite, dans son arrĂȘt, Ă  apporter Ă  la Cour de justice les explications nĂ©cessaires quant Ă  la nature et aux effets des mesures conservatoires prĂ©vues dans le code français des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution.

Les questions posées sont les suivantes :

« 1o) Les articles 1er, sous h) et j), et 7, paragraphe 1, du rĂšglement (CE) no 423/2007, 1er, sous i) et h), et 16, paragraphe 1, du rĂšglement (UE) no 961/2010 ainsi que 1er, sous k) et j), et 23, paragraphe 1, du rĂšglement (UE) no 267/2012 doivent-ils ĂȘtre interprĂ©-tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  ce que soit diligentĂ©e sur des avoirs gelĂ©s, sans auto-risation prĂ©alable de l’autoritĂ© nationale compĂ©tente, une mesure dĂ©pourvue d’effet attributif, telle une sĂ»retĂ© judiciaire ou une saisie conservatoire, prĂ©vues par le code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution français ?

2o) La circonstance que la cause de la crĂ©ance Ă  recouvrer sur la personne ou l’entitĂ© dont les avoirs sont gelĂ©s soit Ă©trangĂšre au programme nuclĂ©aire et balistique iranien et antĂ©rieure Ă  la rĂ©solution 1737 (2006) du 23 dĂ©cembre 2006 du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies est-elle pertinente aux fins de rĂ©pondre Ă  la premiĂšre question ? ».

2. ArrĂȘts rendus en matiĂšre pĂ©nale

Convention europĂ©enne des droits de l’Homme – Article 6, § 1 – Tribunal – ImpartialitĂ© – Cour de justice de la RĂ©publique – Commission d'instruction statuant sur la rĂ©gularitĂ© des actes de l'information qu'elle a conduiteAss. plĂ©n., 13 mars 2020, pourvois no 19-86.609, no 18-80.162, no 18-80.164 et no 18-80.165, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. GuĂ©ry et avis de M. SalomonNe mĂ©connaĂźt pas les garanties de l'article 6, § 1, de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme, l'arrĂȘt de la commission d'instruction de la Cour de justice de la RĂ©publique statuant sur la rĂ©gularitĂ© des actes de l'information qu'elle a conduite, en application de l'article 23 de la loi organique du 23 novembre 1993, dĂšs lors qu'elle se prononce sous le contrĂŽle de l'assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation ayant, en la matiĂšre, pleine compĂ©tence pour statuer en fait et en droit.

Comptes de campagne – Validation par le Conseil constitutionnel – DĂ©cision â€“ AutoritĂ© de chose jugĂ©e – Etendue – Infractions prĂ©vues Ă  l’article L. 113-1 du code Ă©lectoral exclusivementMĂȘme arrĂȘtLa validation des comptes de campagne, Ă  la date de la dĂ©cision rendue par le Conseil constitutionnel, rĂ©sulte d'un contrĂŽle juridictionnel et l'autoritĂ© de la chose jugĂ©e de cette dĂ©cision ne trouve Ă  s'appliquer qu'au regard des infractions prĂ©vues par l'ar-ticle L. 113-1 du code Ă©lectoral, sanctionnant l'absence de respect des obligations visĂ©es par ce texte et imposĂ©es Ă  un candidat.

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/ ArrĂȘts rendus en assemblĂ©e plĂ©niĂšre et en chambre mixte

Par le prĂ©sent arrĂȘt, l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation rejette les pourvois formĂ©s par M. A
 X
, ancien Premier ministre et candidat Ă  l’élection prĂ©sidentielle en 1995, contre trois arrĂȘts avant-dire droit rendus le 21 dĂ©cembre 2017 par la commis-sion d’instruction de la Cour de justice de la RĂ©publique et contre l’arrĂȘt rendu par la mĂȘme commission, le 30 septembre 2019, portant renvoi devant la formation de jugement de ladite Cour, et non-lieu partiel.

Il est reprochĂ© Ă  M. X
, en qualitĂ© de complice et de receleur d’abus de biens sociaux, d’avoir participĂ© Ă  la mise en place d’un rĂ©seau d’intermĂ©diaires venu se greffer sur des contrats d’armement conclus avec l’Arabie saoudite et le Pakistan, gĂ©nĂ©rant des rĂ©tro-com-missions ayant pu alimenter sa campagne Ă©lectorale prĂ©sidentielle.

Seules les principales questions juridiques discutĂ©es font l’objet de la prĂ©sente notice.

Le premier moyen portait sur l’arrĂȘt no 1, rendu le 21 dĂ©cembre 2017, par lequel la commission d’instruction avait rejetĂ© la demande de nullitĂ© de procĂ©dure prise de ce que les juges de droit commun se seraient dessaisis tardivement de la procĂ©dure alors qu’appa-raissaient dĂ©jĂ  des Ă©lĂ©ments mettant en cause le Premier ministre.

L’assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation n’a pas suivi le demandeur dans la compa-raison qu’il Ă©tablissait avec la procĂ©dure des anciens articles 679 Ă  688 du code de procĂ©dure pĂ©nale, dite des « privilĂšges de juridiction », dont la portĂ©e Ă©tait profondĂ©ment diffĂ©rente.

Elle rappelle que non seulement le dessaisissement au profit de la Cour de justice de la RĂ©publique ne peut avoir lieu que lorsqu’un ministre est mis en cause, mais encore lorsqu’il est Ă©tabli que les faits, Ă  les supposer avĂ©rĂ©s, auraient Ă©tĂ© commis dans le cadre de ses fonc-tions ministĂ©rielles.

Un tel dessaisissement ne peut ĂȘtre envisagĂ© qu’aprĂšs qu’il a Ă©tĂ© instruit sur ces cri-tĂšres de compĂ©tence et l’analyse de la commission d’instruction est confirmĂ©e sur ce point.

Le deuxiĂšme moyen portait sur l’arrĂȘt no 2, datĂ© du mĂȘme jour, par lequel la commis-sion d’instruction avait dit n’y avoir lieu Ă  annulation de la mise en examen de M. X
. Le moyen faisait valoir que la commission d’instruction n’aurait pas dĂ» statuer, pour apprĂ©cier cette nullitĂ©, dans la mĂȘme composition que celle ayant ordonnĂ© la mise en examen. La ques-tion de violation de l’impartialitĂ© soulevĂ©e ne touchait pas la personne des magistrats mais la procĂ©dure prĂ©vue par l’article 23 de la loi organique no 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la RĂ©publique.

En rĂ©ponse, l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre rappelle que ce sont les dispositions expresses de l’ar-ticle 23 de la loi organique no 93-1252 du 23 novembre 1993 prĂ©citĂ©e qui prĂ©voient que la commission d’instruction de la Cour de justice de la RĂ©publique statue sur les nullitĂ©s de la procĂ©dure, un pourvoi pouvant ĂȘtre formĂ© devant la Cour de cassation, ayant, en la matiĂšre, pleine compĂ©tence pour statuer en fait et en droit, de sorte que ces dispositions ne mĂ©connaissent pas les garanties de l’article 6, § 1, de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme.

L’assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation avait rendu un arrĂȘt dans le mĂȘme sens le 6 juin 2003 (Ass. plĂ©n., 6 juin 2003, pourvois no 01-87.092 et no 03-80.734, Bull. crim. 2003, Ass. plĂ©n., no 2).

Le troisiĂšme moyen critiquait l’arrĂȘt no 3, Ă©galement rendu le 21 dĂ©cembre 2017. Il invoquait, dans une premiĂšre branche, l’impossibilitĂ© pour la commission d’instruction

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

de rĂ©pondre dans la mĂȘme composition que celle ayant statuĂ© en 2016 sur la mĂȘme ques-tion. La Cour de cassation rappelle que la premiĂšre dĂ©cision rendue sur la prescription de l’action publique, par la commission d’instruction de la Cour de justice de la RĂ©publique, n’avait pas autoritĂ© de la chose jugĂ©e Ă  l’égard de M. X
.

Le demandeur prĂ©tendait, dans le cadre de ce moyen (et du quatriĂšme qui en constituait la consĂ©quence), que la prescription de l’action publique Ă©tait acquise dĂšs lors que le contrĂŽle par le Conseil constitutionnel des comptes de campagne Ă©tait exclusif de toute dissimulation.

Mais le fait de faire figurer certaines sommes dans les recettes de campagne du candi-dat n’excluait pas la dissimulation de leur origine. À l’époque des faits, le Conseil consti-tutionnel n’avait ni la mission ni les pouvoirs d’ordonner des investigations sur ce point.

En consĂ©quence, le point de dĂ©part de la prescription de l’action publique avait pu ĂȘtre fixĂ© par la commission d’instruction au jour de la dĂ©couverte, en septembre 2006, d’un rap-port attestant de l’existence de rĂ©tro-commissions ayant pu bĂ©nĂ©ficier Ă  la campagne prĂ©-sidentielle de M. X
.

Peu importe, Ă  cet Ă©gard, que des membres du Conseil constitutionnel aient, Ă  des dates postĂ©rieures, fait Ă©tat de leur connaissance de l’existence d’irrĂ©gularitĂ©s.

Peu importe, encore, que certaines autoritĂ©s qui auraient dĂ» dĂ©noncer les faits en appli-cation de l’article 40 du code de procĂ©dure pĂ©nale ne l’aient pas fait, dĂšs lors que c’est leur seule connaissance par le ministĂšre public, dans des conditions permettant la mise en Ɠuvre de l’action publique, qui constitue le point de dĂ©part de la prescription.

Le cinquiĂšme moyen et le troisiĂšme moyen, dans l’une de ses branches, arguaient de la violation de l’article 62, alinĂ©a 3, de la Constitution du 4 octobre 1958, qui Ă©nonce que les dĂ©cisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux pouvoirs publics et Ă  toutes les autoritĂ©s administratives et juridictionnelles.

AprĂšs avoir admis que cette disposition s’applique aux dĂ©cisions rendues par le Conseil constitutionnel dans le domaine particulier des comptes de campagne, l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation se livre Ă  un examen de l’objet du contrĂŽle exercĂ© en cette occa-sion par le Conseil.

En effet, l’autoritĂ© dite absolue de la chose jugĂ©e des dĂ©cisions du Conseil constitution-nel est circonscrite Ă  son objet.

Or la dĂ©cision du Conseil constitutionnel validant les comptes de campagne a un objet diffĂ©rent de celui des investigations menĂ©es par l’autoritĂ© judiciaire sur des dĂ©lits autres que les dĂ©lits Ă©lectoraux prĂ©vus par l’article L. 113-1 du code Ă©lectoral, sanctionnant l’absence de respect des obligations visĂ©es par ce texte et imposĂ©es Ă  un candidat. Aussi n’empĂȘche-t-elle pas le juge de procĂ©der Ă  de telles investigations.

Telles sont les questions juridiques que l’assemblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation a tranchĂ©es Ă  l’occasion des prĂ©sents pourvois.

B. Chambre mixte

Aucun arrĂȘt en chambre mixte publiĂ© au Rapport en 2020.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit des personnes et de la famille

III. ARRÊTS RENDUS PAR LES CHAMBRES

A. Droit des personnes et de la famille

1. État civil et filiation

Filiation – Filiation naturelle – Reconnaissance – Cas – Homme devenu femme qui procrĂ©e avec son Ă©pouse au moyen de ses gamĂštes mĂąles aprĂšs modification de la mention de son sexe dans les actes de l’état civil – Effets1re Civ., 16 septembre 2020, pourvois no 18-50.080 et no 19-11.251, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Le Cotty et avis de Mme Caron-DegliseEn l’état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, aprĂšs la modification de la mention de son sexe dans les actes de l’état civil, procrĂ©e avec son Ă©pouse au moyen de ses gamĂštes mĂąles n’est pas privĂ©e du droit de faire reconnaĂźtre un lien de filiation biologique avec l’enfant, mais ne peut le faire qu’en ayant recours aux modes d’établissement de la filiation rĂ©servĂ©s au pĂšre.Ces dispositions du droit national sont conformes Ă  l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de l’enfant, d’une part, en ce qu’elles permettent l’établissement d’un lien de filiation Ă  l’égard de ses deux parents, Ă©lĂ©ment essentiel de son identitĂ© et qui correspond Ă  la rĂ©alitĂ© des conditions de sa conception et de sa naissance, garantissant ainsi son droit Ă  la connaissance de ses origines personnelles, d’autre part, en ce qu’elles confĂšrent Ă  l’enfant nĂ© aprĂšs la modification de la mention du sexe de son parent Ă  l’état civil la mĂȘme filiation que celle de ses frĂšre et sƓur nĂ©s avant cette modification, Ă©vitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres seront Ă©levĂ©s par deux mĂšres, tout en ayant Ă  l’état civil l’indication d’une filiation paternelle Ă  l’égard de leur gĂ©niteur, laquelle n’est au demeurant pas rĂ©vĂ©lĂ©e aux tiers dans les extraits d’actes de naissance qui leur sont communiquĂ©s.

En ce qu’elles permettent, par la reconnaissance de paternitĂ©, l’établissement d’un lien de filiation conforme Ă  la rĂ©alitĂ© biologique entre l’enfant et la personne transgenre – homme devenu femme â€“ l’ayant conçu, ces dispositions concilient l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de l’enfant et le droit au respect de la vie privĂ©e et familiale de cette personne, droit auquel il n’est pas portĂ© une atteinte disproportionnĂ©e, au regard du but lĂ©gitime pour-suivi, dĂšs lors qu’en ce qui la concerne celle-ci n’est pas contrainte par lĂ  mĂȘme de renoncer Ă  l’identitĂ© de genre qui lui a Ă©tĂ© reconnue.Enfin, ces dispositions ne crĂ©ent pas de discrimination entre les femmes selon qu’elles ont ou non donnĂ© naissance Ă  l’enfant, dĂšs lors que la mĂšre ayant accouchĂ© n’est pas placĂ©e dans la mĂȘme situation que la femme transgenre ayant conçu l’enfant avec un appareil reproductif masculin et n’ayant pas accouchĂ©.C’est en consĂ©quence Ă  bon droit et sans mĂ©connaĂźtre les exigences conventionnelles qu’une cour d’appel constate l’impossible Ă©tablissement d’une double filiation de nature maternelle pour l’enfant, en prĂ©sence d’un refus de l’adoption intraconjugale, et rejette la demande de transcription, sur les registres de l’état civil, de la reconnaissance de maternitĂ© antĂ©natale Ă©tablie par l’épouse de la mĂšre.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

L’affaire soumise Ă  la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation concernait une personne transgenre homme devenu femme, qui, ayant conservĂ© ses organes repro-ductifs masculins, avait conçu un enfant avec son Ă©pouse.

Cette personne Ă©tait mariĂ©e Ă  une femme, avec qui elle avait dĂ©jĂ  eu, avant la modi-fication de la mention relative Ă  son sexe dans les actes de l’état civil, deux enfants dont elle Ă©tait le pĂšre.

Cependant, Ă©tant dĂ©sormais une femme Ă  l’état civil, elle souhaitait ĂȘtre reconnue comme mĂšre du troisiĂšme enfant, nĂ© aprĂšs la modification de la mention relative Ă  son sexe dans les actes de l’état civil. Elle demandait donc la transcription, sur l’acte de nais-sance de celui-ci, de sa reconnaissance de maternitĂ© antĂ©natale.

La cour d’appel avait rejetĂ© sa demande de transcription, mais avait estimĂ© que le droit au respect de sa vie privĂ©e ainsi que l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de l’enfant imposaient de la dĂ©signer comme « parent biologique » dans l’acte de naissance de l’enfant.

L’intĂ©ressĂ©e avait formĂ© un pourvoi, reprochant Ă  l’arrĂȘt attaquĂ© d’avoir rejetĂ© sa demande et d’avoir ordonnĂ© la mention « parent biologique » dans l’acte de naissance. Le procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la cour d’appel avait Ă©galement formĂ© un pourvoi, mais qui n’était dirigĂ© que contre le chef de dispositif de l’arrĂȘt relatif Ă  la mention « parent bio-logique » dans l’acte de naissance de l’enfant.

S’agissant de la demande de la requĂ©rante relative Ă  sa dĂ©signation comme mĂšre dans l’acte de naissance de l’enfant, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation a constatĂ© l’existence d’un vide juridique. En effet, si la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siĂšcle, qui a rĂ©glementĂ© les conditions de la modifi-cation de la mention du sexe dans les actes de l’état civil, a prĂ©vu que celle-ci Ă©tait sans effet sur les filiations Ă©tablies avant cette modification (article 61-8 du code civil), elle n’a pas prĂ©cisĂ© le mode d’établissement de la filiation des enfants nĂ©s ultĂ©rieurement.

Face Ă  ce vide juridique, la premiĂšre chambre civile s’est rĂ©fĂ©rĂ©e aux dispositions relatives Ă  l’établissement de la filiation non adoptive, prĂ©vues au titre VII du livre Ier du code civil, et a constatĂ© que la loi française ne permettait pas, en l’état, l’établisse-ment de deux filiations maternelles, hors adoption. Lorsque la filiation est de nature « charnelle » ou « biologique » – ce qui Ă©tait le cas ici â€“ et que l’enfant a dĂ©jĂ  une mĂšre, il ne peut avoir comme second parent qu’un pĂšre.

On relĂšvera Ă  cet Ă©gard que, mĂȘme si le projet de loi relatif Ă  la bioĂ©thique, en cours d’examen au Parlement, est adoptĂ©, ouvrant ainsi la voie Ă  une double filiation maternelle ab initio, hors adoption, celle-ci sera encadrĂ©e et limitĂ©e aux hypothĂšses de recours Ă  l’assistance mĂ©dicale Ă  la procrĂ©ation avec tiers donneur. Au jour oĂč la Cour de cassation a statuĂ© sur ces pourvois, aucune disposition du projet de loi ne rĂ©gissait la filiation de l’enfant nĂ© d’une personne transgenre, les amendements parlementaires dĂ©posĂ©s en ce sens ayant Ă©tĂ© rejetĂ©s ou retirĂ©s.

La premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation a toutefois considĂ©rĂ© que, dĂšs lors que cette filiation reposait sur une rĂ©alitĂ© biologique qui n’était pas contestĂ©e en l’espĂšce, elle devait pouvoir ĂȘtre Ă©tablie par une reconnaissance de paternitĂ©. Elle a donc jugĂ© que, si la reconnaissance de maternitĂ© ne pouvait ĂȘtre transcrite, le lien de filiation de l’enfant pouvait ĂȘtre Ă©tabli par une reconnaissance de paternitĂ© : « en l’état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, aprĂšs la modification de

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit des personnes et de la famille

la mention de son sexe dans les actes de l’état civil, procrĂ©e avec son Ă©pouse au moyen de ses gamĂštes mĂąles, n’est pas privĂ©e du droit de faire reconnaĂźtre un lien de filiation biologique avec l’enfant, mais ne peut le faire qu’en ayant recours aux modes d’établis-sement de la filiation rĂ©servĂ©s au pĂšre » (§ 18).

Dans ces conditions, le rejet de la demande n’est pas apparu comme Ă©tant de nature Ă  porter une atteinte excessive ou disproportionnĂ©e au droit au respect de la vie privĂ©e de la requĂ©rante et Ă  l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de l’enfant, au regard du but lĂ©gitime poursuivi par la lĂ©gislation, Ă  savoir, la sĂ©curitĂ© juridique et la prĂ©vention des conflits de filiation.

En effet, d’une part, l’enfant peut voir sa filiation Ă©tablie Ă  l’égard de ses deux parents et cette filiation correspond Ă  la rĂ©alitĂ© des conditions de sa conception et de sa nais-sance, garantissant ainsi son droit Ă  la connaissance de ses origines personnelles.

D’autre part, l’enfant nĂ© aprĂšs la modification de la mention du sexe de son parent Ă  l’état civil a la mĂȘme filiation que celle de ses frĂšre et sƓur, nĂ©s avant cette modifica-tion, ce qui Ă©vite les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres sont Ă©levĂ©s par deux mĂšres, tout en ayant Ă  l’état civil l’indication d’une filiation paternelle Ă  l’égard de leur gĂ©niteur, Ă©tant prĂ©cisĂ© que cette filiation n’est pas rĂ©vĂ©lĂ©e aux tiers dans les extraits d’actes de naissance qui leur sont communiquĂ©s.

Cette solution concilie Ă©galement l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de l’enfant et le droit au res-pect de la vie privĂ©e et familiale de la personne transgenre, droit auquel il n’est pas portĂ© une atteinte disproportionnĂ©e, au regard du but lĂ©gitime poursuivi, dĂšs lors qu’en ce qui la concerne, celle-ci n’est pas contrainte, par lĂ  mĂȘme, de renoncer Ă  l’identitĂ© de genre qui lui a Ă©tĂ© reconnue.

Enfin, ces dispositions ne crĂ©ent pas de discrimination entre les femmes selon qu’elles ont ou non donnĂ© naissance Ă  l’enfant, dĂšs lors que la mĂšre ayant accouchĂ© n’est pas placĂ©e dans la mĂȘme situation que la femme transgenre ayant conçu l’enfant avec un appareil reproductif masculin et n’ayant pas accouchĂ©.

L’arrĂȘt de la cour d’appel a en revanche Ă©tĂ© censurĂ© sur le pourvoi du procureur gĂ©nĂ©-ral, la loi française ne permettant pas de dĂ©signer, dans les actes de l’état civil, le pĂšre ou la mĂšre de l’enfant comme « parent biologique ». Cette dĂ©cision est, en quelque sorte, le pendant, en matiĂšre de filiation, de l’arrĂȘt du 4 mai 2017 dans lequel la Cour de cas-sation a Ă©noncĂ© que la loi française ne permettait pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou fĂ©minin (1re Civ., 4 mai 2017, pourvoi no 16-17.189, Bull. 2017, I, no 101).

En tout Ă©tat de cause, une telle mention, rĂ©vĂ©latrice en elle-mĂȘme de la transiden-titĂ© de l’intĂ©ressĂ©e, ne serait pas de nature Ă  garantir le droit au respect de sa vie privĂ©e.

2. Données à caractÚre personnel

Protection des droits de la personne – Informatique et libertĂ©s (loi du 6 jan-vier 1978) â€“ Traitement de donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel – DonnĂ©es Ă  carac-tĂšre personnel â€“ Qualification – Applications diverses â€“ Adresses IP – Collecte par l’exploitation d’un fichier de journalisation â€“ PortĂ©e

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Soc., 25 novembre 2020, pourvoi no 17-19.523, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Richard et avis de Mme Trassoudaine-VergerEn application des articles 2 et 22 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiĂ©e par la loi no 2004-801 du 6 aoĂ»t 2004, dans sa version antĂ©rieure Ă  l’entrĂ©e en vigueur du RĂ©glement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es, les adresses IP, qui permettent d’iden-tifier indirectement une personne physique, sont des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel, au sens de l’article 2 susvisĂ©, de sorte que leur collecte par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel et doit faire l’objet d’une dĂ©claration prĂ©alable auprĂšs de la Commission nationale de l’informatique et des libertĂ©s en application de l’article 23 de la loi prĂ©citĂ©e.En application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, l’illicĂ©itĂ© d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiĂ©e par la loi no 2004-801 du 6 aoĂ»t 2004, dans sa version antĂ©rieure Ă  l’entrĂ©e en vigueur du RĂ©glement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es, n’entraĂźne pas nĂ©cessairement son rejet des dĂ©bats, le juge devant apprĂ©cier si l’utilisation de cette preuve a portĂ© atteinte au caractĂšre Ă©quitable de la procĂ©dure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du sala-riĂ© et le droit Ă  la preuve, lequel peut justifier la production d’élĂ©ments portant atteinte Ă  la vie personnelle d’un salariĂ© Ă  la condition que cette production soit indispensable Ă  l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnĂ©e au but poursuivi.

Encourt la cassation l’arrĂȘt qui Ă©nonce que les logs, fichiers de journalisation et adresses IP ne sont pas soumis Ă  une dĂ©claration Ă  la CNIL, ni ne doivent faire l’objet d’une informa-tion du salariĂ© en sa qualitĂ© de correspondant informatique et libertĂ©s lorsqu’ils n’ont pas pour vocation premiĂšre le contrĂŽle des utilisateurs, alors que la collecte des adresses IP par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de donnĂ©es Ă  carac-tĂšre personnel au sens de l’article 2 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 susvisĂ©e et est soumise aux formalitĂ©s prĂ©alables Ă  la mise en Ɠuvre de tels traitements prĂ©vues au chapitre IV de ladite loi, ce dont il rĂ©sulte que la preuve Ă©tait illicite et les dispositions des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des liber-tĂ©s fondamentales invocables.

Dans cet arrĂȘt la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce pour la pre-miĂšre fois sur la question de savoir si une adresse IP (Internet protocol) et des fichiers de journalisation constituent des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel dont le traitement doit faire l’objet d’une dĂ©claration prĂ©alable Ă  la Commission nationale de l’informatique et des libertĂ©s (CNIL) selon les articles 2 et 22 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative Ă  l’informatique, aux fichiers et aux libertĂ©s modifiĂ©e par la loi no 2004-801 du 6 aoĂ»t 2004 relative Ă  la protection des personnes physiques Ă  l’égard des traitements de donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel, antĂ©rieurement Ă  l’entrĂ©e en vigueur du RĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es (RGPD).

Les faits Ă©taient les suivants :

Un salariĂ© de l’AFP (Agence France-Presse), Ă©galement correspondant informa-tique et libertĂ©s au sein de l’agence, est licenciĂ© pour faute grave, pour avoir adressĂ© Ă  une entreprise cliente, et en mĂȘme temps concurrente de l’AFP, cinq demandes de ren-seignements par voie Ă©lectronique en usurpant l’identitĂ© de sociĂ©tĂ©s clientes.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit des personnes et de la famille

L’AFP Ă©tablit les faits reprochĂ©s au moyen d’un constat d’huissier et d’un expert informatique qui identifient, grĂące Ă  l’exploitation des fichiers de journalisation conservĂ©s sur ses serveurs, l’adresse IP Ă  partir de laquelle les messages litigieux ont Ă©tĂ© envoyĂ©s, comme Ă©tant celle de ce salariĂ©.

Estimant qu’une dĂ©claration prĂ©alable de l’utilisation des fichiers de journalisa-tion et adresses IP n’était pas nĂ©cessaire, la cour d’appel a jugĂ© le licenciement justifiĂ©.

La chambre sociale de la Cour de cassation dĂ©cide que, dans la mesure oĂč les adresses IP permettent d’identifier indirectement une personne physique, comme l’avait Ă©galement retenu la premiĂšre chambre civile (1re Civ., 3 novembre 2016, pour-voi no 15-22.595, Bull. 2016, I, no 206), il s’agit bien de donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel au sens de l’article 2 de la loi prĂ©citĂ©e. Elle juge aussi que leur collecte par l’exploitation d’un fichier de journalisation constitue un traitement de donnĂ©es Ă  caractĂšre person-nel qui doit faire l’objet de la dĂ©claration prĂ©alable prĂ©vue Ă  l’article 23 de la mĂȘme loi.

L’arrĂȘt marque Ă©galement une Ă©volution de la chambre sociale quant Ă  sa jurispru-dence relative Ă  l’illicĂ©itĂ© d’une preuve obtenue au moyen de donnĂ©es qui auraient dĂ» faire l’objet d’une dĂ©claration auprĂšs de la CNIL.

Il Ă©tait en effet jugĂ© par la chambre sociale qu’une telle preuve devait dans tous les cas ĂȘtre rejetĂ©e des dĂ©bats, de sorte que, si la faute Ă  l’origine du licenciement n’était Ă©tablie qu’au moyen de cette preuve illicite, le licenciement se trouvait nĂ©cessairement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse (Soc., 8 octobre 2014, pourvoi no 13-14.991, Bull. 2014, V, no 230).

Dans le prĂ©sent arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation admet que l’illi-cĂ©itĂ© d’un tel moyen de preuve n’entraĂźne pas systĂ©matiquement son rejet, invitant le juge du fond Ă  rechercher dans le cadre d’un contrĂŽle de proportionnalitĂ© si l’atteinte portĂ©e Ă  la vie personnelle du salariĂ© par une telle production est justifiĂ©e au regard du droit Ă  la preuve de l’employeur. Elle prĂ©cise par ailleurs que cette production doit ĂȘtre indispensable et non plus seulement nĂ©cessaire Ă  l’exercice de ce droit.

En effet la chambre sociale avait dĂ©jĂ  admis que le droit Ă  la preuve puisse justifier la production d’élĂ©ments portant atteinte Ă  la vie personnelle du salariĂ© Ă  condition que cette production soit nĂ©cessaire Ă  l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnĂ©e au but poursuivi (Soc., 9 novembre 2016, pourvoi no 15-10.203, Bull. 2016, V, no 209).

La conception civiliste de la protection de la vie privĂ©e a ainsi Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă  la chambre sociale par la rĂ©fĂ©rence Ă  la vie personnelle du salariĂ©, par opposition Ă  sa vie professionnelle, notamment dans le cadre de la surveillance des correspondances et communications non professionnelles des employĂ©s. Il s’agit alors de protĂ©ger la libertĂ© individuelle du salariĂ© sur son lieu de travail et de dĂ©finir le pouvoir de direc-tion de l’employeur.

Le prĂ©sent arrĂȘt s’inspire Ă©galement des dĂ©cisions rendues par la Cour europĂ©enne des droits de l’homme au regard des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, et notamment des arrĂȘts Bărbulescu (CEDH, arrĂȘt du 5 septembre 2017, Bărbulescu c. Roumanie, no 61496/08) et LĂłpez Ribalda (CEDH, arrĂȘt du 17 octobre 2019, LĂłpez Ribalda et autres c. Espagne, no 1874/13 et no 8567/13) qui ont admis, sur le fondement du droit au procĂšs Ă©quitable et du droit

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Ă  la preuve qui en dĂ©coule, des moyens de preuve obtenus au dĂ©triment du droit Ă  la vie privĂ©e instituĂ© par l’article 8 de la Convention ou en violation du droit interne.

Dans l’arrĂȘt Bărbulescu, la Cour de Strasbourg a ainsi dĂ©fini un certain nombre de critĂšres auxquels les mesures de contrĂŽle de la correspondance et des communications des employĂ©s doivent se conformer pour permettre d’apprĂ©cier le caractĂšre propor-tionnĂ© de l’atteinte ainsi portĂ©e Ă  la vie privĂ©e. Ces critĂšres doivent ĂȘtre appliquĂ©s par les juges des États signataires.

Enfin, l’arrĂȘt de la chambre sociale rappelle les dispositions de l’article 13, g), de la directive 95/46/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 24 octobre 1995 relative Ă  la protection des personnes physiques Ă  l’égard du traitement des donnĂ©es Ă  carac-tĂšre personnel et Ă  la libre circulation de ces donnĂ©es, antĂ©rieure au RĂšglement gĂ©nĂ©-ral sur la protection des donnĂ©es, qui prĂ©voyaient que les États membres pouvaient prendre des mesures lĂ©gislatives visant Ă  limiter la portĂ©e des obligations et des droits relatifs au traitement des donnĂ©es personnelles lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nĂ©cessaire non seulement pour sauvegarder la protection de la personne concernĂ©e, mais Ă©galement les droits et libertĂ©s d’autrui.

3. Protection des consommateurs

Protection des consommateurs – IntĂ©rĂȘts – Taux – Taux effectif global – Mention – Mention erronĂ©e – Erreur supĂ©rieure Ă  la dĂ©cimale – Sanction – DĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts du prĂȘteur dans la proportion fixĂ©e par le juge1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi no 18-24.287, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Champ et avis de M. SudreAyant relevĂ© que le taux effectif global Ă©tait erronĂ© dans l’écrit constatant le contrat de prĂȘt, faute d’inclusion du taux de cotisation mensuelle d’assurance rĂ©ellement prĂ©levĂ©, et fait ressortir que l’erreur commise Ă©tait supĂ©rieure Ă  la dĂ©cimale prescrite par l’ar-ticle R. 313-1 du code de la consommation, une cour d’appel retient, Ă  bon droit, que la sanction de l’erreur affectant le taux effectif global est la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©-rĂȘts de la banque dans la proportion fixĂ©e par le juge.

L’affaire soumise Ă  la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation posait la question de la sanction encourue par le prĂȘteur en cas d’erreur relative Ă  un taux effec-tif global mentionnĂ© dans un Ă©crit constatant un contrat de prĂȘt.

Selon l’article L. 313-2, alinĂ©a 1, du code de la consommation, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  celle issue de l’ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 relative Ă  la partie lĂ©gislative du code de la consommation, le taux effectif global doit ĂȘtre mentionnĂ© dans tout Ă©crit constatant un contrat de prĂȘt.

En l’absence de sanction prĂ©vue par la loi, exception faite de l’offre de prĂȘt immo-bilier et du crĂ©dit Ă  la consommation, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cas-sation a retenu qu’en application des articles 1907 du code civil et L. 313-2, alinĂ©a 1, prĂ©citĂ©, l’inexactitude de la mention du taux effectif global dans l’écrit constatant tout contrat de prĂȘt, comme l’omission de la mention de ce taux, qui privent l’emprunteur d’une information sur son coĂ»t, emportent l’annulation de la clause stipulant l’intĂ©rĂȘt conventionnel et la substitution Ă  celui-ci de l’intĂ©rĂȘt lĂ©gal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit des personnes et de la famille

no 80-12.903, Bull. 1981, I, no 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi no 13-16.555, Bull. 2014, I, no 165).

Il est, en effet, apparu qu’instituĂ©e Ă  l’origine pour vĂ©rifier si le taux d’intĂ©rĂȘt pra-tiquĂ© par l’établissement prĂȘteur ne prĂ©sentait pas un caractĂšre usuraire, l’obligation de mentionner le taux effectif global dans l’écrit constatant tout contrat de prĂȘt Ă©tait de nature Ă  assurer la bonne information de l’emprunteur sur le coĂ»t de celui-ci. La substitution du taux lĂ©gal au taux contractuel a donc Ă©tĂ© retenue au visa, tant de l’ar-ticle 1907 du code civil que des dispositions du code de la consommation.

Toutefois, cette sanction, qui n’est pas susceptible de modĂ©ration par le juge, ne permettait la prise en considĂ©ration ni de la gravitĂ© du manquement commis par le prĂȘteur ni du prĂ©judice subi par l’emprunteur, la jurisprudence selon laquelle la subs-titution de taux n’est pas encourue lorsque le taux effectif global est infĂ©rieur Ă  celui mentionnĂ© (1re Civ., 12 octobre 2016, pourvoi no 15-25.034, Bull. 2016, I, no 194) ou lorsque l’écart entre le taux stipulĂ© dans le contrat de prĂȘt et le taux rĂ©el est infĂ©rieur Ă  la dĂ©cimale (1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi no 15-24.607, Bull. 2017, I, no 21 ; Com., 18 mai 2017, pourvoi no 16-11.147, Bull. 2017, IV, no 75) n’attĂ©nuant que marginale-ment l’automaticitĂ© de la sanction.

Il rĂ©sulte, par ailleurs, de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de dĂ©faut ou d’erreur du taux effectif global, qui gĂ©nĂ©ralise la sanction jusqu’alors applicable en cas d’irrĂ©gularitĂ© affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crĂ©dit immobilier, qu’en cas de dĂ©faut de men-tion ou de mention erronĂ©e du taux effectif global dans un Ă©crit constatant un contrat de prĂȘt, le prĂȘteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intĂ©rĂȘt convention-nel, mais peut ĂȘtre dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge, au regard notamment du prĂ©judice subi par l’emprunteur.

C’est en considĂ©ration de ces Ă©lĂ©ments que, dans les contrats souscrits antĂ©rieu-rement Ă  l’entrĂ©e en vigueur de l’ordonnance prĂ©citĂ©e, il est apparu justifiĂ© d’unifor-miser le rĂ©gime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prĂȘt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel Ă©crit, le prĂȘteur peut ĂȘtre dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge.

La premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation, saisie Ă  nouveau de la question de la sanction encourue par le prĂȘteur en cas d’erreur relative Ă  un taux effectif global mentionnĂ© dans un Ă©crit constatant un contrat de prĂȘt, est donc revenue sur la solution adoptĂ©e dans son arrĂȘt, prĂ©citĂ©, du 24 juin 1981 : par arrĂȘt du 10 juin 2020, elle a jugĂ© qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prĂȘt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel Ă©crit, le prĂȘteur peut ĂȘtre dĂ©chu de son droit aux intĂ©rĂȘts dans la proportion fixĂ©e par le juge.

Faisant application de cette nouvelle rĂšgle jurisprudentielle, elle a, dans l’affaire qui lui Ă©tait soumise, approuvĂ© une cour d’appel qui, aprĂšs avoir relevĂ© que le taux effec-tif global Ă©tait erronĂ©, faute d’inclusion du taux de cotisation mensuelle d’assurance rĂ©ellement prĂ©levĂ©, et fait ressortir que l’erreur commise Ă©tait supĂ©rieure Ă  la dĂ©cimale prescrite par l’article R. 313-1 du code de la consommation, a retenu que la sanction de l’erreur affectant le taux effectif global Ă©tait la dĂ©chĂ©ance du droit aux intĂ©rĂȘts de la banque dans la proportion fixĂ©e par le juge.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

La solution ainsi consacrĂ©e permet d’unifier le rĂ©gime des sanctions.

B. Droit du travail

1. Contrat de travail, organisation et exécution du travail

a. Emploi et formation

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

b. Droits et obligations des parties au contrat de travail

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

c. Modification dans la situation juridique de l’employeur

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

d. Contrats et statuts particuliers

Contrat de travail, formation â€“ DĂ©finition – Lien de subordination – ÉlĂ©ments constitutifs – ApprĂ©ciation – CritĂšresSoc., 4 mars 2020, pourvoi no 19-13.316, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme ValĂ©ry et avis de Mme Courcol-BouchardLe lien de subordination est caractĂ©risĂ© par l’exĂ©cution d’un travail sous l’autoritĂ© d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrĂŽler l’exĂ©-cution et de sanctionner les manquements de son subordonnĂ©. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisĂ© lorsque l’employeur en dĂ©termine unilatĂ©ralement les conditions d’exĂ©cution.Justifie lĂ©galement sa dĂ©cision une cour d’appel qui, pour qualifier de contrat de travail la relation entre un chauffeur VTC et la sociĂ©tĂ© utilisant une plate-forme numĂ©rique et une application afin de mettre en relation des clients et des chauffeurs exerçant sous le statut de travailleur indĂ©pendant, retient : 1o) que ce chauffeur a intĂ©grĂ© un service de prestation de transport crĂ©Ă© et entiĂšrement organisĂ© par cette sociĂ©tĂ©, service qui n’existe que grĂące Ă  cette plate-forme, Ă  travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientĂšle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa pres-tation de transport, 2o) que le chauffeur se voit imposer un itinĂ©raire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquĂ©es si le chauf-feur ne suit pas cet itinĂ©raire, 3o) que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut rĂ©ellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indĂ©pendant, la course qui lui convient ou non, 4o) que la sociĂ©tĂ© a la facultĂ© de dĂ©connecter temporairement le chauffeur de son application Ă  partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accĂšs Ă  son compte en cas de dĂ©passe-ment d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail

problĂ©matiques », et dĂ©duit de l’ensemble de ces Ă©lĂ©ments l’exĂ©cution d’un travail sous l’autoritĂ© d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrĂŽler l’exĂ©cution et de sanctionner les manquements et que, dĂšs lors, le statut de travailleur indĂ©pendant du chauffeur Ă©tait fictif.

Cette dĂ©cision est la seconde que la chambre sociale de la Cour de cassation rend Ă  propos des travailleurs des plates-formes, aprĂšs l’arrĂȘt prononcĂ© dans l’affaire Take Eat Easy (Soc., 28 novembre 2018, pourvoi no 17-20.079, publiĂ© au Bulletin).

La sociĂ©tĂ© Uber BV utilise une plate-forme numĂ©rique et une application afin de mettre en relation avec des clients, en vue d’un transport urbain, des chauffeurs VTC (vĂ©hicule de tourisme avec chauffeur) exerçant leur activitĂ© sous un statut d’indĂ©pendant.

Un chauffeur, aprĂšs la clĂŽture dĂ©finitive de son compte par la sociĂ©tĂ© Uber BV, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la relation contrac-tuelle en contrat de travail. La cour d’appel, par un arrĂȘt infirmatif, a jugĂ© que le contrat de partenariat signĂ© par le chauffeur et la sociĂ©tĂ© Uber BV s’analysait en un contrat de travail et a renvoyĂ© l’affaire devant le conseil de prud’hommes afin qu’il statue au fond sur les demandes du chauffeur au titre de rappel d’indemnitĂ©s, de rappel de salaires, de dommages-intĂ©rĂȘts pour non-respect des durĂ©es maximales de travail, de travail dissi-mulĂ© et licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.

Selon une jurisprudence Ă©tablie, l’existence d’une relation de travail salariĂ©e ne dĂ©pend ni de la volontĂ© exprimĂ©e par les parties ni de la dĂ©nomination qu’elles ont donnĂ©e Ă  leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercĂ©e l’ac-tivitĂ© professionnelle (Soc., 17 avril 1991, pourvoi no 88-40.121, Bull. 1991, V, no 200 ; Soc., 19 dĂ©cembre 2000, pourvoi no 98-40.572, Bull. 2000, V, no 437 ; Soc., 9 mai 2001, pourvoi no 98-46.158, Bull. 2001, V, no 155).

La Cour de cassation en a dĂ©duit, dans l’arrĂȘt Take Eat Easy prĂ©citĂ©, que les dis-positions de l’article L. 8221-6 du code du travail selon lesquelles les personnes phy-siques, dans l’exĂ©cution de l’activitĂ© donnant lieu Ă  immatriculation sur les registres ou rĂ©pertoires que ce texte Ă©numĂšre, sont prĂ©sumĂ©es ne pas ĂȘtre liĂ©es avec le donneur d’ordre par un contrat de travail, n’établissent qu’une prĂ©somption simple qui peut ĂȘtre renversĂ©e lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente Ă  l’égard du donneur d’ordre. Cette solution est rĂ©itĂ©rĂ©e dans l’arrĂȘt Uber du 4 mars 2020, ici commentĂ©.

En ce qui concerne le critĂšre du travail salariĂ©, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation est fixĂ©e depuis l’arrĂȘt SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale du 13 novembre 1996 (Soc., 13 novembre 1996, pourvoi no 94-13.187, Bull. 1996, V, no 386) selon lequel « le lien de subordination est caractĂ©risĂ© par l’exĂ©cution d’un travail sous l’autoritĂ© d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrĂŽler l’exĂ©-cution et de sanctionner les manquements de son subordonnĂ© ; le travail au sein d’un service organisĂ© peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur dĂ©termine unilatĂ©ralement les conditions d’exĂ©cution du travail ».

Dans l’arrĂȘt prononcĂ© le 4 mars 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation a estimĂ© qu’il n’était pas possible de s’écarter de cette dĂ©finition dĂ©sormais traditionnelle et a refusĂ© d’adopter le critĂšre de la dĂ©pendance Ă©conomique suggĂ©rĂ© par certains auteurs.

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En effet, d’une part la Cour de justice de l’Union europĂ©enne, tant sur le terrain de la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’amĂ©nagement du temps de travail que sur celui de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en Ɠuvre de mesures visant Ă  promouvoir l’amĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© des travailleurs au travail, dĂ©cide que la notion de travailleur visĂ©e dans ces deux textes communautaires est une notion autonome, c’est-Ă -dire dĂ©finie par le droit de l’Union europĂ©enne lui-mĂȘme et non pas renvoyĂ©e pour sa dĂ©finition au droit interne de chaque État membre (voir notamment CJUE, arrĂȘt du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires IsĂšre, C-428/09 ; CJUE, arrĂȘt du 7 avril 2011, May, C-519/09 ; CJUE, arrĂȘt du 26 mars 2015, Fenoll, C-316/13 ; voir par ailleurs l’article 3 de la directive 89/391/CEE prĂ©citĂ©e). Or la dĂ©finition donnĂ©e du travailleur par la Cour de justice est semblable Ă  celle de la chambre sociale depuis l’arrĂȘt SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale, c’est-Ă -dire le critĂšre du lien de subor-dination (CJUE, arrĂȘt Fenoll du 26 mars 2015, prĂ©c.).

D’autre part, dans sa dĂ©cision no 2019-794 DC du 20 dĂ©cembre 2019 (Cons. const., 20 dĂ©cembre 2019, dĂ©cision no 2019-794 DC, Loi d’orientation des mobilitĂ©s) par laquelle le Conseil constitutionnel a censurĂ© en partie l’article 44 de la loi d’orientation des mobilitĂ©s en ce qu’il Ă©cartait le pouvoir de requalification par le juge de la relation de travail d’un travailleur de plate-forme en contrat de travail, le Conseil constitution-nel s’est rĂ©fĂ©rĂ© Ă  de multiples reprises au critĂšre de l’état de subordination juridique (voir les points 25 et 28).

Sans modifier en quoi que ce soit la jurisprudence Ă©tablie depuis l’arrĂȘt SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©-rale de 1996, la Cour de cassation a approuvĂ© la cour d’appel d’avoir requalifiĂ© la rela-tion de travail d’un chauffeur de VTC avec la sociĂ©tĂ© Uber BV en contrat de travail.

En effet, le critÚre du lien de subordination se décompose en trois éléments :

– le pouvoir de donner des instructions ;

– le pouvoir d’en contrĂŽler l’exĂ©cution ;

– le pouvoir de sanctionner le non-respect des instructions donnĂ©es.

Quant au travail indĂ©pendant, il se caractĂ©rise par les Ă©lĂ©ments suivants : la possibi-litĂ© de se constituer une clientĂšle propre, la libertĂ© de fixer ses tarifs, la libertĂ© de fixer les conditions d’exĂ©cution de la prestation de service.

Or la cour d’appel a notamment constatĂ© :

1o) que ce chauffeur a intĂ©grĂ© un service de prestation de transport crĂ©Ă© et entiĂš-rement organisĂ© par cette sociĂ©tĂ©, service qui n’existe que grĂące Ă  cette plate-forme, Ă  travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientĂšle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport ;

2o) que le chauffeur se voit imposer un itinĂ©raire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquĂ©es si le chauffeur ne suit pas cet itinĂ©raire ;

3o) que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut rĂ©ellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indĂ©pen-dant, la course qui lui convient ou non ;

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail

4o) que la sociĂ©tĂ© a la facultĂ© de dĂ©connecter temporairement le chauffeur de son application Ă  partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accĂšs Ă  son compte en cas de dĂ©passement d’un taux d’annulation de commandes ou de signa-lements de « comportements problĂ©matiques ».

La Cour de cassation a en consĂ©quence approuvĂ© la cour d’appel d’avoir dĂ©duit de l’ensemble de ces Ă©lĂ©ments l’exĂ©cution d’un travail sous l’autoritĂ© d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrĂŽler l’exĂ©cution et de sanctionner les manquements et d’avoir jugĂ© que, dĂšs lors, le statut de travailleur indĂ©-pendant du chauffeur Ă©tait fictif.

L’existence en l’espĂšce d’un lien de subordination lors des connexions du chauffeur de VTC Ă  l’application Uber est ainsi reconnue, la Cour de cassation ayant exclu de prendre en considĂ©ration le fait que le chauffeur n’a aucune obligation de connexion et qu’aucune sanction n’existe en cas d’absence de connexions quelle qu’en soit la durĂ©e (Ă  la diffĂ©rence de ce qui existait dans l’application Take Eat Easy). En effet, la Cour de justice de l’Union europĂ©enne retient que la qualification de « prestataire indĂ©pen-dant » donnĂ©e par le droit national n’exclut pas qu’une personne doit ĂȘtre qualifiĂ©e de « travailleur », au sens du droit de l’Union, si son indĂ©pendance n’est que fictive, dĂ©gui-sant ainsi une vĂ©ritable relation de travail (CJUE, arrĂȘt du 13 janvier 2004, Allonby, C-256/01, point 71 ; CJUE, arrĂȘt du 4 dĂ©cembre 2014, FNV Kunsten Informatie en Media, C-413/13, point 35) et que le fait qu’aucune obligation ne pĂšse sur les travail-leurs pour accepter une vacation est sans incidence dans le contexte en cause (CJUE, arrĂȘt Allonby du 13 janvier 2004, prĂ©c., point 72).

Tandis qu’un rĂ©gime intermĂ©diaire entre le salariat et les indĂ©pendants existe dans certains États europĂ©ens, comme au Royaume-Uni (le rĂ©gime des « workers », rĂ©gime intermĂ©diaire entre les « employees » et les « independents »), ainsi qu’en Italie (contrats de « collaborazione coordinata e continuativa », « collaborazione a progetto »), le droit français ne connaĂźt que deux statuts, celui d’indĂ©pendant et de travailleur salariĂ©.

e. Transfert du contrat de travail

Contrat de travail, exĂ©cution – Employeur – Modification dans la situation juridique de l’employeur – Continuation du contrat de travail – Conditions – Transfert d’une entitĂ© Ă©conomique autonome – Affectation du salariĂ© – Affectation pour partie Ă  la sociĂ©tĂ© cĂ©dante et pour partie Ă  la sociĂ©tĂ© entrante – Effets – Scission du contrat de travail – Scission au prorata des fonctions exercĂ©es – PossibilitĂ© – DĂ©termination – PortĂ©eSoc., 30 septembre 2020, pourvoi no 18-24.881, publiĂ© au Bulletin, rap-port de Mme Marguerite et avis de Mme LaulomIl rĂ©sulte de l’article L. 1224-1 du code du travail, interprĂ©tĂ© Ă  la lumiĂšre de la direc-tive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que, lorsque le salariĂ© est affectĂ© tant dans le secteur repris, constituant une entitĂ© Ă©conomique autonome conservant son identitĂ© et dont l’activitĂ© est poursuivie ou reprise, que dans un secteur d’activitĂ© non repris, le contrat de travail de ce salariĂ© est transfĂ©rĂ© pour la partie de l’activitĂ© qu’il consacre au secteur cĂ©dĂ©, sauf si la scission du contrat de travail, au prorata des fonc-tions exercĂ©es par le salariĂ©, est impossible, entraĂźne une dĂ©tĂ©rioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Encourt dĂšs lors la cassation l’arrĂȘt qui, aprĂšs avoir retenu que le salariĂ©, consacrant 50 % de son activitĂ© au secteur transfĂ©rĂ©, n’exerçait pas l’essentiel de ses fonctions dans ce secteur, juge que l’ensemble du contrat de travail devait se poursuivre avec le cĂ©dant.

Selon la jurisprudence traditionnelle de la chambre sociale de la Cour de cassation, en raison du caractĂšre d’ordre public de l’article L. 1224-1 du code du travail, lorsqu’un salariĂ© n’exerce qu’une partie de ses fonctions dans le secteur d’activitĂ© faisant l’objet d’un transfert d’entreprise, son contrat de travail est transfĂ©rĂ© pour la partie d’activitĂ© qu’il consacrait Ă  ce secteur (Soc., 22 juin 1993, pourvoi no 90-44.705, Bull. 1993, V, no 171 ; Soc., 2 mai 2001, pourvoi no 99-41.960, Bull. 2001, V, no 145 ; Soc., 9 mars 1994, pourvoi no 92-40.916, Bull. 1994, V, no 83).

Cette jurisprudence avait fait l’objet de critiques doctrinales dĂšs lors qu’elle impo-sait au salariĂ© un changement partiel d’employeur et une division de son contrat de travail en deux contrats Ă  temps partiel.

Dans deux dĂ©cisions, la chambre sociale de la Cour de cassation avait alors attĂ©nuĂ© les effets de sa jurisprudence en retenant un critĂšre d’exĂ©cution pour l’essentiel du contrat de travail de maniĂšre Ă  aboutir soit Ă  un transfert complet du contrat de travail lorsqu’il s’exĂ©cutait pour l’essentiel dans le secteur d’activitĂ© repris (Soc., 30 mars 2010, pour-voi no 08-42.065, Bull. 2010, V, no 78), soit Ă  une absence de tout transfert du contrat de travail lorsque le salariĂ© n’exerçait pas l’essentiel de ses fonctions au sein de l’ac-tivitĂ© reprise (Soc., 21 septembre 2016, pourvoi no 14-30.056, Bull. 2016, V, no 169).

Dans le cas d’espĂšce, la cour d’appel, aprĂšs avoir constatĂ© que la salariĂ©e consacrait 50 % de ses fonctions Ă  l’entitĂ© transfĂ©rĂ©e, a retenu qu’elle n’exerçait pas l’essentiel de ses fonctions au sein de cette entitĂ© et qu’ainsi son contrat de travail ne devait pas ĂȘtre transfĂ©rĂ© pour moitiĂ© au repreneur.

En cours de traitement du pourvoi, la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE), par un arrĂȘt du 26 mars 2020 (CJUE, arrĂȘt du 26 mars 2020, ISS Facility Services, C-344/18), s’est prononcĂ©e pour la premiĂšre fois sur la question de la divi-sion du contrat de travail en prĂ©sence d’un transfert d’entreprise impliquant plu-sieurs cessionnaires, au regard des dispositions de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des lĂ©gislations des États membres rela-tives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établis-sements ou de parties d’entreprises ou d’établissements.

L’hypothĂšse d’un transfert au seul cessionnaire pour lequel le travailleur est conduit Ă  exercer ses fonctions Ă  titre principal est Ă©cartĂ©e par la CJUE car, si elle prĂ©serve les intĂ©rĂȘts du travailleur, elle fait abstraction des intĂ©rĂȘts du cessionnaire (§ 31) et abou-tit Ă  priver d’effet utile la directive. La CJUE relĂšve que le transfert n’a pas pour objet d’amĂ©liorer les conditions de travail des travailleurs (§§ 25 et 26). La CJUE considĂšre alors que le transfert du contrat de travail Ă  chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercĂ©es par le travailleur, permet, en principe, d’assurer un juste Ă©quilibre entre la sauvegarde des intĂ©rĂȘts des travailleurs et la sauvegarde de ceux des cessionnaires (§ 34). Toutefois, la CJUE apporte un tempĂ©rament Ă  cette consĂ©quence en retenant que, si la scission du contrat de travail se rĂ©vĂšle impossible ou entraĂźne une dĂ©tĂ©riora-tion des conditions de travail ou porte atteinte au maintien des droits des travailleurs garantis par la directive, l’éventuelle rĂ©siliation du contrat de travail qui s’ensuivrait

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail

devait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien mĂȘme elle serait intervenue Ă  l’initiative du travailleur (§ 37).

DĂšs lors, aprĂšs avoir rappelĂ© cet arrĂȘt mais Ă©galement l’arrĂȘt du 7 fĂ©vrier 1985 (CJCE, arrĂȘt du 7 fĂ©vrier 1985, Botzen Rotterdamsche Droogdok Maatschappij, C-186/83) de la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes (CJCE), qui retient le critĂšre d’af-fectation du salariĂ© Ă  la partie transfĂ©rĂ©e de l’entreprise pour dĂ©terminer si le contrat de travail d’un salariĂ© est concernĂ© par un transfert d’entreprise, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que, lorsqu’un salariĂ© est affectĂ© tant dans un secteur repris, constituant une entitĂ© Ă©conomique autonome conservant son identitĂ© et dont l’acti-vitĂ© est poursuivie ou reprise, que dans un secteur d’activitĂ© non repris, le principe est celui du transfert du contrat de travail pour la partie de l’activitĂ© que le salariĂ© consacre au secteur cĂ©dĂ©.

Toutefois, la chambre sociale précise que ce principe ne saurait recevoir applica-tion si la scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible, entraßne une détérioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.

DĂšs lors, l’arrĂȘt de la cour d’appel, qui n’avait pas retenu l’existence d’un transfert partiel alors qu’elle avait constatĂ© que la salariĂ©e consacrait 50 % de ses fonctions Ă  l’en-titĂ© transfĂ©rĂ©e, est cassĂ© par la chambre sociale de la Cour de cassation.

Reste pendante la question des consĂ©quences sur le contrat de travail du salariĂ© d’une situation dans laquelle la division du contrat de travail entraĂźnerait une dĂ©tĂ©-rioration des conditions de travail du salariĂ© ou une atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.

f. Coemploi

Contrat de travail, exĂ©cution â€“ Employeur – DĂ©termination – Coemployeurs – Notion – CritĂšres – DĂ©termination – PortĂ©eSoc., 25 novembre 2020, pourvoi no 18-13.769, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Prache et avis de Mme BerriatHors l’existence d’un lien de subordination, une sociĂ©tĂ© faisant partie d’un groupe ne peut ĂȘtre qualifiĂ©e de coemployeur du personnel employĂ© par une autre que s’il existe, au-delĂ  de la nĂ©cessaire coordination des actions Ă©conomiques entre les sociĂ©tĂ©s appar-tenant Ă  un mĂȘme groupe et de l’état de domination Ă©conomique que cette apparte-nance peut engendrer, une immixtion permanente de cette sociĂ©tĂ© dans la gestion Ă©conomique et sociale de la sociĂ©tĂ© employeur, conduisant Ă  la perte totale d’autono-mie d’action de cette derniĂšre.

Par cet arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation dĂ©cide du maintien de la notion de coemploi, dont la question de l’abandon, au profit de la seule responsabi-litĂ© extra-contractuelle de la sociĂ©tĂ© mĂšre, Ă©tait soumise Ă  la formation plĂ©niĂšre (I). La chambre sociale rĂ©affirme cependant le caractĂšre tout Ă  fait exceptionnel du coemploi, en donnant une nouvelle dĂ©finition de ses Ă©lĂ©ments constitutifs (II).

I – Le maintien de la notion de coemploi

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En dehors du coemploi, le droit du travail prend en compte les relations Ă©troites qui unissent l’employeur aux entitĂ©s membres du groupe notamment par l’apprĂ©ciation du motif Ă©conomique des licenciements au niveau du secteur d’activitĂ© du groupe (Soc., 16 novembre 2016, pourvoi no 14-30.063, Bull. 2016, V, no 216), l’obligation de reclasser les salariĂ©s dans le groupe (Soc., 16 novembre 2016, pourvoi no 15-19.927, Bull. 2016, V, no 217), la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi proportionnĂ© aux moyens du groupe (Soc., 16 novembre 2016, pourvoi no 15-15.287, Bull. 2016, V, no 218).

Mais ces rĂšgles ne conduisent pas la sociĂ©tĂ© mĂšre Ă  ĂȘtre dĂ©bitrice d’obligations vis-Ă -vis des salariĂ©s de sa filiale, ce Ă  quoi conduit en revanche le mĂ©canisme du coem-ploi, dont l’objectif premier est de rechercher le vĂ©ritable dĂ©cideur pour lui imputer les effets de ses dĂ©cisions, notamment pour obtenir l’extension de l’obligation de la dette, par l’adjonction d’un autre dĂ©biteur Ă  la crĂ©ance de dommages-intĂ©rĂȘts pour licencie-ment nul ou sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.

En effet, la recherche et la reconnaissance d’un coemployeur n’a pas pour fonc-tion premiĂšre d’indemniser un prĂ©judice, mais constitue une « technique d’imputa-tion d’obligations lĂ©gales ».

Dans son arrĂȘt Lee Cooper (Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 16-22.881, Bull. 2018, V, no 88), la chambre sociale de la Cour de cassation a admis un mĂ©canisme d’imputation directe Ă  la sociĂ©tĂ© mĂšre des dĂ©cisions prĂ©judiciables prises dans le seul intĂ©rĂȘt d’action-naires, en tant que telles fautives, et ayant « concouru Ă  la dĂ©confiture de l’employeur et Ă  la disparition des emplois qui en est rĂ©sultĂ©e ». Elle a ainsi ouvert la voie Ă  la res-ponsabilitĂ© extra-contractuelle des sociĂ©tĂ©s mĂšre et grand-mĂšre, et Ă  l’octroi aux sala-riĂ©s concernĂ©s de dommages-intĂ©rĂȘts au titre de la perte de leur emploi.

Cependant, cette voie procĂ©durale suppose, lorsqu’il n’est pas soutenu l’existence d’une situation de coemploi, l’engagement d’une procĂ©dure distincte devant le tribunal de grande instance, le conseil de prud’hommes Ă©tant alors incompĂ©tent pour connaĂźtre d’une telle action, en l’absence de contrat de travail entre les salariĂ©s et la sociĂ©tĂ© mĂšre du groupe auquel appartient la sociĂ©tĂ© qui les employait (Soc., 13 juin 2018, pourvoi no 16-25.873, Bull. 2018, V, no 117).

Par ailleurs, la dĂ©confiture de la sociĂ©tĂ© mĂšre entraĂźne l’arrĂȘt des poursuites indi-viduelles contre cette derniĂšre et l’irrecevabilitĂ© de l’action engagĂ©e par les salariĂ©s aprĂšs l’ouverture de la procĂ©dure collective sur le fondement de sa responsabilitĂ© extra-contractuelle (Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 17-15.630, Bull. 2018, V, no 86).

Ces considĂ©rations, ainsi que l’impĂ©ratif de sĂ©curitĂ© juridique, amĂšnent donc la chambre sociale Ă  maintenir la notion de coemploi, mais en affinant ses Ă©lĂ©ments constitutifs.

II – Une nouvelle dĂ©finition des Ă©lĂ©ments constitutifs du coemploi

Le critĂšre de la triple confusion d’intĂ©rĂȘts, d’activitĂ©s et de direction issu de la juris-prudence Molex (Soc., 2 juillet 2014, pourvoi no 13-15.208, Bull. 2014, V, no 159) ne per-mettait en effet plus de circonscrire avec la rigueur nĂ©cessaire des situations qui doivent rester dans le domaine de l’exception, ainsi que le soulignait la chambre sociale de la Cour de cassation dans son commentaire de l’arrĂȘt Molex paru dans le Mensuel du droit du travail (no 56, juillet 2014, p. 4). Celui-ci rappelait qu’« il n’y a immixtion sociale

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qu’à condition que la direction du personnel et la gestion du personnel soient prises en main par la sociĂ©tĂ© mĂšre qui ne permet plus Ă  la filiale de se comporter comme le vĂ©ritable employeur Ă  l’égard de ses salariĂ©s ».

Depuis cet arrĂȘt Molex, la Cour de cassation s’est ainsi employĂ©e Ă  circonscrire les indices permettant de caractĂ©riser cette immixtion (Soc., 6 juillet 2016, pour-vois no 14-27.266 Ă  no 14-27.946, Bull. 2016, V, no 146 ; Soc., 6 juillet 2016, pourvoi no 14-26.541, Bull. 2016, V, no 145), allant jusqu’à retenir que « le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en Ă©troite collaboration avec la sociĂ©tĂ© domi-nante, que celle-ci ait apportĂ© Ă  sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient Ă©tĂ© signĂ©es avec la sociĂ©tĂ© dominante une convention de trĂ©sorerie ainsi qu’une convention gĂ©nĂ©rale d’assistance moyennant rĂ©munĂ©ration » ne caractĂ©rise pas une situation de coemploi (Soc., 7 mars 2017, pourvoi no 15-16.865, Bull. 2017, V, no 39 ; voir Ă©galement, s’agissant de la mĂȘme sociĂ©tĂ©, Soc., 13 juillet 2017, pourvoi no 16-13.701 ; Soc., 14 dĂ©cembre 2017, pourvoi no 16-21.313 ou encore, Soc., 17 mai 2017, pourvoi no 15-27.766 ; Soc., 17 janvier 2018, pourvoi no 15-26.065).

RĂ©cemment, la chambre sociale a Ă©galement jugĂ© que « la centralisation de services supports, des remontĂ©es de dividendes, des conventions de trĂ©sorerie et de compensa-tion, des dettes non rĂ©glĂ©es Ă  la filiale, des facturations de prestations de services par-tiellement sans contrepartie pour ladite filiale, la maĂźtrise de la facturation de celle-ci durant une pĂ©riode limitĂ©e dans le temps et l’octroi d’une prime exceptionnelle aux salariĂ©s de la filiale ne pouvaient caractĂ©riser une situation de coemploi », cassant l’ar-rĂȘt de la cour d’appel de Douai qui l’avait retenue (Soc., 9 octobre 2019, pourvoi no 17-28.150, publiĂ© au Bulletin).

Depuis l’arrĂȘt Molex, l’existence d’un coemploi n’a ainsi Ă©tĂ© reconnue par la chambre sociale que dans une situation de perte totale d’autonomie de la filiale par une immix-tion permanente de sociĂ©tĂ©s du groupe dans sa gestion Ă©conomique, technique et administrative ainsi que dans la gestion de ses ressources humaines, notamment par la centralisation des recrutements au niveau du groupe (Soc., 6 juillet 2016, pourvoi no 15-15.481, Bull. 2016, V, no 147).

Cependant, le contentieux soumis au cours des quatre derniĂšres annĂ©es Ă  la chambre sociale tĂ©moigne de la difficultĂ© persistante des juges du fond Ă  apprĂ©hender les critĂšres dĂ©finis par cette derniĂšre et, dĂšs lors, Ă  caractĂ©riser l’existence ou non d’une situation de coemploi (voir notamment Soc., 28 mars 2018, pourvoi no 16-22.188 ; Soc., 31 mai 2018, pourvoi no 17-11.049 ; Soc., 28 juin 2018, pourvoi no 14-26.616 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi no 17-22.421 ; Soc., 25 septembre 2019, pourvoi no 17-28.452).

Par l’arrĂȘt ici commentĂ©, le critĂšre de la triple confusion est donc abandonnĂ© au profit d’une nouvelle dĂ©finition du coemploi se voulant plus explicite, fondĂ©e sur l’im-mixtion permanente de la sociĂ©tĂ© mĂšre dans la gestion Ă©conomique et sociale et la perte totale d’autonomie d’action de la filiale, figurant dans le sommaire de l’arrĂȘt dit 3 Suisses prĂ©citĂ© (Soc., 6 juillet 2016, pourvoi no 15-15.493). Cette nouvelle dĂ©finition, recentrĂ©e sur la caractĂ©risation de la situation objective de la sociĂ©tĂ© employeur, se rap-proche de la notion de transparence de la personne morale utilisĂ©e par le Conseil d’État.

La Cour de cassation retient dĂ©sormais que c’est la perte d’autonomie d’action de la filiale, qui ne dispose pas du pouvoir rĂ©el de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion Ă©conomique et sociale, qui est dĂ©terminante dans la caractĂ©risation d’une

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immixtion permanente anormale de la sociĂ©tĂ© mĂšre, constitutive d’un coemploi, justi-fiant alors que le principe d’indĂ©pendance juridique des personnes morales soit excep-tionnellement neutralisĂ©. En effet, « celui qui mĂ©connaĂźt ainsi la nĂ©cessaire autonomie juridique de la sociĂ©tĂ© employeur, fĂ»t-elle sa filiale, c’est-Ă -dire sa capacitĂ© Ă  agir par elle-mĂȘme, ne peut alors se cacher derriĂšre le voile de la personnalitĂ© morale qu’il a ignorĂ© pour se soustraire aux consĂ©quences sociales de ses agissements. » (P. Bailly, « Le co-emploi n'est ni une “ baguette magique ” ni une aberration juridique », Semaine sociale Lamy, 7 octobre 2013, no 1600, pp. 11 et s.).

Dans l’affaire ici soumise Ă  la Cour de cassation, la cour d’appel de Caen avait retenu l’existence d’une situation de coemploi caractĂ©risĂ©e, selon elle, par la gestion des ressources humaines au moment de la cessation de l’activitĂ©, le financement de la procĂ©dure de licenciement Ă©conomique, des conventions de trĂ©sorerie et d’assistance moyennant rĂ©munĂ©ration, la prise de dĂ©cisions commerciales et sociales dans l’exer-cice de la prĂ©sidence de la sociĂ©tĂ© et des reprises d’actifs dans des conditions dĂ©savan-tageuses pour la filiale.

Ces Ă©lĂ©ments n’étant pas de nature Ă  Ă©tablir que la sociĂ©tĂ© mĂšre agissait vĂ©ritable-ment de façon permanente en lieu et place de sa filiale, de sorte que celle-ci aurait tota-lement perdu son autonomie d’action, les motifs de l’arrĂȘt attaquĂ© sont dĂšs lors censurĂ©s.

2. Durée du travail et rémunération

a. Durée du travail, repos et congés

Travail rĂ©glementation, durĂ©e du travail – Heures supplĂ©mentaires â€“ Accomplissement – Preuve â€“ Charge – PortĂ©eSoc., 18 mars 2020, pourvoi no 18-10.919, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme SommĂ© et avis de M. DesplanIl rĂ©sulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinĂ©a 1, L. 3171-3, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  celle issue de la loi no 2016-1088 du 8 aoĂ»t 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif Ă  l’existence ou au nombre d’heures de travail accom-plies, il appartient au salariĂ© de prĂ©senter, Ă  l’appui de sa demande, des Ă©lĂ©ments suf-fisamment prĂ©cis quant aux heures non rĂ©munĂ©rĂ©es qu’il prĂ©tend avoir accomplies afin de permettre Ă  l’employeur, qui assure le contrĂŽle des heures de travail effectuĂ©es, d’y rĂ©pondre utilement en produisant ses propres Ă©lĂ©ments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces Ă©lĂ©ments au regard des exigences rappelĂ©es aux dispositions lĂ©gales et rĂ©glementaires prĂ©citĂ©es. AprĂšs analyse des piĂšces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothĂšse oĂč il retient l’existence d’heures supplĂ©-mentaires, il Ă©value souverainement, sans ĂȘtre tenu de prĂ©ciser le dĂ©tail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les crĂ©ances salariales s’y rapportant.

Cette dĂ©cision est relative Ă  la preuve des heures supplĂ©mentaires, lesquelles, on le sait, font l’objet d’un abondant contentieux.

Le code du travail institue Ă  l’article L. 3171-4 un rĂ©gime de preuve partagĂ©e entre l’employeur et le salariĂ© des heures de travail effectuĂ©es. Les obligations de l’employeur,

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relatives au dĂ©compte du temps de travail, sont quant Ă  elles prĂ©vues par les articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du mĂȘme code.

Depuis un arrĂȘt du 25 fĂ©vrier 2004 (Soc., 25 fĂ©vrier 2004, pourvoi no 01-45.441, Bull. 2004, V, no 62), la Cour de cassation juge que si la preuve des heures de travail effectuĂ©es n’incombe spĂ©cialement Ă  aucune des parties et que l’employeur doit four-nir au juge les Ă©lĂ©ments de nature Ă  justifier les horaires effectivement rĂ©alisĂ©s par le salariĂ©, il appartient cependant Ă  ce dernier de fournir prĂ©alablement au juge des Ă©lĂ©-ments de nature Ă  Ă©tayer sa demande.

Elle a par la suite prĂ©cisĂ©, par un arrĂȘt du 24 novembre 2010 (Soc., 24 novembre 2010, pourvoi no 09-40.928, Bull. 2010, V, no 266), qu’en cas de litige relatif Ă  l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salariĂ© d’étayer sa demande par la production d’élĂ©ments suffisamment prĂ©cis quant aux horaires effectivement rĂ©a-lisĂ©s pour permettre Ă  l’employeur de rĂ©pondre en fournissant ses propres Ă©lĂ©ments. Il s’agissait alors de souligner que parce que le prĂ©alable pĂšse sur le salariĂ© et que la charge de la preuve est partagĂ©e, le salariĂ© n’a pas Ă  apporter des Ă©lĂ©ments de preuve mais seulement des Ă©lĂ©ments factuels, pouvant ĂȘtre Ă©tablis unilatĂ©ralement par ses soins, mais revĂȘtant un minimum de prĂ©cision afin que l’employeur, qui assure le contrĂŽle des heures de travail accomplies, puisse y rĂ©pondre utilement.

Dans la continuitĂ© de cette jurisprudence, la chambre sociale de la Cour de cassa-tion a ainsi jugĂ© que constituaient des Ă©lĂ©ments suffisamment prĂ©cis, notamment, des dĂ©comptes d’heures (Soc., 3 juillet 2013, pourvoi no 12-17.594 ; Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 17-14.490), des relevĂ©s de temps quotidiens (Soc., 19 juin 2013, pourvoi no 11-27.709), un tableau (Soc., 22 mars 2012, pourvoi no 11-14.466), ou encore des fiches de saisie informatique enregistrĂ©es sur l’intranet de l’employeur contenant le dĂ©compte journalier des heures travaillĂ©es (Soc., 24 janvier 2018, pourvoi no 16-23.743).

Il a Ă©tĂ© Ă©galement jugĂ© que peu importait que les tableaux produits par le salariĂ© aient Ă©tĂ© Ă©tablis durant la procĂ©dure prud’homale ou a posteriori (Soc., 12 avril 2012, pourvoi no 10-28.090 ; Soc., 29 janvier 2014, pourvoi no 12-24.858).

Depuis lors, la Cour de justice de l’Union europĂ©enne, saisie d’un litige collectif por-tant sur l’enregistrement du temps de travail journalier et des Ă©ventuelles heures sup-plĂ©mentaires rĂ©alisĂ©es, est venue affirmer, dans un arrĂȘt du 14 mai 2019 (CJUE, arrĂȘt du 14 mai 2019, CCOO, C-55/18), que « les articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’amĂ©nagement du temps de travail, lus Ă  la lumiĂšre de l’article 31, para-graphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en Ɠuvre de mesures visant Ă  promouvoir l’amĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© des travail-leurs au travail, doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  une rĂ©glementa-tion d’un État membre qui, selon l’interprĂ©tation qui en est donnĂ©e par la jurisprudence nationale, n’impose pas aux employeurs l’obligation d’établir un systĂšme permettant de mesurer la durĂ©e du temps de travail journalier effectuĂ© par chaque travailleur ».

Dans les motifs de son arrĂȘt, la Cour de justice de l’Union europĂ©enne prĂ©cise que :

– contrairement Ă  un systĂšme mesurant la durĂ©e du temps de travail journalier effectuĂ©, les moyens de preuve pouvant ĂȘtre produits par le travailleur, tels que, notamment, des

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tĂ©moignages ou des courriers Ă©lectroniques, afin de fournir l’indice d’une violation de ses droits et entraĂźner ainsi un renversement de la charge de la preuve, ne permettent pas d’établir de maniĂšre objective et fiable le nombre d’heures de travail quotidien et hebdomadaire effectuĂ©es par le travailleur, compte tenu de sa situation de faiblesse dans la relation de travail (points 53 Ă  56) ;

– afin d’assurer l’effet utile des droits prĂ©vus par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 prĂ©citĂ©e et du droit fondamental de chaque travailleur Ă  une limita-tion de la durĂ©e maximale de travail et Ă  des pĂ©riodes de repos journaliĂšres et hebdo-madaires consacrĂ© Ă  l’article 31, § 2, de la Charte, les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un systĂšme objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durĂ©e du temps de travail journalier effectuĂ© par chaque tra-vailleur, avec toutefois une marge d’apprĂ©ciation dans la mise en Ɠuvre concrĂšte de cette obligation pour tenir compte des particularitĂ©s propres Ă  chaque secteur d’acti-vitĂ© concernĂ© et des spĂ©cificitĂ©s de certaines entreprises (points 60 Ă  63).

Prenant en compte cette dĂ©cision, la chambre sociale de la Cour de cassation dĂ©cide, sans modifier l’ordre des Ă©tapes de la rĂšgle probatoire, puisque, conformĂ©ment Ă  l’ar-ticle 6 du code de procĂ©dure civile, tout demandeur en justice doit rapporter des Ă©lĂ©-ments au soutien de ses prĂ©tentions, d’abandonner la notion d’étaiement, pouvant ĂȘtre source de confusion avec celle de preuve, en y substituant l’expression de prĂ©sentation par le salariĂ© d’élĂ©ments Ă  l’appui de sa demande. La chambre sociale rappelle que ces Ă©lĂ©ments doivent ĂȘtre suffisamment prĂ©cis quant aux heures non rĂ©munĂ©rĂ©es que le salariĂ© prĂ©tend avoir accomplies afin de permettre Ă  l’employeur d’y rĂ©pondre utile-ment en produisant ses propres Ă©lĂ©ments, en mettant l’accent en parallĂšle sur les obli-gations pesant sur ce dernier quant au contrĂŽle des heures de travail effectuĂ©es. Il est enfin rappelĂ© que, lorsqu’ils retiennent l’existence d’heures supplĂ©mentaires, les juges du fond Ă©valuent souverainement, sans ĂȘtre tenus de prĂ©ciser le dĂ©tail de leur calcul, l’importance de celles-ci et les crĂ©ances salariales s’y rapportant (Soc., 4 dĂ©cembre 2013, pourvoi no 12-22.344, Bull. 2013, V, no 299).

Par l’arrĂȘt commentĂ©, la Cour de cassation entend souligner que les juges du fond doivent apprĂ©cier les Ă©lĂ©ments produits par le salariĂ© Ă  l’appui de sa demande au regard de ceux produits par l’employeur et ce afin que les juges, dĂšs lors que le salariĂ© a pro-duit des Ă©lĂ©ments factuels revĂȘtant un minimum de prĂ©cision, se livrent Ă  une pesĂ©e des Ă©lĂ©ments de preuve produits par l’une et l’autre des parties, ce qui est en dĂ©finitive la finalitĂ© du rĂ©gime de preuve partagĂ©e.

C’est prĂ©cisĂ©ment pour avoir fait porter son analyse sur les seules piĂšces produites en l’espĂšce par le salariĂ©, qui versait aux dĂ©bats des dĂ©comptes d’heures qu’il prĂ©ten-dait avoir rĂ©alisĂ©es, aboutissant ainsi Ă  faire peser la charge de la preuve des heures supplĂ©mentaires exclusivement sur celui-ci, que l’arrĂȘt de la cour d’appel est censurĂ©.

La chambre sociale de la Cour de cassation marque ainsi sa volonté de contrÎler le respect par les juges du fond du mécanisme probatoire propre aux heures supplémentaires.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail

b. Rémunération

Emploi – Travailleurs privĂ©s d’emploi – Garantie de ressources – Allocation d’assurance – Financement – Cotisation – Assiette – RĂ©munĂ©rations brutes – DĂ©finition2e Civ., 12 mars 2020, pourvoi no 18-20.729, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Brinet et avis de Mme CeccaldiSelon l’article L. 5422-9, alinĂ©a 1, du code du travail, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  la loi no 2018-771 du 5 septembre 2018, l’allocation d’assurance est financĂ©e par des contributions des employeurs et des salariĂ©s assises sur les rĂ©munĂ©rations brutes dans la limite d’un plafond, lesquelles doivent s’entendre de l’ensemble des gains et rĂ©mu-nĂ©rations au sens de l’article L. 242-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale.

Le pourvoi soumis Ă  la Cour de cassation se rapportait Ă  l’assiette des contributions de l’assurance chĂŽmage et des cotisations de l’assurance de garantie des salaires rĂ©cla-mĂ©es Ă  une entreprise Ă  la suite d’un contrĂŽle opĂ©rĂ© par une URSSAF.

AntĂ©rieurement Ă  la rĂ©forme de l’indemnisation du chĂŽmage rĂ©sultant de la loi no 2008-126 du 13 fĂ©vrier 2008 relative Ă  la rĂ©forme de l’organisation du service public de l’emploi, le financement du rĂ©gime d’assurance chĂŽmage Ă©tait distinct du finance-ment des rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© sociale. Il appartenait Ă  l’AssĂ©dic (Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) de pourvoir aux opĂ©rations d’assiette et de recouvre-ment des contributions dues par les employeurs pour le financement des prestations de l’assurance chĂŽmage. Ces opĂ©rations reposaient sur l’application de rĂšgles propres, le contentieux y affĂ©rent relevait de la compĂ©tence des juridictions civiles de droit commun.

La loi no 2008-126 du 13 fĂ©vrier 2008 a modifiĂ© significativement les modalitĂ©s de la gestion du rĂ©gime d’assurance chĂŽmage : si l’attribution et le paiement des allocations d’assurance chĂŽmage relĂšvent de la compĂ©tence de PĂŽle emploi, le recouvrement des contributions des employeurs pour le financement du rĂ©gime incombe aux URSSAF, moyennant l’application des rĂšgles propres au paiement, au contrĂŽle et au redresse-ment, au recouvrement forcĂ© et au contentieux des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale (article L. 2422-16 du code du travail).

L’assiette des contributions de l’assurance chĂŽmage n’a pas donnĂ© lieu, en revanche, Ă  une mĂȘme assimilation. Suivant les dispositions de l’article L. 5422-9 du code du tra-vail (dans leur rĂ©daction applicable Ă  la date d’exigibilitĂ© des contributions litigieuses) :

« L’allocation d’assurance est financĂ©e par des contributions des employeurs et des salariĂ©s assises sur les rĂ©munĂ©rations brutes dans la limite d’un plafond.

Toutefois, l’assiette des contributions peut ĂȘtre forfaitaire pour les catĂ©gories de salariĂ©s pour lesquelles les cotisations Ă  un rĂ©gime de base de sĂ©curitĂ© sociale sont ou peuvent ĂȘtre calculĂ©es sur une assiette forfaitaire. »

Il convenait, dĂšs lors, de s’interroger sur l’étendue de l’assiette des contributions de l’assurance chĂŽmage et de dĂ©terminer, plus prĂ©cisĂ©ment, si celle-ci devait ĂȘtre assi-milĂ©e Ă  l’assiette des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale ou bien rĂ©pondre Ă  une concep-tion autonome.

Peu nombreux, les commentaires sur la question optent en faveur d’une assiette dĂ©ter-minĂ©e selon les rĂšgles applicables aux cotisations de sĂ©curitĂ© sociale (Cf. J.-P. Domergue,

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

RĂ©p. dr. du travail, Dalloz, Vo ChĂŽmage : aspects institutionnels, janvier 2010, mise Ă  jour janvier 2019, no 49 et s., et C. Willmann, JCl. Protection sociale TraitĂ©, LexisNexis, fasc. 853, « Assurance chĂŽmage.- Organisation », 11 septembre 2019, no 118). Les clauses des conventions successives d’assurance chĂŽmage ainsi que leurs rĂšglements annexĂ©s s’inscrivent de longue date dans cette mĂȘme perspective.

C’est Ă  cette interprĂ©tation des termes de l’article L. 5422-9, alinĂ©a 1, du code du travail que souscrit la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation en Ă©nonçant, dans le « chapeau » intĂ©rieur de son arrĂȘt, que les rĂ©munĂ©rations brutes, dans la limite d’un plafond, qui constituent, selon ce texte, l’assiette des contributions de l’assurance chĂŽmage, « doivent s’entendre de l’ensemble des gains et rĂ©munĂ©rations au sens de l’article L. 242-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale ».

La solution retenue Ă©tend ses effets aux cotisations dues au titre de l’assurance de garantie des salaires. Les dispositions de l’article L. 3253-18, alinĂ©a 1, du code du tra-vail prĂ©cisent, en effet, que celle-ci « est financĂ©e par des cotisations des employeurs assises sur les rĂ©munĂ©rations servant de base au calcul des contributions au rĂ©gime d’assurance chĂŽmage ».

On observera enfin que la Cour de cassation a recouru, pour rejeter le pourvoi dont elle Ă©tait saisie par l’employeur, Ă  un motif de pur droit substituĂ© aux motifs critiquĂ©s du jugement attaquĂ©. Les juges du fond s’étaient fondĂ©s, en effet, sur les clauses de l’ar-ticle 43 du rĂšglement annexĂ© Ă  la convention d’assurance chĂŽmage du 6 mai 2011, les-quelles renvoyaient aux dispositions de l’article L. 242-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale pour la dĂ©termination de l’assiette des contributions de l’assurance chĂŽmage. En recou-rant Ă  un motif substituĂ© tirĂ© de l’application de l’article L. 5422-9, alinĂ©a 1, du code du travail, la Cour de cassation fonde sur les dispositions mĂȘmes du code du travail qui dĂ©terminent les principes directeurs du rĂ©gime d’assurance chĂŽmage l’assimilation de l’assiette des contributions de celui-ci Ă  l’assiette des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale.

3. Santé et sécurité au travail

Travail rĂ©glementation, santĂ© et sĂ©curitĂ© â€“ ComitĂ© d’hygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail – Missions – Étendue – Cas – Protection de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© des travailleurs – Recours Ă  un expert – Travailleurs concer-nĂ©s – SalariĂ©s temporaires d’une entreprise utilisatrice – Action du comitĂ© de l’entreprise temporaire – Conditions – DĂ©termination – PortĂ©eSoc., 26 fĂ©vrier 2020, pourvoi no 18-22.556, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme PĂ©caut-Rivolier et avis de Mme BerriatIl rĂ©sulte de l’article L. 4614-12 du code du travail alors applicable et de l’article L. 1251-21 du mĂȘme code, interprĂ©tĂ©s Ă  la lumiĂšre de l’alinĂ©a 11 du prĂ©ambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 31, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne et de l’article 6, § 4, de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en Ɠuvre de mesures visant Ă  promouvoir l’amĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© des travailleurs au travail, une obligation pour ceux qui emploient des travailleurs de veiller Ă  ce que leur droit Ă  la santĂ© et Ă  la sĂ©curitĂ© soit assurĂ©, sous la vigilance des ins-titutions reprĂ©sentatives du personnel ayant pour mission la prĂ©vention et la protection de la santĂ© physique ou mentale et de la sĂ©curitĂ© des travailleurs.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail

S’agissant des salariĂ©s des entreprises de travail temporaire, si la responsabilitĂ© de la protection de leur santĂ© et de leur sĂ©curitĂ© est commune Ă  l’employeur et Ă  l’entreprise utilisatrice, ainsi que cela dĂ©coule de l’article 8 de la directive 91/383/CEE du Conseil du 25 juin 1991 complĂ©tant les mesures visant Ă  promouvoir l’amĂ©lioration de la sĂ©cu-ritĂ© et de la santĂ© au travail des travailleurs ayant une relation de travail Ă  durĂ©e dĂ©ter-minĂ©e ou une relation de travail intĂ©rimaire, il incombe au premier chef Ă  l’entreprise utilisatrice de prendre toutes les dispositions nĂ©cessaires pour assurer cette protection en application de l’article L. 1251-21, 4o, du code du travail. Par consĂ©quent, c’est au comitĂ© d’hygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail (CHSCT) de l’entreprise uti-lisatrice, en application de l’article 6 de la directive 91/383 prĂ©citĂ©e, qu’il appartient d’exercer une mission de vigilance Ă  l’égard de l’ensemble des salariĂ©s de l’établisse-ment placĂ©s sous l’autoritĂ© de l’employeur.Cependant, lorsque le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire constate que les sala-riĂ©s mis Ă  disposition de l’entreprise utilisatrice sont soumis Ă  un risque grave et actuel, au sens de l’article L. 4614-12 du code du travail alors applicable, sans que l’entreprise utilisatrice ne prenne de mesures, et sans que le CHSCT de l’entreprise utilisatrice ne fasse usage des droits qu’il tient dudit article, il peut, au titre de l’exigence constitution-nelle du droit Ă  la santĂ© des travailleurs, faire appel Ă  un expert agrĂ©Ă© afin d’étudier la rĂ©alitĂ© du risque et les moyens Ă©ventuels d’y remĂ©dier.

Ce dossier pose la question de savoir si le comitĂ© d’hygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des condi-tions de travail (CHSCT) d’une entreprise de travail temporaire peut intervenir, en dĂ©signant un expert, dans l’entreprise utilisatrice, en cas de risque grave et actuel pour les travailleurs temporaires mis Ă  disposition de cette entreprise utilisatrice.

La rĂ©ponse Ă  la question impliquait de mettre en balance deux droits constitution-nellement garantis que sont, d’une part, le droit de propriĂ©tĂ©, et d’autre part, le droit Ă  la santĂ© des travailleurs.

S’agissant du droit de propriĂ©tĂ©, l’entreprise de travail temporaire, qui contestait la possibilitĂ© pour son propre CHSCT de dĂ©signer un expert afin de vĂ©rifier les condi-tions de travail des travailleurs temporaires au sein de l’entreprise utilisatrice, faisait valoir qu’une telle intervention serait disproportionnĂ©e par rapport Ă  l’objectif pour-suivi en ce qu’elle conduirait Ă  autoriser Ă  pĂ©nĂ©trer dans une entreprise extĂ©rieure, Ă  une immixtion dans sa gestion et Ă  accĂ©der Ă  des informations confidentielles, en contra-diction notamment avec le principe de libertĂ© d’entreprendre rappelĂ© par le Conseil constitutionnel dans sa dĂ©cision du 8 dĂ©cembre 2016 (Cons. const., 8 dĂ©cembre 2016, dĂ©cision no 2016-741 DC, Loi relative Ă  la transparence, Ă  la lutte contre la corruption et Ă  la modernisation de la vie Ă©conomique).

L’entreprise rappelait par ailleurs que, aux termes des textes du code du travail et de la jurisprudence de la chambre sociale, c’est Ă  l’entreprise utilisatrice, et donc Ă  son CHSCT le cas Ă©chĂ©ant, qu’il incombe de se prĂ©occuper de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© des travailleurs qui sont mis Ă  sa disposition.

Cette affirmation est en effet conforme Ă  la fois Ă  l’article 8 de la directive 91/383/CEE du Conseil du 25 juin 1991 complĂ©tant les mesures visant Ă  promouvoir l’amĂ©lio-ration de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© au travail des travailleurs ayant une relation de travail Ă  durĂ©e dĂ©terminĂ©e ou une relation de travail intĂ©rimaire, et Ă  l’article L. 1251-21, 4o, du code du travail qui affirme que l’entreprise utilisatrice est responsable, pendant la

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

durĂ©e de la mission, des conditions d’exĂ©cution du travail des travailleurs intĂ©rimaires et particuliĂšrement de leur santĂ© et de leur sĂ©curitĂ©.

Cependant, un certain nombre de constats conduisent Ă  considĂ©rer que la respon-sabilitĂ© de l’entreprise utilisatrice ne peut pas, Ă  elle seule, garantir le droit Ă  la santĂ© et Ă  la sĂ©curitĂ© des travailleurs intĂ©rimaires.

