Projet ADAPTATIO Livrable 2.2 Utilisation de l’analyse ...
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Convention de subvention 12-MCGOT-GICC-4-CVS-043
2012 – n° 2100 897 989
Projet ADAPTATIO
Livrable 2.2
Utilisation de l’analyse économique pour l’évaluation de
l’adaptation et de la non-adaptation au changement
climatique : une approche par les coûts appliquée au cas
d’un quartier urbain d’aménagement
2
Auteurs principaux1 :
Thomas GARABETIAN (CDC Climat recherche)
Alexia LESEUR
CDC Climat - 47, rue de la Victoire - 75009 Paris
tel : 33 (0)1 58 50 41 30
Mail : [email protected]
Relecture
Jean-Luc SALAGNAC (CSTB)
Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB)
PST Descartes - Bâtiment "Le Bienvenüe", 14 Boulevard Newton
77420 Champs-sur-Marne, France
Mail : [email protected]
Morgane COLOMBERT
Ecole des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP) - 80, rue Rébeval – 75019 Paris
01 56 02 11 61
Hypatia NASSOPOULOS
Ecole des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP) - 80, rue Rébeval – 75019 Paris
01 76 21 59 82
Publication : mars 2015
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Toute citation d’extraits ou reproduction doit obligatoirement faire apparaitre la référence de ce document sous la forme :
GARABETIAN, T. LESEUR, A. (2015) Projet ADAPTATIO : Utilisation de l’analyse économique pour l’évaluation de l’adaptation
et de la non-adaptation au changement climatique : une approche par les coûts appliquée au cas d’un quartier urbain
d’aménagement, mars 2015, X p.
1 Les auteurs remercient Olivier BRODIN, chargé de recherché à CDC Climat pour son travail préparatoire, ainsi
que Guillaume SIMONET, chargé du projet ABSTRACT-colurba à CDC Climat pour ses commentaires. Ils remercient également A Bernard, E Pfliegersdoerfer (Eau de paris), B Vinatier, M Dileseigres et M Baron (CPCU) et C Ladaurade (Climespace) pour leurs apports mais restent responsables de toutes erreurs et omissions.
3
Sommaire
1. Introduction .................................................................................................................................... 5
2. Définition de l’adaptation, de la non-adaptation et des coûts associés : synthèse de la
littérature ................................................................................................................................................ 5
2.1 Difficulté de la définition de la non-adaptation et de l’adaptation ........................................ 6
2.2 Typologie des coûts de la non-adaptation et de l’adaptation ................................................ 9
2.2.1 Difficulté de la définition des coûts directs, des coûts indirects de la non-adaptation et
de l’adaptation .................................................................................................................................. 11
2.2.2 La répartition des coûts entre acteurs et dans le temps ................................................. 14
3. Revue des méthodes d’analyse économique .............................................................................. 17
3.1 Outils « classiques » d’aide à la décision ............................................................................... 18
3.1.1 Analyse financière ............................................................................................................. 20
3.1.2 L’Analyse Coûts-Bénéfices (ACB) ....................................................................................... 21
3.1.3 L’analyse coût-efficacité (ACE) .......................................................................................... 22
3.1.4 L’analyse multicritères (AMC) ........................................................................................... 23
3.1.5 Tableau récapitulatif des méthodes d’analyse classiques et méthodes alternatives ....... 24
3.2 Spécificité pour la prise en compte du Changement Climatique (taux actualisation,
incertitudes, évaluation risques…) .................................................................................................... 27
4. Détermination d’une méthodologie d’évaluation de l’adaptation, et principe d’application
pour les scénarios adaptés et non-adapté pour la ZAC Tolbiac .......................................................... 31
4.1 Description de la méthodologie employée pour le calcul des coûts pour le projet
ADAPTATIO ........................................................................................................................................ 31
4.2 Méthodologie du calcul des coûts à partir des projections de prix de l’énergie et de l’eau
(rappel de la méthode et résultats) .................................................................................................. 36
4.3 Présentation des résultats dans la comparaison des scénarios ........................................... 40
5. Conclusion ..................................................................................................................................... 41
6. Annexes ......................................................................................................................................... 43
Liste des tableaux
Tableau 1– estimation des coûts de l’adaptation au changement climatique. Source : CDC Climat
d’après les études citées : ..................................................................................................................... 14
Tableau 2 : Tableau récapitulatif des différentes méthodes d’analyse économique. Source : CDC
Climat d’après PROVIA .......................................................................................................................... 25
Tableau 3 – Définition d’une situation adaptée ou non-adaptée. Source : CDC Climat. ...................... 33
Tableau 4 – Typologie de présentation des coûts étudiés pour le projet ADAPTATIO (source : CDC
Climat) ................................................................................................................................................... 36
4
Tableau 5 – Prix de l’eau non-potable en 2050 selon trois scénarios de croissance (bas, médian et
haut), en euros constants par mètre cube ............................................................................................ 37
Tableau 6 : Prix au consommateur particulier des différentes sources d’énergies évaluées pour le
projet ADAPTATIO d’ici à 2050. Source : CDC Climat. ........................................................................... 39
Tableau 7 : Prix du MWh d’électricité aux consommateurs du secteur tertiaire à l’horizon 2050 en
euros constants ..................................................................................................................................... 39
Liste des figures
Figure 1 : Description de la notion de besoins d’adaptation et du caractère dynamique de
l’adaptation au changement climatique (Source : CDC Climat) .............................................................. 7
Figure 1 : L’adaptation optimale (Source : CDC Climat) .......................................................................... 9
Figure 3 : coûts de l’adaptation et de la non-adaptation au changement climatique. Source : CDC
Climat (d’après la figure 17-2 du GIEC) ................................................................................................. 11
Figure 4 : Répartition temporelle des coûts sur la durée de vie d’actifs adaptés et non-adaptés en
situation de changement climatique. Source : CDC Climat ................................................................... 17
Figure 5 : Les principales étapes du processus d’analyse économique. Source : CDC Climat .............. 19
Figure 6 : Etapes de la démarche d’analyse financière qui pourraient être retenues dans le cadre d’un
projet d’adaptation au changement climatique. Source CDC Climat ................................................... 20
Figure 7 : Etapes de la démarche d’analyse coûts-avantages qui pourraient être retenues dans le
cadre d’un projet d’adaptation au changement climatique. Source CDC Climat ................................. 22
Figure 8 : Etapes de la démarche d’analyse coûts-efficacité qui pourraient être retnues dans le le
cadre d’un projet d’adaptation au changement climatique. Source : CDC Climat ............................... 23
Figure 9 : Les étapes de la démarche d’analyse multicritère dans le cadre d’un projet d’adaptation au
changement climatique. Source : CDC Climat ....................................................................................... 24
Figure 10 – L’adaptation au changement climatique comme un processus itératif de gestion des
risques à rétroactions multiples. Source : GIEC, Groupe de Travail 2, 2014. ........................................ 30
Figure 11 - Schémas des dépenses dans le scénario de base et le scénario « adapté. » Source : CSTB-
CDC Climat ............................................................................................................................................. 32
5
1. Introduction
L’adaptation au changement climatique est une notion complexe et vaste. A l’échelle internationale
elle est souvent placée au second rang par rapport aux enjeux de l’atténuation du changement
climatique. Il a ainsi fallut attendre la 16eme conférence des parties de la CCNUCC à Copenhague en
2009 pour que les problématiques liées à l’adaptation apparaissent dans un sommet international
majeur. Depuis, de nombreux progrès ont été fait quand à la définition, la compréhension et la mise
en place de l’adaptation au changement climatique. Le volume de travaux scientifiques sur les
problématiques de l’adaptation est tel que le second volume du 5eme Rapport du GIEC (2014), dédié
aux impacts du changement climatique et à l’adaptation, a dû être divisé en deux (un volume pour
les enjeux sectoriels, et un pour les aspects régionaux).
Le projet ADAPTATIO porte sur l’étude de solutions d’adaptation à l’échelle d’un quartier
d’aménagement urbain. Or, l’étude de l’adaptation est une problématique complexe : il s’agit d’un
sujet difficile à définir, et qui se rattache à un ensemble de concepts aux définitions parfois fuyantes.
Ainsi, pour pouvoir étudier les enjeux économiques liés à l’adaptation au changement climatique,
nous devons définir l’adaptation et de clarifier le contexte dans lequel elle s’inscrit. En particulier,
nous devons définir les aspects économiques de l’adaptation : quels sont les coûts de l’adaptation ?
Quels sont les bénéfices de l’adaptation ? En outre, l’étude d’une situation d’adaptation au
changement climatique implique de définir ce en quoi consiste une situation de non-adaptation au
changement climatique. La question des liens entre ces deux notions doit également être clarifiée.
En outre, l’adaptation d’un quartier d’aménagement urbain implique de considérer une échelle
temporelle de long terme. Ajoutée à l’incertitude qui caractérise l’évolution du climat dans un
contexte de changement climatique, elle implique de réaliser une analyse approfondie des
conséquences des actions entreprises pour adapter la zone, tant sur le plan économique que
matériel : quel effets vont être le résultat de la mesure ? Son implémentation fait-elle sens
économiquement ? Y-a-t-il un risque de produire des effets négatifs ?
2. Définition de l’adaptation, de la non-adaptation et des coûts associés :
synthèse de la littérature
La démarche retenue pour ADAPTATIO est de proposer une évaluation économique de différentes
solutions d’adaptation dans le contexte du changement climatique au niveau local, afin d’identifier
dans quelle mesure celle-ci peut avoir un rôle d’aide à la décision pour les acteurs locaux. Il s’agit plus
précisément d’évaluer les coûts d’une situation de non-adaptation et de les comparer avec les coûts
de différentes solutions d’adaptation afin d’éclairer le choix des acteurs et identifier les éléments clés
qui déterminent ou guident leurs décisions quant au choix et à la mise en œuvre de solutions
d’adaptation.
Evaluer les coûts de la non-adaptation et de l’adaptation au changement climatique à l’échelle d’un
quartier ou d’aménagement urbain implique de définir certains éléments. En premier lieu, il est
important de définir les notions d’adaptation et de non-adaptation (section 2.1), puis de définir les
coûts à considérer (section 2.2).
6
2.1 Difficulté de la définition de la non-adaptation et de
l’adaptation
L’adaptation
Contrairement à l’atténuation du changement climatique, qui vise la réduction des émissions de gaz
à effet de serre, quantifiable en termes de tCO2eq, l’adaptation au changement climatique est un
concept qui présente une définition plus difficile à appréhender. Plusieurs raisons expliquent cela
parmi lesquelles : l’adaptation est un terme polysémique comportant un historique sémantique
chargé qui est utilisé dans de nombreuses disciplines comme la biologie, la psychologie, la
géographie ou la sociologie (cf Moser 2012, Simonet 2009) ; l’adaptation recouvre à la fois un vaste
ensemble de stratégies continues (adaptation vu comme un processus) et d’actions
arrêtées (adaptation vu comme un état figé, comme une solution finale) dans le temps (Piaget
1967) ; l’adaptation est d’autant plus difficile à appréhender que l’incertitude reliée au futur est
grande. En outre, l’adaptation au changement climatique impliquant au minimum une entité et son
environnement aux multiples composantes avec lequel elle interagit de différentes façons directes et
indirectes, il est délicat d’identifier des mesures de n’ayant aucune relations avec d’autres sphères
(par exemple des actions d’adaptation au changement climatique peuvent entraîner d’autres effets,
sur le développement, la lutte contre la précarité ou l’efficacité énergétique ou encore, des actions
peuvent s’avérer avoir des effets d’adaptation malgré une motivation première déconnectée de la
problématique climatique).
Malgré cette complexité, le Groupe d’experts Intergouvernemental de l’Evolution du Climat (GIEC),
l’organisme scientifique de l’ONU en charge du suivi des éléments scientifiques liés au changement
climatique, définit l’adaptation dans son 5eme Rapport d’Evaluation (2014) comme « le processus
d’ajustement au climat actuel et anticipé, ainsi qu’à ses effets2. » Ainsi, l’adaptation concerne en
particulier les systèmes humains (villes, quartiers, économie, industrie, agriculture, pays, etc.) où elle
« cherche à modérer les impacts négatifs ou à exploiter des opportunités3. » tout en concernant les
systèmes naturels (par exemple les écosystèmes). Dans ce cas, l’adaptation peut être spontanée ou
le résultat d’interventions humaines qui « [peuvent] faciliter l’ajustement au climat anticipé. ».
La notion d’adaptation recouvre deux types d’actions de natures divergentes, mises en avant dans le
dernier rapport du GIEC. D’une part, l’adaptation incrémentale, définie comme « les actions
d’adaptation dont le but principal est de préserver la nature et l’intégrité d’un système ou d’un
processus à une échelle donnée4 ». Ici, l’adaptation recouvre le spectre d’ajustements qui ont pour
objectif de préserver un mode de vie ou un niveau de confort – par exemple – face aux impacts du
changement climatique ; il s’agit de la conception la plus répandue de l’adaptation. A l’inverse,
l’adaptation transformationnelle, soit « l’adaptation qui change les attributs fondamentaux d’un
système en réponse au changement climatique et à ses effets5 », correspond à des mesures qui
2 Glossaire du volume 2 du 5eme Rapport d’Evaluation du GIEC (2014): « the process of adjustment to actual or
expected climate and its effects. In human systems, adaptation seeks to moderate harm or exploit beneficial opportunities ». Traduction de l’anglais par CDC Climat. 3 Ibid
4 Ibid: « Adaptation actions where the central aim is to maintain the essence and integrity of a system or
process at a given scale. » 5 Ibid : « « adaptation that changes the fundamental attributes of a system in response to climate and its
effects. »
7
aboutissent à des évolutions sociétales, des systèmes, de modes de vie, afin notamment d’en réduire
la vulnérabilité aux effets du changement climatique. Dans ce cas-ci, l’adaptation revêt davantage
son caractère dynamique qui implique un ajustement constant à l’évolution de la nature et de
l’intensité des impacts climatiques (cf Figure 1).
Dans le cadre d’ADAPTATIO, nous concentrerons notre attention sur des mesures relevant de
l’adaptation incrémentale, liée notamment à la mise en place de solutions techniques telles que
visualisées dans la toolbox, et non de l’adaptation transformationnelle, cette dernière impliquant de
prendre en compte davantage de facteurs liés à une modification très profonde de la société.
