Quels liens entre apprentissages et activité d'écriture · d’une méthode qui permet...
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Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Bourgogne
Centre IUFM de Nevers
Concours de recrutement de professeur des écoles
Mémoire professionnel suivi par M me Nathalie PINSARD
Quels liens entre apprentissages
et activité d'écriture ?
COGNET Guilhem Année 2003/2004
N° Dossier : 0264121N
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Je remercie les élèves de la classe de CM2 de l'école élémentaire
Lucette Sallé qui se sont prêtés avec enthousiasme à l'expérimentation de
ce mémoire professionnel. J'adresse un remerciement tout particulier à
Madame PINSARD pour ses précieux conseils, son soutien et son aide lors
de la rédaction de ce mémoire.
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SOMMAIRE
Introduction..................................................................................................................... 4
Apports théoriques.......................................................................................................... 5
1. Ce que disent les textes officiels...............................................................................5
2. Nature et place de l’écrit dans l’enseignement des sciences.....................................6a) Les sciences à l’école........................................................................................... 6b) Quels types d’écrits ? Quand les utiliser ?........................................................... 6
3. Le lien entre activité d’écriture et apprentissages scientifiques................................9a) Qu’est-ce qu’apprendre ?..................................................................................... 9b) Faire écrire les conceptions : une démarche essentielle.....................................10
4. La trace écrite en sciences et la maîtrise de la langue.............................................13a) La maîtrise de la langue dans les Instructions Officielles.................................. 13b) Ecrire en sciences : un point d’appui pour la maîtrise de la langue...................14c) Comment articuler sciences et maîtrise de la langue ?.......................................14
5. Conclusion.............................................................................................................. 16
Description et analyse d’une séquence de Sciences.................................................... 18
1. Présentation du contexte de la pratique de classe................................................... 18
2. Présentation de la séquence.................................................................................... 18
3. Analyse de la séquence........................................................................................... 21a) Le travail sur les conceptions............................................................................. 21b) Ecrire la leçon avec les élèves............................................................................24c) L’utilisation des écrits en classe.........................................................................25d) Maîtrise de la langue et sciences : Quels liens dans ma séquence ?.................. 26
Conclusion...................................................................................................................... 28
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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Introduction
L’écrit est une composante essentielle de la science. Le scientifique produit sans
cesse des textes, note ses observations et le résultat de ses recherches. A l’école, la prise
de notes, la production de conclusions écrites semble aller de soi. Mais l’enseignant ne
doit pas lui donner pour unique rôle de constituer le résumé de ce qu’il faut retenir.
Ecrire en sciences doit aller plus loin.
L’apprentissage de l’écriture de textes ne peut se restreindre uniquement au
Français. Chaque discipline peut constituer un point d’appui à la maîtrise de la langue,
domaine transversal visant, entre autre, la capacité à rédiger différents types d’écrits
utilisés dans notre société. Se pose alors le problème du lien entre sciences
expérimentales et maîtrise de la langue.
Plusieurs questions se présentent donc à l’enseignant : Quels écrits produire ? A
quels moments ? Pourquoi ? Comment articuler production écrite en sciences et maîtrise
de la langue ?
Afin de donner quelques éléments de réponse, il convient de prendre
connaissance des textes officiels à ces sujets, de la nature et de la place de l’écrit en
sciences, du lien entre écriture et apprentissage, ainsi que du lien possible entre maîtrise
de la langue et activité scientifique. Puis, après une brève présentation, une séquence de
sciences expérimentée lors d’un stage en responsabilité sera analysée au vue de la
théorie dégagée. Une conclusion sur ma vision de l'enseignement en école primaire
viendra clôturer ce mémoire.
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Apports théoriques
1. Ce que disent les textes officiels
D’après les nouveaux programmes du cycle 3, « tout au long du cycle, les élèves
tiennent un carnet d’expériences et d’observation. L’élaboration d’écrits permet de
soutenir la réflexion et d’introduire rigueur et précision. L’élève écrit pour lui-même ses
observations ou ses expériences. Il écrit aussi pour mettre en forme les résultats acquis
(texte de statut scientifique) et les communiquer (texte de statut documentaire). Après
avoir été confrontés à la critique de la classe et à celle, décisive, du maître, ces écrits
validés prennent le statut de savoirs ».
Ces nouveaux programmes précisent également que « la maîtrise de la langue
constitue l’objectif majeur du programme de l’école élémentaire. Elle se construit dans
la transversalité de l’ensemble des apprentissages. L’enseignement de l’écriture est, au
cycle 3, rattaché aux grands domaines disciplinaires définis par le programme. On écrit
de la littérature, de l’histoire, des sciences, etc. ».
Plus loin, ils précisent qu’au cycle 3, « l’enseignant sélectionne une situation de
départ qui focalise la curiosité des élèves, déclenche leurs questions et leur permet
d’exprimer leurs idées préalables. Il incite à une formulation précise. Il amène à
sélectionner les questions qui se prêtent à une démarche constructive d’investigation
débouchant sur la construction des savoir-faire, des connaissances et des repères prévus
par les programmes. Les compétences et les connaissances sont construites dans le cadre
d’une méthode qui permet d’articuler questionnement sur le monde et démarche
d’investigation ».
Ainsi, les textes officiels préconisent le recours à l’écrit en sciences notamment
afin de développer la maîtrise de la langue. L’apprentissage de l’écriture ne peut donc
être limité aux seules séquences de « français ». Se posent alors à l’enseignant plusieurs
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problèmes : Quels écrits produire ? A quels moments ? Pourquoi ? Quel est le lien entre
écriture et apprentissages scientifiques ? Comment articuler maîtrise de la langue et
activités scientifiques ?
2. Nature et place de l’écrit dans l’enseignement des sciences
a) Les sciences à l’école
La démarche que préconisent donc les textes officiels est la démarche
scientifique. Celle-ci consiste à mettre en place dans une classe un scénario qui met
l’élève en situation de se poser un problème, puis en situation de chercher des éléments
de réponse et enfin en situation de répondre à ce problème. Cette démarche est issue
d'un questionnement provenant de la confrontation des conceptions des élèves quant à
une observation faite, le plus souvent, dans leur environnement quotidien. Cette
confrontation débouche sur la formulation d'un problème scientifique. Des éléments de
réponse sont alors recherchés. Les moyens d’investigation à disposition sont
l’observation, l’expérimentation, la modélisation, la recherche documentaire et
l’enquête (ou la visite). Cette investigation menée n'est pas conduite uniquement pour
elle-même, elle débouche sur l'acquisition, par les élèves, de savoir-faire et de
connaissances nouvelles ou plus « correctes » du point de vue scientifique.
b) Quels types d’écrits ? Quand les utiliser ?
