L’historien régional

4
Volume 4, numéro 1 / Hiver 2004 / Société d’histoire de la Haute-Yamaska / Page 1 Les installations du mont Shefford, en 1941. (Granby Leader-Mail) Volume 4, numéro 1 Hiver 2004 Gratuit On peut se procurer le volume, au prix de 45 $, à la Société d’histoire de la Haute- Yamaska, au 135, rue Principale à Granby, par envoi postal et dans les librairies de Granby. Histoire de Granby, un volume de 512 pages agré- menté d’autant de photographies des lieux, des insti- tutions, des entreprises et surtout des hommes et des femmes qui ont fait Granby. Suite page 3 D u 14 au 20 mars 2004, une grande fête de la francophonie, juste- ment nommée la Francofête, sera célébrée à travers tout le Québec. Pour l’occasion, c’est Granby qui a été désignée par l’Office de la langue françai- se pour faire la promotion de cette semaine de festivités. Le rôle qu’on assigne à la « francoville », c’est de valori- ser l’utilisation et la connaissance de notre langue nationale à travers une série d’activités culturelles, offertes simultané- ment à ses concitoyens et aux habitants d’une ville française. Dans le cas de Granby, le choix de la ville partenaire a été facile puisque, depuis 1963, Granby est jumelée à Saint-Étienne, une munici- palité de 185 000 habitants dont la structure économique, dominée par les PME, et l’histoire ouvrière présentent certaines analogies avec les nôtres. Située dans le sud de la France, près de Lyon, Saint-Étienne plonge ses racines historiques jusqu’au Moyen Âge, au XII e siècle. Le développement de la ville a été favorisé par à la présence des mines de charbon du bassin hydrographique du Furens, dont la qualité de l’eau est propice au trempage du fer. À partir du XVI e siècle, et ce jusqu’au milieu des années 1900, une industrie de la métallurgie culmine, grâce surtout à l’établissement de la Manufacture royale d’armes, en 1764. Au cours des Guerres napoléoniennes, la production annuelle de mousquets atteindra quelque 100 000 unités. À la même époque, l’indus- trie du textile s’installe à Saint-Étienne, grâce à l’importation des premiers métiers à tisser le ruban. L’âge d’or de la passementerie stéphanoise commence avec le début du XIX e siècle : entre 1815 et 1904, le nombre des travailleurs dans l’industrie et le com- merce du ruban passe de 21 300 à 40 000. Granby, francoville 2004 L’historien régional L es Cantons-de-l’Est sont reconnus de puis fort longtemps pour être une des plus belles zones skiables du Québec. Ce- pendant, bien peu de gens connaissent les origines de ce sport sur le territoire de la Haute-Yamaska. Il faut retourner au milieu des années 1930 pour voir apparaître en région les premiers clubs ou associations de ski. À cette époque, les amateurs de ce nouveau loisir pratiquent le ski de randonnée plutôt que de montagne en raison de l’inexistence de remontées mécani- ques. L’équipement d’alors s’avère primitif : skis en bois dépourvus de carres, bâtons en bambou, bottes non rigides et sangles en cuir et métal faisant office d’attaches fixes (dans les descentes) ou semi-fixes (sur les plats ou dans les montées). La popularité du sport croît si rapidement qu’en 1941, l’association La zone de ski des Cantons de l’Est compte déjà au moins onze clubs affiliés : Granby, Waterloo, North Hatley, Sherbrooke (le Hillcrest et la fer- me Rogeau), Sutton, Mont-Orford, Victoria- ville, Coaticook, Cowansville et Lennoxville. Le club Ski-Bi de Granby est fondé en décembre 1935 avec, comme seuls membres, une dizaine de skieurs. À ses débuts, le club organise des excursions dans les campagnes environnantes et des rencontres avec d’autres clubs d’ici ou de la région montréalaise. Au cours de l’hiver 1940, plus de 25 « en- thousiastes de ski », principalement des gens d’affaires et des professionnels de Granby, se réunissent pour fonder un « club de ski mo- derne » sur la montagne de Shefford. Les trois promoteurs du projet, Paul Provost, Jules Crevier et Paul Phoenix, invitent à cette fin un certain H. Smith Johannsen, « expert norvé- gien de réputation internationale » et premier responsable de l’implantation de ce sport au Québec. Ce dernier prononce un discours de- vant la Chambre de commerce de Granby sur la pertinence économique de réaliser cet éta- blissement sportif qui, selon lui, amè- nera un afflux de touristes dans la région. En novembre 1940, le conseil municipal de Granby, présidé par le maire P.-Horace Boi- vin, accepte l’incorporation du club Ski-Bi, ce qui enclenche l’aménagement d’un des plus longs « skito » (remontée mécanique) du Qué- bec et la construction d’un chalet sur le mont Shefford, à l’endroit bien connu de la ferme Beauregard. Le club de ski Mont Shefford ouvre offi- ciellement ses portes le 12 janvier 1941. Il ac- cueille ce jour-là 250 skieurs qui découvrent avec joie comment l’utilisation d’un simple câble tracté par un moteur permet enfin de dévaler les pentes sans l’effort de la remontée. La popularité du Mont Shefford s’accroît tout au long de l’hiver, avec plus de 400 visiteurs certaines journées, dont plusieurs venant de Montréal. Le centre de ski connaît toutefois un ralentissement au cours des quatre années suivantes, en raison du rationnement imposé par l’effort de guerre qui oblige l’arrêt des « trains de neige » qui transportent dans notre région les skieurs de la métropole et d’ailleurs. Sitôt la guerre terminée, l’engouement pour le ski alpin reprend de plus belle, à tel point que plusieurs nouveaux centres de ski modernes sont construits au cours des vingt années suivantes, le dernier en région étant le centre de ski Bromont, ouvert en 1964 par la famille Désourdy. René Beaudin Un premier centre de ski moderne

