Ouverture des données publiques: une opportunité pour Genève

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Ouverture des données publiques : une opportunité pour Genève

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Dans le cadre d'une étude réalisée pour le Département de l'Intérieur de la Mobilité du canton de Genève sur le thème de la participation citoyenne1, nous avons insisté sur les opportunités offertes dans ce domaine par l'ouverture des données publiques de l'administration genevoise. Afin de mettre en exergue cette problématique, il nous a paru utile de reprendre dans un document séparé le chapitre que nous avions consacré aux enjeux liés à l'ouverture des données publiques.

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Ouverture des données publiques :une opportunité pour Genève

Patrick GenoudFévrier 2011

“Ouverture des données publiques : une opportunité pour Genève” par Patrick Genoud est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité – Pas d'utilisation commerciale Licence Suisse 2.5

Observatoire technologique Département des constructions et des technologies de l'information Rue du Grand-Pré 64-66 ▪ Case postale 2285 ▪ CH – 1211 Genève 2 Tél. +41 22 388 13 52 ▪ [email protected] ▪ http://www.ge.ch/ot

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Préambule

Dans le cadre d'une étude réalisée pour le Département de l'Intérieur de la Mobilité du canton de Genève sur le thème de la participation citoyenne1, nous avons insisté sur les opportunités offertes dans ce domaine par l'ouverture des données publiques de l'administration genevoise. Afin de mettre en exergue cette problématique, il nous a paru utile de reprendre dans un document séparé le chapitre que nous avions consacré aux enjeux liés à l'ouverture des données publiques.

Les données et les informations se retrouvent au cœur des processus d'interaction entre les individus et/ou les organisations. Elles constituent en outre la matière première d'un nombre croissant de services dont bénéficient très directement les citoyens et les entreprises d'un territoire. Il se trouve qu'une quantité importante des données gérées par les administrations pourraient bénéficier beaucoup plus largement aux usagers. Le secteur public créée en effet pour son usage interne des données de qualité liées aux activités quotidiennes de ses différents métiers. Il n'a la plupart du temps pas vocation à les valoriser au-delà de ses besoins propres. Et au vu de la diversité des usages potentiels il n'en aurait de toute manière pas les moyens. Dans la mesure où elles sont publiques, ces données constituent une ressource extraordinaire qui pourrait bénéficier beaucoup plus largement aux citoyens qui ont financé leur production. Mais la plupart du temps elles sont au mieux proposées à la vente ou mises à disposition de certains acteurs dans des conditions peu transparentes; et le plus souvent elles ne sont pas partagées du tout.Pour renverser cette tendance, un nombre croissant de pays, de régions et de villes ont initié ces dernières années des démarches visant à ouvrir leur données publiques, que ce soit dans une volonté de transparence accrue, de valorisation de leur patrimoine informationnel ou de renforcer la participation citoyenne.Nous sommes convaincus que le canton de Genève a une belle carte à jouer dans ce domaine car il dispose notamment d'un système d'information du territoire (le SITG) qui permettrait d'expérimenter relativement facilement la mise à disposition d'une partie de ses données publiques.

1 Vers une participation citoyenne augmentée, P. Genoud, Observatoire technologique, 2011, http://ot.geneve.ch/ot/article.php3?id_article=138

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L'ouverture des données publiques

L’Observatoire technologique avait fait de l'ouverture des données publiques (« open data » dans le monde anglo-saxon) le thème de sa Journée de rencontre 20082. En deux ans ce mouvement, qui prône un partage élargi des données à caractère publique, a pris a pris de l'ampleur, à l’instigation la plupart du temps d'initiatives citoyennes ou de fondations privées telles que la Sunlight Foundation3. Plusieurs gouvernements comme les États-Unis4, le Royaume-Uni5, l'Australie6, la Nouvelle-Zélande7, le Danemark8, la Suède9, la Finlande10 ont ainsi mis sur pieds des plateformes nationales de données publiques ouvertes. La France11 a créé l'Agence du patrimoine immatériel de l'État pour lancer le mouvement. Les Nations-Unies12 et la Banque mondiale13 ont elles aussi créé leur propre entrepôt de données publiques ouvertes.De nombreuses régions d'Europe, grandes villes ou collectivités locales ont également tenté l'expérience et ont décidé de libérer leurs données publiques afin de permettre la création, par les habitants eux-mêmes, de services innovants. On citera notamment :

• aux États-Unis les villes de Boston, Chicago, New Orleans, New York, Portland, San Francisco, Washington;

• au Canada les villes de Calgary, Edmonton, Nanimo, Toronto, Vancouver;• au Royaume-Uni les villes de Birmingham, Lichfield, Londres;• en France les villes de Paris, Bordeaux, Brest, Lille, Marseille, Montpelier, Rennes,

Toulon;• et en Suisse le canton de Bâle-Ville.