Jean-Pierre Astolfi, dans Comment les enfants apprennent les sciences, précise
qu’il ne peut y avoir de sciences sans activité d’écriture. En effet, il nous dit que « ce qui
caractérise l’activité scientifique, c’est le recueil de données primaires sous formes
d’inscriptions prenant souvent la forme de graphiques, de tableaux ou de
textes ». « L’écrit est le support sans lequel la science ne serait pas », poursuit-il.
Il montre que l’écriture peut être envisagée comme une sorte de mémoire de
papier, et cela de deux façons complémentaires :
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- En mémoire à long terme, elle rend possible un retour sur des traces
antérieures des activités, sur des résultats obtenus, sur les transcriptions
d’observations préalables. L’intérêt est qu’elle permet alors à la classe
des retours en arrière pour rechercher des données déjà disponibles mais
oubliées. Ceci permettant en outre de faire prendre conscience à l’élève
que chaque thème d’étude n’est pas indépendant des autres.
- En mémoire de travail, elle constitue un support pour décharger la
gestion mentale simultanée des informations et ainsi éviter toute
surcharge cognitive. Le brouillon trouve ici toute sa place, permettant de
consigner toutes les informations à retenir et ainsi de se concentrer sur la
démarche entreprise.
Ainsi, pour garder une trace de ce qui a été fait et permettre d’y revenir, il
convient de consigner par écrit les activités réalisées et les résultats obtenus lors
d’expérimentations. Ceci permettant, lors de phases d’interprétation, d’avoir sous les
yeux les différents résultats nécessaires à toute réflexion. L’écrit a donc ici pour rôle
l’aide à la mémorisation, l’aide à l’interprétation et sert de support à la réflexion, donc à
l’organisation des connaissances. Ecrire contribue à organiser la pensée, à la clarifier,
donc à préciser finement une idée, une explication.
Dans le même ouvrage, Jean-Pierre Astolfi indique qu’il faut « distinguer les
écrits pour soi de ceux destinés à l’échange et à la communication ».
Les écrits pour soi peuvent prendre diverses formes sur le cahier d’expériences
des élèves : schémas d’une expérience réalisée, observations effectuées lors d’une
expérimentation, questions que se pose l’élève, réponses qu’il pense connaître. Ces
écrits peuvent donc être divers et variés, prendre la forme de schémas, de dessins, de
tableaux, etc. On retrouve ici l’écriture comme mémoire de travail permettant de
décharger sa mémoire et de structurer les observations nécessaires à la réflexion. Elle
sert de support à la réalisation d’un écrit définitif.
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Les écrits destinés à l’échange et à la communication peuvent prendre la
forme d’une trace écrite définitive sur le cahier de sciences, d’une affiche placée dans la
classe, d’un texte descriptif ou explicatif en vue d’un exposé, etc. Sur feuille ou sur un
cahier de sciences, c’est un outil d’échange et de communication avec les parents. Sous
forme d’un texte préparatif à un exposé, c’est un outil d’échange et de communication
avec ses camarades, avec une autre classe de l’école ou encore avec des correspondants.
Il appartient donc à l’enseignant de faire distinguer aux élèves que l’écrit pour
soi n’obéit à aucune contrainte, contrairement à l’écrit destiné à l’échange et à la
communication qui, lui, est soumis aux contraintes communicationnelles. La contrainte
principale étant ici la clarté maximale du message. On retrouve ainsi des objectifs
d’apprentissage appartenant à des domaines tels que l’observation réfléchie de la langue
ou la maîtrise de la langue et du langage.
Le groupe EVA, dans De l’évaluation à la réécriture, indique « qu’un enseignant
faisant toute la part qui lui revient à l’appropriation par les élèves d’une somme de
connaissances mais aussi d’un mode de questionnement scientifique a recours à des
productions écrites individuelles ou par petits groupes, aux divers moments de la
démarche, adoptant des formes et des fonctions variées ».
Ainsi, on peut utiliser l’écrit à différents moments :
En début de séquence, les productions écrites peuvent prendre la forme d’un
relevé de conceptions, de formulations d’hypothèses, de plans d’expériences, d’un
questionnaire préalable à une visite, etc. Les écrits produits sont souvent courts et
accompagnés de schémas. Ils peuvent aider à cerner les représentations des élèves et
conduisent ceux-ci à s’interroger sur les phénomènes qui vont être étudiés.
En cours de séquence, l’écrit sert avant tout comme mémoire de travail et sert à
commencer à traiter les données recueillies. Les écrits prennent alors les formes
suivantes : relevé de mesures, prise de notes pendant une visite, tableau, graphique,
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textes descriptifs ou argumentatifs. Ecrire permet alors de comprendre les phénomènes
et aide à structurer progressivement les connaissances. Sous la forme d’un texte
argumentatif ou descriptif, écrire peut servir d’évaluation diagnostique.
En fin de séquence, les écrits synthétisent les résultats. Ils prennent la forme de
tableaux, de compte-rendus ou de définitions de concepts essentiels. Les écrits
permettent d’aller au-delà des constats à la recherche d’explications. La rédaction
d’écrits explicatifs intervient à ce moment là. Ces écrits peuvent avoir la fonction
d’évaluation sommative mais aussi diagnostique.
Le recours à l’écrit peut donc avoir lieu à tous les moments de la séquence
d’apprentissage et prendre une multitude de formes. C’est la fonction de l’écrit qui
guidera l’enseignant dans ses choix.
3. Le lien entre activité d’écriture et apprentissages scientifiques
a) Qu’est-ce qu’apprendre ?
Dans L’enseignement scientifique : Comment faire pour que ça marche ? , A.
Giordan et G. De Vecchi indiquent que tout apprentissage nécessite une remise en
question de son savoir et que « le savoir se construit à partir d’un remaniement profond
des représentations, des conceptions ».
Une conception, rappelons le, peut être définie comme un modèle explicatif
organisé, simple, logique, utilisé le plus souvent par analogie. Les élèves en possèdent
un certain nombre, et c’est avec eux qu’ils tentent d’interpréter le monde qui les
entoure.
Il semble bon de préciser qu’il existe un ensemble d’obstacles à l’évolution des
représentations chez les apprenants. En voici un bref inventaire :
- L’apprenant manque d’informations.
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- L’apprenant n’a pas envie de changer de conception :
Les questions qu’il se pose ne sont pas celles soulevées par
l’enseignant,
Le problème abordé ne le motive pas,
L’élève ne se pose pas de questions car il croit déjà savoir : il
pense avoir une explication et possède des « mots » qui lui
donnent l’impression de connaître,
Il est porteur d’un savoir dont il a pu éprouver l’efficacité dans
quelques situations ; il s’en contente, ce qui ne lui permet pas de
les dépasser.
