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Introduction p. 2 Présentation p. 3 Chapitre I ESPOIRS DÉÇUS : UN PREMIER BILAN INSATISFAISANT p. 5 Chapitre II LA RÉPONSE INDONÉSIENNE AUX MOUVEMENTS SÉPARATISTES p. 16 Conclusion p. 26 Annexe 1 LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES p. 30 Annexe 2 CARTE DE L’INDONESIE p. 31 Mission Internationale d’Enquête Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme Rapport Indonésie / Timor Oriental La duplicité des autorités indonésiennes Hors série de la Lettre bimensuelle de la FIDH Février 1999 N° 272 Char gés de mission : William Bourdon Secrétaire général de la FIDH Avocat à la Cour Santos Lamban Secrétaire général de l’organisation affiliée à la FIDH aux Philippines, PAHRA

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Introductionp. 2

Présentationp. 3

Chapitre IESPOIRS DÉÇUS : UN PREMIER BILAN INSATISFAISANT

p. 5

Chapitre IILA RÉPONSE INDONÉSIENNE AUX MOUVEMENTS

SÉPARATISTESp. 16

Conclusionp. 26

Annexe 1LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES

p. 30

Annexe 2CARTE DE L’INDONESIE

p. 31

MissionInternationale

d’Enquête

Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme

Rapport

Indonésie / Timor OrientalLa duplicité des autorités indonésiennes

H o r s s é r i e d e l a L e t t r e b i m e n s u e l l e d e l a F I D H

Février 1999N° 272

Chargés de mission :

William BourdonSecrétaire général de la FIDHAvocat à la Cour

Santos LambanSecrétaire général de l’organisation affiliée à laFIDH aux Philippines, PAHRA

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INTRODUCTION

Une délégation de la Fédération internationale desligues des droits de l’Homme (FIDH), composée de Me William Bourdon, secrétaire général de la FIDH etavocat à la Cour, et de Santos Lamban, secrétairegénéral de l’organisation affiliée à la FIDH auxPhilippines, PAHRA (Philippine Association of HumanRights Advocates), s’est rendue à Djakarta, du 13 au17 septembre 1998. La délégation s’est entretenueavec les autorités indonésiennes afin d’évaluer lasituation des droits de l'Homme en Indonésie et auTimor Oriental, après la chute de Suharto.

La FIDH tient à remercier les autorités indonésiennes,ainsi que son Excellence M. l’ambassadeur d’Indonésieen France, pour avoir facilité ces différents entretiens,qui se sont déroulés dans une atmosphère constructive.

Par ailleurs, d’autres observateurs de la FIDH s’étaientdéjà rendus en Indonésie pour nouer des contacts avecdes syndicats, des associations de défense des droitsde l'Homme, des avocats, des mouvements religieux...Ces mêmes observateurs se sont très précisémentinformés sur la situation au Timor Oriental et ont puobtenir des informations de première main témoignantde la dégradation de la situation des droits de l'Hommesur ce territoire (voir chapitre Timor Oriental).

L’analyse développée dans le présent rapport demission se fonde sur l’ensemble des informations ainsicollectées par la FIDH.

Indonésie / Timor Oriental

SOMMAIRE

Présentation

A. Rappel historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 3B. Les derniers événements . . . . . . . . . . . . . .p. 4

Chapitre I

ESPOIRS DÉÇUS : UN PREMIER BILAN INSATISFAISANTA. Libertés d’expression et d’association . . . . .p. 5

B. Impunité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 71. L’armée et la justice militaire . . . . . . . . . . . .p. 72. La Commission Nationale des Droits de l’Homme . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 103. Les commissions d’enquête et le Joint Fact-Finding Team . . . . . . . . . . . . .p. 11

C. Une justice défaillante . . . . . . . . . . . . . . . .p. 12

D. La corruption . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 13

Chapitre II

LA RÉPONSE INDONÉSIENNE AUX MOUVEMENTSSÉPARATISTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 16

A. La situation au Timor Oriental . . . . . . . . . .p. 17

B. Aceh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 23

C. Irian Jaya . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 24

Conclusion

DES REFORMES QUI SE FONT CRUELLEMENT ATTENDRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 26En conclusion , la FIDH . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 27

Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 28

Annexe 1LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES . . . . .p. 30

Annexe 2CARTE DE L’INDONESIE . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 31

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PRÉSENTATION

A. Rappel historique

L’Indonésie est un vaste archipel de près de 2 millionsde km² peuplé de 203 millions d'habitants. Composé à80 % de musulmans, c’est l'un des plus grands Étatsislamique au monde, le 11e en étendue et le cinquièmepar sa population. Composé de plus de 13 000 îles,l'Indonésie s'étale sur plus de 5 000 km d'est en ouestet 2 000 km du nord au sud. Cette géographieparticulière a créé un certain éclatementethnolinguistique. Ainsi, on peut dire que “ lacaractéristique dominante de l'Indonésie est sadispersion et son éclatement, et sa dynamiqueessentielle relève de l'unification ”1.

C’est en août 1945 que Sukarno et Mohammed Hattaproclament l’indépendance de l’Indonésie (finalementreconnue en 1949), après plusieurs siècles decolonisation hollandaise puis, durant la seconde guerremondiale, de domination japonaise.

Durant plusieurs années, le pays connaît un système dedémocratie parlementaire ; une quarantaine de partis separtagent la vie politique et six gouvernements, tousdirigés par Sukarno qui reste toutefois à l'écart despartis, se succèdent. Sukarno développe alors l'idéed'une “ démocratie dirigée ”, c'est-à-dire dirigée par lui-même. Le régime se durcit ; de 1957 à 1965, leParlement s'enlise et le pays est de plus en plus malgouverné. Les mouvements séparatistes et lesopérations de déstabilisation, voire de guérilla, semultiplient, tandis que le Président Sukarno continue sadérive autocratique tout en se rapprochant descommunistes. A la suite d'une tentative de coup d'Etataux circonstances troubles, le 30 septembre 1965, legénéral de réserve Suharto prend les choses en main.Les semaines de répression qui s'ensuivent font entre500 000 et 1 500 000 morts selon les estimations.Les communistes et les habitants d’origine chinoisesont les premières victimes de cette répression ; lescommunistes seront durablement marqués du sceau del’opprobre. Petit à petit, le général Suharto écarteSukarno du pouvoir, avant d'en prendre les rênes enmars 1966.

Suharto prend alors en charge le pouvoir exécutif etfonde le parti de l'Ordre nouveau. En mai 1968, il sefait élire Président par l'Assemblée consultative dupeuple - une formalité qui sera renouvelée tous les 5ans, jusqu'au mois de mars 1998. Dès lors, Suhartogère les affaires publiques en s'appuyant sur quelquesunes des croyances chères aux Indonésiens, comme lerespect de la Constitution de 1945 ou celui duPancasila2 quelque peu remanié.

Par ailleurs, dès 1973, il met au pas les partispolitiques : ceux-ci sont appelés à se regrouper sousdeux bannières : d'une part, le Parti de l'unité et dudéveloppement (PPP), d'autre part, le Partidémocratique indonésien (PDI). En outre, l'armée metsur pied un “ groupe ” qui gère toutes les affaires dupays, nommé Golkar, contraction de “ Golongan Karya ”(“ groupe fonctionnel ”), qui n’a pas même l'étiquettede parti : il s'agit en quelque sorte du représentant dugouvernement et de l'armée sur la scène électorale,qu'il domine à chaque élection. Par ailleurs, l'armée estreprésentée à tous les niveaux de la société et tous leséchelons de l'administration, grâce à un système dedouble fonction (dwifungsi - double rôle sécuritaire etéconomico-socio-politique) rendu possible par lastructure même des institutions. C’est précisémentcette place prédominante de l'armée dans la gestiondes affaires publiques qui est aujourd’hui remise enquestion par la société civile.

L'Assemblée du peuple, dominée par le Golkar, estconstituée de 500 membres dont 75 représentants desforces armées désignés d'office. Quant à l'Assembléeconsultative du peuple (MPR), la plus haute instanceindonésienne, qui élit le Président tous les cinq ans,elle est composée de ces mêmes 500 membres et de500 autres nommés par le gouvernement.

Au cours de ses 32 années de règne, le généralSuharto a maintenu l'ordre public et l'unité du pays parla force. Exécutions sommaires, disparitions, torture,arrestations arbitraires, détentions d'opposants ou dejournalistes, atteintes à la liberté d'expression,omniprésence des services de renseignement... toute lapanoplie des mesures d'oppression et de répression aété utilisée. L'Indonésie a longtemps été considéréecomme l'un des points noirs de la planète en matièrede respect des droits de l'Homme. Ces méthodesétaient particulièrement employées pour tenter deréprimer les mouvements indépendantistes en Aceh, enIrian Jaya ou au Timor oriental, notamment. L'armée indonésienne a envahi le Timor, anciennecolonie portugaise le 7 décembre 1975, au lendemaind'une visite du Président des États-Unis d'Amérique,Gérald Ford, et de son conseiller, Henry Kissinger ; lesEtats-Unis avaient secrètement donné leur accord àl’invasion de la partie orientale de l’île3, et le soutienaméricain à l’Indonésie ne se démentira pas, que cesoit par le biais de ventes d’armes ou de programmesde formation militaire aux Etats-Unis destinés auxofficiers indonésiens. En pleine guerre froide, legénéral Suharto a justifié, auprès de la populationindonésienne comme de la communautéinternationale, cette invasion par sa volonté de luttercontre l'expansion du communisme. Au moment del'invasion, le trouble règne au Timor oriental, désordre

La duplicité des autorités indonésiennes

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qui fait suite au désengagement croissant desPortugais dans leurs colonies au lendemain de laRévolution des œillets. Le 28 novembre 1975, leFretilin, mouvement nationaliste, aujourd'hui transforméen parti politique, largement appuyé par la population,avait déclaré l'indépendance. Le problème devait, selonles autorités indonésiennes, être réglé en quelquessemaines... qui durent en fait depuis près de 25 ans.

Sur le plan économique, l'Indonésie a toujours étéconsidérée comme un bon élève du Fonds MonétaireInternational et de la Banque Mondiale. Durant le règnede Suharto, l'Indonésie s'est lancée dans ladéréglementation et a développé des industriesmanufacturières orientées vers l'exportation, financéespar les investissements étrangers et le secteur privé.Depuis 1989, elle connaissait un taux de croissance de7% par an. Le revenu annuel moyen qui était de 75dollars en 1966 était de 900 dollars en 1996. Enfin,selon la Banque Mondiale, le pourcentage desIndonésiens vivant sous le seuil de pauvreté était tombéen 1996 à environ 11% de la population contre 40% en1980. Mais, il demeure pourtant que “ la politique dedéveloppement [indonésienne] comporte bien desaspects négatifs, dont le plus évident, l'accroissementdes inégalités sociales, était sans doute prévisible.L'industrialisation profite d'une main-d'œuvre abondanteet très bon marché. Le salaire journalier, variable selonles régions, [était] d'environ 7 francs à Djodjakarta(Java) et 15 francs à Bata (île située dans le triangle decroissance constitué avec Singapour et la Malaisie).Encore n'est-il pas toujours respecté. En revanche, lesgrosses fortunes, où prédominent des groupesfinanciers sino-indonésiens (...) et des représentants dupouvoir, au premier rang desquels Suharto et sesenfants, s'évaluent à des milliards de dollars. C'est cefossé, ou plutôt ce gouffre, qui est le plus mal et le plusvivement ressenti ”4.

Un ressentiment qui a fini par éclater au grand jour audébut de l'année 1998.

B. Les derniers événements

Nul doute que 1998 marque un tournant dans l’histoirede l’Indonésie. La crise économique qui a frappél’Indonésie plus durement encore que la plupart de sesvoisins (la roupie perd 80% de sa valeur), lesmanifestations étudiantes qui ont marqué larenaissance d’un pouvoir populaire, et, bien sûr, lachute de Suharto après plus de 30 ans de pouvoir sanspartage... autant d’éléments qui, en déstabilisant lesassises d’un pouvoir autoritaire, ont ouvert la voie à unedémocratisation authentique.

En mai, tous les espoirs semblaient permis, et si ensuccédant à Suharto dont il était l’ancien bras droit, le

Président Habibie n’avait qu’une crédibilité touterelative, son gouvernement semblait promis à une duréeéphémère, et laisserait bientôt place à un gouvernementréellement représentatif. Par ailleurs, des signes positifsde changement apparaissaient : les libertésd’expression, d’opinion et de manifestation avaient ànouveau droit de cité ; des prisonniers politiques étaientlibérés5 ; une partie des troupes étaient retirées deterritoires tels que le Timor Oriental (au sujet duquel desnégociations tripartites sous l’égide de l’ONUs’engageaient à New York) ; l’omnipotente arméesemblait perdre peu à peu pied face aux autoritésciviles. De plus, le nouveau gouvernement s’engageait àratifier les textes internationaux relatifs aux droits del'Homme, et ratifiait en particulier la convention n°87 duBIT relative à la liberté d’association. Cette ratification,associée à la déclaration du gouvernement selonlaquelle les travailleurs étaient désormais libres deformer leurs propres syndicats, a mis fin au monopoledu syndicat “ officiel ”, le FSPSI (All-Indonesia TradeUnion) pour ouvrir la voie à un mouvement syndicalindépendant. Parmi les signes positifs, notonségalement la libération du dirigeant syndical MuchtarPakpahan (leader de la SBSI, Indonesian ProsperityUnion, fondée en 19926), qui purgeait une peine dequatre ans de prison.

Certes, la situation était loin d’être idyllique : lesautorités semblaient impuissantes face à la criseéconomique, et l'impact social de la crise se faisait deplus en plus durement sentir7 ; de plus, l’armée étaitpour le moins réticente à laisser échapper son pouvoir ;le retrait des troupes du Timor Oriental s’avéraitdavantage une opération de relations publiques qu’uneexpression de réelle volonté de dialogue ; la situation àAceh se dégradait très brutalement durant l’été ;surtout, les émeutes reprirent de plus belle, auxquellesfaisait pendant une répression sévère. Pour autant,durant une grande partie de l’année écoulée, l’Indonésiesemblait à la croisée des chemins, et telle était encorel’impression qu’en avaient retiré les observateurs de laFIDH à l’issue de leur séjour en Indonésie enseptembre.

Force est de reconnaître que cette hésitation n’estaujourd’hui plus de mise, et que Habibie ne tient pasles engagements relatifs aux droits de l'Homme qu’ilavait lui-même pris lors de son accession au pouvoir.Les derniers événements tragiques survenus enIndonésie et au Timor Oriental, qui ont encore fait desdizaines de morts, ne laissent plus guère de place à laperplexité sur les intentions du gouvernement Habibie,dont il faut souligner qu’il n’est constitué que d’anciensdignitaires du régime Suharto. L’affirmation de Habibie“ je suis le meilleur élève du meilleur professeur ” laissepeu de doutes quant à son allégeance à son

Indonésie / Timor Oriental

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prédécesseur. L’argument du maintien de l’ordre publicà tout prix est régulièrement avancé pour justifier unrecours systématique et excessif à la force et à unerépression qui n’a rien à envier aux méthodesemployées sous Suharto. A contrario ces événementsrenforcent singulièrement ceux qui, déjà au mois deseptembre, considéraient que les tenants des méthodesautoritaires allaient l’emporter, dont au premier chefl’armée, qui, bien que divisée, semble avoir conservésintacts tous ses réflexes autoritaires, se parant ainsides vertus de dernier rempart contre le chaos.

Ainsi, au scepticisme - qui était celui de la délégation dela FIDH et de la grande majorité des gens rencontrés àDjakarta - succède aujourd’hui une grande désillusion etune très grande inquiétude, renforcée par une impunitégénérale à l’égard des auteurs des violations des droitsde l'Homme. Il est évidemment encore temps pour queles inflexions nécessaires soient données pour rassurerla population sur la sincérité, la qualité et l’ampleur desengagements pris. Encore faut-il que la communautéinternationale tout entière prenne la mesure des périlsqui se sont déjà annoncés et exerce par tous lesmoyens les pressions qui s’imposent.

CHAPITRE I

Espoirs déçus : un premier bilan insafisfaisant

A - Libertés d’expression et d’association

L’un des signes d’une amélioration de la situation desdroits de l'Homme en Indonésie depuis la chute deSuharto est ce sentiment général, exprimé par tous,d’une plus grande liberté - et ce fait estparticulièrement notable dans le domaine de la libertéd’expression et d’association. Des médias de toutestendances ont vu - ou revu - le jour, des formationspolitiques ont surgi en nombre grandissant, desmanifestations se tiennent régulièrement partout enIndonésie.

Il est clair qu'il est plus facile aujourd'hui d'obtenirune autorisation de publication pour les médias -autorisation qui était auparavant utilisée commemoyen de censure. Ainsi, les journaux Bangkar etTempo, auparavant interdits de licence sous Suharto,ont désormais été autorisés de publication, et plus de330 licences de publication ont été délivrées depuis lachute de Suharto. De plus, il était auparavantnécessaire, pour voir délivrée cette autorisation,d’obtenir une recommandation du PWI, le syndicatofficiel de journalistes. Depuis la chute de Suharto, leministre de l’Information, M. Yosfiah, a déclaré que lePWI ne “ devait plus monopoliser le bon usage du

terme de journaliste ” ; une recommandation de leurpart est devenue une pure formalité. L’alliance desjournalistes indépendants, l’AJI, a entre-temps étéreconnue (avec six autres syndicats de journalistes),après cinq d’existence illégale : le ministre del’Information, ainsi que des membres du comitédirecteur du PWI ont même assisté à la célébration ducinquième anniversaire de l’AJI, le 7 août 1998. Demême, aux dires de la plupart des journalistesrencontrés, l’autocensure qui prévalait sous Suharto(“ des lois non-écrites nous empêchaient d’abordercertains sujets : la famille de Suharto, le rôle del’armée, les problèmes raciaux et religieux, le TimorOriental ”) est en très net recul. Pour autant, tousregrettent que cette libéralisation n’ait lieu que defait : en droit, les médias sont toujours soumis auxmêmes obligations qu’auparavant, notamment en cequi concerne les autorisations de publication.