Transcript of L’historien régional

Volum

e 4, numéro 1 / H

iver 2004 / Société d’histoire de la Haute-Y

amaska / Page 1

Les installations du mont Shefford,en 1941. (Granby Leader-Mail)

Volume 4, numéro 1 Hiver 2004 Gratuit

On peut se procurer le volume,au prix de 45 $, à la Société d’histoire de la Haute-Yamaska, au 135, rue Principale à Granby, par envoipostal et dans les librairies de Granby.

Histoire de Granby, un volume de 512 pages agré-menté d’autant de photographies des lieux, des insti-tutions, des entreprises et surtout des hommes et desfemmes qui ont fait Granby.

Suite page 3

Du 14 au 20 mars 2004, une grandefête de la francophonie, juste-ment nommée la Francofête,

sera célébrée à travers tout le Québec.Pour l’occasion, c’est Granby qui a étédésignée par l’Office de la langue françai-se pour faire la promotion de cettesemaine de festivités. Le rôle qu’onassigne à la « francoville », c’est de valori-ser l’utilisation et la connaissance denotre langue nationale à travers une séried’activités culturelles, offertes simultané-ment à ses concitoyens et aux habitantsd’une ville française. Dans le cas deGranby, le choix de la ville partenaire aété facile puisque, depuis 1963, Granbyest jumelée à Saint-Étienne, une munici-palité de 185 000 habitants dont lastructure économique, dominée par lesPME, et l’histoire ouvrière présententcertaines analogies avec les nôtres.

Située dans le sud de la France, près deLyon, Saint-Étienne plonge ses racineshistoriques jusqu’au Moyen Âge, au XIIe

siècle. Le développement de la ville a étéfavorisé par à la présence des mines decharbon du bassin hydrographique duFurens, dont la qualité de l’eau est propiceau trempage du fer. À partir du XVIe siècle,et ce jusqu’au milieu des années 1900, uneindustrie de la métallurgie culmine, grâcesurtout à l’établissement de la Manufactureroyale d’armes, en 1764. Au cours desGuerres napoléoniennes, la productionannuelle de mousquets atteindra quelque100 000 unités. À la même époque, l’indus-trie du textile s’installe à Saint-Étienne, grâceà l’importation des premiers métiers à tisserle ruban. L’âge d’or de la passementeriestéphanoise commence avec le début duXIXe siècle : entre 1815 et 1904, le nombredes travailleurs dans l’industrie et le com-merce du ruban passe de 21 300 à 40 000.

