Notes de Cours Titre III
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Notes de cours – Droit pénal général – 2011/2012
Licence 2 Groupe 2
Première partie : La norme pénale
Titre III : L’application de la norme pénale
1
Titre III: L’application de la norme pénale
Ce dernier volet de l’étude de la norme pénale va nous permettre d’apprécier les
modes de confrontation de la norme règle générale et abstraite, aux faits, aux réalités.
Comment le magistrat qui est saisi de faits criminels, délictuels ou contraventionnels,
va-t-il reconnaître ces comportements dans les textes dont il dispose ? Quelle traduction
peut-il faire de la norme pénale pour l’appliquer aux données factuelles. C’est ici la question
de l’interprétation qui se pose (chapitre I)
Comment le magistrat va-t-il choisir le texte applicable (chapitre II)
lorsque plusieurs textes correspondent aux faits rencontrés, quelle qualification
retenir ? (la qualification)
lorsque des textes nouveaux sont entrés en vigueur entre le moment de la
réalisation des faits et leur jugement ? (l’application de la loi pénale dans le temps)
lorsque les faits comportent des éléments d’extranéité et peuvent relever de
plusieurs ordres juridiques ? (application de la loi pénale dans l’espace).
Chapitre I: L’interprétation de la norme pénale
Pour reprendre le fameux mot de Portalis, « en matière criminelle, il faut des lois
précises et point de jurisprudence », le principe de légalité était bien perçu comme un
rempart au développement des interprétations des juges, sources d’arbitraire.
Toutefois, l’interprétation jurisprudentielle est nécessaire face à un texte général qui
peut être obscur, ambigu. Le juge saisi ne peut refuser d’appliquer les dispositions sous
prétexte de généralité ou d’ambiguïté, sous peine de commettre un déni de justice selon
l’article 4 du code civil « …le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance
de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »
L’article 434-7-1 du code pénal prévoit l’infraction délictuelle du déni de justice
et la punit de 7500€ d’amende et de l’interdiction d’exercer des fonctions publiques pour une
durée de 5 à 20 ans.
La Cour EDH, dans une décision du 22 novembre 1995 (série A, n° 335C) a pu
préciser que « Aussi clair que le libellé d’une disposition puisse être dans quelque système
juridique que ce soit, y compris le droit pénal , il existe immanquablement un élément
d’interprétation judiciaire ».
Une nécessaire interprétation : celle-ci existe en particulier, souvent face au manque
de qualité du travail rédactionnel par le législateur ou le pouvoir réglementaire. L’auteur des
textes lui-même a conscience de cette situation et procède à l’interprétation, ou vient à
préciser son propre texte
Ainsi, l’interprétation, la précision est parfois concomitante au texte en cause, l’auteur
définit les notions trop vagues, par exemple, le code pénal prévoit la définition de certaines
circonstances aggravantes aux articles 132-71à 132-80 (la bande organisée ; la préméditation,
l’effraction, l’escalade, l’arme) qui seront visées ensuite aux articles définissant les infractions
(le vol, les violences…)
En outre, l’interprétation peut être postérieure à l’entrée en vigueur du texte en cause,
et par exemple, le législateur recourt à la loi interprétative : Ex. de la loi du 17 juin 1998
qui est venue préciser le contenu de l’infraction de harcèlement sexuel prévue à l’article 222 -333 du code pénal (définition encore remaniée le 17 janvier 2002) ou qui a précisé que
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Titre III : L’application de la norme pénale
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l’obligation de dénoncer les mauvais traitements sur mineur de 15 ans s’appliquent
également en cas d’atteintes sexuelles (Crim. 12 janvier 2000, Dr. Pén. 2000, n° 71). Ou
encore, la loi du 9 septembre 2002 en matière de droit pénal des mineurs qui est venue
énoncer explicitement les conditions de la responsabilité pénale des mineurs (art. 122-8 CP).
Ces formes d’interprétation émanant de l’auteur du texte ne posent guère de
difficultés, eu égard au principe de légalité. L’attention doit se porter davantage sur
l’interprétation du juge qui devra trouver la juste mesure pour révéler le sens du texte sans
aller au-delà de cette signification et dénaturer le texte, « le juge doit déclarer la loi » selon
l’expression du Pr Y. Mayaud.
C’est l’objet de l’étude ici qui amènera à évoquer d’une part les méthodes théoriques
d’interprétation (section 1) et d’autre part les solutions retenues par notre droit positif
(section 2).
Section 1 : Les méthodes théoriques d’interprétation.
Trois méthodes sont traditionnellement répertoriées dans la doctrine.
§1 la méthode littéraleC’est alors la lettre du texte de la loi, du règlement, qui est mis en avant et qui est le
fondement à l’interprétation.
L’usage de la méthode littérale est l’occasion de réaliser une véritable exégèse, et s’il y a un
doute sur ce que fut la volonté de l’auteur au moment de la rédaction, la lettre du texte sera
privilégiée au détriment de l’esprit du texte.
Cette méthode comme l’écrit le Pr W. Jeandidier, est vouée au « culte de la loi ». C’est
là l’idée principale qui anime les auteurs des Lumières du XVIIIè siècle et les
révolutionnaires de 1789. Beccaria et avant lui Montesquieu prônent cette méthode avec le
même souci, celui d’éviter tout arbitraire : le juge ne peut déformer la loi, il doit l’appliquer
telle qu’elle est écrite. Toutefois, cette méthode n’est pas toujours satisfaisante face aux textes mal rédigés, la
loi est loin d’être parfaite (le postulat est donc erroné), en outre, cette méthode interdit toute
évolution dans l’application du texte, sur le long terme eu égard en particulier aux évolutions
technologiques ou sociologiques.
Enfin, le texte, dans cette approche littérale apparaît comme un « tarif légal » (cf. W.
Jeandidier) appliqué par le juge à une situation donnée sans prendre en considération
l’environnement des faits.
§2 l’interprétation téléologique ou déclarative
C’est ici l’objectif poursuivi par l’auteur du texte lors de son adoption qui est
privilégié. La lettre du texte n’est pas un obstacle ni à la recherche de la volonté du
législateur, ni à l’analyse du contexte (socio-économique, sociologique, travaux
préparatoires…) dans lequel le texte a vu le jour et a été adopté. Il s’agit de prendre en
considération la ratio legis, ce qui a motivé l’intervention du législateur.
L’intérêt principal d’une telle démarche est l’adaptation possible du texte en
permettant de se dégager de la lettre trop étroite.
Toutefois, le danger de cette méthode est de voir le juge devenir un co-rédacteur du
texte, ce qui ne peut être admissible au regard du principe de légalité.
§3 la méthode analogique
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Titre III : L’application de la norme pénale
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En préliminaire, doit être souligné que la méthode analogique ne peut être considérée
comme une véritable méthode d’interprétation du texte puisque l’analogie suppose l’absence
de texte.
Ainsi, en l’absence de texte pour résoudre le cas d’espèce soumis au juge, ce dernier va
pallier la lacune en assimilant le cas concerné à un autre cas proche, voisin, qui lui est prévu
par un texte. Selon le Pr E. Dreyer « sous prétexte qu’un comportement ressemble à un autre
pénalement sanctionné, il pourrait être puni de la même façon »
Ainsi, l’article 16 du code pénal de l’URSS de 1926 prévoyait-il : « Si un acte
socialement dangereux n’est pas expressément prévu par le présent code, le fondement et les
limites de la responsabilité encourue à son sujet, sont déterminés conformément aux articles
du code qui prévoit les délits dont la nature s’en rapproche le plus ».
L’analogie ouvre alors les portes d’une répression non prévue initialement par le
législateur.
Cette méthode peut prendre deux formes distinctes :
Soit il s’agit de l’analogie légale :
Le texte prévoit l’application d’une règle à un cas précis. Ex. la loi du 26 juillet 1966 sur les sociétés commerciales prévoyait l’incrimination de
l’abus de biens sociaux seulement pour les SA ou SARL, les sociétés de personne étaient-elles
alors concernées ? ou encore, avant 1994 la légitime défense n’était prévue que pour la
défense des personnes, peut-elle s’étendre à la défense des biens ?
Soit il s’agit d’une analogie juridique :
Il s’agit alors d’apprécier l’application de la règle au regard de l’esprit général du
système répressif, et en se fondant sur cet esprit général, le juge définit les infractions et les
sanctions.
C’est l’exemple de l’article 2 de la loi allemande du 28/06/1935 instaurant le code
pénal nazi : « sera puni quiconque commettra un délit que la loi déclare punissable ou qui méritera une peine en vertu des principes fondamentaux de la loi pénale et d’après le sain
instinct du peuple. »
Les deux formes d’analogie n’ont bien sûr pas le même impact quant à l’atte inte
portée au principe de légalité.
Quelles sont les solutions retenues par notre droit positif ?
Section 2 : Les solutions du droit positif.
Chaque infraction doit être entendue comme une exception à la liberté de faire ou de
ne pas faire de chacun. Cette dimension de la norme pénale induit la méthode
d’interprétation qui ne peut être que stricte. Cette solution est retenue par la cour de
cassation depuis le XIXè siècle
cf. Crim. 8 septembre 1809 « les textes répressifs sont d’interprétation stricte et les
juges ne peuvent procéder par voie d’extension ou d’analogie ».
Ainsi se présentent les solutions retenues par notre droit positif.
§1 la méthode retenue : l’interprétation stricte.
L’article 111-4 du code pénal est très explicite :
« La loi pénale est d’interprétation stricte »
Cette disposition rédigée ainsi lors de la re-codification de 1992 reprend la
jurisprudence habituelle de la cour de cassation. Quel sens donné alors à cette interprétationstricte ?
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A) Face à un texte clair.
Aucune difficulté pour le juge ici qui applique toute la loi, tout le texte, et rien que la loi, rien
que le texte. Si seule la loi est visée à l’article 111-4 du code pénal, tous les textes pénaux (loi
et règlement) sont concernés.
Il s’agit d’une application littérale du texte dès lors où il n’y a pas à interpréter.
B) Face à un texte insuffisant
Si le texte est insuffisant, il y a alors nécessité d’interpréter. Cette interprétation peut porter
sur différents éléments :
1) la définition de termes
En effet certains termes employés dans les textes pénaux sont parfois extrêmement
flous, vagues.
1er exemple : la chose article 311-1 du code pénal « le vol est la soustraction
frauduleuse de la chose d’autrui. »
La cour de cassation a précisé que la chose était un bien matériel et non une
prestation de service (cf. Crim. 12 décembre 1990, D. 1991, 364, user d’un minitel à l’insu del’abonné ne constitue pas un vol, les communications téléphoniques débitées sur le compte
de l’abonné sont des prestations de services qui ne recouvrent pas la qualification de chose,
qui n’entrent pas dans les prévisions de l’article 311-1 du code pénal.)
2ème exemple : les violences visées notamment aux articles 222-7 et suivants du code
pénal. Celles-ci sont des atteintes à l’intégrité physique de la personne, mais aussi des
troubles psychiques ayant provoqué un choc émotif certain sur la victime (cf. les appels
téléphoniques répétés et malveillants qui ont entraîné un trouble Crim. 3 janvier 1969 ou 7
mars 1990, RSC 1991, 80, Levasseur, ces comportements ont été incriminés de manière
autonome depuis 1992 article 222-16 du code pénal ; Crim. 9 mars 1994 Bull. 69, l’exhibition
d’un couteau, accompagnée de paroles menaçantes envers une personne.) 3ème exemple : autrui. La cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt
d’Assemblée plénière le 29 juin 2001 (Bull. A.P. n°8) sur la définition d’autrui dans l’article
222-6 du code pénal qui incrimine et sanctionne l’homicide involontaire. Dans ce texte,
autrui ne peut être l’enfant à naître. « le principe de la légalité des délits et des peines, qui
impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination
d’homicide involontaire s’applique au cas de l’enfant à naître ». Autrui est une personne
physique existante pour que l’acte homicide pu isse être réalisé. Solution confirmée par la
chambre criminelle le 25 juin 2002 (Bull. crim.144).
