Les enjeux de la formation continue des enseignants au Maroc...Depuis les années 60, la formation...
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Les enjeux de la formation continue des enseignants au Maroc
Mili Abdesselam (1) - Erouihane Jaouad (2)- Toubi Lahcen(3)
(1) Professeur Agrégé, Docteur en sciences de l’éducation, Directeur du CRMEF CS
(2) Professeur Assistant, Docteur en Histoire, Directeur du CRMEF MS
(3) Professeur Habilité, Docteur en sciences de l’éducation, Formateur au CRMEF CS
La formation continue des enseignants au Maroc a pris des formes multiples et diversifiées sur le plan
organisationnel et fonctionnel. Mais le recours à ce processus reste, malgré tout, faible et n’atteint
généralement pas les résultats escomptés. Actuellement, les CRMEF1 sont les seules entités chargées de
la formation du personnel du MEN2 (enseignants, administrateurs, techniciens…). Cette fonction, parmi
d’autres, attribuée aux CRMEF est dans sa phase de mise en œuvre. En effet, la formation continue des
enseignants, constituant la mission phare des CRMEF, n’a pas encore pris l’élan qu’il faut. S’agit-il d’un
blocage institutionnel, financier, ou pédagogique ? Il est à rappeler que suivant le décret en vigueur, les
CRMEF et les AREF3doivent coordonner leurs efforts pour réaliser cet objectif. Or, il s’avère que la chose
n’est pas facile. Nous allons montrer à travers l’expérimentation du dispositif de formation continue de la
langue française durant l’année scolaire 2014/2015, l’importance de la prise en compte de certaines
dispositions notamment : la qualité du dispositif de formation, le type de motivation attendu par les
bénéficiaires et le processus de changement des représentations des concernés afin de garantir une
formation qui pourrait avoir un impact positif sur le système. La nature de la nouvelle formule de formation
est permanente, hebdomadaire et assurée au CRMEF selon un créneau horaire négocié.
Mots clés : la formation continue- CRMEF- carrière professionnelle- ingénierie de la
formation- impact- dispositif de formation
Abstract: The introduction of a training cycle for school administrators is the result of the political will
of the Ministry of National Education, which seeks to raise the level of management of schools (COSEF,
1999) (CES, Analytical Report, 2007) (MENFCRS 2008, SHEFCS, 2015). Implemented as an experiment
in 4 CRMEFs during the training year 2014-2015, with 110 trainees, this cycle housed 1800 trainees
during the year (2017-2018).Since then, a dynamism has been created and it has led to a generalization of
training in all CRMEFs. This generalization is accompanied by a tailor-made training programme, a result of
a number of thematic meetings in relation to the development of school administration.
This innovative training program aims at rejuvenating the administrative staff, selecting the best profiles
and looking for highly qualified trainers. However, such an ambition is likely to be stopped if legal,
pedagogical and organizational measures are not taken to ensure the quality of training in this cycle.
The purpose of this contribution is to study the administrators’ cycle in the regional centers of the trades of
education and training (CRMEF). It has set the following objectives:
1. The description of the process of introducing the director's cycle 2. The demonstration of the importance of the quality of training in this field 3. And the presentation of stakeholders' expectations and prerogatives for future managers’
professional skills quality development. This analysis is based on scientific references in relation to school administration as well as on rich
official documentation in the subject: reports, notes, institutional and pedagogical documents ... The results of the interviews, focus groups and questionnaires for those concerned will also be a major support for this study.
At the end of this study, we will discover results that the introduction of the initial administrators’ training cycle in Morocco has been satisfactory and that it is part of the logic of innovation.
1Les Centres Régionaux des Métiers de l’Education et de la Formation. Regional centres for education and teachings
kills 2 Ministère de l’Education Nationale et de la formation professionnelle. Ministry of National Education and
vocational training 3 Académie Régionale de l’Education et la Formation. Regional Academy for Education and Training
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I.Introduction
Les ressources humaines sont amenées s’adapter et à évoluer dans leur
contexte professionnel ; elles sont confrontées à l’évolution de l’environnement
social, économique, technologique etc. La veille et la vigilance constitue l’un des
paramètres fondamentaux du management actuel des ressources humaines. C’est
ainsi que les institutions investissent énormément pour l’actualisation des savoirs
et des savoir-faire de leurs employés. C’est l’une des conditions à réaliser pour
que ces institutions soient en concordance avec les objectifs escomptés. La
formation continue est l’un des moyens permettant d’assurer aux ressources
humaines l’adaptation et l’action sur l’environnement. Les études montrent bien
cette relation dans le monde de l’entreprise (Guyot, Mainguet, & Van Hae, 2003),
(OECD, 2000), (Burnel, 2010), mais aussi dans le monde de l’éducation (Carlier,
Renard, & Paquay, 2000) (RIFEFF, 2008). La formation continue des
enseignants, quant à elle, vise l’amélioration des apprentissages et la réussite des
apprenants, par la transformation des pratiques professionnelles des enseignants.
Cette transformation se manifeste par un ensemble de changements attendus dans
les pratiques d’enseignement et les pratiques enseignantes. Bien que la formation
continue soit toujours réclamée par les enseignants, beaucoup d’entre eux sont
insatisfaits de son apport. Pourquoi ne répond-t-elle pas à leurs besoins
professionnels ou personnels ? S’agit-il d’un problème organisationnel,
institutionnel ou motivationnel ? De plus, la formation cible une minorité
d’enseignants et est limitée dans le temps, à travers des programmes spécifiques,
le plus souvent, financés par les organismes internationaux notamment les
bailleurs de fond. La formule adoptée par les départements du MEN au niveau
central ou au niveau régional, quant à elle, reste malgré les efforts déployés,
éparpillée et non finalisée. En fait, l’organisation de la formation est réduite à la
passation d’un contenu préparé à l’avance. Généralement, les facteurs
déterminants ne sont pas pris en considération. Bien qu’une ingénierie de
formation soit bien faite, il est possible que la formation parte en fumée suite à un
problème organisationnel.