Granby, francoville2004

L’historienrégional

L es Cantons-de-l’Est sont reconnus de puis fort longtemps pour être une des

plus belles zones skiables du Québec. Ce-pendant, bien peu de gens connaissent lesorigines de ce sport sur le territoire de laHaute-Yamaska.

Il faut retourner au milieu des années 1930pour voir apparaître en région les premiersclubs ou associations de ski. À cette époque,les amateurs de ce nouveau loisir pratiquent leski de randonnée plutôt que de montagne enraison de l’inexistence de remontées mécani-ques. L’équipement d’alors s’avère primitif :skis en bois dépourvus de carres, bâtons enbambou, bottes non rigides et sangles en cuiret métal faisant office d’attaches fixes (dans lesdescentes) ou semi-fixes (sur les plats ou dansles montées). La popularité du sport croît sirapidement qu’en 1941, l’association La zonede ski des Cantons de l’Est compte déjà aumoins onze clubs affiliés : Granby, Waterloo,North Hatley, Sherbrooke (le Hillcrest et la fer-me Rogeau), Sutton, Mont-Orford, Victoria-ville, Coaticook, Cowansville et Lennoxville.

Le club Ski-Bi de Granby est fondé endécembre 1935 avec, comme seuls membres,une dizaine de skieurs. À ses débuts, le cluborganise des excursions dans les campagnesenvironnantes et des rencontres avec d’autresclubs d’ici ou de la région montréalaise.

Au cours de l’hiver 1940, plus de 25 « en-thousiastes de ski », principalement des gensd’affaires et des professionnels de Granby, seréunissent pour fonder un « club de ski mo-derne » sur la montagne de Shefford. Les troispromoteurs du projet, Paul Provost, JulesCrevier et Paul Phoenix, invitent à cette fin uncertain H. Smith Johannsen, « expert norvé-gien de réputation internationale » et premierresponsable de l’implantation de ce sport auQuébec. Ce dernier prononce un discours de-vant la Chambre de commerce de Granby surla pertinence économique de réaliser cet éta-

blissement sportifqui, selon lui, amè-

nera un afflux de touristes dans la région.En novembre 1940, le conseil municipal

de Granby, présidé par le maire P.-Horace Boi-vin, accepte l’incorporation du club Ski-Bi, cequi enclenche l’aménagement d’un des pluslongs « skito » (remontée mécanique) du Qué-bec et la construction d’un chalet sur le montShefford, à l’endroit bien connu de la fermeBeauregard.

Le club de ski Mont Shefford ouvre offi-ciellement ses portes le 12 janvier 1941. Il ac-cueille ce jour-là 250 skieurs qui découvrentavec joie comment l’utilisation d’un simplecâble tracté par un moteur permet enfin dedévaler les pentes sans l’effort de la remontée.La popularité du Mont Shefford s’accroît toutau long de l’hiver, avec plus de 400 visiteurscertaines journées, dont plusieurs venant deMontréal. Le centre de ski connaît toutefoisun ralentissement au cours des quatre annéessuivantes, en raison du rationnement imposépar l’effort de guerre qui oblige l’arrêt des« trains de neige » qui transportent dans notrerégion les skieurs de la métropole et d’ailleurs.

Sitôt la guerre terminée, l’engouementpour le ski alpin reprend de plus belle, à telpoint que plusieurs nouveaux centres de skimodernes sont construits au cours des vingtannées suivantes, le dernier en région étant lecentre de ski Bromont, ouvert en 1964 par lafamille Désourdy.