De même, il n’y avait sous Suharto que troisformations politiques (Le Golkar, le PDI et le PPP).Cent vingt trois formations politiques ont vu le jourdepuis la chute de Suharto, mais leur existence légalereste relative : selon la loi électorale adoptée le 28janvier 1999, pour présenter des candidats auxélections, une formation politique doit être implantéedans au moins neuf provinces sur 27 (on estimequ’une quarantaine de partis devrait franchir cettebarre), et respecter certains principes généraux (telsque l’interdiction de prôner la haine raciale oureligieuse). Les principaux partis d’opposition,notamment le Parti du mandat national (PAN) d’AminRaïs, le Parti du redressement national (PKB)d’Abdurrahman Wahid et le Parti démocrateindonésien-Combat (PDIP) de Megawati Sukarnoputri,sont donc assurés de participer aux élections.

Cette plus grande liberté ne signifie pas pour autantque le harcèlement ou les pressions visant lesdéfenseurs des libertés aient cessé. Ainsi, si Djakartaa connu une explosion de multiples périodiques etquotidiens, certains journalistes rencontrés ont faitétat de différentes pressions exercées à l'encontre dela rédaction. Des poursuites judiciaires avaient étédéclenchées quelques jours avant notre arrivée àDjakarta à l'encontre de trois périodiques, Detak,Merdeka, Tajuk - Detak et Merdeka, pour avoir publiéun article faisant de Akbar Tanjung8 et SyarwanHamid9 les responsables des raids au siège du PDI enjuillet 1996, lors des confrontations avec MegawatiSukarnoputri, et Tajuk pour avoir publié un articlemettant en cause le général Djadja Suparman dans lesémeutes de mai 1998. Plusieurs journalistes nous ontfait part d’une autre inquiétude, liée à la proximitétraditionnelle de la presse aux milieux du pouvoir. De

La duplicité des autorités indonésiennes

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nombreux rédacteurs en chef sont membres du Golkar(ainsi en va-t-il du rédacteur en chef de Kompas,également membre du MPR), tout comme nombre dejournalistes. Ces liens troubles sont bien évidemmentpeu propices au développement d’une pressefoncièrement indépendante ; ses critiques dugouvernement et du régime sont par conséquentnaturellement bridées. Plus généralement, plusieursreprésentants des ONG nous ont fait part de leurpréoccupation quant au manque d’organisation de lasociété civile : “ Il ne faut pas se laisser leurrer par lesmouvements d’étudiants ”, nous a dit Hendardi,directeur exécutif de PBHI, “ derrière, il y a une vraiedéficience dans la société civile, muselée pendant desdécennies, et incapable de s’organiser de façon àformer un véritable contre-pouvoir. Suharto asystématiquement éliminé toute forme d’organisationindépendante, et c’est là l’enjeu pour nous, sociétécivile, dans les années à venir : apprendre à êtreréellement indépendants, apprendre tout simplement àêtre libres. Ce n’est pas si facile ! ”.

Plus généralement, les opposants au régime en IrianJaya, en Aceh, ou au Timor Oriental, tout comme lesdéfenseurs des droits de l'Homme, continuent à êtreharcelés, à subir pressions et intimidations sousdiverses formes, éventuellement sous la forme demenaces de mort.M. Widjoyanto, directeur de la LBH, continueaujourd’hui à recevoir des menaces de mort et estvictime de tentatives d’intimidation sous diversesformes. Les membres des ONG travaillant sur les“ viols des Chinoises ” ont également subi despressions et des menaces ; l’assassinat de la jeuneIta Marthadinata, le 9 octobre 1998, est trèsprobablement lié à son activité bénévole à TimRelawan, une ONG locale de défense des droits del'Homme, qui s’est notamment illustrée en publiant lepremier rapport concernant les “ viols des Chinoises ”lors des événements de mai. Cet assassinat faisaitsuite à une série de menaces de mort à l’encontre dupersonnel de Tim Relawan, à l’envoi par la poste d’unegrenade au siège de l’organisation, et à l’attaque d’unabri pour jeunes dirigé par le père Sandyawan, l’un desresponsables de Tim Relawan ; tout ceci sansqu’aucune mesure de protection n’ait été prise. Aucontraire, on peut penser que les dénégationsrépétées de la part des autorités à propos des violsn’ont fait que fragiliser encore davantage la position dupersonnel de Tim Relawan. La célérité avec laquelleles forces de police, à la suite du meurtre de MlleMarthadinata, ont procédé à l’arrestation d’un jeunevoisin, déclaré qu’il s’agissait d’un vol qualifié (alorsque rien n’avait été dérobé de la chambre de la jeunefille), et assuré que cette dernière était très

certainement toxicomane, n’a fait qu’accroître lescepticisme quant à la volonté politique réelle desautorités de faire toute la lumière sur cette affaire - quiaura eu en outre comme conséquence d’effrayerencore davantage les victimes des viols.

Ainsi, si tous s’accordent pour dire qu’il y aindéniablement plus de liberté sous Habibie que sousSuharto, ce “ plus ” demeure insuffisant. Au demeurant,selon un journaliste, “ s’il y a aujourd’hui plus de libertéd’expression, c’est parce que le gouvernement est faible- et non parce qu’il serait engagé dans un processus dedémocratisation authentique ”. Les garanties deslibertés n’ont pas encore été formalisées par des texteset certaines pratiques, parmi les plus condamnables,restent d’actualité.

Lors d’entretiens avec la FIDH, plusieurs ministres oudes militaires ont exprimé l’idée que le peuple jouissaitdésormais de trop de liberté, et qu’il “ serait bon quela situation revienne un peu sous contrôle ”. La craintede voir des manifestations dégénérer les amène àenvisager des mesures extrêmement restrictives. Ainsi,à la date de la mission de la FIDH, la seule mesurelégislative prise par le gouvernement Habibie depuisson accession au pouvoir consistait en un décret parule 24 juillet 1998 relatif à la liberté de manifestationdans la rue, aux défilés, aux réunions publiques et auxpublications. Il résulte de ce décret, remanié enoctobre sans changement substantiel après unepremière révocation par l’assemblée, - que les manifestations publiques sont interdites auxenvirons du Palais présidentiel, dans les lieux de culte,les établissements militaires, les hôpitaux, lesaéroports, les gares, les gares routières et les lieuxvitaux ;- que les manifestations sont interdites les jours fériésnationaux et la nuit ;- que les manifestants doivent informer préalablement,de façon écrite, la Préfecture de Police de leurintention d'organiser une manifestation, cetteinformation écrite devant être déposée par leresponsable du groupe au plus tard trois jours avant lamanifestation ;- que les manifestations ne doivent pas comprendreplus de 100 (50 dans la première version) personnes,et dans l'hypothèse où le nombre des manifestantsserait supérieur, le décret fait obligation auresponsable de demander l'autorisation de laPréfecture, l'accord de la police devant être donné auplus tard deux jours après réception de la demanded'autorisation ;- dans cette hypothèse, les manifestations ne peuventintervenir que trois jours après la publication del'accord écrit de la police.

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Selon un membre de la LBH, “ si l’on suit ce décret àla lettre, cela signifie tout simplement que le Présidentne pourra plus faire de conférence de presse au palaisprésidentiel... ”. Ainsi, et paradoxalement, l’un despremiers actes réglementaires du gouvernement a étéde créer un cadre légal permettant de porter atteinte àla liberté de manifestation et d'expression.

Enfin, l'absence de garanties constitutionnelles oulégislatives dans le domaine de la liberté d'expression,s'ajoute au fait que l'Indonésie n'a toujours pas ratifiéle Pacte International relatif aux droits civils etpolitiques de 1966. Le Président Habibie s’est engagéà le faire ratifier... mais se donne jusqu'en 2003.

Tout semble se passer en ce moment comme si legouvernement, indécis, cédait aux pressions les plusfortes exercées sur lui à un moment donné, enfonction des circonstances, sans qu'aucune volontépolitique réelle ne s'exerce dans un sens ou dansl'autre. Selon le professeur Hikam, de l’Institut desSciences à Djakarta, “ le gouvernement ne fera riensans pression du public et de la communautéinternationale ” - si tant est que cette dernière soitprête à en exercer. Malheureusement, l'armée estencore suffisamment puissante pour qu'on puissecraindre qu'elle ne fasse pencher la balance de soncôté, d'autant que les autorités n'hésitent pas àrecourir la force lorsque les manifestations prennentde l'ampleur. Cela s'est particulièrement illustré aumoment des manifestations organisées en marge desdiscussions sur les lois électorales au Parlement,dans la semaine du 10 au 13 novembre 1998 (qui ontfait 15 morts dont au moins six par balles, et plus de400 blessés10), et plus généralement lors desmanifestations qui ont secoué tout le pays durant cesderniers mois. En particulier, l’on ne peut quecondamner :- l’appel en novembre 1998 à la création de milicesciviles destinées à renforcer les forces de police ; endépit des protestations de toutes parts (la présencede miliciens civils ne pouvant qu’aggraver lestroubles), Habibie a récemment donné son aval à laformation d’une milice forte de 40 000 hommes ;- l’ordre donné de tirer à vue sur les manifestants lorsd’émeutes à Solo, capitale provinciale de Java-Centre,à la mi-décembre 1998.

La FIDH estime que le recours immédiat,systématique, et trop souvent abusif, à la force et auxméthodes répressives dont l’armée et la police sontcoutumières, soutenues en cela directement par lePrésident Habibie, est condamnable et n’est enaucune manière de nature à apaiser les tensionssociales et politiques qui secouent actuellement

l’Indonésie, mais contribue au contraire à lesexacerber.

B - Impunité

La question de l’impunité est, comme dans tous lespays émergeant d’une dictature, l’un des enjeuxcruciaux en Indonésie. Comme l’ont noté de nombreuxobservateurs, en Indonésie comme ailleurs, l’attitudedes nouvelles autorités concernant le problème del’impunité sera significative du changement (réel oufactice) de la nature du régime, et sera décisive dansbien d’autres débats. Pour l’instant, il est indubitableque le gouvernement de Habibie a, de fait, maintenu laculture de l’impunité qui règne en Indonésie depuisdes décennies, et le bilan de son gouvernement en lamatière est décourageant. De plus, si Habibie s’estbeaucoup exprimé au sujet de la réconciliation, il estresté étrangement silencieux au sujet de la vérité etde la justice : il semble bien que la volonté politiqued’amener les auteurs des violations des droits del'Homme devant les tribunaux manque. Les gestes dugouvernement sont insatisfaisants et trop peusignificatifs pour laisser croire à un véritablechangement en ce domaine ; il apparaît qu’ils étaientdavantage destinés à apaiser l’opinion publique. Trois organes méritent une attention particulière enraison de leur rôle possible dans la lutte contrel’impunité : la justice militaire, car c’est elle qui estseule habilitée à juger les membres des forcesarmées, la Commission nationale des droits del'Homme (Komnas Ham), et le comité indépendantchargé d’enquêter sur les émeutes de mai 1998, quipeut jouer un “ rôle-type ”. Pour l’instant, force est deconstater que ces trois organes sont marqués dusceau de l’impuissance et/ou du manque de volontéclaire de faire la lumière sur les exactions passées etde poursuivre en justice leurs auteurs.

1. L’armée et la justice militaire

Première et principale visée dans le débat surl’impunité : l’armée. L’armée indonésienne, l’ABRI, aofficiellement maintenu un profil bas depuis la chutede Suharto, du moins jusqu’aux émeutes qui ontsecoué l’archipel ces derniers mois. Pour autant, il estclair que, plus qu’à une réelle volonté d’abdiquer sonpouvoir au profit des autorités civiles, cette présenceplus discrète est due à la révélation au grand jour desviolations massives des droits de l'Homme commisespar l’armée au cours des années précédentes, et à laremise en cause croissante de la fameuse dwifungsi.Ce qui ne signifie pas pour autant que les exactionscommises par les militaires à l’encontre de lapopulation civile aient cessé, ou que leurs méthodes

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brutales aient disparu - comme on a encore pu leconstater lors des émeutes de novembre à Djakarta. Ilreste de mise pour les troupes militaires et la policede disperser les manifestations étudiantes avec desballes réelles (et non pas seulement des balles decaoutchouc durci ou des munitions à blanc, commel’affirment les militaires), comme l’ont confirmé (i)l’enquête ouverte à la suite des émeutes à Biak (IrianJaya) le 6 juillet 1998, qui ont fait officiellement unmort, (ii) des observateurs lors des émeutes à Aceh le3 janvier 1999, et (iii) les autopsies pratiquées sur lespersonnes décédées lors des émeutes à Djakarta à lami-novembre 1998. A ceci s’ajoute l’attitudegénéralement plus excessive encore des groupesparamilitaires qui sévissent, entre autres, au TimorOriental, et dont l’armée ne veut pas prendre laresponsabilité - qu’elle a pourtant armés, entraînés,qu’elle rémunère, “ et auquel elle fait toujours faire leplus sale boulot ”, selon M. Nababan, membre de laCommission nationale des droits de l'Homme.Notons en outre que la publication du rapport ducomité d’enquête sur les émeutes de mai (cf. infra.,p. 11) a confirmé officiellement ce que tous nosinterlocuteurs avaient souligné avec force : les forcesarmées indonésiennes se servent régulièrement de laprovocation à l’émeute afin d’en venir à l’étatd’urgence ; ce qui souligne de façon saisissante nonseulement le problème de l’impunité et du poidsprépondérant de l’armée dans la société indonésienne,mais également celui de ses méthodes -manifestement profondément enracinées. Car toutesles informations recueillies tendent à montrer que lecas des émeutes de mai n’est nullement uneexception, et que l’armée utilise systématiquement laprovocation pour légitimer son intervention en force.

C’est ainsi ce qui ressort :- des informations que nous avons obtenues au sujetde la fusillade de Trisakti (les quatre jeunes ayant étédélibérément ciblés).- des informations recueillies au sujet du Timor Oriental(cf. infra. p. 19).- de l’enquête menée par la LBH et Kontras en Acehlors du “ retrait ” des troupes fin août 1998, et desémeutes qui ont suivi. Émeutes là encore provoquées,pour justifier le retour massif des troupes, et, selonKontras, pour retarder la venue de la délégation de laKomnas Ham chargée d’enquêter sur les charniers.

En Indonésie, les Cours civiles n’ont pas decompétence pour poursuivre ou juger des membresdes forces armées ou de la police ; c’est là la tâchedes tribunaux militaires. Une telle institution ne laissequ’un espoir maigre quant à la poursuite effective demembres des forces armées responsables de

violations des droits de l'Homme, au regard de la trèsgrande prudence et du traditionnel conservatisme quisont l’empreinte des Cours militaires. Ceconservatisme fut particulièrement sensible dans lesopinions exprimées par les militaires au sujet des“ viols des Chinoises ” lors des émeutes de mai, quel’armée (dont le général Wiranto, ministre de laDéfense et chef d’état-major de l’armée, pourtantconsidéré comme appartenant à l’aile “ progressiste ”de l’armée) a niés en bloc.

