Paly No Logie Partie 1
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Techniques de Laboratoire :
la Palynologie
1ère partie Notes des cours de Emilie Gauthier et Hervé Richard
I. La reconstitution de l’environnement végétal
De quand datent les paysages qui nous sont familiers ?
Comment peut-on connaître, suivre, étudier l’histoire et l’évolution du couvert végétal ?
I.1. Les méthodes historiques
- Les sources écrites sont très rares avant la période médiévale, elles manquent de crédibilité
et d’exactitude sur le point précis de la végétation (exemple de la confusion entre sapin,
épicéa et pin dans la Vie des Pères du Jura…).
- La toponymie et la microtoponymie : beaucoup de toponymes sont médiévaux (cerneux,
chenevière…), d’autres sont impossibles à dater avec précision, d’autres enfin peuvent avoir
plusieurs interprétations (exp : les toponymes proches de bouleau (boulaie…) signifient-ils
qu’à cet endroit existait une forêt dominée par des bouleaux où qu’au milieu d’une prairie
subsistait un magnifique bouleau ?).
- Les structures archéologiques : cadastres anciens, traces d’habitats, de fossés, talus, haies,
murgers…
I.2. Les sciences naturelles
- La végétation potentielle (végétation devant existée à un endroit en fonction des contraintes
du milieu : sol, climat…)
- La dendrologie (étude des cernes de croissance des arbres)
- L’anthracologie et xylologie (étude des charbons de bois et des restes de bois)
- Les macro-restes végétaux et paléosemences
- La palynologie
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I.3. Rappel sur la notion d’écosystème
Il est important, pour comprendre ces disciplines paléoenvironnementales et les
renseignements qu’elles peuvent apporter, de percevoir toute la complexité du fonctionnent
les écosystèmes actuels.
I.3.a. Définition d’un écosystème à partir d’un exemple
Exemple : une chênaie de la vallée de l’Yonne.
Climat
Sol Biocénose (faune + flore)
Dans cette forêt se trouve un ensemble
d’êtres vivants (plantes et animaux) qui
constituent la biocénose (ensemble de la
faune et de la flore). L’évolution de cette
biocénose dépend des paramètres climatiques
(températures, précipitations, ensoleil-
lement…) et édaphiques (qualité et évolution
des sols) constituant l’environnement physique de cette biocénose. Un écosystème lie une
biocénose à son environnement physique : le tout fonctionne en équilibre.
I.3.b. Le milieu physique
- Le climat peut s’analyser à plusieurs échelles spatiales :
- le climat régional (exp : climat breton, climat de la plaine d’Alsace…)
- le climat local ou mésoclimat (appelé à tort microclimat) : climat d’une vallée, d’un
versant, d’une forêt
- le microclimat : les abords d’une source, le creux d’un rocher, etc.
Ces différentes échelles peuvent s’emboîter les unes dans les autres. Exp : la chênaie de
l’Yonne est soumise à des conditions climatiques précises : température moyenne annuelle,
températures moyennes du mois le plus froid et du mois le plus chaud, précipitations
annuelles, répartition de ces précipitations sur l’année, ensoleillement… au coeur de cette
chênaie existent des zones plus abritées, au pied d’une falaise par exemple, des sources, des
rochers… qui sont autant d’écosystèmes.
Ces paramètres climatiques globaux ou plus locaux sont déterminants sur la composition de la
flore et la faune. De nombreuses espèces sont très exigeantes en termes de précipitations, de
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températures, d’ensoleillement (exemple pour la végétation : le sapin (Abies alba) préfère les
zones recevant au moins 1000 mm. d’eau par an et descend donc difficilement en-dessous
d’une certaine altitude ; le noyer (Juglans regia) ne supporte pas les gelées de printemps ce
qui limite son développement en altitude ; le mélèze (Larix decidua) a besoin d’au moins
2600 h. de soleil par an… qu’il trouve le plus souvent au-dessus d’une certaine altitude en
montagne).
Le sol
Il faut distinguer le support géologique (roche-mère, bed-rock) du sol proprement dit. Les
formations géologiques constituant ce support sont classées en fonction de leur âge et de leurs
propriétés physico-chimiques. Ces propriétés ont une influence directe sur la flore. Certaines
plantes sont calcicoles (par exemple le charme, Carpinus betulus) parce qu’elles préfèrent les
sols calcaires, d’autres sont calcifuges (châtaignier, Castanea sativa ; digitale pourpre,
Digitalis purpurea) préférant les sols siliceux, plus acides.