S’appuyant sur les Ă©tudes de la direction de l’animation de la recherche, des Ă©tudes et des statistiques (DARES), l’avocate gĂ©nĂ©rale Anne Berriat a ainsi rappelĂ© dans ses conclusions que :

« Avec un effectif de 806 000 salariĂ©s employĂ©s en fin de mois, les travailleurs intĂ©-rimaires reprĂ©sentent un peu plus de 3 % de la population active au travail, un effectif en hausse depuis 2014. Ce sont Ă  80 % des ouvriers, employĂ©s principalement dans l’in-dustrie, le tertiaire et la construction. Ils sont placĂ©s dans un environnement de travail sans cesse renouvelĂ© et soumis Ă  une mobilitĂ© continuelle. La durĂ©e de leur mission est variable mais trĂšs brĂšve en moyenne, soit 1,9 semaine au troisiĂšme trimestre 2019 et mĂȘme moins d’une semaine dans les secteurs du soin et de l’hĂ©bergement mĂ©dico-social. »

4. ÉgalitĂ© de traitement, discrimination, harcĂšlement

a. ÉgalitĂ© de traitement

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

b. Discrimination

Contrat de travail, exĂ©cution – RĂšglement intĂ©rieur – Contenu – Restriction aux libertĂ©s individuelles – Restriction Ă  la libertĂ© religieuse – ValiditĂ© – Conditions – DĂ©termination – PortĂ©eSoc., 8 juillet 2020, pourvoi no 18-23.743, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme SommĂ© et avis de Mme Trassoudaine-VergerIl rĂ©sulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans leur rĂ©daction applicable, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en Ɠuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que les restric-tions Ă  la libertĂ© religieuse doivent ĂȘtre justifiĂ©es par la nature de la tĂąche Ă  accomplir, rĂ©pondre Ă  une exigence professionnelle essentielle et dĂ©terminante et proportionnĂ©es au but recherchĂ©. Aux termes de l’article L. 1321-3, 2o, du code du travail dans sa rĂ©daction applicable, le rĂšglement intĂ©rieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertĂ©s individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiĂ©es par la nature de la tĂąche Ă  accomplir ni proportionnĂ©es au but recherchĂ©.L’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communautĂ© de tra-vail l’ensemble des libertĂ©s et droits fondamentaux de chaque salariĂ©, peut prĂ©voir dans le rĂšglement intĂ©rieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mĂȘmes dispositions que le rĂšglement intĂ©rieur, en application de l’article L. 1321-5 du code du travail dans sa rĂ©daction applicable, une clause de neutralitĂ© interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dĂšs lors que

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail

cette clause gĂ©nĂ©rale et indiffĂ©renciĂ©e n’est appliquĂ©e qu’aux salariĂ©s se trouvant en contact avec les clients.Ayant relevĂ© que l’employeur ne produisait aucun rĂšglement intĂ©rieur ni aucune note de service prĂ©cisant la nature des restrictions qu’il entendait imposer au salariĂ© en raison des impĂ©ratifs de sĂ©curitĂ© invoquĂ©s, une cour d’appel en dĂ©duit Ă  bon droit que l’inter-diction faite au salariĂ©, lors de l’exercice de ses missions, du port de la barbe, en tant qu’elle manifesterait des convictions religieuses et politiques, et l’injonction faite par l’employeur de revenir Ă  une apparence considĂ©rĂ©e par ce dernier comme plus neutre caractĂ©risaient l’existence d’une discrimination directement fondĂ©e sur les convictions religieuses et politiques du salariĂ©.

Contrat de travail, exĂ©cution â€“ RĂšglement intĂ©rieur – Contenu – Restriction aux libertĂ©s individuelles – Restriction Ă  la libertĂ© religieuse – ValiditĂ© – Conditions – DĂ©termination – PortĂ©eMĂȘme arrĂȘtIl rĂ©sulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE, arrĂȘt du 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15), que la notion d’ « exi-gence professionnelle essentielle et dĂ©terminante », au sens de l’article 4, § 1, de la direc-tive no 2000/78/CE du 27 novembre 2000, renvoie Ă  une exigence objectivement dictĂ©e par la nature ou les conditions d’exercice de l’activitĂ© professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considĂ©rations subjectives, telles que la volontĂ© de l’em-ployeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.

Si les demandes d’un client relatives au port d’une barbe pouvant ĂȘtre connotĂ©e de façon religieuse ne sauraient, par elles-mĂȘmes, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme une exigence professionnelle essentielle et dĂ©terminante au sens de l’article 4, § 1, de la direc-tive no 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, l’objectif lĂ©gitime de sĂ©curitĂ© du personnel et des clients de l’entreprise peut justifier en application de ces mĂȘmes dis-positions des restrictions aux droits des personnes et aux libertĂ©s individuelles et collec-tives et, par suite, permet Ă  l’employeur d’imposer aux salariĂ©s une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nĂ©cessaire afin de prĂ©venir un danger objectif.Ayant constatĂ© que l’employeur ne dĂ©montrait pas les risques de sĂ©curitĂ© spĂ©cifiques liĂ©s au port de la barbe dans le cadre de l’exĂ©cution de la mission du salariĂ© de nature Ă  constituer une justification Ă  une atteinte proportionnĂ©e aux libertĂ©s de ce dernier, une cour d’appel en dĂ©duit Ă  bon droit que le licenciement du salariĂ© reposait, au moins pour partie, sur le motif discriminatoire pris de ce que l’employeur considĂ©rait comme l’expression par le salariĂ© de ses convictions politiques ou religieuses au travers du port de sa barbe, de sorte que le licenciement Ă©tait nul en application de l’article L. 1132-4 du code du travail.

Par cet arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation poursuit l’élaboration de sa jurisprudence relative aux libertĂ©s et droits fondamentaux du salariĂ© dans l’entreprise.

Un salariĂ©, consultant sĂ»retĂ© d’une sociĂ©tĂ© assurant des prestations de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense pour des gouvernements, organisations internationales non gouvernemen-tales ou entreprises privĂ©es, avait Ă©tĂ© licenciĂ© pour faute grave, l’employeur lui repro-chant le port d’une barbe « taillĂ©e d’une maniĂšre volontairement signifiante aux doubles plans religieux et politique ».

La chambre sociale, reprenant les rĂšgles Ă©noncĂ©es par son arrĂȘt de principe du 22 novembre 2017 (Soc., 22 novembre 2017, pourvoi no 13-19.855, Bull. 2017, V,

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

no 200), rendu sur question prĂ©judicielle posĂ©e Ă  la Cour de justice de l’Union euro-pĂ©enne, rĂ©affirme en premier lieu qu’il rĂ©sulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rĂ©daction applicable, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en Ɠuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant crĂ©ation d’un cadre gĂ©nĂ©ral en faveur de l’égalitĂ© de traite-ment en matiĂšre d’emploi et de travail, que les restrictions Ă  la libertĂ© religieuse doivent ĂȘtre justifiĂ©es par la nature de la tĂąche Ă  accomplir, rĂ©pondre Ă  une exigence profession-nelle essentielle et dĂ©terminante et proportionnĂ©es au but recherchĂ©.

Il est rĂ©affirmĂ© en second lieu, aprĂšs rappel des termes de l’article L. 1321-3, 2o, du code du travail dans sa rĂ©daction applicable, prĂ©voyant que le rĂšglement intĂ©rieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertĂ©s indi-viduelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiĂ©es par la nature de la tĂąche Ă  accomplir ni proportionnĂ©es au but recherchĂ©, que l’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communautĂ© de travail l’ensemble des libertĂ©s et droits fondamentaux de chaque salariĂ©, peut prĂ©voir dans le rĂšglement intĂ©rieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mĂȘmes dispositions que le rĂšgle-ment intĂ©rieur, en application de l’article L. 1321-5 du code du travail dans sa rĂ©daction applicable, une clause de neutralitĂ© interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dĂšs lors que cette clause gĂ©nĂ©rale et indiffĂ©renciĂ©e n’est appliquĂ©e qu’aux salariĂ©s se trouvant en contact avec les clients.

Dans la mesure oĂč, dans l’entreprise concernĂ©e, aucune clause de neutralitĂ© ne figu-rait dans le rĂšglement intĂ©rieur ou dans une note de service relevant du mĂȘme rĂ©gime lĂ©gal, l’interdiction faite au salariĂ©, lors de l’exercice de ses missions, du port de la barbe, en tant qu’elle manifesterait des convictions religieuses et politiques, et l’injonction faite par l’employeur de revenir Ă  une apparence considĂ©rĂ©e par ce dernier comme plus neutre, caractĂ©risaient une discrimination directement fondĂ©e sur les convictions reli-gieuses et politiques du salariĂ©.

Par consĂ©quent, seule une exigence professionnelle et dĂ©terminante, rĂ©sultant de la nature de l’activitĂ© professionnelle ou des conditions de son exercice et pour autant que l’objectif poursuivi soit lĂ©gitime et que l’exigence soit proportionnĂ©e, permettant, en application de l’article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 prĂ©ci-tĂ©e, de dĂ©roger au principe de non-discrimination, Ă©tait susceptible en l’espĂšce de jus-tifier le licenciement pour faute prononcĂ© par l’employeur.

Or, il rĂ©sulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE, arrĂȘt du 14 mars 2017, Bougnaoui et ADDH, C-188/15) que la notion d’« exi-gence professionnelle et dĂ©terminante », au sens de l’article 4, § 1, susvisĂ©, renvoie Ă  une exigence objectivement dictĂ©e par la nature ou les conditions d’exercice de l’acti-vitĂ© professionnelle en cause, sans qu’elle puisse couvrir des considĂ©rations subjectives, telles que la volontĂ© de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.

S’inscrivant dans le droit fil de cette jurisprudence, la chambre sociale de la Cour de cassation Ă©nonce que les demandes d’un client relatives au port d’une barbe pou-vant ĂȘtre connotĂ©e de façon religieuse ne sauraient, par elles-mĂȘmes, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme une exigence professionnelle et dĂ©terminante au sens de l’article 4, § 1, susvisĂ©.

En revanche l’objectif lĂ©gitime de sĂ©curitĂ© du personnel et des clients de l’entreprise peut justifier, en application de ces mĂȘmes dispositions, des restrictions aux droits des

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personnes et aux libertĂ©s individuelles et collectives et, par suite, permet Ă  l’employeur d’imposer aux salariĂ©s une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nĂ©cessaire afin de prĂ©venir un danger objectif, ce qu’il lui appartient de dĂ©montrer.

Dans l’espĂšce en cause la cour d’appel a constatĂ©, examinant souverainement les Ă©lĂ©ments de fait et preuve qui lui Ă©taient soumis, que l’employeur ne justifiait pas des risques invoquĂ©s de sĂ©curitĂ© spĂ©cifiques liĂ©s au port de la barbe dans le cadre de l’exĂ©-cution de la mission du salariĂ©, de nature Ă  constituer une justification Ă  une atteinte proportionnĂ©e aux libertĂ©s de ce dernier.

La cour d’appel est dĂšs lors approuvĂ©e d’avoir jugĂ© que le licenciement du salariĂ© reposait, au moins pour partie, sur le motif discriminatoire pris de ce que l’employeur considĂ©rait comme l’expression par l’intĂ©ressĂ© de ses convictions politiques ou reli-gieuses au travers du port de sa barbe, de sorte que le licenciement Ă©tait nul en appli-cation de l’article L. 1132-4 du code du travail.

c. HarcĂšlement

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

5. Accords collectifs et conflits collectifs de travail

a. Conventions et accords collectifs

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

b. Conflits du travail

Statut collectif du travail – NĂ©gociation collective – PĂ©riodicitĂ© de la nĂ©gociation – NĂ©gociation triennale – MobilitĂ© interne – MobilitĂ© professionnelle ou gĂ©ogra-phique interne Ă  l’entreprise – Conditions – MobilitĂ© s’inscrivant dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de rĂ©duction d’ef-fectifs – DĂ©finition – Cas – PortĂ©eSoc., 2 dĂ©cembre 2020, pourvois no 19-11.986 et suivants, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Marguerite et avis de Mme BerriatSelon l’article L. 2242-21 du code du travail, dans sa rĂ©daction issue de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013, l’employeur peut engager une nĂ©gociation portant sur les conditions de la mobilitĂ© professionnelle ou gĂ©ographique interne Ă  l’entreprise dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de rĂ©duction d’effectifs.Une cour d’appel, qui constate que l’accord de mobilitĂ© interne avait Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© en dehors de tout projet de rĂ©duction d’effectifs au niveau de l’entreprise afin d’appor-ter des solutions Ă  des pertes de marchĂ© sur certains territoires, en dĂ©duit exactement que cette rĂ©organisation constituait une mesure collective d’organisation courante au sens du texte prĂ©citĂ©, quand bien mĂȘme les mesures envisagĂ©es entraĂźnaient la sup-pression de certains postes.

Les accords de mobilitĂ© interne ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s par la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 relative Ă  la sĂ©curisation de l’emploi, qui a introduit les articles L. 2242-21 Ă  L. 2242-23

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du code du travail, sur la base des stipulations de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modĂšle Ă©conomique et social au service de la compĂ©-titivitĂ© des entreprises et de la sĂ©curisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariĂ©s, ayant le mĂȘme objet. Ces dispositions ont ensuite Ă©tĂ© reprises aux articles L. 2242-17, L. 2242-18 et L. 2242-19 du mĂȘme code, Ă  la suite de la loi no 2015-994 du 17 aoĂ»t 2015 relative au dialogue social et Ă  l’emploi. Puis, ces accords de mobilitĂ© ont Ă©tĂ© supprimĂ©s par l’ordonnance no 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la nĂ©gociation collective qui a instaurĂ© un rĂ©gime unique pour cer-tains accords collectifs Ă  l’article L. 2254-2 du code du travail.

Dans l’affaire soumise Ă  la Cour de cassation, plusieurs salariĂ©s ont Ă©tĂ© licenciĂ©s sur le fondement du dernier alinĂ©a de l’article L. 2242-23 du code du travail aprĂšs avoir refusĂ© les propositions de postes qui leur avaient Ă©tĂ© faites en application d’un accord de mobilitĂ© interne conclu dans l’entreprise.

Par cet arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce d’abord, pour la deuxiĂšme fois, sur la portĂ©e du critĂšre prĂ©vu Ă  l’article L. 2242-21 du code du tra-vail tenant Ă  ce que les conditions de la mobilitĂ© interne s’inscrivent dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de rĂ©duction d’effectifs.

Dans la lignĂ©e de son prĂ©cĂ©dent arrĂȘt du 11 dĂ©cembre 2019 (Soc., 11 dĂ©cembre 2019, pourvoi no 18-13.599, publiĂ© au Bulletin), la chambre sociale juge que, dĂšs lors que l’ac-cord de mobilitĂ© interne avait Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© en dehors de tout projet de rĂ©duction d’ef-fectifs au niveau de l’entreprise, mĂȘme si, ayant pour objet de rĂ©pondre Ă  des situations de perte de marchĂ©, il entraĂźnait des suppressions de postes impliquant la rĂ©affectation des salariĂ©s concernĂ©s, il rĂ©pondait au critĂšre des mesures collectives d’organisation courantes sans projet de rĂ©duction d’effectifs.

Puis, par cet arrĂȘt, la chambre sociale se prononce sur la cause des licenciements rĂ©sultant du refus de salariĂ©s de l’application Ă  leur contrat de travail des stipulations de l’accord relatives Ă  la mobilitĂ© interne.

L’article L. 2242-23 du code du travail, dans sa rĂ©daction issue de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 prĂ©citĂ©e, disposait que, lorsqu’un ou plusieurs salariĂ©s refusent l’application Ă  leur contrat de travail des stipulations de l’accord relatives Ă  la mobilitĂ© interne, leur licenciement repose sur un motif Ă©conomique.

La chambre sociale de la Cour de cassation juge d’abord que cet article a insti-tuĂ© un motif Ă©conomique de licenciement autonome des motifs Ă©conomiques prĂ©vus Ă  l’article L. 1233-3 du code du travail. DĂšs lors, l’employeur n’a pas Ă  justifier que la modification du contrat de travail proposĂ©e en application de l’accord de mobilitĂ© est consĂ©cutive Ă  des difficultĂ©s Ă©conomiques, des mutations technologiques, une rĂ©orga-nisation de l’entreprise nĂ©cessaire Ă  la sauvegarde de sa compĂ©titivitĂ© ou une cessation complĂšte d’activitĂ©.

La chambre sociale se prononce ensuite sur le contrĂŽle de la cause rĂ©elle et sĂ©rieuse du licenciement dĂ©volu au juge prud’homal.

D’une part, dans la lignĂ©e de sa jurisprudence sur les accords de rĂ©duction du temps de travail (Soc., 15 mars 2006, pourvoi no 04-41.935, Bull. 2006, V, no 107 ; Soc., 23 sep-tembre 2009, pourvoi no 07-44.712, Bull. 2009, V, no 201), Ă  laquelle d’ailleurs les travaux parlementaires faisaient rĂ©fĂ©rence, la chambre sociale de la Cour de cassation prĂ©cise

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que le caractĂšre rĂ©el et sĂ©rieux du licenciement consĂ©cutif au refus d’un salariĂ© d’ap-plication Ă  son contrat de travail des stipulations de l’accord de mobilitĂ© interne sup-pose que cet accord soit conforme aux dispositions lĂ©gales le rĂ©gissant.

D’autre part, au visa des stipulations de l’article 4 de la Convention internationale du travail no 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail qui prĂ©voient qu’un licenciement non inhĂ©rent Ă  la personne du salariĂ© doit ĂȘtre fondĂ© sur les nĂ©cessitĂ©s du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service et de celles des articles 9.1 et 9.3 qui dĂ©finissent le contrĂŽle du juge sur les motifs invo-quĂ©s pour justifier le licenciement, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que le caractĂšre rĂ©el et sĂ©rieux du licenciement faisant suite Ă  un refus du salariĂ© d’appli-cation Ă  son contrat de travail des stipulations de l’accord de mobilitĂ© interne suppose que l’accord de mobilitĂ© interne soit justifiĂ© par l’existence des nĂ©cessitĂ©s du fonction-nement de l’entreprise, ce qu’il appartient au juge d’apprĂ©cier.

6. Représentation du personnel et élections professionnelles

a. Élections, reprĂ©sentativitĂ©, reprĂ©sentants syndicaux : mise en Ɠuvre de la loi du 20 aoĂ»t 2008

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

b. Élections, syndicats hors application de la loi du 20 aoĂ»t 2008

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

c. Protection des représentants du personnel

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

d. Fonctionnement des institutions représentatives du personnel

ReprĂ©sentation des salariĂ©s â€“ ComitĂ© d’entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche gĂ©nĂ©rale de l’entreprise – Action en justice – Pouvoirs des juges – Étendue – Prolongation ou fixation d’un nouveau dĂ©lai de consultation – Conditions – DĂ©termination – PortĂ©eSoc., 26 fĂ©vrier 2020, pourvoi no 18-22.759, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme PĂ©caut-Rivolier et avis de M. WeissmannEn application de l’article L. 2323-4 du code du travail alors applicable, interprĂ©tĂ© confor-mĂ©ment aux articles 4, § 3, et 8, § 1 et § 2, de la directive 2002/14/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 11 mars 2002 Ă©tablissant un cadre gĂ©nĂ©ral relatif Ă  l’infor-mation et la consultation des travailleurs dans la CommunautĂ© europĂ©enne, la saisine du prĂ©sident du tribunal de grande instance avant l’expiration des dĂ©lais dont dispose le comitĂ© d’entreprise pour rendre son avis permet au juge, dĂšs lors que celui-ci retient que les informations nĂ©cessaires Ă  l’institution reprĂ©sentative du personnel et deman-dĂ©es par cette derniĂšre pour formuler un avis motivĂ© n’ont pas Ă©tĂ© transmises ou mises Ă  disposition par l’employeur, d’ordonner la production des Ă©lĂ©ments d’information

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complĂ©mentaires et, en consĂ©quence, de prolonger ou de fixer le dĂ©lai de consultation tel que prĂ©vu par l’article R. 2323-1-1 du code du travail Ă  compter de la communica-tion de ces Ă©lĂ©ments complĂ©mentaires.

Depuis la loi no 2013-504 du 14 juin 2013 relative Ă  la sĂ©curisation de l’emploi, les dĂ©lais de consultation des institutions reprĂ©sentatives de personnel sont encadrĂ©s par des dĂ©lais prĂ©cis, fixĂ©s par accord, et Ă  dĂ©faut par les textes lĂ©gaux et rĂ©glementaires.

Selon l’article R. 2323-1-1 du code du travail dans sa rĂ©daction applicable au litige (dĂ©cret no 2013-1305 du 27 dĂ©cembre 2013 relatif Ă  la base de donnĂ©es Ă©conomiques et sociales et aux dĂ©lais de consultation du comitĂ© d’entreprise et d’expertise), ces dĂ©lais sont d’un mois en gĂ©nĂ©ral, deux mois en cas de recours Ă  une expertise, et trois mois en cas de consultation obligatoire prĂ©alable des comitĂ©s d’hygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail. À l’issue de ce dĂ©lai, si le comitĂ© d’entreprise n’a pas donnĂ© son avis, il est rĂ©putĂ© avoir rendu un avis nĂ©gatif (article L. 2323-3, applicable en l’espĂšce).

La loi a prĂ©vu la possibilitĂ© pour le comitĂ© d’entreprise de saisir une juridiction, le prĂ©sident du tribunal de grande instance statuant en la forme des rĂ©fĂ©rĂ©s, lorsque ses membres estiment ne pas disposer d’élĂ©ments suffisants, afin qu’il puisse ĂȘtre ordonnĂ© la communication par l’employeur des Ă©lĂ©ments manquants. Elle prĂ©cise, en son article L. 2323-4 du code du travail, que cette saisine « n’a pas pour effet de prolonger le dĂ©lai dont dispose le comitĂ© pour rendre son avis », tout en ouvrant la possibilitĂ© au juge de dĂ©cider de la prolongation du dĂ©lai « en cas de difficultĂ©s particuliĂšres d’accĂšs aux informations nĂ©cessaires Ă  la formulation de l’avis motivĂ© du comitĂ© d’entreprise ».

Le lĂ©gislateur a ainsi souhaitĂ©, et les dĂ©bats parlementaires en tĂ©moignent, empĂȘ-cher des actions dilatoires du comitĂ© d’entreprise dont l’action en justice n’aurait pour seule finalitĂ© que de prolonger les dĂ©lais de consultation et retarder la mise en Ɠuvre des projets objets de la consultation.

Ces textes, reconnus conformes Ă  la Constitution par une dĂ©cision du Conseil consti-tutionnel (Cons. const., 4 aoĂ»t 2017, dĂ©cision no 2017-652 QPC, ComitĂ© d’entreprise de l’unitĂ© Ă©conomique et sociale Markem Imaje [DĂ©lai de consultation du comitĂ© d’en-treprise]) ont suscitĂ© un contentieux important dĂšs lors que, dans la pratique, la saisine du juge par le comitĂ© d’entreprise arguant de l’insuffisance de l’information transmise pouvait conduire, au regard des dĂ©lais de consultation contraints, Ă  ce que ces dĂ©lais soient dĂ©jĂ  expirĂ©s au moment oĂč le juge statue. L’action du comitĂ© d’entreprise ris-quait de se trouver de ce fait sans objet, alors mĂȘme qu’elle pouvait ĂȘtre fondĂ©e et avoir Ă©tĂ© diligentĂ©e dans le temps le plus utile.

Par ailleurs l’article 4, § 3, de la directive 2002/14/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 11 mars 2002 Ă©tablissant un cadre gĂ©nĂ©ral relatif Ă  l’information et la consultation des travailleurs dans la CommunautĂ© europĂ©enne instaure un droit Ă  l’in-formation appropriĂ©e.

Aux termes de deux prĂ©cĂ©dents arrĂȘts, la chambre sociale de la Cour de cassation a fixĂ© le point de dĂ©part du dĂ©lai de consultation en distinguant le cas de l’absence totale d’information de celui de l’insuffisance de l’information, conformĂ©ment aux termes de l’article L. 2323-4 du code du travail :

– dans une dĂ©cision du 21 septembre 2016 (Soc., 21 septembre 2016, pourvoi no 15-19.003, Bull. 2016, V, no 176), elle a jugĂ© que le dĂ©lai Ă  l’expiration duquel le comitĂ© d’entreprise

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est rĂ©putĂ© avoir donnĂ© un avis court Ă  compter de la date Ă  laquelle il a reçu une infor-mation le mettant en mesure d’apprĂ©cier l’importance de l’opĂ©ration envisagĂ©e et de saisir le prĂ©sident du tribunal de grande instance s’il estime que l’information com-muniquĂ©e est insuffisante ;

– elle en dĂ©duit que, dĂšs lors, le dĂ©lai ne peut pas courir lorsque certains documents dont la loi ou l’accord collectif prĂ©voit la communication, et notamment ceux rele-vant de la base de donnĂ©es Ă©conomiques et sociales, n’ont pas Ă©tĂ© mis Ă  disposition du comitĂ© d’entreprise (Soc., 28 mars 2018, pourvoi no 17-13.081, Bull. 2018, V, no 49).

Le prĂ©sent arrĂȘt complĂšte l’analyse des textes en s’interrogeant sur les incidences de la saisine du prĂ©sident du tribunal de grande instance statuant en la forme des rĂ©fĂ©-rĂ©s au motif de l’insuffisance des informations fournies ou transmises.

La chambre sociale de la Cour de cassation prĂ©cise que le comitĂ© d’entreprise doit obligatoirement saisir la juridiction dans le dĂ©lai qui lui est imparti pour donner son avis, en application de l’article R. 2323-1-1 du code du travail. Ainsi, dans l’affaire ayant donnĂ© lieu Ă  l’arrĂȘt du 21 septembre 2016 prĂ©citĂ©, la saisine Ă©tant postĂ©rieure Ă  l’expi-ration du dĂ©lai, la demande de prolongation des dĂ©lais Ă©tait nĂ©cessairement irrecevable.

La saisine de la juridiction ne prolonge pas par elle-mĂȘme les dĂ©lais de consultation, comme l’indique l’article L. 2323-4 du code du travail. Par consĂ©quent, si la demande se rĂ©vĂšle infondĂ©e, les documents ayant Ă©tĂ© transmis Ă©tant estimĂ©s par le juge comme suf-fisants pour que le comitĂ© d’entreprise puisse formuler un avis motivĂ©, le dĂ©lai s’achĂšve Ă  la date initialement prĂ©vue.

En revanche, si le juge considĂšre que la demande est fondĂ©e, c’est-Ă -dire s’il retient que les informations nĂ©cessaires Ă  l’institution reprĂ©sentative du personnel et deman-dĂ©es par cette derniĂšre pour formuler un avis motivĂ© n’ont pas Ă©tĂ© transmises ou mises Ă  disposition par l’employeur, le juge peut ordonner la production des Ă©lĂ©ments d’infor-mation complĂ©mentaires et dans ce cas, quelle que soit la date Ă  laquelle il se prononce, prolonger ou fixer un nouveau dĂ©lai de consultation pour une durĂ©e correspondant Ă  celles fixĂ©es par l’article R. 2323-1-1 du code du travail Ă  compter de la communica-tion de ces Ă©lĂ©ments complĂ©mentaires.

Ce mĂ©canisme, qui s’inscrit dans le cadre de l’obligation lĂ©gale faite au juge de se prononcer dans un dĂ©lai rapide, doit permettre de maintenir dans des dĂ©lais raison-nables la procĂ©dure de consultation du comitĂ© d’entreprise, aujourd’hui du comitĂ© social et Ă©conomique, tout en lui assurant le droit Ă  l’information appropriĂ©e que lui garantit le texte europĂ©en.

ReprĂ©sentation des salariĂ©s – ComitĂ© social et Ă©conomique – Mise en place – Mise en place au niveau de l’entreprise – DĂ©termination du nombre et du pĂ©rimĂštre des Ă©tablissements distincts – ModalitĂ©s – Accord collectif – DĂ©faut – DĂ©cision de l’employeur – Contestation – Saisine de l’autoritĂ© administra-tive – DĂ©cision de l’autoritĂ© administrative – Recours – Tribunal d’instance – Pouvoirs – Étendue – DĂ©termination – PortĂ©e

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Soc., 8 juillet 2020, pourvois no 19-60.107 et nÂș 19-11.918, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Le Masne de Chermont et avis de Mme BerriatIl rĂ©sulte de l’article L. 2313-5 du code du travail que, lorsqu’il est saisi de contesta-tions de la dĂ©cision de l’autoritĂ© administrative quant Ă  la fixation du nombre et du pĂ©ri-mĂštre des Ă©tablissements distincts, il appartient au juge de se prononcer sur la lĂ©galitĂ© de cette dĂ©cision au regard de l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifiĂ© Ă  la date de la dĂ©cision administrative et, en cas d’annulation de cette derniĂšre dĂ©cision, de statuer Ă  nouveau, en fixant ce nombre et ce pĂ©rimĂštre d’aprĂšs l’ensemble des cir-constances de fait Ă  la date oĂč le juge statue.

Issus de l’ordonnance no 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative Ă  la nouvelle organisation du dialogue social et Ă©conomique dans l’entreprise et favorisant l’exer-cice et la valorisation des responsabilitĂ©s syndicales, les articles L. 2313-1 Ă  L. 2313-5 du code du travail instaurent un mĂ©canisme original de fixation du nombre et du pĂ©ri-mĂštre des Ă©tablissements distincts, qui articule nĂ©gociation collective, dĂ©cision unilatĂ©-rale de l’employeur, dĂ©cision administrative du directeur rĂ©gional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et contrĂŽle exclusif du juge judiciaire.

Selon l’article L. 2313-4 du code du travail, en l’absence d’accord conclu avec les organisations syndicales reprĂ©sentatives ou le comitĂ© social et Ă©conomique dans les conditions mentionnĂ©es aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 de ce code, l’employeur fixe ce nombre et ce pĂ©rimĂštre, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matiĂšre de gestion du personnel.

L’article L. 2313-5 du code du travail prĂ©voit que, en cas de litige portant sur la dĂ©cision de l’employeur prĂ©vue Ă  l’article L. 2313-4, le nombre et le pĂ©rimĂštre des Ă©ta-blissements distincts sont fixĂ©s par l’autoritĂ© administrative du siĂšge de l’entreprise, la dĂ©cision de cette autoritĂ© pouvant faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, Ă  l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

Dans un arrĂȘt publiĂ© du 19 dĂ©cembre 2018 (Soc., 19 dĂ©cembre 2018, pourvoi no 18-23.655, publiĂ© au Bulletin), la chambre sociale de la Cour de cassation a Ă©tĂ© appe-lĂ©e Ă  se prononcer, pour la premiĂšre fois, sur l’objet de l’office du juge judiciaire saisi, dans le cadre de cet article L. 2313-5, d’un recours formĂ© contre la dĂ©cision adminis-trative du DIRECCTE.

S’inspirant du contrĂŽle de plein contentieux propre aux juridictions administra-tives, elle a affirmĂ©, au visa de ce texte, qu’il appartient au tribunal d’instance d’exami-ner l’ensemble des contestations, que celles-ci portent sur la lĂ©galitĂ© externe ou sur la lĂ©galitĂ© interne de cette dĂ©cision, et, s’il les dit mal fondĂ©es, de confirmer la dĂ©cision, s’il les accueille partiellement ou totalement, de statuer Ă  nouveau, par une dĂ©cision se substituant Ă  celle de l’autoritĂ© administrative, sur les questions demeurant en litige.

La question posĂ©e au travers du prĂ©sent pourvoi est celle des faits Ă  prendre en considĂ©ration tant pour contrĂŽler la lĂ©galitĂ© de la dĂ©cision administrative que pour, en cas d’annulation de cette derniĂšre, fixer le nombre et le pĂ©rimĂštre des Ă©tablisse-ments distincts.

S’inscrivant, de nouveau, dans la logique d’un contrĂŽle de plein contentieux, la chambre sociale de la Cour de cassation a opĂ©rĂ© une distinction selon les diffĂ©rentes

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Ă©tapes de l’exercice par le juge de son office lorsqu’il a Ă  connaĂźtre d’un recours formĂ© contre la dĂ©cision du DIRECCTE.

La chambre sociale de la Cour de cassation retient que le contrĂŽle de la lĂ©galitĂ© de la dĂ©cision administrative se fait au regard de l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifiĂ© Ă  la date Ă  laquelle cette dĂ©cision a Ă©tĂ© prise. Cette solution est justifiĂ©e par les termes mĂȘmes de l’article L. 2313-5 du code du travail qui disposent qu’en cas de contestation de la dĂ©cision unilatĂ©rale de l’employeur, le nombre et le pĂ©rimĂštre des Ă©tablissements distincts sont fixĂ©s par l’autoritĂ© administrative.

Toutefois, en cas d’annulation de la dĂ©cision du DIRECCTE par le juge, pour fixer le nombre et le pĂ©rimĂštre des Ă©tablissements distincts, celui-ci doit prendre en consi-dĂ©ration l’ensemble des circonstances de fait Ă  la date oĂč il statue.

Un tel schĂ©ma garantit la sĂ©curitĂ© juridique de la dĂ©cision administrative du DIRECCTE qui ne peut ĂȘtre remise en cause en considĂ©ration de faits ignorĂ©s par celui-ci Ă  la date oĂč elle a Ă©tĂ© prise, et permet au juge, lorsque ce dernier procĂšde Ă  l’annulation d’une telle dĂ©cision, de dĂ©finir un dĂ©coupage de l’entreprise en Ă©tablis-sements distincts, appelĂ© Ă  rĂ©gir les relations collectives de travail durant tout le cycle Ă©lectoral, en adĂ©quation avec l’organisation de l’entreprise contemporaine du jugement.

e. Syndicat professionnel

Syndicat professionnel – Statuts – Objet – Objet des syndicats professionnels dits primaires – Étendue – Exclusion – Cas – ReprĂ©sentation intercatĂ©gorielleSoc., 21 octobre 2020, pourvoi no 20-18.669, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme PĂ©caut-Rivolier et avis de Mme BerriatLe code du travail distingue les syndicats dits primaires, qui, aux termes de l’ar-ticle L. 2131-2 du code du travail, regroupent des personnes exerçant la mĂȘme pro-fession, des mĂ©tiers similaires ou des mĂ©tiers connexes concourant Ă  l’établissement de produits dĂ©terminĂ©s ou la mĂȘme profession libĂ©rale, et les unions de syndicats, au sein desquelles, selon l’article L. 2133-1 du code du travail, les syndicats profession-nels rĂ©guliĂšrement constituĂ©s peuvent se concerter pour la dĂ©fense de leurs intĂ©rĂȘts matĂ©riels et moraux.Il rĂ©sulte de cette distinction que si les unions de syndicats peuvent ĂȘtre intercatĂ©go-rielles, les syndicats professionnels primaires doivent respecter dans leurs statuts les prescriptions de l’article L. 2131-2 et ne peuvent dĂšs lors prĂ©tendre reprĂ©senter tous les salariĂ©s et tous les secteurs d’activitĂ©.

Une organisation syndicale « primaire » peut-elle couvrir, par ses statuts, un champ d’action interprofessionnel ? Telle Ă©tait la question soumise Ă  la chambre sociale de la Cour de cassation dans un contentieux nĂ© Ă  l’occasion du scrutin visant Ă  mesurer l’au-dience des organisations syndicales concernant les entreprises de moins de onze salariĂ©s.

Dans le cadre de ce scrutin, organisĂ© tous les quatre ans en application de la loi no 2010-1215 du 15 octobre 2010 complĂ©tant les dispositions relatives Ă  la dĂ©mocra-tie sociale issues de la loi no 2008-789 du 20 aoĂ»t 2008 pour permettre de mesurer la reprĂ©sentativitĂ© des organisations syndicales dans les TPE, en complĂ©ment de la mesure d’audience adossĂ©e aux Ă©lections professionnelles dans les entreprises d’au moins onze

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salariĂ©s, les organisations syndicales peuvent ĂȘtre candidates, soit au niveau d’une rĂ©gion, soit au niveau national. Le vote se fait sur sigle.

Au niveau national, les candidatures sont formĂ©es auprĂšs de la direction gĂ©nĂ©rale du travail. Selon l’article R. 2122-35 du code du travail : « Les syndicats affiliĂ©s Ă  une mĂȘme organisation syndicale au niveau interprofessionnel se dĂ©clarent candidats sous le seul nom de cette organisation. Les organisations syndicales autres que celles aux-quelles leurs statuts donnent vocation Ă  ĂȘtre prĂ©sentes au niveau interprofessionnel indiquent la ou les branches dans lesquelles elles se portent candidates compte tenu des salariĂ©s qu’elles ont statutairement vocation Ă  reprĂ©senter. »

En pratique, la direction gĂ©nĂ©rale du travail dresse deux listes des candidatures nationales, l’une pour les syndicats professionnels, l’autre pour les organisations syn-dicales interprofessionnelles.

Lors du scrutin 2020, une organisation syndicale professionnelle avait, peu de temps avant de dĂ©poser sa candidature, modifiĂ© ses statuts et ajoutĂ© Ă  l’énoncĂ© des salariĂ©s couverts par son champ professionnel « et de tous les salariĂ©s sans exclusive (cadres compris) ».

Au regard de cette mention, le syndicat avait été inscrit par la direction générale du travail sur la liste des organisations syndicales interprofessionnelles pour le scrutin TPE.

Cette inscription a Ă©tĂ© contestĂ©e par plusieurs confĂ©dĂ©rations nationales interpro-fessionnelles qui ont fait valoir devant le juge judiciaire qu’une organisation syndicale devait nĂ©cessairement avoir un champ professionnel, la possibilitĂ© d’avoir un champ gĂ©nĂ©ral interprofessionnel Ă©tant rĂ©servĂ©e aux unions et confĂ©dĂ©rations. À l’inverse, l’or-ganisation syndicale dont la candidature Ă©tait contestĂ©e mettait en avant la libertĂ© pour les syndicats de choisir leur champ de compĂ©tence statutaire.

De fait, la jurisprudence affirme rĂ©guliĂšrement que les syndicats choisissent libre-ment leur champ d’action gĂ©ographique et professionnel, qu’ils indiquent dans leurs statuts. DĂšs lors, lorsqu’elle examine les statuts, la Cour de cassation en fait une lecture trĂšs souple (voir Soc., 18 novembre 2009, pourvoi no 09-65.639, Bull. 2009, V, no 263), et admet facilement qu’un syndicat regroupe des professions relativement diverses (en ce sens par exemple, Soc., 8 fĂ©vrier 2012, pourvoi no 11-15.342, Bull. 2012, V, no 68).

Cependant, ce principe de libertĂ© statutaire a pour limite un autre principe, insti-tuĂ© par l’article L. 2131-2 du code du travail, celui de spĂ©cialitĂ© statutaire : les syndi-cats reprĂ©sentent des « personnes exerçant la mĂȘme profession, des mĂ©tiers similaires ou des mĂ©tiers connexes concourant Ă  l’établissement de produits dĂ©terminĂ©s ou la mĂȘme profession libĂ©rale ».

Certes, ce texte qui date de 1884 peut paraĂźtre dĂ©suet dans son expression. Mais il garde toute son importance dans une organisation de la nĂ©gociation collective en France qui repose sur une division en champs professionnels et en branches, ce qui permet aux organisations syndicales une reprĂ©sentation d’intĂ©rĂȘts spĂ©cifiques.

En parallĂšle, la loi prĂ©voit la possibilitĂ© pour les syndicats professionnels de se regrouper et de former des unions syndicales qui, selon l’expression de J.-M. Verdier, « ont justement pour rĂŽle de traduire les solidaritĂ©s plus vastes qui lient les travail-leurs ou les employeurs, dont le rĂ©gime est trĂšs voisin des syndicats » (J.-M. Verdier,

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail

Syndicats, TraitĂ© de droit du travail, tome 5, 1966, Dalloz, p. 171). Ces unions peuvent ĂȘtre interprofessionnelles.

Il en rĂ©sulte qu’un syndicat primaire ne peut prĂ©tendre reprĂ©senter tous les sala-riĂ©s ou toutes les activitĂ©s. C’est d’ailleurs ce que la chambre sociale de la Cour de cas-sation avait dĂ©jĂ  affirmĂ© dans un arrĂȘt publiĂ© en 1996 (Soc., 8 octobre 1996, pourvoi no 95-40.521, Bull. 1996, V, no 316). C’est ce qu’elle rĂ©affirme dans la prĂ©sente dĂ©cision.

La qualitĂ© de syndicat ne peut donc ĂȘtre reconnue Ă  une organisation profession-nelle qui, sans ĂȘtre une union de syndicats, prĂ©tendrait reprĂ©senter l’ensemble des sala-riĂ©s et des activitĂ©s professionnelles.

7. Rupture du contrat de travail

a. Rupture conventionnelle

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

b. Contrat de travail à durée déterminée

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

c. Indemnités de rupture

Statuts professionnels particuliers â€“ Journaliste professionnel – Contrat de travail – RĂ©siliation – IndemnitĂ© – Attribution – Commission arbitrale des journalistes – CompĂ©tence – Étendue – DĂ©terminationSoc., 30 septembre 2020, pourvoi nÂș 19-12.885, publiĂ© au Bulletin, rap-port de Mme Monge et avis de M. DesplanIl n’y a pas lieu de distinguer lĂ  oĂč la loi ne distingue pas. Les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes pro-fessionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit.DĂšs lors la cour d’appel, saisie d’un recours en annulation formĂ© contre la dĂ©cision de la commission arbitrale des journalistes ayant fixĂ© l’indemnitĂ© de licenciement d’un jour-naliste professionnel, Ă©carte Ă  bon droit le moyen tirĂ© de l’incompĂ©tence de cette com-mission fondĂ© sur le fait que l’employeur Ă©tait une agence de presse.

La question soumise ici Ă  la Cour de cassation Ă©tait celle de savoir si un journaliste professionnel qui exerçait sa profession dans une agence de presse pouvait prĂ©tendre Ă  une indemnitĂ© de licenciement fixĂ©e par la commission arbitrale des journalistes s’il remplissait les conditions fixĂ©es Ă  l’article L. 7112-4 du code du travail, dans sa rĂ©dac-tion modifiĂ©e par la loi no 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l’ordonnance no 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie lĂ©gislative), ou si le fait que son employeur ne fĂ»t pas une entreprise de journaux et pĂ©riodiques y faisait obstacle.

Le texte mĂȘme de l’article L. 7112-4 du code du travail, muet sur la personne de l’employeur, ne fournissait pas Ă  lui seul la rĂ©ponse.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Il pouvait, Ă  l’instar de l’article L. 7112-3 du mĂȘme code qui reconnaissait au jour-naliste salariĂ© le droit Ă  une indemnitĂ© de licenciement calculĂ©e selon des modalitĂ©s dĂ©rogatoires au droit commun si l’employeur Ă©tait Ă  l’initiative de la rupture, se lire dans le prolongement de l’article L. 7112-2 du code du travail relatif au dĂ©lai de prĂ©-avis, qui prĂ©cisait, quant Ă  lui, son champ d’application en faisant clairement rĂ©fĂ©rence aux employeurs entreprises de journaux et pĂ©riodiques.

Il pouvait aussi, avec l’article L. 7112-3, s’en sĂ©parer, dĂšs lors que le lĂ©gislateur n’y avait apportĂ© aucune restriction expresse quant Ă  la personne de l’employeur.

Énonçant qu’il n’y avait pas lieu de distinguer lĂ  oĂč la loi ne distinguait pas, la Cour a jugĂ© que les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail Ă©taient applicables Ă  tous les journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse, quelle qu’elle soit.

Ce faisant, elle a renouĂ© avec la solution dĂ©gagĂ©e par un arrĂȘt du 5 octobre 1999 (Soc., 5 octobre 1999, pourvoi no 97-41.997) et est revenue sur celle adoptĂ©e par un arrĂȘt du 13 avril 2016 (Soc., 13 avril 2016, pourvoi no 11-28.713, Bull. 2016, V, no 74).

Le premier, non publiĂ©, avait reconnu au salariĂ© d’une agence de presse le droit Ă  l’indemnitĂ© spĂ©ciale de licenciement crĂ©Ă©e par l’article L. 761-5 du code du travail, issu de la loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes, dite « loi Brachard », et recodifiĂ© sous les articles susvisĂ©s L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du tra-vail, en sa qualitĂ© de journaliste professionnel.

À l’inverse, le second avait exclu le journaliste professionnel travaillant pour le compte d’une agence de presse du bĂ©nĂ©fice de l’indemnitĂ© de congĂ©diement instituĂ©e par l’article L. 7112-3.

PostĂ©rieurement Ă  ce dernier arrĂȘt, plusieurs dĂ©cisions de la Cour Ă©taient dĂ©jĂ  l’in-dice de ce que cette derniĂšre position pouvait n’ĂȘtre pas dĂ©finitive.

Celle, d’abord, rendue le 14 fĂ©vrier 2018 (Soc., 14 fĂ©vrier 2018, pourvoi no 16-25.649, Bull. 2018, V, no 27) qui, dans une instance opposant un journaliste professionnel licen-ciĂ© pour inaptitude professionnelle Ă  son employeur, la sociĂ©tĂ© France TĂ©lĂ©visions, a retenu que la commission arbitrale Ă©tait seule compĂ©tente pour statuer sur l’octroi et le montant d’une indemnitĂ© de licenciement quelle qu’en soit la cause aux journalistes professionnels de plus de quinze ans d’anciennetĂ©, Ă©tant rappelĂ© que la sociĂ©tĂ© France TĂ©lĂ©visions n’est pas une entreprise de journaux et pĂ©riodiques.

Celle, ensuite, du 9 mai 2018 (Soc., 9 mai 2018, pourvoi no 18-40.007, Bull. 2018, V, no 81), par laquelle la chambre sociale de la Cour de cassation a dĂ©cidĂ© de ne pas ren-voyer la question prioritaire suivante :

« L’interprĂ©tation jurisprudentielle constante des articles L. 7112-2, L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail issue de l’arrĂȘt de la chambre sociale de la Cour de cas-sation no 11-28.713 du 13 avril 2016 (FS-P+B) rĂ©servant le bĂ©nĂ©fice de l’indemnitĂ© de licenciement [de congĂ©diement] aux journalistes salariĂ©s des entreprises de journaux et pĂ©riodiques Ă  l’exclusion des journalistes des agences de presse et de l’audiovisuel est-elle conforme aux droits et libertĂ©s constitutionnellement garantis, dont en premier lieu le principe d’égalitĂ© ? » en retenant :

« qu’il n’existe pas, en l’état, d’interprĂ©tation jurisprudentielle constante des dis-positions lĂ©gislatives contestĂ©es refusant au journaliste salariĂ© d’une agence de presse

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit du travail

le bĂ©nĂ©fice de l’indemnitĂ© de licenciement prĂ©vue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail ».

En jugeant, par l’arrĂȘt commentĂ©, que tous les journalistes professionnels, sala-riĂ©s d’une entreprise de presse, quelle qu’elle soit, pouvaient prĂ©tendre Ă  l’applica-tion Ă  leur profit des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, la Cour de cassation rejoint l’opinion dĂ©jĂ  exprimĂ©e par le Conseil constitutionnel dans sa dĂ©ci-sion du 14 mai 2012 (Cons. const., 14 mai 2012, dĂ©cision nos 2012-243/244/245/246 QPC, SociĂ©tĂ© Yonne RĂ©publicaine et autre [Saisine obligatoire de la commission arbi-trale des journalistes et rĂ©gime d’indemnisation de la rupture du contrat de travail]), qui, pour conclure Ă  la constitutionnalitĂ© de ces deux articles, avait soulignĂ© la spĂ©ci-ficitĂ© des conditions d’exercice de la profession de journaliste qui rendait la situation de ceux-ci diffĂ©rente de celle des autres salariĂ©s, considĂ©rant dans son analyse le corps des journalistes dans son ensemble sans opĂ©rer de distinction particuliĂšre entre ceux dont l’employeur Ă©tait une entreprise de journaux et de pĂ©riodiques et ceux dont l’em-ployeur Ă©tait une agence de presse.

d. Licenciement

Contrat de travail, rupture – Licenciement Ă©conomique – Cause – Cause rĂ©elle et sĂ©rieuse – Motif Ă©conomique – DĂ©faut – Cas – DifficultĂ©s Ă©cono-miques rĂ©sultant d’agissements fautifs de l’employeur – CaractĂ©risation – Applications diverses – Erreur de l’employeur dans l’apprĂ©ciation du risque inhĂ©rent Ă  tout choix de gestion – Exclusion – PortĂ©eSoc., 4 novembre 2020, pourvois nÂș 18-23.029 Ă  no 18-23.033, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Prache et avis de Mme BerriatSi la faute de l’employeur Ă  l’origine de la menace pesant sur la compĂ©titivitĂ© de l’en-treprise rendant nĂ©cessaire sa rĂ©organisation est de nature Ă  priver de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse les licenciements consĂ©cutifs Ă  cette rĂ©organisation, l’erreur Ă©ventuellement commise dans l’apprĂ©ciation du risque inhĂ©rent Ă  tout choix de gestion ne caractĂ©rise pas Ă  elle seule une telle faute.

Pour apprĂ©cier le bien-fondĂ© du motif Ă©conomique du licenciement consĂ©cutif Ă  une rĂ©organisation de l’entreprise, il revient au juge de vĂ©rifier la rĂ©alitĂ© d’une menace sur la compĂ©titivitĂ© de l’entreprise ou du secteur d’activitĂ© du groupe dont elle relĂšve (Soc., 31 mai 2006, pourvoi no 04-47.376, Bull. 2006, V, no 200 ; Soc., 15 janvier 2014, pourvoi no 12-23.869).

Il n’appartient toutefois pas au juge de se prononcer sur la cause du motif Ă©cono-mique (Soc., 1er mars 2000, pourvoi no 98-40.340, Bull. 2000, V, no 81) et en particulier de porter une apprĂ©ciation sur les choix de gestion de l’employeur et leurs consĂ©-quences sur l’entreprise (Ass. plĂ©n., 8 dĂ©cembre 2000, pourvoi no 97-44.219, Bull. 2000, Ass. plĂ©n., no 11 ; Soc., 27 juin 2001, pourvoi no 99-45.817 ; Soc., 8 juillet 2009, pourvoi no 08-40.046, Bull. 2009, V, no 173 ; Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 16-18.307).

Toutefois, la chambre sociale de la Cour de cassation juge traditionnellement que l’employeur ne peut se prĂ©valoir d’une situation Ă©conomique qui rĂ©sulte d’une « atti-tude intentionnelle et frauduleuse » de sa part ou d’« une situation artificiellement crĂ©Ă©e rĂ©sultant d’une attitude frauduleuse » (Soc., 9 octobre 1991, pourvoi no 89-41.705,

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Bull. 1991, V, no 402 ; Soc., 13 janvier 1993, pourvoi no 91-45.894, Bull. 1993, V, no 9 ; Soc., 12 janvier 1994, pourvoi no 92-43.191).

Ainsi la chambre sociale jugeait-elle que le licenciement est dĂ©pourvu de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse lorsque les difficultĂ©s Ă©conomiques, mĂȘme Ă©tablies, sont imputables Ă  la lĂ©gĂšretĂ© blĂąmable de l’employeur (Soc., 22 septembre 2015, pourvoi no 14-15.520).

Elle a ensuite retenu, dans un arrĂȘt dit Keyria, que lorsque les difficultĂ©s Ă©cono-miques invoquĂ©es Ă  l’appui du licenciement d’un salariĂ© rĂ©sultent d’agissements fau-tifs de l’employeur, allant au-delĂ  des seules erreurs de gestion, le licenciement est sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse (Soc., 24 mai 2018, pourvoi no 17-12.560, Bull. 2018, V, no 85).

La chambre sociale de la Cour de cassation a depuis longtemps transposĂ© cette rĂšgle dans le domaine de la cessation d’activitĂ©, lorsque la faute de l’employeur en est Ă  l’origine (Soc., 16 janvier 2001, pourvoi no 98-44.647, Bull. 2001, V, no 10 ; Soc., 23 mars 2017, pourvoi no 15-21.183, Bull. 2017, V, no 56), l’étendant rĂ©cemment Ă  l’hy-pothĂšse oĂč la cessation d’activitĂ© rĂ©sulte de la liquidation judiciaire de l’entreprise (Soc., 8 juillet 2020, pourvoi no 18-26.140, publiĂ© au Bulletin).

La question posĂ©e en l’espĂšce Ă  la chambre sociale Ă©tait de savoir si cette solution Ă©tait transposable Ă  cet autre motif Ă©conomique que constitue la rĂ©organisation nĂ©ces-saire Ă  la sauvegarde de la compĂ©titivitĂ© de l’entreprise. En effet, la frontiĂšre avec les choix de gestion de l’employeur, sur lesquels le juge n’a pas Ă  porter une apprĂ©ciation, paraĂźt plus tĂ©nue en matiĂšre de rĂ©organisation que de difficultĂ©s Ă©conomiques, ce qui pouvait interroger sur la possibilitĂ© pour le juge de se prononcer sur l’existence d’une faute de l’employeur privant de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse un licenciement prononcĂ© Ă  la suite d’une rĂ©organisation.

La rĂšgle semblait cependant avoir Ă©tĂ© implicitement admise, aux termes d’un arrĂȘt simplement diffusĂ© censurant une cour d’appel qui, pour juger sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse des licenciements fondĂ©s sur une menace sur la compĂ©titivitĂ©, avait retenu comme fau-tifs des faits constituant des choix de gestion (Soc., 21 mai 2014, pourvoi no 12-28.803).

Le pourvoi formĂ© par la sociĂ©tĂ© Pages jaunes contre les arrĂȘts de la cour d’appel de Caen est l’occasion pour la Cour de cassation d’admettre, pour la premiĂšre fois, qu’une faute de l’employeur Ă  l’origine de la menace pesant sur la compĂ©titivitĂ© de l’entreprise rendant nĂ©cessaire sa rĂ©organisation est susceptible de priver de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse les licenciements prononcĂ©s. Mais la chambre sociale rappelle que l’erreur Ă©ventuelle-ment commise dans l’apprĂ©ciation du risque inhĂ©rent Ă  tout choix de gestion ne carac-tĂ©rise pas Ă  elle seule une telle faute.

Les arrĂȘts attaquĂ©s sont par consĂ©quent censurĂ©s, la cour d’appel ayant seulement caractĂ©risĂ© la faute de l’employeur par « des dĂ©cisions de mise Ă  disposition de liquidi-tĂ©s empĂȘchant ou limitant les investissements nĂ©cessaires », en l’occurrence les remon-tĂ©es de dividendes de la sociĂ©tĂ© Pages jaunes vers la holding qui permettaient d’assurer le remboursement d’un emprunt du groupe rĂ©sultant d’une opĂ©ration d’achat avec effet levier (LBO).

Par la dĂ©cision ici commentĂ©e, la chambre sociale de la Cour de cassation, quel que soit le motif Ă©conomique du licenciement et, a fortiori, lorsqu’il rĂ©side dans une rĂ©or-ganisation de l’entreprise rendue nĂ©cessaire par la sauvegarde de la compĂ©titivitĂ©, reste vigilante Ă  ce que, sous couvert d’un contrĂŽle de la faute, les juges du fond n’exercent

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit immobilier, environnement et urbanisme

pas un contrĂŽle sur les choix de gestion de l’employeur (Soc., 14 dĂ©cembre 2005, pour-voi no 03-44.380, Bull. 2005, no 365).

8. Actions en justice

a. Compétence

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

b. SĂ©paration des pouvoirs

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

C. Droit immobilier, environnement et urbanisme

1. Bail (rÚgles générales)

Bail (rĂšgles gĂ©nĂ©rales) â€“ DĂ©finition – Contrat de sĂ©jour dans les Ă©tablissements sociaux et mĂ©dico-sociaux â€“ Exclusion – Effets â€“ Incendie – ResponsabilitĂ© du preneur â€“ Articles 1733 et suivants du code civil – Application (non)3e Civ., 3 dĂ©cembre 2020, pourvoi no 19-19.670, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Parneix et avis de Mme Morel-Coujard3e Civ., 3 dĂ©cembre 2020, pourvoi no 20-10.122, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Parneix et avis de M. SturlĂšseLe contrat de sĂ©jour au sens de l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de choses.Il en rĂ©sulte que la prĂ©somption de responsabilitĂ© du locataire en cas d’incendie, prĂ©vue par l’article 1733 du code civil, n’est pas applicable.

Par ces arrĂȘts, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation affirme avec net-tetĂ© que le contrat de sĂ©jour prĂ©vu par l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles est exclusif de la qualification de louage de choses et n’est pas rĂ©gi par les rĂšgles du code civil.

Un contrat de sĂ©jour avait Ă©tĂ© consenti respectivement au profit d’une retraitĂ©e, dans la premiĂšre affaire, et au profit d’une personne ĂągĂ©e dĂ©pendante, dans la seconde. Dans les deux cas, le contrat prĂ©voyait la mise Ă  disposition d’un logement et de ser-vices annexes Ă  caractĂšre social ou mĂ©dical. Un incendie s’était dĂ©clarĂ© dans chacun de ces logements et le propriĂ©taire de l’immeuble avait assignĂ© l’assureur des rĂ©sidentes en indemnisation du sinistre sur le fondement de l’article 1733 du code civil Ă©dictant une prĂ©somption de responsabilitĂ© Ă  la charge du locataire.

La question se posait donc de savoir si l’attribution du logement pouvait s’analy-ser en un contrat de bail.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Le contrat de sĂ©jour peut ĂȘtre dĂ©fini comme un contrat associant un hĂ©bergement et des services d’accompagnement ou d’aide Ă  la personne du rĂ©sident (repas, soins, loi-sirs, assistance mĂ©dicale) qui varient selon son degrĂ© d’autonomie et de prise en charge.

Les textes du code de l’action sociale et des familles qui le rĂ©gissent, notamment son article L. 311-4, dĂ©crivent son contenu, les obligations respectives des parties et les services individuels ou collectifs accordĂ©s au rĂ©sident, mais n’en donnent pas de dĂ©fi-nition juridique et ne le rattachent Ă  aucun contrat spĂ©cial prĂ©cis. On a pu parler de contrat hybride ou sui generis.

La jurisprudence Ă©tait peu abondante et ne permettait pas de rĂ©pondre Ă  la question posĂ©e. Dans un arrĂȘt du 1er juillet 1998 (3e Civ., 1er juillet 1998, pourvoi no 96-17.515, Bull. 1998, III, no 45), la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait jugĂ© que « le contrat de sĂ©jour par lequel une maison de retraite s’oblige Ă  hĂ©berger une per-sonne ĂągĂ©e et Ă  fournir des prestations hĂŽteliĂšres, sociales et mĂ©dicales n’est pas soumis aux rĂšgles du code civil relatives au louage de choses et n’est rĂ©gi que par la convention des parties ». Et, dans deux arrĂȘts des 17 fĂ©vrier 1981 (3e Civ., 17 fĂ©vrier 1981, pourvoi no 79-14.712, Bull. 1981, III, no 32) et 1er juillet 2003 (3e Civ., 1er juillet 2003, pourvoi no 01-17.661), la mĂȘme chambre avait dĂ©cidĂ© que le tribunal d’instance n’était pas com-pĂ©tent pour connaĂźtre des actions relatives Ă  un logement-foyer pour les travailleurs isolĂ©s en raison des prestations collectives accordĂ©es aux rĂ©sidents. Mais ces dĂ©cisions ne se prononçaient pas sur l’application de l’article 1733 du code civil.

Face au silence des textes et Ă  l’insuffisance de la jurisprudence, l’hĂ©sitation Ă©tait permise. En l’espĂšce, les juges du fond ont procĂ©dĂ© Ă  la recherche de la commune intention des parties, Ă  laquelle l’arrĂȘt de 1998 prĂ©citĂ© semblait les inviter, dĂšs lors que cette dĂ©cision avait retenu que le contrat de sĂ©jour Ă©tait rĂ©gi par la seule loi des par-ties. Dans la premiĂšre affaire, la cour d’appel a estimĂ© que l’objet essentiel du contrat Ă©tait la mise Ă  disposition d’un logement, les prestations accessoires n’étant que faculta-tives et la redevance, qualifiĂ©e de loyer, portant Ă©galement sur les charges de chauffage, d’eau et d’électricitĂ©. Dans la seconde, dans laquelle les prestations Ă©taient beaucoup plus lourdes, s’agissant d’une personne dĂ©pendante, et les restrictions Ă  la jouissance du logement plus fortes, la cour d’appel a procĂ©dĂ© Ă  une « application distributive » des clauses du contrat. Elle a considĂ©rĂ© que le contrat de sĂ©jour Ă©tait pour partie un contrat de bail et pour partie un contrat de prestation de services. Elle a notamment retenu que l’existence d’un rĂšglement intĂ©rieur n’était pas incompatible avec la quali-fication de contrat de louage et que la rĂ©sidente avait signĂ© un Ă©tat des lieux d’entrĂ©e, versĂ© un dĂ©pĂŽt de garantie et souscrit une assurance multirisques habitation couvrant le risque incendie. Dans les deux affaires, les juges en ont dĂ©duit que l’article 1733 du code civil Ă©tait applicable.

Les deux arrĂȘts ici commentĂ©s auraient pu ĂȘtre approuvĂ©s sous l’angle du pouvoir souverain accordĂ© aux juges pour apprĂ©cier la commune intention des parties. Toutefois, le risque de solutions disparates et d’une insĂ©curitĂ© juridique Ă©tait rĂ©el, alors que les contrats de sĂ©jour sont appelĂ©s Ă  se multiplier compte tenu des difficultĂ©s sociales et du vieillissement de la population.

Pour conjurer ce risque, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a prĂ©-fĂ©rĂ© adopter une solution claire sĂ©parant totalement le contrat de sĂ©jour du contrat de bail. Elle a donc renforcĂ© et gĂ©nĂ©ralisĂ© la doctrine de son arrĂȘt du 1er juillet 1998

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit immobilier, environnement et urbanisme

prĂ©citĂ©, en retenant que le contrat de sĂ©jour n’était soumis Ă  aucune des rĂšgles du code civil relatives au contrat de louage de choses.

2. PrivilĂšges

PrivilĂšges – Vendeur d’immeuble â€“ Inscription – DĂ©lai â€“ Domaine d’application – Exclusion â€“ Cas – Alsace-Moselle â€“ PortĂ©e3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi no 18-16.888, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Guillaudier et avis de Mme VassalloLe dĂ©lai de deux mois prĂ©vu par l’article 2379, alinĂ©a 1, du code civil n’est pas applicable dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.DĂšs lors, doit ĂȘtre cassĂ© l’arrĂȘt qui, pour rejeter le pourvoi formĂ© contre la dĂ©cision de rejet de la requĂȘte en inscription du privilĂšge du vendeur par le juge du livre foncier, retient que le dĂ©lai de deux mois imposĂ© par l’article 2379 du code civil n’est pas une rĂšgle de publicitĂ© fonciĂšre Ă  laquelle le droit local pourrait dĂ©roger, mais une disposition de fond qui fixe la condition d’efficacitĂ© du privilĂšge du vendeur et que cette disposition est appli-cable en Alsace-Moselle.

L’arrĂȘt commentĂ© a Ă©tĂ© l’occasion pour la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation de rĂ©pondre Ă  une question de principe :

Le dĂ©lai de deux mois prĂ©vu par l’article 2379, alinĂ©a 1, du code civil est-il appli-cable dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ?

Aux termes de ce texte, le vendeur privilĂ©giĂ©, ou le prĂȘteur qui a fourni les deniers pour l’acquisition d’un immeuble, conserve son privilĂšge par une inscription qui doit ĂȘtre prise, Ă  sa diligence, en la forme prĂ©vue aux articles 2426 et 2428 du code civil, et dans le dĂ©lai de deux mois Ă  compter de l’acte de vente. Le privilĂšge prend rang Ă  la date dudit acte.

En l’espĂšce, un notaire avait, aprĂšs avoir dressĂ© un acte d’une vente en l’état futur d’achĂšvement, dĂ©posĂ© une requĂȘte tendant Ă  l’inscription du privilĂšge du vendeur, laquelle avait Ă©tĂ© rejetĂ©e par le juge du livre foncier de Strasbourg.

Pour rejeter le pourvoi formĂ© contre cette dĂ©cision, la cour d’appel de Colmar avait jugĂ© que le dĂ©lai de deux mois imposĂ© par l’article 2379 du code civil n’était pas une rĂšgle de publicitĂ© fonciĂšre Ă  laquelle le droit local pouvait dĂ©roger, mais une disposi-tion de fond qui fixait la condition d’efficacitĂ© du privilĂšge du vendeur et que cette dis-position Ă©tait applicable en Alsace-Moselle.

La Cour de cassation a retenu que l’article 2379 du code civil, qui conditionne l’efficacitĂ© du privilĂšge, Ă©tait effectivement une disposition de fond puisque, si le dĂ©lai n’était pas respectĂ©, le privilĂšge dĂ©gĂ©nĂ©rait en hypothĂšque et ne prenait rang, Ă  l’égard des tiers, que de la date de l’inscription.

Mais elle a rappelĂ© que, dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, il rĂ©sultait des articles 36 et 36-1 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la lĂ©gislation civile française dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, que les droits sur les immeubles, les privilĂšges et les hypothĂšques Ă©taient ceux prĂ©vus par la lĂ©gislation civile française et les rĂšgles concernant l’organisation, la

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constitution, la transmission et l’extinction des droits rĂ©els immobiliers et autres droits et actes soumis Ă  publicitĂ© Ă©taient celles de la lĂ©gislation civile française, sous rĂ©serve de plusieurs dispositions.

Ainsi, selon les articles 38, 45 et 52, les privilĂšges sont inscrits au livre foncier, aux fins d’opposabilitĂ© aux tiers, la date et le rang de l’inscription sont dĂ©terminĂ©s par la mention du dĂ©pĂŽt de la requĂȘte, portĂ©e au registre des dĂ©pĂŽts, et l’inscription des pri-vilĂšges et des hypothĂšques est sans effet rĂ©troactif.

Et l’article 52 du dĂ©cret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant rĂ©forme de la publicitĂ© fonciĂšre a expressĂ©ment prĂ©vu qu’il n’était pas dĂ©rogĂ© Ă  ces dispositions.

La Cour de cassation en a dĂ©duit que ces dispositions spĂ©cifiques du droit local ins-tituant un rĂ©gime spĂ©cial avec des rĂšgles de fond diffĂ©rentes de celles du droit gĂ©nĂ©-ral continuaient Ă  s’appliquer dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et que le dĂ©lai de deux mois prĂ©vu par l’article 2379, alinĂ©a 1, du code civil n’était pas applicable dans ces dĂ©partements.

3. Prescription

Assurance dommages – Assurance dommages-ouvrage – DĂ©sordres de nature dĂ©cennale – Prise en charge par le garant – Recours contre l’assureur dom-mages-ouvrage – Prescription – Prescription biennale – DĂ©lai – Point de dĂ©part – DĂ©termination3e Civ., 13 fĂ©vrier 2020, pourvoi no 19-12.281, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Nivose et avis de M. BurgaudLe point de dĂ©part du dĂ©lai de prescription biennale de l’action du garant de livraison, subrogĂ© dans les droits du maĂźtre de l’ouvrage, contre l’assureur dommages-ouvrage, dans le cas de dĂ©sordres survenus avant rĂ©ception et de liquidation judiciaire de l’entre-prise, est la date de l’évĂ©nement donnant naissance Ă  l’action, c’est-Ă -dire celle de l’ou-verture de la procĂ©dure collective, emportant rĂ©siliation du contrat de louage d’ouvrage.

L’arrĂȘt commentĂ© tranche une question inĂ©dite : quel est le point de dĂ©part du dĂ©lai de prescription biennale de l’action du garant de livraison, subrogĂ© dans les droits du maĂźtre de l’ouvrage, contre l’assureur dommages-ouvrage quand la garantie de celui-ci est recherchĂ©e avant rĂ©ception et que le constructeur a Ă©tĂ© mis en liquidation judiciaire ?

Deux solutions s’offraient à la troisiùme chambre civile de la Cour de cassation :

– fixer le point de dĂ©part du dĂ©lai biennal Ă  la date Ă  laquelle les maĂźtres de l’ouvrage avaient eu connaissance des dĂ©sordres ;

– fixer ce point de dĂ©part Ă  la date de l’ouverture de la liquidation judiciaire de l’en-treprise, emportant rĂ©siliation du contrat de louage d’ouvrage.

Pour accueillir le pourvoi du garant et retenir la seconde solution, la troisiùme chambre civile cite tout d’abord les deux textes applicables.

D’une part, l’article L. 114-1, alinĂ©a 1, du code des assurances, qui dispose que toutes actions dĂ©rivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans Ă  comp-ter de l’évĂ©nement qui y donne naissance.

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D’autre part, l’article L. 242-1 du mĂȘme code, qui prĂ©voit que l’assurance de dom-mages-ouvrage prend effet, avant la rĂ©ception, aprĂšs mise en demeure restĂ©e infruc-tueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur Ă©tant rĂ©siliĂ© pour inexĂ©cution, par celui-ci, de ses obligations.

Pour les dĂ©sordres survenus aprĂšs rĂ©ception, la jurisprudence dĂ©cide que l’assurĂ© dispose d’un dĂ©lai de deux ans Ă  compter de la connaissance qu’il a des dĂ©sordres sur-venus dans les dix ans qui ont suivi la rĂ©ception pour rĂ©clamer l’exĂ©cution de la garan-tie souscrite (1re Civ., 4 mai 1999, pourvoi no 97-13.198, Bull. 1999, I, no 141 ; 3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi no 15-16.688).

L’arrĂȘt commentĂ© souligne que cette doctrine n’est pas applicable avant rĂ©ception. En effet, dans cette hypothĂšse, l’évĂ©nement Ă  l’origine de la mise en Ɠuvre de la garan-tie n’est pas la survenance des dĂ©sordres de nature dĂ©cennale, qui est une condition de la garantie, mais la dĂ©faillance de l’entrepreneur qui manque Ă  ses obligations en ne procĂ©dant pas Ă  la reprise des dĂ©sordres, ce qui justifie la rĂ©siliation du marchĂ©. Cette dĂ©faillance constitue l’évĂ©nement qui donne naissance Ă  l’action contre l’assureur dom-mages-ouvrage au sens de l’article L. 114-1 du code des assurances.

Un autre paramĂštre devait ĂȘtre pris en considĂ©ration dans l’affaire ayant donnĂ© lieu Ă  l’arrĂȘt commentĂ© : le constructeur avait Ă©tĂ© mis en liquidation judiciaire.

La troisiĂšme chambre civile rappelle que la Cour de cassation juge qu’il peut ĂȘtre dĂ©rogĂ© Ă  l’obligation prĂ©vue par l’article L. 242-1 du code des assurances de mettre en demeure l’entrepreneur dĂ©faillant, avant rĂ©ception, lorsque celle-ci s’avĂšre impos-sible ou inutile en cas de cessation de l’activitĂ© de l’entreprise (1re Civ., 23 juin 1998, pourvoi no 95-19.340, Bull. 1998, I, no 222) ou de liquidation judiciaire emportant rĂ©si-liation de contrat de louage d’ouvrage (1re Civ., 3 mars 1998, pourvoi no 95-10.293, Bull. 1998, I, no 83).

Elle en dĂ©duit qu’avant rĂ©ception, la date d’ouverture de la liquidation judiciaire de l’entrepreneur emportant rĂ©siliation du contrat de louage d’ouvrage, constitue l’évĂ©-nement donnant naissance Ă  l’action du garant de livraison subrogĂ© dans les droits du maĂźtre de l’ouvrage contre l’assureur dommages-ouvrage et, partant, le point de dĂ©part du dĂ©lai de la prescription biennale prĂ©vu par l’article L. 114-1 du code des assurances.

4. Responsabilité

Contrat d’entreprise â€“ Sous-traitant – ResponsabilitĂ© â€“ ResponsabilitĂ© Ă  l’égard des tiers – Mise en Ɠuvre â€“ ModalitĂ©s3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi nÂș 18-21.895, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Georget et avis de M. BrunL’action de l’article 2270-2, devenu 1792-4-2, du code civil, rĂ©servĂ©e au maĂźtre de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers Ă  l’opĂ©ration de construire.

Architecte entrepreneur – ResponsabilitĂ© – ResponsabilitĂ© Ă  l’égard du maĂźtre de l’ouvrage – PrĂ©judice – RĂ©paration – Action rĂ©cursoire – Recours de

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l’architecte contre un sous-traitant – Action en responsabilitĂ© extra-contrac-tuelle – Prescription – DĂ©lai – Point de dĂ©part – DĂ©termination3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Georget et avis de M. BrunLe recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relĂšve des dispositions de l’article 2224 du code civil. Il se prescrit donc par cinq ans Ă  compter du jour oĂč le premier a connu ou aurait dĂ» connaĂźtre les faits lui permettant de l’exercer.Tel est le cas d’une assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de l’ouvrage Ă  l’entrepreneur principal, laquelle met en cause la responsabilitĂ© de ce dernier.

PrĂšs de douze ans aprĂšs l’entrĂ©e en vigueur de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, portant rĂ©forme de la prescription en matiĂšre civile, deux pourvois ont offert Ă  la troi-siĂšme chambre civile de la Cour de cassation l’occasion de prĂ©ciser le rĂ©gime du dĂ©lai d’action en responsabilitĂ© contre les constructeurs et leurs sous-traitants par les personnes autres que le maĂźtre de l’ouvrage lorsqu’une rĂ©ception de l’ouvrage a Ă©tĂ© prononcĂ©e.

La troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation dĂ©cide que les articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil sont rĂ©servĂ©s aux actions dirigĂ©es par les maĂźtres de l’ouvrage (A). Elle prĂ©cise que le point de dĂ©part du recours entre constructeurs et sous-trai-tants est l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de l’ouvrage Ă  celui qui entend exercer un recours (B).

A. â€“ Les dispositions des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil sont rĂ©ser-vĂ©es aux actions dirigĂ©es par les maĂźtres de l’ouvrage et les acquĂ©reurs de l’ouvrage

Les juges du fond, Ă  l’instar de la doctrine, Ă©taient trĂšs divisĂ©s en la matiĂšre.

Dans un souci de sĂ©curitĂ© juridique, il Ă©tait donc impĂ©ratif que la Cour de cassa-tion exerçùt son rĂŽle d’harmonisation de la jurisprudence en clarifiant le champ d’ap-plication des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil.

L’article 1792-4-2 du code civil dispose que les actions en responsabilitĂ© dirigĂ©es contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des Ă©lĂ©ments d’équipement d’un ouvrage mentionnĂ©s aux articles 1792 et 1792-2 du mĂȘme code se prescrivent par dix ans Ă  compter de la rĂ©ception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des Ă©lĂ©ments d’équipement de l’ouvrage mentionnĂ©s Ă  l’article 1792-3, par deux ans Ă  compter de cette mĂȘme rĂ©ception.

L’article 1792-4-3 du code civil prĂ©voit que, en dehors des actions rĂ©gies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilitĂ© dirigĂ©es contre les constructeurs dĂ©signĂ©s aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans Ă  compter de la rĂ©ception des travaux.

Ces deux textes passent sous silence la qualitĂ© des auteurs des actions en responsabilitĂ©.

Deux interprétations étaient en concurrence :

– le dĂ©lai spĂ©cifique de dix ans avec un point de dĂ©part fixe, Ă  savoir la rĂ©ception, s’applique quelle que soit la qualitĂ© de l’auteur de l’action (maĂźtre de l’ouvrage, constructeur, tiers
) ;

– l’application des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil est rĂ©servĂ©e aux seules actions engagĂ©es par les maĂźtres ou les acquĂ©reurs de l’ouvrage, les autres recours Ă©tant soumis au dĂ©lai quinquennal de droit commun de l’article 2224 du code civil.

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Les partisans de la premiĂšre solution se fondaient essentiellement sur l’uniformisation des dĂ©lais pour agir et la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil.

La troisiÚme chambre civile de la Cour de cassation, qui a opté pour la seconde solution, a précisé, par une motivation enrichie, les motifs juridiques et les impératifs pratiques ayant fondé son choix.

L’arrĂȘt du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publiĂ© au Bulletin) Ă©nonce que le recours en garantie d’un constructeur contre un autre construc-teur, en l’occurrence un architecte contre un entrepreneur, relĂšve des dispositions de l’article 2224 du code civil.

D’abord, la troisiĂšme chambre civile s’appuie sur un fondement lĂ©gal. L’article 1792-4-3 du code civil, qui figure dans une section du code civil relative aux devis et marchĂ©s et insĂ©rĂ©e dans un chapitre consacrĂ© aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie, n’a vocation Ă  s’appliquer qu’aux actions en responsabilitĂ© dirigĂ©es par le maĂźtre de l’ou-vrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.

Ensuite, elle se rĂ©fĂšre Ă  l’objet de l’action. Alors que le maĂźtre de l’ouvrage recherche la rĂ©paration d’un dommage Ă  l’ouvrage, le recours d’un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de dĂ©terminer la charge dĂ©finitive de la dette que devra sup-porter chaque responsable. L’arrĂȘt rappelle que la Cour de cassation juge qu’une telle action, qui ne peut ĂȘtre fondĂ©e sur la garantie dĂ©cennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liĂ©s et de nature quasi dĂ©lictuelle s’ils ne le sont pas (3e Civ., 8 fĂ©vrier 2012, pourvoi no 11-11.417, Bull. 2012, III, no 23).

Enfin, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation, dans un souci de rĂ©alisme procĂ©dural, invoque le droit Ă  l’accĂšs au juge. Lorsque le maĂźtre de l’ouvrage engage son action contre les constructeurs et leurs sous-traitants en toute fin du dĂ©lai d’épreuve, ceux-ci risquent d’ĂȘtre privĂ©s d’un recours contre les autres intervenants Ă  l’acte de construire si le point de dĂ©part et la durĂ©e du dĂ©lai sont identiques pour toutes les parties.

Le second arrĂȘt du mĂȘme jour (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-21.895, publiĂ© au Bulletin) consacre la mĂȘme solution. Cette affaire concernait une situation moins frĂ©quente que celle relative au pourvoi no 18-25.915 prĂ©citĂ© puisque l’action Ă©tait dirigĂ©e par le locataire de l’ouvrage et par une sociĂ©tĂ© exerçant son activitĂ© dans l’immeuble contre un sous-traitant. La troisiĂšme chambre civile dĂ©cide que l’action de l’article 1792-4-2 du code civil, rĂ©servĂ©e au maĂźtre de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers Ă  l’opĂ©ration de construire. En effet, l’éviction des recours entre constructeurs et sous-traitants du pĂ©rimĂštre des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil s’étend logi-quement aux actions formĂ©es par des tiers qui sont totalement Ă©trangers au contrat de louage d’ouvrage et Ă  la rĂ©ception de l’ouvrage.

Un troisiĂšme arrĂȘt du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 16-24.352), qui n’est pas publiĂ© au Rapport annuel de la Cour de cassation, dĂ©cide fort logiquement que l’action de l’article 1792-4-3 du code civil, rĂ©servĂ©e au maĂźtre de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers Ă  l’opĂ©ration de construction agissant sur le fondement d’un trouble anormal du voisinage.

B. – Le point de dĂ©part du recours entre constructeurs et sous-traitants est l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de l’ouvrage (ou l’acquĂ©-reur de l’ouvrage)

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Appliquer le rĂ©gime de droit commun de la prescription extinctive impliquait de dĂ©terminer le point de dĂ©part du dĂ©lai d’action.

En effet, l’article 2224 du code civil, de portĂ©e gĂ©nĂ©rale, prĂ©voit un point de dĂ©part « glissant », puisqu’il dispose que « les actions personnelles ou mobiliĂšres se prescrivent par cinq ans Ă  compter du jour oĂč le titulaire d’un droit a connu ou aurait dĂ» connaĂźtre les faits lui permettant de l’exercer ».

À quelle date le constructeur connaüt-il ou doit-il connaütre les faits lui permettant d’exercer son recours en garantie ?

LĂ  encore, plusieurs solutions Ă©taient envisageables.

Le point de dĂ©part du dĂ©lai quinquennal du recours du constructeur ou du sous-traitant pouvait ĂȘtre fixĂ© soit Ă  compter de l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise qui lui avait Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e, soit Ă  compter de l’assignation au fond.

En fixant le point de dĂ©part de la prescription au jour de l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise, la troisiĂšme chambre civile s’inscrit dans une construction jurisprudentielle ancienne.

Ainsi, s’agissant de l’application de l’article L. 114-1, alinĂ©a 3, du code des assu-rances, en ce qu’il prĂ©voit que, « quand l’action de l’assurĂ© contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le dĂ©lai de la prescription ne court que du jour oĂč ce tiers a exercĂ© une action en justice contre l’assurĂ© ou a Ă©tĂ© indemnisĂ© par ce dernier », il est acquis depuis 1996 qu’une action en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise fait courir la prescription (1re Civ., 18 juin 1996, pourvoi no 94-14.985, Bull. 1996, I, no 254 ; 2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi no 08-18.092, Bull. 2009, II, no 202). La troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation applique depuis longtemps cette jurisprudence (3e Civ., 15 dĂ©cembre 2010, pourvoi no 09-17.119).

Il Ă©tait logique d’étendre cette doctrine aux recours entre coobligĂ©s.

D’ailleurs, ainsi que mentionnĂ© par l’arrĂȘt commentĂ© du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publiĂ© au Bulletin), la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait annoncĂ© sa jurisprudence par un arrĂȘt du 19 mai 2016 (3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi no 15-11.355) qui dĂ©cide que « l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de l’ouvrage Ă  l’entrepreneur principal met en cause la responsabilitĂ© de ce dernier et constitue le point de dĂ©part du dĂ©lai de son action rĂ©cur-soire Ă  l’encontre des sous-traitants ».

Le Conseil d’État (CE, 7e et 2e chambres rĂ©unies, 10 fĂ©vrier 2017, no 391722, men-tionnĂ© dans les tables du Recueil Lebon), au visa des dispositions de l’article 2270-1 du code civil, alors applicable, a adoptĂ© une autre solution en fixant le point de dĂ©part du recours entre constructeurs Ă  la date de l’assignation au fond dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de l’ouvrage et en retenant qu’une demande en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise introduite par le maĂźtre de l’ouvrage sur le fondement de l’article R. 532-1 du code de justice administrative ne pouvait ĂȘtre regardĂ©e comme constituant, Ă  elle seule, une recherche de responsa-bilitĂ© des constructeurs par le maĂźtre de l’ouvrage.

La troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation considĂšre, pour sa part, que, dĂšs l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise, qui vise les dĂ©sordres en cause, le constructeur a

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connaissance des faits qui lui permettront d’exercer son recours rĂ©cursoire, au sens de l’article 2224 du code civil.

Cette position s’inscrit, en outre, dans l’esprit de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 prĂ©citĂ©e qui tend Ă  la rĂ©duction des dĂ©lais de prescription de droit commun.

À l’instar de l’assurĂ© qui souhaite mettre en cause son assureur, la solution retenue par la troisiĂšme chambre civile oblige le constructeur, qui entend exercer un recours en garantie, Ă  rĂ©agir en temps utile, dans un dĂ©lai non nĂ©gligeable de cinq ans, par un acte (une assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise, une assignation aux fins d’extension d’une mesure d’expertise Ă  d’autres parties, une assignation au fond voire des conclusions) interruptif ou suspensif de prescription dans les conditions notamment prĂ©vues par les articles 2239 et 2241 du code civil.

Ainsi cette solution tend-elle Ă  resserrer le temps du procĂšs et Ă  favoriser au maxi-mum le caractĂšre contradictoire des opĂ©rations d’expertise dont on connaĂźt l’extrĂȘme importance dans le contentieux de la construction.

Architecte entrepreneur – ResponsabilitĂ© – ResponsabilitĂ© Ă  l’égard du maĂźtre de l’ouvrage – Garantie dĂ©cennale – Domaine d’application – ÉlĂ©ment d’équi-pement ou construction d’un ouvrage – CaractĂ©risation – Exclusion – Cas – Enduit de façade non destinĂ© Ă  fonctionner3e Civ., 13 fĂ©vrier 2020, pourvoi nÂș 19-10.249, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Pronier et avis de M. BurgaudUn enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchĂ©itĂ©, ne constitue pas un Ă©lĂ©ment d’équipement, mĂȘme s’il a une fonction d’impermĂ©abilisation, dĂšs lors qu’il n’est pas destinĂ© Ă  fonctionner.

ProcĂ©dant Ă  un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a retenu, par trois arrĂȘts successifs, publiĂ©s au Rapport annuel, que les dĂ©sordres affectant des Ă©lĂ©ments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installĂ©s sur existant, relĂšvent de la responsabilitĂ© dĂ©cennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre Ă  sa destination (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi no 16-19.640, Bull. 2017, III, no 71 ; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi no 16-17.323, Bull. 2017, III, no 100 ; 3e Civ., 26 octobre 2017, pourvoi no 16-18.120, Bull. 2017, III, no 119).

Restait Ă  dĂ©finir la notion d’élĂ©ment d’équipement.

C’est Ă  cette question que le prĂ©sent arrĂȘt rĂ©pond, Ă  propos d’un enduit de façade, par un double apport doctrinal :

En premier lieu, la Cour de cassation rappelle, en le confirmant, qu’en application de l’article 1792 du code civil, un enduit de façade constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchĂ©itĂ© (3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi no 11-25.198, Bull. 2013, III, no 45).

En second lieu, la Cour de cassation Ă©nonce qu’un enduit de façade ne constitue pas un Ă©lĂ©ment d’équipement, mĂȘme s’il a une fonction d’impermĂ©abilisation, dĂšs lors qu’il n’est pas destinĂ© Ă  fonctionner.

Il s’ensuit que des travaux, autres que la construction de l’ouvrage et les Ă©lĂ©ments d’équipement qui en sont indissociables, ne constituent un Ă©lĂ©ment d’équipement disso-ciable, au sens de l’article 1792-3 du code civil, que s’ils fonctionnent, ce qui n’est pas le

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cas des moquettes et tissus (3e Civ., 30 novembre 2011, pourvoi no 09-70.345, Bull. 2011, III, no 202), de dallages (3e Civ., 13 fĂ©vrier 2013, pourvoi no 12-12.016, Bull. 2013, III, no 20) ou d’un carrelage (3e Civ., 11 septembre 2013, pourvoi no 12-19.483, Bull. 2013, III, no 103).

Cette solution s’explique par la garantie de bon fonctionnement applicable aux Ă©lĂ©-ments d’équipement dissociables instituĂ©e par l’article 1792-3 du code civil.

La Cour de cassation en dĂ©duit que la solution, nĂ©e du revirement de jurisprudence, n’est pas applicable Ă  un enduit de façade, dĂšs lors qu’il n’est pas destinĂ© Ă  fonctionner. Sur ce point, la Cour reprend la distinction dĂ©jĂ  faite entre la fonction d’étanchĂ©itĂ© et la fonction d’impermĂ©abilisation (3e Civ., 9 fĂ©vrier 2000, pourvoi no 98-13.931, Bull. 2000, III, no 27).

Cette solution sera Ă©tendue Ă  tous les Ă©lĂ©ments d’équipement dissociables qui ne fonctionnent pas.

Enfin, il est permis de souligner que la nouvelle rĂ©daction des arrĂȘts en style direct permet d’en mieux prĂ©senter l’apport doctrinal.

Architecte entrepreneur â€“ ResponsabilitĂ© – ResponsabilitĂ© Ă  l’égard du vendeur – ResponsabilitĂ© contractuelle de droit commun – Action en responsabilitĂ© – DĂ©lai quinquennal – Interruption et suspension – Causes – Assignation en rĂ©fĂ©rĂ© – BĂ©nĂ©ficiaire – DĂ©termination – PortĂ©e3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi nÂș 19-13.459, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Bech et avis de Mme VassalloEn l’absence de rĂ©ception de l’ouvrage, le dĂ©lai de prescription de l’action du maĂźtre de l’ouvrage en responsabilitĂ© contractuelle de droit commun du constructeur est de cinq ans. L’instance en rĂ©fĂ©rĂ© n’ayant pas Ă©tĂ© introduite par le maĂźtre de l’ouvrage, l’interruption puis la suspension de cette prescription ne lui profitent pas.

Le prĂ©sent arrĂȘt offre Ă  la Cour de cassation l’occasion d’enrichir sa jurisprudence sur les rĂšgles de prescription dans le domaine du droit de la construction, aprĂšs l’en-trĂ©e en vigueur de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant rĂ©forme de la prescrip-tion en matiĂšre civile.

L’article 1792-4-3 du code civil, dans sa rĂ©daction issue de la loi prĂ©citĂ©e, dispose que, « en dehors des actions rĂ©gies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilitĂ© dirigĂ©es contre les constructeurs dĂ©signĂ©s aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans Ă  compter de la rĂ©ception des travaux ».

L’article 2224 du mĂȘme code, dans sa version actuelle, prĂ©voit que les actions per-sonnelles ou mobiliĂšres se prescrivent par cinq ans Ă  compter du jour oĂč le titulaire d’un droit a connu ou aurait dĂ» connaĂźtre les faits lui permettant de l’exercer.

Lorsque l’ouvrage a fait l’objet d’une rĂ©ception, l’action du maĂźtre de l’ouvrage en indemnisation de prĂ©judices nĂ©s de dĂ©sordres relevant de la garantie dĂ©cennale des constructeurs est soumise aux dispositions du premier texte citĂ©.

En l’absence de rĂ©ception, la garantie dĂ©cennale ne peut ĂȘtre invoquĂ©e et le maĂźtre de l’ouvrage souhaitant agir contre un constructeur avec lequel il Ă©tait liĂ© par un contrat doit rechercher sa responsabilitĂ© contractuelle de droit commun.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit immobilier, environnement et urbanisme

En l’espĂšce, Ă  la suite d’un engagement pris Ă  l’égard de particuliers auxquels elle avait achetĂ© des terrains, une sociĂ©tĂ© avait confiĂ© Ă  une entreprise l’exĂ©cution de travaux de voirie et de crĂ©ation de rĂ©seaux dans la propriĂ©tĂ© des vendeurs. Il n’était pas discutĂ© que la sociĂ©tĂ© ayant commandĂ© les travaux agissait en qualitĂ© de maĂźtre de l’ouvrage. Se plaignant de dĂ©sordres et d’un retard dans la rĂ©alisation des travaux, les propriĂ©taires du terrain avaient assignĂ© la sociĂ©tĂ© et l’entreprise en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise. AprĂšs dĂ©pĂŽt du rapport de l’expert, la sociĂ©tĂ© avait conclu avec eux une transaction d’indemnisation et s’est ensuite retournĂ©e contre l’entreprise pour obtenir la rĂ©paration de ses prĂ©judices.