René Beaudin

Un premier centrede ski moderne

Vo

lum

e 4

, n

um

éro

1 /

Hiv

er

20

04

/ S

oci

été

d’h

isto

ire

de

la

Ha

ute

-Ya

ma

ska

/ P

ag

e 2

A fin d’en connaître davantage sur l’état de

conservation de notre patrimoine reli-gieux, le gouvernement du Québec a mis del’avant un vaste projet d’inventaire des lieuxde culte, et ce pour l’ensemble du territoirequébécois. Le mandat, donné pour l’occasionà la Fondation du patrimoine religieux duQuébec, vise à répertorier, à l’aide de fichestechniques et de photographies intérieures etextérieures, les 3200 lieux de culte construitsavant 1975 ayant conservé leur vocation reli-gieuse jusqu’à aujourd’hui. J’ai eu le privilègede faire partie des 38 agents qui ont sillonnéchacune des régions administratives du Qué-bec en quête des édifices qui composent notrediversité religieuse. Mon travail, circonscrit auvaste territoire frontalier de la Montérégie, m’adonné l’occasion unique de visiter près de 200lieux de culte de diverses traditions religieu-ses, d’en admirer les nombreux aspects et lesparticularités, mais aussi de constater la préca-

rité de notre patrimoine religieux.Au Québec, la baisse dramatique de la pra-

tique religieuse, qui commence avec la Révolu-tion tranquille, porte un dur coup aux financesdes paroisses et à l’entretien des églises. Si lagrande majorité de ces édifices, construits biensouvent il y a plus de cent ans, ont su traverserles dernières décennies sans trop de détériora-tions, c’est grâce au dévouement et à l’attentiondes fidèles impliqués dans les affaires paroissia-les et engagés dans leur foi. Toutefois, mainte-nir en état des structures aussi imposantes né-cessite plus que de la bonne volonté, surtoutque les gardiens des lieux de culte sont souventà bout de souffle et de ressources.

Les édifices religieux constituent l’élémentle plus distinctif de nos paysages ruraux et ur-bains. Avec les fermetures et les démolitionsqui pointent leur ombre menaçante à l’hori-zon, c’est donc toute une partie de notre iden-tité qui est menacée de disparaître avec eux. Et

que dire des vols d’objets religieux qui affec-tent présentement un grand nombre de noséglises, vols qui alimentent un marché parallè-le où la demande dépasse largement l’offre.

Autrefois bien peu préoccupante, la ré-flexion sur l’importance du patrimoine reli-gieux dans la société québécoise doit être faitede toute urgence. Que ferons-nous de noséglises, mémoire vivante de nos collectivités ?Quel sort doit-on leur réserver ? Faut-il lesdémolir, faute d’argent et de ressources, ouplutôt changer leur vocation afin de leur don-ner un second souffle ? Et dans ce cas, quellesutilisations jugerait-on acceptables pour cesanciens lieux de culte ? Ce sont autant de ques-tions qui, présentement, sont sans réponseet qui entraîneront inévitablement des choixdéchirants dans l’avenir. Mieux vaudrait com-mencer à y penser maintenant.

Chantal Lefebvre

ne usine Stanley. Grâce au pouvoir hydrauliquede la rivière Mawcook et à la clientèle des coloni-sateurs qui affluent, l’avenir semble prometteur.

Les acquisitions de Bachand ne s’arrêterontpas là. Au cours des années 1860, il achète lesmoulins à farine et à scie de Timothée Bertrand,de même que la scierie de Georges Hudon, si-tuée en amont de ses propres installations, avecle pouvoir d’eau, privilèges et barrages inclus, lelac et les terres environnantes. En 1870, le mou-lin à farine a transformé dix mille minots degrains en farine ou en moulée pour les animaux,alors que les scieries, qui embauchent sept hom-mes, ont produit un million de pieds de boismesure de planches. À ce moment, le hameauest devenu un village dynamique d’une centai-ne d’habitants. On y retrouve une boutique deforgeron, une autre de cordonnier, un hôtel etdeux magasins généraux, le service de la poste,une école, une chapelle catholique et une égliseprotestante. Bachand, devenu grand proprié-taire au cours des années 1860, sait profiter de

Louis Bachand et les débuts de Roxton Pond

Le construction du barrage au lac deRoxton. (Coll. Denis Cloutier, SHHY)

cette conjoncture pour diviser une partie deses terres en lots de village. Il nommera, à cemoment là, une rue de Roxton Pond du pré-nom de sa femme, Elmire.