- L’apprenant n’arrive pas à construire une nouvelle connaissance car il a
déjà des idées préconçues qui l’empêchent de percevoir la réalité du
phénomène ou d’intégrer une nouvelle information qui vient en
contradiction avec la représentation initiale.
- L’apprenant est incapable de construire un savoir car il ne possède pas
les outils nécessaires à cette intégration (opérations mentales,
méthodologie à utiliser, connaissances périphériques qu’il faut posséder
pour comprendre ce qui est apporté).
Ainsi apprendre correspond à la construction d’un nouveau savoir qui ne peut se
faire qu’à travers la mise en relation de connaissances ponctuelles permettant aux
concepts de s’élaborer au fur et à mesure. Il faut donc que l’enseignant mette en place
une démarche motivant l’élève, l’amenant à faire évoluer ses conceptions et pour cela
qu’il ménage des temps permettant à la nouvelle représentation de se construire par la
mise en réseau de faits expérimentaux ponctuels.
b) Faire écrire les conceptions : une démarche essentielle
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Comme nous venons de le voir, tout nouveau savoir est le fruit d’un
remaniement des représentations. Il appartient donc à l’enseignant de se baser sur celles-
ci pour que les élèves puissent construire un réel apprentissage scientifique.
Dans L’enseignement scientifique : Comment faire pour que ça marche ? , A.
Giordan et G. De Vecchi précisent que « les conceptions sont un outil de diagnostic
pour l’enseignant. Elles constituent un instrument de choix dans l’évaluation, en
permettant de repérer d’une manière assez fine le niveau de conceptualisation des
élèves ». Ils déclarent également que « les conceptions sont riches si l’on tient
réellement compte de leur diversité et des contradictions qu’elles soulèvent. Il est
indispensable que chaque enfant prenne conscience de ses propres représentations et du
fait que celles-ci ne sont pas systématiquement les mêmes que celles de ses
camarades ».
Il apparaît donc que la démarche de faire écrire leurs conceptions aux élèves ait
un réel avantage pour ceux-ci et l’enseignant. En effet, l’analyse des conceptions permet
à l’enseignant de connaître le niveau de conceptualisation de ses élèves et donc de
définir des objectifs pertinents pour la séquence d’apprentissage qu’il va construire.
Cette écriture des conceptions est également profitable aux élèves. En effet, cette mise à
jour des représentations permet à chaque élève de prendre conscience qu’il possède sa
propre explication, mais aussi que celle-ci n’est pas forcement la même que celles de ses
camarades.
Cette disparité des explications permettra, selon A.Giordan et G. De Vecchi,
« d’induire naturellement les confrontations et donc de créer une dynamique
correspondant à une assise particulièrement favorable à l’élaboration d’un savoir ». Ils
précisent d’ailleurs que les conceptions « sont le support de leurs activités ». En effet,
cette disparité leur posera problème et constituera un moteur à l’action pédagogique et
une réelle motivation à leur niveau. Cet aspect est d’ailleurs très important car une
réponse n’éclaire pas celui qui ne se questionne pas (comme nous l’avons vu dans la
liste des obstacles à l’évolution des représentations). L’enseignement scientifique
consiste à proposer aux élèves de résoudre des problèmes qu’ils se posent. Devant la
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multitude des avis et des arguments présentés par les autres, l’élève est amené à sentir la
nécessité de changer de conception. Il peut reconnaître et éprouver le besoin d’entamer
une démarche de recherche scientifique.
L’écriture des conceptions sert donc alors d’indicateur pour l’enseignant et pour
les élèves. Elle sert également de « tremplin » à l’activité des élèves et permet la réelle
dévolution du problème à la classe.
Ces relevés de conceptions n’interviennent pas seulement en début de séquence
mais également à la fin de celle-ci. Dans Aider les élèves à apprendre, G. De Vecchi
nous dit que « la mise à jour des représentations constitue une prise de conscience
indispensable aux élèves. Elles forment une somme d’indicateurs leurs permettant de
comparer leurs connaissances avant et après apprentissage ». Il apparaît donc qu’il est
nécessaire de permettre aux élèves de comparer leurs conceptions au début de la
séquence et à la fin de celle-ci. Ils peuvent ainsi constater l’évolution, ceci apportant à
leurs yeux du crédit à la démarche scientifique entreprise. Cette prise de conscience
dans l’évolution des conceptions, en outre, participe à la construction d’un réel savoir
(savoir qui, comme nous l’avons vu, se construit par un remaniement des
représentations).
Cette prise des conceptions finales est également profitable à l’enseignant.
A.Giordan et G. De Vecchi, dans L’enseignement scientifique : Comment faire pour que
ça marche ? , expliquent qu’un « niveau de formulation est un énoncé correspondant à un
seuil que l’on a atteint ; c’est un certain niveau d’abstraction qui se manifeste par un
énoncé global que l’on demande à l’élève de produire ». Tout ce qui devient un savoir
utilisable pour l’apprenant correspond à ce qu’il peut réellement exprimer. Les
représentations sont donc toujours un outil de diagnostic, permettant ici de repérer une
progression dans la conceptualisation des élèves. L’enseignant peut ainsi évaluer
l’efficacité de sa pratique de classe et, éventuellement, prévoir des remédiations.
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L’écriture des conceptions « finales » sert donc encore ici d’indicateur pour
l’élève et l’enseignant. L’élève prend conscience de la modification de ses
représentations et du chemin qu’il a parcouru. L’enseignant peut, quant à lui, connaître
le nouveau niveau de conceptualisation de ses élèves et ainsi mesurer l’efficacité de sa
propre pratique.
4. La trace écrite en sciences et la maîtrise de la langue
a) La maîtrise de la langue dans les Instructions Officielles
Nous avons vu précédemment dans les programmes de 2002 que la maîtrise de la
langue se construit dans la transversalité de l’ensemble des apprentissages et que
l’enseignement de l’écriture est, au cycle 3, rattaché aux grands domaines disciplinaires.
Une analyse plus fine des programmes en maîtrise de la langue nous apporte plus
de précisions : « Les compétences en maîtrise de la langue concernent toutes les
activités intellectuelles mises en jeu par l’élève et toutes les formes de la communication
qui s’établissent dans la classe. Elles sont travaillées dans des « ateliers » organisés au
sein de chacun des domaines disciplinaires : pour introduire une technique de travail
plus exigeante, pour consolider une technique qui paraît chancelante, pour conduire les
élèves qui n’y sont pas encore parvenus à s’approprier plus fermement un savoir-
faire ». L’élève doit « avoir acquis une première compétence de rédaction d’un texte
explicatif ou descriptif à partir d’une liste d’informations ». Il doit être capable de
« rédiger, avec l’aide du maître, un compte rendu d’expérience ou d’observation (texte à
statut scientifique) ou un texte pour communiquer des connaissances (texte à statut
documentaire) ».