2) la définition de champs d’intervention
Le texte n’est pas toujours explicite quant aux personnes concernées par son
application, quant à l’environnement de l’application du texte.
Exemple de l’infraction de viol dont la définition a été revue avec une loi du 23
décembre 1980, reprise par le code pénal de 1992 « Tout acte de pénétration sexuelle, de
quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace
ou surprise, est un viol. » Ce texte a été l’occasion de nombreuses interprétations sur la
notion de pénétration (la fellation a été considérée comme un viol puis la chambre criminelle
est revenue sur cette interprétation) sur la notion d’autrui (homme ou femme). Pour le
champ d’application, s’est posée la question du viol entre époux, qualification qui était
écartée jusqu’au début des années 1980.
Toutefois, en raison de l’évolution des mœurs, l’incrimination du viol a été considérée
comme permettant de protéger la liberté de chacun et donc la liberté sexuelle de chaqueindividu, quelles que soient les relations entre les protagonistes. En 1984 (crim. 17/07/1984
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D. 1985, 7, D. Mayer, RSC 1985 Levasseur) la chambre criminelle a reconnu la qualification
possible entre époux séparés de corps, puis à partir de 1990, elle a admis plus généralement
la qualification de viol entre époux (crim. 5/09/1990, D. 1991, 13 Angevin, JCP 1991, II,
21629). Aujourd’hui, depuis la loi no 2006-399 du 4 avril 2006, la qualification du viol entre
époux (et autres agressions sexuelles) est reconnu expressément dans le code pénal à l’article
222-22 alinéa 2:
«Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à
la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature
des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens
du mariage.»
3) l’adaptation aux évolutions.
Les textes d’incrimination ne sont pas l’objet de modifications fréquentes, ce serait
une source d’insécurité juridique majeure avec les complications inhérentes à l’application de
la loi dans le temps que nous verrons plus tard.
Cependant, si le texte n’est pas incessamment réécrit, il est des situations où sa
rédaction initiale ne colle plus à la réalité contemporaine, alors que la volonté du rédacteur,l’esprit du texte, son objectif permettent de transposer la rédaction initiale à la situation
actuelle.
Exemples d’adaptation à l’évolution des comportements souvent liés à des évolutions
technologiques
- Crim. 3 août 1912 (S. 1913, I, 337 note Roux): le vol d’électricité a été qualifié dans
cette décision. Aujourd’hui, le code pénal prévoit expressément le vol d’énergie
article 311-2 CP.
- La loi sur la presse du 29 juillet 1881 réprime la diffamation publique par
journaux et affiche. Crim. 5 février 1970 (Bull. 53) ou Crim. 14 janvier 1971 (Bull.
14) ont étendu la liste des moyens par lesquels l’infraction pouvait être commise,la radio, le cinéma, les disques phonographiques sont des supports à la
qualification de l’infraction. Crim. 10 mai 2005 (Bull. 144) pour internet.
- Le vol d’usage : Dans les années 1950, la jurisprudence s’est prononcée sur ce qui
a été appelé le vol d’usage : hypothèse de celui ou celle qui emprunte un véhicule
en fait usage toute la nuit puis le replace à l’endroit initial. La jurisprudence a
estimé à compter d’un arrêt du 19 février 1959 (Bull.123) que ce comportement
pouvait être sanctionné sur le fondement du vol, l’individu s’étant comporté en
propriétaire le temps de l’emprunt.
Dans les années 1970, la photocopie de documents empruntés puis utilisés
ultérieurement, a causé le même doute sur la qualification pénale de vol. C’est un
arrêt du 8 janvier 1979 Logabax (Bull. 13), qui est venu souligner que la personne
qui emprunte le document pour le reproduire et en faire un usage ultérieurement,
se comporte comme un propriétaire le temps nécessaire à la photocopie : le vol est
caractérisé.
Dans tous ces cas de figures, le juge va privilégier l’objectif poursuivi par l’auteur du
texte, l’interprétation stricte s’entend donc aussi comme une interprétation
téléologique dans le respect de l’esprit du texte. Mais, il faut bien comprendre que
l’interprétation alors proposée par les juges n’est pas toujours extensive ainsi l’exemple de la
décision de l’Ass. Plénière du 29 juin 2001 sur l’homicide involontaire qui ne peut concerner
un enfant à naître.
En outre, les juges ne sont pas prêts à ouvrir les limites des rédactions pour trouver àappliquer un texte pénal à tout prix, au mépris du principe de la légalité criminelle.
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Ex. de la filouterie d’aliments non poursuivie jusqu’à l’intervention législative du 26
juillet 1873, article 313-5 du code pénal actuel
Ex. de la fraude informatique : la situation a été plusieurs fois exposée devant les
juridictions dans les années 1980, celle de l’utilisation d’un distributeur de billets avec sa
propre carte mais en opérant un retrait d’une somme supérieure à la provision. Aucune
qualification pénale (vol, escroquerie, abus de confiance) n’a été retenue, la cour de cassation
s’est prononcée en ce sens dans un arrêt du 24 novembre 1983 (D. 1984, 465, note Lucas de
Leyssac). Seule une sanction civile, commerciale infligée par le banquier ou l ’organisme
financier peut être envisagée.
Ex. des atteintes aux systèmes de traitements automatisés des données ne pouvaient
être poursuivies sur le fondement d’un texte pénal, il a fallu attendre l’intervention du
législateur en 1987 (L. 10 juillet 1987) et 1988 (L. 5 janvier 1988) pour justifier le recours au
juge pénal (articles 323-1 et s. du code pénal actuel).
C’est bien ainsi le sens à donner à une interprétation stricte telle que préconisée par
l’article 111-4 du code pénal : une application littérale du texte clair et précis, une
interprétation téléologique du texte imprécis.
Quel est le sort réservé aux autres méthodes d’interprétation ?
§2 le sort réservé aux autres méthodes.
A) L’analogie
1) le principe
Le principe est celui du rejet de l’analogie en droit pénal. Un cas non prévu par le texte
ne peut recevoir de qualification, ne peut être assimilé à un cas voisin.
« Il n’appartient pas au juge de suppléer au silence de la loi et de prononcer des
peines en dehors des cas limitativement prévus par le législateur » Crim. 28/11/1972(Bull. 363)
Ex. : la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises en difficulté prévoyait 4 cas de banqueroute dont un qui s’appuie sur la tenue
irrégulière de comptabilité. La jurisprudence a toujours refusé d’assimiler cette tenue
irrégulière de comptabilité à une absence de comptabilité. Seule la loi pouvait modifier le
texte, ce fut fait le 10 juin 1994, la loi a ajouté ce 5ème cas de banqueroute.
2) l’exception
L’analogie « in favorem ». L’analogie est admise dès lors où elle ne restreint pas la
liberté des individus, dés lors où elle est favorable à la personne poursuivie. Le principe de
légalité qui refuse l’analogie pour écarter tout risque d’arbitraire, n’est plus mis à mal si la
solution est en faveur de la personne poursuivie.
En droit pénal de fond, les exemples d’application de l’analogie in favorem ne sont
pas rares.
Ex. : l’article 328 de l’ancien code pénal visait la légitime défense des personnes, par
analogie la jurisprudence a admis la légitime défense des biens. S’agissant d’une cause
d’irresponsabilité pénale, l’extension par analogie est une mesure favorable. Aujourd’hui, la
légitime défense des biens est expressément prévue dans notre code pénal (art. 122-5 al. 2
CP).
Ex. : l’article 380 de l’ancien code pénal prévoyait une immunité familiale en matière
de vol qui écartait les poursuites sur le fondement de cette infraction à l’encontre desascendants ou descendants ou du conjoint de la victime. Cette immunité a été étendue par la
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Titre III : L’application de la norme pénale
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jurisprudence, à d’autres infractions comme l’escroquerie, l’abus de confiance ou encore
l’extorsion de signature. Ici à nouveau, la solution étant favorable à la personne poursuivie,
l’analogie est admissible. Dans notre code pénal actuel, se retrouvent ces analogies, ainsi la
jurisprudence a-t-elle été entérinée par le législateur sur ces points.
En droit pénal de forme, l’application de l’analogie in favorem est plus nuancée en
raison du principe de bonne administration de la justice qui ne s’accorde pas toujours avec la
multiplication des exceptions. De même, la loi d’amnistie, loi particulièrement exceptionnelle
ne se prête pas à l’application de l’analogie. La chambre criminelle refuse de telles solutions.
L’exception ne peut être entendue que strictement, la loi d’amnistie est appliquée le plus
souvent littéralement.
B) La méthode littérale
Les juges ont recours à cette méthode dans la mesure où le texte est clair et précis.
Ex. Crim 13 mai 1997, (Bull. 180) l’article L. 362-4-4° (ancien, art. L. 8224-3 actuel)
du code du travail punit l’infraction de travail dissimulé de la peine complémentaire de
l’affichage ou de la diffusion de la décision prononcée selon les conditions prévues à l’article131-5 du code pénal. Le juge ne peut donc pas prononcer une peine de diffusion et
d’affichage. La solution de la cour d’appel a été censurée sur ce fondement. (Idem Crim. 8
février 2005, Dr. pén. 2005, n°89)
Ex. CA Rennes 3 mai 2000 (Dr. Pén. 2000, comm. 125) une personne est poursuivie
pour s’être fait servir des boissons, s’être fait attribuer une chambre d’hôtel depuis laquelle il
a utilisé le téléphone pour une somme de 1400 Fr, en étant déterminé à ne pas payer. Il est
condamné pour filouterie de boissons et d’hôtel prévus par l’article 313-5 du code pénal mais
demeure la filouterie de communications téléphoniques. La cour d’appel déclare que cette
forme de filouterie n’est pas prévue dans le texte pénal, que la loi pénale doit être interprétée
« restrictivement ».Cette attitude des juges actuels diffère donc de celle qui prévalait au début du XIXème
siècle. Ainsi, la chambre criminelle dans un arrêt du 11 mars 1831 (S. 1831, 1, 147) décidait
que « si une erreur s’est glissée dans le texte d’une loi, cette erreur ne saurait être rectifiée
par les magistrats, lesquels ne peuvent appliquer que le texte publié. » Nous retrouvons ici la
méthode littérale la plus rigoureuse qui suppose la loi parfaite et ne laisse donc aucune
latitude au juge. Il n’y a pas interprétation mais seulement application.
Assez rapidement, cette position a été abandonnée en particulier face à un texte dénué
de sens, voire absurde.
L’exemple classique est celui de l’arrêt du 8 mars 1930 (DP, 1930, 1, 101 note Voirin)
qui a eu à trancher la difficulté suivante : une personne est poursuivie pour avoir ouvert la
porte du train alors que celui-ci était encore en marche et pour avoir sauté sur le quai avant
l’arrêt complet. Cette personne conteste sa condamnation et se défend en invoquant la lettre
du texte du décret du 11 novembre 1917 en son article 18 qui interdit « de descendre ailleurs
que dans les gares et lorsque le train est complètement arrêté. » Les juges face à cette
rédaction absurde rectifient le texte, ils « réparent les erreurs manifestes de rédaction », en
recherchant la volonté du rédacteur.
Pour conclure sur l’interprétation de la norme pénale, la solution de l’article 111 -4,
l’interprétation stricte, est un principe corollaire de celui de la légalité criminelle.
L’interprétation stricte poursuit aussi cet objectif de prévisibilité du texte pénal pour écarter
tout arbitraire.
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Titre III : L’application de la norme pénale
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Après avoir apprécié les modalités de l’interprétation par le juge, première forme
d’application de la norme pénale, abordons à présent les divers champs d’application de cette
norme pénale.