Les activités de Louis Bachand ne se limi-tent pas à ses investissements, car à l’instar denombreux hommes d’affaires du temps, ils’implique en politique municipale et se metau service de la cause religieuse. De 1861 à 1865,on le trouve conseiller du Canton de Milton,puis de Sainte-Cécile-de-Milton et, de 1875 à1880, de la municipalité de paroisse de Sainte-Pudentienne (Roxton Pond). Il sera aussi dunombre des signataires qui demanderont lamunicipalisation du village de Roxton Pond,en 1886. C’est d’ailleurs son fils, Stanislas, quien sera le premier maire.

En 1864, en l’absence d’un lieu de cultecatholique à Roxton Pond, Louis Bachand, aidédu notaire Charles Brin, lance une requête pourla construction d’une chapelle. Dans ce docu-ment adressé à l’évêque de Saint-Hyacinthe,on invoque l’éloignement de l’église de Sain-te-Cécile et le danger que représentent les pro-testants pour certaines âmes vulnérables. L’évê-que acquiescera à ces doléances en créant la mis-sion de Sainte-Pudentienne. Insatisfait de cethumble statut de mission, Louis Bachand lan-cera avec succès, en 1873, une nouvelle offensi-ve pour la formation d’une véritable paroisse.

Meunier, industriel, propriétaire foncier,conseiller municipal, marguillier et père de 13enfants, Louis Bachand a participé activementà créer Roxton Pond tel qu’on le connaîtaujourd’hui.

Johanne Rochon

Nos églises, un patrimoine en péril

L ’arrivée des Canadiens français en Haute- Yamaska, amorcée vers 1840, s’inscrit

dans un vaste mouvement d’émigration versde nouvelles terres au Québec ou vers les ma-nufactures américaines. À ce moment, le suddu territoire de la MRC, c’est-à-dire les can-tons de Shefford et de Granby, est habité parune population d’origine britannique instal-lée progressivement depuis le début du XIXe

siècle, tandis qu’au nord, les cantons de Mil-ton et de Roxton sont presque déserts. C’estdonc là , majoritairement, que les nouveauxcolons canadiens-français vont décider de s’éta-blir. Nous examinons ici le cheminement d’unhomme qui a joué un rôle important dans lagenèse de Roxton Pond, Louis Bachand.

Louis Bachand et Elmire Lacoste s’éta-blissent au « petit lac de Roxton » en 1854,accompagnés de leurs trois enfants. Jusque-là, la famille occupait une ferme à Saint-Da-mase, dans la seigneurie de Debarch, à quel-ques dizaines de kilomètres de Roxton Pond.À leur arrivée, l’endroit est peu habité : desmarchands de Montréal exploitent une scierieet une perlasserie et possèdent trois résiden-ces, Antoine Prévost opère lui aussi un mou-lin à scie et la mission baptiste francophonedétient une maison pour l’office religieux de-puis 1844. Ayant été initié au métier de meu-nier et de scieur par son père, propriétaire desmoulins à farine et à scie à Saint-Damase,Louis Bachand saisit l’opportunité de pour-suivre ces activités à Roxton Pond en achetantle moulin à scie de Prévost. En 1855, Bachandcomplète ses installations en construisant unmoulin à farine, à l’emplacement de l’ancien-

Volum

e 4, numéro 1 / H

iver 2004 / Société d’histoire de la Haute-Y

amaska / Page 13

Art public

L ’immense verrière colorée que nous pouvons admirer au Palais de justi-

ce de Granby est l’œuvre dont l’artisteMarcelle Ferron se dit la plus fière. C’esten 1948 que Ferron fait son entrée dansl’histoire de l’art contemporain québécois,alors qu’à l’invitation de Paul-Émile Bor-duas, elle cosigne Refus Global, le manifes-te du groupe des automatistes. Ce mani-feste tente d’insuffler à la vie culturelle qué-bécoise un esprit renouvelé par le refusd’obéir à l’autorité établie et aux contrain-tes de la représentation. Décédée en 2001à l’âge de 77 ans, Marcelle Ferron était l’unedes dernières survivantes du groupe.

En 1953, alors que le groupe automa-tiste s’effrite, Marcelle Ferron décide de par-tir pour la France avec ses trois filles. Elle passela majorité de ses treize ans d’exil en banlieuede Paris, où elle loue une maison et y installeson atelier. C’est une artiste reconnue interna-tionalement qui revient au Québec en 1966.

