ORDRE JURIDIQUE DE L'UNION EUROPEENNE

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O RDRE JURIDIQUE DE L ’U NION E UROPÉENNE A l’origine, les communautés européennes ont été fondées entre 6 Etats (Allemagne-France-Italie-Benelux). Aujourd’hui, et ce depuis le 1 er janvier 2007, il y a 27 Etats dans l’Union Européenne. Cela montre que c’est une organisation très attractive. Par ailleurs, depuis le 1 er décembre 2009 (date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne), un Etat peut même se retirer de l’UE. L’Union Européenne aussi est une organisation évolutive. En effet, elle a connu une longue évolution depuis la création de la première communauté (la CECA en 1952). Enfin, c’est une organisation que l’on qualifie de sui generis. Cette organisation n’a pas atteint le stade d’Etat fédéral mais a largement dépassé le niveau d’une confédération. L’Union Européenne a connu dans son évolution trois étapes : La création des communautés européennes Traité CECA en 1952, Traité CEE et traité CEEA en 1958. Ces 3 communautés européennes étaient à leur création essentiellement axées vers l’économie, le but était l’intégration économique. En ce sens elles sont apparues comme un nouveau type d’organisation sur la scène internationale = des organisations d’intégration autrement dit un type d’organisation dans lequel les Etats membres transfèrent certaines de leurs compétences à l’organisation internationale. La naissance de l’Union Européenne L’Union Européenne est instituée par le Traité de Maastricht signé en 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Cette UE n’a pas consisté en la création d’une nouvelle organisation, ça n’a été qu’une étape dans un processus qui avait commencé avec le traité CECA. C’est une nouvelle étape et d’ailleurs si l’on reprend l’article 1 alinéa 2 du TUE modifié par le Traité de Lisbonne « C’est une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens ». Donc : nouvelle étape mais l’UE ne se substitue pas aux communautés européennes (CECA CEE et CEEA). L’Union Européenne créée par le Traité de Maastricht repose sur les communautés européennes (CECA, CE (adjectif «économique» supprimé) et CEEA).

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ORDRE JURIDIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

A l’origine, les communautés européennes ont été fondées entre 6 Etats (Allemagne-France-Italie-Benelux). Aujourd’hui, et ce depuis le 1 er janvier 2007, il y a 27 Etats dans l’Union Européenne. Cela montre que c’est une organisation très attractive. Par ailleurs, depuis le 1er décembre 2009 (date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne), un Etat peut même se retirer de l’UE.

L’Union Européenne aussi est une organisation évolutive. En effet, elle a connu une longue évolution depuis la création de la première communauté (la CECA en 1952). Enfin, c’est une organisation que l’on qualifie de sui generis. Cette organisation n’a pas atteint le stade d’Etat fédéral mais a largement dépassé le niveau d’une confédération.

L’Union Européenne a connu dans son évolution trois étapes :

La création des communautés européennes

Traité CECA en 1952, Traité CEE et traité CEEA en 1958. Ces 3 communautés européennes étaient à leur création essentiellement axées vers l’économie, le but était l’intégration économique. En ce sens elles sont apparues comme un nouveau type d’organisation sur la scène internationale = des organisations d’intégration autrement dit un type d’organisation dans lequel les Etats membres transfèrent certaines de leurs compétences à l’organisation internationale.

La naissance de l’Union Européenne

L’Union Européenne est instituée par le Traité de Maastricht signé en 1992 et entré en vigueur en novembre 1993.

Cette UE n’a pas consisté en la création d’une nouvelle organisation, ça n’a été qu’une étape dans un processus qui avait commencé avec le traité CECA. C’est une nouvelle étape et d’ailleurs si l’on reprend l’article 1 alinéa 2 du TUE modifié par le Traité de Lisbonne « C’est une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens ». Donc : nouvelle étape mais l’UE ne se substitue pas aux communautés européennes (CECA CEE et CEEA). L’Union Européenne créée par le Traité de Maastricht repose sur les communautés européennes (CECA, CE (adjectif «économique»

supprimé) et CEEA).

La véritable nouveauté apportée par le Traité de Maastricht c’est qu’à cette intégration existante on est venu ajouter de la coopération intergouvernementale. Cette coopération intergouvernementale se fonde sur le 2ème pilier de l’Union (la PESC).

NB : Le troisième pilier (JAI) qui, avec le Traité d’Amsterdam de 1999, deviendra la coopération policière et judicaire en matière pénale.

Le traité de Lisbonne

Ce traité est une étape très importante. Il a supprimé la structure en piliers. Cela signifie que désormais l’UE repose sur 2 traités : le TUE tel que modifié par le traité de Lisbonne et le TFUE.

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[Traité CECA était arrivé à terme en 2002 / Traité CE a pris fin, l’UE s’est substituée à la communauté européenne (CE) ].

Un autre apport du Traité de Lisbonne a été de donner une valeur juridique à la Chartre des Droits Fondamentaux.

Ce traité a aussi défini des objectifs à l’Union plus larges que ceux qui étaient définis préalablement.

Le traité de Lisbonne a apporté de grandes modifications d’ordre institutionnel. Désormais il existe 7 institutions au lieu de 5 auparavant. (Commission, Parlement, Conseil, Conseil européen , BCE …).

Le Parlement Européen, comme à l’occasion de chaque traité de révision, a vu ses pouvoirs augmenter : désormais il est en principe codétenteur du pouvoir budgétaire avec le Conseil. Par ailleurs, le Parlement Euro partage la fonction législative avec le Conseil, la procédure de codécision est devenue la procédure législative ordinaire.

En ce qui concerne la Commission européenne, des modifications ont été apportées quant à la désignation de son Président. Ces modifications n’ont pas été appliquées pour l’actuelle Commission mais le seront pour la prochaine : le Président de la Commission sera élu par le Parlement européen.

Le Haut Représentant pour la politique extérieure et les affaires étrangères a vu ses pouvoirs renforcés et il devient le 1er Vice Président de la Commission.

Le Conseil Européen devient quant à lui une institution et désormais la présidence est désignée pour 2 ans et demi. (actuellement : Herman Von Rompuy).

La CJUE : le Traité de Lisbonne prévoit qu’elle comprend la Cour de Justice (ancienne CJCE en tant qu’institution), le Tribunal (ancien TPI) et des tribunaux spécialisés.

Le traité de Lisbonne supprime les piliers et donc théoriquement il supprime la distinction entre pilier d’intégration et pilier de coopération. En réalité, en dépit de cette suppression il garde la spécificité de la PESC. En effet la PESC est la seule politique de l’UE qui soit prévue dans le TUE. Le titre 5 du TUE tel qu’il apparait aujourd’hui est consacré à cette PESC, elle reste dans le TUE et elle garde une spécificité : elle reste du domaine de la coopération intergouvernementale.

Par contre l’ancien 3ème pilier c'est-à-dire la CPJEMP est devenue une politique de l’UE visée dans le TFUE. Le TFUE reprend en fait toutes les politiques qui étaient menées dans le cadre de l’UE et parmi ces politiques il y a un titre qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice (espace qui repose sur l’ancien 3 ème pilier et sur l’ancien titre 4 du TCE).

Aujourd’hui l’UE repose donc sur deux traités : le TUE et le TFUE. Le droit de l’UE est un droit qui se compose d’un ensemble de règles qui vont régir à la fois la structure, les compétences et les activités de l’UE.

Ce droit de l’UE est composé de ce que l’on appelle le droit primaire. Le droit primaire c’est aussi appelé le droit originaire = c’est l’ensemble des Traités. Depuis l’origine des communautés européennes il y a eu tout un ensemble de Traités (constitutifs et de révision). A coté de ce droit primaire il y a le droit dérivé, c’est le droit qui dérive de l’application des traités. Il est très important en volume.

Cette importance en quantité du droit de l’Union a des incidences sur le droit national. En 2006 par exemple dans son rapport d’activité le Conseil d’Etat constatait que les saisines et l’activité de sa cellule consacrée au droit de l’UE ne cessaient d’augmenter.

A l’origine le droit communautaire est un droit qui a été crée pour rassembler des Etats autour d’un grand projet économique à savoir la réalisation d’un marché commun. Ce droit a su évoluer, progressivement il va être marqué par le soucis du respect des droits fondamentaux comme en témoigne l’article 2 du TUE « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes

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aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes ».

Les communautés européennes puis l’UE se sont créées autour du droit. Ce droit est un droit original et spécifique. Pourquoi ? Car il n’est pas élaboré comme l’est le droit interne : en effet c’est un droit qui est l’œuvre des diplomates et des juge. C’est un droit qui est négocié un peu dans les conditions du droit international public. En dépit de cela, c’est un droit qui s’intègre au droit interne des Etats. « Au gré des nécessités ce droit emprunte des concepts à telle ou telle tradition nationale sans en privilégier aucune » comme le décrit Jean-Marc Sauvé. C’est une juxtaposition de systèmes juridiques.

C’est un droit hybride en quelques sortes. Ce droit de l’UE est un droit qui régit de manière assez fortes les rapports entre personnes privées, il régit aussi les rapports entre Etats. Et dans certains domaines il tend à restreindre la souveraineté des Etats.

L’UE est donc une organisation qui a construit un droit qui lui est propre et un droit qui se trouve au service d’un projet politique. Ce projet politique peut se traduire a travers l ’Arrêt COSTA contre ENEL, CJCE, 1964 qui est l’arrêt de principe en matière de reconnaissance de la primauté du droit communautaire sur le droit national. Dans cet arrêt la CJCE affirme que le droit communautaire est supérieur au droit national : « La CEE est une communauté d’Etats qui ont limité leurs droits souverains et ont crée ainsi un corps de droits applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes ».

Le droit de l’UE est issu d’une négociation aujourd’hui faite entre 27 Etats, donc c’est un droit qui finalement est le fruit d’alliances, de compromis, de concessions. Les Etats participent à l’élaboration du droit et les parlements nationaux sont amenés à examiner les projets de textes. De plus, avec le Traité de Lisbonne, les parlements nationaux sont associés de façon encore plus étroite à la formation du droit de l’Union. Rappel : Article 88-4 de la Constitution « Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat des leur transmission au Conseil* les projets d’actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d’actes de l’UE. Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée au Commission chargées des affaires européennes »

* « Conseil » = Conseil de l’UE c'est-à-dire celui composé de Ministres et non pas le Conseil européen

Cet article 88-4 donne aux Assemblées parlementaires un large pouvoir de voter des résolutions sur tout projet d’acte émanant de l’UE. Le Traité de Lisbonne dans cette perspective d’accroitre le pouvoir des Parlements nationaux a prévu différents rôles pour eux :

- Un rôle dans le contrôle du respect du principe de subsidiarité- Egalement un rôle aux dans le cadre des procédures de révision simplifiée des traités TUE et TFUE.- Par ailleurs, les Parlement nationaux sont associés à la mise en œuvre de l’Espace de Sécurité, de Liberté et

de Justice (= les Parlements nationaux sont informés de la teneur et des résultats de la mise en œuvre des mesures prises au titre de cet espace).

- Aussi ils sont associés à l’évaluation des activités d’Eurojuste et d’Europole. Europole = coopération entre les polices des différents Etats membres. Euojuste = c’est un pendant d’Europole mais la coopération se fait au niveau des magistrats.

Et surtout dans l’élaboration du droit de l’UE un rôle fondamental est joué par le juge : la CJUE. Quand on regarde sa jurisprudence depuis son entrée en vigueur en 1952 elle a rendu des milliers d’arrêts mais l’essentiel de ces arrêts se trouvent dans le cadre de l’application du Traité CEE puis CE. Autrement dit, il y a peu d’arrêts rendus dans le cadre du Traité CEEA. Les arrêts rendus par cette Cour ont eu une incidence très forte sur l’ensemble des branches du droit et notamment du droit interne privé (droit de la concurrence, droit des contrats, droit de la propriété, droit de la famille...). Par exemple : Arrêt GRUNKIN, 14 octobre 2008, CJCE : en l’espèce un enfant était né au Danemark, de

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parents allemands. L’enfant garde la nationalité Allemande mais est inscrit au registre de l’état civil danois sous le nom du père et le nom de la mère. Par la suite les parents divorcent, le père repart en Allemagne et veut faire inscrire son enfant sur registre allemand. C’est d’accord mais on inscrit que le nom du père et pas celui de la mère. Donc l’état civil allemand refuse de reconnaitre le nom de naissance de l’enfant ! Les parents invoquent la violation par l’Allemagne de la liberté de circulation des personnes. Le juge allemand sursois à statuer et pose une question préjudicielle à la CJCE. La CJCE répond et sa solution va s’imposer au juge allemand. Solution CJCE : La position de l’Allemagne est une entrave à la liberté de circulation. Par cet arrêt la Cour a confirmé l’emprise de la liberté de circulation communautaire sur le droit civil des Etats surtout en matière de conflits de lois.

Les arrêts rendus par la CJCE vont donner au droit de l’union sa pleine portée. Et le juge de Luxembourg va veiller à donner au droit de l’Union et notamment aux Traités tout leur effet utile. Et c’est ainsi que le juge de Luxembourg va beaucoup s’appuyer sur la théorie de l’effet utile des traités : pas application littérale du texte si elle conduit à rendre moins efficace la règle. Le but du juge de Luxembourg est de faire en sorte que le droit de l’Union soit appliqué de manière uniforme sur l’ensemble des territoires des Etats et qu’il soit appliqué de manière effective. Pourquoi la recherche d’une application uniforme ? Car il y a 27 Etats dans l’UE et pour que le marché intérieur puisse être effectif il faut que ce droit soit appliqué de la même façon partout, c’est notamment l’objet de la question préjudicielle !

La CJCE est attachée à structurer l’ordre juridique communautaire et elle a contribué à enrichir les sources de ce droit tout en les hiérarchisant. En effet, un autre arrêt fondamental à retenir est l’Arrêt VAN GEND EN LOOS du 5 février 1963, CJCE : cet arrêt met en évidence la spécificité de l’ordre juridique communautaire « L’objectif du traité CEE qui est d’instituer un marché commun dont le fonctionnement concerne directement les justiciables de la communauté implique que ce traité constitue plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre Etats contractants. La Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les Etats ont limité bien que dans des domaines restreints leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les Etats membres mais également leurs ressortissants ». Quand elle dit cela, la CJCE met en évidence l’existence d’un ordre juridique autonome à la fois du droit international et du droit interne.

L’autonomie par rapport au droit international signifie que les règles du DI qui régissent l’application des Traités ne sont applicables aux Traités communautaires que si elles sont compatibles avec les objectifs de ces Traités. Arrêt dans lequel la CJCE a réaffirmé de manière forte l’autonomie de l’ordre juridique communautaire : Arrêt KADI contre CONSEIL du 3 septembre 2008, CJCE : la CJCE était saisie d’un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt du Tribunal de 1ère instance. Le Tribunal avait estimé que le recours intenté par Kadi n’était pas fondé et il avait refusé d’annuler un acte du Conseil au terme duquel les avoirs financiers de Kadi étaient gelés car il figurait sur une liste de personnes soupçonnées d’être impliquées avec les talibans. Donc on était dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le Tribunal avait estimé que l’acte du Conseil étant pris sur la base d’une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies, cet acte ne pouvait pas être contrôlé, il échappait au contrôle de légalité. Pourvoi de Kadi : la CJCE va annuler l’arrêt du Tribunal en disant qu’un accord international ne saurait porter atteinte à l’ordre des compétences fixé par les Traités et de ce fait à l’autonomie du système juridique communautaire et elle dit qu’ « un acte du Conseil mettant en œuvre une résolution du conseil de sécurité adopté sur la base du chapitre 7 de la Charte ne peut bénéficier d’une immunité juridictionnelle et donc il peut faire l’objet d’un contrôle de légalité au regard des droits fondamentaux ».

A retenir : Autonomie de l’ordre juridique dégagée dans l’arrêt VAN GENS EN LOOS et fortement réaffirmée dans cet l’arrêt KADI contre CONSEIL.

L’ordre juridique communautaire est indépendant de l’ordre interne et pour autant cela n’exclu pas que le droit de l’Union est largement intégré dans le droit interne des Etats.

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La CJCE qui est qualifiée de « moteur de l’intégration communautaire » a, à travers ses jurisprudences, dégagé ce que l’on appelle les grands principes du droit communautaires

- Le principe de l’effet direct de certaines normes : arrêt VAN GEND EN LOOS- Le principe de primauté du droit communautaire sur le droit national : arrêt COSTA contre ENEL- Le principe selon lequel les Etats sont responsables des préjudices causés du fait de la violation du droit

communautaire : arrêt FRANCOVICH de 1991.

Cette Cour de Justice a donc dégagé les grandes caractéristiques de ce droit de l’Union et elle a la responsabilité d’en assurer le respect par les Etats membres mais aussi par les institutions de l’Union elle-même. CORRECTION

BREF RAPPEL SUR LES INSTITUTIONS DE L’UE

Jusqu’au Traité de Lisbonne dans les Traités il y avait la mention « CJCE ».

Cette Cour de Justice a été créée par le traité CECA en 1951. Puis, en 1988 le Conseil a crée le Tribunal de 1ère instance pour soulager la CJCE. Enfin, le Traité de Nice a permis la création de chambres juridictionnelles spécialisées et de ce fait a été crée en 2004 le tribunal de la fonction publique de l’Union Européenne.

Le Traité de Lisbonne va modifier les intitulés de ces juridictions : il prévoit désormais (article 19 TUE) que la CJUE comprends :

- La Cour de Justice de l’Union Européenne (qui correspond à la CJCE)- Le Tribunal (qui ne s’appelle plus « TPI ») et comprend aussi des tribunaux spécialisés.

Trois types de compétences :

- Compétence consultative qui n’appartient qu’à la seule Cour de Justice (CJ). Elle consiste à se prononcer sur la conformité d’un accord international avec les traités TUE ou TFUE. Même mécanisme que celui qui conduit notre Conseil Constitutionnel à exercer son contrôle de conventionalité. Elle rend alors des avis.

- Compétence préjudicielle : elle est partagée par la CJ et le tribunal. En ce qui concerne le Tribunal : c’est le Traité de Nice (entré en vigueur en 2003) qui a prévu que le Tribunal pouvait connaitre de questions préjudicielles. Mais uniquement dans les domaines définis par le statut de la Cour de Justice (CJ). A ce jour, le statut n’a pas déterminé ces domaines ! Du coup la compétence du TPI n’est que potentielle et de facto seule la Cour de Justice exerce toujours cette compétence. Compétence préjudicielle = le juge de l’Union est saisi par un juge national une question. Cette question peut être :

Soit une question d’interprétation du droit de l’Union = le juge national est le juge commun d’application du droit de l’Union or, quand le juge français doit appliquer un texte de l’UE si ce juge a des doutes sur l’interprétation de la règle il doit sursoir à statuer et poser la question, ca c’est l’interprétation

Soit une question qui porte sur la validité d’un acte de l’Union = si le juge français a des doutes sur la validité d’un acte parce que par exemple il pense qu’il viole un principe fondamental, le juge national n’a pas compétence pour juger de l’invalidité d’un acte de l’Union donc il doit sursoir à statuer et demander à la CJ de se prononcer sur la validité de l’acte. C’est un mécanisme de coopération de juge à juge. La CJ dans ce cas là rend des arrêts.

- Compétence contentieuse : dans ce cas le juge de l’Union est conduit à trancher un litige. Cette compétence est partagée entre la CJ, Tribunal et le Tribunal de la fonction publique de l’UE.

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Dans le cadre de la compétence contentieuse on distingue les recours intentés contre les Etats membres et les recours intentés contre les institutions de l’UE.

o En ce qui concerne le recours contre les Etats c’est le recours en manquement. Il peut être intenté par les Etats ou la Commission. Ce recours est de la seule compétence la Cour de Justice.

o Ensuite, il y a le recours contre les institutions ou organes. Là, il va y avoir une répartition de compétence entre la Cour de Justice et le Tribunal. Parmi ces recours, il y a le recours en annulation (c’est l’équivalent du recours pour excès de pouvoir) ; le recours en carence (recours intenté contre une institution qui n’agit pas alors que le traité l’oblige à agir) ; le recours en responsabilité extracontractuelle. Le recours en annulation, quand il est intenté par une institution ou un organe, est déposé devant la Cour de Justice. Il est parfois aussi déposé devant la Cour de Justice quand il est intenté par un Etat, sinon ces recours vont devant le Tribunal. Le recours en annulation est déposé devant le Tribunal quand le recours est intenté par une personne physique ou morale. Il en va de même pour le recours en carence.

Les arrêts du Tribunal peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la CJ ; par contre les arrêts de la CJ sont définitifs.

La procédure préjudicielle est essentielle car elle est appropriée à la nature spécifique originale du droit de l’Union car les juridictions nationales qui ne sont pas soumises à une subordination à la CJ sont les juges communs du droit de l’Union et sont amenés à exercer un contrôle de conventionalité. Et c’est ce contrôle de conventionalité qui est à la base des rapports entre le juge de l’Union et le juge national. Et c’est ainsi que l’on constate qu’il y a une coopération sans cesse plus étroite entre les juridictions nationales et le juge de Luxembourg, mais surtout coopération sans cesse plus étroite entre les Cours suprêmes nationales et le juge de Luxembourg. Cette coopération va infléchir la jurisprudence de ces juridictions suprêmes.

Discours un de ses discours, Jean Marc Sauvé avait fait état de l’importance du Conseil d’Etat dans l’application du droit de l’UE « Le Conseil d’Etat est le juge de droit commun du droit de l’Union dont il fait application dans 26 de ses arrêts (…) Si bien que l’application combinée du droit interne et d’un droit supra national fait désormais [partie] de l’office du juge administratif ».

TITRE I

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LES SOURCES DU DROIT DE L’UNION

Cet ordre juridique de l’UE est très structuré, très hiérarchisé et les sources sont multiples. Quelles sont ces sources ?

- Les Traités (droit originaire)- La jurisprudence (la CJ jour un rôle très important)- Les actes conventionnels - Le droit dérivé (les actes unilatéraux des institutions)

Section 1 / Le droit originaire avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne

Le droit originaire est constitué des traités et des protocoles et annexes aux traités.

§1 Les traités constitutifs des communautés européennes

A. La spécificité des traités

Les traités constitutifs des communautés européennes :

- Traité instituant la CECA ou traité de Paris signé le 18 avril 1951 et entré en vigueur le 23 juillet 1952. Des protocole ont été annexés à ce traité dont un concernant le statut de la Cour de Justice

- Les 2 traités de Rome signés le 25 mars 1957 et entrés en vigueur le 1er janvier 1958. Il s’agit d’une part du traité instituant la CEE et d’autre part du traité instituant la CEEA. Et un protocole, celui créant la BEI (Banque Européenne d’Investissements).

Ces trois traités qui sont des traités internationaux de type classique, cela veut dire que ce sont des traités conclus entre Etats souverains. Ces traités comme tous les traités contiennent tout d’abord un préambule, aussi des dispositions qui définissent les objectifs des communautés c'est-à-dire qu’il y a une partie des traités qui défini les principes, les buts des communautés européennes, et bien souvent le juge s’y réfère pour interpréter le droit communautaire. On trouve aussi des dispositions qui évoquent les grands principes régissant les communautés tels que le principe de non-discrimination. Et puis, enfin, dans chaque traité on trouve des dispositions institutionnelles. Enfin il y a des dispositions que l’on appelle des dispositions matérielles, elles concernent les politiques menées par les communautés.

Le traité CECA a été ainsi que le traité CEEA considéré comme un traité-loi c'est-à-dire que le traité CECA déterminait strictement les règles dans lesquelles devait fonctionner le marché commun du charbon et de l’acier. Donc les Etats membres disposaient de peu de marges de manœuvre dans l’application du traité.

CHAPITRE 1

LE DROIT PRIMAIRE OU ORIGINAIRE

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Le traité CEE était un peu différent, on parlait plutôt de traité-cadre c'est-à-dire un traité qui fixait des objectifs généraux que devaient atteindre les institutions et les Etats.

Le traité CECA a mis en place un marché commun des produits sidérurgique et a crée les 4 premières institutions communautaires : la haute autorité, le conseil des ministres, la CJ et l’assemblée européenne.

Quant au traité de Rome, (CE) a mis en place le marché commun généralisé (tous les secteurs de l’économie) et le traité CEEA énergie atomique mais uniquement à des fins pacifiques. Quand les 2 traités de Rome ont été crées il a été décidé que la CJ et l’assemblée européenne seraient des institutions communes aux trois communautés. Les autres institutions seront unifiées en 1965.

Les protocoles et annexes au traité faisaient partie intégrante du droit originaire, c’est ainsi qu’une violation d’un protocole ou d’une annexe est assimilée à la violation d’un traité. Et la CJ a eu l’occasion à plusieurs reprises de rappeler qu’un protocole ne peut être modifié que selon la procédure de modification des traité. Elle le rappelle très régulièrement ex : arrêt Estonie contre Commission d’octobre 2009.

L’article 51 du TUE rappelle que les protocoles et annexes font partie intégrante des traités.

Ces trois traités (CECA CEE CEEA) sont indépendants les uns des autres, autrement dit, ils ont crée trois communautés indépendantes et d’ailleurs les traités eux-mêmes ont expressément prévu cette indépendance dans leurs articles.

Toutefois, la CJ a plusieurs reprises, en dépit de cette indépendance, a interprété un article d’un traité à la lumière d’un article d’un autre traité. Ex : elle a reconnu au Parlement Européen la possibilité de faire l’objet d’un recours en annulation alors que le traité CE ne le prévoyait pas ! Et pour accepter le recours elle s’est fondée sur un article du Traité CECA. Et ce n’est que le traité de Maastricht qui va entériner cette jurisprudence.

Ces traités communautaires se trouvent au sommet de la hiérarchie des normes communautaires c'est-à-dire qu’on a :

- Les traités communautaires (CEE CECA et CEEA) et au même niveau que les traités se trouvent les principes généraux du droit communautaire (PGDcom).

- Puis les accords internationaux conclus par les communautés- Le droit dérivé

Il y a une hiérarchie et partant de là il y a des mécanismes qui permettent de faire respecter cette hiérarchie :

Le respect du traité par un accord international se fait par la demande d’avis adressée à la CJ.

Le respect du traité par un acte unilatéral se fait par le mécanisme du recours en annulation qui peut être intenté contre un acte unilatéral pour violation du traité.

Si l’on veut être plus précis : à l’intérieur même du droit originaire, les traités d’adhésion doivent être interprétés à la lumière des traités constitutifs. Ces traités qui sont des traités internationaux classique assurent en plus une fonction constitutive. La CJ a plusieurs reprises a qualifié les traités de charte

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constitutionnelle, elle l’a fait par exemple dans un arrêt du 23 avril 1986 ( Affaire 294-83) c’est l’arrêt connu : Les Verts contre Parlement Européen. « la CE est une communauté de droit en ce que ni ses Etats membres ni sa commission n’échappent à … ».

En effet, quand on regarde de plus près on s’aperçoit qu’il y a des éléments qui penchent en faveur de cette approche de la CJ. D’abord quand on regarde les traités, on s’aperçoit qu’à l’instar d’une Constitution ils organisent les rapports entre les institutions. Autre critère qui penche en faveur de cette approche : le fait qu’il n’existe pas de contrôle de légalité du droit originaire, tout comme il n’y a pas de contrôle de légalité de la constitution. Enfin, un préjudice subi du fait de l’application des traités ne donne pas droit à réparation (exemple : Arrêt du TPI de 1998 : une entreprise (Dubois) avait intenté un recours contre la commission européenne. Cette entreprise était une entreprise de commissionnaire en douanes. Or, après l’entrée en vigueur de l’AUE les activités de commissionnaires en douanes ont cessé puisque l’AUE faisait obligation aux Etats et aux institution d’achever le marché commun d’ici à fin 1992. Donc cette société voit ses activités cesser ! Elle intente un recours en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de l’arrêt de l’activité ! Le TPI a simplement conclu à l’irrecevabilité du recours ! La responsabilité des communautés est exclue quand le préjudice trouve sa source dans l’application du droit originaire. Autre élément en faveur du point de vue de la CJ : selon une procédure spéciale … il faut l’unanimité des Etats membres et cette unanimité est nécessaire mais pas suffisante et donc à travers ce caractère spécial certains auteurs y voient la consécration du caractère constitutionnel (comme à l’interne on ne révise pas la Constitution comme le reste).

BEMOL : on ne peut pas considérer les traités comme l’équivalent complet d’une Constitution en droit interne ! D’abord parce que nous ne sommes pas dans le cas d’un Etat fédéral, les Etats restent souverains c’est pourquoi certains auteurs comme Denis Simon préfèrent parler de « Constitution partielle ». Le CC en 2004 a rappelé que le traité conservait un caractère international dans décision relative à au traité établissant une constitution pour l’Europe. Cf. les considérants 9 et 10.

B. Le champ d’application des traités

Quand on dit champ d’application pour les traité on distingue champ d’application temporel et champ d’application spatial.

1. Le champ d’application temporel

Seul le traité CECA a été élaboré pour une durée limitée (50 ans). Le traité CEE, le traité CEEA et le TUE et TFUE ont une durée illimitée.

Le traité CECA a donc expiré le 23 juillet 2002.

Le juge de l’UE affirmait qu’en dépit de l’expiration de ce traité il restait compétent pour en assurer l’interprétation et l’application. Concrètement, c’est ainsi par exemple que dans un arrêt du 1 juillet 2009 affait T4207 le Tribunal a considéré que « la commission européenne pouvait sanctionner des ententes réalisées dans les secteurs relevant du traité CECA même après son expiration ».

Par ailleurs, le juge de l’UE a eu l’occasion d’affirmer que la caducité des traités ne se présume pas. Pourquoi ? il l’a fait à l’occasion d’un recours intenté contre la France en 1971. La France, pour retrouver sa liberté e conclure des contrats d’approvisionnement en uranium avait invoqué la caducité de dispositions

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du traité CEEA. Et elle avait de ce fait conclu toute seule des contrats. La commission euro a attqué la France en manquement. La France a été condamnée.

2. Le champ d’application spatial

Dans chaque traité communautaire il y avait un article qui traitait du champ d’application spatial. Cet article était bien sur modifié à chaque élargissement. Aujourd’hui le champ d’application spatial = article 52 du TUE et précisé par article 355 du TFUE.

Quel est le champ d’application spatial ? Le principe c’est que les traités s’appliquent aux territoires des différents Etats membres (terrestre/maritime/aérien). Toutefois, il y a des dérogations et des atténuations au principe. C’est ainsi que l’article 355 TFUE prévoit que les traités s’appliquent au DOM français avec toutefois la possibilité d’adopter des mesures spécifiques. Ensuite, il précise aussi cet article qu’un régime spécial d’association est applicable à certains pays et territoires d’outre mer. Ensuite, cet article précise que les traités s’appliquent aux territoires européens des Etats membres quand l’Etat membre assure les relations extérieurs (cela vise expressément le cas de Gibraltar). Par ailleurs l’article 355 précise que les traités ne s’appliquent pas aux îles Féroé. Par ailleurs les traités ne s’appliquent pas aux zones de souveraineté du RU à Chypre sauf dans la mesure nécessaire et dans la limite de ce que prévoit le protocole annexé au traité d’Athènes (= traité d’adhésion conclu avec les 10 Etats entrés en 2004 dont chypre mais le problème de chypre c’est que la partie nord a été déclarée turque..) aussi un régime spécial pour l’île de Mann

Donc en principe = les traités s’appliquent sur tous les territoires des Etats membres mais par exception il y a des espaces où ils ne s’appliquent pas ou où leur application est particulière.

§2 Les révisions

Les traités constitutifs ont été révisés à mainte reprises.

Jacques Delors, Novembre 2010 devant le Sénat « Je crois qu’il y n’y a eu que trois traités européens réellement utiles : la CECA, la CEE et l’AUE, les autres n’étaient pas assez lisibles pour être mobilisateurs ».

Rappel : la procédure de révision des traités telle qu’elle existait avec le Traité de Lisbonne :

Dans chaque traité communautaire il y a avait jusqu’au Traité de Maastricht un article qui prévoyait la procédure de révision. Ces articles étaient les mêmes pour tous les traités. Et puis dans chaque traité il y avait des procédures de révision simplifiées qui concernaient des modifications mineures.

Quand le Traité de Maastricht a été élaboré, ces articles ont été supprimés. Il y avait alors un seul article dans le TUE qui fixait la procédure de révision applicable au Traités communautaires et aux Traités sur l’UE.

Comment cela se passait-il ?

L’initiative d’une révision appartenait soit à la commission européenne soit à un Etat membre qui saisissait le Conseil d’un projet de révision.

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A partir de là, le Conseil s’il entendait donner suite, consultait le Parlement européen et éventuellement la Commission. (sauf si c’était elle qui était à l’origine de la proposition !)

Puis le Conseil devait se prononcer en faveur de la réunion d’une « CIG » c'est-à-dire d’une Conférence Intergouvernementale composée de représentants des Etats membres. Cette CIG était alors chargée de rédiger le projet de révision.

