Les Jumeaux de Mananjary

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L’étude du tabou sur les jumeaux a été menée pour comprendre le maintien jusqu’ànos jours d’une coutume ancestrale dans la communauté antambahoaka de larégion de Mananjary – Madagascar. Plusieurs nuances sur les comportements desdifférents acteurs du tabou ont été identifiées à travers les témoignages recueillisauprès des jumeaux, enfants-adolescents-adultes, des familles biologiques et despersonnes oeuvrant à la protection des jumeaux.

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Gracy FernandesIgnace RakotoNelly Ranaivo RabetokotanyLesj umeaux de Mananj ar yentre abandon et protecti onLes jumeaux de Mananjary2010Lesj umeaux de Mananj ar yLes jumeaux de Mananjaryavec les photographies de Pierrot MenGracy FernandesIgnace RakotoNelly Ranaivo Rabetokotanyentre abandon et protecti onLesj umeaux de Mananj ar yLes jumeaux de Mananjaryavec les photographies de Pierrot MenGracy FernandesIgnace RakotoNelly Ranaivo Rabetokotanyentre abandon et protecti on2010Sommai reSommaireAvant-propos5Introduction71. Lenfant et la famille92. La gmellit, du symbole au tabou133. Letabou sur les jumeaux et la population antambahoaka224. Les origines mythiques dutabou sur les jumeaux265.Les valeurs ancestrales et la prcarit conomique au dtriment des jumeaux336.Rom-boay, la fausse situation consensuelle de linterdit sur les jumeaux367. Un aperu statistique sur les jumeaux408.Les centres daccueil, une solution provisoire labandon des jumeaux449.Les violations des droits humains lendroit des enfants jumeaux4710.Les facteurs de protection des enfants jumeaux contre les pressions familiale et communautaire5111.Un plan dactions prioritaires pour une leve progressive de linterdit sur les jumeaux5512. Une prudente stratgie de communication5913. Fanivelona, un cas dcole67Glossaire74Indications bibliographiques76Annexes78Ltude du tabou sur les jumeaux a t mene pour comprendre le maintien jusqu nosjoursdunecoutumeancestraledanslacommunautantambahoakadela rgion de Mananjary Madagascar. Plusieurs nuances sur les comportements des diffrentsacteursdutabouonttidentifestraverslestmoignagesrecueillis auprs des jumeaux, enfants-adolescents-adultes, des familles biologiques et des personnes uvrant la protection des jumeaux.Les entretiens avec les diffrents acteurs concerns par le tabou se sont tous drou-ls dans des moments dintense motion o sanglots, pleurs et gorge noue sont venusconfrmerlaralitdunesouffrancerefouleetdiffcilementcontenue.Des tmoinsontgalementexprimleurfertdavoirbravletabouetontexprim leur joie davoir donn naissance des jumeaux. Un refus de linterdit frappant les jumeaux existe au sein de la communaut antambahoaka et ceux qui ont accept dapporter leur tmoignage ont essay discrtement de transmettre leur espoir dune prise de conscience, au sein mme de la communaut antambahoaka, en faveur de la suppression du tabou. Ces personnes demandent la protection de lEtat, non seu-lement en termes de soutien moral et matriel, mais particulirement en termes de mesuressagesetclairvoyantesquileurpermettrontdtreantambahoakatouten tant dlivrs de linterdit jet sur les jumeaux. Les auteurs adressent leurs remerciements toutes les personnes ayant accept de partager leurs vcus et leurs expriences sur le tabou sur les jumeaux, aux auto-rits administratives du district et de la ville de Mananjary, aux mpanjaka antamba-hoaka,(chefscoutumiers)deMananjary,auDirecteurdesDroitsHumainsetdes RelationsInternationalesauMinistredelaJustice,coordinateurduProjetAppui laPromotionetlaProtectiondesDroitsdelHommeLucienRakotoniaina, CasimiraBenge,ChefdelaSectionGouvernancepourlaProtectiondelEn-fantauprsdUNICEFMadagascarlpoquedelardactiondelaprsente tude,SaraSiglinnof,auPreSebastianQuadros,PierrotMen,Samuel MartelRazafndrakoto,ChristianBenotRasolonirina,LantoniainaRalaimidona, Alain Andriamiandravola, Marcel Rabenila, Augustin Thierry Zaonarivelo, Raymond ditKosma,FidyRajaonson,RanaivoRajaonson,XavierCsarRakotoetGabin Alphdore Nandrasana.Drs Gracy Fernandes Nelly Ranaivo Rabetokotany Ignace RakotoAntananarivo, Juin 2011Avant-propos Avant-proposMahaDigo-SuarezMajungaTamataveFianarantsoaTularTananariveMoroniFort DauphinMorondavaBelo sur merMaintiranoMarovoaySoalalaBesalampyMaevetananaAmbondromamyMiandrivazoBelo TsiribihinaTsironomandidyMiarinarivoAmbatolampyAntalahaMaroanstetraMandritsaraAndilamenaAmbodifotatraMananara NordFenerive EstBrickavilleVatomandryMahanoroMananjaryAmbalavaoAntanifotsyRanomafanaIhosyManakaraFarafanganaVangaindranoAmbovombeAmpanihyIfaty SakarahaBetiokyBetrokaIlakakaAnakaoAndrokaMorombeAndavadoakaManjaMoramangaAmbatondrazakaAmbakirenyAnkazobeVohmarSambavaAndapaHell villeAmbanjaAntsohihyAnalalavaBefandrianaMampikonyPort-BergAmbilobeAntsirabeAmbositraDzaoudzi7I ntroducti on IntroductionEn 2007, Ltude sur les jumeaux de Mananjary, dite par le Ministre de la Justice delaRpubliquedeMadagascaretraliseparleCAPDAM,aapportlespre-miresrponsestangiblespourluttercontreunphnomnedunautretemps, linterditjetsurlesenfantsjumeaux.Laquestionestabordedunpointdevue anthropologique et historique. La situation actuelle des enfants jumeaux de Mananjary et de leurs parents biolo-giques y est mise jour partir du constat suivant : labandon cre une souffrance psychologique parmi les enfants jumeaux dlaisss par leurs familles biologiques. Deuxinterrogationsontaccompagnlinvestigation:lesfamillesbiologiquesdes jumeauxabandonnsressentent-elleslammesouffrance?Peut-onsolliciterle tmoignage des principaux acteurs concerns par le tabou qui frappe les jumeaux de Mananjary ?Ce travail de terrain reprsente le premier essai pour briser le cycle du silence entou-rant le tabou. Il engage, de manire indite, un dialogue avec les chefs coutumiers antambahoaka,lesautoritsadministratives,lesfamillesdesjumeauxetavecles jumeaux eux-mmes. Une stratgie de communication contre lexclusion des enfants jumeaux de Mananjary enrichit cette premire analyse de la situation des jumeaux de Mananjary. Elle est destinemettreenuvredesrecommandationsfnalesduHautCommissariat des Nations Unies aux Droits de lHomme, pour prendre les mesures nergiques et adquates dans le but dradiquer la coutume discriminatoire frappant les jumeaux de Mananjary et dassurer la prservation des jumeaux dans leur famille, de manire ce que tout enfant bnfcie de mesures de protection effectives(1). 1CCPR/C/MDG/CO/3/CRP.1, 23 mars 2007.MahaDigo-SuarezMajungaTamataveFianarantsoaTularTananariveMoroniFort DauphinMorondavaBelo sur merMaintiranoMarovoaySoalalaBesalampyMaevetananaAmbondromamyMiandrivazoBelo TsiribihinaTsironomandidyMiarinarivoAmbatolampyAntalahaMaroanstetraMandritsaraAndilamenaAmbodifotatraMananara NordFenerive EstBrickavilleVatomandryMahanoroMananjaryAmbalavaoAntanifotsyRanomafanaIhosyManakaraFarafanganaVangaindranoAmbovombeAmpanihyIfaty SakarahaBetiokyBetrokaIlakakaAnakaoAndrokaMorombeAndavadoakaManjaMoramangaAmbatondrazakaAmbakirenyAnkazobeVohmarSambavaAndapaHell villeAmbanjaAntsohihyAnalalavaBefandrianaMampikonyPort-BergAmbilobeAntsirabeAmbositraDzaoudzi8En 2008, lUNICEF, par sa reprsentation Madagascar et dans le cadre de son programme pour la protection des droits de lenfant, approfondit laction de protec-tion des droits des enfants jumeaux de Mananjary en demandant au CAPDAM de poursuivre lanalyse avec une approche droit. Ltude sur les jumeaux de Mananjary avec une approche droit traite la question des jumeaux de Mananjary sous langle juridique et judiciaire. En vue de renforcer le rseau de protection de lEnfant de Mananjary, il fallait mesu-rer lampleur des violences perptres sur les enfants jumeaux dans leur intgrit physique et psychologique, constater les violations des droits humains lendroit des enfants jumeaux, caractriser ces manifestations de violation dans les cadres familial, communautaire et administratif, et enfn, rvler les bonnes pratiques locales dj existantes pour soustraire les enfants jumeaux du tabou.Les jumeaux de Mananjary, entre abandon et protection revisite, ici, en treize cha-pitres, ce phnomne complexe qui tend rendre tout un district de plus en plus vulnrable.Cetouvrageveutconvaincrelurgencedunemobilisationdesinstitu-tions de ltat malgache pour courter la survie dun tabou devenu prjudiciable la communaut antambahoaka.IntroductionLenfantet l a fami l l e11 11Lenfant et la familleLaConventioninternationalerelativeauxDroitsdelEnfantde1989accordeune protectionparticulirelenfant,notammentuneprotectionjuridiqueapproprie, nonce depuis 1924 dans la dclaration de Genve sur les droits de lenfant. Cette protection spciale lgard de lenfant en raison de son manque de maturit phy-sique et intellectuel est reprise par la dclaration des droits de lenfant de lAssem-bleGnraledesNationsUniesen1959.LaConventioninternationalerelative aux Droits de lEnfant, adopte trente ans aprs la dclaration des droits de len-fant,reprendlesmmesprincipestoutenreconnaissantquelenfant,pourson panouissement, doit grandir dans le milieu familial et dans un climat de bonheur, damour et de comprhension.LaConventionreposesurquatreprincipes:nondiscrimination,intrtsuprieur de lenfant, respect des opinions de lenfant, droit la survie et au dveloppement. Chaque enfant est unique. Les capacits individuelles des enfants runies donnent unedimensionparticulirementdterminanteaudveloppementsocialetcono-mique mondial. Mais la population des enfants est de nos jours une des plus vuln-rables. Lenfant est au centre des principes exprims dans la Dclaration universelle des Droits de lHomme. Les droits fondamentaux des enfants sont proclams dans toutes les conventions et dclarations consquentes des Nations Unies. Madagascar,faisantsienslesprincipesdictsdanslaConventionrelativeaux Droits de lEnfant, a adopt la loi n 2007-023 du 20 aot 2007(1) sur les droits et la protection de lenfance. Il a intgr et reconnu dans son droit positif que, pour Lenfant et l a fami l l eLenfantet la famille12Lenfant et la famillelpanouissement de la personnalit de lenfant, celui-ci doit grandir dans son milieu familial et dans un lment de bonheur, damour et de comprhension. LEtat mal-gache, travers cette loi, entend construire un environnement de droits et de pro-tection pour les enfants. Les droits des enfants noncs dans la loi. Tout enfant bnfcie des mmes droits sans distinction aucune, indpendam-ment de toute considration fonde sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la reli-gion,lopinionpolitiqueouautredelenfantoudesesparentsoureprsentants lgaux, lorigine nationale, ethnique ou sociale, lincapacit, la situation de fortune, la naissance ou toute autre situation (art. 3). Aucun enfant ne doit faire lobjet de quelque forme que ce soit de ngligence, de discrimination, dexploitation, de violence, de cruaut et doppression (art. 4). Tout enfant a droit la vie, la survie, au dveloppement. Il a une place privil-gie au sein de la famille ; il a droit la protection et aux soins des parents. Il a droit dexprimer librement ses opinions, droit la scurit matrielle et morale. La famille dorigine ou largie, les pouvoirs publics ainsi que ltat assurent de concert la ralisation de ces droits (art. 10).Lenfant et la familleLesparentssontlespremiersresponsablesdudveloppementdelenfant;ils assurent lpanouissement de lenfant, lui donnent les conditions de vie favorables, compte tenu de leurs aptitudes.Lenfant ne peut tre spar de ses parents contre son gr. Lenfant en bas ge ne peut tre spar de sa mre, sauf circonstances exceptionnelles (ex. mre dtenue).Lenfant doit tre protg dans son intgrit physique ou morale, dans son duca-tion. Ces mesures de protection reviennent en premier lieu aux parents.Le milieu familial reste le premier cadre prserver pour lpanouissement sain et harmonieux des enfants en gnral. Or, lenfant peut tre priv de son milieu et des soins parentaux et familiaux. Cest le cas dans la coutume de linterdit frappant les jumeaux de la cte sud-est de Madagascar. Linterdit des enfants jumeaux, connu sous le nom de fady kambana, est rpandu dans le district de Mananjary, au sein de la communaut antambahoaka(2). Au cours des dernires annes, les diffcults conomiques et sociales ont amen dautres groupes ethniques du district adopter cette pratique. 