C’est seulement à la fin de son séjour fran-çais que Marcelle Ferron s’initie à l’art du vitrail.En ce domaine, ses multiples expériences dé-bouchent sur un concept de fabrication de mursde lumière qui donne naissance à la réalisationde verrières monumentales s’incorporant àn’importe quel design de construction.

Pionnière de l’intégration de l’art à l’ar-chitecture, Ferron se consacre longtemps à lacause de l’art public. Sa première réalisationest une murale de verre pour l’Expo 67, mais

c’est la verrière créée pour la station de métroChamp-de-Mars qui la fait connaître et appré-cier. Quant à la verrière du Palais de Justice deGranby, conçue en 1979, elle est d’une hauteurde trois étages, ce qui en fait une des œuvres lesplus monumentales réalisées par l’artiste. Lesformes lunaires conçues dans les teintes colo-rées de rouge, orange et jaune et entrecoupéesd’un bleu outremer suggèrent un espace cos-mique très coloré. Pour Ferron, l’intérieur dubâtiment doit devenir un espace de rêve et debeauté, « destiné à égayer la réalité terne desprocès ou des contraventions à payer1 ». L’ar-tiste s’explique ainsi dans une conversation avecl’évêque de Saint-Hyacinthe, lors de l’inaugu-ration de l’édifice, en 1980 : « Pourquoi le troi-

sième étage est-il si beau ? N’est-ce pas là où setrouvent les gens qui attendent leur transferten prison ? - Monseigneur, tout homme a droitde voir une fleur avant de mourir. Il ne faut pas

que les fleurs soient grises. - Vousparlez comme les Évangiles.2 »

Par son travail, Marcelle Ferronaura grandement contribué aux re-cherches en arts appliqués dans ledomaine de l’architecture au Qué-bec. Par ailleurs, ses prises de posi-tion politiques et sociales ont faitd’elle une artiste incontournabledans notre paysage culturel. Premiè-re femme à recevoir le prix Paul-Émi-le Borduas, en 1983, nomméeGrand officier de l’Ordre national du

Québec en 2000, elle recueille une multitude dedistinctions importantes ainsi que plusieurs prixlors d’expositions internationales. Ses œuvresfont maintenant partie de plusieurs grandes col-lections muséales.

De santé précaire depuis sa naissance, cesont ses fréquents séjours à l’hôpital qui forgè-rent son caractère indépendant, sa fougue, sonamour de la vie et son franc-parler. Cette artistelyrique, dotée d’une intelligence vive et d’untalent exceptionnel, laisse derrière elle une œuvrelumineuse.

Marie -Christine Bonneau

1. Les femmes du Refus global, p. 2262. Ibid

Une verrière signée Marcelle Ferron

Bulletin de laSociété d’histoire de la Haute-Yamaska135, rue PrincipaleGranby (Québec) J2G 2V1Téléphone : (450) 372-4500Télécopieur : (450) 372-9904Site Internet : http://www.shhy.orgISBN 2-9807338-1-4ISSN 1708-7023© Société d’histoire de la Haute-Yamaska, 2004

L’historien régional

Heures d’ouverture :lundi, mardi, jeudi, vendredi de 9 h à 17 hmercredi de 9 h à 21 h.Carte de membre : 25 $Frais de recherche pour les non-membres : 5 $

Avec la révolution industrielle, la proximi-té de la Loire fait de Saint-Étienne le lieu toutdésigné pour l’implantation du premier

chemin de fer français,en 1827. La ville estalors reliée au portd’Andrézieux, ce qui

permet l’achemine-ment du charbon vers la

région parisienne.Commence alors une

croissance indus-trielle qui situeraSaint-Étiennedans les grands

axes commerciauxfrançais.

La première moitié duXXe siècle est marquée par l’apogée del’industrie de la houille, particulièrementsollicitée au cours des deux guerres mondia-les. Pendant la Grande Guerre, 28 000travailleurs produiront 5 millions de tonnesde charbon, un exploit qui se répétera aucours des années 1939-1945. Malgré cesperformances, l’après-guerre confronte Saint-

Étienne à la dure réalité du déclin de sonsecteur minier. La métallurgie, quant à elle,effectuera une reconversion de ses branchestraditionnelles, vers la production d’aciersspéciaux et de machines-outils.