Chapitre II : Les champs d’application de la norme pénale
Ce développement est consacré au choix du texte applicable face aux faits qui semblent entrer
dans les prévisions de plusieurs textes, plusieurs textes pour qualifier ces faits, plusieurs
textes en raison d’une succession dans le temps de dispositions, plusieurs textes en raison de
la présence d’un élément d’extranéité qui fait entrer la loi française en conflit avec la loi
étrangère.
Section 1 : Le champ légal : la qualification
Après vérification de l’existence de textes pénaux (principe de légalité art. 111-3 Cp), il est
nécessaire de vérifier quel texte est effectivement applicable aux faits transmis, de passer à
l’étape de qualification.
Définition de la qualification :« Dire quel délit constitue le fait incriminé et par quel texte il est prévu et puni » R. Garraud
(Traité théorique et pratique du droit pénal II, 537)
« Opération intellectuelle par laquelle le juge confronte une situation concrète aux
prévisions abstraite de la loi » E. Dreyer Droit pénal général , p. 357
§ 1: les principes généraux de qualification
A) les faits au temps de l’action
Il s’agit de définir le moment de la qualification des faits.
La qualification porte sur les faits tels qu’ils se présentaient au temps de l’action.Comme certains auteurs l’énoncent, il s’exerce une cristallisation au moment de
l’action de la situation pénale de l’agent, quelle que soit l’évolution de la situation
ultérieurement. (Cf : délit de non représentation d’enfant art. 227-5 Cp, réalisé alors même
que les conditions d’exercice de garde de l’enfant évoluerait après les faits pénaux qualifiés ;
idem délit d’abandon de famille art. 227-3 Cp).
B) la possible modification de la qualification au cours du procès
1. le principe
Les faits sont scellés au moment de l’action. Les juridictions qui auront à connaître
successivement de ces faits au cours de la procédure, sont saisies in rem c’est-à-dire saisies
du fait matériel. Si de nouveaux faits venaient à être découverts, il faut alors une intervention
du ministère public (réquisitoire supplétif) pour saisir les juridictions sur ces nouveaux
éléments factuels.
Mais, si les différents intervenants dans la procédure pénale sont liés par la définition des
faits, ils ne sont liés par aucune qualification, ils peuvent proposer une autre qualification que
celle retenue par un magistrat ou une juridiction précédents.
Les magistrats demeurent libres de déterminer le plus correctement possible la
qualification pénale au vu des faits et des éléments d’enquête, toujours dans les termes de la
saisine. La cour de cassation veille à ce que la qualification adéquate soit retenue et impose si
nécessaire, la requalification, il existe un devoir de requalification selon le Pr Yves
Mayaud.
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Première partie : La norme pénale
Titre III : L’application de la norme pénale
9
Ex. Crim. 22 janvier 1997 (Bull. 31) : le tribunal correctionnel qui ne retient pas
l’infraction de violation de domicile à l’encontre de celui qui a forcé la serrure d’entrée d’un
appartement, doit vérifier si les faits ne constituent pas une dégradation ou une
détérioration du bien d’autrui.
Crim. 31 mai 2005 (Bull. 166, Dr. pén. 2005, n° 147) : « Attendu que le juge de police
qui n’est pas lié par la qualification donnée à la prévention ne peut prononcer une décision
de relaxe qu’autant qu’il a vérifié que les faits dont il est saisi ne sont constitutifs d’aucune
infraction… »
2. les limites
a) une limite générale
La requalification est possible seulement si la personne poursuivie est toujours en
mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification.
Il s’agit là d’une limite générale à la requalification (cf. Crim. 16 mai 2001 Dr. Pén. 2001,
comm. 109, « attendu que s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils
sont saisis leur véritable qualification, c’est à la condition que le prévenu ait été en
mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée. »La requalification est envisageable dès lors où elle n’empêche pas « …l’accusé de connaître en
détail l’accusation portée contre lui ou de préparer efficacement sa défense » (CEDH 25
mars 1999 Pélissier et Sassi c/ France D. 2000, p. 356, note D. Roets, CEDH 10 mai 2001 Le
Pen c/ France req. 55173/00)
b) des limites spéciales
- En matière de presse : la loi du 29 juillet 1881 les articles 50 et 53 imposent « d’articuler
et de qualifier les faits dans l’acte de poursuite ». La jurisprudence a décidé alors que la
qualification initiale ne pouvait évoluer, elle restait figée pour le reste de la procédure.
- En matière de fraude : l’article L. 216-4 du code de la consommation, dispose que
« toute poursuite exercée en vertu des chapitres II à IV devra être continuée et terminée envertu des mêmes textes. ». La qualification initiale demeure à moins qu’elle ne se modifie au
bénéfice d’une autre qualification contenue dans les mêmes textes de la loi, les chapitres II
à IV du code de la consommation
Ces textes sont dérogatoires au droit commun et prévoient des règles de procédure
spécifiques en matière de constatation des infractions, de preuve, et donc si la qualification
est modifiée les règles de procédure elles-mêmes sont transformées ce qui revient à limiter
l’exercice des droits de la défense.
- L’amnistie fige également la qualification : la qualification retenue par les juges du 1 er
degré qui a conduit à l’amnistie de l’infraction ne peut être modifiée par la Cour d’appel
(Crim. 6 mars 1997 Dr. Pén. 1997 comm. 96, Bull. 93, Crim. 26 septembre 2006 Bull. 235)
L’exception se justifie ici par le bénéfice de l’amnistie qui ne peut être aléatoire au cours de la
procédure.
§ 2: les principes attachés aux qualifications multiples
La qualification des faits permet une traduction juridique des circonstances en un texte
applicable mais également, en choisissant le texte adéquat, il s’agit de définir un régime de
l’infraction (procédure, peine), le choix du texte applicable est donc essentiel pour définir le
régime juridique applicable.
A) les qualifications exclusives
Situations de conflit apparent de qualifications : un seul texte sera retenu.
1. les qualifications incompatibles
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Première partie : La norme pénale
Titre III : L’application de la norme pénale
10
Voir dans un même fait ou un ensemble de faits homogène, deux infractions dont la
seconde est la suite obligée de la première. Comme l’évoquent MM. Merle et Vitu,
« l’infraction est la conséquence logique et en quelque sorte naturelle d’une première
infraction avec laquelle elle se confond intimement » (Traité n° 364)
Dans ces hypothèses, il y a donc exclusivité de qualification, la multiplicité disparaît
au profit de l’unicité.
- Ex. l’auteur d’un vol est auteur d’un recel dès qu’il détient la chose et la conserve.
Le recel n’est pas retenu, seule la qualification de vol sera caractérisée
pénalement. (Crim. 29/06/1848, Bull. 192, Crim. 6/06/1979, Bull. 193)
- Ex. L’auteur d’un meurtre ne peut être poursuivi aussi pour recel de cadavre Crim.
19/07/1956 Bull. 556 (RSC 1957, 139, Hugueney)
Crim. 24 nov. 2010 (pourvoi n° 06-85270 10-86346)
« Vu les articles 434-7 et 434-4 du code pénal ;
Attendu que les délits de recel de cadavre et de destruction, soustraction d'objet ou
document de preuves en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité prévus par les
articles 434-7 et 434-4 du code pénal ne sauraient s'appliquer à l'auteur de l'infraction principale et ne peuvent être constitués que par le fait de celui qui n'a pas participé à
l'homicide volontaire ; qu'à l'égard de l'auteur de l'homicide volontaire, le fait d'avoir
recelé ou caché le cadavre de sa victime, qui n'est que la suite de ce crime, ne
peut jamais prendre le caractère d'un délit distinct de l'homicide volontaire »
- Ex. l’auteur de coups et blessures volontaires qui s’abstient de porter secours à sa
victime ne peut être retenu dans la prévention de non assistance à personne en
danger.
Ou un fait est le préalable nécessaire à la réalisation d’un autre : la détention de
stupéfiant (art. 222-37 CP) est absorbée par l’offre ou cession de stupéfiant à une personne en vue de sa consommation personnelle (art. 222-39 CP) (Crim. 22 juin 2005, Bull. 193, RSC
2005, p. 847)
Dans ces cas de figure, la cour de cassation estime qu’ « il existe dans ces hypothèses
une unité d’intention » lors de la réalisation des faits qui conduit à ne retenir qu’une seule
qualification.
Cette justification amène à reconsidérer la situation lorsque l’auteur manifeste une
intention différente aux diverses étapes de la réalisation des faits . Ainsi, la
jurisprudence a-t-elle pu considérer qu’en présence de coups et blessures volontaires ayant
entraîné la mort sans intention de la donner (coups mortels), l’auteur pouvait aussi être
poursuivi pour non assistance à personne en danger (Crim 24 juin 1980, Bull. 202, RSC 1981,
618 Levasseur). De même, le complice d’un vol peut être poursuivi pour recel.
2. les qualifications alternatives
Bien que le fait soumis au juge apparaisse se rattacher à plusieurs qualifications, une seule
sera retenue car il existe une opposition entre les différentes qualifications proposées
initialement.
1er exemple celui de l’homicide. Dans le code pénal, l’acte homicide (le fait d’ôter la
vie) est réprimé sous plusieurs formes : l’assassinat (article 221-3 Cp), le meurtre (article 221-
1 Cp), les coups mortels (article 222-7 Cp), l’homicide involontaire (article 221-6 Cp).
une seule qualification pourra être retenue car une seule correspond à la définition de l’actecommis eu égard à l’attitude psychologique de l’auteur de l’acte, selon son intention au
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Titre III : L’application de la norme pénale
11
moment de l’acte. C’est donc ici une qualification exclusive qui sera caractérisée en fonction
de la gravité de la faute commise. Celle-ci est le critère de choix de la qualification.
2nd exemple, celui de la dégradation d’un bien. A nouveau, le code pénal prévoit
plusieurs qualifications pour la commission d’un tel acte aux articles R. 635-1, 322-1, 322-6
CP. Ici le critère de choix de la qualification adéquate est celui de l’ampleur du dommage
résultant de l’acte réalisé : le dommage léger est une qualification contraventionnelle (art. R.
635-1), le dommage sérieux est celui visé à l’article 322-1, et l’acte qui a créé un danger pour
les personnes est visé à l’article 322-6. La qualification retenue est bien unique au regard des
éléments constitutifs de l’infraction.
3. le jeu des circonstances aggravantes
Dans certaines situations, deux qualifications peuvent être visées mais une troisième
disposition fait de l’une des qualifications, la circonstance aggravante de l’autre :
- Ex : le viol précédé ou accompagné de torture ou d’actes de barbarie, le viol est
prévu à l’article 222-23 CP, les tortures ou actes de barbarie sont visés à l’article
222-1 CP, mais un troisième texte l’article 222-26 CP prévoit expressément le violprécédé ou accompagné de tortures, cette dernière disposition sera appliquée.
- Ex. : Le vol (article 311-1 CP) et des violences (article 222-11 CP) réalisées au cours
de l’acte de vol, cette situation sera qualifiée de vol aggravé, vol avec violences visé
à l’article 311-6 CP
B) les qualifications en concours
Distinguons deux situations de pluralité présentées habituellement ensemble mais qui ne
revêtent pas les mêmes cas de figure l’un ne présente pas de difficulté de qualification tandis
que l’autre est l’hypothèse de qualifications en concours
1. le cumul réel d’infractions Le premier cas de pluralité est le concours d’infractions ou cumul réel d’infractions,
prévu à l’article 132-2 du code pénal : plusieurs actes infractionnels distincts les uns des
autres, non séparés entre eux par une décision définitive sont reprochés à la même personne.
Ici, le code pénal ne traite pas de la qualification, cette question est supposée déjà
résolue, il ne traite que du régime à appliquer à ces infractions.