Il apparaît donc, au vu des Instructions Officielles, que l’acquisition des
compétences en maîtrise de la langue ne puisse se faire à l’occasion d’un travail
occasionnel mais d’un apprentissage organisé et structuré . Il faut donc programmer des
séquences de travail dans plusieurs domaines disciplinaires. Cette programmation ne
pourra se faire qu’après avoir recensé les différents types d’écrits que l’élève devra
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rencontrer au cours du cycle. Une séquence spécifique en maîtrise de la langue pourra
ainsi être construite pour chaque type de texte. Il ne restera plus qu’à trouver le champ
disciplinaire auquel rattacher la séquence. Le champ disciplinaire à choisir étant celui où
le type de texte concerné se rencontre le plus fréquemment et le plus naturellement.
Se pose maintenant le problème de la « compatibilité » entre activité scientifique
et maîtrise de la langue.
b) Ecrire en sciences : un point d’appui pour la maîtrise de la langue
Dans Comment les enfants apprennent les sciences, J.P.Astolfi déclare que « la
science est une occasion d’exercer les compétences d’écriture. Les sciences fournissent
d’abord des occasions rédactionnelles naturelles ». Ce même auteur, accompagné de
R.Demounem, ajoute dans Didactique des Sciences de la Vie et de la Terre que « cette
discipline offre des occasions multiples d’écriture fonctionnelle, qui sont des points
d’appui possibles pour la maîtrise de la langue, trop souvent travaillée à partir d’une
dominante narrative et fictionnelle ».
L’activité de recherche scientifique offre donc à l’enseignant de multiples bases
pour travailler certaines compétences d’écriture inscrites dans le programme de maîtrise
de la langue. De surcroît, lors d’une activité d’écriture, se trouve diminuée « l’angoisse
de la page blanche » dans la mesure où l’écrit peut s’appuyer solidement sur des actions
conduites et réellement vécues ou encore sur des données observées concrètement et
« manipulées » à mettre en phrases.
Ne reste maintenant plus qu’à comprendre comment concilier démarche
scientifique et maîtrise de la langue.
c) Comment articuler sciences et maîtrise de la langue ?
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Le programme de maîtrise de la langue demande, qu’à l’issue de sa scolarité en
cycle 3, l’élève ait acquis, entre autre, une première compétence de rédaction d’un texte
explicatif ou descriptif.
Le texte explicatif se rencontre très fréquemment en sciences. Il vient en général
ponctuer une séquence d’apprentissage. C’est un discours qui vise à faire comprendre à
un interlocuteur un phénomène scientifique. Du point de vue communicationnel, il peut
être défini comme une relation de communication entre deux agents à propos d’un objet.
Le locuteur A fait comprendre à B ce qu’est un certain objet en le décrivant, en
l’analysant, en en explicitant les éléments ou aspects.
Nous allons donc nous intéresser plus particulièrement à ce type de texte et voir
comment on peut combiner concrètement apprentissages en maîtrise de la langue et
séquence de sciences.
Il appartient tout d’abord de prévoir de faire communiquer aux élèves, en fin de
séquence, ce qu’ils ont fait, observé et compris. Ce projet sera présenté à la classe, ce
qui permettra de légitimer, aux yeux des élèves, le travail qui sera effectué en maîtrise
de la langue, en parallèle avec la séquence de sciences.
La séquence de maîtrise de la langue commencera par la présentation aux élèves
de quelques textes explicatifs. Cet échantillon est, selon le Groupe EVA dans De
l’évaluation à la réécriture, alors « soumis à l’analyse des élèves ». C’est l’occasion
d’examiner en détail ce qu’est un texte explicatif. Cette analyse, effectuée en petits
groupes, portera à la fois sur la forme et sur le fond. On pourra ainsi dégager l’usage de
la troisième personne du singulier, l’expression de la cause et de la conséquence,
l’utilisation d’un vocabulaire spécifique, l’utilisation d’adverbes de temps et de
conjonctions de subordination, etc.
Toujours selon le Groupe EVA, il faut alors « aider l’élève à procéder à une
généralisation et à structurer leurs remarques dispersées, l’enseignant leur demande de
reformuler les règles d’écriture d’un écrit explicatif ». L’enseignant doit donc remettre
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en forme ces critères et les organise sous la forme d’un outil qui pourra guider par la
suite la relecture critique des écrits produits par les élèves. Il doit privilégier des critères
formels de mise en pages et d’explicitation des schémas, ainsi que des critères de
précision, d’exactitude et de concision, caractéristiques des écrits scientifiques. Les
élèves pourront ainsi évaluer leurs productions sous l’angle de ces divers critères.
Les élèves connaissant ainsi les règles d’écriture d’un texte explicatif,
l’enseignant pourra leur demander d’en produire un ayant pour sujet, par exemple, une
expérimentation menée lors de la séquence de sciences se déroulant en parallèle. Cette
écriture, en outre, donnera à l’enseignant des indicateurs sur ce qui a été ou non compris
et intégré dans les expériences mises en œuvre.
Une fois les écrits produits, comme le préconise le groupe EVA, «chaque élève
reçoit le texte d’un pair en ayant pour tâche de faire des remarques s’il le juge
nécessaire ». Le texte peut alors être rendu à son auteur assorti de sa fiche « critique ».
L’auteur doit alors réécrire son texte pour satisfaire aux critères sur lesquels il n’avait
pas antérieurement réussi. Les élèves réalisent ainsi rapidement le travail demandé. La
lecture des écrits produits en classe devient ainsi une activité à part entière qui implique
l’auteur, les autres élèves et le maître.
Un tel travail se situe résolument au cœur de la séquence et non en fin de
parcours. Il vise, en effet, à ajuster l’action d’enseignement après avoir constaté dans
quelle mesure les élèves ont intégré, en sciences, les connaissances scientifiques et en
maîtrise de la langue, les caractéristiques des écrits scientifiques. C’est dans une telle
démarche que s’opère la réelle construction des savoirs.
