Livre Blanc EAD FOAD by Françoise Demaizière

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EAD – F(O)AD - Quelques repères Françoise Demaizière - Université Paris 7 Mars 2007 Historique Trois grandes étapes sont classiquement distinguées : l'enseignement par correspondance ; l'université ouverte des années 1970 ; l'époque des formations ouvertes, hybrides, de la FOAD (formation ouverte à distance) au cours de laquelle l'EAD rencontre les TIC. Pour les dernières années, on parlera de la vague e-learning, e-formation… puis de celle des plates-formes, des campus numériques, des espaces numériques de travail, des cartables numériques et des bureaux virtuels. Vous trouverez un résumé de l'historique de la FAD dans les ouvrages de 2002 de J. Perriault et V. Glikman indiqués dans les références. Quelques comparaisons utiles G. Jacquinot (1993, mais l'article reste pertinent) proposait les comparaisons suivantes : En 1940, le maître invisible. Elèves et enseignants ont quitté leur établissement et sont dispersés sur le territoire. On crée l'organisme ancêtre du Cned pour permettre de continuer à fournir le service d'enseignement. Dans les années 1970-1980, démarre l'aventure pionnière de l'université ouverte britannique, la fameuse OU (Open University). On voit alors des publicités qui poussent à consommer la formation à distance, à l'inscrire sur une liste d'achats, c'est le Prisunic culturel. Dans les années 1990, on arrive au campus portatif. FAD ou FOAD ? On parle de plus en plus de FOAD là où on parlait de FAD auparavant. La différence n'est pas toujours aisée à faire, une évolution vers un affaiblissement de l'interprétation originelle similaire à celle du terme "autoformation" (cf. ci-dessous). Quelles traditions retrouve-t-on dans la F(O)AD d'aujourd'hui ? Dans l'univers de la F(O) AD, d'aujourd'hui, on voit se côtoyer des spécialistes et des traditions issus d'univers qui étaient pendant

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EAD – F(O)AD - Quelques repèresFrançoise Demaizière - Université Paris 7

Mars 2007

Historique

Trois grandes étapes sont classiquement distinguées :

l'enseignement par correspondance ;

l'université ouverte des années 1970 ;

l'époque des formations ouvertes, hybrides, de la FOAD (formation ouverte à distance) au cours de laquelle l'EAD rencontre les TIC.

Pour les dernières années, on parlera de la vague e-learning, e-formation… puis de celle des plates-formes, des campus numériques, des espaces numériques de travail, des cartables numériques et des bureaux virtuels.

Vous trouverez un résumé de l'historique de la FAD dans les ouvrages de 2002 de J. Perriault et V. Glikman indiqués dans les références.

Quelques comparaisons utiles

G. Jacquinot (1993, mais l'article reste pertinent) proposait les comparaisons suivantes :

En 1940, le maître invisible. Elèves et enseignants ont quitté leur établissement et sont dispersés sur le territoire. On crée l'organisme ancêtre du Cned pour permettre de continuer à fournir le service d'enseignement.

Dans les années 1970-1980, démarre l'aventure pionnière de l'université ouverte britannique, la fameuse OU (Open University). On voit alors des publicités qui poussent à consommer la formation à distance, à l'inscrire sur une liste d'achats, c'est le Prisunic culturel.

Dans les années 1990, on arrive au campus portatif.

FAD ou FOAD ?

On parle de plus en plus de FOAD là où on parlait de FAD auparavant. La différence n'est pas toujours aisée à faire, une évolution vers un affaiblissement de l'interprétation originelle similaire à celle du terme "autoformation" (cf. ci-dessous).

Quelles traditions retrouve-t-on dans la F(O)AD d'aujourd'hui ?