Ces données publiques ouvertes sont issues d’organismes d’État, de collectivités territoriales ou d’entreprises sous contrat public. Ce sont toutes les données et informations rassemblées, créées, conservées ou éditées par les administrations et les services publics. Elles sont mises à disposition des programmeurs, des journalistes, des universitaires, des citoyens et des entreprises dans la mesure où elles ne portent pas atteinte à la sphère privée ni à la sécurité du territoire ou des personnes.

2 Vers des données publiques ouvertes, 18è Journée de rencontre de l'Observatoire technologique, 2008, http://ot.geneve.ch/ot/article.php3?id_article=89

3 Sunlight Foundation : http://sunlightfoundation.com/ 4 Data.gov : http://www.data.gov/ 5 Opening up government : http://data.gov.uk/ 6 Data Australia : http://data.australia.gov.au/ 7 data.govt.nz : http://data.govt.nz/ 8 Digitalisér : http://digitaliser.dk/ 9 opengov.se ; http://www.opengov.se/ 10 suomi.fi : http://www.suomi.fi/ 11 Agence du patrimoine immatériel de l'État : https://www.apiefrance.fr/ 12 unData : http://data.un.org/ 13 The World Bank Catalog : http://data.worldbank.org/data-catalog

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L’adjectif ouvert suppose qu’elles soient accessible dans un format permettant une exploitation directe. Pour clarifier le discours on parle aussi de données libres et ouvertes, entendant par là que l'accès à ces données est ouvert et gratuit. Il n'existe pour l'heure aucune définition officielle d'une donnée ouverte, même si certains comme la Open Knowledge Foundation14 en proposent une qui est déjà largement acceptée15. On peut mentionner également les 10 principes16 édictés par la Sunlight Foundation17 qui doivent faciliter l’ouverture des données publiques.En Europe, à l'image de la directive Inspire18 qui offre un cadre à la libération de données géoréférencées et à l'exploitation des informations publiques, ces initiatives peuvent s'appuyer sur un cadre réglementaire qui impose que les données publiques doivent pouvoir être rendues :

• accessibles et réutilisables;• à des fins commerciales ou non;• d'une manière non-discriminatoire et non exclusive; • à des coûts qui n'excèdent pas leur coûts de production.

Libérer les données revient à leurs conférer, dans les mains de tiers privés, une finalité autre que la mission de service public pour laquelle elles ont été produites initialement. Dans le cas de réutilisation à des fins commerciales, le niveau de restriction de l’exploitation peut varier selon la stratégie d’ouverture déployée par les administrations publiques concernées. Mais dans tous les cas l'objectif est de faire bénéficier la société aussi largement que possible de la richesse potentielle des données publiques. Ce type d'approche s'inscrit dans la vision de systèmes d'information sociétaux évoqués dans le plan stratégique 2009-201319 élaboré par le collège spécialisé des systèmes d’information de l’État de Genève.

EnjeuxData.gov20, la première initiative d'ouverture des données publiques avait deux objectifs principaux. Tout d’abord, la volonté d’impulser une communication bottom-up et de faire émerger de nouvelles idées de gouvernance, en renforçant la transparence des services publics, la participation des citoyens, et la collaboration entre l’État et ses administrés. L’ouverture des données publiques a aussi été pensée comme un moyen d’améliorer l’efficience des agences gouvernementales dont la plupart numérisaient déjà les données dont elles disposaient. Data.gov a ainsi été conçu comme un outil pour les aider dans leurs missions de service public. Mais d'autres enjeux majeurs se cachent derrière l'ouverture des données publiques comme l'ont détaillé plusieurs rapports sur le sujet21,22,23 :