Ainsi, chaque infraction caractérisée sera retenue à l’encontre de l’auteur des faits qui
sera déclaré coupable pour chaque fait entrant dans les prévisions pénales. Le juge prononce
donc plusieurs déclarations de culpabilité. Le problème se déplace sur le terrain de la peine.
Est-ce que la pluralité de déclarations de culpabilité entraîne une pluralité de
peines ?
Le code pénal prévoit les conditions de prononcé des peines en distinguant selon la
procédure.
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Titre III : L’application de la norme pénale
12
Cumul réel d’infractions
Définition Régime
Article 132-2 du code pénal :
Une même personne commet plusieurs infractions non
séparées entre elles par une décision de condamnation
définitive.
Déclaration de culpabilité :Autant de déclarations de culpabilité que d’infractions
caractérisées.
Peine :
Soit une poursuite unique (article 132-3 C.P.):
Chaque peine encourue peut être prononcée
Mais, cumul plafonné des peines de même nature
dans la limite du maximum légal le plus élevé
Exception : article 132-7 C.P. : cumul des amendes
contraventionnelles entre elles et avec les autres
amendes criminelles ou correctionnelles.
Soit des poursuites séparées (article 132-4 C.P.)
(sans condamnation définitive) :
Exécution cumulative des peines prononcées dans la
limite du maximum légal le plus élevé.Possible recours à la confusion des peines de même
nature.
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13
a) la poursuite unique
La personne concernée par ce cumul réel d’infractions fait l’objet d’une poursuite unique,
toutes les infractions qui lui sont reprochées le sont au cours du même procès, et dans ce cas,
en vertu de l’article 132-3 du code pénal, pour « la personne reconnue coupable de plusieurs
infractions, chacune des peines encourues peut être prononcée » : les peines se
cumulent entre elles sauf, poursuit le texte, lorsqu’elles sont de même nature, une seule peine
de cette nature est prononcée dans la limite du maximum légal le plus élevé.
Système du cumul plafonné des peines, sauf pour les peines d’amendes
contraventionnelles qui elles se cumulent (art. 132-7 Cp.).
b) les poursuites séparées
La personne est poursuivie à l’occasion de procédures séparées. L’article 132-4 du
code pénal dispose que les peines prononcées s’exécutent cumulativement toujours
dans le maximum légal le plus élevé et l’article 132-7 CP est toujours applicable, les amendes
contraventionnelles se cumulent.
A ce régime, il peut être dérogé avec la technique de la confusion qui permet au juge delimiter voire de supprimer le cumul des peines de même nature. La confusion peut être
partielle ou totale : la peine la plus forte absorbe en totalité ou en partie la peine la moins
forte.
Soulignons que le principe de non cumul des peines ou cumul plafonné a valeur
constitutionnelle sur le fondement de l’article 8 de la DDHC (DC 97 395, du 30 déc. 1997, DC
2001-455 du 12 janvier 2002)
2. le concours idéal de qualifications
Le concours dit idéal (concours juridique, intellectuel) de qualifications qui peut
être défini comme un même acte, un fait matériel unique qui tombe sous le coup de plusieursqualifications. Le terme concours renvoie à une concurrence entre les qua lifications. Il s’agit
donc bien de choisir parmi plusieurs textes pour qualifier le fait.
L’unicité matérielle entraîne-t-elle ou non l’unicité de qualification ?
La réponse de principe est l’unicité de qualification, il faudra choisir parmi la
pluralité de qualifications (Crim. 25 février 1921, S. 1923, 1, p. 89 note Roux, crim. 28 janvier
1969, Bull. 51, Crim. 26 mars 1974, Bull. 129, Crim. 4 fév. 1998, Bull. 46) « un même fait
autrement qualifié ne peut entraîner une double déclaration de culpabilité. »
Une fois le principe de l’unicité acquis, quelle qualification choisir entre celles qui se trouvent
en concours ?
a) la plus haute expression pénale
Terminologie employée par la cour de cassation (Crim. 26 juin 1930, Bull. 190, Crim 21 avril
1976, Bull. 122, Crim. 16 mai 2006, Dr. Pén. 2006, comm. 121) pour signifier que parmi les
qualifications en concours, seule celle de l’infraction la plus sévèrement punie sera
retenue.
Ex. un vol est commis en dégradant légèrement le bien de la victime, l’infraction de vol plus
sévèrement punie sera retenue au détriment de la dégradation de bien.
Il peut arriver que les qualifications en concours soient réprimées à même hauteur,
dans cette hypothèse la jurisprudence distingue entre l’infraction fin et l’infraction
moyen celle-ci servant à commettre la première.
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Titre III : L’application de la norme pénale
14
Ex. le faux commis dans un document de l’administration (article 441-2 Cp) servant à réaliser
une escroquerie (article 313-1 Cp) punie de 5 ans d’emprisonnement. Ici l’infraction-fin,
l’escroquerie, sera retenue au détriment de l’infraction-moyen, le faux.
Le régime quant à la peine est lui aussi marqué par l’unicité : seule la peine prévue
pour l’infraction caractérisée, sera prononcée. Aucun cumul ne peut être envisagé.
Cette règle de la plus haute expression pénale pour déterminer la qualification à
retenir, a cependant une exception, lorsque le même fait a une pluralité de résultats. C’est la
situation particulière d’un fait unique qui entraîne diverses atteintes à l’intégrité physique de
plusieurs personnes, de gravité différente, des qualifications multiples existent en raison
d’une pluralité de victimes. C’est « l’effet éclaté portant sur la même valeur » la
protection de l’intégrité physique. (Exemple de l’accident de la circulation qui entraîne des
atteintes de gravité inégale sur plusieurs victimes). Toutes les qualifications seront retenues
afin que chaque victime puisse se faire indemniser de son préjudice. L’ouverture de l’action
civile à chaque victime justifie cette solution de pluralité de qualifications.
Dans cette situation, à propos de la peine une seule peine sera prononcée en vertu de la
pénalité la plus sévère prévue par les différents textes.
b) la qualification spéciale
Concours entre une qualification générale et une qualification spéciale. Cette dernière est
préférée à la première. La règle de la spécialité s’applique « specialia generalibus derogant »
Quant au régime de la peine applicable, à nouveau l’unicité l’emporte : seule la peine attachée
à la répression de l’infraction spéciale retenue sera prononcée.
c) les valeurs sociales atteintes par l’acte : l’exception à l’unicité de
qualification
Un fait unique peut se fondre dans plusieurs qualifications et porte atteinte à plusieurs valeurs sociales protégées.
L’arrêt de principe pour illustrer ce cas est l’arrêt de la Chambre criminelle du 3 mars
1960 (Bull. 138, Grands arrêts du droit pénal général n°19) : une personne jette une grenade
à l’intérieur d’un café avec l’intention de tuer des personnes présentes sur les lieux. Cet acte
entraîne des blessures à plusieurs personnes et provoque des dégâts importants à l’immeuble
visé. Deux qualifications envisagées : tentative de destruction d’immeuble par explosif et
tentative d’homicide volontaire.
« …Attendu que si la loi punit de la peine de mort la destruction par l’effet d’un
explosif d’un édifice habité ou servant à l’habitation, parce que ce fait met en péril des vies
humaines, ce crime n’en est pas moins essentiellement établi en vue d’assurer la
protection des propriétés ; qu’il est constitué dans tous ses éléments dès que son auteur
a agi volontairement, sachant qu’il détruisant ou tentait de détruire un édifice de cette
espèce, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait eu aucun dessein homicide ; Qu’il suit de là que si
l’auteur d’un tel attentat a en vue, indépendamment de la destruction de l’édifice, la mort de
personnes qu’elles habitent ou non le local soumis à l’action de l’explosif, il commet un
second crime dont l’élément matériel est constitué sans doute par le même fait,
mais qui se distingue du premier en son élément intentionnel qui est la volonté
de tuer ;
Qu’il ne s’agit pas en tel cas, d’un crime unique , dont la poursuite sous deux
qualifications serait contraire au vœu de la loi, mais de deux crimes simultanés
commis par le même moyen, mais caractérisés par des intentions coupablesessentiellement différentes… »
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Titre III : L’application de la norme pénale
15
Portée générale de la décision : pluralité d’éléments intellectuels et atteinte à une pluralité
d’intérêts protégés par la loi pénale.
Le régime applicable est alors celui du cumul réel, plusieurs déclarations de culpabilité et
plusieurs peines dans les limites du maximum légal le plus élevé.
Application régulière de ce critère de qualifications :
Ex. : conduite en état d’ivresse et ivresse publique (Crim. 15 janvier 1958, Bull. 60),
escroquerie et publicité de nature à induire en erreur (Crim. 10 mai 1978, Bull. 148),
infraction aux règles d’hygiène et de sécurité au travail et homicide involontaire (Crim. 21
septembre 1999, Bull. 191), diffamation raciale et contestation de crime contre l’humanité
(Crim. 12 septembre 2000, Dr. Pén. 2001, comm. 4), pratique discriminatoire et harcèlement
moral (Crim. 6 février 2007, Bull. 29)…
Ce critère est régulièrement mis en œuvre par la cour de cassation dès lors où existe
« une violation cumulative d’intérêts collectifs ou individuels distinctement
protégés ».
Conclusion:- La règle non bis in idem : de l’intérêt de la procédure de qualification au-delà du procès.
Article 368 du Code de procédure pénale relatif à la procédure criminelle : « aucune
personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits
même sous une qualification différente »
Article 4 du protocole additionnel de la CESDH :
« …nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridic tions d’un même Etat en
raison d’une infraction pour laquelle il a été acquitté ou condamné par un jugement définitif
conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat » (CEDH 23 octobre 1995,
Gradinger c/ Autriche a-328C, RSC 1996, p. 487, R. Koering Joulin)
- Les atteintes aux principes de qualification: la correctionnalisation judiciaire
(voir développement antérieur) et la théorie de la peine justifiée.
Théorie de la peine justifiée sur le fondement de l’article 598 du Code de procédure pénale
« Lorsque la peine prononcée est la même que celle portée par la loi qui s'applique à
l'infraction, nul ne peut demander l'annulation de l'arrêt sous le prétexte qu'il y aurait
erreur dans la citation du texte de la loi.)
La cour de cassation refuse de censurer avec cette théorie, les erreurs de qualification
qu’elle a pu déceler lors de l’examen des pourvois, qu’elle relève explicitement, dès lors où la
peine prononcée sur le fondement du texte certes inadéquat, est conforme au taux de la peine
susceptible de s’appliquer au regard du texte adéquat quant à la qualification.
Ex. Crim. 14 juin 1995, Bull. 218, une qualification erronée de violences volontaires
avec préméditation n’est pas censurée, la qualification d’administration de substances
nuisibles, qualification correcte pour les faits concernés, pouvait entraîner les mêmes peines
que celles prononcées. (222-15 et 222-12 CP 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende)
Solution critiquable au regard des principes de qualification.
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Titre III : L’application de la norme pénale
16
Section 2 : Le champ temporel : l’application de la loi pénale dans le temps
Détermination du champ d’application du texte pénal dans le temps, entre son entrée en
vigueur et son abrogation.
- Entrée en vigueur :
L’article 1er du code civil prévoit dans sa nouvelle rédaction issue de l’ordonnance du 20
février 2004 (n°2004-164 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de
certains actes administratifs),
« Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes
administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain
de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont
l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de
ces mesures.
En cas d'urgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de
promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l'ordonne
par une disposition spéciale.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes individuels. »o Le principe : entrée en vigueur le lendemain de la publication au J.O.
o Les aménagements :
la date d’entrée en vigueur est prévue expressément par le texte
le texte nécessite pour son application des mesures
complémentaires, l’entrée en vigueur du texte est reportée à la date
d’entrée en vigueur des décrets ou arrêtés d’application.
- L’abrogation :
L’abrogation peut être expresse : le nouveau texte déclare l’ancien abrogé ex. : la loi du
16 décembre 1992 abroge le code pénal antérieur.