La notion de « besoins d’adaptation », que le GIEC définit comme « les circonstances qui requièrent
des actions [d’adaptation] visant à assurer la sécurité de populations et à protéger les actifs en
réponse aux impacts du changement climatique6 », permet d’identifier les vulnérabilités et de
déterminer sur quelles bases vont porter les actions d’adaptation à mettre en place. La notion de
« besoin d’adaptation » peut ainsi être interprétée comme les actions nécessaires à l’établissement
d’un niveau de sécurité acceptable, ce qui peut correspondre à la préservation du mode de vie
préexistant qui assure ce niveau de sécurité, pour un système confronté aux impacts du changement
climatique. Cette interprétation, illustrée dans la figure 1, correspond en outre aux éléments mis en
avant dans le Chapitre 17 du deuxième volume du 5eme Rapport d’Evaluation, où les besoins
d’adaptation sont définis comme « l’ensemble des actions d’adaptation qui seraient nécessaires pour
éviter tout effet négatif [du changement climatique.]7 »
Figure 1 : Description de la notion de besoins d’adaptation et du caractère dynamique de l’adaptation au changement
climatique (Source : CDC Climat à partir des définitions du glossaire et du chapitre 17 du volume 2 du 5eme Rapport
d’Evaluation du GIEC)
L’adaptation, dans son acception plus large de processus, suppose un caractère progressif,
dynamique, « d’ajustement permanent », déterminée notamment par les futures évolutions du
climat. Le GIEC souligne ainsi que les besoins d’adaptation sont déterminés par la nature des impacts
climatiques ou météorologiques auxquels un système donné peut être confronté dans le présent,
6 Ibid : « circumstances requiring action to ensure safety of populations and security of assets in response to
climate impacts. » 7 Chapitre 17 du Volume 2 du 5eme Rapport d’Evaluation : «the set of adaptation actions that would be
required to avoid any negative effect »
8
mais aussi par les impacts climatiques anticipés dans le futur. L’adaptation au changement climatique
s’inscrit alors dans une perspective temporelle à la fois de court et de long termes, ce qui suppose
qu’elle peut générer des bénéfices directs et immédiats de réduction des dommages climatiques,
sans attendre l‘évolution future du climat. Par ailleurs, à l’instar des impacts climatiques, les mesures
d’adaptation tendent à avoir des effets localisés dont les conséquences peuvent être amplifiées par
le jeu des interactions systémiques. Ainsi, bien que destinées à faire face à un impact défini, elles
peuvent couvrir une aire géographique ou une fraction déterminée du système choisi tout en
générant des bénéfices (ou des effets négatifs) pour d’autres éléments du système. C’est le résultat
des interactions et interdépendances qui caractérisent les différentes parties d’un même système (ce
qui met en avant l’intérêt d’une planification de l’adaptation coordonnée à l’échelle du système).
La non-adaptation et la maladaptation
La non-adaptation présente et future est également un concept difficile à définir. Dans le présent, on
peut la représenter par l’image d’un système présentant d’importantes vulnérabilités aux aléas
climatiques. Dans le futur, la non-adaptation s’apparente à la poursuite de la situation actuelle sans
action d’adaptation – qu’elle soit destinée à réduire les risques climatiques ou à bénéficier
d’éventuelles opportunités offertes par le changement climatique – dans un scénario de changement
climatique (ce qui correspond par exemple à des scénarios de type business as usual), (cf Banque
Mondiale 2006, Stern 2006). La non-adaptation pourrait alors être décrite comme étant l’opposé de
l’adaptation, et se traduirait par une répercussion directe, sans réduction, des impacts du
changement climatique sur le système, sous forme de dégâts (ou d’absence de bénéfices)
supplémentaires par rapport à une situation sans changement climatique8.
Toutefois, la mise en place de mesures d’adaptation au changement climatique ne garantit pas
d’effets positifs ou une réduction optimale des impacts climatiques, lesquels sont variés (notamment
d’une région à une autre) et difficiles à prévoir. L’incertitude des impacts, et donc des effets issus des
mesures mises en place, a d’ailleurs favorisé la référence aux « mesures sans regrets » et à divers
outils d’analyse (CF PROVIA 2013). Cependant, certaines actions peuvent entrainer une
augmentation des risques, à l’inverse de l’intention de départ : de ce fait, ces actions créent une
situation de maladaptation. Une action d’adaptation peut également être un facteur de
maladaptation si elle remplit son rôle de diminution des impacts du changement climatique pour une
partie d’un système tout en contribuant dans le même temps à augmenter les risques ou à entrainer
des impacts pour les populations ou les systèmes adjacents : c’est l’exemple classique des
climatiseurs, qui entrainent une augmentation des GES et donc des impacts potentiels du
changement climatique. Définie par le GIEC comme « des actions ou l’absence d’action conduisant à
une augmentation des risques liés à des évènements climatiques, à une plus grande vulnérabilité aux
impacts du changement climatique ou à une dégradation des conditions de vie, actuelles ou futures9
», la maladaptation peut provenir d’une absence d’actions pour réduire les effets du changement
8 A cet égard, à un instant T, l’écart entre une situation non-adaptée et une situation d’adaptation optimale est
le déficit d’adaptation défini comme « l’écart entre l’état actuel d’un système et l’état qui minimise les impacts négatifs des conditions et de la variabilité du climat existant » (« The gap between the current state of a system and a state that minimizes adverse impacts from existing climate conditions and variability. » Glossaire du volume 2 du 5eme Rapport d’Evaluation du GIEC (2014) 9 Glossaire du volume 2 du 5eme Rapport d’Evaluation du GIEC (2014) : Maladaptation (or Maladaptive actions)
: “Actions that may lead to increased risk of adverse climate-related outcomes, increased vulnerability to climate change, or diminished welfare, now or in the future”. Traduction CDC Climat
9
climatique ou d’une planification inadéquate d’actions d’adaptation. Ainsi, la gestion des impacts du
changement climatique implique une analyse constante et approfondie des actions à entreprendre,
de leurs conséquences et de leurs possibles interactions, pour prévenir l’éventualité d’une
maladaptation. Ce point sera abordé mais non approfondi dans ADAPTATIO, qui n’a pas l’ambition de
traiter de l’ensemble des interrelations des systèmes à l’échelle urbaine.
L’adaptation « optimale10
» ou contextualisée
Ainsi, une situation adaptée ne peut viser à réduire la totalité de l’ampleur des impacts du
changement climatique : bien que le changement climatique soit source d’une certaine quantité de
dommages supplémentaires sur un système donné en situation non-adaptée (Figure 1), et que
l’adoption de mesures d’adaptation permette de réduire ces dommages, il n’est pas toujours
possible de les ramener au niveau de la situation initiale. Une adaptation au sens d’optimale, permet
ainsi une « modération » des effets du changement climatique dans le sens d’une préservation de
l’état du système à priori, pas leur suppression. Ce décalage, mis en avant la Figure 1, s’explique en
partie par la notion de limites de l’adaptation. Celles-ci correspondent au « point auquel les objectifs
d’un acteur (ou les besoins d’un système) ne peuvent être préservés de risques intolérables par la
mise en place d’actions d’adaptation »11 (GIEC, 2014). Ces limites peuvent être de différentes
natures : techniques, économiques ou encore culturelles ou sociales. Ceci nous incite à développer la
notion de vulnérabilité économique : un système est économiquement vulnérable eu égard aux
conséquences économiques négatives liées aux impacts anticipés du changement climatique. La
recherche d’un optimum dans le degré d’adaptation nous conduit non pas à rechercher l’adaptation
totale qui supprimerait tout effet négatif mais au compromis à trouver entre le montant des
dommages, leur degré d’acceptabilité, et le coût accepté des mesures d’adaptation.
Figure 2 : L’adaptation optimale (Source : CDC Climat)
2.2 Typologie des coûts de la non-adaptation et de l’adaptation
Du fait des conséquences importantes des probables impacts du changement climatique sur
l’ensemble des secteurs d’activité humains, notamment les secteurs d’activité économique, le
10
Le terme « d’optimale » employé ici provient notamment de la notion de « balance optimale » développée dans la figure 17-2 du 5eme Rapport d’évaluation du GIEC. 11
Définition du GIEC pour la notion de limite de l’adaptation en anglais : « The point at which an actor’s objectives (or system needs) cannot be secured from intolerable risks through adaptive actions. » (GIEC, Working Group 2, Glossary, 2014)
10
changement climatique est une source de coûts supplémentaires pour les systèmes qu’il affecte
négativement. Ainsi, on appelle coût du changement climatique l’expression économique des
impacts climatiques qui n’auraient pas eu lieu en son absence. Il est souvent exprimé en tant que
« coût social du carbone », c’est-à-dire le coût social marginal d’émettre une tonne de carbone12. Par
ailleurs on distingue les coûts de l’adaptation, qui sont ceux des actions humaines visant à réduire les
effets des impacts du changement climatique. L’adaptation s’inscrit ainsi dans la sphère de
raisonnement économique en ce qu’elle incite une réflexion sur les coûts engendrés par le
changement climatique et les coûts des solutions possibles. De même, la notion de non-adaptation,
qui peut se définir comme une répercussion directe des impacts du changement climatique sur les
systèmes qu’ils atteignent, s’appréhende aussi à travers les coûts engendrés.
Toutefois, du fait de la grande variété d’impacts (positifs et négatifs) du changement climatique et
des spécificités des systèmes qu’ils concernent, ces notions de coûts concernent une vaste gamme
de secteurs, d’impacts, d’actions, et de dommages. Les coûts du changement climatique, c’est-à-dire
les coûts de ne pas agir pour atténuer l’ampleur des impacts du changement climatique, peuvent
être de différentes natures : il peut s’agir de coûts économiques (liés à la perte économique due à la
non vente de produits), de coûts sociaux liés par exemple à l’invalidité ou à la mort des victimes, des
coûts environnementaux difficilement monétisables, comme le dommage réalisé sur un paysage, etc.
(cf la section suivante qui détaille ces aspects). Il en va de même pour les actions d’adaptation. Avec
la complexité complémentaire, il peut être pertinent d’étudier plusieurs solutions d’adaptation et
d’évaluer si des effets négatifs des solutions pressenties sont identifiables, voire chiffrables pour
chacune13.
Les coûts de l’adaptation peuvent ainsi être définis comme le coût de tout investissement
supplémentaire nécessaire à l’adaptation définie comme réduction des impacts négatifs ou
l’exploitation bénéfique de futurs impacts du changement climatique14 (GIEC, 2014 ; UNFCC, 2007).
Ils s’ajoutent notamment aux coûts résiduels du changement climatique qui sont la conséquence
d’éventuelles limites de l’adaptation ou d’une adaptation optimale (c’est-à-dire non totale, ce qui
correspond à la zone bleue de la figure 3). Le coût relatif de l’adaptation dépend ainsi très
directement du coût de l’ensemble des impacts du changement climatique qui conditionne le besoin
d’adaptation. Le coût de ces investissements destinés à l’adaptation est également déterminé par la
stratégie adoptée, c’est-à-dire l’arbitrage réalisé entre les différentes options d’adaptation et les
conséquences en termes d’impacts évités escomptés selon chaque solution. Celles-ci peuvent en
effet être réparties entre celles dont on a besoin pour réduire au maximum les effets du changement
climatique, celles que l’on peut faire techniquement et technologiquement, ce que l’on voudrait faire
pour avoir un niveau d’adaptation le plus efficace possible économiquement, et ce que l’on décide
effectivement de faire (GIEC, 2014). C’est le coût de cette dernière catégorie qui constitue
effectivement le coût de l’adaptation.
12
Toutefois cet aspect ne sera pas détaillé davantage dans le cadre du projet ADAPTATIO 13
GIEC, Volume II, chapitre 17, section 17.2.3 : « […] If a country has a fixed sum of money to allocate between two competing adaptation projects, and both strategies generate net positive ancillary effects, then the socially optimal allocation of adaptation investment will differ from the private optimum and will favor the activity with the larger direct plus ancillary effects. » 14
GIEC, Volume II, chapitre 17, section 17.2.6 : « […] the cost of adaptation is the cost of any additional investment needed to adapt to or exploit future climate change (UNFCCC,2007). But a full accounting needs to consider the resources spent to develop, implement and maintain the adaptation action along with accruing reduced damages or welfare increases involving monetary and non- monetary metrics. »
11
Figure 3 : coûts de l’adaptation et de la non-adaptation au changement climatique. Source : CDC Climat (d’après la figure
17-2 du GIEC)
1 – Coût des effets si non-adapté
2 – Coûts des effets si adaptés
Le coût de la non-adaptation correspond en revanche aux coûts du changement climatique qui
auraient pu être évités par l’adoption de mesures d’adaptation – c’est-à-dire les coûts totaux du
changement climatique hors dommages résiduels en situation d’adaptation optimisée. Tel qu’illustré
sur la figure 3, il s’agit de la différence (inscrite en rose) entre le coût total du changement climatique
et les coûts résiduels (symbolisés par la zone bleue sur la figure) qui ne peuvent être évités même en
situation d’adaptation optimale. Les coûts de la non-adaptation peuvent être assimilés aux coûts du
changement climatique si une adaptation optimale permet d’annuler complètement ces derniers -
c’est-à-dire si il n’y a pas plus d’impact résiduel du changement climatique après l’adoption de
mesures d’adaptations.
Dans le cas du projet ADAPTATIO, nous considèrerons le différentiel des coûts entre la situation
adaptée et la solution non-adaptée, donc sans tenir compte des coûts résiduels. Nous considérerons
ainsi les coûts supplémentaires de consommation d’eau ou d’énergie d’une situation non-adaptée
par rapport au niveau de ces même coûts en situation d’adaptation : ainsi on ne regardera que les
coûts liés à la consommation réelle de l’eau et de l’énergie et pas le coût lié à l’abonnement par
exemple, supposé forfaitaire et constant.
2.2.1 Difficulté de la définition des coûts directs, des coûts indirects de la
non-adaptation et de l’adaptation
Les coûts de la non-adaptation (et de l’adaptation) sont souvent difficiles à évaluer du fait de
plusieurs facteurs liés à la fois à la méthodologie et à la collecte de données. Parmi ces facteurs on
retrouve notamment :
- L’incertitude liée aux projections climatiques et ses implications au niveau local ;
- L’incertitude liée aux impacts physiques dus aux modifications climatiques ;
- La difficulté de chiffrer les impacts économiques liés aux impacts physiques, notamment pour les
biens et services non marchands (la partie suivante détaillera cet aspect);
- La possible existence d’effets externes souvent qualifiables mais difficilement quantifiables, qu’il
est bon au minima de mentionner, et au mieux de chiffrer ;
12
- Le choix du taux d’actualisation dans le chiffrage des coûts. Il n’en existe en effet pas de valeur
consensuelle, malgré l’existence en France, par exemple, d’un taux social d’actualisation de 4%
fixé par le Commissariat Général au Plan.
Coûts économiques et coûts non-économiques
Dans une situation de non-adaptation, les impacts du changement climatique sont directement
répercutés sur le système sous forme de dommages et se traduisent généralement sous forme de
coûts (en particulier dans un système comme une ville où les activités économiques sont concentrées
et en interaction les unes avec les autres). Si ces coûts peuvent concerner des activités économiques
et des biens marchands, ils peuvent aussi relever de la catégorie des coûts non-économiques, ce qui
rend leur comptabilisation plus difficile. De fait, lorsqu’il est difficile d’attribuer une valeur monétaire
à un impact, notamment climatique, cela peut tendre à réduire son importance, pourtant soulignée
par des institutions internationales comme la Banque Mondiale, le PNUE ou la CCNUCC, lors de
l’évaluation économique de ces impacts. Les coûts non-économiques sont généralement des coûts
sociaux, culturels ou qui concernent des secteurs dont la valeur économique est difficile à quantifier
tels que des écosystèmes. Ils peuvent aussi se rapporter à la mort d’individus, pour laquelle il est
difficile d’attribuer une valeur monétaire. Mais de nombreux travaux existent pour tenter de
monétariser ces coûts non économiques.