14 Open Knowledge Foundation : http://okfn.org/ 15 Open Knowledge Definition : http://www.opendefinition.org/okd/ 16 Ten Principles for Opening Up Government Information : http://sunlightfoundation.com/policy/documents/ten-open-data-

principles/ 17 Sunlight Foundation : http://sunlightfoundation.com/ 18 Directive Inspire, 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2007 : http://inspire.jrc.ec.europa.eu/ 19 Plan stratégique des systèmes d’information de l’État de Genève 2009-2013, Collège Spécialisé des Systèmes

d’Information, Etat de Genève, 2009, http://ot.geneve.ch/ot/article.php3?id_article=128 20 Data.gov : http://www.data.gov/ 21 Power of Information Taskforce Report, UK Parliament and UK Cabinet Office, 2009,

http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/20100413152047/http://poit.cabinetoffice.gov.uk/poit/ 22 Open Data Study, Transparency and Accountability Initiative, Becky Hogge, 2010,

http://www.soros.org/initiatives/information/focus/communication/articles_publications/publications/open-data-study-20100519/open-data-study-100519.pdf

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1. l’accès aux données publiques constitue un outil formidable pour améliorer la transparence de nos institutions;

2. ces données constituent un actif que le secteur public doit savoir mieux valoriser en laissant par exemple le soin au secteur privé et à la société civile de le faire;

3. les données publiques, et les premières réalisations le prouvent, constituent un réel moteur à l’innovation et contribuent à rendre un territoire attractif et compétitif;

4. enfin ces données constituent un bien commun qui peut améliorer la vie de chacun et de la société en général et contribuer au débat public et à la démocratie.

Outre le fait que la loi de nombreux pays impose la mise à disposition de ces données publiques, l'argument maintes fois avancé pour le justifier est que les citoyens ont déjà payé pour la production de ces données et qu'il n’y a aucune raison de devoir débourser une seconde fois pour y accéder. Ceci d'autant que la mise à disposition des données numériques n'engendre dans la plupart des cas que des coûts marginaux.

Quelles données publiques ?De très nombreux types de données publiques peuvent être libérées par une administration. En voici une liste non exhaustive24 :

1. mesures de pollution ou du trafic;2. occupation de la voirie, des bâtiments, des chantiers, des parkings;3. flux urbains, circulation;4. description du territoire via des cartes, le cadastre, les réseaux de télécommunications,

les infrastructures, les bâtiments, les capteurs, les données issues de systèmes d’information géographique;

5. données de surveillance et capteurs urbains;6. informations touristiques, culturelles, données d’archives;7. fonds documentaires tels que études, réglementations, statistiques;8. réseaux urbains tels que réseau d'eau, d'énergie, des transports collectifs; 9. données « politiques » telles que projets, enquêtes, délibérations ou subventions;10. localisation et horaires d’ouverture des services, commerces, espaces publics, culturels

sportifs et associations.Outre les aspects liés au respect de la sphère privée et à la sécurité, seuls les potentialités d'usage en limitent la libération. En effet, même si les coûts de mise à disposition de données numérisées sont la plupart du temps très faibles, il faut toutefois en entrevoir une utilité citoyenne ou sociétale pour consentir cet effort.

Pour en faire quoi ?La société civile exige une transparence accrue de nos institutions. L’évolution du Web en général et l’ouverture des données publiques en particulier participent activement de ce mouvement et sont en train de modifier la relation que les citoyens entretiennent avec leurs représentants à l’image de ce que réalise la Sunlight Foundation25 aux États-Unis. Celle-ci conçoit de nouveaux outils pour aider les internautes à utiliser les données publiées par les autorités et co-créer de nouvelles formes de relations entre citoyens et institutions. C'est par

23 Quelle société voulons-nous à l'ère du numérique?, E. Hooge, C. Januel et J.-L. Molin, Communauté urbaine du Grand Lyon, 2010, http://www.slideshare.net/ifupvn/quelle-socit-voulonsnous-lre-numrique

24 Charles Népote, Réseau social de la Fing, Réutilisation des données publiques 2010, http://www.reseaufing.org 25 Sunlight Foundation : http://sunlightfoundation.com/

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exemple le cas avec les projets Poligraft26, Influence Explorer27, ou Transparency Data28. OpenlyLocal29 et mySociety.org30 au Royaume-Uni et Montréal Ouvert31 au Canada travaillent dans le même esprit. En France, le collectif Regards Citoyens32 a également lancé des initiatives très intéressantes pour alimenter le débat démocratique :