L’abrogation peut être tacite : en cas d’incompatibilité entre le nouveau texte et l’ancience dernier est abrogé sous réserve bien sûr de respecter la hiérarchie des normes.
Certaines lois dites temporaires, visent expressément la durée de leur application
Ex. : loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne prévoyait pour son chapitre V
consacré au renforcement de la lutte contre le terrorisme, des dispositifs qui s’appliqueraient
jusqu’au 31 décembre 2003 (modifié par la loi du 8 mars 2003 qui a pérennisé les
dispositions).
- La mise entre parenthèses de l’application de la loi : la loi d’amnistie :
La loi d’amnistie fixe la date en deçà de laquelle des faits commis, ne pourront ni être
poursuivis, ni être condamnés
L’amnistie est accordée
- soit en raison de la nature de l’infraction (ex. : infractions liées à des conflits
collectifs du travail, contraventions au stationnement …)
- Soit en raison de la nature de la peine (ex. : seront amnistiées les faits
condamnés à un TIG, délit puni uniquement d’une amende…)
- Soit en raison du taux, du quantum de la peine (ex. : seront amnistiées les
faits condamnés à une peine d’emprisonnement de moins de trois mois avec
sursis)
- Soit enfin, en raison de la qualité de l’auteur des f aits (ex. personne ayant
rendu des services à la nation, ancien combattant, jeune de moins de 21 ans)
Si les faits n’ont pas encore été poursuivis au jour de l’amnistie, les poursuites ne
seront pas engagées.
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Titre III : L’application de la norme pénale
17
Si les faits ont donné lieu à un jugement non encore définitif , la juridiction saisie
devra relaxer la personne poursuivie.
Dans ces deux hypothèses l’action publique est éteinte du fait de l’amnistie,
Enfin, si les faits ont été jugés définitivement, la condamnation est effacée en vertu de
l’article 133-9 du code pénal.
La loi d’amnistie met ainsi certains faits hors du champ d’application de
la loi pénale, sans pour autant remettre en cause l’existence de cette loi pénale.
Une fois cernée l’existence de la norme pénale, comment définir son champ d’application ?
Problématique de l’application de la loi dans le temps
Faits loi nouvelle jugement
______X_________________X__________________X______
Le conflit de lois n’existe en principe, que si une loi nouvelle intervient avant que les faitscommis sous l’empire de la loi ancienne, ne sont pas définitivement jugés.
Faits 1er jugement loi nouvelle appel
__X_________X______________X_____________X_______
§ 1 : les lois de fond
A) les principes: la non-rétroactivité de la loi pénale et la rétroactivité
in mitius
Article 112-1 Code pénalal. 1 Sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont
été commis.
al. 2 Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.
Il s’agit ici de l’énoncé du premier principe: la non rétroactivité de la norme
pénale
al. 3 Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur
entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose
j ugée, lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes.
Il s’agit ici du second principe celui de la rétroactivité de la norme pénale plus
douce ou de la rétroactivité in mitius, complétant le premier principe de la non
rétroactivité in pejus.
1. la valeur et la justification de ces principes
a) la non-rétroactivité Associée au principe de la légalité dès la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de
1789 à l’article 8.
Ce principe a valeur constitutionnelle (bloc de constitutionnalité cf. DC82-155 du 30
décembre 1982, DC 86-215 du 3 septembre 1986, DC 93-325 du 13 août 1993), il a également
une valeur supra-nationale car il est présent dans plusieurs textes régulièrement ratifiés
par la France comme la DUDH (art. 11), la CESDH (art. 7§1) ou le Pacte de New-York relatif aux droits civils et politiques (art. 15-1).
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Titre III : L’application de la norme pénale
18
Il existe une pluralité de sources de ce principe.
b) la rétroactivité de la loi pénale plus douce Affirmation du principe dans le code pénal à l’article 112-1 al. 3.
Le conseil constitutionnel dans une importante décision du 19-20 janvier 1981
décide que « le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne, la loi pénale plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines
prévues par la loi ancienne et qui, selon le législateur ne sont plus nécessaires. »
Le conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article 8 de la déclaration de 1789 (la
loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires) qui énonce aussi le
principe de la légalité criminelle. Le principe de rétroactivité in mitius est aussi l’expression
du principe de la légalité.
Il est reconnu également par le Pacte de New-York, (article 15§1 « Si postérieurement à
l’infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en
bénéficier. »), ce qui lui confère une autorité supranationale confirmée au niveau de l’Union
Européenne (CJCE dans un arrêt du 3 mai 2005 - Berlusconi et autres, RSC 2006, p. 163- apu préciser qu’une directive ne pouvait avoir pour conséquence l’application rétroactive
d’une loi plus sévère ni empêcher l’application immédiate d’une loi plus douce. Ce principe
est reconnu comme un principe général de droit communautaire par la CJCE) et au niveau du
Conseil de l’Europe (CEDH Grande chambre 17 septembre 2009 Scoppola c/ Italie (n°2)
§106 : art. 7§1 garantit le principe de non rétroactivité des lois pénales plus sévères et le
principe de rétroactivité in mitius).
Ces principes s’appliquent à la loi comme au règlement.
Situations particulières :
appréciation d’une situation devant la cour de cassation
Depuis 1872, la cour de cassation revoit les situations pendantes devant elle. Elle ne censure
pas stricto sensu les juges du fond qui ont correctement statué au regard du droit en vigueur
au moment où ils se sont prononcés, elle annule la décision non conforme au droit nouveau.
Lorsqu’un texte nouveau supprime une incrimination : art. 112-4 al. 2 Code pénal
« Toutefois, la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un
fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une infraction
pénale »
La peine n’est plus exécutée, mais la condamnation persiste.
2. l’application des principes Le champ d’application de chacun des principes définis précédemment, se délimite
sur le fondement du caractère plus doux ou plus sévère du texte nouveau par
rapport à l’ancien. Pour aborder ce problème de conflit de lois dans le temps, il faut donc
procéder à une comparaison entre les deux textes en conflit pour déceler le caractère
plus rigoureux ou plus clément.
a) le texte nouveau est simple à propos de l’incrimination
Un texte plus doux:
Lorsqu’il supprime une incrimination
Lorsqu’il introduit un nouveau cas d’irresponsabilité pénale
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Lorsqu’il définit plus restrictivement une infraction, notamment en ajoutant desconditions à la qualification.
Un texte plus sévère : Lorsqu’il instaure une nouvelle incrimination
Lorsqu’il procède à une extension du champ de l’incrimination, notamment ensupprimant des conditions à la qualification.
à propos de la sanctionUn texte plus doux :
Lorsqu’il supprime une peine Lorsqu’il remplace la peine antérieure par une peine moins sévère Lorsqu’il supprime une circonstance aggravante Lorsqu’il procède à une correctionnalisation ou contraventionnalisation légale
Un texte plus sévère : Lorsqu’il instaure une nouvelle peine Lorsqu’il augmente l’échelle des peines Lorsqu’il introduit une nouvelle circonstance aggravante Lorsque la contravention devient un délit, le délit devient un crime Lorsqu’il aggrave les règles de récidive
b) le texte nouveau est complexe le texte est divisible
La jurisprudence en fait une application distributive le texte est indivisible
Le texte forme un tout autour de la disposition principale La jurisprudence peut porter une appréciation globale sur le texte
B) Les aménagements aux principes1. la loi rétroactive : situation contraire aux principes constitutionnels (cf. Loi du 9septembre 1986 relative à la lutte contre la criminalité)2. la loi interprétative : elle fait corps avec la loi qu’elle interprète, elle n’est pas vraimentnouvelle3. la loi déclarative : elle déclare explicitement une règle préexistante Cf. Loi du 26décembre 1964 relative à l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité 4. la loi modifiant le régime d’exécution d’une peine : loi pénale de fond ou de forme ? Article 112-2 3° Code pénal : application immédiate sauf lorsqu’elle a pour effet de rendreplus sévère les peines prononcées par la décision de condamnation.5. la loi créant des mesures de sûreté :- Ex. de la surveillance judiciaire et placement sous surveillance électronique Conseil
Constitutionnel 8 décembre 2005 DC 2005-527« 11. Considérant que les requérants soutiennent que le placement sous surveillance électronique
mobile constitue une peine ou une sanction ; qu'ils en déduisent que le législateur ne pouvait prévoir
son application immédiate sans méconnaître le principe de non-rétroactivité des peines et des
sanctions résultant de l'article 8 de la Déclaration de 1789;
12. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : " La loi ne doit établir que des
peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et
promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; qu'il s'ensuit que le principe de non -
rétroactivité de la loi répressive plus sévère ne s'applique qu'aux peines et aux sanctions ayant le
caractère d'une punition ;
13. Considérant, en premier lieu, que la surveillance judiciaire est limitée à la durée des réductions de
peine dont bénéficie le condamné ; qu'elle constitue ainsi une modalité d'exécution de la peine qui aété prononcée par la juridiction de jugement ;
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Titre III : L’application de la norme pénale
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14. Considérant, en second lieu, que la surveillance judiciaire, y compris lorsqu'elle comprend un
placement sous surveillance électronique mobile, est ordonnée par la juridiction de l'application des
peines ; qu'elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité ; qu'elle a pour
seul but de prévenir la récidive ; qu'ainsi, la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une
sanction ;
15. Considérant, dès lors, que le législateur a pu, sans méconnaître l'article 8 de la Déclaration de1789, prévoir son application à des personnes condamnées pour des faits commis antérieurement à
l'entrée en vigueur de la loi »
Ex. : Crim. 16 déc. 2009, Bull. 216, à propos des mesures prévues aux art. 706-135 et 706-136
Cpp à l’encontre d’une personne déclarée irresponsable pénalement pour trouble mental.