C’est dans ce sens qu’une question nous interpelle : comment peut-on
assurer une formation continue de qualité, répondant aux besoins des concernés et
à la demande de l’institution pour impacter les apprentissages ? C’est à travers
l’étude des rapports réalisés dans le cadre de la formation continue et les bilans de
l’expérimentation du dispositif de formation de la langue française dans certaines
AREF en coordination avec les CRMEF, durant l’année scolaire 2014/2015, que
nous allons mettre au point, en les dégageant, les principes et les facteurs clés qui
pourraient garantir une formation continue afin de maximiser, en leur donnant un
sens, les objectifs escomptés dans le système éducatif marocain. Pour approcher
cette problématique, nous nous proposons de définir les enjeux de la formation et
son importance, ensuite nous allons décrire le cadre scientifique sur lequel
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s’appuie cet article. Enfin, nous procéderons à l’analyse des différents rapports
concernant la conduite des formations continues et l’expérimentation du dispositif
de formation pour en tirer les résultats qui peuvent servir à une planification juste
de la formation continue.
II. Place et contexte de la formation continue des enseignants au Maroc
Depuis les années 60, la formation continue au Maroc a pris plusieurs formes.
Elle est organisée, institutionnalisée dans des établissements de formation (ENS4,
CPR5, CFI
6, COPE
7) pour que les lauréats bénéficient d’un statut particulier après
avoir réussi toutes les évaluations. C’est le cas du 2ème
cycle de l’ENS, du cycle
spécial dans les CPR, du cycle de formation des inspecteurs, du cycle de formation
des chargés de l’orientation ou de la planification et du cycle de l’agrégation. Ces
cursus, bien qu’ils aboutissent aux objectifs escomptés, ciblent une minorité
d’enseignants et exigent un investissement sur le plan humain et financier. Certaines
formules de ces cycles ont été abandonnées ou sont en cours de disparition. D’autres
modes de formation continue, limités dans le temps (1 à 4 jours), programmés selon
des projets ponctuels, spécifiques et ciblant quelques régions et quelques
enseignants, restent le plus souvent au stade de l’expérimentation. Ces types de
formation sont organisés soit par des organismes extérieurs (nationaux,
internationaux) et des bailleurs de fond ou par les départements ministériels
(centraux ou régionaux). Les expériences tentées dans ce sens, soit pour la
formation soit pour le recyclage (ou la remise à niveau) des enseignants, prennent
fin avec l’achèvement du projet. De plus, les interventions sont souvent éparses et
ponctuelles. Les besoins sont quelquefois déterminés en fonction des objectifs des
organismes et non en fonction des nécessités réelles. Nous trouverons aussi
certaines initiatives prises par des groupements syndicaux ou associatifs pour
répondre à un manque immédiat et ponctuel (préparation aux examens de la
promotion interne par exemple). Par ailleurs, la formation est réalisée par des
formateurs qui focalisent l’instruction sur un thème ponctuel quelque fois déplacé
par rapport aux objectifs recherchés. Rappelons aussi que l’encadrement des
enseignants est confié aux inspecteurs8 dans le cadre de leur mission
d’accompagnement, d’encadrement et de supervision des activités pédagogiques
souvent à travers l’organisation de journées pédagogiques ou de séminaires entre
enseignants. Cependant, signalons-le faute de temps et de disponibilité pour certains
et de compétences pour d’autres, la charge donnée aux inspecteurs prend de plus en
plus un caractère administratif se réduisant à l’attribution de la note de promotion.
Parmi les expériences nationales, celles avancées durant la période 1999- 2002,
4Ecole Normale Supérieure
5 Centre Pédagogique Régional 6 Centre de Formation des Inspecteurs 7 Centre d’Orientation et de Planification de l’Education 8Les articles 4, 8, 10 du décret 2.02.254 du 10 février 2003 relatif au statut de personnel du MEN, l’article N°6 du décret Royal du
02 Février 1967 précisent la mission des inspecteurs.
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ciblant les enseignants du second cycle. Bien qu’une analyse de besoin ait été
réalisée dans certaines disciplines, les modules à la carte ont été préparés en
didactique, psychologie, pédagogie, audiovisuel, discipline de spécialité et
informatique en lien avec l’enseignement de certaines disciplines (Mawfik, 2005).
Ces modules n’ont pas été reconduits pour les raisons suivantes :
- Absence d’un cadre institutionnel
- Ambiguïté dans les rôles des inspecteurs et des formateurs, administration
de l’ENS, administration des Académies
- Indisponibilité du matériel
- Irrégularité des enseignants à la formation (Mawfik, 2005).
Dans le cadre de la généralisation des technologies de l’Information et de la
Communication en éducation, le programme GENIE a permis, durant les années
2006-2013,à lancer la formation des cadres pédagogiques. Le projet visait la
formation des enseignants pour une utilisation effective des outils TIC mis à leur
disposition. La stratégie a préconisé l’approche de la formation en cascade pour
aboutir à cette formation de masse (Abouhanifa , Drissi , Kabba, & Talbi ,
2009).Bien que des bilans aient été réalisés pour améliorer le dispositif de
formation, « l'implication des enseignants dans le processus d'intégration des TICE
et leur manque de motivation reflètent clairement leur résistance au changement.