Le sol évolue très lentement sous l’action du climat et de la végétation. On désigne par le
terme humus les couches contenant de la matière organique provenant de la décomposition
avancée des végétaux (notamment des feuilles). La décomposition plus ou moins rapide de
ces litières permet de distinguer trois types d’humus : mor (décomposition lente, sols noirs),
moder (intermédiaire), mull (décomposition très rapide).
I.3.c. Le milieu vivant
* phytocénose (ensemble des plantes)
La monospécificité recherchée aujourd’hui par les forestiers n’a jamais été une réalité (à
quelques rares exceptions) dans l’histoire des forêts.
Les essences forestières principales des forêts d’Europe de l’ouest sont :
- en plaine : les chênes (principalement pédonculé et sessile,rouvre) et le hêtre (le pin martime
dans les Landes) ;
- en moyenne montagne et montagne : l’épicéa, le sapin, le hêtre, le pin sylvestre, le mélèze ;
à ces essences principales s’associent des essences secondaires : charme, tilleuls, érables,
ormes, châtaignier, frênes, merisier, alisiers, sorbiers, aulne, saules (le pluriel ou le singulier
utilisé dans cette énumération est importante, il souligne si ces genres sont représentés par une
ou plusieurs espèces) ... En milieu méditerranéen se rencontrent des forêts de chêne
pubescent, chêne vert, chêne liège…, de pin d’Alep… et de très nombreux arbustes.
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A cette strate arborescente s’associent des lianes (clématite, lierre…), mais aussi du gui, des
lichens, des mousses…
Les arbustes principaux sont : le noisetier, le houx, la viorne, le cornouiller, buis, genévrier…
La strate inférieure des forêts est constituée d’une multitude de plantes herbacées, de
fougères, de ronces, mousses, champignons…
* La zoocénose (voir cours spécialisé pour les détails)
Grands mammifères (cerf, sanglier, chevreuil) ; petits mammifères (rongeurs : lièvre,
mulot… ; insectivores : hérisson, taupe… ; carnivores : renard, blaireau…) ; les oiseaux ; les
reptiles et batraciens ; les insectes…
I.3.d. Des échelles différentes
Un écosystème peut être considéré à des échelles très diverses. La forêt de chêne de l’Yonne
fait partie d’un écosystème plus vaste, celui des chênaies du Bassin parisien, qui fait lui-même
partie des forêts de feuillus d’Europe tempérée, qui à la limite extrême du raisonnement font
partie de la biosphère. Inversement, à l’intérieur de cette forêt, une vallée plus humide, un
plateau plus sec, une petite source, une vieille souche d’arbre constituent d’autres
écosystèmes.
Toute la difficulté, lorsque l’on veut reconstituer l’histoire de la végétation à partir de données
fossiles, est de savoir à quelle échelle se situent les données recueillies. L’interprétation de
comptages de charbons de bois ou de pollen est donc très complexe, et cela devient encore
plus difficile à interpréter à partir du moment où l’homme intervient sur la dynamique
naturelle du couvert végétal.
I.4. Agrosystème
I.4.a. Définition
Climat
Sol Biocénose (Faune + flore)
Agriculture
L’intervention de l’homme, et plus particulièrement l’arrivée de l’agriculture, rompt
l’équilibre des écosystèmes.
On passe d’un écosystème à
un agrosystème, mais ce
nouvel équilibre est difficile
à préserver. La grande
difficulté des premiers
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agriculteurs sera maintenir cet équilibre.
Les défrichements se font par le feu et le bétail, et jusqu’à l’âge du Fer il n’y a pas (ou peu)
d’engrais (naturels) pour compenser l’épuisement des sols. Les semis se font entre les souches
brûlées et, années après années, les plantes messicoles prolifèrent ; il faut donc changer de
place et le cycle recommence.
I.4.b. Les rapports de l’homme avec la végétation
L’homme au cours du temps, s’est trouvé confronté à trois types de forêts : la forêt vierge, la
forêt naturelle, la forêt cultivée/paturée. L’influence qu’il a exercée sur le milieu forestier
varie en fonction des époques et des moyens techniques dont il dispose.