L’essentiel des sanctions contre les auteurs deviolations de droits de l'Homme consiste en desimples sanctions administratives (renvois,transferts) ; de plus, ce sont généralement desseconds couteaux qui font l’objet des poursuites. Enl’état, le bilan des poursuites est décevant :

- Le général Prabowo Subianto11 (ex-commandant enchef des Forces spéciales de l’Armée (Kopassus), desinistre réputation), ainsi que deux officiers, le généralMuchdi Purwopranjono, successeur de Prabowo à latête des Kopassus, et le colonel Chairawan, ont étéentendus en octobre 1998 par une Cour d’HonneurMilitaire, en raison de leur implication dans ladisparition de 24 activistes politiques12. Ils ont toustrois été relevés de leurs fonctions le 1er août 1998 -le général Prabowo a depuis été mis à la retraiteanticipée. Plusieurs responsables militaires aveclesquels la délégation de la FIDH s’est entretenue ontréaffirmé que c’était, selon eux, une punitionlargement suffisante (certains ajoutant même que lesmilitaires ne devraient pas être poursuivis pour avoircombattu les rebelles et servi leur pays).Officiellement, ces trois officiers pourraient passer enCour martiale s’il était prouvé qu’ils ont violé le Coded’éthique militaire. Pour l'instant, la Cour d'Honneurest uniquement chargée d'éclaircir le rôle de chacun -sans aucun pouvoir de sanction. Notons, en tout étatde cause, que l’éventualité d’une comparution dePrabowo devant une Cour est devenue singulièrementirréelle depuis qu’il s’est fort opportunément installéen Jordanie, pays dont il est entre-temps devenucitoyen d'honneur.- D’autre part, 11 membres des Kopassus (dont septsous-officiers) comparaissent actuellement devant laHaute Cour militaire de Djakarta (la premièrecomparution a eu lieu le 23 décembre 1998) pour leurimplication dans cette même affaire. Les ONGdénoncent ce procès comme un leurre et craignentqu'il ne soit destiné qu'à protéger les hauts gradés del'armée (les officiers supérieurs passent eux devantune Cour d’honneur plutôt que devant la Courmartiale) ; d'autant que le juge de la Cour Militaire arejeté les accusations de torture, estimant qu'elles ne

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pouvaient se fonder exclusivement sur lestémoignages des victimes. - Dans le cadre de la fusillade de Trisakti, qui avait fait 4morts le 12 mai, deux policiers ont été condamnés à 4et 10 mois de prison (donc des sentences légères)pour, avoir “outrepassé les ordres”. Cependant, aucunn’a été poursuivi pour avoir tiré.- Une enquête a été ouverte à l'encontre de 16 soldatsdu BTT 113, détenus pour avoir assassiné quatrevillageois et en avoir blessé 20 autres lors d'incidentsviolents survenus dans la province d'Aceh au cours dela première semaine de janvier 1999. Les quatre mortsfaisaient partie d’une quarantaine de villageois arrêtéslors d'une attaque militaire contre le village natal duleader séparatiste d'Aceh, Ahmad Kandang, le 3 janvier.Les autorités ont déclaré à cette occasion que les 16inculpés seraient jugés par une “ Cour martiale rapide ”.- Environ 150 soldats ont été inculpés et arrêtés par lapolice militaire à la suite de la repression desmanifestations étudiantes du “Vendredi Noir”, le 13novembre 1998. Leur nombre est difficilementdéterminable en raison de nombreuses arrestations-libérations dans le cadre de cette affaire. Unobservateur étranger à déclaré qu’il “y avait beaucoupde mouvement pour donner l’illusion que les autoritéss’occupaient du dossier”. “ Si l’enquête en cours prouveleur culpabilité, ils seront vraisemblablement traduits enCour martiale ”, a pour sa part déclaré le général DjasriMarin, commandant de la Police militaire13.

Si l’on peut espérer que les nouvelles mises en causede l’armée dans les émeutes de mai (cf. infra.)mènent à de nouvelles inculpations, le chemin est longavant que ne soit mis fin à l’impunité dont bénéficientpour l’instant les auteurs des principales violationsdes droits de l'Homme en Indonésie ; le premier pasdans cette direction est l’abolition des tribunauxmilitaires. S'agissant de la date à laquelle une partiedes fonctions des tribunaux militaires pourrait reveniraux tribunaux civils, les ministres rencontrés nous ontdonné des informations contradictoires, le ministre dela Justice ne nous cachant pas son souhait de voirprogrammer une telle réforme dans un délai de 12 à18 mois, d'autres ministres restant plus perplexes surla possibilité de voir inscrite comme une priorité unetelle réforme dans l'agenda du gouvernement.De la sorte, il apparaît bien que la justice de droitcommun est dans l'incapacité, pour des raisons de faitet de droit, de poursuivre quelque agent de l’État quece soit qui se serait rendu coupable de sévices oud'exactions.

Le plus grand obstacle est cependant, bien entendu,et cela ne saurait nous étonner, l’absence de lavolonté politique du gouvernement d’admettre lesméfaits commis par les militaires et de punir les

coupables. Il serait pour cela nécessaire de réduire,voire d’abolir la dwifungsi de l’armée, qui lui confèreune force politique massive dans les affaires de lanation. Restreindre cette force politique signifie laréduction significative du nombre d’anciens officiersmilitaires dans le gouvernement, mais également, àterme, la suppression de sièges réservés à l’armée auParlement ; le projet de loi adopté le 28 janvier 1999au MPR réduit ce nombre à 38 représentants desforces armées (en baisse de 75)14 ; “ C’est bien...mais c’est encore trop ! Pourquoi devraient-ils disposermême d’un seul siège ? Ils ne sont pas élus ! ”s’interrogeait un membre de la Komnas Ham à cepropos.

Les “ liaisons dangereuses ” entre police et armée

La séparation des forces de police du commandementmilitaire et du ministère de la Défense est l’une desprincipales revendications des réformateurs et desdémocrates à Djakarta. Le Gal Roesmanhadi, Chef dela Police nationale, que nous avons longuementrencontré, a explicitement affirmé la nécessité decouper le cordon ombilical entre les forces de police etle ministère de la Défense. Cependant (et il s'agitd'une nuance de taille), sa préférence allait nettementen faveur d'un lien direct avec la présidence de laRépublique, et non pas avec le ministère de la Justiceou de l'Intérieur, alors même que le ministre de laJustice nous avait exprimé son souhait de voir lesforces de police directement rattachées à sonMinistère. Nous avons objecté que se mettre sous ladépendance du Président de la République n'était pasprécisément caractéristique d'un régime démocratique.Cette objection a été balayée, en invoquant des motifsd'ordre pragmatique (“ la police doit être proche ducœur du pouvoir... ”) qui, évidemment, sont loin d’êtresatisfaisants. Toujours est-il que cette volonté affichéede séparer police et armée n’a toujours pas ététraduite dans les faits.Le haut commandement de la police à Djakarta nous adécrit de façon précise les règles du jeu qui préludentà la division des tâches entre les forces militaires etles forces policières. Trois zones sont distinguées :- Une première zone qui concerne essentiellementl'organisation de la circulation ; les forces de policeont alors vocation à agir seules.- Une deuxième zone coïncide avec la nécessitéd'organiser la liberté de manifestation ; les forces depolice sollicitent alors les forces militaires dont ellesobtiennent toujours le concours. Le commandementest, dans cette hypothèse, confié à un officiermilitaire.- Enfin, une troisième zone, correspond aux situationsd'émeutes ou de troubles : les forces de polices'effacent devant les forces militaires.

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Ces liens troubles entre police et armée renforcentencore le poids de l’armée et sont de nature àfavoriser l’impunité généralisée qui prévaut enIndonésie et à encourager un usage excessif de laforce.

Le mutisme de nos interlocuteurs policiers et militairesa été en effet particulièrement criant quant aux raisonsqui pourraient expliquer le fait qu'en dépit denombreuses démarches, les familles de 13 étudiantsdisparus à Djakarta n'ont jamais pu obtenir, jusqu'à cejour, d'informations sur leurs lieux de détention15, alorsque selon certains témoins que nous avons rencontrés,ils ont été localisés dans des lieux de détentionsecrets, tenus par les Kopassus. L'embarras de nosinterlocuteurs a été évident s'agissant de ce qui estsouvent qualifié par les militants des droits de l'Hommeen Indonésie, de “ guerre secrète ” - c'est-à-dire celleconfiée plus ou moins officieusement aux trèsnombreux services secrets de la police indonésienne.

2. La Commission Nationale des Droits de l'Homme(Komnas Ham)

Constituée en décembre 1993, elle est composée de25 membres, choisis par un panel lui-même choisi parle Président de la Cour Suprême... lui-même nommépar Suharto. Le renouvellement de ses membresintervient tous les 5 ans, par différents mécanismesd'élection et de cooptation. La Komnas Ham a faitl’objet de critiques nourries : marquée de la “ tacheoriginelle ” d’être née sous l’impulsion de Suharto dontelle aurait été un instrument de “ bonne conscience àpetit prix ”, selon l’un de nos interlocuteurs, elle seraitla fidèle servante du pouvoir. Manque d’indépendance,de pouvoir d’investigation digne de ce nom (ainsi, laKomnas Ham n'a pas la possibilité de solliciter etd'obtenir des administrations civiles et militaires laproduction de documents, ni d'obtenir, le cas échéantsous la contrainte, l'audition de témoins ou deprésumés responsables de violation des droits del'Homme), de moyens financiers, enquêtessuperficielles et témoignant souvent d’une docilitéservile à l’égard du pouvoir (ainsi, son action à proposde Timor apparaît des plus résiduelles, même si elle sevante d'avoir tenté de redynamiser son bureau à Dili, etqu'un de ses représentants s'y est rendu récemment,suite au massacre de civils qui y a eu lieu)...Cependant, son travail reste, aux yeux de la plupart denos interlocuteurs, et dans les mots de l’un d’entreeux, “ certes pas indiscutable, ni parfait, ni suffisant,mais honnête ”.

Les membres de la commission que nous avons purencontrer n'ont pas tous exactement la même

appréciation sur l'efficacité des différentes démarchesentreprises, surtout depuis les événements du mois demai. Beaucoup soulignent que le nouveaugouvernement, au-delà des déclarations de principe, amanifesté ici ou là une défiance certaine par rapport àson souci de mener des enquêtes relatives auxviolations des droits de l'Homme imputables à l'armée.En tout état de cause, la Commission est davantagesollicitée par des particuliers : de 25 à 30 plaintesreçues quotidiennement du temps de Suharto, on estpassé à une moyenne de 50 plaintes par jour ; ce quitémoignerait d’une plus grande confiance de la part dupublic.En revanche, elle a émis des recommandationss'agissant des événements intervenus dans différentesprovinces, et notamment en Aceh, qui ont été relayéesà plusieurs reprises par la presse. Dans cette région,de très graves violations des droits de l'Homme ont étécommises (cf. infra, p. 17). La Commission, après lesévénements du mois de mai, y a dépêché unedélégation dont l'enquête a amené la Commission : - à condamner les violations des droits de l'Homme quiy ont été perpétrées, ainsi qu'à solliciter que leursauteurs soient poursuivis et jugés,- à recommander qu'interviennent des mesures decompensation et de réhabilitation en faveur desvictimes et des familles,- à recommander la suppression de l'état de siège,ainsi que la mise en place d'institutions civiles etpolicières, de nature à ramener l'apaisement et laréconciliation dans cette région.Enfin, la Commission a également recommandé quesoit mis en place un programme d'éducation desmilitaires.

Selon plusieurs membres rencontrés (encore qu’il nesemble pas y avoir unanimité à ce sujet), les prioritésde la Commission sont : la révocation de la loi sur lapresse et de la loi anti-subversion ; la loi électorale etla nouvelle constitution de l’Assemblée ; le problèmede l’autonomie des provinces.

Il serait injuste de ne pas créditer certains membresde la Commission d'une authentique volonté defavoriser le processus démocratique en cours etl'identification des responsables des principalesviolations des droits de l'Homme, tout comme de voirla Commission renforcée dans ses pouvoirs etlégitimée dans son autorité. Au cours des entretiensque nous avons eus avec les différents ministresrencontrés, beaucoup se sont plu à soulignerl'importance des progrès à l'échelle de l'histoire del'Indonésie, et les nouvelles activités de laCommission (qui s’intéresse par exemple désormaiségalement aux droits économiques, sociaux et

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culturels ; elle a ainsi pris position en faveur d’uneratification rapide du Pacte international relatif auxdroits économiques, sociaux et culturels), tout enrappelant que le dernier mot devra rester en tout étatde cause à l’État, et par conséquent, de fait, à lajustice militaire. Le ministre de la Justice a toutefoisaffirmé avoir évoqué avec le Président Habibie lapossibilité de voir instituer, à l'échelon national, une“ Commission Vérité et Réconciliation ”, du type decelle qui a été mise en place en Afrique du Sud oudans certains pays d'Amérique latine.

Si la Komnas Ham semble s’être enhardie depuis lachute de Suharto, ses activités et son indépendancesont encore en retrait par rapport à ce que l’onpourrait en attendre. Là encore, il y a là un véritableenjeu dans les prochains mois eu égard au problèmede l’impunité ; l’attitude des autorités par rapport à laKomnas Ham et leur volonté à suivre ou non sesrecommandations constitueront un test del’authenticité de la démocratisation en cours.

3. Les commissions d’enquête et le Joint Fact-findingTeam, (TGPF)

Parmi les éléments qui ont suscité une déception etune désillusion certaines à l’égard du nouveau régime,figurent les commissions d’enquête. Plusieurscommissions avaient été mises sur pied par legouvernement, souvent à grand renfort de publicité,pour enquêter sur divers dossiers en lien avec desviolations des droits de l'Homme : sur la fusillade del’université Trisakti le 12 mai à Djakarta, qui avait faitquatre morts ; sur les enlèvements et les disparitionsd’opposants politiques ; sur la corruption et lesenrichissements illégaux... Toutes ont tourné court ouse sont enlisées. Il ne fait guère de doute que l’armée,qui n’a pas caché sa réticence à l’égard de nombred’entre elles, a joué un rôle décisif dans l’enterrementde ces dossiers. Mais, c’est là indéniablement unmauvais signe quant à la nature de la transition quiest en train de se jouer en Indonésie, notamment ence qui concerne le lien entre l’ABRI et les autoritésciviles. Il devient difficile de partager l’espoir duPrésident Habibie lorsqu’il dit que “ nous ne voulonspas que notre nation devienne pour le monde unexemple de la manière dont l’esprit de démocratisationpeut échouer ”16.

L’une de ces commissions a pourtant rendurécemment son rapport. Il s’agit du Comité d’enquête(TGPF), formé le 23 juillet 1998, afin d’enquêter surles exactions commises lors des émeutes des 13 et14 mai 1998 qui firent près de 1.200 morts, et enparticulier sur les meurtres et les allégations de violsà l’encontre de femmes essentiellement d’origine

chinoise. Dirigé par Marzuki Darusman, Vice-présidentde la Komnas Ham, il est composé de sixreprésentants du gouvernement, dont des membres del’ABRI, et de treize membres issus d’ONG. Les sixreprésentants du gouvernement proviennent desministères de la Justice, de la Défense, des AffairesÉtrangères, de l’Intérieur, de la Commission sur laviolence contre les femmes, du Bureau du Procureur.Le Comité est subdivisé en trois sous-comités,respectivement chargés des témoignages, desvérifications et des victimes. En tant que comitéindépendant, il a le pouvoir de convoquer, de requérirdes documents, d’émettre des recommandations et derendre publiques ses conclusions. Il n’a pourtant pasle pouvoir de procéder à des interrogatoires, derechercher ou de saisir des documents, encore qu’ilpeut ordonner à la police ou aux autorités concernéesde procéder à des recherches ou des arrestations.

M. Darusman, lors d’un entretien avec la délégation dela FIDH, a assuré que le Comité pouvait travailler sansrencontrer d’obstacle fondamental. M. Darusman apris comme exemple le fait que le Comité a puconvoquer pour une audition Prabowo ainsi qued’autres membres de l’ABRI (notamment M. SyafrieSjamsoeddin, commandant militaire à Djakarta aumoment des émeutes, également senior member desKopassus, M. Zacky Aswar, membre ducommandement militaire à Djakarta, et M. Zatiyoso,qui occupe des fonctions importantes au sein de lahiérarchie militaires). Pour autant, les conditions detravail n’ont pas été parfaites : ainsi, M. Darusman aregretté la résistance manifeste du gouvernement àvoir une enquête complète, ouverte et exhaustive,aboutir. Il a notamment fait état d’articles de pressedans lesquels des membres de l’ABRI ou dugouvernement s’exprimaient sur “ l’inefficacité ” duComité. M. Darusman a également mentionné lesremarques du général Wiranto datant du 4 octobreselon lesquelles il n’y aurait pas eu de viols, anticipantpar là, pour le moins abusivement, les résultats del’enquête du Comité. A ces difficultés s’est ajouté lemeurtre de la jeune Ita Marthadinata (cf. supra, p. 6),rendant les témoignages d’autant plus difficiles àobtenir.

Les conclusions du rapport, publié le 3 novembre1998, et les déclarations de M. Darusman lors de laconférence de presse17, sont tout simplementdévastatrices pour les forces armées indonésiennes.En effet, - Le rapport établit qu’il y eut au moins 85 cas deviolences sexuelles durant les émeutes, dont au moins66 cas avérés de viols sur des femmes, en majoritéd'origine chinoise. La majorité des viols sont collectifs(gang rapes).

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- Le rapport conclut que les émeutes ont étéprovoquées par des agents qui ne faisaient pas partiede la population locale, qui identifiaient les cibles, quiétaient manifestement entraînés à l’usage d’armes etdotés de moyens de communication entre eux.- Ainsi, il ressort qu’il y a bien eu complot de la part desforces armées durant les émeutes afin de créer unesituation qui justifierait l’imposition de la loi martiale,voire une tentative de coup d’État : dans les termes deM. Darusman, “ il s’avère qu’il y eut un complot au seinde l’élite militaire et politique afin d’organiser une crise(...). Nous avons conclu qu’il y a bien eu une tentativepour créer une situation d’urgence par le biais desémeutes, qui justifierait l’utilisation de pouvoirs étenduset de mesures d’urgence afin de contrôler la situation ”.- Lors de la conférence de presse, M. Darusman anommément mis en cause le général Prabowo Subiantopouvant être à l’origine de cette opération ; M.Darusman a également mentionné S. Sjamsoeddin :selon lui, S. Sjamsoeddin et le Gal Prabowo doivent êtretenus pour responsables des exactions lors desémeutes.

L’armée et le pouvoir ont donc été explicitement misen cause dans ce rapport - un rapport immédiatementcontesté par l’armée qui y voit “ une analyse, non uneenquête ”, selon le Gal Wiranto. L’on peut pourtantlégitimement douter que le rapport sera effectivementsuivi d’effet, dans la mesure où la poursuite légale demilitaires ou de membres de la police relève enIndonésie de la justice militaire ; à plus forte raisondepuis le départ en Jordanie du Gal Prabowo. Deuxmois après la remise du rapport, aucune suite n'y aété donnée.