L'une des justifications avancées face à cette attitude est qu'il n'existe pas de
motivation extrinsèque qui pourrait garantir leur engagement. Ils évoquent
notamment la prise en compte de leur formation et du développement professionnel
dans l'évolution de leurs carrières. Le soutien et la reconnaissance institutionnels
semblent également faire défaut » (Messaoudi & Talbi, 2012).
La vision de la formation continue dans le programme d’urgence9 est plus
globale ; elle vise à travers le projet E3.P1 de mettre en place le nouveau système de
formation continue au niveau de l’enseignement scolaire (MENESFCRS, 2009-
2012, p. 32). Le schéma directeur stratégique repose sur les éléments suivants :
Mettre en place des structures de gestion de la formation continue au niveau
régional ;
Faire un bilan de compétences du personnel pour évaluer l’écart entre les
compétences actuelles et les compétences telles qu’elles figurent dans le REC
(Référentiel des Emplois et Compétences),
Développer d’autres modes de formation continue : formation à distance,
formation à la carte, formation par la pratique, formation tutorielle, formation
de proximité (concept de caravane de formation) ateliers de partage,
autoformation,
9Le plan d’urgence se définit comme cadre de référence et vise à donner « un nouveau souffle » à la Charte Nationale
de l’Education et de la Formation.
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Disposer de textes juridiques et d’outils permettant de lier la formation
continue à la promotion et à la gestion de carrière (modalités de certifier les
formations, modalités de les rendre obligatoires, outils de motivation …),
Disposer d’un système d’information opérationnel pour la gestion et le
pilotage de la formation continue,
Intégrer la formation continue au sein d’un système global pour la gestion des
fonctions et des compétences : recrutement, redéploiement, mouvement,
réforme des systèmes, promotion et gestion de carrière,
Élaborer des modules de F.C. (expérimentation et validation),
Définir des normes (durée, période, fréquence) de formations continues,
Définir des programmes de formation continue du personnel, en coordination
avec les inspecteurs, notamment dans le cadre des zones pédagogiques,
Réaliser 1125000 jours de formation continue en 2009, 1 375000 en 2010,
1 625000 en 2011 et 1 875 000 en 2012.
Les formations ont ciblés les thèmes suivants10
: l’Approche par les compétences,
les innovations pédagogiques, la langue amazigh, le manuel scolaire,
l’enseignement préscolaire, l’enseignement technique, commercial et industriel,
l’enseignement de l’EPS. La formation en pédagogie de l’intégration a pris le devant
sur tous les projets de formation mis en place sur le plan organisationnel : effectif
des enseignants formés….
A travers ce qui a été avancé ci-dessus, l’analyse de certains rapports présentés
au MEN montre :
L’existence de dispersion et de diversité de la formation, ce qui rend obscure
voire confuse l’image du pilotage et de la gestion des projets de la formation
continue ;
L’absence d’un plan national de formation continue, la majorité des
formations étant ponctuelles et non généralisables. Ce qui a pour conséquence
l’accentuation de l’inégalité et l’iniquité des apprentissages entre les
apprenants. Certains enseignants n’ont bénéficié d’aucune formation depuis
leur sortie du centre de formation initiale ;
L’absence d’une entité instituée, spécialisée et structurée pour organiser et
abriter la formation continue. Ce qui a pour conséquence, une gestion de la
formation momentanée basée le plus souvent sur une analyse et une
exploitation des besoins non professionnels et sur une proposition non
pertinente des contenus par rapport aux besoins réels. De plus, l’information
10
Le caractère national notamment l’approche par compétences, les nouveaux programmes et manuels scolaires, le
programme GENIE, les nouveaux dispositifs d’évaluation et des examens, l’enseignement de la langue Amazighe...En
2006 a été adoptée l’approche dite «effet démultiplicateur» consistant à former, au niveau central, des experts chargés
de former des formateurs principaux qui, à leur tour, assurent la formation des formateurs régionaux et provinciaux
qui ont en fin de compte pour mission la formation des enseignants. (CSEFRS; (INESEFRS), 2014, p. 35)
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ne cible que certains enseignants. À ceci s’ajoute l’apparition des problèmes
et des réclamations ayant une relation avec les conditions d’accueil :
infrastructures de formation, restauration, hébergement, indemnisation des
formateurs, motivation des bénéficiaires…etc. ;
L’exclusion de la formation du processus de gestion des institutions
scolaires : le volume horaire annuel alloué à la formation continue des
enseignants, les périodes prévues pour la formation, le remplacement des
enseignants, l’implication occasionnelle des directeurs des écoles, le respect
du temps et du rythme des apprentissages.
La disponibilité des intervenants et des formateurs pour assurer
l’harmonisation de l’encadrement des axes de formation. A ceci, s’ajoute le
problème de la spécialisation des acteurs assurant certaines formations
continues. Il est rare qu’on sollicite à cet effet des personnes ressources
extérieures. Ce qui, par conséquent, renforce le désengagement et la
démotivation des bénéficiaires de la formation.
La question de la formation continue est avant tout une affaire de volonté
politique- en effet, hausser le niveau nécessite un engagement et un investissement
sur le long terme. Elle doit être intégrée comme un pilier fondamental dans cette
optique de réforme. La formation continue du personnel enseignant « n’a pas
toujours eu la place qu’elle mérite dans les plans de développement de l’éducation,
comme en témoigne la part insignifiante qui lui est réservée dans les budgets
annuels.». (50 ans de développement humain et perspectives 2025, 2006, p. 34).