L’influence peut être
- directe ou indirecte (couper un arbre ou une forêt/pluie acide-transformation
des sols)
- légère ou profonde (impact néolithique/impact médiéval)
- réversible ou irréversible (néolithique/médiévale).
II. Le pollen
II.1. Rappel sur le rôle biologique du pollen
De Mai à Juin, il peut y
avoir jusqu’à 500 à 1000
grains de pollen par m3
d’air. Le pollen provient
des étamines des plantes
à fleur. Les grains de
pollen se déposent sur le
pistil afin que les
spermatozoïdes qu’ils
contiennent puissent
féconder l’ovule
(figure). Une fleur
n’accepte pas les grains
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de pollen des autres espèces, ni, en général, les siens propres. Les grains de pollen vivent
entre 2 jours et une semaine. Les grains qui n’ont pas atteint leur but se déposent sur le sol où
ils disparaissent, ils perdent leur contenu biologique ; seule la paroi pollinique, si les
conditions le permettent, peut se conserver. La durée de vie d’un grain de pollen varie en
fonction des conditions d’humidité, du taux de déshydratation du cytoplasme, des
rayonnements UV, du taux et de la « virulance » des micro-organismes présents dans le
milieu de dépôt. Cette durée de vie varie entre un jour chez les graminées et une centaine de
jours chez les rosacées (la durée moyenne se situant autour d’une semaine).
II.2. Les différents types de pollen
La reconnaissance des grains de pollen est fondée sur quatre critères :
- La forme : sphère plus ou moins aplatie, isolé ou en tétrade.
- La taille : entre 2.5 et 200 m, la plupart se situant entre 30 et 40 m.
- Les apertures : zones plus fragiles permettant la sortie du tube pollinique ; rondes lorsqu’il s’agit de pores ou allongées lorsqu’il s’agit de sillons. Le nombre d’apertures varie selon les espèces. Un vocabulaire spécifique permet de décrire le nombre et la répartition de ces apertures. Par exemple, un grain de pollen qui a trois sillons est dit tricolpé (1), avec trois pores il est triporé (2), avec trois sillons et trois pores (3), il est tricolporé.
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- La structure de la paroi : lisse, verruquée (7-8), striée (6-9), réticulée (5)…
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4. Pollen de Pin
5. Pollen de trèfle
e
6. Rosaceae
Une collection de référence, des clés de détermination et des ouvrages de photo
sont utilisés pour la détermination pollinique.
II.3. Les relations entre la pluie pollinique et la végétation
Pour comprendre les pluies polliniques passées, il est nécessaire de connaît
pollinique actuelle. Cette connaissance permet de résoudre certains problèmes d’in
(comment la végétation est enregistrée selon les milieux, quelle distance parcour
quelles sont les plantes qui pollinisent beaucoup et celles qui pollinisent peu, etc).
II.3.a. Les capteurs artificiels placés en hauteur
Ces capteurs dont l’aspiration est réglée sur celle de la respiration humaine m
litre/mn) sont essentiellement utilisés dans le cadre d’études sur l’allergologie : on
en parallèle les crises d’allergie et la pollinisation des taxons au cours de l’année
analysé est frais, il a conservé son contenu biologique.
II.3.b. Les capteurs placés au niveau du sol
La collecte d’échantillons se fait sur une transect (figure) de surface (sur une
traversant différents types de végétation).
Il existe deux types de prélèvements :
Tilleul
9. Erable
8. PlantainReine-des-Prés petits grains de pollen)
7. Centauré
s de pollen
re la pluie
terprétation
t le pollen,
oyenne (2
peut mettre
. Le pollen
ligne droite
7
- les trappes artificielles : un bocal contenant un produit retenant le pollen (efficacité
médiocre).
- les échantillons bryophytiques : l’analyse de touffes de mousse a de nombreux avantages,
elles sont généralement présentes dans tous les types de milieu et leur environnement un peu
acide et souvent humide assure une bonne et abondante conservation des grains de pollen. Ces
mousses ne craignent pas le dessèchement et peuvent être traité selon les méthodes classiques
de la palynologie. Un échantillon de mousse peut résumer une dizaine d’années de pluie
pollinique.
Exemple de transect traversant différents types de végétation, les points rouges correspondent aux prélèvements
de touffes de mousse.
II.3.c. Les apports de l’étude de la pluie pollinique actuelle
L’étude de la pluie pollinique actuelle permet de comprendre la répartition de la pluie
pollinique sur une région (exemple du diagramme pollinique de Heim (1970), d’après un
transect de surface).