Ce projet de révision devait être adopté par tous les Etats membres et pour entrer en vigueur il devait être ratifié par tous les Etats. Donc unanimité obligatoire.

C’est cette procédure qui a permis de modifier les Traités communautaires et qui a permis l’adoption du Traité de Lisbonne.

NB : au moment de la CECA il y a eu un débat : était-il possible de réviser le traité CECA en dehors de la procédure commune ? Le traité pouvait-il être modifié par un acte unanime des Etats uniquement ? Est-ce que l’on pouvait appliquer la théorie de l’acte différent ? Simplement parce que la CECA a la personnalité juridique donc dans la procédure normale elle est associée. Il y a eu UNE seule modification de la CECA par acte unanime des Etats mais cela a été très critiqué.

Quels ont été les traités de révision ?

A. Des traités communautaires au Traité de Maastricht

1. Des traités ayant modifié des règles institutionnelles et budgétaires

- Le Traité instituant un Conseil et une Commission unique aux trois communautés : le Traité de fusion des exécutifs du 8 avril 1965.

- Le traité de Luxembourg du 22 avril 1970 : il dote les communautés européennes de ressources propres.

- Le Traité de Bruxelles du 22 juillet 1975 : il fait du Parlement Européen le codétenteur du pouvoir budgétaire (avec le Conseil). C’est le premier Traité qui donne des pouvoirs au Parlement Européen.

- L’acte du 20 septembre 1976 : qui porte élection du Parlement européen au SUD.

2. L’Acte Unique Européen

Il a été signé les 17 et 28 février 1986 et est entré en vigueur le 1er juillet 1987.

L’AUE c’est le premier traité de révision d’ensemble du Traité CEE notamment.

Les apports de l’AUE :

Il a été élaboré parce qu’à la fin des années 1960 les chefs d’Etat et de Gouvernement ont constaté qu’il fallait approfondir l’action de la CEE. C’est aussi l’époque de la sortie du Rapport Werner de 1970 (qui dit qu’il faut mettre en place l’Union Economique et Monétaire). A la même époque le Rapport Davignon qui est à la base de la coopération politique.

Finalement l’AUE sera rédigé afin de faire avancer cette construction européenne.

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Cet AUE :

- Donne plus de compétences à la CEE. Il va lui permettre d’intervenir dans de nouveaux domaines (dans le cadre du principe de spécialité). Il lui accorde les domaines de l’environnement et de la cohésion économique et sociale.

- Renforce les pouvoirs du Parlement européen. - Consacre l’existence sur le plan juridique du Conseil européen. - Fait obligation aux institutions et aux Etats d’achever le marché commun au 31 décembre 1992. - Augmente les cas de recours à la majorité qualifiée.- Permet au Conseil de créer une nouvelle juridiction ( le TPI )- Contient un titre que ne sera pas repris dans les traités communautaires (c’est le titre III consacré à

la coopération politique = le fait pour les Etats de se concerter en matière de politique internationale).

L’AUE a été une étape importante car à partir de lui ont été adoptées des directives, des mesure s qui ont effectivement permis l’achèvement du marché commun.

B. Du Traité de Maastricht au Traité de Nice

1. Le Traité de Maastricht

L’appellation officielle c’est « Le traité sur l’Union Européenne signé le 7 février 1992 et entré en vigueur au 1er novembre 1993 ».

Ce n’est qu’un Traité de révision au même titre que l’AUE. Ce traité a connu des difficultés quant à son entrée en vigueur : exemples : la France et le Danemark.

Le cas de la France : Le CC a été saisi aux fins de vérifier la conformité de ce traité à la Constitution. Il a rendu sa décision le 9 avril 1992 et a estimé que le traité comportait des clauses contraires à la Constitution. Quelles clauses ? Ces clauses étaient :

- les dispositions relatives au droit de vote accordé aux ressortissants de l’UE pour les élections municipales et les élections européennes.

- Les dispositions relatives à la mise en place de l’UEM. Pourquoi ? Parce que l’entrée dans la troisième étape de l’UEM impliquait un transfert de compétences de la France au profit de la communauté européenne.

- Les dispositions concernant la mise en place d’une politique commune des visas.

De ce fait, la Constitution qui est la norme suprême au niveau interne à partir de là pour qu’un traité soit ratifié ou approuvé il faut que soit le Traité soit modifié soit qu’au préalable la Constitution soit modifiée. Modifier le traité de Maastricht n’était pas pensable, donc on a choisi de modifier la Constitution. On a donc décidé de donner priorité au Traité international. D’où la loi constitutionnelle du 2 juin 1992 qui a inséré dans la Constitution de 1958 un nouveau titre : le Titre XV intitulé « Des communautés européennes et de l’UE ». Ce titre XV comprend les articles 88-1 à 88-4.

L’article 88-1 consacre la participation de la France à l’UE.

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L’article 88-4 avait pour but d’améliorer la consultation du Parlement français dans l’élaboration des actes communautaires.

Donc en France : modification de la Constitution.

Le cas du Danemark : Lors du référendum organisé aux fins d’autoriser la ratification, les danois ont dit non. Cela posait un problème car pour qu’un traité de révision il faut unanimité ! Le Danemark dit non, le Conseil européen d’Edinburgh de décembre 1992 va se pencher sur le problème et va apporter des garanties au Danemark afin que celui-ci puisse ratifier. Le Danemark obtient ces garanties :

- Il ne sera pas obligé de participer à la troisième étape de l’UEM (raison pour laquelle il n’y a pas l’Euro au Danemark)

- Il ne sera pas obligé d’être membre de l’UEO- Il ne participera pas aux opérations de l’UE dans le domaine de la défense.

Le Danemark ayant obtenu ces garanties procédera à un second référendum qui s’avèrera positif.

Le Traité de Maastricht crée donc l’UE.

Le TUE modifie les trois traités communautaires et il crée 2 piliers de coopération à côté d’un pilier d’intégration (PESC et CJAI).

Aussi il transforme la CEE en CE. Il crée la notion de citoyenneté de l’Union. Il renforce les pouvoirs du Parlement Européen en créant la procédure de codécision. Il donne de nouvelles compétences à la communauté européenne (santé publique, protection des

consommateurs…) Il prévoit la mise en place de l’UEM.

2. Le Traité d’Amsterdam

Il est signé le 2 octobre 1997 et il entre en vigueur au 1er mai 1999. C’est un traité de révision du Traité sur l’Union Européenne (TUE signé en 1992) et il modifie également les traités communautaires. En France, le CC a été saisi : la saisine est particulière : par le Chef de l’Etat & le Premier ministre.

Il a rendu sa décision le 31 décembre 1997 : il constate que le Traité d’Amsterdam est contraire sur certains points à la Constitution. Ce qui posait problème c’était notamment les dispositions qui prévoyaient que dans un délai de 5 ans à compter de l’entrée en vigueur du Traité, dans les domaines tels que l’immigration, la politique d’asile, le contrôle aux frontières, le Conseil pourrait statuer à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité ! Cela posait problème au CC car du coup la France pouvait être dépossédée de sa compétence (du temps de l’unanimité elle garde sa souveraineté pleine et entière car elle a un droit de véto ! Or, sous le régime de la majorité qualifiée elle peut se voir imposer des choses !).

D’où la loi constitutionnelle du 25 janvier 1999 qui a modifié l’article 88-2 de la Constitution : en y insérant un nouvel alinéa aux termes duquel peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes.

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On a profité de cette loi constitutionnelle pour modifier aussi l’article 88-4 : cela a étendu l’obligation pour le Gouvernement d’informer le Parlement des projets d’actes européens.

Ce traité d’Amsterdam approfondi le champ de la compétence de la communauté européenne, il intègre la politique sociale dans la compétence de la communauté européenne et enfin il consacre le rôle croissant du Parlement européen en étendant le champ d’application de la procédure de la codécision et surtout il modifie sensiblement le Titre VI du TUE c'est-à-dire le troisième pilier de l’Union en ce sens qu’il communautarise partiellement ce 3ème pilier. Cela signifie que dans le cadre du 3ème pilier CJAI il y avait différents domaines qui relevaient de la compétence de l’UE (lutte contre la fraude, lutte contre le crime, asile, immigration… * Avec le Traité d’Amsterdam ces domaines vont passer dans le pilier 1 et faire leur entrée dans le TCE. La compétence passe de l’UE au TCE).

Pilier 1 Pilier 2 Pilier 3

TCE CJAI

CECA PESC = Asile, immigration, contrôle aux frontières *

CEEA

3. Le traité de Nice

C’est un traité qui a été signé en février 2001. Il avait pour objet essentiel de réformer les institutions. En France le CC n’a pas été saisi. Le problème posé par rapport à l’entrée en vigueur de ce traité a été posé par l’Irlande : en effet, dans un 1er référendum elle a refusé la ratification. A l’instar de ce qui avait été fait pour le Danemark vis-à-vis du Traité de Maastricht le Conseil européen s’est saisi de la question ) déclaration de Séville de juin 2002 : garanties à l’Irlande notamment liées au maintien de son statut de neutralité. Puis second référendum = positif.

Le traité a donc pu entrer en vigueur le 1er février 2003 :

Apport essentiel : modification des institution applicables au moment de l’élargissement de l’UE. Le traité de Nice a modifié le TUE et les traités communautaires, il a continué à renforcer le pouvoirs du Parlement européen et il a aussi augmenté les cas de recours à al majorité qualifiée.

Rappel : il a modifié sensiblement le système juridictionnel de l’UE (cf. intro)

Par contre, les Etats n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour intégrer la charte des droits fondamentaux de l’UE dans le TUE elle a été simplement proclamée au moment du Conseil Européen de décembre 2000. Le conseil européen de décembre 2000 est le conseil européen qui avait adopté le projet de traité de révision.

Parmi les traités de révision et parmi le droit originaire il faut évoquer les traités d’adhésion. Ces traités apportent des modifications à des éléments institutionnels :

- Traité entré en vigueur au 1er janvier 1973 :RU, Irlande et Danemark- Traité entré en vigueur au 1er janvier 1981 : Grèce- Traité entré en vigueur au 1er janvier 1986 : Espagne, Portugal

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- Traité entré en vigueur au 1er janvier 1995 : Autriche, Suède et Finlande- Traité entré en vigueur au 1er mai 2004 : on passe de 15 à 25- Traité entré en vigueur au 1er janvier 2007 : Bulgarie et Roumanie

Section 2 / Le droit originaire après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne

§1 L’élaboration du Traité de Lisbonne :

A l’issue du Conseil Européen de Nice (fin décembre 2000) les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont adopté le traité de révision (Traité de Nice) et en même temps ils ont adopté une déclaration sur l’avenir de l’Union Européenne.

Cette réflexion devait conduire à examiner certains points particuliers à savoir :

- La délimitation des compétences entre l’UE et les Etats membres- Le statut à donner à la Charte des droits fondamentaux (puisque faute d’avoir été intégrée au TUE

elle n’avais pas de valeur juridique)- Le rôle des Parlements nationaux dans le cadre de l’UE- Le fait de simplifier les traités

Une première réflexion va conduire le Conseil européen de Laeken à mettre en place une convention qui sera présidée par Valéry Giscard d’Estaing. Convention chargée de réfléchir à un projet de Constitution pour l’Europe. Cette convention remettre ses travaux au Conseil Européen durant l’été 2003 et le Conseil Européen va décider de l’ouverture d’une conférence intergouvernementale en octobre 2003 à Rome. Cette convention présidée par VGE n’était pas prévue par le traité dans la procédure de révision classique donc juridiquement cette convention ne pouvait pas élaborer un texte de révision. Donc une fois qu’elle a remis ses travaux il a fallu convoquer une CIG comme prévu dans la procédure. Cette CIG a travaillé à partir des travaux de la convention et cela a abouti à la signature du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE). Ce TECE est signé le 29 octobre 2004. Pour entrer en vigueur il devait être ratifié par tous les Etats. Ce TECE avait pour avantage de réduire les traités à un seul (au lieu des 4 sur lesquels reposait l’UE). en France, le CC a été saisi et il a rendu sa décision le 19 novembre 2004 il a estimé que le TECE comportait des clauses contraires à la Constitution. A partir de là : adoption d’une loi constitutionnelle du 1er mars 2005 modifiant le Titre XV de la Constitution. Dans cette loi constitutionnelle il y a eu notamment l’insertion de l’article 88-5 concernant les futurs traités d’adhésion à l’UE. Et dans cette loi il a été prévu que tout futur traité d’adhésion sauf ceux conclus avec les Etats dont les négociations avaient commencé avant 2004 devraient être soumis au référendum !

Cette loi constitutionnelle a procédé à des modification immédiates de la Constitution et a prévu des modification de la Constitution applicables après l’entrée en vigueur du TECE. Ces modifications qui devaient intervenir ultérieurement c’était notamment celles concernant le rôle du Parlement français. Il été décidé que l’autorisation de ratifier par le Chef de l’Etat serait demandée au peuple par voie de référendum (et non pas par voie parlementaire). Ce référendum a été négatif : le 29 mai 2005 plus de 54% des électeurs français se sont prononcés contre. Aussi les Pays Bas ont dit non (61,7%).

Le problème était que les deux Etats qui avaient dit non étaient des Etats fondateurs des communautés européennes ! Le processus de ratification a été poursuivi dans certains Etats et suspendus dans d’autres.

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Le TECE n’entrera donc pas en vigueur faute d’avoir été ratifié par tous les Etats. Le problème c’est que 18 Etats l’avaient ratifié et ils avaient vraiment manifesté leur volonté de ne pas en rester à la seule application du Traité de Nice. En janvier 2007 ils se sont réunis pour afficher leur position et en juin 2007 le Conseil Européen va trouver un accord de principe : il décide de renoncer à tout ce qui pourrait évoquer la notion de Constitution, tout ce qui pourrait donner l’apparence d’une Constitution, mais il affiche sa volonté de dépasser le Traité de Nice.

D’où l’idée de convoquer une CIG chargée de rédiger un traité modificatif, en quelques sortes une version simplifiée du TECE. Cette CIG va aboutir à la signature du Traité à Lisbonne le 13 décembre 2007. Ce Traité de Lisbonne est un traité qui modifie le TUE et qui avait pour but de modifier les traités communautaires (CEEA ET CE). L’entrée en vigueur été espérée pour le 1er janvier 2009 c'est-à-dire avant les élections du Parlement européen mais le problème c’est qu’en juin 2008 l’Irlande a refusé la ratification (près de 54% de non) (c’était le seul Etat dans lequel a été organisé un référendum !) . La ratification s’est poursuivie en épit de ce non irlandais et la France a ratifié en décembre 2008. Le CC a été saisi, il a rendu sa décision le 20 décembre 2007 : la ratification devait être précédée d’une modification de la Constitution. Dans cette décision de 2007 la CC fait référence à sa décision de 2004 : trois points fondamentaux dans la décision de 2007 :

- Les droits fondamentaux de l’UE- Les politiques et le fonctionnement de l’Union- Les nouvelles prérogatives reconnues aux parlements nationaux dans le cadre de l’UE.

C’est sur ces deux derniers points que le CC va considérer qu’il y a non-conformité avec la Constitution. D’où la loi constitutionnelle du 4 février 2008 : cette loi de 2008 va donner la modification immédiate : le titre XV de la Constitution va s’intituler « De l’Union Européenne ». Aussi des modification applicables après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne : elles concernent l’article 88-6 et l’article 88-7.

L’article 88-6 prévoit que l’AN ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité. Cet article prévoit que chaque assemblée peut former un recours devant la CJUE contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Il fallait modifier la Constitution pour permettre cela.

L’article 88-7 prévoit que par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par l’AN et le Sénat, le Parlement peut s’opposer à une modification de règles d’adoption d’actes de l’UE au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile.

Ce Traité de Lisbonne a fait l’objet d’une décision du CC en France. Dans les autres pays : en Allemagne la Cour Constitutionnelle en juin 2009 a conclu à la compatibilité du Traité de Lisbonne à la Loi fondamentale (Constitution allemande). Toutefois, elle a déclaré que le processus de ratification devait être suspendu jusqu’à l’adoption d’une loi sur les droits de participation du Parlement allemand. Cette loi sera adoptée mi septembre 2009. D’où la ratification du Traité de Lisbonne en Allemagne mi-septembre 2009.

En Pologne et République Tchèque, les Parlements de ces deux Etats avaient approuvé la ratification du Traité de Lisbonne mais il fallait que les Chefs d’Etat signent l’acte de ratification. En Pologne le Chef de l’Etat ne le signera que la 10 octobre 2009. Quant à la République Tchèque, en octobre 2009 elle a fait valoir des prétentions mal accueillies par les autres Etats : elle demande l’ajout d’une déclaration

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concernant la Charte des droits fondamentaux. Elle pose des conditions à la ratification tenant à l’application de cette Charte : elle demande en quelques sortes qu’on lui accorde un système dérogatoire. Cette revendication devrait figurer dans un protocole annexé au prochain traité d’adhésion.

Enfin, l’Irlande : en juin 2009 le Conseil Européen s’est saisi de la question irlandaise et a accordé à l’Irlande des garanties juridiques : dans le domaine de la fiscalité, en matière de neutralité militaire et quant à l’application de la Charte des droits fondamentaux. C'est-à-dire que l’Irlande avait peur que l’application de la Charte des droits fondamentaux ne la conduise à modifier sa législation en matière d’avortement, en matière de mariage homosexuel. Elle a aussi obtenu la garantie que chaque Etat conserverait un commissaire à la commission.

Après cela, le Gouvernement Irlandais a publié un livre blanc à l’intention des électeurs, il organisé un référendum, et le référendum s’est révélé positif : le 2 octobre 2009.

En ce qui concerne la structure du TUE telle que modifiée par le Traité de Lisbonne :

- Préambule.

Certains le qualifient de préambule minimaliste par rapport à ce que prévoyait le TECE. Ce préambule reprend les apports des traités d’Amsterdam et de Nice et insère un alinéa sur les valeurs de l’UE « S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe à partir desquels…. »

- 6 titres (alors qu’il y en avait 8 avant les modifications du Traité de Lisbonne)

o TITRE I = dispositions communes

o TITRE II = dispositions par rapport aux principes démocratiqueso TITRE III = dispositions relatives aux institutionso TITRE IV = dispositions relatives aux coopérations renforcées

o TITRE V = dispositions concernant l’Action Extérieure de l’Union et les dispositions Spécifiques par rapport à la PESC

o TITRE VI = dispositions finales

En ce qui concerne la structure du TFUE :

- Préambule (qui reprend en gros celui du TCE)

- 7 parties o PARTIE I = Les principeso PARTIE II = La non discrimination et la citoyenneté

o PARTIE III = Politiques et actions internes de l’Union (cette partie III reprend l’ensemble des politiques

menées par l’UE (sauf la PESC) c'est-à-dire l’ensemble des domaines de compétences qui relèvent de l’UE. Précision : les politiques qui étaient menées par la communauté européenne (CE) + l’ancien 3ème pilier de l’UE).

o PARTIE IV = Association des pays et territoires d’Outre Mer. o PARTIE V = Actions extérieures de l’Union (la politique commerciale commune essentiellement)

o PARTIE VI = Dispositions institutionnelles et financières. o PARTIE VII = Dispositions générales et finales

A ces traités ont été annexés des protocoles : il y en a 37. Quelques exemples (les plus importants) :

- Le protocole 36 sur les dispositions transitoires

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- Le protocole 30 sur l’application de la Charte des droits fondamentaux à la Pologne et au Royaume Uni.

A côté des protocoles il y a des déclarations. Exemple : la déclaration 54 qui concerne l’approche de certains Etats concernant la nécessité d’une mise à jour du Traité EURATOM.

: En décembre 2007, sous impulsion française a été lancée l’idée de la création d’un groupe de réflexion sur l’avenir de l’UE à l’horizon 2020/2030. Le groupe de réflexion doit travailler sur les thèmes suivants : développement durable, sécurité mondiale, problèmes de migrations, problèmes de l’énergie et de la protection du climat, à la lutte contre le terrorisme et la criminalité internationale. En mars 2010 ce groupe de réflexion a fait un rapport au Conseil Européen « L’Europe se trouve aujourd’hui a un tournant de son histoire »…

§2 Les principaux apports du Traité de Lisbonne

En bref :

- Il y a désormais 2 traités au lieu de 4 antérieurement. - L’UE a succédé à la CE.- Les piliers sont supprimés mais la PESC garde une place à part. - Cette PESC est mise en œuvre par des décisions PESC ou PESD et ces décisions sont différentes des

décisions prises sur la base de l’article 288 du TFUE. Le principe étant que ces décisions sont adoptées à l’unanimité. Les actes législatifs sont exclus pour mettre en œuvre cette politique. Aussi, la CJUE n’est pas compétente pour contrôler la légalité des décisions prises au titre de la PESC, c'est-à-dire qu’il ne peut pas y avoir de recours en annulation contre ces décisions prises sur la base du Titre V du TUE. Une exception à cela : en ce qui concerne les décisions qui infligent des sanctions à des personnes physiques ou morales.

- Autre nouveauté : le Traité de Lisbonne consacre la valeur juridique de la Charte des droits fondamentaux mais ne la reprend pas in extenso.

- Ensuite, il prévoit des modifications institutionnelles o Le Président du Conseil Européen est désormais élu ce n’est plus une présidence rotativeo Le président de la commission européenne sera élu par le Parlement européen o Le Haut représentant pour les affaires extérieures de l’Union voit son rôle renforcé il cumule

la fonction de l’ancien Haut représentant pour la PESC et l’ancienne fonction de commissaire aux affaires étrangères

o Le nombre des députés au Parlement européen est aussi modifié

o Modifications des intitulés des juridictions européenneso Etc.

Parmi ces apports du Traité de Lisbonne, nous allons développer 2 points ( A et B ) :

A. Les modifications apportées aux procédures de révision des traités

L’article qui traite de la révision des traités c’est l’article 48 du TUE. Cet article distingue deux types de révisions : une procédure de révision ordinaire d’une part et des procédures de révision simplifiées d’autre part.

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1) La procédure de révision ordinaire

L’initiative d’une telle révision appartient à tout Etat membre, à la Commission européenne ou encore au Parlement européen.

Remarque : avec le Traité de Lisbonne le Parlement européen a désormais la possibilité de présenter un projet de révision ! Ce n’était pas le cas avant !

Ces 3 institutions peuvent soumettre au Conseil un projet tendant à la révision. Un tel projet peut tendre à accroitre ou à réduire les compétences de l’UE. Avant, la réduction n’était pas envisageable.

Le Conseil saisi d’un tel projet le transmet au Conseil européen et le notifie aux Parlements nationaux.

A partir de là, le Conseil européen peut à la majorité simple décider la convocation d’une Convention, il le fait après consultation du Parlement et de la Commission.

Cette Convention est composée de représentants de Parlements nationaux, de Chefs d’Etats et de Gouvernement, du Parlement européen et de la Commission.

Cette convention va examiner le projet et par consensus elle adopte une recommandation à une conférence de représentants de Gouvernements des Etats membres.

Cette Convention doit être convoquée sauf si les modifications envisagées sont mineures. Si elles sont mineures, le Conseil européen convoquera immédiatement une conférence intergouvernementale. Et c’est la CIG qui arrête le projet de révision.

Par la suite le projet de révision doit être signé et ratifié par tous les Etats membres pour entrer en vigueur.

Le Traité de Lisbonne consacre ce qui n’était qu’une déclaration annexée au Traité de Nice, il prévoit que si au bout de 2 ans à compter de la signature, 4/5ème des Etats ratifiaient le traité de révision, le Conseil européen se saisi de la question. C’est tout simplement que le Traité de Lisbonne entérine la pratique.

2) Les procédures de révisions simplifiées

Ici on va distinguer 2 cas :

1 er cas : Il apparait au §6 de l’article 48

Le recours à l’article 48 §6 pour réviser le traité n’est possible que pour réviser la 3ème partie du TFUE c'est-à-dire la partie du TFUE qui traite des politiques.

Par ailleurs, cette procédure de révision simplifiée ne peut pas permettre d’accroitre les compétences de l’Union Européenne. C'est-à-dire que le recours à la procédure simplifiée de l’article 48 §6 ne permet pas de faire entrer dans le champ de compétence de l’UE une nouvelle politique. Pour se faire il faudrait procéder à la révision selon al procédure de révision ordinaire.

Cette procédure de révision simplifiée de déroule ainsi :

- Initiative : Etat membre, Commission ou Parlement Européen. - Le conseil européen, à l’unanimité, et après consultation du Parlement européen et de la

commission peut prendre une décision modifiant la partie III du TFUE. Simplement, il ne peut pas accroitre les compétence de l’UE. Unanimité = chaque Etat peut poser son véto.

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- Une telle décision du Conseil européen doit être ensuite ratifiée par tous les Etats membres.

Un exemple d’application de cette procédure : en décembre 2010 le Conseil européen a approuvé le projet qui modifie le mécanisme de stabilité pour les Etats dont la monnaie est l’Euro.

2 ème cas : Il apparait au §7 de l’article 48

C’est la clause passerelle générale. Pourquoi cette appellation ? Parce que ce §7 vise 2 hypothèses dans lesquelles le conseil européen à l’unanimité peut adopter une décision modifiant les traités. Dans quels cas peut-il adopter cette procédure ?

1er alinéa : lorsqu’il s’agit pour le Conseil européen de permettre au Conseil de statuer à la majorité qualifiée alors qu’il était prévu qu’il statue à l’unanimité.

2nd alinéa : lorsque le Conseil européen à l’unanimité permet le passage de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire. Ici, bien sur, on se situe uniquement dans le cadre du TFUE puisque dans le cadre du TUE la seule politique en place c’est la PESC et c’est une politique spéciale.

:

La procédure législative spéciale c’est la procédure dans laquelle l’acte est adopté par le Conseil avec participation du Parlement européen ou par le Parlement européen avec participation du Conseil. Quant à la procédure législative ordinaire, c’est simplement la nouvelle appellation de la procédure de codécision. Procédure de codécision, c’est dans ce cas là que l’acte est adopté conjointement par le Conseil ET le Parlement européen.

Donc cela s’appelle clause passerelle car permet passage de l’unanimité à la majorité qualifiée et passage de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire.

Il faut savoir que cette décision du Conseil européen de modifier des dispositions du Traité est soumise à l’approbation du Parlement européen.

Il y a des gardes fous qui ont été posés au recours à l’article 48 §7. En effet, il est prévu que toute initiative du Conseil européen prise sur la base de l’article 48 §7 1er et 2ème alinéas est transmise aux parlements nationaux. Si un Parlement national manifeste son opposition, il a 6 mois pour le faire, alors la décision n’est pas adoptée, il y a donc un droit de véto accordé aux parlements nationaux. La disposition qui prévoit ce véto a suscité la position du CC français qui a estimé que c’était une disposition qui exigeait au préalable une révision de la Constitution, d’où les articles 88-6 et 88-7 de la Constitution issus de la révision de 2008.

B. Le renforcement de la différenciation

C’est avec le Traité de Maastricht qu’a été introduite la notion de différenciation. Différenciation dans des domaines assez importants :

- L’Union Economique et Monétaire. o Le RU et le Danemark avaient obtenu le droit de ne pas être obligés de passer à la 3ème étape de

l’UEM. Ils ne sont donc pas dans la zone Euro. - Le RU, concernant le protocole social énoncé dans le Traité de Maastricht- Dans le cadre de la PECS : le Danemark a obtenu des différenciations.

Des protocoles annexés à Maastricht ont crée une situation particulière pour le Ru et le Danemark

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Différenciation aussi pour : Les coopérations renforcées et l’opting out

1) Les coopérations renforcées

L’origine de leur instauration réside dans 2 textes essentiels.

Il y a eu tout d’abord en 1995 un Rapport, le Rapport Westendorp intitulé « Flexibilité : sa logique et ses limites ». L’idée maitresse de ce rapport était qu’il fallait concilier le maintien de l’acquis communautaire et le recours inévitable à la flexibilité. Dans ce rapport l’idée était que cette préoccupation devait être au centre de la réflexion de la future Conférence intergouvernementale (de 1996, à Turin).

Une lettre franco-allemande (Helmut Khôl et Jacques Chirac). Dans cette lettre les deux personnalités préconisaient d’insérer dans le traité sur l’Union européenne une clause qui permettrait aux Etats qui le souhaitaient et qui le pouvaient de développer une coopération plus étroite entre eux dans le cadre de l’UE et non plus à l’extérieur comme cela se faisait.

Le traité d’Amsterdam va pour la première fois consacrer les modalités d’une coopération renforcée entre des Etats membres. Cette coopération renforcée a fait l’objet du Titre VII du TUE. A côté de cette clause générale de coopération renforcée prévue dans le titre VII du TUE, des clauses plus spécifiques ont été insérées dans le TCE et dans le Titre VI du TUE, c'est-à-dire l’ancien 3ème pilier.

Quant le traité d’Amsterdam est institué : on a un Titre VII inséré dans le TUE « Coopération renforcée ». Ce titre VII fixe un cadre général de recours aux coopérations renforcées, par exemple il prévoit qu’il faut un nombre minimum d‘Etats qui soient d’accord pour mettre en place une coopération renforcée. Ce titre prévoit que les coopérations renforcées peuvent être mises en place dans le cadre du TCE dans certains domaines et dans le cadre du 3 ème pilier c'est-à-dire dans le cadre du Titre VI du TUE. Dans le TCE sont insérées des dispositions qui règlent le recours à la coopération renforcée dans le cadre de la communauté européenne. La procédure mise en place dans le cadre du traité d’Amsterdam s’est révélée complexe et difficile à mettre en œuvre d’où les modifications apportées par le Traité de Nice qui est venu simplifier le mécanisme.

Le traité de Nice a supprimé la possibilité pour un Etat d’opposer son véto et il a permis la possibilité de mettre en place une coopération renforcée également dans le 2ème pilier de l’Union (la PESC) sauf en ce qui concerne la défense, les opérations militaires.

Le Traité de Lisbonne a apporté des modifications à cela : désormais dans le cadre du TUE, le Titre IV traite des coopération renforcées : article 20. Il est prévu que les Etats membres peuvent recourir à une coopération renforcée afin de favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, afin de renforcer le processus d’intégration, cette coopération renforcée ne peut être mise en œuvre dans les domaines de compétences exclusives de l’UE.

La procédure : c’est le Conseil qui autorise le recours à la coopération renforcée, il faut que deux conditions soient remplies : 1° Il faut que les objectifs recherchés ne puissent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble. Et 2°, il faut qu’il y ait au moins 9 Etats membres qui y participent. Les mesures adoptées au titre de la coopération renforcée ne lient que les Etats qui y participent. Cet article 20 du TUE est précisé par les articles 326 à 334 du TFUE. Ce TFUE précise que l’autorisation de procéder à une coopération renforcée en dehors de la PESC est accordée par le Conseil après approbation du Parlement européen. Et le fait que le Parlement européen doivent approuver ce recours (sauf dans le domaine de la PESC) fait du Parlement européen un « arbitre des coopérations renforcées ».

Le 1er recours à la coopération renforcée, pourtant créée depuis le Traité d’Amsterdam de 1997, n’a eu lieu qu’en juillet 2010 ! Cela a abouti au règlement du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps.

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Plus précisément cette 1ère coopération renforcée se met en place entre 14 Etats et concerne les couples dits « internationaux » c'est-à-dire les couples dans lesquels par exemple le mari est français et la femme allemande. Cette coopération renforcée a pour but de permettre à ces couples de choisir la loi, le droit qui s’applique à leur divorce ou à leur séparation.

2) La formule de l’Opting out

On peut la définir ainsi : c’est en quelques sortes une dérogation accordée à un pays qui ne souhaite pas participer à une politique spécifique et qui pour autant n’entend pas bloquer les autres Etats. L’opting out existe dans le cadre de l’UEM, elle existe dans le cadre de la PESC et plus précisément dans le domaine de la défense (Danemark, cf. pages précédentes), dans le domaine de la citoyenneté de l’Union. Cette dérogation existe aussi dans le domaine de Schengen (RU, Irlande et Danemark), le RU et l’Irlande participent à une partie des dispositions de l’acquis de Schengen et ils participent notamment à la coopération policière mais ils ne participent pas à la suppression des contrôles aux frontières ni aux mesures prises en matière de libre circulation des personnes et notamment ils ne participent pas à la politique commune des visas. Le protocole 19 annexé au Traité de Lisbonne porte sur l’acquis de Schengen intégré.