Pourtant, le levier 13 de la Charte Nationale de l’Éducation et de la Formation
recommande des sessions de requalification plus approfondies, intervenant au moins
tous les trois ans et des sessions de courte durée de 30 heures de formation,
programmée annuellement pour l’amélioration des compétences et l’élévation du
niveau des pratiques d’enseignement. Le CSE, dans son rapport de 2008 précise de
« Consacrer des sessions de formation continue aux méthodes, outils et techniques
de l’évaluation pédagogique, au profit des enseignants, des inspecteurs et des
directeurs d’établissements, de manière à assurer leur adhésion effective dans le
processus de suivi et de mesure des acquis scolaires et d’évaluation du rendement de
l’établissement scolaire dans lequel ils travaillent ». (CSE, 2009, p. 30). Enfin, le
rapport CSEFRS 2014 montre le rôle important de la formation continue en
précisant qu’elle « se doit de permettre aux enseignants de compléter et de
perfectionner leur formation pour qu’ils soient capables de suivre et de s’adapter
aux réformes que connaît le système éducatif.» (CSEFRS; (INESEFRS), 2014, p.
34).
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III. Repères théoriques de la formation continue
1. L’enseignant : un adulte en situation de formation
La formation continue des enseignants, bien qu’elle prenne des
formes diversifiées (la formation permanente, le recyclage, le perfectionnement
professionnel, ou encore le développement professionnel (Perrenoud, 1996)),
s’adresse à l’adulte comme un « être en situation » (MASCIOTRA, 2004), car
l’enseignant formé revit la situation professionnelle autrement. Cette dernière est
abordée « comme une forme de travail humain en situation, comme «une action
située ». (Carlier, Renard, & Paquay, 2000, p. 146). L’enseignant s’y engage en
étant conditionné par sa perception de l’apport personnel et professionnel qui est à
en tirer. C’est une formation en cours d’exercice qui vise « soit la compensation
d’un déficit de la formation initiale, soit l’adaptation au changement, soit le
perfectionnement, soit la préparation à la reconversion » (Karsenti, 2007, p. 126).
Aujourd’hui, la formation continue ou permanente prend une dénomination dans le
processus de l’éducation tout au long de la vie, elle est désignée par« life long
learning » (VANISCOTTE, 2000, pp. 184-185).Cependant, toute formation qui
n’aiderait pas les enseignants à résoudre certains problèmes vécus sur le terrain n’est
pas acceptée et déclenche une résistance. Beaucoup d’entre eux réclament
l’adaptation des contenus à la réalité de l’école et fuient les discours théoriques que
le formateur envisage comme moyen de véhiculer le savoir. (Mili & Chiadli, 2013).
En effet, « la formation à la pédagogie des adultes ayant ses propres mécanismes,
règles, dispositifs, elle ne peut être pratiquée sans la formation préalable de ceux qui
s’impliqueront dans la formation continue. » (Karsenti, 2007, p. 69).
2. Les approches usuelles de la formation continue des enseignants
L’inspiration des théories des apprentissages pour expliquer le processus
enseignement-apprentissage est utilisée également dans la conduite des formations.
Le cognitivisme, constructivisme, le socioconstructivisme et l’interactionnisme sont
souvent pris comme référence pour expliquer « l’adulte » en situation de formation.
Beaucoup de modèles de formation font référence à l’interactionnisme et au
socioconstructivisme afin de proposer les démarches organisationnelles et
pédagogiques pour assurer la formation. Ils sont complétés par d’autres ayant trait
aux sciences humaines comme le modèle MARC (motifs, attentes, rôles, contenus)
qui offre un cadre particulièrement intéressant, parce qu’il souligne les principales
questions que soulèvent les adultes apprenants.
3. L’importance de la formation continue
L’intérêt de la formation continue réside dans le fait qu’elle permet à
l’enseignant d’améliorer ses compétences professionnelles et de pouvoir agir d’une
manière efficace lors de la conduite des apprentissages. L’objectif donc, est que
chaque enfant puisse avoir un enseignant qualifié, ce qui lui assure une réussite
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scolaire et garantit son droit à l’éducation. Le besoin de recycler après une
formation initiale est incontournable pour évoluer dans la carrière et être acteur de la
réussite scolaire. De ce fait, la formation initiale, quelle que soit sa qualité, n’est
jamais définitive face à l’évolution des connaissances et des techniques (Paré,1983).
Elle doit être programmée tout au long de la carrière professionnelle (CSEFRS,
2015, p. 34) de l’enseignant. Son impact sur le système est un autre point d’intérêt
qui se manifeste dans la qualité de l’enseignement et l’amélioration des acquisitions
des élèves. Ceci permet au système éducatif non seulement d’être concurrentiel,
mais aussi de participer au développement de la nation. Le recyclage des
enseignants a aussi son importance lorsqu’on introduit une réforme ou une
innovation. Ce qui nécessite un changement possible de leurs pratiques, auxquelles
ils étaient habitués.
4. La compétence de l’enseignant et son engagement
Ces deux éléments sont déterminants dans l’exercice du métier de
l’enseignement et la réussite des élèves. Car, il ne suffit d’être un enseignant
compétent pour affirmer un apprentissage de qualité, l’engagement à une
importance capitale dans la création du climat d’apprentissage. De Ketele définit
l’engagement professionnel comme « l’ensemble dynamique des comportements
qui, dans un contexte donné, manifeste l’attachement à la profession, les efforts
consentis pour elle ainsi que le sentiment du devoir vis à vis d’elle et qui donne sens
à la vie professionnelle au point de marquer l’identité professionnelle et
personnelle.» (De Ketele, 2013). Ainsi, enseigner dépend de deux variables décrites
par cette formule:
Enseigner = 𝑓(𝐹𝑜𝑟𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛, 𝐸𝑛𝑔𝑎𝑔𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡)
Ces deux éléments peuvent aussi nous aider à faire une classification de type
d’apprentissage attendu lors de la présence ou l’absence d’une variable:
Variables Enseignant (e) Formé (e) Enseignant (e) Non Formé (e)
Enseignant (e)
Engagé (e)
Apprentissage de qualité et
performance élevée des
apprenants.