• le site NosDéputés.fr33 qui cherche à mettre en valeur l’activité parlementaire des députés de l’Assemblée Nationale Française;

• « Simplifions la loi 2.034 » qui, pour aider à leur compréhension dans une démarche participative et citoyenne, donne accès à chacun des articles de plusieurs projets ou propositions de loi ainsi qu’aux amendements proposés par les parlementaires;

• « Redécoupage électoral35 » qui évalue l’impact du redécoupage de la carte législative sur la répartition des sièges de l’hémicycle à l’Assemblée nationale;

• « Numérisons les lobbyistes36 » qui vise à donner plus de visibilité sur les représentants d’intérêt auditionnés à l’Assemblée nationale.

Ces initiatives peuvent exister parce que les données publiques qui les nourrissent sont (plus ou moins) facilement accessibles.Bien au-delà du débat démocratique, on peut imaginer de nombreux services pouvant être développés à moindre coût grâce à l'expertise des personnes concernées et à des données publiques ouvertes :

• localisation en temps réel des transports publics;

• plateforme d’information, de calcul d’itinéraire et de paiement pour les transports en commun;

• cartographies interactives des espaces et établissements accessibles aux handicapés ou aux personnes dépendantes;

• visualisation des remarques les plus fréquemment formulées par les habitants; • information en temps réel et géolocalisée des chantiers, de l’état de la voirie; • applications mobiles de reconnaissance visuelle et de recensement de la flore, des

éléments architecturaux, patrimoniaux et culturels; • outils de représentation de l’invisible : pollution sonore, atmosphérique, prix du foncier; • outils de visualisation interactif permettant de traiter visuellement des données

statistiques ou textuelles, à l’instar de Google public data explorer37 ou Many Eyes38 d’IBM.

26 Poligraft : http://poligraft.com/ 27 Influence Explorer : http://influenceexplorer.com/ 28 Transparency Data : http://transparencydata.com/29 OpenlyLocal : http://openlylocal.com/ 30 MySociety.org : http://www.mysociety.org/ 31 Montréal Ouvert : http://montrealouvert.net/ 32 Regards Citoyens : http://www.regardscitoyens.org/ 33 Nos Députés.fr : http://www.nosdeputes.fr/ 34 Simplifions la loi 2.0: http://www.regardscitoyens.org/simplifions-la-loi/ 35 Redécoupage électoral : http://www.regardscitoyens.org/redecoupage/ 36 Numérisons les lobbyistes : http://www.regardscitoyens.org/lobbyistes/ 37 Google public data explorer : http://www.google.com/publicdata/home 38 Many Eyes : http://www-958.ibm.com/software/data/cognos/manyeyes/

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La liste est loin d'être exhaustive car l'ouverture des données publiques ouvre la voie à des initiatives entrepreneuriales ou citoyennes qui représentent un potentiel d’innovation économique, industrielle et sociale considérable encore largement insoupçonné.

Une dynamique nouvelleAu-delà des enjeux de transparence et de participation augmentée liés à l'ouverture des données publiques, c'est la mécanique d'expérimentation qui l'accompagne qui doit nous apporter des bénéfices. Comme le souligne Chris Taggart39 de OpenlyLocal, celle-ci devrait nous aider à passer du mode du « Fail big, fail slow » au mode du « Fail fast, fail forward »; c'est-à-dire de se mettre dans un mode qui nous permette de construire sur nos échecs. Cet esprit d’ouverture et de participation continue à animer les sociétés américaine et britannique. La question de savoir si elle va la transformer reste d’actualité, à mesure que les initiatives continuent de se multiplier. Mais même si les résultats ne sont pas tout à fait là, cet esprit ne semble pas faiblir, bien au contraire. Dans tous les cas la libération de données publiques et la création de services innovants par les habitants, interrogent sur une société dans laquelle le citoyen devient lui-même potentiellement producteur de services. Cela représente-t-il une perte de pouvoir pour le service public et pour les institutions? Ou cela améliore-t-il au contraire la transparence de ces mêmes institutions? Cela pose-t-il les bases d'une meilleure coproduction de la cité, d'une dynamique collaborative accrue avec les citoyens? Est-ce le début d'une nouvelle forme de gouvernance? Autant de questions auxquels les politiques vont devoir réfléchir pour répondre à une attente de plus en plus forte des individus.