Il importe de souligner, à propos des personnesd’origine chinoise18, la discrimination systématiqueopérée à leur encontre : en fait (puisqu’elles sontsouvent les premières victimes des émeutes), et endroit, comme le soulignait M. Dos Reis Amaral, membrede la Komnas Ham : “ La discrimination à leur encontreest inscrite dans la Constitution ”, puisque pour postulerau poste de Président de la République, il faut être“ d’origine indonésienne ”. De même, les personnesd’origine chinoise ne peuvent entrer ni dans la fonctionpublique, ni dans l’armée. Selon M. dos Reis Amaral,“ la politique d’exclusion des “Chinois” estsystématique dans toutes les écoles ou les universitéspubliques ”. Notons en outre qu’en Indonésie, lesmariages inter-religieux sont interdits par la loi.

C - Une justice défaillante

L’administration judiciaire de la Républiqueindonésienne ne s’est jamais distinguée par sonindépendance. Le régime du général Suharto, pendant

32 ans, n'a pas dérogé à cette règle, étant observéqu'il n'y a pas eu de tentative ou d'amorce d'unequelconque réforme visant à modifier le statut desjuges et l'organisation des tribunaux. “ Quelleindépendance pourraient-ils bien avoir ? Legouvernement est au-dessus de la loi - et des lois ; lesjuges sont toujours sous l’œil du gouvernement... ”,soulignait un membre de la Komnas Ham. Ce proposdemande à être (très) légèrement nuancé depuis lachute de Suharto : une ou deux décisions de justiceont été prises qui témoignent d’une certaineindépendance (inédite) à l’égard du pouvoir politique19.Formellement, l'organisation judiciaire semble respecterun certain nombre de principes admis courammentdans les pays démocratiques, tenant à sa division entreune justice civile, une justice pénale, une justiceadministrative et une justice militaire. Selon l’un desinterlocuteurs de la FIDH, “ le régime de Suharto étaitmagnifiquement organisé : sous les “pavés” d’unepseudo-légalité, la “plage” d’un autoritarismeabsolu... ”. Coutumière des arrestations massives,l’armée et les forces de police savent pouvoir s’appuyersur une justice docile, disposant d’un arsenal juridiquecapable de réprimer toute contestation sous unelégalité apparente. La loi anti-subversion estl’instrument privilégié de cette répression, tout commeune application extensive - et abusive - de ladiffamation, en particulier à l’égard du Président de laRépublique et de ses proches. Plus généralement, nosinterlocuteurs se sont accordés pour dire que laConstitution indonésienne, vague et imprécise, laisse laporte ouverte à de nombreuses interprétations -jusqu’ici, cette interprétation se faisait dans un sensnettement répressif.

Les juges sont nommés par le ministre de la Justiceavec l’accord du Président - ils dépendent donc dupouvoir politique ; ils sont révocables à tout instant,sans préavis, et, bien entendu, sans motivation nipossibilité de recours. Des rencontres que la délégationde la FIDH a faites à Djakarta, il apparaît cependant quele pouvoir central n'use que de façon parcimonieuse dece pouvoir de révocation. En effet, la plupart desmagistrats ont conservé leur poste, s'obligeant de façondocile à anticiper sur ce que le politique souhaitait etexigeait. Bref, les mentalités judiciaires sont marquéesdu sceau de l’autocensure et de la servilité. A cesproblèmes s’ajoute en outre celui de la corruption, quiest devenu particulièrement aigu depuis la criseéconomique : le salaire d’un juge s’élevant à moins de100 dollars par mois, “ vous comprenez que les jugesdeviennent très facilement corruptibles ”, selon unmembre de la Komnas Ham20, qui ajoutait : “ De toutefaçon, c’est la même chose pour les avocats ; lesystème légal tout entier est corrompu ”.

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La caractéristique principale de l'organisation judiciaireen Indonésie, qui la rend profondément suspecte, tientbien entendu à l'énormité des prérogatives de la justicemilitaire. Depuis l'origine, celle-ci confisque, auxdépens de la justice civile, l'ensemble des délits etcrimes commis par les militaires, qu'ils soientperpétrés dans le cadre de la vie de caserne, ou danscelui du maintien de l'ordre public. Rappelons en effetque celui-ci (qui sert classiquement de justification à denombreuses violations des droits humains) et, parconséquent, les activités répressives, sont depuistoujours le fait des forces militaires et/ou policières.

Si le ministre de l'Intérieur nous a expliqué qu'il n'étaitpas pensable que “ la presse dicte sa conduite augouvernement ”, s'agissant des poursuites à engager

à l'encontre des responsables de violations des droitsde l’Homme, l'essentiel, s'agissant du fonctionnementde la justice, est de souligner la très grande déceptionde l'ensemble des interlocuteurs issus de la sociétécivile que nous avons rencontrés. Ils ont regrettéqu'aucune mesure significative, même symbolique,n'ait été prise par le nouveau gouvernement, aux finsde convaincre l'opinion publique de sa volontéd'engager un processus de réforme de l'administrationde la justice. Le ministre de la Justice nous a indiquéque le fait de rendre à la justice de droit commun latotalité de ses prérogatives, aujourd'hui confisquéespar la justice militaire, pouvait être inclue dans lecalendrier des réformes du gouvernement. Mais cettepriorité n'est pas nécessairement partagée par lesautres membres du gouvernement rencontrés.

D - La corruption

Au cours des entretiens que la délégation de la FIDH apu avoir, la plus grande majorité des interlocuteursont, soit spontanément, soit sur nos questions, lié laquestion de la corruption à celle de ladémocratisation. Pour beaucoup d’entre eux, il nepourra y avoir de saine et définitive démocratisation enIndonésie si, simultanément et de façon définitive,n'est pas éradiqué le fléau de la corruption.

La lutte contre la corruption en Indonésie est bien lefruit de deux exigences :- celle de la communauté économique (nationale etinternationale) qui, depuis le début de la crise qui afrappé les pays du sud-est asiatique, conditionne peuou prou le soutien des principales institutionsfinancières (Fonds Monétaire International, BanqueMondiale21) à l’adoption régulière de mesuressignificatives de lutte contre la corruption. Lesobservateurs estiment le coût de la corruption à

environ 30% des coûts de production.- et, simultanément, celles de la société civile, sinond'une partie de la classe politique indonésienne,visant à voir accélérer le processus de transitiondémocratique.

Des ministres que nous avons rencontrés, il n'y en apas eu un, bien sûr, qui n'ait pas eu à cœur desouligner à quel point il était essentiel, pourl'Indonésie, de mettre un terme au fléau de lacorruption. Le Chef de la police et ses adjoints, qui ontlonguement reçu la délégation de la FIDH, ont indiquéqu'une nouvelle task force avait été mise en placerapidement après l'arrivée au pouvoir du PrésidentHabibie. Composée d'officiers qui auraient étéspécialement formés à cette fin, elle est chargéed'enquêter sur les faits de corruption et dedélinquance financière. Ces mêmes officiers de policen'ont pas caché qu'ils manquaient de moyens et depersonnel qualifié pour affronter de façon efficace cequ'ils n'ont pas reconnu être une tâche extrêmementdifficile et importante pour l'avenir de l'Indonésie.Il doit être signalé que sur l'insistance de lacommunauté internationale, les nouvelles autorités ontpublié successivement deux décrets, les 22 avril et 20août 1998, identifiés comme une nouvelle loi sur lesfaillites. Ces textes sont relativement importants carils donnent le pouvoir aux nouvelles autorités defermer, sans préavis, tout établissement bancaire quiviolerait la loi, de faire nommer un administrateurprovisoire, ainsi que de faire séquestrer les avoirs dela banque, y compris ceux de ses dirigeantssoupçonnés de fraude. C’est là un pas important pourmettre fin à la pratique, courante en Indonésie et plusgénéralement en Asie du sud-est, qui consistait pourles banques à prêter au-delà de leur marge à desentreprises sœurs ou amies. Aux termes de ce quenous avait indiqué le Chef de la police indonésienne,18 établissements bancaires ont été fermés enapplication de cette nouvelle législation. Ce quidémontre que le nouveau gouvernement peut, quand ille veut, prendre des mesures très rapidement.

S'agissant du nouveau Procureur général, qui aégalement reçu longuement la délégation de la FIDH,son enthousiasme s'agissant de la lutte contre lacorruption était spectaculaire. Pour bien marquerd'ailleurs son attachement à la nouvelle ligne politiquedu Président Habibie, il avait convoqué les médiasindonésiens à l'issue de l'entretien avec la délégation,ce qu'aucun autre ministre n'avait fait. La délégationde la FIDH a tenté d'obtenir des réponses concrètes,et c'est ainsi que le Procureur général nous a faitsavoir qu'avait été donné pour instruction, àl'ensemble des Procureurs régionaux et locaux, de

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“ boucler ” leur enquête, s'agissant de l'ensemble desfaits de corruption, en 50 jours, sans aucuneprorogation de délai possible. Il n'a pas été possibled'obtenir un chiffre, s'agissant du volume desenquêtes en cours sur l'ensemble du territoireindonésien. Une boîte postale a été mise en place àDjakarta et dans certaines régions, aux fins depermettre à toutes les personnes souhaitant dénoncerles corrompus et corrupteurs de pouvoir le faire dansdes conditions de sécurité et, par conséquent,discrètement. Des spots publicitaires sont à cet égarddiffusés pour encourager la population à utiliser cesboîtes postales et fournir leurs informations etdoléances concernant la “ Collusion CorruptionNépotisme ” (KKN). Des milliers de lettres seraientdéjà arrivées dans cette boîte postale, qui auraient étéà l'origine de nouvelles enquêtes.

Le cas Suharto

Toute enquête sérieuse au sujet de la corruption enIndonésie ne peut manquer de viser en premier lieuSuharto lui-même. Le népotisme de son régime est denotoriété publique : il n'y pas de grand établissementindustriel, financier ou bancaire en Indonésie danslequel, de fait ou de droit, un proche de Suharto n’aitd’intérêt. Le 6 septembre 1998, lors d’une allocutiontélévisée qui constituait sa première apparitionpublique depuis sa chute, Suharto a rejeté avecvéhémence toute accusation de corruption de sa part :“ Je n’ai pas un centime d’économies à l’étranger, jen’ai pas de compte dans des établissementsbancaires à l’étranger, je n’ai fait aucun dépôt àl’étranger, et je n’ai pas même de parts dans desentreprises étrangères - et moins encore des centainesde milliards de dollars ”.

Le chef de la police a pourtant fait état de plusieursenquêtes en cours à Djakarta. L'une d'elle porte sur lafortune de la fille du Président Suharto, Siti HardiyantiRukmana, qui dirige notamment le conglomérat CitraMarga, la société de péage des autoroutes enIndonésie et dans d’autres pays asiatiques (elle estégalement Présidente de la chaîne télévisée surlaquelle Suharto fit son allocution). Une autreinvestigation concerne les conditions de mise en placedu projet de “ voiture nationale ” (la “ Timor ”), qui,selon le Procureur général, à coûté plus de 1,5milliards de dollars à l’Indonésie, et n’a pu être lancéqu’à la faveur d’un décret présidentiel garantissant desconditions favorables au fils de Suharto, Hutomo“ Tommy ” Mandala Putra, responsable du projet.Selon le Procureur général, le projet était “ marqué parle népotisme ” et n’a été rendu possible qu’en raisonde collusion entre “ Tommy ” Suharto et les

responsables gouvernementaux22. D'autres enquêtesportent sur différents établissements bancaires,dirigés par des proches du Président Suharto ;certains d’entre eux ont été fermés sur décisiongouvernementale, à la suite de recommandations duFMI.

Le montant des sommes détournées, pendant environ35 ans, par le Président Suharto et ses proches estimpossible à déterminer précisément, d’autant que lesfonds risquent d’être singulièrement difficiles àidentifier, du fait de cette immense nébuleused’entreprises et de “ fondations caritatives ” (plusd’une centaine - exonérées d’impôts) dirigées par desproches de Suharto. Certaines estimations vontjusqu’à 40 milliards de dollars ; selon la revueaméricaine Forbes23, Suharto arrive au troisième rangde sa liste “ rois, reines et dictateurs ”, avec unefortune personnelle de 16 milliards de dollars, et selonle Castle Group, un groupe de consultants basé àDjakarta, la fortune des enfants de Suharto s’élèveraitaux alentours de 5 milliards de dollars, auxquelss’ajoutent 2 milliards de dollars issus des fondationscaritatives - ceci sans compter la fortune déposée àl’étranger. David Hale, un économiste ayant fait desrecherches sur la fortune de Suharto, estime ainsi queprès de 8 milliards de dollars auraient été transférésen Autriche sur ordre de Suharto, avant sa chute. Une “ enquête préliminaire ” sur la fortune de Suhartoa été lancée à la mi-septembre 1998 ; le général avaitalors été entendu à deux reprises par le Procureurgénéral. Sous la pression du public, les autorités ont,en décembre 1998, décidé d’accélérer cette enquêtesur la corruption du général durant ses trois décenniesau pouvoir ; après deux anciens ministres24, Suhartolui-même a été entendu pendant près de trois heures,le 9 décembre, par des collaborateurs du Procureurgénéral et a déclaré “ avoir donné toutes lesinformations nécessaires ”25. Aux dires du porte-paroledu Procureur général, Suharto n’est pourtant pasencore considéré comme “ suspect ” dans cetteaffaire. Il convient de noter que les obstacles à uneinvestigation approfondie et au recouvrement dessommes détournées sont immenses :

- La volonté politique de la part du gouvernement àfaire toute la lumière sur la corruption de Suhartosemble manquer : d’une part, le Président Suhartodispose encore de réseaux et de moyens trèsimportants pour tenter de museler ce qui constitueraitd'authentiques et efficaces investigations sur safortune ; d’autre part, le gouvernement est constituéd’anciens dignitaires du régime dont tout laisse àpenser qu’ils seraient eux-mêmes impliqués au cas oùl’enquête irait trop loin. Ainsi, le Procureur général, M .

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Ghalib, affirmait, après l’allocution de Suharto :“ Suharto est l’ancien Président, donc il ne peutmentir ”. De tous les membres du gouvernement qui sesont exprimés au sujet de la corruption, le ministre del'Intérieur a été incontestablement le plus prudent dansses déclarations, prudence que l'on ne peut que lieraux très importantes fonctions qu'il a occupéespendant de nombreuses années aux côtés du généralSuharto. A cet égard, l’on ne peut que s’inquiéter de ladécision de 10 personnalités de se retirer en décembrede la commission chargée d’enquêter sur Suharto, enraison de “ l’ambiguïté ” de la position des autorités,qui n’auraient pas répondu à leur demande de pouvoirmener leurs recherches en toute indépendance, d’avoirla possibilité d’interroger et de convoquer à leur guise,ainsi que de faire appel aux tribunaux de police. Cespersonnalités, parmi lesquelles on trouve quelques unsdes plus grands juristes du pays et un ancien chef dela police, estiment en outre qu’“ aucun progrès n’a étéfait ” dans l’enquête, et accusent le gouvernement etle Président Habibie de ne pas vouloir réellementenquêter sur la fortune de Suharto et de ses proches,mais au contraire de vouloir les protéger, en raison deslargesses dont ils auraient eux-mêmes égalementbénéficié26. - Le général Suharto a toujours su s'entourer deConseils, nationaux et internationaux, afin de rendre laplus opaque possible la fortune qu'il a accumulée,évidemment à l'étranger.

- Comme le notent plusieurs observateurs, il est trèspossible que cette accumulation n’ait même pas étéillégale ; les faiblesses et les lacunes du systèmelégal, ajoutées au fait que Suharto a, de fait,essentiellement gouverné par des décrets aussitôtadoptés par une assemblée qui lui était assujettie(certains observateurs notent qu’au cours de sonrègne, Suharto a émis au moins 57 décrets en faveurde ses enfants, ses petits-enfants, ou ses amis),signifient qu’il est possible que ses actions aient ététechniquement légales, et aient suivi la lettre de la loi.Jeffrey Winters, politologue spécialiste de l’Indonésie,remarque ainsi : “ Avant que des comptables et deschargés de mission internationaux puissent faire leurtravail, ils doivent avoir des preuves indiscutables queles lois ont été transgressées (...). Il n’est guèreétonnant que Suharto, les membres de sa famille etses autres protégés affirment avec tant d’assurancequ’ils n’ont rien fait de mal en s’enrichissant : la tristevérité est tout simplement que les lois indonésiennessont si faibles et si vagues que, juridiquement parlant,leurs affirmations d’innocence sont peut-êtrevraies ”27.

- Recouvrer des fonds détournés est classiquementune tâche extrêmement ardue, même en comptantavec la coopération du gouvernement. Ainsi, dans lecas des Philippines, seuls 570 millions de dollars (surles milliards détournés par Marcos) ont pu êtreidentifiés et retournés aux Philippines - près de 12 ansaprès la chute du dictateur. “ De façon générale, lebilan du recouvrement de fonds détournés estdésastreux ”, note David Chaikin, un juriste australientravaillant sur le cas Marcos.- Selon de nombreux experts, il est très probable quela crise asiatique et l’effondrement de la roupieindonésienne ait également porté un coup dur auxsociétés contrôlées par les proches de Suharto(nombre d’entre elles seraient lourdement endettées),et qu’elles représentent en avoirs beaucoup moins queles estimations datant d’avant la crise.