La cour d’appel saisie du litige a appliquĂ© le dĂ©lai quinquennal de prescription Ă  l’action du maĂźtre de l’ouvrage et en a fixĂ© le point de dĂ©part au jour oĂč celui-ci avait connu les faits lui permettant d’exercer son action, soit, selon elle, Ă  la date de l’assi-gnation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise, la cour ajoutant que cet acte avait interrompu le dĂ©lai de prescription qui s’était trouvĂ© suspendu durant le temps des opĂ©rations d’expertise, de sorte que les demandes du maĂźtre de l’ouvrage Ă©chappaient Ă  la fin de non-recevoir tirĂ©e de la prescription de l’action.

L’entreprise soutenait dans le premier moyen de son pourvoi que le dĂ©lai de pres-cription n’avait Ă©tĂ© ni interrompu ni suspendu par l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ© dans la mesure oĂč l’initiative de l’instance ainsi engagĂ©e avait Ă©tĂ© prise par les propriĂ©taires du ter-rain qui avaient sollicitĂ© l’organisation d’une expertise. Le moyen Ă©tait fondĂ©, outre sur une mĂ©connaissance du principe de la contradiction, sur une violation des articles 2224, 2239 et 2241 du code civil.

Pour sa part, la sociĂ©tĂ© maĂźtre de l’ouvrage soutenait, entre autres objections, que la critique du pourvoi Ă©tait inopĂ©rante puisque, avant l’entrĂ©e en vigueur de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 prĂ©citĂ©e, la Cour de cassation avait fixĂ© Ă  dix ans Ă  comp-ter de la manifestation du dommage le dĂ©lai de prescription de l’action en responsabi-litĂ© contractuelle de droit commun du constructeur en l’absence de rĂ©ception et que ce dĂ©lai dĂ©cennal avait Ă©tĂ© maintenu par le lĂ©gislateur Ă  l’article 1792-4-3 du code civil. Selon la dĂ©fenderesse au pourvoi, il y avait lieu de retenir le dĂ©lai de dix ans, de le faire courir Ă  compter de la manifestation du dommage, fixĂ©e par la cour d’appel Ă  la date de l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ©, et de constater qu’elle avait agi dans les dix ans suivant cette date.

Cet argument amenait, incidemment, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cas-sation Ă  envisager la question de la durĂ©e du dĂ©lai de prescription de l’action du maĂźtre de l’ouvrage dĂšs lors que, selon la solution retenue, les branches du moyen relatives aux effets interruptif et suspensif de l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ© s’avĂ©raient ou non inopĂ©rantes.

Les parties s’accordaient sur l’absence de rĂ©ception des travaux litigieux. Il s’agissait en consĂ©quence de prĂ©ciser le dĂ©lai enfermant l’action du maĂźtre de l’ouvrage fondĂ©e sur la responsabilitĂ© contractuelle de droit commun de l’entreprise. Ce dĂ©lai Ă©tait-il celui, dĂ©cennal, de l’article 1792-4-3 du code civil, ou celui, quinquennal, de l’article 2224 du mĂȘme code et de l’article L. 110-4 du code de commerce que l’entreprise invoquait au soutien de sa fin de non-recevoir tirĂ©e de la prescription ?

Plusieurs auteurs estiment que l’article 1792-4-3 du code civil, en ce qu’il suppose une rĂ©ception de l’ouvrage, ne peut ĂȘtre invoquĂ© lorsque celle-ci fait dĂ©faut. Ils prĂ©co-nisent l’adoption du dĂ©lai de cinq ans de l’article 2224 du code civil.

D’un autre cĂŽtĂ©, il peut ĂȘtre observĂ© que la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait manifestĂ©, avant l’adoption du nouveau rĂ©gime de prescription, la volontĂ©

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

d’uniformiser les dĂ©lais de prescription en matiĂšre de construction. Ainsi avait-elle jugĂ©, par un arrĂȘt du 24 mai 2006 (3e Civ., 24 mai 2006, pourvoi no 04-19.716, Bull. 2006, III, no 132), que l’action en responsabilitĂ© contractuelle de droit commun du construc-teur quant aux dĂ©sordres rĂ©vĂ©lĂ©s en l’absence de rĂ©ception se prescrivait par dix ans Ă  compter de la manifestation du dommage. Elle avait de la sorte rĂ©duit le dĂ©lai de l’ac-tion contre le constructeur, qui Ă©tait initialement de trente ans.

Par l’arrĂȘt ici commentĂ©, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation dĂ©cide de soumettre le dĂ©lai de l’action en responsabilitĂ© contractuelle du maĂźtre de l’ou-vrage contre un constructeur aux dispositions de l’article 2224 du code civil et de le faire partir de la date Ă  laquelle le maĂźtre de l’ouvrage a connu les faits lui permettant d’exercer son action.

La troisiĂšme chambre civile Ă©carte, par lĂ  mĂȘme, l’application de l’article 1792-4-3 du code civil et ne transpose pas le dĂ©lai dĂ©cennal, mĂȘme en en amĂ©nageant les moda-litĂ©s, Ă  la situation dans laquelle aucune rĂ©ception n’est intervenue. Elle complĂšte ainsi sa jurisprudence sur les dĂ©lais de prescription des diffĂ©rentes actions envisageables dans le domaine du droit de la construction. Par deux arrĂȘts du 16 janvier 2020 Ă©ga-lement publiĂ©s au Rapport annuel de la Cour de cassation (3e Civ., 16 janvier 2020, pour-voi no 18-25.915, publiĂ© au Bulletin ; 3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-21.895, publiĂ© au Bulletin), elle a jugĂ©, dans un cas, que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relĂšve des dispositions de l’article 2224 du code civil et, dans l’autre, que l’action fondĂ©e sur l’article 2270-2, devenu 1792-4-2, du code civil est rĂ©servĂ©e au maĂźtre de l’ouvrage et n’est pas ouverte Ă  un tiers Ă  l’opĂ©-ration de construire.

D. Activités économiques, commerciales et financiÚres

1. Concurrence déloyale

Concurrence dĂ©loyale ou illicite – PrĂ©judice â€“ Évaluation – Ă‰lĂ©ments d’apprĂ©ciation â€“ Économie injustement rĂ©alisĂ©eCom., 12 fĂ©vrier 2020, pourvoi nÂș 17-31.614, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Le Bras et avis de Mme PĂ©nichonLorsque les effets prĂ©judiciables, en termes de trouble Ă©conomique, d’actes de concur-rence dĂ©loyale sont particuliĂšrement difficiles Ă  quantifier, ce qui est le cas de ceux consistant Ă  parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matĂ©riels ou pro-motionnels, d’un concurrent ou Ă  s’affranchir d’une rĂ©glementation, dont le respect a nĂ©cessairement un coĂ»t, tous actes qui, en ce qu’ils permettent Ă  l’auteur des pra-tiques de s’épargner une dĂ©pense en principe obligatoire, induisent pour celui-ci un avantage concurrentiel, il y a lieu d’admettre que la rĂ©paration du prĂ©judice peut ĂȘtre Ă©valuĂ©e en prenant en considĂ©ration l’avantage indu que s’est octroyĂ© l’auteur des actes de concurrence dĂ©loyale au dĂ©triment de ses concurrents, modulĂ© Ă  proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectĂ©s par ces actes.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres

Doit donc ĂȘtre approuvĂ©e la cour d’appel qui, appelĂ©e Ă  statuer sur la rĂ©paration d’un prĂ©judice rĂ©sultant d’une pratique commerciale trompeuse pour le consommateur, confĂ©rant Ă  son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport Ă  ses concurrents, tient compte, pour Ă©valuer l’indemnitĂ© Ă  allouer Ă  l’un de ceux-ci, de l’économie injus-tement rĂ©alisĂ©e par lui, qu’elle a modulĂ©e en tenant compte des volumes d’affaires respectifs des parties affectĂ©s par lesdits agissements.

Cet arrĂȘt rĂ©pond Ă  la question dĂ©licate, et relativement frĂ©quente en matiĂšre de responsabilitĂ© pour concurrence dĂ©loyale, de l’évaluation du prĂ©judice de la victime lorsque celui-ci est difficile Ă  dĂ©montrer.

La chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation Ă©tait invitĂ©e Ă  s’interroger sur la rĂ©paration du prĂ©judice rĂ©sultant de pratiques dĂ©loyales qui, sans donner lieu Ă  un manque Ă  gagner ou une perte subie par la victime, ont induit un vĂ©ritable avantage concurrentiel indu au profit de l’auteur de ces actes : un tel avan-tage peut-il ĂȘtre pris en considĂ©ration pour indemniser le prĂ©judice de la victime et, dans l’affirmative, selon quelles modalitĂ©s ?

Une jurisprudence constante de la chambre commerciale (depuis Com., 22 octobre 1985, pourvoi no 83-15.096, Bull. 1985, IV, no 245) Ă©nonce qu’il s’infĂšre nĂ©cessairement un prĂ©judice, fĂ»t-il seulement moral, d’un acte de concurrence dĂ©loyale. Cette prĂ©somption de prĂ©judice, qui ne dispense pas le demandeur de dĂ©montrer l’éten-due de celui-ci, permet aux juges d’avoir moins d’exigences probatoires Ă  l’égard des prĂ©judices qui s’avĂšrent difficiles Ă  Ă©tablir. Ceci concerne tout particuliĂšrement les effets prĂ©judiciables de pratiques qui consistent Ă  parasiter les efforts et les investisse-ments intellectuels, matĂ©riels ou promotionnels d’un concurrent ou Ă  s’affranchir d’une rĂ©glementation, dont le respect a nĂ©cessairement un coĂ»t pour celui qui s’y conforme. Les actes de parasitisme ou les actes illicites de concurrence dĂ©loyale, en ce qu’ils per-mettent Ă  l’auteur des pratiques de s’épargner une dĂ©pense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble Ă©cono-mique, sont difficiles Ă  quantifier avec les Ă©lĂ©ments de preuve disponibles, sauf Ă  enga-ger des dĂ©penses qui seraient disproportionnĂ©es au regard des intĂ©rĂȘts en jeu.

Aussi, en matiĂšre de parasitisme, lequel consiste, pour un opĂ©rateur Ă©conomique, Ă  se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dĂ©penser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriĂ©tĂ© acquise ou des investissements consentis, la juris-prudence a admis Ă  plusieurs reprises, sous le couvert, certes, de l’apprĂ©ciation souve-raine des juges du fond, qu’en ce que les agissements parasitaires procuraient au parasite des avantages concurrentiels indus qui faussaient Ă  son profit exclusif les rĂšgles nor-males du marchĂ©, tels que le fait de rĂ©aliser des Ă©conomies d’investissements ou de ne pas avoir Ă  dĂ©velopper des efforts intellectuels de conception ou de crĂ©ation, cette Ă©co-nomie indĂ»ment rĂ©alisĂ©e par le parasite pouvait servir de base Ă  l’évaluation de l’in-demnitĂ© de la victime.

Invoquant cependant le fait que le principe de rĂ©paration intĂ©grale – dont l’applica-tion est contrĂŽlĂ©e par la Cour de cassation â€“ interdirait aux juges du fond de prendre en considĂ©ration le profit ou l’économie rĂ©alisĂ©s par l’auteur d’un prĂ©tendu acte de concur-rence dĂ©loyale pour Ă©valuer le prĂ©judice subi, l’auteur du pourvoi, une sociĂ©tĂ© spĂ©ciali-sĂ©e dans les produits des arts de la table en cristal et accusĂ©e de pratiques commerciales trompeuses Ă  l’égard d’une sociĂ©tĂ© concurrente, reprochait Ă  la cour d’appel d’avoir Ă©valuĂ© le prĂ©judice de celle-ci en considĂ©ration de l’économie rĂ©alisĂ©e par l’auteur du

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

dommage. Il arguait de ce que le préjudice subi par la victime est le seul élément que la loi autorise de prendre en compte, sans perte ni profit pour elle.

La cour d’appel avait en effet fait droit Ă  la demande de la victime qui estimait que son prĂ©judice correspondait Ă  la diffĂ©rence de prix de revient des produits en cause entre les deux sociĂ©tĂ©s calculĂ©e sur la base de la masse salariale de chacune, en consi-dĂ©rant que le concurrent dĂ©loyal s’était assurĂ© un avantage concurrentiel au prĂ©judice de la victime qu’il convenait de rĂ©parer.

Le grief du pourvoi contre cette dĂ©cision est rejetĂ©. La chambre commerciale, finan-ciĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation explicitant par le prĂ©sent arrĂȘt une solution qu’elle avait dĂ©jĂ  approuvĂ©e en matiĂšre de parasitisme, dĂ©cide, sans que cela ne remette en cause le principe de rĂ©paration intĂ©grale du prĂ©judice, qu’il y a lieu d’admettre que la rĂ©paration du prĂ©judice subi par la victime d’actes de concurrence dĂ©loyale peut ĂȘtre Ă©valuĂ©e en prenant en considĂ©ration l’avantage indu que s’est octroyĂ© l’auteur de ces actes, au dĂ©triment de ses concurrents, consistant ici en une Ă©conomie injustement rĂ©a-lisĂ©e, et prĂ©cise que cet avantage doit ĂȘtre modulĂ© Ă  proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectĂ©s par ces actes.

2. Entreprises en difficulté

Entreprise en difficultĂ© (loi du 26 juillet 2005) – Redressement judiciaire â€“ PĂ©riode d’observation – CrĂ©anciers â€“ DĂ©claration des crĂ©ances – Domaine d’application â€“ Exclusion – Cas â€“ SĂ»retĂ© rĂ©elle consentie pour garantir la dette d’un tiers – PortĂ©e â€“ CrĂ©ance – Admission (non)Com., 17 juin 2020, pourvoi nÂș 19-13.153, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Vallansan et avis de Mme GuinamantUne sĂ»retĂ© rĂ©elle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun enga-gement personnel du constituant de cette sĂ»retĂ© Ă  satisfaire Ă  l’obligation d’autrui, le crĂ©ancier bĂ©nĂ©ficiaire de la sĂ»retĂ© ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n’est pas son dĂ©biteur.En consĂ©quence, un crĂ©dit-bailleur, qui bĂ©nĂ©ficie en garantie du paiement des loyers du nantissement de parts sociales dĂ©tenues par une sociĂ©tĂ© tierce, n’étant pas le crĂ©an-cier de cette derniĂšre au titre de ce nantissement, c’est Ă  bon droit qu’une cour d’ap-pel rejette la demande d’admission d’une crĂ©ance Ă  ce titre au passif de cette sociĂ©tĂ©.

La principale question soulevĂ©e par cet arrĂȘt concerne la relation entre un dĂ©biteur en procĂ©dure collective qui, en garantie de la dette d’un tiers, avait consenti au crĂ©an-cier de ce dernier une sĂ»retĂ© rĂ©elle sur son patrimoine et le bĂ©nĂ©ficiaire de la garantie. Selon l’article L. 622-24 du code de commerce, tous les crĂ©anciers du dĂ©biteur doivent dĂ©clarer leur crĂ©ance Ă  la procĂ©dure de leur dĂ©biteur. Cette dĂ©claration suivie de l’ad-mission de leur crĂ©ance leur permet d’avoir accĂšs au gage commun des crĂ©anciers que crĂ©e la procĂ©dure collective. À dĂ©faut de dĂ©claration, la crĂ©ance est inopposable Ă  la procĂ©dure et le crĂ©ancier ne peut pas participer aux distributions ou rĂ©partitions. Lorsque le garant est caution, un lien d’obligation s’est nouĂ© entre lui et le crĂ©ancier. S’il entend participer aux distributions aprĂšs paiement, soit il bĂ©nĂ©ficie de la dĂ©clara-tion du crĂ©ancier auquel il se substitue, soit il doit dĂ©clarer sa crĂ©ance personnelle en indemnisation contre le dĂ©biteur.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres

La situation du garant par constitution d’une sĂ»retĂ© rĂ©elle est diffĂ©rente. La quali-fication de cette catĂ©gorie de sĂ»retĂ© a Ă©tĂ© posĂ©e par un arrĂȘt de principe de la chambre mixte de la Cour de cassation du 2 dĂ©cembre 2005 (Ch. mixte., 2 dĂ©cembre 2005, pourvoi no 03-18.210, Bull. 2005, Ch. mixte, no 7) : « Une sĂ»retĂ© rĂ©elle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel Ă  satisfaire Ă  l’obligation d’autrui et n’étant pas dĂšs lors un cautionnement, lequel ne se prĂ©sume pas, la cour d’ap-pel a exactement retenu que l’article 1415 du code civil n’était pas applicable au nan-tissement donnĂ© par “le constituant”) ». Cette analyse est aujourd’hui de jurisprudence constante pour toutes les chambres de la Cour de cassation qui refusent de faire pro-duire les effets du cautionnement Ă  une telle garantie (1re Civ., 7 fĂ©vrier 2006, pourvoi no 02-16.010, Bull. 2006, I, no 53 ; 1re Civ., 25 novembre 2015, pourvoi no 14-21.332, Bull. 2015, I, no 290 ; 2e Civ., 4 septembre 2014, pourvoi no 13-11.887, Bull. 2014, II, no 179 ; 3e Civ., 15 fĂ©vrier 2006, pourvoi no 04-19.847, Bull. 2006, III, no 35 ; 3e Civ., 23 mars 2017, pourvoi no 16-10.766 ; Com., 7 mars 2006, pourvoi no 04-13.762, Bull. 2006, IV, no 59 ; Com., 24 mars 2009, pourvoi no 08-13.034, Bull. 2009, IV, no 43).

Partant de cette jurisprudence, Ă  la question de savoir si le bĂ©nĂ©ficiaire de la garantie doit dĂ©clarer sa crĂ©ance au passif du constituant, deux thĂšses s’affrontaient. Le bĂ©nĂ©fi-ciaire de la garantie soutenait que, s’il n’était pas crĂ©ancier du garant, il devait disposer d’un droit sur le bien qui se trouvait dans l’actif de la procĂ©dure. Il lui Ă©tait donc nĂ©ces-saire, pour bĂ©nĂ©ficier d’une quote-part du prix des biens donnĂ©s en garantie, qui font partie du gage commun, de dĂ©clarer « une crĂ©ance limitĂ©e Ă  la valeur du bien affectĂ© ». Telle n’est pas la solution de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation, qui, approuvant la position de la cour d’appel, retient que, le bĂ©nĂ©-ficiaire de la garantie ne disposant d’aucune crĂ©ance, aucune dĂ©claration n’est possible. Par cette dĂ©cision, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique s’inscrit dans le mouvement initiĂ© en 2006. En complĂ©ment de cette dĂ©cision, la chambre commer-ciale a ultĂ©rieurement jugĂ© que le bĂ©nĂ©ficiaire de la garantie, n’ayant pas la qualitĂ© de crĂ©ancier du garant, n’est pas soumis Ă  la rĂšgle de l’arrĂȘt des voies d’exĂ©cution rĂ©sul-tant de l’ouverture de la procĂ©dure collective de ce dernier (Com., 25 novembre 2020, pourvoi no 19-11.525, publiĂ© au Bulletin).

Entreprise en difficultĂ© (loi du 26 juillet 2005) – Sauvegarde – PĂ©riode d’ob-servation – ArrĂȘt des poursuites individuelles – Exequatur d’une sentence arbitrale internationale – PortĂ©eCom., 12 novembre 2020, pourvoi nÂș 19-18.849, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme BĂ©laval et avis de Mme GuinamantSi l’exequatur d’une sentence arbitrale internationale ayant condamnĂ© un dĂ©biteur Ă  payer une somme d’argent ne saurait, sans mĂ©connaĂźtre le principe de l’arrĂȘt des pour-suites individuelles contre ce dĂ©biteur mis en procĂ©dure de sauvegarde, avoir pour effet de confĂ©rer Ă  la sentence la force exĂ©cutoire d’une dĂ©cision de condamnation du dĂ©biteur, en revanche l’exequatur de la sentence peut ĂȘtre accordĂ©, Ă  la demande du crĂ©ancier, dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaĂźtre son droit de crĂ©ance lorsque celui-ci est contestĂ© devant le juge-commissaire.

Un litige Ă©tant survenu entre une sociĂ©tĂ© cĂ©dante et une sociĂ©tĂ© cessionnaire de titres au sujet de la fixation d’un complĂ©ment de prix, une procĂ©dure d’arbitrage inter-national a Ă©tĂ© engagĂ©e qui a abouti, le 23 dĂ©cembre 2016, Ă  une sentence condamnant la sociĂ©tĂ© cessionnaire Ă  payer Ă  la sociĂ©tĂ© cĂ©dante une somme d’un certain montant.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Quelques jours plus tard, la sociĂ©tĂ© cessionnaire, de droit français, a Ă©tĂ© mise en pro-cĂ©dure de sauvegarde. La crĂ©ance correspondant au montant de la condamnation, qui n’avait pas Ă©tĂ© payĂ©e, a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e au passif et contestĂ©e devant le juge-commissaire.

La sociĂ©tĂ© cĂ©dante a demandĂ© l’exequatur de la sentence et obtenu, le 10 mars 2017, une ordonnance qui a dĂ©clarĂ© la sentence exĂ©cutoire. Il en a Ă©tĂ© fait appel par la sociĂ©tĂ© cessionnaire. Le juge-commissaire a sursis Ă  statuer sur la demande d’admission de la crĂ©ance dans l’attente de la dĂ©cision de la cour d’appel statuant sur l’appel de l’ordon-nance d’exequatur.

La cour d’appel s’est livrĂ©e Ă  une dĂ©composition des diffĂ©rents objets d’une dĂ©ci-sion d’exequatur en infirmant l’ordonnance du 10 mars 2017 en ce qu’elle rendait exĂ©cutoire une condamnation Ă  payer des sommes d’argent, mais en la confirmant en ce qu’elle emportait reconnaissance de la sentence du 23 dĂ©cembre 2016. Ce faisant, la cour d’appel a nettement dissociĂ©, dans sa conception de l’objet de l’exequatur, la recherche de l’effet de reconnaissance et d’opposabilitĂ© de la sentence en France et la recherche de la force exĂ©cutoire confĂ©rĂ©e Ă  la sentence permettant, en thĂ©orie, la mise en Ɠuvre de voies d’exĂ©cution.

L’arrĂȘt de la cour d’appel Ă©nonçait, en premier lieu, que les principes de l’arrĂȘt des poursuites individuelles des crĂ©anciers, du dessaisissement du dĂ©biteur et de l’inter-ruption de l’instance en cas de procĂ©dure d’insolvabilitĂ© Ă©taient Ă  la fois d’ordre public interne et international, ce qui rĂ©sulte en effet d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation (1re Civ., 8 mars 1988, pourvoi no 86-12.015, Bull. 1988, I, no 65 ; 1re Civ., 5 fĂ©vrier 1991, pourvoi no 89-14.382, Bull. 1991, I, no 44 ; 1re Civ., 6 mai 2009, pour-voi no 08-10.281, Bull. 2009, I, no 86). Il retenait que ces principes impliquaient que lorsqu’une sentence arbitrale rendue Ă  l’étranger avait condamnĂ© au paiement d’une somme d’argent un dĂ©biteur Ă  l’égard duquel une procĂ©dure collective avait Ă©tĂ© ouverte par un jugement ultĂ©rieur, le crĂ©ancier ne pouvait solliciter son exequatur en France qu’aprĂšs avoir dĂ©clarĂ© sa crĂ©ance et que, la sentence ne pouvant ĂȘtre contestĂ©e, confor-mĂ©ment aux dispositions de l’article 1525 du code de procĂ©dure civile, que par la voie de l’appel de l’ordonnance d’exequatur et pour les motifs Ă©numĂ©rĂ©s par l’article 1525 du mĂȘme code, il appartenait au crĂ©ancier de solliciter l’exequatur, lorsque la vĂ©rifica-tion des crĂ©ances faisait apparaĂźtre une contestation Ă  l’égard de laquelle le juge-com-missaire n’était pas compĂ©tent. L’arrĂȘt en dĂ©duisait que l’exequatur prononcĂ© dans de telles circonstances ne pouvait avoir pour objet que la reconnaissance et l’opposabi-litĂ© en France de la sentence et ne saurait, sans mĂ©connaĂźtre le principe d’arrĂȘt des poursuites individuelles, rendre exĂ©cutoire une condamnation Ă  paiement du dĂ©biteur.

Les pourvois posaient deux questions principales :

– la sociĂ©tĂ© cĂ©dante invitait la Cour de cassation Ă  dĂ©terminer si l’exequatur d’une sen-tence prononçant une condamnation Ă  payer une somme d’argent Ă  l’égard d’un dĂ©bi-teur en procĂ©dure collective Ă©tait ou non assimilable Ă  une mesure d’exĂ©cution forcĂ©e, pourtant interdite par l’article L. 622-21 du code de commerce ;

– la sociĂ©tĂ© cessionnaire questionnait la Cour de cassation sur la facultĂ© pour le crĂ©an-cier, bĂ©nĂ©ficiaire de la condamnation prononcĂ©e par le tribunal arbitral, qui a dĂ©clarĂ© sa crĂ©ance au passif du dĂ©biteur en sauvegarde, de saisir directement le juge d’une demande d’exequatur ou de reconnaissance de la sentence arbitrale sans attendre la dĂ©cision du juge-commissaire l’invitant Ă  saisir le juge compĂ©tent, alors mĂȘme que la contestation ou la crĂ©ance ne relĂšverait pas, a priori, du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres

À la premiĂšre question la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation rĂ©pond en approuvant la cour d’appel d’avoir retenu que l’exequatur ne saurait, sans mĂ©connaĂźtre le principe de l’arrĂȘt des poursuites individuelles, qui est d’ordre public interne et international, rendre exĂ©cutoire une condamnation du dĂ©biteur Ă  payer une somme d’argent. La solution se fonde sur l’objectif le plus Ă©vident d’une demande d’exequatur, Ă  savoir l’obtention d’un titre revĂȘtu de la force exĂ©cutoire per-mettant d’engager des voies d’exĂ©cution. Plus largement que la question posĂ©e par le moyen du pourvoi de la sociĂ©tĂ© cĂ©dante qui se limitait Ă  confronter les effets de l’exe-quatur avec le principe de l’interdiction des voies d’exĂ©cution, la solution se prĂ©vaut du principe plus large de l’interruption ou de l’interdiction des poursuites individuelles. Une sentence internationale condamnant le dĂ©biteur Ă  payer une somme d’argent ne peut, sans mĂ©connaĂźtre ce dernier principe, acquĂ©rir, aprĂšs le jugement d’ouverture de la procĂ©dure collective du dĂ©biteur, force exĂ©cutoire en France au moyen d’une dĂ©ci-sion d’exequatur. Rappelons que les dispositions combinĂ©es des articles 1525 et 1520 du code de procĂ©dure civile autorisent un recours dans des cas limitativement dĂ©crits, incluant le cas oĂč la reconnaissance ou l’exĂ©cution de la sentence est contraire Ă  l’ordre public international. Ici, il serait bien contraire Ă  l’ordre public international de munir un crĂ©ancier, soumis Ă  la discipline collective d’une condamnation Ă  paiement exĂ©cu-toire contre le dĂ©biteur.

À la seconde question qui concerne plus spĂ©cifiquement l’articulation des pouvoirs entre le juge de l’exequatur et le juge-commissaire, qui a, en vertu de l’article L. 624-2 du code de commerce, hors le cas d’une instance en cours ou d’une contestation ne relevant pas de sa compĂ©tence, une compĂ©tence exclusive pour dĂ©cider de l’admission ou du rejet d’une crĂ©ance dĂ©clarĂ©e au passif, et qui comporte en filigrane celle de la profondeur du contrĂŽle par le juge-commissaire de sa compĂ©tence, la chambre com-merciale rĂ©pond en deux temps. Elle approuve d’abord la cour d’appel d’avoir retenu que l’exequatur de la sentence pouvait ĂȘtre accordĂ© dans le but, non de confĂ©rer Ă  la sentence arbitrale la force exĂ©cutoire d’une dĂ©cision de condamnation du dĂ©biteur, mais exclusivement de permettre Ă  la sociĂ©tĂ© cĂ©dante de faire reconnaĂźtre son droit de crĂ©ance. Elle approuve ensuite la cour d’appel d’avoir autorisĂ© le crĂ©ancier Ă  deman-der l’exequatur dans les circonstances prĂ©cises de l’espĂšce, dont nous rappelons qu’elles Ă©taient les suivantes :

– le juge-commissaire, saisi d’une contestation de la crĂ©ance, avait ordonnĂ© un sursis Ă  statuer sur la demande d’admission dans l’attente de la dĂ©cision Ă  rendre sur l’appel de l’ordonnance d’exequatur, et n’avait donc pas invitĂ© les parties Ă  saisir le juge du fond de la contestation ni statuĂ© sur la rĂ©gularitĂ© de la dĂ©claration de la crĂ©ance dont il conservait, dans tous les cas, l’apprĂ©ciation exclusive ;

– selon l’arrĂȘt attaquĂ©, et sans que le moyen du pourvoi ne remette ce point en dis-cussion, la vĂ©rification des crĂ©ances avait fait apparaĂźtre une contestation Ă  l’égard de laquelle le juge-commissaire n’était pas compĂ©tent.

Le crĂ©ancier bĂ©nĂ©ficiaire de la sentence internationale doit se soumettre Ă  la disci-pline collective et dĂ©clarer sa crĂ©ance. Si le juge-commissaire demeure compĂ©tent pour vĂ©rifier la rĂ©gularitĂ© de la dĂ©claration, et pour admettre ou rejeter la crĂ©ance, le crĂ©an-cier peut, sans attendre, en cas de contestation de la crĂ©ance susceptible d’échapper Ă  la compĂ©tence du juge-commissaire, demander l’exequatur au juge compĂ©tent dans le seul but de faire reconnaĂźtre son droit de crĂ©ance et de l’opposer Ă  la procĂ©dure collective.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

3. ImpĂŽts et taxes

ImpĂŽts et taxes – Enregistrement â€“ Droits de mutation – Mutation Ă  titre onĂ©reux de meubles â€“ Cession de droits sociaux – SociĂ©tĂ© Ă  prĂ©pondĂ©rance immobi-liĂšre â€“ DĂ©finition – Immeubles et droits rĂ©els immobiliers â€“ Champ d’application – Exclusion â€“ Immeubles par destinationCom., 2 dĂ©cembre 2020, pourvoi nÂș 18-25.559, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Ponsot et avis de M. DebacqSelon l’article 726, I, 2Âș, du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, dans sa rĂ©daction issue de la loi du 30 dĂ©cembre 2009, est Ă  prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre la personne morale, quelle que soit sa nationalitĂ©, dont les droits sociaux ne sont pas nĂ©gociĂ©s sur un marchĂ© rĂ©gle-mentĂ© d’instruments financiers et dont l’actif est principalement constituĂ© d’immeubles ou de droits immobiliers situĂ©s en France.Ce texte ne mentionnant que les immeubles et droits rĂ©els immobiliers, sans viser les immeubles par destination, c’est Ă  bon droit qu’une cour d’appel retient que ces der-niers ne peuvent ĂȘtre pris en compte pour dĂ©terminer si, au sens de l’article 726, I, 2Âș, susvisĂ©, une personne morale est Ă  prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre.

CrĂ©Ă© par la loi de finances pour 1999, le rĂ©gime des droits de mutation applicables aux sociĂ©tĂ©s Ă  prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre a Ă©tĂ© instituĂ© Ă  une Ă©poque oĂč de fortes dis-paritĂ©s de taxation existaient selon qu’un immeuble Ă©tait cĂ©dĂ© directement ou, indirec-tement, par la cession des parts d’une sociĂ©tĂ© dont il constituait le principal actif. Ce nouveau rĂ©gime, prĂ©vu Ă  l’article 726, I, 2o, du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, a permis d’attĂ©-nuer les diffĂ©rences de rĂ©gime qui dĂ©coulaient tant du regard du mode de transmission que de l’usage donnĂ© aux immeubles cĂ©dĂ©s, et de rendre ainsi la fiscalitĂ© plus neutre.

L’apprĂ©ciation de la prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre nĂ©cessite de procĂ©der Ă  une rĂšgle de trois en plaçant, au numĂ©rateur, la valeur des immeubles et droits rĂ©els immobiliers dĂ©tenus au jour de la cession, et, au dĂ©nominateur, la valeur brute rĂ©elle de la totalitĂ© des Ă©lĂ©ments d’actifs. Encore convient-il de savoir ce que recouvrent les immeubles visĂ©s : immeubles par nature ou immeubles par destination ?

C’est Ă  cette question inĂ©dite que la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©cono-mique de la Cour de cassation a eu Ă  rĂ©pondre pour la premiĂšre fois, deux dĂ©cennies aprĂšs l’adoption du nouveau dispositif.

L’affaire jugĂ©e concernait la cession de la totalitĂ© des actions d’une sociĂ©tĂ© exploi-tant une centrale hydroĂ©lectrique. Les parties avaient considĂ©rĂ© que cette opĂ©ration devait ĂȘtre soumise au taux applicable aux cessions d’actions de droit commun (1,1 % plafonnĂ©). L’administration fiscale a, au contraire, estimĂ© que l’opĂ©ration relevait du rĂ©gime applicable aux sociĂ©tĂ©s Ă  prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre (au taux de 5 % non pla-fonnĂ©), eu Ă©gard Ă  l’importance et Ă  la valeur des immeubles par destination (turbine et autres Ă©quipements affectĂ©s Ă  l’exploitation du fonds). L’administration entendait ainsi appliquer la dĂ©finition donnĂ©e par l’article 524, alinĂ©a 1, du code civil : « Les objets que le propriĂ©taire d’un fonds y a placĂ©s pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. »

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres

En faveur de la thĂšse du pourvoi, on pouvait retenir l’absence d’exception, dans le texte de l’article 726, I, 2o, du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts Ă  la dĂ©finition des immeubles donnĂ©e par le droit civil, qui inclut les immeubles par destination.

De mĂȘme, on pouvait trouver un argument en faveur de l’unitĂ© des notions civi-liste et fiscaliste de l’immeuble avec l’article 683 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, relatif aux mutations Ă  titre onĂ©reux d’immeubles, qui envisage bien les immeubles par destination, pour dire qu’ils doivent faire l’objet d’un prix particulier et d’une dĂ©signation dĂ©taillĂ©e.

En matiĂšre de droit d’enregistrement sur les immeubles ruraux, la jurisprudence a eu Ă  appliquer la notion d’immeuble par destination Ă  propos du cheptel, pour exclure de l’assiette des droits le bĂ©tail destinĂ© Ă  la reproduction et Ă  l’embouche, consacrant impli-citement mais nĂ©cessairement que le bĂ©tail attachĂ© au fonds est immeuble par destination (Com., 12 novembre 1996, pourvoi n° 95-11.080, Bull. 1996, IV, n° 268) ; de mĂȘme elle a considĂ©rĂ© qu’entrait dans l’assiette des droits d’enregistrement sur les immeubles un pont roulant cĂ©dĂ© sĂ©parĂ©ment de l’immeuble (Com., 18 fĂ©vrier 1997, pourvoi n° 95-12.702).

En sens inverse, le caractĂšre dĂ©rogatoire et moins favorable du rĂ©gime des sociĂ©-tĂ©s Ă  prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre militait en faveur d’une interprĂ©tation stricte de son champ d’application.

Du reste, les cas dans lesquels la loi ou la jurisprudence ont pris en compte les immeubles par destination dans le calcul des droits posaient un problĂšme d’assiette et non de rĂ©gime d’imposition.

Par ailleurs, le fait que la chambre commerciale a refusĂ© de considĂ©rer comme meubles par anticipation des arbres de futaie encore sur pied au jour de la cession (Com., 7 mai 2019, pourvoi n° 17-13.591) n’implique en rien que des biens meubles rattachĂ©s Ă  l’exploitation du fonds soient Ă  prendre en considĂ©ration pour apprĂ©cier si une sociĂ©tĂ© est Ă  prĂ©pondĂ©rance immobiliĂšre.

Surtout, dans une affaire intĂ©ressant, certes, l’imposition des produits, le Conseil d’État est venu consacrer expressĂ©ment l’autonomie du droit fiscal quant Ă  la notion de biens immobiliers, excluant de cette notion les immeubles par destination (CE, 9/10 SSR, 27 mai 2002, no 125959, publiĂ© au Recueil Lebon, p. 184). De telle sorte que, lorsqu’il est fait rĂ©fĂ©rence aux immeubles par destination dans la loi fiscale, c’est de maniĂšre spĂ©cifique, sans qu’il en dĂ©coule une dĂ©finition gĂ©nĂ©rale.

C’est Ă  cette conception autonome de l’immeuble en matiĂšre fiscale que s’est ral-liĂ©e la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation dans son arrĂȘt du 2 dĂ©cembre 2020 (Com., 2 dĂ©cembre 2020, pourvoi n° 18-25.559, publiĂ© au Bulletin).

Cette solution apparaĂźt conforme Ă  l’esprit de la rĂ©forme opĂ©rĂ©e en 1999, qui a Ă©tĂ© d’éviter que des immeubles soient cĂ©dĂ©s au travers de sociĂ©tĂ©s constituĂ©es dans le but principal d’allĂ©ger la fiscalitĂ©, mais non d’apprĂ©hender en tant qu’immeubles des Ă©qui-pements industriels mobiliers qui, jusque-lĂ , relevaient du rĂ©gime de droit commun.

ImpĂŽts et taxes – Redressement et vĂ©rifications (rĂšgles communes) â€“ ProcĂ©dures de contrĂŽle – Transmission de piĂšces par l’autoritĂ© judiciaire Ă  l’administra-tion des finances â€“ PiĂšces issues de la commission d’un dĂ©lit – Condition

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Com., 16 dĂ©cembre 2020, pourvoi nÂș 18-16.801, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Daubigney et avis de M. DebacqSelon l’article L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales, dans sa version alors applicable, l’autoritĂ© judiciaire doit communiquer Ă  l’administration des finances toute indication qu’elle peut recueillir, de nature Ă  faire prĂ©sumer une fraude commise en matiĂšre fiscale ou une manƓuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour rĂ©sultat de frau-der ou de compromettre un impĂŽt, qu’il s’agisse d’une instance civile ou commerciale ou d’une information criminelle ou correctionnelle, mĂȘme terminĂ©e par un non-lieu. En matiĂšre de procĂ©dures de contrĂŽle de l’impĂŽt, Ă  l’exception de celles relatives aux visites en tous lieux, mĂȘme privĂ©s, les piĂšces issues de la commission d’un dĂ©lit ne peuvent ĂȘtre Ă©cartĂ©es au seul motif de leur origine dĂšs lors qu’elles ont Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement portĂ©es Ă  la connaissance de l’administration fiscale par application de l’article L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales et que les conditions dans lesquelles elles lui ont Ă©tĂ© communi-quĂ©es n’ont pas Ă©tĂ© ultĂ©rieurement dĂ©clarĂ©es illĂ©gales par un juge.

À la suite de la transmission par un procureur de la RĂ©publique d’informations obte-nues Ă  l’occasion de l’exĂ©cution d’une commission rogatoire des autoritĂ©s helvĂ©tiques enquĂȘtant sur le vol de donnĂ©es bancaires par un des salariĂ©s d’un Ă©tablissement ban-caire et d’une perquisition rĂ©alisĂ©e au domicile français de ce salariĂ©, laissant suppo-ser qu’un contribuable dĂ©tenait des avoirs sur des comptes bancaires ouverts dans les livres de cet Ă©tablissement, l’administration fiscale a dĂ©posĂ© une plainte pour fraude fiscale Ă  son encontre, Ă  la suite de laquelle ce dernier a Ă©tĂ© dĂ©finitivement condamnĂ© par un tribunal correctionnel.

ParallĂšlement, l’administration fiscale a notifiĂ© Ă  ce contribuable, aprĂšs avoir sollicitĂ© de sa part des informations sur le fondement de l’article L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales, deux propositions de rectification portant sur des rappels de droits d’enregis-trement selon la procĂ©dure de taxation d’office sur le fondement de l’article 755 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, les sommes figurant sur les comptes bancaires dĂ©tenus dans cette banque suisse Ă©tant rĂ©putĂ©es constituer un patrimoine acquis Ă  titre gratuit, et sur des rappels d’impĂŽt de solidaritĂ© sur la fortune et de la contribution exception-nelle sur les hauts revenus.

Un tribunal de grande instance l’a dĂ©boutĂ© de ses demandes tendant Ă  voir annu-ler la dĂ©cision de rejet de ses rĂ©clamations de l’administration fiscale et Ă  obtenir la dĂ©charge de ses impositions. Ce jugement a Ă©tĂ© confirmĂ© en appel.

Cet arrĂȘt est l’occasion pour la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation de prĂ©ciser sa position sur l’admissibilitĂ© de la preuve en matiĂšre fiscale, et sur la prescription et le fait gĂ©nĂ©rateur des droits d’enregistrements dus Ă  la suite de la dĂ©couverte d’avoirs d’origine indĂ©terminĂ©e sur un compte non dĂ©clarĂ© Ă  l’étranger.

I/ Sur l’admissibilitĂ© de la preuve en matiĂšre fiscale

Le contribuable faisait grief Ă  l’arrĂȘt de la cour d’appel d’avoir violĂ© les dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des liber-tĂ©s fondamentales ainsi que celles de l’article L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales.

À cette occasion, la Cour, Ă  la suite de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH, arrĂȘt du 12 juillet 2001, Ferrazzini c. Italie, no 44759/98, § 29), a rappelĂ© que le contentieux de l’impĂŽt, en dĂ©pit des effets patrimoniaux qu’il a nĂ©cessairement sur

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres

la situation des contribuables, Ă©chappe au champ des obligations de caractĂšre civil de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales.

Elle a ensuite jugĂ©, au visa de l’article L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales, qu’en matiĂšre de procĂ©dures de contrĂŽle de l’impĂŽt, Ă  l’exception de celles relatives aux visites en tous lieux, mĂȘme privĂ©s, les piĂšces issues de la commission d’un dĂ©lit ne peuvent ĂȘtre Ă©cartĂ©es au seul motif de leur origine dĂšs lors qu’elles ont Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement portĂ©es Ă  la connaissance de l’administration fiscale et que les conditions dans lesquelles elles lui ont Ă©tĂ© communiquĂ©es n’ont pas Ă©tĂ© ultĂ©rieurement dĂ©clarĂ©es illĂ©gales par le juge. Analysant les Ă©nonciations, constatations et apprĂ©ciations de la cour d’appel, la Cour de cassation a jugĂ© que celle-ci avait dĂ©duit, Ă  bon droit, que les donnĂ©es produites par l’administration fiscale constituaient des preuves admissibles.

La Cour de cassation s’inscrit ainsi dans la ligne dĂ©gagĂ©e par le Conseil constitution-nel Ă  l’occasion de l’examen de la conformitĂ© Ă  la Constitution de l’article 37 de la loi no 2013-1117 du 6 dĂ©cembre 2013 puisque le Conseil a validĂ© la possibilitĂ© pour l’admi-nistration fiscale, aux fins d’exercice du contrĂŽle de l’impĂŽt, de se fonder sur des docu-ments, piĂšces ou informations quelle que soit leur origine, Ă  condition qu’ils lui aient Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement transmis au titre du droit de communication ou de l’assistance admi-nistrative internationale (Cons. Constit., 4 dĂ©cembre 2013, dĂ©cision no 2013-679 DC, Loi relative Ă  la lutte contre la fraude fiscale et la grande dĂ©linquance Ă©conomique et financiĂšre), position reprise par le Conseil d’État qui a jugĂ© que la seule circonstance que l’administration ait disposĂ© d’informations issues de documents obtenus de maniĂšre frauduleuse par un tiers est, par elle-mĂȘme, sans incidence sur la rĂ©gularitĂ© de la pro-cĂ©dure d’imposition (CE, 8e-3e chambres rĂ©unies, 20 octobre 2016, no 390639, men-tionnĂ© aux tables du Recueil Lebon).

On notera que dans la dĂ©cision prĂ©citĂ©e, le Conseil constitutionnel a Ă©galement examinĂ© la conformitĂ© Ă  la Constitution de l’article 39 de la loi no 2013-1117 du 6 dĂ©cembre 2013, lequel avait pour objet de permettre Ă  l’administration fiscale de demander au juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention l’autorisation de procĂ©der Ă  des visites domiciliaires sur le fondement de toute information quelle qu’en soit l’origine. Il a dĂ©cidĂ© que ces dispositions Ă©taient contraires Ă  la Constitution, en ce qu’elles privent de garanties lĂ©gales les exigences du droit au respect de la vie privĂ©e et, en particulier, de l’inviolabilitĂ© du domicile.

Ce faisant, il a confortĂ© la jurisprudence de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation qui, par deux arrĂȘts rendus en 2012, avait jugĂ© que la transmission par le procureur de la RĂ©publique, en application de l’article L. 101 du livre des procĂ©dures fiscales, de documents volĂ©s ou dĂ©tournĂ©s ou prĂ©sumĂ©s l’ĂȘtre, ne pouvait rendre licites leur dĂ©tention et leur production par les agents de l’administra-tion fiscale Ă  l’appui d’une demande de visites et saisies domiciliaires (Com., 31 jan-vier 2012, pourvoi no 11-13.097, Bull. 2012, IV, no 22, et Com., 21 fĂ©vrier 2012, pourvoi no 11-15.162).

II/ La prescription et la mise en Ɠuvre des dispositions combinĂ©es des articles 755 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts et L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales

Sur le fond, le contribuable faisait valoir que les avoirs dĂ©tenus Ă  l’étranger pro-venaient de la succession de sa mĂšre et de sa tante et que, sa mĂšre Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ©e le

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

16 mars 2006 et la dĂ©claration de succession dĂ©finitive dĂ©posĂ©e le 27 septembre 2006, la prescription en matiĂšre de droits d’enregistrement Ă©tait acquise au 31 dĂ©cembre 2012, conformĂ©ment aux dispositions de l’article L. 186 du livre des procĂ©dures fiscales, de sorte que l’administration fiscale ne pouvait, sur le fondement de l’article L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales, demander des justifications que sur l’origine et les moda-litĂ©s d’acquisition des avoirs figurant sur le compte, en dehors de tout autre Ă©lĂ©ment.

Cet arrĂȘt a Ă©tĂ© l’occasion pour la Cour de cassation d’énoncer que, selon les dispo-sitions combinĂ©es des articles 1649 A du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts et L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales, les personnes physiques domiciliĂ©es en France sont tenues de dĂ©clarer, en mĂȘme temps que leur dĂ©claration de revenus ou de rĂ©sultats, les rĂ©fĂ©rences des comptes ouverts utilisĂ©s ou clos Ă  l’étranger. Lorsque cette obligation n’a pas Ă©tĂ© respectĂ©e au moins une fois au titre des dix annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, l’administration peut demander Ă  la personne physique soumise Ă  cette obligation de fournir, dans un dĂ©lai de soixante jours, les informations ou justifications sur l’origine et les modalitĂ©s d’acquisi-tion des avoirs figurant sur le compte et, lorsque la personne a rĂ©pondu de façon insuf-fisante aux demandes de l’administration, elle lui adresse une mise en demeure d’avoir Ă  complĂ©ter sa rĂ©ponse dans un dĂ©lai de trente jours, de sorte que le fait gĂ©nĂ©rateur de l’imposition correspond Ă  la date d’expiration des dĂ©lais prĂ©vus Ă  l’article L. 23 C du livre des procĂ©dures fiscales et constitue le point de dĂ©part de la prescription dĂ©cen-nale fixĂ©e par l’article L. 181-0 A du livre des procĂ©dures fiscales.

Elle a, en application de ces principes, approuvĂ© la cour d’appel qui avait jugĂ© que le contribuable ne pouvait invoquer la prescription du droit de reprise de l’adminis-tration, s’agissant des avoirs qu’il prĂ©tendait avoir hĂ©ritĂ© de sa mĂšre, puisqu’il ne rap-portait pas la preuve de cette succession. Ainsi, le fait gĂ©nĂ©rateur de l’imposition devait ĂȘtre fixĂ© au 30 septembre 2013 soit trente jours aprĂšs l’envoi de la mise en demeure.

Cet arrĂȘt fait application des principes identiques Ă  ceux que retient le Conseil d’État, selon lesquels dĂšs lors que le redevable n’apporte aucune prĂ©cision, ni aucun commencement de justification sur la nature des ressources ayant servi Ă  constituer les avoirs figurant sur un compte dĂ©tenu Ă  l’étranger non dĂ©clarĂ© Ă  l’administration fis-cale, ni sur la circonstance que ces ressources auraient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© imposĂ©es ou n’auraient pas Ă©tĂ© imposables, il ne fait pas Ă©chec Ă  la prĂ©somption qui rĂ©sulte des articles 1649 A et 1649 quater A du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts de sorte que c’est Ă  bon droit que l’admi-nistration fiscale regarde les sommes litigieuses, qui ne peuvent d’ailleurs, par nature, qu’ĂȘtre qualifiĂ©es de revenus d’origine indĂ©terminĂ©e dĂšs lors que le fait gĂ©nĂ©rateur de l’imposition est constituĂ© par la constatation du transfert et non par la perception ou par l’origine de ces sommes, comme des revenus imposables (CE, 10e et 9e sous-sec-tions rĂ©unies, 4 fĂ©vrier 2015, no 365180, mentionnĂ© aux tables du Recueil Lebon).

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres

4. Propriété littéraire et artistique

PropriĂ©tĂ© littĂ©raire et artistique – Droits voisins du droit d’auteur â€“ Droits des artistes-interprĂštes – Artiste-interprĂšte â€“ Droits patrimoniaux et droits moraux – Exploitation des prestations â€“ Exercice des droits d’exploitation des archives audiovisuelles par l’Institut national de l’audiovisuel – RĂ©gime dĂ©rogatoire â€“ Article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 modifiĂ©e – ConformitĂ© Ă  la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 â€“ PortĂ©e1re Civ., 22 janvier 2020, pourvoi nÂș 17-18.177, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Le Gall et avis de Mme LegohĂ©relPar arrĂȘt du 14 novembre 2019 (affaire C-484/18), la Cour de justice de l’Union euro-pĂ©enne a dit pour droit que l’article 2, sous b), et l’article 3, § 2, sous a), de la direc-tive 2001/29/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de l’informa-tion, doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils ne s’opposent pas Ă  une lĂ©gislation natio-nale qui Ă©tablit, en matiĂšre d’exploitation d’archives audiovisuelles par une institution dĂ©signĂ©e Ă  cette fin, une prĂ©somption rĂ©fragable d’autorisation de l’artiste-interprĂšte Ă  la fixation et Ă  l’exploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprĂšte participe Ă  l’en-registrement d’une Ɠuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.DĂšs lors, ayant constatĂ©, d’abord, que l’INA a une mission particuliĂšre donnĂ©e par les lois successives de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national, qu’il assure la conservation des archives audiovisuelles des sociĂ©tĂ©s nationales de programme et contribue Ă  leur exploitation, ensuite, que les vidĂ©ogrammes et phonogrammes litigieux sont soumis au rĂ©gime dĂ©rogatoire dont bĂ©nĂ©ficie l’INA, ce dont il rĂ©sulte que l’artiste-inter-prĂšte avait participĂ© Ă  la rĂ©alisation de ces Ɠuvres aux fins de leur radiodiffusion par des sociĂ©tĂ©s nationales de programme et qu’il avait, d’une part, connaissance de l’utilisation envisagĂ©e de sa prestation, d’autre part, effectuĂ© sa prestation aux fins d’une telle utilisa-tion, la cour d’appel a exactement Ă©noncĂ© qu’en exonĂ©rant l’INA de prouver par un Ă©crit l’autorisation donnĂ©e par l’artiste-interprĂšte, l’article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 modifiĂ©e ne supprime pas l’exigence de ce consentement mais instaure une prĂ©somption simple d’autorisation qui peut ĂȘtre combattue et ne remet pas en cause le droit exclusif de l’artiste-interprĂšte d’autoriser ou d’interdire la reproduction de sa prestation ainsi que sa communication et sa mise Ă  la disposition du public.

L’article L. 212-3 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle impose la nĂ©cessitĂ© d’une autorisation Ă©crite de l’artiste-interprĂšte pour la fixation de sa prestation, la reproduc-tion de celle-ci et sa communication au public, et l’article L. 212-4 du mĂȘme code ins-taure une prĂ©somption d’autorisation de l’artiste-interprĂšte au profit du producteur d’Ɠuvre audiovisuelle.

Selon l’article 49 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative Ă  la libertĂ© de communication (Loi LĂ©otard), l’Institut national de l’audiovisuel (INA), Ă©tablisse-ment public de l’État Ă  caractĂšre industriel et commercial, est chargĂ© de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national. À ce titre, il assure la conser-vation des archives audiovisuelles des sociĂ©tĂ©s nationales de programme et contribue Ă  leur exploitation.

Le II de cet article, modifiĂ© par la loi no 2006-961 du 1er aoĂ»t 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de l’information, prĂ©voit que l’INA exerce

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

les droits d’exploitation mentionnĂ©s Ă  ce paragraphe dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d’auteurs ou de droits voisins du droit d’auteur, et de leurs ayants droit. Toutefois, par dĂ©rogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 prĂ©-citĂ©s, les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprĂštes des archives de l’INA et les rĂ©munĂ©rations auxquelles cette exploitation donne lieu sont rĂ©gies par des accords conclus entre les artistes-interprĂštes eux-mĂȘmes ou les organisations de salariĂ©s reprĂ©sentatives des artistes-interprĂštes et l’INA. Ces accords doivent notamment prĂ©-ciser le barĂšme des rĂ©munĂ©rations et les modalitĂ©s de versement de ces rĂ©munĂ©rations.

Cette disposition a pour objectif de permettre Ă  l’INA d’exploiter son fonds d’ar-chives mĂȘme s’il ne dispose pas des autorisations des artistes-interprĂštes ou de leurs ayants droit, ou des contrats conclus par les artistes-interprĂštes avec les producteurs. En effet, pour ses plus anciennes archives, les contrats ont pu disparaĂźtre et la recherche des ayants droit pourrait s’avĂ©rer longue et incertaine, ne permettant pas Ă  l’INA de remplir sa mission.

Si cette disposition a Ă©tĂ© jugĂ©e conforme Ă  la Constitution (Cons. const., 27 juil-let 2006, dĂ©cision no 2006-540 DC, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de l’information) en ce que ce rĂ©gime dĂ©rogatoire est justifiĂ© par un intĂ©-rĂȘt gĂ©nĂ©ral suffisant et ne dĂ©nature pas les droits de propriĂ©tĂ© des artistes-interprĂštes, la question s’est posĂ©e de sa conformitĂ© Ă  la directive 2001/29/CE du Parlement euro-pĂ©en et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de l’information.

En effet, l’article 5 de la directive prĂ©citĂ©e offre la facultĂ© aux États membres de prĂ©voir des exceptions et limitations au droit de reproduction et au droit de commu-nication au public visĂ©s aux articles 2 et 3 du mĂȘme texte, la liste de ces exceptions et limitations Ă©tant exhaustive.

Or, si l’article 49, II, de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 prĂ©citĂ©e devait s’in-terprĂ©ter comme constituant un rĂ©gime dĂ©rogatoire au fond en ce qu’il dispenserait l’INA de toute autorisation de l’artiste-interprĂšte, et non comme instaurant une rĂšgle de preuve, alors sa conformitĂ© Ă  la directive poserait question, dĂšs lors qu’il ne corres-pond Ă  aucune des exceptions et limitations prĂ©vues Ă  l’article 5.

Il a Ă©tĂ© jugĂ© (1re Civ., 14 octobre 2015, pourvoi no 14-19.917, Bull. 2015, I, no 244) que l’application du rĂ©gime dĂ©rogatoire dont bĂ©nĂ©ficie l’INA n’est pas subordonnĂ©e Ă  la preuve de l’autorisation par l’artiste-interprĂšte de la premiĂšre exploitation de sa prestation.

Toutefois, cet arrĂȘt ne prĂ©cisait pas pourquoi l’INA Ă©tait dispensĂ© de faire la preuve de l’autorisation par l’artiste-interprĂšte de la premiĂšre exploitation de sa prestation : Ă©tait-ce parce qu’il bĂ©nĂ©ficie d’un rĂ©gime sans autorisation (rĂšgle de fond) ou bien d’une prĂ©somption d’autorisation (rĂšgle de preuve) ?

La cour d’appel statuant sur renvoi aprĂšs cassation (Versailles, 10 mars 2017, RG no 15/07483) a retenu que l’article 49, II, de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 prĂ©citĂ©e ne supprime pas l’exigence d’un consentement de l’artiste-interprĂšte mais instaure une prĂ©somption simple de consentement au profit de l’INA, dont la mise en Ɠuvre est soumise Ă  des accords collectifs, lesquels ont pour seul objectif de fixer la rĂ©munĂ©ration de l’artiste-interprĂšte.

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Saisie par la Cour de cassation (1re Civ., 11 juillet 2018, pourvoi no 17-18.177, publiĂ© au Bulletin) d’une question prĂ©judicielle portant sur l’interprĂ©tation des articles 2, 3 et 5 de la directive au regard de l’article 49, II, de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, la Cour de justice de l’Union europĂ©enne a, par arrĂȘt du 14 novembre 2019 (CJUE, arrĂȘt du 14 novembre 2019, Spedidam e. a., C-484/18), dit pour droit que l’article 2, sous b), et l’article 3, § 2, sous a), de la directive 2001/29/CE prĂ©citĂ©e doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils ne s’opposent pas Ă  une lĂ©gislation nationale qui Ă©tablit, en matiĂšre d’exploitation d’archives audiovisuelles par une institution dĂ©signĂ©e Ă  cette fin, une prĂ©somption rĂ©fragable d’autorisation de l’artiste-interprĂšte Ă  la fixation et Ă  l’exploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprĂšte participe Ă  l’enregistre-ment d’une Ɠuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.

La Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE) valide ainsi, au regard du droit de l’Union, le rĂ©gime probatoire spĂ©cial dont bĂ©nĂ©ficie l’INA, selon deux critĂšres : d’une part, l’exploitation d’archives audiovisuelles est effectuĂ©e par une institution dĂ©signĂ©e Ă  cette fin, d’autre part, l’artiste-interprĂšte a participĂ© Ă  l’enregistrement de l’Ɠuvre audiovisuelle exploitĂ©e par l’INA aux fins de sa radiodiffusion.

Par son arrĂȘt du 22 janvier 2020, la Cour de cassation confirme que l’article 49, II, de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 prĂ©citĂ©e n’édicte qu’une rĂšgle de preuve au profit de l’INA, pour l’exploitation de ses archives : celui-ci bĂ©nĂ©ficie d’une prĂ©somption simple d’au-torisation d’exploitation de l’artiste-interprĂšte ayant participĂ© Ă  la rĂ©alisation des Ɠuvres liti-gieuses aux fins de leur radiodiffusion par des sociĂ©tĂ©s nationales de programme. Ce rĂ©gime de preuve s’applique dans le respect du droit des artistes-interprĂštes et de leurs ayants droit de percevoir la rĂ©munĂ©ration attachĂ©e Ă  l’exploitation de leurs prestations.

PropriĂ©tĂ© littĂ©raire et artistique – Droits d’auteur â€“ Droits patrimoniaux – Droit de reproduction – Limitations – Cas – Exception de copie privĂ©e – RĂ©munĂ©ration des auteurs, artistes-interprĂštes et producteurs – DĂ©biteur – DĂ©termination – PortĂ©e1re Civ., 5 fĂ©vrier 2020, pourvoi nÂș 18-23.752, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Canas et avis de M. ChaumontLorsqu’un utilisateur rĂ©sidant en France fait l’acquisition, auprĂšs d’un vendeur professionnel Ă©tabli dans un autre État membre de l’Union europĂ©enne, d’un support d’enregistrement permettant la reproduction Ă  titre privĂ© d’une Ɠuvre protĂ©gĂ©e, et en cas d’impossibilitĂ© d’assurer la perception de la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e auprĂšs de cet utilisateur, l’article L. 311-4 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens que cette rĂ©munĂ©ration est due par le vendeur qui a contribuĂ© Ă  l’importation dudit support en le mettant Ă  la disposition de l’utilisateur final.

ConformĂ©ment aux articles L. 122-5, 2o, et L. 211-3, 2o, du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle, les titulaires de droits d’auteur et de droits voisins ne peuvent s’opposer Ă  la rĂ©alisation de copies de l’Ɠuvre, Ă  partir d’une source licite, si elles sont strictement rĂ©servĂ©es Ă  l’usage privĂ© du copiste. Cependant, afin de compenser la perte financiĂšre rĂ©sultant de cette « exception de copie privĂ©e », la loi no 85-660 du 3 juillet 1985, rela-tive aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprĂštes, des producteurs de pho-nogrammes et de vidĂ©ogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, a instaurĂ©, Ă  leur profit, une « rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e », collectĂ©e par une sociĂ©tĂ© de gestion collective et ensuite redistribuĂ©e aux ayants droit.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Aux termes de l’article L. 311-4, alinĂ©a 1, du mĂȘme code, cette rĂ©munĂ©ration est versĂ©e par « le fabricant, l’importateur ou la personne qui rĂ©alise des acquisitions intra-communautaires, au sens du 3o du I de l’article 256 bis du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts, de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction Ă  usage privĂ© d’Ɠuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports ».

Se conformant strictement Ă  la lettre de ce texte, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation avait exclu qu’un cybercommerçant Ă©tabli dans un autre État membre de l’Union europĂ©enne, n’ayant pas instituĂ© la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e, puisse ĂȘtre assujetti au paiement de cette redevance, Ă  dĂ©faut de « revĂȘt [ir] aucune de ces trois qualitĂ©s » (1re Civ., 27 novembre 2008, pourvoi no 07-15.066, Bull. 2008, I, no 268).

Mais la nĂ©cessitĂ© d’une « compensation Ă©quitable » au bĂ©nĂ©fice des titulaires de droits a Ă©galement Ă©tĂ© consacrĂ©e par l’article 5, § 2, de la directive 2001/29/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la sociĂ©tĂ© de l’information, la Cour de justice de l’Union europĂ©enne ayant dit pour droit qu’il s’agissait d’une « notion autonome du droit de l’Union, qui doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e d’une maniĂšre uniforme dans tous les États membres ayant introduit une exception de copie privĂ©e, indĂ©pendam-ment de la facultĂ© reconnue Ă  ceux-ci de dĂ©terminer, dans les limites imposĂ©es par le droit de l’Union, notamment par la mĂȘme directive, la forme, les modalitĂ©s de finan-cement et de perception ainsi que le niveau de cette compensation Ă©quitable » (CJUE, arrĂȘt du 21 octobre 2010, Padawan, C-467/08).

L’article L. 311-4 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle doit donc ĂȘtre interprĂ©tĂ© Ă  la lumiĂšre de cette directive pour atteindre le rĂ©sultat visĂ© par celle-ci, sans que, toute-fois, l’obligation d’interprĂ©tation conforme ne puisse servir de fondement Ă  une inter-prĂ©tation contra legem du droit national (voir, notamment, en ce sens : CJCE, arrĂȘt du 13 novembre 1990, Marleasing SA, C-106/89, point 8 ; CJUE, arrĂȘt du 19 avril 2016, DI, C-441/14, points 30 Ă  32 ; 1re Civ., 15 mai 2015, pourvoi no 14-13.151, Bull. 2015, I, no 117). Les juridictions nationales sont, en outre, tenues de prendre en considĂ©ration l’interprĂ©tation que la Cour de justice de l’Union europĂ©enne a donnĂ©e de ces disposi-tions du droit de l’Union, dĂšs lors qu’elle « Ă©claire et prĂ©cise, lorsque le besoin en est, la signification et la portĂ©e de cette rĂšgle, telle qu’elle doit ou aurait dĂ» ĂȘtre comprise et appliquĂ©e depuis le moment de sa mise en vigueur » (CJCE, arrĂȘt du 10 fĂ©vrier 2000, Deutsche Telekom AG contre Lilli Schröder, C-50/96, point 43).

Or, par arrĂȘt du 16 juin 2011 (CJUE, arrĂȘt du 16 juin 2011, Stichting de Thuiskopie, C-462/09), la Cour de justice de l’Union europĂ©enne a dit pour droit que : « La direc-tive 2001/29, en particulier son article 5, § 2, b), et 5, doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e en ce sens qu’il incombe Ă  l’État membre qui a instituĂ© un systĂšme de redevance pour copie privĂ©e Ă  la charge du fabricant ou de l’importateur de supports de reproduction d’Ɠuvres pro-tĂ©gĂ©es, et sur le territoire duquel se produit le prĂ©judice causĂ© aux auteurs par l’utilisa-tion Ă  des fins privĂ©es de leurs Ɠuvres par des acheteurs qui y rĂ©sident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation Ă©quitable destinĂ©e Ă  les indemniser de ce prĂ©judice. À cet Ă©gard, la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équi-pements, d’appareils ou de supports de reproduction est Ă©tabli dans un État membre autre que celui dans lequel rĂ©sident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obli-gation de rĂ©sultat. Il appartient Ă  la juridiction nationale, en cas d’impossibilitĂ© d’assu-rer la perception de la compensation Ă©quitable auprĂšs des acheteurs, d’interprĂ©ter le

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ActivitĂ©s Ă©conomiques, commerciales et financiĂšres

droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprĂšs d’un dĂ©bi-teur agissant en qualitĂ© de commerçant. »

En considĂ©ration de cette dĂ©cision, la premiĂšre chambre civile de la Cour de cas-sation, saisie Ă  nouveau de la question de la dĂ©termination du dĂ©biteur de la rĂ©munĂ©-ration pour copie privĂ©e, est revenue sur la solution adoptĂ©e dans son arrĂȘt, prĂ©citĂ©, du 27 novembre 2008 : par arrĂȘt du 5 fĂ©vrier 2020, elle a jugĂ© que, lorsqu’un utilisateur rĂ©sidant en France fait l’acquisition, auprĂšs d’un vendeur professionnel Ă©tabli dans un autre État membre de l’Union europĂ©enne, d’un support d’enregistrement permettant la reproduction Ă  titre privĂ© d’une Ɠuvre protĂ©gĂ©e, et en cas d’impossibilitĂ© d’assurer la perception de la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e auprĂšs de cet utilisateur, l’article L. 311-4 du code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens que cette rĂ©munĂ©ration est due par le vendeur qui a contribuĂ© Ă  l’importation dudit support en le mettant Ă  la disposition de l’utilisateur final.

Faisant application de cette nouvelle rĂšgle jurisprudentielle, elle a, dans l’affaire qui lui Ă©tait soumise, approuvĂ© une cour d’appel d’avoir retenu qu’une sociĂ©tĂ© luxem-bourgeoise, qui proposait de tels supports Ă  la vente sur Internet, Ă©tait redevable du paiement de la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e, aprĂšs avoir relevĂ© que les commandes effectuĂ©es par des consommateurs français, Ă  partir de son site rĂ©digĂ© en français et per-mettant le paiement en euros, Ă©taient livrĂ©es sur le territoire national.

5. Sociétés

SociĂ©tĂ© en nom collectif – AssociĂ©s – Revendication de la qualitĂ© d’associĂ© â€“ Conjoint d’un associĂ© – Conditions â€“ Consentement unanime des associĂ©sCom., 18 novembre 2020, pourvoi nÂș 18-21.797, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Ponsot et avis de Mme BeaudonnetIl rĂ©sulte de la combinaison des articles 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil et L. 221-13 du code de commerce que la revendication de la qualitĂ© d’associĂ© par le conjoint d’un associĂ© en nom, bien que ne constituant pas une cession, est subordonnĂ©e au consentement una-nime des autres associĂ©s, qui rĂ©pondent indĂ©finiment et solidairement des dettes sociales.

La revendication de la qualitĂ© d’associĂ© par l’époux d’un associĂ© en nom d’une sociĂ©tĂ© en nom collectif (SNC) est-elle soumise Ă  l’agrĂ©ment des autres associĂ©s ? Le cas Ă©chĂ©ant, sous quelle forme l’agrĂ©ment de l’autre associĂ© peut-il ĂȘtre donnĂ© ?

C’est Ă  cette double question inĂ©dite que la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation a eu Ă  rĂ©pondre.

Dans cette affaire, l’épouse avait, au cours de la procĂ©dure de divorce, (on rappellera que la revendication peut intervenir aussi longtemps que le jugement de divorce n’est pas passĂ© en force de chose jugĂ©e : Com., 18 novembre 1997, pourvoi no 95-16.371, Bull. 1997, IV, no 298), notifiĂ© son intention d’ĂȘtre personnellement associĂ©e Ă  hauteur de la moitiĂ© des parts de la SNC crĂ©Ă©e par son Ă©poux Ă  l’aide de biens communs avec un autre associĂ©, en application de l’article 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Aucune rĂ©ponse n’ayant Ă©tĂ© donnĂ©e Ă  cette demande, l’épouse a, quelques annĂ©es plus tard, dans le cadre des opĂ©rations de liquidation de la communautĂ©, saisi le juge d’une demande Ă  cet effet.

La cour d’appel le lui refuse en considĂ©rant que cette revendication nĂ©cessitait l’ac-cord de l’autre associĂ©, en application de l’article L. 221-13 du code de commerce, et que cet accord n’a pas Ă©tĂ© valablement donnĂ© par le courrier de l’avocat de l’autre asso-ciĂ©, adressĂ© huit ans aprĂšs la notification initiale, faisant Ă©tat de l’absence d’opposition de son client Ă  cette revendication.

Devant la Cour de cassation, se prĂ©valant des dĂ©bats parlementaires ayant prĂ©cĂ©dĂ© l’adoption de la loi no 82-596 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d’artisans et de commerçants travaillant dans l’entreprise familiale, l’épouse faisait valoir que la reven-dication de la qualitĂ© d’associĂ© ainsi effectuĂ©e ne rĂ©alise pas une cession, de sorte qu’en l’absence de clause d’agrĂ©ment prĂ©vue Ă  cet effet dans les statuts, les obstacles Ă  la libre cessibilitĂ© des parts, qu’ils rĂ©sultent des statuts ou de la loi, ne lui sont pas opposables.

Dans un attendu de principe au double visa des articles 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil et L. 221-13 du code de commerce, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©co-nomique de la Cour de cassation, tout en convenant qu’il ne s’agit pas d’une cession, rejette le pourvoi, en soulignant que les associĂ©s rĂ©pondent indĂ©finiment et solidaire-ment des dettes sociales.

Ce faisant, la Cour de cassation indique qu’elle a fait prĂ©valoir la caractĂ©ristique dominante de la SNC sur le mĂ©canisme prĂ©vu par l’article 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil.

On sait en effet que la SNC se caractĂ©rise par un intuitus personae et un jus frater-natis particuliĂšrement marquĂ©s, qui s’expriment par la responsabilitĂ© indĂ©finie et soli-daire de chaque associĂ© (article L. 221-1 du code de commerce), par le fait que, sauf clause contraire, chaque associĂ© est gĂ©rant et a donc le pouvoir d’engager la sociĂ©tĂ© (L. 221-3 du code de commerce), ou encore par la soumission des dĂ©cisions excĂ©dant les pouvoirs des gĂ©rants Ă  la rĂšgle de l’unanimitĂ©, sauf clause contraire (L. 221-6 du code de commerce).

Ces caractĂ©ristiques justifient, pour la Cour de cassation, que l’irruption du conjoint d’un associĂ© soit soumise Ă  l’agrĂ©ment des autres, comme s’il s’agissait d’une cession.

Cette solution est cohĂ©rente avec la rĂšgle qui veut que l’on ne puisse augmenter les engagements d’un associĂ© sans son consentement (article 1836, alinĂ©a 2, du code civil). Or, l’entrĂ©e d’un associĂ© insolvable est de nature Ă  augmenter la contribution des autres Ă  la dette. Ainsi, dans une SNC comprenant deux associĂ©s, chacun doit contri-buer Ă  la dette Ă  hauteur de la moitiĂ© ; si le conjoint de l’un d’eux revendique la qua-litĂ© d’associĂ© mais s’avĂšre insolvable, la contribution Ă  la dette de l’autre associĂ© risque donc d’ĂȘtre portĂ©e aux deux tiers.

Par ailleurs, s’il est incontestable que le dispositif de l’article 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil est d’ordre public en ce sens que les statuts ne sauraient exclure sa mise en Ɠuvre, cet ordre public est nĂ©anmoins relatif puisque, prĂ©cisĂ©ment, la loi permet de prĂ©voir une clause d’agrĂ©ment Ă  cet effet. Par contraste, la nĂ©cessitĂ© d’obtenir l’agrĂ©-ment des associĂ©s d’une SNC exprime un ordre public absolu, toute clause contraire Ă©tant exclue par l’article L. 221-13 du code de commerce. La seule attĂ©nuation Ă  cette rĂšgle concerne la possibilitĂ© d’insĂ©rer, au profit du conjoint ou des hĂ©ritiers, une clause

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de continuation en cas de dĂ©cĂšs d’un des associĂ©s (article L. 221-15 du code de com-merce) : mais l’enjeu est ici d’éviter la dissolution de plein droit de la sociĂ©tĂ©.

Restait alors la question de l’expression du consentement de l’autre associĂ©. Ce point est important, tant il est nĂ©cessaire de savoir Ă  partir de quand un associĂ© peut engager la sociĂ©tĂ©. Il en est de mĂȘme pour l’accomplissement des formalitĂ©s de publi-citĂ© au registre du commerce et des sociĂ©tĂ©s (RCS).

La Cour de cassation approuve la cour d’appel de considĂ©rer que l’absence d’op-position exprimĂ©e huit ans aprĂšs par un courrier de l’avocat de l’autre associĂ© ne suffit pas. Faisant Ɠuvre de pĂ©dagogie, elle prĂ©cise qu’il aurait fallu que ce consentement, donnĂ© par dĂ©finition par acte sĂ©parĂ©, soit annexĂ© au procĂšs-verbal prĂ©vu par l’article R. 221-2 du code de commerce.

S’agissant, en effet, d’un consentement requis d’un seul associĂ©, la Cour de cassation pouvait difficilement exiger une dĂ©libĂ©ration collĂ©giale et elle a raisonnĂ© par analogie avec les rĂšgles prĂ©vues en cas de consultation Ă©crite (il n’est guĂšre besoin de rappe-ler que la SNC ne connaĂźt pas de forme unipersonnelle, de sorte qu’il n’existe pas de rĂšgles organisant la prise de dĂ©cision par un associĂ© unique).

Incidemment, l’arrĂȘt commentĂ© vient confirmer le fait que le consentement de l’époux associĂ© n’est pas requis : ainsi l’un des objectifs de l’article 1832-2, alinĂ©a 3, du code civil, qui est de surmonter l’obstacle mis par l’un des Ă©poux Ă  la participation de l’autre Ă  la gestion des biens communs, est-il entiĂšrement prĂ©servĂ©. On peut, en effet, imaginer qu’un Ă©poux soit opposĂ© Ă  l’entrĂ©e de son conjoint dans la sociĂ©tĂ©, mais que les autres associĂ©s y soient favorables.

E. Responsabilité civile, assurance et sécurité sociale

1. Assurance

Assurance responsabilitĂ© – Garantie – Étendue – Globalisation du sinistre – Article L. 124-1-1 du code des assurances – Exclusion – Cas – Manquement Ă  ses obligations d’information et de conseil – ResponsabilitĂ© de l’assurĂ©2e Civ., 24 septembre 2020, pourvois no 18-12.593 et no 18-13.726, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Besson et avis de Mme NicolĂ©tisLes dispositions de l’article L. 124-1-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables Ă  la responsabilitĂ© encourue par un professionnel en cas de manquements Ă  ses obligations d’information et de conseil, celles-ci, individua-lisĂ©es par nature, excluant l’existence d’une cause technique, au sens de ce texte, per-mettant de les assimiler Ă  un fait dommageable unique.

La Cour de cassation Ă©tait saisie par deux assureurs couvrant la responsabilitĂ© d’une sociĂ©tĂ© spĂ©cialisĂ©e en conseil en gestion de patrimoine, Ă  laquelle plusieurs de ses clients avaient confiĂ© un mandat de recherche de produits de dĂ©fiscalisation, de pourvois formĂ©s contre un arrĂȘt de cour d’appel les obligeant Ă  garantir cette sociĂ©tĂ© de condamnations

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prononcĂ©es en faveur de l’un de ses clients ayant fait l’objet d’un redressement fiscal, en raison de divers manquements Ă  ses obligations de proposer Ă  celui-ci des investis-sements en adĂ©quation avec sa situation et ses attentes et de l’informer des risques fis-caux attachĂ©s Ă  ceux-ci.

Exposant que ces manquements s’étaient Ă©tendus sur deux annĂ©es consĂ©cutives et qu’en outre ils avaient Ă©tĂ© saisis de diffĂ©rentes rĂ©clamations Ă©manant d’autres clients de leur assurĂ©e, les assureurs, soutenant que ces rĂ©clamations procĂ©daient toutes d’une mĂȘme cause technique tenant Ă  des dĂ©faillances rĂ©pĂ©tĂ©es de leur assurĂ©e dans l’exĂ©cu-tion de ses obligations, et qu’ils Ă©taient ainsi fondĂ©s Ă  lui opposer la « globalisation » de tous ces sinistres en un sinistre unique, pour leur appliquer le plafond annuel de garantie prĂ©vu par sinistre, critiquaient l’arrĂȘt attaquĂ© qui retenait au contraire que ces manquements imputĂ©s Ă  l’assurĂ©e Ă©taient spĂ©cifiques Ă  l’affaire qui l’opposait au client concernĂ© et n’avaient pas une mĂȘme cause technique que ceux qui lui Ă©taient reprochĂ©s Ă  l’appui des rĂ©clamations qui avaient Ă©tĂ© formĂ©es par d’autres clients.

Les demandeurs au pourvoi, invoquant un manque de base lĂ©gale au regard de l’article L.124-1-1 du code des assurances, reprochaient de ce fait Ă  la cour d’appel de n’avoir pas recherchĂ© si les diffĂ©rents manquements de leur assurĂ©e Ă  son obliga-tion d’informer ses clients du risque fiscal qui s’était produit « ne procĂ©daient pas d’un mĂȘme vice de conception de la prĂ©sentation des produits de dĂ©fiscalisation et d’une mĂȘme erreur d’analyse quant Ă  l’étendue des risques fiscaux attachĂ©s Ă  ces produits », soit « d’une mĂȘme cause technique », et s’ils ne devaient pas « dĂšs lors ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme un fait dommageable unique ».

Il convient de rappeler que l’article L. 124-1-1 du code des assurances qui fondait ainsi la critique, dispose :

– « Au sens du prĂ©sent chapitre, constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causĂ©s Ă  des tiers, engageant la responsabilitĂ© de l’assurĂ©, rĂ©sultant d’un fait dommageable et ayant donnĂ© lieu Ă  une ou plusieurs rĂ©clamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause gĂ©nĂ©ratrice du dommage. Un ensemble de faits domma-geables ayant la mĂȘme cause technique est assimilĂ© Ă  un fait dommageable unique. »

Ce texte, issu de la loi no 2003-706 du 1er aoĂ»t 2003 de sĂ©curitĂ© financiĂšre, a de la sorte consacrĂ© la validitĂ© du mĂ©canisme connu par la pratique sous le nom de « globali-sation des sinistres », lequel permet de considĂ©rer comme un sinistre unique des sinistres sĂ©riels subis par une pluralitĂ© de victimes, dĂšs lors qu’ils ont la mĂȘme cause technique.

Au cas particulier, la clause de la police d’assurance stipulant une telle globalisation reprenait littĂ©ralement Ă  l’identique â€“ Ă  la seule exception non significative de l’expres-sion « dommages causĂ©s Ă  des tiers », Ă  laquelle Ă©tait substituĂ©e celle de « dommages causĂ©s Ă  autrui » â€“ le texte de l’article L. 124-1-1 du code des assurances, en sorte que la problĂ©matique soulevĂ©e, qui consistait Ă  dĂ©terminer si les manquements Ă  ses obliga-tions qui Ă©taient imputĂ©s Ă  l’assurĂ©e relevaient d’une « mĂȘme cause technique », devait ĂȘtre envisagĂ©e Ă  l’aune de celui-ci.

Mais au-delĂ  des questionnements rĂ©currents que cette notion de « mĂȘme cause technique », qui demeure encore source d’incertitude, a suscitĂ©s tant en doctrine (cf. : J. Kullmann soulignant « la part d’ombre » subsistant dans l’apprĂ©hension des sinistres sĂ©riels (Revue gĂ©nĂ©rale du droit des assurances, 1er juillet 2013, no 2013-03, pages 610 et 692 ; Â« Droit des assurances », JCP Ă©d. G no 14, 1er avril 2013, chronique

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de jurisprudence, doctrine 400) ; M. Chagny, Droit des assurances, dĂ©cembre 2018, LGDJ, no 683 ; D. Bakouche, « La globalisation des sinistres », ResponsabilitĂ© civile et assurances no 9, septembre 2016, dossier 22, no 10 ; H. Groutel, F. Leduc, Ph. Pierre et M. Asselain, TraitĂ© du contrat d’assurance terrestre, 2008, LexisNexis-Litec, no 1733, p. 1090) qu’en jurisprudence, la difficultĂ© qui s’attachait spĂ©cifiquement Ă  cette dĂ©marche tenait ici Ă  la nature particuliĂšre de l’ensemble des faits dommageables considĂ©rĂ©s.

Si cette notion peut en effet ĂȘtre assez aisĂ©ment cernĂ©e lorsque les faits domma-geables Ă  l’origine de plusieurs sinistres procĂšdent concrĂštement et factuellement d’un mĂȘme vice affectant des objets ou produits (voitures, appareils Ă©lectromĂ©nagers, tuiles, mĂ©dicaments, etc.) issus d’un processus de conception ou de fabrication dĂ©fectueux, elle se conçoit en revanche plus difficilement lorsqu’elle se rapporte Ă  des faits de nature juridique tels qu’une prestation de services, et il est alors plus dĂ©licat de dĂ©terminer si des manquements rĂ©pĂ©tĂ©s Ă  une obligation d’information qu’un assurĂ© doit dispen-ser Ă  ses diffĂ©rents clients, en l’adaptant Ă  leurs profils particuliers, relĂšvent bien d’une cause technique unique.

Il a cependant Ă©tĂ© observĂ© que, dans une affaire qui concernait l’exposition de salariĂ©s Ă  l’amiante, Ă  l’occasion de laquelle Ă©tait invoquĂ©e la faute inexcusable d’un employeur que son assurance de responsabilitĂ© couvrait pour les rĂ©clamations formulĂ©es en raison d’une « violation des rĂšgles relatives aux rapports sociaux », la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait retenu l’existence d’une mĂȘme cause technique dans « le non-respect allĂ©guĂ© de l’obligation de sĂ©curitĂ© de rĂ©sultat de l’employeur ayant rendu possible l’exposition Ă  l’amiante » (2e Civ., 3 mars 2016, pourvoi no 15-11.001).

Au cas particulier soumis par les pourvois, oĂč l’assurĂ©e proposait des produits spĂ©ci-fiques dont la conception ressortissait Ă  une activitĂ© d’ingĂ©nierie financiĂšre mettant en Ɠuvre des techniques juridiques, et qui avait pour objectif la rĂ©alisation d’avantages fis-caux, il s’agissait donc de dĂ©terminer si l’information relative aux risques Ă©ventuels qu’ils prĂ©sentaient Ă©tait une donnĂ©e d’une nature telle que les manquements successifs et/ou rĂ©pĂ©tĂ©s du professionnel Ă  ses obligations procĂ©daient, au sens de l’article L. 124- 1-1 du code des assurances, d’une « mĂȘme cause technique » Ă  l’origine de l’ensemble des dommages subis par ses diffĂ©rents clients, rĂ©sultant de l’impossibilitĂ© oĂč ceux-ci s’étaient en dĂ©finitive trouvĂ©s d’obtenir la dĂ©fiscalisation de leurs investissements.

Relevant que les obligations d’information et de conseil Ă©taient « individualisĂ©es par nature », et que l’assurĂ©e en Ă©tait « spĂ©cifiquement dĂ©bitrice Ă  l’égard » de son client concernĂ©, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a considĂ©rĂ©, au terme de l’arrĂȘt commentĂ©, que ceci excluait l’existence d’une mĂȘme cause technique au sens de l’article L. 124-1-1, en posant en rĂšgle :

– « Les dispositions de l’article L. 124-1 du code des assurances consacrant la globali-sation des sinistres ne sont pas applicables Ă  la responsabilitĂ© encourue par un profes-sionnel en cas de manquements Ă  ses obligations d’information et de conseil, celles-ci, individualisĂ©es par nature, excluant l’existence d’une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler Ă  un fait dommageable unique. »

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Assurance (rĂšgles gĂ©nĂ©rales) – Recours contre le tiers responsable – Subrogation lĂ©gale – Article L. 121-12 du code des assurances – Dispositions non impĂ©ratives – Cession des droits et actions nĂ©s des dommages – PossibilitĂ©Com., 21 octobre 2020, pourvoi nÂș 19-16.206, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Fontaine et avis de Mme GuinamantUne personne, assurĂ©e contre le risque d’avaries et pertes subies par des marchandises transportĂ©es, peut librement consentir Ă  son assureur une cession de ses droits et actions nĂ©s des dommages, de sorte que ce dernier peut agir en responsabilitĂ© contre le com-missionnaire de transport et le transporteur sur le fondement de cette seule cession et non par voie de subrogation.

Un assureur dommages est en droit d’agir contre l’auteur d’un dommage causĂ© Ă  son assurĂ© soit en application de la subrogation lĂ©gale soit en justifiant d’une subro-gation conventionnelle, puisque son recours peut ĂȘtre fondĂ© sur l’article L. 121-12 du code des assurances, ou sur l’ancien article 1251, 3o, du code civil (devenu l’article 1346 de ce code) ou sur l’ancien article 1250 du mĂȘme code (aujourd’hui l’article 1346-1).

La premiĂšre chambre civile de la Cour de cassation a en effet affirmĂ© que « la subro-gation lĂ©gale de l’assureur contre le tiers responsable, instituĂ©e par les dispositions de l’article L. 121-12 du code des assurances, qui ne sont pas impĂ©ratives, n’exclut pas l’éventualitĂ© d’une subrogation conventionnelle » (1re Civ., 9 dĂ©cembre 1997, pour-voi no 95-19.003, Bull. 1997, I, no 355 ; 1re Civ., 29 avril 2003, pourvoi no 00-13.861).

Et la deuxiĂšme chambre civile a prĂ©cisĂ© que « l’assureur qui a payĂ© l’indemnitĂ© d’as-surance dispose contre les tiers qui, par leur fait, ont causĂ© le dommage ayant donnĂ© lieu Ă  la responsabilitĂ© de l’assureur, non seulement de la subrogation lĂ©gale de l’ar-ticle L. 121-12 du code des assurances, mais aussi du droit d’invoquer la subrogation conventionnelle dans les droits de son assurĂ©, prĂ©vue par l’article 1250 du code civil, rĂ©sultant de la volontĂ© expresse de ce dernier, manifestĂ©e concomitamment ou antĂ©rieu-rement au paiement reçu de l’assureur, sans avoir Ă  Ă©tablir que ce rĂšglement a Ă©tĂ© fait en exĂ©cution de son obligation contractuelle de garantie » (2e Civ., 17 novembre 2016, pourvoi no 15-25.409, Bull. 2016, II, no 251).

Ce « double mĂ©canisme subrogatoire » est-il exclusif de la possibilitĂ© d’agir au titre d’une cession des droits de l’assurĂ© ?

C’est cette question qui Ă©tait posĂ©e dans ce pourvoi, rendu en matiĂšre de droit des transports.

Dans la prĂ©sente affaire, des marchandises ayant Ă©tĂ© volĂ©es en cours d’achemine-ment, l’assureur du commettant a assignĂ© le commissionnaire de transport et le voi-turier en paiement de la valeur des marchandises, sur le fondement d’une cession de droits consentie par son assurĂ©.

L’action de cet assureur a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e recevable tant par le jugement que par l’arrĂȘt.

La question principale du pourvoi portait sur cette recevabilitĂ©, contestĂ©e par le com-missionnaire au motif que le mĂ©canisme de la subrogation prĂ©vu par le code des assu-rances serait exclusif de la possibilitĂ© d’agir au titre d’une cession des droits de l’assurĂ©.

La pratique trĂšs ancienne d’insĂ©rer dans les polices d’assurances une clause de ces-sion de droits et actions, en vertu de laquelle, Ă  l’avance, l’assurĂ© transmettait Ă  l’assureur

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son droit Ă©ventuel de recours contre le tiers responsable, avait Ă©tĂ© validĂ©e par la jurispru-dence (Civ., 3 fĂ©vrier et 5 aoĂ»t 1886, DP 1886, I, 173 ; 3 novembre 1928, DH 1928.605).

Mais Ă  la suite de l’entrĂ©e en vigueur de la loi du 13 juillet 1930 (dite Godart) rela-tive au contrat d’assurances, plusieurs arrĂȘts de la Cour de cassation ont posĂ© expres-sĂ©ment le principe que « l’article 36 de la loi (devenu l’article L. 121-12 du code des assurances), en subrogeant l’assureur qui a payĂ© l’indemnitĂ© d’assurance, jusqu’à concur-rence de cette indemnitĂ©, dans les droits et actions de son assurĂ© contre le tiers qui a causĂ© le dommage, dĂ©termine le seul moyen offert Ă  l’assureur pour se prĂ©valoir de ces droits Ă  l’encontre de l’auteur du sinistre, prohibant ainsi toute cession conven-tionnelle de ceux-ci » (Chambre civile, 5 mars 1945 ; 1re Civ., 8 juillet 1968, Bull. 1968, no 198 ; 3e Civ., 5 fĂ©vrier 1985, pourvoi no 83-15.080, Bull. 1985, III, no 22 ; 1re Civ., 2 juillet 1985, pourvoi no 84-12.327, Bull. 1985, I, no 213 ; 1re Civ., 9 juillet 1985, pour-voi no 84-12.327, Bull. 1985, I, no 213).