13Elletouchedsormaisdesfamillestraditionnellementnontabouises,contraire-ment aux Antambahoaka qui sont les seuls revendiquer cet interdit comme une coutume ancestrale. Les droits non respects en la circonstance sont le droit la non-discrimination, les droits la survie et au dveloppement, le droit de vivre avec les parents biologiques, relevs dans la Convention relative aux Droits de lEnfant, repris dans les disposi-tions gnrales de la loi nationale n 2007-023 du 20 aot 2007 sur les droits et la protection des enfants.Le Comit des Nations Unies sur les droits humains (CCPR/C/MDG/2005/3) lors de ses 2425e et 2426e sances (CCPR/C/SR.2425 et CCPR/C/SR.2427), tenues les 12 et 13 mars 2007 sest enquis du sort de ces enfants jumeaux de la rgion du Sud-Est de Madagascar. Prcisment, dans le contexte des droits des enfants, lors de sa 2442e sance (CCPR/C/SR.2442), le 23 mars 2007, dans ses observations fnales, le Comit a exprim, travers larticle 17, son inquitude propos du rejet des enfants jumeaux : ToutenprenantnotedesexplicationsfourniesparlEtatpartiecetgard,le Comitluidemandedeprendredesmesuresnergiques,adquates,etcontrai-gnantes, pour radiquer ces pratiques et assurer la prservation des jumeaux dans leurfamille,demanirecequetoutenfantbnfciedemesuresdeprotection effectives. Larticle 2 de la Convention ordonne la sauvegarde des droits des enfants contre toutes les formes de discrimination et rappelle le rle et lengagement de lEtat pour la protection des enfants. Elle dfnit que le meilleur intrt de lenfant pour sa vie, sa survie, sa protection et son dveloppement reste et demeure un environnement familial, moins de circonstances justifes comme nonc dans les articles 9 et 10. Cest la lumire de la protection des intrts des enfants que lattachement tra-ditionnel et culturel labandon des enfants jumeaux dans la rgion de Mananjary est un phnomne drangeant, qui ncessite une comprhension immdiate de la situation, dans le but ultime de les protger au sein de leur famille biologique. Pour faire face aux enjeux du quotidien de la communaut antambahoaka du 21e sicle, les trois tudes du CAPDAM sur le phnomne du tabou sur les jumeaux de Mananjary ont choisi le parti de la stratgie de la main tendue en interpellant lEtat et la solidarit nationale.Lenfant et la familleLa gmellit du symbole au tabouLa gmel l i t,du symbol e au tabou15La gmel l i t,du symbol e au tabouLa gmellit,du symboleau tabouLEncyclopaedia Universalis dfnit les jumeaux comme tous les enfants ns simul-tanmentdelammemre.Lesunspeuventtredesexeopposetnepasse ressembler, ce sont les faux jumeaux, ou jumeaux fraternels. Ils sont deux fois plus frquentsquelesjumeauxvrais,quisonttoujoursdemmesexe,ettellement semblables quil est souvent diffcile de les distinguer. La gmellit naturelle est le fruit daccidents survenant au moment de la conception(1)et elle reprsente, chez lhomme, en moyenne 1,25 1,3 % du total des naissances. Le chiffre 2 symbolise la gmellit et incarne le dualisme, sur lequel repose toute dialectique, tout effort, tout combat, tout mouvement, tout progrs. Il est la premire et la plus radi-cale des divisions : celle dont dcoulent toutes les autres. Il tait attribu dans lAntiquit la Mre. Il dsigne le principe fminin. Symbole dopposition, mais galement symbole de rfexion, ce nombre indique lquilibre ralis ou des menaces latentes. Ceci peut expli-quer pourquoi les pratiques sont trs diverses selon les contres. Ainsi, une image double dans la symbolique peut renforcer, en la multipliant, la valeur symbolique de limage ou, linverse, en la ddoublant, montrer les divisions internes qui laffaiblissent. Le chiffre 2 exprime donc un antagonisme, qui, de latent, devient manifeste; il traduit une rivalit, une rciprocit, qui peut tre de haine autant que damour ; il reprsente une opposition, qui peut tre contraire et incompatible, aussi bien que complmentaire et fconde. , ,,, , ,

16La gmellit, du symbole au tabouEngnral,lanaissancedejumeauxnelaissepasindiffrent.Lecomportement provoqu par leur naissance pourrait-il relever dune offense faite la nature ou est-il mettre sur le compte de croyances religieuses ?AMadagascar,lesjumeauxsontdiffremmentconsidrsselonlescommu-nauts.Certainespopulationsmalgachesregardentlanaissancedesjumeaux dans la famille comme un bienfait. Dans le pass, ce fut le cas des Tanala dAm-bohimanga(2).Aujourdhuiencore,cesTanaladuNordacceptentlanaissance gmellaire.LesBetsileoontconnuaussilammeattitudepositive,daprs H.Dubois(3).Parcontre,Standing,citparVanGennep(4),constataitchezles Merina lexistence au 19e sicle de ce tabou autour de la naissance de jumeaux. LesMerinaprfraientnegarderquunseulenfant,cdantlautrequelque parent de la grande famille. Il existe cependant, des groupes voisins des Antambahoaka qui pratiquaient rcem-ment encore le tabou sur les jumeaux. Ce fut le cas des Betsimisaraka du Sud, dans lactuel district de Nosy Varika. La communaut Antemoro situe entre Mananjary et Manakara, dans les valles du Namorona et du Faraoy le pratiquent toujours avec de lgres variantes. De nos jours, daprs nos informateurs lors des enqutes sur le terrain, les Antemoro de Namorona et dAmpasimanjeva continuent ne garder quun seul des enfants jumeaux, gnralement le plus solide. , , , ,, , , ,17la documentation criteTableau comparatif de quatre dictionnaires malgachesportant sur les mots kmbana, hmbanaWEBER(1853)(5)ABINAL ET MALZAC (1888)(6)FIRAKETANA (1937-69)(7)BEAUJARD (1998)(8)Hmbanagnralement: quiestdouble;quinefont quun naturellement ou co na-turellement : , des en-fantsjumeaux(hkmbana). Akondro,basy,trano,une banane double, un fusil deux canons,deuxmaisonsqui tiennent ensemble et nen for-mentquune(z(sic)nakm-bana, choses unies par q.).Avynambana,ellevientdac-coucher de deux jumeaux ; mma ! mpambana izy [voyez kmbana] []Hmbana,adj.double... .Hambana(Provincial)..(voyezceci) .. voir aussi (notretraduction):corpstran-gersuspendumaisadhrent unautre,commelamoussedes arbresetlarbreprotubrantqui poussent sur un plus grand tronc.Hmbaa,hmba,adj.:ju-meaux ; double. . . : faux jumeaux [] [cf. aussi .][emprunt/malaisbanjarais: kambar;malaisminangkabau: kamba ; proto-malayo-polynsien : k mbar, jumeaux []Kmbana,hjumeaux,voyez . []Kmbana, adj. et s. Jumeaux, semblables;s.assemblage, union de plusieurs []Kamban-telo, efatra :.. . . []Kmbana ou hmbana (Ml : kambar;Javanais,Sand:kem-bar ; Bat : hombar ; Mak : kam-bar ; Tag. Mak : kambal [], mot racine : union, assemblage, coha-bitation [] Kambana : deux enfants ns en-semble dune mre. Sil sagit dun tripl,onditKamban-telo[]. Plusieursgroupesethniquesde lIle croyaient (cette croyance per-sisteaujourdhuiencore)queles jumeaux reprsentaient un danger pourleurspreetmre;aussi, les rejetaient-ils ou les confaient-ils quelquun dautre.Kmbaa,kmbana, kmba,s.etadj.:jumeaux,ju-melles, semblables [] [cf. aussi .,/ / , , , ,,, , 18la documentation criteUne documentation scientifque restreinteLensembledescommunautsmalgachesdelacteorientaledeMadagascar, allant de la localit dAmbohitsara au nord de Mananjary jusqu la rgion de Fort-Dauphin, tient ses traditions des manuscrits magico-religieux Sorabe. Ces documents sacrs crits en caractres arabes et exprimant la langue malgache existent Madagascar depuis les l4e et 15e sicles. Lassertion de H. Deschamps(9), selon laquelle les Sorabe interdisent dlever les jumeaux, nest pas confrme par le nonagnaire Drebaka, ancien conservateur du livre sacr Mananjary.La bibliographie colonialeLes documents crits(10) sur les jumeaux de Mananjary existant avant 1960 (anne de lindpendance de Madagascar) sont principalement de nature ethnographique. Les tudes ethnologiques franaises de la deuxime moiti du 19e sicle dbut du 20e sicle sur Madagascar se sont inscrites dans la foule des premires observa-tions menes par A. Grandidier la fn des annes 1860. Lesdiffrentespopulationsmalgachesfurentainsiprogressivementrpertories selonleurprobableformationsurlleetselonleursusetcoutumes.G.Ferrand(11) a particulirement tudi, sur le terrain, les populations du Sud-Est malgache, ainsi que leurs dialectes et traditions. A la fn du 19e sicle, le tabou frappant les jumeaux est rapport, selon les traditions orales,commeunepratiqueappartenantauxpopulationslongeantlactesud-estdeMadagascar,auxpopulationsdescendantdeRaminia.LouvragedeVan Gennep(12) voque ce tabou, rattach ceux de lenfant et de la famille, sans avan-cer, pour autant, une explication tranche sur son origine: Le cas des jumeaux est [] complexe ; dune part, ils sont considrs comme anor-maux, et de lautre, ils revtent dordinaire un caractre mythologique spcial, caractre qui Madagascar nest pas trs net, mais lest beaucoup plus chez dautres peuples.Van Gennep dsigne clairement les Antambahoaka comme la communaut attache lobservation de ce tabou et reprend des observations mises par Ferrand(13)qui dcrit : 10

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, 2

12 13 19Chez les Antambahoaka du Sud-Est de lle, lorsquune femme met au monde deux jumeaux, la mre et les assistants sloignent immdiatement, pour laisser la place un sorcier qui les trangle ; la famille rentre ensuite aprs le dpart du sorcier et pleure la mort des enfants [] ; les Antambahoaka prtendent que ces enfants ne vivraient pas, deviendraient fous ou attenteraient plus tard la vie de leurs parents.Il est intressant dvoquer louvrage du Rvrend Pre H. Dubois(14) qui consacre un chapitre gnraliste sur les interdictions rituelles ou fady et rsume que Le fady contient quelque chose du tabou lorsque le sacr et le profane sy mlangent dans une plus ou moins grande proportion ; quil se confond mme avec lui dans nombre de cas de caractre plus exclusivement religieux.Les publications rcentes Les documents rcents parus depuis 1960 sont de nature anthropologique et juri-dique. Il sagit darticles de revue, de recueils de textes juridiques qui encadrent la protection de lenfance Madagascar et de rares tudes acadmiques touchant les jumeaux du district de Mananjary. La communaut antambahoaka est mieux connue depuis 1960 travers le Sambatra ou la crmonie de la circoncision, la fte septen-nale destine clbrer le mle(15).Le cas des jumeaux abandonns par leurs familles biologiques suscite peu de tra-vaux universitaires, tels, notre connaissance, la seule thse de mdecine soutenue laFacultdemdecinedAntananarivo,en1989,parM.NazirRazafndradera, thse laccs malheureusement diffcile. Un mmoire de matrise en droit, soutenu par L. Velomaro(16), dmontre que le fady mitaiza zaza kambana (il est tabou dlever des enfants jumeaux) ne veut pas dire manary zaza (abandonner les enfants). Aussi, soutient-elle quil faut respecter les traditions pour viter que les malheurs ne sabattent sur la famille. Elle assure que la naissance des jumeaux Antambahoaka nexiste plus aprs la prire de nos anctres [] la naissance des jumeaux, en gnral, est un cas rare.Tous les textes de lois destins la protection de lenfant, parmi lesquels le texte sur ladoption, sont des documents qui participent ltude sur les jumeaux de Mananjary. De manire gnrale, on a disposition une maigre documentation, faisant penser que la curiosit scientifque sur la question a t dtourne par le tabou qui frappe les jumeaux. , ,