Risque de déformation des
apprentissages
Enseignant (e) Non
Engagé (e)
Inconscience professionnelle
et « je-m’en-foutisme »
KO (Hors apprentissage)
La compétence d’un enseignant se manifeste par:
La maîtrise de la discipline qu’il enseigne. On parle de compétences disciplinaires.
On ne peut pas admettre un enseignant de mathématique a des difficultés pour
resoudre un problème de mathèmatique d’un niveau scolaire dont il a la charge
d’enseigner. Toutefis, à côté de ses savoirs disciplinaires, l’enseignant est censé de
9
connaitre des savoirs transversaux comme les sciences humaines et les sciences de
l’éducation qu’il peut exploiter dans les situations d’apprentissage.
La manière d’enseigner et de faire apprendre. On parle de compétences
professionnelles qui sont liées au métier de l’enseignant. C’est comment planifier,
gérer et évaluer les apprentissages par exemple. Le métier d’un enseignant n’est
pas cerné dans la classe, il concerne le rôle et les missions qu’il peut réaliser hors
classe ( participation dans les activités de l’établissement, suivi des
apprenants...ect). A ceci, s’ajoute la reflexivité sur ses pratiques avant et après
l’engagement dans une tâche éducative.
Bien que les compétences disciplinaires et professionnelles sont plus
orientées vers l’excercice du métier de l’enseignant, son engagement dans ce
processus est plutôt d’ordre personnel. Il se définit comme étant « la force de
l’identification et de l’implication de l’enseignant envers les objectifs et les valeurs
de l’école (Reames et Spencer, 1998).» (Karsenti & Larose, 2001, p. 192).
Rosenholtz (1989) cité par (Karsenti & Larose, 2001, p. 192) montre que « les
enseignants fortement engagés font plus d’efforts pour rendre leurs cours signifiants,
ce qui contribue à la motivation des élèves. Aussi, il souligne que les enseignants
ayant un fort engagement sont plus enclins à participer à des activités
extracurriculaires qui ont un impact sur les elèves».
L’engagement de l’enseignant permet encourage les apprenants à s’engager
aussi dans les apprentissages et contribuer à leur emancipation. Les formes
d’engagement dépendent du contexte: engagement dans le processus enseignement-
apprentissage, engagement dans la vie scolaire, engagement dans les activités
integrées de l’établissement, engagement dans l’éducation des élèves. Il fait partie
de l’identité professionnelle qui pour (Carla Barroso da Costa , 2014) est
«constituée par certains indicateurs, comme la satisfaction au travail, le sentiment de
compétence, les expériences émotionnelles et l’engagement professionnel (Canrinus
et al., 2012; Flores et Day, 2006)».
IV. Cadre méthodologique
1. Le contexte de la formation dans les CRMEF
L’attribution de la mission de la formation continue aux CRMEF est impulsée
par la volonté politique d’instituer, de rationaliser et de généraliser la formation
tenant compte des bilans et des lacunes constatées dans la gestion de la formation
continue. Il s’agit d’une rupture avec le système de la formation classique. L’article
33 du décret N°2-11-672 du 23 décembre 2011 portant création et organisation des
CRMEF montre le rôle primordial de ces centres dans la formation continue du
personnel du MEN. Il précise que « Les CRMEF participent à l’exécution et la mise
en œuvre de la stratégie du secteur de l’enseignement dans le domaine de la
formation continue, en coordination avec les Académies Régionales de l’Education
et de la formation et ce, à travers la participation dans la mise en place des plans
10
d’action annuel. Ces centres veillent sur l’organisation et l’encadrement des sessions
de la formation continue et le complément d’expertise au profit des cadres de la
communauté de l’enseignement, mais aussi les autres corps du personnel du secteur
de l’enseignement scolaire, à ceux-ci s’ajoute les cadres exerçant dans
l’enseignement préscolaire, l’enseignement scolaire privé. En plus ces centres
participent dans l’élaboration des modules de formation, le suivi et l’évaluation des
formations programmées à l’échelle des AREF concernées suite à leurs demandes».
Les raisons du choix des CRMEF pour l’organisation de la formation
continue sont :
La formation dans les CRMEF est instituée par un cadre juridique ;
Les CRMEF permettent d’assurer le lien recherché entre la formation
initiale et la formation continue. Ils bénéficient d’un dispositif de formation
à caractère académique et professionnel ;
Les CRMEF disposent de l’infrastructure et de la logistique nécessaires à
l’organisation de la formation continue (bibliothèque, plate-forme, salle
spécialisée, matériel didactique…) ;
Les CRMEF ont pour vocation la recherche pédagogique scientifique
(Centres de recherche, laboratoire…) ;
Ce sont des structures d’accueil pour les experts : internes ou externes. Les
CRMEF sont ouverts à toutes les compétences et aux personnes ressources.
2. Expérimentation du dispositif de la formation continue des enseignants de
la langue française
L’expérimentation du dispositif de formation continue des professeurs
(primaire-collège) dans les CRMEF est lancée durant l’année scolaire 2014/2015.