Toutefois, s’agissant de la matiĂšre trĂšs particuliĂšre du droit des transports (le seul arrĂȘt rendu sur cette question en droit des transports, rendu dans le sens de ces arrĂȘts, Ă©tant ancien et isolĂ© (Com., 25 juin 1996, pourvoi no 94-10.962)), la question posĂ©e ne peut ĂȘtre dissociĂ©e, dans son analyse, de la pratique professionnelle ou des incidences Ă©conomiques, de plus en plus internationalisĂ©es.

Ainsi, pour certains auteurs (Lamy transport, tome 1, no 979), la cession de droits ne peut pas ĂȘtre Ă©cartĂ©e : « l’assureur aura toujours intĂ©rĂȘt Ă  se prĂ©valoir de la subroga-tion (lĂ©gale ou conventionnelle). Si toutefois les conditions de celle-ci ne sont pas rĂ©u-nies, il pourra, pour autant qu’aient Ă©tĂ© respectĂ©es les dispositions des articles 1689 et suivants du code civil, se prĂ©valoir de la cession de droits ».

En droit maritime, les praticiens « recourent encore largement aux cessions de droit, du fait de la complexité de certaines situations maritimes ».

Et la cession de droits et actions, beaucoup plus souple dans ses conditions que la subrogation, est couramment admise par les législations étrangÚres.

En outre, aucun texte ne vient, mĂȘme implicitement, prohiber la facultĂ© pour l’as-sureur de bĂ©nĂ©ficier d’une telle cession, pour un litige passĂ© ou Ă  venir. Quant Ă  l’ar-ticle L. 172-29 du code des assurances, applicable aux contrats d’assurance qui ont pour objet de garantir les risques relatifs au transport des marchandises par voie maritime, aĂ©rienne ou terrestre, il ne parle pas de subrogation mais d’acquisition par l’assureur, Ă  concurrence de son paiement, de tous les droits de l’assurĂ© nĂ©s des dommages qui ont donnĂ© lieu Ă  garantie.

Par le prĂ©sent arrĂȘt, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation, statuant en matiĂšre d’assurance-transport de marchandises, vient donc affirmer que l’assureur de dommages peut se retourner contre le responsable du dom-mage sur le fondement d’une cession de droits et actions et approuve les juges du fond pour avoir dĂ©clarĂ© recevable son action.

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2. Sécurité sociale

SĂ©curitĂ© sociale – Caisse – CrĂ©ances – RĂ©duction – PrĂ©caritĂ© de la situation du dĂ©biteur – Office du juge2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi nÂș 18-26.512, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Vigneras et avis de M. GaillardotDĂšs lors qu’il est rĂ©guliĂšrement saisi d’un recours contre la dĂ©cision administrative ayant rejetĂ© en totalitĂ© ou en partie une demande de remise gracieuse d’une dette nĂ©e de l’ap-plication de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale au sens de l’article L. 256-4 du code de la sĂ©curitĂ© sociale, il entre dans l’office du juge d’apprĂ©cier si la situation de prĂ©caritĂ© du dĂ©biteur justifie une remise totale ou partielle de la somme litigieuse.

Saisie d’un pourvoi dirigĂ© contre un jugement accordant Ă  une assurĂ©e la remise gra-cieuse de la totalitĂ© des indus de pension d’invaliditĂ© dont elle Ă©tait redevable, la Cour de cassation a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  revenir sur sa jurisprudence dĂ©terminant l’office du juge quant Ă  la remise des dettes nĂ©es de l’application de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale.

Dans leur rĂ©daction applicable au litige, les dispositions de l’article L. 256-4 du code de la sĂ©curitĂ© sociale Ă©noncent que, sauf en ce qui concerne les cotisations et majora-tions de retard (lesquelles font l’objet de rĂšgles qui leur sont propres), les crĂ©ances des caisses nĂ©es de l’application de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale, peuvent ĂȘtre rĂ©duites en cas de prĂ©caritĂ© de la situation du dĂ©biteur par dĂ©cision motivĂ©e de la caisse.

On relĂšvera que ces dispositions ont Ă©tĂ© modifiĂ©es, postĂ©rieurement au litige, par la loi no 2017-1836 du 30 dĂ©cembre 2017 de financement de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2018 qui exclut toute remise gracieuse de l’indu en cas de manƓuvre frauduleuse ou de fausses dĂ©clarations de l’assurĂ© ou de l’allocataire.

Jusqu’à prĂ©sent, la Cour de cassation jugeait de maniĂšre constante, sur le fondement de ces dispositions, que les organismes de sĂ©curitĂ© sociale avaient seuls qualitĂ© pour rĂ©duire le montant de leurs crĂ©ances nĂ©es de l’application de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale en cas de prĂ©caritĂ© de la situation du dĂ©biteur. Il n’entrait pas dans les pouvoirs du juge du contentieux gĂ©nĂ©ral de la sĂ©curitĂ© sociale de statuer sur une telle demande (Soc., 31 octobre 1991, pourvoi no 89-20.720, Bull. 1991, V, no 463 ; Soc., 19 mars 1992, pourvoi no 89-21.056, Bull. 1992, V, no 203 ; 2e Civ., 10 mai 2012, pourvoi no 11-11.278, Bull. 2012, II, no 79 ; 2e Civ., 22 janvier 2015, pourvoi no 14-10.505).

On observera toutefois que le dernier arrĂȘt publiĂ© sur ce point se rapportait Ă  un pourvoi dirigĂ© contre un jugement statuant, non pas sur un recours formĂ© contre la dĂ©cision de l’organisme social de rejeter, en tout ou partie, une demande de remise de dette, mais sur une demande de remise de dette prĂ©sentĂ©e directement devant le tri-bunal des affaires de sĂ©curitĂ© sociale. C’est dans ces conditions que la Cour de cassa-tion a rappelĂ© que seules les caisses de sĂ©curitĂ© sociale avaient qualitĂ© pour rĂ©duire le montant de leurs crĂ©ances (2e Civ., 29 novembre 2018, pourvoi no 17-20.278, publiĂ© au Bulletin ; RJS 2019, no 128).

C’est Ă  cette jurisprudence constante que la Cour de cassation a entendu mettre fin : ayant rappelĂ© les dispositions de l’article L. 256-4 du code de la sĂ©curitĂ© sociale qui, dĂ©rogeant au caractĂšre d’ordre public des rĂšgles du droit de la sĂ©curitĂ© sociale, ouvrent expressĂ©ment la possibilitĂ©, selon les conditions et modalitĂ©s qu’elles prĂ©cisent, d’une

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale

remise gracieuse de dette au bĂ©nĂ©fice des assurĂ©s et allocataires, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation juge qu’il « entre dans l’office du juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondĂ© de la dĂ©cision administrative d’un organisme de sĂ©curitĂ© sociale dĂ©terminant l’étendue de la crĂ©ance qu’il dĂ©tient sur l’un de ses assurĂ©s, rĂ©sul-tant de l’application de la lĂ©gislation de sĂ©curitĂ© sociale ».

Ce faisant, la Cour de cassation confirme la solution retenue, voici quelques mois, dans le contentieux de l’admission Ă  l’aide sociale, transfĂ©rĂ© pour partie Ă  l’autoritĂ© judiciaire par la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la jus-tice du xxie siĂšcle. RĂ©pondant Ă  une demande d’avis sur ce point, la deuxiĂšme chambre civile a prĂ©cisĂ© que « dĂšs lors qu’il est rĂ©guliĂšrement saisi d’un recours contre la dĂ©ci-sion administrative ayant rejetĂ© en totalitĂ© ou en partie une demande de remise gra-cieuse d’un indu de prestation de compensation du handicap, il entre dans l’office du juge d’apprĂ©cier si la situation de prĂ©caritĂ© et la bonne foi du dĂ©biteur justifient une remise totale ou partielle de la crĂ©ance dont il s’agit » (Avis de la Cour de cassation, 28 novembre 2019, no 19-70.019, publiĂ© au Bulletin). La deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait relevĂ©, au prĂ©alable, que, l’article R. 245-72 du code de l’ac-tion sociale et des familles prĂ©voyant que le recouvrement de l’indu de prestation de compensation du handicap est poursuivi comme en matiĂšre de contributions directes, la facultĂ© pour les organismes sociaux de procĂ©der Ă  la remise gracieuse de dette pou-vait s’autoriser des dispositions de l’article L. 247 du livre des procĂ©dures fiscales.

SĂ©curitĂ© sociale â€“ Assujettissement – GĂ©nĂ©ralitĂ©s – Affiliation des salariĂ©s au rĂ©gime français de sĂ©curitĂ© sociale – Cas – Travailleurs dĂ©tachĂ©s – Emploi en France par une entreprise française â€“ Conditions – DĂ©termination – PortĂ©eSoc., 4 novembre 2020, pourvois nÂș 18-24.451 et suivants, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Le Masne de Chermont et avis de Mme LaulomIl rĂ©sulte des articles 13, § 2, sous a), et 14, points 1, sous a), et 2, du rĂšglement (CEE) nÂș 1408/71 du 14 juin 1971 relatif Ă  l’application des rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© sociale aux travailleurs salariĂ©s, aux travailleurs non salariĂ©s et aux membres de leur famille qui se dĂ©placent Ă  l’intĂ©rieur de la CommunautĂ©, tel que modifiĂ© par le rĂšglement (CE) nÂș 592/2008 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 17 juin 2008, des articles 11, § 1, et 12 bis, points 1, sous b), 2 et 4, du rĂšglement (CEE) nÂș 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalitĂ©s d’application du rĂšglement (CEE) nÂș 1408/71, tel que modifiĂ© par le rĂšgle-ment (CE) nÂș 120/2009 de la Commission du 9 fĂ©vrier 2009, ainsi que des articles 11, Â§ 3, sous a), 12, § 1, et 13, § 1, du rĂšglement (CE) nÂș 883/2004 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale, et des articles 15, § 1, 16, § 2, et 19, § 2, du rĂšglement (CE) nÂș 987/2009 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalitĂ©s d’application du rĂšgle-ment (CE) nÂș 883/2004, que, en l’absence de certificat E101/A1 rĂ©sultant d’un refus de dĂ©livrance ou d’un retrait par une institution compĂ©tente, seule s’applique la lĂ©gislation de l’État membre oĂč est exercĂ©e l’activitĂ© salariĂ©e.

Travail rĂ©glementation â€“ ContrĂŽle de l’application de la lĂ©gislation – Lutte contre le travail illĂ©gal – Travail dissimulĂ© – Sanction – Indemnisation â€“ Condamnation – SolidaritĂ© de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise de travail temporaire – Ă‰tendue â€“ DĂ©termination – PortĂ©e

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Travail rĂ©glementation – ContrĂŽle de l’application de la lĂ©gislation – Lutte contre le travail illĂ©gal – Travail dissimulĂ© – Cessation de la situation – Injonction aux fins de cessation â€“ Charge – Obligation des donneurs d’ordre et maĂźtres d’ouvrage – InexĂ©cution – Sanction – PortĂ©eMĂȘme arrĂȘtIl rĂ©sulte des articles L. 8222-2, 3Âș, du code du travail et L. 8222-5, alinĂ©as 1 et 2, de ce code, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  la loi nÂș 2014-790 du 10 juillet 2014, qu’il appartient Ă  l’entreprise utilisatrice, informĂ©e de l’intervention de salariĂ©s, employĂ©s par une entre-prise de travail temporaire, en situation irrĂ©guliĂšre au regard des formalitĂ©s mentionnĂ©es aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce code, d’enjoindre aussitĂŽt Ă  celle-ci de faire cesser sans dĂ©lai cette situation.À dĂ©faut, elle est tenue solidairement avec l’entreprise de travail temporaire au paiement des indemnitĂ©s pour travail dissimulĂ©.

Par un arrĂȘt rendu le 4 novembre 2020 (Soc., 4 novembre 2020, pourvois no 18-24.451 et suivants, publiĂ© au Bulletin), la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce, d’une part, sur l’application des rĂšgles de conflit de lois en matiĂšre de sĂ©curitĂ© sociale dans l’hypothĂšse du retrait des certificats E101 ou A1 Ă©mis par l’institution compĂ©tente de l’État d’établissement de l’employeur et, d’autre part, sur les conditions dans les-quelles la solidaritĂ© financiĂšre du donneur d’ordre prĂ©vue Ă  l’article L. 8222-5 du code du travail, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  la loi no 2014-790 du 10 juillet 2014 visant Ă  lutter contre la concurrence sociale dĂ©loyale, peut ĂȘtre engagĂ©e.

Les affaires en cause concernent plusieurs salariĂ©s, de nationalitĂ© polonaise et domi-ciliĂ©s en Pologne, mis Ă  disposition d’une sociĂ©tĂ© de droit français spĂ©cialisĂ©e dans les travaux publics, par une entreprise de travail temporaire de droit chypriote, entre le mois de mars 2010 et le mois de juin 2011, pour exercer une activitĂ© salariĂ©e sur le chantier de construction d’un rĂ©acteur nuclĂ©aire de nouvelle gĂ©nĂ©ration sur le site de Flamanville.

Elles se distinguent d’affaires aux contextes comparables dont la chambre sociale a prĂ©alablement eu Ă  connaĂźtre en ce que les certificats E101 et A1 dĂ©livrĂ©s pour les sala-riĂ©s par l’institution compĂ©tente de l’État d’établissement de l’employeur, en l’occur-rence la RĂ©publique de Chypre, ont Ă©tĂ© retirĂ©s.

Le pourvoi, formĂ© par l’entreprise utilisatrice, critiquait l’arrĂȘt de la cour d’appel en ce que celle-ci, d’une part, a jugĂ© que l’entreprise de travail temporaire avait exercĂ© un travail dissimulĂ© et a condamnĂ© cette derniĂšre au paiement d’une indemnitĂ© for-faitaire Ă  ce titre et, d’autre part, a dĂ©clarĂ© engagĂ©e la solidaritĂ© financiĂšre de l’entre-prise utilisatrice au titre de ce travail dissimulĂ© sur le fondement de l’article L. 8222-5 du code du travail.

L’examen de ce pourvoi a requis, dans un premier temps, qu’il soit statuĂ© sur le conflit de lois en matiĂšre de sĂ©curitĂ© sociale.

En effet, les obligations de dĂ©claration aux organismes de sĂ©curitĂ© sociale prĂ©vues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, qui, respectivement, dĂ©finissent le travail dissimulĂ© par dissimulation d’activitĂ© et le travail dissimulĂ© par dissimulation d’emploi salariĂ©, ne s’appliquent que dans la mesure oĂč l’activitĂ© ou l’emploi salariĂ© relĂšve du rĂ©gime français de sĂ©curitĂ© sociale.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale

Pour rĂ©soudre ledit conflit, l’arrĂȘt s’appuie sur les lignes d’interprĂ©tation tracĂ©es par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE) et sur la lettre des dispositions de droit de l’Union applicables.

Ainsi il rappelle, d’abord, la jurisprudence de cette Cour selon laquelle les dispo-sitions du titre II du rĂšglement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif Ă  l’application des rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© sociale aux travailleurs salariĂ©s et Ă  leur famille qui se dĂ©placent Ă  l’intĂ©rieur de la CommunautĂ©, tel que modifiĂ© par le rĂšglement (CE) no 592/2008 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 17 juin 2008, et du titre II du rĂšglement (CE) no 883/2004 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 29 avril 2004 por-tant sur la coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale constituent un systĂšme complet et uniforme de rĂšgles de conflit de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se dĂ©placent Ă  l’intĂ©rieur de l’Union europĂ©enne au rĂ©gime de la sĂ©curitĂ© sociale d’un seul État membre, de sorte que les cumuls de lĂ©gislations nationales applicables et les complications qui peuvent en rĂ©sulter soient Ă©vitĂ©s (CJCE, arrĂȘt du 24 mars 1994, Van Poucke / Rijksinstituut voor de Sociale Verzekeringen der Zelfstandigen e. a., C-71/93, point 22 ; CJCE, arrĂȘt du 10 fĂ©vrier 2000, FTS, C-202/97, point 20).

Selon ladite Cour, ce systĂšme repose sur le principe de coopĂ©ration loyale qui impose Ă  l’institution de sĂ©curitĂ© sociale compĂ©tente de procĂ©der Ă  une apprĂ©ciation correcte des faits pertinents pour l’application des rĂšgles relatives Ă  la dĂ©termination de la lĂ©gislation applicable et, partant, de garantir l’exactitude des mentions figurant dans le certificat dĂ©livrĂ© (CJCE, arrĂȘt du 10 fĂ©vrier 2000, FTS, C-202/97, point 51).

Ce principe implique Ă©galement celui de confiance mutuelle (CJUE, arrĂȘt du 6 fĂ©vrier 2018, Altun e. a., C-359/16, point 40).

L’arrĂȘt reprend, ensuite, les termes des dispositions de droit de l’Union applicables.

Il relĂšve que, selon les articles 13, § 2, a), du rĂšglement (CEE) no 1408/71 du 14 juin 1971 et 11, § 3, a), du rĂšglement (CE) no 883/2004 du 29 avril 2004 prĂ©citĂ©s, la rĂšgle gĂ©nĂ©-rale est celle de l’application de la lĂ©gislation de l’État d’exercice de l’activitĂ© salariĂ©e.

Font exception Ă  cette rĂšgle, en vertu de l’article 14, point 1, a), et point 2, du rĂšgle-ment (CEE) no 1408/71 prĂ©citĂ© et des articles 12, § 1 et 13, § 1, du rĂšglement (CE) no 883/2004 prĂ©citĂ©, les situations de travail dĂ©tachĂ© et d’exercice normal d’une acti-vitĂ© salariĂ©e dans deux ou plusieurs États membres.

L’arrĂȘt Ă©nonce que, conformĂ©ment Ă  l’article 14, point 1, a) du rĂšglement (CEE) no 1408/71 prĂ©citĂ©, aux articles 11, § 1 et 12 bis, point 1, b), du rĂšglement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalitĂ©s d’application du rĂšgle-ment (CEE) no 1408/71 relatif Ă  l’application des rĂ©gimes de sĂ©curitĂ© sociale aux travail-leurs salariĂ©s, aux travailleurs non salariĂ©s et aux membres de leur famille qui se dĂ©placent Ă  l’intĂ©rieur de la CommunautĂ©, tel que modifiĂ© par le rĂšglement (CE) no 120/2009 de la Commission du 9 fĂ©vrier 2009, Ă  l’article 12, § 1, du rĂšglement (CE) no 883/2004, aux articles 15, § 1 et 16, § 2, du rĂšglement (CE) no 987/2009 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalitĂ©s d’application du rĂšglement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale, l’insti-tution dĂ©signĂ©e vĂ©rifie si une situation de dĂ©tachement est caractĂ©risĂ©e en sorte que la lĂ©gislation applicable est celle de l’État membre de cette institution ou dĂ©termine, dans une situation d’exercice d’une activitĂ© salariĂ©e dans deux ou plusieurs États membres, quelle est la lĂ©gislation applicable.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Cette institution est, dans le cas d’une situation de dĂ©tachement, celle de l’État oĂč l’employeur exerce normalement son activitĂ©.

Dans le cas d’une situation d’exercice d’une activitĂ© salariĂ©e dans deux ou plusieurs États membres, ladite institution est celle de l’État membre de rĂ©sidence de la per-sonne concernĂ©e.

Selon les articles 11, § 1, 12 bis, points 2 et 4, du rĂšglement (CEE) no 574/72, l’ar-ticle 19, § 2, du rĂšglement (CE) no 987/2009, Ă  la demande de la personne concernĂ©e ou de l’employeur, l’institution compĂ©tente de l’État membre dont la lĂ©gislation est appli-cable atteste, par la dĂ©livrance des certificats A1/E101, que cette lĂ©gislation est applicable.

L’arrĂȘt relĂšve qu’il rĂ©sulte des textes prĂ©citĂ©s que la caractĂ©risation de situations de dĂ©tachement ou d’exercice d’une activitĂ© salariĂ©e dans deux ou plusieurs États membres au sens des rĂšglements de coordination ressort uniquement Ă  la compĂ©tence soit de l’ins-titution compĂ©tente de l’État membre dans lequel l’employeur exerce normalement son activitĂ©, dans le cas oĂč une situation de dĂ©tachement est allĂ©guĂ©e, soit, dans le second cas, de l’institution dĂ©signĂ©e par l’autoritĂ© compĂ©tente de l’État membre de rĂ©sidence.

Aussi l’arrĂȘt constate que le systĂšme complet et uniforme de conflit de lois instituĂ© par les titres II des rĂšglements de coordination, sauf fraude et lorsque État membre de rĂ©sidence et État membre oĂč est exercĂ©e l’activitĂ© salariĂ©e ne coĂŻncident pas, ne confĂšre aux institutions compĂ©tentes de ce dernier État ou Ă  ses juridictions nationales aucune compĂ©tence pour procĂ©der Ă  une telle caractĂ©risation afin de retenir l’application d’une loi autre que celle de cet État.

L’arrĂȘt en dĂ©duit, enfin, que, en l’absence de certificat E101/A1 rĂ©sultant d’un refus de dĂ©livrance ou d’un retrait par l’institution compĂ©tente, seule trouve Ă  s’appliquer la lĂ©gislation de l’État membre oĂč est exercĂ©e l’activitĂ© salariĂ©e.

Cette conclusion s’est imposĂ©e avec une telle Ă©vidence Ă  la chambre sociale de la Cour de cassation qu’elle n’a laissĂ© place Ă  aucun doute raisonnable au regard des carac-tĂ©ristiques propres des rĂšglements de coordination et de l’absence de toute difficultĂ© particuliĂšre d’interprĂ©tation ou de tout risque de divergence de jurisprudence Ă  l’intĂ©-rieur de l’Union. En consĂ©quence, ladite chambre a dit qu’il n’y a pas lieu de poser de question Ă  titre prĂ©judiciel Ă  la Cour de justice de l’Union europĂ©enne.

L’arrĂȘt, dĂšs lors, approuve l’arrĂȘt de la cour d’appel qui, aprĂšs avoir constatĂ© que les salariĂ©s mis Ă  disposition de la sociĂ©tĂ© française exerçaient une activitĂ© salariĂ©e sur le ter-ritoire français et que les certificats A1/E101 dĂ©livrĂ©s par l’institution compĂ©tente chy-priote avaient Ă©tĂ© retirĂ©s, retient que ces salariĂ©s Ă©taient soumis Ă  la lĂ©gislation française.

Dans de telles circonstances, les employeurs Ă©tablis dans d’autres États membres que la France sont soumis aux obligations de dĂ©claration aux organismes de sĂ©curitĂ© sociale prĂ©vues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail.

L’arrĂȘt, dans un second temps, se prononce sur les conditions dans lesquelles la solidaritĂ© financiĂšre du donneur d’ordre prĂ©vue Ă  l’article L. 8222-5 du code du tra-vail peut ĂȘtre engagĂ©e ainsi que sur l’étendue de celle-ci.

Le pourvoi soutenait, Ă  cet Ă©gard, que cet article ne couvre pas l’intervention d’une entreprise de travail temporaire en situation irrĂ©guliĂšre et que la solidaritĂ© financiĂšre qu’il prĂ©voit ne porte pas sur l’indemnitĂ© forfaitaire pour travail dissimulĂ©.

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Ledit article, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  la loi no 2014-790 du 10 juillet 2014 visant Ă  lutter contre la concurrence sociale dĂ©loyale fait obligation au donneur d’ordre, informĂ© par Ă©crit par un agent de contrĂŽle mentionnĂ© Ă  l’article L. 8271-7 du code du travail ou par un syndicat ou une association professionnels ou une institution reprĂ©-sentative du personnel, de l’intervention d’un sous-traitant ou d’un subdĂ©lĂ©gataire en situation irrĂ©guliĂšre au regard des formalitĂ©s mentionnĂ©es aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce code d’enjoindre aussitĂŽt Ă  son cocontractant de faire cesser sans dĂ©lai cette situation. À dĂ©faut, il est tenu, selon cet article L. 8222-5, solidairement avec son cocontractant au paiement des impĂŽts, taxes, cotisations, rĂ©munĂ©rations et charges mentionnĂ©s aux 1° Ă  3° de l’article L. 8222-2 dudit code, dans les conditions fixĂ©es Ă  l’article L. 8222-3 du mĂȘme code.

L’arrĂȘt relĂšve que sont mentionnĂ©es, Ă  l’article L. 8222-2, 3o, du code du travail, les rĂ©munĂ©rations, les indemnitĂ©s et les charges dues par celui qui a fait l’objet d’un procĂšs-verbal pour dĂ©lit de travail dissimulĂ©, Ă  raison de l’emploi de salariĂ©s n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalitĂ©s prĂ©vues aux articles L. 1221-10 du code du tra-vail, relatif Ă  la dĂ©claration prĂ©alable Ă  l’embauche, et L. 3243-2, relatif Ă  la dĂ©livrance du bulletin de paie.

Ces articles L. 8222-2 et L. 8222-5 du code du travail figurent dans le chapitre de ce code intitulĂ© « Obligations et solidaritĂ© financiĂšre des donneurs d’ordre et des maĂźtres d’ouvrage » qui instaure, par les dispositions qu’il prĂ©voit, au bĂ©nĂ©fice du TrĂ©sor, des organismes de sĂ©curitĂ© sociale et des salariĂ©s, une garantie de l’ensemble des crĂ©ances dues par l’employeur qui exerce un travail dissimulĂ© Ă  la charge des personnes qui recourent aux services de celui-ci afin de prĂ©munir ces crĂ©anciers du risque d’insolva-bilitĂ© du dĂ©biteur principal.

L’arrĂȘt en dĂ©duit qu’il rĂ©sulte de l’objet et de l’économie desdites dispositions que ce mĂ©canisme de garantie est applicable aux crĂ©ances indemnitaires pour travail dissi-mulĂ© des salariĂ©s employĂ©s par des entreprises de travail temporaire.

Aussi, la chambre sociale de la Cour de cassation interprĂšte les articles L. 8222-2, 3o, et L. 8222-5, alinĂ©as 1 et 2, du code du travail, en ce sens qu’il appartient Ă  l’entre-prise utilisatrice, informĂ©e de l’intervention de salariĂ©s, employĂ©s par une entreprise de travail temporaire, en situation irrĂ©guliĂšre au regard des formalitĂ©s mentionnĂ©es aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce code, d’enjoindre aussitĂŽt Ă  celle-ci de faire cesser sans dĂ©lai cette situation et que, Ă  dĂ©faut, elle est tenue solidairement avec l’entreprise de travail temporaire au paiement des indemnitĂ©s pour travail dissimulĂ©.

3. Aide sociale

Aide sociale – Prestations – Attribution – Recours contre le bĂ©nĂ©ficiaire – Conditions – Retour Ă  meilleure fortune – DĂ©finition2e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi nÂș 19-20.478, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Dudit et avis de Mme CeccaldiSelon l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles, il est tenu compte, pour l’apprĂ©ciation des ressources du postulant Ă  l’aide sociale, des revenus professionnels

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est Ă©valuĂ©e dans les conditions fixĂ©es par voie rĂ©glementaire.Selon l’article R. 132-1 du mĂȘme code, les biens non productifs de revenu, Ă  l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considĂ©rĂ©s comme pro-curant un revenu annuel Ă©gal Ă  50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bĂątis, Ă  80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bĂątis et Ă  3 % du montant des capitaux.Selon l’article L. 132-8, 1Âș, du mĂȘme code, des recours aux fins de rĂ©cupĂ©ration des prestations d’aide sociale sont exercĂ©s, selon le cas, par l’État ou le dĂ©partement, contre le bĂ©nĂ©ficiaire revenu Ă  meilleure fortune ou contre la succession.Pour l’application de ce dernier texte, le retour Ă  meilleure fortune s’entend, Ă  l’exclu-sion de la seule augmentation des revenus, prise en compte lors de la rĂ©vision pĂ©rio-dique des conditions d’ouverture des droits du bĂ©nĂ©ficiaire, de tout Ă©vĂ©nement, survenu postĂ©rieurement Ă  la date Ă  laquelle les ressources du bĂ©nĂ©ficiaire ont Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©es pour l’ouverture de ses droits Ă  prestations, ayant pour effet, indĂ©pendamment de toute modification de la consistance du patrimoine, d’augmenter substantiellement la valeur globale de celui-ci, dans des proportions telles qu’elles le mettent en mesure de rem-bourser les prestations rĂ©cupĂ©rables, perçues jusqu’alors.Viole ces textes la cour d’appel qui retient que la bĂ©nĂ©ficiaire de l’aide sociale est reve-nue Ă  meilleure fortune Ă  la suite de la vente d’un immeuble, alors qu’il ressortait de ses constatations que cette vente n’avait pas eu pour effet d’augmenter substantielle-ment la valeur globale de son patrimoine.

Admise, en 2015, par le dĂ©partement du Pas-de-Calais au bĂ©nĂ©fice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hĂ©bergement en Ă©tablissement d’hĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes (EHPAD), une personne dĂ©cide, deux ans plus tard, de procĂ©der Ă  la vente d’un bien immobilier lui appartenant. Le dĂ©partement prĂ©tend rĂ©cupĂ©rer le montant des sommes versĂ©es au titre des frais d’hĂ©bergement en usant de l’action en rĂ©cupĂ©ration en cas de retour Ă  meilleure fortune, prĂ©vue par l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles. L’association tutĂ©laire, prise en sa qualitĂ© de tutrice de la personne ĂągĂ©e, engage un recours. Celui-ci ayant Ă©tĂ© rejetĂ© par la commission dĂ©partementale de l’aide sociale, l’association saisit la Commission cen-trale d’aide sociale, avant que le dossier ne soit transmis Ă  la cour d’appel d’Amiens en application de l’article 12 de la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisa-tion de la justice du xxie siĂšcle. Cette derniĂšre ayant rejetĂ© son appel, c’est Ă  la Cour de cassation qu’il appartenait de se prononcer sur le litige. Se trouvaient plus particu-liĂšrement en cause les conditions auxquelles est subordonnĂ©e l’action en rĂ©cupĂ©ration en cas de retour Ă  meilleure fortune.

FondĂ©e sur la solidaritĂ© nationale, financĂ©e par l’impĂŽt, l’aide sociale revĂȘt, en prin-cipe, un caractĂšre subsidiaire en tant qu’elle n’est attribuĂ©e que pour autant que celui qui en sollicite les prestations ne peut subvenir par lui-mĂȘme Ă  ses besoins.

Pour autant, l’attribution de plusieurs des prestations considĂ©rĂ©es est subordonnĂ©e Ă  la mise en Ɠuvre, au prĂ©alable, de l’obligation alimentaire incombant aux proches du demandeur.

Elle est, enfin, assortie de la faculté pour la collectivité publique de récupérer le mon-tant des prestations, soit contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, soit contre la succession lorsque la valeur de celle-ci excÚde un seuil déterminé.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ResponsabilitĂ© civile, assurance et sĂ©curitĂ© sociale

Au fil du temps, le mĂ©canisme de la rĂ©cupĂ©ration est devenu exceptionnel. Ainsi est-il exclu pour diffĂ©rentes prestations de l’aide sociale : tel est le cas des prestations de l’aide sociale Ă  l’enfance, des prestations pour les handicapĂ©s ou encore du revenu de solidaritĂ© active (RSA). S’agissant de quelques prestations, telle l’allocation de soli-daritĂ© des personnes ĂągĂ©es (ASPA), seule est ouverte l’action en rĂ©cupĂ©ration contre la succession. En revanche, la prise en charge par l’aide sociale des frais d’hĂ©berge-ment â€“ qui prennent la forme, le plus souvent, d’un prix de journĂ©e fixĂ© par le prĂ©sident du conseil dĂ©partemental â€“ peut donner lieu Ă  rĂ©cupĂ©ration tant contre la succession qu’à l’encontre du bĂ©nĂ©ficiaire revenu Ă  meilleure fortune.

La prĂ©sentation de l’arrĂȘt appelle quelques prĂ©cisions prĂ©alables relatives Ă  l’évo-lution des rĂšgles de compĂ©tence juridictionnelle. La prise en charge des frais d’hĂ©ber-gement des personnes ĂągĂ©es au titre de l’aide sociale est au nombre des prestations dont le contentieux a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© aux juridictions de l’ordre judiciaire par la loi de modernisation de la justice du xxie siĂšcle (loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016). Qu’il s’applique Ă  l’attribution des prestations ou Ă  la rĂ©cupĂ©ration de leur montant, le contentieux ressortit dĂ©sormais au contentieux de la sĂ©curitĂ© sociale et de l’admission Ă  l’aide sociale au sens des articles L. 142-1 et s. du code de la sĂ©curitĂ© sociale. Il doit ĂȘtre portĂ©, successivement, devant le tribunal judiciaire (pĂŽle social) et la cour d’ap-pel. Ainsi, la Cour de cassation Ă©tait appelĂ©e Ă  se prononcer pour la premiĂšre fois sur une question jusqu’alors soumise aux juridictions de l’aide sociale et in fine du Conseil d’État statuant au contentieux.

EnoncĂ©e, sans la dĂ©finir, par l’article L. 132-8, 1o, du code de l’action sociale et des familles, la notion de retour Ă  meilleure fortune souffre d’imprĂ©cision. AppelĂ© Ă  se prononcer sur son contenu, le Conseil d’État a retenu que « la rĂ©alisation par le bĂ©nĂ©ficiaire de l’aide sociale d’un immeuble qui lui appartenait lorsque cette aide lui a Ă©tĂ© accordĂ©e ne saurait, par elle-mĂȘme, constituer le retour Ă  meilleure fortune [
] dĂšs lors qu’elle n’augmente pas la valeur du patrimoine de l’intĂ©ressĂ© » (CE, 1/4 SSR, 15 mars 1999, no 195748, publiĂ© au Recueil Lebon), avant d’ajouter, plus rĂ©cemment, que le recours peut s’exercer du vivant du bĂ©nĂ©ficiaire « Lorsqu’un Ă©vĂ©nement nou-veau vient amĂ©liorer sa situation de sorte qu’il dispose alors d’un patrimoine suffisant pour rembourser les prestations d’aide sociale rĂ©cupĂ©rables perçues jusqu’alors » (CE, 26 septembre 2016, no 140319).

Tout en s’inscrivant dans la continuitĂ© de ces dĂ©cisions, la Cour de cassation retient du retour Ă  meilleure fortune une dĂ©finition prĂ©cise et exigeante, procĂ©dant de trois cri-tĂšres cumulatifs :

– un critĂšre d’ordre temporel : il implique l’intervention d’un Ă©vĂ©nement, postĂ©rieu-rement Ă  la date Ă  laquelle les ressources du bĂ©nĂ©ficiaire ont Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©es pour l’ou-verture de ses droits aux prestations rĂ©cupĂ©rables ;

– un critĂšre d’ordre matĂ©riel : il conduit Ă  exclure du champ d’application du recours en rĂ©cupĂ©ration la simple augmentation des revenus du bĂ©nĂ©ficiaire, telle la percep-tion d’une pension de rĂ©version liquidĂ©e postĂ©rieurement Ă  l’admission au bĂ©nĂ©fice de l’aide sociale. Si une telle augmentation doit assurĂ©ment ĂȘtre prise en considĂ©ration Ă  l’occasion de la rĂ©vision pĂ©riodique des droits du bĂ©nĂ©ficiaire, elle n’ouvre pas, en revanche, Ă  la collectivitĂ© publique la facultĂ© d’exercer un recours en rĂ©cupĂ©ration. À ce premier critĂšre ainsi Ă©noncĂ© fait Ă©cho, dans le chapeau de l’arrĂȘt, le rappel des dis-positions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles

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qui, pour l’apprĂ©ciation des ressources pour l’attribution des prestations, retiennent les seuls revenus du bĂ©nĂ©ficiaire ;

– un critĂšre tenant aux consĂ©quences de l’évĂ©nement sur le patrimoine du bĂ©nĂ©ficiaire : l’évĂ©nement considĂ©rĂ© doit avoir eu pour effet d’augmenter substantiellement la valeur globale du patrimoine de l’intĂ©ressĂ© dans des proportions telles qu’elles mettent ce der-nier en mesure de rembourser le montant des prestations qu’il a jusqu’alors perçues. Ainsi, seule, l’augmentation significative de la valeur du patrimoine peut constituer un retour Ă  meilleure fortune. Il n’en va pas de mĂȘme de la simple modification de la consistance du patrimoine rĂ©sultant, par exemple, de la substitution d’une somme en capital ou encore de titres Ă  un bien immeuble.

En s’appuyant sur cette dĂ©finition du retour Ă  meilleure fortune, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation prononce la cassation de l’arrĂȘt attaquĂ© aux motifs qu’en retenant que la bĂ©nĂ©ficiaire de l’aide sociale Ă©tait revenue Ă  meilleure fortune Ă  la suite de la vente d’un immeuble, alors qu’il ressortait de ses constatations que cette vente n’avait pas eu pour effet d’augmenter substantiellement la valeur du patrimoine de l’in-tĂ©ressĂ©e, la cour d’appel a violĂ© les articles L. 132-1, L. 132-8, 1o, et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles.

4. Responsabilité civile

ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux – Produit – Mise en circulation – Moment – DĂ©termination1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi no 19-18.689, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Mornet et avis de M. LavigneSelon l’article 21 de la loi nÂș 98-389 du 19 mai 1998 portant transposition de la direc-tive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative Ă  un rĂ©gime harmonisĂ© de responsabi-litĂ© sans faute du producteur du fait d’un produit dĂ©fectueux, les articles 1386-1 Ă   1386-18, devenus 1245 Ă  1245-17, du code civil s’appliquent aux produits dont la mise en circu-lation est postĂ©rieure Ă  la date d’entrĂ©e en vigueur de la loi, intervenue le 22 mai 1998.Et il rĂ©sulte de l’article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil que la date de mise en circulation du produit s’entend, dans le cas de produits fabriquĂ©s en sĂ©rie, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie.Une cour d’appel ayant constatĂ© que le produit litigieux, acquis en avril 2004, avait Ă©tĂ© livrĂ© en juillet 2002 Ă  une coopĂ©rative agricole par la sociĂ©tĂ© assignĂ©e, a pu retenir, en l’absence de preuve d’un stockage de longue durĂ©e de ce produit, qu’il avait Ă©tĂ© mis en circulation par son producteur postĂ©rieurement au 22 mai 1998, de sorte que le rĂ©gime de responsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux Ă©tait applicable.

ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux – Producteur assimilĂ© – DĂ©terminationMĂȘme arrĂȘtNonobstant certaines mentions, inscrites en petits caractĂšres sur le conditionnement du pro-duit, relatives au lieu de sa fabrication et Ă  des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres, une cour d’appel, qui a constatĂ© que la dĂ©nomination sociale de la sociĂ©tĂ© assignĂ©e, son adresse et son numĂ©ro d’inscription au registre du commerce et des sociĂ©tĂ©s figuraient de façon apparente sur

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l’étiquette aprĂšs la dĂ©signation du nom et des caractĂ©ristiques dudit produit, a pu en dĂ©duire que cette sociĂ©tĂ© devait ĂȘtre assimilĂ©e Ă  un producteur au sens de l’article 1386-6, alinĂ©a 2, 1Âș, devenu 1245-5, alinĂ©a 2, 1Âș, du code civil, se prĂ©sentant comme tel.

ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux – Produit – DĂ©fectuositĂ© – Lien de causalitĂ© avec le dommage – Preuve par le demandeur – CaractĂ©risation – PrĂ©somptions graves, prĂ©cises et concordantesMĂȘme arrĂȘtAux termes de l’article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le dĂ©faut et le lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut et le dommage. Il en rĂ©sulte que le demandeur doit prĂ©alablement Ă©tablir que le dommage est imputable au produit. Cette preuve peut ĂȘtre apportĂ©e par tout moyen et notamment par des indices graves, prĂ©cis et concordants.

ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux â€“ Produit – DĂ©fectuositĂ© – DĂ©finition – Produit n’offrant pas la sĂ©curitĂ© Ă  laquelle on peut lĂ©gitimement s’attendre – CaractĂ©risation – Applications diversesMĂȘme arrĂȘtUne cour d’appel, ayant retenu que l’étiquetage du produit litigieux ne respectait pas la rĂ©glementation applicable et qu’aucune mise en garde sur la dangerositĂ© particuliĂšre de certains travaux n’avait Ă©tĂ© faite, a pu en dĂ©duire que ce produit ne prĂ©sentait pas la sĂ©curitĂ© Ă  laquelle on pouvait lĂ©gitimement s’attendre et Ă©tait dĂšs lors dĂ©fectueux au sens de l’article 1386-4, devenu 1245-3, du code civil (premiĂšre et deuxiĂšme branches).En application de l’article 1386-9, devenu 1245-8, du code civil, la preuve du lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut du produit et le dommage peut ĂȘtre rapportĂ©e par tout moyen, et notamment par des prĂ©somptions ou indices graves, prĂ©cis et concordants. Ce lien de causalitĂ© ne peut ĂȘtre dĂ©duit de la seule implication du produit dans la rĂ©alisation du dommage (troisiĂšme Ă  sixiĂšme branches).

ResponsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux – Producteur – ResponsabilitĂ© – ExonĂ©ration – Risque de dĂ©veloppement – Exclusion – CasMĂȘme arrĂȘtLe producteur est responsable de plein droit du dommage causĂ© par le dĂ©faut de son produit Ă  moins qu’il ne prouve, selon le 4° de l’article 1386-11, devenu 1245-10, du code civil, que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment oĂč il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de dĂ©celer l’existence du dĂ©faut.Une cour d’appel dont il rĂ©sulte des Ă©nonciations que l’état des connaissances scien-tifiques et techniques, au moment de la mise en circulation du produit, permettait de dĂ©celer l’existence du dĂ©faut, en a exactement dĂ©duit que le producteur n’était pas fondĂ© Ă  bĂ©nĂ©ficier d’une telle exonĂ©ration de responsabilitĂ© (premiĂšre et deuxiĂšme branches).L’application de l’article 1386-13, devenu 1245-12, du code civil n’est pas fondĂ©e en l’absence d’un lien de causalitĂ© entre la faute allĂ©guĂ©e de la victime et le dommage (troisiĂšme branche).

La directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions lĂ©gislatives, rĂ©glementaires et administratives des États membres en matiĂšre de responsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux a instituĂ© un rĂ©gime de responsabilitĂ©

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

sans faute des producteurs europĂ©ens pour les dommages causĂ©s par les dĂ©fauts de leurs produits, qu’un contrat ait Ă©tĂ© ou non conclu. La loi no 98-389 du 19 mai 1998 relative Ă  la responsabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux, entrĂ©e en vigueur le 22 mai, a trans-posĂ© cette directive, sous le titre IV bis du livre III du code civil intitulĂ© « De la respon-sabilitĂ© du fait des produits dĂ©fectueux », aux articles 1386-1 Ă  1386-18, devenus 1245 Ă  1245-17 de ce code par l’effet de l’ordonnance no 2016-131 du 10 fĂ©vrier 2016 por-tant rĂ©forme du droit des contrats, du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral et de la preuve des obligations.

La Cour de cassation a Ă©tĂ© saisie du cas d’un agriculteur qui invoquait avoir, en 2004, lors de l’ouverture d’une cuve de traitement d’un pulvĂ©risateur, accidentellement inhalĂ© les vapeurs d’un herbicide qu’il avait acquis auprĂšs d’une coopĂ©rative agricole, com-mercialisĂ© sous le nom de « Lasso » par la sociĂ©tĂ© Monsanto Agriculture France, jusqu’à son retrait du marchĂ© en 2007 et qui avait assignĂ© cette sociĂ©tĂ©, aux droits de laquelle se trouve la sociĂ©tĂ© Monsanto, en rĂ©paration de son prĂ©judice corporel.

Elle a, d’abord, eu Ă  se prononcer sur l’application de ce rĂ©gime de responsabilitĂ© au litige.

Un premier arrĂȘt de cour d’appel a confirmĂ© le jugement qui avait retenu la res-ponsabilitĂ© de la sociĂ©tĂ© Monsanto sur le fondement de la responsabilitĂ© dĂ©lictuelle.

Par un arrĂȘt rendu en formation Ă©largie (Ch. mixte, 7 juillet 2017, pourvoi no 15-25.651, Bull. 2017, Ch. mixte, no 2), la Cour de cassation a relevĂ© d’office le moyen pris de la violation de la directive 85/374/CEE, des articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil, ensemble l’article 12 du code de procĂ©dure civile et des prin-cipes de primautĂ© et d’effectivitĂ© du droit de l’Union europĂ©enne, dont la cour d’ap-pel aurait dĂ» examiner d’office l’applicabilitĂ© au litige.

La cour d’appel de renvoi ayant retenu la responsabilitĂ© civile de la sociĂ©tĂ© Monsanto sur le fondement des textes portant transposition de la directive prĂ©citĂ©e, la Cour de cassation, saisie du pourvoi de cette sociĂ©tĂ©, a Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  se prononcer sur les condi-tions de la responsabilitĂ© civile du fait des produits dĂ©fectueux.

Par l’arrĂȘt rendu le 21 octobre 2020 (1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi no 19-18.689, publiĂ© au Bulletin), elle a rejetĂ© le pourvoi, aprĂšs avoir rĂ©pondu Ă  diffĂ©rents moyens sur la mise en circulation du produit (1), sur la notion de personne assimilĂ©e au produc-teur (2), sur le lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut du produit et le dommage (3), et sur les causes d’exonĂ©ration de responsabilitĂ© (4).

1 â€“ La date de mise en circulation (premier moyen)

Aux termes de l’article 1245-4 du code civil : « Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement. Un produit ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation. »

La mise en circulation n’est dĂ©finie ni par la directive ni par la loi. Selon la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE), l’article 11 de la directive « doit ĂȘtre inter-prĂ©tĂ© en ce sens qu’un produit est mis en circulation lorsqu’il est sorti du processus de fabrication mis en Ɠuvre par le producteur et qu’il est entrĂ© dans un processus de com-mercialisation dans lequel il se trouve en l’état offert au public aux fins d’ĂȘtre utilisĂ© ou consommĂ© » (CJCE, arrĂȘt du 9 fĂ©vrier 2006, O’Byrne, C-127/04).

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L’arrĂȘt du 21 octobre 2020 ici commentĂ© rappelle que « la date de mise en cir-culation du produit qui a causĂ© le dommage s’entend, dans le cas de produits fabri-quĂ©s en sĂ©rie, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie » (1re Civ., 22 novembre 2017, pourvoi no 16-24.719), et que la mise en circulation du produit correspond Ă  son entrĂ©e dans le processus de commercialisation. Il approuve ensuite la cour d’appel de s’ĂȘtre attachĂ©e aux effets de l’absence d’élĂ©ment de preuve relatif Ă  un stockage du produit par la sociĂ©tĂ© Monsanto, en Ă©nonçant que, dĂšs lors que celui-ci, acquis par l’agriculteur en avril 2004, avait Ă©tĂ© livrĂ© en juillet 2002 Ă  la coopĂ©ra-tive agricole par la sociĂ©tĂ© Monsanto France, la sociĂ©tĂ© Monsanto devait Ă©tablir qu’il avait Ă©tĂ© mis en circulation avant le 22 mai 1998, date d’entrĂ©e en vigueur de la loi de transposition, et qu’en l’absence de preuve d’un stockage de longue durĂ©e du produit, la cour d’appel avait pu retenir que le produit avait Ă©tĂ© mis en circulation par son pro-ducteur postĂ©rieurement Ă  cette date.

2– La notion de « personne assimilĂ©e au producteur » (deuxiĂšme moyen)

Selon l’article 1386-6, alinĂ©a 2, devenu 1245-5, alinĂ©a 2, du code civil, transposant l’article 3 de la directive prĂ©citĂ©e : « Est assimilĂ©e Ă  un producteur pour l’application du prĂ©sent titre toute personne agissant Ă  titre professionnel : 1o) Qui se prĂ©sente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif. »

La cour d’appel s’est livrĂ©e Ă  une analyse trĂšs prĂ©cise de l’étiquette figurant sur le conditionnement du produit. AprĂšs avoir constatĂ© que, sur celui-ci, figuraient les mentions « FabriquĂ© en Belgique », « Monsanto Europe SA » et « Marque dĂ©posĂ©e de Monsanto Company USA », ce qui prĂȘtait Ă  une certaine confusion sur le producteur, elle a relevĂ© que l’étiquette mettait en avant le fait que le produit « Lasso », terme Ă©crit en gros caractĂšres blancs sur noir, Ă©tait un dĂ©sherbant sĂ©lectif du maĂŻs grain, semence et fourrage, du soja, avec la mention « un herbicide Monsanto », suivie de « siĂšge social Monsanto Agriculture France SAS » avec l’adresse de la sociĂ©tĂ© Ă  Lyon et le numĂ©ro d’inscription au registre du commerce et des sociĂ©tĂ©s de Lyon.

Ayant ainsi fait ressortir que la sociĂ©tĂ© Monsanto se prĂ©sentait comme le producteur sur l’étiquette du produit, la cour d’appel avait pu en dĂ©duire que la sociĂ©tĂ© Monsanto Agriculture France devait ĂȘtre assimilĂ©e au producteur.

3– Le lien de causalitĂ© (troisiĂšme et quatriĂšme moyens)

Il rĂ©sulte de l’article 1245-8 du code civil qu’il appartient Ă  la victime d’établir le lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut du produit et le dommage.

La question du lien de causalitĂ© est dĂ©licate et l’arrĂȘt prĂ©cise les diffĂ©rentes Ă©tapes du raisonnement :

3-1 L’imputabilitĂ© du dommage au produit (le troisiĂšme moyen)

Le demandeur devait d’abord Ă©tablir que le dommage Ă©tait imputable au moins pour partie au produit (1re Civ., 29 mai 2013, pourvoi no 12-20.903, Bull. 2013, I, no 116), par tout moyen, y compris par des prĂ©somptions ou indices graves, prĂ©cis et concor-dants (1re Civ., 22 mai 2008, pourvoi no 06-10.967, Bull. 2008, I, no 149 ; 1re Civ., 20 sep-tembre 2017, pourvoi no 16-19.643, Bull. 2017, I, no 193).

La cour d’appel s’est fondĂ©e sur diffĂ©rentes piĂšces versĂ©es aux dĂ©bats relatives aux conditions d’intoxication de l’agriculteur, aux troubles prĂ©sentĂ©s par celui-ci ayant conduit

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Ă  son hospitalisation et aux recherches effectuĂ©es durant celle-ci sur la toxicitĂ© du « Lasso », pour admettre qu’un lien Ă©tait Ă©tabli entre l’inhalation du produit et le dommage survenu. Ayant ainsi estimĂ©, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’apprĂ©ciation et sans prĂ©-sumer l’existence d’un lien causal, que ces Ă©lĂ©ments de preuve constituaient des indices graves, prĂ©cis et concordants, elle avait pu en dĂ©duire qu’un tel lien Ă©tait Ă©tabli.

3-2 Le défaut du produit (les deux premiÚres branches du quatriÚme moyen)

Selon l’article 1245-3 du code civil, « Un produit est dĂ©fectueux au sens du prĂ©-sent titre lorsqu’il n’offre pas la sĂ©curitĂ© Ă  laquelle on peut lĂ©gitimement s’attendre.

Dans l’apprĂ©ciation de la sĂ©curitĂ© Ă  laquelle on peut lĂ©gitimement s’attendre, il doit ĂȘtre tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la prĂ©sentation du pro-duit, de l’usage qui peut en ĂȘtre raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. »

L’arrĂȘt du 21 octobre 2020 approuve la cour d’appel d’avoir retenu l’existence d’un dĂ©faut du produit, aprĂšs avoir constatĂ© qu’en raison d’un Ă©tiquetage ne respectant pas la rĂ©glementation applicable et de l’absence de mise en garde sur la dangerositĂ© olfac-tive du produit et sur la nĂ©cessitĂ© de porter un appareil de protection respiratoire et de prendre certaines prĂ©cautions d’usage lors de travaux sur ou dans des cuves et rĂ©ser-voirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzĂšne, le produit ne prĂ©sentait pas la sĂ©curitĂ© Ă  laquelle on pouvait lĂ©gitimement s’attendre.

3-3 Le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage (les derniÚres branches du quatriÚme moyen)

La preuve du lien de causalitĂ© entre le dĂ©faut du produit et le dommage peut ĂȘtre apportĂ©e par tout moyen et notamment par des prĂ©somptions ou indices graves, prĂ©cis et concordants. Un lien causal ne peut cependant ĂȘtre dĂ©duit de la seule implication du produit dans la rĂ©alisation du dommage (1re Civ., 27 juin 2018, pourvoi no 17-17.469, Bull. 2018, I, no 119 ; 1re Civ., 29 mai 2013, pourvoi no 12-20.903, Bull. 2013, I, no 116).

La Cour de cassation a estimĂ©, en procĂ©dant Ă  un contrĂŽle lĂ©ger, que, faisant suite aux Ă©nonciations de l’arrĂȘt attaquĂ© sur l’origine des troubles prĂ©sentĂ©s par l’agricul-teur et sur le dĂ©faut du produit, les constatations de la cour d’appel sur l’inhalation accidentelle et sur les insuffisances de la notice d’information ne faisant apparaĂźtre ni la nĂ©cessitĂ© d’éviter l’inhalation de vapeurs et de rĂ©aliser en appareil clos toute opĂ©ra-tion industrielle, ni celle de porter, dans ce cas, un appareil de protection respiratoire et de procĂ©der aux prĂ©cautions d’usage Ă©voquĂ©es, permettaient de dĂ©duire l’existence d’un lien causal entre le dĂ©faut et le dommage subi.

4– Les causes d’exonĂ©ration (cinquiĂšme moyen)

4-1 La mĂ©connaissance du dĂ©faut par le producteur (deux premiĂšres branches)

Selon l’article 1245-10 du code civil, « Le producteur est responsable de plein droit Ă  moins qu’il ne prouve : [
]

4o) Que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment oĂč il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de dĂ©celer l’existence du dĂ©faut. »

La Cour de justice de l’Union europĂ©enne a dit pour droit que « pour pouvoir se libĂ©rer de sa responsabilitĂ© [
], le producteur d’un produit dĂ©fectueux doit Ă©tablir que

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l’état objectif des connaissances techniques et scientifiques, en ce compris son niveau le plus avancĂ©, au moment de la mise en circulation du produit en cause, ne permet-tait pas de dĂ©celer le dĂ©faut de celui-ci » (CJCE, arrĂȘt du 29 mai 1997, Commission / Royaume-Uni, C-300/95) et prĂ©cisĂ© que « les cas limitativement Ă©numĂ©rĂ©s dans les-quels le producteur peut s’exonĂ©rer de sa responsabilitĂ© devaient faire l’objet d’une interprĂ©tation stricte » (CJCE, arrĂȘt du 10 mai 2001, Henning Veedfald contre Århus Amtskommune, C-203/99).

L’arrĂȘt du 21 octobre 2020 approuve la cour d’appel d’avoir jugĂ© que la sociĂ©tĂ© ne pouvait bĂ©nĂ©ficier de cette exonĂ©ration de responsabilitĂ© aprĂšs avoir relevĂ© que les rĂ©glementations sur le fondement desquelles l’existence d’un dĂ©faut avait Ă©tĂ© retenue ainsi qu’une fiche toxicologique dressĂ©e par l’Institut national de recherche et de sĂ©cu-ritĂ© pour la prĂ©vention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) en 1997 Ă©tablissaient qu’en juillet 2002 la sociĂ©tĂ© Monsanto Agriculture France avait toute latitude pour connaĂźtre le dĂ©faut liĂ© Ă  l’étiquetage du produit et Ă  l’absence de mise en garde sur la dangerositĂ© particuliĂšre des travaux.

4-2 La faute de la victime (troisiĂšme branche)

L’article 1245-12 du code civil ajoute que « La responsabilitĂ© du producteur peut ĂȘtre rĂ©duite ou supprimĂ©e, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dom-mage est causĂ© conjointement par un dĂ©faut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable. »

Cette cause exonĂ©ratoire a Ă©galement Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e par la cour d’appel. Celle-ci ayant retenu que si, comme l’invoquait la sociĂ©tĂ© Monsanto, l’agriculteur ne portait pas de protection destinĂ©e Ă  Ă©viter un contact du produit sur le visage, en tout Ă©tat de cause, une telle protection aurait Ă©tĂ© inefficace en cas d’inhalation, en l’absence d’appareil de protection respiratoire, de sorte qu’elle avait pu en dĂ©duire que la faute allĂ©guĂ©e de l’agriculteur Ă©tait sans lien de causalitĂ© avec le dommage.

ResponsabilitĂ© contractuelle – Obligation de sĂ©curitĂ© â€“ CaractĂšre – Obligation de rĂ©sultat â€“ Applications diverses – Maintenance d’une porte automatique d’accĂšs Ă  un parking 3e Civ., 5 novembre 2020, pourvoi nÂș 19-10.857, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Bech et avis de M. CardiniCelui qui est chargĂ© de la maintenance d’une porte automatique d’accĂšs Ă  un parking est tenu d’une obligation de rĂ©sultat en ce qui concerne la sĂ©curitĂ© de l’appareil.

Dans le souci de préserver la sécurité des personnes et de garantir la réparation des dommages corporels, la Cour de cassation a introduit une obligation accessoire de sécurité inhérente à certains contrats.

Par un arrĂȘt du 21 novembre 1911, Cie gĂ©nĂ©rale transatlantique, rendu en matiĂšre de transport maritime, la Cour de cassation a dĂ©cidĂ© que « l’exĂ©cution du contrat de transport comporte [
] l’obligation de conduire le voyageur sain et sauf Ă  destination ».

Cette obligation de sĂ©curitĂ© a connu une expansion significative dans des domaines divers, par exemple, la vente (1re Civ., 17 janvier 1995, no 93-13.075, Bull. 1995, I, no 43), l’organisation d’activitĂ©s sportives (1re Civ., 22 mai 2008, no 07-10.903 ; 1re Civ., 22 jan-vier 2009, no 07-21.843 ; 1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi no 16-11.953, Bull. 2017, I, no 26).

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

L’intensitĂ© de cette obligation varie.

Lorsqu’elle est dite de moyens, il appartient au crĂ©ancier de l’obligation de rappor-ter la preuve de la faute du dĂ©biteur qui est seulement tenu d’apporter les soins et dili-gences normalement nĂ©cessaires pour atteindre un certain but.

Lorsqu’il est tenu Ă  une obligation de rĂ©sultat, le dĂ©biteur doit apporter la presta-tion promise. À dĂ©faut, il lui appartiendra, pour s’exonĂ©rer de sa responsabilitĂ©, de rap-porter la preuve d’un cas de force majeure.

En l’espĂšce, un locataire, griĂšvement blessĂ© au poignet en tentant de refermer manuellement la porte automatique d’accĂšs Ă  un parking qui n’avait pas fonctionnĂ©, a assignĂ© en indemnisation le propriĂ©taire de l’immeuble et son assureur.

Cet assureur, condamné à réparer les préjudices subis par la victime, a recherché la garantie de la société chargée de la maintenance de la porte automatique.

Retenant que l’obligation de sĂ©curitĂ© pesant sur la sociĂ©tĂ© chargĂ©e de l’entretien de la porte Ă©tait de moyens, « s’agissant des avaries survenant entre deux visites et sans lien avec l’une de ces visites », la cour d’appel a rejetĂ© cette demande en l’absence de preuve de faute du prestataire.

L’assureur du propriĂ©taire de l’immeuble a formĂ© un pourvoi incident en soutenant que l’obligation de sĂ©curitĂ© pesant sur celui qui est chargĂ© de la maintenance d’une porte automatique de garage est de rĂ©sultat.

En l’occurrence, nul doute qu’un mĂ©canisme de porte automatique de garage est susceptible de porter atteinte Ă  l’intĂ©gritĂ© physique des personnes. D’ailleurs, la partie rĂ©glementaire du code de la construction et de l’habitation consacre une section Ă  la sĂ©curitĂ© des portes automatiques de garage et impose aux propriĂ©taires d’un bĂątiment ou groupe de bĂątiments d’habitation Ă©quipĂ©s de telles portes de les faire entretenir et vĂ©rifier pĂ©riodiquement aux termes de contrats Ă©crits (article R. 125-5 du code de la construction et de l’habitation).

Par l’arrĂȘt commentĂ©, la troisiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a accueilli le pourvoi en Ă©nonçant le principe suivant : « celui qui est chargĂ© de la maintenance d’une porte automatique d’accĂšs Ă  un parking est tenu d’une obligation de rĂ©sultat en ce qui concerne la sĂ©curitĂ© de l’appareil ».

Ce faisant, la Cour de cassation a Ă©tendu au professionnel chargĂ© de la maintenance d’une porte automatique de garage la solution retenue pour le prestataire chargĂ© de l’entretien des ascenseurs.

La premiĂšre chambre civile a, en effet, jugĂ© que celui qui est chargĂ© de rĂ©parer un ascenseur est tenu d’une obligation de rĂ©sultat, en ce qui concerne la sĂ©curitĂ© de l’ap-pareil (1re Civ., 15 juillet 1999, pourvoi no 96-22.796, Bull. 1999, I, no 238). La troi-siĂšme chambre civile a confortĂ© cette jurisprudence dans les mĂȘmes termes (3e Civ., 1er avril 2009, pourvoi no 08-10.070, Bull. 2009, III, no 71 ; S. Hocquet-Berg, « Chute d'un locataire montant dans un ascenceur », ResponsabilitĂ© civile et assurances no 5, mai 2009, comm. 142 ; B. Vial-Pedroletti, « Chute due Ă  un ascenseur : obligation de rĂ©sultat Ă  la charge du bailleur et de la sociĂ©tĂ© chargĂ©e de l’entretien de l’ascenseur », Loyers et CopropriĂ©tĂ© no 6, juin 2009, comm. 139).

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ProcĂ©dure civile et organisation des professions

Cette obligation de sĂ©curitĂ© de rĂ©sultat pĂšse sur les prestataires chargĂ©s de la main-tenance des portes automatiques de garage, mĂȘme entre deux visites de contrĂŽle.

F. Procédure civile et organisation des professions

1. Action en justice

ProcĂ©dure civile – Notification – Signification – Acte d’huissier de justice – Acte ne satisfaisant pas aux exigences des articles 655 Ă  659 du code de procĂ©dure civile – Effet2e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi nÂș 18-23.210, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Cardini et avis de M. AparisiIl rĂ©sulte de la combinaison des articles 14, 471 et 655 Ă  659 du code de procĂ©dure civile et de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales que lorsqu’une partie, citĂ©e Ă  comparaĂźtre par acte d’huis-sier de justice, ne comparaĂźt pas, le juge, tenu de vĂ©rifier que cette partie a Ă©tĂ© rĂ©gu-liĂšrement appelĂ©e, doit vĂ©rifier que l’acte fait mention des diligences prĂ©vues, selon les cas, aux articles 655 Ă  659 susvisĂ©s. À dĂ©faut pour l’acte de satisfaire Ă  ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie dĂ©faillante.

L’huissier de justice chargĂ© de citer une partie en justice est tenu d’accomplir un certain nombre de diligences qui doivent ĂȘtre mentionnĂ©es dans le procĂšs-verbal qu’il dresse, que ce soit notamment pour vĂ©rifier que le destinataire de l’acte demeure bien Ă  l’adresse indiquĂ©e (article 656 du code de procĂ©dure civile : « Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il rĂ©sulte des vĂ©rifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien Ă  l’adresse indiquĂ©e, la signification est faite Ă  domicile [
] ») ou pour rechercher celui-ci (article 659, alinĂ©a 1, du code de procĂ©dure civile : « Lorsque la personne Ă  qui l’acte doit ĂȘtre signifiĂ© n’a ni domicile, ni rĂ©sidence, ni lieu de travail connus, l’huis-sier de justice dresse un procĂšs-verbal oĂč il relate avec prĂ©cision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte »), l’emploi du pluriel (« des vĂ©rifi-cations », « les diligences ») Ă©tant, Ă  cet Ă©gard, significatif (La signification des actes de procĂ©dure par les huissiers de justice, BICC, 1er dĂ©cembre 2007, no 672, p. 12 et p. 14).

Nulle partie ne pouvant, aux termes de l’article 14 du code de procĂ©dure civile, ĂȘtre jugĂ©e sans avoir Ă©tĂ© entendue ou appelĂ©e, le juge est tenu, pour sa part, de vĂ©rifier que la partie non comparante a Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement appelĂ©e (3e Civ., 10 mai 1989, pour-voi no 87-16.761, Bull. 1989, III, nÂș 107 ; Soc., 4 octobre 1989, pourvoi nÂș 88-40.308, Bull. 1989, V, no 566 ; 2e Civ., 19 mai 1998, pourvoi nÂș 96-11.348, Bull. 1998, II, no 155 ; 3e Civ., 18 juin 2008, pourvoi nÂș 07-13.117, Bull. 2008, III, nÂș 105).

Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, le « droit Ă  un tribunal » comporte plusieurs aspects, dont le droit d’accĂšs et l’égalitĂ© des armes, qui exige un juste Ă©quilibre entre les parties. Ces principes s’appliquant Ă©galement dans le domaine particulier de la signification et de la notification des actes

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

judiciaires aux parties (CEDH, arrĂȘt du 31 mai 2007, Miholapa c. Lettonie, no 61655/00, § 23 ; CEDH, arrĂȘt du 8 janvier 2013, S. C. Raisa M. Shipping S. R. L. c. Roumanie, no 37576/05, § 29). La Cour europĂ©enne en dĂ©duit que « les tribunaux doivent faire tout ce que l’on peut raisonnablement attendre d’eux pour citer les requĂ©rants et s’assurer que ces derniers sont au courant des procĂ©dures auxquelles ils sont parties » (CEDH, arrĂȘt du 8 janvier 2013, S.C. Raisa M. Shipping S.R.L. c. Roumanie, nÂș 37576/05, § 30).

Cependant, le juge n’a pas le pouvoir de relever d’office l’exception de procĂ©dure tirĂ©e de l’insuffisance des investigations portĂ©es par l’huissier de justice dans son acte (2e Civ., 20 mars 2003, pourvoi nÂș 01-03.218, Bull. 2003, II, nÂș 71), s’agissant d’une nullitĂ© pour vice de forme subordonnĂ©e, en application de l’article 114, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile, Ă  la dĂ©monstration d’un grief (« La nullitĂ© ne peut ĂȘtre prononcĂ©e qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrĂ©gularitĂ©, mĂȘme lorsqu’il s’agit d’une formalitĂ© substantielle ou d’ordre public »).

Sans revenir sur cette derniĂšre jurisprudence, l’arrĂȘt de la deuxiĂšme chambre civile du 1er octobre 2020 vient ici prĂ©ciser l’office du juge en Ă©nonçant, au visa des articles 14, 471 et 655 Ă  659 du code de procĂ©dure civile, interprĂ©tĂ©s Ă  la lumiĂšre de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, que celui-ci, tenu de s’assurer que la partie non comparante a Ă©tĂ© rĂ©gu-liĂšrement appelĂ©e, doit vĂ©rifier que l’acte fait mention des diligences prĂ©vues, selon les cas, aux articles 655 Ă  659 du mĂȘme code et, qu’à dĂ©faut pour l’acte de satisfaire Ă  ces exigences, il ordonne une nouvelle citation de la partie dĂ©faillante.

2. Appel civil

Appel civil – Appelant – Conclusions – Dispositif – Appelant n’ayant conclu ni Ă  l’infirmation ni Ă  l’annulation du jugement – PortĂ©e2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi nÂș 18-23.626, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Lemoine et avis de M. GirardIl rĂ©sulte des articles 542 et 954 du code de procĂ©dure civile que lorsque l’appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du juge-ment, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.L’application immĂ©diate de cette rĂšgle de procĂ©dure, qui rĂ©sulte de l’interprĂ©tation nou-velle d’une disposition au regard de la rĂ©forme de la procĂ©dure d’appel avec reprĂ©-sentation obligatoire issue du dĂ©cret nÂș 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n’a jamais Ă©tĂ© affirmĂ©e par la Cour de cassation dans un arrĂȘt publiĂ©, dans les instances introduites par une dĂ©claration d’appel antĂ©rieure Ă  la date du prĂ©sent arrĂȘt, aboutirait Ă  priver les appelants du droit Ă  un procĂšs Ă©quitable.

En consĂ©quence, se trouve lĂ©galement justifiĂ© l’arrĂȘt d’une cour d’appel qui infirme un jugement sans que cette infirmation n’ait Ă©tĂ© demandĂ©e dĂšs lors que la dĂ©claration d’appel est antĂ©rieure au prĂ©sent arrĂȘt.

Par un arrĂȘt rendu le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 18-23.626, publiĂ© au Bulletin), la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcĂ©e sur deux questions nouvelles portant, pour la premiĂšre, sur le contenu des conclusions dans la procĂ©dure d’appel avec reprĂ©sentation obligatoire telle qu’is-sue du dĂ©cret no 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompĂ©tence et Ă 

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ProcĂ©dure civile et organisation des professions

l’appel en matiĂšre civile et, pour la seconde, sur l’exĂ©cution des mesures conservatoires pratiquĂ©es dans le lieu d’habitation du dĂ©biteur.

S’agissant, d’abord, de la procĂ©dure d’appel avec reprĂ©sentation obligatoire, la deu-xiĂšme chambre civile a jugĂ© qu’il rĂ©sulte des articles 542 et 954 du code de procĂ©dure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infir-mation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Selon l’article 954 du code de procĂ©dure civile, la cour d’appel ne statue que sur les prĂ©tentions Ă©noncĂ©es au dispositif des conclusions. Or, dĂšs lors qu’en application de l’article 542 du code de procĂ©dure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degrĂ©, Ă  sa rĂ©formation ou Ă  son annulation par la cour d’appel, constitue une prĂ©tention en appel, sur laquelle la cour d’appel doit statuer dans le dispositif de son arrĂȘt, la demande par laquelle l’appelant sollicite l’infirmation, en vue de leur rĂ©formation, des chefs du jugement critiquĂ©s ou l’annulation du jugement.

La deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation dĂ©duit de la combinaison de ces rĂšgles que la cour d’appel ne peut, selon le cas, rĂ©former ou anĂ©antir la dĂ©cision dĂ©fĂ©rĂ©e que si elle est saisie de conclusions d’appelant dont le dispositif prĂ©cise s’il est sollicitĂ© l’infirmation des chefs de jugement expressĂ©ment critiquĂ©s ou l’annulation de ce jugement. Or, la cour d’appel ne peut statuer sur les aspects du litige tranchĂ©s par le jugement qu’en raison de son infirmation ou son annulation prĂ©alable. À dĂ©faut, elle ne peut que le confirmer.

Cette rĂšgle de procĂ©dure, qui rĂ©sulte de l’interprĂ©tation nouvelle d’une disposition au regard de la rĂ©forme de la procĂ©dure d’appel avec reprĂ©sentation obligatoire issue du dĂ©cret no 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompĂ©tence et Ă  l’appel en matiĂšre civile, tendant notamment Ă  faire coĂŻncider le dispositif des conclusions avec le dispositif de l’arrĂȘt rĂ©clamĂ©, n’a jamais Ă©tĂ© affirmĂ©e par la Cour de cassation dans un arrĂȘt publiĂ© (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi no 18-10.983). Une application immĂ©diate de cette rĂšgle nouvelle Ă  des litiges antĂ©rieurs Ă  sa formulation Ă©tait susceptible de porter atteinte au principe de sĂ©curitĂ© juridique, et par lĂ  mĂȘme aux exigences de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales.

C’est pourquoi, afin de ne pas priver les appelants du droit Ă  un procĂšs Ă©quitable, l’arrĂȘt commentĂ© dĂ©cide que cette rĂšgle de procĂ©dure n’est pas applicable dans les ins-tances introduites par une dĂ©claration d’appel antĂ©rieure Ă  la date de l’arrĂȘt, soit le 17 septembre 2020, et n’a donc pas Ă©tĂ© appliquĂ©e par la deuxiĂšme chambre civile au litige qui lui Ă©tait soumis.

S’agissant, ensuite, de l’exĂ©cution des mesures conservatoires, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a retenu que le droit, Ă  valeur constitutionnelle, au res-pect de la vie privĂ©e et Ă  l’inviolabilitĂ© du domicile, Ă©galement consacrĂ© par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, exclut que de telles mesures puissent ĂȘtre pratiquĂ©es dans un lieu affectĂ© Ă  l’habitation du dĂ©biteur par le crĂ©ancier sans une autorisation donnĂ©e par un juge.

La deuxiĂšme chambre civile a dĂ©cidĂ©, en consĂ©quence, qu’à dĂ©faut d’une autorisa-tion donnĂ©e par le juge de l’exĂ©cution en application de l’article R. 121-24 du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, une mesure conservatoire pratiquĂ©e dans un lieu affectĂ© Ă  l’habitation du dĂ©biteur doit ĂȘtre annulĂ©e.

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Cette analyse, qui permet une protection renforcĂ©e du domicile du dĂ©biteur, trouve son fondement tant dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const., 5 avril 2019, dĂ©cision no 2019-772 QPC, M. Sing Kwon C. et autre [Visite des locaux Ă  usage d’habitation par des agents municipaux]) que dans celle de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH, arrĂȘt du 16 mai 2019, Halabi c. France, no 66554/14).

Elle s’impose en dĂ©pit de la possibilitĂ©, pour le crĂ©ancier, d’exĂ©cuter une mesure conservatoire sans autorisation prĂ©alable du juge dĂšs lors qu’il se prĂ©vaut d’un titre exĂ©cutoire ou d’une dĂ©cision de justice qui n’a pas encore force exĂ©cutoire, prĂ©vue par l’article L. 511-2 du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, et de l’absence de dispo-sition rĂ©gissant l’entrĂ©e dans le lieu d’habitation du dĂ©biteur pour exĂ©cuter une mesure conservatoire. L’article L. 142-3 du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, qui est la seule disposition organisant l’entrĂ©e dans un domicile et qui prĂ©voit la dĂ©livrance prĂ©-alable d’un commandement de payer ainsi que la justification par l’huissier de justice qu’il dĂ©tient un titre exĂ©cutoire n’est, en effet, manifestement pas applicable aux mesures conservatoires pour lesquelles doit ĂȘtre mĂ©nagĂ© un effet de surprise.

Cette solution permet Ă©galement de concilier le droit au respect de la vie privĂ©e et Ă  l’inviolabilitĂ© du domicile avec le droit Ă  l’exĂ©cution des dĂ©cisions de justice, de mĂȘme valeur, qui peut lui-mĂȘme ĂȘtre exercĂ© dĂšs lors que les conditions lĂ©gales de la mesure conservatoire sont rĂ©unies et que le juge de l’exĂ©cution a donnĂ© sur simple requĂȘte une autorisation pour pĂ©nĂ©trer dans le domicile du dĂ©biteur. S’agissant de la mise en Ɠuvre de droits et libertĂ©s fondamentaux, la solution est immĂ©diatement applicable.

Fonds de garantie – Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – Victime de l’amiante – Action en justice contre le Fonds – ModalitĂ©s – Saisine de la cour d’appel – Demande – PiĂšces justificatives – RecevabilitĂ© – Communication – DĂ©lai – Inobservation – PortĂ©e2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi nÂș 18-22.069, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme GuĂ©ho et avis de M. Grignon DumoulinLes dispositions des articles 27, 28 et 29 du dĂ©cret nÂș 2001-963 du 23 octobre 2001, qui fixent au demandeur Ă  une action contre le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) un dĂ©lai pour dĂ©poser ses piĂšces et documents justificatifs et au FIVA un dĂ©lai pour transmettre le dossier, n’imposent pas Ă  la cour d’appel d’écarter des dĂ©bats les piĂšces produites Ă  l’expiration de ces dĂ©lais lorsqu’il est Ă©tabli que la partie destinataire de la communication a Ă©tĂ© mise, en temps utile, en mesure de les exami-ner, de les discuter et d’y rĂ©pondre.

En consĂ©quence, viole ces textes la cour d’appel qui dĂ©clare irrecevables les piĂšces pro-duites par le demandeur au seul motif qu’elles n’ont pas Ă©tĂ© remises dans le dĂ©lai imparti d’un mois.

Poursuivant l’objectif d’accĂ©lĂ©rer et de simplifier l’indemnisation des victimes de l’amiante (v. rapport fait par M. C. Evin au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de financement de la sĂ©curitĂ© sociale pour 2001 [no 2606], tome II), l’article 53 de la loi no 2000-1257 du 23 dĂ©cembre 2000 de finance-ment de la sĂ©curitĂ© sociale a instituĂ© une procĂ©dure dont les rĂšgles, largement dĂ©roga-toires au droit commun, ont Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©es par le dĂ©cret no 2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres ProcĂ©dure civile et organisation des professions

La demande est prĂ©sentĂ©e directement au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), lequel dispose d’un dĂ©lai bref, de six mois, pour prĂ©senter une offre d’indemnisation lorsque sont Ă©tablis la rĂ©alitĂ© de l’exposition Ă  l’amiante et son lien avec la maladie. Le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le FIVA que si aucune offre ne lui a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e dans ce dĂ©lai, si sa demande d’indemnisa-tion a Ă©tĂ© rejetĂ©e ou s’il n’a pas acceptĂ© l’offre qui lui a Ă©tĂ© faite (article 53, V, alinĂ©a 1, de la loi no 2000-1257 du 23 dĂ©cembre 2000 prĂ©citĂ©e). Cette action, qui est exercĂ©e devant la cour d’appel (article 24 du dĂ©cret no 2001-963 du 23 octobre 2001 prĂ©citĂ©), n’est pas soumise aux dispositions du code de procĂ©dure civile relatives Ă  la juridic-tion du second degrĂ© mais est engagĂ©e, instruite et jugĂ©e selon des rĂšgles spĂ©cifiques (article 26 du mĂȘme dĂ©cret).

En particulier, comme le rappelle Ă  nouveau la Cour de cassation dans l’arrĂȘt com-mentĂ©, l’article 27 du dĂ©cret prĂ©citĂ© prĂ©voit que lorsque la dĂ©claration Ă©crite du deman-deur exerçant, devant la cour d’appel, une action contre le FIVA ne contient pas l’exposĂ© des motifs invoquĂ©s, le demandeur doit dĂ©poser cet exposĂ© dans le mois qui suit le dĂ©pĂŽt de la dĂ©claration, Ă  peine d’irrecevabilitĂ© de la demande. Selon l’article 28, les piĂšces et documents justificatifs produits par le demandeur doivent ĂȘtre mentionnĂ©s dans la dĂ©claration ou l’exposĂ© des motifs et ĂȘtre remis au greffe de la cour d’appel en mĂȘme temps que la dĂ©claration ou l’exposĂ© des motifs considĂ©rĂ©s.

La deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a dĂ©duit de ces derniers textes qu’étaient irrecevables les piĂšces et documents justificatifs du demandeur qui n’avaient pas Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s au greffe en mĂȘme temps que la dĂ©claration ou l’exposĂ© des motifs ou qui avaient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s postĂ©rieurement au dĂ©lai d’un mois prescrit (2e Civ., 13 sep-tembre 2007, pourvoi no 06-20.337, Bull. 2007, II, no 217 ; 2e Civ., 10 avril 2008, pour-voi no 07-15.580).

Les termes mĂȘmes des articles 27 et 28 du dĂ©cret prĂ©citĂ© n’imposaient pas une telle interprĂ©tation, le premier de ces textes prĂ©voyant l’irrecevabilitĂ© de la demande dans le seul cas de non-respect du dĂ©lai d’un mois pour dĂ©poser l’exposĂ© des motifs. Ainsi, la deuxiĂšme chambre civile, appliquant une mĂ©thode d’interprĂ©tation fondĂ©e sur l’in-tention du lĂ©gislateur, a, en combinant les deux dispositions, fait Ɠuvre crĂ©atrice afin de prĂ©server l’objectif de cĂ©lĂ©ritĂ© de la procĂ©dure.

Cette jurisprudence prĂ©sentait cependant l’inconvĂ©nient de contraindre le deman-deur Ă  dĂ©poser toutes ses piĂšces justificatives dĂšs l’introduction de son recours, sans connaĂźtre l’argumentation qui serait dĂ©veloppĂ©e par le FIVA, et de lui interdire d’y rĂ©pondre en produisant, le cas Ă©chĂ©ant, les documents pertinents.

Plusieurs cours d’appel, se fondant sur le respect du principe de la contradiction, ont dĂ©clarĂ© recevables des piĂšces produites par le demandeur au-delĂ  du dĂ©lai imparti d’un mois. Leurs dĂ©cisions ont Ă©tĂ© censurĂ©es par la Cour de cassation qui, consolidant sa jurisprudence, a jugĂ© que les dispositions rĂ©glementaires en cause, fixant en droit interne les conditions de recevabilitĂ© du recours devant la cour d’appel et l’admissibi-litĂ© des preuves, ne mĂ©connaissaient pas les exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales au regard du droit Ă  un procĂšs Ă©quitable (2e Civ., 8 janvier 2009, pourvoi no 08-14.127, Bull. 2009, II, no 2 ; voir aussi, 2e Civ., 15 mai 2008, pourvoi no 07-16.452 ; 2e Civ., 12 mai 2011, pourvoi no 10-19.020 ; 2e Civ., 8 mars 2018, pourvoi no 17-14.463).

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Dans certaines situations, l’application de cette jurisprudence se conciliait difficile-ment avec le principe de la rĂ©paration intĂ©grale sans perte ni profit pour la victime et celui, corrĂ©latif, de l’imputation poste par poste du recours des tiers payeurs. Aussi la Cour de cassation y avait-elle apportĂ© un tempĂ©rament dans l’hypothĂšse oĂč les piĂšces concernĂ©es Ă©taient relatives aux dĂ©bours des tiers payeurs (2e Civ., 12 mai 2011, pour-voi no 10-19.022 ; 2e Civ., 30 juin 2011, pourvoi no 10-23.596). En revanche, elle avait, postĂ©rieurement, censurĂ© un arrĂȘt qui avait dĂ©clarĂ© recevables des piĂšces relatives aux revenus et indemnitĂ©s journaliĂšres perçus par le demandeur et que la cour d’appel estimait indispensables pour statuer sur les prĂ©tentions dont elle Ă©tait saisie (2e Civ., 15 dĂ©cembre 2011, pourvoi no 11-10.193).

La Cour de cassation n’avait cependant jamais eu Ă  se prononcer expressĂ©ment sur la compatibilitĂ© des articles 27 et 28 du dĂ©cret du 23 octobre 2001 prĂ©citĂ©, tels qu’in-terprĂ©tĂ©s par elle dans les termes de la jurisprudence rappelĂ©e supra, avec le principe de l’égalitĂ© des armes, qui est l’une des composantes du droit Ă  un procĂšs Ă©quitable garanti par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales.

Saisie de cette question, elle a, par l’arrĂȘt commentĂ©, en relevant un moyen d’of-fice, procĂ©dĂ© Ă  un revirement de jurisprudence dont les raisons sont rendues explicites par une motivation en forme dĂ©veloppĂ©e.

L’article 29 du dĂ©cret du 23 octobre 2001 prĂ©citĂ© prĂ©voit en effet que dans le mois de la notification de la dĂ©claration de recours par le greffe, le FIVA doit transmettre Ă  celui-ci le dossier. Ce dĂ©lai n’étant assorti d’aucune sanction, le FIVA peut produire des piĂšces Ă  tout moment. DĂšs lors, juger qu’à l’inverse c’est Ă  peine d’irrecevabilitĂ© que le demandeur est astreint Ă  produire ses piĂšces dans le dĂ©lai d’un mois suivant le dĂ©pĂŽt de sa dĂ©claration, aboutit, en mĂ©connaissance des principes dĂ©gagĂ©s par la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH), Ă  placer ce dernier dans une « situation de net dĂ©savantage par rapport Ă  son adversaire » en matiĂšre d’administration de la preuve (voir, CEDH, arrĂȘt du 19 septembre 2017, RĂ©gnier c. RĂ©publique tchĂšque, no 35289/11 ; CEDH, arrĂȘt du 23 mai 2016, AvotinĆĄ c. Lettonie, no 17502/07 ; CEDH, arrĂȘt du 27 octobre 1993, Dombo Beheer B. V. c. Pays-Bas, no 14448/88).

Ce revirement est, en outre, justifiĂ© par le respect du principe de la contradiction auquel celui de l’égalitĂ© des armes est Ă©troitement liĂ©. Il implique, en effet, que l’auteur du recours ait la facultĂ© de rĂ©pliquer de maniĂšre appropriĂ©e Ă  l’argumentation et aux piĂšces du FIVA, en produisant lui-mĂȘme de nouvelles piĂšces s’il y a lieu.

Ainsi, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation retient dĂ©sormais qu’une cour d’appel n’est pas tenue d’écarter des dĂ©bats les piĂšces produites par l’auteur du recours ou par le FIVA Ă  l’expiration du dĂ©lai d’un mois qui leur est imparti par les articles 27 et 29 du dĂ©cret du 23 octobre 2001 prĂ©citĂ©. Pour autant, la cour d’appel saisie du recours devra s’assurer que chacune des parties a Ă©tĂ© mise en mesure, en temps utile, d’examiner les piĂšces adverses, de les discuter et d’y rĂ©pondre. La condition, ainsi posĂ©e, dĂ©cline dans la situation considĂ©rĂ©e celle fixĂ©e par l’arrĂȘt du 5 dĂ©cembre 2014 de l’As-semblĂ©e plĂ©niĂšre de la Cour de cassation pour la communication des piĂšces entre les parties prĂ©vue par l’article 906 du code de procĂ©dure civile (Ass. plĂ©n., 5 dĂ©cembre 2014, pourvoi no 13-19.674, Bull. 2014, Ass. plĂ©n., no 3).

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On soulignera, enfin, que l’objectif de cĂ©lĂ©ritĂ© de la procĂ©dure d’indemnisation des victimes de l’amiante n’est pas mĂ©connu puisqu’il demeure solidement assurĂ© par l’ap-plication de l’article 30 du dĂ©cret du 23 octobre 2001 selon lequel le premier prĂ©sident de la cour d’appel fixe les dĂ©lais dans lesquels les parties Ă  l’instance doivent se com-muniquer leurs observations Ă©crites et en dĂ©poser copie au greffe de la cour et dĂ©ter-mine la date des dĂ©bats.

3. Compétence

Outre-mer â€“ Nouvelle-CalĂ©donie – Élections – Liste Ă©lectorale – Liste Ă©lectorale spĂ©ciale Ă  la consultation sur l’accession de la Nouvelle-CalĂ©donie Ă  la pleine souverainetĂ© – RĂ©gularitĂ© – Recours contentieux – Article L. 20 du code Ă©lec-toral – Saisine du tribunal judiciaire – Membre de la commission administra-tive spĂ©ciale – RecevabilitĂ© (non)2e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi no 20-60.249, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Talabardon et avis de Mme NicolĂ©tisNul ne pouvant ĂȘtre juge et partie, les membres de la commission administrative spĂ©-ciale instituĂ©e par le II de l’article 189 de la loi nÂș 99-209 organique du 19 mars 1999 relative Ă  la Nouvelle-CalĂ©donie, qui ont statuĂ© en matiĂšre de rĂ©vision de la liste Ă©lecto-rale spĂ©ciale Ă  l’élection des membres du congrĂšs et des assemblĂ©es de province de la Nouvelle-CalĂ©donie, prĂ©vue au I du mĂȘme texte, ne peuvent saisir le tribunal de contes-tations Ă©levĂ©es contre les dĂ©cisions de cette commission.Viole les articles L. 20 et R. 225 du code Ă©lectoral le tribunal qui dĂ©clare recevable la demande de radiation d’un Ă©lecteur de cette liste Ă©lectorale spĂ©ciale, formĂ©e par des tiers Ă©lecteurs dont il ressortait d’élĂ©ments de la procĂ©dure qu’ils Ă©taient membres de la commission administrative spĂ©ciale ayant procĂ©dĂ© Ă  l’inscription contestĂ©e.

Par cet arrĂȘt, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a jugĂ© que, nul ne pouvant ĂȘtre juge et partie, les membres de la commission administrative spĂ©ciale instituĂ©e par le II de l’article 189 de la loi no 99-209 organique du 19 mars 1999 rela-tive Ă  la Nouvelle-CalĂ©donie, qui ont statuĂ© en matiĂšre de rĂ©vision de la liste Ă©lecto-rale spĂ©ciale Ă  l’élection des membres du congrĂšs et des assemblĂ©es de province de la Nouvelle-CalĂ©donie, prĂ©vue au I du mĂȘme texte, ne peuvent exercer un recours conten-tieux contre les dĂ©cisions de cette commission.

Ce faisant, la Cour de cassation a appliquĂ© Ă  la Nouvelle-CalĂ©donie un principe qu’elle a rĂ©cemment posĂ© dans son arrĂȘt du 12 juin 2020 (2e Civ., 12 juin 2020, pourvoi no 20-60.143, publiĂ© au Bulletin [rejet]), selon lequel les membres de la commission de contrĂŽle prĂ©vue par l’article L. 19 du code Ă©lectoral, dans sa rĂ©daction issue de l’ordon-nance no 2019-964 du 18 septembre 2019 prise en application de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice, ne peuvent saisir le tribunal judiciaire de contestations relatives Ă  la liste Ă©lectorale sur laquelle cette commission exerce ses attributions.