Rappel sur l’acquis de Schengen : en 1985 5 Etats de l’UE concluent les accords de Schengen (France, RFA et Benelux) ces accords affirmaient le principe de la suppression des contrôles aux frontières communes et renvoyaient à une convention d’application ultérieure. Ce texte ultérieur c’était la convention d’application des accords de Schengen de juin 1990. Cette convention prévoit : principe de libre circulation à l’intérieur de l’espace Schengen, la recherche de règles communes vis-à-vis des étrangers, mise en place d’une coopération policière et système d’information Schengen, le « SIS ». Progressivement d’autres Etats membres des communautaires européennes vont rejoindre les Etats fondateurs. Lorsque le traité d’Amsterdam a été rédigé, 2 Etats membre de l’UE n’étaient pas partie à l’espace Schengen : le RU et l’Irlande. Quand le Traité d’Amsterdam a été rédigé et que l’on a modifié le 3ème pilier, les rédacteurs ont constaté qu’il y avait une multiplicité d’instruments juridiques et qu’il y avait d’une part le futur titre IV du TCE et le 3ème pilier de l’Union et d’autre part tout l’acquis de Schengen c'est-à-dire la convention d’application de 1990 et toutes les mesures qui avaient été adoptées pour réaliser l’espace Schengen. Protocole 2 annexé au Traité d’Amsterdam = intégrer l’acquis de Schengen dans l’UE ! Intégrer l’acquis de Schengen dans l’UE c'est-à-dire que toutes les mesures adoptées dans le cadre de l’espace Schengen, il faut les réintégrer dans le droit de l’Union mais problème : il faut les ventiler dans le Titre IV du TCE (pilier d’intégration) et le Titre VI du TUE (coopération). Le problème qui s’est posé : on intègre l’acquis de Schengen mais RU et Irlande n’y sont pas partis et le Danemark lui faisait partie de l’espace Schengen et le problème c’est que le Danemark n’entendait pas être lié par des mesures de Schengen qui seraient communautarisées ! Pour lui, il était lié par l’acquis de Schengen, mais l’acquis de Schengen c’est le coopération hors de question de passer à l’intégration !

Le Traité de Lisbonne va reprendre cela : le Danemark fait donc partie de l’espace Schengen mais il n’est pas lié par la communautarisation des mesures ! Et avec le Traité de Lisbonne la dérogation obtenue par le Danemark couvre désormais l’ensemble de l’espace de liberté de sécurité et de justice. Quant au RU et à Irlande, ils ne sont pas non plus liés par d’autres mesures.

Arrêt de la CJUE d’octobre 2010 : cet arrêt concerne un recours en annulation qui a été intenté par le RU contre un acte du Conseil. Le Conseil avait refusé au RU de participer à l’adoption d’une décision concernant le système d’informations sur les visas, il l’avait refusé car il estimait que cela faisait partie d’un domaine de Schengen dans lequel le RU avait une dérogation. Le RU attaque en annulation cette décision du Conseil et la CJUE a estimé que le RU ne participe pas aux dispositions d’acquis de Schengen concernant les suppressions de contrôles aux frontières à la circulation des personnes y compris la politique commune en matière de visas. Et de ce fait, il était normal que le Conseil lui refuse le droit participer à la décision.

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L’espace de liberté de sécurité et de justice est un domaine dans lequel le RU et l’Irlande bénéficient d’une clause d’exemption même s’ils ont décidé de participer à certaines initiatives. Et des protocoles annexés au Traité de Lisbonne font état de cette situation particulière. Pour le RU et l’Irlande, c’est le protocole 21. Ils ont le droit de ne pas participer, c'est-à-dire ils bénéficient de l’option out, à l’ensemble de l’espace de liberté de sécurité et de justice. Cette clause d’exemption leur avait déjà été accordée pour toutes les mesures relatives à la justice et à la sécurité intérieure déjà communautarisées et cela est étendu à la coopération judiciaire en matière pénale et à la coopération policière en matière pénale.

C’est une dérogation qui est une dérogation avec possibilité d’une participation « à la carte ». C'est-à-dire qu’ils bénéficient de la possibilité de l’Opt In.

Le Danemark a une situation différente. Elle est prévue dans le protocole 22 annexé au Traité de Lisbonne. Sa dérogation est globale, il ne participe à aucune mesure en matière de coopération judiciaire et policière en amtière pénale. Il ne peut pas participer à la carte, contrairement au RU et l’Irlande. Certains auteurs disent que pour le Danemark c’est une situation de « tout ou rien ».

Le risque d’une participation à la carte c’est qu’ils participent à une mesure et qu’ensuite ils refusent éventuellement de participer à des mesures d’application de cette mesure générale ! Cela veut dire qu’il y aurait à terme un risque de blocage ! Ce qui fait que les modalité de participation à la carte, de l’Opt In, ont été prévues et c’est ainsi que les Etats membres qui participent à des mesures de l’espace de liberté, de sécurité et de justice ou à l’espace Schengen, peuvent décider d’exclure de RU ou l’Irlande des mesures initiales auxquelles ces derniers auraient décidé de participer, s’il refusent de participer aux mesures de développement.

CONCLUSION : Ces dérogations conduisent à la mise en place d’une UE « à géométrie variable » ou encore « à plusieurs vitesses », seulement il semble que ce soit un processus inévitable car ces dérogations conditionnent l’adhésion de l’ensemble des Etats aux modifications apportées aux Traités. Cette procédure de l’Opting Out, on va la retrouver à l’égard de l’application de la Chate des droits fondamentaux car le RU et la Pologne bénéficient de règles particulière quant à l’application de cette charte.

Jacques Delors à propos de la différenciation : « je ne vois pas d’autres solutions que d’aller vers une plus grande différenciation …………………………………..»

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Etude des actes adoptées par les institutions de l’UE. Parmi ces actes il y en a deux qui sont les plus importants : ce sont d’une part le règlement et ‘autre part la directive. Au fil du temps et au fil des traités de révision, les instruments juridiques et les procédures d’adoption de ces actes se sont complexifiés et notamment avec le Traité instituant l’UE. Avec le TUE, il y a eu une distinction entre les actes communautaires (les actes pris sur la base des traités communautaires, 1er pilier) et les actes de l’Union européenne (les actes pris sur la base du 2ème et du 3ème

piliers).

Les procédures d’élaboration de ces actes étaient différentes : dans le 2ème et 3ème piliers, le Conseil étant le seul législateur, dans le 2ème pilier la CJ n’avaient aucune compétence, et quant au 3ème pilier : depuis le Traité d’Amsterdam elle était compétente pour contrôler la légalité de certains des actes du 3ème pilier mais le contrôle de légalité était moins intense que pour les actes communautaires (actes du 1er pilier).

Le Traité de Lisbonne supprime cette distinction puisqu’il supprime les piliers. Toutefois, les actes qui relèvent de la PESC gardent leur spécificité (dans le cadre de la PESC il ne peut pas y avoir d’actes législatifs).

Section 1 / Les caractères généraux

§1 La distinction opérée par le Traité de Lisbonne

Le Traité de Lisbonne crée une distinction entre deux types d’actes :

- D’une part les actes législatifs- D’autre part les actes non législatifs

Cette distinction se retrouve dans le TFUE et plus précisément à l’article 289. Cet article traite des actes législatifs : « Constitue un acte législatif un acte juridique adopté selon une procédure législative ». Cette procédure peut être soit la procédure législative ordinaire, soit une procédure législative spéciale.

La procédure législative ordinaire correspond à l’ancienne procédure de la codécision (acte adopté conjointement par le Parlement européen et le Conseil). La procédure législative spéciale est une procédure dans laquelle c’est le Conseil qui adopte l’acte avec participation du Parlement européen ou l’inverse. La participation peut prendre la forme d’une approbation ou d’une consultation.

La commission européenne garde en principe le monopole de l’initiative législative européenne. Ces actes législatifs ont pour base juridique un article du TFUE.

Quant aux actes non législatifs, ce sont des actes qui ne peuvent pas être adoptés par le Parlement européen. Ces actes non législatifs contiennent une distinction : on distingue : d’une part les actes délégués et d’autre part les actes d’exécution. Les actes délégués sont visés à l’article 290 du TFUE. Un acte délégué c’est un acte qui complète ou modifie certains éléments non essentiels d’un acte législatif. L’acte délégué a comme base juridique un acte législatif. L’acte délégué a une portée générale, il est adopté par la commission européenne sous le contrôle du Parlement européen et/ou du Conseil. C’est l’acte législatif qui fonde la délégation donnée à la commission, délégation pour compléter ou pour modifier des éléments non essentiels. L’acte législatif qui sert de base à l’acte délégué doit délimiter explicitement les objectifs, le contenu et la portée de la délégation accordée à la commission.

CHAPITRE 2

LE DROIT DERIVE : LES ACTES UNILATERAUX

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L’acte délégué doit porter expressément la mention « délégué » lors de sa publication au JOUE. Pourquoi avoir crée cette catégorie d’actes ? Certains ont estimé que l’intérêt de l’acte délégué c’est de permettre au législateur européen de concentrer son activité plutôt sur la définition des principes et des objectifs et les détails, les modalités techniques apparaitront dans l’acte délégué.

Il y a par ailleurs les actes d’exécution. Les actes d’exécution on les retrouve visés à l’article 291 du TFUE. Ils concernent l’exécution d’ « actes juridiquement contraignants ». Cette formulation veut dire qu’on ne retrouve pas ici la distinction entre actes législatifs et non législatifs, il peut avoir pour base les deux. Ces actes d’exécution ne complètent pas un acte législatifs, dans ce cas là ce serait un acte délégué ! l’acte d’exécution peut avoir pour base un acte législatif mais il n’a pas pour but de le compléter ou de le modifier, il fixe simplement les modalités d’exécution. L’acte d’exécution peut être adopté par la commission européenne ou par le conseil dans des cas spécifiques. L’acte d’exécution est adopté par la commission européenne lorsque des conditions uniformes d’exécution sont nécessaires, et dans des cas spécifiques il est arrêté par le Conseil. En réalité, la compétence d’exécution qui est accordée à la Commission et exceptionnellement au Conseil est obligatoire lorsque des conditions uniformes d’exécution sont nécessaires. Normalement la compétence d’exécution appartient aux Etats, mais lorsque l’exécution de l’acte juridiquement contraignant nécessite des mesures uniformes d’application alors il sera arrêté par la commission et dans des cas spécifiques par le Conseil.

On s’est demandé si le Traité de Lisbonne introduisait une hiérarchie dans ces actes ? Inévitablement, est introduite une hiérarchie entre les actes législatifs et non législatifs quand l’acte non législatif (acte délégué ou acte d’exécution) est fondé sur un acte législatif.

NB Le Traité de Lisbonne conforte le soucis de transparence qui anime les institutions de l’Union notamment depuis le Traité d’Amsterdam. L’idée c’est de faire en sorte que la législation européenne soit plus lisible et plus compréhensible par le citoyen de l’Union. C’est pourquoi il y a une volonté de simplification de la législation, soucis d’amélioration de la qualité formelle des actes et soucis de transparence. Par exemple : résolution parlement euro de 2008 s’intitule « mieux légiférer », par ailleurs en octobre 205 la commission européenne a adopté un programme visant à refondre les dispositions et également, le citoyen de l’Union dispose d’un droit d’accès aux documents de l’UE (article 15 du TFUE) et ce droit d’accès a été codifié notamment par un règlement du 30 mai 2001 concernant l’accès du public aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission.

Le juge de l’Union est chargé de faire application du principe de transparence : arrêt CJ du 1 er juillet 2008, affaire C3905 : TURCO et SUEDE contre CONSEIL ET COMMISSION : Cet arrêt a annulé un arrêt du TPI et a fait droit à la demande des requérants : concrètement les requérants s’étaient heurtés à un refus du Conseil de leur communiquer un avis du service juridique du Conseil et cet avis portait sur une proposition de directive fixant des standards minimaux pour la réception des demandes d’asile dans les Etats membres. La CJ a annulé en faisant application du principe de transparence.

§2 La typologie des actes de droit dérivé

A. Les actes prévus par les traités

« acte prévus par les traités »= actes adoptés sur la base du TUE et actes adoptés sur la base du TFUE.

REPRENDRE

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B. Les actes non prévus par les traités :

REPRENDRE

3§ Le régime juridique des actes unilatéraux

Ce régime juridique présente des analogies avec le droit administratif français.

A. La base juridique

1) L’importance de la base juridique

La base juridique de l’acte est importante car elle détermine la compétence de l’UE, la nature de l’acte, la procédure qui doit être suivie pour adopter l’acte et elle détermine les règles de vote au sein du Conseil.

Elle détermine la compétence de l’UE

L’UE est soumise comme toutes les OI au principe de spécialité. Articles 2 à 6 du TFUE. Ce principe de spécialité, d’attribution des compétence joue dans les rapports entre l’UE et les Etats membres mais il joue également entre les institutions. Pour qu’une institution puisse adopter un acte (règlement, directive, décision…), encore faut-il que le domaine couvert par l’acte entre dans la compétence de l’Union et puis encore faut-il qu’il entre dans la compétence de l’institution auteure de l’acte.

En ce qui concerne la compétence de l’UE : ces compétence sont désormais énumérées explicitement dans le TFUE (article 2 à 6) et dans le domaine des compétences partagées s’applique le principe de subsidiarité. Par ailleurs, dans le cadre de l’UE s’applique la théorie des compétences implicites dégagée par la Cour de Justice de Luxembourg. Cette théorie veut dire que l’UE est habilitée à exercer des pouvoirs qui, sans lui être expressément attribués, lui sont nécessaires pour donner effet utile aux dispositions expresses. Et puis, il existe les « compétences subsidiaires » qui sont prévues dans l’article 352 du TFUE. Cet article 352 peut servir de base juridique à un acte dans des conditions particulières. Selon cet article « Si une action de l’UE est nécessaire pour atteindre un des objectifs visés par les traités sans que les traités aient prévus les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil à l’unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement Européen prend les dispositions appropriées ». Pour qu’un acte unilatéral soit adopté, il faut qu’il rentre dans le domaine de compétences de l’UE.

Entre le traité de Maastricht et le Traité de Lisbonne, ont surgi des conflits de compétences entre la Communauté Européenne et l’UE. Exemples : 2 arrêts :

- Arrêt Commission contre Conseil du 13 septembre 2005

Recours en annulation par la Commission contre une décision cadre arrêtée par le Conseil (décision cadre donc 3 ème

pilier de l’UE c'est-à-dire titre VI du TUE Coopération judiciaire et policière en matière pénale).

- Arrêt Commission contre Conseil du 20 mai 2008

Le conseil avait adopté un acte sur la base du 2ème pilier c'est-à-dire dans le cadre de la PESC. Et la Commission estimait que cet acte aurait dû être adopté sur la base du TCE dans le cadre de la coopération au développement. L’acte en cause = acte du Conseil concernant la lutte contre la prolifération d’armes légères de petit calibre. Cet acte concernait l’application des accords de Cotonou (accords d’aide au développement avec les pays ACP). Et la Commission dit que cela faisait partie de la politique communautaire de coopération au développement donc c’est la Communauté européenne qui doit agir et non pas l’UE. Et la CJ a donné raison à la Commission !

Sur la compétence de l’institution : respect du principe de l’équilibre institutionnel. C’est la base juridique de l’acte qui va désigner l’institution compétente.

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Elle détermine la nature de l’acte

C’est la base juridique de l’acte qui détermine si c’est un règlement, une directive ou une décision. Il arrive que la base juridique de l’acte prévoit que l’institution adopte l’acte qui lui semble plus appropriée. C'est-à-dire qu’à ce moment là c’est l’institution qui choisit le type d’acte. Dans ce cas là, article 296 alinéa 1 TFUE : elle doit choisir le type d’acte en respectant le principe de proportionnalité. Et l’article 296 alinéa 3 du TFUE apporte une précision : « Quand ils sont saisis d’un projet d’acte législatifs, le Parlement européen et le Conseil s’abstiennent d’adopter des actes non prévus par la procédure législative applicable au domaine concerné ».

Elle détermine la procédure qui doit être suivie pour adopter l’acte

/

Elle détermine les règles de vote au sein du Conseil

/

2) Le choix de la base juridique

Quand c’est un acte législatif la base juridique est un article du TFUE.

Quand c’est un acte délégué la base juridique est un acte législatif.

Quand c’est un acte d’exécution la base juridique est soit un article du traité soit un acte délégué ou un acte d’exécution.

L’institution doit choisir la base juridique en respectant le principe de proportionnalité. Ce principe prévoit que l’action de l’UE n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif des traités. (article 5 alinéa 4 du TUE).

Le choix de la base juridique a suscité depuis les années 1990 un contentieux très importants, il est à la source de nombreux arrêts rendus par le juge de l’UE. Contentieux qui fait apparaitre des litiges entre les Etats membres et la Communauté européenne mais aussi et surtout des litiges interinstitutionnels. A partir des années 1990 le Parlement européen a été très vigilent quant au choix de la base juridique des actes et il n’a pas hésité à intenter des recours en annulation contre des actes du Conseil quand il estimait que la base juridique choisie n’était pas la bonne. L’AUE avait accordé plus de pouvoirs au parlement européen et avait mis en place une procédure (la procédure de coopération). Cette procédure permettait au parlement européen quand elle était appliquée d’être consulté sur le projet de texte présenté au Conseil (ce qui n’était pas le cas pour les autres textes) et s’il donnait un avis négatif, le Conseil ne pouvait adopter le texte qu’à l’unanimité. Donc le Parlement Européen était plus étroitement associé au processus d’adoption des normes. A partir de là la Parlement va faire très attention à la base juridique de l’acte, il va essayer de faire en sorte que la base juridique adoptée soit celle qui lui permet d’intervenir ! C'est-à-dire qu’il va faire très attention à l’exercice de cette prérogative. L’Arrêt Post Tchernobyl rendu en 1990 illustre bien cela.

La Cour de Justice a précisé que ce choix ne peut dépendre de la seule conviction d’une institution quant à l’objectif poursuivi. La CJ dit « En vertu d’une jurisprudence constante, le choix de la base juridique doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel ». Ces éléments objectifs sont : le but et le contenu de l’acte et l’analyse du contenu de l’acte joue un rôle très important dans le contrôle du choix de la base juridique.

La Cour a aussi précisé que l’institution doit donner prééminence à la règle de droit et peu importe des considérations en terme d’équilibre institutionnel. C’est à dire que dans un arrêt du 4 avril 2000, la Cour dit « la volonté du Parlement Européen de participer de façon plus intense à l’adoption de l’acte est sans incidence sur le choix de la base juridique ».

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Par ailleurs, il n’y a pas de difficulté quand la base juridique de l’acte est unique. Mais il peut arriver que l’on soit en face d’une pluralité de bases juridique. Que se passe-t-il quand on s’aperçoit que l’acte peut être pris sur 2 bases juridiques différentes ? La CJ dans ce cas là applique ce que l’on appelle la théorie du centre de gravité. La Cour dit « Le conflit entre deux bases juridiques doit être réglé par la distinction entre la finalité principale de l’acte et la finalité accessoire ». Si un acte poursuit une double finalité : exemple : protection de l’environnement et protection de la santé publique. Deux bases juridiques possibles : les articles du TUE sur l’environnement et les articles du TUE sur la santé publique. On doit rechercher la finalité principale de l’acte. La CJ étant favorable plutôt à la base juridique unique elle impose donc de faire un choix.

Bien sur il arrive que les finalités soient indissociables. Dans ce cas là, l’acte pourra se fonder sur des bases juridiques différentes, sur une pluralité de bases juridiques. Mais, en tout état de cause, le recours à la double base juridique sera exclu si les procédures prévues par les deux bases juridiques sont incompatibles ! De même, le recours à la double base juridique est exclu si le cumul des bases juridiques est de nature à porter atteinte aux droits du Parlement Européen. Arrêt de principe en la matière : Arrêt Dioxyde de Titane du 11 juin 1991. Ou encore Arrêt Parlement contre Conseil du 6 novembre 2008 « lorsqu’un mesure poursuit plusieurs objectif ou ayant plusieurs composantes… mais le recours à la double juridique est exclu quand la procédure pour l’une ou l’autre de ces bases est incompatible ».

Le contentieux de la base juridique s’est intensifié depuis les années 2000 par rapport à la base juridique des règlements communautaires appliquant des résolutions du Conseil de sécurité prévoyant des sanctions économique à l’égard notamment de personnes soupçonnées d’être impliquées dans des réseaux terroristes. Notamment affaire CADI.

B. Les exigences de forme

Les actes juridiquement contraignants (règlements-directives-décisions) obéissent à un certain formalisme et sont soumis à l’obligation de visas et de motivation. Article 287 du TFUE.

L’obligation de visas

Cela signifie que ces actes doivent viser les propositions, les avis prévus par les traités. Cela signifie que l’acte dans le visa doit préciser sa base juridique, l’article du traité sur lequel est fondé l’acte doit être explicitement mentionné par exemple. L’absence de références à la base juridique constitue un vice substantiel. Et donc c’est une cause d’annulation de l’acte.

L’obligation de motivation

La motivation apparait à travers les « considérants … » de l’acte. La motivation de l’acte est obligatoire pour les actes à portée juridique obligatoire mais en pratique elle figure sur tous les actes mêmes ceux qui ne sont pas décisoires.

La CJ a eu l’occasion d’apporter des précisions sur l’obligation de motivation : car bien souvent les requérants se basaient sur l’absence ou l’insuffisance de motivation pour attaquer l’acte. La CJ « La motivation d’un acte doit faire apparaitre de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution. La motivation a pour objectif de permettre aux Etats membres comme à toutes personne intéressée de connaitre les conditions dans lesquelles l’acte a été adopté et la justification de la mesure arrêtée ».

Et la motivation permet aussi au juge d’exercer son contrôle de légalité ! L’obligation de motivation répond au principe de la sécurité juridique.

La Cour a considéré qu’elle devait procéder d’office au contrôle du respect de l’obligation de motivation. Quand le juge procède d’office à l’examen d’un moyen cela s’appelle : moyen d’ordre public.

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Le juge est exigent sur cette obligation de motivation mais toutefois il n’exige pas que la motivation précise tous les éléments de faits et de droit pertinents. L’obligation de motivation va s’apprécier au regard du contexte dans lequel a été adopté l’acte, au regard de l’ensemble des règles juridiques qui régissent la matière concernée. C’est le cas par exemple pour la motivation des décisions de la commission qui inflige des amendes aux entreprises.

Si le destinataire de l’acte a participé à l’élaboration de la procédure, la motivation peut être plus succincte. Par contre, si l’acte fait grief, s’il contient une mesure dérogatoire alors la motivation doit être plus étoffée.

Quand l’institution dispose d’un pouvoir discrétionnaire, le juge est plus exigent sur la motivation. Et par exemple c’est le as en matière de concurrence quant aux décisions prises par la Commission.

Il y a d’autres formalités qui relèvent de l’authentification de l’acte

Cela se traduit par la signature de l’acte qui permet de « figer » l’acte.

- S’il s’agit d’un acte adopté selon la procédure législative ordinaire l’acte est signé par le Président du Parlement et par le Président du Conseil.

- Si c’est un acte adopté selon une procédure législative spéciale (soit par le conseil soit par la Parlement) c’est le Président de l’institution qui a adopté l’acte qui signe.

- Et c’est la même chose pour les actes non législatifs : sauf pour les décisions qui ont un délégataire.

Le défaut d’authentification peut conduire à la constatation de l’inexistence de l’acte (plus grave que l’annulation !).

L’acte doit faire l’objet d’une publicité

C’est l’article 297 du TFUE. Il y a une obligation de publication au JOUE qui pèse sur certains actes.

Les actes qui doivent faire l’objet d’une publication :

- Les actes législatifs- Certains actes non législatifs :

o Les règlements non législatifs

o Les directives non législatives quand elles sont adressées à tous les Etats membres

o Les décisions non législatives quand elles n’ont pas de destinataire

Cette publication au JOUE se fait dans les 23 langues officielles de l’UE. Et l’entrée en vigueur des actes publiés se fait au jour indiqué par l’auteur de l’acte. A défaut, l’entrée en vigueur se fera le 20 ème jour qui suit la publication de l’acte.

Il arrive qu’il y ait une entrée en vigueur immédiate, c'est-à-dire au jour de la publication de l’acte, c’est rare et la CJ exige que l’on soit en face d’un cas de nécessité impérieuse. Dans quels cas est-ce possible ?

- En cas de vide juridique - Pour prévenir des spéculations dans le domaine agricole

Les conditions d’entrée en vigueur des actes ont suscité un contentieux abondant ! Un texte qui doit être publié et qui ne l’est pas ne sera pas entaché pour autant de défaut de validité. Ce n’est pas une cause de nullité de l’acte. Par contre c’est une cause d’inopposabilité de l’acte.

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Deux affaires à titre d’exemple :

- Arrêt 10 mars 2009 : dans cette affaire le Conseil avait adopté un règlement et à ce règlement il y avait une annexe. L’annexe n’a pas été publiée et elle dressait la liste des objets prohibés à bord des avions. Un individu à l’aéroport de Vienne avait un bagage à main avec une raquette de tennis. On lui demande de laisser la raquette, il refuse. On le fait sortir de l’avion. Seulement la raquette faisait partie de l’annexe ! Mais elle n’avait pas été publiée ! Le Juge de l’Union a considéré que l’annexe n’ayant pas été publiée elle n’avait pas de force obligatoire ! Donc pas opposable !

- Arrêt 29 octobre 2009 : il y avait une règlementation qui avait crée un problème de découpe de volaille. La règlementation n’avait pas été traduite au JOUE dans la langue de l’Estonie, donc pas opposable à l’Estonie !

Les actes qui ne font pas l’objet d’une obligation de publication font l’objet d’une obligation de notification. Quels sont ces actes ?

- Certains actes non législatifs et plus précisément les directives non législatives adressées à un ou à certains Etats membres.

- Les décisions non législatives qui ont des destinataires.

Les actes notifiés entrent en vigueur à compter de la notification.

C. L’application dans le temps

Certains actes peuvent fixer la durée de leur application. C’est le cas par exemple de décisions de la Commission en droit de la concurrence.

Les institutions ont le droit de modifier ou d’abroger les actes et ils peuvent modifier ces actes à tout moment sous réserve de respecter un principe : le principe de confiance légitime*.

Le principe c’est que les règles nouvelles s’appliquent avec effet immédiat. Il y a une conséquence directe à cet effet immédiat : les actes dits « normatifs » vont produire leurs effets sur des situations existantes sans que puisse être invoqué le respect des droits acquis. Cela veut dire que les actes vont s’appliquer en principe aux effets futurs d’une situation née sous l’emprise d’une règlementation antérieure. Il n’y a pas pour autant rétroactivité. Ce principe de l’effet immédiat s’applique avec le maximum d’intensité aux règles de procédure. Les nouvelles règles de procédure s’appliquent aux affaire pendantes. Néanmoins, le principe de l’effet immédiat doit être concilié avec le principe de confiance légitime*.

* Principe érigé au rang de PGD par le juge ! Selon ce principe : Par exemple : si la modification d’un acte n’était pas prévisible pour un opérateur économique prudent, celui-ci pourra invoquer le principe de confiance légitime ! Ce principe peut être invoqué donc si l’opérateur économique faisant preuve d’une vigilance normale n’a pu prévoir la nouvelle législation il faut que l’institution auteure de l’acte prévoit des mesures transitoires ou à défaut une indemnisation.

Exceptionnellement un acte pourra avoir un effet rétroactif mais dans ce cas là, il faut que 2 conditions soient réunies :

- 1ère condition : l’auteur de l’acte (l’institution) doit prouver qu’en l’absence d’effet rétroactif l’acte ne peut atteindre son but.

- 2ème condition : il faut que le principe de confiance légitime soit respecté.

Si l’acte a une portée rétroactive, alors il doit indiquer les motifs et la justification de la rétroactivité.

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Un acte unilatéral peut-il être retiré ?

Attention : distinction entre abrogation et retrait.

- Abrogation : fait disparaitre l’acte dans porter atteinte aux effets passés. Elle ne produit d’effets que pour le futur.

- Retrait : conduit à la disparition de l’acte avec rétroactivité. Le retrait fait disparaitre la norme et agit sur les effets passés.

Reconnaitre un droit de retrait n’est pas évident car l’acte disparait « ab intitio » c'est-à-dire de façon rétroactive et le droit de retrait n’est pas prévu dans les traités communautaires ni dans le TFUE. Alors la Cour de Luxembourg a de la chance : elle a pu puiser dans les ordres juridiques des Etats membres, dans le droit administratif des Etats membres. Elle a posé un principe dans l’Arrêt Algéra du 12 juillet 1957 « Un acte créateur de droit est en principe irrévocable quand il est légal. Si un acte confère des droits subjectifs à un intéressé et qu’il est légal il ne peut pas être retiré ». « Le principe de l’irrévocabilité découle du respect de la sécurité juridique, c’est le défaut de validité de l’acte qui va justifier le droit de retrait ». C’est ainsi que la Cour va accepter la possibilité de retirer des actes créateurs de droit quand ils sont illégaux. Mais tout cela est entouré de conditions :

Les actes unilatéraux bénéficient d’une présomption de validité et la cour ici s’est référée aux droits nationaux. Donc un acte unilatéral est réputé valide jusqu’à son annulation par le juge ou bien jusqu’à son retrait régulier par son auteur. Cette présomption de validité emporte des conséquences :

- Tant que le juge n’a pas prononcé la nullité d’un acte, celui-ci doit être appliqué. Cela explique que le recours en annulation n’a pas d’effet suspensif. Il est toujours possible de saisir le juge en référé afin de lui demander de prononcer le sursis à exécution de l’acte.

- Il y a la règle du préalable = c’est l’administré qui doit prouver l’illégalité de l’acte. (l’illégalité d’un acte peut entrainer son annulation totale ou partielle).

NB : A côté de l’annulation, il peut y avoir déclaration par le juge de l’inexistence d’un acte. C’est assez rare car la prononciation d’inexistence est quelque chose de grave : l’inexistence est prononcée quand il y a des vices particulièrement graves et évidents. C’est un moyen d’ordre public (donc le juge pourra le soulever d’office). L’inexistence permet de constater en dehors de tout délai de recours que l’acte n’a produit aucun effet juridique. Exemple : arrêt BASF du 15 juin 1994 la cour a annulé l’arrêt du TPI qui avait conclu à l’existence d’un acte « les actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être .. doivent être réputés … c'est-à-dire regardé comme juridiquement inexistants ». Autre exemple arrêt du Tribunal du 24 novembre 2010 (ex TPI) : a annulé un arrêt du tribunal de la fonction publique de l’EU ce dernier ayant conclu à l’inexistence d’un acte.

Section 2/ Les actes contraignants de l’article 288 du TFUE

Ce sont 5 types d’actes : règlements, directives, décisions, avis et recommandations. La Commission européenne a le quasi monopole de l’initiative de ces actes. Par ailleurs, le Parlement et le Conseil peuvent lui demander de faire des propositions. Enfin : depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne est prévu le droit d’initiative citoyenne.

§1 Le règlement

Le règlement apparait dans l’article 288 alinéa 2 du TFUE « Le règlement a une portée générale, il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout Etat membre ». Ce règlement, c’est le principal acte contraignant. Pourquoi ? Parce que le règlement est l’acte qui permet notamment de mettre en œuvre les politiques qui supposent un transfert de compétences au profit de l’UE. Avant on appliquait une distinction désormais désuète : on disait que le règlement servait à mettre en œuvre les politiques communes (pour lesquelles les Etats on transféré leurs compétences).

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A. Les caractères du règlement

Ils sont au nombre de 3 et figurent expressément dans l’alinéa 2 de l’article 288 :

- Il a une portée générale- Il est obligatoire dans tous ses éléments- Il est directement applicable

1) Sa portée générale

Le règlement est un acte normatif à portée générale. Il contient des prescriptions générales et impersonnelles. La Cour a apporté des précisions dans l’arrêt CNPF du 14 décembre 1962 « Le règlement de caractère essentiellement normatif ne s’adresse pas à des destinataires limités, désignés ou identifiables mais s’applique à des situations déterminées objectivement ». En cela on voit bien que sur le plan rationne materiae il s’apparente à une loi !

Il faut distinguer le règlement de la décision : il est important de faire cette distinction car dans le cas du recours en annulation, le règlement est plus difficilement attaquable par les personnes physiques ou morales. Jusqu’au Traité de Lisbonne le règlement n’était pas attaquable par une personne physique en principe.

Lorsque le juge est saisi d’un recours en annulation contre un règlement, il va analyser le règlement pour savoir si ce n’est pas une décision ou un faisceau de décisions déguisé. Le juge peut parfois être amené à disqualifier un règlement dans le cadre du recours en annulation.

Avant le Traité de Lisbonne, la distinction entre le règlement et la décision était simple : car la décision est un acte à portée individuelle. Le Traité de Lisbonne complique un peu les choses car il fait état de décisions qui n’ont pas de destinataire (décisions à portée générale).

Portée générale du règlement :il s’adresse aux Etats, aux institutions et aux ressortissants.

2) Il est obligatoire dans tous ses éléments

Ce caractère permet de le distinguer de la directive. La directive qui n’impose elle qu’un résultat à atteindre.

« Obligatoire dans tous ses éléments » signifie que les Etats ne peuvent l’appliquer de manière incomplète ou sélective, il s’applique vraiment dans sa totalité, l’Etat n’a pas de marge de manœuvre. Et les Etats doivent prendre toutes les mesures permettant d’assurer son efficacité.

Un Etat ne peut pas invoquer des dispositions de son droit interne pour ne pas appliquer un règlement.

Un Etat qui a manifesté son opposition lors de l’adoption d’un règlement ne peut pas s’opposer à l’exécution du règlement.