Elle permet également d’évaluer la distance parcourue par ces grains de pollen et la
représentation moyenne des végétaux.
- 60 % des grains de pollen proviennent de la végétation locale (situé entre 0 à 20 m du point
de prélévement) ;
- 30 % provient d’un apport du voisinage (20 m à 500 m)
- 10 % vient de l’apport régional (500 m à 10 km)
- 1 % enfin constitue l’apport lointain (+ de 10 km)
Des études récentes (voir F. Mazier notamment, programme Pollandcal) essaient de proposer
des reconstitutions quantitatives des paysages anciens se fondant sur des études très
complexes de la pluie pollinique à partir d’analogues actuels.
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III. L’analyse pollinique
L’analyse pollinique repose sur deux qualités du grain de pollen : la spécificité et la
résistance de l’enveloppe pollinique.
- La spécificité : chaque espèce produit un grain de pollen morphologiquement différent des
autres espèces. L’observation d’un grain de pollen permet donc de déterminer la plante qui l’a
produit.
- La sporopollénine : c’est le constituant essentiel de la paroi pollinique, l’exine. Cette
sporopollénine se rapproche de la chitine qui constitue la carapace des insectes. La paroi
pollinique est donc très résistante, surtout en milieu anaérobie.
III.1. Les limites de la méthode
La quantité de pollen émise par chaque espèce, les moyens de dispersion et les distances
parcourues jouent un rôle essentiel dans la composition et la représentation de la pluie
pollinique retrouvée dans un échantillon.
III.1.a. La production pollinique
Cette production varie selon les espèces. Quelques exemples :
- un chaton de noisetier produit 3 000 000 de grains/jour
- une inflorescence d’oseille : 400 000 000 de grains/jour
- une étamine de maïs : 3000 grains de pollen (les céréales sont parmi les plus faibles
producteurs).
III.1.b. La dispersion pollinique
Chaque espèce produit donc une quantité de pollen différente ; les moyens de dispersion
varient également.
- Dispersion par le vent : anémogamie (la plupart des arbres et quelques herbacées comme les
Poacées ou les Cyperacées). Pour compenser ce mode de pollinisation aléatoire, les espèces
anémogames produisent une grande quantité de pollen.
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- Dispersion par les insectes : entomogamie (quelques arbres et la plupart des herbacées). Les
plantes produisent alors beaucoup moins de pollen.
- Dispersion par l’eau : hydrogamie (la plupart des plantes aquatiques).
La distance parcourue par les grains de pollen va donc de quelques centimètres à plusieurs
centaines de kilomètres (dans le cas du pin par exemple).
III.2. Trois hypothèses
L’étude du contenu pollinique d’une carotte sédimentaire devrait permettre de se faire une
idée sur l’évolution diachronique de la végétation environnant un site : ceci repose sur trois
hypothèses (d’après Reille, 1990).
III.2.a. La pluie pollinique représente fidèlement la végétation
L’analyse et l’interprétation des pluies polliniques passées nécessitent une parfaite
connaissance de la pluie pollinique actuelle et de ces relations avec la végétation (voir II.3).
III.2.b. Le dépôt et la conservation ne modifient en rien l’image de la pluie pollinique
Les grains de pollen et les spores sont résistants mais sensibles à l’oxydation. Il ne se
conserve donc pas de manière identique dans tous les sédiments. Seuls les sédiments
organiques (tourbières, lacs, lagunes côtières, paléochenaux…..) constituent des bons milieux
de conservation. D’une manière générale on peut considérer que les sédiments de couleur
foncée (noir, marron) à gris bleu contiennent du pollen. Dès qu’une couleur jaune ou ocre
apparaît, ou des marbrures de cette même couleur, les sédiments sont généralement stériles ou
très pauvres en pollen. La présence de résidus végétaux ou de micro-charbons n’assure pas la
présence de pollen.
- Quels problèmes peut-on rencontrer sur les sites archéologiques terrestres ou en grotte ?
- Les sédiments secs, sableux, aérés comme ceux qu’on peut trouver dans une grotte sont peu
propices à une bonne conservation. Il a également très souvent des problèmes de percolation
de grains de pollen récents dans des niveaux plus anciens.