L’interdiction ainsi faite aux membres des commissions administratives ayant Ă  connaĂźtre de l’établissement et de la rĂ©vision des listes Ă©lectorales, soit de leur propre chef – telle la commission administrative spĂ©ciale nĂ©o-calĂ©donienne mentionnĂ©e supra â€“, soit sur les recours administratifs prĂ©alables contre les dĂ©cisions d’inscription et de

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radiation prises par le maire – telle la commission de contrĂŽle de droit commun â€“ de saisir la juridiction judiciaire compĂ©tente de contestations contre les dĂ©cisions de ces commissions, a, certes, Ă©tĂ© Ă©tablie de longue date. Elle a conduit la Cour de cassation Ă  censurer, Ă  de nombreuses reprises, les dĂ©cisions de tribunaux statuant sur de telles contestations, aprĂšs avoir admis l’intervention Ă  l’instance d’un membre de la commis-sion administrative concernĂ©e, qu’il se soit agi du maire de la commune – lequel, en application de l’ancien article L. 17 du code Ă©lectoral, en Ă©tait membre de droit (2e Civ., 11 mars 1993, pourvoi no 93-60.060, Bull. 1993, II, no 100 ; 2e Civ., 23 mai 2001, pour-voi no 01-60.556, Bull. 2001, II, no 103 ; 2e Civ., 10 mars 2004, pourvoi no 04-60.124, Bull. 2004, II, no 111) â€“ ou de quelque autre membre que ce fĂ»t de cette commission (2e Civ., 19 mars 2014, pourvoi no 14-60.226, Bull. 2014, II, no 70).

Pour autant, cette solution trouvait une limite : le recours contentieux formĂ© par le membre d’une telle commission ne pouvait ĂȘtre dĂ©clarĂ© irrecevable si l’intĂ©ressĂ© dĂ©cla-rait agir en sa seule qualitĂ© de tiers Ă©lecteur. En effet, selon la jurisprudence alors en vigueur, « les membres de la commission administrative qui ont statuĂ© en matiĂšre de rĂ©vision des listes Ă©lectorales ne peuvent, en tant que tels, saisir le tribunal d’instance de contestations Ă©levĂ©es contre les dĂ©cisions de cette commission » (2e Civ., 14 avril 2005, pourvoi no 05-60.087, Bull. 2005, II, no 94) ; en revanche, « aucun texte n’interdit Ă  un Ă©lecteur, fĂ»t-il membre de la commission administrative, de contester devant le tribu-nal d’instance, en sa qualitĂ© d’électeur inscrit, l’inscription ou la radiation d’un autre Ă©lecteur » (2e Civ., 16 fĂ©vrier 1995, pourvoi no 95-60.086, Bull. 1995, II, no 58), le requĂ©-rant fĂ»t-il mĂȘme, par ailleurs, maire de la commune (2e Civ., 16 mars 1988, pourvoi no 88-60.140, Bull. 1988, II, no 67).

Il en dĂ©coulait que lorsqu’un jugement Ă©tait censurĂ© pour avoir dĂ©clarĂ© recevable le recours formĂ© par un membre de la commission administrative, Ăšs qualitĂ©s, la cassa-tion donnait lieu Ă  renvoi devant une autre juridiction puisqu’il Ă©tait loisible Ă  l’intĂ©-ressĂ© de rĂ©gulariser son action en faisant alors Ă©tat, devant la juridiction de renvoi, de sa seule qualitĂ© de tiers Ă©lecteur (2e Civ., 14 avril 2005, pourvoi no 05-60.087, prĂ©citĂ©).

L’arrĂȘt commentĂ© du 1er octobre 2020, comme celui du 12 juin 2020 (pourvoi no 20-60.143) prĂ©citĂ©, marque une Ă©volution trĂšs substantielle de cette jurisprudence. En effet, la Cour de cassation privilĂ©gie dĂ©sormais une approche objective de l’im-partialitĂ© en jugeant que, dĂšs lors qu’il ressort « des Ă©lĂ©ments de la procĂ©dure » – en d’autres termes des piĂšces du dossier comme des dĂ©bats Ă  l’audience â€“ que le deman-deur est membre de la commission administrative ayant eu Ă  connaĂźtre de la situation litigieuse, il appartient au tribunal, s’il n’est pas saisi d’une fin de non-recevoir en ce sens, de relever d’office l’irrecevabilitĂ© du recours.

L’arrĂȘt commentĂ© censure ainsi, sur un moyen de cassation relevĂ© d’office, le juge-ment du tribunal de premiĂšre instance de NoumĂ©a qui, pour dĂ©clarer recevable le recours tendant Ă  la radiation d’un Ă©lecteur de la liste Ă©lectorale spĂ©ciale Ă  l’élection des membres du congrĂšs et des assemblĂ©es de province de la Nouvelle-CalĂ©donie, Ă©nonçait que « les demandeurs, prĂ©sents Ă  l’audience, ont justifiĂ© de leur qualitĂ© de tiers Ă©lec-teur », alors qu’il ressortait du dossier de la procĂ©dure que les intĂ©ressĂ©s avaient dĂ©clarĂ©, dans leur requĂȘte introductive d’instance, agir en la qualitĂ© tant de « tiers Ă©lecteurs de la ville de NoumĂ©a » que de « membres des commissions administratives spĂ©ciales ».

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Enfin, la cassation ainsi prononcĂ©e l’est sans renvoi. En l’absence de possibilitĂ©, pour les requĂ©rants, de rĂ©gulariser leur qualitĂ© Ă  agir, la Cour de cassation statue au fond et dĂ©clare elle-mĂȘme irrecevable le recours formĂ© par les intĂ©ressĂ©s devant le tribunal.

4. Fonds de garantie

RĂ©fĂ©rĂ© – Provision – Attribution – Conditions – Obligation non sĂ©rieusement contestable – Fonds de garantie – Actes de terrorisme et autres infractions – CaractĂ©risation – NĂ©cessitĂ©2e Civ., 20 mai 2020, pourvoi nÂș 19-12.780, rapport de Mme Bouvier et avis de M. GaillardotIl rĂ©sulte des articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances que la rĂ©paration intĂ©grale des dommages rĂ©sultant d’une atteinte Ă  la personne subis par les victimes d’infractions constitutives d’actes de terrorisme, visĂ©es par l’article 421-1 du code pĂ©nal, est assurĂ©e par l’intermĂ©diaire du Fonds de garantie des victimes des actes de terro-risme et d'autres infractions (FGTI).DĂšs lors, prive sa dĂ©cision de base lĂ©gale une cour d’appel, statuant en matiĂšre de rĂ©fĂ©rĂ©, qui dĂ©duit de ses constatations, pour condamner le FGTI Ă  payer une provision Ă  valoir sur l’indemnisation de prĂ©judices d’une personne, que celle-ci a Ă©tĂ©, avec l’évi-dence requise en rĂ©fĂ©rĂ©, victime de l’attentat, sans qu’il soit besoin que la juridiction prĂ©cise la nature et les Ă©lĂ©ments matĂ©riels de l’infraction qu’elle retient comme ayant Ă©tĂ© commise au prĂ©judice de cette victime alors qu’il lui appartenait de caractĂ©riser une infraction constitutive d’un acte de terrorisme prĂ©vue par l’article 421-1 du code pĂ©nal, ouvrant droit de maniĂšre non sĂ©rieusement contestable, au sens de l’article 809, alinĂ©a 2, devenu 835, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile, Ă  l’indemnisation sollicitĂ©e du FGTI.

La question posĂ©e Ă©tait celle de l’exigence de caractĂ©risation par le juge civil de l’in-fraction ouvrant droit Ă  l’indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) d’une victime d’un acte de terrorisme.

En effet, l’existence de l’obligation d’indemnisation du FGTI peut ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e par le juge civil, y compris en matiĂšre de rĂ©fĂ©rĂ©, sans attendre l’issue pĂ©nale.

Au regard de l’autonomie de cette procĂ©dure d’indemnisation, Ă  laquelle le fonds de garantie est partie, le juge civil, si les faits gĂ©nĂ©rateurs du dommage ont donnĂ© lieu Ă  des poursuites pĂ©nales, n’est en effet pas tenu de surseoir Ă  statuer jusqu’à dĂ©cision dĂ©finitive de la juridiction rĂ©pressive et les victimes des dommages disposent, dans le dĂ©lai prĂ©vu Ă  l’article 2226 du code civil, du droit d’action en justice contre le fonds de garantie (article L. 422-3 du code des assurances).

Dans l’instance ayant donnĂ© lieu Ă  l’arrĂȘt commentĂ©, le FGTI s’est pourvu contre l’arrĂȘt d’une cour d’appel qui, statuant en rĂ©fĂ©rĂ©, sur renvoi aprĂšs cassation, l’avait condamnĂ© Ă  payer Ă  Mme B. une indemnitĂ© provisionnelle complĂ©mentaire Ă  valoir sur l’indemnisation de son prĂ©judice moral. Le 9 janvier 2015, un attentat Ă  caractĂšre antisĂ©mite a Ă©tĂ© perpĂ©trĂ© dans le magasin Hyper Cacher, situĂ© avenue de la Porte-de-Vincennes Ă  Paris, lors duquel un terroriste a pris des clients en otage et tuĂ© quatre personnes avant d’ĂȘtre abattu par les forces de l’ordre. Mme B., qui se trouvait aux abords du magasin, a pu se rĂ©fugier deux heures durant dans sa voiture, stationnĂ©e Ă 

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quelques mĂštres, elle a Ă©tĂ© exfiltrĂ©e sous protection policiĂšre avant l’assaut de la bri-gade de rĂ©pression du banditisme pour libĂ©rer les otages. Inscrite sur la liste unique des victimes d’actes de terrorisme Ă©tablie par le parquet prĂšs le tribunal de Paris, Mme B., qui avait reçu deux versements, Ă  titre de provisions, de la part du FGTI, a saisi la juri-diction des rĂ©fĂ©rĂ©s d’une demande de provision complĂ©mentaire, Ă  valoir sur la rĂ©pa-ration de son prĂ©judice psychologique. Par un premier arrĂȘt publiĂ© du 8 fĂ©vrier 2018 (2e Civ., 8 fĂ©vrier 2018, pourvoi no 17-10.456, Bull. 2018, II, no 26), la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a censurĂ© la dĂ©cision de la cour d’appel en rappelant que la qualitĂ© de victime d’une personne inscrite sur cette liste pouvait ĂȘtre contestĂ©e par le FGTI, nonobstant le versement de provisions par ce fonds.

L’arrĂȘt de la cour d’appel de renvoi est Ă©galement cassĂ© par l’arrĂȘt publiĂ© du 20 mai 2020 pour avoir retenu qu’il ressortait de ses constatations, avec l’évidence requise en rĂ©fĂ©rĂ©, que Mme B. avait Ă©tĂ© victime de l’attentat, sans qu’il soit besoin que la juridiction prĂ©cise la nature et les Ă©lĂ©ments matĂ©riels de l’infraction qu’elle retient comme ayant Ă©tĂ© commise au prĂ©judice de cette personne.

En affirmant qu’il lui appartenait, au contraire, de caractĂ©riser une infraction consti-tutive d’un acte de terrorisme prĂ©vue par l’article 421-1 du code pĂ©nal, la Cour de cas-sation s’inscrit dans la droite ligne de l’obligation Ă  laquelle est tenu le juge civil de prĂ©ciser la nature et les Ă©lĂ©ments matĂ©riels de l’infraction susceptible d’ouvrir droit Ă  indemnisation par le FGTI, en application de l’article 706-3 du code de procĂ©dure pĂ©nale (2e Civ., 3 juillet 2014, pourvoi no 13-21.991), et de rechercher si le dommage invoquĂ© rĂ©sulte de faits prĂ©sentant le caractĂšre matĂ©riel d’une telle infraction (2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi no 16-13.799).

En matiĂšre d’actes de terrorisme, au sens de l’article 421-1 du code pĂ©nal, il en est de mĂȘme, comme le prĂ©cise l’arrĂȘt du 20 mai 2020 (2e Civ., 20 mai 2020, pourvoi no 19-12.780).

L’arrĂȘt commentĂ© rappelle qu’il rĂ©sulte des articles L. 126-1 et L 422-1 du code des assurances que la rĂ©paration intĂ©grale des dommages rĂ©sultant d’une atteinte Ă  la personne subis par les victimes d’infractions constitutives d’actes de terrorisme, visĂ©es par l’article 421-1 du code pĂ©nal, est assurĂ©e par le FGTI.

L’article 421-1, 1o, du code pĂ©nal prĂ©cise que constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les atteintes volontaires Ă  la vie, les atteintes volontaires Ă  l’intĂ©gritĂ© de la per-sonne, l’enlĂšvement et la sĂ©questration.

Si, en l’espĂšce, est Ă©tabli le caractĂšre terroriste de l’attentat commis le 9 janvier 2015 au magasin Hyper Cacher, Ă  Paris, la juridiction des rĂ©fĂ©rĂ©s Ă©tait tenue de rechercher si Mme B. avait Ă©tĂ© victime d’une infraction constitutive d’un acte de terrorisme, prĂ©vue par l’article 421-1 susmentionnĂ©, ouvrant droit de maniĂšre, non sĂ©rieusement contes-table, au sens de l’article 809, alinĂ©a 2, devenu 835, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile, Ă  une indemnisation provisionnelle par le FGTI. Sa dĂ©cision est censurĂ©e, faute d’avoir procĂ©dĂ© Ă  cette recherche.

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5. Mesures d’instruction

Mesures d’instruction – Juge chargĂ© du contrĂŽle – Pouvoirs – Pouvoirs des articles 166, 167 et 168 du code de procĂ©dure civile – Principe de la contra-diction – Respect – NĂ©cessitĂ©2e Civ., 10 dĂ©cembre 2020, pourvoi no 18-18.504, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Jollec et avis de M. GirardLorsque le juge chargĂ© du contrĂŽle d’une mesure d’instruction exerce les pouvoirs prĂ©vus aux articles 166, 167 et 168 du code de procĂ©dure civile, il doit respecter le principe de la contradiction et statuer, les parties entendues ou appelĂ©es.

Par cet arrĂȘt, la Cour de cassation affirme que la procĂ©dure devant le juge chargĂ© du contrĂŽle des mesures d’instruction, saisi de demandes fondĂ©es sur les articles 166, 167 ou 168 du code de procĂ©dure civile, est soumise au respect du principe de la contra-diction, les parties devant ĂȘtre entendues ou appelĂ©es.

Dans l’affaire dont Ă©tait saisie la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation, un prĂ©sident d’un tribunal de grande instance avait rendu une ordonnance sur requĂȘte sur le fondement de l’article 145 du code de procĂ©dure civile, autorisant des mesures d’instruction et dĂ©signĂ© un huissier de justice pour y procĂ©der. S’étant rĂ©servĂ© le conten-tieux du contrĂŽle de la mesure d’instruction, ce magistrat avait ensuite autorisĂ©, par une ordonnance rendue sur requĂȘte, l’huissier de justice Ă  conserver le disque dur.

À l’appui du pourvoi contre l’arrĂȘt de la cour d’appel qui avait confirmĂ© l’ordon-nance de rĂ©fĂ©rĂ© ayant rejetĂ© les demandes de rĂ©tractation, l’auteur de ce recours faisait valoir que le juge saisi d’une difficultĂ© d’exĂ©cution sur le fondement de l’article 168 du code de procĂ©dure civile, ne pouvait statuer par ordonnance sur requĂȘte, par nature non contradictoire. L’alinĂ©a 2 de l’article 168 du code de procĂ©dure civile dispose, en effet, que le juge chargĂ© du contrĂŽle d’une mesure d’instruction statue aprĂšs avoir convoquĂ© les parties et s’il y a lieu, le technicien.

La Cour de cassation a cassĂ© l’arrĂȘt attaquĂ© sur ce moyen, fondĂ© sur les articles 16 et 168 du code de procĂ©dure civile, en lui donnant, toutefois, une plus large portĂ©e. Elle censure, en effet, l’arrĂȘt au visa de ces textes, mais Ă©galement de l’article 14 du code de procĂ©dure civile, qui Ă©nonce que toute partie doit ĂȘtre entendue ou appelĂ©e, et de l’article 166 du code de procĂ©dure civile, selon lequel le juge chargĂ© de procĂ©der Ă  une mesure d’instruction ou d’en contrĂŽler l’exĂ©cution peut ordonner telle autre mesure d’instruction que rendrait opportune l’exĂ©cution de celle qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© prescrite.

Le principe ainsi affirmĂ© s’applique lors de la phase de l’exĂ©cution de la mesure d’instruction, qui est contradictoire, quand bien mĂȘme cette mesure aurait Ă©tĂ© ordon-nĂ©e par ordonnance sur requĂȘte.

Il en rĂ©sulte que, saisi d’une demande fondĂ©e sur les articles 166, 167 ou 168 du code de procĂ©dure civile, le juge chargĂ© du contrĂŽle ne peut pas statuer par ordonnance sur requĂȘte, par nature non contradictoire, le fait que le contradictoire puisse ĂȘtre rĂ©tabli par un recours en rĂ©tractation Ă©tant, Ă  cet Ă©gard, indiffĂ©rent. L’ordonnance qu’il rend en application de l’alinĂ©a 2 de l’article 170 du code de procĂ©dure civile, ne pourra ĂȘtre prise qu’à l’issue d’une procĂ©dure contradictoire.

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C’est la premiĂšre fois que la Cour de cassation Ă©nonce ce principe. En effet, si dans plu-sieurs arrĂȘts, elle avait dĂ©jĂ  marquĂ© une rĂ©ticence Ă  admettre, dans cette hypothĂšse, le recours Ă  l’ordonnance sur requĂȘte, par nature non contradictoire, elle ne l’avait pas condamnĂ©, pour autant, jugeant qu’en cette occurrence, seul le recours en rĂ©tractation Ă©tait possible, conformĂ©ment au droit commun de l’ordonnance sur requĂȘte (2e Civ., 24 avril 1989, pour-voi no 88-10.941, Bull. 1989, II, no 98 ; 2e Civ., 4 juillet 2007, pourvoi no 05-20.075).

Par un arrĂȘt du 27 juin 2019 (2e Civ., 27 juin 2019, pourvoi no 18-12.194, publiĂ© au Bulletin), la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation avait franchi un pas sup-plĂ©mentaire en jugeant que « La dĂ©cision d’extension de la mission de l’expert dĂ©si-gnĂ© par un juge des rĂ©fĂ©rĂ©s, rendue Ă  la demande d’une partie sollicitant le respect du principe de la contradiction par le juge du contrĂŽle des expertises ne constitue pas, du seul fait que les parties n’ont Ă©tĂ© ni entendues ni appelĂ©es Ă  l’instance, une ordonnance sur requĂȘte rendant l’appel immĂ©diat de la dĂ©cision irrecevable. »

L’arrĂȘt du 10 dĂ©cembre 2020 ici commentĂ© parachĂšve cette Ă©volution en fermant dĂ©finitivement la voie de l’ordonnance sur requĂȘte au juge du contrĂŽle de la mesure d’instruction, saisi dans la phase d’exĂ©cution de la dĂ©cision ordonnant une telle mesure.

6. ProcĂ©dure civile d’exĂ©cution

ProcĂ©dure civile d’exĂ©cution – Mesures conservatoires – Autorisation du juge – NĂ©cessitĂ© – Cas – Saisie de meubles dans un local d’habitation du dĂ©biteur2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi no 18-23.626, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Lemoine et avis de M. GirardLe droit, Ă  valeur constitutionnelle, au respect de la vie privĂ©e et Ă  l’inviolabilitĂ© du domi-cile, Ă©galement consacrĂ© par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, exclut qu’une mesure conservatoire puisse ĂȘtre pratiquĂ©e dans un lieu affectĂ© Ă  l’habitation du dĂ©biteur par le crĂ©ancier sans une auto-risation donnĂ©e par un juge.En consĂ©quence, une mesure conservatoire ne peut ĂȘtre pratiquĂ©e dans un lieu affectĂ© Ă  l’habitation du dĂ©biteur par le crĂ©ancier sans que le juge de l’exĂ©cution l’ y ait auto-risĂ© en application de l’article R. 121-24 du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, et ce mĂȘme dans l’hypothĂšse prĂ©vue Ă  l’article L. 511-2 du mĂȘme code dans laquelle le crĂ©ancier se prĂ©vaut d’un titre exĂ©cutoire ou d’une dĂ©cision de justice qui n’a pas encore force exĂ©cutoire. À dĂ©faut, une telle mesure doit ĂȘtre annulĂ©e.(Voir le commentaire sous la partie Appel civil p. 198)

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

G. Droit pénal et procédure pénale

1. Droit pénal général

Aucun arrĂȘt publiĂ© au Rapport en 2020.

2. Droit pénal spécial

ResponsabilitĂ© pĂ©nale – Personne morale – Conditions – Fusion-absorption â€“ EffetCrim., 25 novembre 2020, pourvoi no 18-86.955, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Fouquet et avis de M. SalomonIl se dĂ©duit de l’article 121-1 du code pĂ©nal, interprĂ©tĂ© Ă  la lumiĂšre de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative Ă  la fusion des sociĂ©tĂ©s anonymes, codifiĂ©e en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 14 juin 2017 et de l’article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, qu’en cas de fusion-absorption d’une sociĂ©tĂ© par une autre sociĂ©tĂ© entrant dans le champ de la directive prĂ©-citĂ©e, la sociĂ©tĂ© absorbante peut ĂȘtre condamnĂ©e pĂ©nalement Ă  une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la sociĂ©tĂ© absor-bĂ©e avant l’opĂ©ration.La personne morale absorbĂ©e Ă©tant continuĂ©e par la sociĂ©tĂ© absorbante, cette derniĂšre, qui bĂ©nĂ©ficie des mĂȘmes droits que la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e, peut se prĂ©valoir de tout moyen de dĂ©fense que celle-ci aurait pu invoquer.En consĂ©quence, le juge qui constate qu’il a Ă©tĂ© procĂ©dĂ© Ă  une opĂ©ration de fusion-absorption entrant dans le champ de la directive prĂ©citĂ©e ayant entraĂźnĂ© la dissolution de la sociĂ©tĂ© mise en cause, peut, aprĂšs avoir constatĂ© que les faits objets des poursuites sont caractĂ©risĂ©s, dĂ©clarer la sociĂ©tĂ© absorbante coupable de ces faits et la condam-ner Ă  une peine d’amende ou de confiscation.Cette interprĂ©tation nouvelle, qui constitue un revirement de jurisprudence, ne s’appli-quera qu’aux opĂ©rations de fusion conclues postĂ©rieurement au 25 novembre 2020, date de prononcĂ© de l’arrĂȘt, afin de ne pas porter atteinte au principe de prĂ©visibilitĂ© juridique dĂ©coulant de l’article 7 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme.

ResponsabilitĂ© pĂ©nale – Personne morale – Conditions – Fusion-absorption – Cas – Fraude Ă  la loi – EffetMĂȘme arrĂȘtEn tout Ă©tat de cause, quelle que soit la date de la fusion ou la nature de la sociĂ©tĂ© concernĂ©e, la responsabilitĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbante peut ĂȘtre engagĂ©e si l’opĂ©-ration de fusion-absorption a eu pour objectif de faire Ă©chapper la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  sa responsabilitĂ© pĂ©nale et qu’elle constitue ainsi une fraude Ă  la loi.

La chambre criminelle de la Cour de cassation, rĂ©unie en formation solennelle, a rendu le 25 novembre 2020 un arrĂȘt qui marque une Ă©volution substantielle de sa juris-prudence concernant la question du transfert de la responsabilitĂ© pĂ©nale d’une per-sonne morale en cas de fusion-absorption d’une sociĂ©tĂ© par une autre.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Cet arrĂȘt est particuliĂšrement important en ce qu’il Ă©carte dorĂ©navant l’analyse de l’opĂ©ration de fusion-absorption consistant Ă  assimiler la dissolution de la sociĂ©tĂ© absor-bĂ©e au dĂ©cĂšs d’une personne physique.

Abandonnant cette conception anthropomorphique et prenant en considĂ©ration la spĂ©cificitĂ© des personnes morales, il s’attache Ă  tirer les consĂ©quences de la rĂ©alitĂ© Ă©co-nomique de la fusion et autorise, Ă  certaines conditions, le transfert de la responsabi-litĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© absorbante.

Cette interprĂ©tation renouvelĂ©e des textes internes, permise par le droit issu de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales et induite par le droit de l’Union europĂ©enne, permet d’éviter que la fusion-absorption ne fasse obstacle Ă  la responsabilitĂ© pĂ©nale des sociĂ©tĂ©s.

1. PrĂ©sentation de l’affaire et de la problĂ©matique posĂ©e

Une sociĂ©tĂ© mise en cause pour des faits de destruction involontaire par incendie avait Ă©tĂ© absorbĂ©e par une autre sociĂ©tĂ© Ă  l’occasion d’une opĂ©ration de fusion, avant d’ĂȘtre convoquĂ©e devant la juridiction correctionnelle pour y ĂȘtre jugĂ©e.

La demanderesse au pourvoi â€“ la sociĂ©tĂ© absorbante intervenant Ă  la cause â€“ repro-chait Ă  l’arrĂȘt de la cour d’appel attaquĂ© d’avoir ordonnĂ© un supplĂ©ment d’informa-tion afin de rechercher si l’opĂ©ration de fusion-absorption n’avait pas Ă©tĂ© entachĂ©e de fraude, au motif que dans un tel cas la responsabilitĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbante pourrait ĂȘtre engagĂ©e. La requĂ©rante faisait valoir que le principe de personnalitĂ© des dĂ©lits et des peines Ă©noncĂ© Ă  l’article 121-1 du code pĂ©nal s’oppose Ă  toute poursuite contre la sociĂ©tĂ© absorbante.

Les moyens soulevĂ©s en demande et les arguments dĂ©veloppĂ©s en dĂ©fense par les parties civiles ont amenĂ© la chambre criminelle de la Cour de cassation Ă  distinguer trois questions (cf. §§ 13 et 14) auxquelles elle rĂ©pond de façon successive :

En premier lieu, en cas de fusion entraĂźnant l’absorption d’une sociĂ©tĂ© par une autre, la sociĂ©tĂ© absorbante peut-elle ĂȘtre condamnĂ©e pour des faits commis par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant la fusion ?

En deuxiĂšme lieu, en cas de transfert de la responsabilitĂ© pĂ©nale Ă  la sociĂ©tĂ© absor-bante constitutif d’un revirement de jurisprudence, convient-il d’appliquer ce nouveau principe immĂ©diatement ou d’en diffĂ©rer dans le temps son application au regard du principe de prĂ©visibilitĂ© juridique ?

En dernier lieu, et sous rĂ©serve des rĂ©ponses apportĂ©es aux deux premiĂšres questions, qu’en est-il dans le cas d’une Ă©ventuelle fraude lors de l’opĂ©ration de fusion-absorption ?

2. Le nouveau principe du transfert de la responsabilité pénale de la société absorbée à la société absorbante en cas de fusion-absorption entre sociétés anonymes ou assimilées

Avant de poser ce nouveau principe (§ 35), la chambre criminelle de la Cour de cassation explique de façon particuliĂšrement motivĂ©e et dĂ©taillĂ©e les raisons du revire-ment de jurisprudence (§§ 15 Ă  34).

2.1 La jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation

La chambre criminelle de la Cour de cassation jugeait jusqu’ici de maniĂšre constante que l’article 121-1 du code pĂ©nal, aux termes duquel nul n’est responsable que de son

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

propre fait, s’opposait Ă  ce que la sociĂ©tĂ© absorbante soit poursuivie pour des faits commis par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant l’opĂ©ration de fusion (Crim., 20 juin 2000, pourvoi no 99-86.742, Bull. crim. 2000, no 237 ; Crim., 14 octobre 2003, pourvoi no 02-86.376, Bull. crim. 2003, no 189 ; Crim., 18 fĂ©vrier 2014, pourvoi no 12-85.807).

Cette interprĂ©tation de l’article 121-1 du code pĂ©nal se fondait sur une assimilation de la situation de la personne morale absorbĂ©e Ă  celle d’une personne physique dĂ©cĂ©-dĂ©e : la fusion, qui entraĂźne la dissolution de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e, lui faisant perdre sa personnalitĂ© juridique, doit entraĂźner l’extinction de l’action publique en application de l’article 6 du code de procĂ©dure pĂ©nale (extinction de l’action publique par « dĂ©cĂšs »). La sociĂ©tĂ© absorbante, personne morale distincte, ne saurait en consĂ©quence ĂȘtre pour-suivie pour les faits commis par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e.

Par ailleurs, cette interprĂ©tation de l’article 121-1 du code pĂ©nal apparaissait comme la seule permettant de respecter l’article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme tel qu’interprĂ©tĂ© par la Cour europĂ©enne des droits de l’homme.

Cette derniĂšre ne s’était jusqu’ici prononcĂ©e que sur le transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale entre personnes physiques.

Ainsi, dans un arrĂȘt du 29 aoĂ»t 1997 (CEDH, arrĂȘt du 29 aoĂ»t 1997, E. L., R. L. et J. O.-L. c. Suisse, no 20919/92), se fondant sur le deuxiĂšme paragraphe de l’article 6 de la Convention, elle a affirmĂ© que le principe selon lequel la responsabilitĂ© pĂ©nale ne survit pas Ă  l’auteur de l’acte dĂ©lictueux est une rĂšgle fondamentale du droit pĂ©nal.

Elle a en consĂ©quence jugĂ© que la condamnation des hĂ©ritiers Ă  une amende fis-cale – Ă©quivalente selon elle Ă  une sanction pĂ©nale â€“ pour une fraude fiscale imputĂ©e au dĂ©funt, constituait une violation de ce texte.

2.2 Une évolution en cohérence avec le double contexte jurisprudentiel européen

Dans un premier temps, une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne qui n’a pas permis Ă  elle seule une Ă©volution du droit national (§ 17 Ă  18)

La Cour de justice de l’Union europĂ©enne, dans un arrĂȘt du 5 mars 2015, a dit pour droit que :

« L’article 19, paragraphe 1, de la troisiĂšme directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, fondĂ©e sur l’article 54, paragraphe 3, sous g), du traitĂ© et concernant les fusions des sociĂ©tĂ©s anonymes, telle que modifiĂ©e par la directive 2009/109/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 16 septembre 2009, doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens qu’une fusion par absorption, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, entraĂźne la transmission, Ă  la sociĂ©tĂ© absorbante, de l’obligation de payer une amende infligĂ©e par dĂ©cision dĂ©finitive aprĂšs cette fusion pour des infractions au droit du tra-vail commises par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant ladite fusion » (CJUE, arrĂȘt du 5 mars 2015, Modelo Continente Hipermercados, C-343/13).

La Cour de justice a considĂ©rĂ© que la responsabilitĂ© contraventionnelle rĂ©sul-tant de faits commis antĂ©rieurement Ă  la fusion est transmise Ă  la sociĂ©tĂ© absorbante en tant qu’élĂ©ment du patrimoine passif de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e. Cette solution s’im-pose puisqu’à dĂ©faut cette responsabilitĂ© se trouverait Ă©teinte et les droits de l’État,

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

qui figure parmi les tiers dont la directive prĂ©citĂ©e vise la protection des intĂ©rĂȘts, s’en trouveraient mĂ©connus.

Cette dĂ©cision n’a cependant pas, Ă  elle seule, amenĂ© la Cour de cassation Ă  modi-fier sa jurisprudence.

En effet, si les juridictions nationales ont l’obligation d’interprĂ©ter le droit interne dans un sens conforme au droit de l’Union, c’est Ă  la condition que cette interprĂ©ta-tion ne les conduise pas Ă  faire produire aux dispositions d’une directive un effet direct Ă  l’encontre d’un particulier (CJCE, arrĂȘt du 26 septembre 1993, Arcaro, C-168/95 ; CJCE, arrĂȘt du 3 mai 2005, Berlusconi e. a., C-387/02, C-391/02 et C-403/02). Cette limite n’est respectĂ©e que lorsque le texte national peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© dans le sens de la directive, de sorte qu’il n’est pas nĂ©cessaire de l’écarter pour donner son plein effet Ă  cette derniĂšre.

En application de ces principes, la Cour de cassation, dans un arrĂȘt du 25 octobre 2016 (Crim., 25 octobre 2016, pourvoi no 16-80.366, Bull. crim. 2016, no 275), a considĂ©rĂ© que :

– d’une part, l’article 121-1 du code pĂ©nal ne pouvait s’interprĂ©ter, au regard notam-ment de l’article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, que comme interdisant que des poursuites pĂ©nales soient engagĂ©es Ă  l’encontre de la sociĂ©tĂ© absor-bante pour des faits commis par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant que cette derniĂšre ne perde son existence juridique par l’effet d’une fusion-absorption ;

– d’autre part, ledit article ne pouvait ĂȘtre Ă©cartĂ© comme contraire Ă  la directive 78/855/CEE du 9 octobre 1978 prĂ©citĂ©e puisqu’une directive ne peut pas produire un effet direct Ă  l’encontre d’un particulier.

Dans un second temps, une jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme qui permet, au cĂŽtĂ© de celle de la Cour de justice, une Ă©volution du droit national (§§ 19 Ă  34)

Cependant, une dĂ©cision rĂ©cente de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme conduit aujourd’hui la Cour de cassation Ă  faire Ă©voluer substantiellement sa jurisprudence.

Par une dĂ©cision du 24 octobre 2019, la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, se fondant sur la continuitĂ© Ă©conomique existant entre la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e et la sociĂ©tĂ© absorbante, en dĂ©duit que « la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e n’est pas vĂ©ritablement “autrui” Ă  l’égard de la sociĂ©tĂ© absorbante ». Elle juge en consĂ©quence que l’application d’une amende civile, Ă  laquelle est applicable le volet pĂ©nal de l’article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, Ă  une sociĂ©tĂ© absorbante pour des actes restrictifs de concur-rence commis avant la fusion par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e ne porte pas atteinte au principe de personnalitĂ© des peines (CEDH, dĂ©cision du 24 octobre 2019, Carrefour France c. France, no 37858/14).

Cette solution autorise Ă  abandonner l’approche anthropomorphique de l’opĂ©ra-tion de fusion-absorption, critiquable en ce que :

– d’une part elle ne tient pas compte de la spĂ©cificitĂ© de la personne morale, qui peut changer de forme sans pour autant ĂȘtre liquidĂ©e ;

– d’autre part, elle est sans rapport avec la rĂ©alitĂ© Ă©conomique.

Elle ouvre la voie Ă  une nouvelle interprĂ©tation de l’article 121-1 du code pĂ©nal, respectueuse de l’article 6, § 2, de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme,

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

permettant que la sociĂ©tĂ© absorbante soit condamnĂ©e pĂ©nalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avant l’opĂ©ration de fusion-absorption.

L’article 6 du code de procĂ©dure pĂ©nale, qui ne prĂ©voit pas expressĂ©ment l’extinc-tion de l’action publique lors de l’absorption d’une sociĂ©tĂ©, ne s’oppose pas non plus Ă  cette interprĂ©tation.

Cette interprĂ©tation, dĂšs lors qu’elle est possible, s’impose Ă  la Cour de cassation puisqu’elle est la seule Ă  permettre de tirer les consĂ©quences de l’arrĂȘt de la Cour de justice du 5 mars 2015, prĂ©citĂ©.

Dans son arrĂȘt, la chambre criminelle de la Cour de cassation expose l’intĂ©gralitĂ© du raisonnement suivi par la Cour de justice, s’appropriant ainsi les Ă©lĂ©ments relevĂ©s par la juridiction europĂ©enne pour motiver sa dĂ©cision (§§ 29 Ă  33) :

– l’opĂ©ration de fusion par absorption entraĂźne de façon automatique la cessation de l’existence de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e de sorte que sans la transmission Ă  la sociĂ©tĂ© absor-bante de la responsabilitĂ© contraventionnelle, cette responsabilitĂ© serait Ă©teinte ; une telle extinction serait en contradiction avec la nature mĂȘme de la fusion par absorp-tion au sens de la directive, dans la mesure oĂč, une telle fusion consiste en un transfert de l’ensemble du patrimoine de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© absorbante par suite d’une dissolution sans liquidation ;

– la transmission de la responsabilitĂ© contraventionnelle rĂ©pond Ă©galement Ă  l’objec-tif posĂ© par la directive de protection des tiers, parmi lesquels figure notamment l’État membre, qui ne peut pas encore ĂȘtre qualifiĂ© de crĂ©ancier, mais qui pourrait le deve-nir aprĂšs l’opĂ©ration, ses autoritĂ©s Ă©tant susceptibles d’infliger une sanction pour une infraction commise avant la fusion ;

– si la transmission d’une telle responsabilitĂ© Ă©tait exclue, une fusion constituerait un moyen pour une sociĂ©tĂ© d’échapper aux consĂ©quences des infractions qu’elle aurait commises, au dĂ©triment de l’État membre concernĂ© ou d’autres intĂ©ressĂ©s Ă©ventuels ;

– l’argument selon lequel la transmission de la responsabilitĂ© contraventionnelle d’une sociĂ©tĂ© absorbĂ©e moyennant une fusion serait contraire aux intĂ©rĂȘts des crĂ©anciers et des actionnaires de la sociĂ©tĂ© absorbante, dans la mesure oĂč ces derniers ne seraient pas Ă  mĂȘme d’évaluer les consĂ©quences Ă©conomiques et patrimoniales de cette fusion, doit ĂȘtre Ă©cartĂ© car :

– d’une part, lesdits crĂ©anciers doivent, en vertu de l’article 13, § 2, de la direc-tive 78/855/ CEE du Conseil du 9 octobre 1978, avoir le droit d’obtenir des garanties adĂ©quates lorsque la situation financiĂšre des sociĂ©tĂ©s qui fusionnent rend cette protec-tion nĂ©cessaire, le cas Ă©chĂ©ant en saisissant l’autoritĂ© administrative ou judiciaire com-pĂ©tente pour obtenir de telles garanties ;

– d’autre part les actionnaires de la sociĂ©tĂ© absorbante peuvent ĂȘtre protĂ©gĂ©s, notam-ment, par l’insertion d’une clause de dĂ©clarations et de garanties dans l’accord de fusion ;

– en outre, rien n’empĂȘche la sociĂ©tĂ© absorbante de faire effectuer avant la fusion un audit dĂ©taillĂ© de la situation Ă©conomique et juridique de la sociĂ©tĂ© Ă  absorber pour obte-nir, en plus des documents et des informations disponibles en vertu des dispositions lĂ©gislatives, une vue plus complĂšte des obligations de cette sociĂ©tĂ©.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

2.3 Une Ă©volution qui s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel interne convergent

Il convient de remarquer que la dĂ©cision de la chambre criminelle s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel interne favorable Ă  une telle Ă©volution.

Ainsi, la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique de la Cour de cassation admet l’application Ă  la sociĂ©tĂ© absorbante d’amendes civiles prononcĂ©es pour des man-quements Ă  la rĂ©glementation en matiĂšre de concurrence commis, avant la fusion, par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e (Com., 28 fĂ©vrier 2006, pourvoi no 05-12.138, Bull. 2006, IV, no 49 ; Com., 21 janvier 2014, pourvoi no 12-29.166, Bull. 2014, IV, no 11).

Le Conseil constitutionnel a validĂ© la jurisprudence de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique. Il a considĂ©rĂ© qu’elle ne portait pas atteinte au principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait, celui-ci pouvant faire l’objet d’adap-tations dĂšs lors que celles-ci sont justifiĂ©es par la nature de la sanction et par l’objet qu’elle poursuit et qu’elles sont proportionnĂ©es Ă  cet objet (Cons. const., 18 mai 2016, dĂ©cision no 2016-542 QPC, SociĂ©tĂ© ITM Alimentaire International SAS [PrononcĂ© d’une amende civile Ă  l’encontre d’une personne morale Ă  laquelle une entreprise a Ă©tĂ© transmise]). Il a en particulier retenu « la mutabilitĂ© des formes juridiques sous les-quelles s’exercent les activitĂ©s Ă©conomiques concernĂ©es ».

À l’appui de sa conclusion, le Conseil constitutionnel a notamment relevĂ© que l’amende civile encourue par la sociĂ©tĂ© absorbante est une sanction pĂ©cuniaire et qu’elle ne peut ĂȘtre prononcĂ©e que contre une personne bĂ©nĂ©ficiaire de la transmission du patrimoine de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e, dissoute sans liquidation.

Bien que le Conseil constitutionnel ait paru exclure, dans une incise, la possibilitĂ© d’une telle adaptation du principe de personnalitĂ© des dĂ©lits et des peines en droit pĂ©nal, en cohĂ©rence avec la jurisprudence de la chambre criminelle d’alors (voir le commen-taire de cette dĂ©cision publiĂ©e aux Cahiers), il convient de souligner qu’il n’a jamais Ă©tĂ© amenĂ© Ă  se prononcer directement sur cette question.

Le Conseil d’État, en matiĂšre de rĂ©gulation des marchĂ©s financiers et en matiĂšre fiscale, a Ă©galement admis que des sanctions pĂ©cuniaires soient prononcĂ©es Ă  l’encontre de la sociĂ©tĂ© absorbante pour des faits commis avant la fusion (CE, 22 novembre 2000, no 207697, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 30 mai 2007, no 293423, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, avis, 3e et 8e ss-sect., 4 dĂ©cembre 2009, no 329173, publiĂ© au Recueil Lebon, JORF no 0034 du 10 fĂ©vrier 2010 ; voir dans le mĂȘme sens, CE, 17 juillet 2013, no 352989, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 17 juillet 2013, no 356523, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 17 juillet 2013, no 360706, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 9 avril 2014, no 359913, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 23 juin 2014, no 352990, publiĂ© au Recueil Lebon ; CE, 23 juil-let 2014, no 359902, publiĂ© au Recueil Lebon).

Dans tous les cas, il s’agit d’éviter que les autoritĂ©s compĂ©tentes se voient empĂȘ-chĂ©es de sanctionner un comportement illĂ©gal par le simple jeu d’un mĂ©canisme du droit des sociĂ©tĂ©s.

Les enjeux sont importants en particulier dans des domaines comme le droit pĂ©nal de l’environnement, dans lesquels il apparaĂźt particuliĂšrement nĂ©cessaire de prĂ©server le caractĂšre effectif et dissuasif des peines susceptibles d’ĂȘtre prononcĂ©es.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

3. Les conditions et limites du transfert de responsabilité pénale de la société absor-bée à la société absorbante

La Cour de cassation précise les conditions et les limites du transfert de responsa-bilité pénale de la société absorbée à la société absorbante.

3.1 Une portée limitée aux fusions relevant de la directive relative à la fusion des sociétés anonymes

En premier lieu, ce transfert, issu de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative Ă  la fusion des sociĂ©tĂ©s anonymes, codifiĂ©e en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 14 juin 2017 relative Ă  certains aspects du droit des sociĂ©tĂ©s, ne s’applique que dans le champ d’application de celle-ci, Ă  savoir, pour la France, en cas de fusion de sociĂ©tĂ©s anonymes (§§ 35 et 37).

À ce titre, il convient cependant de prĂ©ciser que la directive relative aux fusions des sociĂ©tĂ©s anonymes est Ă©galement applicable aux sociĂ©tĂ©s par actions simplifiĂ©es (SAS). En effet, les SAS ne sont qu’une catĂ©gorie particuliĂšre de sociĂ©tĂ© par actions et sont soumises, dans la mesure oĂč elles sont compatibles avec les dispositions particuliĂšres les concernant, aux rĂšgles concernant les sociĂ©tĂ©s anonymes (article L. 227-1 du code de commerce, alinĂ©a 3 : « dans la mesure oĂč elles sont compatibles avec les dispositions particuliĂšres prĂ©vues par le prĂ©sent chapitre, les rĂšgles concernant les sociĂ©tĂ©s ano-nymes, Ă  l’exception de l’article L. 224-2, du second alinĂ©a de l’article L. 225-14, des articles L. 225-17 Ă  L. 225-102-2, L. 225-103 Ă  L. 225-126, L. 225-243, du I de l’ar-ticle L. 233-8 et du troisiĂšme alinĂ©a de l’article L. 236-6, sont applicables Ă  la sociĂ©tĂ© par actions simplifiĂ©e ».

3.2 Un transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale Ă  des fins Ă©ventuelles d’amende ou de confiscation

En deuxiĂšme lieu, seules les peines d’amende et de confiscation sont susceptibles d’ĂȘtre prononcĂ©es Ă  l’encontre de la sociĂ©tĂ© absorbante (§ 37).

Cette limitation s’impose de par le fondement du transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale, qui dĂ©coule de la transmission universelle du patrimoine de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© absorbante.

3.3 Des droits de la défense également transférés

En troisiĂšme lieu, il est prĂ©cisĂ© que la personne morale absorbĂ©e Ă©tant continuĂ©e par la sociĂ©tĂ© absorbante, cette derniĂšre, qui bĂ©nĂ©ficie des mĂȘmes droits que la sociĂ©tĂ© absor-bĂ©e, peut se prĂ©valoir de tout moyen de dĂ©fense que celle-ci aurait pu invoquer (§ 36).

Il pourrait en ĂȘtre ainsi, par exemple, de toute exception de nullitĂ©, y compris celles pour lesquelles seule la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e avait qualitĂ© pour agir.

4. L’application dans le temps du principe de transfert de la responsabilitĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© absorbante

Il rĂ©sulte de l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, tel qu’interprĂ©tĂ© par la Cour europĂ©enne des droits de l’homme que tout justiciable doit pouvoir savoir, Ă  partir du libellĂ© de la disposition pertinente, au besoin Ă  l’aide de l’interprĂ©tation qui en est donnĂ©e par les tribunaux et le cas Ă©chĂ©ant

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

aprÚs avoir recouru à des conseils éclairés, quels actes et omissions engagent sa respon-sabilité pénale et quelle peine il encourt de ce chef.

La Cour de cassation considĂšre que l’interprĂ©tation nouvelle posĂ©e dans l’arrĂȘt rendu le 25 novembre 2020 constitue un revirement substantiel de jurisprudence et que le prin-cipe de prĂ©visibilitĂ© s’oppose Ă  son application aux fusions antĂ©rieures Ă  sa dĂ©cision (§ 38).

Elle ne pourra s’appliquer qu’aux opĂ©rations de fusion conclues postĂ©rieurement au 25 novembre 2020 (§ 39).

L’absence de transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale de la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© absorbante lorsque la fusion est antĂ©rieure au 25 novembre 2020, ou lorsque l’opĂ©ra-tion n’entre pas dans le champ de la directive prĂ©citĂ©e amĂšne la chambre criminelle de la Cour de cassation Ă  s’interroger sur l’incidence que peut avoir l’existence d’une fraude Ă  la loi dans ces hypothĂšses.

5. L’incidence d’une fraude à la loi

La Cour de cassation juge Ă©galement que l’existence d’une fraude Ă  la loi permet au juge de prononcer toute sanction pĂ©nale encourue Ă  l’encontre de la sociĂ©tĂ© absor-bante lorsque l’opĂ©ration de fusion-absorption a eu pour objectif de faire Ă©chapper la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  sa responsabilitĂ© pĂ©nale.

5.1 Le nouveau principe de responsabilité pénale en cas de fraude dans la fusion-absorption

Les rĂ©ponses apportĂ©es par la chambre criminelle de la Cour de cassation sur les ques-tions du transfert de la responsabilitĂ© pĂ©nale en cas de fusion-absorption et de son application dans le temps l’amĂšnent Ă  se demander si la solution doit ĂȘtre diffĂ©rente en cas de fraude.

La chambre criminelle n’avait jusqu’ici pas eu l’occasion de se prononcer sur l’in-cidence d’une fraude Ă  la loi commise Ă  l’occasion d’une opĂ©ration de fusion.

Pour autant, cette notion n’est pas Ă©trangĂšre Ă  sa jurisprudence et elle en a dĂ©jĂ  fait application en droit pĂ©nal des sociĂ©tĂ©s.

Ainsi, dans un arrĂȘt du 23 avril 1970 (Crim., 23 avril 1970, pourvoi no 68-91.333, Bull. crim. 1970, no 144), elle a jugĂ© qu’il incombe aux juges correctionnels, saisis Ă  cet Ă©gard de conclusions rĂ©guliĂšres d’une partie civile, de rechercher si la substitution d’une sociĂ©tĂ© commerciale Ă  une autre n’a pas dissimulĂ© la continuation d’une mĂȘme entreprise et si le changement de forme juridique apportĂ© Ă  cette entreprise n’a pas Ă©tĂ© utilisĂ©, en fraude de la loi, pour faire Ă©chec Ă  la libre dĂ©signation des dĂ©lĂ©guĂ©s du per-sonnel et des membres du comitĂ© d’entreprise.

La chambre criminelle de la Cour de cassation affirme, pour la premiĂšre fois, que l’existence d’une fraude Ă  la loi permet au juge de prononcer une sanction pĂ©nale Ă  l’encontre de la sociĂ©tĂ© absorbante lorsque l’opĂ©ration de fusion-absorption a eu pour but de faire Ă©chapper la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  sa responsabilitĂ© pĂ©nale (§ 41).

5.2 Conditions de mise en Ɠuvre de cette jurisprudence

Application dans le temps

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

Cette doctrine, expressĂ©ment Ă©noncĂ©e dans l’arrĂȘt rendu, ne constitue pas un revi-rement de jurisprudence et n’était pas imprĂ©visible. DĂšs lors, elle s’applique immĂ©dia-tement, y compris aux fusions conclues antĂ©rieurement (§ 42).

Il s’en dĂ©duit que si le juge rĂ©pressif constate qu’il a Ă©tĂ© procĂ©dĂ©, en fraude Ă  la loi, Ă  une opĂ©ration de fusion-absorption pour faire Ă©chec aux poursuites diligentĂ©es contre la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e, il peut, aprĂšs avoir constatĂ© que les faits objets des poursuites sont caractĂ©risĂ©s, dĂ©clarer la sociĂ©tĂ© absorbante coupable de ces faits.

Cette solution s’applique que la fusion ait Ă©tĂ© conclue avant ou aprĂšs le 25 novembre 2020 et qu’elle entre ou non dans le champ de la directive prĂ©citĂ©e.

Responsabilité pénale pleine et entiÚre

Dans cette hypothĂšse, l’effet illicite recherchĂ© devant ĂȘtre considĂ©rĂ© comme non avenu, toute peine encourue par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e peut ĂȘtre prononcĂ©e Ă  l’encontre de la sociĂ©tĂ© absorbante.

La sociĂ©tĂ© absorbante conserve la possibilitĂ© d’invoquer tout moyen de dĂ©fense que la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e aurait pu invoquer.

Par consĂ©quent, dans l’affaire qui lui Ă©tait soumise, la Cour de cassation a conclu qu’en ordonnant un supplĂ©ment d’information dans le but, notamment, de dĂ©termi-ner si l’opĂ©ration avait Ă©tĂ© entachĂ©e de fraude, la cour d’appel n’a pas mĂ©connu le droit applicable au moment oĂč elle a statuĂ© (§ 43).

L’on relĂšvera que toutefois l’arrĂȘt attaquĂ© est censurĂ© mais pour un motif autre. En effet la cour d’appel, qui n’a pas dĂ©signĂ© l’un de ses membres pour procĂ©der au sup-plĂ©ment d’information qu’elle a ordonnĂ©, a mĂ©connu les articles 463 et 512 du code de procĂ©dure pĂ©nale (§§ 47 Ă  49).

3. Procédure pénale

Action publique – Mise en mouvement – MinistĂšre public – Procureur de la RĂ©publique financier – CompĂ©tence matĂ©rielle – DĂ©termination – Affaire de grande complexitĂ© – Applications diversesCrim., 1er avril 2020, pourvoi no 19-80.875, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Planchon et avis de Mme MoracchiniLe procureur de la RĂ©publique financier est compĂ©tent, en application du 6Âș de l’ar-ticle 705 du code de procĂ©dure pĂ©nale, pour la poursuite du dĂ©lit de blanchiment des infractions figurant, notamment, aux 1Âș Ă  5Âș du mĂȘme article, parmi lesquelles figure celle de dĂ©tournement de biens publics prĂ©vue par l’article 432-15 du code pĂ©nal, lorsque les faits revĂȘtent un caractĂšre de complexitĂ© qui peut ĂȘtre caractĂ©risĂ©, notam-ment, par la dimension internationale des faits, la prĂ©sence de multiples sociĂ©tĂ©s Ă©crans dans plusieurs pays considĂ©rĂ©s comme des paradis fiscaux et des circuits de blanchi-ment complexes.Une interprĂ©tation stricte de l’article 705 susvisĂ©, tendant Ă  interdire au procureur de la RĂ©publique financier, de connaĂźtre du dĂ©lit de blanchiment de sommes, produit d’infrac-tions commises Ă  l’étranger pouvant correspondre Ă  l’un des dĂ©lits susvisĂ©s va Ă  l’encontre de la volontĂ© du lĂ©gislateur qui, en votant la loi nÂș 2013-1115 du 6 dĂ©cembre 2013, a

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souhaitĂ© doter l’organisation judiciaire d’un parquet hautement spĂ©cialisĂ© dont l’objet, Ă  la faveur d’une centralisation des moyens et des compĂ©tences, est de lutter contre les formes les plus complexes de la dĂ©linquance Ă©conomique et financiĂšre Ă  dimen-sion, notamment, internationale.Elle est Ă©galement en contradiction avec la volontĂ© des instances europĂ©ennes et inter-nationales qui tendent Ă  favoriser la dimension internationale des poursuites en matiĂšre de blanchiment.Justifie en consĂ©quence sa dĂ©cision la chambre de l’instruction qui confirme la saisie d’un bien immobilier ordonnĂ©e dans le cadre d’une enquĂȘte prĂ©liminaire ouverte par le procureur de la RĂ©publique financier du chef de blanchiment aggravĂ© de sommes constituant le produit d’un dĂ©lit commis Ă  l’étranger consistant dans le dĂ©tournement de fonds au prĂ©judice de personnes publiques Ă  l’aide de sociĂ©tĂ©s Ă©crans localisĂ©es dans d’autres pays Ă©trangers, dĂšs lors que la Cour de cassation est en mesure de s’assurer que ces faits peuvent recevoir, en France, la qualification de dĂ©tournements de biens publics, faits prĂ©vus et rĂ©primĂ©s par l’article 432-15 du code pĂ©nal, dĂ©jĂ  en vigueur Ă  la date de commission des faits par les mis en cause.

Le procureur de la RĂ©publique financier ou parquet national financier (PNF) a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par la loi no 2013-1117 du 6 dĂ©cembre 2013 relative Ă  la lutte contre la fraude fis-cale et la grande dĂ©linquance Ă©conomique et financiĂšre et la Cour de cassation a eu peu d’occasions de se prononcer sur ses pouvoirs et ses compĂ©tences.

L’arrĂȘt du 1er avril 2020 (Crim., 1er avril 2020, pourvoi no 19-80.875, publiĂ© au Bulletin) lui permet de prĂ©ciser la compĂ©tence de ce magistrat en matiĂšre de blanchi-ment de sommes provenant de dĂ©lits commis Ă  l’étranger.

En l’espĂšce, un ancien ministre des finances de la rĂ©gion de Moscou et son Ă©pouse faisaient l’objet de poursuites devant les juridictions judiciaires russes pour des faits de dĂ©tournements de droits de crĂ©ances et de fonds publics qui lui avaient Ă©tĂ© confiĂ©s en raison de sa qualitĂ© et de blanchiment des biens dĂ©tournĂ©s. La seconde Ă©tait Ă©galement impliquĂ©e, au moins indirectement, dans l’acquisition d’hĂŽtels de luxe sur le territoire français grĂące aux fonds dĂ©tournĂ©s, l’opĂ©ration Ă©tant susceptible de constituer le dĂ©lit de blanchiment, dont s’est saisi le PNF.

La chambre de l’instruction dont l’arrĂȘt a fait l’objet du pourvoi Ă©tait saisie de l’ap-pel, par chacune des sociĂ©tĂ©s propriĂ©taires des hĂŽtels, des mesures de saisies de ces biens immobiliers, ordonnĂ©es par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, sur requĂȘte du pro-cureur de la RĂ©publique financier.

Le premier moyen concerne la compĂ©tence de ce magistrat et soutient que, n’ayant Ă©tĂ© instituĂ© que pour veiller Ă  la moralisation de la vie publique française, il ne pouvait ĂȘtre saisi de faits de blanchiment, intervenus sur le sol français, ayant pour infraction d’origine des dĂ©tournements commis Ă  l’étranger.

L’article 705, 6o, du code de procĂ©dure pĂ©nale consacre la compĂ©tence du PNF pour connaĂźtre du dĂ©lit de blanchiment de l’une des infractions visĂ©es du 1o au 5o du mĂȘme article, parmi lesquelles figure le dĂ©lit de dĂ©tournement de biens publics rĂ©primĂ© par l’article 432-15 du code pĂ©nal, dĂšs lors qu’il s’agit d’affaires d’une grande complexitĂ© telle que dĂ©finie au 1o de ces dispositions.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord sa jurisprudence en matiĂšre de blanchi-ment, infraction gĂ©nĂ©rale, distincte et autonome, dont il rĂ©sulte qu’il n’est pas nĂ©cessaire

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

ni que l’infraction ayant permis d’obtenir les sommes blanchies ait Ă©tĂ© commise sur le ter-ritoire national, ni que les juridictions françaises soient compĂ©tentes pour la poursuivre.

Elle fait ensuite Ă©tat de la volontĂ© qui a prĂ©sidĂ© au vote de la loi no 2013-1115 du 6 dĂ©cembre 2013 susvisĂ©e, de confier au procureur de la RĂ©publique financier le rĂŽle d’interlocuteur privilĂ©giĂ© Ă  la fois des autoritĂ©s judiciaires Ă©trangĂšres dans le cadre de l’entraide pĂ©nale internationale et du procureur europĂ©en, les parlementaires insistant sur la visibilitĂ© donnĂ©e Ă  l’action de la France en matiĂšre de lutte contre le crime organisĂ©.

La Cour de cassation relĂšve ensuite que l’interprĂ©tation stricte de l’article 705 du code de procĂ©dure pĂ©nale dĂ©fendue par la demanderesse est Ă©galement « en contradic-tion avec la volontĂ© des instances europĂ©ennes et internationales qui tendent Ă  favori-ser la dimension internationale des poursuites en matiĂšre de blanchiment », dimension encore renforcĂ©e depuis par la directive (UE) 2018/843 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative Ă  la prĂ©vention de l’utilisation du systĂšme financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du finan-cement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE.

Pour Ă©tablir que les fonds blanchis en France avaient pour origine une infraction susceptible de correspondre au dĂ©lit de dĂ©tournement de biens publics visĂ© au 1o de l’article 705 du code de procĂ©dure pĂ©nale, la Cour de cassation recherche si les faits commis en Russie peuvent recevoir une qualification pĂ©nale en France.

Cet exercice, fondĂ© sur le principe d’autonomie du dĂ©lit de blanchiment, est simi-laire Ă  celui de la rĂšgle de la double incrimination, rappelĂ©e par l’article 113-6, alinĂ©a 2, du code pĂ©nal qui dĂ©finit la compĂ©tence des juridictions françaises pour des dĂ©lits commis par un Français hors du territoire de la RĂ©publique qui doivent ĂȘtre punis par la lĂ©gislation du pays concernĂ©, et qui constitue aussi l’un des Ă©lĂ©ments conditionnant la remise d’une personne se trouvant sous le coup d’un mandat d’arrĂȘt europĂ©en ou d’une procĂ©dure d’extradition.

Cette rĂšgle a donnĂ© lieu Ă  une abondante jurisprudence du Conseil d’État comme de la Cour de cassation en matiĂšre d’extradition, de laquelle il ressort qu’il n’est pas exigĂ© que la qualification française donnĂ©e par la chambre de l’instruction aux faits fon-dant la demande d’extradition corresponde en tous points Ă  la qualification Ă©trangĂšre.

Ainsi, le Conseil d’État a admis que l’infraction de trafic d’influence relevant du droit français pouvait correspondre Ă  celle de concussion visĂ©e par le droit Ă©tran-ger (CE, 2/1 SSR, 8 dĂ©cembre 2000, no 215357, publiĂ© au recueil Lebon) tandis que la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmĂ© la remise aux autoritĂ©s belges ou algĂ©riennes de ressortissants de ces pays poursuivis, notamment, pour des faits de dĂ©tournement de fonds publics en relevant leur adĂ©quation avec notre dĂ©lit de dĂ©tour-nement de biens publics visĂ© Ă  l’article 432-15 du code pĂ©nal (Crim., 23 aoĂ»t 2006, pourvoi no 06-85.847, pour la Belgique et Crim., 11 mai 2005, pourvoi no 05-81.111, Bull. crim. 2005, no 147 pour l’AlgĂ©rie).

La chambre criminelle de la Cour de cassation, aprĂšs avoir relevĂ© que les biens acquis sur le territoire français pouvaient l’avoir Ă©tĂ© Ă  l’aide des fonds provenant des infractions commises en Russie et s’appuyant sur les piĂšces de la procĂ©dure dont elle a le contrĂŽle, souligne donc les correspondances entre les faits commis en Russie Ă©voquĂ©s ci-dessus avec le dĂ©lit dĂ©fini par l’article 432-15 du code pĂ©nal ainsi que leur caractĂšre

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de grande complexitĂ© au sens de l’article 705, 1o, du code de procĂ©dure pĂ©nale carac-tĂ©risĂ© par le recours Ă  des sociĂ©tĂ©s Ă©crans dissĂ©minĂ©es dans plusieurs États Ă©trangers.

Elle conclut qu’elle est en mesure de s’assurer que les faits constituant l’infrac-tion d’origine du dĂ©lit de blanchiment commis en Russie peuvent recevoir en France la qualification de dĂ©tournements de biens publics, faits prĂ©vus et rĂ©primĂ©s par l’ar-ticle 432-15 du code pĂ©nal, dĂ©jĂ  en vigueur Ă  la date de commission des faits par les mis en cause, et que c’est donc Ă  bon droit que le procureur de la RĂ©publique finan-cier a diligentĂ©, en France, une enquĂȘte prĂ©liminaire sur le blanchiment de fonds qui en constituent le produit.

Cet arrĂȘt est Ă©galement l’occasion pour la chambre criminelle de prĂ©ciser sa juris-prudence en matiĂšre d’accĂšs aux piĂšces s’agissant du contentieux des saisies.

La demanderesse reprochait en effet Ă  la chambre de l’instruction de ne pas avoir mis Ă  sa disposition les piĂšces visĂ©es par l’arrĂȘt, Ă  savoir un procĂšs-verbal d’audition du commissaire aux comptes d’une des sociĂ©tĂ©s impliquĂ©es dans les faits de blanchi-ment, et les informations issues d’une demande d’entraide pĂ©nale des autoritĂ©s russes.

L’article 25 de la loi no 2013-1117 du 6 dĂ©cembre 2013 prĂ©citĂ©e a prĂ©vu, notamment, dans les deux derniĂšres phrases du second alinĂ©a des articles 706-148, 706-150 et 706-153 et les deux derniĂšres phrases du deuxiĂšme alinĂ©a de l’article 706-158 du code de procĂ©dure pĂ©nale relatifs aux saisies spĂ©ciales, que l’appelant ne peut prĂ©tendre qu’à la mise Ă  disposition des seules piĂšces de la procĂ©dure se rapportant Ă  la saisie qu’il conteste.

La chambre criminelle de la Cour de cassation, aprĂšs avoir jugĂ© que cette restriction Ă  la mise Ă  disposition des piĂšces du dossier ne mĂ©connaĂźt pas l’article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme (Crim., 25 fĂ©vrier 2015, pourvoi no 14-86.447, Bull. crim. 2015, no 36), s’est employĂ©e depuis Ă  dĂ©finir ce que l’on entend par la notion de piĂšces se rapportant Ă  la saisie.

Elle a ainsi jugĂ© qu’entrent dans cette catĂ©gorie la requĂȘte du ministĂšre public, l’or-donnance attaquĂ©e et, le cas Ă©chĂ©ant, la dĂ©cision de saisie (avant l’entrĂ©e en vigueur de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice, Ă  l’exception de la saisie de patrimoine qui devait ĂȘtre ordonnĂ©e par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, les autres saisies spĂ©ciales n’étaient qu’autorisĂ©es par ce magistrat, le ministĂšre public Ă©tant tenu de rendre une dĂ©cision pour les mettre Ă  exĂ©-cution) prĂ©cisant les Ă©lĂ©ments sur lesquels se fonde la mesure de saisie immobiliĂšre (Crim., 13 juin 2018, pourvoi no 17-83.238 ; Crim., 13 juin 2018, pourvoi no 17-83.242).

Depuis, elle a ajoutĂ©, s’agissant de la saisie d’un compte bancaire fondĂ©e sur l’ar-ticle 706-154 du code de procĂ©dure pĂ©nale, le procĂšs-verbal constatant les opĂ©rations de saisie initiale, la requĂȘte du ministĂšre public sollicitant le maintien de celle-ci (Crim., 24 juin 2020, pourvoi no 19-84.631, publiĂ© au Bulletin).

Par ailleurs, elle a consacrĂ© le droit pour l’appelant de se voir communiquer les piĂšces sur lesquelles la chambre de l’instruction s’est appuyĂ©e pour confirmer la dĂ©ci-sion de saisie (Crim., 13 juin 2018, pourvoi no 17-83.893, Bull. crim. 2018, no 110), Ă©tant prĂ©cisĂ© que sont seules concernĂ©es celles qui sont visĂ©es dans les motifs dĂ©cisoires de l’arrĂȘt (Crim., 30 janvier 2019, pourvoi no 18-82.644, Bull. crim. 2019, no 31 ; Crim., 23 octobre 2019, pourvoi no 18-87.097, publiĂ© au Bulletin).

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

En l’espĂšce, la Cour de cassation relĂšve qu’il a Ă©tĂ© communiquĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© requĂ©-rante les piĂšces sur la base desquelles la chambre de l’instruction s’est prononcĂ©e, et, notamment, la requĂȘte du procureur de la RĂ©publique financier faisant Ă©tat tant du tĂ©moignage du commissaire aux comptes de la sociĂ©tĂ© S. que du contenu de la demande d’entraide pĂ©nale internationale et rejette donc le pourvoi.

Ainsi donc, mĂȘme si les piĂšces susvisĂ©es n’ont pas Ă©tĂ©, en tant que telles, communi-quĂ©es Ă  l’appelante, contrairement Ă  la requĂȘte du procureur de la RĂ©publique finan-cier sur le contenu de laquelle la chambre de l’instruction s’est fondĂ©e, le fait que cet acte en reprenne les principaux Ă©lĂ©ments, est suffisant pour la Cour pour s’assurer que le principe du contradictoire a Ă©tĂ© respectĂ©.

Par la dĂ©cision commentĂ©e, la Cour de cassation a donc consacrĂ© la vocation inter-nationale du procureur de la RĂ©publique financier et confirmĂ© sa compĂ©tence pour connaĂźtre du dĂ©lit de blanchiment de faits constitutifs d’atteinte Ă  la probitĂ© commis Ă  l’étranger.

DĂ©tention provisoire â€“ Ordonnance de mise en accusation – Comparution du prĂ©venu dĂ©tenu devant la cour d’assises – DĂ©lai de comparution – Prolongation du dĂ©lai de comparution – Chambre de l’instruction – Maintien de la dĂ©tention provisoire – ContrĂŽle – NĂ©cessitĂ©Crim., 26 mai 2020, pourvoi nÂș 20-81.910, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Labrousse et avis de M. Desportes1. L’article 16 de l’ordonnance nÂș 2020-303 du 25 mars 2020 s’interprĂšte comme prolon-geant, sans intervention judiciaire, pour les durĂ©es qu’il prĂ©voit, tout titre de dĂ©tention venant Ă  expiration, mais Ă  une seule reprise au cours de chaque procĂ©dure.2. L’article 16 prĂ©citĂ© n’excĂšde pas les limites de la loi d’habilitation nÂș 2020-290 du 23 mars 2020.3. Il rĂ©sulte de l’article 5 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme que lorsque la loi prĂ©voit, au-delĂ  de la durĂ©e initiale qu’elle dĂ©termine pour chaque titre concernĂ©, la prolongation d’une mesure de dĂ©tention provisoire, l’intervention du juge judiciaire est nĂ©cessaire comme garantie contre l’arbitraire.DĂšs lors, l’article 16 prĂ©citĂ© de l’ordonnance n’est compatible avec l’article 5 de cette Convention et la prolongation qu’il prĂ©voit rĂ©guliĂšre que si la juridiction qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tente pour prolonger la dĂ©tention rend une dĂ©cision par laquelle elle se pro-nonce sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention, dans le cadre d’un dĂ©bat contradic-toire tenu, le cas Ă©chĂ©ant, selon les modalitĂ©s prĂ©vues par l’article 19 de l’ordonnance.Cette dĂ©cision doit intervenir dans un dĂ©lai qui court Ă  compter de la date d’expiration du titre ayant Ă©tĂ© prolongĂ© de plein droit et qui ne peut ĂȘtre supĂ©rieur, d’une part, Ă  un mois en matiĂšre dĂ©lictuelle, d’autre part, Ă  trois mois en matiĂšre criminelle ainsi qu’en cas d’appel de la condamnation prononcĂ©e en premiĂšre instance.

Une telle dĂ©cision ne s’impose pas lorsqu’en premiĂšre instance ou en appel, la juridiction compĂ©tente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provi-soire, a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de cette mesure dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©.Elle ne s’impose pas non plus si la juridiction compĂ©tente a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©tention, d’office ou lors de l’examen d’une demande de mise en libertĂ©, toujours dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Dans les autres cas, si l’intĂ©ressĂ© n’a pas, entre-temps, fait l’objet d’un nouveau titre de dĂ©tention, il incombe au juge d’effectuer ce contrĂŽle dans les dĂ©lais prĂ©citĂ©s, Ă  moins que, dans ce dĂ©lai, il n’ait dĂ©jĂ  exercĂ© son contrĂŽle en application de l’article 16-1, alinĂ©a 5, de l’ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020.À dĂ©faut d’un tel contrĂŽle et sauf s’il est dĂ©tenu pour autre cause, l’intĂ©ressĂ© doit ĂȘtre immĂ©diatement remis en libertĂ©.

Encourt dĂšs lors la cassation l’arrĂȘt qui, aprĂšs avoir relevĂ© que le dĂ©lai de comparu-tion devant la cour d’assises avait Ă©tĂ© prolongĂ© de six mois de plein droit, Ă©nonce que la saisine de la chambre de l’instruction est devenue sans objet, alors qu’il appartenait Ă  cette juridiction de statuer sur la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©tention de l’accusĂ©, qui sollicitait d’ailleurs sa mise en libertĂ© dans son mĂ©moire.

DĂ©tention provisoire – Chambre de l’instruction â€“ Appel d’une dĂ©cision de  prolongation – Maintien en dĂ©tention provisoire â€“ ContrĂŽle – NĂ©cessitĂ©Crim., 26 mai 2020, pourvoi nÂș 20-81.971, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Labrousse et avis de M. Desportes1. L’article 16 de l’ordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 s’interprĂšte comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durĂ©es qu’il prĂ©voit, tout titre de dĂ©tention venant Ă  expiration, mais Ă  une seule reprise au cours de chaque procĂ©dure.2. L’article 16 prĂ©citĂ© n’excĂšde pas les limites de la loi d’habilitation nÂș 2020-290 du 23 mars 2020.3. Il rĂ©sulte de l’article 5 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme que lorsque la loi prĂ©voit, au-delĂ  de la durĂ©e initiale qu’elle dĂ©termine pour chaque titre concernĂ©, la prolongation d’une mesure de dĂ©tention provisoire, l’intervention du juge judiciaire est nĂ©cessaire comme garantie contre l’arbitraire.DĂšs lors, l’article 16 prĂ©citĂ© de l’ordonnance n’est compatible avec l’article 5 de cette Convention et la prolongation qu’il prĂ©voit rĂ©guliĂšre que si la juridiction qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tente pour prolonger la dĂ©tention rend une dĂ©cision par laquelle elle se pro-nonce sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention, dans le cadre d’un dĂ©bat contradic-toire tenu, le cas Ă©chĂ©ant, selon les modalitĂ©s prĂ©vues par l’article 19 de l’ordonnance.Cette dĂ©cision doit intervenir dans un dĂ©lai qui court Ă  compter de la date d’expiration du titre ayant Ă©tĂ© prolongĂ© de plein droit et qui ne peut ĂȘtre supĂ©rieur d’une part, Ă  un mois en matiĂšre dĂ©lictuelle, d’autre part, Ă  trois mois en matiĂšre criminelle ainsi qu’en cas d’appel de la condamnation prononcĂ©e en premiĂšre instance.

Une telle dĂ©cision ne s’impose pas lorsqu’en premiĂšre instance ou en appel, la juridiction compĂ©tente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provi-soire, a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de cette mesure dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©.Elle ne s’impose pas non plus si la juridiction compĂ©tente a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©tention, d’office ou lors de l’examen d’une demande de mise en libertĂ©, tou-jours dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©.Dans les autres cas, si l’intĂ©ressĂ© n’a pas, entre-temps, fait l’objet d’un nouveau titre de dĂ©tention, il incombe au juge d’effectuer ce contrĂŽle dans les dĂ©lais prĂ©citĂ©s, Ă  moins que, dans ce dĂ©lai, il n’ait dĂ©jĂ  exercĂ© son contrĂŽle en application de l’article 16-1, alinĂ©a 5, de l’ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020.À dĂ©faut d’un tel contrĂŽle et sauf s’il est dĂ©tenu pour autre cause, l’intĂ©ressĂ© doit ĂȘtre immĂ©diatement remis en libertĂ©.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

Encourt dĂšs lors la cassation l’arrĂȘt, qui, pour confirmer l’ordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention ayant constatĂ© la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire de la personne mise en examen, Ă©nonce que ce juge n’a pu que constater cette prolon-gation, alors qu’il appartenait Ă  la chambre de l’instruction de statuer sur la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©tention de la personne mise en examen, qui sollicitait d’ailleurs sa mise en libertĂ© dans son mĂ©moire.

Par ces arrĂȘts, la chambre criminelle de la Cour de cassation a tranchĂ© plusieurs ques-tions de principe concernant l’article 16 de l’ordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de rĂšgles de procĂ©dure pĂ©nale sur le fondement de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face Ă  l’épidĂ©mie de Covid-19 dont l’objet Ă©tait de prolonger de plein droit la dĂ©tention provisoire durant l’état d’urgence sanitaire.

Il convient de rappeler que, pour faire face au risque sanitaire majeur provoquĂ© par l’épidĂ©mie de Covid-19, le lĂ©gislateur a adoptĂ©, le 23 mars 2020, une loi dĂ©clarant l’état d’urgence sanitaire pour deux mois et autorisant, dans son article 1er, le gouver-nement Ă  modifier par ordonnances, dans les conditions prĂ©vues Ă  l’article 38 de la Constitution, les rĂšgles relatives au « dĂ©roulement et Ă  la durĂ©e des dĂ©tentions provi-soires [
] aux seules fins de limiter la propagation de l’épidĂ©mie de Covid-19 parmi les personnes participant Ă  ces procĂ©dures ».

C’est sur le fondement de cette habilitation lĂ©gislative que le gouvernement a adoptĂ© l’ordonnance no 2020-303 prĂ©citĂ©e qui, en son article 16, prĂ©voyait une prolongation de plein droit « des dĂ©lais maximums de dĂ©tention provisoire », pour des durĂ©es variables selon la peine encourue.

En application de l’article 15 de l’ordonnance prĂ©citĂ©e, cette disposition devait s’ap-pliquer aux dĂ©tentions provisoires en cours ou dĂ©butant entre le 26 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire. Toutefois, la loi no 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complĂ©tant ses dispositions a insĂ©rĂ©, au sein de l’ordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e, un article 16-1 qui a mis fin Ă  l’application des dispositions contestĂ©es pour les dĂ©tentions provisoires venant Ă  expiration Ă  compter du 11 mai 2020. Ainsi, les dispositions contestĂ©es se sont appliquĂ©es aux seules dĂ©ten-tions provisoires dont les titres devaient expirer entre le 26 mars et le 11 mai 2020.

Pour autant, les arrĂȘts prĂ©citĂ©s, par la rĂ©ponse de principe qu’ils ont apportĂ©e Ă  la question inĂ©dite de la conformitĂ© de la prolongation automatique d’un titre de dĂ©ten-tion venant Ă  expiration aux exigences conventionnelles en matiĂšre de libertĂ© indivi-duelle, revĂȘtent une importance capitale.

Avant d’expliciter cette rĂ©ponse et d’analyser la portĂ©e des arrĂȘts commentĂ©s, il convient de prĂ©ciser l’interprĂ©tation faite par la chambre criminelle de l’article 16 prĂ©citĂ©.

1. L’interprĂ©tation de l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020

L’article 16 de l’ordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de rĂšgles de procĂ©dure pĂ©nale sur le fondement de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face Ă  l’épidĂ©mie de Covid-19 disposait que « les dĂ©lais maximums de dĂ©tention provisoire » [qu’il s’agisse des dĂ©tentions au cours de l’instruction ou des dĂ©tentions pour l’audiencement] « sont prolongĂ©s de plein droit » pour une durĂ©e de deux ou trois mois en matiĂšre correctionnelle, de six mois en matiĂšre criminelle ainsi qu’en matiĂšre correctionnelle pour l’audiencement des affaires devant la cour d’appel.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Cette disposition a soulevĂ© une difficultĂ© majeure d’interprĂ©tation, source d’une insĂ©curitĂ© juridique importante.

La question se posait en effet de savoir si l’expression « dĂ©lais maximums de dĂ©ten-tion provisoire » dĂ©signait la durĂ©e totale de la dĂ©tention susceptible d’ĂȘtre subie aprĂšs l’ultime prolongation permise par le code de procĂ©dure pĂ©nale ou la durĂ©e au terme de laquelle le titre de dĂ©tention cesse de produire effet en l’absence de dĂ©cision de prolongation.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugĂ© que l’article 16 de l’ordon-nance du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e s’interprĂ©tait comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durĂ©es qu’il prĂ©voyait, tout titre de dĂ©tention venant Ă  expiration, mais Ă  une seule reprise au cours de chaque procĂ©dure.

Dans une motivation enrichie, la chambre criminelle a développé le raisonnement suivant :

– l’expression « dĂ©lais maximums de dĂ©tention provisoire » ne permet pas, Ă  elle seule, de dĂ©terminer la portĂ©e de l’article 16 ;

– les autres articles de l’ordonnance ne permettent pas davantage d’interprĂ©ter de façon Ă©vidente, dans un sens ou dans un autre, les termes de « dĂ©lais maximums » ;

– en revanche, l’expression « prolongation de plein droit » des dĂ©lais maximums de dĂ©tention provisoire ne peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e que comme signifiant l’allongement de ces dĂ©lais, pour la durĂ©e mentionnĂ©e Ă  l’article 16, sans que ne soit prĂ©vue l’interven-tion d’un juge ;

– or, il serait paradoxal que l’article 16 ait prĂ©vu que l’allongement de la durĂ©e totale de la dĂ©tention s’effectue sans intervention judiciaire tandis que l’allongement d’un titre de dĂ©tention intermĂ©diaire serait subordonnĂ© Ă  une dĂ©cision judiciaire prise en appli-cation de l’article 19 de l’ordonnance.

2. L’examen de la conventionnalitĂ© de l’article 16

L’article 16 ainsi interprĂ©tĂ©, la chambre criminelle de la Cour de cassation a exa-minĂ© sa conformitĂ© Ă  l’article 5 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, comme l’y invitaient les moyens des demandeurs.

Comme elle l’a rĂ©affirmĂ© dans son arrĂȘt du 15 avril 2011 rendu par sa formation la plus solennelle (Ass. plĂ©n., 15 avril 2011, pourvoi no 10-17.049, Bull. crim. 2011, Ass. plĂ©n., no 1), la Cour de cassation juge en effet de façon constante que le juge national est le juge de droit commun de la conventionnalitĂ©.

L’article 5 de la Convention prĂ©citĂ©e garantit que nul ne doit ĂȘtre privĂ© de sa libertĂ© individuelle de maniĂšre arbitraire.

La Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH) en dĂ©duit qu’un individu placĂ© en dĂ©tention provisoire ne doit pas courir le risque de rester en dĂ©tention aprĂšs le moment oĂč sa privation de libertĂ© a perdu toute justification. En consĂ©quence, la circonstance qu’un individu ait Ă©tĂ© lĂ©galement placĂ© en dĂ©tention provisoire ne dispense pas d’un contrĂŽle juridictionnel pĂ©riodique, Ă  des intervalles rĂ©guliers, de la lĂ©galitĂ© et du bien-fondĂ© de celle-ci (CEDH, arrĂȘt du 25 octobre 1989, Bezicheri c. Italie, no 11400/85, SĂ©rie A, p. 164 ; CEDH, arrĂȘt du 9 janvier 2003, Chichkov c. Bulgarie, no 38822/97).

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

La France n’ayant pas exercĂ© le droit de dĂ©rogation prĂ©vu Ă  l’article 15 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, il incombait Ă  la chambre criminelle de la Cour de cassation de confronter l’article 16 de l’ordonnance prĂ©citĂ©e aux exi-gences de l’article 5 de la Convention, sans tenir compte du contexte d’urgence sani-taire dans lequel il avait Ă©tĂ© adoptĂ©.

Pour remplir son office, la chambre criminelle a relevĂ© les deux principales consĂ©-quences attachĂ©es Ă  une prolongation d’un titre de dĂ©tention provisoire, sans inter-vention du juge, Ă  savoir :

– d’une part, l’article 16 conduisait Ă  maintenir en dĂ©tention, de par le seul effet de la loi et sans dĂ©cision judiciaire, des personnes dĂ©tenues, au-delĂ  de la durĂ©e du terme du titre de dĂ©tention et retirait ainsi Ă  la juridiction compĂ©tente le pouvoir d’apprĂ©cier, dans tous les cas, s’il y avait lieu d’ordonner la mise en libertĂ© de la personne dĂ©tenue, au regard des critĂšres prĂ©vus par le code de procĂ©dure pĂ©nale ;

– d’autre part, ce mĂȘme texte conduisait Ă  diffĂ©rer, Ă  l’égard de tous les dĂ©tenus, l’exa-men systĂ©matique, par la juridiction compĂ©tente, de la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©ten-tion et du caractĂšre raisonnable de la durĂ©e de celle-ci.

En l’espĂšce, l’application de l’article 16 de l’ordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e conduisait Ă  diffĂ©rer d’un an l’examen de la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©tention des deman-deurs, alors qu’un tel examen aurait dĂ» intervenir normalement au bout de six mois.

Par ailleurs, la chambre criminelle de la Cour de cassation a constatĂ© que l’exigence conventionnelle d’un contrĂŽle effectif de la dĂ©tention provisoire ne pouvait ĂȘtre aban-donnĂ©e Ă  la seule initiative de la personne dĂ©tenue, ni Ă  la possibilitĂ© pour la juridiction compĂ©tente d’ordonner, Ă  tout moment, d’office ou sur demande du ministĂšre public, la mainlevĂ©e de la mesure de dĂ©tention.

Par une technique juridique assimilable Ă  une rĂ©serve d’interprĂ©tation, elle en a dĂ©duit que l’article 16 de l’ordonnance prĂ©citĂ©e n’était compatible avec l’article 5 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme et la prolongation qu’il prĂ©voyait n’était rĂ©guliĂšre que si la juridiction qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tente pour prolonger la dĂ©ten-tion rendait, dans un dĂ©lai rapprochĂ© courant Ă  compter de la date d’expiration du titre ayant Ă©tĂ© prolongĂ© de plein droit, une dĂ©cision par laquelle elle se prononçait sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention.

Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation n’a pas jugĂ© que l’article 16 de l’ordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e Ă©tait radicalement inconvention-nel mais elle a considĂ©rĂ© que sa compatibilitĂ© avec l’article 5 de la Convention suppo-sait que la juridiction qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tente pour prolonger la dĂ©tention rende, dans un dĂ©lai rapprochĂ© courant Ă  compter de la date d’expiration du titre, une dĂ©cision par laquelle elle se prononçait sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention.

La notion de « dĂ©lai rapprochĂ© » pouvant, par son imprĂ©cision, gĂ©nĂ©rer une insĂ©cu-ritĂ© juridique, dans un contexte dĂ©jĂ  incertain, la chambre criminelle a d’emblĂ©e, dans son office de juge de la conventionnalitĂ©, prĂ©cisĂ© que ce dĂ©lai ne pouvait dĂ©passer trois mois en matiĂšre criminelle et en appel et un mois en matiĂšre dĂ©lictuelle, et ce mĂȘme en tenant compte des circonstances de fait exceptionnelles rĂ©sultant du contexte Ă©pi-dĂ©mique, qui ont pu affecter le fonctionnement normal des juridictions et retarder le traitement normal des procĂ©dures. Le dĂ©lai de trois mois retenu en cas d’appel prend

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

en compte la circonstance que les faits reprochĂ©s Ă  la personne dĂ©tenue ont dĂ©jĂ  fait l’objet d’un examen au fond par une juridiction de jugement.

S’agissant de l’office de l’autoritĂ© judiciaire, la chambre criminelle a retenu qu’il appartenait au juge qui aurait Ă©tĂ© compĂ©tent pour se prononcer sur la prolongation de la dĂ©tention provisoire si celle-ci n’avait pas eu lieu de plein droit, non pas d’ordonner cette prolongation, mais d’examiner la question du maintien en dĂ©tention de la per-sonne dĂ©tenue, en exerçant le mĂȘme contrĂŽle que celui qui aurait Ă©tĂ© le sien s’il avait dĂ» prononcer sur cette prolongation.

S’agissant enfin des modalitĂ©s procĂ©durales d’intervention du juge, la chambre cri-minelle a prĂ©cisĂ© que la dĂ©cision de maintien en dĂ©tention devait ĂȘtre prise, comme l’aurait Ă©tĂ© une dĂ©cision de prolongation, dans le cadre d’un dĂ©bat contradictoire, tenu, le cas Ă©chĂ©ant, selon les modalitĂ©s allĂ©gĂ©es prĂ©vues par l’article 19 de l’ordonnance prĂ©-citĂ©e tant que cet article demeurait applicable (soit jusqu’à un mois aprĂšs la cessation de l’état d’urgence).

La chambre criminelle de la Cour de cassation a rĂ©servĂ© nĂ©anmoins trois hypo-thĂšses dans lesquelles une telle intervention du juge n’était pas nĂ©cessaire, un contrĂŽle par celui-ci ayant Ă©tĂ© dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© :

– la premiĂšre concerne le cas oĂč, en premiĂšre instance ou en appel, la juridiction com-pĂ©tente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire, a, dans le respect de l’article 5 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme et dans le plein exercice de son office de gardien de la libertĂ© individuelle, statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© du maintien de cette mesure dans le dĂ©lai prĂ©citĂ© ;

– la deuxiĂšme est relative Ă  la situation oĂč, dans le dĂ©lai prĂ©citĂ©, la juridiction compĂ©-tente a statuĂ© sur la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©tention, d’office ou lors de l’examen d’une demande de mise en libertĂ© ;

– la troisiĂšme a trait Ă  l’application de l’article 16-1 prĂ©citĂ© de l’ordonnance du 25 mars 2020, crĂ©Ă© par la loi du 11 mai 2020. Cet article prĂ©voit que lorsque la dĂ©ten-tion provisoire a Ă©tĂ© prolongĂ©e de plein droit, au cours de l’instruction, pour une durĂ©e de six mois, cette prolongation ne peut maintenir ses effets jusqu’à son terme que par une dĂ©cision prise par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention, qui doit intervenir au moins trois mois avant le terme de la prolongation. DĂšs lors, s’agissant des dĂ©tentions provi-soires en matiĂšre criminelle en cours durant l’information judiciaire, la garantie posĂ©e par l’arrĂȘt de la chambre criminelle rejoignait celle de l’article 16-1 prĂ©citĂ©.

Enfin, tirant les consĂ©quences de l’exigence d’un contrĂŽle du juge, la chambre cri-minelle a prĂ©cisĂ© qu’à dĂ©faut d’un tel contrĂŽle exercĂ© selon les modalitĂ©s et dans le dĂ©lai prĂ©cisĂ©s ci-dessus, l’intĂ©ressĂ© devait ĂȘtre immĂ©diatement remis en libertĂ©, sauf s’il Ă©tait dĂ©tenu pour autre cause.

Dans les deux pourvois commentĂ©s, la chambre criminelle de la Cour de cassation a censurĂ© les arrĂȘts attaquĂ©s pour ne pas avoir prononcĂ© sur le maintien en dĂ©tention de la personne dĂ©tenue, qui sollicitait d’ailleurs sa mise en libertĂ© dans son mĂ©moire :

– dans le premier, saisie en appel d’une ordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©ten-tion ayant constatĂ© la prolongation de la dĂ©tention provisoire, la chambre de l’instruction avait Ă©noncĂ©, sans autre analyse, que le juge n’avait pu que constater que la dĂ©tention provisoire avait Ă©tĂ© prolongĂ©e de plein droit pour une durĂ©e de six mois ;

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Droit pĂ©nal et procĂ©dure pĂ©nale

– dans le second, saisie sur requĂȘte du procureur gĂ©nĂ©ral aux fins de prolongation de la dĂ©tention d’un accusĂ©, la chambre de l’instruction, aprĂšs avoir relevĂ© qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le bien-fondĂ© de la prolongation de la dĂ©tention, s’était bornĂ©e Ă  Ă©noncer que sa saisine Ă©tait devenue sans objet, le dĂ©lai de comparution devant la cour d’assises ayant Ă©tĂ© prolongĂ© de six mois de plein droit.

3. PortĂ©e des arrĂȘts : le contentieux postĂ©rieur sur l’article 16

Saisie d’un contentieux important sur l’article 16 de l’ordonnance, la chambre cri-minelle de la Cour de cassation a, Ă  plusieurs reprises, fait application des principes ainsi dĂ©gagĂ©s, ce qui l’a conduite Ă  casser des arrĂȘts de chambres de l’instruction qui s’étaient bornĂ©s soit Ă  confirmer l’ordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention ayant constatĂ© la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire, soit Ă  Ă©non-cer que la saisine de la chambre de l’instruction Ă©tait devenue sans objet du fait de la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire de la personne mise en examen.

Dans ces hypothĂšses, aprĂšs avoir constatĂ© que la cassation devait intervenir sans renvoi, elle a jugĂ© que celle-ci ne devait toutefois pas entraĂźner la mise en libertĂ© immĂ©-diate de la personne dĂ©tenue s’il rĂ©sultait des piĂšces de la procĂ©dure que soit le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention soit la chambre de l’instruction s’était prononcĂ©e sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention, peu important Ă  cet Ă©gard que l’ordonnance du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention soit frappĂ©e d’appel (Crim., 1er septembre 2020, pourvoi no 20-82.938, publiĂ© au Bulletin).