La documentation crite20Pour comprendre linterdit sur les jumeaux Pour donner un exemple dinterdit qui parat absurde : dans beaucoup de com-munauts primitives on tue les jumeaux. Lorsque les jumeaux naissent, on en tue un,oulesdeux:onsendbarrasse...Pourquoi?Parcequelesjumeauxsont perus comme trop semblables, dans une socit o il faut des diffrences. Une trop grande similitude, comme entre des jumeaux, rappelle la crise mimtique : les jumeaux sont effrayants parce quils sont lis la violence. La communaut a donc limpression que, si elle gardait les jumeaux, ils les conduiraient la violence. Ceci se retrouve dans le mythe dOedipe avec tocle et Polynice, avec sa et Jacob, avec Romulus et Remus (qui ont t effectivement abandonns par leurs parents), avec Can et Abel etc.A nos yeux, il est vident que ces gens qui tuent leurs jumeaux sont dans lerreur, mais sils le font, ce nest pas pour des raisons qui leur paraissent mineures : ils le font parce quils peroivent ces enfants comme trop dangereux pour lharmonie et la paix de leur communaut. Cest pour cette raison aussi quon ne les tue pas par la violence. Les tuer avec violence, les supprimer activement, serait commettre le geste interdit : le geste queloncraintdelapartdesjumeaux.Alorsonlesexpose,cest--dire quon les laisse mourir sans les toucher, pour tre contamin par le monde de la violence auquel on les identife. Par la suite, on purife leurs parents. Pour moi, le grand rvlateur a a t, ce moment-l, le rle des jumeaux dans denombreusessocits.Voussavez,lesjumeauxterrifentungrandnombrede socits, cest vrai en Afrique, mais il y a des socits lautre bout du monde qui sont aussi terrifes par les jumeaux. Et puis il y a des socits qui ne font aucune attention aux jumeaux, mme des plus archaques. Mais si on regarde ce quil en est des jumeaux, on saperoit que les jumeaux font peur parce quils symbolisent la violence extrme.Le structuralisme a une thorie des jumeaux mais qui, mon avis, nest pas suff-sante. Cette thorie des jumeaux cest quil y a deux individus l o il ne devrait y en avoir quun, o il ny a quune seule diffrence disponible, quune position au sein dune culture, cest--dire dun systme de classifcation. La documentation crite21Mais je pense que les peuples archaques ne se dbarrasseraient pas des jumeaux, dunoudedeuxjumeaux,ouneferaientpasdeuxdespersonnagessacrssil sagissaitseulementdunehistoiredeclassifcation.Lesjumeauxfontpeur,ils incarnent la violence et on sen rend compte par le fait que dans pas mal de soci-ts ce sont les parents des jumeaux qui sont souponns davoir commis une vio-lence, la mre surtout, qui est souponne dadultre mais aussi parfois le quartier entier o les jumeaux sont ns est considr comme plus ou moins touch par la violence. Alors je pense que ce qui se passe cest quil y a confusion entre ce que jappelais les doubles tout lheure, cest--dire lexaspration de la rivalit mim-tique, et les jumeaux biologiques qui se ressemblent. Si la violence uniformise rellement les hommes, si chacun devient le double ou le jumeau de son antagonisme, si tous les doubles sont les mmes, nimporte lequel dentre eux peut devenir, nimporte quel moment, le double de tous les autres, cest--dire lobjet dune fascination et dune haine universelles. Une seule victime peut se substituer toutes les victimes potentielles, tous les frres ennemis que chacun sef-force dexpulser, cest--dire tous les hommes sans exception, lintrieur de la com-munaut . (Ren Girard La violence et le sacr) Les jumeaux taient sacrifs dans les socits primitives parce que leur ressem-blancereprsentaitlafgureemblmatiquedudclenchementdelaviolence,ou bien ils sentretuaient. Pour que saccomplisse ce Tous contre Tous en Tous contre Un , dans le dlire gnral qui trouble les sens et la perception, il ny a pas besoin dune preuve irrfutable, il sufft dun rien et le prtendu caractre mons-trueuxdunindividuvaserpandreluiaussicommeunepidmie.Lavictime innocente est donc sacrife dans un premier temps et dife dans un second. Cesttoutelambivalenceduprocessusdeboucmissairequemmelesplus grands ethnologues nont pas su reprer ou dcrypter avant Ren Girard. Sources : Ren Girard, La violence et le sacr, Grasset et Fasquelle, Paris, 1972 ; Entretien avec Ren Girard, propos recueillis par Marie Louise Martinez le 31mai 1994 au CEP de Svres, mht ; Hommage Ren Girard par Michel Van Aerde DOMUNI, Sciences des Religions.La documentation criteLe tabou des j umeaux et l a popul ati on Antambahoaka23Le tabou des j umeaux et l a popul ati on AntambahoakaLe tabou des jumeaux et la populaton AntambahoakaLesAntambahoakaoccupentuneplainelittoralerelativementtendueetplusou moins marcageuse du district de Mananjary. Ils correspondent une communaut de mode de vie fonde sur lexploitation de la mer et des lagunes (pche tradition-nelle utilisant des pirogues monoxyles en bois) et sur lexploitation du sol (cultures vivriresetculturesdexportationnotammentlecaf).LesAntambahoakanese dplacent gure, ce qui les diffrencie en partie de leurs voisins Antemoro.Le feuve Fanantara constitue la frontire nord de la zone antambahoaka, laquelle dpasse lgrement le feuve Mananjary au sud. Celui-ci porte le mme nom que la capitale des Antambahoaka, la ville de Mananjary qui rassemble une population trshtrognedanslaquellelegroupeautochtonereprsentemoinsduntiers. Les autres principales localits antambahoaka sont, du Nord au Sud, Ambohitsara, Mahela, Tanandava, Tsaravary, Manakana, Ambalaromba, Marokarima, Ankatafana.Les Antambahoaka ont le sentiment de faire partie dune mme communaut, dont la base est lappartenance lanctre Raminia, et aux immigrants islamiss venus Madagascar entre le 12e et le 14e sicle ainsi quaux royaumes dirigs par ceux-ci. Despersonnes,bieninformessurlescoutumesdelacommunautantamba-hoaka, admettent que linterdit jet sur les jumeaux nest pas introduit de lextrieur parcesnouveauxarrivantsislamissdnommslesZaframinia(1).Ilseraitplutt issu dun vcu en terre malgache aprs leur arrive. De toutes les communauts de cette rgion, les Antambahoaka ont eu le modle de comportement le plus radical envers les jumeaux, cest--dire, labandon, le rejet, lostracisme. , , 24La communaut antambahoaka observe depuis des sicles le tabou sur les jumeaux et la tradition orale rapporte que ce tabou trouve son origine gographique dans le village historique de Fanivelona, au nord de lautre village historique dAmbohitsara sur les rives de lOcan Indien. A Ambohitsara, linterdit est encore trs largement suivi de nos jours, alors qu Fanivelona, il a t dfnitivement supprim lors dune crmonie grandiose de leve dinterdit en 1982.La naissance de jumeaux est considre par les populations antambahoaka de la rgion de Mananjary comme un mauvais signe. Une loi du silence entoure linter-dit qui pse sur les enfants jumeaux de Mananjary. Lexistence de cette exclusion des enfants jumeaux de la famille dorigine constitue lun des traits distinctifs de la socit antambahoaka. Linterdit sapplique sur trois rites fondamentaux de la communaut antambahoaka :Les jumeaux ne sont pas admis au Sambatra, la fte de la circoncision collec-tive qui a lieu tous les sept ans chaque anne vendredi .Les jumeaux ne participent pas au pitinage rituel des rizires du mpanjaka ou hosinny mpanjaka.Les jumeaux nont pas droit au caveau familial, fasaa, et ne pourront jamais bnfcier du statut danctre ni esprer fgurer parmi les anctres antamba-hoaka invoqus.Cetteatteinteidentitairefaitquelesjumeauxnesontpasconsidrscomme Antambahoaka. Il est dit, Raha manana kambana ianao, tsy anjaranao fa anjaranny hafa,cest--dire,sivousenfantezdesjumeaux,ilsnesontpaslesvtres,mais cds autrui. LesAntambahoakaconsidrentlanaissancedesjumeauxdemmesexeoude sexe diffrent comme un vnement malfque. Les enfants jumeaux nexistent que par le danger que leur personne causerait sur leurs pre et mre. On ne peut les garder sous peine selon les croyances endognes de maldic-tion, qui reprsente le tahia ou choc en retour, consquence de faute commise lgard des anctres. Cest lquivalent du tsinin-dray aman-dreny dans les hautes terres centtrales de Madagascar. Ils sont ainsi abandonns tous les deux, pour une adoption par dautres Malgaches ou par des trangers. Finalement, aucune place ne leur est prvue dans le systme social antambahoaka.Seuls les Antambahoaka revendiquent le tabou sur les jumeaux comme une cou-tumefondatrice.Nanmoins,depuisquelquesannes,laperceptiondelanais-sance de jumeaux au sein dune famille, dans le district de Mananjary, trouve de plus Le tabou sur les jumeaux et la population Antambahoaka25enplusdesargumentsdabandondansltatdeprcaritmatrielledelafamille biologique. Ainsi, la naissance de jumeaux dans une famille antambahoaka ou en partie antam-bahoaka provoque une superposition de comportements dicts par la coutume et/ou par la prcarit matrielle. Letabou sur les jumeaux et la population AntambahoakaCarte du di stri ct de Mananj aryi ndi quant l es l ocal i ts l es pl us touches par l etabou sur l es j umeauxLes ori gi nes mythi ques du tabou sur l es j umeaux27Les ori gi nes mythi ques du tabou sur l es j umeauxLes origines mythiques du tabou sur les jumeauxLesoriginesdutabousurlesjumeauxsontaussiconfusesetaussibanalesque celles dautres murs Madagascar. Voici les trois principales versions du mythe de lorigine du tabou, rapportes par dif-frents informateurs chefs traditionnels ou simples gens. Elles ont t livres lors des enqutes effectues Mananjary par le CAPDAM, aux mois de juillet-aot 2007.Premire version : les attaques ennemies Pourquoi nous autres Antambahoaka sommes interdits de jumeaux ? Ah!Cestque,unjourlointain,lpousedunmpanjaka(1)notreAnctremitau monde les premiers jumeaux connus. Or, pendant ces jours lointains o les Vazaha (ordinairement, les Blancs) ntaient pas encore les matres de lle, les Malgaches aimaientsefairelaguerre(2).Lesennemistaientvenusdtruirelevillagede notre Anctre. Celui-ci, incapable de rsister au nombre des ennemis, avait pris la fuite. Lpouse du mpanjaka sest rendue compte que lun des deux jumeaux a t oubli au village ; elle rclama quon aille le chercher malgr tout. Hsitation. Puis, perdant totalement la notion du danger, le mpanjaka revint au village pour rcuprer le deuxime enfant et y trouva la mort, massacr et brl par lennemi. , , 28Dslors,lpouseroyaleetmresurvivanteauraitprononcuneimprcation, en disant : Raha taranako ka mba miteza kambana, aza manzry, cest--dire, il est interdit mes descendants dlever des jumeaux, au risque de se transfor-mer en vaurien, de ne russir rien.Une variante cette premire