Ce projet s’inscrit dans le cadre PREF ….. La formation se compose de dix modules
à raison d’une trentaine d’heures par module. Chaque CRMEF et AREF l’ont
organisée en fonction des conditions dont ils disposent. La formation modulaire est
étalée sur trois mois, à raison de 2 à 3 séances de 3 heures par mois. Ces séances
sont programmées au CRMEF avec les enseignants ayant des après-midi ou des
matinées réservées aux rencontres avec l’inspecteur. Le processus est assuré par des
équipes constituées chacune d’un formateur et d’un inspecteur afin d’éviter les
dissonances pouvant apparaître volontairement ou involontairement entre le
formateur et l’évaluateur. Cette expérimentation permet de tester la mise en place
d’un système de coordination entre le CRMEF et l’AREF et les modalités
d’implication de leur personnel administratif et pédagogique (respect mutuel et de
responsabilité, engagement, relation de partenariat, confiance, négociation, etc.).
3. Suivi de la formation présentielle des enseignants contractuels
Durant l’année de formation (2016/2017), les CRMEF étaient chargés de la
formation présentielle de 11000 enseignants contractuels (à partir de Janvier 2017)
et 24000 enseignants (à partir de Juin 2017). Ces enseignants du cycle primaire et du
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cycle secondaire ont conclu un contrat pour deux années maximum. Pendant, la
première année, ils sont soumis à deux évaluations et au cours de la deuxième
année, ils sont soumis à un examen de qualification professionnelle. Selon la
décision conjointe relative la situation des enseignants contractuels visé par le
ministre de l’économie et des finances le 07 Octobre 2016 sous le numéro 7255, les
candidats qui ne réussissent pas cet examen, sont licenciés sans indemnité et
préavis.
Trois formules sont proposées, selon la note ministérielle 08/017 du 20 Janvier
2017 et la note 091/17 du 10 Juin 2017, pour le développement de leurs
compétences professionnelles : la formation présentielle, la formation en ligne et
l’accompagnement sur le terrain.
V. Résultats
1. La comparaison entre la formation des enseignants titulaires et les
enseignants recrutés par l’AREF « contractuels »
Selon le rapport présenté par les organisateurs au ministère, la formation a rencontré
certaines difficultés :
- Un soutien« timide » aux coordonnateurs et une implication discontinue dans
la réalisation du projet,
- Une coordination peu assurée avec les AREF est timide, parfois non réussie,
- Une rupture avec les modalités classiques (restauration, indemnités,
concentration de la formation en 2 ou 3 jours) entraînant le refus de participer
à la concrétisation de l’expérimentation- venant de quelques acteurs dans
certaines AREF-. (MEN, 2015),
- Le manque de préparation et de communication concernant projet, 50%
seulement des participants se sont engagés,
- Une organisation tardive de la formation dans certains CRMEF résultant d’un
problème de coordination entre ces centres et les AREF,
- Un besoin d’indemnisation financière régnant chez les intervenants, manifesté
lors de la programmation des formations,
- Un manque de motivation perçu chez les enseignants.
Quant à la formation présentielle des enseignants recrutés par l’AREF
« contractuels » dans les CRMEF, nous assistons à :
- Une variabilité du niveau de maîtrise de compétences disciplinaires et
professionnelles observé lors de la passation du concours d’entrée ;
- Une hétérogénéité du niveau de maitrise des contenus dispensés dans les
modules de formation lors de la validation des acquis dans ces modules.
12
Certains enseignants contractuels n’ont pas pu valider les modules concernés
par l’évaluation notamment : la planification des apprentissages, la gestion
des apprentissages et l’évaluation des apprentissages ;
- Une assiduité de ces enseignants lors de la formation présentielle et un
absentéisme rare ;
- Une grande demande de la formation : les questionnaires administrés aux
enseignants contractuels relèvent leurs envies de se former davantage ;
- Une satisfaction vis-à-vis de la formation présentielle bien qu’elle soit courte.
Ainsi, contrairement à leurs homologues titulaires, les enseignants contractuels
sont plus engagés dans la formation et demandent un renforcement de leurs
compétences par l’organisation des rencontres avec les formateurs. Pourtant, les
conditions de la formation ne sont pas satisfaisantes comme le cas des enseignants
titulaires. La durée de la formation est très courte (3 modules de 30 heures durant
l’année), le ration formateur/formé est très faible dans certains disciplines, la
capacité d’accueil des CRMEF est limité par rapport au nombre important des
contractuels souhaitant formé.
2. Discussion : Les facteurs clés d’une formation continue des enseignants
Les études et les rapports traitant de la problématique de la formation continue
s’accordent à souligner son importance, à s’interroger sur les conditions de sa
programmation et sur l’incidence qu’elle peut avoir. Les éléments qui donnent un
statut à la formation continue sont le contexte juridique, l’ingénieure pédagogique,
la carrière professionnelle et l’impact sur le terrain.
1- Cadre juridique de la formation continue des enseignants
(institutionnalisation) :
Les formations assurées sont souvent sous forme de projets non institués. Elles
ne sont pas obligatoires. De son côté, l’intéressé n’aura pas de contrepartie à part un
certificat délivré, dans le meilleur des cas, par l’entité organisatrice. Il n’y a aucune
réglementation ni consigne qui oblige un suivi de la formation et son impact sur le
terrain. Ce manquement juridique n’assure donc pas la pérennité des formations,
dans la majorité des cas. Certaines d’entre elles ne sont que la liquidation d’un
budget accumulé, et sont souvent programmée à la fin de l’année budgétaire. De
plus, ce manquement, constitue un estompage de la mission des planificateurs et des
intervenants.