Il doit être retenu cependant qu'un rendez-vous auraiteu lieu, quelques jours avant l'arrivée de la délégationde la FIDH à Djakarta, avec l'Ambassadeur de Suisseen Indonésie. Ce dernier aurait souhaité, aux dires duProcureur général, rappeler que son pays seraitdisposé à offrir la coopération nécessaire pouridentifier et, le cas échéant, séquestrer les avoirsfinanciers de M. Suharto et de ses proches. LeProcureur général nous a spontanément indiqué qu'ilavait marqué son accord sur cette démarche, puis,après qu'un représentant du ministère des AffairesÉtrangères l'eut aimablement interrompu, a précisé enfait que cette coopération avec le gouvernementsuisse était subordonnée à l'accord du ministre desAffaires Étrangères, accord qui, semble-t-il, au jour dela rédaction du présent rapport, n'aurait pas encoreété officiellement donné.

A l'heure actuelle, aucune demande n'a été faite parMonsieur le Procureur général auprès desétablissements bancaires traditionnellementrécepteurs de telles demandes, que cela soit enSuisse, à Hong Kong ou ailleurs, aux fins que soientidentifiés et séquestrés les avoirs du général Suhartoet de ses proches.

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CHAPITRE II

La réponse indonésienne aux mouvementsséparatistes

L’archipel indonésien est une vaste mosaïque :mosaïque d’ethnies, de langues, de cultures, dereligions... Cette diversité a donné voix, entre autres, àdes mouvements séparatistes. Pendant longtemps, ledictateur Suharto a fait respecter la devise du pays,“ l’unité dans la diversité ”, par la force. Mais, avec ladémission de l’ancien Président de la République, lesmouvements séparatistes sont plus forts que jamais28

et les aspirations à l’indépendance se font de nouveauentendre publiquement.

Si aujourd’hui les violations des droits de l’Homme enAceh ou en Irian Jaya font la une des journaux et si lesacteurs de l’autodétermination timoraise reçoivent lesoutien de tous les acteurs politiques qui souhaitentse donner une caution démocratique, cela n’a pastoujours été le cas. Avant la chute de Suharto, denombreux opposants au régime considéraient cettequestion comme annexe, voire abondaient dans lesens de la position officielle ; aujourd’hui, lesprincipaux leaders d’opposition soutiennent lespositions prises par Mgr Belo, prix Nobel de la paix etdéfenseur de l’autodétermination timoraise. Le Président Habibie doit faire face principalement àtrois mouvements séparatistes forts : Aceh, Irian Jayaet le Timor oriental. Le point commun à ces trois zonesest qu’elles sont toutes “ sous contrôle militaire ”depuis plusieurs années. Mais leurs conflits avecJakarta ne sont pas de même nature parce qu’aucunedes provinces considérées n’a la même histoire.

L’enjeu des ressources naturelles

En Indonésie, les ressources naturelles constituent unenjeu considérable - économique bien sûr, maiségalement politique, tant sur le plan nationalqu'international. Il est indéniable que le régimeindonésien a toujours trouvé parmi ses plus solidessoutiens les compagnies multinationales opérant surson sol, au premier rang desquelles les compagniespétrolières. L'Indonésie (membre de l'OPEP) est lepremier exportateur de pétrole du Sud-est asiatique,avec des réserves de prétrole évaluées à 5 milliardsde barils. L’île de Sumatra (au nord-ouest de laquellese situe la région d'Aceh), considérée comme l’un desprincipaux champs de ressources de la région,renferme à elle seule 70% de ces réserves, et 60%des opérations d'exploitation pétrolière du pays s'ydéroulent. Quant au gaz naturel, le pays en possèdeplus de 3 000 millions de m³, dont les gisements les

plus importants se situent là encore, à Sumatra29. Lapopulation locale ne bénéficie que marginalement decette exploitation ; tous les revenus de l’exploitationnaturelle transitent par Djakarta. L’on comprend que laquestion du partage des ressources et des retombéeséconomiques de l’exploitation des sous-sols aienttoujours été au cœur des relations entre ces régions etle gouvernement central, et, plus généralement, iln’est guère étonnant, au vu de cette exploitation, devoir certains réclamer une part plus substantielle desrevenus issus de l’exploitation des ressourcesnaturelles30 et des taxes de la région : pour l’instant,selon les données officielles, les régions neconservent que 17% des impôts locaux (contre 56% enMalaisie et 43% en Australie).

Le MPR a fait un pas dans la direction d’une meilleurerépartition en approuvant, en novembre 1998, unprojet prévoyant un partage juste et équitable (“ justand fair ”) des ressources naturelles entre le centre etles régions, et une répartition égale des bénéfices. Leministre de l’Énergie, Kantoro Mangkusubroto, aégalement indiqué avoir ordonné aux compagniesminières de payer les royalties directement auxautorités locales31.

En Irian Jaya comme en Aceh, les ressourcesimportantes de ces régions sont exploitées par desmultinationales, et leurs activités - tout comme lesprofits - restent dans les mains des Javanais ou desétrangers installés dans ces régions. Ainsi, Mobil Oilse refuserait à employer des Acehnais, “ sources deproblèmes ” aux yeux de la multinationale. Le cas de la compagnie minière américaine Freeporten Irian Jaya est exemplaire - et particulièrementgrave. Freeport fut le premier investisseur étranger enIndonésie (avec une première implantation en 1967 etle premier contrat officiel d'exploitation minière signéen 1973, renégocié en 1991 ; les mines exploitéesconstituent le plus important dépôt d'or et de cuivre aumonde), et a depuis toujours été étroitement lié aurégime, par des liens à la fois personnels et financiers(ainsi, entre 1991 et 1997, Freeport a cautionné troisprêts à hauteur de 673 millions de dollars au bénéficede proches de Suharto). Outre ces liens étroits qui ontfait de Freeport l'une des cautions indéfectibles durégime Suharto32, au point qu'une commissionparlementaire en est venue à appeler la compagnie àse retirer d'Indonésie, Freeport est depuis longtempsaccusé, non seulement d'avoir causé des dégatsirréversibles à l'environnement33, mais également des'être rendu coupable de nombreuses violations desdroits de l’Homme, notamment du droit des peuplesautochtones, et du droit des peuples à disposer desressources naturelles. Freeport aurait également

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apporté une assistance financière à l'ABRI (au moins37 millions de dollars en 1997, selon l’organisationSurvival International) lors de ses actions pour“ protéger ” la mine et réprimer les manifestations desautochtones (notamment Amungme) liées aux activitésde la compagnie dans la région - répression qui acausé de nombreuses morts. Un chef Amungmeaccuse Freeport de “ génocide culturel ” et a déposéplainte contre la compagnie aux Etats-Unis. MohammadSadli, qui présidait aux investissements étrangers àl'époque du premier contrat de Freeport en 1973,reconnaît que le contrat ne comportait aucune garantieen matière de droit à l'environnement et de droit despeuples autochtones. Il ajoute :“ Effectivement,Freeport a du sang sur les mains ”.

Au Timor oriental, seul les partisans de l’intégration ontaccès aux postes à responsabilité, les grandesplantations comme les principaux réseaux dedistribution étant détenus par des javanais. Lescaciques du pouvoir, généralement les militaires enposte au Timor, quant à eux profiteraient exclusivementdes conditions fiscales préférentielles consenties auxhabitants de l'île. Quant au pétrole du fameux TimorGap, le détroit séparant le Timor Oriental des côtesaustraliennes, il est considéré par de nombreuxobservateurs comme l'une des raisons principales pourlesquelles l'Indonésie maintient sa présence militaire auTimor. Un accord relatif à l'exploitation pétrolière futsigné, et une zone dite de coopération établie, entrel'Australie et l'Indonésie en 1989. Les 61 000 km²renfermant les réserves pétrolières et gazières furentdivisés en trois zones34. La bienveillance dugouvernement australien à l'égard de la politiqueindonésienne au Timor, et la décision du gouvernementaustralien de reconnaître l’annexion de l’anciennecolonie portugaise par l’Indonésie (l'un des seuls àl’avoir fait officiellement) furent d’ailleurs directementliées à cet accord pétrolier.

A - La situation au Timor Oriental

S’il est une région où la chute de Suharto a fait naîtrede grands espoirs, c’est bien au Timor Oriental. Cettedernière région est considérée par le gouvernementindonésien comme sa 27e province depuis qu'il l'aannexée en juillet 1976. Mais Suharto s’est opposéau Timor à une résistance plus importante et mieuxorganisée que prévue. Appuyés par l'armée, quipourchassait et liquidait les opposants, les nouveaux“administrateurs” de l'île construisirent des routes etdes ponts, tentant de contrôler la population en laregroupant dans des villages, tout en promouvantl'implantation d'habitants venus d'autres régionsd'Indonésie, dans le cadre de la politique de

“transmigration”. Certains observateurs ont considéréque ces villages s'apparentaient plus à des camps,dans la mesure où les “ habitants ” ne pouvaient s'enéloigner et ne jouissaient d'aucune liberté35.

Il convient de noter que le gouvernement indonésien,pour diverses raisons, a investi énormément d'argentau Timor oriental, et qu'aujourd'hui l'île est plusdéveloppée qu'au départ des Portugais. Mais à quelprix ? Aujourd'hui ce sont des Indonésiens, des“transmigrants”, qui bénéficient majoritairement de cedéveloppement et l'occupation indonésienne a coûtécher à la population timoraise. La plupart desestimations font état de 200 000 morts entre 1975 et1991, soit entre le quart et le tiers de la population duterritoire occupé. Ce que l’on a souvent qualifiéd’“ ethnocide oublié ” s’est traduit par des violationsmassives et systématiques des droits de l'Homme :exécutions extrajudiciaires, stérilisations forcées, viols,absence de libertés d’expression, d’opinion etd’association, arrestations arbitraires... les droits del'Homme étaient quotidiennement bafoués au Timororiental, à commencer par le droit àl’autodétermination36. Aujourd’hui, l’ONU considèretoujours le Timor Oriental comme un “ territoireautonome sous administration portugaise ”37 et n’en apas reconnu l’annexion par l’Indonésie. Un seul autreterritoire dans le monde - le Sahara occidental - setrouve dans ce cas de figure. Le leader charismatiquedu Fretilin, Xavier Xanana Gusmao, purge depuis 1992une peine de 20 ans de prison, à Cipinang près deDjakarta ; la visibilité du mouvement à l'étranger,notamment auprès de l'ONU, est assurée par JoséRamos Horta, qui obtint le Prix Nobel de la Paix en1996 avec l’évêque de Dili, Mgr Belo.

Après la chute de Suharto, la relative ouverture desnouveaux dirigeants a permis d’opter pour unoptimisme modéré quant à un règlement pacifique duconflit timorais. Et en effet, des négociations incluantl’Indonésie et le Portugal ont été entamées sousl’égide de l’ONU dès juillet. L’Indonésie s’est montréeouverte à la possibilité d’un “ statut spécial ” de laprovince, qui couvrirait une large autonomie. Selon lesdernières déclarations de M. Alatas, ministre desAffaires Etrangères, en date du 27 janvier 1999,l’Indonésie serait même prête à accorderl’indépendance au Timor Oriental au cas où le “statutspécial” ne serait pas accepté. On ne peutqu’accueillir avec intérêt, tout en restant très prudentdans l’attente de précisions concernant les modalitéspratiques d’un éventuel désengagement del’Indonésie. D’autant que les déclarations sont encontradiction avec la situation sur le terrain. En effet,les autorités ont célébré en grande pompe le retraitofficiel, en août, d’un millier d’hommes stationnés au

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Timor Oriental ; selon elles, cela ne laisserait plusqu’environ 6 000 soldats de l’ABRI sur le sol timorais(il s’est néanmoins très vite avéré que c’était unchiffre bien en-deçà de la réalité). Le 15 décembre1998, Djakarta a en outre décidé de suspendre l’envoide colons au Timor Oriental.

Avec le départ de Suharto, l’atmosphère de terreur quirègne sur la province s’était quelque peu estompée ;des manifestations pacifiques pro-référendum ont puse dérouler sans encombre, les violations des droitsde l'Homme se font plus rares, les habitants de l’îledisposent d’une liberté de mouvement accrue. “ Lesmilitaires se comportent mieux ” expliquait unresponsable d’une association de défense des droitsde l'Homme. “ Disons qu’il est désormaisenvisageable de sortir seul le soir à Dili sans troprisquer de “disparaître”... ” ajoutait un autreinterlocuteur. Parmi les signes positifs de décrispationà Timor, on relève la tenue d’un “ séminaire deréconciliation ” à Daré (à quelques 10 km de Dili), les9 et 10 septembre 1998, réunissant toutes lesfactions politiques du territoire (et donc le Fretilin). Leséminaire a pu se tenir sans encombre et a abouti àune déclaration en 11 points sur les possibilités et lesconditions d’un dialogue et d’un processus deréconciliation au Timor Oriental. Des membres de larésistance, anciens détenus politiques nouvellementlibérés, ont pu y participer sans être inquiétés. Leséminaire de Daré, pour être l’exemple le plus visiblede cette ouverture, n’a pas été un cas unique : lesforums de discussion et de dialogue ont pu se tenirrégulièrement, réunissant des partisans de l’integrasi(intégration à l’Indonésie) et ceux d’un référendum. Laliberté d’expression et d’association a commencé àbénéficier des changements politiques. Parmi les signaux importants donnés par lacommunauté internationale, l’Australie, jusque làsoutien inconditionnel de l’Indonésie et le seul pays àavoir reconnu de jure l’annexion du Timor, a modifié saposition et préconise désormais l’auto-déterminationdu peuple timorais - un changement d’attitude “ quinous préoccupe et que nous regrettonsprofondément ”, selon un porte-parole du ministèredes Affaires Étrangères indonésien38.

Immobilisme et duplicité des autorités indonésiennes

Mais doit-on dire que, de même que Habibie déçoitdéjà les partisans de la démocratisation en Indonésie,le Timor Oriental déchante déjà ? Il s’avère en effetque la situation est clairement allée en se dégradantces derniers mois, et les forces armées ont à nouveaurepris leurs méthodes répressives. La volonté politiquedes autorités de régler le problème timorais dénotepour le moins un immobilisme alarmant, et la plus

grande duplicité. Le Parlement européen, dans unerésolution du 14 janvier 1999, note ainsi qu’“ en dépitdes divers appels internationaux, la situation politiqueà Timor-Oriental ne se trouve en rien modifiée ”.Plusieurs éléments tendent à démontrer l’absence deréelle volonté politique des autorités de Djakarta pourmodifier substantiellement leur attitude à l’égard duTimor.

1. En premier lieu, tout indique que le retrait destroupes tant vanté par l’administration indonésiennefut un leurre, un “ vaste coup de bluff et de relationspubliques ”, aux dires d’un interlocuteur : les autoritésauraient en effet fait entrer discrètement autant detroupes qu’elles en avaient fait sortir, par le biais deLos Palos, ou par la partie occidentale de l’île, par laforêt. Les Kopassus (groupes militaires d’élite,coupables de violations massives des droits del’Homme en Indonésie) sont toujours présents auTimor - ce que n’a pas nié le ministre de la Justice lorsde son entretien avec la délégation de la FIDH. Nonseulement l’ABRI n’a pas retiré de troupes, mais ils’avère que le nombre de troupes stationnées auTimor est allé en croissant : les chiffres des différentsobservateurs les portent à environ 16 000 ; cetteaugmentation correspond également aux mouvementsde troupes notés sur place, qui viseraient à encerclerles bastions de la résistance (Falintil). Tout indiquedonc que la politique indonésienne est de tenterd’éradiquer la résistance armée avant ou pendant lesnégociations. Ces mouvements ne font que soulignerle double jeu auquel se livrent les autorités.

2. A la suite de ces mouvements de troupes, lescombats ont repris au Timor Oriental, qui auraient faitdes dizaines de morts, dont de nombreux civils. Unerépression massive à l’égard de la population civileaurait fait à Alas, en novembre 1998, un nombreindéterminé de morts (44 selon le gouvernement,jusqu’à 300 selon les témoins), plusieurs disparus,des dizaines de blessés et des centaines de départsen exil. Quoiqu’il en soit l’usage abusif de la force aété clairement mis en évidence.

3. D’après des informations recueillies par le EastTimor Action Network sur la base de documentsémanant du ministère de la Défense indonésien, lelien entre l’ABRI et les groupes paramilitaires timoraisest établi, ce que les autorités avaient toujours niéjusqu’à présent. Ces groupes paramilitaires (13 autotal - formés d’habitants locaux armés, payés etentraînés par l’ABRI) demeurent actifs, même s’ilsemblerait qu’il y ait eu une certaine désaffectionrécemment, essentiellement liée, d’après nosinformations, aux problèmes économiques quitouchent l’armée et par conséquent les groupes

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(paramilitaires dont les ressources se sontconsidérablement amaigries. Les groupes les plusimportants seraient : Team Alpha, Team Saka, Makikit,Gada Paksi, Mahidin, Garuda, Malilintar. Le nombre demembres actifs des groupes paramilitaires est estiméà plus de 4 000, pour un total d’hommes (ABRI +milices) au Timor Oriental en août 1998, selon lesdocuments obtenus par ETAN, de 21 620, soit 2000de plus qu’en novembre 1997.