Pour évaluer les coûts dans une démarche de prise de décision dans l’adaptation au changement
climatique (dans une vision non purement décidée par un acteur privé qui ne va pas considérer tous
ces aspects) , il faudra donc s’intéresser aux coûts directs et indirects économiques, et si possible les
coûts directs et indirects non économiques. On notera d’ailleurs que cette évaluation économique de
l’adaptation fait l’objet pour la 1ere fois d’un chapitre entier du GIEC (volet 2) : le chapitre 17, qui
complète aussi le chapitre 2 sur la prise de décision.
Coûts directs et indirects pour l’évaluation des coûts économiques
Au niveau des coûts qui touchent aux activités économiques et aux biens marchands, c’est-à-dire
ceux qui sont le plus facilement intégrés dans une analyse économique pour – par exemple –
planifier une action d’adaptation, une distinction entre coûts directs et coûts indirects des impacts du
changement climatique est utile (Hallegatte, 2010). En effet, les coûts des dommages causés par le
changement climatique, ou ceux de la mise en place de mesures d’adaptation portent à la fois sur les
secteurs directement concernés par l’aléa climatique considéré, mais aussi sur les secteurs en
interaction directe avec ces derniers.
De fait, les coûts économiques de la non-adaptation peuvent concerner les activités économiques
(coûts indirects) et le capital physique (coûts directs). La définition des pertes directes d’une
catastrophe climatique de Hallegate les décrits comme « la valeur de ce qui a été endommagé ou
détruit par la catastrophe » et, les pertes indirectes sont définies comme incluant « tous les
dommages qui n’ont pas été provoqués par la catastrophe elle-même mais par ses conséquences »,
et correspondent généralement aux diminutions de la production et ont des conséquences sur la
reprise du système (Hallegate, 2010). A cet égard, fonction de production et dépenses de
remplacement peuvent constituer des indicateurs fiables pour estimer la valeur de ces pertes, et
donc les coûts d’un impact du changement climatique, la première étant davantage adaptée à la
13
mesure des coûts indirects, alors que la seconde permet d’estimer les coûts directs du changement
climatique.
- Fonction de production : Les coûts indirects des changements climatique peuvent se mesurer par l’évaluation des pertes associées à la baisse de la production, dans la mesure où ces impacts n’engendrent pas de variation dans le prix des produits sur le marché,
- Dépenses de remplacement : Les impacts directs du changement climatique peuvent également se traduire par des pertes sur le bâti et l’outil de production qui peuvent être mesurées par l’évaluation foncière, la valeur marchande courante ou la valeur de remplacement. En revanche, cette approche intègre mal les actifs ayant une valeur patrimoniale particulière et ne reflète pas nécessairement toutes les pertes d’usages pouvant être occasionnées.
Coûts directs et indirects
A l’inverse, les coûts de l’adaptation sont assimilables à ceux des mesures d’adaptations mises en
œuvre pour faire face aux impacts du changement climatique plutôt qu’au coût de ces impacts. En
appliquant la même approche en coûts directs et indirects, on peut définir :
- Les coûts directs de l’adaptation comme pouvant être assimilés aux coûts de mise en place des
actions d’adaptation elles-mêmes. C’est par exemple le cas pour des mesures d’amélioration des
systèmes de drainage des eaux de précipitations, de rénovation de logements ou encore
d’installation d’espaces verts pour lutter contre les îlots de chaleur urbains. Le rapport PROVIA
du PNUE met ainsi en avant l’importance de l’évaluation des besoins d’adaptation et
l’identification des options d’adaptation disponibles, qu’il présentant comme étant cruciales pour
sélectionner les solutions d’adaptation qui permettent à la fois de minimiser les coûts de
l’adaptation ceux du changement climatique – coûts qui sont amplifiés en situation de non-
adaptation.
- Les coûts indirects de l’adaptation correspondent quant à eux à des externalités. Lorsqu’elles
sont positives, les externalités liées à des actions d’adaptation constituent un coût négatif : ce
sont des co-bénéfices qui peuvent porter sur d’autres secteurs que celui directement concerné
par l’action de l’adaptation au changement climatique ou d’autres acteurs. Lorsqu’elles sont
négatives, les externalités peuvent notamment être le résultat de décisions imparfaites sur le
plan économique qui, en ne considérant pas suffisamment les conséquences de l’action
d’adaptation sur d’autres secteurs ou acteurs, sont à l’origines d’effets négatifs et se traduisent
sous la forme de coûts positifs. Ces coûts indirects peuvent être monétisables, comme dans le
cas où la construction de digues pour protéger une zone donnée augmente le risque
d’inondation ailleurs. Les coûts sont alors ceux du risque supplémentaire que ce changement
représente pour la communauté/le système concerné. Cependant les coûts indirects de
l’adaptation au changement climatique peuvent également recouvrer des coûts non-
économiques, et donc difficiles à comptabiliser. Les externalités liées à des solutions
d’adaptation au changement climatique doivent être prises en compte lors de la planification
d’un projet d’adaptation. En revanche, l’impact économique indirect de l’adaptation au
changement climatique, plutôt que des coûts, correspond le plus souvent à des cobénéfices dans
des secteurs différents de l’adaptation au changement climatique. Le GIEC met à cet égard une
emphase considérable sur les cobénéfices de l’adaptation en matière de développement.
Diverses études internationales estiment les coûts liés à l’adaptation, en considérant les solutions d’adaptation envisagées. Selon les estimations et les diverses méthodologies employées (cf.
14
notamment OCDE 2008, Parry et al 2009 et Drouet 2008, pour une revue critique des méthodologies employées15), les besoins annuels liés à l’adaptation varient entre 4 et 150 milliards USD annuellement (cf. tableau 2).
Tableau 1– estimation des coûts de l’adaptation au changement climatique. Source : CDC Climat d’après les études
citées :
Evaluation par : Coûts annuels
en milliards d’USD Périmètres des estimations
Stern (2006)
4-37
15-150
Pays en développement, période 2010-2015
Pays de l’OCDE, période 2010-
2015
PNUD (2007) 86-109 Pays en développement, période
2010-2015
CCNUCC (2007)
60-182
28-67
Globalement, d’ici 2030
Pays en développement, d’ici 2030
Banque mondiale - EACC (2010) 70-100 Pays en développement, période 2010-2050
Frankhauser et Schmidt-Traub (2010) 70-100 Pays en développement, période
2010-2020
Toutefois, aucune de ces estimations à l’échelle globale des besoins en adaptation n’est entièrement
fiable. Le GIEC souligne ainsi les imprécisions et les difficultés méthodologiques de ces approches
dans son 5eme Rapport d’Evaluation (2014), tout en rappelant leur utilité. A cet égard, selon le
groupe d’experts du climat, l’enjeu principal de l’évaluation des besoins globaux en adaptation au
changement climatique n’est d’ailleurs pas tellement le risque d’une surestimation de ces besoins,
que celui d’une sous-estimation.
ADAPTATIO n’a pas l’ambition de dresser l’ensemble des coûts directs, indirects et externes, parfois
non monétaires, des solutions d’adaptation étudiées, du fait de la quantité et qualités des données
requises pour ce type de travaux. Nous chercherons donc ici uniquement à évaluer les coûts directs
liés à la mise en place et l’utilisation de différentes solutions d’adaptation étudiées (et restreints à
leur aspect lié à l’investissement, à la maintenance, et à la consommation énergétique et hydrique),
sans en évaluer les coûts indirects et externes, mais pourrons mentionner, de façon qualitative,
certaines remarques à ces sujets.
2.2.2 La répartition des coûts entre acteurs et dans le temps
Le changement climatique touche l’ensemble des secteurs des systèmes socioéconomiques et est un
phénomène qui se construit sur une échelle de temps très longue. Ces caractéristiques, auxquelles
s’ajoutent la diversité des impacts et leur caractère très localisé, posent les enjeux de la répartition
15
Drouet (2008) montre notamment que l’estimation des besoins de financement dans ces études a été faite selon différentes méthodologies dont la principale consistait à évaluer la sensibilité des flux financiers existants aux impacts du changement climatique, puis d’estimer forfaitairement les coûts d’amélioration de la résistance aux changements climatiques de ces investissements sensibles. Par exemple pour les infrastructures le coût d’adaptation (donc d’amélioration de la résistance) a été estimé à entre 5 et 20% du coût de l’infrastructure selon le type.
15
des coûts de l’adaptation et de la non-adaptation au changement climatique, entre les acteurs et
dans le temps. Ces aspects sont intéressants car ils permettent d’apprécier la faisabilité des solutions
et l’équité de la répartition de l’effort (et des solutions d’adaptation) qui concoure à sa bonne
acceptabilité.
Entre acteurs
L’identité et la nature de celui qui supporte le coût de l’adaptation ou de la non-adaptation
dépendent de plusieurs facteurs parmi lesquels figurent le type d’impact étudié ou de solution
d’adaptation mise en œuvre. A cet égard, les coûts de l’adaptation et de la non-adaptation qui
recouvrent une grande quantité d’actions et de dommages, se répartissent entre différents types
d’acteurs, qu’il convient d’étudier au cas par cas.
Les coûts de la non-adaptation peuvent être assimilés aux coûts des aléas climatiques eux-mêmes
hors coûts résiduels (cf fig. 2). Les coûts directs de la non-adaptation se répartissent donc de la
même manière que ceux d’un évènement climatique extrême entre les acteurs du système qui sont
touchés. Il en est de même pour les coûts indirects, qui affectent les acteurs indirectement soumis16.
Dans le cas d’ADAPTATIO, les coûts liés à l’aléa étudié (hausse des températures moyennes et
extrêmes) pourront principalement être supportés :
• par les occupants des logements :
- En termes de coûts directs, via par exemple l’augmentation de leur facture énergétique,
correspondant à l’augmentation de leur besoin de refroidissement ;
- En termes de coûts indirects, via par exemple une diminution de leur productivité via l’inconfort
subi ;
- En termes d’externalités négatives : inconfort, voire atteinte à leur santé.
• par les bailleurs (ou promoteurs), qui peuvent voir une diminution du prix de revente de
leurs biens si ceux-ci sont très vulnérables à l’aléa
• Et aussi par les pouvoirs publics en termes d’hospitalisations engendrées, de coordination
des secours et de diffusion de l’information, etc.
De même que les coûts de l’adaptation d’un système sont répartis entre les différents acteurs qui le
constituent, tous les secteurs d’activité devront s’adapter. Les coûts de l’adaptation correspondant à
ceux des mesures et actions qui permettent de réduire les dommages liés aux impacts du
changement climatique, leur répartition entre les différents acteurs d’un système dépend donc de la
nature de l’action d’adaptation considérée, et de l’implication des acteurs.
Dans le cas d’ADAPTATIO, les coûts directs liés à la mise en place de solutions d’adaptation seront
généralement portés :
- par le bailleur/promoteur qui mettra en place cette solution (mais qui pourra la répercuter dans
le montant du loyer) ;
- par les utilisateurs finaux du bâtiment considéré, qui paient l’usage (l’électricité par exemple) de
la solution. A fortiori pour les logements, ce sont les ménages qui assument l’essentiel des coûts
des mesures d’adaptation incrémentales.
16
Ceci donne donc une place importante au secteur assurantiel, qui est par ailleurs largement mise en avant dans la littérature, dont le GIEC (2014).
16
Aux coûts des mesures d’adaptation elles-mêmes peuvent toutefois s’ajouter certains effets pervers.
Dans le cas de l’étude des consommations en énergie et en eau, qui nous intéresse pour ADAPTATIO,
c’est par exemple l’effet rebond qui pourrait influer sur les résultats de l’évaluation des différentes
solutions d’adaptation considérées. Cette notion, si elle se rattache en général à des problématiques
du domaine de l’atténuation du changement climatique plutôt que l’adaptation à ses effets,
correspond à « un phénomène par lequel une réduction de la consommation d’énergie (par rapport à
une situation de référence) […] dans un secteur est compensée à un certain degré par des
changements induits dans la consommation, la production ou les prix dans ce même secteur » (GIEC,
2014). Par exemple cela correspond à une situation dans laquelle l’investissement dans un
climatiseur plus efficace incite à utiliser davantage la climatisation (notamment pour rentabiliser
l’investissement), ce qui aboutit à une réduction de la consommation moins grande que celle qui
aurait résulté d’une absence de changement dans l’utilisation du climatiseur, malgré
l’investissement. L’effet rebond souligne le rôle du comportement des individus dans l’efficacité des
mesures de lutte contre le changement climatique.
Dans le cas d’ADAPTATIO, vu la complexité du processus même de l’aménagement urbain (Cf. tâche
1 et rapports associés), nous ne détaillerons pas l’affectation et la répartition des coûts identifiés, ni
l’effet rebond et autre aspect comportemental.
Dans le temps
Le changement climatique est un phénomène dont les conséquences majeures s’inscrivent
principalement sur le long terme. Lors de la planification de stratégies d’adaptation au changement
climatique, cet aspect revêt un caractère crucial, particulièrement lorsque des actifs (c’est-à-dire
notamment le patrimoine) à longue durée de vie sont considérés, comme le bâtiment qui dure
plusieurs décennies. Au niveau de la répartition de ses coûts entres des horizons temporels
différents, le changement climatique impose un arbitrage qui touche à la préférence des acteurs
entre faire face à des coûts dans le présent ou le futur, rendu encore plus difficile du fait des
incertitudes liés aux impacts du changement climatique. Ainsi, le fait d’accorder une trop grande
importance aux intérêts de court terme réduit les incitations à diriger les investissements vers des
enjeux aux horizons temporels plus éloignés comme l’adaptation au changement climatique (GIEC,
2014 : Chapitre 16, section 5.2).
Ainsi que l’illustre la Figure 4, si une solution adaptée peut être plus coûteuse dans une perspective
de court terme du fait de l’investissement nécessaire, à un horizon plus lointain les impacts du
changement climatique peuvent entrainer des coûts supplémentaires qui surpassent les coûts
incrémentaux de l’adaptation à l’origine17. Ceci est notamment mis en avant par Stern (2006) qui
justifie ainsi la nécessité d’une action d’adaptation sans attendre.
17
Or ces aspects renvoient à la question du taux d’actualisation, très largement débattue dans la littérature (cf. partie suivante).