Un mouvement à accompagner, voir à stimuler !Ouvrir les données publiques, c’est-à-dire laisser la main aux citoyens et aux entreprises, n’est pas toujours suffisant pour leur permettre de développer eux-mêmes les services dont ils ont besoin. Ils n’ont pas forcément les compétences, le temps ou l’envie de s’engager. La raison est probablement autant sociale et comportementale que technique. Les habitants qui auraient le plus besoin de bénéficier de nouveaux services ne se sentent pas la légitimité pour le faire et n’en ont même pas l’idée. L'administration publique qui s’engage dans cette voie doit donc veiller à ce que les services ainsi développés puissent bénéficier au plus grand nombre (quels que soient son niveau d’équipement et son niveau de compétence). L’ouverture des données ne suffit pas pour qu’elles donnent prise à une réelle « participation citoyenne ». Il faut appuyer cette démarche par des dispositifs sociaux et des plates-formes participatives comme l'ont montré les concours de développement d’applications d’Apps for Democracy40, de Mashup Australia Contest41, de Show us a Better Way42 (encadré ci-dessus) ou de la ville de Rennes43. D'autres initiatives comme celles de la Fing44 en France cherchent à rassembler tous les acteurs de la démarche dans un même élan afin de créer des synergies et d'accélérer le mouvement. La Fing

39 Open data : the reward of failure, Chris Taggart, 2010, http://www.slideshare.net/countculture/open-data-the-rewards-of-failure

40 Apps for democracy : http://www.appsfordemocracy.org/ 41 Mashup Australia Contest : http://mashupaustralia.org/ 42 Le site http://www.showusabetterway.com n'est plus en activité (versé aux archives)43 Concours « Rennes Métropole en accès libre » : http://www.data.rennes-metropole.fr/fr/le-concours/le-dossier-

dinscription.html

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mobilise les entreprises, médias, associations et organismes publics susceptibles de faire un usage innovant des données, créant une animation dynamique des acteurs du territoire et y faisant converger d'autres acteurs innovants. L'objectif est de faire émerger un nombre significatif d'idées, de scénarios, de maquettes ou de prototypes de services et d'usages fondés sur les données concernées, et de les pousser aussi loin que possible vers une mise en application. Dans ce but :

• des appels à idées, un concours, sont organisés à l'échelle territoriale et nationale;• des ateliers créatifs rassemblent des acteurs du territoire, aidés par des designers,

pour faire émerger des idées et les transformer en projets individuels ou collectifs;• des promotions d'étudiants sont mobilisées pour concevoir des projets novateurs, ou

assister des porteurs de projets qui manquent de certaines compétences;• des rencontres permettent aux porteurs de projets de partager leurs idées, de nouer

des partenariats, de bénéficier de conseils;• une manifestation publique présente les projets les plus aboutis et rend compte de la

créativité qui s'est exprimée pendant la durée de l'expérimentation.La Fing a publié à cette occasion un guide45 à l'usage des territoires et de leurs partenaires dont l'objectif objectif est de faciliter l'engagement des collectivités territoriales dans une démarche d'ouverture de leurs données publiques.L’Open Data Study46 tire une leçon intéressante des observations faites aux États-Unis comme au Royaume-Uni dans ce domaine. La conduite de l’ouverture des données a nécessité l’intervention de trois catégories d’acteurs :

• la société civile, et en particulier un petit groupe de « civil hackers » très motivés; • des fonctionnaires gouvernementaux de peu d’influence, mais compétents et engagés; • les hautes sphères du pouvoir, guidées soit par une pression extérieure (au Royaume-

Uni), soit par le climat réformateur d’une nouvelle administration (aux États-Unis).

44 Réseau social de la Fing (Fondation Internet Nouvelle Génération), Réutilisation des données publiques 2010, http://www.reseaufing.org

45 Guide pratique de l'ouverture des données publiques territoriales, Fing, 2011, version de travail en cours d'élaboration : http://doc.openfing.org/RDPU/GuidePratiqueDonneesPubliquesv1beta.pdf

46 Open Data Study, Transparency and Accountability Initiative, Becky Hogge, 2010, http://www.soros.org/initiatives/information/focus/communication/articles_publications/publications/open-data-study-20100519/open-data-study-100519.pdf

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Quelques exemples illustratifsLes services réalisés en utilisant des données publiques ouvertes sont nombreux. Nous proposons ci-dessous47 quelques cas d'école illustrant la diversité des types de données publiques et des services élaborés sur celles-ci dans des domaines volontairement très différents.