Dans l'univers de la F(O) AD, d'aujourd'hui, on voit se côtoyer des spécialistes et des traditions issus d'univers qui étaient pendant longtemps restés distincts : milieux de l'EAO, de l'audiovisuel, de l'enseignement à distance (version enseignement par correspondance), du cédérom éducatif…

Des habitudes et des références différentes se retrouvent donc aujourd'hui sur un même terrain. On peut parfois percevoir l'influence de ces traditions distinctes. Par exemple, le spécialiste du polycopié de cours par correspondance pourra aisément ne pas avoir le même souci d'ergonomie, d'interactivité, d'attractivité que l'ancien concepteur de cédéroms, lesquels étaient mis en valeur d'abord au nom de ces critères.

Un net changement de perspective

On a eu d'abord une vision "palliative" (cf. Marot et Darnige, 1996) : il y avait distance parce que la présence était impossible. Maintenant, au contraire, la distance est souvent présentée comme

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positive : meilleure adaptation, accès plus facile, plus de flexibilité (réduction des coûts également, bien évidemment, mais c'était déjà le cas dès le moment des premiers EAO).

On passe d'une distance subie à une distance choisie.

Quelle terminologie ?

Télé-enseignement (avec tiret) : terme qui évoque la télé-université de Québec, par exemple, connoté comme un peu "ancien".

EAD-FAD : la fin des années 1980, les années 1990.

FOAD : plus récent, souvent simple équivalent "actualisé" de FAD.

Définition du collectif de Chasseneuil (2000) :

"Une Formation Ouverte et A Distance :

est un dispositif organisé, finalisé, reconnu comme tel par les acteurs ;

qui prend en compte la singularité des personnes dans leurs dimensions individuelle et collective ;

et repose sur des situations d'apprentissage complémentaires et plurielles en termes de temps, de lieux, de médiations pédagogiques humaines et technologiques, et de ressources."

Téléformation : "une FAD diffusée de manière interactive ou non par les moyens de communication électroniques" (Marot et Darnige, 1996, pp. 10-11). Un terme qui ne semble pas vraiment avoir "pris" en dehors de quelques lieux où la tradition de la FAD est ancienne (à l'Afpa par exemple on parle de téléformateurs, au Cueep, autre organisme important, on parle de plate-forme de téléformation).

E-formation : "Deux acceptions plus ou moins larges sont possibles. La première désigne un concept de formation dans lequel la technologie (e pour électronique) s'instille dans tous les pans de l'activité formation. La seconde plus restrictive désigne comme e-formation tout processus ou toute organisation de formation utilisant les technologies du Web." (P. Gil, 2000, p. 174)

Une remarque critique sur les évolutions terminologiques.

"En abandonnant le trait d'union entre télé et formation, la téléformation a sémantiquement évacué en priorité une certaine diversité de la distance pour entrer dans l'optique : moyen d'agir à distance." (M. Bernard, 1999, p. 41)

Présentiel, non-présentiel et distantiel

Toute FAD relève, a priori, du non-présentiel. Par contre on constatera que tout non-présentiel n'est pas forcément de la FAD ou du e-learning. On pensera aux dispositifs basés sur un travail individuel en centre de ressources, par exemple, pour lesquels il semble manquer un élément de terminologie et de référence. On parle parfois de "distance de proximité". De même un apprentissage à partir de logiciels installés sur le poste de travail est-il ou non de la FAD ?

On remarque que, à partir du contraste entre présentiel et à distance, un néologisme s'est créé : le distantiel

Quelles distances ?

Il n'y a pas que la distance géographique, spatiale. Il faut également prendre en compte la distance temporelle, qui est fondamentale (temps de retour des copies corrigées dans l'enseignement par correspondance). C'est cette distance temporelle qui est la plus notablement réduite grâce aux TIC.

A envisager aussi les distances : psychologique, sociale, culturelle, cognitive, interpersonnelle…

Actuellement on parle beaucoup de la "distance transactionnelle" pour parler des "facteurs pouvant contribuer à l'écart perceptuel / communicationnel entre l'enseignant et l'apprenant" (Paul Bouchard, dans S. Alava, 2000, p. 69).