5. Conclusion
Le recours à l’écrit en sciences peut donc avoir lieu à tous les moments de la
séquence d’apprentissage et prendre de multiples formes. Il sert d’indicateur pour
l’élève et l’enseignant, il permet de motiver la démarche de recherche scientifique. De
plus, il offre de véritables occasions de travailler des compétences de maîtrise de la
langue. Le tableau suivant fait la synthèse de tous ces points :
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Moment de laproduction
Fonction(s) de l'écrit produit Forme de l'écrit produit
Début deséquence
• Relever les conceptions des élèves,d'où :→ pour l'enseignant : connaître leniveau de conceptualisation des élèveset définir des objectifs d'enseignement,→ pour l'élève : prendre conscience dela disparité des conceptions, motiver ladémarche scientifique, permettre ladévolution du problème à la classe.
→ Evaluation diagnostique
En sciences :Formulation d'hypothèsesacceptées commeaffirmations.Schéma accompagné d'untexte explicatif ouargumentatif.
Cours deséquence
• Décharger la mémoire.• Structurer progressivement lesconnaissances.• Avancer dans la réflexion.• Communiquer ce que l'on a fait, ce quel'on a observé, d'où :→ pour l'enseignant : ajuster l'actiond'enseignement par rapport auxconnaissances scientifiques et auxconnaissances des caractéristiques desécrits scientifiques des élèves,→ pour l'élève : constitue un pointd'appui à la maîtrise de la langue,quipermet de travailler sur lescaractéristiques des différents typesd'écrits.
→ Evaluation formative
En sciences :Relevé d'observations, prisede notes, courtes synthèses,schémas, etc.Texte descriptif, texteargumentatif.
En maîtrise de la langue :Texte explicatif.
Fin deséquence
• Relever les conceptions des élèves,d'où :→ pour l'enseignant : connaître leniveau de conceptualisation des élèveset évaluer sa propre pratique,→ pour l'élève : comparer sesconceptions avant et après la séquencede sciences (apporte du crédit à ladémarche scientifique et participe à laconstruction du savoir).• Communiquer ce que l'on a fait, ce quel'on a compris.
→ Evaluation sommative
En sciences :Formulation d'affirmations.Schéma et/ou texteargumentatif ou explicatif.
En maîtrise de la langue :Texte explicatif, texteargumentatif.
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Description et analyse d’une séquence de Sciences(les êtres vivants)
Comme nous l’avons vu précédemment, écriture et apprentissages en sciences
sont intimement liés. L’écrit a pour rôle, en sciences, de faciliter l’appropriation de la
notion visée. Il permet également à l’élève de faire le point sur l’évolution de ses
conceptions et de valider à ses yeux la démarche entreprise. En maîtrise de la langue, il
permet de travailler sur les caractéristiques de différents types d’écrits rencontrés en
sciences.
1. Présentation du contexte de la pratique de classe
Cette séquence de sciences expérimentales s’est déroulée sur une période de
trois semaines. Elle visait à mettre en évidence le fonctionnement des articulations et
des muscles chez l’homme et l’animal.
Selon les textes officiels, en fin de cycle 3, l’élève doit avoir compris et retenu
les principes élémentaires de la fonction de mouvement à partir de ses manifestations
chez l’homme. De même, on apprend que l’éducation à la santé est liée à la découverte
du fonctionnement du corps en privilégiant les conditions de maintien du corps en
bonne santé : les mouvements corporels (fonctionnement des articulations et des
muscles).
La classe qui a servi à mon expérimentation est une classe de 26 élèves de CM2
de l’école Lucette Sallé située à Nevers. Beaucoup d’élèves avaient (ou pensaient) avoir
des connaissances sur l’origine du mouvement et l’organisation des organes nécessaires
au mouvement.
2. Présentation de la séquence
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Le tableau ci-dessous résume, pour chaque séance, l’objectif, la nature de l’écrit
et sa fonction escomptée. Les étapes de la démarche scientifique sont codées grâce à des
couleurs : formulation d'un problème par confrontation des représentations, recherche
d'éléments de réponse et conclusion, formulation de la réponse au problème posé.
Objectifs Nature de l’écrit Fonction de l’écrit
Séance 1
Travail sur les
conceptions à propos de
l’origine du mouvement
et de l’organisation des
organes nécessaires au
mouvement.
Silhouette d’un lapin
à compléter. Court
texte à élaborer pour
expliquer l’origine du
mouvement.
Evaluation
diagnostique pour
l’enseignant.
Relevés de
conceptions agrandis
et affichés au tableau.
Provoquer un conflit
conceptuel.
Sert d'indicateur pour
l'élève.
Permet la dévolution
du problème à la
classe.
Séance 2
Découvrir l’organisation
osseuse de la patte de
lapin.
Compte-rendu
d’observation
intégrant dessin et/ou
texte.
Communiquer ce que
l’on a observé.
Décharger la mémoire
et structurer l’oralConclusion
récapitulant question
posée, expériences
réalisées et
conclusion élaborée.
Mémoire de papier.
Structurer les
connaissances.
Mettre en avant la
démarche scientifique.
Séance 3
Découvrir l'organisation
osseuse du corps humain
(faire le parallèle avec
celle du lapin).
Affiches réalisées lors
de la séance 2 (à
confronter avec des
radiographies du
corps humain).
Mémoire de la séance
2.
Permet d'avancer dans
la réflexion; construc-
-tion progressive du
savoir.
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Séance 3
(suite)
Conclusion
récapitulant question
posée, expériences
réalisées et
conclusion élaborée.
Mémoire de papier.
Structurer les
connaissances.
Mettre en avant la
démarche scientifique.
Séance 4
Découvrir le rôle des
muscles dans les
mouvements corporels.
Compte-rendu
intégrant observation
et émission
d’hypothèses sur
l’origine du
mouvement.
Communiquer ses
observations et ses
explications sur le
problème posé.
Séance 5
Faire une modélisation
d’un membre n’intégrant
qu’un seul muscle.
Conclusion provisoire
au tableau pour le
groupe.
Mémoire pour la
séance suivante.
Séance 6
Faire une modélisation
d’un membre intégrant
deux muscles
antagonistes.
Compte-rendu
décrivant comment
chaque groupe a fait
sa modélisation.
Communiquer ce que
l’on a fait.
Conclusion
récapitulant question
posée, expériences
réalisées et
conclusion élaborée.
Mémoire de papier.
Structurer les
connaissances.
Mettre en avant la
démarche scientifique.
Séance 7
Faire une évaluation
sommative.
Faire un travail sur les
conceptions à propos de
l'origine du mouvement
et de l'organisation des
organes nécessaires au
mouvement.
Silhouette d’un lapin
à compléter. Court
texte à élaborer pour
expliquer l’origine du
mouvement.
Evaluation sommative
pour l’enseignant.
Comparer conceptions
initiale et finale.