« Show us a better way » « Et vous, que feriez-vous de mieux avec l'information publique ? »

Avec cette question, le gouvernement britannique lançait, mi-2008, un concours d'idées ouvert au public. Parmi les idées primées :

• un calculateur d'itinéraires pour cyclistes;• un portail des services et emplois accessibles aux

jeunes seniors sur un territoire;• un service pour mesurer les chances d'un enfant de

s'inscrire à telle ou telle école;• un outil qui classe les rues en fonction du taux de

déchets recyclés;• un service pour mieux gérer les parcelles d'horticulture

dans les villes;• un localisateur de boîtes aux lettres, un autre pour les

toilettes publiques… D'après Fing 2010

Santé – « Astmapolis »

Asthmapolis48 est un exemple de projet santé innovant basé sur le partage de données. Les asthmatiques peuvent se procurer des inhalateurs dotés de services de géolocalisation (GPS). Dès qu'ils l'activent, le GPS envoie un signal de positionnement. Les données sont alors collectées sur la plateforme Internet qui recense les zones à risques et les sources potentiellement allergisantes en les recoupant avec les données locales. Les résultats sont accessibles sur smartphone pour des usages préventifs.

47 Source Libertic : http://www.slideshare.net/libertic via http://libertic.wordpress.com/libertic/ 48 Asthmapolis : http://asthmapolis.com/

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Culture – « Bookzee »

Bookzee49 permet de trouver la bibliothèque la plus proche qui possède le livre que vous recherchez. En recoupant les données de géolocalisation et les données des bibliothèques municipales, ce service offre des prestations culturelles adaptées aux besoins.

Mobilité – « Rennes en Roue Libre »

Rennes en Roue Libre50 est une application gratuite permettant de trouver en quelques secondes un vélo ou un emplacement libre, à Rennes. Grâce à la fonction de géolocalisation de l’iPhone, Rennes en Roue Libre indique instantanément les stations les plus proches. L'application permet également de connaître à distance le nombre de vélos ou de places disponibles de chaque station et en temps réel.

49 Bookzee : http://www.bookzee.net/ 50 Rennes en Roue Libre : http://www.thibaut-loubere.com/rennes-en-roue-libre/

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Démocratie – « Where does my Money go ? »

Le site Where does my Money go?51 permet de visualiser la répartition des budgets publics de manière à les rendre plus compréhensibles et plus lisibles par le grand public.

Éducation – UK School Finder

UK School Finder52 est une application qui affiche sur des fonds de carte Google les écoles du Royaume-Uni en les classant selon des critères officiels (Ofsted et DFES).

51 Where does my Money go ? : http://wheredoesmymoneygo.org/ 52 UK School Finder : http://www.schoolmap.org.uk/

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Environnement – Community Rivers

Community Rivers53 est une application Web proposée par l'association sans but lucratif du même nom qui permet de collecter et de partager des informations relative à la gestion des rivières et des cours d'eaux australiens.Les exemples sont légions dans de nombreux autres domaines et la liste des services et applications basés sur des données publiques ouvertes ne fait que croître jour après jour.

Valeur économique de l'ouverture des données publiques Comme le note Marco Fioretti54, on peut classer la valeur économique des données publiques en deux catégories distinctes: la première provient des économies réalisées à l'intérieur des administrations (valeur interne), que ce soit grâce à la suppression d'activités rendues inutiles ou à la possibilité d'augmenter leur efficience. La deuxième est la création de valeur hors du secteur public (valeur externe) qui correspond notamment aux nouvelles opportunités offertes au secteur privé, aux individus ou à la création d'emplois.

La valeur interne liée à l'ouverture des données publiques est principalement liées aux économies réalisées par le fait que les services et produits créés à partir de ces données ne l'ont pas été sur des fonds publics. Les concours lancés par la ville de New-York55 ou par le district fédéral de Washington56 sont révélateurs. Ainsi dans ce dernier cas, la ville a pu bénéficier de développements d'une valeur de près de 2.5 millions de dollars en réponse à un concours doté de 50 mille dollars de prix.