17
Figure 4 : Répartition temporelle des coûts sur la durée de vie d’actifs adaptés et non-adaptés en situation de
changement climatique. Source : CDC Climat
Les coûts de l’adaptation et de la non-adaptation se situent donc respectivement sur des échelles de
temps très différentes. Alors que les coûts de l’adaptation sont concentrés sur le court terme
(modulo les coûts de maintenance de la solution retenue), les coûts de la non-adaptation sont plus
importants dans le long terme, car c’est à long terme que les coûts du changement climatique sont
les plus importants.
Dans le cas d’ADAPTATIO, nous avons choisi de mettre en avant l’échelle temporelle mais de ne pas
recourir à un taux d’actualisation, d’une part du fait des difficultés à son sujet, d’autre part pour
refléter l’ensemble des informations utiles pour les acteurs (cf ateliers) et ne pas les agréger sous
forme d’une unique valeur nette actualisée. Ainsi, et en accord avec le résultat d’entretien mené
avec des acteurs privés du territoire, nous avons choisi de retenir :
- Le coût d’investissement (au début de l’opération), y compris les coûts liés aux études amont de
faisabilité, etc.
- Le coût de maintenance annuel, (y compris le suivi, le reporting)
- La durée de vie de l’installation
- Les coûts annuels liés aux factures d’eau et d’énergie
3. Revue des méthodes d’analyse économique
Lorsqu’un système est exposé aux impacts du changement climatique, il doit donc notamment faire
face aux conséquences économiques de ces impacts. Du fait de la nature transversale, et parfois
indirecte, des coûts de l’adaptation et de la non-adaptation, l’ensemble des secteurs économiques
peut ainsi être touché. Du fait de ressources limitées, de l’intérêt de la minimisation du coût
économique du changement climatique et de la pluralité des éléments à prendre en compte, des
méthodes d’analyse économique peuvent être utilisées pour éclairer la décision (cf par ex GIEC chap.
2 - 17, rapport PROVIA de l’UNEP). Mis en avant par les institutions qui étudient les conséquences
économiques du changement climatique et mettent en œuvre des projets d’adaptation comme la
Banque Mondiale ou les Nations Unies, ces outils d’aide à la décision peuvent être d’une grande aide
dans le contexte du changement climatique, à condition d’en corriger certains biais.
18
Le 5eme Rapport d’Evaluation (2014) du GIEC voit ainsi le groupe d’experts affirmer – avec une
emphase inédite – l’importance de ces outils dans le choix et la mise en place de stratégies
d’adaptation, en soulignant le passage d’approche en analyse coût-bénéfices vers des analyses
multicritères, tenant compte d’effets non monétaires, d’iniquité, des biais comportementaux, etc. En
effet, le raisonnement économique permet l’identification des coûts d’opportunité entre différentes
stratégies d’adaptation ainsi que la réflexion en situation d’incertitude – qui est inhérente au
changement climatique. En outre, les experts du climat notent que le recours à ce type d’outils d’aide
à la décision dans la mise en place de stratégies d’adaptation au changement climatique est un
vecteur qui favorise l’intervention d’acteurs privés. Or, ceux-ci sont par ailleurs présentés par les
chercheurs comme des acteurs indispensables à l’adaptation au changement climatique car ils ont les
capacités d’apporter le volume d’investissements nécessaire aux besoins de l’adaptation. Enfin, le
GIEC insiste sur ces approches multicritères car elles permettent, dans certaines conditions,
d’intégrer des facteurs non-économiques dans le processus de décision et donc d’intégrer des enjeux
liés aux externalités. Ce dernier aspect est d’une importance cruciale dans la construction d’une
stratégie d’adaptation globale à l’échelle d’un système, car il permet de tendre à la capture du
maximum de cobénéfices et d’éviter autant que possible les effets indésirables, et ainsi de minimiser
les risques d’impacts du changement climatique.
Le rapport PROVIA, consacré à la prise de décision pour des actions d’adaptation au changement
climatique propose notamment un arbre de décision18 pour guider les parties prenantes vers des
méthodes d’analyse adaptées à leurs besoins. Cet arbre de décision décrit schématiquement les
étapes du choix d’une méthode d’analyse en fonction de la situation d’adaptation considéré. Les
différentes alternatives considérées incluent l’absence d’action pour attendre l’apparition de
nouveaux éléments d’information, le recours à des méthodes de décision « robustes », le recours à
un processus de gestion adaptive (adaptive management) ou encore le recours à une méthode
d’analyse économique. Parmi les critères mis en avant par PROVIA pour évaluer quelle méthode de
prise de décision convient le mieux à un projet d’action d’adaptation particulier figurent
notamment :
- L’existence de risques liés à une forte variabilité du climat présent ;
- L’horizon temporel de l’implémentation des options considérées ;
- La capacité à prévoir les impacts résiduels du changement climatique ;
- L’importance des coûts des différentes options.
Ainsi le rapport met en avant le recours à des méthodes d’analyse économique (Analyse Coûts-
Bénéfices, Analyse Coût-Efficacité, Analyse Multicritères) dans le cas notamment où la variabilité du
climat présent suppose un niveau de risque élevé et que les différentes options considérées sont à
mettre en place dans le court terme. PROVIA ajoute que ces méthodes sont à préférer s’il n’est pas
possible de prévoir les impacts résiduels du changement climatique et si les coûts des différentes
alternatives sont élevés. Ainsi, ces critères correspondant à ceux du projet ADAPTATIO, nous
apportons une attention particulière aux différentes méthodes d’analyse économique.
3.1 Outils « classiques » d’aide à la décision
Eu égard aux différences entre acteurs privés et publics abordées plus tôt, l’évaluation d’options
d’adaptation est axée sur des critères de décision différents selon qu’il s’agit de décideurs privés ou
18
Rapport PROVIA, PNUE, Figure 2.3.3
19
publics. Une analyse économique réalisée par un acteur privé se focalise ainsi sur l’évaluation des
coûts et des avantages qui le touchent directement, et vise à déterminer si la stratégie envisagée est
rentable (ou laquelle des différentes alternatives envisagées est la plus rentable). Le gestionnaire
public peut lui aussi se questionner sur la rentabilité d’une stratégie d’adaptation (il peut alors avoir
recours à une analyse financière), toutefois celui-ci sera le plus souvent amené à intégrer les effets
sur le bien-être de l’ensemble de la population de sa stratégie d’adaptation sur un territoire donné
dans l’analyse. Pour ce faire, il doit tenir compte de l’ensemble des avantages et des coûts sociaux
des stratégies d’adaptation pour toutes les personnes de ce territoire et donc recourir à des outils
d’aide à la décision plus complexe.
Les quatre principaux outils d’aide à la décision répertoriés dans la littérature que sont les analyses
financières, coûts-bénéfices, coûts-efficacité et multicritères s’articulent notamment autour de
certaines étapes clés qu’ils ont en commun (cf Figure 5). Dans le contexte du changement climatique,
un outil d’aide à la décision doit ainsi, quelle que soit la méthode choisie, identifier les impacts du
changement climatique qui portent à conséquence pour le projet. Ensuite, il est nécessaire de
déterminer les objectifs du projet d’investissement ou de la politique d’adaptation au changement
climatique considérée. Il s’agit ensuite de déterminer quelles solutions seront prises en compte et
d’évaluer leurs impacts.
Figure 5 : Les principales étapes récurrentes du processus commun d’analyse économique. Source : CDC Climat
Une fois le contexte de l’analyse établi, c’est-à-dire une fois définis les impacts du changement
climatique qui concernent le projet d’adaptation, les objectifs à remplir et les différentes options
considérées, intervient l’étape d’évaluation à proprement parler, suivie par l’étude des résultats et le
choix de la meilleure option par rapport aux critères choisis. Le détail des processus d’évaluation
économique varie d’une méthode à l’autre, ce qui permet de prendre en compte différents enjeux
d’une option d’adaptation en fonction des priorités et des contraintes du projet. Ainsi la phase de
définition du contexte de l’analyse est primordiale car elle permet de déterminer quelle méthode
d’analyse économique correspond le mieux aux besoins du projet considéré, et donc de choisir quelle
méthode employer.
Ces quatre outils ont également en commun certaines étapes intermédiaires de la phase
d’évaluation comme l’évaluation des coûts totaux de chaque option, qui comprennent les coûts
d’investissement ainsi que les coûts d’opération. Le choix du taux d’actualisation, qui permet
20
d’actualiser les flux financiers pour, par exemple, calculer la valeur actuelle nette, est également une
étape récurrente pour chacune de ces différentes méthodes. Le choix de la valeur du taux
d’actualisation est un exercice délicat, particulièrement dans le contexte de projets avec de longues
durées de vie sur lesquels le changement climatique peut avoir des impacts. Il est important de
choisir un taux d’actualisation qui ne sous-estime pas les coûts (ni d’ailleurs les bénéfices) dans le
long-terme et ne reflète ainsi pas une préférence trop élevée pour le présent (cf section 3.2).
3.1.1 Analyse financière
L’objet de l’analyse financière, utilisée principalement par les acteurs privés, est d’utiliser les
prévisions du cash-flow (flux de trésorerie) du projet pour calculer des taux de rendements
appropriés, pour les décideurs, grâce à l’utilisation d’indicateurs de performance financière tels que
le taux (interne) de rendement financier (TIRF), le temps de retour sur investissement ou la valeur
actuelle nette (VAN).
- Le taux de rentabilité interne financier : c’est le taux d’actualisation pour lequel la VAN est égale
à zéro. La valeur actualisée des avantages égalise donc la valeur actualisée des coûts. Le TRI n’est
pas défini à priori, mais résulte du calcul des revenus et des dépenses dans le temps. Le projet
avec le TRI le plus élevé sera préféré, puisqu’il reflétera une plus grande rentabilité.
- La valeur actuelle nette financière du projet : la valeur des bénéfices découlant d’un projet
d’adaptation à laquelle est soustraite celle des dépenses requises pour réaliser ce projet. Ces
valeurs doivent être actualisées par l’utilisation d’un taux d’actualisation qui reflète
généralement le coût d’opportunité du capital nécessaire au financement du projet. Un projet
est considéré comme rentable si la VAN est positive. Le projet avec la VAN la plus élevée sera
préféré.
- Le temps de retour sur l’investissement : un projet dont les profits annuels permettent de
rembourser l’investissement consenti en 10 ans a un temps de retour sur investissement de 10
ans. Ce calcul simple et rapide ne donne qu’une idée approximative de la rentabilité. Il contribue
notamment à écarter des projets dont les avantages sont plus importants sur l’ensemble de la
durée de vie du projet (par rapport au court terme), ce qui risque d’être souvent le cas pour les
projets d’adaptation au changement climatique.
Figure 6 : Etapes de la démarche d’analyse financière qui pourraient être retenues dans le cadre d’un projet d’adaptation
au changement climatique, complémentaires aux étapes du processus commun d’analyse (cf fig.5). Source CDC Climat
21
L’intégration du risque posé par l’incertitude liée à l’évolution future du climat, qui permet d’assurer
d’un certain niveau de fiabilité, est un élément important de l’analyse financière dans le cadre du
changement climatique. Elle peut notamment être réalisée via des analyses de sensibilité de la VAN
ou du TRIF.
Si elle peut permettre la prise en compte de l’incertitude et de l’horizon de long terme dans lequel
doivent d’inscrire des projets d’adaptation, l’analyse financière n’est toutefois pas la méthode la plus
pertinente dans le cadre du changement climatique. En effet, étant dédiée à la modélisation des flux
financiers d’un projet, et donc des coûts et des bénéfices du projet uniquement pour le porteur de
projet, l’analyse financière ne permet pas d’intégrer les répercussions de la mise en place d’une
action d’adaptation sur l’ensemble des acteurs du système. Elle présente donc un risque élevé de
créer une situation de maladaptation, particulièrement lorsqu’elle est utilisée pour un projet
d’envergure destiné à la modération d’impacts complexes. En outre, les analyses financières ont
généralement tendance à préférer des taux d’actualisation aussi élevés que possibles (TRIF), ou à
reposer sur des critères de rentabilités de court terme (TRI), ce qui correspond à une logique
contraire à celle de l’adaptation au changement climatique où les bénéfices d’un projet tendent à se
matérialiser davantage dans le long terme. Ainsi, elle n’est par exemple pas retenue par le
Programme des Nations Unies pour le Développement dans son rapport PROVIA, qui constitue un
manuel des méthodes de prise de décision pour l’adaptation au changement climatique. De ce fait,
nous l’écartons des outils d’aide à la décision considérés dans le cadre du projet ADAPTATIO.
3.1.2 L’Analyse Coûts-Bénéfices (ACB)
L’analyse coûts-bénéfices permet de comparer les coûts et bénéfices induits par le projet du point de
vue de l’ensemble de la société. Elle permet en outre d’y intégrer, si possible, les coûts et bénéfices
qui n’ont pas de valeur marchande (par exemple, les avantages environnementaux). Elle vise donc à
exprimer, en une unité de mesure uniforme (généralement monétaire), toutes les conséquences
d’un projet donné. A l’instar de l’analyse financière, l’ACB peut se fonder sur des indicateurs tels que
la VAN ou le TRI, avec les limites qu’ils supposent. Un autre indicateur éligible pour l’ACB est le ratio
coûts-bénéfices. Ce dernier correspond aux bénéfices actualisés divisés par les coûts actualisés (où
les coûts et bénéfices sont ceux associés au projet et supportés par l’ensemble des agents). De façon
générale, un projet est jugé rentable pour la société si son ratio avantages monétaires nets sur coûts
monétaires nets est supérieur à 1 et l’option dont le ratio est le plus élevé sera jugée la plus rentable.
22
Figure 7 : Etapes de la démarche d’analyse coûts-avantages qui pourraient être retenues dans le cadre d’un projet
d’adaptation au changement climatique. Source CDC Climat
L’analyse coûts-bénéfices a ainsi l’avantage, dans le contexte de l’évaluation de mesures
d’adaptation au changement climatique, de permettre l’intégration des externalités dans le
processus de l’évaluation. Contrairement à l’analyse financière, l’analyse coûts-bénéfices ne prend
pas seulement en compte les coûts et bénéfices privés (au sens où ils sont rattachés au porteur de
projet) qui résultent de l’investissement dans une option d’adaptation, mais l’ensemble des
conséquences (négatives ou positives) qui en découlent, pour tous les acteurs concernés. Cependant,
pour que le résultat soit effectivement représentatif de l’ensemble des coûts et avantages liés au
projet d’adaptation au changement climatique, la méthode de l’ACB doit être adaptée pour faire face
plusieurs difficultés, que l’on peut également retrouver pour d’autres méthodes d’analyse, et parmi
lesquelles figurent notamment :
- La difficulté d’évaluer l’ensemble des impacts pour tous les différents intervenants ;
- L’évaluation monétaire des impacts non marchands ;
- La détermination du taux d’actualisation ;
- La détermination de l’incertitude ;
- La prise en compte des aspects redistributifs.