« …Vu les articles 112-1 et 112-2 du code pénal ;
Attendu que les dispositions du premier de ces textes prescrivant que seules peuvent être prononcées
les peines légalement applicables à la date de l'infraction ne s'appliquent pas aux mesures de sûreté
prévues, en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, par les articles
706-135 et 706-136 du code de procédure pénale issus de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 ;
Attendu que, selon le second de ces textes, sont applicables immédiatement à la répression des
infractions commises avant leur entrée en vigueur les lois fixant les modalités de poursuites et les formes de la procédure ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que D...a été mis en examen, le 23
novembre 2005, pour assassinat, tentative d'assassinat et violences ; qu'il a fait l'objet d'expertises
qui concluaient qu'il était atteint, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuro-psychique
ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ; que, le 10 mars 2009, le juge d'instruction a
rendu, en application de l'article 706-120 du code de procédure pénale, une ordonnance constatant
qu'il existait contre le mis en examen des charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés et
qu'il y avait des raisons plausibles d'appliquer le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, et
décidant de la transmission du dossier de la procédure aux fins de saisine de la chambre de
l'instruction ;
Attendu que, pour constater que la procédure prévue par les articles 706-119 et suivants du code de
procédure pénale n'était pas applicable, que sa saisine n'était pas régulière et pour ordonner la mise
en liberté de D..., la chambre de l'instruction énonce que les mesures individuelles prévues par les
articles 706-135 et 706-136 du même code, qui peuvent être prononcées par la chambre de
l'instruction à l'égard d'une personne déclarée irresponsable pénalement, constituent des peines ; que
les juges ajoutent qu'une procédure ayant pour effet de faire encourir de semblables mesures, non
applicables à la date de la commission des faits, ne saurait être appliquée immédiatement ;
Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a méconnu les textes
susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;… »
6. la loi temporaire : elle fixe elle-même un terme à son application
7. la loi de circonstance en matière économique ou fiscale :La chambre criminelle depuis 1987, admet que « en l’absence de disposition contraire,
une loi nouvelle même de nature économique, qui prévoit des peines plus douces,
s’appliquent aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement
jugés. »
Conseil constitutionnel 3 décembre 2010 - Décision N° 2010-74 QPC
« 3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » ; que le fait de ne pasappliquer aux infractions commises sous l'empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienneet qui, selon l'appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires ; que, dès lors,
sauf à ce que la répression antérieure plus sévère soit inhérente aux règlesauxquelles la loi nouvelle s'est substituée, le principe de nécessité des peines impliqueque la loi pénale plus douce soit rendue immédiatement applicable aux infractions
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commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; »
Une application restrictive du principe de rétroactivité in mitius.Les règlements (au sens interne du terme) en matière économique, ne peuvent rétroagirmême s’ils sont plus favorables
Ex. : Crim. 7 juin 1990, Bull. 232.« Lorsqu'une disposition législative, support légal d'une incrimination, demeure en vigueur,
l'abrogation de textes réglementaires pris pour son application n'a pas d'effet rétroactif. Méconnaît
ce principe et encourt la censure de ce chef l'arrêt d'une cour d'appel qui, saisie de faits de non-
rapatriement de revenus, tels que visés par l'article 6 du décret du 24 novembre 1968, énonce qu'un
texte réglementaire ayant, postérieurement à l'engagement des poursuites, abrogé les dispositions
du décret précité, cette abrogation a retiré aux faits poursuivis leur caractère punissable, alors que la
loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger et l'article 459 du Code des
douanes, support légal de l'incrimination, demeurent en vigueur. En application du même principe,
l'abrogation des décrets du 27 janvier 1967 et du 24 novembre 1968 par le décret du 15 janvier 1990
modifiant et complétant le décret du 29 décembre 1989 est sans incidence sur la poursuite en cause,
ce qui justifie le renvoi de l'affaire pour être jugé conformément à la loi alors applicable (2). »
8. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées : Cette limite
au principe de non-rétroactivité est visée expressément par des textes internationaux comme
le Pacte de New- York relatif aux droits civils et politiques (article 15§2) et l’article 7 §2 de la
CESDH qui après l’énoncé de la non-rétroactivité, dispose « Le présent article ne portera pas
atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une
omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les
principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. ». Ainsi, ce texte
permet de déroger au principe de non-rétroactivité en autorisant la répression d’actes non
prévus par une disposition répressive au moment de leur commission, en se fondant sur
l’atteinte particulière que constituent ces actes, atteintes à des valeurs essentielles des nationscivilisées.
CEDH 22 mars 2001, S., K. et K. c/ Allemagne (R.S.C. 2001, 639 ; obs. F. Massias)
« Une pratique qui méconnaît de manière flagrante les droits fondamentaux et surtout le
droit à la vie, valeur suprême dans l’échelle des droits de l’Home au plan international, ne
saurait être protégée par l’article 7 de la CESDH ».
§ 2 : les lois de forme A) Le principe: l’application immédiate
Article 112-2 Code pénal:« Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur
entrée en vigueur :1° Les lois de compétence et d'organisation judiciaire, tant qu'un jugement au fond n'a pasété rendu en première instance ; 2° Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ; 3° Les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines ; toutefois, ces lois,lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par ladécision de condamnation, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ;4° Lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription del'action publique et à la prescription des peines. »
1. la signification du principe
Approche négative: ce n’est pas la rétroactivité de la loi nouvelle ni la survie de la loiancienne
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Approche positive : champ d’application du texte ancien et du texte nouveau à partir de la
date d’entrée en vigueur du texte nouveau
- avant cette date, application de la loi ancienne
- après cette date, application de la loi nouvelle
2. la justification du principe
L’intérêt de la loi nouvelle réputée meilleure que l aloi ancienne
La bonne administration de la justice
B) Les nuances dans l’application
Distinction selon le type de loi de forme
1. les lois sur l’organisation judiciaire et la compétence
Art. 112-2 Cp « Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commisesavant leur entrée en vigueur :
1° Les lois de compétence et d'organisation judiciaire, tant qu'un jugement au
fond n'a pas été rendu en première instance ; … »Ex. : Crim. 7 mai 1987 (Bull. 186) la loi du 30 décembre 1986 instituant une cour d’assises
spéciale en matière de terrorisme s’applique immédiatement.
Crim. 24 janvier 2007 (Bull. 19) à propos des compétences de la HALDE en matière de
discriminations.
2. les lois de procédure proprement dites
Art. 112-2 Cp « Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commisesavant leur entrée en vigueur : …
2° Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ;Ex. : Crim. 21 juin 1995 (Bull. 231) : le code pénal entré en vigueur le 1 er mars 1994 oblige le
juge correctionnel à motiver ses décisions de condamnation à l’emprisonnement sans sursis.Cette mesure selon la chambre criminelle est d’application immédiate depuis le 1er mars 1994
alors même que l’infraction en cause est antérieure à cette date.
Cependant, selon un arrêt du 3 octobre 1994 (crim. 3 octobre 1994, Bull. 312), cette mesure
ne rétroagit pas sur les décisions prononcées avant le 1 er mars, alors même qu’elles ne
seraient pas motivées, ces décisions demeurent valables.
[art. 112-2 3° relatif au régime d’exécution et d’application des peines vu précédemment]
3. les lois relatives à la prescription Art. 112-2 Cp « Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises
avant leur entrée en vigueur : … 4° Lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la
prescription de l'action publique et à la prescription des peines. » Depuis la loi du 9 mars 2004, alors même qu’elles instaurent un régime plus sévère.
Ex. Crim. 7 nov. 2007, Dr. Pén. 2008, comm. 27
4. les lois relatives aux voies de recours.
Art. 112-3 C p: « Les lois relatives à la nature et aux cas d'ouverture des voies de recours
ainsi qu'aux délais dans lesquels elles doivent être exercées et à la qualité des personnes
admises à se pourvoir sont applicables aux recours formés contre les décisions prononcées
après leur entrée en vigueur. Les recours sont soumis aux règles de forme en vigueur au
jour où ils sont exercés ».
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Le texte nouveau n’est pas applicable aux procédures en cours. On assiste ainsi à la
survie de la loi ancienne s’agissant du droit de recours. C’est ici le texte en vigueur
au jour de la décision contre laquelle le recours est formé qui est appliqué.
Le texte nouveau n’est applicable qu’aux recours formés après son entrée en vigueur.
En revanche, à propos de la forme du recours (mode de signification…) le texte
nouveau est immédiatement applicable
5. les lois relatives à la preuve
Le code pénal ne prévoit pas de disposition, la jurisprudence peu abondante aurait tendance
à admettre que la loi plus sévère ne puisse rétroagir. (Ex. loi instituant une présomption de
mauvaise foi).
Section 3: Le champ spatial :
L’application de la norme pénale dans l’espace
La difficulté liée au champ d’application dans l’espace de la norme est due à
l’introduction d’un élément dit d’extranéité dans le contentieux en cause.
Jusqu’à présent, nous avons raisonné sur une situation intéressant le seul droit
français : un Français résident en France, commet une infraction en France dont la victime
est française. Ce scénario franco-franco-français relève des tribunaux français et de la loi
française.
Mais il n’est pas rare de voir s’immiscer un élément d’extranéité dans le déroulement
de la commission de l’infraction. Il existera alors un conflit de lois, un conflit entre les droits
nationaux qui peuvent revendiquer que l’affaire soit jugée par leurs juridictions nationales ou
selon leur droit national.La question de l’application de la loi dans l’espace concerne à la fois les conflits entre
ordres nationaux mais aussi les questions relatives à l’entraide judiciaire internationale. Nous
allons nous intéresser ici au premier aspect.
Deux points doivent alors être précisés :
Premier point, l’application de la norme pénale dans l’espace est-elle
aussi la question de la compétence des juridictions pénales ?
Les autres branches du droit opèrent cette distinction, le choix de la juridiction compétente
n’entraînant pas nécessairement l’application de la loi du lieu de la juridiction choisie. En
droit pénal, le principe retenu par la cour de cassation est celui de l’unité ou de la
solidarité des compétences législative et juridictionnelle, signifiant que si la loipénale française est retenue, la compétence des juridictions françaises le sera également, ou
encore inversement, si une juridiction répressive française est choisie, elle appliquera la loi
pénale française.
Second point, quelle est la justification de la compétence de la loi pénale
française lorsqu’il existe un élément d’extranéité?
L’ordre public français peut n’être que partiellement atteint mais l’Etat lui-même peut voir
ses intérêts contrariés ou bien encore la communauté internationale dans son ensemble voit
ses intérêts lésés, la loi pénale française a-t-elle vocation à protéger ces différents intérêts ?
Pour régir l’application de la norme pénale dans l’espace quatre justifications qui sont
quatre solutions, quatre systèmes, ont été proposés par la doctrine
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§ Préliminaire : les systèmes doctrinaux proposés
1-Le système ou principe dit de la territorialité de la loi criminelle : le
critère retenu pour l’application de la loi est celui du territoire sur lequel a eu lieu l’infraction.
2-Le système ou principe dit de la personnalité de la loi pénale : le critère
retenu est celui de la nationalité des protagonistes. Deux aspects sont à explorer :
Personnalité active : la loi applicable est celle de l’Etat dont l’auteur ou co-auteur ou
complice de l’infraction est ressortissant, quel que soit le lieu de l’infraction
Personnalité passive : la loi applicable est celle de l’Etat dont la victime de l’infraction est
ressortissante.
3- Le système ou principe de l’universalité de la répression, de la
compétence universelle. Il désigne la juridiction compétente à partir du lieu d’arrestation
de l’auteur de l’infraction sans distinguer selon la nationalité des auteurs et des victimes.
Ce système a d’abord pour vocation d’éviter l’impunité des auteurs d’infractions graves.
4-Le système de la réalité retenu par certains auteurs : il s’agit de l’hypothèse où
la victime est un Etat, le critère retenu est double : d’une part, l’infraction qui porte atteinte
aux intérêts de l’Etat, il s’agit alors d’une compétence réelle eu égard à la nature des faitscommis, et d’autre part, la qualité de la victime qui est l’Etat lui -même. La loi applicable est
donc celle de l’Etat dont les intérêts sont atteints quel que soit le lieu de l’infraction. Ce
système peut être analysé comme une déclinaison du système de personnalité passive, l’Etat
étant vu comme une victime de l’infraction commise.
Les quatre systèmes sont retenus par le droit pénal français qui les combine mais en
privilégiant le principe de la territorialité.
§1 : L’infraction commise en France.
L’actuel code pénal énonce à l’article 113-2 :
« La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le
territoire de la République. » Il s’agit là d’une consécration expresse du principe de la
territorialité, qui se déduisait déjà de l’article 3 al. 1 du code civil :
« Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire. »
Ce principe ainsi consacré se justifie sur trois terrains
D’abord au regard de la souveraineté de l’Etat qui doit être en mesure de garantir
son ordre public sur son territoire,
Ensuite, au regard du principe de la légalité criminelle, les faits punissables
doivent être incriminés par le législateur du lieu, de l’Etat où ils ont été commis pour écarter
tout arbitraire,
Enfin, au regard d’une bonne administration de la justice, souvent, les preuves,
les indices sont présents essentiellement sur le lieu où a été commise l’infraction.
A) La notion de territoire.
Le code pénal délimite le territoire de la République et assimile certains espaces à ce
territoire.
1) Le territoire de la République
L’article 113-1 Cp dispose : « Le territoire de la République inclut les espaces
maritimes et aériens qui lui sont liés. »
Le territoire comprend donc trois types d’espaces, terrestre, maritime et aérien
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L’espace terrestre d’abord se définit à partir des territoires où s’exerce la
souveraineté française c’est-à-dire la France métropolitaine, les D.O.M. (Guadeloupe,
Guyane, Martinique et Réunion) les T.O.M. (Polynésie française, Wallis et Futuna, terres
australes et antarctiques), la Nouvelle Calédonie (statut spécifique depuis 1998), les
collectivités territoriales à statut particulier (Mayotte, St Pierre et Miquelon) et les
îles de l’Océan Indien (Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas de India) et
l’île de Clipperton (Pacifique).