- Dans ce même type de sédiments et d’une manière générale dans presque tous les sédiments
archéologiques, on constate souvent des problèmes de conservation différentielle. Certains
grains résistent mieux que d’autres aux différents effets corrosifs. Les grains de pollen de la
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famille des composées notamment, et plus particulièrement les Anthemideae (type pâquerette)
et les Cichorieae (type pissenlit) sont particulièrement résistants et peuvent apparaître en
concentration importante.
Grain de pollen de pissenlit (MEB) à droite et grossissement de sa paroi, à gauche, photo Renault-Miskovsky-Petzold, 1989
Exemple d’une analyse pollinique posant problème : cette analyse a été réalisée à partir d’un
prélèvement dans un trou de poteau de maison néolithique ; voici le spectre observé
Taxons
Nombre de grains de pollen compté
Pourcentages
Pinus (pin) 1 0,43 Alnus (aulne) 2 0,86 Betula (bouleau) 4 1,72 Corylus (noisetier) 5 2,15 Tilia (tilleul) 2 0,86 Hedera (lierre) 1 0,43 AP (total pollen d'arbre) 15 6,43 NAP (total pollen d'herbacées) 218 93,56 Poaceae (graminées) 15 6,44 Cerealia 5 2,15 Composées 181 77,68 Cichorieae 180 77,25 Anthemideae 1 0,43 Chenopodiaceae 6 2,58 Brassicaceae 4 1,72 Fabaceae 1 0,43 Apiaceae 1 0,43 Plantes d'eau (Potamo et Typha) 5 2,15 Fougères 31 11,74 Monolètes 27 10,23 Trilètes 4 1,51 Total pollen 264
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Dans cette analyse pollinique 264 grains de pollen et spores ont été comptés ; ce n’est pas
énorme mais statistiquement acceptable. Pourtant, on remarque qu’il y a très peu de pollen
d’arbres (AP), pas plus de 6.43 % ; les herbacées sont donc largement dominants. Nous
somme donc apparemment dans un milieu très ouvert, les néolithiques de cette région auraient
défriché avec succès des superficies plus que conséquentes, un véritable paysage d’openfield
aurait alors été créé. Mais si on regarde d’un peu plus près la composition du spectre
herbacée, on s’aperçoit qu’il a plus de 77 % de Cichorieae. Nous serions donc dans un
openfield couvert de pissenlits ?! En fait, les grains de pollen de Cichorieae, très résistants à la
corrosion, se sont mieux conservés que les autres types polliniques et se retrouvent alors sur-
représentés par rapport aux autres, moins résistants. Cette analyse n’est absolument pas
utilisable, on ne peut en tirer aucune conclusion (à l’exception de la présence locale de
certaines plantes), sinon qu’il y a un grave problème de conservation différentielle dans ces
sédiments.
- Et dans les sites archéologiques situés en milieux humides ?
Les sites archéologiques lacustres constituent a priori d’excellents milieux pour la
conservation du matériel sporo-pollinique. Les analyses polliniques effectuées par exemple
sur le site de Chalain 3 offrent de très bons résultats (voir diagramme page suivante).
Les niveaux archéologiques sont cependant caractérisés par l’augmentation soudaine de
certains taxons comme les céréales, l’ail des ours et le lierre, et la diminution brutale des taux
de pollen d’arbres. Ces problèmes de fluctuations des taux polliniques sont dus à des
problèmes de pollution de nature anthropique. L’homme a apporté des plantes sur le site, les
grains de pollen de ces plantes sont venus « polluer » les niveaux archéologiques. On sait par
exemple grâce à la pluie pollinique actuelle que les céréales pollinisent peu : les taux très
élevés (parfois plus de 20 %) rencontrés dans les niveaux d’occupation du site archéologique
ne sont alors pas dus à la proximité des champs mais à celle des zones de stockage et de aires
de battage. Au moment de cette dernière opération, les grains de pollen sont libérés de l’épi et
viennent s’additionner aux grains de pollen d’autres plantes déjà présents naturellement dans
les niveaux d’occupation. Autre phénomène observé, les taux importants de pollen d’ail des
ours : cette plante, comestible, a été apportée sur le site à des fins alimentaires. Le fait que
l’on retrouve ses grains de pollen indique que la plante a été consommée lors de sa floraison.