3) Il est directement applicable

Le règlement est d’applicabilité immédiate. Cela veut dire que le règlement lorsqu’il entre en vigueur produit ses effets juridiques dans l’ordre interne des Etats sans aucune mesure de réception. Autrement dit, dès qu’il entre en vigueur de façon automatique il produit ses effets dans l’ordre interne sans aucune intervention des autorités nationales. Il produit ses effets dans l’ordre interne français sans qu’il soit nécessaire d’adopter une loi ou un décret ! Dès qu’il est publié au JOUE, ce règlement va s’intégrer de plein droit dans l’ordre interne des Etats et pas besoin qu’il soit publié au JORF.

Conseil Constitutionnel 1977 « La force obligatoire qui s’attache aux dispositions que le règlement comporte n’est pas subordonnée à … » + le CE en 1978.

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De plus la CJ condamne les Etats qui procèdent à une réception du règlement en droit interne ! C’est ainsi que par exemple l’Italie a été condamnée parce qu’elle procédait à une réception des règlements, elle transposait les règlements dans son droit interne.

Le juge ne veut pas de réception car la réception d’un règlement peut conduire à une dénaturation des effets du règlement et de sa force obligatoire.

Attention tout cela ne veut pas dire que le règlement ne nécessite pas parfois des mesures d’exécution. La CJ a considéré que le renvoi à des mesures d’exécution ne porte pas atteinte à l’applicabilité immédiate du règlement. Arrêt Eridania du 27 septembre 1979. La cour a donc admis des « règlements imparfaits » c'est-à-dire qui nécessitent parfois une intervention complémentaire des institutions ou des Etats mais attention en aucun cas l’Etat ne dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour exécuter.

Quand il s’agit de prendre des mesures d’exécution d’un règlement, en France, en principe c’est de la compétence de l’exécutif car c’est assimilé à des mesures d’exécution des lois (comme un décret d’application en quelques sortes). Une exception : si les mesures d’exécution consistent en l’institution de sanctions pénales dans ce cas là il faut l’intervention du législateur.

Le règlement est d’applicabilité directe, avantage : le règlement va entrer en vigueur de façon simultanée dans tous les Etats membres ! Alors que s’il y avait des mesures de réception ça ne serait pas pareil.

Ce règlement est également de par sa nature d’effet direct, cela signifie que le règlement engendre directement des droits et des obligations pour les particuliers (personnes physiques ou morales). Et surtout, ceux-ci peuvent s’en prévaloir directement devant le juge national.

B. Les différentes catégories de règlements

Jusqu’au Traité de Lisbonne, il y a eu une distinction entre d’une part les règlements de base et d’autre part les règlements d’exécution ou d’application. C’est une distinction qui est née de la pratique (pas prévue par les textes) et elle a notamment résulté de la pratique du Conseil dans les années 1960. C’est une pratique qui a surtout été instituée dans le domaine de la PAC.

Quand cette pratique est née, il y a eu des contestations et des recours et la CJ a admis la validité des règlements d’exécution. Elle l’a fait dans un arrêt Köster du 17 décembre 1970 :

- le règlement de base est un règlement arrêté par le Conseil ou par le Conseil et le Parlement. Et la base juridique du règlement de base c’est un article du TCE.

- Le règlement d’exécution était un règlement adopté en principe par la Commission sur habilitation du Conseil et dans des cas spécifiques il pouvait être arrêté par le Conseil. La base juridique d’un règlement d’exécution c’est un règlement de base.

La Cour a introduit une hiérarchie entre ces deux types de règlements : un règlement d’exécution devait respecter un règlement de base sauf si le règlement de base avait prévu des dérogations possibles et à condition que le règlement de base ne soit pas affecté dans ses éléments essentiels.

Depuis le Traité de Lisbonne, la distinction qui apparait est aujourd’hui la suivant : on distingue des règlements législatifs de règlements non législatifs. Et parmi le règlements non législatifs on trouve les règlements d’exécution et les règlements délégués. Le règlement d’exécution d’avant Lisbonne on le retrouve aujourd’hui ventilé entre le règlement délégué et le règlement d’exécution. Un exemple de règlement d’exécution : règlement d’exécution du Conseil du 31 janvier 2011 concernant des mesures restrictives prises à l’encontre du Président de la Biélorussie et

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des hauts fonctionnaires biélorusses. Ce règlement d’exécution a été adopté sur un article du TFUE et sur une décision PESC.

(…)

Les décisions les plus importantes du Conseil Constitutionnel en la matière :

- Décision du 10 juin 2004 sur l’économie numérique- 27 juillet 2006 sur les droits d’auteur- 30 novembre 2006 concernant la loi sur le secteur de l’énergie- 12 mai 2010 précisions sur pas QPC.

Le CE quant à lui a tiré les conséquences de cette jurisprudence. Arrêt 1O février 2007 Société Arcelor. En 2004 avait été adoptée une ordonnance qui transposait une directive de 2003. Puis un décret fut adopté en août 2004. En juillet 2005 la société Arcelor demande l’abrogation de dispositions du décret de 2004. N’ayant pas de réponse elle introduit une requête devant le CE, requête visant à l’annulation de la décision implicite de rejet. Le CE dans cet arrêt va confronter le décret à la directive et là il n’y a pas d’écran législatif. Cet arrêt est important car le CE tout va réaffirmer la supériorité des principes et dispositions à valeur constitutionnelle. Mais il va aussi s’inscrire dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel parce que le CE dans cet arrêt va reconnaitre la spécificité du contrôle des actes de transposition des directives, comme l’avait fait le Conseil Constitutionnel dans sa décision de 2004. Donc dans cet arrêt le CE définit l’étendue du contrôle exercé par le juge administratif sur les actes règlementaires de transposition des directives. Certains auteurs ont estimé que cet arrêt était simplement la traduction de l’élaboration de la théorie de la directive-écran. Ainsi, quand un décret transpose dans l’ordre juridique interne les termes précis et inconditionnels d’une directive, ce décret ne peut faire l’objet d’un contrôle. Seule la méconnaissance d’une disposition ou d’un principe à valeur constitutionnelle par la directive transposée permet au juge d’écarter le décret de transposition. Et l’on retrouve l’exception posée par le CC dans sa décision de 2004. Le CE a, à l’occasion de l’arrêt Arcelor posé une question préjudicielle à la Cour de justice de Luxembourg : il lui a demandé de se prononcer sur la validité de la directive transposée. En effet le CE avait des doutes quant au respect par la directive du principe d’égalité. Celle-ci a rendu son arrêt le 16 décembre 2008 et elle a conclu à la validité de la directive. Et le CE après l’arrêt de la Cour de Luxembourg a rendu la décision Arcelor2 le 3 juin 2009.

Dans la même affaire, le Tribunal (tribunal de Luxembourg) a rendu un arrêt le 2 mars 2010 « Arcelor contre Parlement et Conseil » car dans la même affaire la société Arcelor avait attaqué directement la directive devant le juge de l’Union.

Par ailleurs, cette spécificité du contrôle de l’acte règlementaire de transposition le CVE y a fait référence depuis à plusieurs reprises et notamment dans l’arrêt PERREUX du 30 octobre 2009.

§3 La décision

Elle apparait dans l’article 288 alinéa 4 du TFUE. cet article prévoit que « la décision est obligatoire dans tous ses éléments. lorsqu’elle désigne des destinataires elle n’est obligatoire que pour ceux-ci. » cette deuxième partie de la phrase est une nouveauté du Traité de Lisbonne. La décision peut être un acte législatif ou non ? C’est un acte à portée obligatoire et ses effets sont analogues à ceux du règlement. Le juge de l’Union a eu l’occasion de préciser qu’une décision est un acte qui produit des effets juridiques obligatoires, à défaut l’acte ne peut pas être qualifié de décision. Dans le cadre du recours en annulation ceci a son importance : en effet, seul un acte qui produit des effets juridiques obligatoires est un acte attaquable. Et le juge a eu l’occasion d’admettre un recours en annulation contre par exemple des lettres de la commissions, non qualifiées de décisions mais dont le contenu s’apparentait à une décision. Cette obligation de produire des effets juridiques obligatoires permet de distinguer la décision d’une simple opinion écrite ou d’un acte préparatoire. Par ailleurs, l’article 299 du TFUE précise que les décisions qui comportent à la charge des personnes autres que les Etats une obligation pécuniaire forment titre exécutoire. « obligatoire » et « exécutoire » sont deux termes différents. « exécutoire » = il pourra être procédé à l’exécution forcée de la décision selon les règles de la procédure civile en vigueur dans l’Etat où elle a lieu.

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Jusqu’au Traité de Lisbonne, la décision contrairement au règlement n’avait pas de portée générale, elle avait une simple portée individuelle et avait comme destinataires possibles les Etats ou les personnes physiques ou morales. Et cette absence de portée individuelle permettait de distinguer les deux dans le cadre du recours en annulation. Le Traité de Lisbonne introduit des décisions qui ne désignent pas toujours des destinataires. Exemple : décision d’exécution adoptée par le Conseil le 7 décembre 2010 sur l’octroi d’une aide financière à l’Irlande. Ces actes unilatéraux doivent être conformes au droit originaire, aux principles généraux du droit et aux accords internationaux conclus par l’Union. Quant à la hiérarchie à l’intérieur des actes unialtéraux : la seule hiérarchie que l’on peut constater c’est le fait qu’un acte d’exécution doit être conforme à l’acte qui lui serrt de fondement si cet acte un acte acte législatif. Quant à l’acte délégué, il vise à compélter ou à modifier des éléments non essentiels d’un acte législatif. Mais pas de hiérarchie entre directive, règlement et décision.

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Elle fait partie des sources non écrites. C’est une source à part entière. Ce n’est pas la seule source non écrite (coutume). La Cour de justice s’est expressément prononcée pour l’intégration de certaines règles coutumières internationales au sein de l’ordre juridique communautaire. Par exemple dans l’arrêt Racke du 16 juin 1998. La doctrine est assez partagée en réalité sur la place de la coutume.

La jurisprudence est donc la principale source non écrite et dans le droit de l’Union elle tient une place fondamentale compte tenu du rôle joué par le juge de l’Union. Ce rôle essentiel ressort de l’article 19 du TUE dans la mesure ou la CJUE est chargée de veiller au respect du droit dans l’application et l’interprétation des traités. La CJUE a donc été amenée à préciser le droit de l’Union, à l’interpréter, afin qu’il soit appliqué de manière uniforme dans l’ensemble des Etats membres. Et puis elle en a aussi comblé les lacunes. Elle a une méthode d’interprétation téléologique qui consiste à interpréter en fonction de l’esprit du Traité. Dans sa jurisprudence elle s’appuie aussi très souvent sur la théorie de l’effet utile des Traités. Ce qui explique que le droit de l’Union est en partie un droit prétorien. La Cour va consacrer des principes généraux du droit (Section 1) et c’est à travers ces principes généraux du droit qu’elle va assurer la protection des droits fondamentaux dans l’UE (Section 2).

Section 1/ La jurisprudence et les principes généraux du droit

§1 L’émergence des principes généraux du droit

Dans le traité CE, il n’y avait qu’un seul article faisant référence à des PGD, l’article 288 du TCE mais c’était une référence aux PGD des Etats membres et non pas aux PGD communautaires. On retrouve le pendant de cet article aujourd’hui dans l’article 340 alinéa 2 du TFUE.

La CJUE a dégagé ces PGD et va les considérer comme une source autonome de la légalité. Le recours aux PGD va permettre de combler certaines lacunes des traités, il permet aussi de préciser des notions non ou mal définies et les PGD vont aussi permettre de limiter le pouvoir discrétionnaire des institutions. Les PGD peuvent faciliter l’interprétation des actes unilatéraux.

Le juge constate l’existence de PGD, il ne les crée pas. Le juge de l’Union peut puiser dans l’ordre international, dans l’ordre juridique interne et aussi dans l’esprit des Traités.

- Il va reprendre à son compte des PGD dégagés en droit international pour en faire des PGD de l’Union. Par exemple : la CJUE s’est référée au principe de continuité en matière de succession d’Etats. Elle a aussi repris à son compte le principe selon lequel un Etat ne peut refuser à ses ressortissants l’entrée et le séjour sur son territoire. Elle a repris également le principe de bonne foi (arrêt TPI 22 janvier 1997 Opel Austria ou encore 12 mars 1999 Lindt). Donc le juge de Luxembourg a été amené à reprendre des principes généraux du DI mais il les écarte quand ils sont incompatibles avec la nature juridique ou les objectifs de l’UE. Par exemple il a refuser de consacrer le principe selon lequel les Etats peuvent se faire justice. De même pour le principe de réciprocité.

- Elle a aussi puiser dans le droit interne : Arrêt Algera du 12 juillet 1957pour admettre le retrait des actes créateurs de droit, irréguliers.

- Elle a aussi puisé dans les traités : elle a déduit des principe à partir de la nature même des communautés européennes. Dans ce cas là elle déclare que « la disposition du traité est l’application d’un principe plus

CHAPITRE 3

LA JURISPRUDENCE

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général non énoncé en tant que tel dans le traité ». Ex : principe d’équilibre institutionnel, principe de solidarité qui lie les Etats membres.

Parfois elle refuse expressément de conférer le statut de PGD à certaines règles. C’est ainsi qu’elle considère que le principe de préférence communautaire (sur lequel est fondé la PAC) est une simple considération à caractère politique et non pas un PGD. De même pour le principe de cohésion et solidarité sociale (elle en fait un simple objectif). Enfin, dans l’arrêt JIPPES du 12 juillet 2001 elle a refusé le statut de PGD au principe de protection du bien être des animaux.

§2 Les principaux PGD dégagés par la CJUE

Certains ont été consacrés par les Traités :

1) Le principe de sécurité juridique

C’est un principe qui a été affirmé très tôt, dans les années 1960. Il permet notamment d’encadrer l’action des institutions. C’est sur la base de ce principe que la règlementation communautaire et l’Union aujourd’hui se doit d’être claire, précise afin que les personnes concernées puissent connaitre sans ambigüités leurs droits et obligations. Tout le régime juridique des actes unilatéraux est fondé sur ce principe.

2) Le principe de confiance légitime

C’est le corolaire du principe de sécurité juridique. C’est une limite au pouvoir discrétionnaire des institutions. Pour que ce principe puisse être invoqué devant les juges de l’Union, le juge exige que l’administration de l’UE ait fait naitre dans le chef des justiciables des espérances fondées. A contrario, ce principe n’est pas invocable dès lors qu’un opérateur économique avisé et prudent a pu prévoir l’adoption de l’acte affectant ses intérêts.

Le principe du respect des droits acquis est étroitement lié au principe de confiance légitime. Ce respect des droits acquis est apparu vers 1964 dans le contentieux. Il est apparu notamment dans le domaine de la Sécurité sociale. La Cour l’accepte plus difficilement dans les secteurs économiques. Simplement parce qu’elle estime que les institutions doivent pouvoir adapter les actes à l’évolution de la situation économique.

3) Le principe de proportionnalité

La violation de ce principe se rencontre surtout dans le contentieux de pleine juridiction. Selon ce principe les actes des institutions ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est nécessaire et approprié pour atteindre des objectifs visés. La Cour a eu l’occasion de rappeler ceci dans un arrêt du 12 janvier 2006 sur question préjudicielle : au regard du principe de proportionnalité dans la mesure où cet acte faisait obligation aux éleveurs d’abattre le groupe de naissance à laquelle appartenait un bovin infesté par l’ESB. L’éleveur contestait la proportionnalité de cette règle. La Cour a rappelé que « les actes des institutions doivent être de nature à permettre la réalisation des objectifs légitimes visés par la mesure » mais la Cour précise que « lorsque le choix s’offre entre plusieurs mesures, l’institution doit recourir à la moins contraignante » c’est le critère de la nécessité. Autrement dit les inconvénients posés par la mesure ne doivent pas être démesurés par rapports aux avantages visés.

Ce principe est souvent invoqué dans le contentieux qui relève du domaine agricole (mesures prises dans le cadre de la PAC) et dans le domaine de la libre circulation des marchandises. C’est ainsi par exemple que dans un arrêt Allemagne contre Parlement et Conseil du 12 décembre 2006 : second recours en annulation introduit par l’Allemagne contre une directive qui interdisait la publicité sur le tabac. L’Allemagne invoquait devant le juge le fait que l’interdiction de publicité était formulée dans des termes trop larges. C’est une atteinte aux droits fondamentaux des milieux économiques concernés. Elle invoque donc la violation du principe de proportionnalité. La Cour va examiner la directive et conclure que l’interdiction de la publicité n’est pas manifestement disproportionnée.

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Autre exemple : Arrêt du Tribunal, affaire Melli Bank contre Conseil du 9 juillet 2009 : en l’espèce était en cause un règlement de 2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran. Le but c’était d’empêcher la prolifération nucléaire et son financement et ce règlement avait dans ce but pour finalité d’exercer des pressions sur la république islamique d’Iran pour qu’elle mette fin à ses activités. A partir de là avaient été prises des mesures de gel d’avoirs financiers détenus par des entités reconnues comme participant à la prolifération nucléaire. Melli Bank est une de ces entités et elle attaque l’acte du Conseil. Et le juge a analysé : « le gel des avoirs financiers est nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité des mesures adoptées » .

Le traité de Maastricht a inscrit le principe de proportionnalité dans le TCE et aujourd’hui il apparait dans l’article 5 § 4 du TUE. Et par ailleurs le Traité d’Amsterdam avait annexé un protocole sur la subsidiarité et la proportionnalité au Traité, ce protocole se retrouve aujourd’hui dans le cadre du protocole 2 annexé au TUE et TFUE.

4) Le principe de non-discrimination et d’égalité de traitement

C’est un principe très important érigé en PGD communautaire. Ceci exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente. Et cela exige aussi que des situations différentes ne soient pas traitées de manière comparables ! Sauf si c’est objectivement justifié.

L’application de ce principe permet que la réalisation du marché intérieur ne soit pas entravée. C’est un principe qui s’applique aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales.

Arrêt CJUE 16 décembre 2008 Arcelor : dans cette affaire le CE estimant que les secteurs de la sidérurgie, du plastique et de l’aluminium se trouvaient dans une situation comparable le CE demande à la CJUE si la législation communautaire, en excluant le secteur du plastique et de l’aluminium, du champ d’application de la directive alors qu’ils sont dans une situation comparable avec la sidérurgie, la législation communautaire ne viole-t-elle pas ce principe ? La CJUE va répondre par la négative.

Sur l’égalité de traitement deux exemples :

Non discrimination en fonction du sexe : Arrêt CJUE 1er mars 2011 : en l’espèce la Cour a été saisie par le juge belge. La Cour de justice, dans cet arrêt

dit « les assureurs ne doivent plus fixer leur prix en fonction du sexe de l’assuré ». Dans le domaine de l’assurance automobile , en effet, en général les jeunes conductrices bénéficient de tarifs plus avantageux que les jeunes conducteurs. Simplement parce que statistiquement elles sont moins impliquées dans les accidents de la route. Dans l’assurance vie les femmes payent également souvent moins que les hommes parce qu’elles vivent en moyenne plus longtemps que les hommes. A l’inverse, pour la dépendance, les femmes payent aujourd’hui plus cher que les hommes. Donc prix différents en fonction du sexe. Et dans cet arrêt la Cour a dit que « prendre en compte le sexe des individus assurés comme un facteur de risque dans les contrats d’assurance constitue une discrimination ». En réalité, une directive de 2004 interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans l’accès aux biens et services. Seulement cette directive permet sous certaines conditions des dérogations. Et une association de consommateurs belge a soulevé le problème de la compatibilité des dérogations avec le principe de non discrimination. La CJUE dit ceci : la dérogation prévue par la directive n’est pas limitée dans le temps ce qui conduit à permettre aux assureurs d’appliquer un traitement inégal sans limitation dans le temps. Et donc la Cour demande aux assureurs d’adopter un approche unisexe pour établir les primes. La CJUE a quand même prévue une période transitoire : la fin du régime dérogatoire a été fixée pour le 21 décembre 2012.

Arrêt du 25 juillet 1991 dans lequel la Cour a estimé que l’interdiction du travail de nuit pour les femmes était contraire au droit communautaire.

Arrêt du 11 janvier 2000 par lequel al Cour considère que la législation allemande qui interdit aux femmes l’accès aux emplois militaires comportant des armes est incompatible avec le principe d’égalité de traitement.

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Avec ce principe on assiste aussi à des recours d’hommes qui contestent des législations plus favorables aux femmes ! Notamment les législations concernant les retraites. Exemple : 25 mai 2000 : en l’espèce, un individu invoque devant le juge national le fait que le régime complémentaire de retraite des ingénieurs cadres violait le principe d’égalité de traitement. Il dit cela parce que cet individu perd sa femme qui cotisait à la caisse de retraite et demande à bénéficier de la pension de reversions et se heurte au refus de la caisse au motif qu’il n’a pas encore 65 ans. Il attaque ce refus en disant qu’il y a discrimination car s’il était une femme il pourrait en bénéficier car les femmes elles, l’ont dès 60 ans. Le juge français sursoit à statuer et pose la question au juge de Luxembourg qui estime que c’est effectivement discriminatoire.

Discrimination en fonction de l’âge Arrêt de base : l’arrêt Mangold du 2 novembre 2005. Arrêt qui semble affirmer qu’est incompatible avec le

droit communautaire toute discrimination directe injustifiée fondée sur l’âge. Autre arrêt : Arrêt du 19 janvier 2010 (reprendre…) les périodes de travail accomplies par un salarié avant l’âge de 25 ans ne soient pas prises en compte pour le calcul du délai de préavis de licenciement. Violation du principe de non discrimination en raison de l’âge.

En résumé Il peut y avoir des dérogations à ce principe mais il faut qu’elles soient justifiées objectivement. Exemple : Arrêt du 23 janvier 1997 : problème de législation concernant les règles sociales en matière de transports routiers. La Cour de Luxembourg est saisie par le juge belge. Dans les faits, la législation belge prévoyait qu’en cas d’infraction aux règles sociales le conducteur pouvait payer immédiatement l’amende, ce qui mettait fin à l’action. Ou bien il pouvait laisser courir la procédure pénale mais dans ce cas là le non résident belge (transporteur routier français par exemple) devait consigner une certaine somme sous peine de retenue du véhicule. Un transporteur routier non résident belge se voit soumis à cela et devant le juge belge il invoque le fait que cette législation est discriminatoire entre les résidents belges et les non résidents belges. Le juge belge se tourne vers la cour de Luxembourg et la Cour dit que la législation belge qui prévoit une distinction fondée sur le critère de la résidence peut constituer une discrimination indirecte. Pour être qu’elle telle discrimination soit admise il faut qu’elle soit justifiée par des considérations objectives. La Cour dit qu’en l’espèce elles existent parce qu’en l’absence de coopération pénale entre les Etats membres il y a un risque de non exécution de la condamnation. Donc le versement de la caution est justifié.

5) La protection des droits de la défense

C’est un principe qui est souvent invoqué en droit de la concurrence par les entreprises qui sont sanctionnées par la commission. Le respect des droits de la défense implique bien sûr le respect du contradictoire dans une procédure devant tout organe juridictionnel mais également devant tout organe administratif. Et le juge a très souvent affirmé que la protection des droits de la défense doit être garantie dans toutes les hypothèses où une institution met en œuvre une procédure qui peut aboutir à un acte faisant grief.

6) Le principe de subsidiarité

C’est un principe qui a été consacré par le traité de Maastricht et très vite on s’est demandé si la Cour allait l’ériger en PGD. Il y a eu des controverses doctrinales et finalement la Cour l’a consacrée en tant que PGD dans un arrêt de novembre 1996.

7) Le principe de précaution

Ce principe a été érigé en PGD, « c’est un PGD qui impose aux autorités de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité, l’environnement… ». C’est un principe qui ne s’applique que dans des situations de risque notamment pour la santé humaine. Et ces situations de risque qui ne

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sont pas des hypothèses scientifiquement non vérifiées sont des hypothèses qui n’ont pas encore été pleinement démontrées. Ordonnance du Tribunal du 28 septembre 2007

Les Etats membres sont tenus de respecter ces principes généraux mais attention : quand ils appliquent le droit de l’Union uniquement par contre ils ne sont pas liés quand ils n’appliquent pas le droit de l’Union.

SECTION 2/ Les principes généraux du droit et la protection des droits fondamentaux

§1 Une construction prétorienne

A. L’affirmation de la compétence de la Cour de justice

Les traités communautaires (CECA, CEE…) ne comportaient aucune dispositions faisant référence à la protection des droits de l’homme. La CJUE a rappelé dans un avis 2/94 du 28 mars 1996 qu’il convient de constater qu’aucune disposition du traité CE ne confère aux institutions communautaires de manière générale le pouvoir d’édicter des règles en matière de droits de l’Homme. Ca ne veut pas dire qu’il n’y avait aps des droits reconnus par les traités : en effet le traité CEE en 1957 reconnaissait des droits au profit des personnes physiques ou morales mais ces droits étaient des droits à finalité essentiellement économique (reconnaissance de la libre circulation des travailleurs, liberté d’établissement, interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité…) mais l’interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité c’était par rapports aux droits économiques. Dans tous les Etats membres des communautés européennes, les droits fondamentaux.. Et à partir du moment où le droit communautaire a été reconnu comme supérieur au droit national pouvait surgir un problème de rapport entre le droit communautaire et le droit interne parce que le droit communautaire ne peut se voir opposer un texte de droit interne quel qu’il soit. C’est la raison pour laquelle la cour de justice va développer une jurisprudence de protection des droits fondamentaux. Et elle va les consacrer en tant que principes généraux du droit communautaire.

Dans un 1er temps, la Cour de Luxembourg s’est déclarée incompétente pour se prononcer sur la violation par la Haute autorité de certains droits reconnus par des Constitutions des Etats membres. C’est l’arrêt STORK rendu le 4 février 1959 : dans cet arrêt la Cour de Luxembourg dit qu’elle n’est pas compétente pour contrôler les normes communautaires au regard de droits fondamentaux consacrés par les Constitutions.

Puis sa position a évolué et dans l’arrêt Stauder contre ville d’Ulm du 12 novembre 1969 (arrêt à retenir) : arrêt important car la Cour va dans cet arrêt adopter une position qui va contrer la théorie de la congruence structurelle selon laquelle les actes de droit dérivé doivent respecter les Constitutions nationales. La position qu’elle avait adoptait dans l’arrêt Stork était une position qui présentait des inconvénients car cela incitait les Cours Constitutionnelles à procéder elles-mêmes au contrôle. Donc la Cour dans l’arrêt Stauder va affirmer que les droits fondamentaux de la personne font partie des PGD dont elle assure le respect. Et en affirmant cela elle élève en même temps les droits fondamentaux au plus au niveau de la hiérarchie des normes car elle les consacre comme PGD. Ces droits fondamentaux on ne les trouve pas dans la traités, la cour va les puiser dans différentes sources :

- Elle va faire référence dans un premier temps aux traditions constitutionnelle communes aux Etats membres et elle le fait dans un arrêt du 17 décembre 1970 (à retenir) Affaire Internnationale HandelGeselSchaft. « Reprendre… » cela veut dire que les Constitutions des Etats membres deviennent la principale source des droits fondamentaux mais attention la cour emploie un terme plus large que « constitutions » elle parle de traditions constitutionnelles communes elle englobe donc l’ensemble des normes qui constituent le bloc de constitutionnalité. Arrêt Ordre des barreaux francophones et germanophones affaire C305/05 : dans ses conclusions, l’avocat général s’est interrogé sur l’existence d’une tradition constitutionnelle commune aux Etats membres, on était dans le domaine du secret professionnel des avocats. Il dit « l’étude comparative des droits des Etats membres de L’Union montre bien que le secret professionnel entre bien … La mêeme étude cependant fait ressortir que l’étendue et les modalité du secret professionnel varient d’un Etat à

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l’autre. Dès lors…il parait que compte tenu des divergences il convient de se tourner plutôt vers une autre source des droits fondamentaux ».

- Puis la Cour va poursuivre sa jurisprudence et dans l’arrêt Nold (à retenir) du 14 mai 1974 elle va se référer toujours aux traditions constitutionnelles communes des Etats membres mais aussi aux instrument internationaux de protection des droits de l’Homme. (DUDH, Pactes, Charte sociale de Turin, Convention d’OIT etc). Et à retenir aussi arrêt Rutili du 28 octobre 1975 : dans cet arrêt pour la 1ère fois elle va s’appuyer sur des articles précis de la CESDH. Et aussi arrêt du 3 septembre 2008 Cadi. Arrêt du tribunal du 21 septembre 2005 le tribunal avait considéré qu’il n’avait en principe aucune compétence pour contrôler la validité d’un règlement communautaire pris en application d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Et la Cour de Justice a considéré que le tribunal avait commis une erreur de droit elle dit « le contrôle juridictionnel de la validité de tout acte communautaire au regard des droits fondamentaux doit être considéré comme l’expression dans une communauté de droit d’une garantie constitutionnelle découlant tu TCE en tant que système juridique autonome à laquelle un accord international ne peut porter atteinte ».

B. La CESDH source privilégiée des droits fondamentaux

1) Rappels sur la CESDH

Le 5 mai 1949 est signé le traité portant statut du Conseil de l’Europe. Et c’est au sein de ce Conseil de l’Europe que sera élaborée la CESDH. Elle est signée le 4 novembre 1950 et entre en vigueur le 4 septembre 1953. Cette convention sera complétée par la suite par des protocoles additionnels. Certains protocoles ajoutent des droits nouveaux à ceux visés en 1950 et d’autres concernent le mécanisme de protection mis en place (ex : protocole 11, 14 bis et 14 du 1er juin 2010).

Globalement, les droits protégés en 1950 sont ceux qui apparaissent dans la DUDH de 1948 avec quand même la nuance suivante : les droits sociaux et collectifs sont plutôt passés sous silence. Cette convention est caractérisée par l’absence de réciprocité, bien sur, c’est un traité donc elle bénéficie de la primauté (art 55 de la Constitution) et elle bénéficie de l’effet direct ( = toute personne physique ou morale quelque soit sa nationalité peut invoquer devant le juge national la violation d’un droit protégé par la Convention). En ce qui concerne les protocoles : les Etats ne sont liés par les protocoles que s’ils les ont signés et ratifiés. La Convention européenne des droits de l’Homme confère aux Etats membres le soin de garantir les droits protégés et cela se traduit tout simplement par la règle de l’épuisement des voies de recours internes. En réalité, c’est le juge national qui est le juge commun d’application de la Convention. La CEDH n’intervient qu’en dernier recours, à titre subsidiaire, mais le juge qui doit appliquer al Convention c’est le juge national. Ce n’est qu’en cas de défaillance au niveau de l’Etat que la Cour EDH sera saisie. C’est le juge national qui, dans un 1er temps, va interpréter la convention et depuis l’arrêt Gisti du 29 juin 1990 le juge administratif est compétent pour interpréter les engagements internationaux.

La différence entre la CESDH et le droit de l’union c’est qu’il n’existe pas le mécanisme du renvoi préjudiciel tel qu’il existe pour le droit de l’Union.

En réalité peut de domaines échappent à l’emprise de la CESDH. Le 22 décembre 2009 la CEDH s’est prononcée pour la 1ère fois en application des nouvelles règles de procédure prévues par le protocole 14 bis. Le protocole 14 bis est entrée en vigueur le 12 mais 2009 (car le 14 ne pouvait pas entrer en vigueur faute de ratification par la Russie). En décembre 2009 deux arrêts ont été rendu par un comité de 3 juges, cela concernait des requêtes dirigées contre l’Allemagne pour durée excessive de procédure judiciaire. Le 1 er juin 2010 la CEDH a pour la 1ère

fois fait application du nouveau critère de recevabilité introduit par la protocole 14 : il faut avoir subi un préjudice important. En l’espèce, la Cour a jugé que le faible impact monétaire permet de considérer que le requérant n’a pas subi de préjudice important.

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Les arrêts rendus par la CEDH sont revêtus de l’autorité relative de la chose jugée, ils ont une portée déclaratoire, ils sont obligatoires et par contre la Cour va constater la violation de la Convention, elle ne peut aps se substituer à l’état défaillant, elle ne dispose pas de pouvoir d’injonction c’est à l’Etat de tirer les conséquences de l’arrêt de modifier sa législation. La Cour va également dans certains cas accorder une satisfaction équitable c'est-à-dire qu’elle ordonne le versement d’une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. La Cour ne peut rien imposer MAIS on constate que les Etats en général exécute ses arrêts et les législations sont modifiées (ex : cas de la loi sur les écoutes téléphoniques, cas de l’amendement apporté à la loi sur la présomption d’innocence en juin 2000 : il permet la révision d’un procès qui a été jugé inéquitable par la CEDH ). Et on a vu des juridictions opérer des revirements de jurisprudence suite à des arrêts de la CEDH par exemple la Cour de Cassation française dans le domaine de la transsexualité après un arrêt de 1992 Botella contre France (France condamnée) la Cour de Cassation a ensuite reconnu aux transsexuels le droit de faire rectifier l’état civil. MAIS si les arrêts de la Cour sont obligatoires, ils ne sont pas pour autant exécutoires.