Actuellement, les CRMEF disposent d’un cadre juridique (voir article 33 du
décret N° 2-11-672 du 23 décembre 2011 ci-dessus), mais qui est dans sa phase
13
embryonnaire. Le CSEFRS rappelle cette tendance en précisant que « La formation
continue et la qualification tout au long de la vie professionnelle offre aux acteurs
éducatifs une occasion renouvelée de perfectionnement professionnel, de mise à
niveau et de suivi de l’évolution de leur domaine. A ce propos, il faudra, à court
terme, préparer et mettre en œuvre, en coordination avec les académies, les centres
de formation et les universités, des stratégies de formation continue spécifique aux
diverses catégories de personnel, dotées de plans de formation et répondant à leurs
besoins effectifs ». (CSEFRS, 2015, p. 34)
2- Ingénierie pédagogique
Une formation de qualité repose sur un véritable dispositif de formation
répondant à des besoins clairs et pertinents par rapport aux objectifs de la formation,
qu’il s’agisse d’un développement de compétences professionnelles ou d’une
introduction d’innovation ou de réforme. La politique est définie par le MEN selon
un calendrier annuel. Ensemble, les CRMEF et les AREF devraient œuvrer à
déterminer cette politique à partir des observations et des constats réalisés sur le
terrain ; puisque l’analyse des besoins en l’absence des concernés est une perte de
temps et d’énergie. C’est ainsi que Labesse (2008, p.5) précise que «les analyses des
besoins de formation assurent la pertinence des activités de formation pour les
populations ciblées qui sont constituées par les professionnels ou les types de
professionnels concernés par la nécessité d’accroître la qualité et l’efficience du
travail». Il s’avère en effet que le recours à l’analyse des besoins soit d’une
importance capitale, car il permet de cibler les causes du dysfonctionnement
apparent ou caché d’un système, l’anticipation des actions face à un environnement
en pleine mutation ou le renforcement de compétences professionnelles des
enseignants. A cet égard, «il conviendra de prospecter la possibilité de bénéficier de
l’expertise et du savoir-faire professionnel, pédagogique et de gestion du personnel
de l’éducation, de la formation et de la recherche à la retraite ; ceux-ci apporteront
leur appui à la formation continue et aux efforts de professionnalisation des
différents acteurs éducatifs et administratifs. Cela implique de prévoir des
incitations pour ceux qui contribueront à cette mission. ». (CSEFRS, 2015, p. 34).
En fait, le véritable dispositif de formation repose sur :
L’identification de la source des besoins (autrement dit : « chez
qui ? »): est-ce chez l’apprenant, chez l’enseignant ou chez
l’institution? Le travail quotidien de la classe permet d’apercevoir ce
besoin,
L’analyse des besoins par des experts et des professionnels qui utilisent
des outils et des moyens pour détecter ces besoins avec les concernés,
L’élaboration d’un plan national de la formation et des programmes
régionaux contextualisés,
14
Une coordination entre le CRMEF, l’AREF et les centres de recherche
pour assurer une formation de qualité répondant à des besoins ciblés et
étudiés,
Une programmation tenant compte du temps scolaire, de la proximité
(formateurs mobiles), de l’homogénéité des équipes…
3- Gestion de la carrière professionnelle :
Il s’agit des droits et devoirs des bénéficiaires de la formation. En fait, le
caractère de la non-obligation et de la démotivation poussent les enseignants à fuir
la formation. Pour renforcer l’engagement et l’acceptabilité, il est nécessaire de lier
la formation continue aux motivations des concernés. En général, elle « ne donne
aucun avantage de carrière ou de statut, ce qui peut avoir pour conséquence
l’absence de motivation et d’engagement des enseignants. La formation continue est
pourtant partout un droit ». (Carlier, Renard, & Paquay, 2000, p. 188). Il est souvent
remarqué que les enseignants contractuels exerçant dans le secteur privé sont
demandeurs de la formation continue contrairement à ceux titularisés dans le secteur
public. En fait, le vœu de la formation relève d’un besoin professionnel et traduit
une certaine éthique du métier. Certains pays comme l’Espagne, le Portugal et
l’Islande soumettent l’avancement dans la carrière à la participation aux actions de
la formation continue. (Carlier, Renard, & Paquay, 2000, p. 188).Une autre forme de
motivation consiste à faire le lien entre la formation continue et la passation au
grade supérieur (passeport professionnel au canada, certificat d’aptitude présentée
tous les 5 ans aux USA) vu que« tout changement dépend de l’aspect motivationnel
(intention de faire), de l’aspect professionnel (compétence pour faire) et de celui
opérationnel (conditions pour faire). En effet, un enseignant satisfait et motivé pour
une pratique a tendance à s’impliquer, à s’investir car l’innovation pour lui est la
réponse à un besoin. Cependant, un enseignant motivé ne suffit pas, encore faut-il
qu’il ait« les compétences nécessaires pour assurer le bon déroulement des pratiques
enseignantes. » (Mili & Chiali, 2014). Quelle que soit sa forme, la motivation est
d’une importance capitale dans la stratégie politique de la formation des
enseignants, comme le précise ici le CSEFRS« La politique de formation continue
des enseignants demeure insuffisante à plusieurs égards. Sur le plan législatif et
contrairement aux préconisations de la Charte, la formation continue n’est prise en
compte ni dans la promotion ni dans le mouvement du personnel enseignant, d’où le
désintérêt et la démotivation chez les enseignants pour des formations sans
incidence notable sur l’amélioration de leur carrière professionnelle ». (CSEFRS;
(INESEFRS), 2014, p. 35). L’étude menée par Evrard, C. Dubar - cité par
(Malglaive, 1990, p. 261)- s’inscrit dans ce sens. Il note que « le désir de formation
semble influencé par deux facteurs importants : d’une part, le fait d’entrevoir des
possibilités d’amélioration socio-professionnelle, et, d’autre part, une attitude
positive vis-à-vis de l’école dans la mesure où celle-ci est jugée susceptible
d’influencer cette promotion ».