version dit que la perte des fuyards provient des pleurs tapageursdundesenfantsjumeauxpassuffsammentallait.Certainstmoins plus jeunes rattachent les faits dautre priode trouble ayant entran la fuite, telle lors des vnements de la rvolte anti-coloniale de 1947. Un rcit lgrement diffrent, mais avec le mme fond de violence, est racont, en encadr, par le mpanjaka Vololoa Solomon. Aupointdedpart,ilyeuttoujoursquelquehistoireoulgendedanctreayant prouv des problmes face aux jumeaux. Dans sa colre et dans sa tristesse, lan-ctre a accompagn la prohibition des plus effrayantes maldictions contre ses fls et petits-fls osant se permettre de passer outre sa dfense.Deuximeversion:ledcsdemresaccoucheusesde jumeaux Une autre origine expliquant la crainte des Antambahoaka pour tout ce qui touche autabousurlesjumeauxestavanceparlancienconservateurdulivresacr, Drebaka pre. En bon conteur, il nous rapporte un rcit bien localis, avec une cause du tabou sur les jumeaux base sur lexprience dchecs successifs. Drebaka rappelle dabord quelAnctreAntambahoaka,dembouchureenembouchure,acherchunlieu propicesoninstallation.Finalement,ilsestfxprovisoirementlembouchure de la rivire Sakaleona, aux lieux-dits Amdodiarmy et Fanivelona, une centaine dekilomtresaunorddeMananjarylelongdulittoral.Lenouvelarrivantaurait poussuccessivementtroisfemmeslocales.Tourtour,ellesmirentaumonde des enfants jumeaux, et tour tour, elles en moururent(3). LAnctre ft alors le ser-ment pour sa descendance de ne jamais lever de jumeaux, assorti dimprcations pour prvenir une trahison au serment.Troisime version : une situation de prcarit Unetroisimeexplicationserfreladiffcultpourunmpanjakaantamba-hoakadenourrirsesenfantsjumeauxlorsdunepriodededisette.Cetteexpli-cationdordrealimentaireestplusprochedesdiffcultsconomiquesvoques aujourdhui, pour abandonner les enfants jumeaux et les placer en adoption ou les confer des familles daccueil ou des institutions agres. , Les origines mythiques du tabou sur les jumeaux29Les origines mythiques du tabou sur les jumeaux A linstar de nombreux chercheurs ethnologues interrogeant les autochtones sur la rationalit de telle ou telle coutume, celui qui posera la mme question propos du rejet des jumeaux se verra rpondre par les tmoins : Cest fomban-drazana (cou-tumesancestrales),nousfaisonsainsiparcequenosparentslonttoujoursfait, et nous devons nous y soumettre. Ceci signife simplement quil ne faut pas cher-cher une logique base sur la rationalit, mais une logique fonde sur lexprience, vraie ou suppose, de la maldiction pour non respect de la coutume ancestrale. Ainsi,lorsdunfocusgrouporganislasalleduvredelamissioncatholique de Mananjary en juillet 2007, les parents antambahoaka prsents sont convaincus quils ne seront pas admis tre enterrs dans leur tombeau familial. Ce que nous retenons Silfautdonneruneoriginehistoriquelacoutume,retenonscesensdonnau tabou sur les jumeaux : il est la marque mmorielle dun fait pass traumatisant pour la communaut. Les jumeaux sont le bouc missaire offert ladversit. Cependant, ltat de prcarit matrielle permanente (la pauvret) prend, petit petit, la place du fait historique. Laviolenceduprsentprcairesupplantelaviolencepasseretenueenvne-mentshistoriques,commesuccessivementlesconfitsclaniques,latraitedes esclaves, lautorit de la royaut merina, la priode coloniale, les changements poli-tico-conomiques depuis 1960.Premire version : les attaques ennemiesNitizinamyizyiotalohatayelabe,fa taty afara izy io mahavoa anazy nisy izany hoesvokak,svokaiomankokara-zaa dahalo manko io, ka eo zaza maditra iy, rahefa niteza anazy io zareo, dia tonga isvoka io. - Alao r ndeha atsi mba zahay koa rha andraoara,faizanymisyolonaao izany. Nidongy ity zaza raiky ity.-Ah(ilaymaditraiy)!Dianyiraikilahy tao tabela tao. Ka hitanao dahlo fa tsisy rhaataonyrahatsyhamonoolonaka dia dahlo izany ! Lasany y raika, tavela, niarina ary iabany aminiendriny. - Kaza ihavanao ? - Ao izy (hono izany koa nataonizaza iy). Dia lasa iraikilahy ilay rahalahiny koa, d fa-rany izy izany d niaraina tsy hita. -Matyizanako,hoyizy.Hatraminizaoizy ,dianovlonataminiyitsitsika:Laha ankihika(1)amprazanakoAntambahoaka my,tsymahazomitezaaniofalahareo miteza anio dia maty !Izany tsy ahasahiana miteza anazy io koa ankehitriny.Kanyefalasa-nadahlomoa kad,lasanisvokaio,tsyhitaizazaity, diamandrakityandroany.Nytsitsikana-taonnyraiamandrenyizanynomaha-tonga ny tsy ftezna zaza kambana ity, fa manahiranaanazy.Efaravofahoemaro ka d, nofaly izy taloha nahita anazy roy in-draika navoaka iy, kaika izy ity ka nivadika indraika! (Mpanjaka Vololoa Solomon, Mananjary, 1er aot 2007) Dans le pass lointain, on les levait [les enfants jumeaux],maisplustard,lemalheurcestquily avait ce quon appelait des ennemis qui prenaient les gens limproviste, une sorte de brigands infl-trs, et lenfant entt (alors lev par ses parents) tait prsent lorsque vinrent les brigands. - Vas voir un peu, mon petit, ce qui se passe dans la maison, car on dirait quil y a quelquun par l. Lenfant se montra boudeur. - Non ! dit lenfant entt. Lautre enfant tait laiss lintrieurdelamaison.Commevouslesavez bien, les brigands ne pensent qu tuer les gens, ils sontcomme,cesbandits.Ilsontemmenlun [des enfants jumeaux], enlev. Leurs pre et mre partirent sa recherche. - O est pass ton parent [frre] ? -Ilestl,rpondit(dit-on)lenfantentt.Lautre enfant,sonfrre,futenlev,etonnelaplusre-trouv malgr les recherches entreprises.-Monenfantestmort,dit-elle(il).Apartirdel fut profre limprcation : A mes descendants An-tambahoaka, jinterdis dlever ce genre denfants : sils les lvent, ils en seront morts. Voil pourquoi on nose plus les lever aujourdhui. Emmen par des brigands, enlev par des bandits, lenfantnefutplusretrouvjusqumaintenant. Cestlesermentavecimprcationsprononces par les parents qui est lorigine du refus dlever les enfants jumeaux, car ils vont avoir des ennuis. Audbut,ilstaientravisdtrenombreux,ilsse rjouissaientdevoirundoubldunseulcoup,et en un instant, la situation sest retourne ! (Mpan-jaka Vololoa Solomon, Mananjary, 1er aot 2007)Mombanyfadykambana.Izaoizyan.Ny Antembahoaka nivoaka taminny Arabo, tsy sandraa anazy io. Fa izao no voalohany. Raha vantany tonga teto Madagasikara izy, tsymaintsymaarakaistanyMadagasi-kara,karahadinihinanyniforonannyfady zazakambana : tao avaratriNosivarika ; sa-tria ny tena tompony ny sandraa zazakam-banadiaaoAmbodiarmyatsimoniNo-sivarika,a-Fanivelonahoaho.Aonotena misy olona sandraa anio. Fa Iazaay laha-tay an, dia nangala viavy tao. Ka laha nan-galaviavy,ivadyrrhatsarakad.Ka ny fandehanny [fady] zazakambana an, tsy rha nandao lahatay, fa rha teto. Izaonotantaranyfadykambana.Nisyran-gahyIazaayhono,izanynomaha-tantara anazy,nangalaviavy.Lahahanambadyizy an,dianiteraka,niterakazazalilahy,diani-tizainy.Lehibe.Bevokakoaraviavy,te-rakaavylahatay:kambana.Izayizyan! Laha nokambana, dia notizainy. Izy efa lehi-bebeazoirahinamangalarano,matyien-drinizaza iy. Maty vady izany rangahy. Teo izynidaaka.Dianamanahitondratea maty ka d.Nangala koa faindroany nangala viavy. Te-raka ivoalohay, tsara mi. Teraka koa ifain-droany, dia hoatra anio koa, hambana koa. Maty koa raviavy. Dia very hevitra irangahy lehelay,tsyhitanyimarina.Akoryatao. Ampaitelony fa tsy vantsy dia mbola nan-gala koa, dia hoatraniy koa. Ka raha hoa-traniy ampaitelony, nangala aomby hono rangahy iy, dia raha taranaka zanaka amin-jafy miteza zaza hambaa, h, izy ka d tsy matyfadtsymanjaryolona.Tsynilaza izyhoenitezaaniokamaty.Laharahani-zaka anizany mi ka tsy taaty kibonyzana-kAntembahoaka.Nytsymanjaryolonadia olona sahirana izany, ary izany misy ankahi-triny. Fa tsy hoe maty an. Izany hoe aminny ftondrana aia an, na hiasa maano akory namaanoakorytsymety.Kamanjaryna diatsymileviaaatytanyaza,matymit-sangana.(Drebakarainy,Mananjary,28 juillet 2007). Sur le tabou sur les jumeaux. Voici ce quil en est. Les Antembahoaka sont dorigine arabe, donc sans tabou de jumeaux. Mais en voici lorigine.Dsquil[lAnctre]dbarquesurlaterremal-gache, il doit en suivre les coutumes, aussi quand on examine lorigine du tabou desenfants jumeaux :ctaitaunorddeNosivarika;carlesvraisau-tochtones pratiquant le tabou sur les jumeaux ha-bitent Ambodiarmy au sud de Nosivarika, Fani-velona dis-je [aussi]. Cest l que rsident les gens qui en font un interdit ancestral. Notre Anctre nou-vellementarrivaprisfemmedansceslocalits. Prendre femme, ! la femme cest une grce. Lori-ginedelinterditsurlesjumeauxnevientpasde lextrieur, mais dici.Voici lorigine du tabou sur les jumeaux. Notre An-ctre,dit-on,ilsagitdunmythedorigine,apris femme. Il sest mari, eut un enfant delle, un gar-on,etillalev.Lafemmefutdenouveauen-ceinte, et mit au monde des jumeaux. Voil ce quil en est. Les jumeaux, il les a levs. Les enfants de-venusgrandscapablesdallerpuiserdeleau,la mamanmourut.Lhommeaperdusonpouse.Il nen revenait pas : une compagne de vie a disparu.Ilenpousaunedeuxime.Celle-cienfantadun premierenfantsansproblme.Elleaccouchade nouveau, et ce fut comme prcdemment : des ju-meaux. La femme mourut son tour. Lhomme ne sutplusquefaire.Oestlavrit?Quelledci-sion prendre ?Ilneselaissapasabattre,etrecommena prendrefemmepourlatroisimefois,maiscefut un nouvel chec. Alors, comme ce fut la troisime fois, il prit dit-on un buf et [ft le serment que] si ses descendants, enfants et petits-enfants, lvent des jumeaux, oh ils nen mourront pas, mais ce se-ront des vauriens. Il na pas dit lever et en mourir. Ce genre de propos ne peut pas tre dans le cur dun descendant Antembahoaka. Ne pas devenir un tre humain veut dire tre en diffcult, et cest ce que lon voit aujourdhui. Cela ne veut pas dire mourir.Maissipourvivre,vousvousacharnezau labeur, vous ne russirez rien. Si bien que mme si vous ntes pas sous terre, vous tes un mort vi-vant . (Drebaka pre, Mananjary, 28 juillet 2007).Deuxime version : le dcs de mres accoucheuses de jumeauxLes val eurs ancestral es et l a prcari t conomi que au dtri ment des j umeaux 33Les val eurs ancestral es et l a prcari t conomi que au dtri ment des j umeaux Les valeurs ancestrales et la prcarit conomique au dtriment des jumeaux Les causes profondes justifant le maintien de la coutume interdisant la garde des jumeaux sont en premier lieu dordre culturel. Vient progressivement sy greffer une dimension conomique aggravant le cas des jumeaux de Mananjary.Lapremirecausedumaintientenacedelacoutumeest dordre culturelLe tabou de la gmellit est li un attachement aux coutumes et au respect des anctres. Si lon demande un Antambahoaka pourquoi il observe le tabou sur les jumeaux, sa rponse voquera dabord la tradition et la crainte de sattirer des malheurs en compagnie des jumeaux. Ensuite, il vous racontera volontiers les origines immmo-riales du tabou, travers divers rcits mythiques la source de la coutume dvalo-risant les jumeaux. Le dnominateur commun de tous les rcits dorigine du tabou est quau point de dpart, il y eut toujours quelque histoire ou lgende danctres antambahoaka ayant prouv des problmes face aux jumeaux. La prohibition provient de leffrayante maldiction profre contre les fls et petits-fls, en somme tous les descendants vivants osant se permettre de passer outre lin-terdit. Les anctres au nom desquels le tabou est respect dtiennent une autorit morale qui leur permet de se venger, do le respect du tabou et le mdiocre statut social des jumeaux. La famille tendue et la communaut clanique reprsente par les mpanjaka veillent pour faire appliquer la coutume de linterdit. Les jumeaux sont perus comme des tres malfques qui porteraient malheur aux parents qui les gardent. 