2) Le renvoi sélectif

Depuis l’arrêt Rutili la cour de Luxembourg va s’appuyer sur certaines des dispositions de la convention d’où l’expression de renvoi « sélectif ». Elle va adapter les droits de la convention à ce qu’elle estime être les spécificités du droit communautaire. Cette Cour de Luxembourg va consacrer les droits de la convention à travers les principes généraux du droit, cela signifie que par exemple si elle se réfère à la liberté d’association telle que prévue dans la convention elle va ériger cette liberté d’association en principe général de droit communautaire.

Petite liste de droits qu’elle a repris en tant que PDG :

- Droit de propriété - Arrêt du 13 décembre 1979. - Droit à la vie privée et familiale, respect du domicile et de la correspondance, article 8 de la CESDH - Arrêt

de 1980. Ce droit elle le consacre surtout dans le cadre de la libre circulation des travailleurs et notamment dans le cadre de la reconnaissance des droits à la famille du travailleur. C’est un droit qui trouve sa pleine application dans le cadre des accords d’association : c’est par exemple un accord entre l’UE et un pays étranger (Algérie…).

- Droit à la non rétroactivité des dispositions pénales, article 7 de la CESDH - Arrêt de 1984.- Droit au procès équitable, article 6 de la CESDH - Arrêt Johnston de 1986.- Droit à la liberté d’expression, articles 10 et 14 de la CESDH - Arrêt de 1991.- Droit à la non discrimination en raison du sexe. La Cour de Luxembourg en a fait une application extensive

dans les affaires qui intéressent des transsexuels et notamment elle a estimé qu’une législation nationale qui établissait une discrimination fondée sur la conversion sexuelle est incompatible avec la CESDH. Exemple : arrêt Grant du 17 février 1998 sur les homosexuels.Elle a depuis une attitude plus souple, par exemple arrêt du 1er avril 2008.

- Le droit à la liberté d’association, article 11 de la CESDH - Arrêt Bosman du 15 décembre 1995. - Le respect des droits de la défense - Arrêt Krombach (‘k’) du 28 mars 2000.

La Cour de Luxembourg dans son arrêt s’appuie donc expressément sur un article de la CESDH et le transforme en PGD de l’Union.

La CESDH revêt donc une signification particulière dans la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. Et la Cour l’a rappelé dans un arrêt Ordre des barreaux Francophones et Germanophones du 26 juin 2007. (secret professionnel).

3) Les difficultés inhérentes à la dualité de protection

A partir du moment où la Cour de Luxembourg et la Cour de Strasbourg s’attachent à faire respecter les mêmes droits, la protection de l’individu s’en trouve renforcée. C’est l’aspect positif. Mais il faut apporter des nuances.

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En effet par exemple dans l’arrêt du 26 juin 2007 précité, la Cour a rappelé que l’étendue de la protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique communautaire ne coïncide pas forcément avec celle assurée par la Cour de Strasbourg. La Cour de Luxembourg affirme que certes elle ne saurait admettre des mesures incompatibles avec les droits protégés par la CESDH mais il n’empêche que des différences subsistent entre les deux juridictions. Cf. Les conclusions de l’avocat général dans l’arrêt Kadi du 3 septembre 2008 Selon lui la mission de la Cour de Strasbourg est de veiller au respect des engagements souscrits par les Etats au titre de la CESDH. La Cour de Luxembourg a une tâche plus large, elle agit comme une Cour constitutionnelle de l’ordre juridique interne de l’Union européenne. Donc ces deux Cours sont distinctes en ce qui concerne leurs compétences ratione materiae.

Par ailleurs, cette dualité de protection fait courir un risque : ce risque c’est une divergence de jurisprudences entre les deux cour. Car on a un même droit qui va être appliqué et interprété par deux juridictions différentes ! En effet il est arrivé que la Cour de Luxembourg ne tienne pas compte de l’interprétation donnée par la Cour de Strasbourg. Ca a notamment été le cas en ce qui concerne le respect de la protection du domicile dans la mesure où la Cour de Luxembourg estimait que cela ne couvrait pas les locaux professionnels. Cela a aussi été le cas concernant la liberté d’expression : la Cour de Luxembourg a admis la compatibilité sous certaines conditions d’un monopole public de radiodiffusion avec la liberté d’expression (la Cour de Strasbourg non).

Ces risques de divergences de jurisprudence se sont amplifiés à partir de l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam.

Dans les difficultés liées à la difficultés de protection il y a un autre problème : le problème du contrôle du droit communautaire par la Cour de Strasbourg. Aujourd’hui les actes de l’UE ne peuvent pas en tant que tels être attaqués devant le juge de Strasbourg. Autrement dit, un règlement de l’UE ne peut pas faire l’objet d’un recours devant la Cour de Strasbourg au motif qu’il viole un droit protégé par la CESDH. Et ce n’est pas possible car aujourd’hui l’UE n’est pas partie contractante à la CESDH ! Néanmoins, les mesures nationales d’exécution du droit communautaire, elles, peuvent être mises en cause devant le juge de Strasbourg (la Cour EDH). Un Etat peut être poursuivi devant la Cour EDH parce qu’il a pris un acte en exécution du droit communautaire, acte qui violerait la CESDH. Trois affaires :

L’Affaire Cantoni contre France : Arrêt de la CEDH du 15 novembre 1996 : Cantoni avait été poursuivi pour exercice légal de la médecine. Il estimait que sa condamnation n’était pas conforme au principe de légalité des délits et des peines. Il invoquait la violation de l’article 7 de la CESDH. Sa condamnation se fondait sur un article du Code de la santé publique, mais cet article n’était en fait que la reprise, la transposition d’une directive communautaire. La Cour EDH va quand même condamner la France ! Alors que cet article ne faisait que reprendre une disposition de droit communautaire !

L’affaire Matthews contre Royaume Uni : Arrêt CEDH du 18 février 1999 : (arrêt à retenir) : Le RU n’avait pas organisé à Gibraltar les élections pour le Parlement européen. Donc Mme Matthews qui voulait être candidate n’avait pas pu participer à l’élection. Elle invoque la violation du protocole n°1 le droit aux élections libres. Le RU n’avait pas organisé d’élections à Gibraltar car il s’était fondé sur l’acte de 1976 et sur le Traité de Maastricht qui écartaient Gibraltar de l’organisation de l’élection. Le RU s’était donc fondé pour prendre cette mesure sur du droit communautaire originaire. Et la Cour de Luxembourg ne pouvait pas se prononcer sur la conformité du droit originaire par rapport aux droits fondamentaux. La Cour de Strasbourg va accepter la requête de Mme Matthews et va s’estimer compétente en invoquant entre autres l’incompétence de la Cour de Luxembourg. Raisonnement de la Cour de Strasbourg : elle rappelle tout d’abord que les actes de la communauté ne peuvent être attaqués devant elle. Ensuite elle dit que la CESDH n’exclut pas que les Etats signataires transfèrent des compétences à une organisation internationale. Mais la Cour précise que c’est à condition qu’ils continuent à respecter les droits de la CESDH. Un tel transfert ne fait pas disparaitre la responsabilité des Etats parties à la CESDH. Et donc elle va en déduire que les Etats membres restent donc responsables de tous les actes ou omissions qui violeraient la CESDH. Et elle ajoute : peu importe que cette violation soit effectuée en application du droit interne ou en vertu d’une obligation

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internationale. C'est-à-dire que peu importe que le RU ait violé le droit des élections libre en s’appuyant sur du droit international, cela ne fait pas disparaitre sa responsabilité au titre de la CESDH. Donc elle condamne le RU pour violation du protocole n°1.

L’affaire Bosphorus Airlines contre Irlande du 30 juin 2005 (à retenir) : Dans cette affaire l’Etat irlandais ne jouissait d’aucune marge d’appréciation dans l’exécution du droit communautaire, il s’agissait d’un règlement. En l’espèce la requérante (société Bosphorus) était une compagnie aérienne, société de droit Turc. Elle avait loué un avion à une compagnie Yougoslave. Cet avion atterri en Irlande et là il est saisi. Pourquoi ? Parce que l’Irlande applique un règlement communautaire qui visait un embargo à l’encontre de la République Fédérale de Yougoslavie. Et la Cour EDH va dire ceci : « Une mesure nationale en exécution du droit communautaire doit être réputée justifiée dès lors qu’il est constant que l’organisation en question (UE) accorde aux droits fondamentaux une protection au moins équivalente à celle accordée par la Convention ». La Cour pose donc une présomption de conformité des actes communautaires à la CESDH. Mais attention : cette présomption est réfragable, et si jamais il s’avérait que la Cour EDH constate une équivalence moindre elle supprimera son brevet de conformité. La principe d’équivalence a été mis en œuvre da s l’arrêt CEDH du 20 janvier 2009.

A l’heure actuelle, la Charte des droits fondamentaux fait expressément référence à la Convention, et l’article 52§3 de cette Charte dispose que les droits qu’elle énonce et qui se retrouvent également dans la CESDH doivent faire l’objet d’une interprétation identique. Ce qui n’exclut pas que la protection au sein de l’UE puisse être plus étendue.

§2 Les incidences de la construction prétorienne

A. La prise en compte des droits fondamentaux par le Traité sur l’UE

Les traités communautaires ne contenaient aucune disposition en matière de protection des droits fondamentaux. Et lorsque le traité CE (1957) a été rédigé l’on a considéré qu’il était un peu régressif en la matière pour cette raison. Pourquoi régressif ? Régressif car entre le traité CECA et le traité CE il y a eu le Traité CED (1952, jamais entré en vigueur à cause de la France). Ce traité CED comportait des dispositions et notamment il faisait obligation de respecter les libertés publiques et les droits fondamentaux des individus.

Cela ne veut pas dire que le traité CE ne comportait aucun droit au profit des particuliers. Il contenait une clause générale de non discrimination et il reconnaissait les droits MAIS tout cela était envisagé dans une optique purement économique.

Par la suite les institutions vont adopter des déclarations interinstitutionnelles telles que par exemple la déclaration interinstitutionnelle contre le racisme et la xénophobie… Le Conseil européen va aussi adopter des déclarations comme celle de 1978 sur la démocratie. Quant à l’Acte unique Européen de 1986, il contiendra dans son préambule une allusion au respect des droits fondamentaux reconnus dans les Constitutions des Etats membres, dans la CESDH et dans la Charte Sociale Européenne. A partir de l’AUE on va voir la CEE insérer dans les accords d’aide au développement des clauses relatives aux droits de l’Homme.

Toutefois il faut attendre le Traité de Maastricht pour que les droits fondamentaux soient reconnus comme une catégorie spécifique. A l’époque, c’est l’article F du TUE qui va en quelque sortes définir les droits fondamentaux « l’Union respecte l’identité nationale de ses Etats membres…. L’Union respecte les droits fondamentaux tels que garantis par la CESDH … ». Ces droits fondamentaux sont ceux garantis par la CESDH et ceci n’est que la concrétisation de l’évolution de la jurisprudence (cf. §1). Ces droits fondamentaux sont aussi définis comme étant les droits résultant des traditions consitutionnelles communes des Etats membres, là aussi ce n’est que la reprise de la

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jurisprudence de 1970 (Schaft). Et enfin, le TUE précise la valeur juridique de ces droits fondamentaux puisqu’il les consacrent en tant que PDG communautaires.

Le Traité sur l’UE fera une référence indirecte aux droits fondamentaux dans les deux blocs de coopération : 2ème

pilier et 3ème pilier. Titre V et VI du TUE.

Le Traité de Maastricht par ailleurs reconnait des droits aux citoyens de l’UE et par la même il abandonne la perspective purement économique qui était celle des traités originaires. C’est ce qui explique qu’avec le Traité de Maastricht on soit passés de la CEE à la CE.

Le traité d’Amsterdam va renforcer ce système de protection des droits fondamentaux, il va faire « œuvre de raffermissement » selon certains auteurs. il va les élever au rang de valeurs fondamentales de l’UE. Ce traité a revisité la question des droits fondamentaux à travers plusieurs dispositions qui vont s’entrecroiser. Il procède à une nouvelle rédaction de l’article F du TUE qui devient l’article 6 « L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’Homme ainsi que de l’Etat de droit , principes qui sont communs aux Etats membres ». liberté, démocratie, respect des droits… Ces principes ont valeur constitutionnelle dans le système de l’UE. Il sont communs à tous les Etats membres et donc ils fondent l’identité européenne. Cet article 6 sera un peu modifié dans sa rédaction par le Traité de Lisbonne et le §3 de l’article 6 précise aujourd’hui que « les droits fondamentaux tels que garantis par le CESDH et tels qu’il résulte des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux ». et les valeurs de l’UE aujourd’hui depuis le Traité de Lisbonne apparaissent dans l’article 2 du TUE « l’union est fondée… humaine… respect des droits de l’homme, y compris aux droits des personnes appartenant à des minorités, ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société … et l’égalité entre les hommes et les femmes ».

Par ailleurs le Traité d’Amsterdam a fait du respect de ces principes une condition expresses d’adhésion à l’UE mais ça n’a pas été une nouveauté vraiment car de facto depuis l’origine de l’UE c’était une condition implicite. Ex : Espagne a pu rentrer que quand elle a été une démocratie. La Traité d’Amsterdam a inséré dans le TUE un nouvel article, l’article 7 c’est un article qui vise le cas où un Etat membre ne respecterait pas les valeurs sur lesquelles est fondée l’UE. Cet article met en place une procédure qui est purement politique. Cet article 7 prévoyait à l’éôque du traité d’amsterdam la constation d’une violation des pcp par un Etat, le traité de Nice modifiera cet article 7 en prévoyant le cas d’un risque de violation. Pourquoi cette modification ? Parce qu’il y a eu des événements qui ont conduit à mener une réflexion : en effet en Autriche il y a eu des élections en octobre 1999 qui avaient amené en tant que 2ème parti un parti d’extrême droite. Et ceci a conduit à la constitution en Autriche d’un Gouvernement de coalition en février 2000 avec l’extrême droite. Suite à cela les 14 autres Etats de l’UE ont décidé de prendre des mesures d’isolement diplomatique ils ont suspendu les contacts bilatéraux avec l’Autriche. Mais ce n’était pas une réaction de l’UE en tant que telle : en effet l’UE ne pouvait pas actionner l’article 7 puisqu’il ne permettait à l’époque que de constater une violation effectuée, or l’Autriche n’avait pas violé les principes de l’UE. Donc les Etats ont simplement pris de façon bilatéral des mesure. Par la suite un comité de sages a été constitué afin d’évaluer le comportement du gvt autrichien par rapport aux minorités, aux immigrés etc. Et ces 3 sages ont rendu un rapport dans lequel ils demandaient de mettre fin aux mesures d’isolement diplomatique. Seulement, ceci a finalement suscité l’idée d’une nouvelle réflexion sur l’article 7. Et l’élaboration du Traité de Nice approchait et c’est ainsi que la conférence intergouvernementale va insérer un nouveau § dans l’article 7 , § qui va devenir le 1er paragraphe de l’article 7 : va être introduit un mécanisme de prévention. Le traité d’Amsterdam avait prévu simplement une procédure a posteriori, une fois la violation constatée. Le traité de Nice va permettre la mise en place d’une procédure préventive.

Au terme de ce § il peut y avoir constatation d’un risque de violation grave par un Etat membre des valeurs visées à l’article 2 du TUE. Comment cela se passe-t-il ? L’initiative du déclenchement de la procédure se fait sur proposition motivée du Parlement européen ou de la commission européenne ou d’un tiers des Etats membres. C’est le Conseil qui est saisi et après approbation du Parlement européen, le conseil, à la majorité des 4/5ème de ses membres peut

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constater qu’il existe un risque clair de violation grave. Avant de faire cette constatation il doit entendre l’Etat en cause et il peut lui adresser des recommandations. Il ne s’agit que d’une faculté offerte au Conseil (pas obligé). Avec le §1ER on se situe donc au niveau de la prévention d’une violation. La question que l’on se pose : qu’est ce qu’un risque clair ? Et qu’est ce qu’une violation grave ? Pas de définition juridique, c’est laissé à l’appréciation du Conseil.

Le §2 de l’article 7 permet de constater la violation commise par l’Etat membre. C’est en fait l’ancien §1 du traité d’Amsterdam. Le §2 peut s’appliquer sans qu’au préalable le §1er n’ai reçu application. Autrement dit le recours au §1er n’est pas un préalable nécessaire au recours au §2. L’initiative de la mise en œuvre de l’article §2 appartient à la Commission Européenne ou à un Etat membre. Et cette fois la constatation de la violation est faite par le Conseil européen. Le Conseil Européen à l’unanimité (moins l’Etat en cause !) après approbation du Parlement européen peut constater l’existence d’une violation grave et persistante par un Etat membre des valeurs de l’article 2 du TUE. Avant de faire une telle constatation il doit inviter l’Etat en cause à présenter ses observations. Là encore on ne sait pas définir une « violation grave et persistante ».

La Cour de justice n’a, par rapport à l’article 7, qu’une compétence par rapport au respect des règles procédurales. Tout ce qu’elle peut faire c’est être saisie par l’Etat en cause qui n’aurait pas eu l’occasion de présenter ses observations comme prévu (donc problème procédural).

Le §3 de l’article 7 prévoit les sanctions possibles. Ces sanctions sont liées à l’application du §2. Lorsqu’une constatation a été faite au titre du §2, le Conseil à la majorité qualifiée peut (pas obligé) suspendre certains des droits découlant de l’application des traités. Cette sanction peut aller jusqu’à la suspension des droits de vote de cet Etat membre. L’article 354 du TFUE vient préciser les modalité de vote de l’application du §3 de l’article 7.

Bilan : A ce jour l’article 7 n’a jamais reçu application. Simplement, la Commission Européenne a publié à l’intention du Conseil et du Parlement une communication sur cet article 7. Dans cette communication elle donne son approche de ce qu’elle considère être « un risque de violation » et « une violation persistante et grave ». Mais ce n’est qu’une communication, cela n’engage qu’elle-même.

On a récemment parle de cet article 7 à propos de la Hongrie. La Hongrie a pris la Présidence de l’UE en janvier 2011 et le jour même a été promulguée en Hongrie une nouvelle loi sur la presse et les médias. C’est une loi qui a soulevé beaucoup d’interrogations quant à sa compatibilité avec le droit de l’union et notamment avec la directive du 10 mars 2010 sur les services de médias audiovisuels. Certains ont évoqué le fait que si la Hongrie ne modifiait pas cette loi il pourrait y avoir un recours à l’article 7. En février dernier la Hongrie a assuré qu’elle allait réviser cette loi.

B. La consécration par le Traité de Lisbonne

Le Traité de Lisbonne vient parachever cette montée en puissance depuis le Traité de Maastricht des droits fondamentaux.

Dans le cadre du TUE : articles 2, 3 et 6 Dans le TFUE : article 8 qui vise l’élimination des inégalité, article 9 qui concerne notamment la lutte contre

l’exclusion sociale, article 10 qui prévoit le combat contre toute discrimination et article 16 sur la protection des données à caractère personnel. Et à la suite de ces articles : dans la 2ème partie du TFUE intitulée « Non discrimination et citoyenneté de l’Union ».

Depuis 2007 fonctionne au sein de l’UE l’Agence des Droits fondamentaux. Par ailleurs il existe un Protecteur des données personnelles. En 2007 le Conseil a adopté un programme spécifique qui s’appelle « Droits fondamentaux citoyenneté » et ce programme couvre la période 2007-2013.

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1) La charte des droits fondamentaux : reconnaissance de sa portée juridique contraignante

C’est lors du Conseil européen de Cologne de juin 1999 qu’a été lancée l’idée de la nécessité d’élaborer une telle Charte. C’est le Conseil Européen de Tampere d’octobre 1999 que seront établies les modalités d’élaboration de la Charte.

Son élaboration a été confiée à une instance composée de 62 membres. Cette instance était représentative d’un large consensus : on y retrouvait les représentants des chefs d’Etats, de Gouvernements, les représentants de la Commission, du Parlement européen et des Parlements nationaux. De plus dans cette instance il y avait des observateurs qui émanaient de la CJCE, du Conseil de l’Europe et de la CEDH. Egalement il y a eu audition de représentants de la société civile, de représentants des pays candidats. Etc. Au sein de cette instance il y a eu des débats assez vifs dans la mesure où la France avait manifesté son refus très ferme de signer un texte qui aurait fait mention d’un héritage religieux de l’UE. Et de son côté le RU, traditionnellement hostile à l’insertion des droits sociaux et collectifs dans la Charte. Finalement le RU et l’Irlande vont lever leur opposition sur l’insertion des droits sociaux.

La Charte sera proclamée lors du Conseil Européen de Nice de décembre 2000. Elle sera de nouveau proclamée en 2007 à Strasbourg après quelques modifications de forme introduites par le Traité de Lisbonne.

Pour l’instant quand on examine cette Charte on constate que les droits garantis le sont de manière assez exhaustive. C’est un texte très complet.

Son préambule fait référence :- aux traditions constitutionnelles communes aux Etats membres et à leurs obligations internationales- au TUE - au TFUE- à la CESDH- aux Chartes sociales- à la jurisprudence de la Cour de justice de l’EU et de la CEDH.

Les droits qui sont reconnus sont des droits reconnus dans la CESDH. Les droits inhérents à la citoyenneté de l’UE, à caractère sociale et aussi des droits plus novateurs tels que l’interdiction du clonage reproductif, la protection des données personnelles, au droits des consommateurs, au droit de l’environnement, à l’intégration des personnes handicapées…

Cette Charte a été proclamée en 2000 et n’a pas été intégrée dans le TUE. Le préambule du TUE tel que modifié par le traité de Nice n’y fait pas référence (faute d’accords entre les Etats). Par conséquent cette Charte, jusqu’au Traité de Lisbonne n’avait aucune valeur juridique (comme la DUDH !).

Cela n’a pas empêché des avocats généraux auprès de la Cour de justice d’y faire référence dans leurs conclusions tout en rappelant qu’elle n‘avait pas de force contraignantes. Exemple : conclusions d’un arrêt du 30 mai 2006 : il s’agissait d’un recours intenté par le Parlement européen soutenu par le contrôleur de la protection des données personnelles. En l’espèce le Parlement attaquait le Conseil qui lui était soutenu par la Commission. Et le Parlement européen demandait l’annulation de la décision du Conseil qui concernait la conclusion d’un accord conclu avec les Etats-Unis sur le transfert des données par les transporteurs aériens au Ministère américain de la sécurité intérieure. Le TPI lui-même n’hésitera pas notamment dans un arrêt de 2002 JEGO QUERE à s’appuyer sur cette Charte. La Cour y fera référence pour la 1ère fois dans un arrêt de juin 2006, elle en souligne l’importance tout en rappelant l’absence de portée obligatoire. Donc la Charte n’a pas acquis de valeur juridique mais elle a servi de source d’inspiration aux avocats et aux juridictions.

A partir de 2001, le Parlement européen va établir un rapport annuel sur la situation des droits fondamentaux dans l’UE à partir d’une grille de lecture de la Charte.

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Par ailleurs à partir de 2005 un système de contrôle systématique a été mis en place pour veiller à la compatibilité des propositions de la Commission européenne avec la Charte des droits fondamentaux.

A l’issue du Conseil européen de décembre 2000 avait été lancée l’idée d’une réflexion sur l’UE et parmi les points de réflexion se posait le problème du statut futur de cette Charte. Le TECE avait repris la Charte intégralement dans sa 2ème partie.

Le Traité de Lisbonne ne va pas reprendre cette Charte comme l’avait fait le TECE. Aujourd’hui, depuis que le Traité de Lisbonne est entré en vigueur il faut se référer à l’article 6§1er du TUE qui prévoit que « l’Union reconnait les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne laquelle a la même valeur juridique que les Traités ». Le Traité de Lisbonne reconnait une force juridique obligatoire de la Charte !

L’article 6§1er alinéa 2 précise que les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les Traités. Cette précision est reprise dans la déclaration 1 annexée au Traité. Cela signifie que les principes et droits reconnus dans la Charte ne sont opposables aux Etats membres que lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’UE. Cette précision est une précaution contre une lecture qui pourrait s’avérer trop extensive de la Charte notamment par le juge de l’UE. Ceci étant dit, cette précision apportée par l’article 6 et par la déclaration n°1 ne sont pas une innovation car la Charte en son article 51§2 et 52§2 prévoit elle-même cette limitation.

Le Conseil Constitutionnel a analysé la Charte pour éventuellement examiner s’il y avait des incompatibilités avec la Constitution dans un arrêt du 19 novembre 2004.

On ne peut pas parler de la charte sans évoquer le protocole n°30 annexé au traité. Protocole intitulé « Protocole sur l’application de la Charte des droits fondamentaux à la Pologne et au Royaume Uni ». Ce protocole a la même valeur juridique que les traités. Il a été accepté par les autres Etats, c’était la condition pour que la charte reçoive une portée juridique contraignante. Ce protocole introduit des mesures spécifiques qui établissent des exceptions à la compétence de la CJUE et des juges nationaux quant à la protection des droits reconnus par la Charte.

Ce protocole en son article 1 et son article 2 écarte toute justiciabilité des droits et principes de la Charte devant la CJUE et devant les juges nationaux (polonais et britanniques) à l’exception des droits qui seraient consacrés dans les droits nationaux polonais et britanniques. C’est donc une application plus réduite de la Charte à l’égard de ces Etats.

Des déclarations des Etats sont annexées (…) 53 de la République Tchèque, 61 de la Pologne où elle se protège contre toute ingérence dans le domaine de la moralité publique.

Au moment de la ratification du Traité de Lisbonne, des difficultés ont surgi avec l’Irlande. Elle a obtenu des garanties par rapport à l’application de la Charte de la part du Conseil européen « les dispositions de la Constitution irlandaises relatives au droit à la vie, à l’éducation et à la famille, ne sont pas affectées par l’attribution par le Traité de Lisbonne d’une valeur juridique à la Charte des droits fondamentaux.. ». Ces garanties devront faire l’objet d’un protocole annexé au futur traité d’adhésion.

La Cour de Justice de Luxembourg a eu l’occasion le 12 novembre 2010 dans une ordonnance sur l’affaire ESTOV de rappeler le champ d’application de la Charte.

2) Le problème de l’adhésion de l’UE à la CESDH

C’est une question qui est assez ancienne. En 1979 la Commission européenne avait donné un avis favorable à l’adhésion de la CEE à la CESDH. (En 1976 elle avait refusé). Et elle adresse en 1990 une communication au Conseil en faveur de l’adhésion. Le Conseil va alors saisir la CJCE d’une demande d’avis et lui pose deux questions :

- L’adhésion de la CE à la CESDH est-elle compatible avec le Traité CE ?

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- La CE a-t-elle compétence pour adhérer ?

La CJCE va répondre dans un avis du 28 mars 1996 (à retenir). Devant la Cour il y a eu un débat très important sur la recevabilité de la demande d’avis. Il y avait des Etats tels que le RU, le Danemark, l’Irlande, la Finlande… qui contestaient la recevabilité de la demande d’avis dans la mesure où ils considéraient que la demande était prématurée. Et en face, d’autres Etats comme la France, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie plaidaient en faveur de al recevabilité de la demande d’avis.

La CJCE va faire une distinction entre les deux questions qui lui sont posées : elle va estimer que la demande tendant à ce qu’elle se prononce sur la compatibilité de l’adhésion avec le TCE est IRRECEVABLE car prématurée puisqu’aucune négociations n’avaient été entamées avec le Conseil de l’Europe ! Par contre, la CJCE va accepter de répondre à l’autre question portant sur la compétence de la CE pour adhérer. Elle accepter de répondre car elle estime qu’avant de commencer une éventuelle négociation autant savoir s’il y a compétence ou non ! Et elle va répondre par la négative : la CE n’est pas compétente pour adhérer ! Elle va rappeler le principe de compétence d’attribution et le Traité CE ne donne pas compétence à la CE pour édicter des règles en matière de droits de l’Homme. Et elle a refusé de suivre des Etats qui voulaient fonder la compétence sur un recours aux compétences subsidiaires.

Il faudra attendre le Traité de Lisbonne pour que l’article 6 du TUE prévoit enfin que l’UE adhère à la CESDH ! Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telle que prévu dans les traités. Il existe un protocole annexé au Traité qui concerne l’adhésion de l’Union à la CESDH.

REPRENDRE

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REPRENDRE

B. Atténuation de la jurisprudence de la Cour de justice

La délimitation des compétences externes entre la Communauté Européenne et les Etats membres n’était pas toujours évidente à tracer. Dans certains cas, la compétence de la CE était exclusive donc elle seule pouvait conclure l’accord international (exemple : le cas de la politique commerciale commune) et dans d’autres cas la compétence était partagée entre la CE et les Etats. En cas de compétence partagée cela donne lieu à ce que l’on appelle des « accords mixtes » c'est-à-dire que la CE et chacun des Etats membres sont parties à l’accord. Les accords mixtes étaient prévus par le traité EURATOM mais pas par le traité CEE. La Commission avait tenté de mettre en cause cette pratique qui est apparue dans le cadre de la CEE. Parce que la Commission européenne, elle, souhaitait que la CE soit seule partie à l’accord. Dans un avis 1/78 du 4 octobre 1979 sur le caoutchouc naturel la Cour a admis la pratique des accords mixtes en dépit du fait qu’ils n’étaient pas prévus par le Traité CEE. Elle a admis les accords mixtes notamment dans le cadre des accords multilatéraux. Mais la Cour a eu dans un premier temps une conception restrictive des accords mixtes. Compte tenu de l’absence de délimitation nette des compétences externes entre la CEE et les Etats membres il y a eu une multiplication des accords mixtes.

Ceci finalement a été une pratique assez importante et puis il y a eu l’avis 1/94 du 15 novembre 1994, cet avis concerne les accords qui ont institué l’OMC (ayant mis fin au GATT). Dans le cadre de cet accord, en avril 1994 a été signé a Marrakech l’acte final qui a clôturé les négociations multilatérales, avec cet acte final il y avait l’accord instituant l’OMC et plusieurs accords commerciaux multilatéraux. La CE et les Etats membres avaient participé aux négociations. Mais s’et posé le problème de la signature des accords et il y a eu un différend entre la CE et les Etats membres, la CE prônant la compétence exclusive de la CE. Elle a donc saisi la CJCE d’une demande d’avis en avril 1994 pour savoir si elle avait ou non compétence exclusive pour conclure ces accords. La Cour va dire que les accords portant sur le commerce des marchandises relèvent de la compétence exclusive de la communauté européenne. Puis elle dit que l’accord sur le commerce des services relève de la compétence partagée. De même l’accord sur le respect des droits intellectuels qui touchent au commerce relève aussi de la compétence partagée. Cet avis va faire l’objet de nombreuses critiques car les auteurs ont estimé qu’il s’opposait à la jurisprudence antérieure de la Cour qui jusqu’alors était favorable à la consécration d’une compétence exclusive ! Autrement dit dans cet avis la Cour a été « accusée » d’avoir une approche restrictive de la politique commerciale commune.

Cette position de la CJCE sera confirmée dans un avis 2/00 du 6 décembre 2001 sur le protocole de Carthagène sur la prévention des risques bio technologiques.

Il faut préciser que c’est une jurisprudence qui depuis l’arrêt 1/94 est toujours constante. L’avis 1/94 et ceux qui ont suivi ne sont pas une contestation du principe des compétence implicites, la Cour ne remet pas en cause ce principe, ce qui est plutôt remis en cause c’est le lien quasi automatique entre une reconnaissance de compétences externes implicites et la reconnaissance du caractère exclusif.

Dans un avis 1/03 sur la compétence de la CE pour conclure la nouvelle convention de Lugano concernant la compétence judiciaire la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale du 7 février 2006 la Cour a clarifié un peu le débat.

CHAPITRE 4

LES ACTES CONVENTIONNELS

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Le Traité de Lisbonne dans son article 216 du TFUE traite de la compétence de l’UE pour conclure des accords internationaux avec un Etat tiers ou une organisation internationale. Selon cet article l’UE a compétence pour conclure un accord international dans 4 hypothèses :

- quand les traités le prévoient (consécration de l’attribution expresse des compétences)- quand la conclusion de l’accord est prévue dans un acte juridique contraignant (exemple un règlement de

l’Union qui prévoirait la conclusion de l’accord)- quand la conclusion de l’accord est nécessaire pour réaliser dans le cadre des politiques de l’Union un des

objectifs visés par les traités- quand la conclusion de l’accord peut affecter des règles communes ou en altérer la portée. On retrouve dans ces 4 cas la jurisprudence qu’avait dégagé la CJCE.

Par ailleurs elle a compétence exclusive dans les cas prévus par l’article 3 du TFUE :

- accords concernant l’Union douanière et la politique commerciale commune - quand la conclusion de l’accord est prévue dans un acte législatif de l’UE- quand la conclusion de l’accord est nécessaire pour exercer sa compétence interne- quand la conclusion de l’accord est susceptible d’affecter des règles communes

CONCLUSION : Avec le Traité de Lisbonne on a donc désormais une répartition plus claire de délimitation de compétences externes de l’UE.