3.1.3 L’analyse coût-efficacité (ACE)
L’analyse coût-efficacité est utilisée pour déterminer la façon la moins coûteuse, et donc la plus
efficace, d’arriver à remplir un objectif d’adaptation donné. Il s’agit d’apporter une mesure de
l’efficacité des différentes solutions à remplir cet objectif en utilisant un ratio coût-efficacité qui
divise leurs coûts total par des « unités d’efficacité » qui correspondent aux objectifs quantifiables
que le programme vise à atteindre. Par exemple, une mesure qui vise à réduire l’impact des vagues
de chaleurs dans le logement pourrait utiliser le nombre d’heures où la température dépasse un
certain seuil dans l’habitation comme objectif à atteindre et l’évaluation se ferait sur les différentes
solutions possibles arrivant à cet objectif.
23
Figure 8 : Etapes de la démarche d’analyse coûts-efficacité qui pourraient être retnues dans le le cadre d’un projet
d’adaptation au changement climatique. Source : CDC Climat
Par rapport à l’analyse coût-avantages, l’ACE offre l’avantage de ne pas exiger l’évaluation monétaire
des impacts évités. En effet, si les différentes options d’adaptation fournissent les mêmes avantages,
seuls les coûts des stratégies d’adaptation doivent être évalués monétairement. Cette simplicité
constitue également le principal inconvénient de l’analyse coût-efficacité puisqu’en ne comparant
pas l’ensemble des coûts et l’ensemble des avantages, il est impossible de déterminer si la stratégie
d’adaptation analysée des coûts est intrinsèquement bénéfique. Ce biais implique d’avoir des
éléments externes à l’analyse qui indiquent que l’objectif poursuivi par l’analyse est effectivement
désirable (et n’a pas de conséquences négatives sur les autres acteurs du système) et n’a pas besoin
d’être évalué en tant que tel. En outre, les différents projets examinés au cours d’une analyse coût-
efficacité ne le sont que selon le spectre de cet objectif, ce qui ne prend donc pas en compte les
autres bénéfices (ou effets indésirables) potentiels de ces projets.
3.1.4 L’analyse multicritères (AMC)
Dans les cas où les coûts et les avantages ne se prêtent pas aisément aux techniques de valorisation
monétaire, des outils alternatifs d’aide à la décision peuvent être retenus. C’est notamment le cas de
l’analyse multicritères. Celle-ci se fonde sur l’intégration, dans un cadre analytique structuré, de
différents types d’informations, à la fois monétaires et non monétaires (par exemple, la justice
sociale, la protection de l’environnement ou l’égalité des chances), afin de déterminer quel projet ou
quelle politique est plus intéressant par rapport aux différents critères choisis. Ces critères non-
monétaires peuvent s’assimiler, dans le cadre des problématiques de l’adaptation au changement
climatique, à la protection de l’environnement, aux valeurs culturelles ou encore aux considérations
de nature sociopolitique. Ils permettent notamment de réduire le biais de l’analyse économique vers
les bénéfices financiers, et de donner une plus grande place à d’autres objectifs (notamment vis-à-vis
du changement climatique).
L’analyse multicritère, bien qu’elle se fonde sur un ensemble de critères plus vastes que d’autres
formes d’analyse économique (notamment en ce qu’elle n’agrège pas toutes les données de coûts ou
de bénéfices sous une forme monétaire), suit un processus semblable à ceux des analyses
économiques classiques. Cependant, certaines étapes sont spécifiques à l’AMC, en particulier le choix
des critères pris en compte dans l’analyse, ainsi que le poids relatif accordé à chacun d’entre eux. Ces
étapes sont cruciales, car faire le choix de critères d’évaluation inadaptés ou non-pertinents, ou
24
attribuer des coefficients qui ne représentent pas efficacement l’importance relative de chaque
critère dans le score final (pris en compte dans la décision), pose le risque de biaiser l’analyse et de
ne pas permettre de faire le choix de la meilleure option. Le caractère délicat des étapes spécifiques
à l’analyse multicritère implique qu’une grande quantité d’information et de moyens soient
nécessaire à son élaboration.
Figure 9 : Les étapes de la démarche d’analyse multicritère dans le cadre d’un projet d’adaptation au changement
climatique. Source : CDC Climat
3.1.5 Tableau récapitulatif des méthodes d’analyse classiques et
méthodes alternatives
Ainsi, les traits caractéristiques des différentes méthodes de prise de décision économique (résumés
dans le Tableau 1) rendent leur emploi respectif adapté dans certaines situations, différents projets
n’ayant pas besoin (ou intérêt) de recourir à la même méthode d’analyse. Par exemple, un projet se
concentrant exclusivement sur le retour financier de l’action pour les investisseurs se bâtira
probablement autour d’une analyse financière car celle-ci se focalise sur la répartition des coûts et
des bénéfices pour ces acteurs. Or, dans un contexte de changement climatique, une simple analyse
financière – même si elle peut intégrer l’incertitude et le risque lié aux évolutions des impacts
climatiques – n’est pas la solution la plus pertinente pour évaluer des projets d’adaptation au
changement climatique. En effet, elle n’intègre pas les externalités, économiques ou non, du projet.
En revanche, des méthodes telles que l’analyse coûts-bénéfices, l’analyse coûts-efficacité ou
l’analyse multicritères permettent de tenir compte des conséquences de l’action envisagée sur
l’ensemble du système, ce qui peut avoir une influence considérable sur la viabilité du projet. PROVIA
porte ainsi une attention sur ces méthodes qui permettent d’envisager les conséquences d’un projet
d’adaptation sur toutes les composantes d’un système. Mais il souligne certaines difficultés,
notamment l’importance de la modélisation du scénario de « référence » en comparaison duquel les
actions d’adaptation sont évaluées.
En outre, la méthode utilisée pour décider de la mise en place d’un projet ou d’une politique
d’adaptation au changement climatique dépend également de facteurs tels que les moyens
financiers de l’opération, le temps disponible pour réaliser l’analyse, ainsi que l’information sur
25
laquelle elle peut se fonder. Cependant, la nature et l’objectif du projet ou de la politique considérée
reste particulièrement important. Ce dernier aspect est notamment vrai pour l’Analyse Coût-
Efficacité pour laquelle PROVIA souligne qu’elle ne fournit en aucun cas « une mesure absolue des
coûts et bénéfices qui garantissent qu’une action [d’adaptation] « vaut le coup », comme le ferait
une analyse coûts-bénéfices19. »
Eu égard aux qualités respectives de ces différentes méthodes d’analyse économique dans le cadre
de l’adaptation au changement climatique, le 5eme Rapport d’évaluation du GIEC met en avant les
méthodes d’analyse coûts-bénéfices et multicritères. Le groupement d’experts cite notamment
l’AMC comme étant la méthode préférée par la CCNUCC pour l’évaluation des solutions d’adaptation
car elle permet une meilleure intégration des facteurs non-économiques dans le résultat de l’analyse.
En comparaison, l’analyse coûts-bénéfices est plus limitée, notamment du fait de la difficulté que
représente l’expression sous forme monétaire de certains facteurs intangibles lors de l’évaluation (le
rapport cite notamment l’exemple de la vie humaine). Toutefois, l’ACB peut aussi permettre une
prise de décisions éclairée en matière d’adaptation au changement climatique, à condition qu’elle se
fonde sur des informations extensives et fiables, et que l’estimation des coûts (y compris non-
économiques) ne mésestime aucun facteur.
Tableau 2 : Tableau récapitulatif des différentes méthodes d’analyse économique. Source : CDC Climat d’après PROVIA
Analyse
Financière
Analyse Coûts-Bénéfices Analyse Coûts-
Efficacité Analyse Multicritère
Objectif Identifier la viabilité ou la rentabilité financière d’un projet
Comparer différents projets alternatifs en fonction de leurs coûts et bénéfices sur une base souvent monétaire
Permet de comparer différentes options alternatives pour l’atteinte d’un objectif afin d’identifier celle qui répond le mieux à celui-ci et au moindre coût
Comparer les coûts et bénéfices de différentes solutions à l’aune de différents critères afin d’intégrer les externalités positives et négatives liées aux différents projets
Méthode Repose sur le calcul d’une valeur actuelle nette à partir des coûts totaux et des flux financiers actualisés attendus
Evaluation de l’ensemble des coûts et des bénéfices sous forme de ratio coût-bénéfices actualisés liés à un projet, en incluant l’ensemble des coûts et bénéfices pour tous les acteurs (c’est-à-dire les externalités)
A partir d’un critère d’efficacité choisi par rapport à l’objectif du projet, comparer différentes solutions alternatives à partir d’un ratio coûts-efficacité, et exprimer les résultats en unités d’efficacité
Evaluation des coûts et bénéfices des différentes options pour chaque critère (impacts sociaux, climatique…), suivi de l’agrégation les résultats en un score dans lequel chaque critère est pondéré par rapport aux autres
Critère de
décision
La décision se fait sur l’option ayant la rentabilité financière (VAN) la plus élevée
Les bénéfices nets les plus élevés ou le meilleur ratio coûts/bénéfices
Le meilleur ratio coût-efficacité
Le « score » le plus élevé, c’est-à-dire la solution qui répond le mieux aux différents critères pondérés
Avantages Permet de comparer des projets alternatifs : le projet le plus rentable sera choisi
Donne une vision simple et globale des coûts et des bénéfices, avec une unité commune (monétaire)
Permet de comparer facilement différentes alternatives par rapport à un objectif donné, en identifiant la moins coûteuse
Donne une vision globale des coûts et bénéfices de différentes solutions par rapport aux impacts du changement climatique
Limites Ne prend en compte que les coûts et avantages qui touchent directement l’investisseur privé
Difficulté d’intégrer ou de valoriser les coûts et bénéfices relatifs des éléments non-économiques ainsi que les externalités. D’importantes ressources peuvent être requises pour quantifier correctement l’ensemble des coûts et bénéfices, chronophage
L’objectif choisi dépend souvent de critères subjectifs et/ou de choix politiques, et ne prévient donc pas toujours la maladaptation
Le choix des critères est difficile et n’est pas forcément consensuel. Requière des ressources importantes (financières, temporelles…) pour rassembler les données requises à l’analyse
19
PROVIA, PNUE, section 3.7.2 : “it does not provide an absolute measure of costs and benefits to ensure that an option is “worth doing”, as a cost-benefit analysis would.”
26
Méthodes alternatives
Outre les méthodes d’analyse économique classique que nous avons listées plus haut, des auteurs,
comme Hallegatte (2012), ou des institutions comme la Banque Mondiale, citent des méthodes
d’analyse alternatives, qu’ils décrivent comme étant particulièrement pertinentes dans le cadre de
l’adaptation au changement climatique. Ces méthodes, sont qualifiées par le GIEC de « non-
probabilistic », c’est-à-dire qu’elles ne fondent pas la décision sur la probabilité de la réalisation d’un
risque (contrairement aux méthodes d’analyse économique classique qui attribuent un prémium lié
au niveau de risque et des conséquences d’un impact estimé). Des méthodes « sans regret », dont les
co-bénéfices dépassent les coûts, ou « de décision robuste », permettant de choisir des solutions
cohérentes avec un vaste panel de scénarios d’évolution du climat, sont pertinentes pour évaluer des
stratégies d’adaptation au changement climatique. Ces méthodes « non-probabilistic », sans regret,
etc., sont au cœur de l’analyse du rapport PROVIA car elles sont particulièrement adaptées à certains
projets d’actions d’adaptation au changement climatique. Elles comprennent notamment :
- L’utilisation des « options réelles » : méthode de prise de décision qui se base sur la réduction de
l’incertitude avec le temps et vise donc à préserver la plus grande gamme possible de possibilités
d’options d’adaptation. La méthode des options réelles s’articule autour des notions
d’intemporalité et de flexibilité. La première se rapporte à l’objectif d’éviter les effets négatifs
irréversibles d’éventuelles actions d’adaptation qui se révèleraient « inadaptées » à terme (par
exemple le sous-dimensionnement rétrospectif d’un réseau d’évacuation d’eaux usées), ou
d’impacts du changement climatique. La notion de flexibilité correspond à la capacité
d’ajustement des stratégies d’adaptations mises en œuvre dans ce cadre à l’évolution des
impacts du changement climatique (ou à l’incertitude les concernant).
- La « climate informed decision analysis » (cida, ou decision scaling): méthode d'incorporation de
données climatiques. Elle allie une approche bottom-up (l’information provient de la base, des
acteurs du terrain) avec de l'analyse de vulnérabilité, par exemple via des discussions avec les
parties prenantes, une approche top-down (l’information provient des centres de décision tels
que les institutions) avec de l’information climatique, notamment sous la forme de modèles
d’évolution climatique. Les résultats de ces approches sont considérés en termes de plausibilité
(et non de probabilités) par les décideurs, ce qui introduit une certaine part de subjectivité dans
la prise de décision. La confrontation entre ces deux approches permet ensuite une analyse plus
fine de la vulnérabilité au changement climatique.
- Le « robust decision making » (RDM) : méthode de prise de décision itérative, réalisée en
collaboration avec les parties prenantes, qui permet d’identifier les vulnérabilités et les solutions
pour se prémunir des situations inacceptables selon la sensibilité du projet au climat à travers
une large gamme de futurs climatiques. Cette méthode s’articule autour du concept de
robustesse, ce qui signifie que l’option d’adaptation qu’elle identifie comme la meilleure pour
une situation donnée sera celle qui sera efficace « pour une large gamme de plausibles futurs
climatiques, de tendances socio-économiques » (GIEC, 2014). Il s’agit notamment de confronter
une potentielle solution à différents scénarios climatiques.
- La gestion adaptative : proche du principe de l’utilisation des options réelles, cette méthode
d’évaluation des actions d’adaptation repose notamment sur une évaluation ex-post des actions
mises en place et un apprentissage constant en fonction de l’expérience acquise et de
27
l’information (climatique, technique,…) nouvellement disponible. Le rapport PROVIA met
notamment son utilisation en avant comme une alternative de méthodes d’analyses
économiques habituelles, dans le cas où les arbitrages liés aux coûts de la mise en place de
différentes solutions d’adaptations sont moins contraignants.
3.2 Spécificité pour la prise en compte du Changement
Climatique (taux actualisation, incertitudes, évaluation
risques…)
Bien que l’ensemble des institutions et des auteurs qui étudient les enjeux de la prise de décision
dans le contexte du changement climatique recommandent l’utilisation d’outils d’analyse
économique, l’évolution du climat n’en est pas moins un phénomène dont les caractéristiques
tranchent avec celles d’une situation de prise de décision économique ou politique classique.
S’inscrivant dans des perspectives temporelles longues, de l’ordre de plusieurs décennies, le
changement climatique comprend une très large part d’incertitude et est un phénomène de grande
ampleur, dont les impacts touchent de manière transversale l’ensemble des secteurs économiques. Il
peut alors être difficile à appréhender avec une méthode de prise de décision classique. Parmi les
enjeux à prendre en compte figurent notamment, en plus de l’incertitude, l’intégration des coûts et
bénéfices intervenants dans le long terme, sur toute la durée de vie du projet, et les conséquences
sur les autres acteurs du système, et pas seulement sur les investisseurs (en termes d’équité par
exemple). Ceci explique que dans le contexte de l’adaptation au changement climatique, le GIEC met
ainsi en avant l’importance de la méthode de prise de décision dans deux chapitres (2, 17) du volet 2.