"Dans le contexte actuel, le concept de "distance éducative" est en fait un paradigme riche et multiforme." (A. Jézégou, 1998, p. 163)1

Des copies annotées à des dispositifs complexes

1 Vous trouverez un résumé des différentes distances dans l'article de Pascal Marquet et Elke Nissen publié dans la revue Alsic (http://alsic.u-strasbg.fr/Num11/marquet/alsic_n11-rec1.htm) en décembre 2003.

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Enseignement par correspondance : copies annotées. Un échange asynchrone avec temps de réaction long, une seule forme de messages pour chaque partenaire (la copie ; les annotations et la note).

Aujourd'hui, avec la F(O)AD, les plates-formes… des dispositifs complexes : échanges synchrones ou asynchrones à retour rapide, tutorat, échange entre pairs apprenants, variété des échanges.

Une "redimensionnalisation de l'apprentissage" (B. Vanhille, 1995).

Mise en ligne et FAD

Suffit-il de "mettre en ligne" des (notes de) cours, des informations pour faire de la FAD ? Ne pas confondre un dispositif de formation, avec son ingénierie spécifique, et une mise à disposition à distance, en ligne, d'information (toujours distinguer "information" et "formation").

Que peut signifier "mettre en ligne", "mettre à distance" un cours ou une formation ?

Un point de vue sur la mise à distance en formation

"La mise à distance en formation est une démarche qui :

. prend en considération la distance et sa pluralité en référence à l'axe des situations et à celui des significations.

. recourt aux possibilités de la technologie, à la diversité des médias pour la formation en fonction des demandes, des contextes, des situations et des enjeux : une formation où la distance est traitée "à", "par" et "pour".

Cette démarche à la fois processus, procédure, procédé, concerne la formation comme vision, visée, activités, parcours, dispositifs et praxis.

La mise à distance en formation s'inscrit dans la trajectance de la personne. Au-delà et à travers la diversité des types de formation, la visée est l'œuvre de formation, c'est-à-dire une formation à la formation.

En référence à cette définition, la distance est dans la formation et en formation. Et, la distance en formation est alors traitée, et cela est primordial, "à", "par" et "pour".

A l'opposé de la "formation sans distance", il y a donc prise en considération de la distance assumée dans sa pluralité et sa complexité." (M. Bernard, 1999)

Formations ouvertes et FAD

Toute FAD n'est pas une FOAD.

"Est-il pertinent de qualifier la formation "à distance" de formation "ouverte" ? Tout d'abord, on peut insister sur l'accessibilité, en considérant comme "ouverte", une formation qui n'impose à l'entrée aucune condition préalable à ceux qui désirent s'y engager. Ensuite, on peut mettre l'accent sur les dispositifs techniques qui permettent d'affranchir les apprentissages des contraintes de temps et de lieux. On peut, enfin, attirer l'attention sur la qualité de l'infrastructure et la logistique pédagogique qui entourent l'apprenant placé en situation d'apprentissage autonome à distance. Mais, en avançant de tels arguments, on se détourne du principe fondamental du concept de formations ouvertes, à savoir : les possibilités offertes à l'apprenant dans le choix et la négociation des différents aspects de sa formation.

En conséquence, le qualificatif "ouvert", juxtaposé à celui de "distance", ne peut trouver sa raison d'être que dans la mesure où les modes d'organisation pédagogique permettent à l'individu de devenir "acteur" de sa formation.

La question du degré d'ouverture, et donc de liberté, accordé par l'institution de formation à distance à travers son fonctionnement et son organisation pédagogique, se situe au centre des enjeux de l'ingénierie des dispositifs de formations individualisées à distance." (A. Jézégou, 1998)

Le point de vue de la "mise à distance en formation"

"Par rapport à la FAD, il ne s'agit pas de vaincre la distance ou de l'apprivoiser mais de la reconnaître pleinement dans sa pluralité, dans la démarche de formation. A la différence des formations ouvertes, il ne s'agit pas d'abord, et trop souvent seulement, de modalités, de règles, de procédures, de critères

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(bien que cela soit, bien sûr, à prendre en considération) mais d'abord de conception, de vision, de visée." (M. Bernard, 1999)

Diversité de la FAD

La FAD est et peut être déclinée sous bien des formes. On évoquera ci-dessous quelques cas de figure ou oppositions qui le montrent.