Ces accords internationaux conclus par l’UE lient les institutions européennes et les Etats membres (article 216§2). Ils s’imposent dans l’ordre juridique de l’UE en tant que norme conventionnelle internationale, la Cour l’a affirmé de façon forte le 30 avril 1974 dans l’affaire HAEGEMAN.

Ces accords internationaux priment les actes unilatéraux mais ils doivent respecter le droit originaire et les PGD.

§2 Le respect de la conformité des accords externes au droit originaire

1) Le libellé de l’article 218§11 du TFUE

« Un Etat membre, le Parlement, le Conseil et la Commission peut recueillir…En cas d’avis négatif de la Cour… sauf … ou révision des traités ».

Cet article prévoit un contrôle facultatif et préventif à l’instar de ce que prévoit notre Constitution.

Contrôle facultatif dans la mesure où il n’y a pas de saisine automatique de la Cour de justice avant la conclusion d’un accord international.

Contrôle préventif dans la mesure où la demande d’avis doit porter sur un accord envisagé, c’est un contrôle a priori. La Cour a précisé que le caractère a priori permet de prévenir les complications qui résulteraient de contestations sur la compatibilité d’un traité qui engagerait la communauté. Règle pacta sunt servanda.

Qui peut saisir la Cour d’une demande d’avis ? Un Etat membre, la Commission Européenne, le Conseil et depuis le Traité de Nice le Parlement Européen le peut aussi.

Les Etats membres dans un premier temps ont peut user de cette faculté puis les demandes d’avis émanant d’Etats se sont multipliées depuis les années 1990.

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Quand la Cour est saisie d’une demande d’avis :

Soit elle déclare l’accord envisagé compatible avec les Traités et dans ce cas là l’Union peut conclure Soit elle déclare l’accord envisagé non compatible et dans ce cas là l’Union doit renégocier l’accord pour

éliminer les incompatibilités ou bien elle peut conclure l’accord tel quel mais au préalable il faudra modifier les traités !

Illustration d’un avis négatif de la Cour de Justice : Avis 1/91 rendu en décembre 1991 : la Cour avait estimé que le premier projet d’accord créant l’EEE (Espace Economique Européen) n’était pas compatible avec le TCE. La Communauté européenne a renégocié l’accord. Ou encore, arrêt du 8 mars 2011 avis 1/09 : la Cour estime que le projet d’accord prévoyant la création d’une juridiction de brevets européens n’est pas compatible avec le droit de l’UE.

2) Des difficultés d’application

Cette disposition qui consiste à demander l’avis de la Cour a été utilisée à plusieurs reprises. Quand on examine la disposition du traité, a priori il semblerait que la demande d’avis ne porte que sur la compatibilité du projet d’accord international avec les traités. En réalité cette disposition a été utilisée pour demander à la Cour de statuer sur la répartition de compétences externes entre l’Union (ancienne CE) et les Etats membres.

La demande d’avis porte donc tant sur la compatibilité avec le droit de l’Union que sur la compétence de l’Union à conclure l’accord. Deux questions sous jacentes : la compétence de l’Union pour conclure l’accord et qui plus est savoir si sa compétence est exclusive ou partagée.

Quant on examine cet article, on constate qu’il n’y a pas de délai ! Donc s’est posé le problème de la demande prématurée ou tardive. Si la demande est prématurée, le risque est que la Cour se prononce sur un texte qui pourrait par la suite être modifié c’est le cas lorsque les négociations ne sont pas achevées. Alors bien sur il serait toujours possible de saisir de nouveau la Cour de justice, elle n’est pas hostile à des demandes d’avis successives. La première fois où la question s’est posée c’était dans l’avis 1/78 sur le caoutchouc naturel et la Cour va estime que lorsqu’il s’agit de trancher un problème de compétence, il est de l’intérêt de tous (Communauté, Etats membres et Etats tiers) que cette question soit tranchée dès l’ouverture des négociations. Elle a réaffirmé cela avec force dans l’avis 2/94 (sur la compétence de la CE pour adhérer à la CESDH) rendu en 1996.La Cour accepte de son prononcer sur la compatibilité quand elle dispose d’éléments suffisants.

La demande peut aussi être tardive. La Cour a accepté de son prononcer sur un accord qui était déjà parafé. Dans l’avis 1/94 elle a estimé que tant que le consentement n’est pas intervenu (tant qu’il n’y a pas de signature) l’accord reste un accord envisagé. Par contre, quant l’accord est conclu la demande d’avis devient sans objet, elle est irrecevable (apport de l’avis 3/94 du 13 décembre 1995 qui concernait l’accord cadre sur les bananes) toutefois dans cet avis elle a rappelé à l’Allemagne (requérante) qu’il y avait la possibilité d’introduire un recours en annulation non pas contre l’accord international mais contre la décision du conseil de conclure l’accord. De la même façon elle rappelle à l’Allemagne qu’elle peut demander des mesures provisoires par le biais des référés. C’est ainsi que la Cour de Justice a rendu un arrêt le 10 mars 1998 Allemagne contre Conseil et dans cet arrêt la Cour a annulé la décision du Conseil de conclure l’accord cadre sur les bananes car elle a estimé que cet accord violait un PGD de l’UE. C’est ce qu’elle a fait aussi dans un arrêt du 30 mais 2006 où elle a annulé deux décisions concernant l’accord conclu avec les Etats Unis portant sur le transfert de données détenues par des compagnies aériennes. L’annulation de la décision du conseil ne conduit pas à l’annulation de l’accord international ce qu’il se passe c’est que la Cour bien souvent maintient provisoirement les effets de la décision annulée jusqu’à ce qu’il y ait renégociation avec les parties à l’accord international.

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TITRE IILES RELATIONS ENTRE L’ORDRE JURIDIQUE DE L’UNION EUROPEENNE ET L’ORDRE JURIDIQUE INTERNE

De façon assez traditionnelle les rapports entre le droit national et le droit communautaire ont été souvent envisagés en termes de conflit. La Cour de Luxembourg a très vite manifesté la volonté de faire appliquer le droit communautaire de manière uniforme sur l’ensemble du territoire des Etats membres. Et elle s’est heurtée à des résistances émanant de juges nationaux (dont notre Conseil d’Etat français). Le juge communautaire a doté le système communautaire d’une efficacité comparable à celle du droit interne. Cette efficacité repose notamment sur deux principes que la Cour a dégagés : le principe de l’effet direct de certaine normes et le principe de primauté du droit communautaire sur le droit interne. Ces deux principes fondamentaux procèdent d’une même idée : l’idée selon laquelle le droit de l’Union européenne doit s’appliquer en dépit des obstacles internes.

SECTION 1 / Le fondement du principe

Le principe de l’effet direct ne se retrouve pas dans les traités.

§1 L’affirmation du principe

A. Précisions d’ordre terminologique

« effet direct » « applicabilité directe » « applicabilité immédiate » « immédiateté » « invocabilité ». La distinction n’est pas évidente car les auteurs utilisent parfois la même expression en lui donnant un sens différent.

Par exemple la directive n’est pas d’applicabilité directe puisqu’elle suppose un acte de transposition. Toutefois certaines directives sont revêtues de l’effet direct.

Dans le traité CE et c’est la même chose dans le TFUE aujourd’hui, le seule expression que l’on retrouve c’est « applicabilité directe ». Le TFUE précise que règlement est d’applicabilité directe.

1) Applicabilité directe ou applicabilité immédiate ou effet immédiat ou immédiateté

Ces termes ont le même sens. Ils sont synonymes. Ces expressions visent le problème de la pénétration du droit de l’Union dans l’ordre juridique interne. Cela veut dire que le droit de l’Union produit ses effets dans l’ordre interne des Etats sans intervention de normes nationales. C’est ce que certains auteurs appellent « l’absence de médiation normative des organes de l’Etat ». Autrement dit quand une norme est d’applicabilité directe elle s’intègre de plein droit dans l’ordre interne sans procédure de réception. C’est tout simplement une application de la conception moniste du droit international. La conception Moniste du droit international (conception positiviste) : la plupart des Etats de l’UE ont une conception moniste c’est le cas par exemple de la France. Pour ces Etats il n’existe qu’un seul ordre juridique c'est-à-dire qu’il y a une unité de l’ensemble des normes juridiques internes et internationales. Inévitablement il y a une hiérarchie au sein de cet ordre juridique. La France a pour sa part une conception moniste

CHAPITRE 1

LE JUGE NATIONAL ET L’EFFET DIRECT DE CERTAINES NORMES DE L’UE

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avec supériorité relative du droit international dans la mesure où selon l’article 55 de la Constitution les traités ont une valeur supérieure aux lois MAIS la Constitution reste quand même la norme suprême. Pour ces Etats la norme internationale s’applique immédiatement en tant que tel sans procédure de réception. Et donc quand parle d’applicabilité directe, c’est une application de la conception Moniste. Renvoi à la pyramide de Kelsen et la théorie de Georges Scelle.

Le droit communautaire applique cette conception Moniste au droit originaire, au règlement et à la décision. Et la Cour l’a notamment affirmé dans un arrêt fondamental : Arrêt Costa contre Enel de 1964 « A la différence des traités internationaux ordinaires, le traité CEE a institué un ordre juridique propre intégré aux systèmes juridiques des Etats membres lors de l’entrée en vigueur du traité ».

La conception Moniste s’oppose à la conception dualiste du droit international : appliquée par l’Allemagne et l’Italie. Selon cette approche dualiste il y a deux ordres juridiques autonomes, indépendants, distincts et su un pied d’égalité : l’ordre juridique interne et l’ordre juridique international. Conséquence : la règle de droit international doit être transformée en règle de droit interne par la procédure de réception. La procédure de réception va permettre d’introduire la norme internationale dans le droit interne et va transformer la règle internationale en règle interne. Double effet en quelques sortes. Cette approche dualiste a été défendue par ses théoriciens : Triepel (Allemagne) et Anzilotti (Italie). Cette approche dualiste va soulever des difficultés. L’Italie avait été sanctionnée dans la mesure où elle avait réceptionné des règlements en droit interne faisant fi de leur applicabilité directe ! Les difficultés en Italie seront surmontées avec l’arrêt Frontini de la Cour constitutionnelle italienne du 21 décembre 1973.

2) La notion d’effet direct

C’est une des caractéristiques essentielles du droit de l’Union. C’est une notion qui trouve application devant le juge national. L’effet direct c’est l’aptitude du droit de l’Union à créer dans certaines conditions des droits et/ou des obligations pour les personnes physiques ou morales. Ces personnes physiques ou morales pourront invoquer ces droits devant le juge national par exemple pour faire écarter l’application d’une norme interne contraire. Cela veut dire que le particulier pourra invoquer la norme de l’Union pour obtenir du juge l’annulation de l’acte interne contraire ou l’application de la norme de l’Union à la place de la norme interne comme solution du litige.

L’effet direct est une condition suffisante pour se prévaloir de la norme de l’Union devant le juge national. Mais ça n’est plus une condition nécessaire car le juge de l’UE a admis d’autres formes d’invocabilité.

3) La notion d’invocabilité

Notion que la Cour de justice a dégagé notamment par rapport aux directives. L’invocabilité c’est la faculté de se prévaloir de la norme devant le juge interne. Denis Simon a notamment dégagé les différentes formes d’invocabilité :

- L’invocabilité d’exclusion = elle exige que la norme soit reconnue d’effet direct. C’est le fait de demander au juge national de laisser de côté, non appliquée, la norme interne non conforme à la norme de l’UE.

- L’invocabilité aux fins d’annulation = elle est aussi liée à l’effet direct. Il est demandé au juge national d’annuler la norme interne parce qu’elle est contraire à la norme de l’UE.

- L’invocabilité aux fins de substitution = elle exige la reconnaissance de l’effet direct de la norme de l’UE. Il est demandé au juge national de substituer la norme de l’UE comme solution du litige à la place de la norme interne contraire.

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- L’invocabilité d’interprétation conforme = elle a été dégagée par le juge de Luxembourg notamment pour palier l’absence d’effet direct horizontal des directives. Le juge national va interpréter la règle interne à la lumière du texte et de la finalité de la directive. Il ne peut qu’appliquer la norme interne mais il va devoir l’appliquer en l’interprétant conformément à l’esprit et au texte de la directive.

- L’invocabilité aux fins de réparation = elle n’est pas liée à l’effet direct. Cela veut dire que la norme de l’UE est invoquée afin d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de sa violation.

-

B. La reconnaissance d’un effet direct par la Cour de Justice

La notion d’effet direct est une notion qui n’est pas inconnue en droit international classique, elle n’est pas spécifique au droit de l’UE. Simplement, en DIP c’est de façon exceptionnelle qu’un traité international produit des effets directs dans l’ordre interne des Etats. Autrement dit, sauf exception, en DIP, les traités ne confèrent pas de droits directement au profit des personnes physiques ou morales, il n’enjoint d’obligations que pour les Etats. Exemple d’exception : la CESDH.

Avis CPJI (ancêtre de l’actuelle CIJ) du 3 mars 1928 sur la ville de Dantzig : La Cour pose un principe : « selon une règle de DIP bien établie, un accord international ne peut comme tel créer directement des droits et obligations pour les particuliers ». Puis un exception « Cependant on ne saurait contester que l’objet même d’un accord international puisse être l’adoption par les parties de règles déterminées créant des droits et obligations pour les individus susceptibles d’être appliquées par les tribunaux nationaux ». Donc en DIP le principe : pas d’effet direct et l’effet direct est l’exception.

En droit communautaire c’est l’inverse dans la mesure où ce qui est exception devient presque la règle. La reconnaissance de l’effet direct en droit communautaire est une création jurisprudentielle. La Cour de Justice a dégagé ceci en se fondant sur la méthode d’interprétation téléologique. Elle s’est appuyée sur la théorie de l’effet utile des traités. Cela veut dire qu’elle interprète le texte dans le sens qui lui parait être le mieux pour garantir l’application effective. C’est en se fondant sur cela qu’elle a dégagé le principe d’effet direct. La reconnaissance de l’effet direct d’une norme communautaire va se faire à travers le renvoi préjudiciel. C’est dans sa fonction d’interprétation du droit communautaire qu’elle va reconnaitre l’effet direct à telle ou telle norme. L’arrêt fondamental en la matière : Arrêt Van Gend en Loos/Administration néerlandaise du 5 février 1963 . Dans cet arrêt la Cour de Justice pose les fondements du principe de l’effet direct. En l’espèce, la société Van Gend En Loos contestait une taxe imposée par les Pays Bas sur des produits venant de RFA. A l’appui de son recours la société invoque le fait que la taxe viole l’article 12 TCEE. L4ffaire est introduite en 1962 (encore en période de transition : l’Union douanière n’est réalisée qu’en 1968). L’article 12 prévoyait ceci « Les Etats membres s’abstiennent d’introduire entre eux de nouveaux droits de douanes et d’augmenter ceux qu’ils appliquent dans leurs relations commerciales mutuelles ». La société peut-elle invoquer l’article 12 pour échapper à l’application de la taxe ? Autrement dit, l’article 12 est-il ou non d’effet direct ?

REPRENDRE

3- Les accords internationaux conclus par l’UE

(…)

Deux arrêts ont été rendus : un par la Cour de Justice et un par le Tribunal. C’était dans le cadre du contentieux relatif aux bananes. En l’espèce, il y avait une décision ORD/OMC c’est à dire une décision d’un organe de règlement des différends au sein de l’OMC. Une décision a été rendue par l’ORD elle avait conclu à l’incompatibilité de la législation communautaire sur l’importation des bananes avec les règles de l’OMC. Quelles sont les conséquences de cette décision de l’ORD sur la jurisprudence de la Cour de Luxembourg qui refuse la possibilité d’invoquer les règles de l’OMC ?

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- La Cour de Luxembourg va répondre dans un arrêt VAN PARYS du 1er mars 2005 : dans cette affaire la Cour a été saisie par un juge néerlandais qui avait lui-même été saisi d’un recours intenté par la société Van Parys société qui contestait une mesure néerlandaise prise en application de la législation communautaire sur les bananes et invoque l’incompatibilité de la législation communautaire avec les règles OMC.

- Le Tribunal va répondre dans un arrêt CHIQUITA BRANDS contre COMMISSION du 3 février 2005 : la société Chiquita Brands entendait obtenir réparation de la part de la Communauté européenne pour le préjudice subi du fait de la législation communautaire incompatible avec les règles de l’OMC.

Ces deux arrêts vont aboutir au même résultat : le principe qui est dégagé est le suivant : Compte tenu de leur nature les accords de l’OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour contrôle la légalité des actes des institutions. Autrement dit, les intéressés ne peuvent pas se prévaloir de la violation par la Communauté européenne des dispositions des accords OMC et même s’il y a une décision d’incompatibilité de la part d’un organe de l’OMC. Mais (et c’est là l(importance des arrêts) : la Cour va quand même apporter deux tempéraments :

Elle accepte de contrôler la légalité d’un acte communautaire au regard des règles de l’OMC de manière exceptionnelle dans deux cas :

o 1 er cas : Dans l’hypothèse où la Communauté a voulu donner exécution à une obligation particulière assurée dans le cadre de l’OMC. Si la communauté prend un règlement par exemple pour donner effet à une obligation dans le cadre de l’OMC.

o 2 ème cas : Dans l’hypothèse où l’acte communautaire en cause renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC.

Dans un arrêt du 20 mai 2010 la Cour a de nouveau eu à se prononcer sur le régime douanier des bananes et elle réaffirme qu’il n’y a pas lieu de reconnaitre un effet direct à des dispositions de l’OMC.

SECTION 2 / Le cas particulier des directives

Rappel : La distinction entre l’effet direct horizontal et l’effet direct vertical.

La directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. A priori à la lecture de cela la directive n’est pas revêtue d’effet direct. Et pendant longtemps la doctrine a penché en faveur de cette conception : refus de la reconnaissance de l’effet direct aux directives.

La Cour de Justice cependant a accepté dans certains cas de reconnaitre un effet direct à des dispositions d’une directive. Cela n’a pas été sans susciter des résistances nationales et notamment par exemple de la par du Conseil d’Etat français.

§1 Une reconnaissance soumise à certaines conditions

Le 1er arrêt que l’on cite dans le cadre de cette étude n’est pas un arrêt de principe, c’est l’arrêt SACE contre Ministre des finances italiennes du 17 décembre 1970. Dans cet arrêt c’est la première fois Que la Cour de justice va reconnaitre un effet direct à des dispositions d’une directive. Ce n’est pas un arrêt de principe car dans cet arrêt les dispositions de la directives étaient combinées avec des dispositions du traité CEE et la Cour dans cet arrêt avait insisté sur l’absence d’autonomie du contenu des directives et elle avait insisté sur les liens étroits entre la directives et le traité CEE.

L’arrêt de principe c’est l’arrêt VAN DUYN contre ? du 4 décembre 1974 : La Cour va poser des règles fondamentales : en l’espèce Mme VAN DUYN était une ressortissante néerlandaise qui voulait entrer au Royaume-

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Uni parce qu’elle y avait trouvé un travail dans l’église de scientologie. Elle se heurte au refus du Royaume-Uni. La libre circulation des travailleurs est une liberté qui a été affirmée dans le traité CEE tel que rédigé en 1957 donc normalement le RU ne peut pas s’opposer à l’entrée d’un ressortissant UE. Toutefois i existe des dérogations à cette liberté de circulation des travailleurs : en effet un Etat peut invoquer des raisons d’ordre public, de sécurité public et de santé publique pour s’opposer à cette liberté de circulation. Le RU en l’espèce invoque des règles d’ordre public contre la scientologie qui est une secte. Mme Van Duyn conteste le refus britannique devant le juge britannique. Le juge britannique se tourne vers la Cour de Justice car cette dame invoque contre le refus la violation d’une directive communautaire (la directive 64-221 du 25 février 1964 qui régissait les modalités des limitations apportées à la liberté de circulation des travailleurs). Le juge britannique demande si la directive peut être ainsi invoquée, autrement dit est ce que la directive peut être vêtue de l’effet direct ? La Cour de justice va se fonder sur le caractère obligatoire des directive et sur la théorie de l’effet utile pour reconnaitre à cette directive un effet direct. « Dans les cas où les autorités communautaires auraient par directive obligé les Etats à adopter un comportement déterminé l’effet utile d’un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de la prendre en considération ». Donc la Cour reconnait un effet direct.

Attention ! La Cour ne reconnait pas pour autant un effet direct à toutes les directives : il conviendra dans chaque cas d’examiner si la nature et l’économie et les termes de la directive sont susceptibles de produire un effet direct. Donc : reconnaissance d’un effet direct mais pas un effet direct général.

A partir de là, la Cour se fonde sur certains critères pour retenir ou non un effet direct : extrait de l’arrêt Van Duyn « Dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent comme étant du point de vue de leur contenu inconditionnelles et suffisamment précises ces dispositions peuvent à défaut de mesures d’application prises dans les délais être invoquées à l’encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive ».

Donc il faut que la directive contienne des dispositions claires et suffisamment précises c'est-à-dire qu’il ne doit pas y avoir de doute sur leur contenu. Ensuite il faut qu’elles soient inconditionnelles c'est-à-dire que l’exécution de l’obligation imposée à l’Etat ne doit pas être subordonnée à l’intervention d’un acte d’une institution de l’Etat. Aucune marge de manœuvre (d’appréciation) ne doit être laissée à l’Etat dans l’interprétation des dispositions.

Si ces conditions sont remplies le particulier pourra se prévaloir de la directive mais pas à n’importe quel moment ! En effet, l’arrêt précise bien « à défaut de mesure d’application prises dans les délais » donc si la Cour de justice reconnait un effet direct à une directive le particulier pourra l’invoquer devant le juge national soit à défaut de mesures de transposition à l’expiration du délai de transposition soit en cas de transposition incorrecte. Donc c’est le défaut de transposition ou la mauvaise transposition qui fondent l’invocabilité devant le juge national. C’est le comportement défaillant de l’Etat qui est le principal fondement de la reconnaissance d’un effet direct à une directive. Si le délai de transposition de la directive n’est pas expiré le particulier ne pourra pas l’invoquer aux fins d’obtenir l’annulation de la norme nationale contraire ou aux fins de substitution. L’intérêt de reconnaitre un effet direct à une directive = permettre l’invocabilité d’annulation, l’invocabilité de substitution et invocabilité d’exclusion.

Dans l’arrêt RATTI du 5 avril 1979 la Cour a appliqué la règle suivante : les autorités de l’Etat ne peuvent se prévaloir des dispositions d’une directive qu’ils n’ont pas transposée. Quand dans cet arrêt la Cour dit cela c'est-à-dire que la Cour refuse un effet direct descendant. Le particulier peut invoquer une directive non transposée à l’encontre de l’Etat mais l’Etat ne peut pas invoquer une directive non transposée à un particulier. Le Conseil d’Etat français a d’ailleurs fait application de cette jurisprudence dans un arrêt Société Lili France du 23 juin 1995.

Dans l’arrêt du 8 décembre 2001 Commune de Breil sur Roya va poser deux exception à la jurisprudence Lili France : dans cet arrêt était en question la directive Natura 2001. Le Conseil d’Etat va estimer qu’il existe des hypothèses dans lesquelles l’Etat français peut invoquer une directive non transposée. 2 cas :

o 1er cas : Afin de justifier la mise à l’écart d’une loi française incompatible avec le droit communautaire.

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o 2ème cas : dans le cadre de l’interprétation conforme. C'est-à-dire afin ‘invoquer une directive pour interpréter le droit national à la lumière de cette directive.

Enfin, si un Etat n’a pas transposé une directive dans les délais il ne peut poursuivre en justice sur le fondement d’une norme interne (même pénale) une personne physique ou morale qui se serait conformée à cette directive.

§2 Les limites

Cette reconnaissance d’effet direct n’est pas aussi importante que celle qui a été reconnue aux règlements. La jurisprudence s’est efforcée de ne plus utiliser régulièrement le terme d’effet direct mais plutôt d’utiliser le terme d’invocabilité, pour les directives.

Tout d’abord, un principe a été posé par la Cour de justice : une directive qui est reconnue d’effet direct ne peut être invoquée qu’à l’encontre d’un Etat membre. Autrement dit la Cour refuse de reconnaitre un effet direct horizontal aux directives. Donc les dispositions d’une directive ne peuvent pas être invoquées à l’encontre d’une autre personne physique ou morale. L’effet direct reconnu aux directives n’est que VERTICAL.

Arrêt de principe en la matière : Arrêt Marshall du 26 février 1986 : en l’espèce la Cour a été saisie par un juge britannique. Ce juge avait à connaitre d’un litige entre un organisme britannique et une dame qui avait été licenciée. Mme Marshall avait estimé que son licenciement était contraire à une directive de 1976 consacrant le principe de non discrimination en raison du sexe. Est-ce que cette directive pouvait être invoquée dans un litige entre deux personnes physiques/morales. La Cour de justice va dire qu’une directive ne peut pas par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier et qu’une disposition d’une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à l’encontre d’une telle personne. La Cour se fonde sur le fait que les obligations d’une directive n’existent qu’à l’égard des Etats membres destinataires. La Cour a une conception très large de la notion d’Etat : d’ailleurs elle emploiera le plus souvent le terme d’autorité publique.

Selon la Cour « Etat membre » =

- Administration centralisée de l’Etat - Collectivités territoriales- Organismes ou entités qui sont soumis à l’autorité ou au contrôle de l’Etat et disposant de pouvoirs

exorbitants par rapport à ceux qui résultent des relations applicables entre particuliers. Exemple : arrêt FOSTER contre BGC du 12 juillet 1990 : la BGC était une société de droit privé qui avait été chargée par une loi de développer et maintenir un monopole de la distribution du gaz. Donc société de droit privé chargée d’une mission de SP. La Cour va considérer qu’elle est assimilable à une autorité publique.

En réalité il faut entendre par « Etat membre » tout organisme qui quelque soit sa forme juridique a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir sous le contrôle de cette dernière un service d’intérêt public et qui dispose à cet effet de pouvoirs exorbitants. C’est ce que Denis Simon appelle « l’effet vertical démembré ».

Il faut par ailleurs préciser que pour la Cour de justice il suffit qu’une autorité publique s’interpose entre deux particuliers pour que la directive puisse être invocable.

A partir de 1993 des avocats généraux dans leurs conclusion ont demandé à la Cour d’opérer un revirement de jurisprudence c'est-à-dire qu’ils ont incité la Cour à reconnaitre un effet direct horizontal à des directives. La Cour à réaffirmé avec force sa position dans un arrêt FACCINI DORI du 14 juillet 1994 : elle confirme son refus de reconnaitre un effet direct horizontal. En l’espèce, un juge italien avait saisi la Cour de justice car il devait trancher un litige entre un commerçant et un consommateur. Le consommateur invoquait une directe de 1988 concernant la protection des consommateurs et notamment il invoquait le droit à renonciation reconnu dans cette directive. La directive n’avait pas été transposée par l’Etat italien. L’avocat général dans ses conclusions a estimé que la Cour de

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justice pourrait reconnaitre un effet direct horizontal dans l’intérêt de l’application uniforme et efficace du droit communautaire. La Cour de justice a rejeté cette approche. Elle rejette donc de nouveau l’effet direct horizontal mais en même temps elle rappelle au juge italien qu’il est soumis à l’obligation d’interprétation conforme. C'est-à-dire que le juge italien dans un litige entre particuliers ne peut pas substituer la directive au droit national il ne peut qu’appliquer le droit national mais il doit interpréter ce droit national à la lumière de la directive. La Cour avait dégagé cette notion d’interprétation conforme notamment dans l’arrêt MARLEASING du 13 janvier 1990. Ce principe d’interprétation conforme s’applique même avant l’expiration du délai de transposition lorsque l’Etat a pris des mesures d’application de la directive. La Cour de justice a dans des arrêts plus récents perfectionné sa théorie de l’invocabilité des directives communautaires. Et c’est pourquoi elle dissocie l’effet direct et l’invocabilité. Jusqu’à l’arrêt LINSTER du 19 septembre 2001 il semblait qu’une directive ne pouvait produire un effet d’exclusion que si elle était reconnue d’effet direct. Dans l’arrêt LINSTER plusieurs formes d’invocabilité sont dégagées : l’invocabilité d’interprétation, d’exclusion, de réparation et d’annulation. Un arrêt SEDA du 19 janvier 2010 : dans les conclusions de l’avocat général : découplage entre invocabilité et effet direct. Il suggère à la Cour de dissocier l’effet direct de substitution qui est impossible dans un litige horizontal de l’invocabilité d’exclusion qui permettrait au juge voire qui imposerait au juge d’écarter les dispositions du droit interne incompatibles avec le droit de l’Union sans que cela ne remette en cause le refus de reconnaitre un effet direct horizontal aux directives. L’idée : demander à la Cour qu’elle dissocie l’effet direct de substitution c'est-à-dire l’invocabilité de substitution qui est lié à l’effet direct impossible entre particulier et l’effet direct d’exclusion qui obligerait le juge d’écarter l’application du droit national contraire à la directive. La Cour dans arrêt SEDA n’a pas été jusqu’à la reconnaissance formelle de l’existence d’une invocabilité d’exclusion dans les litiges entre particuliers mais de plus en plus la Cour de Luxembourg est confrontée à la question de l’invocabilité dans le cadre de litiges qui opposent des particuliers et qui mettent en jeu les droits fondamentaux. Donc la cour atténue l’absence d’effet direct hozinztal en ayant une vision large d’éatat membre et qu’elle a tendance à distinguer effet direct et invocabilite ( ???).

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Ce principe n’est pas inscrit dans les Traités originaires. Mais pour autant il n’est pas concevable de réaliser un marché unique, intégré sans l’affirmation de ce principe. En effet les règles communautaires ne doivent pas être mises en question par le droit national. Pour réaliser un marché unique il faut que le droit de l’Union s’applique de façon uniforme sur l’ensemble des territoires des Etats membres.

SECTION 1 / LE PRINCIPE ET LES DIFFICULTES D’APPLICATION

§1 La théorie de la primauté

Arrêt de la Cour de Justice de Luxembourg COSTA contre ENEL du 15 juillet 1964 (ne pas confondre avec arrêt Costa contre Enel de la Cour constitutionnelle italienne). Dans cette affaire un juge italien saisi la Cour de Justice d’une question préjudicielle. Le juge était saisi d’un litige entre Costa et la société ENEL. Costa contestait sa facture d’électricité en invoquant le fait que la loi italienne de nationalisation d’électricité de décembre 1962 viole des articles du traité CEE. En même temps il invoquait la violation de l’article 11 de la Constitution italienne. En réalité dans cette affaire on est face à un conflit entre le traité CEE et une loi nationale postérieure : le traité CEE entré en vigueur en 1958 et la loi entrée en vigueur en 1962. Devant la Cour de justice le Gouvernement italien va conclure à l’irrecevabilité de la question préjudicielle. La Cour elle, va examiner cette question préjudicielle. Et elle va se fonder sur la nature juridique des communautés européennes et sur la théorie de l’effet utile des traités. Pour la Cour de justice la primauté du droit communautaire ressort de la nature même des communautés européennes. « Issu d’une source autonome le droit né du traité ne pourrait don en raison de sa nature spécifique originale se voir opposer un texte interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la communauté elle-même ». le juge affirme la spécificité de l’ordre juridique communautaire et il affirme que c’est un ordre juridique autonome intégré au système des Etats membres. C’est important parce que cela veut dire que pour le juge de Luxembourg la primauté du droit communautaire n’est pas fondée sur la primauté du droit international. Le droit communautaire n’est pas une sous catégorie du droit international. Le droit communautaire ne peut exister qu’à la condition de ne pas être mis en échec par une règle de droit interne. C’est l’arrêt de principe.

Depuis Costa contre ENEL La cour n’a cessé d’affirmer la primauté de ce droit. La primauté bénéficie à toutes les normes de droit communautaire (droit de l’union auj) à partir du moment où elles sont contraignantes. Elle bénéficie au droit originaire, elle s’applique aux règlements, aux directives, aux décisions, aux accords internationaux conclus par l’UE et s’’applique aussi au (PGDUE (mais attention uniquement quand l’Etat applique le droit de l’union).

Pour la Cour de Luxembourg, cette primauté du droit de l’union s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales y compris la norme constitutionnelle. Dans l’arrêt CONNECT AUSTRIA du 22 mai 2003 LA Cour dit « le juge national doit le cas échéant écarter une disposition nationale faisant obstacle à la compétence du juge administratif fut-elle une disposition constitutionnelle ». et dans un arrêt du 11 janvier 2000 la Cour de Luxembourg estimera que la loi fondamentale allemande viole le principe d’égalité des sexes car elle interdit aux femmes de participer aux unités combattantes. Arrêt WINNER du 8 septembre 2010 : la COUR rappelle que l’on ne peut admettre que des règles nationales fussent-elles constitutionnels puissent porter atteinte à l’unité et l’efficacité du droit de l’union.