Apporter du crédit à la
démarche scientifique.
20
Quelques relevés de conceptions initiaux et finaux sont en annexe 1. Les leçons
à destination du cahier de sciences, élaborées avec les élèves, sont en annexe 2. Deux
documents complémentaires à la trace écrite, fournis aux élèves et complétés par ceux-
ci, sont en annexe 3. Deux des divers affichages réalisés au cours de mon
expérimentation sont en annexe 4.
3. Analyse de la séquence
Au cours de mon expérimentation, j'ai essayé de mettre en oeuvre la démarche
scientifique préconisée par les Instructions Officielles. En effet, j'ai tout d'abord amené
les élèves à confronter leurs conceptions afin de les faire se questionner et de faire
émerger des problèmes à résoudre. Puis, j'ai mis en place une démarche de recherche et
de résolution de problème afin de pouvoir répondre aux questions soulevées par la
confrontation des représentations. Une conclusion pour chacun des problèmes, puis un
retour sur les conceptions initiales ont également été mis en place.
L' objectif de savoir que je m'étais fixé était la connaissance des principes
élémentaires de la fonction de mouvement à partir de ses manifestations chez l'homme.
Un autre objectif, de savoir-faire celui-ci, consistait en la capacité à réaliser un écrit
pour communiquer ses observations et ses explications quant à un problème posé.
Mais à l’issue de cette expérimentation et au vu de la théorie précédemment
dégagée, je me suis rendu compte des nombreuses erreurs que j’avais commises. J’en
dresserai donc la liste et donnerai des propositions pratiques pour y remédier.
a) Le travail sur les conceptions
Tout d’abord, je vais aborder le travail initial sur les conceptions et son
exploitation. Ce relevé des conceptions des élèves était, avant cette réflexion que m’a
permis de conduire ce mémoire, une démarche que j’avais déjà acquis. Elle me semblait
« normale », presque naturelle, et je l’avoue, je ne m’étais pas vraiment interrogé sur sa
complète fonction. Je n’en avais pas jusqu’ici mesuré sa réelle importance. En effet, elle
21
constituait pour moi une simple évaluation de « début de parcours », permettant à
l’enseignant de connaître les connaissances des élèves et par conséquent les points qu’il
serait amené à travailler. Mais au vue de la théorie précédemment dégagée, une vision
plus complète du travail sur les conceptions s’offre à moi. Je sais maintenant que la
prise initiale de conceptions va bien au-delà du simple rôle d’indicateur pour
l’enseignant. En effet, comme le disent A. Giordan et G. De Vecchi, il est indispensable
que chaque élève prenne conscience de ses propres représentations et du fait que celles-
ci ne sont pas systématiquement les mêmes que celles de ses camarades. Cette disparité
des conceptions permet d’induire naturellement les confrontations et donc de créer une
dynamique favorable à l’élaboration d’un savoir. La prise initiale de conceptions sert
donc aussi d’indicateur pour l’élève et de tremplin pour l’ensemble de la classe,
permettant ainsi d’engager réellement les élèves dans une démarche de recherche de
réponses (aspect d’ailleurs très important car, comme nous l’avons vu précédemment,
une réponse n’éclaire pas celui qui ne se questionne pas). L’analyse de ma pratique de
classe m’a également permis de constater que le conflit conceptuel que je devais alors
créer au sein de la classe n’avais pas été assez « poussé », qu’il n’avait pas été
suffisamment fort pour réellement remplir sa fonction. Ainsi, je me suis simplement
contenté d’analyser quelques réponses « fausses » d’élèves, en omettant de présenter
celles du reste de la classe, qu’elles soient « justes » ou « fausses » d’ailleurs. C'est donc
ce qui semble expliquer le fait que certains élèves n'aient pas manifesté de réelle
motivation quant à la recherche de réponses aux problèmes posés. Or, comme le
précisent toujours A. Giordan et G. De Vecchi, c‘est justement la grande disparité des
explications qui pose problème à l’élève et qui lui permet de s’engager dans une réelle
démarche de recherche . Il m’apparaît désormais nécessaire que l’intégralité des
représentations des élèves soit prise en considération. Il faut donc que l’enseignant fasse
le point, en compagnie des élèves, sur les différentes explications qu’il a collectées. Il
peut les écrire au tableau, regroupant celles similaires et séparant celles différentes. La
liste des élèves adhérant à chaque conception peut alors être établie à ce moment. Les
élèves peuvent ainsi se rendre compte de la grande variété des conceptions et peuvent
ainsi se situer par rapport à leurs camarades. Cette confrontation des différents points de
vue va permettre aux élèves de douter, de se poser réellement des questions, et donc de
créer la motivation nécessaire à tout engagement dans une démarche de recherche.
22
Je vais ensuite considérer la « phase terminale » de la séquence : la prise finale
de conceptions. Auparavant, elle n’avait pour moi pour unique fonction que le contrôle
des apprentissages des élèves. Elle servait, pourrait-on dire, à mesurer « l’écart au but
escompté ». Mais comme nous l’avons vu dans la partie théorique, elle ne peut se
réduire à cette unique fonction. En effet, d’après G. De Vecchi, elle permet une prise de
conscience indispensable aux élèves et forme une somme d’indicateurs leur permettant
de comparer leurs connaissances avant et après apprentissage. Elle leur permet donc de
faire le point sur leurs connaissances et apporte, à leurs yeux, du crédit à la démarche de
recherche entreprise. Ceci suppose donc qu’ils puissent effectivement exploiter celle-ci.
Malheureusement, je ne l’ai pas complètement fait au cours de mon expérimentation. En
effet, j’ai bien demandé à chaque élève, en fin de séquence, de comparer ses conceptions
initiale et finale ; mais je ne suis pas allé plus loin. Il m’apparaît désormais nécessaire
que cette démarche de comparaison des représentations ne soit pas simplement
cantonnée à chaque élève. Les conceptions finales, tout comme les conceptions initiales,
doivent faire l’objet d’une mise en commun avec tous les élèves de la classe. La
démarche à mettre en œuvre est semblable, du moins au début, à celle concernant la
prise initiale de conceptions . En effet, on peut commencer par faire un relevé, avec les
élèves, des conceptions collectées. On écrit encore une fois les représentations au
tableau et les noms des élèves adhérant à chacune. On compare ensuite les conceptions
initiales et finales. Les élèves peuvent ainsi constater qu’il y a eu évolution de leurs
représentations : elles sont, à priori, moins nombreuses et plus « exactes » d’un point de
vue scientifique. Chaque élève peut ainsi mesurer le chemin que ses camarades et lui ont
parcouru. Il voit l’évolution de ses représentations et invalide ou non, de lui même, ses
anciennes conceptions. Il va sans dire qu’une telle démarche prend beaucoup de temps.