Ville d’artisans, cité enfumée, Saint-Étienne a été délaissée par la bourgeoisiefinancière et la noblesse, mais n’en a pasmoins réussi son passage vers la modernité.Elle oeuvre aujourd’hui dans des domainesaussi variés que l’épuration des eaux, letextile, l’habillement et la confection, lachimie, la mécanique automobile et lestechnologies médicales, une palette d’experti-ses qui profitent de la présence d’institutssupérieurs comme l’École nationale d’ingé-nieurs (ENISE), l’École Supérieure deCommerce, et des travaux de 70 laboratoiresde recherche.

Saint-Étienne et Granby, que la Fran-cofête unira de nouveau, sont deux villesouvrières qui ont comme caractéristiquecommune d’avoir su s’imposer à chacunedes étapes de leur histoire en puisant dansleurs propres ressources. L’une est devenueune métropole régionale qui occupe lesixième rang des communautés d’agglomé-

Granby francoville 2004 (suite)

La verrière de Marcelle Ferron au Palais dejustice de Granby. (Coll. M. C. Bonneau)

rations françaises, alors que l’autre est le pôleautour duquel s’est formée la MRC de LaHaute-Yamaska. Deux villes, deux pays, unemême langue et des origines gauloisescommunes : la Francofête a tout pour réussir.

Richard Racine

Vo

lum

e 4

, n

um

éro

1 /

Hiv

er

20

04

/ S

oci

été

d’h

isto

ire

de

la

Ha

ute

-Ya

ma

ska

/ P

ag

e 2Nos familles

Nouvelles brèves

4

L e texte qui suit se veut un compte rendude deux articles publiés par M. Germain

Fortin à propos de ses ancêtres paternels. Ori-ginaire du Perche, son ancêtre Julien Fortin,dit Bellefontaine, a 29 ans lorsqu’il s’embar-que pour la Nouvelle France. Il épouse Gene-viève Gamache, dite Lamarre, à Québec en1652. A peine arrivé au pays, il devient unriche propriétaire terrien et copropriétairede la seigneurie de Beaupré. Outre le mé-tier de cultivateur, il pratique aussi la pêcheaux marsouins.

Tout comme son père, Jacques Fortin seracultivateur et pêcheur. Il épouse Catherine Bi-ville en 1689 à Québec. Le couple s’installe surune terre à Petite-Rivière-Saint-François.

Jacques Fortin, leur fils, épouse Gene-viève Lacroix à Sainte-Anne-de-Beaupré en1721. Ils s’installent sur une concession de laseigneurie de Beaupré.

Jacques, le fils de Jacques et Geneviève,épouse Angélique Tremblay à Petite-Rivière-Saint-François. Le couple s’installe à Baie-Saint-Paul où 10 enfants viennent grossir les rangsdu clan. Ils verront défiler la flotte anglaisedevant Baie-Saint-Paul, le 25 juin 1759.

Joseph, le fils de Jacques et Angélique,naît l’année de la signature du Traité de Paris,soit en 1763. Il épouse Marie-Josephte Côté le18 juillet 1786 à Baie-Saint-Paul.

Des dix enfants du couple (Joseph etMarie-Josephte), Joseph sera le plus aventu-reux. Il quitte Baie-Saint-Paul pour Longueuilet devient « voiturier-forgeron ».

En 1820, Joseph épouse Hortense De-celles, dite Duclos, à Chambly. Après la révoltede 1837-1838, sa témérité le pousse jusqu’auxCantons-de-l’Est. Il sera enterré à Granby en1867 et laissera une famille bien établie dansles Cantons.

Charles, le septième de sa génération, estné vers 1833. Il épouse Marcelline Forand à

G é n é a l o g i e

Granby en 1853. Le couple habite sur une terreà Adamsville d’où il tire viande, légumes, sa-von, bois, laine et tissus, en plus de la potassevendue à Saint-Césaire et de l’écorce de pruchevendue aux tanneries de Granby. Le recense-ment de 1861 révèle que le couple habitait unelog house. Plus tard, Charles et Marcelline serontpropriétaires d’une maison victorienne sur larue Cowie à Granby. Notre photo les représen-te en 1903.