4. Les autorités indonésiennes jouent clairement unrôle plus qu’ambigu dans le débat actuel au Timor surl’avenir de l’île. Plusieurs manifestations ont éclaté àDili au mois d’octobre 1998 lorsqu’il fut découvert quele gouverneur de Timor (nommé par Djakarta), AbilioOsorio Soares, avait menacé de licenciement lesfonctionnaires qui se prononceraient contre le pland’autonomie pour le Timor proposé par Djakarta. Nonseulement les fonctionnaires étaient directementappelés à prendre position en faveur du planindonésien, mais il leur était également explicitementdemandé de dénoncer les fonctionnaires qui s’yrefuseraient. D’autre part, certaines informations fontétat que le bupati (chef de district) de Los Palossoutiendrait activement le groupe paramilitaire TeamAlpha en vue d’intimider les Timorais qui appellent unréférendum sur le territoire.

5. La vigueur avec laquelle les autorités agitent lamenace d’une guerre civile en cas de désengagementde l’Indonésie et/ou de référendum semble à la foispeu crédible et suspecte : l’on ne sait que tropcombien les militaires indonésiens sont coutumiers deprovocations lors de manifestations afin d’engendrerdes émeutes justifiant alors une intervention massivede leur part. Selon la LBH, ce schéma se serait ànouveau produit en Aceh en juillet ; selon le rapport dela TGPF (cf. supra, p. 11) un tel complot est avéré ence qui concerne les émeutes de mai à Djakarta. Demême, selon plusieurs sources fiables à Timor, lesmanifestations “ spontanées ” en faveur del’intégration lors de la visite de la troïka européenneen juin 1998 auraient en fait été très peuspontanées : un témoin raconte avoir vu à Los Palosdes camions chargés de paysans et de fermiers sedirigeant vers le lieu des manifestations à l’occasionde la visite européenne. Lorsqu’il leur fut demandé oùils se rendaient, les paysans ont répondu qu’ils nesavaient pas - qu’il leur “ avait simplement étéordonné de grimper dans les camions, puis, une foisarrivés, de porter ces banderoles ” en faveur del’intégration. Selon le témoin, la grande majorité deces paysans étaient analphabètes - on peut donclégitimement douter qu’ils aient eux-mêmes rédigélesdites banderoles. D’autres sources font étatd’ordres donnés par les chefs des districts d’Aileu et

de Maliana, respectivement les 18 et 26 juin 1998,aux habitants de joindre les manifestations pro-intégration, sous peine d’arrestation. Outre son caractère politique évident, la menace deguerre civile, dont on sait par ailleurs combien lesautorités indonésiennes l’utilisèrent en 1976 pourjustifier l’occupation, est parfois utilisée pour intimiderdes populations.

6. Les annonces publiques par les autorités de libérerdavantage de prisonniers politiques timorais soit n’ontpas été suivies d’effet (ainsi le ministre de la Justiceayant annoncé à la délégation de la FIDH à la mi-septembre que 15 prisonniers politiques timoraisseraient relâchés dans les jours suivants), soit ont étésuivies de libérations en nombre moindre que prévu,soit n’étaient rien d’autre que des effets d’annonce,dans la mesure où les prisonniers en question étaientlibérés par suite de l’application des lois communesrelatives aux remises de peines, quand ils n’avaientpas déjà purgé une peine plus longue que celle àlaquelle ils avaient été condamnés. Ces annonces nereflètent donc pas une volonté politique particulière.Ceci sans compter les prisonniers actuellementdétenus pour leur participation lors des manifestationspacifiques à Timor, que les autorités ne reconnaissentpas avoir arrêtés, ce que confirment pourtant et lesproches des victimes, et les organisations locales. Lesestimations les plus conservatrices portent à 131 lenombre de prisonniers politiques timorais encoredétenus dans les geôles du pays ; de l’avis de tousles observateurs, les chiffres réels s’établissentcertainement aux alentours de 250 ou 300, au moins.

L’ambiguïté et la duplicité des autorités indonésiennesactuellement au pouvoir s’expriment donc de façonparticulièrement aiguë au Timor Oriental. La FIDHrécuse clairement les déclarations du gouvernementindonésien en août 1998, revendiquant qu’il a“ démontré que son engagement en faveur des droitsde l'Homme au Timor Oriental n’est pas que de larhétorique creuse ”39.

Une reprise indiscutable des violences

Selon plusieurs interlocuteurs, la répression au TimorOriental a toujours suivi un mouvement de balancier :forte répression, relative amélioration, à nouveaurépression, et ainsi de suite. Les semaines qui ontsuivi l’arrivée de Habibie au pouvoir entraient dans lecadre d’une ouverture, et de calme relatif dans l’île ;mais selon l’avis concordant des sources de la FIDH,cette période d’accalmie aurait très vite été suivie parun durcissement de la situation à Timor, et depuisenviron la mi-juillet, les exactions ont repris à unrythme de plus en plus soutenu. Tous nos

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interlocuteurs ont fait état d’une reprise indiscutabledes violences au cours des derniers mois. Cemouvement de répression accrue n’a certes pasl’ampleur de ce qui se fit durant les années les plussombres de l’occupation - cependant, il demeure quela situation s’est très nettement détériorée : “ Onrecommence à avoir peur ” ont répété lesinterlocuteurs timorais de la FIDH. L’un d’eux ajoute :“ A Dili, il existe un moyen facile de savoir si l’on esten période de répression féroce ou d’accalmie : c’estl’heure à laquelle les magasins ferment. Lorsque ça vamal, impossible de trouver une boutique ouverte après17h30 ; quand ça va mieux, vous trouvez de toutjusqu’à 20 heures - et, en ce moment, tout ferme enfin d’après-midi ”. A Dili, l’atmosphère est lourde etoppressante ; tous baissent la voix dès que sontévoqués des sujets sensibles, se retournent pour voirs’ils sont suivis, s’éloignent dès que paraissent descamions militaires, désignent d’un geste furtif etquasiment invisible (“ parce que si on nous voit... ”)les hauts lieux de la répression - et notamment lecimetière de Santa-Cruz où eut lieu le massacre deplus de 200 personnes en 1991 (certains rapportsfont état de 400), recommandent d’éviter à tout prixde communiquer des informations sensibles partéléphone, e-mail ou fax. Les interlocuteurs que ladélégation a pu rencontrer sont unanimes : lesservices de renseignement sont toujoursomniprésents - et extrêmement actifs - au Timor.L’association locale de défense des droits del'Homme, Yayasan Hak, fait état de pressions et detentatives d’intimidation continuelles, et qui elles, enrevanche, n’auraient pas diminué en ampleur depuisl’arrivée de Habibie.

La peur règne donc toujours au Timor Oriental. Ungrand nombre des informations précises nous ont étécommuniquées sous le sceau de la confidentialité, lesfamilles craignant des représailles. Et il ne semble pasque cela soit par simple - et triste - habitude. Certes,tous se souviennent du harcèlement incessant desfamilles de disparus notamment à la suite dumassacre de Santa-Cruz : raids nocturnes demilitaires, intimidations systématiques, surveillancepermanente et menaces étaient de mise pourempêcher les familles de témoigner - ou même desimplement faire part de la “ disparition ” de l’un desleurs. Le harcèlement des familles, s’il n’est plusaussi féroce, n’a pas cessé : encore aujourd’hui, lesparents de disparus ou de détenus osent rarementfaire état de ces disparitions, par crainte dereprésailles sur eux-mêmes ou sur les détenus. Defortes pressions sont exercées pour que ne soient pasdéclarées les disparitions ni à l’église, ni auxorganisations de défense des droits de l'Homme, ni auCICR. Des proches d’un jeune timorais, arrêté depuis

plus d’un mois pour avoir manifesté en faveur del’indépendance du Timor, nous ont ainsi expliqué queles militaires leur avaient fait comprendre qu’il étaitdans leur intérêt comme dans celui du jeune hommede ne pas même faire savoir qu’il avait été arrêté.Nous tairons donc son nom. À maintes reprises, nosinterlocuteurs nous ont expressément prié de nepublier aucun des noms des victimes des exactions, niaucune description des circonstances précises de leurcas. Ceci signifie non seulement que la sécurité destémoins et des victimes est encore très loin d’êtreassurée au Timor, et donc que les conditions d’unecommission d’enquête impartiale à laquelle chacunpourra s’adresser sans crainte sont encore très loind’être réunies ; mais cela signifie également (ce quinous été confirmé par de multiples sources) que lenombre de détenus “ politiques ” est certainementbien plus élevé que les statistiques ne laissent àpenser, et que beaucoup de cas ne sont pasrapportés. De plus, il semble que les forces de l’ordreont multiplié les centres de détention ; mis à part lescentres officiels, dont les “ maisons rouges ” de Dili etde Baucau de sinistre réputation et à proposdesquelles toutes les informations convergent pourdire qu’elles ont repris du service ces derniers mois,les centres de police, voire les casernes, sontrégulièrement utilisés comme lieux de détention.Yayasan Hak déplore en outre le manque de respectdes droits de la défense pour les inculpés“ politiques ”, et la tendance constante à criminaliserles délits dont ils sont accusés. Ajoutons que selon plusieurs sources fiables, larépression est plus sévère dans les villages que dansles villes (a fortiori Dili, ouverte aux touristes depuisplusieurs années). Selon un rapport de Yayasan Hakcouvrant la période de janvier à fin juin 1998, “ dansles régions les plus retirées, la situation des droits del'Homme est épouvantable. Tout se passe comme si laréforme avait libéré les militaires pour se comporter àleur guise, sauf à Dili ”. L’un des moyens privilégiés del’armée semble être le “ bouclage ” économique devillages entiers : la production agricole (et enparticulier la production de café, source essentielle derevenus au Timor) est confisquée par l’armée. Cesconfiscations sont moins nombreuses depuis août (etnon depuis juin), mais elles persistent. Selon nosinterlocuteurs, elles sont le plus souvent “ justifiées ”par les militaires comme représailles contre un villageaccusé de soutenir les rebelles, ou d’abriter unsympathisant de la cause indépendantiste. SelonYayasan Hak, les violations des droits de l'Hommecontinuent d’affecter les droits civils et politiques(détentions arbitraires, exécutions extrajudiciaires,restrictions de la liberté d’expression et demanifestation...) tout comme les droits économiques

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et sociaux, par le biais d’expropriations forcées, depillages, d’extorsions de récoltes et des productions,de limitation des droits du travail et du droit à lanégociation collective. Ces violations des droitséconomiques et sociaux ne font qu’aggraver lasituation économique au Timor, déjà chancelante, etqui a en outre subi de plein fouet le contrecoup de lacrise économique que traverse l’Indonésieactuellement : la rareté des produits et la baisse dupouvoir d’achat sont particulièrement éprouvantespour la population civile.

Il est clair qu’une telle détérioration est non seulementde mauvais augure pour l’avenir, notamment quant auxconditions nécessaires à l’instauration d’unecommission d’enquête sur le Timor Oriental, mais elleinflige en outre un démenti cinglant aux propos tenuspar les autorités au sujet de la situation prévalantdans le territoire. On ne peut dans ce contexte guères’étonner de la réticence exprimée par de nombreuxTimorais à l’égard de l’autonomie proposée parDjakarta : Djakarta, Djodjakarta, et la province d’Aceh(cible d’une répression féroce ces derniers mois) sonteux aussi théoriquement autonomes, soulignent-ils -l’autonomie n’est guère qu’un autre nom pourl’intégration à l’Indonésie, répètent-ils. L’impunité quiest de mise pour les auteurs des exactions tend àrenforcer cette suspicion.Des témoignages fiables, concordants et recoupés quela FIDH a pu recueillir, il ressort que les violations desdroits de l'Homme commises à Timor Oriental cesderniers mois consistent essentiellement en :

- la reprise systématique de la pratique desarrestations arbitraires, notamment à la suite desmanifestations lors des visites de la troïka européennefin juin et de Jamsheed Marker, représentant spécialpour le Timor Oriental de Kofi Annan, fin juillet.- les exécutions extrajudiciaires, pour avoir diminué enquantité, sont toujours pratiquées.- des cas de tortures et de mauvais traitementsinfligés aux détenus ; des cas de viols ont égalementété rapportés.- l’absence de procès équitable et le détournementdes droits de la défense.- le harcèlement et l’intimidation systématiques desopposants, défenseurs des droits de l'Homme etfamilles de victimes.

De nombreux cas de violations ont été rapportés à laFIDH pour la période des six mois précédant la chutede Suharto. Dans la mesure néanmoins où c’est lasituation depuis lors qui fait l’objet du présent rapport,nous avons choisi de ne rapporter que les cas ayanteu lieu depuis fin mai/début juin.

Parmi les cas marquants durant cette période, la FIDHa appris de source fiable qu’au moins 50 personnesont été arrêtées à la suite des manifestations lors dela visite de la délégation européenne fin juin 1998 (aucours de laquelle un manifestant, Orlando Marcellino,a été tué, et cinq personnes blessées). Les autoritésavaient laissé les manifestations se dérouler sansencombre : “ Tant que tous les correspondants de lapresse étrangère étaient présents, vous pensez bienqu’il n’était pas question de réprimer - mais une foistout le monde parti, [les militaires] s’en sont donné àcœur joie ”. Dès le départ des représentantsétrangers, les méthodes traditionnelles des forcesarmées pour harceler et intimider la population sontredevenues courantes : raids nocturnes au domiciledes personnes suspectées, arrestations en masse,transferts fréquents d’un centre de détention à unautre durant les premiers jours, de sorte que lesproches des détenus ne parviennent pas à retrouverleur trace. Selon les informations recueillies par laFIDH, ces 50 personnes n’avaient toujours pas étérelâchées en novembre, et les procès de plusieursd’entre-elles (souvent aux motifs d’“ agression ” et“ destruction de biens ”) ont déjà été repoussésplusieurs fois, manifestement par manque detémoins. Plusieurs auraient subi diverses formes demauvais traitements (coups, simulacres d’exécutions,sous-alimentation...). Les punitions collectives sontégalement de mise, puisque plusieurs d’entre ellesauraient été privées de nourriture pendant plusieursjours à la suite de l’évasion de quelques uns desjeunes nouvellement arrêtés. Toutes les informationsfont état de conditions sanitaires et médicalesdésastreuses dans les centres de détention.Les autorités, interrogées à ce sujet, nient que lespersonnes arrêtées soient encore en détention - ellesauraient toutes été relâchées quelques jours aprèsleur arrestation. La FIDH maintient toutes cesinformations et confirme que ces détenus étaient, toutau moins à la fin de l’année 1998, encoreemprisonnés.

Les cas suivants nous ont été rapportés par le biaisde plusieurs organismes fiables ayant un accès directaux victimes ou leurs proches.

Exécutions extrajudiciaires

Le 22 mai 1998, dans le village de Seical, district deBaucau, des membres des Kopassus, des Rajawali etde Saka surveillaient une maison suspectée d’abriterdu matériel pour la résistance. Deux personnesauraient été abattues, apparemment par erreur :Cosme da Silva Ximenes, 27 ans, et FranciscoXimenes Sarmento, 25 ans.

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Le 8 juin 1998, aux environs de Fuat, district deLautem, des membres du groupe paramilitaire Rajawaliauraient abattu Carlos Pinto, 32 ans, originaire duvillage de Caidawa. Il se rendait dans son village encompagnie d’amis lorsque des membres des Rajawalileur auraient coupé la route pour vérifier leurautorisation de passage. Bien qu’étant en possessiond’un laisser-passer fourni par le BTT de Caidawa,Carlos Pinto aurait été abattu, apparemmentsoupçonné de contacts avec la résistance.

Le 16 juin 1998, vers 18 heures, deux membres duBTT 315, en poste autour du village de Obrato, districtde Manatuto, ont abattu Herman dos Dores Soares,21 ans et blessé Olandino Soares, 19 ans, dans leurvoiture en direction de Dili. A la suite desmanifestations rassemblant des milliers de personnesle lendemain, à Dili, le colonel Mudjino, commandantadjoint de la région militaire du Timor Oriental, apubliquemment présenté ses excuses au nom del’armée et indiqué avoir ordonné une enquête sur lesresponsabilités en jeu dans la mort du jeune Soares40.

Le 28 juin, Manuel Marques Soares, 24 ans, aurait étéabattu à Manatuto lors d’un affrontement opposantdes manifestants pour et contre l’intégration. Troispersonnes auraient également été blessées lors del’affrontement : Francisco Antonio Soares, 23 ans,Luis de Carvalho Soares 18 ans, et Candido de C.Soares, 30 ans. Les auteurs des coups de feuappartiendraient aux groupes paramilitaires Alfa, Saka,et Makikit.

Le 29 juin 1998, à 14 heures, un groupe des SGI(unité de renseignements des forces armées) a abattuun jeune homme, Olandino da Costa, et blessé septpersonnes lors d’affrontements au cours desmanifestations à l’occasion de la visite de la troïkaeuropéenne devant la cathédrale de Baucau. Ungroupe paramilitaire, les Gada Paksi, aurait déclenchéles affrontements avec les forces de l’ordre. Lesblessés sont :

- Cesaltino da Costa, 19 ans- Cesario Jose da Costa, 39 ans- Dirce Elizabeth do Rozario, 15 ans- Aldemiro Correia, 30 ans- Maria Imaculada Correia 17 ans- Adelson Ximenes Correia 19 ans- Joao da Costa Ximenes, 20 ans

A la mi-juillet, un membre des SGI aurait abattu JulioMartinez à Leirema devant son domicile. Il étaitaccusé de coopérer avec les rebelles.