D’une dizaine de minutes, comme je l’ai fait, on passe à une séance entière. Il en est de
même avec la prise initiale de conceptions.
Néammoins, tout n'est pas négatif. Comme nous l'avons vu précédemment,
d'après A. Giordan et G. De Vecchi, un niveau de formulation est un énoncé
correspondant aux savoirs réellement utilisables par l'apprenant, au niveau d'abstraction
atteint par l'élève. Les représentations sont donc un outil de diagnostic pour l'enseignant.
23
Elles permettent de repérer une progression dans la conceptualisation des élèves.
L'analyse et la comparaison des conceptions des élèves, avant et après avoir entrepris la
démarche de recherche scientifique, permet de constater l'acquisition de nouveaux
savoirs. Cette analyse des conceptions initiales et finales (quelques exemples sont en
annexe 1) m'a permis de révéler la très nette évolution des conceptions des élèves.
Ainsi, à la fin de mon expérimentation, 11 élèves insérent un même muscle sur deux
segments osseux différents, contre un seul en début de séquence. De même, 13 élèves
expliquent clairement l'origine du mouvement par la contraction d'un muscle, contre
seulement 2 en début de séquence. Une analyse portant sur la variété des conceptions
m'a également permis de constater la diminution du nombre de celles-ci (les exemples
présentés en annexe 1 en sont un bon temoin), ainsi qu'une formulation généralement
plus rigoureuse d'un point de vue scientifique.
b) Ecrire la leçon avec les élèves
Lors de mon expérimentation, j’ai également commis une erreur lors des phases
de « synthèse ». J’ai demandé aux élèves, à l’issue de chaque expérience, de remplir une
fiche récapitulant le problème posé, l’expérience entreprise et la conclusion que l’on
pouvait en tirer (cf. annexe 2). Si les deux premières « rubriques » me semblent avoir été
remplies correctement, je me rends compte que la conclusion à élaborer avec les élèves
n’a pas été réalisée de la bonne manière. En effet, au lieu que celle-ci soit construite par
les élèves, et donc pleinement choisie par ceux-ci, je leur ai tout simplement imposé une
conclusion correspondant au niveau de formulation que j’attendais de leur part. Cette
démarche a constitué en réalité une importante erreur. En effet, comme le déclarent A.
Giordan et G. De Vecchi, le niveau de formulation d’un élève traduit son niveau de
conceptualisation. Ainsi, les mots qu’il utilise ont un réel sens pour lui, il les maîtrise. Il
est capable de les comprendre et de les réinvestir plus tard. Or, imposer un niveau de
formulation ne donne pas à la conclusion un contenu réellement accessible à l’élève.
Cette manière de faire produit certes une « belle trace écrite », mais elle ne fournit pas à
tous les élèves des faits qu’ils peuvent pleinement maîtriser. Il apparaît donc nécessaire
de construire avec les élèves la formulation qui va rester dans leur cahier de sciences.
De plus, cette construction commune de la conclusion permet à l’enseignant de repérer
24
ce que les élèves ont réellement compris dans l’expérience mise en œuvre. Il peut donc
revenir sur certains points éventuellement non acquis, ou au contraire, être « rassuré » et
continuer la démarche de recherche scientifique. A noter qu’un niveau de formulation
« incomplet » peut également être dû au fait que l’enseignant n’a pas apporté aux élèves
toutes les informations et situations nécessaires. Mais comment faire concrètement ? On
peut, par exemple, lister au tableau toutes les propositions de formulation faites par les
élèves. On regroupe celles étant similaires et on sépare celles étant différentes. On
discute ensuite de celles-ci : quels sont leurs avantages, leurs inconvénients ? Une fois
cette analyse effectuée, l’élève peut être libre de choisir celle qu’il comprend le mieux et
qui lui semble la plus correcte. L’écrit qu’il aura alors sur son cahier aura plus de sens et
sera ainsi pleinement à sa portée.
Pour compléter la leçon, j'ai également donné aux élèves deux documents : l'un
représentant le squelette humain, l'autre un schéma de l'ossature du bras à compléter (cf.
annexe 3). Ces écrits m'ont permis d'aller plus loin avec les élèves et de mieux illustrer
la leçon construite avec eux. On voit donc la complémentarité et la grande diversité des
écrits pouvant constituer le cahier d'expériences.
c) L’utilisation des écrits en classe
Une autre erreur commise lors de mon expérimentation a porté sur la non
utilisation de l’écrit comme outil pour soi. En effet, je réalise maintenant que j’ai
demandé aux élèves de produire directement des affichages à destination de leurs
camarades, sans passer par un quelconque brouillon. L’écrit qu’ils avaient à produire
devait être immédiatement correct. Mais une telle démarche ne permet pas de produire
des écrits de qualité. En effet, comme le précise J.P. Astolfi, l’écrit pour soi sert de
support à la réalisation d’un écrit définitif. Il a justement pour fonction d’aider un
individu à structurer et à organiser sa pensée. Les idées « mises au clair », celui-ci peut
ainsi se préoccuper de la question de la présentation et de la formulation de ses
observations ou conclusions. Il s’agit donc d’un objectif méthodologique fort qu’il
appartient de faire acquérir aux élèves. Or ici, les élèves n’ont pas eu cette étape de
traitement et d’organisation des données. L’écrit produit ne pouvait donc pas être correct
25
du point de vue du fond et de la forme. D’ailleurs, n’utilisons-nous pas, nous aussi, un
brouillon avant d’écrire une lettre ou un exposé ? Il apparaît donc combien il est
important de donner aux élèves l’occasion d’utiliser régulièrement l’écrit pour soi et de
faire comprendre son utilité. Il appartient donc à l’enseignant d’habituer ses élèves à
user de celui-ci. Il faut donner à ceux-ci l’idée que le brouillon est un écrit individuel
capital. L’enseignant doit donc encourager les élèves ne le faisant pas à recourir au
brouillon et valoriser ceux le faisant déjà. L’enseignant s’abstiendra alors de corriger les
fautes d’orthographe et de grammaire qu’il peut contenir. Un tel comportement risquant
en effet de freiner l’élève dans la production de ce type d’écrit. L’élève comprendra
ainsi que le brouillon est un outil essentiel permettant de garder en mémoire et de
structurer des données, qui n’obéit pas aux contraintes d’un texte à visée
communicationnelle. C’est par cette démarche que l’élève pourra réellement acquérir cet
objectif méthodologique fort.
d) Maîtrise de la langue et sciences : Quels liens dans ma séquence ?