Le fait d'ouvrir ses données publiques permet également à certains services d'économiser sur le temps passé à répondre à des requêtes d'accès à ces données lorsqu'elles ne sont pas ouvertes. On cite également le cas de données dont la qualité s'en trouve améliorée par les utilisateurs externes lorsqu'elles sont ouvertes.

53 Community Rivers : http://www.communityrivers.org.au/ 54 Open data, open society, Marco Fioretti, LEM, Sucola Superiore Sant'Anna, Pisa, 2010, http://stop.zona-

m.net/2011/01/the-open-data-open-society-report-2/ 55 NYC Big Apps 2.0 : http://nycbigapps.com/ 56 Apps for democracy : http://www.appsfordemocracy.org/

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La valeur externe provient principalement du fait que l'ouverture des données publiques permet à plus de compagnies de participer à divers points de la chaîne de valeur, en diversifiant les produits et les services créés sur ce type de données, ce qui conduit à une augmentation des taxes sur le revenu. Il faut y ajouter les frais induits par un accès limité aux données publiques pour ce même type d'acteurs: perte de temps et d'argent liés à une utilisation peu aisée de ces données. A l'autre bout de la chaîne, la valeur externe provient des gains liés à l'utilisation des produits et des services construits sur ces données, ce qui contribue à une qualité de vie améliorée pour les citoyens et les entreprises qui en bénéficient.

Le Danemark a par exemple investi 2 millions d'Euros pour libérer ses adresses57 avec des gains directs pour les entreprises estimés à 5 millions d'Euros environ. Le concours Apps for Democracy58 lancé par la ville de Washington en 2008 aurait, pour un coût de 50'000 dollars, généré des applications dont la valeur totale avoisinerait les deux millions de dollars59.

En 2002 la Catalogne décide de créer une plateforme Internet pour promouvoir la réutilisation de ses données géographiques et faciliter le travail des chercheurs locaux. Elle a rendu ses données plus accessibles et disponibles au secteur privé comme public. Pour un investissement de 1.5 millions d'Euros, on estime que les gains liés à l'efficacité accrue des parties prenantes concernées se montent à 2.6 millions d'Euros dès la première année.

Une opportunité pour GenèveAvec le système d'information du territoire genevois (SITG) le canton de Genève dispose d'une opportunité extraordinaire d'expérimenter relativement facilement la mise à disposition d'une partie de ses données publiques. La majorité des données du SITG sont effet publiques et déjà disponibles sur le guichet cartographique60 du SITG où l'on peut afficher simultanément les données correspondant à de nombreuses thématiques. Mais le guichet ne permet pour l'instant qu'une consultation de ces données. C'est seulement sur demande et à certaines conditions que l'on peut accéder directement aux données brutes du SITG. De par leur nature géo-référencée, une grande partie des données du SITG sont potentiellement candidates à se retrouver au cœur des services de demain, que ceux-ci soient mis en œuvre par des particuliers, des entreprises ou des associations, à l'image de l'exercice de style sur la mobilité61 (pistes cyclables) que nous avons proposé aux mandants de ce rapport au début 2010. On peut également envisager des partenariats entre l'administration cantonale et ces différentes parties prenantes. L'administration cantonale genevoise n'a pas pour mission de développer ces services à valeur ajoutée. L'aurait-elle qu'elle n'aurait de toute manière pas les ressources pour répondre à la quantité et à la diversité des besoins des citoyens et des entreprises du canton, d'autant que la grande majorité de ces services restent encore à imaginer. Ceci est particulièrement vrai pour les données du bâti 3D du canton62. Genève est probablement l'une des seules villes de la planètes à disposer de données tridimensionnelles de l'ensemble de ses bâtiments, et ceci de manière totalement intégrée à son système d'information géographique. Ces

57 The value of Danish address data, Danish Enterprise and Construction Authority (http://www.ebst.dk), http://www.adresse-info.dk/Portals/2/Benefit/Value_Assessment_Danish_Address_Data_UK_2010-07-07b.pdf