La prise en compte de la dynamique temporelle via le choix d’un taux d’actualisation approprié
Se prémunir contre les impacts négatifs du changement climatique nécessite des stratégies qui
s’inscrivent dans le long et le très long terme (de plusieurs dizaines d’années à plusieurs siècles). Il est
donc nécessaire de prendre en compte la dimension temporelle dans le processus d’analyse
économique afin de s’assurer que l’on ne sous-estime pas la valeur de l’actif considéré, ou sa
capacité à faire face à ces impacts, à la fin de la période. Pour estimer les coûts et les bénéfices dans
le long terme par rapport au présent, l’approche classiquement utilisée dans le cadre d’une analyse
économique est celle du taux d’actualisation.
Dans le cas de l’analyse financière, une première approche du taux d’actualisation qui permet de le
fixer à un niveau relativement peu élevé est d’utiliser le coût d’emprunt. Pour un investisseur public,
il s’agit du rendement des obligations alors que pour un investisseur privé, c’est le coût d’un emprunt
à long terme qui sera retenu. Dans ce dernier cas, c’est par ailleurs la situation financière des
entreprises (ou des individus) qui détermine le coût d’emprunt. Une seconde approche aboutit à un
taux d’actualisation plus élevé : il s’agit de prendre en compte le rendement espéré du meilleur
investissement alternatif, c’est-à-dire celui qui reflète le coût d’opportunité maximal du capital.
L’approche peut se fonder par exemple sur le rendement marginal d’un portefeuille de titres sur le
marché financier international, ce qui donne un taux qui peut fluctuer selon les investisseurs.
Dans le cas des autres méthodes (ACB ACE AMC), il est possible d’utiliser le taux d’actualisation des
projets d’investissement – aussi appelé taux d’actualisation social – qui vise à refléter les
conséquences du point de vue social dans la méthode de valorisation des coûts et des bénéfices
futurs du projet par rapport aux coûts et bénéfices actuels. Ce taux d’actualisation social reflète la
28
préférence temporelle du point de vue de la société, soit le degré de préférence donné à un revenu
dans le présent plutôt que le futur. Il peut notamment diverger du taux des rendements financiers
qui ont tendance à privilégier très fortement les revenus de court terme. Le recours à un taux
d’actualisation social, souvent inférieur au taux d’actualisation classique, est généralement justifié
par une plus grande préoccupation de l’ensemble de la société pour le bien-être futur de ses
citoyens. Puisqu’un taux élevé réduit la valeur actualisée des coûts et avantages se produisant dans
le futur par rapport au présent, la question du choix du taux demeure une question cruciale, source
de vives controverses. Les débats théoriques sont nombreux (cf Stern, 2006 et Nordhaus, 2007,
Gollier 2011), et les retours d’expériences internationaux sont divers :
- La Banque Mondiale et, plus récemment, la BERD ont adopté un taux de rendement économique
exigé de 10%. On considère généralement qu’il s’agit d’un taux limite assez élevé, et selon
certaines critiques, cela peut refléter une sorte d’écrémage des meilleurs projets par les
fournisseurs de crédits. Généralement, les gouvernements nationaux fixent le taux
d’actualisation social pour les projets publics à un niveau inférieur à celui des institutions
financières internationales.
- En France, le taux d’actualisation fixé par le Centre d’Analyse Stratégique (anciennement
Commissariat Général du Plan) mis à jour en 2005 est égal à 4% en termes réels. Le taux
d'actualisation est décroissant avec le temps pour les évaluations qui portent sur le très long
terme. La décroissance du taux est effective à partir de 30 ans et est continue pour éviter les
effets de seuil. Elle est par ailleurs limitée par un plancher fixé à 2 %.
- Au Royaume-Uni, le Green Book assimile le coût d’opportunité social du capital au coût généré
par la consommation et la production privées déplacées. Le taux de préférence social et le taux
de rendement privé sont tous deux fixés à 6%, bien que certaines exceptions soient accordées.
- Aux États Unis, l’OMB (Office of Management and Budget) propose différents taux
d’actualisation. En particulier, en présumant que les investissements publics (définis comme les
projets générant du bien-être social) déplacent la consommation privée, le taux d’actualisation à
utiliser est fixé à 7% en termes réels ou calculés au moyen de l’approche prix fictif capital qui
permet des déplacements tant de la consommation que de la production.
Le choix d’un taux d’actualisation approprié aux contraintes posées par le changement climatique
apparait donc comme une étape essentielle à la construction d’une analyse économique pertinente
d’un projet ou d’une politique d’adaptation.
La prise en compte de l’incertitude et du risque
L’incertitude découle notamment de l’horizon de très long terme sur lequel les impacts des
changements climatique doivent être considérés car un grand nombre de facteurs sont appelés à y
être modifiés. Plus la période sur laquelle est effectuée l’analyse économique s’allonge, plus il est
difficile de prévoir l’évolution de certaines variables. On distingue ainsi 3 sources d’incertitudes :
- L’importance des émissions et des concentrations de gaz à effet de serre qui varient selon
l’évolution économique et technologique et les politiques adoptées par les gouvernements ;
- La projection des changements climatiques à des échelles locales et régionales en fonction des
spécificités géographiques. L’incertitude est ici notamment causée par le manque de précision
des modèles climatiques à petite échelle ;
29
- La capacité d’adaptation de l’environnement naturel et humain aux effets du changement
climatique.
Différents outils et méthodes ont été développés sur le plan théorique ou pratique (cf CEDD 2010,
Ouranos, outils d’UKCIP, etc.) pour permettre d’intégrer la question de l’incertitude dans la politique
d’adaptation des décideurs locaux. Ceux-ci incluent notamment :
- La construction de scénarios climatiques puis de scénarios d’impacts ;
- Le recours à des analyses de la sensibilité lors de l’évaluation d’une politique ou d’un projet
d’adaptation ;
- Une approche par probabilités et espérances mathématiques ;
- L’emploi de différents critères de décisions tels que les critères du maximin ou du maximax,
ou le choix de solutions flexibles ou sans-regrets...
- La préférence pour certaines méthodes d’analyses, notamment les alternatives (cf section
précédente)
Les effets redistributifs
Lorsque l’évaluation de projets est effectuée du point de vue du secteur public, l’équité distributive
peut être un des facteurs du critère de bien-être social de nature à influencer le choix de
l’intervention publique. Pour ce faire, deux méthodes peuvent être utilisées.
La première consiste à intégrer un critère d’équité au calcul des coûts et bénéfices. Des coefficients
de pondération sont alors attribués aux coûts et aux revenus (les « euros comptables ») afin de
refléter les préférences de la société pour les critères d’équité. Ces coefficients de pondération
reflètent les variations de l’utilité marginale d’un revenu supplémentaire en fonction de différentes
catégories économiques d’individus (une variation d’un dollars n’a pas la même signification pour les
individus à revenu faible que pour ceux à revenu élevé). Un exemple de pondération en unité
comptable peut être de considérer que 1€ comptable correspond à 1€ pour le groupe à faible revenu
et que 0,5€ comptable est égal à 1€ pour le groupe au revenu élevé. Les différentes valeurs de
l’analyse coûts-avantages sont alors corrigées pour tenir compte de ce facteur de pondération selon
les revenus des différents groupes.
La seconde méthode permettant d’intégrer des effets redistributifs à une méthode d’analyse
économique est l’étude ex post des impacts, qui se fait en tenant compte de la distribution des coûts
et bénéfices entre les acteurs. A partir de la réalisation d’une étude séparée sur la distribution des
revenus qui résultent du projet, un indicateur d’inégalité sociale (par exemple un index Gini) est
établit. Il s’agit ensuite d’évaluer si le projet provoque une amélioration ou une détérioration de la
situation en termes d’équité. Le résultat de cette analyse ex-post peut ensuite être incorporé à une
analyse multicritère, dont il constituera l’un des indicateurs.
Du fait des spécificités qu’implique la construction d’une analyse économique dans le cadre du
changement climatique, mais aussi de la grande variété d’impacts, de solutions et de projets que
suppose l’adaptation au changement climatique, il n’existe pas une unique méthode de prise de
décision absolue. La CCNUCC20 propose ainsi aux acteurs de choisir la méthode qui correspond le
plus à leurs contraintes. Celles-ci peuvent-être les buts recherchés dans leur analyse. Si il s’agit alors
20
CCNUCC, Report on the technical workshop on costs and benefits of adaptation options, 2010
30
de remplir un objectif défini de la manière la plus coût-efficace possible, et non de maximiser
l’ensemble des bénéfices du projet, l’analyse coûts-efficacité est plus adaptée que l’analyse coûts-
bénéfices. Les différentes méthodes d’analyse ont des exigences différentes en matière de données,
de temps et de compétences techniques ou cognitives des analystes qui se traduisent dans le coût de
l’évaluation elle-même, et que tous les projets ne peuvent pas nécessairement supporter. Ainsi, une
analyse coûts-bénéfices ou une analyse multicritère tendent à avoir des coûts très élevés de par leur
caractère chronophage, ainsi que la grande quantité d’informations qu’elles requièrent. Les rapports
de la Convention des Nations Unies sur le Changement Climatique ne déclarent ainsi pas la
supériorité en toutes conditions d’une méthode de prise de décision par rapport aux autres (quand
bien même elle affirme sa préférence pour l’AMC qui permet de mieux prendre en compte
l’ensemble des impacts du changement climatique, mais demande des moyens considérables).
L’importance des méthodes d’aide à la décision dans le processus d’adaptation
Figure 10 – L’adaptation au changement climatique comme un processus itératif de gestion des risques à rétroactions
multiples. Source : GIEC, Groupe de Travail 2, 2014.
Le GIEC porte une attention particulière aux méthodes d’analyses coûts-bénéfices et multicritères,
détaillant leurs vertus dans l’évaluation de mesures d’adaptation, et d’autre part, il identifie un
ensemble d’aspects spécifiques à la gestion des risques liés au changement climatique qu’il est
nécessaire d’intégrer à cette analyse. Pour ce faire, le GIEC met en avant les processus itératifs de
gestions de risques, ainsi que représenté dans la figure 9. L’intérêt de ces procédés est de pouvoir
intégrer le plus grand nombre possible de situations et de risques dans le processus de prise de
décision, et de l’adapter en conséquence des résultats de chaque étape. Les rétroactions entre les
différents aspects du processus que sont le cadrage de l’analyse, l’évaluation en elle-même et
l’implémentation des mesures sont cruciales à la prise de décision car elles permettent la constante
actualisation du projet en fonction des derniers éléments d’informations disponibles – ce qui est
crucial dans le cadre d’une prise de décision en situation d’incertitude. L’attention particulière
apportée aux rétroactions entre les différents aspects du processus de décision sur le résultat final
d’un projet s’inscrit ainsi dans le besoin de limiter au maximum les risques liés à l’exposition et la
vulnérabilité aux impacts du changement climatique, et d’autre part aux risques de maladaptation
31
(et donc d’amplification de l’exposition à ces impacts) à l’issue de la mise en place du projet
d’adaptation. Cet aspect constitue le cœur de l’analyse du GIEC sur la prise de décision pour
l’adaptation (GIEC, Volume 2, Chapitre 2, Section 2.1.2).
4. Détermination d’une méthodologie d’évaluation de l’adaptation, et
principe d’application pour les scénarios adaptés et non-adapté pour la
ZAC Tolbiac
Compte-tenu de la multiplicité des analyses et méthodes, il est essentiel de définir la méthodologie
employée pour l’évaluation des coûts de l’adaptation et de la non-adaptation dans le cadre du projet
Adaptatio.
4.1 Description de la méthodologie employée pour le calcul des
coûts pour le projet ADAPTATIO
Description
Le projet ADAPTATIO vise à comparer différentes options d’adaptation à l’échelle d’un quartier,
d’une zone d’aménagement urbain ou d’un bâtiment, pour minimiser les coûts que représentent
l’augmentation des températures, et ses impacts en matière de vagues de chaleurs et d’îlots de
chaleur urbains au niveau de la consommation d’eau et d’énergie. Au vu de l’objectif du projet
ADAPTATIO, la méthode retenue correspond à une analyse coût-efficacité ayant pour objectif de
minimiser le coût total pour un objectif donné de niveau d’adaptation (ou de plusieurs) : il s’agit donc
d’effectuer la comparaison de différentes options d’adaptation permettant d’atteindre le même
niveau d’adaptation en fonction des coûts supportés. Cependant, plutôt que d’effectuer cette
comparaison sur la base de valeurs actualisées des différentes options d’adaptation du projet, la
méthode que nous avons employée consiste à désagréger les différents coûts des options
d’adaptation considérées et à les présenter sous la forme d’une typologie : les coûts
d’investissement, les coûts de maintenance et les coûts d’exploitation (hors coûts de recyclage et de
fin de vie que nous ne considérons pas).
Justification de la typologie des coûts
Les coûts payés pour un équipement – par exemple de chauffage – varient en effet, en fonction des
années, des investissements réalisés, de l’entretien nécessaire et de l’utilisation qui en est faite (cf.
Figure 10). Or, les coûts de maintenance et d’exploitation tendent à voir leur importance sous-
estimées (ou mal prise en compte) au cours d’une prise de décision économique car, intervenants
dans un futur plus ou moins éloigné, ils sont actualisés dans l’ensemble des outils d’analyse
économique. Pour notre analyse, plutôt que d’étudier le « surcoût théorique » de chaque solution
d’adaptation par rapport au cas de base, nous décomposerons les coûts pour étudier
indépendamment les différents coûts d’investissement et les différents « surcoûts annuels ». Ce
choix se justifie par notre volonté de ne pas accorder une place trop importante au taux
d’actualisation retenu, mais au contraire d’apporter tous les éléments utiles à la prise de décision aux
acteurs, en détaillant tous les éléments. Cette méthode est d’ailleurs celle retenue par Climespace et
CPCU lors de leurs discussions avec les acteurs locaux et a été également soutenue lors de nos
ateliers de travail avec les acteurs de l’aménagement.
32
Figure 11 - Schémas des dépenses dans le scénario de base et le scénario « adapté. » Source : CSTB-CDC Climat
Justification de l’ACE
Reprenons ici la justification du choix de la méthode ACE : d’une part, l’objectif de l’analyse est
d’évaluer les conséquences en matière de coûts de différentes solutions d’adaptation par rapport à
un seul et même impact du changement climatique qui est l’augmentation de la température à 2050.