34Un mpanjaka a soutenu devant ses pairs rests muets que les enfants jumeaux ne sont pas maudits, car, seuls les parents qui lvent les jumeaux seraient maudits, parcequilsviolentlacoutumedelinterdit.Toutcecirelvebienvidemmentdu domaine de la croyance.Lestraditionalistesultra-conservateursperoiventlerejetdesenfantsjumeaux commeunevaleursymbolique,unsceauquilielesmembresdugroupeantam-bahoaka entre eux. Ils lexpriment comme une obligation, un interdit absolu (san-draa), et non comme un tabou (fady) tout relatif, cest--dire qui reste recomman-dable sans plus. Sur la foi des lments dinformation recueillis, il apparat que la force du tabou est encore trs vivace chez les ruraux, contrairement la communaut antambahoaka de la ville de Mananjary, qui vit le tabou depuis 2006 sous un rgime plus souple. Si auparavant, le fait de ne pas respecter linterdit vouait le fautif aux maldictions des plus effrayantes (tsitsika), aujourdhui la garde des enfants jumeaux nest ni prohi-be dans labsolu ni prescrite. Toutefois,cettepositionnefaitpaslunanimit.Deplusenplusdevoixslvent contreunecoutumejugedpasse,portantatteinteaudroitlmentairedes enfants vivre avec leurs parents. La seconde cause de linterdit sur les jumeaux est dordre conomique Linsuffsance de ressources augmente la vulnrabilit des enfants jumeaux quant leur vie, leur survie et leur panouissement. Depuis lanne 2000, de plus en plus deparentsabandonnentleursenfantsjumeauxlanaissance,parcequilssont dans limpossibilit de subvenir leurs besoins. Des cas de prcarit conomique extrme frappent les familles trop nombreuses, avec une surcharge denfants au-del dun seuil subjectif de ce qui est tolrable, avec le tarissement de lait de la mre physiquement puise ou avec le manque demploi pour certains jeunes devenus prcocement parents biologiques denfants jumeaux.Un pre biologique, qui a gard le survivant de ses jumeaux, alors quil avait dj dix autres enfants, dit que la vritable diffcult rside dans les tches doubles eu gardauxenfantsmultiples:allaitement,nourriture,habillements,fraisscolaires, frais de sant car les jumeaux sont assez fragiles de sant. Il soutient que cest la peur de la quantit de travail et de leffort qui fait reculer certains parents. Comment, dit-il, expliquer autrement le fait quil y ait rejet des jumeaux lorsquils sont encore petits et leur retour en grce lorsquils ont des bras, cest--dire, capables de pro-duire des biens ? Bonnombredepreset/oudemresquilesontabandonnslanaissance acceptent de consommer les fruits de leur labeur, une fois quils deviennent adultes productifs.Les valeurs ancestrales et la prcarit conomique au dtriment des jumeaux,, l a fausse si tuati on consensuel l e de l i nterdi t sur l es j umeaux 37,, l a fausse si tuati on consensuel l e de l i nterdi t des j umeauxOn distingue deux grands types de pratique lors de naissances gmellaires : dune part, celui de respecter le tabou sur les jumeaux en les loignant de la famille biolo-gique ou en les abandonnant leur propre sort, et, dautre part, celui de protger et dduquer les enfants jumeaux au sein de la famille biologique.Lenqute mene dans la localit de Mananjary rvle, pourtant, travers lventail de tmoignages, trois pratiques distinctes : labandon des jumeaux ds leur naissance ; la garde et lducation des jumeaux dans la famille biologique ; ladoption des jumeaux.Pour rsumer la position actuelle du maintien du tabou, les chefs traditionnels de lacommunautantambahoakadeMananjaryusentdeladagepopulairedisant: Rom-boay : izay mahasahy homana, cest--dire, le bouillon de viande de caman : en consomme qui ose(1). , ,

Rom-boay, la fausse situation consensuelle de linterdit sur les jumeaux38Le rom-boay a t voqu pour la premire fois en public par le porte-parole des mpanjaka lors de la clbration offcielle de la Journe de lenfance en juin 2006 Mananjary. Il ny avait ni condamnation claire, tranche et nette, ni adhsion irrver-sible et dfnitive de linterdit. Durant cette journe de commmoration, les mpanjaka antambahoaka ont livr leur position nini sur la question qui donne une libert de choix relatif sur le sort donner aux bbs jumeaux ns au sein de leur famille.Le choix a t laiss aux parents des jumeaux dvaluer leurs intrts entre laban-don de leurs enfants et leur garde, entre la prservation du tabou et sa violation, sous peine de maldiction, consquence dune faute commise lgard des anctres. Toutefois,lenjeudecechoixconsistetrancherentrelquilibreinternedu foko antambahoaka et lautonomie de la famille mononuclaire.Le rom-boay installe ainsi une fausse situation consensuelle dterminant lurgente ncessit de dnouer dans des conditions indites le tabou anachronique frappant les jumeaux de Mananjary.Lemomentestpropicepourbriserlaconspirationdusilencequientouredepuis des sicles cet interdit, pour lancer le dbat autour de la question et pour tenter de faire voluer la situation en faveur de la protection des jumeaux. En effet, des rac-tions positives font entrevoir une perspective encourageante du ct de la jeunesse et les parents ne sont plus tous aussi intransigeants sur la question. Les ans nin-terdisent pas de passer outre la coutume, mais laissent ceux qui dcident de faire preuve de tmrit en bravant le tabou, le soin de sassumer. De fait, une partie de la population souhaite une prise de conscience de la communaut antambahoaka en faveur de la suppression de linterdit avec le soutien moral et matriel de lEtat.Le focus group de juillet 2007 a permis aux parents antambahoaka prsents de lan-cer le message fort suivant : AZA ARIANA NY ZAZA KAMBANA FA TEZAINA,Nabandonnezpaslesenfantsjumeaux:ilfaut les eleverLaprotectiondesenfantsjumeauxnestpasuncomportementnatureletnormal (danslesnormes)danslargiondeMananjary.Cependant,lavilledeMananjary tente, depuis quelques annes, de surmonter cette situation discriminatoire envers les jumeaux. Elle admet une cohabitation code avec les familles antambahoaka ou en partie antambahoaka ayant des jumeaux, en leur demandant dlire domicile une distance respectueuse des dix Tranobe (maison communautaire) de Mananjary.Dans le pass, la maternit du Centre hospitalier de Mananjary a pris linitiative de prendre en charge de manire temporaire les nouveaux ns jumeaux de la maternit, abandonns la naissance par leurs parents biologiques. Rom-boay, la fausse situation consensuelle de linterdit sur les jumeaux39Leur naissance la maternit de lhpital de Mananjary signife quun refus dassurer la protection des jumeaux par abandon peut tre considr comme un crime vcu dans le cadre dune institution de lEtat malgache. Ce fut une solution provisoire car, faute de moyens fnanciers, cette pratique a cess. Cette situation illustre la complexit de la question.Des centres daccueil ont pris ainsi le relais pour recueillir ces jumeaux rejets par leur famille biologique. Finalement, la prise en charge leur naissance des jumeaux abandonns par leur famille biologique est une dcision implicite prise par la com-munaut locale du district de Mananjary en : suscitant les vocations humanitaires pour recueillir ces jumeaux et chercher un mode de protection durable pour leur survie et leur dveloppement ; ragissant collectivement par une dmarche participative autabou sur les jumeaux. Face ces ralits, la loi malgache sur les droits et la protection de lenfance du 20 aot 2007 apporte une innovation fondamentale, dune part, dans la dfnition du mot maltraitance (art. 67, alina premier) et, dautre part, dans lnonc du proces-sus du signalement pour dnoncer toute forme de maltraitance (art. 69). Parailleurs,despeinesontdjtprvuesdansleCodepnalmalgachepour la protection des droits de lenfant face labandon ou dlaissement denfant, aux voies de fait, la non assistance de personne en danger ou encore aux peines rela-tives ltat civil (art. 349 352 ; art. 312, al. 6 ; art. 63 ; art. 473, al. 3).Tels sont les enjeux actuels.Rom-boay, la fausse situation consensuelle de linterdit sur les jumeauxUn aperu stati sti que sur l es j umeaux41Un aperu stati sti que sur l es j umeauxUn aperu statistique sur les jumeauxLes chiffres globaux des naissances ont t recueillis auprs de seize centres mdicaux et de neuf centres dtat civil ou antennes dans les communes du district de Mananjary. En tout vingt et une localits ont fourni des statistiques intressantes. Celles-ci rvlent en gnral une frquence irrgulire des accouchements auprs des centres de sant de base (CSB) et de la maternit de la ville de Mananjary. On observe cependant que des accouchements gmellaires sont reports dans les livres des CSB et que des parents dclarent auprs des communes la naissance de leurs jumeaux.Cependant, selon la femme mdecin de la localit dAntsenavolo, les femmes naccouchent aucentremdicalquencasdediffcultmajeuredaccouchement.Danscecas,elles viennent toujours accompagnes de leur matrone. Ainsi,leschiffresdesnaissancesgmellairesproviennentdesimplesdclarationsverbales des parents biologiques et non de naissances au sein mme du centre mdical. Il y a des naissancesgmellaireshorscentremdical,maisnondclaresparcequelesbbsont tabandonnsparleursparents.Cetmoignagesouligne,parailleurs,quelespopula-tions non soumises linterdit sur les jumeaux, telles les Taala, dclarent en gnral leurs jumeauxmaiscertainesfamillespratiquentlabandondenfantsjumeauxpourdesraisons conomiques.Parcontre,lesnaissancesgmellairesdelanne2006danslevillageantambahoakade Tsaravary proviennent des habitants et non du centre mdical. Le mdecin du village signale, quant lui, lexistence de naissances gmellaires hors centre mdical. Toutefois, dans cer-tainescommunes,onremarquepourlanne2008uneaugmentationduchiffredesnais-sances dclares par le centre mdical, suite la distribution de kit daccouchement.Le taux de naissances gmellaires sur lensemble de Madagascar est de 2,8%. Le taux ins-crit pour le district de Mananjary est en de des normes nationales. La pratique du tabou des naissances gmellaires dans le district ainsi que la faiblesse de la frquentation des CSB et de la maternit de la ville de Mananjary sont des facteurs pouvant nuancer les statistiques offcielles.Frquence daccouchements gmellaires dans quelques centres mdicaux du district de Mananjary entre lanne 2000 et lanne 2008

LOCALITSPOPULATION200820072006200520042003200220012000 1. AmbodinonokaTaala1/241/9n/281/21n/26n/282/40n/17n/17 2. AmbohinihaonanaTaala4/244n/205n/262n/246n/213n/142n/143n/117n/124 3. Manakana NordTaala1/871/82n/77n/612/44n/251/31n/15n/27 4. AndonabeTaalan 2/n2/nnnnn2/nn 5. AntsenavoloTaala2/1291/1873/1411/1281/112n/144n/119n/1191/201 6. TsaravinanyTaala2/39n/27nnnnnnn 7. AnosimparihyTaala-Temoro2/302/294/821/n2/nn1/n1/nn 8. SandrohyTaala-Temoron/211/381/17nnnnnn 9. VatohandrinaTaala-Temoro2/111/282/81/13n/102/141/9n/8n/1110. NamoronaTemoro3/1932/2033/2042/1994/1963/257nnn11. MarokarimaTaala-Tembahoakan/14n/33/23n/27n/3n/42/5n/171/1112. Tsiatosika Tembahoaka3/78n/47n/87n/7n/61n/17n/30n/251/1513. Ambohitsara Tembahoaka3/432/122/153/n2/n3/n1/nn2/n14. MahelaTembahoaka1/801/33n/411/382/602/40n/231/25n/1015. Tsaravary Tembahoakan/54n/143/29n/25n/211/31nnn16. Mananjary Tembahoaka2/2924/2644/2632/1962/2661/2432/2271/1743/191TOTAL sur les chiffres disponibles26/133918/118127/127712/96115/101212/94510/6275/5178/607Frquence daccouchements gmellaires enregistrs dans quelques communes du district de Mananjary entre lanne 2000 et lanne 2008