N.B. La constitution dans ses articles 72 et s. souligne la spécificité des TOM et de la
Nouvelle Calédonie et met en place des mesures d’adaptation qui placent ces territoires sous
un régime particulier quant à l’application de la loi française. En effet, celle-ci n’est applicable
sur ces territoires que si cette loi comprend une disposition expresse qui le prévoit et qui, si
nécessaire, en aménage l’application. Ces territoires sont donc soumis à une règle de
« spécialité législative modulée » (articles 74, 74-1 de la constitution).
Ex : le code pénal n’est entré en vigueur que le 1 er mars 1996 dans ces territoires.
Ensuite, l’espace maritime comprend les ports, les rades, la mer territoriale (depuis
une loi n°71-1060 du 24 décembre 1971) constituée par une bande de 12 milles marins(environ 22 km) depuis la côte. Dans cette mer territoriale, la loi française s’applique sans
restriction.
L’espace maritime comprend également la zone économique (loi 76-655 du 16 juillet
1976) qui s’étend jusqu’à 200 milles marins (environ 370 km) : dans cette zone, l’application
de la loi française est soumise à condition : elle est limitée à la répression des infractions
commises lors des activités de pêche ou d’exploitation des ressources naturelles.
Enfin, l’article 113-12 du code pénal issu de la loi 96-151 du 26 février 1996
(postérieure à l’entrée en vigueur du code pénal actuel) précise de manière générale que « la
loi française est applicable aux infractions commises au-delà de la mer territoriale, dès lors
que les conventions internationales et la loi le prévoient. » L’application de la loi pénalefrançaise est donc soumise à condition dans la zone économique et en haute mer (au-delà des
200 milles marins), condition d’existence d’une disposition expresse dans un texte national
(ex. : articles L. 218-21, L. 218-61 du code de l’environnement) ou international (ex. :
Convention sur le droit de la mer de Montego Bay du 10 décembre 1982)
Il faut préciser en outre que la loi pénale française s’applique sans restriction dans la
zone des 12 milles (mer territoriale), quelque soit la nationalité du navire à bord ou à
l’encontre duquel a lieu l’infraction sauf s’il s’agit d’un navire militaire étranger : le respect du
principe de souveraineté nationale impose d’écarter la loi française au profit de la loi du
pavillon du navire.
Enfin, l’espace aérien correspond à la zone située à la perpendiculaire au-dessus
des territoires terrestres et des eaux territoriales. La loi pénale française s’applique sans
réserve dans cet espace même à bord ou à l’encontre d’un aéronef étranger situé dans l’espace
aérien français. Exception faite cependant comme dans le cas de l’espace maritime, des
infractions commises à bord ou à l’encontre des aéronefs militaires étrangers pour lesquels
s’appliquera la loi de leur pavillon.
Pour conclure sur cette définition du territoire de la République, la jurisprudence de
la cour de cassation détermine ce territoire au jour de l’infraction. (crim. 26 juin 1963, Bull.
231, RSC 1964, p. 364)
2) Les espaces assimilés.
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Première partie : La norme pénale
Titre III : L’application de la norme pénale
26
Il s’agit d’une part, des navires français et d’autre part des aéronefs français. Ces
espaces particuliers sont considérés comme des « fractions du territoire de la République »
(cf. M. Desportes et Le Gunehec p. 312)
Articles 113-3 et 113-4 Cp
B) La localisation de l’infraction.
La difficulté surgit lorsqu’un élément d’extranéité survient au cours de la réalisation
de l’infraction, celle-ci n’est que partiellement commise en France, par exemple, elle est
préparée à l’étranger et consommée en France.
1) Le principe posé par le code pénal : l’article 113-2 al. 2.
Après avoir affirmé le principe de territorialité dans l’alinéa 1 er de l’article 113-2, la
disposition en son second alinéa précise :
« L’infraction est réputée avoir été commise en France dès lors qu’un de ses faits constitutifs
a eu lieu sur ce territoire. »
Faits constitutifs distincts des éléments constitutifs.« Il suffit au juge qu’une parcelle d’infraction ait été commise en France, pour qu’elle soit
en totalité soumise à la loi française. » (B. Bouloc)
Ainsi, les faits constitutifs de l’infraction sont-ils interprétés largement, allant au-
delà des éléments constitutifs de l’infraction prévus par le texte d’incrimination, pour
attirer à la loi française la répression de l’infraction.
A titre d’exemple,
- les actes préparatoires antérieurs au commencement d’exécution de l’infraction ne
sont pas répréhensibles cependant, la chambre criminelle n’a pas hésité à
admettre que des actes préparatoires commis en France antérieurs à une tentative
d’escroquerie réalisée à l’étranger, permettaient de soumettre la répression del’infraction à la loi française, l’escroquerie est réputée commise en France (Crim.
11 avril 1988, Bull. 144)
- la notion de condition préalable à l’infraction est également souvent assimilée à un
fait constitutif, comme la conclusion d’un accord entre l’auteur d’un abus de
confiance et sa victime, la jurisprudence ayant tendance à considérer que dès lors
où l’accord a été conclu en France, l’infraction d’abus de confiance peut être
réputée commise en France (Crim. 12 février 1979, Bull. 60, RSC 1979, 575, contra
CA Paris 30 mai 2002, Dr. Pén. 2002, comm. 132)
- de même, la loi française est applicable selon la jurisprudence, lorsque les effets de
l’infraction ont lieu en France, une œuvre française contrefaite à l’étranger porteatteinte au droit d’auteur en France (Crim. 2 février 1977, Bull. 41, Crim 29 janvier
2002, Bull. 13). Egalement, la chambre criminelle a jugé dans un arrêt du 20
février 1990 (Bull. 84) que l’étranger qui participe à l’étranger, à une association
de malfaiteurs, en vue de préparer des crimes en France et à l’étranger, peut se
voir appliquer la loi française alors même que cette personne n’a pas pris part
personnellement aux projets de crimes en France. Il s’agit d’une hypothèse d’effets
virtuels en France qui suffit à admettre l’application de la loi française.
Ce dernier exemple démontre combien la jurisprudence est extensive pour attirer le
contentieux dans le giron de la loi française et combien le rapport à la territorialité est limité,
certains disent fictif, pour justifier la compétence de la loi française.
2) Les exceptions.
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Titre III : L’application de la norme pénale
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Deux exceptions à la localisation de l’infraction, l’une d’origine légale, l’autre d’origine
jurisprudentielle
a) La complicité
La complicité suppose (voir cours second semestre) l’existence d’une infraction
principale punissable à la réalisation de laquelle le complice s’est associé par aide assistance,
en donnant des instructions ….
Si l’acte de complicité réalisé à l’étranger concerne une infraction principale commise
en France, la loi pénale française est compétente, solution admise depuis longtemps par la
jurisprudence (Crim. 30 avril 1908, S. 1908, I, 553 note Roux, D. 1909, 1, 241, note Le
Poitevin), le complice suit le sort de l’auteur de l’infraction principale en vertu du principe
applicable en droit pénal français, de l’emprunt de criminalité.
Si, situation inverse, l’acte principal est commis à l’étranger et l’acte de complicité en
France, l’article 113-5 du code pénal, comme l’ancien article 690 du code de procédure
pénale, prévoit que la loi française est applicable au complice d’un crime ou d’un délit
commis à l’étranger sous réserve que soient réunies deux conditions :
D’une part, le fait principal (crime ou délit et non contravention) doit être punissableet en France et par la loi étrangère du lieu de commission de l’infraction : c’est ici la mise en
œuvre de la règle de la double incrimination ou réciprocité législative.
D’autre part, le crime ou le délit doit avoir été constaté par une décision définitive de
la juridiction étrangère, peu importe que l’auteur principal ait été ou non condamné. La
répression du complice est subordonnée alors à l’activité, à l’intervention de la juridiction
étrangère.
Ces deux conditions sont nécessaires à la condamnation du complice, la chambre
criminelle est vigilante à ce propos et rappelle ces exigences de l’article 113 -5 du code pénal
(cf. Crim. 10 février 1999, Bull. 15)
En outre, la chambre criminelle souligne aussi le caractère dérogatoire de ladisposition en indiquant que l’article 113-5 « ne trouve son application que lorsque l’auteur
du fait principal ne peut être jugé par les juridictions françaises » (Crim. 20 février 1990,
Bull. 84, D. 1991, 395).
b) La connexité
Dans cette hypothèse, la jurisprudence fait une lecture toujours extensive de l’article 113-2 du
code pénal, en admettant l’application de la loi pénale française à des infractions réalisées
dans leur ensemble hors du territoire français mais rattachées par un lien de connexité à une
infraction commise en France.
Ex. un recel réalisé à l’étranger est soumis à la loi française s’il fait suite à une
escroquerie commise en France (Crim. 9 décembre 1933, Bull. 237), ou à un vol commis en
France (Crim. 26 septembre 2007, Dr. Pén. 2007, comm. 150).
Des crimes commis aux Pays-Bas relèvent de la loi pénale française quand ils ont été
fomentés par une association de malfaiteurs constituée en France, ces infractions selon la
chambre criminelle « formant un tout indivisible ». (Crim. 23 avril 1981, Bull. 116, RSC 1981,
609)
Pour conclure sur la situation des infractions commises en France, évoquons
rapidement le cas de l’immunité diplomatique qui permet aux agents diplomatiques
(ambassadeurs, conseillers, secrétaires et attachés d’ambassade) et à leur famille, de ne pas
être justiciables des juridictions françaises alors qu’ils commettraient une infractionen France. Il s’agit ici moins d’une exception au principe de territorialité que d’une
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Titre III : L’application de la norme pénale
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illustration de la coutume internationale soucieuse de faire respecter les souverainetés de
chaque Etat, règle qualifiée de « courtoisie internationale » (cf. J. Pradel).
Cette immunité s’étend également à la valise diplomatique qui ne peut être soumise
aux investigations des services français, ainsi qu’aux locaux de l’ambassade auxquels ne
peuvent accéder les autorités françaises que sur autorisation du chef de mission.
§2 : L’infraction commise à l’étranger.
Dans certaines situations exceptionnelles, le recours à d’autres règles de compétence que
celle de la territorialité, vont permettre de reconnaître la compétence de la loi pénale
française pour des infractions commises à l’étranger.
A) Application de la compétence personnelle.
Le code pénal reconnaît le principe de la compétence personnelle, ou principe de la
personnalité tant active que passive.
1) Les infractions commises par des Français à l’étranger. Article 113-6 C.P.:
« La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du
territoire de la République.
Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si
les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.
Elle est applicable aux infractions aux dispositions du règlement (CE) n° 561/2006 du
Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines
dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, commises
dans un autre Etat membre de l'Union européenne et constatées en France, sous réserve des
dispositions de l'article 692 du code de procédure pénale ou de la justification d'unesanction administrative qui a été exécutée ou ne peut plus être mise à exécution.
Il est fait application du présent article lors même que le prévenu aurait acquis la
nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé. »
Cette disposition exprime la règle de la personnalité active qui apporte une
solution au conflit de lois dans l’espace en se fondant sur le critère de la nationalité de
l’auteur de l’infraction. La nationalité de l’auteur de l’infraction est appréciée au moment de
la poursuite des faits et non au moment de leur commission.
La solution se fondant sur le principe de personnalité active, permet notamment,
d’éviter l’impunité de Français qui, après avoir commis une infraction à l’étranger,
viendraient séjourner en France, sachant que la France n’extrade pas ses nationaux.
La loi française est alors applicable.
Cette règle s’applique pleinement si le Français a commis un acte qualifié crime: la
gravité du comportement justifie l’intervention de la loi pénale française.