Cette focalisation sur un impact unique donne un objectif d’efficacité particulièrement intéressant
pour une analyse coût-efficacité. Cette approche est d’ailleurs recommandée dans le rapport PROVIA
du PNUE lorsque l’analyse porte sur un même secteur d’activité (ici le bâtiment), et se ramène à un
critère unique et quantifiable (ici la température). Il en va de même pour l’évaluation des
consommations d’eau dans les espaces verts où l’on a également une unicité du critère (la quantité
d’eau consommée) et du secteur d’activité.
D’autre part, le choix de l’analyse coût-efficacité dans ADAPTATIO est un choix pertinent et
pragmatique du fait de la disponibilité des données : les analyses coûts-bénéfices ou multicritères
requièrent en effet une très grande quantité de données (notamment toutes les données
annualisées, ou au minimum des approximations, et des évaluations des externalités), ce qui n’était
pas possible dans le cadre du projet, ni dans les projets réels d’aménagement. Cet ajustement nous
place en accord avec les recommandations de la CCNUCC d’accorder les moyens et les objectifs d’un
projet d’adaptation avec la méthode d’analyse économique qui y répond au mieux.
Définition des situations non adaptée et adapté
L’analyse se structure donc autour d’une part d’un scénario de référence non-adapté, et d’autre part
autour de l’étude de différentes options d’adaptation et de leurs effets sur les consommations d’eau
et d’énergie par rapport à la situation non adaptée, en 2050. Le choix de cette date correspond à la
fois aux contraintes techniques de modélisation (rendant impossible la modélisation par année ou
par décennie) et la volonté de rester dans une échelle de temps appréhendable par les acteurs du
territoire.
33
Pour le projet ADAPTATIO, il est ainsi fondamental de ne pas minimiser l’impact des coûts de
fonctionnement ou d’entretien pour la ZAC Tolbiac Chevaleret. Ces coûts, qui se rapportent
notamment aux consommations en eau et en énergie, corresponde en particulier à la comparaison
d’un scénario de référence non-adapté (défini plus bas) et de différents scénarios d’adaptation. De ce
fait, la méthodologie du projet ADAPTATIO fait le choix de comparer séparément les coûts annuels
en 2050 et les coûts d’investissement des différentes options étudiées.
La situation non adaptée correspond ainsi aux caractéristiques suivantes :
Sur le bâti :
• 2012 : Construction initiale avec la référence règlementaire
• 2050 : situation non adaptée, avec un inconfort thermique très grand, géré par l’apport de climatiseurs autonomes non optimisés
• Sur l’eau et l’énergie : o Pas de consommation d’eau o Des consommations d’énergie importante du à l’emploi de climatiseurs non
optimisé, pour garder la température de 19 °C (bureaux) et 20°C (logements) en hiver et 26°C en été
Méthodologie :
• Estimation des coûts totaux liés aux factures d’énergie en 2050, selon 3 scénarios de prix,
• Coûts d’investissement liés à la mise en place des climatiseurs autonomes, supportés par les occupants
En situation adaptée, la situation est :
Sur le bâti :
• 2012 : Construction initiale avec une solution d’adaptation
• 2050 : situation supposée adaptée, avec l’utilisation de la solution étudiée
• Sur l’eau et l’énergie : o Des consommations d’eau pour l’espace public, qui apporte un confort thermique
externe o Des consommations d’énergie pour garder la température de 19°C (bureaux) et 20°C
(logements) en hiver et 26°C en été Méthodologie :
• Estimation des coûts liés à la consommation d’énergie en 2050, selon 3 scénarios de prix,
• Estimation des coûts liés à la consommation d’eau en 2050, selon 3 scénarios de prix,
• Coûts d’investissement et de maintenance de la solution étudiée
• Le cas échéant, utilisation d’éléments qualitatifs sur les agents qui supportent le coût
considéré
Tableau 3 – Définition d’une situation adaptée ou non-adaptée. Source : CDC Climat.
Non adapté Adapté
Description du scénario
Scénario standard, avec construction initiale Prix de l’énergie : un scénario à prix bas, un à prix élevé, un médian
Scénario adapté Grace à une conception initiale adaptée Prix de l’eau et énergie : un scénario à prix bas, un à prix élevé, un médian
Solutions possibles Non envisagées Solutions techniques mises en place à la construction
Température T° régulée via des chauffages ou T° intérieure modérée en été et en hiver,
34
climatiseurs individuels non optimisée grâce à des solutions techniques,
Consommation d’énergie et d’eau
Consommation d’énergie due à la climatisation autonome non optimisée
Consommation d’énergie pour chaque solution d’adaptation, et consommation d’eau pour chaque solution liée à l’espace public
Méthodologie de l’évaluation
- Factures d’énergie dans le scénario non adapté
- Coûts d’investissement liés à la mise en place des climatiseurs autonomes, supportés par les occupants
- factures d’eau et d’énergie pour chaque solution d’adaptation étudiée
- coûts d’investissement initial et de maintenance annuels
- éléments qualitatifs sur la répartition des coûts entre acteurs : qui paie l’investissement, qui paie la maintenance ?
Hypothèses
Afin d’intégrer les spécificités que suppose la réalisation d’une étude dans un contexte de
changement climatique, nous faisons les hypothèses suivantes quant au cadre de la méthodologie du
projet ADAPTATIO :
• Arrêt de l’analyse en 2050 : alors que l’étude des consommations en énergie et en eau se fait à
un horizon 2100, l’étude des coûts de ces consommations dans les différents cas adaptés et du
cas non-adapté s’arrête à 2050. La raison de ce choix d’une perspective plus courte pour traiter
des conséquences économique de la régulation des consommations dans la ZAC Tolbiac provient
principalement de la difficulté de réaliser une modélisation fiable des coûts de l’énergie ou de
l’eau à un horizon aussi éloigné. En effet, les progrès technologiques pouvant intervenir sur
l’échelle d’un siècle sont colossaux, de même pour les changements sociologiques ou
économiques au niveau d’un territoire, avec des répercussions sur les équilibres des marchés (de
l’énergie par exemple) ou le niveau des prix règlementés (tels que celui de l’eau). Ces
incertitudes considérables ne permettent donc pas de se fier à des projections de prix à des
horizons aussi éloignés, fussent-elle le résultat de modèles macroéconomiques élaborés.
• Pas de réflexion agrégée avec un taux d’actualisation nécessairement très discutable : à la
lumière de l’ensemble des débats dans la communauté scientifique au niveau du choix d’un taux
d’actualisation qui reflète effectivement la préférence sociale pour le présent dans le contexte du
changement climatique (Stern, 2006 ; Nordhaus, 2007; GIEC, 2014), il apparait difficile de faire le
choix d’un taux d’actualisation qui ne se traduise pas par une préférence disproportionnée pour
le présent par rapport au futur.
• Le projet étudie un panel de solution d’adaptation. Afin de tester leur robustesse, les
modélisations de leurs effets sur les consommations ont été réalisées à travers trois climats : le
climat actuel, le climat en 2050 selon un scénario de réchauffement fort, et le climat en 2050
selon un scénario de réchauffement modéré (scénarios issus des scénarios SRES du 4eme
Rapport d’Evaluation du GIEC). En outre, les coûts liés à chaque solution d’adaptation seront
étudiés selon trois scénarios de projections de prix pour les différentes sources d’énergie
(notamment gaz naturel et électricité), et l’eau non-potable (destinée à l’arrosage des espaces
verts).
• Nous ne considérons pas les coûts en termes de répartition entre les différents acteurs, tels que
le propriétaire, le locataire, le bailleur, etc. Cette hypothèse est notamment le résultat d’une
35
difficulté d’affectation des coûts entre les différentes catégories d’acteurs. En outre, cela
supposerait d’ajouter un niveau de complexité plus important à notre étude.
• De même, nous ne prenons pas en compte l’effet rebond lors de l’étude des coûts que
représentent le changement climatique et les différentes options d’adaptation en matière de
consommation d’eau ou d’énergie. En effet, bien que l’effet rebond puisse avoir des
conséquences importantes sur le volume des consommations liées au fonctionnement, et qu’il
est un sujet au centre de l’attention de la recherche, la quantification de ce phénomène est
extrêmement complexe (il n’y a pas d’accord sur l’ampleur de son effet, que cela soit au niveau
macroéconomique ou à celui des individus). Ainsi, l’étude de l’effet rebond ne constituant pas un
objectif primordial d’ADAPTATIO, nous avons fait le choix de ne pas l’intégrer à la méthodologie
de notre analyse économique. Avec l’effet rebond, nous laissons également de côté l’étude
d’éventuelles solutions d’adaptation comportementales telles que par exemple une modification
des rythmes de vie à l’échelle de la société pour éviter la prise de risques en situations de fortes
chaleurs (cf. ADAPTATIO 1.2) et même la modification des températures de consignes ou
l’accoutumation des habitants aux fortes chaleurs.
• Si l’absence d’adaptation aux vagues de chaleur causées par le changement climatique pourrait
se traduire en théorie sous forme d’inconfort thermique, voire de décès, il est en pratique
difficile d’imaginer à terme – et donc avec la multiplication des évènements de chaleurs intenses
que prévoit le GIEC – qu’une forme d’adaptation spontanée n’aie pas lieu. Nous faisons ainsi
l’hypothèse que notre situation non-adaptée corresponde à l’achat de climatiseurs personnels
(ce qui est une situation de maladaptation (cf. ADAPTATIO 1.2)).
• Le coût de l’installation d’options d’adaptations telles que des pompes à chaleur ou des couches
d’isolation plus importantes n’est pas considéré comme le coût d’une rénovation du bâtiment
mais comme un surcoût lors de la construction du bâtiment, par rapport à la situation de
référence. Nous ne prenons pas ainsi en compte l’éventualité d’une modification de la
technologie choisie à postériori, ni les coûts de pareille opération. Nous considérons néanmoins
la durée de vie de la solution envisagée et son remplacement si celui-ci intervient avant 2050.
Nous supposons par simplicité que le montant de son remplacement est constant (hors inflation)
au fil du temps.
• La variation de la consommation entre la situation non-adapté, et les différentes situations
adaptées se fonde sur le respect d’une part des températures de consigne à l’intérieur d’un
bâtiment (19°C pour le chauffage des bureaux et 20°C pour celui des logements et 26°C pour la
climatisation) pour l’évaluation des variations dans la consommation d’énergie, et sur l’arrosage
des espaces verts au niveau de la consommation des plantes (mesurée par évapotranspiration)
d’autre part. Nous faisons l’hypothèse que ces températures de consigne restent stables sur la
durée de l’évaluation.
• En outre, pour des raisons de contrainte au niveau de la modélisation, nous ne prenons pas en
compte de différences tarifaires entre l’hiver et l’été, mais évaluons des besoins de
consommation à l’échelle annuelle, ce qui peut avoir pour effet d’atténuer les conséquences du
changement climatique sur les consommations d’énergie ou d’eau (par exemple dans la situation
où les hivers s’adoucissent, réduisant les besoins en chauffage, mais les été se réchauffent,
augmentant d’autant les besoins en climatisation).
Pour résumer, l’analyse coût-efficacité que nous réalisons pour effectuer l’évaluation des différentes
options d’adaptation considérées dans le projet ADAPTATIO est une analyse qualitative des coûts liés
36
aux consommations d’eau et d’énergie pour différentes solutions d’adaptations à l’échelle de la ZAC
Tolbiac en 2050. Ces coûts (non-actualisés) sont ensuite présentés sous la forme d’une typologie
entre coûts d’investissements, coûts de maintenance et coûts de fonctionnement (cf. Figure. 11,
Tableau 4) de manière à bien identifier l’impact du changement climatique sur les consommations.
Cette analyse coût-efficacité est réalisée à partir de la comparaison de différentes options
d’adaptation visant à minimiser les coûts des hausses de températures en matière de dépenses en
énergie ou en eau par rapport à une situation de référence « non-adaptée » représentée par la
situation actuelle de la ZAC Tolbiac à laquelle serait adjointe des climatiseurs individuels pour faire
face aux fortes chaleurs (cf. Tableau 3). L’analyse s’inscrit ainsi dans une grille qui comprend le coût
de la mise en œuvre d’une option d’adaptation (ex. coût ou surcoût d’investissement), le coût
d’entretien annuel que suppose la technologie considérée ainsi que sa durée de vie. S’y ajoutent
l’évaluation des potentielles économies réalisées à l’échelle d’une année. En outre, la méthodologie
du projet (cf tableau infra) est adaptée pour intégrer certains détails techniques liés aux différentes
options ainsi que des enjeux liés à leur acceptabilité sociale à travers un traitement qualitatif de ces
options d’adaptation (et non d’une étude quantitative de résultats). Cependant compte tenu de la
grande demande de données même qualitatives pour remplir un tel tableau, et le calendrier même
du projet, nous n’avons pas pu le remplir.
Tableau 4 – Typologie de présentation des coûts étudiés pour le projet ADAPTATIO (source : CDC Climat)
4.2 Méthodologie du calcul des coûts à partir des projections
de prix de l’énergie et de l’eau (rappel de la méthode et
résultats)
Pour cette section, se rapporter aux Annexes 1 et 2 pour des informations plus détaillées sur la
méthode.
La réalisation d’une analyse coût-efficacité portant sur l’évaluation des effets de différentes options
d’adaptation au changement climatique sur les coûts liés aux consommations en eau et en énergie
en 2050 impose de s’interroger sur les prix de ces deux éléments dans le long terme. Pour les besoins
de l’analyse, nous avons ainsi développé trois projections de prix de l’énergie et de l’eau à 2050, pour
obtenir un ordre de grandeur sur les prix possibles, et favoriser le dialogue avec les acteurs, dans une
visée pédagogique et pragmatique. Le recours à trois scénarios pour les prix de l’eau et de l’énergie
est aussi le résultat de l’incertitude considérable qui entoure l’évolution du prix de ces commodités à
un horizon aussi éloigné. D’une part l’eau pose des difficultés de par le fait que son prix soit
règlementé, ce qui ne permet pas prévoir des évolutions liées à celles du marché. D’autre part,
l’énergie couvre en fait un certain nombre de prix (notamment fioul, gaz et électricité) dont les prix
sont le résultat de mécanismes différents et évoluent du fait de facteurs différents également.
Solution Coût
d’investissement
Durée de vie Bénéfices annuels (économies
réalisées – coûts de
maintenance)
Autre élément (Contraintes
techniques…)
Non adaptée A B C
D E
37
L’objet de cette section est ainsi de présenter sommairement la méthode que nous avons employée
pour effectuer ces projections.