FAD en groupe

Les contacts se font alors uniquement avec des groupes d'apprenants : visioconférence en groupe par exemple. On reste dans le schéma du cours magistral traditionnel dans certains cas. En langues on peut ainsi, par exemple, organiser des contacts avec des personnalités d'un pays dont on étudie la langue : un journaliste de télévision viendra se prêter à un contact avec des étudiants étrangers qui auront préparé cette rencontre avec leur enseignant.

Il peut également y avoir un regroupement temporel des apprenants qui viennent tous travailler à un horaire fixe mais dans des lieux éloignés les uns des autres et qui ont des contacts individuels à distance pendant la séance. Un enseignant peut ainsi intervenir sur le poste de travail de tel ou tel apprenant qui a besoin de remarques par le biais d'un écran partagé. L'échange peut aussi se faire entre apprenants. Certaine plates-formes permettent à des sous-groupes d'apprenants distants de passer un moment dans un espace particulier où ils construisent une réalisation ou essaient de préparer une réponse à un problème posé. Leur proposition est ensuite présentée au groupe et soumise à discussion. (Des expériences de ce type ont lieu actuellement à l'Open University pour les langues.)

FAD en individuel

L'apprenant travaille individuellement et entre en contact avec le ou les formateurs, tuteurs… par courrier électronique, visioconférence, téléphone… On rencontre parfois une FAD avec cours particuliers à distance en visioconférence, en particulier en langues. On voit que l'adaptation pour passer du présentiel ou du cours particulier par téléphone à la distance n'est pas aussi grande que dans beaucoup d'autres cas de figure.

(Re)constitution d'une communauté d'apprenants

Les chercheurs s'intéressent beaucoup à cette notion de communautés d'apprenants aujourd'hui en conformité avec l'insistance actuelle sur le socio-constructivisme et l'importance des échanges entre pairs apprenants. La communauté peut se construire entièrement à distance sans que les participants se rencontrent jamais en face à face (courrier électronique, forums, visioconférences individuelles…). On peut également créer cette communauté et l'aider à vivre en organisant des regroupements avant ou pendant la formation.

On observera attentivement comment interviennent (ou non) les formateurs ou animateurs.

Des projets de recherche pilotes ont vu le jour autour de cette problématique récemment.

Les formations hybrides, mixtes ou bimodales

Elles combinent le présentiel et la distance : visioconférence, consultation à distance de cours ou documents divers en ligne, échanges de courriels avec des tuteurs intégrés officiellement dans le temps de formation, forums d'échange… Ces formations semblent souvent mises en avant comme permettant de dépasser certaines des difficultés du "tout à distance" grâce aux occasions qu'elles donnent de rencontres entre membres du groupe et enseignants ou tuteurs. Certains usages évoqués lors de la séance précédente relèvent de cette catégorie (Cultura par exemple).

Contact personnel en face à face

Toute FAD pose le problème du contact personnel en face à face. Certains considèrent que ce contact est essentiel. Ils défendront donc des formes de formations hybrides. Il faudra alors décider si ce contact doit avoir lieu avant ou pendant la formation, avec quelle fréquence, suivant quelles modalités (cours, tutorat…). Pour d'autres, il est parfaitement possible de faire fonctionner un groupe d'apprenants ou une FAD sans que les participants se rencontrent jamais. La question reste ouverte… On se rappellera que dans certains cas on n'a pas le choix, les participants ne peuvent se rencontrer alors que, dans d'autres, s'il est facile d'organiser quelques rencontres facilitatrices on aurait peut-être tort de s'en priver… On notera qu'un certain nombre de FAD proposent aux participants de remplir une fiche individuelle dans laquelle ils déposent leur photo, écrivent un texte les décrivant…

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Le présentiel amélioré, avec utilisation des TIC pour communiquer