LOCALITSPOPULATION2008200720062005200420032002200120001. Ambohimiarina IITaalan/583/1061/79n/67n/52n/46n/56n/59n/462. MorafenoTaala-Tembahoaka2/2883/2301/2531/1882/202n/136n/1953/1701/1383. Mahatsara IefakaTembahoakan/79n/583/58n/631/83n/671/342/623/694. Mahatsara SudTembahoaka1/2101/1701/175n/1801/125n/86n/1191/1201/345. TsiatosikaTembahoaka2/194n/1641/225n/1603/206n/1421/172n/1501/1586. AmbohitsaraTembahoaka3/1895/3532/113n/231n/44MahelaMahelaMahelaMahela7. TsaravaryTembahoakan/184n/171n/1611/192n/192n/320n/3202/234n/1288. AnkatafanaTembahoaka1/152n/1241/173n/117n/137TsaravaryTsaravaryTsaravaryTsaravary9. MananjaryTembahoaka6/7113/6546/5878/6835/6536/6528/6017/70211/587TOTAL sur les chiffres disponibles15/206515/203016/182410/188112/16946/144910/149715/149717/1160Les centres daccuei l , une sol uti on provi soi re l abandon des j umeaux 45Les centres daccuei l , une sol uti on provi soi re l abandon des j umeaux Les centres daccueil, une solution provisoire labandon des jumeaux Labandon des jumeaux par leur famille biologique a suscit des ractions diverses delapartdelapopulationdudistrictdeMananjary,quinepratiquepasouqui condamne linterdit sur les jumeaux. Des initiatives individuelles se sont manifestes pour protger provisoirement les jumeaux abandonns. Des vocations humanitaires se sont organises en Association, titre priv ou titre religieux.On recense Mananjary deux centres daccueil en activit, qui portent assistance aux jumeaux abandonns par leur famille biologique. Les informations fournies ci-dessousproviennentdesrponsesauquestionnaireduCAPDAMdonnespar Julie Rasoarimanana, responsable du Centre dAccueil et de Transit des Jumeaux AbandonnsouCATJA,etparFrdricCrou,responsablebnvoleduCentre Mdical et Social Marie-Christelle de Fanatenane.Le Centre dAccueil et de Transit des Jumeaux Abandonns ou CATJALe centre CATJA a t cr le 27 juillet 1987 dans le fokontany(1) de Marofnaritra par feu Auguste Tsimindramana. Depuis son dcs, sa femme Julie Rasoarimanana dirige le centre. Elle est antambahoaka par son pre. Bien quelle ait eu la bndic-tion de sa famille (tsodrano tao anatinny fanakaviambe), elle ne doit pas frquen-ter son Traobe, car elle soccupe des jumeaux abandonns. 46A lorigine, le Centre ntait destin qu accueillir les enfants jumeaux abandonns, mais par la suite, il a recueilli les orphelins, les handicaps et les enfants de familles pauvres. Le but du Centre est de rendre leurs droits ces enfants rejets et ostra-ciss par la communaut (hanome sy hanatanteraka aminireo zaza lavina sy tsy tianny farahamonina ny zo tokony hanananizy ireo).Le Centre ne peut supporter que cinquante pensionnaires, mais devant le nombre grandissant denfants abandonns, il compte amliorer ses capacits daccueil. Les activits du Centre sont fnances par des paroisses amies, par des personnes de bonne volont rsidant Madagascar, par lassociation des parents trangers ayant adopt les enfants du Centre et par le parrainage des enfants du Centre organis par ces familles adoptives rsidant ltranger.LeCentreMdicaletSocialMarie-Christellede FanatenaneFanatenane est une association vocation humanitaire, fonde en France en 1996. LeCentreMarieChristelleestuncentredaccueilfondMananjaryparB. Bouffet et ouvert en dcembre 2000. Lassociationluttecontrelabandondesbbsjumeaux.Elleassureauxenfants vivant dans le Centre le gte, la nourriture, lhabillement, les soins mdicaux, lveil pour les petits, des sorties ducatives, lacquisition des savoirs de base ainsi quune formation professionnelle pour les grands.Le centre Marie-Christelle accueille aussi les enfants des familles en dtresse, luttecontrelamalnutritionetveilleassurerchacununerinsertionfamiliale. Lassociation sefforce daider matriellement les familles soucieuses de vouloir gar-der leurs enfants. Lobjectif de lassociation est double : sauver les jumeaux aban-donns et les enfants des familles en dtresse et participer des discussions avec les villages dans le but denrayer la pratique de labandon des jumeaux.Le fnancement de lassociation provient 100% de la France par le biais des par-rainages, de dons, de soutiens provenant des villes, rgions, entreprises et autres associations franaises.Les centres daccueil, une solution provisoire labandon des jumeauxLes vi ol ati ons des droi ts humai ns l endroi t des enfants j umeaux49En ce qui concerne les manifestations des violations des droits humains lgard des enfants jumeaux, il faut sparer les fausses ides des ides justes.Actuellement, le temps nest plus commettre des infanticides de bbs jumeaux. La mort de jumeaux confe un sorcier qui les trangle, tel que le rapporte Van Gennep(1) au dbut du 20e sicle, ltouffement vivant des jumeaux dans les tourbes, le pitinement des jumeaux par un troupeau de bufs ou dautres formes dlimina-tion physique sont des pratiques qui ont disparu.Lapratiquedaujourdhuiestlexclusiondesjumeauxdelafamilleetdelacom-munaut. Elle constitue une violation fagrante du droit le plus fondamental nonc dans la Convention relative aux Droits de lEnfant, cest dire, la survie et le dve-loppement (art. 6). Ds la naissance, les bbs jumeaux sont abandonns. La mre sen dsintresse en leur tournant le dos au propre comme au fgur, refusant de les allaiter et de les couvrir de vtements. Puis, ils sont remis un centre daccueil denfants abandon-ns en cas de naissance en ville. En brousse, ils sont dposs au pied dun arbre ou aux bords de la route dans un panier ou dans un carton. Ils sont donc cds quelquundautre,tantconsidrscommemortssocialementparleursparents biologiques. Les jumeaux ne sont pas admis comme membres de la communaut, exclus des crmonies rituelles du clan. Les vi ol ati ons des droi ts humai ns l endroi t des enfants j umeauxLes violations des droits humains lendroit des enfants jumeaux50Les violations des droits humains lendroit des enfants jumeauxLesconsquencessanitairesdetellespratiquesvarientselonlescirconstances: voyage de deux ou trois jours en pirogue, tat de quasi nudit des nouveaux ns, ali-mentation leau sucre, cordon ombilical non trait... Le manque de soins aggrav par le froid et ltat de choc devient fatal pour ces bbs jumeaux abandonns. Leur esprance de vie est dramatiquement faible. Un mdecin affrme que leur taux de mortalit est considrable, de lordre de 25% et, la plupart meurent avant la fn du premiersemestre,lesprincipauxfauxquilesguettenttantladysenterie(diar-rhes), ltat avanc de malnutrition, et pour les riverains du canal de Pangalana, la drpanocytose. Les jumeaux qui ont survcu traduisent leur ressentiment envers une situation injuste et rclament leur statut lgitime dtres humains. La stigmatisation des jumeaux et la dis-crimination sont diffciles lucider. Elles marquent jamais les jumeaux de Mananjary. Cest le cas vcu lge de 12 ans par un garon jumeau, aujourdhui g de 28 ans,blessprofondmentparlattitudeduneparenteproche.Celle-ciajetle gobelet avec lequel elle lui a servi de leau frache boire, en raison de la pratique du tabou. Devenu adulte, il se dsole que ses camarades antambahoaka se conten-tent de le saluer distance contrairement aux jeunes Betsileo qui sont en contact troit avec lui. Les garons antambahoaka adoptent une attitude dvitement vis--vis de lui plutt que de rapprochement, mme sils sont obligs parfois de lui confer leurs motos pour rparation. Si un des enfants jumeau meurt, les familles ayant dcid de garder le jumeau survi-vant prfrent garder secret ltat de jumeau de lenfant survivant. Dvoiler la vrit ou le secret risque de crer sur lenfant une perturbation dune autre nature, outre celle de lexclusion. Cet usage du secret de famille tmoigne de lampleur du ph-nomne.Lcole nexclut pourtant pas les jumeaux. Des enfants jumeaux ont accs ldu-cation dans les tablissements scolaires de la ville de Mananjary. Toutefois, leur sco-larisation est encore limite en raison de la pauvret. Cest la raison pour laquelle les parents des jumeaux insistent sur le soutien de lEtat en matire de scolarisation. Voici un aperu statistique parcellaire de la situation scolaire des jumeaux dans la CommuneurbainedeMananjary.Ilmontreunnombresensiblementprochedes chiffres retenus dans les livres de la maternit de la ville ainsi que ceux rvls par les registres de la Commune urbaine de Mananjary51Frquentation scolaire des jumeaux dans des coles primaires publiques (EPP) et dans des coles prives de la commune urbaine de Mananjary, au 26 mai 2009EtablissementNombre de paire gmellaireAge Classe SexeEPP A 27-15 ans CM.1, CP.1 G-FEPP B 4 9 14 ans CM.1, CE, CP.1 G-FEPP C 4 6 10 ans Maternelle., 10e, 9e G-FEcole Prive X 7 3 5 ans CI.1, CI.2 G-FEcole Prive Y 3 6 9 ans 12e, 11e, 10me G-FEPP D 3 +2 en individuel 7 14 ans CM.1, CE, CP.1 G-FEcole Prive Z 1 6 ans 12me GLa situation scolaire de la commune urbaine de Mananjary est assez reprsentative de ltat gnral du district quand on sait que la frquentation scolaire en milieu rural reste fuctuante voire intermittente.Les violations des droits humains lendroit des enfants jumeauxLes facteurs de protecti on des enfants j umeaux contre l es pressi ons fami l i al e et communautai re53Il est plus facile pour les parents de jumeaux de vivre en milieu urbain plutt quen milieu rural. Des sondages effectus en novembre 2007 dans les villages dAmbala-romba, de Tsaravary, de Mahatsinjo, dAnkatafana, dAmbohitsara, de Tanandava, de Mahela rvlent que letabou sur les jumeaux y est encore plus vivace quen milieu urbain.Le niveau scolaire des parents de jumeaux est un facteur important dans lapprcia-tion de lensemble du phnomne de rejet et dexclusion des enfants jumeaux dans le district de Mananjary. Plus la mre a de connaissances et de comptences, plus elle a confance en elle, mieux elle prend position contre la coutume de linterdit sur les jumeaux. Elle est plus attentive aux explications fournies par les sages-femmes, pour lallaitement et pour la garde des bbs jumeaux.Les innovations apportes par la loi de 2007-023Dans lexpos des motifs de la loi sur les droits et la protection de lenfance, lEtat malgache, tend prsenter dans un contexte spcifque les rgles relatives la pro-tection des enfants, notamment celle des enfants victimes dabus ou dexploitation et mette en vidence la procdure suivre en la matire en respectant les prin-cipes de base dicts par la Convention relative aux Droits de lEnfant et en tenant compte de la ralit malagasy. Les innovations essentielles de la loi 2007-023 se retrouvent dans le chapitre III relatif la protection de lenfant en cas de maltraitance comportant neuf articles, et le chapitre IV qui traite de la procdure judiciaire com-portant huit articles. Les facteurs de protecti on des enfants j umeaux contre l es pressi ons fami l i al e et communautai reLes facteurs de protection des enfants jumeaux contre les pressions familiale et communautaire54Dans le chapitre III, le terme maltraitance est dfni comme toutes formes de violences, datteinteoudebrutalitsphysiquesoumorales,dabandonoudengligence,de mauvais traitements ou dexploitation, y compris la violence sexuelle perptres sur un enfant par ses parents, ses