L'opération de représailles41, menée en novembre1998 à Alas et trois villages environnants sur la côtesud du Timor oriental, aurait fait plusieurs morts. Lesvictimes seraient entre 11 et 300, selon les sources.Les plus crédibles faisant état d'une cinquantaine demorts ; le gouvernement lui-même, par la voix duconseiller personnel du Président Habibie, reconnaît44 morts et une quarantaine de blessés. A la suite deces violences, le Portugal a suspendu, le 20novembre, ses négociations avec l'Indonésie à l'ONU.Elle ont toutefois repris quelques jours plus tard.

Détentions arbitraires

C’est bien l’explosion du nombre de détentionsarbitraires qui inquiète le plus les mouvements dedéfense des droits de l'Homme. Dans les termes duEast Timor Human Rights Centre, “ la détentionarbitraire reste commune, et ne semble aucunementavoir diminué d’ampleur depuis l’accession de Habibieau pouvoir ”42. Non seulement les détentionsarbitraires n’ont pas cessé, mais tout indique quec’est désormais un des moyens privilégiés des forcesarmées à Timor pour continuer à maintenir, de façonplus discrète, sur la population timoraise une chape deplomb qui empêcherait l’expression de sesrevendications. Selon les informations recueillies parla délégation de la FIDH, les arrestations sont autantle fait de la police que des militaires, qui, selon leCode de procédure pénale, n’en ont pourtant pas ledroit. Elles peuvent également être le fait des groupesparamilitaires.Selon les témoignages recueillis et les organisationslocales de défense des droits de l'Homme, lesarrestations sont indissociables d’une pratiquegénéralisée de la torture. Les méthodes de torture lesplus communes au Timor Oriental consistent en descoups et blessures sur tous les membres du corps,avec ou sans instrument, ongles arrachés ou écrasés,électrocution notamment sur les parties génitales,brûlures, tête plongée dans de l’eau souillée.

Le 22 mai 1998, à 6h15, un groupe des Saka dirigépar le Sergent Joanico aurait arrêté quatre habitantsde Seical dans le district de Baucau, qui auraientensuite été torturés dans la “ maison rouge ”. Cesquatre personnes, trois hommes et une femme, sont :

- Luis Correia, 32 ans- Rudolfo Francisco Ximenes, 28 ans- Edilson Amaral, 26 ans - Zelia Correia, 29 ans.

Le 23 mai 1998, une unité du renseignement desRajawali aurait arrêté sans mandat Jacob Medeira doSantos, à Hurleteho.

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Le 24 mai 1998, vers 2h30 du matin, une unité derenseignement aurait arrêté Angelino Britis, 45 ans, àson domicile.

Le 26 mai 1998, à 7h25, les Rajawali et les Kodimauraient arrêté sept personnes (6 hommes et unefemme) du village d’Ekali, district de Liquica, lessoupçonnant d’activités clandestines. Il s’agit de :

- Carlos Assuncao, 50 ans- Joao dos Santos, 39 ans- Carlos Henrique, 30 ans - Baltazar, 28 ans- Nicolao, 22 ans- Adelio di Silva, 25 ans- Natercia, 15 ans.

Le 10 juillet 1998 à 23 heures, à Balibo, dans ledistrict de Bobonaro, neuf personnes auraient étéarrêtées et détenues pendant 24 heures, pendantlesquelles elles auraient été torturées. Il s’agit de :

- Jose do Santos Silva, 25 ans- Abreu Maia, 24 ans- Serafin Ximenes, 28 ans- Fransisco, 24 ans- Abel da Cruz, 26 ans- Cipriano Domingos Oliveira, 26 ans- Benjamin Bili, 25 ans- Domingos Fernandes, 25 ans- Joao Carvalho, 24 ans

A la même date, dans le village de Holsa, dans ledistrict de Bobonaro, cinq personnes auraient étéarrêtées, interrogées et torturées pendant plus detrois heures, puis, pour quatre d’entre elles,relâchées. Il s’agit de :

- Cornelio Mauxeta- Geronimo Metan- Egas Vicente- Eurico- Americo (qui serait toujours en détention).

Le 11 juillet vers 15 heures, deux jeunes auraient étéarrêtés sur le marché de Becora, district de Dili. Ils’agit de :

- Idelfonco doa Santos, 24 ans- Maubuti, 28 ans.

Le 30 septembre 1998, Marcos Belo, Agapito Belo,Carlos Pinto Belo et Ernesto Amaral Belo auraient étéarrêtés dans le village de Kaisida, à 10 km deBaucau ; ils auraient été soupçonnés de participation

à la résistance. Ils auraient été emmenés au centrerégional de l’armée de l’air à Lanud Baucau, où ilsauraient été torturés. Agapito Belo, Carlos Pinto Beloet Ernesto Amaral Belo auraient été relâchés 12heures après leur arrestation, mais Marcos Belo seraitencore en détention.

B - Aceh

La province d’Aceh a toujours été considérée commerebelle. Lors de la colonisation de l’Indonésie par lesNéerlandais, ces derniers ont rencontré la plus forterésistance dans cette province. La guerre, commencéeen 1873, ne prendra officiellement fin qu’en 1903. En1949, les populations locales commencent à réclamerun statut particulier qui leur permettrait de mettre enplace une administration à forte connotation religieuse.Puis, dès 1953, le mouvement Darul Islam, un groupede leaders musulmans dirigés par Daud Bereuh,participe à une rébellion visant à faire de l’Indonésieune République islamique. La guerre civile se termineofficiellement en 1962. Entre temps, la province d’Aceha obtenu un statut spécial, tout comme Djakarta etDjodjakarta, qu’elle conserve encore aujourd’hui. Lesjavanais ont donné à Aceh le surnom d’“ anti-chambrede la Mecque ”, en raison de son islamisme fort, voire,parfois, radical. Dans un pays où seules cinq religionssont officiellement autorisées, et comptant 80 % demusulmans, Aceh à la réputation de bastion irréductiblede l’islam.

Depuis les années 1970, le Mouvement pourl’indépendance d’Aceh, Gerakan Aceh Merdeka, se batpour une plus large autonomie du territoire et pour unemeilleure répartition des richesses générées parl’exploitation du sous-sol de la zone. Les activités de cemouvement semblent avoir toujours été limitées etsporadiques, et n’ont véritablement émergé qu’à la findes années 1980. Aceh passe alors sous contrôlemilitaire - depuis, les violations des droits humains y ontété massives et systématiques : viols, exécutionssommaires, arrestations arbitraires... La torture (et lapratique du “ scalp ”) a été généralisée tout au long deces années. En 1990, l'armée indonésienne raseplusieurs villages - opération qui à elle seule aurait faitprès de 3 000 morts. Selon le Forum pour les droits del'Homme, plus de 39 000 personnes au total auraientdisparu en Aceh depuis le début des années 1990 ;selon le section d’Aceh de la LBH, au moins 600Acehnaises auraient été violées dans la mêmepériode43. Selon une formule devenue traditionnelle enAceh, les militaires investissent des maisons privées,qu’ils transforment en sorte de “ QG pour la réception,l’interrogation et la détention de prisonniers ”. Certainespièces ont été spécialement aménagées en salles de

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torture, comme a encore pu le vérifier l'organisationKontras après son enquête l'été dernier.

Après la chute de Suharto, en août 1998, le généralWiranto, commandant des forces armées et l’un deshommes forts du régime, a présenté ses excuses à lapopulation acehnaise et annoncé le retrait des troupesindonésiennes du territoire (plusieurs bataillons ont étéeffectivement retirés de la province, à grand renfort depublicité, à la fin du mois d’août). Depuis, uneCommission nationale d’enquête de la Komnas Ham aété mandatée par le gouvernement pour faire le pointsur les exactions commises depuis l’occupation duterritoire, en 1989. La Commission, “ la premièredepuis une décennie d’horreur ”, selon une formule duSydney Morning Herald, a commencé son travaild’enquête à la mi-septembre 1998.Dès le début de ses investigations, la Commissiond’enquête a exhumé plusieurs charniers et confirméqu’il y avait eu des massacres. Au bout de quelquesjours de recherches, la Commission a déjà pu dresserune liste d’au moins 782 personnes tuées, 368 cas detortures, 168 disparus et 102 viols rapportés. Quantaux organisations locales, elles estiment à plusieursmilliers le nombre de personnes entassées dans lescharniers. D’autres s’inquiètent du sort des personnesqui étaient détenues dans des camps militaires avantla venue de la Commission. Aujourd’hui ces campssont vides et les prisonniers n’ont pas réapparu.

Depuis lors, la tension n'a guère baissé, et le retraitde l’armée, tant vanté au cours de l’été dernier, s’estavéré un leurre, comme au Timor Oriental. Nonseulement l'armée maintient sa présence massive enAceh, mais ses offensives contre les séparatistesn’ont pas cessé ; le gouvernement prévoirait mêmed’envoyer des troupes de combat. Au moins 13personnes sont mortes en Aceh depuis le début del’année 1999 ; des cas de torture et de centainesd’arrestations arbitraires ont également été rapportés.

C - Irian Jaya

L’Irian Jaya, partie occidentale de l’île de NouvelleGuinée, est la plus grande province indonésienne. Ellese situe à l’extrême est de l’archipel indonésien. Elleest riche en ressources naturelles (nickel, cuivre, or,pétrole, bois). Les Néerlandais se sont longtempsaccrochés à cette partie du territoire et laconservèrent comme colonie jusqu’en 1962. Elle futofficiellement rattachée à l’Indonésie le 1er mai 1963,après avoir été pendant une année sous tutelle del’ONU. Cette intégration fût entérinée par l’ONU en1969 par un "acte de libre choix" très contesté,puisque seul un millier de personnes choisies parJakarta fut invité à se prononcer au cours de ce

référendum. Les autorités procédèrent à la mêmemascarade pour le Timor Oriental.Depuis les années 1960, l’Organisation de laPapouasie indépendante (OPM) tente de lutter contrel’intégration à l’Indonésie. Pour l’instant, les guerrierspapous de l’OPM ne semblent pas avoir beaucoupralenti la poussée indonésienne. En 1984, devant laviolence de la répression et des militaires indonésiens,de nombreux combattants papous se réfugièrent del’autre côté de la frontière, en Papouasie. Cecientraîna des tensions entre cette dernière etl’Indonésie. N’ayant pas les moyens d’un conflit avecson puissant voisin, et encouragé par l’Australie, laPapouasie exerce des contrôles plus stricts. De fait,les combattants de l’OPM bénéficient depuis de peud’endroits pour se réfugier. L’armée indonésienne adonc mieux contenu les actions sporadiquesauxquelles l’OPM s’en est tenu, jusqu’à la fin desannées 1980. A cette période, des intellectuelspapous ont exprimé publiquement leur hostilité àl’Indonésie dans les grandes villes d’Irian Jaya et àJakarta. L’OPM a alors pris un nouvel essor, mais larépression également. On estime que depuis 1969, larépression est à l’origine de la mort d’au moins43 000 membres de tribus indigènes.

Au début du mois de juillet 1998, des manifestationsen faveur de l’indépendance ont eu lieu dans plusieursvilles d’Irian Jaya. Le 2 juillet à Sorong, unemanifestation aurait dégénéré après que les forces desécurité ont tiré pour disperser la foule ; la répressionaurait fait deux morts, une femme enceinte et unjeune homme, et une petite centaine de blessés. Le 3juillet à l’université de Jayapura, capitale de laprovince, l’armée a tiré sur deux manifestants non-violents. L’un d’eux, un étudiant en droit, a reçu uneballe dans la tête et aurait été conduit à l’hôpital dansun état critique. L’autre personne, une jeune fille, aété blessée au genou, alors qu’elle ne participait pasaux manifestations. Par la suite, elle a été conduite àDjakarta pour être soignée. Au cours de cesévénements, un policier a été battu par desmanifestants et est mort des suites de ses blessures,le 5 juillet. Par ailleurs, selon certaines sources, aumoins 41 personnes auraient été arrêtées lors decette manifestation. Le 6 juillet à Biak, des drapeauxindépendantistes ont été hissés et l’armée estintervenue ; la police a tiré dans la foule pourdisperser la manifestation de 700 indépendantistes,faisant officiellement un mort et 24 blessés - chiffrescontestés : selon des membres de l’OPM rencontréspar la délégation de la FIDH, l’on relèverait 70personnes disparues et une centaine de blessés -,avec des gaz lacrymogènes et des balles encaoutchouc, mais également des balles réelles. Cent

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quatre vingt manifestants ont été arrêtés et conduitsau commissariat. Par la suite, l’armée a affirmé avoirouvert une enquête et identifié 8 soldats susceptiblesd’avoir tiré à balles réelles.

Le 11 juillet, une équipe de la télévision allemande,ARD, menée par le correspondant de la chaîne àSingapour, a annoncé avoir été priée par la police dequitter le territoire indonésien. Les trois journalistesont été entendus par la police pendant six heures ;elle leur reprochait de ne pas posséder de visasspécifiques pour l’Irian Jaya. Les journalistes étrangers

doivent effectivement faire des demandes particulièresauprès du ministère de l’Information pour pouvoirtravailler en Irian Jaya et au Timor oriental.Selon Kontras, au moins 5 personnes ont disparuaprès avoir été enlevées par des membres des forcesarmées, suite à la manifestation de Biak.

Habibie, s’il s’est déclaré prêt à étudier les griefs deshabitants d’Irian Jaya, a pourtant exclu de façon nettetoute forme d’autonomie ou de “ statut spécial ”, pourla province - sans même parler d’indépendance.

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CONCLUSION

DES RÉFORMES QUI SE FONT CRUELLEMENTATTENDRE

L’Indonésie, le géant aux pieds d’argile, a dû faire faceen 1998 à une série de défis inédits dans son histoirerécente : non seulement c’est l’Indonésie qui, de toutela région, a payé le plus lourd tribut à la crisefinancière asiatique, mais cet ébranlement social etéconomique a vu son effet décuplé par la formidablecrise politique qui a mis un terme au règne deSuharto, et par les aspirations démocratiques de lapopulation, dont l’exigence d’ouverture politique et deliberté civile s’est clairement manifestée tout au longdes derniers mois.

Certes, tout processus de transition vers ladémocratie, après plus de 30 ans d’un régimedictatorial, est immanquablement long et complexe.Pour autant, plus de huit mois après la chute deSuharto, il est indéniable que les nouvelles autoritésen poste en Djakarta n’ont pas fait la preuve d’unengagement sincère en faveur des droits de l'Hommeet de réformes politiques véritables. Elles secantonnent au contraire dans un status quo, simpleperpétuation des méthodes excessives (policières,militaires, politiques, juridiques) héritées du régimeSuharto, en elles-mêmes condamnables et qui, encette période de bouleversement et de crise, mènentdirectement à une détérioration de la situation desdroits de l'Homme. Il apparaît ainsi que tous lesprogrès notables au cours de 1998 n’ont pas tant étéle fruit d’une volonté politique forte, mais au contrairela résultante d’une conquête de fait par la sociétécivile ; ainsi en va-t-il des libertés d’expression et demanifestation, notamment. Le gouvernement actuel,manifestement trop faible pour agir selon une volontépolitique autonome, est plus l’objet de pressionsvenant de toutes parts (armée, classes dirigeantes,étudiants, communauté internationale...), et sedétermine davantage en fonction de la pression la plusforte. On assiste même à un durcissement desautorités ces derniers mois, qui constitue unerégression supplémentaire par rapport à l’immobilismedes premiers mois, et qui contribue à faire perdreencore davantage la confiance de la population civileen des changements en profondeur. La loi anti-subversion, instrument essentiel du dispositif répressifmis en place sous Suharto, a repris du service ; ceci,ajouté à la réaction autoritaire du gouvernementquasiment à chaque occasion, contribue à unemultiplication des violations des droits de l'Homme.

En particulier, parmi toutes ces pressions, il ne fautpas sous-estimer le poids des anciens hiérarques durégime Suharto, toujours en place, et surtout, del’armée, qui, en raison de la dwifungsi, dispose d’unpouvoir démesuré au sein de la société indonésienne ;selon les représentants les plus qualifiés de la sociétécivile rencontrés à Jakarta, les problèmes les plusaigus quant à l’établissement d’un pouvoir civilauthentique, et à l’instauration d’une réelledémocratie, tiennent à cette puissancedisproportionnée de l’ABRI. Force est de constater queles pratiques les plus opaques, les plus brutales et lesplus répressives des militaires non seulement n’ontpas disparu, mais n’ont pas même diminué d’ampleur.

Identiquement, l’impunité qui reste de mise pour lesauteurs des exactions et des violations des droits del'Homme est inacceptable et témoigne là encore de larésistance des autorités indonésiennes aux réformespourtant indispensables, et à l’exigence élémentairede vérité et de justice dans un pays qui en acruellement manqué depuis plus de 30 ans.

L’ambiguïté et la duplicité sont donc descaractéristiques marquantes du régime de Habibie, etprévalent notablement s’agissant de la situation auTimor oriental. On ne peut que s’inquiéter de ladétérioration de la situation dans le territoire cesderniers mois, contredisant clairement la volontépolitique officiellement affichée de rétablir le dialogueet d’arriver à une solution négociée quant au futurstatut du territoire. Une fois encore, il semble bien quela manière forte dont les autorités indonésiennes sontcoutumières l’emporte ; les exécutions sommaires etles détentions arbitraires ne sont pas moins courantesau Timor sous Habibie que sous Suharto ; rappelonsen outre que le nombre de troupes stationnées auTimor Oriental a augmenté en juillet 1998 par rapportà novembre 1997, ce qui est évidemment de mauvaisaugure. Faut-il rappeler au gouvernement qu’il n’y aurapas de solution politique sans respect inconditionneldes droits de l'Homme ?

Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que laconfiance envers le gouvernement indonésien ait étélargement entamée par la rémanence decomportements et d’attitudes caractéristiques del’ancien régime. L’attitude du régime avant et pendantles élections prévues en juin 1999 sera décisive. Il estde la plus grande importance que, pour pallier sonabsence de légitimité populaire, le nouveau régimeenvoie des signes forts et univoques tant à la sociétécivile qu’à la communauté internationale témoignantde sa volonté de mettre fin à certaines pratiques,d’une part, et de mettre en route, selon un calendrier

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transparent et respecté, les réformes nécessaires àl’instauration de l’Etat de droit. Le moins que l’onpuisse dire est que ces signes aujourd’hui sontinexistants ou largement insuffisants. Il serait en toutétat de cause particulièrement sinistre qu’à lapaupérisation dramatique de dizaines de millions depersonnes s’ajoute la persistance d’une culture derépression, d’impunité et de corruption, qui n’est pasaujourd’hui suffisamment démentie. Rappelons eneffet que crise économique et crise politique sontliées, et qu’il n’y saurait y avoir de substantiel progrèsdans le domaine économique et social sans réformessubstantielles corrélatives dans le domaine politique.

En conclusion, la FIDH

1. condamne avec la plus grande vigueur les pratiquesrépressives des forces armées, et le recours injustifiéà la force dont elles se rendent régulièrementcoupables,

2. constate le caractère superficiel et ambigu desréformes relatives aux droits de l'Homme depuisl’accession de Habibie au pouvoir,

3. appelle le gouvernement indonésien à ratifier lestextes internationaux relatifs aux droits de l'Homme (etparticulièrement les deux Pactes de 1966) dans lesmeilleurs délais,

4. appelle le gouvernement indonésien à aligner ledroit interne sur les normes internationales en lamatière et à prendre toutes les dispositionslégislatives nécessaires à un respect effectif desdroits de l'Homme,

5. en particulier, demande que soient abrogées dansles plus brefs délais toutes les dispositions de laConstitution et du Code pénal qui, de fait ou de droit,ont permis et permettent encore les pires abus contreles droits de la personne - en premier lieu, la loi anti-subversion et les articles du Code pénal relatifs à ladiffamation dans leur formulation présente.

6. recommande au gouvernement indonésien deprendre toutes les mesures nécessaires à uneréduction du poids de l’armée dans la sociétéindonésienne, notamment l’abolition de la dwifungsi etl’abolition de la justice militaire dont le pouvoir doitêtre transféré à des tribunaux civils, conditionsindispensables à l’établissement de la confiance de lapopulation civile à l’égard des autorités,

7. prend acte des déclarations des autorités relativesà la séparation de la police et de l’armée, et demandequ’une telle division soit réalisée dans les meilleursdélais,

8. prend acte de la volonté affichée du gouvernementde lutter contre l’impunité, tout en notant que cesdéclarations de bonne intention n’ont pour l’instantqu’un effet négligeable au regard de l’enjeu queconstitue l’impunité pour l’avenir du pays.

9. A cet égard, demande la formation de commissionsd’enquête indépendantes, impartiales et dotées deréels pouvoirs d’investigation, d’interrogation et decontrainte, en particulier sur les disparitionsd’activistes politiques et de défenseurs des droits del'Homme, comme sur la situation au Timor Oriental etles violations massives et systématiques dont lerégime indonésien s’est rendu coupable sur leterritoire,

10. prend acte des déclarations, le 27 janvier 1999,du ministre de l’Information et du ministre des Affairesétrangères de “libérer” le Timor oriental “si laproposition de l’Indonésie (...) d’octroyer un statutspécial au Timor oriental est rejetée”, tout en restanttrès prudent dans l’attente de précisions concernantles modalités pratiques d’un éventuel désengagementde l’Indonésie,

11. exige la libération inconditionnelle et immédiate detous les prisonniers politiques détenus dans toutl’archipel et en particulier au Timor Oriental, et aupremier chef Xanana Gusmao.

12. appelle le gouvernement à fournir un libre accèsaux observateurs étrangers des droits de l'Homme auTimor Oriental,

13. demande l’inclusion de représentants timoraisdans les négociations relatives au statut de Timor.

14. engage l’ONU à faire respecter toutes lesrésolutions relatives à la situation du Timor Oriental, eten particulier celles de la Commission des droits del'Homme 1993/97 du 11 mars 1993 et 1997/63 du16 avril 1997.

Paris, Manille, Février 1999.

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Notes :

1 Dictionnaire de géopolitique, sous la direction d'Yves Lacoste. Edition Flammarion, novembre 1993.

2 Le Pancasila, fondement philosophique et moral de l’Etat indonésien, repose sur cinq principes constitutionnels : (i) nationalisme, (ii) internationalisme ethumanitarisme, (iii) démocratie, (iv) prospérité et justice sociale, (v) croyance en un seul Dieu.

3 Cf. les télégrammes de l’ambassadeur australien à Djakarta, M. Woolcot, rendus publics en Australie, et le compte-rendu d’une réunion de M. Kissinger avecses collaborateurs du département d’État, le 18 décembre 1975, rendu public dans The Nation, New York.

4 Françoise Cayrac-Blanchard, Préparatifs de succesion en Indonésie, Les Etudes du CERI, 1997.

5 Le nombre de prisonniers politiques libérés varient selon les sources ; l’estimation la plus fiable porte le total à 120, dont 80 à la suite de l’amnistie accordéeen mai ; entre 200 et 300 au moins seraient encore incarcérés.

6 Qui totalisait selon les données fournies par le SBSI plus de 150.000 membres en avril 1998.

7 A Djakarta, métropole de 10 millions d'habitants, le nombre de pauvres a été multiplié par trois et près de la moitié de la population de l'archipel, selon lesorganisations internationales, vit actuellement sous le seuil de pauvreté, ce qui correspond au taux de 1976. Peu de temps après son arrivée au pouvoir, lePrésident Habibie avait déclaré, le plus sérieusement du monde, que la population devait jeûner un jour par semaine pour faire face aux conséquences de cettecrise financière, et ne pas obliger le gouvernemement à importer du riz supplémentaire. Selon le National Planning and Development Board, le nombre d'enfantssortis de l'école primaire s'élève à 2,8 millions (contre 1,2 million avant la crise) à la mi-1998, et pourrait grimper jusqu'à 8 millions en 1999. Le pourcentagede collégiens est, dans le même temps, tombé de 78% à 58% de la population des 12-15 ans. Parallèlement, le travail des enfants a augmenté dans desproportions similaires.

8 Président du Golkar et secrétaire d'Etat.

9 A l’époque Chef des Affaires Politiques dans l’ABRI, aujourd’hui ministre de l’Intérieur.

10 Au total, durant le mois de novembre, et pour la seule ville de Djakarta, plus de 30 personnes ont été tuées.

11 Le Gal Prabowo est largement tenu responsable de la violence de la fin du règne de Suharto, dont il est le gendre.

12 Entretemps, neuf ont été "retrouvés", un a été découvert mort, et l'on reste sans nouvelles des 13 autres.

13 Déclaration publiée par le quotidien Media Indonesia, 24.11.1998.

14 Par ailleurs, le président Habibie vient de signer un décret présidentiel interdisant aux fonctionnaires d’être membres ou responsables de partis politiques -sous le règne de Suharto, les fonctionnaires étaient obligés de voter pour le Golkar.

15 Ces “ disparus ” sont ceux-là mêmes dont la disparition est à l’origine de l’inculpation de Prabowo, et de onze membres des Kopassus.

16 Discours télévisé du 5 janvier 1999, cité par Reuters.

17 A laquelle les cinq membres du gouvernement et le Procureur Général, à qui le rapport devait être officiellement remis, n’ont pas assisté, contrairement à cequi était prévu.

18 Le terme de “ Chinois ” fréquemment utilisé est en effet abusif : la très grande majorité des membres de ce groupe sont en effet de nationalitéindonésienne, d’origine chinoise.

19 En août 1998, un juge administratif de Djakarta a en effet condamné le gouvernement pour avoir interdit une formation politique, le PRD.

20 D’où parfois des situations pour le moins étranges : la mère d’une victime de violation des droits de l'Homme nous a expliqué avoir eu un grand dilemme lorsdu procès de son fils : étant donné ses ressources limitées, fallait-il opter pour les honoraires d’un avocat, ou pour le “ paiement ” du juge ? Elle a finalementopté pour le juge. “ Je savais que mon fils n’allait du coup pas pouvoir être vraiment défendu ; mais je me disais que de toute façon cela serait rattrapé par lejuge, que j’avais payé ”, nous a-t-elle dit.

21 Ces deux institutions ont elles-mêmes été sévèrement critiquées pour avoir soutenu indéfectiblement le régime de Suharto, sans imposer de conditionnaliténi politique, ni même, selon leur propre perspective, économique ou financière - alors même que le manque de transparence, la faiblesse du système bancaireindonésien, le népotisme et la corruption du système économique étaient déjà connus. Le FMI et la BM ont ainsi été accusés d'avoir provoqué ou précipité latourmente économique dans laquelle le pays fut précipité. Cf. K. Richburg, "World Bank chief gets civic lesson in Jakarta", International Herald Tribune,05 janvier 1998.

22 Communiqué du procureur général en date du 7 décembre 1998.

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23 n° du 28 juillet 1997.

24 Il s’agit de Tunky Ariwibowo, ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, et Mohamad “ Bob ” Hasan, également ancien ministre du Commerce et del’Industrie sous le premier gouvernement Suharto et homme d’affaires, proche de l’ex-Président.

25 Cité par l’AFP, dépêche du 9 décembre 1998.

26 Texte signé remis à la presse le 3 décembre 1998, rapporté par l’AFP.

27 Cité par M. Richardson et P. Segal, “ Suharto’s wealth may all be legal ”, International Herald Tribune, 21 septembre 1998.

28 Cf l’article de Détektiv & Romantica, dans Courrier international du 27 août au 2 septembre 1998. Certains réclament la création de nouvelles provinces,auxquelles serait garantie une large autonomie, afin d'oeuvrer directement au développement local. Ainsi en va-t-il de Yusril Mahendra, directeur d'un nouveauparti politique musulman, le Partai Bulan Bintang, qui préconise la division de l'Indonésie en 40 provinces, "ce qui acccélèrerait le développement et simplifieraitle gouvernement".

29 L'Indonésie est en outre le plus grand exportateur de gaz naturel liquide (GPL) du monde, avec une capacité annuelle de près de 30 millions de tonnes, soit40% du commerce mondial.

30 Le directeur général pour l’autonomie régionale auprès du ministère de l’Intérieur, Ryaas Rasyid, a ainsi calculé que si la province de Riau ne percevait que10% des bénéfices tirés de la vente du pétrole extrait de son sol, elle recevrait trois fois plus qu’elle ne le fait à l’heure actuelle de la part de Djakarta. Cité parJ. McBeth et M. Cohen, “ Loosening the bond ”, Far Eastern Economic Review, 21 janvier 1999.

31 Cité par J. McBeth et M. Cohen, “ Loosening the bond ”, Far Eastern Economic Review, 21 janvier 1999.

32 Cf. à ce sujet L. Lopez, R. Pura et M. Y. Chen, "Hand in glove - How Suharto's circle did well together with Freeport", Asian Wall Street Journal, 30 septembre1998.

33 Entre autres, les experts estiment que Freeport largue jusqu’à 285.000 tonnes de déchets potentiellement toxiques dans les rivières locales chaque jour, cequi détruirait au minimum 130 km² de forêt vierge.

34 Selon le rapport de Oilwatch (Les voix de la Résistance - l'exploitation pétrolière dans les pays tropicaux, 1997), 11 contrats se rapportant à la zone A(couvrant une surface de 34.970 km², partagée par l'Indonésie et l'Australie) furent signés en 1991 par les compagnies pétrolières suivantes : Petroz, Marathon,Philips, Woodside, BHP Petroleum, Impex Shell, Sagasco Enterprise, Santas, Korea Petroleum, Pontoon, Emet, Oryx, Hardy Bridge et Nippon Oil. La zone B estadministrée par l'Australie et l'Indonésie percevra 16% des bénéfices de l'exploitation pétrolière. La zone C est exclusivement indonésienne et seulement 10%des bénéfices devront être versés à l'entrepreneur. Texaco et Chevron, réunis en joint-venture sous le nom de PT. Amoseas Indonesia, avaient en 1997 exploréhuit sites.

35 Cf. G. Defert, Timor Est, le génocide oublié, Paris, L’Harmattan, 1992.

36 La section portugaise de la Commission Internationale des Juristes a entamé en janvier 1999 des démarches juridiques en vue de l’ouverture d’une enquêtejudiciaire à l’encontre de Suharto et de son extradition pour les atrocités commises au Timor Oriental durant son règne. Selon la présidente de la section de laCIJ, Antonio Maria Pereira, “ dans la mesure où le Timor Oriental est légalement sous administration portugaise, un crime commis sur son sol est équivalent àun crime commis au Portugal, ce qui facilite théoriquement la demande d’extradition ”.

37 Résolution 3485 du 22 décembre 1975.

38 Cité par une dépêche de la BBC on line - World Service, 12 janvier 1999.

39 Communiqué du 14 août 1998, publié par l’ambassade d’Indonésie en Belgique et Luxembourg.

40 Cf. C. Shiner, “ Marchers protest killing in E. Timor ”, Washington Post, 18 janvier 1998.

41 La résistance avait attaqué un poste militaire autour des 16-17 novembre et enlevé 13 soldats, alors que deux militaires trouvaient la mort. Par la suite, lemouvement de résistance a libéré 11 de ses prisonniers. De bonne source, on apprend que les deux militaires toujours détenus devraient être libérés trèsprochainement.

42 “ East Timorese political prisoners - progress report ”, rapport publié le 15 octobre 1998.

43 Les informations sur la situation à Aceh ont toujours été difficiles à obtenir, du fait du statut militaire de la région et des menaces de représailles que faisaitpeser l'armée sur les familles de victimes si elles venaient à parler.

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Annexe 1Liste des personnes rencontrées

La FIDH a rencontré à Djakarta les autorités suivantes :

M. Ali Alatas, ministre des Affaires ÉtrangèresM. Muladi, ministre de la JusticeGal. Syarwan Hamid, ministre de l’IntérieurM. Aïsha Amini, Président de la première commission du Parlement, chargée des affaires internationales ; et lesmembres de la commission.M. Dino Patti Djala, directeur de la section décolonisation au ministère des Affaires étrangères.Gal Suyono, secrétaire général du ministère de la Défense.Gal Roesmanhadi, Chef de la Police nationale.M. Andi Ghalib, procureur général.

Parmi les représentants de la société civile, la FIDH a ainsi rencontré en particulier :

M. Marzuki Darusman, secrétaire général de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH - KomnasHAM).M. Asmara Nababan, responsable de l’Éducation et de l’information sur les droits de l'Homme de la CNDH.M. Clementino Dos Reis Amaral, responsable du Timor Oriental à la CNDH.M. Abdurrahman Wahid, Président de la Nahdlatul Ulama (NU), premier mouvement musulman du pays.M. Amien Raïs, secrétaire général de la Muhammadiyah, deuxième mouvement musulman d’Indonésie.M. Xavier do Amaral, Président du gouvernement timorais au moment de l’invasion indonésienne en 1975.M. Adnan Buyung Nasution, avocat.M. Tri Agus Siswawihardjo, attaché de presse de Solidamor, ONG spécialisée sur le Timor Oriental.M. Fernando de Araujo, secrétaire général du Renetil, groupe d’opposition timorais.M. HJC Princen, directeur de l’Institut pour la défense des droits de l'Homme. M. Bambang Widjoyanto, directeur de la Legal Aid Foundation (LBH), principale ONG nationale de défense desdroits de l'Homme.M. Munir, Vice-président de la LBH, et coordinateur de Kontras, ONG spécialisée sur les disparitions.M. Dadang Trisasongko, avocat au sein de la LBH.M. Hendardi, directeur exécutif de la Indonesian Legal Aid and Human Rights Association (PBHI).Mlle. Agung Putri, membre de Elsam, ONG spécialisée sur le Timor Oriental. M. Leffygus Malau, secrétaire exécutif du Solidarity Forum of the People of East Timor.M. Cass Evert, membre du département de l’information de PIJAR, ONG spécialisée sur la liberté d’expression.M. Aniceto Guterres Lopez, secrétaire général de Yayasan Hak, principale organisation de défense des droits del'Homme au Timor Oriental. Mme. Ratna Sarumpaet, actrice, coordinatrice du Forum pour la Démocratie.M. Pius Lustrilanang, secrétaire général de Siaga (coalition soutenant la candidature d’Amien Rais et MegawatiSukarnoputri) et premier “ disparu ” à avoir pris publiquement la parole, avant la chute de Suharto.M. Bambang Wisuto, journaliste politique de Kompas, membre de l’AJI, association indépendante de journalistes.M. Mariadi, membre de l’AJI.M. Goenawan Muhamad, rédacteur en chef de Tempo.M. Ferry Santoso, membre de l’AJI et de la LBH.M. Harjono, professeur de droit à l’université Surabaya.

Les membres de la délégation ont également rencontré des victimes de violations de droits de l'Homme,originaires du Timor Oriental, d’Irian Jaya, de Java.

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Annexe 2Carte de l’Indonésie

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