CHAPITRE 2

LA PRIMAUTE DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE

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Même les principes généraux de droit internes doivent être écartés quand ils sont en conflit avec le droit de l’union. Cette supériorité du droit de l’union s’impose au pouvoir exécutif, législatif, administratif, et juridictionnel. Elle s’impose à l’Etat et à ses démembrements (communes…).

Cette supériorité se fait indépendamment de toute considération chronologique : le droit de l’UE est supérieur au droit national postérieur. Ce n’est pas la norme la plus récente qui s’applique.

Peu importe que la norme communautaire soit revêtue ou non de l’effet direct. Même si pour la Cour il y a un lien étroit entre primauté et effet direct. Une directive prime une loi nationale postérieure.

Conséquence de la primauté : il faut écarter toute norme nationale incompatible avec le droit de l’union. Plus concrètement : l’Etat membre doit abroger ou modifier toute norme nationale contraire. L’administration a l’obligation de ne plus appliquer les normes contraires et aussi cela veut dire que le juge ne doit plus faire produire d’effets juridiques à la norme nationale contraire. Le rôle des juges nationaux est fondamental dans l’application du principe de primauté. Et la Cour de justice a souvent insisté sur le fait que les juges doivent assurer « le plein effet des normes de l’Union européenne ». Par exemple : ils doivent ordonner les mesures provisoires nécessaires à l’efficacité du droit communautaire même si selon le droit national de telles mesures ne peuvent pas être prises.

Dans un arrêt PETER BROKE ET ?? du 14 décembre 1995 la Cour de justice a précisé les règles applicables aux pouvoirs du juge national de soulever d’office l’application du droit communautaire . Elle affirme que le droit communautaire ne s’oppose pas à ce qu’un juge national ait la possibilité de soulever d’office une violation du droit communautaire et elle précise que lorsque le juge national a l’obligation de soulever d’office les moyens de droit tirés d’une règle interne contraignante il doit également pouvoir le faire par rapport à une règle communautaire contraignante. Toutefois, la Cour a adopté une position minimaliste dans la mesure où elle reconnait assez largement l’autonome procédurale des Etats membres. Autrement dit, le principe de primauté est un principe qui doit être mis en œuvre par le juge national selon les règles procédurales de droit interne et la Cour a une vision assez large de cette autonome procédurale des Etats membres. Néanmoins il y a un domaine dans lequel la Cour a posé des principes contraignants : c’est notamment dans le domaine du droit de la consommation : arrêt du 4 juin 2009 et arrêt du 6 octobre 2009 deux arrêts dans lesquels la cour a posé des règles contraignantes : elle dit : quelque soit la passivité des parties et quelque soit le niveau procédural atteint il appartient au juge national de soulever d’office les contrariétés avec le droit communautaire de la consommation. Elle impose ainsi au juge national l’obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle et les auteurs ont dit que dan ces arrêts la cour avait largement empiété sur l’autonomie procédurale des Etats membres. Arrêt ELCHINOV du 5 octobre 2010 opposait un ressortissant bulgare à la caisse nationale d’assurance maladie bulgare car la caisse avait refusé de lui délivrer une autorisation de recevoir des soins hospitaliers en Allemagne. Le problème : le droit de l’union s’opposait-il à ce qu’une juridiction nationale soit liée par la position d’une juridiction supérieure si elle estimait que cette position n’était pas conforme au droit de l’Union ? Donc est ce que le juge bulgare était lié par la position d’une juridiction supérieure alors même que cette positon de la cour supérieure était différente de l’interprétation donnée par la Cour de Luxembourg. La Cour de justice d e Luxembourg a estimé que c’est sa position a elle qui s’imposait !donc le juge bulgare doit laisser de côté la position de la juridiction supérieure.

Le TECE contenait un article affirmant le principe de primauté. Ce traité n’étant pas entré en vigueur, le Traité de Lisbonne n’a pas repris cette disposition. A été annexée une déclaration au traité qui est la déclaration relative à la primauté déclaration selon laquelle « La conférence rappelle que selon une jurisprudence constante de la CJUE les traités et le droit adopté par l’UE sur la base des traités priment le droit des Etats membres dans les conditions définies par ladite jurisprudence ». Cela enferme ce principe dans des conditions définies par la Cour de Luxembourg.

Par ailleurs décision du CC français de 2004 et 2007 qui a examiné le problème de la primauté et a estimé que le principe de primauté tel qu’affirmé dans le TECE ne soulevait pas de difficultés par rapport à la Constitution.

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§2 Les difficultés d’application

Ces difficultés se sont manifestées car il se peut qu’existent des conflits :

- Entre la règle de l’UE et la règle constitutionnelle interne. - Entre la norme de l’UE et une règle nationale de rang inférieur (loi ou décret).

A. Le conflit entre la règle de l’UE et la règle constitutionnelle interne

Pour le juge de l’UE la primauté du droit communautaire s’exerce à l’encontre de toute norme même constitutionnelle. Seulement dans les Etats membres la Constitution est la norme suprême, elle est au sommet de la hiérarchie.

1) Le droit originaire et la Constitution

Dans certains Etats (notamment Italie et Allemagne) le contrôle de constitutionnalité des Traités peut être opéré après l’entrée en vigueur des traités. C'est-à-dire qu’il existe un contrôle a posteriori. Lorsque les traités constitutifs ont été élaborés il y a eu des décisions des Cours constitutionnelles qui ont abondé dans le sens d’une conformité à la Constitution.

En Italie la Cour constitutionnelle avait été saisie par les juges du fond : Décision San Michele du 2 juin 1965 et les décisions Costa du 7 mars 1964 et Frontini du 18 décembre 1973. Dans Costa et Frontini la Cour constitutionnelle italienne a jugé que la loi de ratification était conforme à la Constitution car elle satisfaisait aux conditions posées par l’article 11 de la Constitution italienne. En même temps la Cour a posé une réserve : l’article 11 de la Constitution italienne prévoit que l’Italie consent dans des conditions de réciprocité aux limitations de souveraineté nécessaires à un ordre qui assure la paix et la justice entre les nations. Elle suscite et favorise les OI qui poursuivent un tel objectif. En se fondant sur cet article 11 la Cour constitutionnelle a estimé que l’interprétation de cet article autorise des transferts de compétences au profit des communautés européennes. Mais en même temps la Cour dit que si les communauté européennes portent atteinte aux éléments essentiels du système italien la loi de ratification serait entachée d’inconstitutionnalité.

La Cour constitutionnelle allemande a déclaré la conformité dans un arrêt du 18 octobre 1967.

Concernant les traités de révision : l’article 24 de la Loi fondamentale (= Constitution) allemande permet à la fédération de transférer par vois législative des droits de souveraineté à des institutions internationales. Mais ce transfert n’est possible que dans les limites indiquées et s’il y a une incidence sur la loi fondamentale alors celle-ci devra au préalable être révisée.

Décision Maastricht de la Cour constitutionnelle allemande le 12 octobre 1993. Lorsque le traité de Maastricht a été ratifié il y avait au préalable eu révision de la loi fondamentale et insertion d’un article 23 qui renforçait le contrôle du pouvoir législatif sur le Gouvernement fédéral. Le tribunal constitutionnel (= CC All) avait été saisi d’une demande visant à examiner la conformité de la loi autorisant la ratification à la loi fondamentale. Parce que des personnes devant les juges du fond s’estimaient lésées dans leurs droits par le Traité de Maastricht. Le Tribunal Constitutionnel va rejeter le recours en l’estimant non fondé : il qualifie l’Union de « groupement d’Etats » en précisant que les Etats membres étaient restés souverains. Cette décision affirme par ailleurs le caractère impératif du principe démocratique et le maintien nécessaire d’une influence du Bundestag (=une des chambres du Parlement allemand). Cette décision Maastricht va estimer que l’étendue des droits de souveraineté transférés à l’UE n’est pas indéterminée et elle dépend des habilitations précises contenues dans le Traité de Maastricht. Et elle assure que le respect du principe démocratique est suffisamment assuré dans le cadre de l’UE surtout par l’influence des parlements nationaux et du parlement européen. Cette décision Maastricht sera par la suite interprétée de façon différente. Elle a été interprétée comme le fait que la Cour constitutionnelle n’acceptait la primauté que tant que la communauté européenne agissait dans le cadre de ses compétences. Certains ont estimé que cet arrêt manifestait

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un certain retour à l’affirmation d’un droit de contrôle du droit communautaire par la Cour constitutionnelle. C’est une interprétation un peu extensive ! Quoiqu’il en soit cette décision traduit quand même la vigilance de la CC allemande à l’égard du respect du principe de démocratie.

Il y a eu également la décision Lisbonne du 30 juin 2009 : sur le problème de la compatibilité de la loi allemande autorisant la ratification avec l’ordre constitutionnel allemand. La Cour dans sa décision va conclure à la compatibilité de la loi autorisant la ratification avec la loi fondamentale MAIS elle a exigé certaines adaptations de la législation allemande avant la signature de l’acte de ratification par le Chef de l’Etat. Adaptation par rapport à la participation du parlement allemand dans le cadre de l’UE. Il y a eu une loi de modification et ensuite le Chef de l’Etat a pu signer la ratification.

2) Le droit communautaire dérivé et la Constitution

Pour la Cour de justice de Luxembourg, le droit dérivé s’impose même sur des normes constitutionnelles. Cela va susciter des résistances : en effet dans les Etats membres il est difficile d’accepter qu’il puisse y avoir un acte unilatéral supérieur à une règle constitutionnelle. Ce qui fait qu’un certain nombre de décisions internes vont aller à l’encontre de la position du juge de Luxembourg. Ces décisions vont opérer un contrôle de conformité des actes communautaires au regard de la Constitution.

a) La position de la Cour de Justice (CJCE)

Arrêt du 17 décembre 1970 International Handelsgeselschaft : La CJCE avait été saisie par le tribunal administratif de Francfort qui lui posait deux questions : une question sur la structure constitutionnelle des Etats membres. Une autre question concernant la garantie des droits fondamentaux.

1 ère question : Le juge national peut-il refuser d’appliquer une règle communautaire au motif qu’elle n’a pas été élaborée selon les formes, les procédures ou garanties prévues par la Constitution d’un Etat ?

A cette première question il y avait déjà eu des réponses fournies par les CC allemande et Italienne :

- La CC allemande dans un arrêt du 18 octobre 1967 avait dit que la Loi fondamentale a pour mission de régir l’ordre juridique allemand et non l’ordre juridique communautaire et donc elle n’était pas en mesure de contrôler la conformité d’une règle communautaire aux règles et garanties prévues par la Loi fondamentale.

- La CC italienne a adopté un raisonnement globalement semblable à celui de la CC allemande.

2 ème question : Le juge national peut-il écarter une règle communautaire qui viole un droit fondamental garanti par la Constitution d’un Etat ?

Cette question était très délicate.

La Cour dans l’arrêt de 1970 répond à ces deux questions « L’invocation d’atteintes portées aux principes d’une structure constitutionnelle nationale et aux droits fondamentaux tels que formulés dans la Constitution d’un Etat membre ne saurait affecter la validité d’un acte de la communauté ou son effet sur le territoire d’un Etat membre ».

La Cour en disant cela fait preuve d’audace et va quand même rassurer les Etats membres en disant qu’elle annulera toutefois une règle communautaire qui violerait un droit garanti par l’ensemble des Constitutions des Etats membres. Et c’est ainsi qu’elle va dégager les « traditions constitutionnelles communes des Etats membres » dans l’arrêt de 1970.

b) Les résistances nationales

On les retrouve en Italie et en Allemagne.

En Italie : Arrêt Frontini 1973 : La Cour considère que les garanties prévues par la Constitution italienne ne s’appliquent pas aux activités des institutions communautaires celle-ci étant réglée par les Traités

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communautaires. Donc là elle semble abonder dans le sens de la Cour de Luxembourg. MAIS elle va poser une réserve de constitutionnalité car elle n’admet pas que les limitations de souveraineté consenties par l’Italie puissent comporter pour les institutions de la CEE un pouvoir inadmissible de violer les principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel italien ou les droits inaliénables de la personne humaine. Autrement dit dans cet arrêt la CC italienne estime que la primauté du droit communautaire doit être tenue en échec en cas de contradiction avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution italienne. Donc elle ne va pas dans le sens de l’arrêt de 1970 ! Ceci sera confirmé notamment par l’arrêt Granital de 1984 où elle dit que la loi de ratification n’autorise par les institutions communautaires à violer les principes fondamentaux. La CC italienne a été un peu plus ouverte à l’égard du droit communautaire : pour la 1ère fois en 2008 elle a accepté de saisir la Cour de Luxembourg d’une question préjudicielle !

En Allemagne : la CC Allemande a tout d’abord rendu une ordonnance Solange 1 (prononcer Zolangue) le 29 mai 1974 : elle avait été saisie par le tribunal administratif de Francfort qui n’avait pas été satisfait de la réponse de la CJCE de 1970. Et elle va dire ceci dans l’ordonnance : elle estime qu’elle doit déclarer inapplicable une norme communautaire qui violerait un droit garanti par la Loi Fondamentale. Pour la CC un contrôle constitutionnel national à l’égard des actes communautaires est nécessaire aussi longtemps que le processus d’intégration de la communauté n’aura pas atteint le stade où le droit communautaire contiendrait une déclaration des droits fondamentaux. Dans cette ordonnance elle fait un constat de déficit de protection des droits fondamentaux au sein des communautés européennes.Elle va évoluer avec l’arrêt Solange 2 du 22 octobre 1986 : elle maintient la réserve de constitutionnalité mais elle affirme qu’ « aussi longtemps que les communautés européennes , notamment la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, garantissent d’une façon générale une protection effective des droits fondamentaux la Cour constitutionnelle n’exercera plus sa compétence relativement à l’applicabilité du droit communautaire dérivé invoqué devant les juridictions allemandes et partant ne contrôlera plus ce droit à la lumière des droits et libertés que prévoit la loi fondamentale ». Dans cet arrêt elle constate que la CJCE protège effectivement les droits fondamtaux donc elle dit que tant qu’il y a une protection assurée elle n’exercera plus ce contrpole. Mais elle maintient sa réserve de constitutionnalité car elle se résevre le droit de revenir sur cette position si la protection des droits fondamentaux au nieau des commuanutés européennes est en diminution.

Solange 3 : Arrêt Bananes du 7 juin 2000 : un recours avait été intenté par des importateurs de bananes ils invoquaient l’illégalité d’un règlement communautaire par rapport au marché de la banane et qu’il violait la loi fondamentale. Recours devant un tribunal administratif qui a eu une interprétation de la décision Maastricht assez restrictive et il va saisir la CC All en estimant que la décision Maastricht avait privilégié la protection des droits fondamentaux par rapport aux principes de droit communautaire dérivé. Dans cette décision la CC All va dire « Les recours constitutionnels effectués par les juridictions continuent d’être irrecevables si leur motivation ne démontre pas que le développement du droit européen (qui comprend la jurisprudence de la CJCE) se situe en dessous du niveau requis de protection des droits fondamentaux fixés à la suite de la décision Solange 2 ».

Cela implique qu’il y ait une espèce de comparaison qui s’établisse entre la protection des droits fondamentaux par la Loi fondamentale et celle assurée au niveau de l’UE. Par là même la CC Allemande réaffirme qu’elle n’entend pas abandonner de façon absolue toute compétence, elle maintient sa réserve de constitutionnalité.

A la suite de cela il y a eu l’ordonnance du 13 mars 1007 de la CC Allemande qui rappelle qu’elle n’exerce plus son pouvoir de contrôle juridictionnel ni sur la législation communautaire dérivée ni sur l’acte de transposition au regard des droits fondamentaux à moins qu’il ne soit invoqué par le requérant que la protection des droits fondamentaux dans l’UE n’est plus en substance semblable à celle accordée par la Loi Fondamentale.

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Cette position du juge constitutionnel allemand on la retrouve dans la plupart des Etats membres , convergeance des positions des Cours constitutionnelles.

Décision MANGOLD CC Allemande du 6 juillet 2006 La CC a estimé que la CJUE dans son arrêt Mangold du 22 novembre 2005 n’avait pas procédé à une création prétorienne illicite et n’avait pas manifestement excédé ses compétences. Dans l’arrêt de 2005 la CJUE avait estimé que la législation allemande n’était pas conforme au droit de l’UE et elle s’était fondée sur le principe général de non discrimination. La CC Allemande avait été saisie d’un recours constitutionnel introduit contre une décision de la Cour Fédérale du Travail qui avait donné raison au salarié qui contestait qu’après 52 ans en Allemagne l’employeur puisse enchainer les CDD pour les salariés de plus de 52 ans. L’employeur avait fait valoir que l’arrêt de la Cour de Luxembourg était fondé sur une création prétorienne illicite et qu’elle avait outrepassé ses compétences. L’important à retenir : Dans cette ordonnance du 6 juillet 2006 la CC All avait affirmé son droit et son devoir de contrôler les actes des organes et institutions de l’Union au regard d’un dépassement éventuel de compétences. Elle affirme sa compétence pour faire cela. (en l’espèce elle rejette le recours).

Conclusion : Il y a une position particulière vis-à-vis des droits fondamentaux où les CC ont posé des réserves de constitutionnalité. Et d’ailleurs dans l’arrêt OMEGA du 14 octobre 2004 CJUE, la CJUE a elle-même estimé que le principe de primauté pourrait s’effacer devant certains droits fondamentaux et elle a ainsi estimé que le principe de dignité humaine serait supérieur au principe de libre circulation des marchandises et au principe de libre circulation des services. Dans cette affaire ce qui est intéressant c’est que même la CJUE estime qu’il y a certains principes qui s’imposeraient aux juges nationaux et aux juges de l’Union européenne. Mais en dehors des droits fondamentaux la CJUE reste très vigilante quant au respect de la primauté du droit de l’Union. Cf. l’ arrêt SEDA du 19 janvier 2010 et arrêt MELKI du 22 juin 2010.

B. Le conflit entre la règles communautaire et la règle de droit national inférieure (loi ou décret)

Deux situations sont possibles :

- Il existe un conflit entre une règle nationale antérieure et une règle de l’Union postérieure : dans ce cas là il n’y a pas de difficulté, cela se résout comme un problème de conflit de loi dans le temps. C’est la norme la plus récente qui s’applique : la règle de l’UE.

- Il existe un conflit entre une règle nationale postérieure et une règle de l’Union antérieure. Ce cas va soulever des difficultés et les solutions apportées ont été différentes selon les Etats.

Les pays du Benelux ont reconnu assez vite la primauté du droit communautaire dans une telle hypothèse. Surtout aux Pays-Bas où c’est réglé par la Constitution. En Belgique et au Luxembourg c’est la jurisprudence qui a réglé le problème.

En Allemagne : C’est une décision EUROPARECHT de la CC All du 9 juin 1971 qui va reconnaitre la primauté du droit communautaire sur une loi nationale postérieure. La Cour s’est pour cela fondée sur l’article 24 de la Loi Fondamentale.

En Italie : Arrêt COSTA CONTRE ENEL du 7 Mars 1964 de la CC italienne : dans cet arrêt la CC avait interrogé sur la compatibilité d’une loi avec le traité CEE. Cette loi c’était la loi italienne de 1962 sur l’électricité. La CC italienne avait estimé dans cet arrêt que la violation du traité CEE par l’Italie est de nature à engager la responsabilité de l’Etat italien. MAIS la CC italienne estime que la loi italienne garde toute son efficacité en droit interne ! C’est cette positon qui sera condamnée par la Cour de Luxembourg dans son arrêt COSTA CONTRE ENEL de 1964.

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Dans un arrêt du 30 octobre 1975 la CC italienne va préciser la chose suivante : une loi italienne contraire au droit communautaire est une loi qui viole l’article 11 de la Constitution italienne. Car cet article est le fondement de la primauté du droit communautaire. MAIS elle poursuit en disant que le juge italien qui se trouve face à un tel conflit ne peut pas le trancher directement autrement dit la CC italienne refuse aux juges du fond le pouvoir d’écarter une loi italienne postérieure incompatible avec le droit communautaire. Le juge italien doit appliquer quand même la loi italienne. La CC dit « La loi italienne devra être déclarée inconstitutionnelle par la CC ou elle devra être abrogée par le législateur ». Les juges du fond ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Cette position de la CC italienne sera condamnée par la Cour de Luxembourg dans un arrêt SIMMENTHAL du 9 mars 1978 dans cet arrêt la Cour de Luxembourg va dicter la solution aux juges du fond italiens : « Le juge national doit assurer le plein effet des normes communautaires en laissant au besoin inappliqué de sa propre autorité toute disposition contraire de législation nationale » et cette obligation existe si la norme nationale est postérieure sans que le juge du fond ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette norme nationale soit par voie législative soit par tout autre procédé constitutionnel. Dans cet arrêt la Cour de Luxembourg dit donc aux juges du fond italiens de ne pas écouter la CC italienne ! La CC italienne va finir par se rallier à cette position dans l’arrêt GRANITAL du 8 juin 1984. Dans cet arrêt la CC italienne va tirer les conséquences de l’autonomie de l’ordre juridique communautaire et notamment les conséquences de la primauté.

Cette jurisprudence SIMMENTHAL sera rappelée souvent dans les arrêts de la Cour de Luxembourg et notamment elle a encore été rappelée dans l’arrêt SEDA de 2010.

SECTION 2 / La responsabilité des Etats membres pour violation du droit de l’Union Européenne

La notion de responsabilité est une notion inhérente à tout système de droit. De même que le principe de primauté et que le principe d’effet direct sont des créations jurisprudentielles, le principe de responsabilité des Etats pour violation du droit de l’Union est également l’œuvre de la CJUE.

La responsabilité des Etats est un problème connu en droit international classique et a fortiori on le retrouve dans l’ordre juridique de l’UE. Cela s’explique par le fait que le droit de l’Union reconnait des droits au profit des personnes physiques ou morales et donc il y a mise en place d’un régime de protection de ces droits voire de sanction de leur violation. Quand on examine le Traité CEE et aujourd’hui le TFUR on s’aperçoit que le seul régime de responsabilité qui apparait dans les traités c’est le régime de responsabilité extracontractuelle de la communauté et de l’UE aujourd’hui.( ex : responsabilité de l’UE de fait de l’action d’un de ses agents).

En ce qui concerne les Etats aucun article ne prévoit leur responsabilité pour violation du droit de l’UE. Si un Etat viole ce droit au niveau de l’UE il peut faire l’objet d’un recours en manquement. Ce recours en manquement intenté devant la Cour de Luxembourg n’est ouvert qu’à la Commission européenne et aux Etats membres. Si la Cour de justice rend un arrêt qui constate le manquement de l’Etat alors l’Etat aura l’obligation d’y mettre fin, mais cet arrêt qui constate le manquement ne permet pas de tirer les conséquences de la violation du droit de l’Union au niveau de la responsabilité. La Cour de Luxembourg va affirmer dans sa jurisprudence que la responsabilité de l’Etat peut être engagée au niveau national pour violation du droit de l’Union et ce sera au juge national de traiter de l’action en responsabilité.

§1 La reconnaissance du principe par la Cour de Justice

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A. La consécration du principe

La Cour s’est prononcée à partir de questions préjudicielles posées par les juges nationaux. Dès 1960 dans l’arrêt HUMBLET la Cour a posé la règle suivante : si la Cour de Justice constate dans un arrêt qu’un acte législatif ou administratif national est contraire au droit communautaire l’Etat membre doit rapporter l’acte dont il s’agit et réparer les effets illicites qu’il a pu produire.

Arrêt fondamental = Arrêt FRANCOVICH du 19 novembre 1991 dans cet arrêt la Cour de justice pose le principe que la responsabilité de l’Etat pour violation du droit communautaire est inhérente au système du Traité. Dans cet arrêt le problème était dû à la non transposition d’une directive. En 1980 le Conseil avait adopté une directive qui imposait aux Etats d’adopter des dispositions pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité des employeurs. Cette directive devait être transposée au plus tard pour octobre 1983. L’Italie ne l’avait pas transposée en en 1989 elle est condamnée dans un arrêt de manquement. Des salariés d’une entreprise en faillite ont intenté une action en responsabilité devant le juge italien car ils estiment qu’ils ont été lésés par le non transposition de la directive en droit italien car ces salariés n’ont pas perçu de salaire puisque les mécanismes (un fond de garantie) prévus par la directive n’avait pas été mis en place en Italie. Le juge italien pose deux questions préjudicielles à la Cour de Luxembourg :

- La directive de 1980 peut-elle être invoquée à l’encontre de l’Etat défaillant ? Autrement dit la directive est-elle revêtue de l’effet direct ?

- L’inexécution de l’obligation de transposition de la directive est-elle susceptible de fonder une action en responsabilité (D-I) contre l’Etat italien ?

La Cour de Luxembourg va tout d’abord estimer que la directive n’est pas revêtue de l’effet direct car elle laisse une trop grande marge de manœuvre, d’appréciation aux Etats. Quant à la seconde question la Cour de Justice va répondre par l’affirmative en se fondant sur la théorie de l’effet utile des traités : elle va estimer que le droit communautaire impose aux Etats membres l’obligation de réparer le préjudice causé par la non transposition d’une directive. C’est un principe inhérent au traités dit la Cour.

A la suite de cet arrêt il y aura une jurisprudence abondante qui va apporter des précisions. Dans FRANCOVITCH l’origine de la violation du droit communautaire c’est la non transposition d’une directive, dans des arrêts ultérieurs la Cour va apporter des précisions sur l’origine de la violation.

Exemple : Arrêt du 5 mars 1993 qui joint deux affaires :

1ère affaire : Brasserie du Pêcheur : La Cour de Luxembourg avait été saisie d’une question préjudicielle posée par un juge allemand. En l’espèce une société française a intenté un recours en responsabilité contre l’Etat allemand afin d’obtenir réparation d’un préjudice qu’elle estime avoir subi du fait d’une loi allemande contraire au droit communautaire. La société en question avait été obligée d’interrompre ses exportation de bière en Allemagne du fait d’une loi allemande, Loi sur la Pureté de la bière, loi selon laquelle une boisson ne pouvait être commercialisée en Allemagne sous l’appellation bière que si elle était fabriquée avec 4 ingrédients particuliers. Seules les bières allemandes étaient fabriquées de cette façon ! Cela discriminait donc les produits importés et favorisait la protection de la bière allemande. La Cour de justice avait dans un arrêt de manquement de 1987 estimé que cette loi violait le droit communautaire. La société Brasserie du Pêcheur en disant qu’elle a subi un préjudice du fait de cette loi.

2ème affaire : Factortame 3 : La Cour a été saisie par le juge britannique. Une société avait attaqué l’Etat britannique car elle estimait avoir subi un préjudice du fait d’une loi relative aux conditions d’immatriculation des bateaux de pêche, loi contraire au droit communautaire et notamment à la liberté d’établissement. La Cour de justice en 1991 avait rendu un arrêt de manquement.

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La Cour va joindre ces deux affaires car elles posent le même problème : Est-ce que les Etats membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers du fait de la violation du droit communautaire quand la violation est imputable au législateur ?

La Cour va répondre ainsi : Le principe de responsabilité de l’Etat est inhérent au système du traité. Ce principe est valable en cas d’action de l’autorité publique contraire au droit communautaire peu importe que cette action émane de l’autorité ministérielle concernée ou du législateur. Le principe de responsabilité est valable pour toute hypothèse de violation du droit communautaire quelque soit l’organe qui est à l’origine. Peu importe que cet organe soit exécutif, législatif, administratif ou juridictionnel.

Et dans l’arrêt KÖBLER du 20 septembre 2003 la Cour de justice estime que les Etats sont tenus de réparer les dommages causés aux particuliers découlant d’une décision d’une juridiction statuant en dernier ressort. En l’espèce c’est la Cour suprême autrichienne qui avait mal interprété le droit communautaire. C’est valable pour les juridictions inférieures aussi !

Le problème c’est que dans certains Etats membres il y a l’irresponsabilité de la justice ! Alors la Cour de justice de Luxembourg va quand même estimer que compte tenu de la spécificité de la fonction juridictionnelle les critère d’engagement de la responsabilité sont plus restrictifs. Et le juge national devra rechercher dans chaque cas si la violation revêt un caractère manifeste. « La responsabilité du fait du juge ne saurait être engagée que dans le cas exceptionnel où le juge a méconnu de manière manifeste le droit applicable ».

La responsabilité de l’Etat s’étend bien sur aux entités publiques décentralisées ou fédérées.

B. Les conditions de mise en œuvre du principe

La Cour pose ce principe quelque soit l’auteur de la violation. Par la suite elle est venue préciser les conditions de mise en ouvre de cette responsabilité.

Dans l’arrêt FRANCOVITCH elle dégage les conditions de mise en œuvre de la responsabilité en cas de non transposition d’une directive. Et ces conditions sont au nombre de 3 :

o Le résultat prescrit par la directive doit comporter des droits au profit des particuliers.

o Ces droits doivent être identifiables sur la base de la directive

o Il faut un lien de causalité entre la violation de l’obligation et le dommage subi

Donc la Cour de justice dit au juge national que pour que la responsabilité de l’Etat soit engagée il faut ces trois conditions. Ces trois conditions sont suffisantes (pas la peine d’en rajouter). Et peu importe que la directive soit ou non d’effet direct.

Dans l’arrêt DILLENKOFER du 8 octobre 1996 la Cour va clarifier FRANCOVITCH. Dans cette affaire il y avait eu faillite d’une agence de voyage et de ce fait des acheteurs de voyage à forfait n’ont pas pu partir en vacances ou bien ils étaient partis et avaient dû revenir à leurs frais ! Un des client DILLENKOFER intente un recours en responsabilité contre l’Etat all car l’Allemagne n’avait pas transposé la directive qui obligeait les agences de voyage à fournir les garanties suffisantes. Le juge allemand saisi la Cour de Luxembourg et lui pose la question suivante : la non transposition d’une directive est-elle suffisante en soit pour faire naitre un droit à réparation ou bien faut-il d’autres conditions ? La Cour de justice va répondre ainsi : la non transposition dans les délais est suffisante pour faire naitre un droit à réparation car c’est une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire. Dans cet arrêt contrairement à FRANCOVITCH il n’y avait pas eu de recours en manquement contre l’Allemagne par la CJCE. La Cour de justice dit que le droit à réparation n’est pas subordonné à la reconnaissance d’un manquement préalable par la CJCE.

Par la suite la Cour de Luxembourg va reconnaitre un droit à réparation dans toute hypothèse de violation du droit communautaire (hors le cas de la non transposition d’une directive) trois conditions :

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o La règle de droit violée doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers

o La violation doit être suffisamment caractérisée (c’est le juge national qui va apprécier cette condition puisque l’action en responsabilité se fait devant lui ) La Cour de justice toutefois va aider le juge national dans l’appréciation de cette condition : il y a violation suffisamment caractérisée quand l’Etat a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à l’exercice de ses pouvoirs. Il y a violation quand l’Etat en cause au moment où il a commis l’infraction n’était pas confronté à des choix normatifs et qu’il ne disposait que d’une marge d’appréciation extrêmement réduite voire inexistante.

o Le lien de causalité.

Et le juge de Luxembourg estime que le juge national n’a pas à prendre en considération d’autres conditions. Par exemple il n’a pas à exiger une faute intentionnelle des organes étatiques.

§2 La mise en œuvre du principe par le juge national

Dès lors que ces conditions de responsabilités sont réunies la responsabilité de l’Etat peut être engagée. Elle le sera dans le cadre du droit national de la responsabilité et elle l’est dans ce cadre en vertu d’un principe : le principe de l’autonomie procédurale. Les modalités de l’exercice de l’action en responsabilité relèvent du droit interne de l’Etat, c’est au juge national que revient le soin de vérifier qu’il existe un lien de causalité entre la violation et le dommage subi. C’est à l’ordre juridique interne de l’Etat que revient le soin de déterminer la juridiction compétente pour statuer sur la réparation. Et ça la Cour l’a notamment réaffirmé dans l’arrêt KÖBLER.

A partir de là le rôle joué par le juge national est fondamental. Ce juge doit veiller à la bonne application du droit de l’Union tout en tenant compte des règles de fond et des règles procédurales du droit national. Ce n’est pas simple, pour cette raison la Cour de justice a posé les 3 conditions, a donné des précisions et aide le juge national en encadrant un peu ce pouvoir.

En effet la Cour a progressivement dégagé un certain nombre de principes pour aider le juge national dans sa tâche.

La jurisprudence de la Cour a dégagé les conditions de mises en œuvre (vues) et va veiller à ce que les particuliers disposent d’une protection efficace et complète de leurs droits tirés du droit communautaire. Un des points les plus sensibles du système de responsabilité c’est l’articulation entre les principes dégagés par la Cour de Luxembourg et la pratique des juges nationaux. Quels sont ces principes dégagés par la Cour ?