reprsentants lgaux ou toute autre personne (art. 67, ali-na premier). La loi dfnit lenfant comme tout tre humain g de moins de dix-huit ans (art. 2). Une protection spcifque pour une adolescente de moins de dix-huit ans qui se trouve en tat de grossesse et abandonne par le prsum pre est prvue, ainsi que des sanc-tions pour les auteurs (art. 68). Le signalementLa grande innovation apporte par la loi 2007-023 est lobligation de signaler tout casdemaltraitancetentouconsommsurunenfantpartoutepersonneayant connaissance de la dite maltraitance. Toute personne sans distinction, parents,voi-sins,amis,enseignant, travailleur social, police judiciaire, doit signaler les auto-rits administratives ou judiciaires comptentes sous peine des sanctions prvues par larticle 62, alina premier du Code pnal (art. 69). Le non signalement est assi-mil par le Code pnal un crime. Larticle 62 prvoit un emprisonnement de 1 mois 3 ans et dune amende de 72.000 ariary 4.500.000 ariary. En cas de dcouverte dun signe de maltraitance, le personnel mdical est tenu dtablir un rapport mdi-cal obligatoire ; il nest pas li cet effet par le secret professionnel (art. 69, al. 3). Pourencouragerlesignalement,laprocdureatsimplife.Lesignalement peut tre fait verbalement ou par crit auprs du fokontany, delacommune, de la Police, de la Gendarmerie et du Tribunal. Le signalement doit tre consign dans un procs verbal et lautorit administrative ou judiciaire saisie doit y donner suite sous peine de poursuite judiciaire, en saisissant le juge des enfants, seul comptent en la matire (art. 71). En cas durgence et en labsence du juge des enfants, loffcier de police judiciaire peut prendre des mesures temporaires et placer lenfant auprs dune personne digne de confance ou auprs dun hpital, et en aviser le juge des enfants par la suite (art. 73). Une excellente mesure est prise en vue de la protec-tion du dnonciateur en permettant de garder lanonymat, et le juge est tenu de res-pecter cela (art. 70).Procdure judiciaireLe chapitre IV relatif la procdure judiciaire prvoit que le juge des enfants peut prendredesmesuresdassistanceducativeenplaantlenfantdansuneautre famille ou une tout autre institution. Une autre innovation consiste en la possibilit pour lenfant victime de maltraitance lui-mme de saisir le juge des enfants (art. 75, al. 3). La saisine prvoit que le juge des enfants peut se saisir doffce ou tre saisi par une requte. Outre les procdures ordinaires (enqute, saisine doffce du juge des enfants), une autre mesure nouvelle a t prise dans lintrt de lenfant : ainsi, Les facteurs de protection55pour viter la rptition daudition dun enfant victime de maltraitance, la procdure de laudition par vido flme est autorise par cette loi 2007-023, mais la transcrip-tion sur procs-verbal est obligatoire (art. 77, al. 3). Les peines prvues par le Code pnal pour la protection des enfantsLa protection de lintgrit physique des enfants est assure par des incriminations sp-ciales du Code pnal :labandon et le dlaissement denfant (art. 349 352) ;les violences et voies de fait (art. 312, al. 6) ;la non assistance de personne en danger (art. 63) ;la non dclaration dtat civil (art. 473, al. 3).La loi et son applicationLa question qui se pose est de savoir si toutes les mesures ont t prises pour faire appliquer la nouvelle loi promulgue. Elle est dimportance, car lapplication dune loi pnalisant la pratique dutabou sur les jumeaux divise les avis. Certainescatgoriesdepersonnesseprononcentenfaveurdelapplication immdiatedelaloi,puisquelleestuninstrumentprivilgideprotectiondes droits des enfants y comprisles jumeaux. Cest le cas des mres qui luttent courageusementseulespourleverleursenfantsjumeauxabandonnspar leurspresbiologiquesetparlafamillelargie.Uneautrecatgoriedeper-sonnesestdaviscontraire,telsleschefstraditionnelsdeMananjaryquiont dclar par voie radiotlvise, en dcembre 2007, ne pas vouloir abandonner leur coutume ancestrale. Pour linstant, linstitution judiciaire adopte une attitude prudente : elle ne poursuit pas pnalement les parents biologiques qui abandonnent leurs enfants jumeaux ou ceux qui provoquent cet abandon. La peur dune manifestation des chefs tradition-nels est, semble-t-il, perue comme lobstacle premier.Aussi, l e Mi ni stre de l a Justi ce accorde-t-il avant tout une importance la com-munication, linformation et lducation des communauts, refusant toute appli-cationaveugledelaloinouvelle.Silaloinestpasbienexpliqueetquelonne peroive que son aspect rpressif, labandon des jumeaux risque de devenir clan-destin. Un calendrier de dialogues entre responsables publics et reprsentants de la socit civile et de la communaut traditionnelle, aux trois niveaux local, rgional et national, est prvu par le Ministre de la Justice jusquen 2010 pour llaboration dune politique nationale en vue de labandon des coutumes discriminatoires et vio-lant les droits humains.Les facteurs de protectionUn pl an dacti ons pri ori tai res pour une l eve progressi ve de l i nterdi t sur l es j umeaux57Lapproche base sur les droits de lhomme met laccent, dune part, sur le renfor-cement des capacits des dbiteurs dobligations pour la ralisation et la protection de ces droits humains, et dautre part, sur le renforcement des titulaires de droits revendiquer leurs droits et dvelopper leurs aptitudes. Le travail de la perspec-tive des droits consiste aider les dtenteurs de devoirs dans laccomplissement de leurs obligations et les titulaires des droits dans la rclamation de leurs droits. Cette approche ne passe pas facilement dans la communaut antambahoaka en matire denfants jumeaux. La diffcult de comprhension de lapproche droit pour lacommunauttraditionnelletientlquationsuivante:lapprochedroitsignife lapproche anti-crime, car le crime est peru comme lenvers du droit. Or, dans la culture antambahoaka, la coutume sur linterdit ancestral est au-dessus de la loi. Pour crer un environnement favorable la protection des enfants jumeaux, len-gagementconjointduGouvernementetcelledelacommunautestabsolument ncessaire. Vingt deux familles biologiques ayant gard leurs enfants jumeaux ont contribu la dfnition des actions prioritaires pour le combat contre lexclusion. Lapproche droit, fondant ltude et la programmation des actions sur les jumeaux sous langle des droits de lenfant, prconise une longue et patiente sensibilisation. La mise en place dune association sur la dfense des droits de lenfance, particu-lirement des enfants jumeaux, devient une urgence. Un pl an dacti ons pri ori tai res pour une l eve progressi ve de l i nterdi t sur l es j umeauxUn plan dactions prioritaires pour une leve progressive de linterdit sur les jumeaux58Un plan dactions prioritaires pour une leve progressive de linterdit sur les jumeauxLe rle moteur de lEtat1 LEtat malgache doit soutenir les jumeaux et les familles biologiques en sengageant mobiliser des fonds pour des actions marquantes dans la zone taux de rsis-tancelevequestledistrictdeMananjary.Lesfamillesbiologiquesinterroges soulignentlimportancedusoutienmatrieldelEtat,surtoutenmatiredefrais scolaires, si on veut convaincre les parents de jumeaux les garder en famille. Face aupoidsencoretrsfortdutabouetlinsuffsancederessourcesdesfamilles, laide tatique est une des faons damener celles-ci garder leurs jumeaux. Sans aide matrielle et constante de lEtat durant une partie de lenfance ou la totalit de lenfance, il parat diffcile de russir la sensibilisation des familles changer de com-portements. Daprs une estimation chiffre, le soutien scolaire des jumeaux durant une anne en mme temps que le suivi des mres gmellaires de cinquante(1)familles bn-fciaires(mresetjumeaux),compterdeseptembre2009jusquenaot2010 (soitdouzemois),slverait18millionsariary(arrondi10.000USD),raison de 30.000 ariary (16 USD) par famille et par mois. Ce chiffre va augmenter chaque anne, mais de faon raisonnable compte tenu du pourcentage relativement faible de naissances gmellaires par rapport aux naissances ordinaires. Il est tout fait rai-sonnable denvisager une budgtisation prenne au titre du Ministre de lducation nationale et/ou du Ministre de la Population et des Affaires sociales pour cet enga-gement de lEtat la protection des jumeaux.2On conseille dactiver le travail de recensement systmatique des jumeaux ns ces quatre dernires annes dans la zone ctire du district de Mananjary. Cette zone abrite 156.063 habitants(2) . Elle comporte les localits antambahoaka suivantes du Sud au Nord(3) : Ankatafana (6 fokontany), Mananjary (12 fokontany), Tsaravary (5 fokontany), Manakana (3 fokontany), Ambalaromba (1 fokontany), Mahatsara Atsimo (5fokontany),MahatsaraIefaka(6fokontany),TanandavaetMahelaAvaratra(6 fokontany), Ambohitsara Atsinanana (8 fokontany). Ce travail de recensement peut tre conf des enquteurs du Capdam bass dans le district de Mananjary. Les donnes ainsi obtenues permettront davoir des statistiques suffsamment fables. , , , , , , 593Engager le dialogue sur la question sous diffrents aspects : droit, culturel, religieux, sant. Le dialogue au niveau local en vue de la recherche de solutions pour laban-don progressif des coutumes discriminatoires prjudiciables la pleine ralisation des droits de lenfant dans la rgion de Mananjary, organis les 17-18 Novembre 2008 par le Ministre de la Justice, reprsente une tape importante. La dmarche novatrice base sur lapproche participative par les principaux acteurs locaux (autori-ts rgionales, communales et locales, responsables des services tatiques dcon-centrs,chefstraditionnels,reprsentantsdesorganisationsconfessionnelles)a permis de mesurer le degr de rsistances, certes, mais aussi dentrevoir que lopi-nion nest pas toute aussi intransigeante sur la question. On devrait garder ce genre de dialogue continu et ltendre en milieu rural o le respect du tabou est toujours plusradical.Cecipermettraunemeilleureconnaissancedesargumentsavancs par les uns et les autres et llaboration sans cesse renouvele de messages pou-vant aboutir labandon progressif des pratiques contraires aux droits de lenfant. 4Lancer une campagne de sensibilisation pour que les coupables de maltraitance sur les enfants rpondent de leurs actes devant la Justice. 