Pour finir, je vais m’intéresser à la maîtrise de la langue en sciences. Comme J.P.
Astolfi et R. Demounem le déclarent, les sciences offrent des occasions multiples
d’écriture fonctionnelle, qui sont un point d’appui « naturel » pour cette matière. De
nombreux objectifs inscrits au programme de cette discipline peuvent en effet être
travaillés en parallèle avec une des séquences de sciences. C’est d’ailleurs, rappelons le,
ce que préconisent les Instructions Officielles (« les compétences en maîtrise de la
langue sont travaillées dans des ateliers organisés au sein de chacun des domaines
disciplinaires »). Mais, après coup, je me rends compte que je n’ai pas su exploiter cette
occasion. En effet, j’ai demandé aux élèves de produire des textes explicatifs et
descriptifs mais, je n’ai pas mené en parallèle une séquence de maîtrise de la langue
portant sur l’un de ces types de texte. Je dis un de ces types de texte car une deuxième
erreur de ma part a été de mélanger deux types d’écrits différents. Ils ne répondent pas,
en effet, aux mêmes critères de réalisation. Il aurait fallu, comme nous l’avons vu dans
la théorie, conduire une séquence de maîtrise de la langue permettant de travailler
réellement l’un des deux. C’est ce qui a fait défaut lors de mon expérimentation. Les
élèves n’ont donc pas pu évoluer par rapport à l’un de ces types de texte. Il faut donc
26
préparer en maîtrise de la langue une programmation sur l’année permettant d’aborder
tous les types de texte à travailler. Chaque type sera ensuite abordé suivant une
programmation spécifique, celle-ci étant alors englobée dans le champ disciplinaire le
plus approprié. Cette programmation devra être faite de manière à ce que les élèves
puissent travailler chaque type de texte au cours de leur scolarité. Puis, pour chaque type
de texte, l’enseignant mettra en place et présentera aux élèves un projet d’écriture en
lien avec la matière concernée (projet qui permettra de légitimer, aux yeux des élèves, le
travail effectué en maîtrise de la langue). S’en suivra la méthodologie préconisée par le
groupe EVA, à savoir dégager les invariants d’un type de texte et créer un outil
permettant une relecture critique ; puis production d’un premier écrit et « critique » de
celui-ci. Les élèves établiront ainsi une liste de problèmes à résoudre, points qui seront
travaillés lors d’exercices de remédiation. Enfin, fort de ces « nouveaux savoirs »,
chaque élève pourra revenir sur son écrit initial et l’améliorer afin qu’il réponde
pleinement aux critères qui le caractérise. Il en ressort donc que les séances de maîtrise
de la langue doivent être très ciblées par rapport aux problèmes dégagés. La
programmation en maîtrise de la langue se fera donc toujours en premier. L’enseignant
adaptera ensuite le champ disciplinaire choisi autour de cette séquence afin de pouvoir
travailler les objectifs de maîtrise de la langue prévus. C’est cette démarche, et non
l’inverse, qui permettra aux élèves de s’améliorer réellement en maîtrise du langage et
de la langue française.
Malgré ces erreurs, les élèves ont tout de même évolué en maîtrise du langage et
de la langue. Ainsi, si l'on considère les affichages destinés à communiquer ses
observations ou ses explications, on se rend compte de l'évolution de ceux-ci entre le
début et la fin de la séquence. L'amélioration porte essentiellement sur la forme des
écrits réalisés. L'écriture est plus lisible, car plus grosse. Un titre est présent sur tous les
derniers affichages réalisés, contrairement à ceux du début. Les schémas sont plus gros
et mieux légendés qu'auparavant. Les exemples présentés en annexe 4 le démontrent
parfaitement. Les élèves ont donc compris qu'un écrit destiné à l'échange et à la
communication obéissait à des règles visant à la clarté maximale du message.
27
Conclusion
L'interdisciplinarité préconisée par les textes officiels facilite les échanges entre
les savoirs et limite ainsi le découpage disciplinaire. Des notions complémentaires, des
savoir-faire sont mis en relation, l'élève découvre ainsi que ce qu'il apprend n'est ni
inutile, ni vain et que les débouchés dans la vie quotidienne sont nombreux.
L'écrit, en sciences, permet l'acquisition de la démarche scientifique, le travail
sur les conceptions et la structuration de la pensée et des connaissances. Mais le recours
à l'écrit en sciences n'est pas seulement bénéfique pour les apprentissages en Découverte
du Monde; il l'est aussi, par les points d'appui qu'il offre, pour les apprentissages en
Maîtrise de la Langue. Ainsi ces deux disciplines ne sont pas coupées l'une de l'autre.
Elles forment un tout, au service d'un projet réel et motivant mis en place par
l'enseignant.
Il apparaît donc la nécessaire polyvalence de l'enseignant, celle-ci lui permettant
en effet de tenir compte de ce qu'il fait dans les différentes disciplines dans le souci de
motiver les élèves et de donner du sens à leurs apprentissages.
28
BIBLIOGRAPHIE
Ministère de l’Education Nationale, Bulletin Officiel de l’Education Nationale,
Hors Série N°1 du 14 février 2002.
J.P. Astolfi, B. Peterfalvi et A. Vérin, Comment les enfants apprennent en
sciences, Retz pédagogie, 1998.
Groupe EVA, Evaluer les écrits à l’école primaire, Hachette Education, 1991.
Groupe EVA, De l’évaluation à la réécriture, Hachette Education, 1996.
R. Demounem, J.P. Astolfi, Didactique des Sciences de la Vie et de la Terre,
Nathan pédagogie, 1996.
A. Giordan , G. De Vecchi, L’enseignement scientifique : comment faire pour
que « ça marche » ? , Z'Editions, 1987.
G. De Vecchi, Aider les élèves à apprendre, Hachette Education, 1992.
R. Tavernier, L'enfant s'interroge sur son corps, guide du maître du CE au CM,
Bordas, 1981.
29
ANNEXE 1
30
31
32
33
ANNEXE 2
34
35
ANNEXE 3
36
Document complémentaire représentant le squelette humain à
destination du cahier de Sciences
37
38
ANNEXE 4
39
Comparaison de deux affichages réalisés en classe
(le premier en séance 2, le second en séance 6)
40
Quels liens entre apprentissages
et activité d'écriture ?
Quelles activités d'écriture permettent d'apprendre en sciences et en
maîtrise de la langue et du langage ? A quels moments et sous quelles
formes ? Comment les exploiter ? Telles sont les questions auxquelles
tente de répondre ce mémoire professionnel.
Mots clés : Activités d'écriture, apprentissages, sciences, conceptions.
41