Enfin, l’interprétation des taux anormalement élevés de grains de pollen de lierre est difficile
à expliquer. La consommation de cette plante par l’homme est inconnue, et exceptionnelle par
les animaux. Cette liane a pu être ramenée sur le site par exemple pour la fabrication des
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clayonnages, mais il faut alors supposer que la récolte se faisait en période de floraison et que
les fleurs étaient conservées jusque sur le site, ce qui paraît curieux. En revanche, les grains de
pollen ont pu être inclus dans les sédiments archéologiques parce qu’il se trouvait en
abondance dans les mousses utilisées pour le calfatage des maisons. La question reste ouverte.
Cette analyse pollinique apporte donc des renseignements sur les pratiques alimentaires ou
autres mais la surreprésentation de ces taxons déforme l’image de l’environnement végétal du
site.
Il parait donc hasardeux de proposer une reconstitution du couvert végétal passé à partir des
analyses polliniques effectuées sur les niveaux d’occupation dans un site archéologique. Les
problèmes de percolation de pollen, de conservation différentielle, de pollution anthropique et
aussi de sédimentation irrégulière bouleversent les données et constituent de sérieux obstacles
à l’interprétation des dynamiques végétales. Dans l’intérêt du palynologue et de
l’archéologue, il est nécessaire de prospecter autour des sites archéologiques pour trouver des
zones humides (lacs, mares, marais, paléochenaux…). La palynologie peut aussi se pratiquer
en dehors de tout contexte archéologique direct et apporter des renseignements sur les
dynamiques agropastorales dans des zones ou le peuplement reste encore peu ou pas connu.
III.2.c. L’extraction, le comptage et la détermination restituent fidèlement l’image de la pluie
pollinique
Cette hypothèse touche aux compétences du palynologue.
L’extraction doit se faire suivant des règles strictes et rigoureuses évitant la pollution des
échantillons entre eux où par l’introduction de matériel sporo-pollinique venu des grains de
pollen et des spores contenus dans l’air par exemple.
On estime que le comptage est acceptable au-delà de 200 grains à condition que ce comptage
révèle aussi une grande diversité de type pollinique. Mais qu’il est toujours conseillé d’aller
largement au-delà (500 grains), en particulier lorsqu’un ou plusieurs types polliniques se
retrouvent en abondance (le comptage pourra alors approcher, voire dépasser, les 1000 grains
par niveau).
En microscopie optique, les déterminations aboutissent toujours au rang de la famille
(Poacées), souvent au rang du genre (Quercus) dans lequel il est parfois possible de distinguer
des types (Quercus type Ilex), et rarement jusqu’au rang de l’espèce (Plantago lanceolata),
seul rang écologiquement significatif. Cette limite important conditionne - et limite parfois -
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l’interprétation des données. Le palynologue raisonne alors en terme d’« assemblages
polliniques ».
La Franche-Comté compte par exemple entre 250 et 300 espèces de graminées différentes qui
ont toutes des exigences écologiques précises. Certaines dominent les prairies, d’autres se
développent sous couvert forestier ; certaines affectionnent les sols très secs alors que d’autres
peuvent croître au contraire dans des zones très humides… Le palynologue est très loin de
distinguer tous ces types puisqu’il ne peut classer les grains de pollen de graminées qu’en
deux grandes catégories : les graminées sauvages et les graminées cultivées (qui constituent
l’essentiel des céréales). C’est en fait un peu plus compliqué puisque la différence se faisant
sur des critères morphologiques, et en particulier sur la taille du grain et du pore, certaines
graminées sauvages sont très proches des types cultivés ; d’autre part, toujours à partir
d’observations précises, il est possible de distinguer certains types (type Secale, le seigle par
exemple), voire certaines espèces caractéristiques (Zea Mays, le maïs).
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II. Du terrain au laboratoire
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Hêtre (Fagus)Erable (Acer)Orme (Ulmus)
Sapin (Abies)
Tilleul (Tilia) Chêne (Quercus)Aulne (Alnus)Epicea (Picea)
Frêne (Fraxinus)Pin (Pinus) Bouleau (Betula)
Noisetier (Corylus)
Monoporé Périporé Exp. : graminée
Monocolpé Stéphanoporé Exp. : Spore
Tricolpé Exp. : érable
Triporé Exp. : noisetier
Exp. : aulne
Stéphanocolpé Exp. : lavande
Tricolporé Exp. : châtaigner
Exp. : nielle
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Bibliographie
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