Ce terme est emprunté au rapport Compétice qui liste cinq scénarios d'utilisation des TIC permettant d'aller vers la FAD. Il ne s'agit pas à proprement parler de FAD ni de formation hybride puisque le temps de présentiel n'est pas diminué par rapport au système antérieur. Les TIC sont utilisées pour compléter le "cours" et augmenter les occasions de contact. Entre les séances de groupe les apprenants ont des tâches à accomplir pour lesquelles ils utilisent le courrier électronique, un forum installé sur une plate-forme, un bloc-note (blog). On peut leur demander de travailler en sous-groupes…

Le formateur dépose sur la plate-forme des documents qui reprennent ce qui a été fait en groupe ou préparent la séance suivante, les apprenants peuvent les consulter, échanger entre eux entre les séances de groupe.

Importance des plates-formes aujourd'hui

Les plates-formes sont des logiciels conçus pour accueillir et gérer des FAD. Elles permettent de gérer, sur un seul support, les différents outils ou espaces d'une FAD ainsi que les interventions des différents participants (apprenants, tuteurs, animateurs…);

Les ressources sont en ligne sur la plate-forme. Les apprenants les utilisent comme support de leur travail à distance et participent à un ou plusieurs forums : un forum par chapitre ou activité, un forum général sur l’organisation du parcours de travail ou les problèmes de gestion, un forum de type "café" réservé aux apprenants, par exemple. Certaines plates-formes prévoient des facilités pour des rencontres synchrones entre apprenants ou avec des enseignants, il existe même aujourd'hui des possibilités de rencontres avec échanges audio et plus seulement écrits (à l'Open University en particulier, voir le récent numéro du FDFLM).

Quels supports ?

A côté des plates-formes et à l'autre extrême si l'on peut dire, il faut mentionner que l'on évoque aujourd'hui des mises en œuvre de formations à distance par le biais des téléphones portables des apprenants. On entend également beaucoup parler depuis quelques mois de la baladodiffusion (podcasting), qui permet de recevoir, automatiquement parfois, des enregistrements sonores sur son ordinateur par le biais d'Internet ou des blocs-notes (cybercarnets, jouebs… - blogs)2 et des wikis3. Tout cela ne doit pas faire oublier qu'une partie importante de la formation à distance continue de passer par des envois postaux (y compris envoi de cédéroms).

Quelle pédagogie, quelles méthodologies ?

On peut tout trouver en FAD, aussi bien un cours magistral, expositif, transmis en visioconférence, qu'un dispositif de type autoformation guidée ou une pédagogie de projet par travail collaboratif entre apprenants distants.

Il convient de s'interroger sur la nature des ressources proposées afin de bien contraster, d'une part, des cours, qui sont en fait des formes de polycopiés ou bien des séries de diapositives mises en ligne après avoir été présentées pour illustrer un cours avec, d'autre part, des scénarios plus élaborés, préparés pour susciter l'activité des apprenants à distance et impliquant des échanges fournis synchrones ou asynchrones avec intervention à distance d'un formateur (voir les simulations globales, Cultura….).

On n'oubliera pas les apports des didacticiels classiques sinon traditionnels, des produits ludo-éducatifs, des hypertextes et de la navigation sur la Toile, qui peuvent s'intégrer dans des scénarios de FAD.

On s'interrogera également sur les métaphores proposées à l'apprenant, sur le rôle qui lui est suggéré : reste-t-il un "élève" écoutant la parole du "maître" ou s'engage-t-il dans des démarches qui lui donnent plus d'autonomie et d'initiative ?

Enthousiasme et analyses critiques

2 Voir le dossier de Franc-parler à http://www.francparler.org/dossiers/blogs.htm ou le carnaval des blogues en éducation à http://www.openfing.org/educarnaval/index.php ; ou bien le répertoire des blogs éducatifs du Café pédagogique : http://www.cafe-leblog.net/index.php?2005/11/02/25-petit-repertoire-des-blogs-educatifs#c13 ou encore la partie du site Flenet sur ce point : http://flenet.rediris.es/blog/carnetweb.html3 L'exemple le plus connu est Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil. Vous y trouverez une définition du wiki à : http://fr.wikipedia.org/wiki/Wiki

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On peut relever des manifestations d'enthousiasme peut-être excessives de certains.