- D’abord la Cour de Luxembourg exclu qu’un juge national puisse exiger des conditions nationales plus restrictives de mise en jeu de la responsabilité de l’Etat. « plus restrictives » par exemple elle refuse que le juge allemand puisse exiger que l’Etat ait commis une faute intentionnelle. Donc pas de conditions autres que les 3 dégagées par la Cour ! Néanmoins la Cour de Luxembourg admet que le juge national puisse engager la responsabilité de l’Etat pour violation du droit communautaire sur le fondement de conditions moins restrictives ! La Cour de justice a reconnu que c’était le juge national qui était compétent pour caractériser les violation du droit communautaire mais nous l’avons vu, elle lui a fourni des indications. Quand l’Etat dispose d’une marge de manœuvre réduite ou inexistante une simple infraction constitue une violation suffisamment caractérisée. Et il est arrivé à la Cour de justice saisie de questions préjudicielles de se prononcer sur l’intensité de cette violation, elle s’est en quelques sorte parfois substituée au juge national. Dans l’arrêt TDM du 13 juin 2006 qui vent préciser l’arrêt KÖBLER est intéressant. TDM avait intenté une action devant le juge italien pour obtenir réparation d’un préjudice subi du fait d’une interprétation erronée du droit communautaire et de la jurisprudence communautaire par le juge italien. L’Italie avait estimé que la question préjudicielle posée à la Cour de Luxembourg n’était pas recevable car cela remettait en cause l’autorité de la chose jugée. C’est le tribunal du Gènes qui avait saisi la Cour de Luxembourg en lui

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demandant de se prononcer sur la compatibilité de la loi italienne avec le droit communautaire car la loi italienne refuse de reconnaitre la responsabilité de l’Etat italien liée à une mauvaise interprétation des règles de droit. La loi italienne exclu la responsabilité du juge quand il interprète mal la règle de droit. En droit italien la responsabilité du juge est limitée au seul cas de dol ou de faute grave. La Cour de justice de Luxembourg va dire ceci : l’exclusion de la responsabilité du juge est inacceptable quand la violation résulte de l’interprétation d’une règle de droit ou de l’appréciation des faits et des preuves par la juridiction. Autrement dit la juge de Luxembourg dit que le droit communautaire s’oppose à une législation qui limite la responsabilité du juge aux seules situations de dol ou de faute grave en cas de violation du droit communautaire.

Retour des vacances de Pâques :

Le juge de l’union a encadré le principe de l’autonomie procédurale par deux règles : le principe de l’effectivité et le principe de l’équivalence juridictionnelle.

Principe de l’équivalence juridictionnelle = les règles applicables en cas de responsabilité pour violation du droit de l’UE ne doivent pas être moins favorables que celles applicables à des recours internes de même nature.

Principe de l’effectivité = le recours intenté pour responsabilité en cas de violation du droit de l’union ne doit pas être rendu impossible ou excessivement difficile aux fins d’obtention de la réparation.

Dans de nombreux arrêts la cour a rappelé ces principes. Par exemple dans l’arrêt CJUE du 26 janvier 2010 : dans cette affaire la cour de justice avait été saisie par le tribunal suprême espagnol. Celui-ci lui demande de se prononcer sur le point suivant : le fait de soumettre une action en responsabilité de l’Etat à des modalités procédurales différentes selon qu’elle a pour fondement la violation d’une disposition constitutionnelle par le législateur ou la violation d’une règle du droit de l’Union est-il conforme aux principes d’équivalence et d’effectivité ? Et notamment le droit espagnol imposait dans le cas d’une violation du droit de l’Union l’exigence d’épuisement des voies de recours internes avant de prévoir l’action en responsabilité ce qui n’était pas le cas pour violation d’une disposition constitutionnelle. La Cour de Luxembourg a condamné cette exigence qui était considérée comme discriminatoire en quelques sortes « Les modalités de l’action en responsabilité ne doivent pas être moins favorables en cas de violation du droit communautaire que celles applicables en cas de violation du droit constitutionnel ».

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La construction prétorienne de la Cour de Luxembourg serait privée de tout effet si les juges nationaux refusaient de s’y plier. C’est aux juges nationaux de garantir l’exercice des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union Européenne. Le juge national est le juge d’application du droit de l’Union.

Pour la France, renvoi à une allocution de Jean-Marc Sauvé « Le Conseil d’Etat participe activement à la dynamique d’internationalisation du droit, il est le juge commun du droit de l’Union Européenne ». Et l’ordre juridique français est de plus en plus étroitement articulé avec le droit de l’UE. « L’application combinée du droit internet et d’un droit supranational fait désormais partie intégrante de l’office du JA ». Et le contrôle de conventionalité conduit à ce que des liens étroits se nouent entre le juge national et le juge de Luxembourg. Et le Conseil d’Etat comme les autres juridictions suprêmes dans les autres Etats membres travaille en étroite coopération depuis les années 1990 avec la CJUE. Depuis 1989 il fait prévaloir le droit de l’Union sur une loi postérieure. Et par ailleurs le Conseil d’Etat a reconnu le pouvoir d’engager la responsabilité de l’Etat lorsqu’un préjudice a été causé du fait d’une norme française incompatible avec le droit international et a fortiori avec le droit de l’Union. Renvoi : Arrêt CE GESTAS 19 juin 2008.

SECTION 1 / LE CONSEIL D’ETAT FRANÇAIS ET LES DIRECTIVES DE L’UNION EUROPEENNE

Les juridictions de l’ordre judiciaire ont manifesté une hostilité dans un premier temps et puis à partir de 1984 il y a eu une évolution : le juge judiciaire s’est rallié à la jurisprudence de la CJCE. Pour les juridictions administratives cela a été beaucoup plus difficile.

§1 Les réticences du Conseil d’Etat

L’opposition du Conseil d’Etat en matière de reconnaissance d’effet direct aux directives s’est manifesté dans un arrêt Cohn-Bendit du 22 décembre 1978. Cohn-Bendit va intenter un recours devant le CE en demandant l’annulation d’une mesure individuelle qui le frappe. Pour contester cette mesure, il invoque un article du traité CEE et il invoque l’article 6 de la directive 64-221 du 25 février 1964. Cette directive est la directive qui prévoit les modalités d’application de mesures spéciales appliquées aux ressortissants communautaires. Et cet article 6 prévoit que le ressortissant communautaire qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’interdiction de séjour doit se voir communiquer les raisons qui justifient cette mesure. La Cour de Luxembourg, dans l’arrêt CDC Rutili du 28 octobre 1975 avait déclaré que cette disposition était d’effet direct. Donc la Cour de Luxembourg avait estimé que tout ressortissant communautaire pouvait invoquer cet article. En dépit de cela le CE va refuser à Cohn-Bendit le droit d’invoquer l’article 6 de la directive pour contester la mesure qui le frappe. Donc le CE refuse la reconnaissance de cet effet direct à l’article 6. La solution du CE en l’espèce reposait sur l’analyse de la définition de la directive communautaire. Et il refuse d’assimiler la directive au règlement. Il va en déduire ceci : « Quelques soient les précisions qu’elles contiennent à l’égard des Etats membres, les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l’appui d’un recours contre un acte administratif individuel ». Le CE pose ainsi le principe de l’inopposabilité des directives communautaires aux actes individuels et non pas aux actes règlementaires. D’où l’importance ici de la distinction entre l’acte administratif individuel (AAI) et l’acte règlementaire (AR).

Cette jurisprudence Cohn-Bendit sera maintenue jusqu’à l’arrêt Dame Perreux du 30 octobre 2009. Toutefois, le CE va progressivement en atténuer la portée.

§2 L’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat

CHAPITRE 3

LE JUGE FRANÇAIS ET LE DROIT DE L’UE

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La jurisprudence Cohn-Bendit interdit au requérant de se prévaloir directement d’une directive communautaire pour demander l’annulation de la décision dont il est le destinataire. Néanmoins, le particulier va pouvoir se prévaloir indirectement de la directive et ce à travers un mécanisme : l’exception d’illégalité. Autrement dit : il aurait suffit à Cohn-Bendit de se prévaloir ou d’exciper de l’illégalité du décret de transposition de la directive de 1964 pour demander l’annulation de la décision qui le frappait !

D’autres requérant l’ont fait et c’est ainsi que le tribunal administratif de Lyon en octobre 1979 a annulé un arrêté d’expulsion en estimant que le décret qui était le fondement de l’arrêté ne transposait pas correctement la directive de 1964. Et le CE par l’arrêt PALAZZI de juillet 1991 va admettre l’invocabilité de la directive de 1964 par voie d’exception à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir contre ce refus de renouvellement. Autrement dit, dans ce cas là l’invocabilité de la directive est admise pour annuler un acte individuel pris sur la base d’un acte réglementaire non conforme à la directive.

Et, dans l’arrêt REVERT et BADELON du 30 octobre 1996 le CE va admettre l’invocabilité quand la base légale est la loi (et non plus un décret mais une loi, loi qui aurait mal transposé une directive).

Cette solution de l’exception d’illégalité est limitée : en effet, elle suppose que l’Etat ait transposé la directive ! Si l’Etat n’a pas transposé la directive, cette solution n’est pas applicable et donc le requérant se voit privé de tout recours !

Le CE progressivement va prendre en compte les objectifs assignés aux directive et cela va atténuer la portée de l’arrêt Cohn-Bendit.

Le CE va accepter l’invocabilité d’annulation en annulant un décret de transposition d’une directive car ce décret violait les objectifs de la directive. Et il le fait dans un arrêt Confédération Nationale des sociétés de protection des animaux de France du 28 septembre 1984. Il accepte d’exercer un contrôle sur la légalité des actes règlementaires qui transposent les directives.

Ensuite, il va reconnaitre une portée aux directives non transposées et ce dans un arrêt Fédération Française des Sociétés de protection de la nature du 7 décembre 1984. Dans cet arrêt le CE pose la règle selon laquelle les autorités nationales ne doivent pas édicter des dispositions règlementaires contraires aux objectifs d’une directive même non transposée. L’obligation de conformité à la directive s’applique aux actes de transposition mais aussi à l’ensemble des actes pris en application de la directive. Et cette obligation de conformité s’applique tant aux règles de fond qu’aux règles de forme posées par la directive.

L’arrêt Alitalia du 3 février 1989 est une étape importante dans cette jurisprudence du CE. Le CE y précise que toute personne que toute personne peut inviter le Gouvernement, l’Administration à prendre les actes règlementaires nécessaires à la transposition de la directive. Toute personne peut demander à ce que soit rectifiés les actes incompatibles avec les objectifs d’une directive. Les justiciables peuvent demander à l’administration d’adopter les actes nécessaires en conformité avec le droit communautaire. Les actes non conformes doivent être retirés.

Puis jurisprudence LiliFrance 23 juin 1995 selon laquelle l’Etat ne peut se prévaloir vis-à-vis d’un particulier d’une directive qu’il n’a pas transposée. Toutefois, en décembre 2000 dans l’arrêt Commune de Breil sur Roya le CE pose 2 exceptions à cela :

- L’Etat peut invoquer une directive non transposée aux fins d’écarter l’application d’une loi incompatible avec la directive.

- Aux fins d’interprétation conforme

Par ailleurs, le CE (arrêt Teth de 1998) a également affirmé que l’autorité administrative est tenue en dépit de l’obligation en droit interne de se conformer à l’exigence d’une directive même non transposée. Le CE va par ailleurs admettre l’invocabilité d’interprétation conforme et ce dans l’arrêt Caserne Mortier de 1989.

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Enfin, le CE va dans l’arrêt France Nature environnement du 10 janvier 2001 consacrer la jurisprudence inter-environnement Wallonie de la Cour de Luxembourg.

Réserve faite de son refus d’admettre l’invocabilité de substitution, le CE s’est efforcé de construire une jurisprudence permettant de garantir le plein effet des directives. Et deux arrêts vont achever cette évolution :

La décision CE Arcelor du 8 février 2007 : dans cet arrêt le CE a appliqué des modalités particulières de contrôle d’acte règlementaire transposant des directives. Il a à ce moment là élaboré la théorie de la directive écran : dès qu’un décret transpose les termes précis et inconditionnels d’une directive, il ne peut faire l’objet d’un contrôle. Une exception = sauf en cas de méconnaissance d’une disposition ou d’un principe de valeur constitutionnelle. Le CE estime qu’il doit procéder en deux temps, il doit tout d’abord rechercher si les principes constitutionnels prétendument violés et invoqués par le requérant ont un équivalent dans l’ordre juridique de l’UE. C'est-à-dire qu’il recherche si le droit ou la liberté en cause est effectivement protégée par le droit de l’UE.

o 1 ère hypothèse : le droit prétendument violé est protégé par le droit de l’UE : dans ce cas là il recherche si la directive que le décret transpose est conforme ou non au principe prétendument violé. Si c’est le cas, il rejette le recours. S’il y a un doute il doit sursoir à statuer et doit saisir la Cour de Luxembourg qui elle examinera la validité de la directive. Si cette Cour de Luxembourg déclare que la directive viole un principe fondamental, le CE devra en tirer les conséquences et annulera le décret de transposition.

o 2 ème hypothèse : le droit prétendument violé n’a pas d’équivalent dans l’ordre juridique de L’UE. Dans ce cas le CE examine si le décret de transposition est conforme ou non à ce droit et dans la négative il doit annuler le décret pour inconstitutionnalité.

Et en l’espèce comme le CE a estimé que la directive en cause était censé violer un droit , il a posé la question à la CJCE : qui a rendu un arrêt CJCE du 16 décembre 2008 quia conclu a la validité de la directive et le CE a rendu l’arrêt Arcelor 2 le 3 juin 2009 en rejetant le recours.

Puis, arrêt CE Dame Perreux octobre 2009 : constitue un revirement de jurisprudence par rapport à la jurisprudence Cohn-Bendit. Dans cet arrêt le CE dit que « Tout justiciable peut se prévaloir à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive lorsque l’Etat n’a pas pris dans les délais impartis les mesures de transposition nécessaires ». Quand le CE formule cela, il pose deux conditions à la reconnaissance d’un effet direct à une directive aux fins de contester un AAI. Ces deux conditions sont les suivantes :

o La directive doit être précise et inconditionnelle.

o Le recours doit être effectué après le délai de transposition.

Cet arrêt Perreux est la suite logique de la position du CE dans la décision Arcelor dans laquelle le CE s’était appuyé sur l’article 88-1 de la Constitution.

Le CE vient juste de rendre un avis intéressant le 21 mars 2011 : dans cet avis le CE a considéré que les sans-papiers pouvaient invoquer la directive européenne qui est la directive que l’on appelle la « directive retour » pour contester un acte administratif non règlementaire. La directive retour est celle qui prévoit que l’Etat doit offrir un délai de 7 à 30 jours aux sans papiers pour qu’ils quittent régulièrement le territoire. Elle aurait dû être transposée avant le 24 décembre 2010, ce délai étant expiré, les sans papiers peuvent désormais l’invoquer pour contester une mesure de reconduite à la frontière. C’est une confirmation de la jurisprudence Perreux.

SECTION 2 / L’APPLICATION DU PRINCIPE DE PRIMAUTÉ EN FRANCE

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L’ordre juridique interne est un ordre qui est hiérarchisé, structuré. Dans cet ordre, le DI et le droit de l’UE occupent une place particulière. La jurisprudence du CE et de la Cour de Cassation contribuent à faire respecter cette hiérarchisation de l’ordre juridique. Et plus précisément, le juge administratif par exemple va contrôler la compatibilité des acte administratifs avec le droit international et le droit de l’UE. Mais attention : cela tout en veillant au respect de la Constitution !

§1 Le conflit avec la Constitution

Selon la théorie de la hiérarchie des normes de Kelsen l’ensemble des normes qui composent un ordre juridique forme un tout hiérarchisé dans lequel chaque norme doit nécessairement respecter la norme qui lui est supérieure. En France, cette hiérarchie des normes fait de la Constitution la norme suprême. Puis les lois organiques. Puis loi ordinaires. Puis règlements. Puis arrêtés. Et enfin décisions individuelles.

Pour ce qui est de la hiérarchie, quand on regarde la Constitution aucun article n’affirme expressément la supériorité de la Constitution sur le droit international. Mais il existe un contrôle -certes facultatif- de compatibilité des Traités à la Constitution (article 54 de la Constitution). Par ailleurs, l’article 55 de la Constitution affirme la supériorité des Traités sur les lois. A partir de là il existe donc un hiérarchie en faveur de la suprématie de la Constitution.

- En France, le contrôle de constitutionnalité est un contrôle qui en tous cas jusqu’à la loi constitutionnelle de 2008 était moins poussé que dans d’autres pays de l’UE tels que l’Allemagne et l’Italie, notamment parce que c’était un contrôle exclusivement a priori. Et puis avant 2008, le Conseil Constitutionnel ne pouvait pas être saisi par des juridictions.

- La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a mis en place la QPC. - Cette loi constitutionnelle a été précisée par la loi organique adoptée le 10 décembre 2009. Loi organique

portant sur l’application de l’article 61-1 de la Constitution. Cette loi organique est entrée en vigueur le 1er

mars 2010.

S’est posé le problème de l’articulation entre la QPC et le droit de l’UE.

Arrêt Cour de Cassation 16 avril 2010

Dans cet arrêt, une juridiction du fond avait soulevé devant la Cour de Cassation une QPC. Se posait le problème de la compatibilité d’un article du Code de procédure pénale avec les droits et libertés garanties par la Constitution et avec le droit de l’UE. En réalité il y avait un problème de constitutionnalité et un problème de conventionalité. La Cour de Cassation a décidé d’interroger la Cour de Luxembourg en lui posant 2 questions préjudicielles.

En effet la Cour de Cassation s’est posé la question de la comptabilité de la QPC avec le droit de l’UE en raison du caractère prioritaire. En effet, la procédure de la QPC impose à la juridiction saisie de se prononcer par priorité sur le renvoi de la question de la constitutionnalité au Conseil Constitutionnel. C’est la disposition 23-5 de la loi organique qui dit que lorsqu’est posé simultanément un problème de constitutionnalité et de conventionnalité la juridiction doit prioritairement saisir le CC et donner priorité à la question de constitutionnalité. La CDC se demande si ce mécanisme de la priorité est un compatible avec le dorit de l’UE et plus précisément avec la faculté ou l’obligation qu’ont les juridictions nationales de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle. La Cour de Cassation pose la question au juge de Luxembourg.

La Cour de Luxembourg va rendre son arrêt MELKI le 22 juin 2010 . Entre temps, le Conseil Constitutionnel a rendu la décision du 12 mai 2010 dans laquelle il a réaffirmé la jurisprudence IVG et affirmé l’absence de contrariété entre le mécanisme de la QPC et le droit de l’UE. Tout simplement parce que le CC a précisé les conditions d’application du mécanisme de la QPC dans cette décision en disant « Une juridiction qui transmet une QPC n’est pas empêchée dans l’attente de la réponse du Conseil Constitutionnel de suspendre immédiatement tout effet d’une loi incompatible avec

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le droit de l’Union » « Une telle juridiction n’est pas privée pour autant de sa faculté de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle ». Donc le CC ne voit pas de contrariété.

Le CE dans un arrêt du 14 mai 2010 va estimer pour sa part que les conditions d’exercice de la QPC n’empêchent pas le juge administratif d’assurer l’effectivité du droit de l’Union ni de poser une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg. Cette décision va dans le sens de celle du CC.

La Cour de Luxembourg rend elle son arrêt MELKI le 22 juin 2010. Elle répond à la Cour de Cassation français en considérant qu’en pratique le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité pourrait priver la Cour de Luxembourg de la possibilité de procéder au contrôle de la validité de la directive transposé. Donc effectivement il pourrait y avoir un problème. TOUTEFOIS, elle affirme que le TFUE ne s’oppose pas pour autant à une législation nationale qui instaure une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité des lois. Mais attention : la cour dit qu’il faut que les juridictions restent libres de saisir à tout moment la CJUE même à l’issue de la procédure incidente de constitutionnalité. Autre conditions : les juridictions doivent pouvoir adopter toute mesure nécessaire afin d’assurer la protection provisoire des droits conférés par le droit de l’UE. Enfin, elle dit également que pour qu’il n’y ait pas d’incompatibilité avec le droit de l’UE il faut aussi que les juridictions puissent laisser inappliquée à l’issue d’une telle procédure incidente la législation en cause qu’elles considèrent incompatible avec le droit de l’UE. Donc la Cour de Luxembourg va en fait dans le sens du Conseil Constitutionnel.

La Cour de Luxembourg estime qu’il appartient aux juges nationaux de vérifier si la législation en cause au principal peut être interprétée conformément au droit de l’Union. Et si ce n’est pas le cas, elles devront écarter la disposition national.

Après cet arrêt de la CJUE la Cour de Cassation va donc statuer, elle rend l’arrêt du 29 juin 2010 dans lequel elle estime qu’elle doit se prononcer immédiatement sur la conformité de la législation au droit de l’Union en laissant inappliquées les dispositions de la QPC. La Cour de Cassation donne priorité au contrôle de conventionalité. En effet, elle l’a fait car elle estimait qu’elle n’est pas autorisée à prendre des mesures provisoires ou conservatoires et donc de ce fait elle a décidé de se prononcer sur le problème de la compatibilité de la législation avec le droit de l’Union.

Dans cet arrêt du 29 juin la Cour de Cassation rappelle tout simplement la jurisprudence Simenthal . (déjà vu dans ce CM).

A. Le problème du droit communautaire originaire

Les traités constitutifs n’ont pas fait l’objet en France d’un contrôle de constitutionnalité ! Pourquoi ? Le Conseil Constitutionnel n’existait pas ! Par contre dans le cadre de la 5ème Ré »publique le CC a été saisi à plusieurs reprise à propos de traités de révision. Et le contrôle qu’il exerçait était un contrôle a priori.

Décision CC 19 juin 1970 : a déclaré conforme à la Constitution la décision dotant les communautés européennes de ressources propres.

Décision CC 30 décembre 1976 : considère que l’acte de 1976 concernant l’élection des parlementaires au SUD est conforme à la Constitution.

Ces décisions ont été rendues à partir d’une vision qualifiée de « réductrice » de l’appartenance de la France aux communautés européennes. Cette vision quelques peu réductrice sera abandonnée à partir de 1992. Il faut préciser que jusqu’à la loi constitutionnelle de 1992 la Constitution ne comportait aucune disposition sur les communautés européennes et donc le CC s’appuyait essentiellement sur des articles du préambule de la Constitution de 1946.

La décision CC du 9 avril1992 considère que le Traité de Maastricht n’est pas conforme à la Constitution. D’où la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 qui consacre une place particulière au droit communautaire (notamment par l’introduction de l’article 88-1 de la Constitution). C’est à partir de cela que le CC dégagera en 2004 l’obligation constitutionnelle de transposition des directives.

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Puis il y a la décision CC du 31 décembre 1997 qui estime que le Traité d’Amsterdam n’est pas conforme à la Constitution. D’où la loi constitutionnelle du 25 janvier 1999.

Enfin, décision CC du 19 novembre 2004 concernant le TECE : le TECE contient des dispositions non conformes à la Constitution. D’où la loi constitutionnelle du 1 er mai 2005.

Enfin, la décision CC du 20 décembre 2007 concernant le Traité de Lisbonne, non-conformité, d’où la loi constitutionnelle du 4 février 2008.

B. Le droit communautaire dérivé

Il n’y a pas de contrôle à priori du droit communautaire dérivé. Pourquoi ? Simplement parce qu’il n’y a pas de ratification ou d’approbation. Quand on examine la position de nos juridictions français on perçoit l’influence de la jurisprudence notamment des Cour italienne et allemande.

1. La position du Conseil Constitutionnel

Décision CC du 10 juin 2004 concernant la loi sur l’économie numérique : c’est la 1ère fois que le CC est amené à examiner une loi qui était la reprise de dispositions précises et inconditionnelles d’une directive. Jusqu’à cette décision, le CC saisi sur la base de l’article 61 de la Constitution , s’assurait simplement que la loi de transposition respectait les dispositions constitutionnelles (donc pas un contrôle de conventionalité mais uniquement un contrôle de constitutionnalité).

A partir de cette décision, il affirme que le contrôle de constitutionnalité des lois de transposition est soumis à des modalités spécifiques. Et dans cette décision de 2004,il précise les conditions dans lesquelles il entend contrôler les lois de transposition des directives. La transposition est érigée en exigence constitutionnelle. Et il s’appuie sur l’article 88-1, c’est le fondement de cela ! Le CC pose une obligation négative en ce sens : il s’interdit -sauf exception- de contrôler la constitutionnalité d’une loi de transposition qui transpose des dispositions inconditionnelles et précises d’une directive. C'est-à-dire qu’il accorde en quelques sortes une « immunité constitutionnelle » à de telles lois de transposition.

Est-ce que cette décision de 2004 constitue un tempérament à la jurisprudence IVG ? En réalité dans cette décision de 2004 le CC affirme que lorsqu’il est saisi sur la base de l’article 61 de la Constitution il ne lui appartient pas d’examiner la compatibilité d’une loi avec une directive lorsque cette loi n’a pas pour objet de transposer la directive. C’est la reprise d’IVG ça !

Le CC va par ailleurs dans cette décision de 2004 énoncer une obligation positive : lorsqu’il s’agit d’examiner une loi de transposition d’une directive il va examiner si l’exigence constitutionnelle de transposition est bien respectée. C'est-à-dire que s’il est saisi de l’examen d’une loi de transposition il va accepter de vérifier la compatibilité de cette loi avec les objectifs de la directive qu’elle transpose ! Mais attention : ce contrôle qu’il accepte d’exercer dans ce cas est soumis à une double limite :

- 1 ère limite : l’obligation de transposition ne peut aller à l’encontre d’une « règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ». «règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France» cette expression émane d’une Décision du 27 juillet 2006 sur les droits d’auteur.

- 2 ème limite : dans ce cadre de ce contrôle qu’il opère, il ne censure que les dispositions manifestement incompatible avec la directive. Cette censure, il la fera pour la première fois dans la décision du 30 novembre 2006 concernant la loi sur le secteur de l’énergie.

NB : Le CC s’interdit encore aujourd’hui de poser une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg Décision CC 17 décembre 2010 dans laquelle il s’est déclaré incompétent pour répondre à une QPC qui portait sur des dispositions qui se bornaient à tirer les conséquences de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive.

2/ Le CE

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Arrêt Sarant Levacher 13 octobre 1998 : C’est un arrêt qui ne concerne pas directement le droit communautaire, mais plutôt rapport entre droit internationale et la constitution. Les requérants on invoqué l’incompatibilité d’un décret avec des dispo des pactes des nations-unies de 1966 et la CEDH. La suprématie conférée aux traités internationaux en ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle.

Le CE ne s’est pas considéré comme compétent pour juger la compatibilité d’un traité a la constitution.

Arrêt 8 juillet 2002 Commune de des porta il n’appartient pas au CE de se prononcer sur un moyen tiré de ce qu’un traité violerait les principes constitutionnels.

Arrêt Association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire 1999 : Le CE a procédé à l’interprétation conforme de la constitution au droit communautaire. Dans cet arrêt de 1999, il reconnait implicitement la spécificité du droit communautaire.

Est-ce que le CE à l’égard du droit communautaire va appliquer la JP Sarant ?Réponse Arrêt SNIP (syndicat national des industries pharmaceutiques)Les requérants ne peuvent se prévaloir d’une incompatibilité de la loi servant de support au décret attaqué avec le principe de primauté lequel ne saurait conduire dans l’ordre interne à remettre en cause la suprématie de la constitution. Mëme à l’égard de la norme communautaire, c’est la constitution qui prime.30 juillet 2003 Association avenir de la langue française et également le 25 juillet 2006 confirme cette JP.

Décision Arcelor 8 fev 2007 reconnait la spécificité du droit communautaire et le CE va se fonder sur l’article 88-1 de la constitution.

3/ La Cour de cassation

L’arrêt Fres 2 juin 2000 ; la cour de cassation reconnait la suprématie de la constitution sur les traités internationaux. La requérante avait invoqué la violation de la CEDH et du pacte des droits de l’homme des Etats-Unis. La Ccass n’a pris position que par rapport au droit internationale. Le droit européen ne rentrait pas dans le champ d’application.

Paragraphe 2/ Le conflit avec la loi

Quand on lit l’article 55 de la constitution, la réponse est claire. EN cas de conflit entre le DI et la loi, c’est le droit international qui prime. Mais la primauté du droit communautaire va se heurter au principe de soumission du juge au principe législative. Il y a eu une position différente selon :

-les juridictions judiciaires ont pendant longtemps appliqué la doctrine Mater (doctrine dégagée dans les années 30). Quand il existe un conflit entre un traité et une loi postérieure, le tribunal doit se déterminer en fonction de la norme la plus récente. Toutefois, il doit s’efforcer de concilier la norme interne et la norme conventionnelle, à défaut il ne peut qu’appliquer la loi.

Doctrine appliqué jusqu’à l’arrêt Société des Café Jacques Vabre 24 mai 1995 : il y avait un conflit entre un article du traité CEE et une loi fiscale française postérieur et la Ccass va faire prévaloir le droit communautaire. Elle se fonde sur l’article 55 de la constitution et sur la spécificité du droit communautaire.

-Les juridictions administratives

A/ les réticences des juridictions administratives

Le CE a été hostile au principe de primauté du droit communautaire. Arrêt de principe 1 mars 1968 Syndicat générale de fabricants de semoule de France : le CE élabore la théorie de la loi écran.Le CE ne conteste pas le principe de supériorité des traités sur la loi mais il respecte le principe selon lequel le juge administrative ne peut exercer un contrôle de la validité des loi. Il évoque la loi de 1890 qui interdit au Tb de faire suspendre les lois. Cette compétence est réservée au CCelle. Pas le CE.

Cette position du CE va constituer un frein à l’entrée du droit communautaire en France, et elle introduit une divergence de JP entre les Tb judiciaire et administrative.

Le CE 15 janvier 1975 IVG : ce n’est pas du droit communautaire qui est en cause. C’était une saisine du CE sur la loi autorisant les avortements avec la convention euro droit de l’homme, le droit à la vie. Ce n’était pas le droit communautaire. Le CE estime qu’il n’a pas le pouvoir d’apprécier la conformité des lois au traité internationale dans le cadre de l’article 1961. Une loi contraire à un traité ne peut pas être marquée d’inconstitutionnalité. Le CE estime qu’il y a une différence de nature entre le contrôle de constitutionalité de l’article 61 et le contrôle de conformité. Il estime qu’il n’est pas compétent pour sanctionner la violation du principe de primauté d’un accord international. Il renvoie cette compétence aux juridictions du fond.

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Décision 12 mai 2010 CCelle : l’ouverture à la concurrence du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Le CCelle a réaffirmé sa JP IVG. Il a refusé de se livrer au contrôle de conventionalité de disposition législative. Il rappelle que se sont les juges du fond qui sont compétent pour exercer ce contrôle.

E, combinant la position du CE et du CCelle, le droit communautaire est privé de son efficacité.

Décision 20 mai 1978 ; CCelle va accepter confronter une loi organique à un traité commuautaire. C’est une exception à la JP IVG car sa saisine est obligatoire pour le contrôle d’une élection.

B/ l’évolution du CE

Arrêt 20 octobre 1989 Nicolo : Le CE fait prévaloir une disposition du Traité CEE sur une loi postérieure. Traité CEE l’emporte. Plus subtil, Il dit que la loi peut s’appliquer car elle n’est pas incompatible avec le traité CEE. Le CE s’est fondé sur l’article 55 de la constitution, mais il ne s’est pas fondé sur la spécificité du droit communautaire contrairement au CCelle.

Arrêt Boidet 24 septembre 1990 : conflit entre une loi française postérieur et un règlement communautaire et le CE fait prévaloir le règlement communautaire.

Arrêt 28 Fev 1902 Société Rotman et Phillip Moris France Affaire tabac. Il fait prévaloir une disposition communautaire sur une législation nationale incompatible et postérieure.

Pour le CE le droit communautaire reste une branche du DIP qui n’affirme pas expressément la spécificité du droit communautaire. Il faudra attendre la décision Arcelor pour que ce soit clairement exprimé.

Quand le juge constate l’incompatibilité d’une loi avec les droit de l’union, il écarte la loi mais ne l’annule pas la loi. Si la loi continue à produire ses effets dans un autre litige, elle peut entrainer la responsabilité de l’état pour violation du droit communautaire. En l’espèce, le CE accepte d’engager la responsabilité de l’état dans de tel circonstances.

Il l’a accepté facilement lorsque la violation du droit communautaire était imputable à l’administration. Arrêt Ministre du commerce extérieur/ société Allivard : Le CE a accepté la resp de l’état français sur le terrain de la resp sans faute.

Par la suite, il y aura une évolution dans l’affaire des tabac du 28 février 1992 ; le CE va reconnaître implicitement la responsabilité pour faute de l’administration.

Le problème est plus délicat quand la faute est imputable au législateur. Responsabilité de l’état du fait des lois.

Un arrêt important en matière de responsabilité a été rendu arrêt Gars de Dieu 8 février 2007: le Ce a jugé que l’intervention du legislateur peut engager la responsabilité de l’état quand la loi est adopté en violation d’engagement internationaux, en l’espèce c’était une violation de la CEDH