58 Apps for democracy : http://www.appsfordemocracy.org/ 59 Source http://www.istrategylabs.com/2008/11/apps-for-democracy-yeilds-4000-roi-in-30-days-for-dcgov/ 60 Guichet cartographique du SITG : http://etat.geneve.ch/sitg/guichet-4254.html 61 Ouverture vers les citoyens - Exercice de style sur la mobilité, Patrick Genoud, Observatoire technologique, 2010,

http://ot.geneve.ch/ot/article.php3?id_article=121 62 Guichet cartographique tridimensionnel Geo3D du canton de Genève : http://etat.geneve.ch/geoportail/geo3D/

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Page 16: Ouverture des données publiques: une opportunité pour Genève

données constituent une mine d'or pour les urbanistes, les architectes, les laboratoires universitaires, les décideurs et pour la population genevoise dans son ensemble. Il serait regrettable d'en restreindre l'usage à un cercle restreint. Le SITG présente l'immense avantage d'être construit sur une architecture ouverte et parfaitement transversale qui permet un partage aisé des données structurées et bien documentées qu'il renferme. Les interfaces de programmation existent et sont documentées. Techniquement, le pas vers la libération de tout ou partie des données du SITG constituerait presque une formalité. D'autre part les utilisateurs du SITG travaillent depuis le début dans une logique de collaboration et d'échange qui correspond à celle qu'il faudrait mettre en place pour ouvrir nos données vers l'extérieur. Mais de nombreux obstacles devraient encore être franchis pour ouvrir réellement les données publiques du SITG. La loi relative au SITG63 devrait être modifiée et les aspects juridiques voire éthiques64 liés à l'ouverture des données devraient être étudiés. Toutes les mentalités ne sont pas prêtes à cette révolution et ralentiraient probablement le processus. Enfin toutes les données du SITG ne sont pas d'une qualité suffisante pour pouvoir être ouvertes sans autre. Mais pour se lancer dans des expérimentations exploratoires, tout y est : des jeux de données de qualité, structurées, documentées, et en prise directe avec les préoccupations de la population; une infrastructure technique éprouvée et ouverte; des volontés d'aller de l'avant à l'intérieur de l'administration et des citoyens et des entreprises demandeurs de cette opportunité (voir chapitre suivant).Nous avons concentré notre discours sur les données du SITG qui constituent probablement un cas d'école. Mais de nombreuses autres données qui constituent la richesse de l'administration genevoise ont vocation à être ouvertes. Leur ouverture constituerait une formidable occasion d'associer les habitants et les entreprises à une démarche de co-production et de participation ouverte au vivre ensemble que nous recherchons tous. Ce serait mettre le numérique au service d'une dynamique sociale et croire en l'intelligence créative des forces vives de notre canton qui pourraient contribuer à valoriser plus largement la ressource stratégique que représente notre patrimoine informationnel. D'autant que comme le rappelait Charles Nepote : « Si vous ne partagez pas vous-même vos données publiques, d'autres le feront à votre place ! ».Tout n'est cependant pas si évident. Comme le souligne Daniel Kaplan65, l’ouverture des données publiques est un processus vaste et complexe, qui implique de très nombreux acteurs. Elle redistribue l’information, le pouvoir, les responsabilités, selon des lignes difficiles à anticiper. Ses conséquences se feront probablement sentir dans de très nombreux domaines, elles influerons de nombreux métiers et certains modèles économiques devront être redéfinis. Selon la manière dont nous ouvrirons l’accès aux données, et selon ce que nous ferons après avoir ouvert cet accès, certaines de ces conséquences pourraient être moins positives que nous ne le souhaiterions. Mais si nous ne l'expérimentons pas, nous n'aurons pas de réponse à ces questions.Notons enfin qu'à notre sens un véritable enjeu de société et donc un réel projet politique se cache derrière l’ouverture des données publiques. Le mot « ouverture » est d'ailleurs le maître mot lorsqu'on évoque l'évolution du secteur public : ouverture vers le citoyen et les entreprises, ouverture des données publiques et ouverture des démarches d'innovation ».

63 Loi relative au système d’information du territoire à Genève, B 4 36, 17 mars 2000, http://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_b4_36.html

64 A l'image de la charte d'éthique des représentations 3D co-élaborée par le canton de Genève en 2010, http://www.3dok.org/fr/la-charte

65 L’ouverture des données publiques, et après ?, Daniel Kaplan, InternetActu, novembre 2010, http://www.internetactu.net/2010/11/09/louverture-des-donnees-publiques-et-apres/

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