J. Perriault (1996, p. 234) parle d'un "attrait pour l'image et l'interactivité dans les vidéoconférences" et du "cumul du direct et de l'interaction qui plait". Il ajoute (p. 235) "les pédagogues cèderont bientôt la place aux artistes et aux créateurs pour la transmission médiatique des contenus éducatifs".

Voici une autre citation, plus récente et "réaliste" du même J. Perriault (2002, p. 93). "Dès qu'Internet fonctionna correctement, de toutes parts des gens s'exclamèrent qu'il n'y avait rien de mieux qu'Internet pour apprendre – ce que jamais les professionnels de la formation à distance n'ont estimé et que personne n'avait alors vérifié. (…) Le générateur d'utopie fonctionna à plein rendement sur ce schéma simple".

Pour ce qui est des critiques, certains soulignent le retour à des méthodes expositives ou l'instauration d'une formation à deux vitesses (cas de certaines universités américaines avec deux "tarifs" : tarif plein avec cours en présentiel, accès au campus…, tarif réduit pour les inscrits en FAD).

Ailleurs on critique la réduction des interventions des professionnels de la formation. : "tendance à industrialiser la formation et à ne faire appel à l'enseignant que pour sa compétence disciplinaire ou au mieux didactique (…). Les tuteurs, les clubs d'étudiants, les webmasters sont alors là pour assurer la fonction pédagogique" (Séraphin Alava, 2000).

Des critiques aussi sur des approches qui semblent aller à l'encontre de la proclamation générale d'autonomie de l'apprenant grâce à la FAD : "L'observation nous suggère cependant que la programmation stricte des contenus en milieu télématique est devenue un réflexe si répandu qu'il est presque impossible d'entretenir sérieusement la notion d'autonomie accrue pour l'apprenant" (Paul Bouchard, 2000).

France Henri (1995) soulignait déjà deux tendances : "un moyen de délocaliser sans fracas - une sorte de multiplication des pains" face à un "EAD "moderne et technologique" "instrument de renouveau pédagogique".

Industrialisation et rationalisation

Elles semblent inévitables et nécessaires, mais certains soulignent les difficultés. A. Jézégou (1998, p. 107) évoque "une organisation proche du modèle industriel (répartition des rôles et des fonctions, spécialisation des différents acteurs)" avec pour conséquence des "problèmes de communication et de diffusion des informations" et une "impression de "bricolage" permanent et "d'artisanat"".

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Problèmes de l'accès à la formation

Tous les apprenants ne peuvent avoir à leur domicile le matériel ou les logiciels nécessaires à certaines FAD. Ill faudrait alors leur permettre d'accéder à la formation sans avoir à se déplacer trop loin de leur domicile. Il y a eu des propositions de centres de ressources délocalisés : établissements scolaires en dehors des heures de classe ; maisons du savoir, installées dans des villes moyennes, des villages même et où pourraient se retrouver des apprenants inscrits à diverses formations, cyberespaces…

Dans le même ordre d'idées, on envisage également la possibilité d'offrir un tutorat ou des regroupements de proximité.

On remarque que certains soulignent la nécessité de proposer un tutorat d'autant plus proche que l'instance d'où vient la formation à distance est éloignée. Ainsi un organisme proposant ses prestations de FAD dans le monde entier veillera à recruter ses tuteurs au plus près des apprenants (de manière à pendre en compte les spécificités culturelles par exemple).

Difficultés à ne pas sous-estimer

On trouve une liste pertinente établie à partir d'un projet d'apprentissage coopératif à distance (une des situations les plus difficiles à mettre en œuvre) dans lesCahiers d'études du CUEEP, n° 43, 2001, pp. 29-37 et p. 178. Voici quelques-uns des points relevés.

Problèmes techniques : accès au matériel informatique ; maîtrise de la configuration technique du matériel.