5Prvoir des procdures de contrle et de suivi des activits des centres daccueil, lesquels permettent de sauvegarder les enfants abandonns. Il ne faut pas fermer ces centres dans limmdiat, mais les faire voluer dans le sens de lintrt sup-rieur des enfants.6Revaloriser la culture antambahoaka dans le sens du dveloppement de la rgion par la cration de muse dans la ville de Mananjary, la sauvegarde des sites histo-riques marquant lhistoire de la communaut, la dotation de bibliothques, la multi-plication des activits culturelles en mobilisant la commune urbaine, le ministre des sports, le ministre de la jeunesse et des loisirs, le ministre de la culture et du patri-moine, le ministre du tourisme et de lartisanat, lUNICEFUn plan dactions prioritaires pour une leve progressive de linterdit sur les jumeauxUne prudente stratgi e de communi cati on61Si la population antambahoaka peroit davantage letabou sur les jumeaux comme unsceauliantlesAntambahoakaentreeuxpluttquunehainedeltrehumain jumeau, la dmarche pour expliquer la question sur les jumeaux recourt, cependant, deux principes fondamentaux : la gmellit est hrditaire et lexclusion est contraire aux droits humains. Engnral,lesinitiativesmenesdepuis1979pourcomprendrelephnomne dans la rgion de Mananjary dgagent trois types de rceptivit :une rceptivit fonde sur la peur refusant de parler du tabou ; une rceptivit tendue vers lintimidation, voire la menace, militant pour le main-tien du tabou ; une rceptivit ouverte laction dradication du tabou, en bravant les pesan-teurs de la communaut.Lacommunauttraditionnelle(cest--direlesgroupeslignagersdirigsparles mpanjaka),lesfokontanyetlescommunesontunrledterminantpourdcider etassurerundveloppementintgraldesfamillespourquellespuissentsadap-ter aux changements sociaux et culturels. Certaines familles daccueil de jumeaux veulentprouverque,contrairementauxcroyanceslocales,protgerlesjumeaux nsdeparentsantambahoakanattirepaslamaldiction.Cesfamillesdaccueil sont constitues de groupes ethniques non soumis linterdit sur les jumeaux : ce sont des familles betsileo, merina, taala...Une prudente stratgi e de communi cati onUne prudente stratgie de communication62Une prudente stratgie de communicationLa mobilisation de la communaut fait appel diffrents types de canaux de com-munication tendus vers le mme objectif. Elle utilise tous les supports visuels et audi-tifs ainsi que tous les canaux dinformation existants pour atteindre les publics cibles. Les intervenants partenaires devront principalement tre des comptences issues de la communaut antambahoaka, des personnes habitant le district de Mananjary entrsbonneententeaveclacommunaut,desprofessionnelsdelasant,des professionnelsdelacommunicationaudiovisuelle,delapresse,delartetdela communication, sans oublier les familles biologiques qui ont brav linterdit sur les jumeaux ainsi que les familles daccueil des jumeaux.Rcapitulatif des groupes cibles et des intervenants parte-naires de la stratgie de communication Deuxentitsralisentcettestratgie:lesgroupesciblesetlesintervenants partenaires. Les groupes cibles sont les principaux acteurs de la coutume discriminatoire, les mres et pres biologiques des jumeaux appartenant la communaut antamba-hoaka, tous les chefs des Traobe (mpanjaka) premiers reprsentants de la com-munautantambahoaka,toutelacommunautantambahoakahabitantdansle district de Mananjary et hors du district de Mananjary ( Madagascar et hors de Madagascar) ; les responsables administratifs directs, la hirarchie administrative responsable du district de Mananjary (chef de la rgion Vatovavy Fitovinany, chef dudistrictdeMananjary,mairedeMananjary,leschefsdefokontany),lesraia-mandreny reprsentants ledit district (snateur, dput, notables), les responsables rgionaux des ministres de la Justice de lIntrieur, de la Sant, de la Population et des Affaires sociales, de lEducation nationale, des Tlcommunications et des Nouvelles technologies, des Sports, de la Culture et du Patrimoine, de lEnviron-nement,duTourismeetdelArtisanat;lesintellectuelsetlescadresantamba-hoaka;lesenfantsetlajeunesseantambahoaka,futursparentsbiologiquesde jumeaux.LesintervenantspartenairessontlesInstitutionsdelaRpublique,lesministres de la justice, de lintrieur, de la sant, de la population et des affaires sociales, de lducationnationale,destlcommunicationsetdesnouvellestechnologies,de la communication, des sports, de la culture et du patrimoine, de lenvironnement, du tourisme et de lartisanat, de la jeunesse et des loisirs ; les instances religieuses ; lesorganismesinternationaux,principalementleComitdesNationsUniesde Droits de lEnfant, lUnicef, lUnesco, la Banque Mondiale, lUnion Europenne ; lesambassadestrangresetlesorganesdecooprationbilatraleprsents Madagascar ; les associations uvrant dans le district de Mananjary pour la protec-tion des jumeaux et de leurs familles biologiques ; les familles biologiques antamba-hoaka ayant brav le fady des jumeaux ainsi que les familles daccueil des jumeaux ; les professionnels de la communication caractre culturel (les journalistes spcia-liss, les experts en montage dexposition, les dessinateurs de bandes dessines); 63les dombolo et les zazamaro(1) de la zone de Mananjary, les artistes de Mananjary ; les sportifs ; les mdias : la radio et la tlvision nationales, les radios et les tlvi-sions prives de proximit, les radios et les tlvisions prives, y compris les radios trangres prsentes Madagascar, la presse crite prive et religieuse ; les outils de lInternet : site Web, Blog, Facebook.Messages La philosophie gnrale de la stratgie de communication veille ce que les mes-sages soient respectueux des gens et prservent leur sensibilit.Thmen1:ladescendance,Tezayizazakambana,fataranakamy,cest--dire, Elevez vos enfants jumeaux, car ils font partie de votre postrit de toute faon .Fabriquerdesarbresgnalogiquesetessayerdereplacerlesjumeauxdansla ligne de leurs gniteurs.Thmen2:lallaitementauseinparlamrebiologiquedslanaissancedes bbs jumeaux. Une sage-femme antambahoaka exprimente recommande den-courager la mre lallaitement car, immanquablement, avant sa sortie de sjour la maternit, lattachement maternel se renforce et aide la mre renoncer labandon de ses bbs jumeaux. Thme n 3 : la mise en place dune structure dappui aux mres biologiques et aux jumeaux.Trois grandes tapes marquent la stratgie de communication.un court terme centr sur des actions de mobilisation en vue dun dbat com-munautaireauniveaududistrictdeMananjarypourundbutdinternalisationde lobjectif principal ;un moyen terme largi au niveau national pour prparer un forum national sur la gmellit et la richesse davoir des jumeaux ; un forum des sages-femmes du dis-trict de Mananjary anticipe le forum national ;un long terme concentr sur le suivi des actions menes depuis deux ans pour creruncadrefavorableladissolutiondelapratiquediscriminatoireenversles jumeaux et pour revaloriser la culture antambahoaka sans letabou sur les jumeaux ; un vnement original estimera le degr de perception dutabou sur les jumeaux de Mananjary par la communaut antambahoakadurant une journe des Retrouvailles : lArbredelaVie,runiralesjumeauxdeMananjaryetlesjumeauxoriginairesde Mananjary vivant lextrieur du district (ceux rsidant Madagascar ou ltran-ger, vivant avec leurs familles biologiques ou adoptives).Unsymbolescelleinfnecettestratgiedestineluttercontrelexclusiondes jumeaux de Mananjary : la Journe nationale des Jumeaux de Madagascar.

Une prudente stratgie de communication64Une prudente stratgie de communicationMessages cls de la stratgie de communicationParler antambahoaka Langue malgache offcielle Traduction franaise Traduction anglaiseLahatrAndriamanitragny zazakambana:Zagnahary tsymbamagnomerha(1) ratsy Azamrzanatsenaka deamenaolonaamba-dikagny(2),kanmame-tra anao de tizy gny anao.Io zanako io dia kambana, detsymagninoizahayray amandreninymitande-gna anazy, de tsy magnino izaza, izahay tgna dia tsara aby(3) myAlao hagnano fhegna ant-senaolomaventy(4)aminity tannaity,diahoersint-senagnyzazahambanafa taranakanomen-Jagna-haryLahatrAndriamanitrany zazakambana:Zanahary tsymbamanomezava-dratsy.Aizamoavekazanatsika dia omena olona ambadika any, ka raha miteraka ianao dia taizao ny anao.Io zanako io dia kambana, dia tsy maninona izahay ray amandreninymitaizaazy, tsy maninona ny zaza, tsara daholo izahay izaoAndaohifampidinikaisika olondehibeanatinity tannaity,kadiahoerai-sintsika ny zazakambana fa taranaka nomen-Janahary.Lesjumeauxsontnsde la volont divine : Zanahary ( Crateur ) ne donne ja-mais de mauvais ftus. Pourquoicdernosen-fantsdespersonnes trangres?Sivousen-fantez,gardezvos[ju-meaux] nouveau-ns.Mesenfantsquevoici sontdesjumeaux,mais nousparentsquilesdu-quonssommesenbonne sant, les petits aussi, nous sommes tous bien portantsAllonsnousmettredac-cord, nous notables de ce lieu, pour accepter les en-fantsjumeauxcarcesont nosdescendantsofferts par Zanahary.Zanahary(Creator) createdtwins:noevilfoe-tuses come from Zanahary.Whyshouldwegiveour childrentoforeigners?If yougivebirthtothem, keepyournewbornba-bies.These children of mine are twinsbutwe,theparents who raise them are in good health, so are, our children. We are all in good health.Let us agree, we elders of this country, let us agree to accept our twins since they aregiftsfromZanahary, they are our descendants. , , ,, , , Une prudente stratgie de communication65Parler antambahoaka Langue malgache offcielle Traduction franaise Traduction anglaiseFagniriannykambanami-rahalahy13taona: An-gatahinaRavalomanana mbahagnampyanay:ta-hio zahay zazakambana .Tarnakadiatarinaka(5) my,natokananaham-bana.Laza ratsy magnerantany r gny fadikambana ka to-kony hialna amizay.Tsy famonjena(7) gny zaza-kambanagnyfagnariana anazy:zanakonaterako m r d ariako ?Rom-boay:izaymaha-sahyhomana?Tsara lhatsyataorom-boay koa,fatezaintsenaizaza-kambana fa taranaka my.Tsisyrhatsaramihoa-tranynononiendriny(8)sy nyftiavaniabany:sarobidy igny ho any zazakambana.Faniriannykambanamira-halahy 13 taona : Anga-tahinaRavalomananamba hanampyanay:tahioiza-hay zazakambana. Nytaranakadiataranaka ihany,natokananakam-bana.Lazaratsymaneran-tany nyfadikambanakatokony hialna aminizay.Tsyfamonjenanyzaza-kambananyfanarianaazy :zanakonaterakovedia ariako ?Rom-boay:izaysahy mihinana ? Tsara raha tsy ataorom-boayintsony,fa tezaintsika ny zazakambana fa taranaka ihany izany.Tsisy zavatra tsara mihoatra ny nonon-dreny sy ny ftia-van-drainy:sarobidyizany ho anny zazakambana.Souhaitmispardeux frresjumeauxde13ans :OndemandeRava-lomanana(6)denousaider, nous, enfants jumeaux . Unedescendancereste une descendance, en nais-sance simple ou complexe.Letabou sur les jumeaux estunemauvaiserputa-tion mondiale : il est temps de sen sortir.Cenestpasunsecours pourlesjumeauxdeles abandonner:pourquoi vais-jerejetercequejai engendr ? Du bouillon prpar avec de la chair de caman : qui oseenmange?Ilvaut mieuxabandonner[cet adage], et lever nos b-bsjumeaux,carcesont nos descendants de toute faon. Rien nest mieux que le lait materneletlamourpater-nel:cestirremplaable pour les bbs jumeaux.Twothirteenyearoldtwin brothersmadethiswish: WeaskRavalomanana (currentpresident)tohelp us, we, twin children .Whethertheirbirthis simpleorcomplex,our descendantsremainour descendants.That we make our twins ta-boo,leadstoourbadre-putation all over the world: now is the time to get over it.Wearenothelpingour twinswhenweabandon them:whyshouldwedi-sownthosewehavebe-gotten?Thereisasaying:A brothmadefromcroco-dile fesh: who would dare eatit?Wehadbetter dropthissayingandbring upourtwinbabies,since these are our descendants anyway.Nothingisbetterthana mothersmilkandparen-talloveisirreplaceablefor twin babies. ,, Fanivelona,un cas dcole67Fani vel ona,un cas dcol eFanivelona, un cas dcoleDans une zone o existe encore la pratique de labandon des jumeaux, un gros vil-lageappelFanivelona,setrouvantdansledistrictdeNosy-Varika,100kmau norddeMananjary,aprouvqueletaboupeuttresupprim.Fanivelonaestle bourg le plus important et le plus peupl du district de Nosy-Varika. Il compte cin-quante six mpanjaka pour cinquante six Traobe, et six mpanjaka-tangalamena(1). IlestindispensablededcriredanscettetudelecasexemplairedeFanivelona enmatiredeprisededcision,dacceptationetdapplicationparlesdiffrents acteursdelacommunaut,envuedassurerlaprservationdesjumeauxdans leurs familles biologiques.Lvnement est intressant en ce sens quil dmontre comment sest faite la prise de conscience collective au