Guillaume, un des fils de Charles et Mar-celline, épouse sa cousine Isabelle Jasmin en1878 d’Adamsville. Guillaume sera boulanger,fermier et commerçant. Il cède à son fils Fran-çois (Wellie) le domaine Fortin.

François épouse Anna Germain à Granby

Les Fortin d’Adamsville de 1650 à nos jours

LA FAMILLE DE CHARLES FORTIN et DE MARCELLINE FORAND.LES NOCES D’OR DE 1903. ENFANTS ET CONJOINTS.

De gauche à droite, 1re rangée : Joséphine, Lydia et Adélard Fortin, Catherine Farley. 2e rangée : Joseph Mé-nard, Marcelline et Charles (père) Fortin, Marcelline Forand (mère), Charles (fils) et Délia Fortin. 3e rangée :Hyacynthe Gaboury, Azilda Ferland, Joseph, Domithilde et David Fortin, Hormidas Parent, Azilda Ferland,Guillaume Fortin et Isabelle Jasmin. 4e rangée : Paméla Courtemanche, François Fortin et Émilie Lapointe.(Fonds Germain Fortin)

• À l’occasion d’un café et brioche, nous avonseu l’honneur de recevoir de nombreux mem-bres de la Chambre de commerce de Granby-Bromont. Après une visite des lieux, nos invi-tés nous ont déclaré être impressionnés par laquantité et la diversité de la documentation etdes archives conservées à la Société d’histoire.• En décembre dernier, nous avons lancé no-tre campagne de recrutement d’entrepri-ses et de sociétés membres. M. Jacques Pro-novost, éditeur de La Voix de l’Est, a aimable-ment accepté d’en assumer la présidence. Déjà,de nombreuses entreprises ont répondu à l’ap-pel : nous les remercions chaleureusement.Cette levée de fonds permettra, entre autres,l’avancement de nos recherches en histoire etl’achat d’équipement.

• Mme Ina Nicol Gaucher, de Roxton Pond, aenrichi notre service d’archives par le dépôt desprocès-verbaux, des livres des collectes et des rap-ports annuels du Cercle missionnaire et auxi-liaire de l’Église baptiste de Roxton Pond.Ces documents s’échelonnent de 1897 à 2002.• L’Harmonie de Granby, une des plus vieillesfanfares au Québec, a fait l’ajout de 83 photos àson fonds d’archives.• Jean Dumoulin, de Canal Vox, produit unesérie d’émissions sur les diverses associationsde Granby à laquelle nous collaborons en prê-tant des photos d’archives. Lorsque la série seracomplétée, une copie des émissions sera dépo-sée à la SHHY.• Notre vitrine d’exposition aborde un nou-veau thème : le hockey en région de 1920 à

en 1916. Il gardera toujours les terres à Adams-ville et deviendra un marchand prospère àGranby.

Son fils unique, Germain, né en 1917,épouse Annette Ménard en 1946. Ingénieur,il travaille pour Transport Canada jusqu’à saretraite et se retire sur la ferme ancestrale. Férude généalogie, il est l’auteur de nombreux ar-ticles sur les Fortin.

Michel-André, le fils de Germain et An-nette, épouse Claudette Saint-Onge à Granby,en 1974. Michel-André, médecin de forma-tion, et Claudette ont un fils, Jean-François,qui, selon son grand-père, aime bien taquinerles poissons et les grenouilles dans la rivièreYamaska.

Germain Fortin/Andrée Simard

aujourd’hui, avec ses figures marquan-tes et ses nombreux clubs amateurset professionnels. À ne pas manquer.• Lors de la visite d’une classe d’im-mersion française du Cégep deGranby, majoritairement composéede Colombiens, un des étudiants, in-formé que nous possédions les ar-chives de l’entreprise Miner Rubber,nous a appris que son père, au coursde la Deuxième Guerre mondiale,avait travaillé pour le fournisseur decaoutchouc de la compagniegranbyenne, en Colombie. Le mon-de est petit, comme le dit si bien l’ex-pression populaire.

Johanne Rochon