Problèmes psychologiques : absence de représentation précise de la communication à distance ; insuffisance de motivation pour la FAD.

Problèmes organisationnels et pédagogiques : niveau et degré d'autonomie insuffisant de l'apprenant ; difficulté de constituer un groupe ; difficulté à gérer les divers types d'activités ; difficulté à faire émerger des situations de groupe.

Problèmes liés à la pratique enseignante en cours.

Manque de préparation à la mise en place du travail en FAD.

On n'oubliera pas non plus que les taux d'abandon "habituels" en FAD sont énormes, autour de 60 % en général, parfois plus. Les budgets sont souvent calculés en conséquence : on n'engage que le nombre de tuteurs dont on pense avoir réellement besoin et pas celui correspondant au nombre d'inscrits, par exemple. Est-ce acceptable, viable ?

Les intervenants, nouveaux métiers, disparition des formateurs ?

Qu'il s'agisse de dispositifs d'autoformation guidée, de formation ouverte ou de FAD, enseignants et formateurs en particulier voient leur rôle se redéfinir. Rôle moins important (cf. ci-dessus) ? Redéploiement vers de nouvelles fonctions : tuteur, animateur, coach, concepteur de ressources, ingénieur de formation… ? La tendance à "réduire" leur rôle est assez courante : "Les tâches des formateurs hors production pédagogique seraient réduites à la correction des devoirs, à la production de compléments ponctuels, à la participation au jury. Il s'agit donc du travail habituel, diminué des heures de face à face et de préparation des cours" (Cahiers d'études du CUEEP, n° 43, 2001, p. 170).

On constate parfois une grande variété d’interventions : techniques, administratives, pédagogiques, expertes (un expert de contenu), méthodologiques. Ainsi les Cahiers d’études du Cueep (D'Halluin, 2001, pp. 165-170) distinguent un formateur, un animateur, un tuteur méthodologue (qui "pourra relancer le formateur si sa réaction se fait trop attendre"). Eric Ecoutin (2001, p. 4) parle de trois pôles dans les fonctions d’accompagnement : accompagnement direct (tourné soit vers la connaissance du domaine, soit vers le suivi individuel, soit vers la mise en œuvre des acquisitions) ; fonctions de coordination ; fonctions de support technique.

Importance et carences actuelles de l'accompagnement de la FAD

Un accompagnement adapté est un élément essentiel pour une bonne mise en œuvre d'une F(O)AD (voir ci-dessus). On observera toujours comment fonctionnent les échanges sur une plate-forme par exemple. Dans une version pédagogique "basse" les apprenants posent des questions au formateur, tuteur, animateur… L’idée est souvent que l’on questionne sur ce qui "pose problème". L’échange est

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dirigé vers l’enseignant, il est vertical et non pas horizontal (entre partenaires à statut plus égal dans le groupe).

Dans des formes plus ouvertes (au sens "fort" voir plus haut), les apprenants échangent entre eux et le ou les formateurs interviennent pour relancer la discussion, proposer des synthèses (voir Lamy et Goodfellow, 1998 ; D'Halluin, 2001 ; Ecoutin, 2001). On peut voir apparaître nettement un aspect social d’apprentissage par les pairs. Le guidage suscité par l’intervention d’un apprenant est offert à tous les membres du groupe, le tutorat n’est plus un tête-à-tête (même si certaines interventions "privées" du formateur tuteur pourront s’adresser à un seul apprenant en marge du forum collectif). Et surtout le guidage peut venir en partie des pairs apprenants si les échanges fonctionnent en ce sens.

L'impréparation des formateurs reste malheureusement courante aujourd’hui. Dans une analyse d'un dispositif de FOAD portant justement sur la formation de formateurs à la FOAD, E. Duplàa, A. Galisson et H. Choplin (2003) montrent que, alors même qu’ils devaient former de futurs intervenants de FOAD, les formateurs n’ont pas su penser ni mettre en œuvre les fonctions des intervenants en FOAD. "Trois résultats majeurs émergent de cette expérimentation. D'abord, les formateurs n'ont pas, entre eux, de définition cohérente des fonctions d'accompagnement (par ailleurs présentées théoriquement dans les ressources hypermédias de la formation). Certaines fonctions de conception et de mise en œuvre sont amalgamées, et des acteurs de l'accompagnement ne sont pas définis" (p. 479).