ParallĂšlement Ă  l’application des principes dĂ©gagĂ©s, dans son office de gardien de la libertĂ© individuelle, la chambre criminelle a affirmĂ© le caractĂšre subsidiaire, au regard des rĂšgles de droit commun de la dĂ©tention provisoire, des dispositions de l’article 16 de l’ordonnance.

Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejetĂ© le pourvoi formĂ© par un procureur gĂ©nĂ©ral Ă  l’encontre d’un arrĂȘt d’une chambre de l’instruction qui avait confirmĂ© la dĂ©cision du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention ayant statuĂ© sur le bien-fondĂ© de la prolongation de la dĂ©tention provisoire aprĂšs dĂ©bat contradictoire. Le moyen sou-tenait que la dĂ©cision du juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention Ă©tait nulle dĂšs lors que la dĂ©tention provisoire Ă©tait prolongĂ©e de plein droit par l’effet de la loi. La chambre cri-minelle a Ă©cartĂ© cette argumentation : dĂšs lors que le juge saisi estimait ĂȘtre en mesure, malgrĂ© les circonstances sanitaires, d’assurer normalement son office de gardien de la libertĂ© individuelle, il pouvait Ă©carter l’application du droit d’exception et ordonner la prolongation de la dĂ©tention provisoire dans les conditions habituelles prĂ©vues par la loi (Crim., 1er septembre 2020, pourvoi no 20-82.146, publiĂ© au Bulletin).

Dans le mĂȘme sens, la chambre criminelle a censurĂ©, au visa de l’article 5 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme et de l’article 145-2 du code de pro-cĂ©dure pĂ©nale relatif Ă  la prolongation de la dĂ©tention provisoire en matiĂšre crimi-nelle, une chambre de l’instruction, qui avait cru devoir annuler une ordonnance de prolongation de la dĂ©tention provisoire rendue par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©ten-tion en application des textes de droit commun du code de procĂ©dure pĂ©nale puis constater la prolongation de plein droit de la dĂ©tention provisoire. À l’appui de sa dĂ©cision, la chambre criminelle a relevĂ© que l’article 16 de l’ordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e « ne saurait s’interprĂ©ter comme faisant obstacle Ă  l’exer-cice de ses compĂ©tences par le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention dans des conditions

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

conformes aux seuls textes du code de procĂ©dure pĂ©nale ». Constatant que le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention s’était prononcĂ© sur le bien-fondĂ© du maintien en dĂ©tention provisoire, la chambre a jugĂ© que l’intĂ©ressĂ© ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme dĂ©tenu sans titre. Soucieuse nĂ©anmoins de prĂ©server le droit Ă  un appel effectif de la personne dĂ©tenue, elle a cassĂ© avec renvoi cette dĂ©cision afin de permettre Ă  la chambre de l’ins-truction d’examiner Ă  nouveau le recours de l’intĂ©ressĂ© (Crim., 29 septembre 2020, pourvoi no 20-82.564, publiĂ© au Bulletin).

Pour terminer, on relĂšvera que, saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassa-tion d’une question prioritaire de constitutionnalitĂ© (QPC) portant sur l’article 16 de l’ordonnance no 2020-303 du 25 mars 2020 prĂ©citĂ©e (Crim., 3 novembre 2020, QPC no 20-83.457 ; Crim., 3 novembre 2020, QPC no 20-83.189), le Conseil constitution-nel a dĂ©clarĂ© celui-ci contraire Ă  l’article 66 de la Constitution qui Ă©rige l’autoritĂ© judi-ciaire en gardienne de la libertĂ© individuelle.

À l’appui de sa dĂ©cision, le Conseil constitutionnel a relevĂ© que les dispositions contestĂ©es maintenaient de plein droit des personnes en dĂ©tention provisoire sans que l’apprĂ©ciation de la nĂ©cessitĂ© de ce maintien soit obligatoirement soumise, Ă  bref dĂ©lai, au contrĂŽle du juge judiciaire ; que l’objectif poursuivi par les dispositions contestĂ©es n’était pas de nature Ă  justifier que l’apprĂ©ciation de la nĂ©cessitĂ© du maintien en dĂ©ten-tion soit, durant de tels dĂ©lais, soustraite au contrĂŽle systĂ©matique du juge judiciaire et qu’au demeurant l’intervention du juge judiciaire pouvait, le cas Ă©chĂ©ant, faire l’objet d’amĂ©nagements procĂ©duraux (Cons. const., 29 janvier 2021, dĂ©cision no 2020-878/879 QPC, M. Ion Andronie R. et autre [Prolongation de plein droit des dĂ©tentions provi-soires dans un contexte d’urgence sanitaire]).

H. Application du droit de l’Union europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme et du droit international

1. Droit de l’Union europĂ©enne

Élections – Liste Ă©lectorale – Liste Ă©lectorale complĂ©mentaire des citoyens de l’Union europĂ©enne – Inscription – Conditions – CitoyennetĂ© europĂ©enne – DĂ©faut – Cas – Ressortissants britanniques – Demande postĂ©rieure Ă  l’en-trĂ©e en vigueur de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union europĂ©enne et de la CommunautĂ© europĂ©enne de l’énergie atomique2e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi no 20-16.901, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Talabardon et avis de Mme NicolĂ©tisIl rĂ©sulte des stipulations combinĂ©es des articles 20 et 22 du TraitĂ© sur le fonction-nement de l’Union europĂ©enne (le TFUE) instituant, au profit des ressortissants d’un État membre, une citoyennetĂ© de l’Union emportant un droit de vote et d’éligibilitĂ© aux Ă©lections municipales dans l’État membre oĂč ces ressortissants rĂ©sident, Ă©gale-ment consacrĂ© par l’article 40 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union euro-pĂ©enne (la Charte), de l’article 50 du TraitĂ© sur l’Union europĂ©enne (le TUE), relatives

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au retrait de l’Union d’un État membre, et de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union europĂ©enne et de la CommunautĂ© europĂ©enne de l’énergie atomique (l’accord sur le retrait du Royaume-Uni), publiĂ© au Journal officiel de l’Union europĂ©enne du 31 janvier 2020, notamment celles de son article 2 dĂ©finissant le « citoyen de l’Union » comme « toute personne ayant la nationa-litĂ© d’un État membre » par opposition au « ressortissant britannique », qu’à compter du 1er fĂ©vrier 2020, date d’entrĂ©e en vigueur de cet accord, le Royaume-Uni a cessĂ© d’ĂȘtre un État membre de l’Union europĂ©enne et que, par suite, ses ressortissants ne jouissent plus de la citoyennetĂ© europĂ©enne, Ă  laquelle est subordonnĂ©, aux termes des articles 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 et LO 227-1 du code Ă©lectoral, le droit de vote et d’éligibilitĂ© aux Ă©lections municipales en France.

Élections â€“ Liste Ă©lectorale – Liste Ă©lectorale complĂ©mentaire des citoyens de l’Union europĂ©enne – Inscription – Ressortissants britanniques – Demande postĂ©-rieure Ă  l’entrĂ©e en vigueur de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union europĂ©enne et de la CommunautĂ© europĂ©enne de l’énergie atomique – PĂ©riode de transition – Application – Exclusion – Discrimination (non)MĂȘme arrĂȘtL’article 127, paragraphe 1, sous b), de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni stipule expressĂ©ment que, par dĂ©rogation au principe selon lequel le droit de l’Union demeure applicable au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la pĂ©riode de transition dont le terme est fixĂ©, par l’article 126, au 31 dĂ©cembre 2020, ne sont pas applicables Ă  cet État et sur son territoire, pendant la mĂȘme pĂ©riode, les articles 20, paragraphe 2, point b), et 22 du TFUE, ainsi que les articles 39 et 40 de la Charte, relatifs au droit de vote et d’éligibilitĂ© aux Ă©lections au Parlement europĂ©en ainsi qu’aux Ă©lections municipales dans l’État membre de rĂ©sidence.Cette exclusion du droit de vote et d’éligibilitĂ© des dispositions du droit de l’Union rendues applicables au Royaume-Uni pendant la pĂ©riode de transition, d’une part, vise nĂ©cessairement les ressortissants britanniques qui ont exercĂ© leur droit de rĂ©sider dans un État membre de l’Union avant la fin de cette pĂ©riode, d’autre part, ne relĂšve pas de cette interdiction, posĂ©e par l’article 12 de l’accord, de toute discrimination exercĂ©e en raison de la nationalitĂ© au sens de l’article 18, alinĂ©a 1, du TFUE, Ă  l’égard de ces ressortissants dans l’État membre d’ac-cueil ou dans l’État membre de travail. En effet, cette interdiction n’est Ă©dictĂ©e, aux termes mĂȘmes de l’article 12 et conformĂ©ment au point 6 du prĂ©ambule de l’accord, que dans le champ d’application de la deuxiĂšme partie de ce texte, qui a pour objet de garantir une pro-tection rĂ©ciproque en matiĂšre de droits liĂ©s au sĂ©jour, de droits des travailleurs salariĂ©s et non salariĂ©s, de qualifications professionnelles et de coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale, tant aux citoyens de l’Union qu’aux ressortissants du Royaume-Uni, ayant exercĂ© leurs droits respectifs de libre circulation avant la fin de la pĂ©riode de transition.

Par cet arrĂȘt, la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcĂ©e sur le droit, invoquĂ© par un ressortissant britannique, Ă©tabli sur le territoire français depuis plusieurs annĂ©es, de participer aux Ă©lections municipales de l’annĂ©e 2020 dans sa commune de rĂ©sidence.

L’intĂ©ressĂ© avait Ă©tĂ© radiĂ© des listes Ă©lectorales par l’Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques (l’INSEE) Ă  la suite de l’entrĂ©e en vigueur, le 1er fĂ©vrier 2020, de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de

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l’Union europĂ©enne et de la CommunautĂ© europĂ©enne de l’énergie atomique, publiĂ© au Journal officiel de l’Union europĂ©enne du 31 janvier 2020 (l’accord sur le retrait du Royaume-Uni), et il n’avait pu participer au premier tour du scrutin.

Le 30 avril 2020, il a sollicitĂ© sa rĂ©inscription sur la liste Ă©lectorale complĂ©mentaire en vue de participer au second tour du scrutin, reportĂ© au 28 juin 2020, mais, par une dĂ©cision du 7 mai suivant, le maire a rejetĂ© sa demande et, le 4 juin suivant, la commis-sion de contrĂŽle, qu’il avait saisie d’un recours administratif prĂ©alable, a confirmĂ© le refus de le rĂ©inscrire sur ladite liste.

L’intĂ©ressĂ© a alors saisi un tribunal judiciaire aux fins, d’une part, de saisine de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (la CJUE) de quatre questions prĂ©judicielles en interprĂ©tation et en apprĂ©ciation de validitĂ© de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni, d’autre part, d’annulation du rejet de sa demande de rĂ©inscription sur les listes Ă©lecto-rales de sa commune de rĂ©sidence, puis il s’est pourvu en cassation contre le jugement l’ayant dĂ©boutĂ© de l’ensemble de ses demandes.

Par un moyen unique, le demandeur soutenait principalement que l’entrĂ©e en vigueur de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni n’avait pas fait perdre la citoyen-netĂ© europĂ©enne aux ressortissants britanniques ayant exercĂ© leur droit de libre cir-culation et d’installation avant la fin de la pĂ©riode de transition prĂ©vue par ce texte et qu’en consĂ©quence, ces ressortissants conservaient leur droit de vote et d’éligibilitĂ© aux Ă©lections municipales dans l’État membre de rĂ©sidence.

Il ajoutait qu’à supposer que l’entrĂ©e en vigueur de l’accord eĂ»t fait perdre Ă  ces ressortissants la citoyennetĂ© europĂ©enne, le principe de non-discrimination, consacrĂ© Ă  leur Ă©gard, par ce texte, devait conduire Ă  maintenir leur droit de participer aux Ă©lec-tions municipales dans cet État.

La Cour de cassation a jugé que les postulats sur lesquels reposait le moyen consi-déré manquaient en droit.

Ainsi, en premier lieu, l’arrĂȘt qu’elle a rendu Ă©nonce qu’il rĂ©sulte des stipulations combinĂ©es des articles 20 et 22 du TraitĂ© sur le fonctionnement de l’Union europĂ©enne (le TFUE) instituant, au profit des ressortissants d’un État membre, une citoyennetĂ© de l’Union, emportant un droit de vote et d’éligibilitĂ© aux Ă©lections municipales dans l’État membre oĂč ces ressortissants rĂ©sident, Ă©galement consacrĂ© par l’article 40 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne (la Charte), de l’article 50 du TraitĂ© sur l’Union europĂ©enne (le TUE), relatives au retrait de l’Union d’un État membre, et de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni, notamment celles de son article 2 dĂ©finissant le « citoyen de l’Union » comme « toute personne ayant la nationa-litĂ© d’un État membre », par opposition au « ressortissant britannique », qu’à compter du 1er fĂ©vrier 2020, date d’entrĂ©e en vigueur de l’accord sur son retrait, le Royaume-Uni a cessĂ© d’ĂȘtre un État membre de l’Union et que, par suite, ses ressortissants ne jouissent plus de la citoyennetĂ© europĂ©enne, Ă  laquelle est subordonnĂ©, aux termes des articles 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 et LO 227-1 du code Ă©lectoral, le droit de vote et d’éligibilitĂ© aux Ă©lections municipales en France.

En second lieu, l’arrĂȘt rappelle que l’article 127, § 1, sous b), de l’accord de retrait prĂ©citĂ© stipule expressĂ©ment que, par dĂ©rogation au principe selon lequel le droit de l’Union demeure applicable au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la pĂ©riode de transition, Ă  savoir jusqu’au 31 dĂ©cembre 2020, ne sont plus applicables Ă  cet État

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et sur son territoire, pendant la mĂȘme pĂ©riode, les articles 20, § 2, point b), et 22 du TFUE, ainsi que les articles 39 et 40 de la Charte, c’est-Ă -dire les textes relatifs au droit de vote et d’éligibilitĂ© aux Ă©lections au Parlement europĂ©en et Ă©lections municipales dans l’État membre de rĂ©sidence.

Puis, Ă©cartant l’argumentation du requĂ©rant, qui soutenait que la dĂ©rogation ainsi instituĂ©e n’avait vocation Ă  s’appliquer que sur le territoire du Royaume-Uni, sans pou-voir affecter les ressortissants britanniques rĂ©sidant dans un État membre de l’Union, et qu’en juger autrement serait contraire Ă  l’interdiction, posĂ©e par l’article 12 de l’ac-cord, de toute discrimination exercĂ©e en raison de la nationalitĂ©, au sens de l’article 18, alinĂ©a 1, du TFUE, Ă  l’égard de ces ressortissants dans l’État membre d’accueil ou dans l’État membre de travail, la Cour de cassation a jugĂ© que l’exclusion du droit de vote et d’éligibilitĂ© des dispositions du droit de l’Union rendues applicables au Royaume-Uni pendant la pĂ©riode de transition, d’une part, ne pouvait que viser les ressortissants bri-tanniques ayant exercĂ© leur droit de rĂ©sider dans un État membre de l’Union avant la fin de cette pĂ©riode, d’autre part, ne relevait pas de la prohibition des discriminations Ă  raison de la nationalitĂ© posĂ©e par ledit article 12, dĂšs lors qu’aux termes mĂȘmes de ce texte et conformĂ©ment au point 6 du prĂ©ambule de l’accord, cette prohibition n’était Ă©dictĂ©e que dans le champ d’application de la deuxiĂšme partie dudit accord, laquelle avait pour seul objet de garantir une protection rĂ©ciproque en matiĂšre de droits liĂ©s au sĂ©jour, de droits des travailleurs salariĂ©s et non salariĂ©s, de qualifications profession-nelles et de coordination des systĂšmes de sĂ©curitĂ© sociale, tant aux citoyens de l’Union qu’aux ressortissants du Royaume-Uni, ayant exercĂ© leurs droits respectifs de libre cir-culation avant la fin de la pĂ©riode de transition.

Autrement dit, l’argumentation du requĂ©rant reposait, pour une partie, sur un pos-tulat erronĂ© en droit et, pour l’autre, sur une stipulation de l’accord de retrait inappli-cable Ă  la matiĂšre Ă©lectorale.

Enfin, la Cour de cassation a considĂ©rĂ© que les questions soulevĂ©es par le pour-voi du demandeur n’étant pas pertinentes et l’application correcte du droit de l’Union s’imposant en l’espĂšce avec une telle Ă©vidence qu’elle ne laissait place Ă  aucun doute raisonnable, il n’y avait pas lieu de saisir la CJUE Ă  titre prĂ©judiciel, en interprĂ©ta-tion ou en apprĂ©ciation de validitĂ© de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni, comme le lui demandait l’intĂ©ressĂ© Ă  titre subsidiaire (voir, en ce sens, les arrĂȘts de la CJUE du 6 octobre 1982 : CJUE, arrĂȘt du 6 octobre 1982, Cilfit e. a./ministĂšre de la santĂ©, C-283/81, EU : C : 1982 : 335, point 21 ; du 9 septembre 2015 : CJUE, arrĂȘt du 9 sep-tembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e. a., C-160/14, EU : C : 2015 : 565, points 38 et 39 ; et du 28 juillet 2016 : CJUE, arrĂȘt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C-379/15, EU : C : 2016 : 603, point 50).

Transport aĂ©rien – Transport de personnes – ResponsabilitĂ© des transporteurs de personnes – Obligations – Indemnisation et assistance des passagers prĂ©vues par le rĂšglement communautaire du 11 fĂ©vrier 2004 â€“ Conditions – PrĂ©sentation des passagers Ă  l’enregistrement – Preuve – Charge – DĂ©termination – PortĂ©e1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi no 19-13.016, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. Chevalier et avis de Mme LegoherelLe passager d’un vol retardĂ© de trois heures ou plus Ă  son arrivĂ©e, qui possĂšde une rĂ©servation confirmĂ©e pour ce vol, ne peut pas se voir refuser l’indemnisation prĂ©vue par

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le rĂšglement (CE) no 261/2004 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 11 fĂ©vrier 2004 au seul motif que, Ă  l’occasion de sa demande d’indemnisation, il n’a pas prouvĂ© sa prĂ©sence Ă  l’enregistrement pour ledit vol, notamment au moyen de la carte d’em-barquement, Ă  moins qu’il soit dĂ©montrĂ© que ce passager n’a pas Ă©tĂ© transportĂ© sur le vol retardĂ© en cause, ce qu’il appartient Ă  la juridiction nationale de vĂ©rifier.

En application du rĂšglement (CE) no 261/2004 du Parlement europĂ©en et du Conseil du 11 fĂ©vrier 2004 Ă©tablissant des rĂšgles communes en matiĂšre d’indemnisa-tion et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le rĂšglement (CEE) no 295/91, le passager d’un vol arrivĂ© Ă  destination avec un retard de trois heures ou plus a droit Ă  une indem-nitĂ© versĂ©e par le transporteur aĂ©rien.

La Cour de cassation estimait que, pour bĂ©nĂ©ficier de cette indemnitĂ©, le passager devait justifier Ă  la fois avoir une rĂ©servation confirmĂ©e pour le vol concernĂ© et s’ĂȘtre prĂ©sentĂ© Ă  l’enregistrement (1re Civ., 14 fĂ©vrier 2018, pourvoi no 16-23.205, Bull. 2018, I, no 34 ; 1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi no 18-20.491, publiĂ© au Bulletin).

Dans l’arrĂȘt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation opĂšre un revirement de cette jurisprudence au vu de l’ordonnance rendue par la CJUE le 24 octobre 2019 dans l’af-faire C-756/18 (CJUE, ordonnance du 24 octobre 2019, EasyJet Airline, C-756/18) qui a retenu qu’une indemnisation ne pouvait ĂȘtre refusĂ©e au seul motif que les passa-gers n’avaient pas prouvĂ© leur prĂ©sence Ă  l’enregistrement, notamment au moyen de la carte d’embarquement, Ă  moins qu’il soit dĂ©montrĂ© qu’ils n’avaient pas Ă©tĂ© trans-portĂ©s sur le vol retardĂ© en cause.

DĂ©sormais, le passager d’un vol retardĂ© de trois heures ou plus qui dispose d’une rĂ©servation confirmĂ©e pour le vol concernĂ© doit donc bĂ©nĂ©ficier de l’indemnitĂ© Ă  moins que le transporteur aĂ©rien ne prouve que le passager en question n’était pas Ă  bord.

Union europĂ©enne – RĂšglement (CE) nÂș 1346/2000 du 29 mai 2000 â€“ ProcĂ©dures d’insolvabilitĂ© – Article 18, § 1, et § 3 â€“ Pouvoirs du syndic de la procĂ©dure principale – Action en partage de l’indivisionCom., 16 juillet 2020, pourvoi nÂș 17-16.200, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme BĂ©laval et avis de Mme HenryL’article 16 du rĂšglement (CE) nÂș 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procĂ©dures d’insolvabilitĂ© pose le principe de la reconnaissance dans tous les autres États membres de toute dĂ©cision ouvrant une procĂ©dure d’insolvabilitĂ© prise par une juridiction d’un État membre compĂ©tente en vertu de l’article 3.

Il rĂ©sulte de l’article 18, § 1, que, en dehors d’hypothĂšses Ă©trangĂšres Ă  l’espĂšce, le syndic dĂ©signĂ© par une juridiction compĂ©tente en vertu de l’article 3, § 1, peut exer-cer sur le territoire d’un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s par la loi de l’État d’ouverture. L’article 18, § 3, dispose que, dans l’exercice de ses pou-voirs, le syndic doit respecter la loi de l’État membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux modalitĂ©s de rĂ©alisation des biens et que ses pouvoirs ne peuvent inclure l’emploi de moyens contraignants.

En consĂ©quence, doit ĂȘtre approuvĂ©e la cour d’appel qui, aprĂšs avoir constatĂ© que l’ordonnance ouvrant, au Royaume-Uni, la faillite personnelle d’un dĂ©biteur Ă©tait une dĂ©cision d’ouverture d’une procĂ©dure d’insolvabilitĂ© principale, en dĂ©duit que cette pro-cĂ©dure produisait, sans aucune autre formalitĂ© dans tout État membre, les effets que

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des droits de l’homme et du droit international

lui attribuait la loi de l’État d’ouverture, et en particulier le transfert au syndic de la pro-priĂ©tĂ© des biens du dĂ©biteur, incluant sa quote-part indivise sur un immeuble situĂ© en France, lui permettant d’exercer sur le territoire de cet État tous les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s par ce transfert de propriĂ©tĂ© et, en consĂ©quence, celui d’agir en partage de l’indivision existant sur cet immeuble.Doit encore ĂȘtre approuvĂ©e la cour d’appel qui, aprĂšs avoir reconnu les effets de cette procĂ©dure d’insolvabilitĂ© attribuĂ©s par la loi anglaise sur la propriĂ©tĂ© des biens du dĂ©bi-teur, a fait application de la loi française, loi du lieu de situation de l’immeuble, pour dĂ©terminer le fondement et le rĂ©gime de l’action engagĂ©e par le syndic devant les juridic-tions françaises, et retenu que le syndic, devenu propriĂ©taire des biens du dĂ©biteur, Ă©tait coĂŻndivisaire de l’immeuble avec un tiers et qu’il agissait en consĂ©quence sur le fonde-ment de l’article 815 du code civil, et non sur celui de l’article 815-17 du mĂȘme code.

Union europĂ©enne – RĂšglement (CE) nÂș 1346/2000 du 29 mai 2000 â€“ ProcĂ©dures d’insolvabilitĂ© – Article 26 â€“ Absence de contrariĂ©tĂ© Ă  l’ordre public international – CaractĂ©risation â€“ Applications diverses – Transfert au syndic de la propriĂ©tĂ© des biens du dĂ©biteurMĂȘme arrĂȘtL’article 26 du rĂšglement (CE) no 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux pro-cĂ©dures d’insolvabilitĂ© permet Ă  tout État membre de refuser de reconnaĂźtre une pro-cĂ©dure d’insolvabilitĂ© ouverte dans un autre État membre ou d’exĂ©cuter une dĂ©cision prise dans le cadre d’une telle procĂ©dure lorsque cette reconnaissance ou cette exĂ©-cution produirait des effets manifestement contraires Ă  son ordre public, en particulier Ă  ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertĂ©s individuelles garantis par sa constitution. La Cour de justice de l’Union europĂ©enne a dit pour droit que ce recours Ă  la clause d’ordre public ne devait jouer que dans des cas exceptionnels (CJUE, arrĂȘt du 21 janvier 2010, Mg Probud Gdynia, C-444/07, point 34).

La rĂšgle du transfert au syndic de la propriĂ©tĂ© des biens du dĂ©biteur, personne physique, mis en liquidation judiciaire, rĂ©sultant de la loi anglaise, ne produit pas des effets mani-festement contraires Ă  la conception française de l’ordre public international.

Quels sont les pouvoirs que le syndic dĂ©signĂ© dans le cadre d’une procĂ©dure d’in-solvabilitĂ© ouverte en Angleterre peut exercer sur la quote-part d’un bien immobilier indivis situĂ© sur le territoire français, sous l’empire du rĂšglement (CE) no 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procĂ©dures d’insolvabilitĂ© ?

La question posĂ©e prĂ©sentait en l’espĂšce une particularitĂ© liĂ©e aux effets de la procĂ©-dure d’insolvabilitĂ© en cause. Il s’agissait d’une procĂ©dure de faillite personnelle ouverte en Angleterre Ă  l’égard d’un dĂ©biteur, personne physique, impliquant le transfert auto-matique au syndic de la propriĂ©tĂ© des avoirs du dĂ©biteur. Or, le dĂ©biteur Ă©tant propriĂ©-taire de parts indivises d’un immeuble situĂ© sur le territoire français, le syndic avait agi en France en partage de l’indivision. Le coĂŻndivisaire avait demandĂ© Ă  bĂ©nĂ©ficier des dispositions de l’article 815-17, alinĂ©a 3, du code civil permettant d’éviter le partage en dĂ©sintĂ©ressant le crĂ©ancier personnel du coĂŻndivisaire poursuivant.

L’arrĂȘt fournit une illustration de l’articulation Ă  opĂ©rer entre l’article 18, § 1, du rĂšglement (CE) no 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procĂ©dures d’insolvabilitĂ© qui permet au syndic d’exercer sur le territoire d’un autre État membre que l’État d’ou-verture tous les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s par la loi de cet État et l’article 18, § 3,

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du mĂȘme rĂšglement qui lui impose, dans l’exercice de ses pouvoirs, de respecter la loi de l’État membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux moda-litĂ©s de rĂ©alisation des biens, et qui lui interdit d’employer des moyens contraignants.

Le principe de reconnaissance sans formalitĂ© dans tous les États membres de la dĂ©ci-sion d’ouverture de la faillite personnelle prise par le juge anglais a pour consĂ©quence que cette dĂ©cision produit en France les effets que lui attribue la loi anglaise, dont le transfert au syndic de la propriĂ©tĂ© de la quote-part du dĂ©biteur sur l’immeuble indivis situĂ© en France et que le syndic peut donc exercer sur le territoire français, en appli-cation de l’article 18, § 1, du rĂšglement prĂ©citĂ©, tous les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s par ce transfert de propriĂ©tĂ© et agir en partage de l’indivision.

En revanche, en application de l’article 18, § 3, du mĂȘme rĂšglement, le syndic doit respecter la loi française, loi du lieu de situation de l’immeuble, quant aux modalitĂ©s de rĂ©alisation du bien, et exclure l’utilisation de tout moyen contraignant. Sur quel fon-dement de la loi française devait-il agir et quelles Ă©taient les consĂ©quences juridiques pour le coĂŻndivisaire du rĂ©gime lĂ©gal Ă  appliquer ?

DĂšs lors que le juge français est tenu de reconnaĂźtre le transfert de propriĂ©tĂ© au syndic de la quote-part du dĂ©biteur, il lui revient de considĂ©rer ce syndic comme un coĂŻndivisaire agissant en partage sur le fondement de l’article 815 du code civil et non comme un crĂ©ancier personnel d’un coĂŻndivisaire agissant sur le fondement de l’ar-ticle 815-17 du mĂȘme code, ce qui entraĂźne pour le coĂŻndivisaire l’impossibilitĂ© d’ob-tenir l’application de l’alinĂ©a 3 de ce texte.

Devant la Cour de cassation, le dĂ©biteur et le coĂŻndivisaire ont en consĂ©quence sou-tenu sans succĂšs que le transfert au syndic de la propriĂ©tĂ© des biens appartenant au dĂ©bi-teur figurait au nombre des procĂ©dĂ©s contraignants prĂ©vus par la loi de l’État d’ouverture pour la rĂ©alisation de l’actif du dĂ©biteur qu’il n’était pas au pouvoir du syndic d’accom-plir sur le territoire d’un autre État membre, et que les effets de la loi anglaise sur le transfert de propriĂ©tĂ© ne permettaient pas au syndic d’agir comme s’il Ă©tait indivisaire.

Ils invoquaient aussi l’ordre public d’éviction pour dĂ©noncer le transfert de pro-priĂ©tĂ© au syndic des biens du dĂ©biteur en application de la loi anglaise et pour criti-quer la privation faite au coĂŻndivisaire de la facultĂ© d’arrĂȘter le cours de l’action en partage. Compte tenu de l’approche restrictive de l’ordre public d’éviction en droit de l’Union europĂ©enne et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union euro-pĂ©enne, le moyen a Ă©tĂ© rejetĂ©.

L’étendue du dessaisissement d’une personne physique mise en faillite personnelle en Angleterre est plus vaste que celle du dessaisissement du dĂ©biteur mis en liquida-tion judiciaire en France. Toutefois, les effets de ce dessaisissement restent similaires en matiĂšre de rĂ©alisation d’un bien indivis. La seule diffĂ©rence quant aux effets du dessaisis-sement sur la rĂ©alisation de tels biens, c’est que dans le cadre d’une procĂ©dure de liqui-dation judiciaire française, le liquidateur, qui, agissant dans l’exercice de ses pouvoirs, reprĂ©sente Ă  la fois le dĂ©biteur et la collectivitĂ© des crĂ©anciers du dĂ©biteur, peut agir en partage du bien indivis sur le fondement de l’article 815 du code civil ou sur le fonde-ment de l’action oblique de l’article 815-17 du mĂȘme code, quand, dans notre espĂšce, le syndic ne peut pas agir sur le fondement de l’action oblique. Ce qui entraĂźne, certes, l’impossibilitĂ© pour le coĂŻndivisaire de se prĂ©valoir de l’article 815-17, alinĂ©a 3, du code civil, pour arrĂȘter le cours du partage mais cette impossibilitĂ© est une consĂ©quence de

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des droits de l’homme et du droit international

l’application de la seule loi française, loi du lieu de situation de l’immeuble, habile Ă  dĂ©finir les modalitĂ©s de rĂ©alisation du bien situĂ© sur le territoire français.

2. Droit de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme

Preuve – RĂšgles gĂ©nĂ©rales – Moyen de preuve – Moyen illicite – Exclusion – Cas – Production en justice d’élĂ©ments extraits du compte privĂ© Facebook d’un salariĂ© portant atteinte Ă  sa vie privĂ©e – Conditions – Production indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve et atteinte proportionnĂ©e au but poursuivi – DĂ©termination – PortĂ©eSoc., 30 septembre 2020, pourvoi nÂș 19-12.058, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Depelley et avis de Mme BerriatIl rĂ©sulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procĂ©dure civile que le droit Ă  la preuve peut justifier la production en justice d’élĂ©ments extraits du compte privĂ© Facebook d’un salariĂ© portant atteinte Ă  sa vie privĂ©e, Ă  la condition que cette production soit indis-pensable Ă  l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnĂ©e au but poursuivi.

Par cet arrĂȘt, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur le point de savoir si un employeur peut licencier disciplinairement un salariĂ© en raison d’élĂ©ments que ce dernier a publiĂ©s sur son compte privĂ© Facebook et surtout si l’employeur peut rapporter de maniĂšre licite la preuve de la publication litigieuse.

La chambre sociale rappelle d’abord sa jurisprudence selon laquelle l’employeur ne peut avoir recours Ă  un stratagĂšme pour recueillir une preuve (Soc., 18 mars 2008, pourvoi no 06-40.852, Bull. 2008, V, no 65 ; Soc., 16 janvier 1991, pourvoi no 89-41.052, Bull. 1991, V, no 15). Mais elle constate qu’en l’espĂšce la publication litigieuse avait Ă©tĂ© spontanĂ©ment communiquĂ©e Ă  l’employeur par une autre salariĂ©e qui Ă©tait autori-sĂ©e Ă  accĂ©der au compte Facebook de la salariĂ©e licenciĂ©e. La chambre sociale dĂ©cide donc que le procĂ©dĂ© d’obtention de la preuve n’avait pas Ă©tĂ© dĂ©loyal. Cette situation se distinguait de celle ayant donnĂ© lieu Ă  un arrĂȘt diffusĂ© dans lequel la chambre sociale avait admis le rejet d’un procĂšs-verbal de constat d’huissier Ă©tabli Ă  la demande d’un employeur et rapportant des informations extraites d’un compte Facebook d’une salariĂ©e obtenues Ă  partir du tĂ©lĂ©phone portable d’un de ses collĂšgues (Soc., 20 dĂ©cembre 2017, pourvoi no 16-19.609).

La chambre sociale de la Cour de cassation examine alors la question de production en justice de la preuve ainsi recueillie. En effet, si le procĂ©dĂ© d’obtention de la preuve n’est pas dĂ©loyal, la production de la preuve en justice n’est-elle pas nĂ©anmoins atten-tatoire Ă  la vie privĂ©e de la salariĂ©e ?

Sans se rĂ©fĂ©rer au nombre de personnes autorisĂ©es par le titulaire du compte Facebook Ă  y accĂ©der, la chambre sociale juge que la production en justice par l’em-ployeur d’une photographie extraite du compte privĂ© Facebook de la salariĂ©e, auquel il n’était pas autorisĂ© Ă  accĂ©der, ainsi que d’élĂ©ments d’identification des personnes enre-gistrĂ©es comme « amis » destinataires de cette publication, constituait une atteinte Ă  la vie privĂ©e de la salariĂ©e.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

Pour autant, la chambre sociale rappelle que les juges du fond doivent mettre en balance, ainsi que le fait la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, la protection de la vie privĂ©e et le droit Ă  la preuve, et opĂ©rer ainsi un contrĂŽle de proportionnalitĂ© en recherchant si la production litigieuse est indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve et si l’atteinte Ă  la vie privĂ©e qui en rĂ©sulte est proportionnĂ©e au but poursuivi (1re Civ., 25 fĂ©vrier 2016, pourvoi no 15-12.403, Bull. 2016, I, no 48 ; 1re Civ., 22 sep-tembre 2016, pourvoi no 15-24.015, Bull. 2016, I, no 178 ; au regard du secret bancaire : Com., 15 mai 2019, pourvoi no 18-10.491, publiĂ© au Bulletin).

La chambre sociale de la Cour de cassation confirme ici la jurisprudence qu’elle avait Ă©tablie dans une hypothĂšse dans laquelle un syndicat avait produit devant le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s des dĂ©comptes de durĂ©e de travail de salariĂ©s afin de faire constater une mĂ©con-naissance d’une interdiction d’emploi de salariĂ©s le dimanche (Soc., 9 novembre 2016, pourvoi no 15-10.203, Bull. 2016, V, no 209).

En l’espĂšce, la cour d’appel avait constatĂ© que l’employeur, qui reprochait Ă  la sala-riĂ©e d’avoir publiĂ© sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection prĂ©sentĂ©e exclusivement Ă  certains membres de l’entreprise, s’était bornĂ© Ă  produire la photographie publiĂ©e par la salariĂ©e sur son compte Facebook et le profil profes-sionnel de ses seuls « amis » travaillant dans le mĂȘme secteur d’activitĂ© et qu’il n’avait fait procĂ©der Ă  un constat d’huissier que pour rĂ©pondre Ă  la contestation de la salariĂ©e quant Ă  l’identitĂ© du titulaire du compte. La chambre sociale juge que la cour d’appel a ainsi fait ressortir, d’une part, que la production de ces Ă©lĂ©ments Ă©tait indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve de l’employeur et, d’autre part, que l’atteinte Ă  la vie privĂ©e de la salariĂ©e avait Ă©tĂ© proportionnĂ©e Ă  l’intĂ©rĂȘt lĂ©gitime de l’employeur tenant en l’espĂšce Ă  la confidentialitĂ© de ses affaires.

Enfin, rappelant qu’un motif tirĂ© de la vie personnelle du salariĂ© peut justifier un licenciement disciplinaire s’il constitue un manquement de l’intĂ©ressĂ© Ă  une obliga-tion dĂ©coulant de son contrat de travail (Soc., 21 octobre 2003, pourvoi no 00-45.291, Bull. 2003, V, no 259 ; Soc., 27 mars 2012, pourvoi no 10-19.915, Bull. 2012, V, no 106), la chambre sociale de la Cour de cassation juge que la cour d’appel a pu retenir que la publication par la salariĂ©e sur son compte Facebook, regroupant plus de 200 amis tra-vaillant dans le mĂȘme secteur d’activitĂ©, de cette photographie de la nouvelle collection qui n’était pas encore publique constituait une violation de son obligation contrac-tuelle de confidentialitĂ©.

DĂ©tention provisoire â€“ Atteinte Ă  la dignitĂ© – Recours prĂ©ventif – Office du juge – VĂ©rification de la situation personnelle de la personne incarcĂ©rĂ©e – ContrĂŽle – PortĂ©eCrim., 8 juillet 2020, pourvoi nÂș 20-81.739, publiĂ© au Bulletin, rapport de M. GuĂ©ry et avis de Mme Zientara-LogeayIl appartient au juge national, chargĂ© d’appliquer la Convention, de tenir compte, sans attendre une Ă©ventuelle modification des textes lĂ©gislatifs ou rĂ©glementaires, de la dĂ©ci-sion de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme condamnant la France pour le dĂ©faut de recours prĂ©ventif permettant de mettre fin Ă  des conditions de dĂ©tention indignes.Le juge judiciaire a l’obligation de garantir Ă  la personne placĂ©e dans des conditions indignes de dĂ©tention un recours prĂ©ventif et effectif permettant de mettre un terme Ă  la violation de l’article 3 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme.

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Application du droit de l’Union europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne

des droits de l’homme et du droit international

En tant que gardien de la libertĂ© individuelle, il incombe Ă  ce juge de veiller Ă  ce que la dĂ©tention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en Ɠuvre dans des condi-tions respectant la dignitĂ© des personnes et de s’assurer que cette privation de libertĂ© est exempte de tout traitement inhumain et dĂ©gradant.La description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de dĂ©tention doit ĂȘtre suffisamment crĂ©dible, prĂ©cise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractĂšre indigne.Il appartient alors Ă  la chambre de l’instruction, dans le cas oĂč le ministĂšre public n’au-rait pas prĂ©alablement fait vĂ©rifier ces allĂ©gations, et en dehors du pouvoir qu’elle dĂ©tient d’ordonner la mise en libertĂ© de l’intĂ©ressĂ©, de faire procĂ©der Ă  des vĂ©rifications com-plĂ©mentaires afin d’en apprĂ©cier la rĂ©alitĂ©.

La chambre criminelle de la Cour de cassation rend ce jour un arrĂȘt qui, marquant une Ă©volution substantielle de sa jurisprudence relative aux consĂ©quences des conditions indignes de dĂ©tention sur la situation des personnes incarcĂ©rĂ©es, tranche une question de principe concernant les moyens de mettre un terme, lorsqu’elles sont constatĂ©es, aux atteintes Ă  la dignitĂ© des personnes placĂ©es en dĂ©tention provisoire.

Par un arrĂȘt distinct, elle transmet Ă©galement au Conseil constitutionnel une ques-tion prioritaire de constitutionnalitĂ© relative aux articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale.

1. La condamnation de la France par la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, le 30 janvier 2020

Aux termes de l’article 3 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme : « Nul ne peut ĂȘtre soumis Ă  la torture ni Ă  des peines ou traitements inhumains ou dĂ©gra-dants. » Ce droit est absolu de sorte qu’il ne peut supporter d’exception.

Selon l’article 13 de la Convention, « Toute personne dont les droits et libertĂ©s reconnus dans la [
] Convention ont Ă©tĂ© violĂ©s, a droit Ă  l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors mĂȘme que la violation aurait Ă©tĂ© commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

Saisie par de nombreux requĂ©rants incarcĂ©rĂ©s dans divers Ă©tablissements pĂ©niten-tiaires en France, en mĂ©tropole ou dans les DOM-COM, la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH) a rendu, le 30 janvier 2020, une dĂ©cision condamnant la France pour violation des articles 3 et 13 de la Convention (CEDH, arrĂȘt du 30 janvier 2020, J. M. B. et autres c. France, no 9671/15).

Elle a notamment jugĂ© que les dĂ©tenus ne disposaient pas d’un espace personnel au moins Ă©gal Ă  3 mÂČ, cet Ă©lĂ©ment Ă©tant considĂ©rĂ© comme Ă  ce point grave qu’il donne lieu Ă  une forte prĂ©somption de violation de l’article 3 de la Convention prĂ©citĂ©e que le gouvernement français n’a pu combattre.

Elle a Ă©galement prononcĂ© une condamnation sur la base de l’article 13 de la Convention et relevĂ© qu’il n’avait pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que les voies de recours prĂ©ven-tives indiquĂ©es par le gouvernement Ă©taient effectives en pratique, c’est-Ă -dire suscep-tibles d’empĂȘcher la continuation de la violation allĂ©guĂ©e et d’assurer aux requĂ©rants une amĂ©lioration de leurs conditions matĂ©rielles de dĂ©tention.

Elle a constatĂ© ainsi qu’en l’état de la lĂ©gislation française, il n’existait aucun recours prĂ©ventif en matiĂšre judiciaire.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

S’agissant de la saisine du juge administratif, en l’occurrence du juge du rĂ©fĂ©rĂ©-libertĂ©, elle a relevĂ© que cette procĂ©dure avait permis la mise en Ɠuvre de mesures visant Ă  remĂ©dier aux atteintes les plus graves auxquelles sont exposĂ©es les personnes dĂ©tenues dans certains Ă©tablissements pĂ©nitentiaires. Elle a toutefois jugĂ© que le pou-voir d’injonction confĂ©rĂ© Ă  ce juge ne l’autorisait pas Ă  prendre des mesures de rĂ©or-ganisation du service public de la justice et qu’il s’en tenait Ă  des mesures pouvant ĂȘtre mises en Ɠuvre rapidement. De surcroĂźt, il faisait dĂ©pendre son office, d’une part, du niveau des moyens de l’administration et, d’autre part, des actes qu’elle avait dĂ©jĂ  enga-gĂ©s, la mise en Ɠuvre des injonctions connaissant par ailleurs des dĂ©lais non conformes Ă  l’exigence d’un redressement diligent.

Sur le fondement de l’article 46 de la Convention, elle a Ă©mis diverses recomman-dations : l’État français doit adopter des mesures gĂ©nĂ©rales aux fins de garantir aux dĂ©tenus des conditions de dĂ©tention conformes Ă  l’article 3 de la Convention prĂ©citĂ©e et Ă©tablir un recours prĂ©ventif et effectif, combinĂ© avec le recours indemnitaire, per-mettant aux dĂ©tenus de redresser la situation dont ils sont victimes, et d’empĂȘcher la continuation d’une violation allĂ©guĂ©e.

2. La jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation

Avant que n’intervienne l’arrĂȘt de la Cour de Strasbourg mentionnĂ© ci-dessus, la chambre criminelle de la Cour de cassation faisait une application stricte des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale selon lesquels le juge, pour apprĂ©cier la nĂ©cessitĂ© ou non de placer ou maintenir une personne en dĂ©tention provisoire, doit se dĂ©terminer en tenant compte des impĂ©ratifs de la procĂ©dure judiciaire, des exigences de prĂ©servation de l’ordre public et du caractĂšre raisonnable de la durĂ©e de cette dĂ©ten-tion. Elle en dĂ©duisait qu’une Ă©ventuelle atteinte Ă  la dignitĂ© de la personne en raison des conditions de dĂ©tention, si elle est susceptible d’engager la responsabilitĂ© de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne sau-rait constituer un obstacle lĂ©gal au placement et au maintien en dĂ©tention provisoire (Crim., 18 septembre 2019, pourvoi no 19-83.950, publiĂ© au Bulletin).

Elle faisait ainsi prĂ©valoir ces dispositions spĂ©ciales sur celle, plus gĂ©nĂ©rale, de l’ar-ticle prĂ©liminaire III, alinĂ©a 4, du code de procĂ©dure pĂ©nale, qui pose en principe que « les mesures de contraintes dont la personne suspectĂ©e ou poursuivie peut faire l’ob-jet sont prises sur dĂ©cision ou sous le contrĂŽle effectif de l’autoritĂ© judiciaire. Elles doivent ĂȘtre strictement limitĂ©es aux nĂ©cessitĂ©s de la procĂ©dure, proportionnĂ©es Ă  la gravitĂ© de l’infraction reprochĂ©e et ne pas porter atteinte Ă  la dignitĂ© de la personne ».

Toutefois, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugĂ©, dans une affaire relative Ă  la santĂ© du dĂ©tenu, que « les Ă©nonciations de l’arrĂȘt attaquĂ© mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la chambre de l’instruction, qui, faute d’allĂ©ga-tion d’élĂ©ments propres Ă  la personne concernĂ©e, suffisamment graves pour mettre en danger sa santĂ© physique ou mentale, s’est en consĂ©quence dĂ©terminĂ©e par des consi-dĂ©rations de droit et de fait rĂ©pondant aux seules exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procĂ©dure pĂ©nale, a justifiĂ© sa dĂ©cision » (Crim., 29 fĂ©vrier 2012, pourvoi no 11-88.441, Bull. crim. 2012, no 58).

Il s’en dĂ©duisait qu’une demande de mise en libertĂ© fondĂ©e sur le caractĂšre inhumain et dĂ©gradant des conditions d’incarcĂ©ration Ă©tait susceptible d’aboutir Ă  une libĂ©ration

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des droits de l’homme et du droit international

en cas d’élĂ©ments personnels Ă  la personne dĂ©tenue prĂ©sentant un degrĂ© de gravitĂ© suf-fisant pour mettre en danger sa santĂ© physique ou mentale.

Consacrant cette jurisprudence, le lĂ©gislateur est intervenu par la loi no 2014-896 du 15 aoĂ»t 2014 relative Ă  l’individualisation des peines et renforçant l’efficacitĂ© des sanc-tions pĂ©nales, crĂ©ant un nouvel article 147-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale, qui dispose qu’en toute matiĂšre et Ă  tous les stades de la procĂ©dure, sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la mise en libertĂ© d’une personne placĂ©e en dĂ©ten-tion provisoire peut ĂȘtre ordonnĂ©e, d’office ou Ă  la demande de l’intĂ©ressĂ©, lorsqu’une expertise mĂ©dicale Ă©tablit que cette personne est atteinte d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que son Ă©tat de santĂ© physique ou mentale est incompatible avec le maintien en dĂ©tention.

3. La transmission d’une question prioritaire de constitutionnalitĂ© au Conseil constitutionnel

Tenant compte de la dĂ©cision de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme du 30 janvier 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalitĂ© qui allĂ©guait notamment des atteintes au principe de sauvegarde de la dignitĂ© de la personne humaine et au droit au recours effectif par les articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale, en ce qu’ils ne prĂ©voient pas « que le juge d’instruction ou le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention puisse, de maniĂšre effective, redresser la situation dont sont victimes les dĂ©te-nus dont les conditions d’incarcĂ©ration constituent un traitement inhumain et dĂ©gra-dant afin d’empĂȘcher la continuation de la violation allĂ©guĂ©e devant lui ».

Il appartient désormais au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la confor-mité à la Constitution des dispositions législatives en cause.

L’on prĂ©cisera que le requĂ©rant Ă©tant privĂ© de libertĂ©, la chambre criminelle n’avait pas Ă  surseoir Ă  statuer jusqu’à la dĂ©cision du Conseil constitutionnel et devait apprĂ©-cier la valeur de l’exception d’inconventionnalitĂ© soulevĂ©e.

4. Les nouveaux principes affirmés

Le demandeur au pourvoi avait demandĂ© Ă  la chambre de l’instruction saisie de tirer les enseignements de l’arrĂȘt de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme prĂ©citĂ©. En se rĂ©fĂ©rant Ă  la jurisprudence traditionnelle de la chambre criminelle, la chambre de l’instruction a rejetĂ© la demande. Elle a ajoutĂ© que cette demande avait un carac-tĂšre gĂ©nĂ©ral et n’apportait pas de prĂ©cision sur les conditions personnelles de dĂ©ten-tion du requĂ©rant.

Pour répondre à la question posée, dans une motivation dite enrichie, la chambre criminelle de la Cour de cassation développe le raisonnement suivant :

– si l’arrĂȘt de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme met en premier lieu Ă  la charge de l’État français une obligation de s’y conformer, il entre dans l’office du juge judiciaire d’appliquer la Convention, en tenant compte de cette dĂ©cision, sans attendre une Ă©ventuelle modification des textes lĂ©gislatifs ou rĂ©glementaires ;

– le juge a l’obligation de garantir Ă  la personne placĂ©e dans des conditions indignes de dĂ©tention un recours prĂ©ventif et effectif permettant d’empĂȘcher la continuation de la violation de l’article 3 de la Convention ;

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

– il lui incombe, en tant que gardien de la libertĂ© individuelle, de veiller Ă  ce que la dĂ©tention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en Ɠuvre dans des conditions respectant la dignitĂ© des personnes et de s’assurer que cette privation de libertĂ© est exempte de tout traitement inhumain et dĂ©gradant.

Ainsi, par la dĂ©cision du 8 juillet 2020 ici commentĂ©e, la chambre criminelle pro-cĂšde Ă  un inflĂ©chissement sĂ©rieux de sa jurisprudence antĂ©rieure puisque, dorĂ©navant, des conditions indignes de dĂ©tention sont susceptibles de constituer un obstacle Ă  la poursuite de cette dĂ©tention.

5. Des prĂ©cisions sur la procĂ©dure en cas de violation allĂ©guĂ©e de l’article 3 de la Convention

L’arrĂȘt commentĂ© prĂ©cise les Ă©tapes du raisonnement en cas d’allĂ©gations portant sur des conditions de dĂ©tention qui seraient contraires Ă  l’article 3 de la Convention.

Tout d’abord, la Cour pose une exigence de qualitĂ© des observations soumises Ă  la juridiction. Le requĂ©rant doit fournir dans sa demande les prĂ©cisions nĂ©cessaires Ă  l’ap-prĂ©ciation d’une Ă©ventuelle violation de l’article 3 de la Convention.

Ces Ă©lĂ©ments, qui doivent ĂȘtre « crĂ©dibles, prĂ©cis et actuels », doivent se rapporter Ă  la situation personnelle de l’intĂ©ressĂ© et ne peuvent se contenter de dĂ©crire l’état gĂ©nĂ©-ral de la dĂ©tention dans l’établissement dans lequel il est dĂ©tenu. Il peut s’agir notam-ment de donnĂ©es relatives Ă  la superficie de la cellule et au nombre de ses occupants, Ă  son amĂ©nagement intĂ©rieur, aux heures journaliĂšres d’occupation.

Si elle répond à ces conditions, la demande constitue un commencement de preuve du caractÚre indigne de la détention.

Il appartient alors Ă  la chambre de l’instruction, dans le cas oĂč le ministĂšre public n’aurait pas prĂ©alablement fait vĂ©rifier ces allĂ©gations, et en dehors du pouvoir qu’elle dĂ©tient d’ordonner la mise en libertĂ© de l’intĂ©ressĂ©, de faire procĂ©der Ă  des vĂ©rifications complĂ©mentaires afin d’en apprĂ©cier la rĂ©alitĂ©.

La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle ainsi le pouvoir dont dis-pose la chambre de l’instruction, conformĂ©ment Ă  son office, de libĂ©rer le dĂ©tenu.

Elle rappelle Ă©galement le rĂŽle important que peut jouer le ministĂšre public en la matiĂšre. DĂšs lors qu’il est informĂ© de la demande, ce magistrat peut se rapprocher de l’administration pĂ©nitentiaire aux fins de vĂ©rifier, en amont de l’audience, la rĂ©alitĂ© des assertions du dĂ©tenu. L’administration pĂ©nitentiaire se trouve ainsi mise en mesure de faire cesser le trouble Ă©ventuel avant mĂȘme que la chambre de l’instruction ne se prononce.

Ces vĂ©rifications sont celles « concernant sa demande » qui sont prĂ©vues par l’ar-ticle 194, alinĂ©a 4, lorsque la chambre de l’instruction est saisie d’un appel, par l’ar-ticle 148, alinĂ©a 5, lorsqu’elle est saisie directement parce que le juge des libertĂ©s et de la dĂ©tention n’a pas rĂ©pondu Ă  une demande de mise en libertĂ© dans le dĂ©lai imparti par le troisiĂšme alinĂ©a du mĂȘme article, et enfin par l’article 148-4 lorsqu’elle est saisie par le dĂ©tenu qui n’a pas Ă©tĂ© interrogĂ© par le magistrat instructeur depuis quatre mois.

Il convient de rappeler que lorsque la chambre de l’instruction est saisie, sur le fon-dement des articles 148-1 et 148-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale, d’une demande de mise en libertĂ©, postĂ©rieurement Ă  la dĂ©cision de rĂšglement rendue par la juridiction d’instruction, elle peut, selon la jurisprudence de la chambre criminelle, ordonner des

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/ ArrĂȘts rendus par les chambres Application du droit de l’Union europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne

des droits de l’homme et du droit international

vĂ©rifications dĂšs lors qu’elle ordonne, dans le dĂ©lai qui lui est imparti, le maintien en dĂ©tention (Crim., 7 mars 1991, pourvoi no 90-87.728, Bull. crim. 1991, no 116).

Dans une Ă©ventuelle audience ultĂ©rieure et dans le cas oĂč il n’a pas Ă©tĂ© mis fin dans l’intervalle Ă  la situation dĂ©noncĂ©e, si la chambre de l’instruction, aprĂšs que les vĂ©ri-fications ont Ă©tĂ© effectuĂ©es, constate une violation du principe de dignitĂ©, elle doit en tirer les consĂ©quences en ordonnant la mise en libertĂ© de la personne.

La chambre criminelle de la Cour de cassation prĂ©cise, de la sorte, qu’il n’y a pas lieu de libĂ©rer la personne dĂ©tenue sur le fondement de l’article 3 de la Convention dans le cas oĂč il a Ă©tĂ© mis fin dans l’intervalle Ă  la situation dĂ©noncĂ©e. En effet, selon la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, « le recours prĂ©ventif doit ĂȘtre de nature Ă  empĂȘcher la continuation de la violation allĂ©guĂ©e de l’article 3 ou de permettre une amĂ©lioration des conditions matĂ©rielles de dĂ©tention ».

Cette libĂ©ration peut ĂȘtre accompagnĂ©e d’un contrĂŽle judiciaire ou d’une assigna-tion Ă  rĂ©sidence avec surveillance Ă©lectronique.

6. L’application des principes au cas d’espùce

La chambre de l’instruction avait affirmĂ© qu’une Ă©ventuelle atteinte Ă  la dignitĂ© de la personne en raison des conditions de dĂ©tention ne saurait constituer un obstacle lĂ©gal au placement et au maintien en dĂ©tention provisoire.

Cette affirmation, qui Ă©tait conforme Ă  la jurisprudence qui Ă©tait alors celle de la chambre criminelle, ne l’est plus au regard des principes que cette derniĂšre tire dĂ©sor-mais de la dĂ©cision de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme.

Toutefois, la chambre de l’instruction avait Ă©galement fondĂ© le rejet de la demande de mise en libertĂ© sur le fait que le requĂ©rant s’était bornĂ© Ă  faire Ă©tat de la situation gĂ©nĂ©rale des conditions de dĂ©tention dans les Ă©tablissements concernĂ©s, sans apporter de prĂ©cisions sur sa situation personnelle.

Ce motif suffisant Ă  justifier la dĂ©cision de la chambre de l’instruction, le pourvoi est rejetĂ©.

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

IV. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ (QPC)

Lois et rĂšglements – Application dans le temps – Lois de forme ou de pro-cĂ©dure – Application immĂ©diate – Domaine d’application – Article 108 de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 â€“ PortĂ©e2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi no 19-23.219, publiĂ© au Bulletin, rapport de Mme Jollec et avis de M. AparisiL’article 108 de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019, dĂ©pourvu de caractĂšre interprĂ©-tatif, est applicable aux actes d’exĂ©cution forcĂ©e postĂ©rieurs Ă  l’entrĂ©e en vigueur de ce texte, soit le 25 mars 2019.

Alsace-Moselle – ProcĂ©dure civile – ExĂ©cution forcĂ©e – ExĂ©cution sur les biens immeubles – Titre exĂ©cutoire – ValiditĂ© – Conditions – DĂ©termination – PortĂ©eMĂȘme arrĂȘtConstitue un titre exĂ©cutoire, au sens de l’article L. 111-5, 1Âș, du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  la loi nÂș 2019-222 du 23 mars 2019, un acte notariĂ© de prĂȘt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du dĂ©biteur Ă  son exĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate, le montant du capital empruntĂ© et ses modalitĂ©s de remboursement permettant, au jour des poursuites, d’évaluer la crĂ©ance dont le recouvrement est poursuivi.

Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalitĂ© (QPC) portant sur l’inter-prĂ©tation jurisprudentielle par la Cour de cassation de l’article L. 111-5, 1o, du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă  la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice, la deu-xiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a jugĂ© qu’il n’y avait pas lieu Ă  transmis-sion de la question au Conseil constitutionnel, dĂšs lors que, par arrĂȘt du mĂȘme jour, elle a dĂ©cidĂ©, procĂ©dant Ă  un revirement de jurisprudence, que constitue un titre exĂ©-cutoire, au sens de l’article L. 111-5, 1o, du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, alors applicable, un acte notariĂ© de prĂȘt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du dĂ©biteur Ă  son exĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate, le montant du capi-tal empruntĂ© et ses modalitĂ©s de remboursement permettant, au jour des poursuites, d’évaluer la crĂ©ance dont le recouvrement est poursuivi.

Jusqu’alors, la Cour de cassation, par une jurisprudence constante (1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi no 15-11.077 ; 1re Civ., 4 octobre 2017, pourvoi no 16-15.458 ; 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi no 16-14.671 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi no 16-19.675 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi no 16-26.413 ; 2e Civ., 22 mars 2018, pourvoi no 17-10.635), jugeait que, pour constituer un titre exĂ©cutoire, l’acte de prĂȘt dressĂ© par le notaire dans les dĂ©partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, devait mentionner, outre le consentement du dĂ©biteur Ă  l’exĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate, une crĂ©ance dĂ©terminĂ©e au jour des poursuites. Ne pouvaient donc constituer un titre exĂ©cutoire les actes de prĂȘt dont la crĂ©ance poursuivie n’était que dĂ©terminable, sauf dans l’hypothĂšse oĂč les parties, conformĂ©ment Ă  une pratique locale, avaient stipulĂ© au contrat une clause d’ar-rĂȘtĂ© de compte, donnant pouvoir au reprĂ©sentant de l’organisme prĂȘteur d’arrĂȘter les comptes en cas de carence du dĂ©biteur.

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/ Question prioritaire de constitutionnalité

Cette jurisprudence a fait l’objet d’importantes controverses doctrinales. Elle a engendrĂ© des difficultĂ©s d’ordre pratique. Elle a eu, en effet, pour consĂ©quence d’im-poser au crĂ©ancier, dont l’acte notariĂ© avait Ă©tĂ© dressĂ© dans un des trois dĂ©partements de l’Alsace-Moselle, d’agir en justice pour obtenir un titre exĂ©cutoire alors que partout ailleurs dans l’ensemble du territoire national, cet acte notariĂ© permettait d’engager une procĂ©dure d’exĂ©cution forcĂ©e. En outre, des divergences de jurisprudence entre les cours d’appel de Metz et de Colmar sont apparues, source d’insĂ©curitĂ© juridique.

La loi no 2019-222 du 23 mars 2019 prĂ©citĂ©e est venue modifier l’article L. 111-5, 1o, prĂ©citĂ© en Ă©nonçant que « constituent aussi des titres exĂ©cutoires : 1o Les actes Ă©ta-blis par un notaire de ces trois dĂ©partements lorsqu’ils sont dressĂ©s au sujet d’une prĂ©tention ayant pour objet le paiement d’une somme d’argent dĂ©terminĂ©e ou dĂ©ter-minable, ou la prestation d’une quantitĂ© dĂ©terminĂ©e ou dĂ©terminable d’autres choses fongibles ou de valeurs mobiliĂšres, et que le dĂ©biteur consent dans l’acte Ă  l’exĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate ».

C’est dans ce contexte que la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a Ă©tĂ© saisie d’un pourvoi formĂ© contre l’arrĂȘt d’une cour d’appel ayant statuĂ© Ă  propos d’un acte d’exĂ©cution antĂ©rieur Ă  l’entrĂ©e en vigueur de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 prĂ©citĂ©e, ainsi que d’une question prioritaire de constitutionnalitĂ© formulĂ©e Ă  l’occa-sion de ce recours.

La deuxiĂšme chambre civile a, d’abord, jugĂ© que cette loi n’était pas interprĂ©tative et qu’il en rĂ©sultait que le texte applicable au prĂ©sent litige Ă©tait l’article L. 111-5, 1o, du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution dans sa version antĂ©rieure Ă  la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 prĂ©citĂ©e.

Prenant, ensuite, appui sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a dĂ©cidĂ© de procĂ©der Ă  un revirement de jurisprudence afin, pour l’essentiel, de rapprocher les rĂšgles du droit local de celles du droit gĂ©nĂ©ral. À cet Ă©gard, il convient d’observer que si le maintien du droit local a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©, par le Conseil constitution-nel, au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la RĂ©publique, la portĂ©e de ce principe a Ă©tĂ© circonscrite en ce que, notamment, les dispositions de droit local ne peuvent ĂȘtre amĂ©nagĂ©es que dans la mesure oĂč les diffĂ©rences de traitement qui en rĂ©sultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas Ă©largi (Cons. const., 5 aoĂ»t 2011, dĂ©cision no 2011-157 QPC, SociĂ©tĂ© SOMODIA [Interdiction du travail le dimanche en Alsace-Moselle]). Or, en l’espĂšce, le maintien de la jurisprudence de la Cour de cassation contribuait Ă  accroĂźtre les diffĂ©rences entre les dispositions de droit local et celles du droit applicable dans le reste du territoire national.

S’inspirant de la « doctrine du droit vivant », la deuxiĂšme chambre civile de la Cour de cassation a donc donnĂ© une interprĂ©tation renouvelĂ©e de l’article L. 111-5, 1o, du code des procĂ©dures civiles d’exĂ©cution, dans sa version antĂ©rieure Ă  la loi de 2019, des-tinĂ©e Ă  assurer sa conformitĂ© aux exigences dĂ©coulant du principe fondamental reconnu par les lois de la RĂ©publique dĂ©gagĂ© par le Conseil constitutionnel dans la dĂ©cision no 2011-157 QPC du 5 aoĂ»t 2011 prĂ©citĂ©e.

Elle en a dĂ©duit que, dans ces conditions, la question prioritaire de constitutionna-litĂ© n’avait plus lieu d’ĂȘtre transmise au Conseil constitutionnel.

Si le Conseil constitutionnel a admis (Cons. const., 6 octobre 2010, dĂ©cision no 2010-39 QPC, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d’un couple non mariĂ©])

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LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour

que tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalitĂ© de la portĂ©e effective qu’une interprĂ©tation jurisprudentielle constante confĂšre Ă  cette disposition, la Cour de cassation, et notamment la chambre criminelle (Crim., 5 octobre 2011, pourvoi no 11-90.087, Bull. crim. 2011, no 196 ; Crim., 12 avril 2012, pourvoi no 12-90.004, Bull. crim. 2012, no 100 ; Crim., 26 juin 2012, pourvoi no 12-80.319, Bull. crim. 2012, no 159 ; Crim., 11 avril 2018, pourvoi no 16-87.622, Bull. crim. 2018, no 75), a dĂ©jĂ  procĂ©dĂ©, elle-mĂȘme, Ă  l’interprĂ©tation de la constitutionnalitĂ© d’une jurisprudence, appliquant ainsi ce qui est convenu d’appeler la doctrine « du droit vivant ». La prĂ©sente dĂ©cision de non-lieu Ă  transmission de la question prioritaire de constitutionnalitĂ©, renvoyant Ă  l’arrĂȘt du mĂȘme jour, procĂ©dant au revirement de jurisprudence, en fournit une illustration.

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LIVRE 4

ACTIVITÉ DE LA COUR

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I. Activité juridictionnelle

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/ Activité juridictionnelle

BILAN D’ACTIVITÉ DE LA COUR DE CASSATION POUR L’ANNÉE 2020

A. L’activitĂ© juridictionnelle de la Cour de cassation

1. L’activitĂ© des chambres civiles

1. Évolution des affaires nouvelles et terminĂ©es et durĂ©e des procĂ©dures civiles, commerciales et sociales 2011-2020

Oscillant entre 19 000 et 20 000 au cours des annĂ©es 2011 Ă  2016, le nombre des pourvois dĂ©croĂźt fortement aprĂšs avoir atteint un maximum en 2017 (22 040). Ce nombre diminue ensuite de 24 % en 2018, puis faiblement en 2019 (16 419, soit de 2 %), pour chuter Ă  nouveau de 19 % en 2020 (13 269) – tableau 1. Cette baisse s’explique en partie par le contexte de la crise sanitaire 1, notamment par l’incidence sur le nombre des pourvois de la rĂ©duction importante d’activitĂ© enregistrĂ©e devant les cours d’appel en 2020 en raison du report des audiences.

Tableau 1 â€“  Évolution du nombre des affaires nouvelles et terminĂ©es et de la durĂ©e de procĂ©dures

2011-2020Unité de compte = pourvoi

Années Affaires nouvelles * Affaires terminées ** Durée moyenne (en mois)2011 20 710 21 315 12,62012 20 998 20 688 12,82013 19 024 19 822 13,12014 20 677 19 398 12,82015 19 773 17 648 13,62016 19 296 20 882 14,32017 22 040 19 999 14,02018 16 805 21 303 13,52019 16 419 17 509 14,52020 13 269 14 076 15,7

** DĂ©clarations de pourvoi.** Pourvois ayant fait l’objet d’une dĂ©cision de dessaisissement, y compris aprĂšs jonction.Source : NOMOS.

1. Il convient de rappeler que pour ĂȘtre dĂ©clarĂ© recevable, c’est-Ă -dire pour pouvoir ĂȘtre examinĂ©, un pourvoi doit ĂȘtre formĂ© dans un dĂ©lai donnĂ©, en gĂ©nĂ©ral dans les 2 mois qui suivent la signi-fication ou la notification de la dĂ©cision attaquĂ©e (article 612 du code de procĂ©dure civile, sauf procĂ©dures particuliĂšres des articles 996 et 999 du code de procĂ©dure civile). PassĂ©s ces dĂ©lais, le pourvoi sera dĂ©clarĂ© irrecevable.

En raison de la crise sanitaire et de la « pĂ©riode juridiquement protĂ©gĂ©e » (« PJP ») le dĂ©lai de droit commun pour former un pourvoi a Ă©tĂ© Ă©tendu. Ainsi, tout pourvoi qui aurait dĂ» ĂȘtre formĂ© entre le 12 mars 2020 et la date de fin de la pĂ©riode juridiquement protĂ©gĂ©e fixĂ©e au 23 juin 2020 inclus est rĂ©putĂ© avoir Ă©tĂ© formĂ© Ă  temps s’il l’a Ă©tĂ© dans les deux mois suivants la fin de PJP. Ainsi Ă  titre d’exemple un pourvoi qui aurait dĂ», faute d’irrecevabilitĂ©, ĂȘtre formĂ© avant le 20 mars 2020 doit ĂȘtre dĂ©clarĂ© recevable s’il a Ă©tĂ© formĂ© avant le 22 aoĂ»t 2020.

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

La Cour de cassation Ă©tant saisie de pourvois formĂ©s dans plus de 90 % contre des dĂ©cisions prononcĂ©es par les cours d’appel 2, la mise en perspective de la sĂ©rie des dĂ©ci-sions rendues par les cours d’appel 3 avec celle des pourvois met en Ă©vidence le lien existant entre activitĂ© des cours d’appel et pourvois formĂ©s devant la Cour de cassa-tion – tableau 2 et figure 1.

En 2020, on enregistre une baisse conjoncturelle trĂšs importante (- 23,4 %). Les cours d’appel ont en effet rendu prĂšs de 42 000 dĂ©cisions de moins qu’en 2019. On constate l’impact de cette baisse sur le nombre des pourvois, puisque celui-ci diminue Ă©galement fortement (- 19,2 %).

Tableau 2 â€“  Évolution du nombre des dĂ©cisions prononcĂ©es par les cours d’appel et des pourvois

2011-2020

Années Décisions CA Pourvois2011 173 584 20 7102012 175 326 20 9982013 163 465 19 0242014 166 619 20 6772015 175 831 19 7732016 178 059 19 2962017 184 949 22 0402018 177 850 16 8052019 177 576 16 4192020 136 051 13 269

Source : RGC cour d'appel et NOMOS

2. Sur les dĂ©cisions prononcĂ©es en 2019 par les juridictions du fond ayant fait l’objet au moins d’un pourvoi, en 2019 et 2020, plus de 93 % ont Ă©tĂ© prononcĂ©es par une cour d’appel, dont 30 % en matiĂšre prud’homale et moins de 1 % par la Cour nationale de l’incapacitĂ© et de la tarifica-tion. Au total, moins de 6 % des dĂ©cisions attaquĂ©es devant la Cour de cassation ont Ă©tĂ© pronon-cĂ©es par une juridiction du premier degrĂ©. Au sein de ces derniĂšres, le tribunal d’instance arrive en tĂȘte (3 %), plus de la moitiĂ© de ces pourvois attaquant des dĂ©cisions rendues en matiĂšre d’élec-tions professionnelles. Le tribunal de grande instance arrive en seconde position (1,8 %) mais le dispositif statistique de la Cour de cassation ne permet pas de connaĂźtre la nature des conten-tieux concernĂ©s. Seulement 0,9 % des dĂ©cisions attaquĂ©es ont Ă©tĂ© prononcĂ©es par des conseils de prud’hommes, 0,2 % par un tribunal de commerce.3. Pour Ă©tablir cette statistique, les donnĂ©es statistiques du rĂ©pertoire gĂ©nĂ©ral civil des cours d’ap-pel ont Ă©tĂ© exploitĂ©es. Ont Ă©tĂ© retenues les dĂ©cisions des cours d’appel statuant sur les demandes susceptibles d’ĂȘtre attaquĂ©es devant la Cour de cassation (codes de la variable DECISION 33A et suivants).

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/ Activité juridictionnelle

Figure 1 â€“ Ă‰volution du nombre des dĂ©cisions prononcĂ©es par les cours d’appel et des pourvois2011-2020

0

10 000

20 000

30 000

40 000

50 000

60 000

0

20 000

40 000

60 000

80 000

100 000

120 000

140 000

160 000

180 000

200 000

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

DĂ©cisions CA Pourvois

‱ À la fin de la dĂ©cennie, le stock des affaires en cours devant la Cour de cassation diminue lĂ©gĂšrement

Au cours des trois derniĂšres annĂ©es de la dĂ©cennie, on constate que le nombre d’af-faires terminĂ©es devant la Cour de cassation dĂ©passe celui des affaires nouvelles (+ 4 498 en 2018, + 1 090 en 2019, enfin + 807 en 2020), ce qui a eu pour effet de rĂ©sorber le stock des affaires en cours. L’augmentation de la durĂ©e moyenne des procĂ©dures obser-vĂ©e en 2019 et 2020 pourrait ainsi s’expliquer par le fait que, ayant moins Ă©tĂ© saisies de pourvois, les chambres ont pu traiter davantage d’affaires plus anciennes 4 – tableau 1 et figure 2.

4. Les statistiques produites par la Cour de cassation ne permettent pas actuellement de vĂ©rifier cette hypothĂšse et de connaĂźtre l’évolution de l’ñge du stock.

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

Figure 2 â€“  Évolution des affaires nouvelles et terminĂ©es en matiĂšre civile, commerciale et sociale

2011-2020

2. Les abandons de procédure

‱ 20 % des demandeurs au pourvoi se dĂ©sistent ou ne dĂ©posent pas de mĂ©moire amplia-tif dans les dĂ©lais impartis

Une part non nĂ©gligeable de procĂ©dures introduites devant la Cour de cassation ne fait pas l’objet d’une orientation dans les chambres civiles, commerciale ou sociale, ayant fait l’objet soit d’un dĂ©sistement, soit d’une dĂ©chĂ©ance constatĂ©s par ordonnance du premier prĂ©sident ou de son dĂ©lĂ©guĂ©.

La dĂ©chĂ©ance du pourvoi est encourue, lorsqu’il est constatĂ© que le demandeur n’a pas remis au greffe de la Cour de cassation un mĂ©moire ampliatif contenant les moyens de droit invoquĂ©s contre la dĂ©cision attaquĂ©e, dans le dĂ©lai de quatre mois Ă  compter du pourvoi. Sous peine de la mĂȘme sanction, le mĂ©moire doit ĂȘtre notifiĂ© dans le mĂȘme dĂ©lai aux avocats des autres parties ou Ă  la partie qui n’est pas tenue de constituer un avocat au Conseil d’État et Ă  la Cour de cassation (article 978 du CPC).

Pour rendre compte de la fréquence des abandons de procédure, nous avons comp-tabilisé les désistements et déchéances prononcés par ordonnance, donc avant orienta-tion dans les chambres en 2019 et 2020 qui concernaient des pourvois formés en 2019.

On constate ainsi que plus de 20 % des procĂ©dures ne sont pas menĂ©es jusqu’à leur terme, les dĂ©sistements Ă©tant plus frĂ©quents (13,2 %) que les dĂ©chĂ©ances (7,6 %) 5

– figure 3.

5. Il sera prochainement possible d’exploiter la variable « Nature d’affaire » (Nomenclature des Affaires Civiles) codĂ©e par les cours d’appel qui figure dĂ©sormais dans NOMOS. Cette donnĂ©e permettra ainsi de savoir si certains types de contentieux font plus souvent que d’autres l’objet d’abandons de procĂ©dure, mais surtout de calculer des taux de pourvoi par nature de contentieux.

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/ Activité juridictionnelle

Figure 3 â€“  Proportion de procĂ©dures introduites en 2019 abandonnĂ©es avant orientation dans les chambres

DïżœSISTEMENTS

13,2%

AFFAIRES TERMINïżœES AVANT ORIENTATION20,7%

DïżœCHïżœANCES

7,6%

DïżœCLARATIONS DE POURVOI 2019100%

3. Les pourvois orientés

‱ En moyenne, sur la pĂ©riode 2011-2020, plus de quatre pourvois sur dix sont orien-tĂ©s devant la chambre sociale

Sur l’ensemble de la pĂ©riode 2011-2020, prĂšs de 43 % des pourvois ont Ă©tĂ© orientĂ©s devant la chambre sociale. Si l’on ajoute les pourvois traitĂ©s par la deuxiĂšme chambre civile en matiĂšre de protection sociale, on constate que les chambres consacrent prĂšs de la moitiĂ© de leur activitĂ© au traitement de ces deux types de contentieux. Cette part varie cependant notablement selon les annĂ©es en raison de l’arrivĂ©e de contentieux sĂ©riels en matiĂšre prud’homale qui gĂ©nĂšrent d’importantes fluctuations du nombre des pourvois orientĂ©s (36,4 % en 2011, 51,4 % en 2017) – tableau 3.

Tableau 3 â€“ Ă‰volution du nombre des pourvois orientĂ©s par chambre 2011-2020

Années TOTAL

Chambres

CIV1

CIV2

CIV3 COM SOCTotal

Dont protection

socialeTotal 150 423 21 597 26 645 10 489 19 485 18 551 64 145 % 100,0 14,4 17,7 7,0 13,0 12,3 42,6

2011 16 466 2 360 3 782 1 350 2 265 2 060 5 9992012 16 870 2 331 2 763 991 2 147 1 944 7 6852013 15 271 2 159 2 338 886 2 145 1 955 6 6742014 16 626 2 166 2 907 1 034 2 161 2 042 7 3502015 15 715 2 311 2 337 920 2 148 1 875 7 0442016 15 046 2 160 2 484 986 1 807 1 801 6 7942017 17 551 2 158 2 580 1 124 1 991 1 807 9 0152018 13 165 2 024 2 535 1 099 1 739 1 856 5 0112019 12 948 2 174 2 547 1 051 1 765 1 732 4 7302020 10 765 1 754 2 372 1 048 1 317 1 479 3 843

Source : NOMOS.

En moyenne, sur la pĂ©riode, la deuxiĂšme chambre civile a reçu 17,7 % des pourvois orientĂ©s, cette part varie Ă©galement au fil des annĂ©es de 14,7 % en 2017 Ă  prĂšs de 23 % en 2020. On observe que cette chambre consacre une part croissante de son activitĂ© au

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

traitement des contentieux de la protection sociale. Cette part reprĂ©sentait en effet un peu plus d’un tiers des pourvois orientĂ©s devant la deuxiĂšme chambre civile en 2011 (35,7 %), elle dĂ©passe 44 % en 2020.

En moyenne, sur la pĂ©riode 2011-2020, 14,4 % des pourvois ont Ă©tĂ© orientĂ©s devant la premiĂšre chambre civile, 13 % devant la troisiĂšme chambre civile, enfin 12,3 % devant la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique. En 2020, ces proportions sont respectivement de 16,3 %, 12,2 % et 13,7 %. En l’absence d’informations qualita-tives sur la nature des affaires orientĂ©es devant les chambres, il est difficile d’expliquer les fluctuations annuelles observĂ©es. La mise en place prochaine d’une nomenclature des affaires orientĂ©es (NAO) permettra d’apprĂ©hender les Ă©volutions qualitatives des affaires traitĂ©es par chaque chambre.

4. De la statistique des pourvois à la statistique des décisions

Chaque dĂ©claration de pourvoi est enregistrĂ©e sous un numĂ©ro de pourvoi. Lorsque la chambre rend une dĂ©cision de dessaisissement, celle-ci est Ă  son tour enregistrĂ©e sous un numĂ©ro d’arrĂȘt. Si l’on comptabilise les numĂ©ros d’arrĂȘt, on constate que leur nombre est parfois trĂšs infĂ©rieur Ă  celui des numĂ©ros de pourvois. Cet Ă©cart s’observe lorsque la chambre prononce une jonction de plusieurs pourvois – figure 4.

Les dĂ©cisions de jonction sont prononcĂ©es d’une part lorsque plusieurs pourvois sont formĂ©s par des personnes diffĂ©rentes contre la mĂȘme dĂ©cision, d’autre part lorsque plusieurs pourvois sont formĂ©s contre des dĂ©cisions similaires. Ce dernier cas est de loin le plus frĂ©quent et concerne principalement les litiges jugĂ©s par la chambre sociale opposant un nombre parfois trĂšs important de salariĂ©s Ă  un mĂȘme employeur.

Les courbes de la figure 4 mettent en Ă©vidence un effet de sĂ©ries permanent devant la chambre sociale, avec des pics trĂšs nets en 2016 et 2018. À cet Ă©gard, les deux sĂ©ries les plus emblĂ©matiques ont concernĂ©, pour la premiĂšre, les pourvois formĂ©s par prĂšs de 700 salariĂ©s Ă  la suite du licenciement collectif du groupe « Continental », la seconde, les actions individuelles de 1 704 agents contractuels de droit privĂ© de La Poste rĂ©cla-mant des rappels de salaire au titre du « complĂ©ment Poste ».

Les autres chambres sont peu concernĂ©es, Ă  l’exception d’un pic devant la deu-xiĂšme chambre civile en 2011. Cette chambre a traitĂ© en effet cette annĂ©e-lĂ  des sĂ©ries de pourvois en matiĂšre de protection sociale formĂ©s par des demandeurs rĂ©sidant en AlgĂ©rie ou au Maroc qui n’avaient pas Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement convoquĂ©s.

Page 255: RAPPORT 2020 ANNUEL

255

/ Activité juridictionnelle

Figure 4 â€“ Nombre de pourvois jugĂ©s et dĂ©cisions prononcĂ©es 2011-2020

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 6 110 5 633 6 261 6 013 5 118 7 420 5 738 7 598 5 765 4 231ArrĂȘts 3 158 3 406 3 070 3 319 2 968 3 306 3 211 3 215 2 905 2 299

1 0002 0003 0004 0005 0006 0007 0008 0009 000

SOC

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 1913 2245 2052 2025 2005 1984 2051 2045 1748 1373ArrĂȘts 1884 2209 1946 1929 1931 1901 1993 1938 1714 1336

1000

1200

1400

1600

1800

2000

2200

2400

CIV1

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 3 445 2 662 2 431 2 672 2 280 2 345 2 333 2 272 2 301 2 185ArrĂȘts 2 466 2 599 2 374 2 600 2 080 2 262 2 278 2 210 2 271 2 147

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

3 500

CIV2

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 1 957 1 956 1 813 1 842 1 876 2 001 1 801 1 826 1 528 1 422ArrĂȘts 1 857 1 884 1 771 1 748 1 762 1 809 1 745 1 729 1 484 1 394

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

2 000

2 200

CIV3

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 15 218 14 218 14 205 14 061 12 644 15 080 13 945 15 406 12 805 10 486ArrĂȘts 11 114 11 777 10 702 11 029 10 027 10 550 11 151 10 693 9 733 8 318

5 000

7 000

9 000

11 000

13 000

15 000

17 000

ENSEMBLE DES CHAMBRES

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Pourvois 1 793 1 722 1 648 1 509 1 365 1 330 2 022 1 665 1 463 1 275ArrĂȘts 1 749 1 679 1 541 1 433 1 286 1 272 1 924 1 601 1 359 1 142

500700900

1 1001 3001 5001 7001 9002 100

COM

5. Les décisions prononcées par les chambres

‱ Chaque annĂ©e, autour d’un tiers des demandeurs au pourvoi obtiennent la cassation

Parmi les dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois de 2011 Ă  2020, on constate qu’un peu plus d’un tiers des dĂ©cisions attaquĂ©es ont Ă©tĂ© cassĂ©es. Cette proportion est assez stable au fil des annĂ©es, fluctuant peu (34,5 % en 2011 et 31,8 % en 2020) – tableau 6 et figure 5.

Page 256: RAPPORT 2020 ANNUEL

256

LIVRE 4 / Activité de la Cour

Figure 5 â€“  Évolution de la proportion de cassations, de rejets et de RNSM 2011-2020 Ensemble des chambres civiles, commerciale et sociale

‱ En moyenne, de 2011 Ă  2020, 10 % des cassations sont prononcĂ©es sans renvoi

Aux termes de l’article L. 411.3 du code de l’organisation judiciaire entrĂ© en vigueur le 20 novembre 2016 : « La Cour de cassation peut casser sans renvoi lorsque la cassa-tion n’implique pas qu’il soit Ă  nouveau statuĂ© sur le fond.

Elle peut aussi, en matiĂšre civile, statuer au fond lorsque l’intĂ©rĂȘt d’une bonne admi-nistration de la justice le justifie (
) ».

Sur l’ensemble de la pĂ©riode, les cassations sans renvoi reprĂ©sentent 3,4 % du total des arrĂȘts statuant sur les moyens des pourvois et 10 % du total des cassations – tableau 6.

En l’absence d’informations sur la nature des contentieux concernĂ©s, il n’est pas possible d’identifier les matiĂšres Ă  cassation n’impliquant pas qu’il soit Ă  nouveau statuĂ© sur le fond.

On verra que la proportion de cassations prononcĂ©es sans renvoi varie d’une chambre Ă  l’autre, sans doute en raison de la spĂ©cificitĂ© des contentieux traitĂ©s. Au cours de la pĂ©riode 2011 Ă  2020, en moyenne 10 % des cassations ont Ă©tĂ© prononcĂ©es sans renvoi. On constate que la premiĂšre chambre civile, la deuxiĂšme chambre civile et la chambre sociale sont les chambres qui prononcent le plus frĂ©quemment des cassations sans renvoi (respectivement 13,5 %, 11,9 % et 10,1 %) – tableaux 6-1, 6-2 et 6-5.

Page 257: RAPPORT 2020 ANNUEL

257

/ Activité juridictionnelle

Tableau 6 â€“  Évolution des dĂ©cisions prononcĂ©es 2011-2020 Ensemble des chambres civiles, commerciale et sociale

Total Avec renvoi

Sans renvoi

Total 109 604 4 510 105 094 35 161 31 626 3 535 35 314 34 6192011 11 508 394 11 114 3 829 3 452 377 4 138 3 1472012 12 262 485 11 777 3 986 3 530 456 4 246 3 5452013 11 227 525 10 702 3 701 3 359 342 4 048 2 9532014 11 506 477 11 029 3 658 3 323 335 4 081 3 2902015 10 541 514 10 027 3 494 3 192 302 3 753 2 7802016 11 101 551 10 550 3 528 3 232 296 3 806 3 2162017 11 622 471 11 151 3 677 3 356 321 3 567 3 9072018 11 084 391 10 693 3 412 3 017 395 2 845 4 4362019 10 158 425 9 733 3 234 2 843 391 2 664 3 8352020 8 595 277 8 318 2 642 2 322 320 2 166 3 510

Unité de compte : décisionsSource : NOMOS

Années Total

DĂ©cisions ne

statuant pas sur les pourvois

DĂ©cisions statuant

sur les pourvois

Cassa ons

Rejets RNSM

‱ La part des rejets non spĂ©cialement motivĂ©s augmente et dĂ©passe 42 % en 2020

Comme la proportion des cassations, celle de l’ensemble des rejets varie peu. En revanche, la part des rejets non spĂ©cialement motivĂ©s (RNSM) poursuit sa progression. En 2017, pour la premiĂšre fois, la part des RNSM devance celle des rejets et cette pro-portion se situe autour de 40 %, voire la dĂ©passe les trois annĂ©es suivantes. En 2020, elle atteint mĂȘme 42 %. Ainsi, en 2020, plus de six rejets sur dix ne sont pas motivĂ©s.

Seules les parties ont une connaissance prĂ©cise des motifs pour lesquels leur pour-voi a Ă©tĂ© rejetĂ©. En effet, le rapport du conseiller rapporteur leur est systĂ©matiquement communiquĂ© avant l’audience. Il y expose les motifs justifiant, selon lui, qu’une dĂ©ci-sion d’irrecevabilitĂ© ou de rejet non motivĂ© soit rendue.

La mise en place prochaine par la Cour de cassation d’une nomenclature de la nature des affaires orientĂ©es permettra cependant de connaĂźtre la nature des litiges qui font plus frĂ©quemment que d’autres l’objet de ces dĂ©cisions non motivĂ©es.

Si la proportion de demandeurs au pourvoi qui obtiennent la cassation est relative-ment stable au fil des annĂ©es devant toutes les chambres, on observe en revanche des pratiques diffĂ©rentes en matiĂšre de recours aux RNSM. En effet, si l’on observe une croissance gĂ©nĂ©rale de la part des RNSM devant toutes les chambres, l’ampleur de la hausse diffĂšre selon les chambres – figures 5-1 Ă  5-5.

Page 258: RAPPORT 2020 ANNUEL

258

LIVRE 4 / Activité de la Cour

‱ Premiùre chambre civile

Devant la premiĂšre chambre civile, la proportion de cassations est en moyenne d’un tiers sur l’ensemble de la pĂ©riode, elle oscille entre 29 % et 36,6 % selon les annĂ©es – tableau 6-1 et figure 5-1. La part des cassations sans renvoi reprĂ©sente en moyenne 13,5 % du total des cassations prononcĂ©es. Elle varie d’une annĂ©e sur l’autre (de 9,2 % en 2014 Ă  21,9 % en 2020) mais, compte tenu des variations annuelles observĂ©es, on ne peut pas en dĂ©duire une vĂ©ritable tendance Ă  la hausse, la part des cassations sans renvoi dĂ©pend vraisemblablement de la nature des contentieux traitĂ©s par cette chambre : dans celui des Ă©trangers et des hospitalisations sans consentement, on a constatĂ© au cours de la pĂ©riode des proportions de cassations sans renvoi atteignant 100 %.

Figure 5-1 â€“  PremiĂšre chambre civile Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s

2011-2020

‱ Devant la premiĂšre chambre civile, la proportion des RNSM progresse et dĂ©passe celle des rejets Ă  partir de 2017

Depuis 2015, la proportion de RNSM n’a cessĂ© d’augmenter au dĂ©triment des rejets, passant de 30,6 % Ă  45,7 % en 2020. En 2017, la part des RNSM dĂ©passe pour la premiĂšre fois celle des rejets (38,2 % contre 27,5 %). Les annĂ©es suivantes, l’écart se creuse, en 2020, la proportion de RNSM devance de 21 points celle des rejets (45,7 %, contre 24,9 %) – figure 5-1.

Page 259: RAPPORT 2020 ANNUEL

259

/ Activité juridictionnelle

Tableau 6-1 â€“ Ă‰volution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la premiĂšre chambre civile

Total Avec renvoi

Sans renvoi

Total 19 417 636 18 781 6 291 5 443 848 5 769 6 7212011 1 939 55 1 884 544 467 77 581 7592012 2 282 73 2 209 713 599 114 709 7872013 2 011 65 1 946 686 620 66 701 5592014 2 002 73 1 929 674 612 62 731 5242015 2 014 83 1 931 681 608 73 660 5902016 1 959 58 1 901 633 533 100 651 6172017 2 068 75 1 993 682 608 74 549 7622018 1 991 53 1 938 709 626 83 437 7922019 1 773 59 1 714 576 463 113 417 7212020 1 378 42 1 336 393 307 86 333 610

Unité de compte : décisions

Années

Source : NOMOS

Cassa ons

Rejets RNSM

DĂ©cisions statuant

sur les pourvois

DĂ©cisionsne

statuant pas sur les pourvois

Total

‱ Deuxiùme chambre civile

Devant la deuxiĂšme chambre civile, les demandeurs au pourvoi obtiennent la cassa-tion dans 35,3 % en moyenne sur la pĂ©riode. Cette part varie de 41 % en 2011 Ă  30 % en 2014 et se situe Ă  34 % en 2020.