Cette règle s’applique de manière conditionnelle lorsque l’acte commis est qualifié
délit. Deux conditions doivent être remplies pour envisager l’application de la loi française:
- une condition de fond, les faits délictuels doivent être également punis par la loi
du pays où ils ont été perpétrés, il s’agit de l’exigence de la règle de la double
incrimination. (Article 113-6 al. 2)
Des exceptions existent : art. 436-3 CP réprimant l’infraction de participation à une activité
mercenaire, art. 511-1-1 CP interdisant le clonage humain.
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Titre III : L’application de la norme pénale
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- une condition de forme, la poursuite d’un délit commis à l’étranger ne peut être
exercée qu’à la requête du ministère public, elle doit être précédée d’une plainte de la
victime ou de ses ayants droit ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le
fait a été commis, selon l’article 113-8 C.P.
Ces deux conditions ne sont pas requises pour l’application de la loi pénale française à
certaines infractions d’agression sexuelle. Il s’agit de l’hypothèse dite de « tourisme sexuel »
réprimée par une loi du 1er février 1994, et encore plus sévèrement par la loi du 17 juin 1998.
Ainsi, cette dernière loi ajoute un alinéa à l’article 222-22 C.P. qui réprime l’agression
sexuelle, aujourd’hui alinéa 3 :
« Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l’étranger contre un mineur par
un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi
française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les
dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables ». Solution
identique avec l’article 227-27-1 pour la fabrication, la diffusion d’images pornographiques
mettant en scène des mineurs, pour les atteintes sexuelles sans violences, contrainte menace
ni surprise, pour le proxénétisme à l’égard d’un mineur (article 225-11-2 CP), pour lesmutilations sexuelles sur mineur (article 222-16-2 CP)
Les contraventions ne sont pas visées par le code pénal, leur faible gravité ne justifie
pas l’intervention exceptionnelle de la loi française pour un fait commis à l’étranger.
Pour les crimes et les délits, le code pénal reconnaît l’application de la loi française,
mais, le code pénal reconnaît également l’effet négatif de la décision étrangère à
l’article 113-9. C’est à dire que la poursuite du crime ou du délit ne pourra avoir lieu si la
personne justifie a voir été définitivement jugée à l’étranger pour les mêmes faits et en cas de
condamnation, que la peine a été subie ou prescrite (situation différente du classement sans
suite qui n’empêche pas la poursuite en France, Crim. 6 décembre 2005, RSC 2006, 307). C’est une illustration de la règle « non bis in idem » qui interdit qu’une personne soit
jugée plusieurs fois pour les mêmes faits.
Comme l’écrivent M. Desportes et Le Gunehec, la loi pénale française est subsidiaire en
l’absence de répression à l’étranger.
2) L’infraction est commise à l’encontre d’un Français
La nationalité de la victime, victime directe de l’infraction (et non par exemple le
conjoint de la personne décédée, Crim. 31 janvier 2001, Bull. 31, Crim. 21 janvier 2009, Bull.
22), est ici le critère retenu pour résoudre le conflit de lois dans l’espace. C’est la règle de la
personnalité passive.
Article 113-7 Cp « La loi pénale française est applicable à tout crime ainsi qu’à tout
délit puni d’emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire
de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment des faits ».
Les conditions de l’application de la loi pénale française sont quelque peu distinctes
de celles évoquées précédemment concernant la règle de la personnalité active. Si les
conditions de forme tenant à la poursuite par le ministère public sont identiques (article 113-
8 C.P.), ainsi que les dispositions de l’article 113-9 C.P., la règle « non bis in idem » joue
pleinement,
L’article 113-7 vise les infractions qualifiées crime et délit dans la mesure où celui-ci est puni
d’emprisonnement, sans exiger la double incrimination et en France et dans le pays où les
faits ont été commis. Cette règle de la compétence personnelle passive a un champd’application plus large que celle de la compétence active.
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Titre III : L’application de la norme pénale
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Par ailleurs, toujours selon l’article 113-7, la victime doit être de nationalité française
au moment de l’infraction (qui peut être différent du moment des poursuites).
Cette règle de la personnalité passive connaît une extension particulière avec la loi du 9 juillet
2010 qui étend la compétence de la loi française au meurtre commis à l’étranger contre une
personne résidant habituellement sur le territoire français lorsque ce meurtre a été commis
en raison du refus de contracter mariage ou union (221-5-4 CP)
B) Application de la compétence réelle
Cette règle de compétence va trouver à s’appliquer lorsque l’infraction est commise contre les
intérêts français.
L’article 113-10 C.P. dispose que la loi pénale française s’applique aux crimes et délits
qualifiés d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation réprimés par le titre I du livre 4
du C.P. (trahison, espionnage, attentat complot contre les institutions de la République,
démoralisation de l’armée), infractions auxquelles il faut ajouter la fausse monnaie, la
falsification ou la contrefaçon du sceau de l’Etat et enfin, les crimes et délits commis contreles agents ou locaux diplomatiques ou consulaires français, hors du territoire de la
République.
Dans ces situations, la solution prônée par le code pénal renvoie à la règle de la
compétence réelle, le critère retenu pour admettre l’application de la loi pénale française
est celui de la nature de l’infraction (quel que soit le lieu de l’infraction et la nationalité de
l’auteur de l’infraction, peut ainsi être poursuivi un étranger qui a commis une telle infraction
à l’étranger)
C) Application de la compétence universelle
La loi pénale française s’appliquera à la répression d’infractions particulièrementgraves visées par des conventions internationales.
L’article 689-1 C.P.P. dispose: « En application des conventions internationales
visées aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si
elle se trouve en France, toute personne qui s’est rendue coupable hors du territoire de la
République, de l’une des infractions énumérées par ces articles... »
Il s’agit ici d’une illustration de la règle de la compétence universelle qui admet la
compétence des juridictions françaises pour l’application des conventions internationales
(article 689-2 à 689-12 C.P.P.) alors même que l’infraction aura été commise à l’étranger par
un étranger.
N.B. : ces dispositions sont présentes dans le C.P.P. dans la mesure où il est possible
d’admettre qu’il s’agisse de règles de droit pénal de forme qui déterminent la compétence des
juridictions françaises en vue de l’application des conventions internationales.
On peut citer ainsi
- la convention de la Haye du 16 décembre 1970 et la convention de Montréal du 23
septembre 1971 relative à la capture illicite d’aéronefs et aux actes illicites dirigés contre
l’aviation civile
- les conventions de Strasbourg (27 janvier 1977) et de New-York (12 janvier 1998) relatives
aux actes de terrorisme
- la convention de Vienne et de New-York (3 mars 1980) concernant les actes commis contre
les installations nucléaires ou à l’aide de matières nucléaires
- la convention de New-York (10 décembre 1984) relative aux actes de torture, auxtraitements cruels, inhumains et dégradants
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Titre III : L’application de la norme pénale
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- la convention de Montréal (24 février 1984) réprimant les actes illicites de violence commis
dans les aéroports servant au trafic civil international
- la convention de Rome (10 mars 1998) visant les actes portant atteinte à la sécurité de la
navigation maritime et des plates-formes fixes situées sur le plateau continental.
- l’article 689-10 introduit par la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001 qui vise
la convention pour la répression du financement des actes de terrorisme (New-York 10
janvier 2001 publiée le 14 juin 2002 déc. n° 2002-935, JO 16 juin)
- loi portant adaptation du statut de la CPI (loi 2010-930 du 9 août 2010) art. 689-11 prévoit
la compétence des juridictions françaises pour juger toute personne qui réside
habituellement sur le territoire français, pour des crimes relevant de la compétence de la CPI
commis à l’étranger.
Les juridictions françaises ont eu l’occasion de se déclarer compétentes en application
de l’article 689-2 C.P.P. qui renvoie à la convention de New-York de 1984 relative aux actes
de torture, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a admis, dans une décision du 6
janvier 1998 (Bull. 2, Dr. Pén. 1998, comm. 70), qu’un prêtre rwandais arrêté en France était justiciable des juridictions françaises pour crime de génocide et de torture commis au
Rwanda, de même qu’un officier mauritanien arrêté en France pour acte de torture et de
barbarie commis sur le sol mauritanien contre des Mauritaniens (Crim. 23 octobre 2002,
Bull. 195, alors même que les faits auraient été amnistiés par la loi mauritanienne, solution
confirmée par la CEDH 17 mars 2009, E. c/France, requête no13113/03).
En revanche, le 13 mars 2001 (Bull. 64) la chambre criminelle en reconnaissant la
supériorité de la coutume internationale relative à l’immunité d’un chef d’Etat en exercice,
relevant du principe de souveraineté, écarte la compétence française pour des actes de
terrorisme pourtant soumis à la règle de la compétence universelle.
En outre, la compétence des juridictions françaises au titre de la compétenceuniverselle ne peut être reconnue que si les personnes mises en cause se trouvent bien sur le
sol français au moment de l’engagement des poursuites (Crim. 21 janvier 2009, Bull. 22)
Les juridictions françaises ne sont plus compétentes si la personne arrêtée a déjà été
jugée pour les mêmes faits, à l’étranger. La règle non bis in idem s’applique ici en matière de
compétence universelle, elle est prévue expressément à l’article 692 C.P.P.
La signature de ces conventions internationales et la reconnaissance d’une
compétence universelle sont un pas important vers la coopération internationale en matière
pénale.
D) Compétence de la loi française en cas de refus d’extradition.
La loi du 9 mars 2004 qui a revisité le droit français de l’extradition (articles 696 et s. CPP),
introduit un cas particulier d’application de la loi française pour une infraction commise à
l’étranger par un étranger, avec l’article 113-8-1 du code pénal : « Sans préjudice de
l'application des articles 113-6 à 113-8, la loi pénale française est également applicable à
tout crime ou à tout délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement commis hors du
territoire de la République par un étranger dont l'extradition a été refusée à l'Etat
requérant par les autorités françaises aux motifs, soit que le fait à raison duquel
l'extradition avait été demandée est puni d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à
l'ordre public français, soit que la personne réclamée aurait été jugée dans ledit Etat par un
tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des
droits de la défense, soit que le fait considéré revêt le caractère d'infraction politique. »
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Titre III : L’application de la norme pénale
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Cette disposition permet alors à la France selon la règle « aut dedere, aut judicare »
(extrader ou juger) de juger la personne dont l’extradition est refusée par la France en raison
des garanties insuffisantes (peine de mort encourue, procès équitable non respecté…)
accordées par l’Etat requérant. Ce refus d’extradition ne doit cependant pas se traduire par
une impunité de l’individu pour des faits graves (crime ou délit puni d’au moins 5 ans
d’emprisonnement), dès lors où il existe une dénonciation officielle, transmise par le ministre
de la justice, de l'autorité du pays où le fait a été commis et qui avait requis l'extradition. La
poursuite en France ne s’exerce qu’à la requête du ministère public.
E) Particularité de l’article 113-11 C.P.
A propos des infractions commises à bord ou à l’encontre des aéronefs non immatriculés en
France ou des personnes se trouvant à bord.
L’article 113-11 C.P. prévoit que la loi pénale française est applicable
D’abord (art. 113-11 1°) au regard des règles de compétence personnelle
active (si l’auteur de l’infraction est français) ou passive (si la victime est française), sans
exiger les conditions évoquées plus haut aux articles 113-6 et 133-7,Ensuite, article 133-11 2° lorsque l’appareil atterrit en France après le crime ou
le délit, hypothèse proche d’une compétence universelle
Enfin, article 113-11 3°, lorsque l’aéronef a été donné en location sans équipage
à une personne qui a le siège principal de son exploitation ou, à défaut, sa résidence
permanente sur le territoire de la République, hypothèse qui s’apparente à une compétence
territoriale.
L’article 113-11 C.P. admet dans tous ces cas la compétence de la loi pénale française
sous réserve de l’application de la règle non bis in idem.