Prix de l’eau :
L’eau est par définition un produit dont le prix est règlementé, notamment afin de prévenir des
usages excessifs de la ressource qui, si elle est abondante, n’est pas inépuisable et peut se dégrader
rapidement. Cependant ce prix vise également à recouvrir un certain nombre de coûts qui portent
sur l’acteur chargé de la distribution de l’eau. Ceux-ci concernent notamment des éléments tels que
l’extraction de l’eau des nappes phréatiques, le traitement des eaux de surface pour les amener à
des standards de consommation, la construction et l’entretien du réseau de distribution ainsi que
l’évacuation et le traitement des eaux usées. Dans le cadre d’ADAPTATIO, nous concentrons notre
attention sur le prix de l’eau non-potable, principalement utilisée pour l’arrosage des espaces verts
de la ZAC. Sa composition diffère de celui du prix de l’eau potable en ce qu’il n’y a pas de phase de
traitement de la ressource, ni d’assainissement (car l’eau utilisée pour l’arrosage des espaces verts
est intégralement absorbée par les sols).
Ainsi, les éléments qui gouvernent le prix de l’eau non-potable sont :
- La fourniture de l’eau non-potable, c’est-à-dire l’extraction de la ressource (ou la collecte) et
l’acheminement jusqu’au point de consommation ;
- Le raccordement au réseau de distribution, symbolisé par le prix de la location du compteur
et de son entretien ;
- La part des taxes, qui correspondent notamment à la TVA et à des taxes de préservation de la
ressource en eau ou de l’entretien des voies navigables.
Le prix de l’eau non-potable dépend donc presque entièrement du prix de l’entretien du réseau de
distribution, et du niveau d’investissement supplémentaire pour augmenter la capacité de
production (puits, pompes sur des plans d’eau, etc.) ou de distribution (augmentation de la
dimension des canalisations ou ajout de nouveaux tuyaux) d’eau non-potable. Les scénarios de
prospective pour le prix de l’eau non potable ont été réalisés grâce à des entretiens avec Eau de paris
pour retenir des hypothèses les plus plausibles possibles (compte tenue de l’incertitude à ces
échelles de temps) quant à l’augmentation annuelle du prix de l’eau, après analyse des composantes
du prix : fourniture, préservation des ressources en eau, taxes et contribution à VNF.
De ce fait, nous faisons pour les scénarios d’évolution du prix de l’eau non-potable les hypothèses
suivantes :
- Scénario bas : les prix de l’eau non-potable augmentent au rythme de l’inflation, et restent
donc stables en euros constants ;
- Scénario médian : les prix de l’eau non-potable augmentent de 2,5% par an hors inflation ;
- Scénario haut : les prix de l’eau non-potable augmentent à un rythme annuel de 5% par an
hors inflation sous l’effet de l’investissement dans le réseau de distribution.
Nous nous basons alors sur les prix suivant pour l’eau non-potable à l’horizon 2050 de :
Tableau 5 – Prix de l’eau non-potable en 2050 selon trois scénarios de croissance (bas, médian et haut), en euros
constants par mètre cube
38
Prix en 2050 En € 2014 constants par mètre cube
Scénario Scénario 1
(+0%/an)
Scénario 2
(+2,5%/an)
Scénario 3
(+5%/an)
Part de la
fourniture d’eau
0,569 1,528 4,006
Part de la
préservation des
ressources en eau
0,018 0,047 0,123
Contribution VNF 0,004 0,011 0,030
TOTAL 0,591 1,586 4,159
Prix de l’énergie (cf Annexe 2)
Pour le prix des énergies, et au vu de la difficulté évidente d’établir des prévisions de prix de l’énergie
à si longue échéance et des travaux de référence déjà existants sur des scénarios de prix du
combustible, nous avons cherché à appréhender ces possibilités d’évolution du prix, en donnant un
ordre de grandeur des prix au consommateur final pour le fioul domestique, le gaz naturel et
l’électricité dans trois scénarios de prix (prix hauts, médians, bas).
La réalisation de projections du prix des différentes sources d’énergie à 2050 a été notamment
permise par l’utilisation des scénarios énergétiques produits par la Commission Européenne dans le
cadre de l’Energy Roadmap 2050, document de référence sur l’orientation des politiques climatiques
à l’échelle européenne. La Commission fournit en effet des projections de prix de l’énergie à un
horizon aussi éloigné, et ce grâce à l’utilisation notamment du modèle macroéconomique PRIMES.
Ces projections sont fournies pour les différentes sources d’énergie fossile à l’importation que sont le
gaz naturel, le pétrole et le charbon, mais aussi pour l’électricité. Cependant, malgré l’intérêt
considérable que représentent ces modélisations, elles ne présentent que des résultats sous forme
de prix d’énergie à l’importation pour les énergies fossiles, et de prix moyens à l’échelle Européenne
pour l’électricité et non sous forme de prix de l’énergie au consommateur domestique français.
Or, la nuance est primordiale. En effet, malgré son caractère très intégré, le marché européen des
différentes formes d’énergie –à fortiori pour l’électricité – n’est pas un marché unique (caractérisé
par une importante liquidité de l’offre et de la demande à l’échelle de l’UE ainsi qu’un prix unique
pour chaque source d’énergie), mais correspond plutôt à un agrégat de plusieurs marchés nationaux
ayant chacun leurs propres caractéristiques. Celles-ci dépendent notamment de la composition du
mix énergétique de chaque pays : la France par exemple, du fait d’une part importante de l’énergie
nucléaire dans la production d’électricité, bénéficie de tarifs inférieurs à ceux de la moyenne
européenne pour cette forme d’énergie.
En outre, une différence nette existe entre d’une part, le prix de l’énergie fossile à l’importation telle
que donnée la Commission, et le prix payé par le consommateur (par exemple pour se chauffer), part
qui inclue la transformation du produit, sa livraison au consommateur, ainsi qu’un certain
pourcentage de taxes prélevées par le gouvernement. D’autre part, le prix « moyen » de l’électricité
présenté dans l’Energy Roadmap 2050 de la Commission Européenne est lui aussi éloigné du prix
payé effectivement par le consommateur particulier, car il n’intègre pas – outre les différences
nationales de mix énergétique – la part conséquente de taxes qu’il doit payer.
39
Pour prendre en compte ces différences entre l’information disponible et celle nécessaire, une
transformation linéaire a été réalisée entre l’historique des prix européens donnés par la Commission
Européenne dans l’Energy Roadmap 2050, et l’historique des prix à la consommation française tels
que délivrés par la base de donnée statistiques du Ministère de l’Environnement. Nous appliquons
ensuite cette transformation à trois scénarios de prix différents pour chaque source d’énergie (en
règle générale nous avons ainsi une situation de forte augmentation des prix, une situation médiane
et une situation d’augmentation modérée des prix) en supposant que toutes choses sont égales par
ailleurs. C’est-à-dire que nous n’incluons pas de potentiels découplages des prix de l’énergie entre
l’Union Européenne et la France, hypothèse que nous faisons notamment à la lumière des différents
scénarios énergétiques que nous avons pu étudier dans la préparation du projet ADAPTATIO (AIE,
DGEC,…) (cf Annexe). Nous ajoutons également à ces projections de prix, pour le gaz naturel et le
fioul domestique, une composante de prix du carbone tel que modélisé par la Commission
Européenne pour ses scénarios énergétiques de « référence » et de « décarbonisation ».
Les résultats en termes de prix au consommateur particulier que nous obtenons sont ainsi résumés
dans le tableau 4.
Tableau 6 : Prix au consommateur particulier des différentes sources d’énergies évaluées pour le projet ADAPTATIO d’ici à
2050. Source : CDC Climat.
(€'12/100kWh) 2010 2020 2030 2040 2050
Fioul Prix Hauts 8,3 12,4 14,4 15,5 21,2
Référence 8,3 8,9 10,8 12,0 12,7
Prix Bas 8,3 7,9 8,8 8,6 8,3
Gaz Prix Hauts 6,4 8,8 10,3 11,9 16,6
Référence 6,4 7,3 8,6 9,5 10,2
Prix Bas 6,4 5,8 6,3 6,2 6,5
Electricité
Politiques actuelles 12,6 16,0 16,1
Forte efficacité
énergétique
12,6 15,9 15,2
Fortes énergies
renouvellables
12,6 16,7 19,7
Prix tertiaire
La présence sur la ZAC Tolbiac Chevaleret d’une quantité importante d’espaces destinés au secteur
tertiaire nous conduit à également réaliser une projection des prix de l’électricité – la principale
forme d’énergie utilisée par le secteur tertiaire pour ses besoins de chauffage ou de climatisation – à
2050. Dans un contexte de libéralisation du marché de l’électricité français, qui s’opère plus
rapidement pour les consommateurs du secteur tertiaire que pour le secteur domestique, nous
faisons l’hypothèse d’un rattrapage du prix du consommateur domestique par le prix du
consommateur tertiaire qui se traduit par une réduction de l’écart entre les deux prix de l’ordre de
50%, c’est-à-dire des prix de l’électricité pour le secteur tertiaire 13% inférieurs à ceux des
consommateurs domestiques à l’horizon 2050.
Tableau 7 : Prix du MWh d’électricité aux consommateurs du secteur tertiaire à l’horizon 2050 en euros constants
(€’2012 par MWh constants) 2010 2030 2050
40
Politiques actuelles 11,0 13,9 14,0
Forte efficacité énergétique 11,0 13,8 13,2
Fortes énergies
renouvelables
11,0 14,6 17,2
4.3 Présentation des résultats dans la comparaison des
scénarios
La présentation et la comparaison des résultats se fait dans la toolbox. L'onglet "coûts" (comprendre
coût énergétique et coût économique) permet de visualiser l'impact en coût global et en KWhep de
la solution envisagée. A partir de la courbe des besoins sélectionnée, il permet de choisir un système
de production et une source d'énergie afin de calculer le coût énergétique et économique de la
solution (cf. partie 3.3). Les résultats sont affichés en valeur annuelle sous climat actuel ou à horizon
2050 (selon scénario A1B ou A2). L’onglet « coût » permet également de tester simultanément deux
solutions : par exemple une solution de référence et une solution test que l’on cherche à optimiser.
Les coûts énergétiques et économiques sont calculés dans la toolbox à partir des résultats du calcul
des besoins issus de Climelioth et d’hypothèses d’évolutions des coûts de l’énergie réalisées à
horizon 2050. Le principe de la méthode de calcul et de ses hypothèses simplificatrices sont détaillés
ci-après :
- Les coûts énergétiques sont calculés à partir des profils de besoins en chaud et en froid
enregistrés dans la Toolbox (profils visualisables dans l’onglet « besoins » de la Toolbox)
affectés de coéficients de performance : un premier coefficient de performance
« système » de production de chaud et de froid selon le système sélectionnée par
l’utilisateur, puis un second coéficient « source » selon le type d’énergie mise en jeu. Pour
nos tests, plusieurs hypothèses simplificatives ont été adoptées :
o Pour chaque système envisagé, le coefficient de performance énergétique
permettant de passer de l’énergie utile (Eu) à l’énergie finale (Ef), (énergie facturée
au compteur) est défini comme constant, selon retour d’expérience (REX EGIS
Bâtiment) et de manière simplifiée comme la valeur nominale usuellement
rencontrée sur les opérations de grande ampleur mise en œuvre actuellement.
o La valeur de consommation en énergie primaire (Ep) est alors affichée dans la
toolbox en affectant un second coefficient égale à 2,58 pour l’énergie électrique
(selon valeur actuellement appliquée pour le mix énergétique français) et égale à 1
pour les autres sources. Ces valeurs sont prises identiques par défaut pour les
projections à 2050, faute de vision claire sur l’évolution des mix énergétiques
français à de telles échéances.
o Pour le calcul des consommations, les auxiliaires21 de production de chaud et de froid
ont été volontairement exclus car difficilement quantifiable par une approche
systématique au ratio.
21
Consommation des pompes de circulation, vannes et ventilateurs des systèmes de production de chaud ou de froid.
41
o Pour les solutions de production d’appoint en chaud et en froid (nécessitant un mix
de plusieurs système complémentaires) nous avons choisi un taux de couverture par
défaut de 30% comme valeur optimale couramment observée pour des opérations
de grande ampleur.
- Les coûts économiques sont calculés dans la toolbox en coût global annuel comme la somme
des postes suivant :
o Coût de consommation énergétique annuelle en exploitation : Il est calculé
automatiquement par multiplication des résulats du calcul de consommation en Ef
de chaque système sélectionné, par le coût de l’énergie correspondante, selon les
scénarios d’augmentation du coût de l’énergie présentés en partie 2.3.
o Coût annuel d’entretien maintenance : il est défini pour chaque système comme une
valeur annuelle fixe selon le retour d’expérience en exploitation d’opérations types
de constructions neuves de 10 000m² (sources EGIS Conseil exploitation).
o Coût de fourniture, installation et renouvellement des systèmes de productions : Il
est calculé à l’aide de ratios pour chaque système selon le retour d’expérience en
conception d’opération type de constructions neuves sur une base de 10 000m²
(sources EGIS Bâtiment). Y est intégré le taux de renouvellement des systèmes de
production et de distribution sur la base des technologies et des pratiques actuelles
en exploitation (sources EGIS Conseil exploitation).
Ainsi, la toolbox permet de comparer deux à deux des situations faisant des choix à la fois sur :
- La climatisation et la ventilation naturelle
- Les systèmes de production (chaud/froid)
Les premières simulations indiquent qu’aucune solution ne permet a priori d’obtenir durant
toute la durée de vie du projet une minimisation de tous les coûts. Il est ainsi nécessaire de faire
des arbitrages entre la temporalité/le montant des coûts à supporter (abstraction faite de
l’entité qui supporte ces coûts, et des autres considérations comme l’acceptabilité sociale ou
politique).
Par ailleurs, des solutions privilégiant des actions sur l’enveloppe des bâtiments, sur les
équipements et sur l’environnement immédiat des bâtiments concernés ont été testées.
L’objectif n’est pas de désigner la solution optimale mais de mettre en évidence l’influence de
différents paramètres techniques, architecturaux ou urbains sur plusieurs indicateurs (énergie,
coût et parfois eau).
5. Conclusion
Ainsi, trois types d’approches économiques ont été menés pour le projet ADAPTATIO :
42
- Une synthèse des principales méthodes d’analyses économiques et le choix d’une méthode,
en l’occurrence l’analyse coût-efficacité, pour analyser les résultats d’ADAPTATIO, qui a fait
l’objet de ce rapport
- La détermination de trois scénarios de prix de l’énergie et de l’eau non potable, pour estimer
les coûts liés aux factures énergétique et hydrique des solutions étudiées dans le cadre du
projet, dont les détails sont fournis dans l’annexe 2
- Une synthèse des principaux mécanismes permettant le financement de l’adaptation, sous la
forme d’une typologie des financements (cf annexe 3).
43
6. Annexes
44
Annexe 1 : Méthode de projection des prix de l’énergie au consommateur domestique et tertiaire
français à 2050 Détermination du prix de l’eau non potable
Annexe 2 : Identification et typologie des mécanismes de financements possibles des solutions
d’adaptation au changement climatique et éléments d’application au contexte d’un quartier urbain
Annexe 3 : Working paper « Quels mécanismes de financement pour les mesures d’adaptation aux
impacts du changement climatique dans les pays développés ? »
Annexe 4 : Détermination du prix de l’eau non potable
45
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