Comme devant toutes les chambres, la proportion des cassations prononcĂ©es sans renvoi fluctue d’une annĂ©e Ă  l’autre. Devant la deuxiĂšme chambre civile cette part varie ainsi de 7,8 % en 2012 Ă  15,9 % en 2019 – tableau 6-2. Il est difficile d’inter-prĂ©ter ces fluctuations annuelles en l’absence d’informations sur la nature des conten-tieux concernĂ©s 6.

‱ Devant la deuxiĂšme chambre civile, la proportion des RNSM progresse et dĂ©passe celle des rejets Ă  partir de 2017

Devant cette chambre, la proportion des RNSM tend constamment Ă  augmenter Ă  partir de 2016 et dĂ©passe celle des rejets en 2018 (28,3 % et 36,5 %), pour atteindre 38,9 % en 2020 â€“ figure 5-2. Il est difficile, ici encore, d’apprĂ©cier ces Ă©volutions des RNSM en l’absence de donnĂ©es qualitatives sur la nature des contentieux faisant l’ob-jet d’un rejet ou d’un RNSM.

6. À cet Ă©gard, la mise en place prochaine de la nomenclature des affaires orientĂ©es permettra d’apporter un Ă©clairage sur la frĂ©quence des cassations sans renvoi par nature de contentieux.

Page 260: RAPPORT 2020 ANNUEL

260

LIVRE 4 / Activité de la Cour

Figure 5-2 â€“  DeuxiĂšme chambre civile Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s

2011-2020

Tableau 6-2 â€“ Ă‰volution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la deuxiĂšme chambre civile

Total Avec renvoi

Sans renvoi

Total 24 875 1 588 23 287 8 210 7 230 980 7 346 7 7312011 2 582 116 2 466 1 017 938 79 804 6452012 2 745 146 2 599 912 801 111 797 8902013 2 575 201 2 374 861 776 85 803 7102014 2 763 163 2 600 792 689 103 865 9432015 2 255 175 2 080 757 661 96 769 5542016 2 460 198 2 262 738 660 78 831 6932017 2 426 148 2 278 776 674 102 691 8112018 2 349 139 2 210 779 667 112 625 8062019 2 462 191 2 271 841 707 134 586 8442020 2 258 111 2 147 737 657 80 575 835

Unité de compte : décisions

Cassa ons

Rejets RNSM

Source : NOMOS

Années Total

DĂ©cisions ne

statuant pas sur les pourvois

DĂ©cisions statuant

sur les pourvois

Page 261: RAPPORT 2020 ANNUEL

261

/ Activité juridictionnelle

‱ Troisiùme chambre civile

Devant la troisiĂšme chambre civile, la proportion moyenne de cassations est de 31,5 %. Selon les annĂ©es, cette part fluctue lĂ©gĂšrement autour de cette moyenne : de l’ordre de 28 % en 2011 et 2018, elle atteint 33 % en 2013 et 2019 et 32 % en 2020.

‱ La part des cassations sans renvoi reste moins frĂ©quente devant la troisiĂšme chambre civile que devant les autres chambres

La part des cassations sans renvoi est trĂšs faible, ne dĂ©passant pas 7 % en moyenne sur la pĂ©riode 2011-2020. Au fil des annĂ©es, cette part fluctue entre 4,5 % en 2011 et 7,9 % en 2019 â€“ tableau 6-3. On peut faire l’hypothĂšse que cette frĂ©quence plus faible de cassations prononcĂ©es sans renvoi devant la troisiĂšme chambre civile tient vraisem-blablement Ă  la nature des affaires qu’elle traite.

‱ RestĂ©e Ă  un faible niveau dans la premiĂšre moitiĂ© de la dĂ©cennie, la part des RNSM progresse ensuite rĂ©guliĂšrement pour atteindre prĂšs de 38 % en 2020

En moyenne, sur la pĂ©riode, la proportion des RNSM observĂ©e devant la troi-siĂšme chambre civile est significativement plus faible que devant les autres chambres (26,2 %). En effet, bien que tendant Ă  augmenter rĂ©guliĂšrement au fil des annĂ©es, les proportions de RNSM sont demeurĂ©es relativement basses jusqu’en 2017, descendant mĂȘme Ă  14,6 % et 18,4 % en 2013 et 2014. Ce n’est qu’en 2018 que cette part dĂ©passe pour la premiĂšre fois celle des rejets de 6 points (respectivement 38,8 % et 32,9 %). L’annĂ©e suivante, la part des rejets devance celle des RNSM (36,2 % et 30,7 %). En 2020, la part des RNSM surpasse Ă  nouveau celle des rejets (de plus de 7 points : 37,7 % et 30,2 %) – figure 5-3.

Figure 5-3 â€“  TroisiĂšme chambre civile Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s

2011-2020

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020Cassa ons 28,6 31,6 33,0 31,5 31,2 33,1 32,9 28,3 33,2 32,1Rejets 47,9 46,9 52,3 50,1 44,4 39,1 38,5 32,9 36,2 30,2RNSM 23,4 21,5 14,6 18,4 24,4 27,9 28,7 38,8 30,7 37,7

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

CIV3

Page 262: RAPPORT 2020 ANNUEL

262

LIVRE 4 / Activité de la Cour

Tableau 6-3 â€“ Ă‰volution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la troisiĂšme chambre civile

Total Avec renvoi

Sans renvoi

Total 17 640 457 17 183 5 414 5 097 317 7 264 4 5052011 1 899 42 1 857 532 508 24 890 4352012 1 923 39 1 884 595 565 30 884 4052013 1 823 52 1 771 585 552 33 927 2592014 1 806 58 1 748 551 522 29 875 3222015 1 809 47 1 762 549 517 32 783 4302016 1 867 58 1 809 598 571 27 707 5042017 1 786 41 1 745 574 537 37 671 5002018 1 775 46 1 729 490 457 33 569 6702019 1 528 44 1 484 492 453 39 537 4552020 1 424 30 1 394 448 415 33 421 525

Unité de compte : décisions

DĂ©cisions statuant

sur les pourvois

Cassa ons

Rejets RNSM

Source : NOMOS

Années Total

DĂ©cisions ne

statuant pas sur les pourvois

‱ Chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique

Comme devant les autres chambres, la proportion des demandeurs au pourvoi qui obtiennent la cassation varie relativement peu annuellement au cours de la pĂ©riode – tableau 6-4 et figure 5-4. De 2011 Ă  2020, en moyenne, les cassations reprĂ©sentent 32,2 % des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois. Cette part varie peu autour de cette moyenne : par exemple, elle avoisine 36 % en 2016 et se situe entre 30 % et 31 % de 2012 Ă  2015 et 2018 et 33 % en 2020.

Comme devant les autres chambres, la part des cassations sans renvoi est relative-ment faible (6,9 % en moyenne sur la période). On observe des fluctuations annuelles de cette part (4,8 % en 2019, 10,6 % en 2011) qui tiennent ici encore probablement à la nature des litiges traités.

‱ Une Ă©volution contrastĂ©e de la part des RNSM devant la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique

Devant la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique, l’évolution des parts respectives des deux types de rejets est plus contrastĂ©e – figure 5-4. On observe en effet une baisse sensible de la proportion des RNSM de 2012 Ă  2016, celle-ci passant de 34,4 % en 2011 Ă  22 % en 2016 (il s’agit lĂ  de la proportion la plus faible observĂ©e devant toutes les autres chambres). DĂšs l’annĂ©e suivante (2017) cette baisse laisse place Ă  une nette tendance haussiĂšre. La part des RNSM atteignant 41 % en 2018 dĂ©passe de 13 points celle des rejets. Elle diminue ensuite au cours des deux annĂ©es suivantes mais continue Ă  devancer la part des rejets.

Page 263: RAPPORT 2020 ANNUEL

263

/ Activité juridictionnelle

Figure 5-4 â€“  Chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s

2011-2020

Tableau 6-4 â€“  Évolution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique

Total Avec renvoi

Sans renvoi

Total 15 704 718 14 986 4 827 4 494 333 5 464 4 6952011 1 821 72 1 749 566 506 60 582 6012012 1 759 80 1 679 506 458 48 641 5322013 1 622 81 1 541 473 445 28 625 4432014 1 521 88 1 433 457 427 30 554 4222015 1 373 87 1 286 409 385 24 547 3302016 1 355 83 1 272 457 436 21 535 2802017 2 007 83 1 924 642 616 26 754 5282018 1 653 52 1 601 498 452 46 447 6562019 1 412 53 1 359 441 420 21 416 5022020 1 181 39 1 142 378 349 29 363 401

Unité de compte : décisions

Années Total

DĂ©cisions ne

statuant pas sur les pourvois

DĂ©cisions statuant

sur les pourvois

Cassa ons

Rejets RNSM

Source : NOMOS

Page 264: RAPPORT 2020 ANNUEL

264

LIVRE 4 / Activité de la Cour

‱ Chambre sociale

En moyenne, sur la pĂ©riode, devant la chambre sociale, les demandeurs au pourvoi obtiennent gain de cause au moins partiellement dans un peu plus d’un tiers des cas (33,8 %), cette part variant de 30,4 % (2019) Ă  37 % (2011, 2012 et 2015) et s’établit Ă  29,8 % en 2020 â€“ tableau 6-5 et figure 5-5.

La part des cassations prononcĂ©es sans renvoi est de l’ordre de 10 % en moyenne sur la pĂ©riode. Elle fluctue au fil des annĂ©es, entre 6 % et 8 % de 2015 Ă  2017, elle dĂ©passe 11 % plusieurs annĂ©es de suite (2011, 2012 et 2013), remonte Ă  13 % en 2018, baisse en 2019 (9,5 %) remonte enfin Ă  13,4 % en 2020 â€“ tableau 6-5.

‱ Devant la chambre sociale, la part des RNSM augmente fortement au fil des annĂ©es, elle reprĂ©sente prĂšs de la moitiĂ© des arrĂȘts prononcĂ©s en 2020

Devant la chambre sociale, au cours de la dĂ©cennie, on observe une forte tendance Ă  la hausse de la part des RNSM au dĂ©triment des rejets. En 2017, cette part, atteignant plus de 40 % des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois, dĂ©passe de 13 points celle des rejets. Cet Ă©cart se creuse les annĂ©es suivantes. En 2020, il est de 29 points. La proportion de RNSM reprĂ©sente prĂšs de la moitiĂ© des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois prononcĂ©es par la chambre sociale – figure 5-5.

Figure 5-5 â€“  Chambre sociale Évolution de la proportion de cassations, rejets et rejets non spĂ©cialement motivĂ©s

2011-2020

Page 265: RAPPORT 2020 ANNUEL

265

Tableau 6-5 â€“ Ă‰volution des dĂ©cisions prononcĂ©es par la chambre sociale 2011-2020

Total Avec renvoi

Sans renvoi

Total 31 968 1 111 30 857 10 419 9 362 1 057 9 471 10 9672011 3 267 109 3 158 1 170 1 033 137 1 281 7072012 3 553 147 3 406 1 260 1 107 153 1 215 9312013 3 196 126 3 070 1 096 966 130 992 9822014 3 414 95 3 319 1 184 1 073 111 1 056 1 0792015 3 090 122 2 968 1 098 1 021 77 994 8762016 3 460 154 3 306 1 102 1 032 70 1 082 1 1222017 3 335 124 3 211 1 003 921 82 902 1 3062018 3 316 101 3 215 936 815 121 767 1 5122019 2 983 78 2 905 884 800 84 708 1 3132020 2 354 55 2 299 686 594 92 474 1 139

Unité de compte : décisionsSource : NOMOS

Années Total

DĂ©cisions ne

statuant pas sur les pourvois

DĂ©cisions statuant

sur les pourvois

Cassa ons

Rejets RNSM

6. Durée moyenne des décisions statuant sur les moyens des pourvois prononcées en 2020

Il convient de rappeler que pour ĂȘtre dĂ©clarĂ© recevable, c’est-Ă -dire pour pouvoir ĂȘtre examinĂ©, un pourvoi doit ĂȘtre formĂ© dans un dĂ©lai donnĂ©, en gĂ©nĂ©ral dans les 2 mois qui suivent la signification ou la notification de la dĂ©cision attaquĂ©e (article 612 du code de procĂ©dure civile, sauf procĂ©dures particuliĂšres des articles 996 et 999 du code de procĂ©dure civile). PassĂ©s ces dĂ©lais, le pourvoi sera dĂ©clarĂ© irrecevable.

Une fois le pourvoi formĂ© dans les 2 mois qui suivent la signification ou la notifica-tion de la dĂ©cision attaquĂ©e, les parties sont tenues, sauf disposition contraire, de choi-sir un avocat au Conseil d’État et Ă  la Cour de cassation devant les chambres civiles avec reprĂ©sentation obligatoire (article 973 du code de procĂ©dure civile). Sous peine de dĂ©chĂ©ance, l’avocat du demandeur remet au greffe, dans le dĂ©lai de quatre mois, un mĂ©moire ampliatif contenant les moyens de droit invoquĂ©s contre la dĂ©cision attaquĂ©e et fait signifier ce mĂ©moire au dĂ©fendeur (article 978). Le dĂ©fendeur dispose alors d’un dĂ©lai de deux mois pour produire un mĂ©moire en rĂ©ponse (article 982).

En 2020, toutes chambres civiles, commerciale et sociale confondues, les dĂ©ci-sions statuant sur les moyens des pourvois ont Ă©tĂ© rendues en 18 mois en moyenne – tableau 7. Il s’est Ă©coulĂ© 18,5 mois entre la dĂ©claration de pourvoi et la dĂ©cision de cassation. Les procĂ©dures se terminant par une cassation sans renvoi sont lĂ©gĂšrement plus longues que celles qui cassent avec renvoi (19,7 mois, contre 18,4 mois).

Enfin, la durĂ©e des rejets, qu’ils soient motivĂ©s ou non, est du mĂȘme ordre (autour de 17 mois) – tableau 7.

Page 266: RAPPORT 2020 ANNUEL

266

LIVRE 4 / Activité de la Cour

La durĂ©e de traitement des procĂ©dures varie beaucoup d’une chambre Ă  l’autre (de 15,3 mois devant la deuxiĂšme chambre civile Ă  23,6 mois devant la chambre commer-ciale, financiĂšre et Ă©conomique). En l’absence d’informations qualitatives sur la durĂ©e des procĂ©dures par nature et de contentieux traitĂ©s par chacune des chambres, il est difficile d’interprĂ©ter les Ă©carts observĂ©s.

Pour la chambre sociale, il se pourrait que l’existence de pourvois sĂ©riels gĂ©nĂšre un allongement des durĂ©es. De façon gĂ©nĂ©rale, on peut Ă©galement faire l’hypothĂšse d’une dispersion plus importante des contentieux devant certaines chambres qui requiĂšrent un investissement de spĂ©cialisation plus grand pour juger des litiges, certes numĂ©ri-quement peu importants, mais trĂšs variĂ©s.

Tableau 7 â€“  DurĂ©e moyenne des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois prononcĂ©es en 2020 par chambre

Nbre Durée Nbre Durée Nbre Durée Nbre Durée Nbre Durée Nbre DuréeTotal 8 318 18,0 1 336 17,0 2 147 15,3 1 394 16,5 1 142 23,6 2 299 20,7 Cassa on total 2 642 18,5 393 16,8 737 15,9 448 17,2 378 23,0 686 20,8 Cassa ons avec renvoi 2 322 18,4 307 17,0 657 15,8 415 17,3 349 22,8 594 20,1 Cassa ons sans renvoi 320 19,7 86 16,3 80 16,8 33 16,7 29 26,0 92 24,5 Rejets 2 166 17,5 333 17,4 575 13,0 421 17,4 363 23,5 474 18,5 RNSM 3 510 17,9 610 17,2 835 15,5 525 14,7 401 22,2 1 139 19,9

SOC

Source : NOMOS

Nature de la décision Total CIV1 CIV2 CIV3 COM

7. Les formations de jugement

Aux termes de l’article L. 431-1 du code de l’organisation judiciaire : « Les affaires soumises Ă  une chambre civile sont examinĂ©es par une formation de trois magistrats appartenant Ă  la chambre Ă  laquelle elles ont Ă©tĂ© distribuĂ©es.

Cette formation statue lorsque la solution du pourvoi s’impose. Dans le cas contraire, elle renvoie l’examen du pourvoi à l’audience de la chambre.

Toutefois, le premier prĂ©sident ou le prĂ©sident de la chambre concernĂ©e, ou leurs dĂ©lĂ©guĂ©s, d’office ou Ă  la demande du procureur gĂ©nĂ©ral ou de l’une des parties, peuvent renvoyer directement une affaire Ă  l’audience de la chambre par dĂ©cision non motivĂ©e. »

Aux termes de l’article R. 421-3 du code de l’organisation judiciaire : « La Cour de cassation comprend cinq chambres civiles et une chambre criminelle.

Chaque chambre comprend une ou plusieurs sections.

Chaque chambre siĂšge soit en formation plĂ©niĂšre, soit en formation de section, soit en formation restreinte, en matiĂšre civile, conformĂ©ment aux deux premiers alinĂ©as de l’article L. 431-1, et, en matiĂšre pĂ©nale, conformĂ©ment Ă  l’article L. 431-2 et Ă  l’ar-ticle 567-1-1 du code de procĂ©dure pĂ©nale. »

Page 267: RAPPORT 2020 ANNUEL

267

/ Activité juridictionnelle

La part des formations restreintes 7 n’a cessĂ© d’augmenter au cours de ces 10 der-niĂšres annĂ©es, pour reprĂ©senter prĂšs de 95 % des affaires traitĂ©es en matiĂšre civile toutes chambres confondues.

Au sein de ces formations restreintes, une ventilation peut ĂȘtre faite entre celles donnant lieu Ă  un arrĂȘt motivĂ© qui reprĂ©sentent 52 % des formations et celles aboutis-sant Ă  un rejet non spĂ©cialement motivĂ© (« RNSM ») qui reprĂ©sentent 41 % des forma-tions. L’article 1014 du code de procĂ©dure civile autorise la Cour de cassation Ă  rejeter de maniĂšre non spĂ©cialement motivĂ©e les pourvois irrecevables ou qui ne sont manifes-tement pas de nature Ă  entraĂźner la cassation de l’arrĂȘt attaquĂ© (voir Ă©galement p. 257).

En 2020, seulement 5,5 % des affaires relĂšvent de la formation de section 8, alors qu’en 2011, 11 % des affaires relevaient d’une formation de section. On constate donc un glissement opĂ©rĂ© ces derniĂšres annĂ©es des formations de section au profit des for-mations restreintes et plus spĂ©cifiquement celles aboutissant Ă  un RNSM.

Tableau 8 â€“  RĂ©partition des dĂ©cisions selon la formation Ensemble des chambres civiles

Nbre % Nbre % Nbre %

2011 11 510 1 304 11,3 10 177 88,4 29 0,32012 12 264 1 525 12,4 10 711 87,3 28 0,22013 11 227 1 308 11,7 9 882 88,0 37 0,32014 11 520 1 118 9,7 10 377 90,1 25 0,22015 10 547 989 9,4 9 522 90,3 36 0,32016 11 102 1 043 9,4 10 043 90,5 16 0,12017 11 624 885 7,6 10 722 92,2 17 0,12018 11 084 778 7,0 10 259 92,6 47 0,42019 10 160 708 7,0 9 434 92,9 18 0,22020 8 595 473 5,5 8 107 94,3 13 0,2

Source : NOMOS

Années Total

Forma on de sec on

Forma on restreinte

Forma on pléniÚre

7. Formation de trois magistrats appartenant Ă  la chambre Ă  laquelle l’affaire a Ă©tĂ© distribuĂ©e.8. Formation composĂ©e habituellement de l’ensemble d’une section de la chambre.

Page 268: RAPPORT 2020 ANNUEL

268

LIVRE 4 / Activité de la Cour

Figure 6 â€“ Ă‰volution de la proportion de dĂ©cisions prononcĂ©es en formation de section par chambre

Page 269: RAPPORT 2020 ANNUEL

269

/ Activité juridictionnelle

2. L’activitĂ© de la chambre criminelle

2.1. Évolution des pourvois jugĂ©s en matiĂšre pĂ©nale

* L’évolution Ă  la baisse du nombre d’arrĂȘts mettant fin Ă  l’instance rĂ©sulte directement de l’application de l’article 590-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale, introduit par la loi n° 2016/731 du 3 juin 2016, prĂ©voyant que la dĂ©chĂ©ance du pourvoi est dĂ©sormais prononcĂ©e par ordonnance du prĂ©sident de la chambre criminelle.

Tableau 2.23 - ÉVOLUTION DES POURVOIS JUGÉS EN MATIERE PÉNALE

7 926

8 7118 158

8 612

7 600 7 828 7 799 7 587 7 470 7 547

7 1227 679

6 922

7 657

6 5385 887

3 500 3 3873 337 2 919

2 500

3 500

4 500

5 500

6 500

7 500

8 500

9 500

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Nombre de pourvois jugĂ©sNombre dÊŒarrĂȘts mettant fin Ă  l'instance *

Contrairement aux chambres civiles, le nombre des pourvois est restĂ© stable en 2020, s’inscrivant ainsi dans une remarquable stabilitĂ© du nombre des pourvois annuellement formĂ©s en matiĂšre pĂ©nale depuis 2015, et le nombre d’arrĂȘts mettant fin Ă  l’instance n’a que trĂšs lĂ©gĂšrement baissĂ©.

Il convient de rappeler, pour une bonne comprĂ©hension des chiffres, que la chute du nombre d’arrĂȘts mettant fin l’instance en 2016 s’explique uniquement par l’entrĂ©e en vigueur de la rĂ©forme confiant le prononcĂ© des dĂ©chĂ©ances au prĂ©sident, ou Ă  son dĂ©lĂ©guĂ©, dont les ordonnances, qui reprĂ©sentent plus de la moitiĂ© des dĂ©cisions ren-dues, ne sont plus comptabilisĂ©es dans ce tableau (il s’agit de pourvois non soutenus par les requĂ©rants).

Page 270: RAPPORT 2020 ANNUEL

270

LIVRE 4 / Activité de la Cour

2.2. RĂ©partition du contentieux pĂ©nal en 2020 par nature d’affaires

En 2020, le volume des affaires correctionnelles a diminuĂ© (2 838 contre 4 277 en 2019). La part des affaires correctionnelles reprĂ©sente moins de la moitiĂ© du conten-tieux pĂ©nal avec une part de 43 % en 2020 contre 53 % en 2019 et 52 % en 2018. Cette baisse des pourvois en matiĂšre correctionnelle s’explique notamment de façon conjonc-turelle, par le contexte de crise sanitaire en 2020 qui a entraĂźnĂ© certains reports d’au-dience devant les juridictions correctionnelles.

En revanche, l’annĂ©e 2020 voit une augmentation trĂšs sensible du contentieux de la dĂ©tention, avec 1 814 affaires. Cette hausse, amorcĂ©e en 2017 (1 199 affaires contre 915 en 2016, puis 1 335 en 2018 et 1 386 en 2019), se confirme donc en 2020 oĂč le contentieux de la dĂ©tention reprĂ©sente dĂ©sormais 28 % du volume global des affaires de la chambre criminelle, contre 12 % en 2016, 16 % en 2017, 18 % en 2018 et 17 % en 2019. Cette tendance s’inscrit non seulement dans le cadre d’un mouvement de fond qui concerne particuliĂšrement les pourvois formĂ©s contre les dĂ©cisions rendues par les chambres de l’instruction, mais aussi dans le contexte de crise sanitaire prĂ©cĂ©-demment Ă©voquĂ©. Le contentieux croissant de la dĂ©tention reprĂ©sente une charge sin-guliĂšre pour la chambre criminelle en ce qu’il est insĂ©rĂ© par la loi dans des dĂ©lais de jugement fortement contraints et courts.

En 2020, la part des affaires de police et de l’instruction se maintient, avec respec-tivement 4 % et 18 % du contentieux pĂ©nal (contre 3 % et 18 % en 2019).

Le contentieux des affaires aux assises connaĂźt un pourcentage identique depuis 2017 reprĂ©sentant 3 % du contentieux pĂ©nal (188 affaires en 2020 contre 240 en 2019, 203 en 2018 et 216 en 2017).

Page 271: RAPPORT 2020 ANNUEL

271

/ Activité juridictionnelle

2.3. Répartition des pourvois jugés en matiÚre penale en 2020 par catégorie de décisions

Le nombre des dĂ©cisions de rejet connaĂźt une baisse de 30 % sur une annĂ©e (891 en 2020 contre 1 284 en 2019, soit une part de 12 % contre 17 % en 2019) compensĂ©e par une hausse de 25,6 % du nombre des dĂ©cisions de non-admission (1 623 en 2020 contre 1 292 en 2019, soit une part de 21 % contre 17 % en 2019). Ainsi, le recours Ă  la non-admission poursuit son dĂ©veloppement en matiĂšre pĂ©nale : rapportĂ© Ă  l’ensemble des dĂ©cisions hors ordonnances de dĂ©chĂ©ance, il reprĂ©sente dorĂ©navant prĂšs de 40 % des arrĂȘts rendus par la chambre.

Page 272: RAPPORT 2020 ANNUEL

272

LIVRE 4 / Activité de la Cour

2.4. DurĂ©e moyenne de traitement des pourvois en matiĂšre pĂ©nale (en jours)

La durĂ©e moyenne de traitement des affaires devant la chambre criminelle, qui s’inscri-vait dans une tendance Ă  la baisse ces derniĂšres annĂ©es, connaĂźt une trĂšs lĂ©gĂšre augmenta-tion en 2020 avec 215 jours contre 202 en 2019 mais reste en deçà du chiffre de 2018 (216).

3. Les questions prioritaires de constitutionnalitĂ© (QPC)Tableau 3.1. â€“  Questions prioritaires de constitutionnalitĂ© enregistrĂ©es

Page 273: RAPPORT 2020 ANNUEL

273

/ Activité juridictionnelle

Tableau 3.2. â€“ RĂ©partition des QPC enregistrĂ©es en matiĂšre civile

Tableau 3.3. â€“ RĂ©partition des QPC enregistrĂ©es en matiĂšre pĂ©nale

0

100

200

300

2015 2016 2017 2018 2019 2020

23 31 28 35 37 35

112 110 99126 122 134

QPC transmises QPC incidentes

Tableau 3.3 - RÉPARTITION DES QPC ENREGISTRÉES EN MATIÈRE PÉNALE

07/10/2021

En 2020, 282 QPC transmises par les juridictions du fond et incidentes Ă  un pourvoi ont Ă©tĂ© enregistrĂ©es. En matiĂšre civile, le nombre de QPC enregistrĂ©es reste stable par rapport Ă  l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente avec 113 QPC contre 126 en 2019. Le nombre de QPC en matiĂšre pĂ©nale avec 169 QPC contre 159 en 2019 est quant Ă  lui en lĂ©gĂšre augmentation.

En matiĂšre civile, Ă  l’inverse des deux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, la part des QPC inci-dentes (42 %) est infĂ©rieure Ă  celle des QPC transmises (58 %) (47 QPC incidentes contre 66 QPC transmises).

Page 274: RAPPORT 2020 ANNUEL

274

LIVRE 4 / Activité de la Cour

En matiĂšre pĂ©nale, Ă  l’instar des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, la proportion des QPC inci-dentes (79 %) reste toujours supĂ©rieure Ă  celle des QPC transmises (21 %) (134 QPC incidentes contre 35 QPC transmises).

Depuis la crĂ©ation de cette voie de recours, il a Ă©tĂ© constatĂ© que la matiĂšre pĂ©nale Ă©tait le terrain privilĂ©giĂ© des QPC. En 2016 et 2017, cette tendance s’est inversĂ©e laissant place Ă  davantage de QPC enregistrĂ©es en matiĂšre civile. Ces trois derniĂšres annĂ©es, la tendance originaire a de nouveau fait surface avec en 2020, un total de 169 QPC enregistrĂ©es en matiĂšre pĂ©nale contre 113 en matiĂšre civile. Ces variations d’une pĂ©riode Ă  une autre dĂ©montrent que les droits fondamentaux sont autant invoquĂ©s en matiĂšre pĂ©nale que civile.

Tableau 3.4. â€“ DĂ©cisions rendues sur les questions prioritaires de constitutionnalitĂ©

Renvoi au CC

Non-renvoi au CC

Autres * Total CIVIL

Renvoi au CC

Non-renvoi au CC

Autres * Total PÉNAL

2013 35 109 12 8 118 51

22% 70% 8% 5% 67% 29%

2014 22 99 19 25 133 57

16% 71% 14% 12% 62% 27%

2015 17 62 18 14 85 33

18% 64% 19% 11% 64% 25%

2016 26 273 38 25 83 31

8 % 81 % 11 % 17 % 60 % 22 %

2017 17 95 38 11 72 24

11 % 63 % 25 % 10 % 67 % 22 %

2018 28 69 18 12 60 10

24 % 60 % 15 % 15 % 73 % 12 %

11 92 9 19 107 36

10 % 82 % 8 % 12 % 66 % 22 %

65 70 4 33 93 28

47 % 50 % 3 % 21 % 60 % 19 %Total 221 869 156 1 246 147 751 270 1 168 2 414

* Irrecevabilité, renonciation.

355

22997

140

392931

274

476

257

197

2020

150

154

82

156 177

132

215

112 162

139

2019

115

337

107

333

Totalpar

année

PÉNALAnnĂ©e

CIVIL

Tableau 3.4 - DÉCISIONS RENDUES SUR LES QUESTIONS PRIORITAIRES DE CONSTITUTIONNALITÉ

Page 275: RAPPORT 2020 ANNUEL

275

/ Activité juridictionnelle

Tableau 3.5. â€“ RĂ©partition des dĂ©cisions rendues sur QPC en matiĂšre civile

17 26 17 2811

6562

273

9569

9270

1838 38

18 9 40

50

100

150

200

250

300

2015 2016 2017 2018 2019 2020

Renvoi au CC Non-renvoi au CC Autres (irrecevabilité, renonciation)

Tableau 3.5 - RÉPARTITION DES DÉCISIONS RENDUES SUR QPCEN MATIÈRE CIVILE

07/10/2021

Tableau 3.6. â€“ RĂ©partition des dĂ©cisions rendues sur QPC en matiĂšre pĂ©nale

1425

11 12 1933

85 8372

60

10793

33 31 2410

3628

0

70

140

210

2015 2016 2017 2018 2019 2020

Renvoi au CC Non-renvoi au CC Autres (irrecevabilité, renonciation)

Tableau 3.6 - RÉPARTITION DES DÉCISIONS RENDUES SUR QPCEN MATIÈRE PÉNALE

07/10/2021

Le nombre de dĂ©cisions rendues sur QPC, toutes chambres confondues, a aug-mentĂ© en 2020 avec un total de 293 dĂ©cisions contre 274 en 2019, enregistrant une hausse continue depuis 2018 (197 dĂ©cisions sur QPC).

Les chambres civiles ont rendu 139 dĂ©cisions sur QPC (contre 112 en 2019), dont 47 % ont fait l’objet d’un renvoi au Conseil constitutionnel, contre 10 % en 2019, 24 % en 2018 et 11 % en 2017, ce qui marque une hausse significative. Il s’agit ainsi du taux de renvoi le plus haut jamais enregistrĂ©.

Page 276: RAPPORT 2020 ANNUEL

276

LIVRE 4 / Activité de la Cour

En matiĂšre pĂ©nale, 154 dĂ©cisions sur QPC ont Ă©tĂ© rendues par la chambre crimi-nelle (contre 162 en 2019), dont 21 % ont fait l’objet d’un renvoi au Conseil constitu-tionnel. L’augmentation importante en matiĂšre civile ne se retrouve ainsi qu'en partie en matiĂšre pĂ©nale, qui connaĂźt toutefois son plus haut taux de renvoi depuis 2013 (12 % en 2019, 15 % en 2018 et 17 % en 2016).

Depuis l’origine, en matiĂšre civile, le taux de renvoi au Conseil constitutionnel oscille entre 8 et 25 % ; en matiĂšre pĂ©nale, exception faite de la premiĂšre annĂ©e (du 1er mars au 31 dĂ©cembre 2010) oĂč 42 % des QPC ont Ă©tĂ© renvoyĂ©es au Conseil consti-tutionnel, ce taux oscille entre 4 et 21 %. Ainsi, si habituellement la Cour de cassation rend trĂšs majoritairement des dĂ©cisions de non-renvoi au Conseil constitutionnel, autant dans le domaine civil qu’en matiĂšre pĂ©nale, l’annĂ©e 2020 marque une excep-tion en matiĂšre civile.

En 2020, tout comme en 2019, les chambres civiles ont rendu moins de dĂ©cisions sur QPC que la chambre criminelle qui reprĂ©sente 52,6 % de l’ensemble des dĂ©cisions sur QPC. Cela marque ainsi un retour Ă  la tendance originaire Ă  l’inverse des annĂ©es 2016, 2017 et 2018, qui avaient laissĂ© place Ă  davantage de dĂ©cisions sur QPC en matiĂšre civile qu’en matiĂšre pĂ©nale.

Page 277: RAPPORT 2020 ANNUEL

277

/ Activité juridictionnelle

Tableau 3.7. â€“  RĂ©partition des dĂ©cisions sur QPC transmises par ressort de Cour d'appel

Cour dÊŒappel QPC civiles

QPC pénales Total %

DOUAI 212 12 224 22,4 %PARIS 192 87 279 27,9 %AIX-EN-PROVENCE 51 23 74 7,4 %VERSAILLES 28 14 42 4,2 %MONTPELLIER 18 9 27 2,7 %BORDEAUX 20 16 36 3,6 %RENNES 21 17 38 3,8 %LYON 15 8 23 2,3 %TOULOUSE 10 4 14 1,4 %ROUEN 12 4 16 1,6 %NANCY 26 11 37 3,7 %NIMES 9 4 13 1,3 %AMIENS 9 1 10 1,0 %PAU 6 4 10 1,0 %BOURGES 6 4 10 1,0 %COLMAR 4 7 11 1,1 %POITIERS 6 2 8 0,8 %REIMS 7 5 12 1,2 %GRENOBLE 8 3 11 1,1 %LIMOGES 5 2 7 0,7 %ORLEANS 5 4 9 0,9 %ANGERS 6 6 12 1,2 %CAEN 5 3 8 0,8 %METZ 6 6 12 1,2 %BASSE-TERRE 3 1 4 0,4 %DIJON 2 5 7 0,7 %CHAMBERY 4 3 7 0,7 %PAPEETE 4 2 6 0,6 %AGEN 22 0,2 %FORT-DE-FRANCE 3 1 4 0,4 %RIOM 3 3 6 0,6 %BASTIA 2 2 4 0,4 %BESANCON 1 1 2 0,2 %SAINT-DENIS DE LA REUNION 1 5 6 0,6 %NOUMEA 4 1 5 0,5 %CAYENNE 2 2 0,2 %MAMOOUDZOU 1 1 0,1 %MAYOTTE 1 1 0,1 %

Total 716 284 1000 100 %

Tableau 3.7 - RÉPARTITION DES DÉCISIONS SUR QPC TRANSMISESPAR RESSORT DE COUR DÊŒAPPEL

DU 1er janvier 2013 AU 31 DÉCEMBRE 2020

Page 278: RAPPORT 2020 ANNUEL

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

Sur les six derniĂšres annĂ©es, l’essentiel des QPC transmises provient des juridic-tions du ressort de la cour d’appel de Paris (279, soit 27,9 % du total en 2020) ainsi que de la cour d’appel de Douai (224, soit 22,4 %) puis de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (74, soit 7,4 %).

B. L’activitĂ© des juridictions et commissions placĂ©es auprĂšs de la Cour de cassation

1. La Cour de réexamen des décisions civiles

La Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles a Ă©tĂ© instituĂ©e par la loi no 2016-1547 du 16 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siĂšcle, qui a introduit au titre V du livre IV du code de l’organisation judiciaire un chapitre II – RĂ©examen en matiĂšre civile â€“ comprenant les articles L. 452-1 Ă  L. 452-6 nouveaux.

La procĂ©dure crĂ©Ă©e par ce texte ouvre la possibilitĂ© de demander le rĂ©examen d’une dĂ©cision civile dĂ©finitive rendue en matiĂšre d’état des personnes, dont la Cour europĂ©enne des droits de l’homme a jugĂ© qu’elle a Ă©tĂ© prononcĂ©e en violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales ou de ses protocoles additionnels, le demandeur devant avoir Ă©tĂ© partie Ă  l’instance et dispo-ser d’un intĂ©rĂȘt Ă  prĂ©senter cette demande.

Le rĂ©examen peut ĂȘtre ordonnĂ© lorsque, « par sa nature et sa gravitĂ©, la violation constatĂ©e entraĂźne, pour cette personne, des consĂ©quences dommageables auxquelles la satisfaction Ă©quitable accordĂ©e en application de l’article 41 de la mĂȘme convention ne pourrait mettre un terme ».

Le rĂ©examen d’un pourvoi en cassation peut ĂȘtre demandĂ© dans les mĂȘmes condi-tions. La Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles est prĂ©sidĂ©e par le doyen des prĂ©si-dents de chambre Ă  la Cour de cassation et composĂ©e de douze conseillers de cette Cour, deux par chambre. Le parquet gĂ©nĂ©ral de la Cour de cassation assure les fonc-tions du ministĂšre public devant la formation de jugement.

Cette procĂ©dure, proche de celle instituĂ©e en matiĂšre pĂ©nale par la loi du 15 juin 2000, permet Ă  la France de mettre en Ɠuvre, dans la seule matiĂšre de l’état des personnes, l’engagement rĂ©sultant pour elle de l’article 46 de la Convention europĂ©enne de se conformer aux arrĂȘts dĂ©finitifs rendus par la Cour de Strasbourg.

En 2020, une requĂȘte a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e devant la Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles.

Évolution de l’activitĂ© de la Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles

AnnĂ©e RequĂȘtes DĂ©cisions rendues

2019 0 0

2020 1 0

ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ DE LA COUR DE RÉEXAMEN DES DÉCISIONS CIVILES

08/10/2021

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/ Activité juridictionnelle

2. La commission d’instruction des demandes en rĂ©vision et en rĂ©examen et la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen des condamnations pĂ©nales

Évolution de l'activitĂ© de la commission d'instruction des demandes en rĂ©vision et en rĂ©examen(Loi no 2014-640 du 20 juin 2014, applicable Ă  compter du 1er octobre 2014)

Resteà juger Reçues Total

Ord

onna

nce

Prés

iden

t

Irrec

evab

ilité

DĂ©s

iste

men

t

Rej

et

Sais

ine

Total

2019 84 153 237 81 57 1 0 4 143 94

2020 94 129 223 94 23 0 0 6 123 100

DĂ©cisions rendues

Année

RequĂȘtes

Reste Ă  juger

ÉVOLUTION DE LÊŒACTIVITÉ DE LA COMMISSION DÊŒINSTRUCTIONDES DEMANDES EN RÉVISION ET EN RÉEXAMEN

(Loi no 2014-640 du 20 juin 2014, applicable Ă  compter du 1er octobre 2014)

La commission d’instruction de la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen a Ă©tĂ© saisie en 2020 de 128 requĂȘtes en rĂ©vision et d’une requĂȘte en rĂ©examen. Ce nombre de dos-siers nouveaux est en baisse par rapport aux 153 dossiers reçus en 2019.

Le stock de dossiers restant Ă  juger au 31 dĂ©cembre 2020 est de 100 dossiers contre 94 au 31 dĂ©cembre 2019.

Ont Ă©tĂ© rendues, en 2020, 123 dĂ©cisions concernant majoritairement des affaires correctionnelles (vol, recel, escroquerie : 19 ; violences : 23 ; urbanisme : 4 ; infractions routiĂšres : 4 ; fraude fiscale : 3 ; stupĂ©fiants : 3), les affaires criminelles, essentiellement viols et meurtres, reprĂ©sentant un peu plus du tiers de l’ensemble (44).

Il s’agit pour la quasi-totalitĂ© de dĂ©cisions d’irrecevabilitĂ© (117), rendues soit sous forme d’ordonnance par le prĂ©sident de la commission (94), soit par la commission dans sa formation collĂ©giale (23). Ces irrecevabilitĂ©s sont le plus souvent motivĂ©es par l’absence de fait nouveau ou d’élĂ©ment inconnu de la juridiction de jugement au jour du procĂšs.

La commission a, en outre, ordonnĂ© deux supplĂ©ments d’information avant de se prononcer sur la recevabilitĂ© des requĂȘtes concernĂ©es.

Elle a saisi la formation de jugement de la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen de cinq dossiers en rĂ©vision, tous relatifs Ă  des condamnations correctionnelles, et d’un dos-sier en rĂ©examen.

Page 280: RAPPORT 2020 ANNUEL

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

Évolution de l’activitĂ© de la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen en matiĂšre pĂ©nale(Loi no 2014-640 du 20 juin 2014, applicable Ă  compter du 1er octobre 2014)

Cor

rect

ionn

el

Crim

inel

Cor

rect

ionn

el

Crim

inel

Cor

rect

ionn

el

Crim

inel

Cor

rect

ionn

el

Crim

inel

2019 4 0 0 4 4 0 0 2 0 0 1 0 0 7

2020 5 0 1 6 3 0 0 0 0 0 0 0 0 3

Année

SaisinesDĂ©cisions

Annulation Rejet Irrecevabilité

Total

RĂ©vision

RĂ©e

xam

enTotal

RĂ©vision

RĂ©e

xam

en

RĂ©vision

RĂ©e

xam

en

RĂ©vision

RĂ©e

xam

en

ÉVOLUTION DE LÊŒACTIVITÉ DE LA COUR DE RÉVISION ET DE RÉEXAMEN EN MATIÈRE PÉNALE

(Loi no 2014-640 du 20 juin 2014, applicable Ă  compter du 1er octobre 2014)

La formation de jugement de la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen a prononcĂ© trois annulations sans renvoi en matiĂšre correctionnelle. Aucun rejet ni aucune irrecevabi-litĂ© n’ont Ă©tĂ© prononcĂ©s. En fin d’annĂ©e, il lui restait Ă  juger trois affaires.

3. La Commission nationale de réparation des détentions

a. Étude statistique des recours et des dĂ©cisions

La Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a enregistrĂ© trente recours en 2020. Le nombre des recours a donc sensiblement diminuĂ© par rapport aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes (quarante-trois recours en 2019 et soixante-quatre recours en 2018).

Les recours reçus ont concernĂ© des dĂ©cisions rendues dans dix-sept cours d’appel. Celles d’Aix-en-Provence et de Rennes ont transmis Ă  la commission nationale quatre recours chacune, celles de Paris et de Versailles trois recours chacune.

La commission nationale a rendu quarante dĂ©cisions en 2020, dont trente-cinq ont Ă©tĂ© rendues au fond. Treize d’entre elles ont Ă©tĂ© des dĂ©cisions de rejet, trois ont accueilli intĂ©gralement le recours et dix-neuf l’ont accueilli partiellement.

La Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a en outre rendu une dĂ©cision d’irrecevabilitĂ© et a Ă©tĂ© saisie d’une question prioritaire de constitutionnalitĂ© (QPC), qu’elle n’a pas transmise Ă  la Cour de cassation.

Le dĂ©lai moyen de jugement par affaire a Ă©tĂ© de quinze mois en 2020. Ce dĂ©lai, qui Ă©tait de dix mois l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, peut s’expliquer par la prise en compte statistique d’un recours du 14 octobre 2011, sur lequel la dĂ©cision, rendue le 24 septembre 2012, a fait l’objet d’une requĂȘte en rectification d’erreur matĂ©rielle, dĂ©posĂ©e le 17 fĂ©vrier 2020.

L’ñge moyen des demandeurs, Ă  la date de leur incarcĂ©ration, Ă©tait de 36,6 ans. Cet Ăąge moyen est plus Ă©levĂ© que celui des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes (30,98 en 2019, 31,20 en 2018 et 33,62 en 2017), comparable Ă  celui de l’annĂ©e 2016 (36,22 ans). Les Ăąges extrĂȘmes ont Ă©tĂ© de 19 ans et 71 ans.

La durĂ©e moyenne des dĂ©tentions indemnisĂ©es a Ă©tĂ© de 379,05 jours. Elle est supĂ©-rieure Ă  celle de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente (356,19 jours) mais infĂ©rieure Ă  celle de l’annĂ©e 2018

Page 281: RAPPORT 2020 ANNUEL

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/ Activité juridictionnelle

(405,08 jours). Cette durĂ©e moyenne a Ă©tĂ© de 288,06 jours en 2017, de 372,61 jours en 2016, de 376 jours en 2015 et de 367 jours en 2014.

Onze dĂ©tentions indemnisĂ©es ont Ă©tĂ© supĂ©rieures ou Ă©gales Ă  un an, six d’entre elles supĂ©rieures Ă  deux ans, dont deux supĂ©rieures Ă  trois ans, la plus longue ayant Ă©tĂ© de 1 644 jours. Sept dĂ©tentions n’ont pas excĂ©dĂ© trois mois, la plus courte ayant Ă©tĂ© de trente-quatre jours.

Évolution de l’activitĂ© de la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions

RĂ©partition des dĂ©cisions de la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions par catĂ©gories – annĂ©e 2020

Page 282: RAPPORT 2020 ANNUEL

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

En ce qui concerne la répartition par infractions, il convient de noter la part toujours importante des infractions contre les personnes (homicides volontaires, viols et violences).

RĂ©partition des requĂȘtes devant la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions par infractions poursuivies – annĂ©e 2020

b. Analyse de la jurisprudence

Conditions du droit à réparation

La commission nationale a jugĂ© qu’une demande en rĂ©paration de la dĂ©tention pro-visoire est recevable dans le cas oĂč :

– d’une part, la procĂ©dure d’information a Ă©tĂ© annulĂ©e partiellement par un arrĂȘt de la chambre de l’instruction ayant prononcĂ© la nullitĂ© du rĂ©quisitoire introductif, de la mise en examen du requĂ©rant et de l’ensemble des titres de dĂ©tention de celui-ci ;

– d’autre part, le reliquat des piĂšces de la procĂ©dure a ultĂ©rieurement fait l’objet d’une dĂ©cision de classement sans suite du ministĂšre public, aucune poursuite n’ayant Ă©tĂ© reprise (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions,13 octobre 2020, no 19CRD035).

Cette dĂ©cision s’inscrit dans le courant de la jurisprudence de la commission natio-nale selon laquelle, en Ă©dictant l’article 149 du code de procĂ©dure pĂ©nale, le lĂ©gislateur a voulu, sauf dans les cas limitativement Ă©numĂ©rĂ©s, que toute personne non dĂ©clarĂ©e coupable dĂ©finitivement ait le droit d’obtenir rĂ©paration du prĂ©judice que lui a causĂ© la dĂ©tention provisoire quelle que soit la cause de la non-dĂ©claration de culpabilitĂ©.

Elle a ainsi admis des demandes d’indemnisation dans certains cas d’annulation d’actes de la procĂ©dure, lorsque l’annulation empĂȘche celle-ci d’aller jusqu’à son terme normal et prive la personne ayant Ă©tĂ© dĂ©tenue de toute possibilitĂ© d’obtenir une dĂ©ci-sion de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 21 janvier 2008, no 07CRD068, Bull. crim. 2008, CNRD ; Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 15 avril 2013, no 12CRD036, Bull. crim. 2013, CNRD, no 2 ; Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 16 juin 2015, no 14CRD066, Bull. crim. 2015, CNRD, no 4).

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/ Activité juridictionnelle

Plusieurs dĂ©cisions ont par ailleurs Ă©tĂ© l’occasion pour la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions de rappeler certaines de ses jurisprudences constantes.

En premier lieu, la commission a confirmĂ© que sa compĂ©tence est limitĂ©e aux dĂ©ten-tions rĂ©sultant de poursuites exercĂ©es par les autoritĂ©s judiciaires françaises, de sorte que la dĂ©tention subie en France sous Ă©crou extraditionnel Ă  la requĂȘte d’un État Ă©tranger ne revĂȘt pas le caractĂšre d’une dĂ©tention provisoire au sens des articles 149 Ă  150 du code de procĂ©dure pĂ©nale, et n’ouvre donc pas droit Ă  indemnisation en faveur du deman-deur, qui ne justifie d’aucune dĂ©cision de non-lieu, de relaxe, ou d’acquittement rendue par une juridiction française (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 14 janvier 2020, no 19CRD017 â€“ en ce sens : Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 24 fĂ©vrier 2014, no 13CRD029, Bull. crim. 2014, CNRD, no 2).

En deuxiĂšme lieu, la commission a jugĂ© Ă  nouveau que l’hypothĂšse selon laquelle un demandeur, ayant exĂ©cutĂ© durant sa dĂ©tention provisoire une peine d’emprisonnement ferme, aurait pu, en d’autres circonstances, bĂ©nĂ©ficier d’un Ă©ventuel amĂ©nagement de cette peine, demeure sans incidence sur l’application de l’article 149 du code de pro-cĂ©dure pĂ©nale, qui exclut toute rĂ©paration lorsque le demandeur Ă©tait, dans le mĂȘme temps, dĂ©tenu pour autre cause (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 11 fĂ©vrier 2020, no 19CRD026 â€“ en ce sens : Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 13 juin 2017, no 16CRD055, Bull. crim. 2017, CNRD, no 1).

En troisiĂšme lieu, la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a rappelĂ© que s’appliquent au droit Ă  rĂ©paration ouvert par les articles 149 et suivants du code de procĂ©dure pĂ©nale les dispositions de l’article 1er de la loi no 68-1250 du 31 dĂ©cembre 1968 relative Ă  la prescription des crĂ©ances sur l’État, les dĂ©partements, les communes et les Ă©tablissements publics, selon lequel sont prescrites au profit de l’État toutes crĂ©ances qui n’ont pas Ă©tĂ© payĂ©es dans un dĂ©lai de quatre ans Ă  partir du premier jour de l’an-nĂ©e suivant celle au cours de laquelle les droits ont Ă©tĂ© acquis.

Faisant application de ce texte, elle a jugĂ© que l’absence de notification Ă  l’intĂ©ressĂ© de la possibilitĂ© de former une demande en rĂ©paration n’a d’effet que sur la recevabi-litĂ© de la requĂȘte au regard du dĂ©lai de six mois dans lequel elle doit ĂȘtre dĂ©posĂ©e, et ne constitue pas un empĂȘchement Ă  agir rĂ©sultant de l’ignorance lĂ©gitime de l’existence de la crĂ©ance, au sens de l’article 3 de la loi no 68-1250 du 31 dĂ©cembre 1968 prĂ©citĂ©e (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 14 janvier 2020, no 19CRD012 â€“ en ce sens : Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 16 juin 2015, no 14CRD066, Bull. crim. 2015, CNRD, no 4).

Étendue du droit à indemnisation

La Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a rendu plusieurs dĂ©cisions relatives Ă  la durĂ©e de la dĂ©tention indemnisable, par lesquelles elle s’est prononcĂ©e sur la transposition des dispositions de l’article 716-4, alinĂ©a 1, du code de procĂ©dure pĂ©nale selon lequel « quand il y a eu dĂ©tention provisoire Ă  quelque stade que ce soit de la procĂ©dure, cette dĂ©tention est intĂ©gralement dĂ©duite de la durĂ©e de la peine pro-noncĂ©e ou, s’il y a lieu, de la durĂ©e totale de la peine Ă  subir aprĂšs confusion ».

Elle a jugĂ© par application de ce texte que lorsqu’un demandeur, placĂ© en dĂ©tention provisoire du chef d’une des infractions poursuivies, bĂ©nĂ©ficie d’une dĂ©cision dĂ©finitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement pour cette infraction, mais est dĂ©finitivement

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

condamnĂ©, pour tout ou partie des autres chefs de la poursuite, Ă  une peine d’empri-sonnement ferme, la durĂ©e de la dĂ©tention provisoire indemnisable est dĂ©terminĂ©e en tenant compte de cette peine, peu important que les infractions qu’elle rĂ©prime n’au-torisaient pas le placement en dĂ©tention provisoire (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©ten-tions, 15 octobre 2020, no 19CRD001).

De mĂȘme a-t-elle jugĂ© que l’article prĂ©citĂ© est applicable lorsque le demandeur a Ă©tĂ©, dans une mĂȘme procĂ©dure, placĂ© en dĂ©tention provisoire pour tentative de meurtre et que, les faits ayant Ă©tĂ© ultĂ©rieurement disqualifiĂ©s, il a en dĂ©finitive Ă©tĂ© condamnĂ©, pour un dĂ©lit distinct pour lequel il n’avait pas Ă©tĂ© placĂ© en dĂ©tention provisoire, Ă  une peine d’emprisonnement ferme (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 15 dĂ©cembre 2020, no 19CRD042).

En revanche, la Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions a jugĂ© que lorsque les faits pour lesquels le demandeur a Ă©tĂ© mis en examen et placĂ© en dĂ©tention provisoire ont fait l’objet d’un arrĂȘt dĂ©finitif de non-lieu rendu par une chambre de l’instruction, ordonnant par ailleurs une disjonction, et un renvoi devant un juge d’ins-truction s’agissant de faits objets d’une mise en examen supplĂ©tive, il n’y avait pas lieu, en raison de la disjonction, et de l’existence subsĂ©quente d’une seconde procĂ©dure, Ă  application de l’article 716-4 du code de procĂ©dure pĂ©nale, de sorte qu’il Ă©tait en la cir-constance justifiĂ© d’une dĂ©tention provisoire indemnisable et que la requĂȘte en indem-nisation Ă©tait recevable (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 15 dĂ©cembre 2020, no 19CRD039).

On prĂ©cisera que l’agent judiciaire de l’État, dont l’argumentation s’appuyait sur la jurisprudence selon laquelle le demandeur est irrecevable Ă  prĂ©senter une requĂȘte en rĂ©paration tant qu’il n’a pas Ă©tĂ© statuĂ© par une dĂ©cision devenue dĂ©finitive sur chacune des infractions faisant l’objet de la mise en examen, de la prĂ©vention ou de l’accusation (Com. nat. de rĂ©paration des dĂ©tentions, 23 mai 2011, no 10CRD076, Bull. crim. 2011, CNRD, no 3), avait en l’espĂšce soulevĂ© une fin de non-recevoir tirĂ©e du caractĂšre prĂ©-maturĂ© de la demande d’indemnisation, en faisant valoir qu’en cas de condamnation Ă  une peine d’emprisonnement ferme la durĂ©e de dĂ©tention subie serait, en applica-tion de l’article 716-4 du code de procĂ©dure pĂ©nale, dĂ©duite de la peine prononcĂ©e.

C. Le bureau d’aide juridictionnelle

L’octroi de l’aide juridictionnelle devant la Cour de cassation est subordonnĂ© non seulement Ă  la condition de ressources que connaissent tous les bureaux d’aide juridic-tionnelle mais aussi Ă  une exigence propre, nĂ©e de la spĂ©cificitĂ© du recours en cassation : celle de l’existence d’un moyen sĂ©rieux de cassation, exigence dont la conventionnalitĂ© a Ă©tĂ© reconnue par deux arrĂȘts du 26 fĂ©vrier 2002 de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH, arrĂȘt du 26 fĂ©vrier 2002, Del Sol c. France, no 46800/99 ; CEDH, arrĂȘt du 26 fĂ©vrier 2002, Essaadi c. France, no 49384/99).

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/ Activité juridictionnelle

Évolution de l’activitĂ© du bureau d’aide juridictionnelle

Année 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Affaires restant Ă  examiner au 1er janvier 3 278 2 938 3 211 2 750 3 386 3 638 3 788 2 554 2 030 2 707

Affaires reçues * 8 568 8 736 8 250 8 128 7 696 8 123 7 939 7 268 7 265 5 850

Décisions rendues mettant fin à la procédure 8 908 8 463 8 711 7 492 6 816 7 973 9 173 7 792 6 583 5 811

Affaires restant à examiner au 31 décembre 2 938 3 211 2 750 3 386 3 638 3 788 2 554 2 030 2 712 2 746

* Les affaires reçues incluent, outre les demandes nouvelles (5787 en 2020), les requĂȘtes diverses (6 en 2020) et les retours aprĂšs admission du recours (57 en 2020).

ÉVOLUTION DE LÊŒACTIVITÉ DU BUREAU DÊŒAIDE JURIDICTIONNELLE

RĂ©partition des dĂ©cisions du bureau d’aide juridictionnelle par catĂ©gories

Année 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Rejet 3 456 3 432 3 492 3 292 3 767 3 606 4 257 4 048 3 100 2 722

Admission 2 232 2 033 1 880 1 723 1 615 1 383 1 890 1 577 1 708 1 672

Irrecevabilité et caducité 3 220 2 998 3 339 2 477 1 434 2 984 3 026 2 167 1 775 1 417

Suppléments d'instruction 70 67 40 41 58 43 56 44 13 14

Total 8 978 8 530 8 751 7 533 6 874 8 016 9 229 7 836 6 596 5 825

RÉPARTITION DES DÉCISIONS DU BUREAU DÊŒAIDE JURIDICTIONNELLE PAR CATÉGORIES

Depuis 2006 (10 829 demandes), le bureau d’aide juridictionnelle avait connu une dĂ©crue assez rĂ©guliĂšre de ses saisines : 10 315 en 2007, 9 170 en 2008, 9 677 en 2009, 9 414 en 2010, 8 568 en 2011, 8 736 en 2012, 8 250 en 2013, 8 071 en 2014, 7 638 en 2015, avant une lĂ©gĂšre augmentation en 2016 (8 066 demandes) puis une nouvelle dĂ©crue en 2017 (7 863 demandes) et les deux annĂ©es suivantes (7 193 et 7 196 demandes), qui s’est accentuĂ©e en 2020 (5 787 demandes).

La durĂ©e de traitement des demandes atteint 231 jours en matiĂšre civile et 104 jours en matiĂšre pĂ©nale.

La maĂźtrise de cette durĂ©e est d’autant plus importante qu’elle peut affecter l’exa-men du pourvoi en considĂ©ration duquel la demande a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e.

En effet, si, en matiĂšre pĂ©nale, la demande n’a pas d’effet interruptif, ni mĂȘme d’ef-fet suspensif, sur le cours de l’instruction et du jugement du pourvoi, en revanche, en matiĂšre civile, entendue au sens large de matiĂšre non pĂ©nale, le dĂ©lai de pourvoi, comme les dĂ©lais de dĂ©pĂŽt des mĂ©moires, sont interrompus, en cas de saisine du bureau d’aide juridictionnelle avant leur expiration et ne recommencent de courir qu’aprĂšs dĂ©cision dĂ©finitive sur la demande.

S’agissant de la saisine propre Ă  interrompre ces dĂ©lais, il convient de rappeler que la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 3 mai 2016, aprĂšs avis de la deu-xiĂšme chambre civile, un arrĂȘt d’une particuliĂšre importance au regard du dispositif mis en place par les textes qui rĂ©gissent l’aide juridictionnelle en cas de saisine d’un bureau incompĂ©tent.

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

On sait que l’article 32, alinĂ©a 1, du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 por-tant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă  l’aide juridique dispose que le bureau qui se dĂ©clare incompĂ©tent renvoie la demande par dĂ©cision motivĂ©e devant le bureau qu’il dĂ©signe. Cette disposition est semblable Ă  celle qui figure Ă  l’ar-ticle 96, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile qui prĂ©voit que le juge qui se dĂ©clare incompĂ©tent dĂ©signe la juridiction qu’il estime compĂ©tente. On pourrait ĂȘtre tentĂ© de dĂ©duire de cette similitude que de mĂȘme que, selon l’article 2241 du code civil, la demande en justice portĂ©e devant une juridiction incompĂ©tente interrompt le dĂ©lai de prescription, la demande d’aide juridictionnelle formĂ©e en vue de se pourvoir en cas-sation en matiĂšre civile, mais adressĂ©e Ă  un bureau d’aide juridictionnelle autre que le bureau Ă©tabli prĂšs la Cour de cassation, interrompt les dĂ©lais impartis pour le dĂ©pĂŽt du pourvoi et des mĂ©moires.

C’est une position contraire qu’a adoptĂ©e la Cour de cassation dans ledit arrĂȘt du 3 mai 2016 (Soc., 3 mai 2016, pourvoi no 14-16.533, Bull. 2016, V, no 78) qui pose en principe que « seule la demande d’aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matiĂšre civile devant la Cour de cassation adressĂ©e au bureau d’aide juridictionnelle Ă©tabli prĂšs cette juridiction interrompt le dĂ©lai imparti pour le dĂ©pĂŽt du pourvoi et des mĂ©moires » et prĂ©cise « qu’un tel effet interruptif n’est attachĂ© ni au dĂ©pĂŽt de la demande devant un autre bureau d’aide juridictionnelle ni Ă  la transmission de la demande par celui-ci au bureau de la Cour de cassation ».

Il est vrai qu’à la diffĂ©rence de l’article 96, alinĂ©a 2, du code de procĂ©dure civile selon lequel la dĂ©signation par le juge incompĂ©tent de la juridiction qu’il estime com-pĂ©tente s’impose au juge de renvoi, l’article 32, alinĂ©a 2, du dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 prĂ©citĂ©, qui Ă©tait alors en vigueur, disposait que la dĂ©cision de renvoi s’impose au sein d’un mĂȘme ordre de juridiction, Ă  moins que le bureau dĂ©signĂ© ne soit d’un niveau supĂ©rieur. Et le bureau d’aide juridictionnelle Ă©tabli prĂšs la Cour de cassa-tion est, par hypothĂšse, d’un niveau supĂ©rieur Ă  celui du bureau de renvoi. Toutefois, cette disposition ne figure plus dans le dĂ©cret no 2020-1717 du 28 dĂ©cembre 2020 por-tant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative Ă  l’aide juridique et rela-tif Ă  l’aide juridictionnelle et Ă  l’aide Ă  l’intervention de l’avocat dans les procĂ©dures non juridictionnelles, lequel, entrĂ© en vigueur le 1er janvier 2021, abroge et remplace le dĂ©cret no 91-1266 du 19 dĂ©cembre 1991 prĂ©citĂ©. Il appartiendra Ă  la Cour de cas-sation de se prononcer sur l’incidence de cette abrogation sur la doctrine exprimĂ©e dans l’arrĂȘt prĂ©citĂ©.

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II. Service de documentation, des Ă©tudes et du rapport de la Cour de cassation

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/ Service de documentation, des Ă©tudes et du rapport de la Cour de cassation

ACTIVITÉ 2020 DU SERVICE DE DOCUMENTATION, DES Ă‰TUDES ET DU RAPPORT DE LA COUR DE CASSATION

L’évolution du rĂŽle de la Cour de cassation, des besoins d’assistance des chambres et des juridictions du fond, la dĂ©matĂ©rialisation des procĂ©dures et de leur traitement, les perspectives de modernisation des bases de donnĂ©es et l’avĂšnement et l’essor de l’open data judiciaire ont conduit le service de documentation, des Ă©tudes et du rapport (SDER) Ă  reconsidĂ©rer son organisation au cours de l’annĂ©e 2020.

L’activitĂ© du service a Ă©tĂ© consacrĂ©e, d’une part, Ă  la mise en Ɠuvre opĂ©rationnelle des propositions de rĂ©forme engagĂ©es par la Cour et, d’autre part, Ă  la poursuite de son activitĂ© traditionnelle de recherche, d’aide au traitement des pourvois et de diffu-sion de la jurisprudence.

A. La participation du SDER à la réforme de la Cour

1. La nouvelle organisation du service

Le service de documentation, des études et du rapport a vu ses attributions recen-trées sur ses missions traditionnelles depuis le rattachement à la premiÚre présidence du service des relations internationales et du service de la communication.

Le choix a donc Ă©tĂ© fait, pour une meilleure lisibilitĂ©, de diviser le service en 2 pĂŽles.

Le premier, intitulĂ© « pĂŽle Ă©tudes et recherches », rĂ©pond notamment aux objectifs fixĂ©s par l’article R. 433-2 du code de l’organisation judiciaire.

En effet, la premiĂšre des missions du service consiste Ă  rassembler les Ă©lĂ©ments d’information utiles aux travaux de la Cour et Ă  procĂ©der aux recherches nĂ©cessaires. Il classe les pourvois dĂšs le dĂ©pĂŽt du mĂ©moire ampliatif et analyse les moyens de cas-sation, afin de faciliter les rapprochements entre les affaires en cours.

Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de mettre fin Ă  la dĂ©nomination en bureaux dits « miroirs » de chacune des six chambres, d’offrir de la souplesse par ce dĂ©cloisonnement tout en attribuant aux chefs de bureaux et Ă  leur Ă©quipe des contentieux clairement identifiĂ©s et spĂ©cialisĂ©s.

La seconde mission est reprise aux articles R. 433-3 et R. 433-4 du code de l’orga-nisation judiciaire : le service de documentation et d’études tient une base des dĂ©cisions de la Cour de cassation et des dĂ©cisions rendues par les autres juridictions prĂ©sentant un intĂ©rĂȘt particulier ainsi qu’une base de donnĂ©es distincte rassemblant l’ensemble des arrĂȘts rendus par les cours d’appel et dĂ©cisions prises par les premiers prĂ©sidents de ces cours. Il Ă©tablit deux bulletins, l’un pour les chambres civiles, l’autre pour la chambre criminelle.

Une directrice de projet open data, conseillĂšre rĂ©fĂ©rendaire, a Ă©tĂ© nommĂ©e en jan-vier 2020 et anime le second pĂŽle intitulĂ© « diffusion de la jurisprudence ». Le service a Ă©tĂ© renforcĂ© par la crĂ©ation d’un bureau du droit du numĂ©rique et de la protection des

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donnĂ©es et conduit la rĂ©flexion sur la hiĂ©rarchisation des arrĂȘts. En effet, Ă  l’heure de l’open data, tous les arrĂȘts rendus par la Cour de cassation ayant vocation Ă  ĂȘtre diffu-sĂ©s sur le site internet de la Cour, la hiĂ©rarchisation des arrĂȘts, fondĂ©e principalement sur le mode de support de diffusion, est apparue obsolĂšte.

La valorisation de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le site internet est par ailleurs au cƓur des rĂ©flexions portant sur la refonte du site internet de la Cour, qui intĂ©grera un moteur de recherche de jurisprudence en cours de dĂ©veloppement au sein du SDER.

2. L’aide Ă  la sĂ©lection des pourvois

À l’issue des rĂ©flexions et arbitrages rendus sur les mĂ©thodes de travail, trois cir-cuits de traitement des pourvois ont Ă©tĂ© instaurĂ©s Ă  la Cour, afin d’ajuster les moyens employĂ©s pour rĂ©soudre le litige en fonction du degrĂ© de complexitĂ© qu’il prĂ©sente et de rĂ©server l’expression de la Cour de cassation, par des arrĂȘts motivĂ©s en style direct, aux dĂ©cisions prĂ©sentant un apport normatif.

Pour les dossiers orientĂ©s en circuit approfondi, le SDER sera systĂ©matiquement informĂ© afin d’apporter son concours au traitement des pourvois, en termes de recherche de prĂ©cĂ©dents et d’élĂ©ments de fond, y compris par la mobilisation des rĂ©seaux aux-quels il participe.

Le service poursuit et dĂ©veloppe de son cĂŽtĂ© sa mission traditionnelle de signale-ment des pourvois qui revĂȘtent un caractĂšre urgent ou complexe ou encore des pour-vois qui posent une question Ă©mergente ou de principe.

En son sein, les Ă©quipes chargĂ©es de l’orientation des pourvois en matiĂšre civile et commerciale bĂ©nĂ©ficient de l’aide d’un logiciel utilisant l’intelligence artificielle, dĂ©ve-loppĂ© par un data scientist recrutĂ©. L’algorithme propose une orientation des pourvois vers une chambre en fonction de l’analyse des prĂ©cĂ©dents, mais la validation de l’orien-tation dĂ©finitive et surtout le codage de la nature d’affaire du pourvoi sur la base du mĂ©moire ampliatif, qui constituent des tĂąches essentielles, sont effectuĂ©s sous la res-ponsabilitĂ© du chef de bureau. Un important projet de refonte de la nomenclature des affaires orientĂ©es dans les chambres de la Cour est actuellement en cours. La construc-tion et la mise en place de cette nomenclature ont pour ambition de faciliter la distri-bution des affaires au sein des chambres mais, avant tout, d’amĂ©liorer la connaissance des affaires traitĂ©es par la Cour par la rĂ©alisation d’exploitations statistiques qualitatives.

3. L’aide Ă  la dĂ©cision

Le SDER exerce ses missions au service de la Cour. Il est placĂ© sous l’autoritĂ© du premier prĂ©sident et l’activitĂ© des bureaux est, au premier chef, tournĂ©e vers les chambres et vers l’aide Ă  la dĂ©cision des magistrats, notamment des rapporteurs, dont les travaux prĂ©paratoires sont Ă©tablis au sein d’une formation de jugement. Le service peut Ă©galement intervenir au profit des avocats gĂ©nĂ©raux ou partager ses travaux avec le parquet gĂ©nĂ©ral.

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/ Service de documentation, des Ă©tudes et du rapport de la Cour de cassation

De nombreuses questions prĂ©sentent aujourd’hui un caractĂšre transversal, Ă  la jonc-tion de diffĂ©rentes branches du droit et sollicitent des compĂ©tences relevant de plu-sieurs chambres. La nouvelle organisation du SDER prend en compte ces Ă©volutions. Par ailleurs, le service est de plus en plus saisi de questions de droit public ou trouvant des prolongements dans le droit intĂ©grĂ© de l’Union ou dans la mise en Ɠuvre des exi-gences de conventionnalitĂ© et de respect des droits fondamentaux. À l’effet d’apporter une contribution utile dans ces domaines, le SDER comprend deux bureaux transver-saux : l’un consacrĂ© au droit public, dont la direction est dĂ©sormais confiĂ©e Ă  un magis-trat de l’ordre administratif en dĂ©tachement, et le second, dĂ©nommĂ© bureau du droit europĂ©en, des droits fondamentaux et du droit comparĂ©.

Des conventions de recherche sont aussi signĂ©es avec des universitaires dont les travaux justifient la mise Ă  disposition des dĂ©cisions rendues par la Cour de cassation et les cours d’appel, disponibles dans les bases tenues par le service. Ces partenariats ont vocation Ă  ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s, dans le but de mieux connaĂźtre les contentieux traitĂ©s par la Cour et par les juridictions du fond et d’anticiper les mouvements de jurispru-dence. À titre d’exemple, une recherche sur les ordonnances du 22 septembre 2017 concernant le barĂšme des indemnitĂ©s de licenciement est actuellement en cours avec l’universitĂ© de Lorraine.

Par ailleurs, un groupe de travail chargĂ© de la programmation, de la rĂ©daction et de la validation d’outils mĂ©thodologiques tels que des fiches et des recommandations, animĂ© par le prĂ©sident de chambre honoraire Alain Lacabarats, a Ă©tĂ© constituĂ©. Les Ă©quipes du SDER contribuent Ă  l’élaboration et Ă  la rĂ©daction de ces outils ainsi qu’à leur diffusion.

Enfin, la nouvelle lettre du SDER, Ă©tablie Ă  destination des juridictions du fond, a Ă©tĂ© diffusĂ©e en dĂ©cembre 2020. Au travers de cette publication trimestrielle, sont mis Ă  la disposition des magistrats des cours et tribunaux les principaux travaux du service ainsi que les outils mĂ©thodologiques, fiches, recommandations et Ă©tudes rĂ©alisĂ©s avec son concours.

4. La participation aux groupes de travail

Le service de documentation, des Ă©tudes et du rapport participe activement Ă  la plupart des groupes de travail instituĂ©s par Madame la premiĂšre prĂ©sidente Chantal Arens dont l’objectif est de trouver une rĂ©ponse adaptĂ©e aux dĂ©fis auxquels la Cour de cassation est et sera confrontĂ©e. Il apporte son expertise sur le signalement et l’orien-tation des pourvois, l’aide Ă  la dĂ©cision et la diffusion de la jurisprudence, notamment en fournissant des donnĂ©es d’analyse des procĂ©dures et des contentieux.

5. Les relations extérieures au SDER

En premier lieu, le SDER entretient des relations Ă©troites avec diffĂ©rents partenaires comme le Centre de recherche et de diffusion juridique (CRDJ) du Conseil d’État, la direction de l’information lĂ©gale et administrative (DILA) et la Commission nationale de l’informatique et des libertĂ©s (CNIL).

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Le SDER est par ailleurs en relation avec les diffĂ©rentes directions de l’adminis-tration centrale s’agissant notamment des suggestions du Rapport annuel, afin d’assurer un meilleur suivi des propositions de rĂ©formes lĂ©gislatives ou rĂ©glementaires. Dans le contexte de la mise en Ɠuvre du projet d’open data des dĂ©cisions de justice, une comito-logie est mise en place avec trois niveaux permettant un pilotage stratĂ©gique du projet, un pilotage opĂ©rationnel et la mise en place de groupes de travail sur des sujets dĂ©diĂ©s. Des contacts trĂšs rĂ©guliers ont lieu avec la chancellerie sur ce projet.

En ce qui concerne les cours d’appel, un groupe de travail pilote, animĂ© par la pre-miĂšre prĂ©sidence de la Cour en lien avec la confĂ©rence des premiers prĂ©sidents a Ă©tĂ© crĂ©Ă©. Le service devrait participer Ă  des dĂ©placements dans les cours d’appel et contri-buer au dĂ©roulement de stages organisĂ©s au bĂ©nĂ©fice des prĂ©sidents de chambre de cours d’appel, Ă  la Cour de cassation, Ă  qui seront notamment prĂ©sentĂ©s le service et les ressources documentaires disponibles gĂ©rĂ©es par le SDER.

Le service participe aussi aux travaux de la commission de liaison rĂ©novĂ©e, char-gĂ©e d’analyser la jurisprudence des cours d’appel. Le service rĂ©alise Ă©galement des tra-vaux d’initiative, comme des Ă©tudes et recherches en direction des juridictions du fond. À titre d’exemple, le SDER a finalisĂ© en 2020 la rĂ©daction d’une Ă©tude sur les cassa-tions disciplinaires.

Un groupe de travail mis en place en janvier 2020 a Ă©galement permis de rĂ©unir les institutions concernĂ©es par la diffusion d’outils pĂ©dagogiques, mĂ©thodologiques et de la documentation juridique et judiciaire Ă  destination des magistrats : en particulier l’École nationale de la magistrature, la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) et la direction des affaires criminelles et des grĂąces (DACG).

Les rĂ©unions de ce groupe ont permis de recenser les diffĂ©rents outils proposĂ©s par chacune des institutions, de rĂ©aliser ainsi un travail d’inventaire prĂ©alable, et de mieux connaĂźtre les productions de chaque institution ainsi que leurs sites et circuits de diffusion.

Le groupe s’est ensuite efforcĂ© de dĂ©terminer des critĂšres permettant de faciliter l’accĂšs Ă  ces ressources et d’en assurer la diffusion selon les modes appropriĂ©s.

B. La mise en valeur et la diffusion de la jurisprudence

La mise en valeur et la diffusion de la jurisprudence de la Cour de cassation consti-tuent les missions traditionnelles du service que lui confient, pour l’essentiel, les articles R. 433-2, R. 433-3 et R. 433-4 du code de l’organisation judiciaire. Elles se dĂ©clinent en plusieurs activitĂ©s :

– l’enrichissement des arrĂȘts publiĂ©s de la Cour de cassation ;

– l’élaboration et la publication de ses Bulletins (Bulletins des arrĂȘts civils et criminels, Bulletin d’information de la Cour de cassation) ;

– la diffusion des arrĂȘts et des Bulletins dĂ©matĂ©rialisĂ©s sur le site www.courdecassation.fr (arrĂȘts classĂ©s par rubrique et par date, Bulletins numĂ©riques des arrĂȘts publiĂ©s des chambres civiles et de la chambre criminelle, Mensuel du droit du travail) ;

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– la tenue des bases de donnĂ©es Jurinet et Jurica ainsi que la participation Ă  la concep-tion des moyens de traitement automatisĂ© de donnĂ©es jurisprudentielles.

La coordination de ces diffĂ©rentes activitĂ©s est principalement assurĂ©e au sein de deux bureaux dĂ©diĂ©s, l’un consacrĂ© au traitement des arrĂȘts et Ă  leur diffusion dans le cadre traditionnel des publications de la Cour (1), l’autre attachĂ© plus spĂ©cifiquement Ă  la diffusion numĂ©rique de la jurisprudence (2).

L’expĂ©rience ainsi acquise par le service en matiĂšre d’édition, de gestion de base de donnĂ©es, de classification et de diffusion de la jurisprudence qualifiait particuliĂšrement le SDER pour, au nom de la Cour de cassation, alimenter et orienter les rĂ©flexions et les orientations relatives Ă  la mise en Ɠuvre de l’open data des dĂ©cisions de justice (3).

1. Le traitement et la publication des arrĂȘts

Le service assure l’enrichissement des arrĂȘts « P », c’est-Ă -dire publiĂ©s aux Bulletins mensuels des arrĂȘts des chambres civiles et de la chambre criminelle, par le titrage, la recherche de connexitĂ©s et de rapprochements de jurisprudence.

En 2020, 1 014 arrĂȘts de la chambre criminelle et des chambres civiles (environ 8 % des arrĂȘts motivĂ©s) ont Ă©tĂ© ainsi enrichis. Parmi ces 1 014 arrĂȘts, 178 proviennent de la premiĂšre chambre civile, 277 de la deuxiĂšme chambre civile, 94 de la troisiĂšme chambre civile, 123 de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique, 140 de la chambre sociale et 199 de la chambre criminelle.

Le SDER mettait, traditionnellement, en valeur les dĂ©cisions les plus significa-tives de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e en publiant dans le Bulletin d’information de la Cour de cassation (BICC) les sommaires et titres des arrĂȘts « B », le cas Ă©chĂ©ant avec un commentaire. La publication du BICC a cessĂ© au 1er mai 2020 (no 922), pour laisser place aux nou-velles Lettres publiĂ©es par chacune des chambres de la Cour de cassation. Le service compose, en outre, le Rapport annuel de la Cour de cassation, dont le livre III comporte les titres et sommaires des avis et arrĂȘts « R », assortis d’un commentaire explicatif. Les 66 dĂ©cisions les plus marquantes de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e sont ainsi analysĂ©es dans le prĂ©-sent volume (cf. supra, III).

Enfin, les formations de jugement peuvent dĂ©cider de la publication sur le site inter-net de la Cour des arrĂȘts les plus attendus et les plus susceptibles d’intĂ©resser le public (mention « I »). Ainsi, en 2020, 642 dĂ©cisions ont Ă©tĂ© publiĂ©es qui se ventilent comme suit : 3 arrĂȘts d’assemblĂ©e plĂ©niĂšre, 50 dĂ©cisions de la premiĂšre chambre civile, 268 de la deuxiĂšme chambre civile, 93 de la troisiĂšme chambre civile, 3 de la chambre commer-ciale, financiĂšre et Ă©conomique, 26 de la chambre sociale et 199 de la chambre criminelle.

2. Les bases jurisprudentielles de la Cour de cassation

En application de l’article R. 433-3 du code de l’organisation judiciaire, le SDER tient deux bases de donnĂ©es nationales de jurisprudence. La premiĂšre, appelĂ©e « Jurinet », comprend l’ensemble des dĂ©cisions de la Cour de cassation et une sĂ©lection de dĂ©ci-sions rendues par les juridictions du fond d’un intĂ©rĂȘt particulier. La seconde, dĂ©nom-mĂ©e « Jurica », regroupe l’intĂ©gralitĂ© des dĂ©cisions rendues par les chambres civiles,

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sociales et commerciales des cours d’appel dessaisissant la juridiction, ainsi que cer-taines dĂ©cisions des cours d’appel ne dessaisissant pas les juridictions.

Une dĂ©pĂȘche pour amĂ©liorer les modalitĂ©s de l’alimentation des bases jurispruden-tielles de la Cour de cassation a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e par la direction des services judiciaires du ministĂšre de la justice, avec la collaboration active du service. Elle a Ă©tĂ© adressĂ©e aux cours d’appel le 9 juin 2020. En dĂ©cembre 2020, il y avait un stock de 872 501 dĂ©ci-sions (dont 711 100 provenant de la Cour de cassation) dans la base Jurinet et un stock de 2 167 610 dĂ©cisions dans la base Jurica.

Les dĂ©cisions contenues dans la base Jurinet alimentent le site internet LĂ©gifrance sur lequel ont Ă©tĂ© publiĂ©es, en 2020, 8 350 dĂ©cisions, dont 7 350 dĂ©cisions de la Cour de cassation et 1 000 arrĂȘts de cours d’appel.

3. Le mouvement de l’open dataL’open data des dĂ©cisions de justice est dĂ©fini par l’article L. 111-13 du code de l’orga-

nisation judiciaire crĂ©Ă© par la loi no 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une RĂ©publique numĂ©rique et modifiĂ© par l’article 33 de la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de pro-grammation 2018-2022 et de rĂ©forme pour la justice.

Il est ainsi prĂ©vu que : « sous rĂ©serve des dispositions particuliĂšres qui rĂ©gissent l’accĂšs aux dĂ©cisions de justice et leur publicitĂ©, les dĂ©cisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises Ă  la disposition du public Ă  titre gratuit sous forme Ă©lectronique. Les nom et prĂ©noms des personnes physiques mentionnĂ©es dans la dĂ©cision, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont occul-tĂ©s prĂ©alablement Ă  la mise Ă  la disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature Ă  porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© ou au respect de la vie privĂ©e de ces personnes ou de leur entourage, est Ă©galement occultĂ© tout Ă©lĂ©ment permettant d’identifier les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe ».

Ce faisant, la loi a instaurĂ© deux niveaux d’occultation : une occultation dite « socle », obligatoire et dĂ©pourvue d’apprĂ©ciation, et une occultation complĂ©mentaire, faculta-tive, dĂ©cidĂ©e par le prĂ©sident de la formation de jugement ou le magistrat ayant rendu la dĂ©cision en cause, lorsque l’occultation concerne une partie ou un tiers et par le prĂ©sident de la juridiction concernĂ©e lorsque l’occultation concerne un magistrat ou un membre du greffe, comme est venu le prĂ©ciser l’article R. 111-12 du COJ issu du dĂ©cret no 2020-797 du 29 juin 2020 relatif Ă  la mise Ă  la disposition du public des dĂ©ci-sions des juridictions judiciaires et administratives.

Ce décret a confié à la Cour de cassation la responsabilité de la mise à la disposi-tion du public, sous forme électronique, des décisions de justice rendues par les juri-dictions judiciaires.

À l’occasion de l’examen de ce projet de dĂ©cret, la CNIL a, dans son avis du 6 fĂ©vrier 2020, estimĂ© « indispensable qu’une doctrine soit Ă©laborĂ©e afin de permettre une harmonisation des occultations complĂ©mentaires effectuĂ©es ». En effet, la CNIL a observĂ© « qu’en l’absence de prĂ©cisions au niveau rĂ©glementaire, il existe, en l’état du dispositif projetĂ©, des risques de disparitĂ©s importants dans l’occultation des dĂ©cisions tant entre les deux ordres de juridictions qu’entre les diffĂ©rentes formations de jugement amenĂ©es Ă  se prononcer ».

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/ Service de documentation, des Ă©tudes et du rapport de la Cour de cassation

C’est dans ce cadre et afin de faciliter la mise en Ɠuvre de l’open data des dĂ©cisions de justice que la Cour de cassation a crĂ©Ă©, dans un premier temps, un groupe de travail ayant pour mission de rĂ©flĂ©chir aux occultations complĂ©mentaires des dĂ©cisions de la Cour de cassation avec pour objectif de tendre vers l’harmonisation des pratiques prĂ©-conisĂ©e par la CNIL, tout en prĂ©servant le pouvoir laissĂ© Ă  l’apprĂ©ciation du juge et sans trop alourdir la charge de travail des magistrats et des greffiers.

Le groupe de travail Ă©tait prĂ©sidĂ© par le prĂ©sident de chambre, directeur du SDER, et composĂ© de reprĂ©sentants de la premiĂšre prĂ©sidence, des six chambres de la Cour de cassation, du parquet gĂ©nĂ©ral, de la directrice de greffe, des reprĂ©sentants du greffe, du SDER et du chef de projet informatique. InstallĂ© le 17 septembre 2020, il a remis son rapport Ă  la premiĂšre prĂ©sidente de la Cour le 15 janvier 2021.

Les travaux se poursuivront au premier semestre 2021 avec les cours d’appel, en vue de la mise Ă  disposition en open data des dĂ©cisions civiles, sociales et commerciales des cours d’appel.

S’agissant de la mise en Ɠuvre concrĂšte de l’open data, le SDER s’est dĂ©placĂ© en Espagne en fĂ©vrier 2020 pour rencontrer le CENDOJ, le centre de documentation dĂ©pendant du conseil gĂ©nĂ©ral du pouvoir judiciaire espagnol, afin de bĂ©nĂ©ficier de leur retour d’expĂ©rience sur la diffusion Ă  grande Ă©chelle de la jurisprudence. Cette ren-contre a marquĂ© le dĂ©but d’échanges fructueux sur les modalitĂ©s de la mise en Ɠuvre de l’open data.

D’un point de vue technique, il est Ă  noter que, depuis janvier 2018, la Cour de cas-sation assure dĂ©jĂ  la pseudonymisation (occultation des Ă©lĂ©ments d’identification) des dĂ©cisions de justice mises Ă  disposition sur le site LĂ©gifrance, Ă  savoir les arrĂȘts de la Cour de cassation et une sĂ©lection d’arrĂȘts des cours d’appel.

DĂ©butĂ© en 2019, le programme « Entrepreneurs d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral 3 » cofinancĂ© par la mission Étalab de la DINUM, a permis de crĂ©er un nouveau moteur de pseudonymi-sation des dĂ©cisions de justice, qui a Ă©tĂ© mis en production au dĂ©but de l’annĂ©e 2020. Ce nouveau moteur, qui atteint un taux d’environ 99 % de rĂ©ussite sur les noms et prĂ©-noms des personnes physiques mentionnĂ©es dans la dĂ©cision, est une premiĂšre Ă©tape pour permettre un open data des dĂ©cisions des juridictions judiciaires.

Dans la continuitĂ©, le programme « Entrepreneurs d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral 4 » a dĂ©butĂ© en septembre 2020 au SDER, en vue de crĂ©er une nouvelle interface d’anonymisation des dĂ©cisions de justice, dĂ©nommĂ©e « LABEL », afin de permettre une relecture opti-misĂ©e des dĂ©cisions, une relecture diffĂ©renciĂ©e des dĂ©cisions, tout en amĂ©liorant les conditions de travail des agents anonymisateurs. La nouvelle interface d’anonymisa-tion sera mise en production courant 2021.

L’équipe technique du SDER est dĂ©sormais composĂ©e de deux data scientists et d’un dĂ©veloppeur contractuels au SDER, outre les deux dĂ©veloppeurs et le designer du pro-gramme EIG 4.

L’open data des dĂ©cisions constitue une opportunitĂ© majeure en termes de diffu-sion de la jurisprudence et de diffusion des connaissances. Ce mouvement implique de repenser plus largement les publications de la Cour. Cette rĂ©flexion a dĂ©butĂ© en 2020 et connaĂźtra des dĂ©veloppements dĂšs 2021. En outre, afin de valoriser la jurisprudence de la Cour, le SDER a entrepris en 2020 l’élaboration d’un moteur de recherche de

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

jurisprudence qui sera mis en production sur le site internet rénové de la Cour de cas-sation en septembre 2021.

Par l’ensemble de ces actions, la Cour de cassation tĂ©moigne enfin de sa dĂ©termina-tion Ă  Ɠuvrer en faveur d’une application maĂźtrisĂ©e et raisonnĂ©e des algorithmes d’in-telligence artificielle appliquĂ©s au traitement des dĂ©cisions de justice.

De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, la Cour de cassation prend sa place dans la rĂ©flexion qui s’est engagĂ©e en 2020 sur la question de la rĂ©utilisation des donnĂ©es des dĂ©cisions de justice, qui s’est concrĂ©tisĂ©e par l’instauration d’un groupe de travail sur ce thĂšme avec le Conseil d’État et le ministĂšre de la justice.

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III. Relations europĂ©ennes et internationales

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/ Relations europĂ©ennes et internationales

RELATIONS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES EN 2020

Deux temps forts ont marquĂ© l’activitĂ© internationale de la Cour de cassation pour l’annĂ©e 2020 : d’une part, la dĂ©finition d’une stratĂ©gie internationale et, d’autre part, la survenance de la crise sanitaire et ses effets.

La premiĂšre prĂ©sidente, Chantal Arens, a souhaitĂ© dĂ©finir une stratĂ©gie internatio-nale pour la Cour de cassation visant Ă  recentrer les actions de coopĂ©ration de la Cour auprĂšs de partenaires gĂ©ographiques ciblĂ©s, en dĂ©finissant des thĂ©matiques privilĂ©giĂ©es et en hiĂ©rarchisant les prioritĂ©s. Le service des relations internationales, directement rattachĂ© Ă  la premiĂšre prĂ©sidente et dirigĂ© par Florence Merloz, conseillĂšre rĂ©fĂ©ren-daire chargĂ©e de mission auprĂšs de la premiĂšre prĂ©sidente, est chargĂ© de la mise en Ɠuvre de cette stratĂ©gie.

Fruit de rĂ©flexions et d’échanges menĂ©s tant au sein de la Cour qu’auprĂšs de ses partenaires institutionnels, la stratĂ©gie internationale de la Cour de cassation est axĂ©e autour de trois objectifs principaux :

– promouvoir et valoriser l’institution qu’est la Cour de cassation, notamment en fai-sant valoir ses mĂ©thodes de travail et sa jurisprudence. Cette action s’inscrit dans l’ob-jectif plus large de promotion du droit continental et de la francophonie ;

– porter les valeurs et principes fondamentaux du systĂšme judiciaire français (indĂ©-pendance de la justice, sĂ©curitĂ© juridique, dialogue des juges, libertĂ©s fondamentales) ;

– apprendre des autres systĂšmes juridiques et Ă©changer sur des thĂ©matiques communes afin d’enrichir le droit français.