Le problème de la densité des interventions enseignantes

Il semble qu’un pourcentage relativement important d’interventions enseignantes est nécessaire pour faire vivre les forums : dans l’expérience de Marie-Noëlle Lamy et Robin Goodfellow (1998) on relève que sur les 205 messages envoyés, 107 venaient des enseignants. Le Cueep (D'Halluin, 2001) mentionne 28 messages du formateur pour 32 venant des étudiants.

Il faut certainement tenir compte de la nouveauté de la situation pour les apprenants concernés, peu habitués à ce que tout ne vienne pas du formateur pour revenir vers lui. Avec l'habitude un certain nombre d’initiatives seront sans doute prises plus spontanément.

Interventions de contenu et interventions méthodologiques

La distinction entre contenu et méthodologie est courante et pertinente ici. Un certain nombre de dispositifs dissocient les interventions sur le contenu disciplinaire de ce qui relève de la méthodologie : apprendre à apprendre, compétences transdisciplinaires… Le tutorat de contenu et le tutorat méthodologique sont parfois confiés à des personnes différentes. La distinction se repère d’abord dans les centres de ressources et les situations d’autoformation guidées, elle reste d'actualité pour la FAD.

On pourra consacrer un forum spécifique à l’organisation du travail en contraste à des forums liés à telle ou telle partie ou point traités.

Guidage de contenu et guidage méthodologique doivent-ils être dissociés ou confondus ? Peuvent-ils, doivent-ils être réalisés par le même intervenant, par un spécialiste de la discipline ? Peut-on apprendre à apprendre en dehors de l’apprentissage d’un contenu ? Ces questions restent de pleine actualité.

Interventions réactives ou proactives

Le tuteur et le guidage doivent-ils intervenir seulement sur demande de l’apprenant, être réactifs ou bien doit-on aller vers l’apprenant pour engager le dialogue avec lui sur ses apprentissages et être proactif ? On constate que l’attitude réactive, passive pourrait-on dire, conduit souvent à un non-échange : les apprenants ne se manifestent pas, le forum de FAD reste désespérément vide ou est surinvesti par quelques rares apprenants.

L’attitude proactive peut, elle, facilement verser dans une forme de contrôle et de jugement déplacés par rapport à l’esprit des principes de départ. On veut vérifier la progression, les résultats, dire ce qu’il faut faire. Le bon équilibre semble à trouver du côté d’une présence sollicitant à intervalles réguliers la parole des apprenants, créant ou relançant la socialisation, dynamisant la progression sans pour autant envahir cet espace de parole de manière abusive : partir de la parole des apprenants, la mettre en valeur pour orienter vers l’étape suivante.

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Eléments pour un précis du bon usage du guidage

Je reprends ici les points d'entrée donnés dans un article récent où ils sont développés4

Le principe de cohérence

Qui ne signifie pas l’uniformité

Ne pas user de guidages contradictoires

Résister à la tentation de faire cours

Eviter les arguments d’autorité non nécessaires

Sans oublier son devoir d’ingérence pédagogique

Et la nécessité d’intervenir et de guider pour que certaines ressources soient pleinement exploitées

Savoir gérer le temps et les priorités

Savoir "les laisser seuls"

Ne pas demander à l’apprenant ce que peut seul faire le formateur

Un impérieux devoir de solidarité

De l'importance du contexte – La goutte d'eau et l'océan

4 F. Demaizière (2004). "Ressources et guidage - Définition d’une co-construction". Develotte, C. & Pothier, M. (dir.). Notions en questions - La notion de ressources à l'heure du numérique. Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines, Lyon. pp.. 81-103. Ce texte est accessible en ligne sur le site AEM (http://didatic.net/article.php3?id_article=11).

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