Au plan bilatĂ©ral, cette stratĂ©gie se traduit notamment par un renforcement de la coopĂ©ration avec les Cours suprĂȘmes europĂ©ennes et des relations avec les cours euro-pĂ©ennes (la Cour europĂ©enne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union europĂ©enne). Au-delĂ  de l’Europe, la Cour de cassation souhaite dĂ©velopper sa coopĂ©-ration avec des cours situĂ©es en Asie et en AmĂ©rique du Nord et du Sud, favorisant des Ă©changes approfondis sur des thĂ©matiques identifiĂ©es. Au plan multilatĂ©ral, cette stra-tĂ©gie s’illustre par une forte mobilisation de la Cour de cassation au sein des diffĂ©rents rĂ©seaux tels que le RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours suprĂȘmes judiciaires de l’Union europĂ©enne ou l’Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en par-tage l’usage du français (AHJUCAF) et par une rĂ©flexion sur les rĂ©seaux dans lesquels la Cour pourrait avoir avantage Ă  renforcer sa participation.

Enfin, la mise en Ɠuvre de la stratĂ©gie internationale a Ă©tĂ© l’occasion de repenser la communication de la Cour de cassation autour des actions internationales. Ainsi, le site intranet de la Cour a Ă©tĂ© modernisĂ© et des actualitĂ©s internationales sont rĂ©guliĂšre-ment mises en ligne. En outre, dans le cadre de la refonte du site internet, la prĂ©senta-tion des actions de coopĂ©ration de la Cour et de la documentation utile a Ă©tĂ© repensĂ©e afin d’en faciliter l’accĂšs et de mieux faire connaĂźtre l’action de la Cour en ce domaine.

La crise sanitaire liĂ©e Ă  la Covid-19 a inĂ©vitablement impactĂ© l’activitĂ© internatio-nale de la Cour, engendrant l’annulation et le report de nombreuses rencontres.

Toutefois, la Cour de cassation s’est pleinement mobilisĂ©e pour maintenir le dialogue des juges en dĂ©pit de cette situation et pour mettre en Ɠuvre sa stratĂ©gie internationale

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

en proposant des rencontres selon de nouvelles modalitĂ©s : Ă©changes par visioconfĂ©-rence, webinaires, vidĂ©os, Ă  l’instar de celle rĂ©alisĂ©e par la premiĂšre prĂ©sidente qui s’est adressĂ©e Ă  ses homologues europĂ©ens dĂšs le dĂ©but de la crise afin d’initier un dialogue virtuel dans l’attente d’une rencontre 1.

A. Le renforcement de la coopération européenne

Dans le contexte actuel (Brexit, crises sanitaire, terroriste, sociale et Ă©conomique), face aux remises en cause croissantes de l’État de droit, y compris au sein de l’Union europĂ©enne, la Cour de cassation a conduit des actions de coopĂ©ration avec les Cours suprĂȘmes europĂ©ennes dans le but de renforcer le dialogue des juges et contribuer Ă  la crĂ©ation d’un espace judiciaire commun en Europe, dans le respect des droits fon-damentaux. Elle s’est Ă©galement mobilisĂ©e pour renforcer les liens entretenus avec la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH) et la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE).

1. L’enrichissement du dialogue bilatĂ©ral entre Cours suprĂȘmes europĂ©ennes

Une grande partie des actions de coopĂ©ration de la Cour de cassation avec les Cours suprĂȘmes europĂ©ennes a pour cadre le RĂ©seau des Cours suprĂȘmes judiciaires de l’Union europĂ©enne. Si la coopĂ©ration au sein de ce rĂ©seau est essentielle, la Cour a souhaitĂ© renforcer sa coopĂ©ration bilatĂ©rale afin de permettre des Ă©changes appro-fondis sur des thĂ©matiques identifiĂ©es.

À titre d’exemple, la Cour de cassation, engagĂ©e dans la transformation numĂ©rique et soucieuse d’innover et de moderniser son systĂšme d’information, a organisĂ© un Ă©change avec la Cour suprĂȘme estonienne sur la gestion de la crise sanitaire et l’open data. L’Estonie est en effet l’un des pays en Europe qui a Ă©tĂ© le moins impactĂ© par la crise sani-taire, notamment dans le domaine de la justice. À l’occasion de cette rencontre, Bruno Cathala, prĂ©sident de la chambre sociale, et Henri de LarosiĂšre de Champfeu, conseiller Ă  la chambre criminelle, sont intervenus pour prĂ©senter la maniĂšre dont la Cour s’est adaptĂ©e pour faire face Ă  la crise et Ă©voquer les spĂ©cificitĂ©s propres aux matiĂšres civile et pĂ©nale. L’intervention d’InĂšs Cherichi, adjointe au directeur du service de docu-mentation, des Ă©tudes et du rapport (SDER), a permis de prĂ©senter le rĂŽle spĂ©cifique de ce service et la façon dont ses mĂ©thodes de travail ont Ă©tĂ© adaptĂ©es pour faire face Ă  la crise. La deuxiĂšme partie de la rencontre s’est concentrĂ©e sur les aspects budgĂ©-taires et informatiques. Fatima Halla, secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale adjointe, a prĂ©sentĂ© la nou-velle stratĂ©gie du systĂšme d’information de la Cour de cassation. Estelle Jond-Necand, conseillĂšre rĂ©fĂ©rendaire, directrice du projet open data, a prĂ©sentĂ© les actions menĂ©es dans le domaine de l’open data, les enjeux de ce projet d’envergure et les dĂ©fis identifiĂ©s.

L’actualitĂ© liĂ©e au Brexit et la nĂ©cessitĂ© de renforcer le dialogue avec les pays de Common Law ont conduit la Cour de cassation Ă  renforcer ses liens avec la Cour

1. Pour accéder à la vidéo : https://youtu.be/GjGnYL-qR5M

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/ Relations europĂ©ennes et internationales

suprĂȘme du Royaume-Uni et plus largement Ă  poursuivre sa mobilisation auprĂšs des pays de Common Law.

À ce titre, Florence Merloz, conseillĂšre rĂ©fĂ©rendaire, cheffe du service des relations internationales, s’est rendue les 27 et 28 janvier Ă  Londres oĂč elle a rencontrĂ© le nou-veau chef de la Cour suprĂȘme, Lord Reed, ainsi que plusieurs autres juges de la Cour suprĂȘme. Florence Merloz a Ă©galement participĂ© Ă  la rĂ©ception annuelle de la Franco-Bristish Lawyers Society (FBLS) Ă  la Chambre des Lords oĂč Ă©taient notamment prĂ©-sentes Lady Hale et Lady Arden (Cour suprĂȘme du Royaume-Uni). Cet Ă©vĂ©nement, oĂč Ă©tait Ă©galement prĂ©sente Sylvaine Poillot-Perruzzetto, conseillĂšre en service extraor-dinaire et membre de la FBLS, a Ă©tĂ© l’occasion pour la Cour de cassation d’exprimer sa volontĂ© de renforcer ses liens avec cette association, qui participe au renforcement du dialogue entre juges de Common Law et juges de droit continental.

Par ailleurs, les stages et visites d’étude Ă©tant suspendus en raison de la crise sanitaire, la Cour de cassation a organisĂ© avec la cour d’appel de Londres, dans le cadre du comitĂ© franco-britanno-irlandais (FBI) 2, un stage Ă  distance, en visioconfĂ©rence. Ce stage a Ă©tĂ© l’occasion pour Gildas Barbier, conseiller rĂ©fĂ©rendaire Ă  la chambre criminelle, d’assis-ter Ă  une audience de la chambre criminelle prĂ©sidĂ©e par Lord Flaux, chef du service des relations internationales Ă  la cour d’appel, prĂ©sident de la chambre commerciale, et d’échanger avec ce dernier sur les diffĂ©rences entre les deux systĂšmes judiciaires.

Enfin, la Cour de cassation a participĂ© Ă  certains Ă©vĂ©nements en lien avec l’actua-litĂ© judiciaire et juridique europĂ©enne, dĂ©veloppant ainsi le dialogue qu’elle entretient avec les juges europĂ©ens.

La Cour de cassation, sensible aux questions de droit environnemental notamment en termes d’articulation entre les diffĂ©rentes normes nationales et internationales et attentive aux Ă©volutions jurisprudentielles en la matiĂšre, a participĂ© Ă  la confĂ©rence annuelle du Forum des juges de l’Union europĂ©enne pour l’environnement les 9 et 10 octobre 2020 (visioconfĂ©rence) sur le thĂšme de la pollution atmosphĂ©rique. Françoise NĂ©si, conseillĂšre Ă  la troisiĂšme chambre civile et membre du conseil d’administra-tion du Forum, a assistĂ© Ă  cet Ă©vĂ©nement oĂč il a notamment Ă©tĂ© question de la mise en Ɠuvre de la lĂ©gislation europĂ©enne sur la pollution atmosphĂ©rique par les autori-tĂ©s et les juges nationaux.

2. L’approfondissement du dialogue bilatĂ©ral avec les cours europĂ©ennes : CEDH et CJUE

La Cour s’est engagĂ©e Ă  entretenir les liens dĂ©jĂ  forts qui la lient Ă  la CEDH et Ă  dĂ©velopper ceux qui l’unissent Ă  la CJUE.

2. Le comitĂ© FBI, crĂ©Ă© en 1994, vise Ă  renforcer la coopĂ©ration juridictionnelle entre la France, le Royaume-Uni et l’Irlande. Ses actions consistent en l’organisation de colloques et de visites d’étude pour les magistrats. Le comitĂ© rĂ©unit de hautes personnalitĂ©s du monde de la justice des trois pays et regroupe, du cĂŽtĂ© français, le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, le Conseil d’État, l’École nationale de la magistrature, le ministĂšre de la justice, l’Institut des hautes Ă©tudes sur la justice et les magistrats de liaison.

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

Avec la Cour EDH

DĂšs le dĂ©but de l’annĂ©e 2020, des rencontres ont Ă©tĂ© organisĂ©es illustrant la grande proximitĂ© entre nos deux cours. Ainsi, le prĂ©sident de la CEDH, Linos-Alexandre Sicilianos, a Ă©tĂ© conviĂ© en qualitĂ© d’invitĂ© d’honneur de l’audience solennelle de ren-trĂ©e judiciaire de la Cour de cassation. Dans son discours d’ouverture, la premiĂšre prĂ©-sidente a soulignĂ© le rĂŽle essentiel de la CEDH dans la dĂ©fense de la dĂ©mocratie et de l’État de droit et la qualitĂ© du dialogue que la Cour de cassation entretient avec la CEDH, comme l’a illustrĂ© la premiĂšre demande d’avis adressĂ©e par la Cour de cassa-tion sur le fondement du Protocole no 16 Ă  la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales.

La premiĂšre prĂ©sidente a participĂ© Ă  l’audience solennelle de rentrĂ©e de la CEDH le 31 janvier 2020, assistant prĂ©alablement, avec le procureur gĂ©nĂ©ral, au sĂ©minaire prĂ©-cĂ©dant l’audience de rentrĂ©e, consacrĂ© Ă  « La Convention europĂ©enne des droits de l’homme : un instrument vivant de 70 ans » en prĂ©sence de nombreuses personnalitĂ©s du monde judiciaire europĂ©en.

L’annĂ©e 2020, marquĂ©e par le 70e anniversaire de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, a Ă©tĂ© une occasion supplĂ©mentaire d’organiser plusieurs rencontres avec la CEDH.

Ainsi, la premiĂšre prĂ©sidente a participĂ© le 18 septembre Ă  la confĂ©rence cĂ©lĂ©brant le 70e anniversaire de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme sur le thĂšme « La Convention europĂ©enne des droits de l’homme a 70 ans â€“ Dates marquantes et grandes avancĂ©es », et qui comptait plusieurs personnalitĂ©s dont d’anciens prĂ©sidents de la Cour. La premiĂšre prĂ©sidente est intervenue dans le cadre de la table ronde consa-crĂ©e au thĂšme : « Promouvoir et assurer la diversitĂ© de la vie familiale » notamment pour donner des illustrations du dialogue qui existe entre la Cour de cassation et la CEDH, lequel s’est intensifiĂ© au fil des annĂ©es.

Par ailleurs, la Cour de cassation a participĂ© Ă  la table ronde organisĂ©e par l’Assem-blĂ©e parlementaire du Conseil de l’Europe sur le thĂšme : « La portĂ©e de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme sur l’ordre juridique français : 70 ans aprĂšs sa signa-ture, un texte toujours plus actuel ». À l’occasion de cet Ă©vĂ©nement rĂ©unissant des dĂ©pu-tĂ©s et sĂ©nateurs de la dĂ©lĂ©gation française Ă  l’AssemblĂ©e parlementaire du Conseil de l’Europe, Christophe Soulard, prĂ©sident de la chambre criminelle, est intervenu pour prĂ©senter la rĂ©ception de la jurisprudence de la CEDH par la Cour de cassation. Il intervenait aux cĂŽtĂ©s de Mattias Guyomar, juge français Ă  la CEDH, et la prĂ©sidente du Conseil national des barreaux, Christiane Feral-Schuhl.

L’annĂ©e 2020 s’est clĂŽturĂ©e par une derniĂšre rencontre entre la Cour de cassation et la CEDH. Le 11 dĂ©cembre, la premiĂšre prĂ©sidente et le procureur gĂ©nĂ©ral ont Ă©changĂ©, en visioconfĂ©rence, avec le prĂ©sident de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, Robert Spano, en prĂ©sence du juge français Ă  la CEDH, Mattias Guyomar. Parmi les sujets abordĂ©s, ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©es les consĂ©quences de la crise sanitaire sur l’activitĂ© juri-dictionnelle et la nĂ©cessaire protection des droits fondamentaux face aux mesures prises. Par ailleurs, les Ă©changes ont portĂ© sur l’État de droit, sujet de prĂ©occupation partagĂ© par les chefs de cours au regard du contexte de crises protĂ©iformes et aux remises en cause croissantes des valeurs fondatrices de l’État de droit et plus particuliĂšrement de

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/ Relations europĂ©ennes et internationales

l’indĂ©pendance de la justice. Une rencontre entre les juges de chacune des hautes juri-dictions sera programmĂ©e dĂšs que la crise sanitaire le permettra.

Enfin, afin de mieux reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts de la Cour de cassation dans le cadre du contentieux devant la CEDH, la Cour de cassation entend renforcer le dialogue avec ses partenaires institutionnels, ministĂšre de la justice et ministĂšre de l’Europe et des affaires Ă©trangĂšres. Ce sujet a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© lors d’une rencontre entre la premiĂšre prĂ©sidente et le directeur des affaires juridiques du Quai d’Orsay le 14 septembre 2020.

Avec la CJUE

La Cour de cassation a souhaitĂ© renforcer les liens existants avec la CJUE. À ce titre, le 3 fĂ©vrier 2020, s’est tenue Ă  Luxembourg une rencontre entre la premiĂšre prĂ©-sidente et le procureur gĂ©nĂ©ral et le prĂ©sident de la CJUE, Koen Lenaerts. Puis une sĂ©ance de travail a Ă©tĂ© organisĂ©e pour traiter des questions de l’open data et de la pro-tection des donnĂ©es, avec la participation de J.-C. Bonichot, juge français Ă  la Cour, A. Calot Escobar, greffier de la Cour, J.-M. Rachet, chef de cabinet de M. le greffier, R. Peica, directrice des technologies de l’information, C. Lannone, directrice de la recherche et documentation, et C. Pellerin, attachĂ©e auprĂšs de M. le greffier.

La crise sanitaire a hĂ©las contraint la Cour Ă  reporter les autres Ă©vĂ©nements pro-grammĂ©s avec la CJUE (visite de A. Calot Escobar, greffier de la CJUE Ă  la Cour de cassation, et stages des magistrats de la Cour de cassation).

La Cour de cassation reste nĂ©anmoins mobilisĂ©e afin de renforcer le dialogue avec la Cour et contribuer Ă  une meilleure diffusion du droit de l’Union europĂ©enne.

Ainsi, Ă  l’occasion du 20e anniversaire de la Charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne, Élise BarbĂ©, conseillĂšre rĂ©fĂ©rendaire Ă  la chambre criminelle et prĂ©sidente du conseil d’administration de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne (FRA), a participĂ© Ă  la confĂ©rence en ligne organisĂ©e le 7 dĂ©cembre 2020 par la Commission europĂ©enne et la FRA. Élise BarbĂ© a notamment pu s’exprimer sur l’application de la Charte en France et plus particuliĂšrement dans la jurisprudence de la Cour de cassation, aux cĂŽtĂ©s de Me Olivier Cousi, bĂątonnier de l’ordre des avocats de Paris, et de George Pau-Langevin – adjointe de la DĂ©fenseure des droits, vice-prĂ©sidente du collĂšge chargĂ© de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalitĂ©.

La Cour de cassation organisera par ailleurs avec le Conseil d’État, en lien avec le ministĂšre de la justice, un Ă©vĂ©nement qui se tiendra au printemps 2022 Ă  l’occasion du 70e anniversaire de la CJUE dans le cadre de la prĂ©sidence française de l’Union europĂ©enne.

Enfin, afin de mieux reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts de la Cour de cassation dans le cadre du contentieux devant la CJUE, la Cour de cassation entend renforcer le dialogue avec ses partenaires institutionnels (ministĂšre de la justice, ministĂšre de l’Europe et des affaires Ă©trangĂšres et secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral aux affaires europĂ©ennes – SGAE). La Cour a ainsi participĂ©, aux cĂŽtĂ©s du Conseil d’État, Ă  la prĂ©paration d’une intervention fran-çaise dans le cadre d’une question prĂ©judicielle italienne, assistant en outre Ă  l’audience.

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

L’extension de la participation de la Cour de cassation au sein des rĂ©seaux europĂ©ens

Le RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours suprĂȘmes judiciaires de l’Union europĂ©enne 3

La situation sanitaire n’a pas permis Ă  la Cour de cassation d’accueillir cette annĂ©e les magistrats Ă©trangers devant y effectuer un stage dans le cadre du programme d’échanges du RĂ©seau. Afin d’entretenir le dialogue entre les juges, la Cour de cassation a mis en place, pour la premiĂšre fois, un stage Ă  distance, par visioconfĂ©rence. Umberto Scotti, conseiller Ă  la Cour de cassation italienne, a ainsi pu dĂ©couvrir le travail de la Cour en assistant Ă  plusieurs interventions 4 portant sur les aspects majeurs de l’actualitĂ© de la Cour comme les derniĂšres rĂ©formes concernant la rĂ©daction des arrĂȘts et les nouvelles mĂ©thodes de travail, mais Ă©galement pour Ă©changer sur le contentieux des Ă©trangers, le juge judiciaire italien Ă©tant exclusivement compĂ©tent en ce domaine.

L’implication de la Cour de cassation au sein du RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours suprĂȘmes judiciaires de l’Union europĂ©enne s’est enfin illustrĂ©e par les Ă©changes surve-nus au sein du groupe de liaison de droit comparĂ© 5 entre Cours suprĂȘmes. La Cour de cassation a sollicitĂ© ce groupe dans cinq affaires, souvent jugĂ©es en formation solennelle, notamment concernant le contrĂŽle du juge sur les conditions de privation de libertĂ©. La Cour de cassation a Ă©galement rĂ©pondu aux douze demandes des autres Cours suprĂȘmes de ce rĂ©seau, ainsi qu’à cinq demandes d’élĂ©ments de comparaison concernant le rĂŽle et le fonctionnement des Cours suprĂȘmes, hors du cadre d’un pourvoi.

Le Réseau des Cours supérieures

À travers ce rĂ©seau 6, la CEDH consulte les juridictions suprĂȘmes sur leur droit national afin de dĂ©terminer l’existence d’éventuels consensus sur certaines problĂ©ma-tiques juridiques au sein du Conseil de l’Europe. Cette annĂ©e, quatre consultations ont Ă©tĂ© transmises auxquelles la Cour de cassation a systĂ©matiquement rĂ©pondu.

La crise sanitaire a par ailleurs Ă©tĂ© l’occasion pour ce rĂ©seau de dĂ©velopper de nou-veaux outils pour favoriser les Ă©changes entre les Cours suprĂȘmes et la CEDH. Dans

3. Le RĂ©seau des prĂ©sidents des Cours suprĂȘmes de l’Union europĂ©enne est une association de droit français crĂ©Ă©e en 2004 dont la Cour de cassation est membre Ă  l’instar des autres pays de l’Union europĂ©enne. Ses principales actions portent sur la connaissance des systĂšmes juridiques et judiciaires des États membres (Ă  ce titre, par exemple, des colloques sont organisĂ©s chaque annĂ©e) ainsi que sur le fonctionnement et la jurisprudence des Cours suprĂȘmes notamment grĂące Ă  la mise Ă  disposition d’un portail commun de jurisprudence (ce portail est composĂ© d’un moteur de recherche multilingue sur les bases de jurisprudence des Cours suprĂȘmes judiciaires de l’Union europĂ©enne permettant d’interroger simultanĂ©ment tout ou partie des bases de jurisprudence europĂ©ennes disponibles sur internet pour les pays de l’Union europĂ©enne) et Ă  des Ă©changes de magistrats des Cours suprĂȘmes.4. Pour visualiser le dĂ©tail des interventions, un lien est accessible vers le programme dĂ©taillĂ© du stage.5. Ce groupe de liaison est composĂ© des conseillers rĂ©fĂ©rendaires ou juristes assistants des Cours suprĂȘmes judiciaires allemande, britannique, belge, finlandaise, nĂ©erlandaise, tchĂšque et française.6. Le RĂ©seau des Cours supĂ©rieures a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 2015 sous l’impulsion du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Sept nouvelles Cours suprĂȘmes ont rejoint ce rĂ©seau qui comprend aujourd’hui 93 cours rĂ©parties dans 40 Ă‰tats.

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ce cadre, le rĂ©seau a procĂ©dĂ© Ă  un travail de recensement des mesures prises par les juridictions suprĂȘmes nationales face Ă  la crise afin de les compiler dans un document partagĂ©. Ce nouvel usage du rĂ©seau est Ă  saluer en ce qu’il permet d’apporter aux juri-dictions supĂ©rieures nationales des Ă©lĂ©ments de droit comparĂ©.

Enfin, le rĂ©seau a Ă©galement organisĂ© des webinaires pour permettre aux membres de juridictions supĂ©rieures et de la CEDH d’échanger sur des thĂ©matiques spĂ©cifiques. La Cour de cassation a participĂ© Ă  ces Ă©vĂ©nements. Les premiers sujets traitĂ©s ont Ă©tĂ© l’impact de la Covid-19 sur le droit au procĂšs Ă©quitable et la santĂ© en dĂ©tention.

Le RĂ©seau judiciaire de l’Union europĂ©enne 7

La Cour de cassation publie rĂ©guliĂšrement sur ce rĂ©seau ses arrĂȘts publiĂ©s intĂ©res-sant le droit de l’Union. Ces arrĂȘts seront Ă  terme disponibles sur le site Curia.

Le rĂ©seau a en outre crĂ©Ă© trois groupes de rĂ©flexion sur les thĂ©matiques suivantes : terminologie juridique, innovation et recherches juridiques, auxquels la Cour de cas-sation participe. Si le lancement des travaux de ces groupes a Ă©tĂ© retardĂ© en raison de la pandĂ©mie, le groupe « terminologie juridique » a pu se rĂ©unir Ă  distance Ă  plusieurs reprises afin d’échanger sur les problĂšmes de terminologie et de traduction entre les services des juridictions suprĂȘmes nationales et ceux de la Cour de justice.

Le Réseau judiciaire européen en matiÚre civile et commerciale (RJECC) 8

La Cour de cassation a rejoint en dĂ©but d’annĂ©e le RJECC. Ce rĂ©seau a pour but de faciliter la coopĂ©ration dans l’espace judiciaire europĂ©en Ă  travers un rĂ©seau d’au-toritĂ© centrale et de points de contact. La dĂ©signation d’un point de contact de ce rĂ©seau au sein de la Cour de cassation constitue un moyen complĂ©mentaire d’assurer

7. CrĂ©Ă© en 2017 Ă  l’initiative du prĂ©sident de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE), avec l’assentiment des prĂ©sidents des juridictions constitutionnelles et suprĂȘmes des États membres, le RĂ©seau judiciaire de l’Union europĂ©enne (RJUE) vise Ă  contribuer Ă  l’émergence d’une vĂ©ri-table justice europĂ©enne en rĂ©seau et au renforcement de la coopĂ©ration judiciaire en Europe au service d’une justice de qualitĂ©. La rĂ©alisation de cet objectif prend forme par l’organisation de rencontres, notamment d’une rĂ©union annuelle des correspondants du rĂ©seau. Surtout, le RJUE s’appuie sur la mise en place d’une plate-forme d’échanges entre ses juridictions membres afin de permettre le partage et la centralisation des informations et documents utiles aux fins de l’ap-plication, de la diffusion et de l’étude du droit de l’UE. L’espace RJUE permet ainsi d’accĂ©der directement aux affaires prĂ©judicielles, notamment de consulter les dĂ©cisions de renvoi prĂ©judi-ciel, mais aussi de consulter des dĂ©cisions nationales prĂ©sentant un intĂ©rĂȘt pour le droit de l’UE, ainsi que diffĂ©rents documents issus de travaux de recherche ou de veille rĂ©alisĂ©s par les juridic-tions membres du RJUE dans une optique comparative.8. CrĂ©Ă© en 2001 par dĂ©cision du Conseil de l’UE, le RĂ©seau judiciaire europĂ©en en matiĂšre civile et commerciale a pour objectif d’amĂ©liorer, simplifier et accĂ©lĂ©rer la coopĂ©ration judiciaire effec-tive entre les États membres dans les matiĂšres civiles et commerciales. Le RJECC vise Ă  soutenir la mise en Ɠuvre des instruments de l’UE en matiĂšre de justice civile dans la pratique juridique quotidienne, en favorisant les relations entre autoritĂ©s judiciaires nationales grĂące Ă  des points de contact Ă©tablis dans chaque État. Tous les États membres de l’UE participent au RJECC Ă  l’exception du Danemark. Le rĂ©seau compte plus de 500 membres. Outre les points de contact nationaux dĂ©signĂ©s par chaque État membre, des reprĂ©sentants des professions judiciaires (magis-trats de liaison, notaires, avocats, huissiers) participent Ă©galement au rĂ©seau.

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l’information des magistrats de la Cour de l’actualitĂ© de la coopĂ©ration judiciaire euro-pĂ©enne en matiĂšre civile.

Le RĂ©seau des procureurs gĂ©nĂ©raux des Cours suprĂȘmes de l’Union europĂ©enne

CrĂ©Ă© en 2008 Ă  l’initiative de M. Jean-Louis Nadal, alors procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation, ce rĂ©seau a pour objet de dĂ©velopper une coopĂ©ration Ă©troite entre les procureurs gĂ©nĂ©raux de l’Union europĂ©enne. Ce rĂ©seau s’était rĂ©uni pour la premiĂšre fois Ă  Paris le 6 fĂ©vrier 2009 et le principe d’une prĂ©sidence tournante avait Ă©tĂ© adoptĂ©.

La 12e rĂ©union des procureurs gĂ©nĂ©raux des Cours suprĂȘmes de l’Union euro-pĂ©enne Ă©tait prĂ©vue Ă  Vienne en mai 2020 mais a Ă©tĂ© reportĂ©e Ă  l’automne 2021 en raison de la crise sanitaire.

B. L’ouverture Ă  de nouveaux axes de coopĂ©ration internationale

1. La coopĂ©ration bilatĂ©rale avec les pays de la francophonie notamment avec les pays du Moyen-Orient et du Golfe

La situation sanitaire n’a pas permis de mettre en Ɠuvre davantage d’actions de coo-pĂ©ration dans ces rĂ©gions au niveau bilatĂ©ral. Pour autant, la Cour de cassation met Ă  profit cette pĂ©riode pour planifier des projets de coopĂ©ration qu’elle mettra en Ɠuvre dĂšs que la situation le permettra.

Par ailleurs, la Cour maintient sa forte implication dans les actions menĂ©es par l’As-sociation des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF). La premiĂšre prĂ©sidente a ainsi participĂ© en visioconfĂ©rence Ă  la rĂ©union annuelle du bureau de l’AHJUCAF le 23 octobre 2020, sous la prĂ©sidence de Souheil Abboud, premier prĂ©sident de la Cour de cassation du Liban. La premiĂšre prĂ©sidente a en outre rĂ©alisĂ© une intervention filmĂ©e mise en ligne sur le site de l’AHJUCAF sur une page consacrĂ©e Ă  la motivation des dĂ©cisions dans les Cours suprĂȘmes de l’espace francophone. Elle y dresse une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale de la rĂ©forme de la motivation des arrĂȘts de la Cour de cassation avec une vision de l’accessibilitĂ© et de la comprĂ©-hension de ces dĂ©cisions au niveau national et international. Le prĂ©sident Lacabarats est Ă©galement intervenu dans ce cadre en prĂ©sentant des illustrations de cette nouvelle mĂ©thode de rĂ©daction 9.

2. Le dĂ©veloppement d’actions de coopĂ©ration en Asie

La Cour de cassation souhaite renforcer sa coopĂ©ration avec certains pays d’Asie, continent abritant de nombreuses Cours suprĂȘmes appartenant Ă  un systĂšme de droit

9. https://www.ahjucaf.org/page/la-motivation-des-d%C3%A9cisions-de-justice%C2%A0-principes-et-illustrations-dans-l%E2%80%99espace-judiciaire

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/ Relations europĂ©ennes et internationales

mixte influencĂ© par le droit civil français. Ces actions de coopĂ©ration permettront Ă  la Cour de valoriser sa jurisprudence et plus largement de promouvoir le droit continen-tal face Ă  l’influence grandissante de la Common Law.

Ainsi, Patrick Matet, doyen honoraire Ă  la premiĂšre chambre civile, a reprĂ©sentĂ© la premiĂšre prĂ©sidente lors d’une confĂ©rence internationale organisĂ©e par la Cour suprĂȘme indienne sur le thĂšme du pouvoir judiciaire dans un monde en mutation, qui s’est tenue Ă  New Delhi du 21 au 23 fĂ©vrier 2020. Plus d’une vingtaine de cours Ă©trangĂšres, d’Asie, d’Afrique, de Russie et d’Europe ont assistĂ© Ă  cette manifestation. Cette confĂ©rence de haut niveau a Ă©tĂ© clĂŽturĂ©e par le PrĂ©sident de la RĂ©publique d’Inde.

Le doyen Patrick Matet est intervenu lors d’une table ronde consacrĂ©e Ă  inter-net sur le sujet de la protection des donnĂ©es personnelles contenues dans des fichiers publics. Il a notamment expliquĂ© le rĂŽle dĂ©cisif jouĂ©, depuis 2014, par les juridictions françaises et europĂ©ennes pour consacrer un droit Ă  l’oubli numĂ©rique et pour protĂ©-ger les donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel.

La situation sanitaire n’a pas permis de mettre en Ɠuvre d’autres actions de coo-pĂ©ration dans ces rĂ©gions, au niveau bilatĂ©ral.

3. Le renforcement des actions de coopération en Amérique du Nord et du Sud

Les liens existants entre notre systĂšme de droit continental et les systĂšmes de droit mixte des pays lusophones et hispanophones d’AmĂ©rique latine favorisent la mise en Ɠuvre d’actions de coopĂ©ration auxquelles la Cour de cassation peut participer.

C’est en ce sens que Patrick Matet, doyen honoraire Ă  la premiĂšre chambre civile, est intervenu lors d’une formation organisĂ©e Ă  distance et dĂ©diĂ©e aux nouvelles mĂ©thodes de travail de la Cour de cassation, Ă  l’initiative de la Cour suprĂȘme (Suprema Corte de justicia) et l’École nationale judiciaire (ENJ) de la RĂ©publique dominicaine dans le cadre de la rĂ©forme portant sur la rĂ©daction des dĂ©cisions de justice liĂ©e au plan stratĂ©gique plus global du pouvoir judiciaire dominicain.

Lors de la session de formation organisĂ©e du 2 au 4 dĂ©cembre 2020 et destinĂ©e aux juges et avocats rĂ©dacteurs de la Suprema Corte de justicia, la participation du doyen Patrick Matet a pris la forme, en raison du contexte sanitaire, d’une rencontre vir-tuelle au moyen de deux sĂ©quences vidĂ©o enregistrĂ©es. Ces interventions ont permis de prĂ©senter les rĂ©formes engagĂ©es par la Cour de cassation en matiĂšre de rĂ©daction des arrĂȘts, avec une illustration jurisprudentielle commentant l’arrĂȘt de la premiĂšre chambre civile du 27 novembre 2019 (1re Civ., 27 novembre 2019, pourvoi no 18-14.675, publiĂ© au Bulletin).

La situation sanitaire n’a pas permis de mettre en Ɠuvre d’autres actions de coo-pĂ©ration dans ces rĂ©gions au niveau bilatĂ©ral.

Conclusion

La stratĂ©gie internationale dĂ©finie par la premiĂšre prĂ©sidente donne une impulsion nouvelle Ă  la Cour de cassation. En dĂ©pit de la crise sanitaire, la Cour de cassation a su s’adapter afin de mener diverses actions de coopĂ©ration dans le but d’entretenir le dialogue des juges. ParallĂšlement aux actions de coopĂ©ration dĂ©crites dans le prĂ©sent

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rapport, plusieurs groupes de travail ont Ă©tĂ© mis en place au sein de la Cour afin de rĂ©pondre aux prioritĂ©s identifiĂ©es par la stratĂ©gie internationale (groupe de travail pour la traduction des arrĂȘts ; groupe de travail pour renforcer les liens avec la CJUE
) dont les rĂ©sultats sont attendus avant la fin de l’annĂ©e 2021.

Les chiffres clĂ©s de 2020 :

13 pays partenaires et institutions avec lesquels la Cour a organisĂ© un Ă©vĂ©ne-ment de coopĂ©ration (Royaume-Uni, RĂ©publique dominicaine, Italie, Estonie, GrĂšce, Japon, Pays-Bas, Inde, Slovaquie, Congo RDC, BĂ©nin, CEDH, CJUE) ;

20 Ă©vĂ©nements Ă  dimension internationale organisĂ©s dans l’annĂ©e malgrĂ© la crise sanitaire : 9 en distanciel (Ă©changes par visioconfĂ©rences, web sĂ©minaires, stages) et 11 en prĂ©sentiel (visites d’étude, interventions lors de confĂ©rences ou colloques, rencontres institutionnelles) ;

26 Ă©vĂ©nements Ă  dimension internationale annulĂ©s ou reportĂ©s en raison de la crise.

C. Un dialogue multilatĂ©ral au sein de l’Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF)

L’AHJUCAF, crĂ©Ă©e en 2001 Ă  l’initiative de la Cour de cassation française avec le soutien de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), a pour objectif le renforcement de la solidaritĂ© et de la coopĂ©ration entre les hautes juridictions de cas-sation. Le rĂ©seau regroupe cinquante hautes juridictions : Cours suprĂȘmes ou Cours de cassation, deux Cours fĂ©dĂ©rales (Canada et Suisse) et trois Cours communautaires d’Afrique (la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, la Cour de jus-tice de la CommunautĂ© Ă©conomique et monĂ©taire de l’Afrique centrale – CEMAC â€“ et la Cour de justice de l’Union Ă©conomique et monĂ©taire ouest-africaine – UEMOA).

L’AHJUCAF est prĂ©sidĂ©e depuis 2019, pour un mandat de trois ans, par M. Souheil Abboud, premier prĂ©sident de la Cour de cassation du Liban, qui a succĂ©dĂ© Ă  M. Ousmane Batoko, prĂ©sident de la Cour suprĂȘme du BĂ©nin, devenu membre de droit du Bureau. Mme Chantal Arens, premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation, exerce une des vice-prĂ©sidences avec M. Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly, prĂ©sident de la Cour suprĂȘme du SĂ©nĂ©gal, et M. Wafi Ougadeye, premier prĂ©sident de la Cour suprĂȘme du Mali.

M. Jean-Paul Jean, prĂ©sident de chambre honoraire Ă  la Cour de cassation, a Ă©tĂ© rĂ©Ă©lu au CongrĂšs de Beyrouth dans les fonctions de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’AHJUCAF, dont la Cour de cassation française assure le secrĂ©tariat administratif.

L’AHJUCAF dispose d’un site internet (www.ahjucaf.org) qui contient une abon-dante documentation juridique et judiciaire, des actualitĂ©s et pages consacrĂ©es Ă  chaque cour nationale, des dossiers thĂ©matiques et vidĂ©o relatifs aux Ă©vĂ©nements et aux for-mations qu’elle organise.

L’AHJUCAF assure Ă©galement la gestion d’une base de donnĂ©es gratuite de juris-prudence francophone – JURICAF â€“ intĂ©grant plus d’un million de dĂ©cisions dĂ©sor-mais intĂ©gralement pseudonymisĂ©es, accessibles depuis le lien www.juricaf.org.

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En 2020, avant le confinement, les 24 et 25 janvier l’AHJUCAF a coorganisĂ© avec l’Association française pour l’histoire de la justice (AFHJ) un colloque Ă  La Rochelle intitulĂ© : « L’esclave : de la marchandise au sujet de droit ». Les interventions de M. le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Jean-Paul Jean et de M. Elhadji Malick Sow, prĂ©sident de chambre Ă  la Cour suprĂȘme du SĂ©nĂ©gal, sont publiĂ©es dans l’ouvrage Justice et esclavages, paru dĂ©but 2021 Ă  la Documentation française.

M. Ousmane Batoko, prĂ©sident de la Cour suprĂȘme du BĂ©nin, et M. le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Jean-Paul Jean ont reprĂ©sentĂ© l’AHJUCAF lors de la confĂ©rence internatio-nale de Doha (Qatar) les 25-27 fĂ©vrier 2020, Ă  l’invitation de l’ONUDC, dans le cadre de son rĂ©seau consacrĂ© Ă  l’intĂ©gritĂ© judiciaire.

Les autres Ă©vĂ©nements programmĂ©s par l’AHJUCAF impliquant des dĂ©placements internationaux ont ensuite dĂ» ĂȘtre reportĂ©s ou rĂ©alisĂ©s sous d’autres formes, compte tenu de la situation liĂ©e Ă  la pandĂ©mie de la Covid-19.

Lors de la premiĂšre vague de la pandĂ©mie, l’AHJUCAF a Ă©laborĂ© un dossier thĂ©-matique disponible sur internet « Juridictions face au coronavirus » prĂ©sentant les dis-positions prises par les Cours suprĂȘmes judiciaires de la francophonie concernant leur organisation, les contentieux prioritaires, la dĂ©matĂ©rialisation des dossiers, le recours Ă  la visioconfĂ©rence pour les audiences ainsi que les dispositions lĂ©gislatives et rĂ©gle-mentaires adoptĂ©es dans le cadre de l’urgence sanitaire. Une synthĂšse a Ă©tĂ© Ă©tablie au 6 mai 2020 concernant 21 pays et juridictions internationales, avec des liens utiles. M. le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Jean-Paul Jean a publiĂ© plusieurs articles dans des revues juri-diques et a prĂ©sentĂ© une synthĂšse au Conseil de l’Europe dans le cadre des travaux de la CEPEJ (Commission europĂ©enne pour l’efficacitĂ© de la justice), « Les systĂšmes de justice face Ă  la pandĂ©mie du Covid-19 ».

Le jury du prix de l’AHJUCAF pour la promotion du droit 2019, qui n’a pu se rĂ©unir physiquement Ă  Dakar, a dĂ©libĂ©rĂ© Ă  distance le 20 avril 2020. Le jury, prĂ©sidĂ© par Mme Florence Aubry-Girardin, juge au Tribunal fĂ©dĂ©ral suisse, membre du Bureau, a retenu deux laurĂ©ats : M. Aubin Dassi Nde (Cameroun) pour sa thĂšse « L’égalitĂ© pro-fessionnelle hommes/femmes dans les États d’Afrique noire francophone », soutenue Ă  l’universitĂ© YaoundĂ© II (Cameroun), et M. Gaudens Djihouessi (BĂ©nin) pour sa thĂšse « L’appropriation privĂ©e de l’eau en Afrique de l’Ouest francophone », soutenue Ă  l’uni-versitĂ© de LomĂ© (Togo).

Le prix va permettre la publication de ces recherches sous forme d’ouvrages sur deux thĂ©matiques prioritaires pour l’Afrique. L’ouvrage du laurĂ©at de l’annĂ©e prĂ©cĂ©-dente, Mme Ola Mohty, L’information du consommateur et le commerce Ă©lectronique (uni-versitĂ©s de Rennes et Beyrouth), a Ă©tĂ© publiĂ© en 2020 aux Presses universitaires de Rennes avec le soutien de l’AHJUCAF.

Les actes du VIe congrĂšs de l’AHJUCAF qui s’est tenu les 13 et 14 juin 2019 Ă  Beyrouth, La diffusion de la jurisprudence des Cours suprĂȘmes judiciaires au temps d'internet, ont Ă©tĂ© publiĂ©s aux Ă©ditions Lexbase et sont aussi disponibles en version numĂ©rique sur le site internet de l’AHJUCAF.

À l’initiative de la Cour de cassation française, au moment de la fermeture de la bibliothĂšque annexe du boulevard Saint-Germain, a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e une importante opĂ©ra-tion d’envoi d’ouvrages juridiques qui Ă©taient en double Ă  12 cours membres de l’AHJU-CAF. 182 cartons de livres ont ainsi Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s aux Cours suprĂȘmes du BĂ©nin, du

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

Cameroun, du Mali, de Mauritanie, du SĂ©nĂ©gal, aux Cours de cassation du Burkina Faso, du Liban, du Maroc, du Niger, de Roumanie, de Tunisie, et Ă  la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA.

En septembre 2020, un questionnaire a Ă©tĂ© adressĂ© aux cours membres du rĂ©seau sur la paritĂ© hommes-femmes dans les Cours suprĂȘmes judiciaires de la francophonie pour la rĂ©alisation d’une synthĂšse sur cette thĂ©matique prioritaire pour l’OIF et l’ONU.

Du fait de la pandĂ©mie de Covid-19, le Bureau de l’AHJUCAF s’est rĂ©uni le 23 octobre 2020 par webconfĂ©rence internationale animĂ©e depuis Paris, les autres par-ticipants se trouvant Ă  Bamako, Beyrouth, Cotonou, Dakar, Lausanne, Niamey, Ottawa et Rabat. La stratĂ©gie d’adaptation aux contraintes imposĂ©es par la pandĂ©mie a conduit Ă  reporter le sĂ©minaire rĂ©gional de formation annuel de l’AHJUCAF en Afrique de l’Ouest Ă  l’invitation de la Cour suprĂȘme du SĂ©nĂ©gal sur « La motivation et la valo-risation des dĂ©cisions des Cours suprĂȘmes judiciaires », ainsi que les stages en France des correspondants de l’AHJUCAF.

L’AHJUCAF a Ă©largi la variĂ©tĂ© de ses ressources documentaires en dĂ©veloppant des supports vidĂ©o. Chaque cour est invitĂ©e Ă  rĂ©aliser des vidĂ©os illustrant son fonctionne-ment et le mode de rĂ©daction et de motivation des dĂ©cisions, sur les modĂšles dĂ©jĂ  rĂ©a-lisĂ©s par le SĂ©nĂ©gal, la France et le Liban, disponibles sur le site internet. L’AHJUCAF dispose Ă©galement, outre ses comptes Facebook et Twitter, d’une chaĂźne YouTube constituant un support permanent de diffusion de ces vidĂ©os pour valoriser les travaux des cours de la francophonie.

Deux thĂ©matiques prioritaires ont Ă©tĂ© dĂ©finies pour l’annĂ©e 2021. D’abord, le rĂŽle des Cours suprĂȘmes judiciaires dans la lutte contre la corruption, en lien avec les tra-vaux dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ©s sur l’intĂ©gritĂ© judiciaire. Ensuite, la dĂ©finition des critĂšres de ce que pourrait ĂȘtre une Cour suprĂȘme judiciaire francophone idĂ©ale, afin de dĂ©gager des prin-cipes directeurs dans une vision prospective, qui pourront ĂȘtre prĂ©sentĂ©s en 2021 Ă  l’oc-casion de l’anniversaire des vingt ans de la crĂ©ation de l’AHJUCAF, en phase avec les rĂ©flexions engagĂ©es par la Cour de cassation française.

À l’invitation de Chantal Arens, premiĂšre prĂ©sidente, le prĂ©sident de l’AHJUCAF, M. Souheil Abboud, premier prĂ©sident de la Cour de cassation du Liban, est intervenu en visioconfĂ©rence lors de l’audience solennelle de rentrĂ©e de la Cour de cassation le 11 janvier 2021. M. CĂ©sar Apollinaire Ondo MvĂ©, prĂ©sident de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, membre de l’AHJUCAF, Ă©tait Ă©galement prĂ©sent.

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IV. Les liens avec le grand public

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LES LIENS AVEC LE GRAND PUBLIC

Dans le cadre de la politique de communication institutionnelle de la Cour de cassa-tion Ă  destination de la communautĂ© des juristes et du grand public, le service de com-munication assure par le rĂ©seau internet tant la diffusion de la jurisprudence que celle des informations portant sur l’activitĂ© extrajuridictionnelle de la Cour.

On rappellera que, lors du dĂ©libĂ©rĂ©, le prĂ©sident de la chambre concernĂ©e peut dĂ©cider que l’arrĂȘt ou l’avis sera publiĂ© sur le site internet de la Cour. Les arrĂȘts des formations les plus solennelles (assemblĂ©es plĂ©niĂšres et chambres mixtes) le sont sys-tĂ©matiquement avec le rapport du conseiller rapporteur et l’avis de l’avocat gĂ©nĂ©ral, accompagnĂ©s d’un commentaire.

Plus gĂ©nĂ©ralement, la publication des dĂ©cisions les plus importantes peut ĂȘtre accom-pagnĂ©e d’un communiquĂ© ou d’une note explicative, destinĂ©s Ă  permettre au grand public et aux mĂ©dias de prendre connaissance des dĂ©cisions sous une forme accessible. En 2020, 8 communiquĂ©s de presse ont Ă©tĂ© diffusĂ©s (Uber [04.03.2020]/Conditions de dĂ©tention indignes et office du juge [08.07.2020]/ConsĂ©quences d’une mesure de gel des avoirs sur le paiement des dettes de la sociĂ©tĂ© en faisant l’objet [10.07.2020]/Urgence sani-taire Covid-19 et dĂ©tention provisoire [26.05.20]/ExĂ©cution d’un mandat d’arrĂȘt inter-national et gĂ©nocide rwandais [30.09.20]/Suppression de l’amĂ©nagement des peines d’emprisonnement supĂ©rieures Ă  un an et application de la loi dans le temps [20.10.20]/Transfert de responsabilitĂ© pĂ©nale entre sociĂ©tĂ©s lors d’une opĂ©ration de fusion-absorp-tion [25.11.20]/PublicitĂ© pour un site internet de rencontres extraconjugales [16.12.20]).

AprĂšs le lancement de la Lettre de la chambre sociale en 2019, l’annĂ©e 2020 a vu les autres chambres s’inscrire dans la mĂȘme dynamique de valorisation de la jurispru-dence Ă  destination de la communautĂ© des juristes mais aussi d’un public plus large : Lettre de la chambre criminelle depuis juin 2020, Lettre de la chambre commerciale, financiĂšre et Ă©conomique depuis septembre 2020, Lettre de la premiĂšre chambre civile et Lettre de la troisiĂšme chambre civile depuis dĂ©cembre 2020.

En 2020, 85 contenus relatifs au fonctionnement de la Cour, Ă  sa politique inter-nationale, Ă  ses manifestations, aux discours, aux relations avec le milieu universitaire, ou encore Ă  ses publications, ont Ă©tĂ© mis en ligne sur le site internet, qui a Ă©tĂ© consultĂ© 5 785 476 fois, soit une moyenne de 482 123 visites par mois.

CrĂ©Ă© en 2013, le compte Twitter de la Cour de cassation a, quant Ă  lui, poursuivi sa croissance : au 31 dĂ©cembre 2020, il comptait 134 739 abonnĂ©s (contre 112 534 au 31 dĂ©cembre 2019).

L’annĂ©e 2020 a Ă©galement Ă©tĂ© marquĂ©e par la crise sanitaire liĂ©e Ă  la propagation de la Covid-19. Son dispositif de diffusion en direct via son site internet courdecassation.fr, sa page YouTube, ainsi que ses comptes Twitter et Facebook, a permis Ă  la Cour de maintenir un certain nombre de ses manifestations (colloques, confĂ©rences, audiences solennelles
) dans le respect des rĂšgles de distanciation sociale (sans prĂ©sentiel). Au cours de cette annĂ©e, les directs ont connu un niveau d’audience trĂšs important, avec des diffusions pouvant cumuler plus de 10 000 connexions. Ces vidĂ©os sont ensuite ren-dues disponibles en diffĂ©rĂ© sur le site internet www.courdecassation.fr (pour les col-loques : rubrique « ÉvĂ©nements » ; « Colloques » ; « Colloques en vidĂ©os » et pour les audiences solennelles : rubrique « ÉvĂ©nements » ; « Audiences solennelles »).

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V. Manifestations organisĂ©es Ă  la Cour de cassation

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/ Manifestations organisĂ©es Ă  la Cour de cassation

MANIFESTATIONS ORGANISÉES À LA COUR DE CASSATION EN 2020

DĂ©veloppĂ©s sous l’égide de la premiĂšre prĂ©sidence et du parquet gĂ©nĂ©ral, les col-loques et confĂ©rences de la Cour de cassation permettent, en complĂ©ment de sa mission juridictionnelle, d’enrichir la rĂ©flexion collective sur le droit, ses missions et ses enjeux.

En 2020, et malgrĂ© le contexte sanitaire, la Cour a poursuivi son action destinĂ©e Ă  offrir une large offre de formation, motivĂ©e par la volontĂ© d’ouvrir au plus grand nombre l’accĂšs Ă  ces manifestations, dans une logique de diffusion et de partage des savoirs.

L’accĂšs au plus grand nombre a Ă©tĂ© favorisĂ© par la captation audiovisuelle et la dif-fusion en direct et en diffĂ©rĂ© sur le site internet de la Cour de cassation ainsi que sur ses comptes Twitter, Facebook et YouTube permettant ainsi d’enregistrer, en temps rĂ©el, jusqu’à 15 000 connexions.

Enfin, pour la grande majoritĂ© des manifestations, une publication des actes ou une mise en ligne des interventions contribuent encore au partage des savoirs et d’expĂ©riences.

Si l’annĂ©e 2020 aura Ă©tĂ© marquĂ©e par la nĂ©cessaire reprogrammation de certains colloques initialement prĂ©vus pendant la pĂ©riode du confinement, elle se caractĂ©rise Ă©galement par un net Ă©largissement du public, qui a pu suivre Ă  distance les manifes-tations proposĂ©es.

La programmation scientifique de la Cour a ainsi Ă©tĂ© maintenue dĂšs le mois de mai 2020, les colloques et confĂ©rences organisĂ©s sans public, Ă©tant accessibles en direct et en diffĂ©rĂ© sur le site internet de la Cour de cassation et les rĂ©seaux sociaux.

Plusieurs moments forts ont rythmĂ© cette annĂ©e, dans cet objectif renouvelĂ© de nourrir le dialogue avec les juridictions du fond ainsi qu’avec les universitaires et les praticiens du droit, dans un esprit d’enrichissement rĂ©ciproque : la tenue le 30 jan-vier 2020 des « 4es rencontres de jurisprudence autour du droit immobilier », l’orga-nisation le 4 dĂ©cembre 2020 des « 10es rencontres de procĂ©dure civile » consacrĂ©es au renouvellement des catĂ©gories en procĂ©dure civile, ou encore le colloque « Crise sani-taire et contrats » organisĂ© le 16 octobre 2020.

Des cycles de confĂ©rence coorganisĂ©s avec l’universitĂ© et initiĂ©s en 2019 se sont poursuivis tandis que d’autres ont vu le jour, en lien avec des thĂšmes qui interrogent notre sociĂ©tĂ©. Ainsi du cycle « Justice environnementale : le dĂ©fi de l’effectivitĂ© » ou encore du cycle « Penser l’office du juge ».

Ce sont ainsi 25 colloques et confĂ©rences qui se sont tenus Ă  la Cour de cassation en 2020, enregistrant un total de 145 702 connexions.

* * *

Le parquet gĂ©nĂ©ral a proposĂ© en janvier et en septembre 2020 une formation Ă  la technique de cassation et Ă  la rĂ©daction des avis Ă  l’attention des avocats gĂ©nĂ©raux nouvellement nommĂ©s Ă  la Cour de cassation. Par ailleurs, une journĂ©e d’étude des-tinĂ©e Ă  l’ensemble des procureurs gĂ©nĂ©raux des cours d’appel a Ă©tĂ© organisĂ©e au mois d’octobre 2020, et a Ă©tĂ© l’occasion d’échanger sur des thĂ©matiques communes et de

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

présenter un panorama de la jurisprudence civile, sociale, commerciale et criminelle de la Cour de cassation.

Dans la situation sanitaire actuelle, un colloque sur « Les discriminations », orga-nisĂ© par le parquet gĂ©nĂ©ral, a pu se tenir en Grand’chambre le 20 novembre 2020, sans public prĂ©sent, mais en Ă©tant diffusĂ© en direct sur le site internet et les rĂ©seaux sociaux de la Cour de cassation. 9 500 internautes ont pu s’y connecter.

Enfin, la Cour de cassation a rendu hommage Ă  Pierre Truche.

Premier prĂ©sident de la Cour de cassation de 1996 Ă  1999, Pierre Truche a Ă©gale-ment occupĂ© les fonctions de procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de 1992 Ă  1996. Magistrat d’exception, il fut l’une des figures emblĂ©matiques de la dĂ©fense des droits de l’homme.

La Cour de cassation lui a rendu hommage le 28 septembre 2020, lors d’une cĂ©rĂ©-monie au cours de laquelle plusieurs hautes personnalitĂ©s – Bruno Cotte, conseil-ler honoraire Ă  la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, ancien prĂ©sident de la Haute AutoritĂ© pour la transparence de la vie publique, procureur gĂ©nĂ©ral honoraire prĂšs la Cour de cassation, Mireille Delmas-Marty, professeure honoraire au CollĂšge de France et membre de l’AcadĂ©mie des sciences morales et politiques, Henri Leclerc, avocat Ă  la cour, Jean-Olivier Viout, magistrat, membre du Conseil supĂ©rieur de la magistra-ture, Thierry Renoux, professeur agrĂ©gĂ© des facultĂ©s de droit, membre du CollĂšge de dĂ©ontologie, Jean-Paul Jean, prĂ©sident de chambre honoraire Ă  la Cour de cassa-tion, Christine Lazerges, professeure Ă©mĂ©rite de droit Ă  l’universitĂ© Paris 1 PanthĂ©on-Sorbonne, Denis Salas, magistrat, prĂ©sident de l’Association française pour l’histoire de la justice, Antoine Garapon, magistrat, directeur de l’Institut des hautes Ă©tudes sur la justice â€“ ont partagĂ©, en prĂ©sence de sa famille, de la premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation et du procureur gĂ©nĂ©ral, des souvenirs professionnels illustrant le grand homme de droit qu’était Pierre Truche.

* * *

Les tableaux ci-aprĂšs prĂ©sentent l’ensemble des manifestations organisĂ©es en 2020.

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à l’u

nive

rsit

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itol

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Page 322: RAPPORT 2020 ANNUEL

322

LIVRE 4 / Activité de la Cour

Date

Orga

nisa

teur

(s)

Intit

ulé

Inte

rven

ants

16

/11

/20

20

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sati

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l’uni

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ité

Jean

Mou

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Lyon

 3

14

/12

/20

20

Cou

r de

cas

sati

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Soc

iété

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légi

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com

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Toul

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ch-F

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Mis

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ice

« L’

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, le

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Page 323: RAPPORT 2020 ANNUEL

323

/ Manifestations organisĂ©es Ă  la Cour de cassation

Date

Orga

nisa

teur

(s)

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rven

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« R

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20

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ite

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nive

rsit

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aris

 1

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théo

n-S

orbo

nne

Page 324: RAPPORT 2020 ANNUEL

324

LIVRE 4 / Activité de la Cour

Date

Orga

nisa

teur

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ants

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20

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rois

iĂšm

e ch

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e ci

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de

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tion

Mar

tine 

Dagn

eaux

, con

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Ăšre

Ă  la

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isiĂš

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bre

civi

le

de la

Cou

r de

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acqu

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cons

eille

r Ă 

la t

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iĂšm

e ch

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vile

de

la C

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rie 

Geor

get,

cons

eillĂš

re r

éfér

enda

ire

Ă  la

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isiĂš

me

cham

bre

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le d

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Cou

r de

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onBĂ©

nédi

cte 

Vass

allo

-Pas

quet

, pre

miĂš

re a

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te g

énér

ale

Ă  la

 tro

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bre

civi

le d

e la

Cou

r de

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uno 

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, avo

cat

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ral Ă 

la t

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iĂšm

e ch

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ppe 

Brun

, avo

cat

géné

ral e

n se

rvic

e ex

trao

rdin

aire

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la t

rois

iĂšm

e ch

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e ci

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la C

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ault,

pro

fess

eur

à l’u

nive

rsit

Ă© P

aris

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ssas

Ro

bert

 Par

neix

, con

seill

er Ă 

la t

rois

iĂšm

e ch

ambr

e ci

vile

de

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our

de c

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tion

Julie

n La

uren

t, pr

ofes

seur

à l’

univ

ersi

té T

oulo

use 

1 C

apit

ole

Fran

çois

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orm

e, n

otai

reFr

anck

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ssel

, res

pons

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des

aff

aire

s in

téri

eure

s du

Cri

don

Sud

-Oue

st

Page 325: RAPPORT 2020 ANNUEL

325

/ Manifestations organisĂ©es Ă  la Cour de cassation

Date

Orga

nisa

teur

(s)

Intit

ulé

Inte

rven

ants

« Cr

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n in

tern

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n fr

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La f

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maj

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L’im

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isio

n »

« Q

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ues

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de

l’im

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de

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san

itai

re s

ur

les

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imm

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Ăšre

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imm

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e :

Con

trat

s d’

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ires

»

Chan

tal A

rens

, pre

miĂš

re p

rési

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de c

assa

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ekki

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eur

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nive

rsit

Ă© S

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nne

Par

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Nor

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seur

à l’

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ersi

té S

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Par

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ord,

co

dire

cteu

r de

l’IR

DA

Phili

ppe 

Chau

vire

, pro

fess

eur

à l’u

nive

rsit

Ă© S

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Par

is

Nor

dLu

c-M

iche

l Niv

ĂŽse,

con

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er Ă 

la C

our

de c

assa

tion

, pr

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seur

ass

ocié

à l’

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ersi

té S

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Par

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ord

Gwén

aëlle

 Dur

and-

Pasq

uier

, pro

fess

eure

à l’

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ersi

té d

e R

enne

s 1

Dim

itri H

outc

ieff,

pro

fess

eur

à l’u

nive

rsit

Ă© P

aris

-Sac

lay

BĂ©at

rice

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role

tti, m

aĂźtr

e de

con

fére

nces

, un

iver

sité

d'

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-Mar

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vid 

Por,

avoc

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la c

our

Alié

nor 

Fevr

e, a

voca

te Ă 

la c

our

Mic

hel P

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rd, a

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t Ă 

la c

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Paul

-Lou

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ette

r, pr

Ă©sid

ent

du t

ribu

nal d

e co

mm

erce

de

Par

isM

arc 

Mos

se, d

irec

teur

juri

diqu

e de

Mic

roso

ft,

repr

Ă©sen

tant

de

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FJE

Laur

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even

eur,

prof

esse

ur Ă 

l’un

iver

sité

Par

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Pan

théo

n-A

ssas

, di

rect

eur

du la

bora

toir

e de

dro

it c

ivil

« Le

s di

scri

min

atio

ns »

Page 326: RAPPORT 2020 ANNUEL

326

LIVRE 4 / Activité de la Cour

Date

Orga

nisa

teur

(s)

Intit

ulé

Inte

rven

ants

20

/11

/20

20

Cou

r de

cas

sati

on«

Les

disc

rim

inat

ions

»Fr

anço

is M

olin

s, p

rocu

reur

gén

Ă©ral

prĂš

s la

Cou

r de

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ndri

ne Z

ient

ara,

avo

cate

gén

Ă©ral

e Ă 

la c

ham

bre

crim

inel

le

de la

Cou

r de

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onPa

scal

 Bea

uvai

s, p

rofe

sseu

r Ă 

l’uni

vers

ité

Par

is 1

P

anth

Ă©on-

Sor

bonn

eN

icol

as B

onna

l, co

nsei

ller

Ă  la

cha

mbr

e cr

imin

elle

de

la C

our

de c

assa

tion

Aude

 Dur

et, v

ice-

proc

ureu

re a

u tr

ibun

al ju

dici

aire

de

Par

is,

chef

fe d

e se

ctio

nCa

ther

ine 

Cour

col-

Bouc

hard

, pre

miĂš

re a

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te g

énér

ale

de la

ch

ambr

e so

cial

e de

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our

de c

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Rena

ud S

alom

on, a

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t gé

néra

l Ă  la

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mbr

e cr

imin

elle

de

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Cou

r de

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onSy

lvai

ne L

aulo

m, a

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te g

énér

ale

Ă  la

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mbr

e so

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e de

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Cou

r de

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onCl

audi

ne J

acob

, dir

ectr

ice

des

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ires

judi

ciai

res,

DĂ©f

ense

ur

des

droi

tsLa

uren

ce P

ecau

t-Ri

volie

r, co

nsei

llĂšre

Ă  la

cha

mbr

e so

cial

e de

la

Cou

r de

cas

sati

on

« 10

es r

enco

ntre

s de

pro

cédu

re c

ivile

»0

4/1

2/2

02

0C

our

de c

assa

tion

« 1

0es

ren

cont

res

de p

rocé

dure

ci

vile

: v

ers

un r

enou

velle

men

t de

s ca

tégo

ries

en

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Ă©dur

e ci

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? »

Chan

tal A

rens

, pre

miĂš

re p

rési

dent

e de

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our

de c

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Brun

o Pi

reyr

e, p

rési

dent

de

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euxi

Ăšme

cham

bre

civi

le d

e la

C

our

de c

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Xavi

er L

agar

de, p

rofe

sseu

r Ă 

l’uni

vers

ité

Par

is 1

P

anth

Ă©on-

Sor

bonn

eLo

uis 

Boré

, pré

side

nt d

e l’o

rdre

des

avo

cats

au

Con

seil

d’É

tat

et Ă 

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de c

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Cath

erin

e Pi

che,

pro

fess

eure

Ă  la

fac

ulté

de

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t de

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nive

rsit

Ă© de

Mon

tréa

lEm

man

uel J

eula

nd, p

rofe

sseu

r Ă 

l’uni

vers

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Par

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P

anth

Ă©on-

Sor

bonn

eDo

min

ique

 Gai

llard

ot, p

rem

ier

avoc

at g

énér

al Ă 

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euxi

Ăšme

cham

bre

civi

le d

e la

Cou

r de

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onSa

mue

l Apa

risi

, avo

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géné

ral r

éfér

enda

ire

Ă  la

deu

xiĂšm

e ch

ambr

e ci

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de

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our

de c

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Hug

ues 

Fulc

hiro

n, c

onse

iller

en

serv

ice

extr

aord

inai

re Ă 

la

deux

iĂšm

e ch

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e ci

vile

de

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our

de c

assa

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Edou

ard 

de L

eiri

s, c

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réf

Ă©ren

dair

e Ă 

la d

euxi

Ăšme

cham

bre

civi

le d

e la

Cou

r de

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onCĂ©

cile

 Cha

inai

s, p

rofe

sseu

re Ă 

l’un

iver

sité

Par

is 2

P

anth

Ă©on-

Ass

as

Page 327: RAPPORT 2020 ANNUEL

327

/ Manifestations organisĂ©es Ă  la Cour de cassation

Date

Orga

nisa

teur

(s)

Intit

ulé

Inte

rven

ants

« La

bar

Ă©mis

atio

n de

la ju

stic

e »

17

/12

/20

20

Cou

r de

cas

sati

on

Insp

ecti

on g

énér

ale

de la

just

ice

(IG

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irec

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des

ser

vice

s ju

dici

aire

s (D

SJ)

, de

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de

s af

fair

es c

ivile

set

du

scea

u (D

AC

S)

et d

e l’É

cole

na

tion

ale

de la

mag

istr

atur

e (E

NM

), le

GIP

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LIVRE 4 / Activité de la Cour

AUTRES MANIFESTATIONS

Hommage Ă  Pierre Truche

Premier prĂ©sident de la Cour de cassation de 1996 Ă  1999, Pierre Truche a Ă©galement occupĂ© les fonctions de procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs cette Cour de 1992 Ă  1996. Magistrat d’exception, il fut l’une des figures emblĂ©matiques de la dĂ©fense des droits de l’homme.

La Cour de cassation lui a rendu hommage le 28 septembre 2020, lors d’une cĂ©rĂ©-monie au cours de laquelle plusieurs hautes personnalitĂ©s ont partagĂ©, en prĂ©sence de sa famille, de la premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation et du procureur gĂ©nĂ©ral, des souvenirs professionnels marquants.

Page 329: RAPPORT 2020 ANNUEL

329

LISTE DES ABRÉVIATIONS

PUBLICATIONS (OUVRAGES, REVUES ET ÉDITEURS)

BICC : Bulletin d’information de Cour de cassation

Bull. : Bulletin des arrĂȘts de la Cour de cassation, chambres civiles

Bull. crim. : Bulletin des arrĂȘts de la Cour de cassation, chambre criminelle

D. : Recueil Dalloz-Sirey

JCP : La Semaine juridique, JurisClasseur pĂ©riodique (LexisNexis)− Ă©d. E : Entreprise et affaires – Ă©d. G : Édition gĂ©nĂ©rale

Rapport, Rapport annuel : Rapport annuel de la Cour de cassation

Recueil Lebon : Recueil des arrĂȘts du Conseil d’Etat

RJS : Revue de jurisprudence sociale

AUTRES ABRÉVIATIONS

ADDH : Association de dĂ©fense des droits de l’homme

AFDIT : Association française de droit de l’informatique et de la tĂ©lĂ©communication

AFDP : Association française de droit pénal

AFHJ : Association française pour l’histoire de la justice

AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé

AGS : Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés

AHJUCAF : Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en par-tage l’usage du français

AIDP : Association internationale de droit pénal

AMF : Autorité des marchés financiers

ANPE : Agence nationale pour l’emploi

ARS : Agence régionale de santé

ASSEDIC : Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

/ Liste des abréviations

Page 330: RAPPORT 2020 ANNUEL

330

CCMSA : Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

CDPC : Centre de droit pénal et de criminologie

CE : Conseil d’État

CEE : Communauté économique européenne

CEDH : Cour europĂ©enne des droits de l’homme

CEMAC : CommunautĂ© Ă©conomique et monĂ©taire de l’Afrique centrale

CESEDA : code de l’entrĂ©e et du sĂ©jour des Ă©trangers et du droit d’asile

CGT : Confédération générale du travail

ch. : chambre(s)

CHSCT : comitĂ© d’hygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail

CIDPH : Convention internationale des droits des personnes handicapées

CIREM : Centre interuniversitaire de recherche sur la premiÚre modernité

CJCE : Cour de justice des Communautés européennes

CJUE : Cour de justice de l’Union europĂ©enne

CNAF : Caisse nationale d’allocations familiales

Cons. const. : Conseil constitutionnel

CRDPDS : Centre de recherche en droit privé et droit de la santé

CSE : Comité social et économique

CSM : Conseil supérieur de la magistrature

DACS : Direction des affaires civiles et du sceau

DADS : déclaration annuelle de données sociales

DC : contrÎle de constitutionnalité des lois ordinaires, organiques, des traités, des rÚglements des assemblées

DECT : Direction exécutive du Comité contre le terrorisme

DGE : Direction générale des entreprises

DHUP : Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

DIRECCTE : Direction rĂ©gionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi

DNI : dĂ©claration notariĂ©e d’insaisissabilitĂ©

DUP : Délégation unique du personnel

EIRL : entreprise individuelle à responsabilité limitée

e. a. : et autres

Ă©d. : Ă©ditions

Page 331: RAPPORT 2020 ANNUEL

331

/ Liste des abréviations

ENC : Ecole nationale des chartes

ENM : Ecole nationale de la magistrature

ERA : Académie de droit européen

FGTI : fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions

FGAO : Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages

GIP : groupement d’intĂ©rĂȘt public

GPA : gestation pour autrui

HLM : habitation à loyer modéré

IMGHC : implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité

INA : Institut national de l’audiovisuel

INPI : Institut national de la propriété industrielle

IRDA : Institut de recherche pour un droit attractif

IRJS : Institut de recherche juridique de la Sorbonne

ITI : indemnitĂ© temporaire d’inaptitude

JAI : Justice et affaires intérieures (Conseil)

JCI : Justice coopération internationale

LDH : Ligue des droits de l’homme

OHADA : Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires

OIF : Organisation internationale de la Francophonie

OIT : Organisation internationale du travail

ONIAM : Office national d’indemnisation des accidents mĂ©dicaux, des affections IatrogĂšnes et des infections nosocomiales

ONU : Organisation des Nations unies

ONUDC : Office des Nations unies contre la drogue et le crime

OPA : Office publique d’acquisition

ORTF : Office de radiodiffusion télévision française

PACS : Pacte civil de solidarité

PVC : polychlorure de vinyle

préc. : précité

QPC : question prioritaire de constitutionnalité

RCS : RĂ©seau des Cours suprĂȘmes

RJUE : RĂ©seau judiciaire de l’Union europĂ©enne

SCI : société civile immobiliÚre

Page 332: RAPPORT 2020 ANNUEL

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SCN : Superior Courts network (Réseau des Cours supérieures)

SCOM : Service de communication (Cour de cassation)

SDER : Service de documentation, des Ă©tudes et du Rapport (Cour de cassation)

SGAE : secrétaire général aux affaires européennes

SLC : Société de législation comparée

SMIC : salaire minimum interprofessionnel de croissance

SPEDIDAM : Société de perception et de distribution des droits des artistes-inter-prÚtes de la musique et de la danse

SRI : service des relations internationales (Cour de cassation)

TVA : taxe sur la valeur ajoutée

T2A : tarification Ă  l’activitĂ©

UEMOA : Union économique et monétaire ouest-africaine

UFR DSPS : Unité de formation et de recherche en droit, sciences politiques et sociales

UNEDIC : Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

UPEC : université Paris-Est Créteil

UPEM : université Paris-Est Marne-la-Vallée

URSSAF : Union de recouvrement des cotisations de sĂ©curitĂ© sociale et d’alloca-tions familiales

VRD : voierie et réseaux divers

Page 333: RAPPORT 2020 ANNUEL

333

/ Table des matiĂšres

TABLE DES MATIÈRES

LIVRE 1DISCOURS .................................................................................................................................................... 5

DISCOURS PRONONCÉ lors de l’audience solennelle de dĂ©but d’annĂ©e judiciaire, le 11 janvier 2021, par Madame Chantal Arens, premiĂšre prĂ©sidente de la Cour de cassation............................................................... 7

DISCOURS PRONONCÉ lors de l’audience solennelle de dĂ©but d’annĂ©e judiciaire, le 11 janvier 2021, par Monsieur François Molins, procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour de cassation ................................................................ 15

LIVRE 2SUGGESTIONS DE MODIFICATIONS LÉGISLATIVES OU RÉGLEMENTAIRES ...................... 21

I/ PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE ................................................................ 23

I. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE .......... 23

A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 23Caution ................................................................................................................................... 23

Harmonisation des sanctions en matiĂšre d’information de la caution .. 23Officiers publics et ministĂ©riels .................................................................................. 26

RĂŽle du prĂ©sident de la chambre de discipline devant la cour d’appel (articles 16, alinĂ©a 2, et 37 du dĂ©cret no 73-1202 du 28 dĂ©cembre 1973 relatif Ă  la discipline et au statut des officiers publics ou ministĂ©riels) ............................................................................................ 26

RĂ©gimes matrimoniaux ................................................................................................... 28RĂ©vocation, en cas de divorce, de la clause d’exclusion des biens professionnels des Ă©poux du calcul de la crĂ©ance de participation qui constitue un avantage matrimonial prenant effet Ă  la dissolution du rĂ©gime matrimonial ............................................................................................. 28

Soins psychiatriques sans consentement .............................................................. 30ProcĂ©dure aux fins de mainlevĂ©e immĂ©diate d’une mesure d’hospitalisation d’office, sur requĂȘte ou d’office .......................................... 30Proposition de rĂ©forme du code de la santĂ© publique : la fugue du patient hospitalisĂ© en soins sans consentement ...................... 32

Proposition de rĂ©forme de la procĂ©dure de saisine pour avis de la Cour de cassation dans les dossiers Ă  dĂ©lais contraints ..................... 33

B. Suggestions nouvelles ...................................................................................................... 35

Page 334: RAPPORT 2020 ANNUEL

334

II. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ......... 36

A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 36Aide juridictionnelle ......................................................................................................... 36Droit des assurances ........................................................................................................ 37

RĂ©forme de l’article L. 114-2 du code des assurances : alignement du dĂ©lai de prescription du droit des assurances sur le dĂ©lai de droit commun ................................................................................. 37

Experts et mĂ©diateurs judiciaires .............................................................................. 39Constitution d’un statut de traducteur assermentĂ© distinct de celui d’expert judiciaire ...................................................................................... 39Rejet non spĂ©cialement motivĂ© du recours contre les dĂ©cisions de refus d’inscription et de rĂ©inscription .......................................................... 40Suspension provisoire de l’expert judiciaire .................................................... 42Experts judiciaires et mĂ©diateurs : amĂ©lioration de l’élaboration des listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours d’appel – certification ou reconnaissance administrative des mĂ©diateurs ......................................... 43AmĂ©lioration de l’élaboration des listes de mĂ©diateurs Ă©tablies par les cours d’appel – interdiction du cumul de demandes d’inscription auprĂšs de plusieurs cours d’appel .............................................. 44

ProcĂ©dure civile ................................................................................................................. 45Instruction Ă  bref dĂ©lai des affaires relevant de la procĂ©dure ordinaire devant la cour d’appel ........................................................................... 45Communication par voie Ă©lectronique – Refonte des arrĂȘtĂ©s d’application de l’article 748-1 du code de procĂ©dure civile dans sa rĂ©daction issue du dĂ©cret nÂș 2009-1524 du 9 dĂ©cembre 2009 .................. 46Communication par voie Ă©lectronique – Modification de la procĂ©dure de recours contre les dĂ©cisions du directeur gĂ©nĂ©ral de l’Institut national de la propriĂ©tĂ© industrielle ........................................... 47DĂ©nonciation au ministĂšre public de l’appel du jugement en matiĂšre de recours en rĂ©vision ........................................................................ 48Ordonnances sur requĂȘte – Harmonisation des rĂšgles concernant la compĂ©tence territoriale du juge des requĂȘtes et crĂ©ation d’une obligation de signification de la requĂȘte et de l’ordonnance lorsque l’article 145 du code de procĂ©dure civile est applicable .............................. 49Regroupement des dispositions lĂ©gislatives relatives Ă  la procĂ©dure civile ...................................................................................................... 51Transmission Ă©lectronique des dossiers de procĂ©dure ................................. 51

RĂ©paration du prĂ©judice................................................................................................. 53Revalorisation lĂ©gale des rentes indemnitaires ............................................... 53Proposition de modification des dispositions relatives au recours en indemnitĂ© ouvert Ă  certaines victimes de dommage rĂ©sultant d’une infraction ........................................................................................................... 54

Saisie immobiliĂšre ............................................................................................................ 54PĂ©remption du commandement valant saisie immobiliĂšre ........................ 54

Surendettement des particuliers ................................................................................ 55ApprĂ©ciation de la situation du surendettement : harmonisation du traitement des dettes professionnelles .......................... 55Effet interruptif de prescription attachĂ© Ă  la dĂ©cision de recevabilitĂ© de la demande de traitement d’une situation de surendettement ........... 56

Page 335: RAPPORT 2020 ANNUEL

335

/ Table des matiĂšres

SĂ©curitĂ© sociale .................................................................................................................. 57RĂ©paration des consĂ©quences de la faute inexcusable : modification de l’article L. 452-3 du code de la sĂ©curitĂ© sociale ............. 57Notification de la dĂ©cision attributive de rente AT ...................................... 59

B. Suggestions nouvelles ..................................................................................................... 59

III. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ....... 60

A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 60Bail commercial ................................................................................................................. 60

Restitution du dépÎt de garantie .......................................................................... 60Condition de ressources en cas de pluralité de locataires ............................. 61

Article 15, III, de la loi nÂș 89-462 du 6 juillet 1989 tendant Ă  amĂ©liorer les rapports locatifs et portant modification de la loi nÂș 86-1290 du 23 dĂ©cembre 1986 ....................................................... 61

B. Suggestions nouvelles ...................................................................................................... 63

IV. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET Ă‰CONOMIQUE...................................................................................................................................... 64

A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 64Cautionnement ................................................................................................................... 64

Reprise des poursuites par la caution ................................................................. 64Sanction du dĂ©faut d’information annuelle de la caution ........................... 65

Banque ................................................................................................................................... 67Action en responsabilitĂ© appartenant au Fonds de garantie des dĂ©pĂŽts et de rĂ©solution – Proposition de modification de l’article L. 312-6 du code monĂ©taire et financier.............................................................................. 67

ProcĂ©dures collectives .................................................................................................... 69Cession « Dailly » consentie Ă  titre de garantie pendant la pĂ©riode suspecte .......................................................................................................................... 69Pourvoi du ministĂšre public contre une dĂ©cision statuant sur la durĂ©e de la pĂ©riode d’observation ..................................................................................... 70ProcĂ©dures collectives – Distinction de l’irrecevabilitĂ© de la dĂ©claration de crĂ©ance et du rejet de la crĂ©ance ............................................. 72ProcĂ©dures collectives – ResponsabilitĂ© pour insuffisance d’actif â€“ NĂ©gligence ................................................................................................... 73

B. Suggestions nouvelles ..................................................................................................... 74

V. PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE CIVILE POUR LA CHAMBRE SOCIALE ......................... 75

A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 75Droit du travail .................................................................................................................... 75

Rémunération du temps de trajet des salariés itinérants ............................ 75

B. Suggestions nouvelles ..................................................................................................... 76Allaitement d’un enfant sur le lieu de travail................................................... 76Modification de l’article R. 1423-33 du code du travail ............................. 77

Page 336: RAPPORT 2020 ANNUEL

336

II/ PROPOSITIONS DE RÉFORME EN MATIÈRE PÉNALE POUR LA CHAMBRE CRIMINELLE ...................................................................................................... 79

A. Suivi des suggestions de réforme ............................................................................... 79Procédure pénale............................................................................................................... 79

Extension de l’appel en matiĂšre de contravention de police ..................... 79Extension de la reprĂ©sentation obligatoire devant la chambre criminelle ....................................................................................................................... 80Pourvoi en cassation – Moment de la dĂ©signation d’un conseiller rapporteur : modifications des articles 587 et 588 du code de procĂ©dure pĂ©nale ........................................................................................................ 81Pourvoi en cassation – PossibilitĂ© d’adresser un mĂ©moire personnel dans un dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la rĂ©ception du dossier : modification de l’article 567-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale ................... 83Modification de l’article 380-11 du code de procĂ©dure pĂ©nale ................ 84CrĂ©ation d’un rĂ©pertoire unique et centralisĂ© des personnes majeures protĂ©gĂ©es..................................................................................................... 86

B. Suggestions nouvelles ..................................................................................................... 89Procédure pénale............................................................................................................... 89

Comparution du condamné ................................................................................... 89Droit pénal spécial ............................................................................................................ 91

Placement sous scellés suite aux opérations de saisie ................................... 91

III/ PROPOSITIONS DE RÉFORME NON SUIVIES ANTÉRIEURES À 2019 ........................... 93

LIVRE 3JURISPRUDENCE DE LA COUR ............................................................................................................ 99

I. AVIS DE LA COUR DE CASSATION ....................................................................................................... 103

A. Formation pléniÚre ........................................................................................................... 103

B. Formation mixte ................................................................................................................ 103

C. Avis rendus par les chambres ..................................................................................... 1031. Avis rendus en matiÚre civile ................................................................................ 1032. Avis rendu en matiÚre pénale ............................................................................... 105

II. ARRÊTS RENDUS EN ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE ET EN CHAMBRE MIXTE ......................................... 106

A. AssemblĂ©e plĂ©niĂšre ......................................................................................................... 1061. ArrĂȘts rendus en matiĂšre civile ............................................................................ 1062. ArrĂȘts rendus en matiĂšre pĂ©nale ......................................................................... 110

B. Chambre mixte .................................................................................................................. 112

III. ARRÊTS RENDUS PAR LES CHAMBRES ........................................................................................... 113

A. Droit des personnes et de la famille ........................................................................ 1131. État civil et filiation ................................................................................................... 1132. DonnĂ©es Ă  caractĂšre personnel ............................................................................ 115

Page 337: RAPPORT 2020 ANNUEL

337

/ Table des matiĂšres

3. Protection des consommateurs ............................................................................ 118

B. Droit du travail .................................................................................................................... 1201. Contrat de travail, organisation et exécution du travail ............................ 120

a. Emploi et formation ............................................................................................ 120b. Droits et obligations des parties au contrat de travail ........................... 120c. Modification dans la situation juridique de l’employeur ...................... 120d. Contrats et statuts particuliers ........................................................................ 120e. Transfert du contrat de travail ......................................................................... 123f. Coemploi .................................................................................................................. 125

2. Durée du travail et rémunération ........................................................................ 128a. Durée du travail, repos et congés ................................................................... 128b. Rémunération ........................................................................................................ 131

3. SantĂ© et sĂ©curitĂ© au travail .................................................................................... 1324. ÉgalitĂ© de traitement, discrimination, harcĂšlement ................................... 134

a. ÉgalitĂ© de traitement ........................................................................................... 134b. Discrimination ....................................................................................................... 134c. HarcĂšlement ........................................................................................................... 137

5. Accords collectifs et conflits collectifs de travail ........................................ 137a. Conventions et accords collectifs ................................................................... 137b. Conflits du travail ................................................................................................. 137

6. ReprĂ©sentation du personnel et Ă©lections professionnelles.................... 139a. Élections, reprĂ©sentativitĂ©, reprĂ©sentants syndicaux : mise en Ɠuvre de la loi du 20 aoĂ»t 2008 ........................................................................... 139b. Élections, syndicats hors application de la loi du 20 aoĂ»t 2008 ......... 139c. Protection des reprĂ©sentants du personnel ................................................ 139d. Fonctionnement des institutions reprĂ©sentatives du personnel......... 139e. Syndicat professionnel ........................................................................................ 143

7. Rupture du contrat de travail ................................................................................ 145a. Rupture conventionnelle ................................................................................... 145b. Contrat de travail à durée déterminée ......................................................... 145c. Indemnités de rupture ........................................................................................ 145d. Licenciement.......................................................................................................... 147

8. Actions en justice ........................................................................................................ 149a. Compétence ............................................................................................................ 149b. Séparation des pouvoirs ..................................................................................... 149

C. Droit immobilier, environnement et urbanisme ................................................... 1491. Bail (rÚgles générales) .............................................................................................. 1492. PrivilÚges ........................................................................................................................ 1513. Prescription ................................................................................................................... 1524. Responsabilité ............................................................................................................. 153

D. Activités économiques, commerciales et financiÚres ....................................... 1601. Concurrence déloyale ............................................................................................... 1602. Entreprises en difficulté .......................................................................................... 1623. ImpÎts et taxes ............................................................................................................ 1664. Propriété littéraire et artistique............................................................................ 1715. Sociétés........................................................................................................................... 175

Page 338: RAPPORT 2020 ANNUEL

338

E. Responsabilité civile, assurance et sécurité sociale .......................................... 1771. Assurance ....................................................................................................................... 1772. Sécurité sociale ........................................................................................................... 1823. Aide sociale ................................................................................................................... 1874. Responsabilité civile ................................................................................................. 190

F. ProcĂ©dure civile et organisation des professions ................................................. 1971. Action en justice ......................................................................................................... 1972. Appel civil ...................................................................................................................... 1983. CompĂ©tence .................................................................................................................. 2034. Fonds de garantie ....................................................................................................... 2055. Mesures d’instruction ............................................................................................... 2076. ProcĂ©dure civile d’exĂ©cution ................................................................................. 208

G. Droit pénal et procédure pénale ................................................................................. 2091. Droit pénal général .................................................................................................... 2092. Droit pénal spécial ..................................................................................................... 2093. Procédure pénale ........................................................................................................ 217

H. Application du droit de l’Union europĂ©enne, de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme et du droit international ............................... 228

1. Droit de l’Union europĂ©enne ................................................................................. 2282. Droit de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme .................... 235

IV. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ (QPC) ............................................................. 242

LIVRE 4ACTIVITÉ DE LA COUR ............................................................................................................................. 245

I. ACTIVITÉ JURIDICTIONNELLE ............................................................................................................. 247

BILAN D’ACTIVITÉ DE LA COUR DE CASSATION POUR L’ANNÉE 2020 ................................................. 249

A. L’activitĂ© juridictionnelle de la Cour de cassation .............................................. 2491. L’activitĂ© des chambres civiles ............................................................................. 249

1. Évolution des affaires nouvelles et terminĂ©es et durĂ©e des procĂ©dures civiles, commerciales et sociales 2011-2020 ..................... 2492. Les abandons de procĂ©dure .............................................................................. 2523. Les pourvois orientĂ©s .......................................................................................... 2534. De la statistique des pourvois Ă  la statistique des dĂ©cisions ................. 2545. Les dĂ©cisions prononcĂ©es par les chambres ............................................... 2556. DurĂ©e moyenne des dĂ©cisions statuant sur les moyens des pourvois prononcĂ©es en 2020 ........................................................................ 2657. Les formations de jugement ............................................................................. 266

2. L’activitĂ© de la chambre criminelle .................................................................... 2692.1. Évolution des pourvois jugĂ©s en matiĂšre pĂ©nale .................................. 2692.2. RĂ©partition du contentieux pĂ©nal en 2020 par nature d’affaires .... 270

Page 339: RAPPORT 2020 ANNUEL

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/ Table des matiĂšres

2.3. RĂ©partition des pourvois jugĂ©s en matiĂšre penale en 2020 par catĂ©gorie de dĂ©cisions ....................................................................................... 2712.4. DurĂ©e moyenne de traitement des pourvois en matiĂšre pĂ©nale (en jours) ........................................................................................................................ 272

3. Les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ............................. 272

B. L’activitĂ© des juridictions et commissions placĂ©es auprĂšs de la Cour de cassation ................................................................................................................................ 278

1. La Cour de rĂ©examen des dĂ©cisions civiles .................................................... 2782. La commission d’instruction des demandes en rĂ©vision et en rĂ©examen et la Cour de rĂ©vision et de rĂ©examen des condamnations pĂ©nales ......................................................................................... 2793. La Commission nationale de rĂ©paration des dĂ©tentions ........................... 280

a. Étude statistique des recours et des dĂ©cisions ............................................ 280b. Analyse de la jurisprudence ............................................................................... 282

C. Le bureau d’aide juridictionnelle ................................................................................ 284

II. SERVICE DE DOCUMENTATION, DES Ă‰TUDES ET DU RAPPORT DE LA COUR DE CASSATION ....... 287

ACTIVITÉ 2020 DU SERVICE DE DOCUMENTATION, DES Ă‰TUDES ET DU RAPPORT DE LA COUR DE CASSATION ......................................................................................................................................... 289

A. La participation du SDER Ă  la rĂ©forme de la Cour ............................................. 2891. La nouvelle organisation du service ................................................................... 2892. L’aide Ă  la sĂ©lection des pourvois ....................................................................... 2903. L’aide Ă  la dĂ©cision ..................................................................................................... 2904. La participation aux groupes de travail ............................................................ 2915. Les relations extĂ©rieures au SDER ..................................................................... 291

B. La mise en valeur et la diffusion de la jurisprudence ...................................... 2921. Le traitement et la publication des arrĂȘts ....................................................... 2932. Les bases jurisprudentielles de la Cour de cassation ................................ 2933. Le mouvement de l’open data .............................................................................. 294

III. RELATIONS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES ....................................................................... 297

RELATIONS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES EN 2020 .............................................................. 299

A. Le renforcement de la coopĂ©ration europĂ©enne .................................................. 3001. L’enrichissement du dialogue bilatĂ©ral entre Cours suprĂȘmes europĂ©ennes......................................................................................................................... 3002. L’approfondissement du dialogue bilatĂ©ral avec les cours europĂ©ennes : CEDH et CJUE ..................................................................................... 301

Avec la Cour EDH .................................................................................................... 302Avec la CJUE ............................................................................................................... 303L’extension de la participation de la Cour de cassation au sein des rĂ©seaux europĂ©ens ............................................................................................... 304

B. L’ouverture Ă  de nouveaux axes de coopĂ©ration internationale .................... 3061. La coopĂ©ration bilatĂ©rale avec les pays de la francophonie notamment avec les pays du Moyen-Orient et du Golfe ................................. 3062. Le dĂ©veloppement d’actions de coopĂ©ration en Asie ................................ 306

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3. Le renforcement des actions de coopération en Amérique du Nord et du Sud .............................................................................................................................. 307

Conclusion .................................................................................................................... 307

C. Un dialogue multilatĂ©ral au sein de l’Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF) ....... 308

IV. LES LIENS AVEC LE GRAND PUBLIC ................................................................................................. 311

V. MANIFESTATIONS ORGANISÉES À LA COUR DE CASSATION ............................................................ 315

LISTE DES ABRÉVIATIONS ..................................................................................................................... 329