15
4- Impact de la formation continue :
L’impact de la formation sur le changement des pratiques d’enseignement
dépend du degré de la transférabilité des savoirs appropriés en formation en savoir
d’action sur le terrain. Si la formation ne prend pas en considération le contexte de
l’exercice de l’enseignant, il y a de fortes chances que le contenu dispensé au cours
de la formation, aussi riche qu’il peut être, soit abandonné. Par ailleurs, une
formation sans suivi de son impact sur le terrain ne garantit pas le changement
souhaité, encore moins sa pérennité en cas d’effet ; vu que les pratiques acquises en
formation nécessitent une adaptation quand elles sont mises en œuvre sur le terrain.
Il est donc nécessaire de consolider cette formation par : les visites en classe,
l’assistance des personnes ressources, la mise en place des activités de formation de
proximité, et l’accompagnement des enseignants. Effectivement, « les enseignants
apparaissent volontiers « traditionnalistes » et souvent méfiants envers les tentatives
de transformation de leur métier. Ils ne rejettent pas automatiquement les efforts
pour « améliorer » leurs pratiques et les adapter aux dernières innovations
pédagogiques ; cependant, s’ils changent, c’est toujours en intégrant le nouveau à
l’ancien et en incorporant l’innovation aux traditions établies ». M.Tardif et C.
Lessard (2004) cité par (Guibert & Troger, 2012). Le renforcement de la formation
par l’exploitation de nouvelles technologies de l’information et de la communication
est toujours une voie prometteuse. La mise en place des plates-formes de e-learning
est l’un des types de la formation à distance qui, malgré les efforts, reste en deçà des
objectifs souhaités.
5- Organisation de la formation :
La rationalisation : la bonne gouvernance de la formation est sa
rationalisation. Car la formation continue exige des dépenses difficilement
contrôlables.
Le temps de la formation : c’est le temps hors apprentissage scolaire. Il
est peut-être programmé dans les demi-journées de rencontres pédagogiques des
enseignants. Le CRMEF et les annexes peuvent accueillir ces enseignants suivant un
programme établi en coordination avec l’AREF. Les formateurs du CRMEF et les
inspecteurs assureront la formation et l’encadrement selon un dispositif préparé pour
les séances de formation. Ainsi, chaque enseignant aura l’occasion d’assister à des
cours (théorique ou pratique) dans le CRMEF.
La mobilité des formateurs : concernant les enseignants exerçant dans
des établissements ruraux, qui n’ont pas la possibilité de se déplacer pour assister
aux séances de la formation continue dans les CRMEF. Un système de déplacement
des formateurs vers les établissements pour assurer la formation en collaboration
avec les inspecteurs et les enseignants ressources.
La gestion des effectifs : le grand problème que rencontrent les
concepteurs et les organisateurs de la formation est l’effectif important des
enseignants à former. Selon les chiffres avancés par le CSEFRS, le nombre
16
d’enseignants est de l’ordre de 225 802 dans l’enseignement public (126446 au
primaire, 55 964 au collège, 43 392 au qualifiant) et 63 712 dans les écoles privées
(CSEFRS; (INESEFRS), 2014, p. 30). Les CRMEF et les AREF sont amenés à
assurer la formation à chaque enseignant exerçant dans les établissements de la
région. Quels critères utiliser pour cibler les enseignants à former ? Une question
complexe et compliquée dans la mesure où le profil de ces enseignants est
hétérogène. Le ciblage est l’une des méthodes qui peuvent se réaliser en confrontant
l’analyse des besoins et les objectifs attendus de la formation. D’autres alternatives
peuvent être proposées telle que la mise en relation de la validation des acquis selon
la formation modulaire et la promotion professionnelle du bénéficiaire de la
formation. Le ciblage des enseignants accompagnateurs11
peut également être une
opportunité pour les former afin d’assurer le suivi et l’accompagnement des
enseignants sur le terrain.
La mise en place d’un observatoire ou un learnscape12
concernant
l’évolution des métiers de l’éducation et de la formation dont le but serait de créer
un climat d’échange et de recherche entre les différents acteurs du système éducatif.
Conclusion
Bien que le ministère ait le souci manifeste d’instaurer un système de
formation continue des enseignants qui serait garant de la réussite scolaire, et en
dépit de toutes les actions programmées, terminées en cours, la formation continue
semble souffrir de bien des insuffisances aux niveaux de l’attachement et de la
représentation de l’entité qui est en est responsable. En effet, si la formation est
instituée dans les CRMEF, la volonté politique et la stratégie de sa mise en œuvre
sont dans leur phase embryonnaire. Aujourd’hui, les enseignants ont besoin d’être
reformés et les élèves ont besoin d’enseignants compétents et bien qualifiés. Les
CRMEF disposent actuellement de grands atouts pour relancer la formation
continue. Ils sont à considérer comme des lieux spécialisés pour la formation et le
développement des ressources humaines qu’elles soient novices ou expertes.
Chaque cadre trouve dans ces entités l’occasion d’exprimer son potentiel. C’est
également l’espace adéquat qui convient au développement de l’andragogie et tout
le processus qui en découle. Les cursus de formation peuvent être homogénéisés et
mis en harmonie afin de garantir aux élèves un apprentissage équitable. Dans la
conjoncture actuelle, c’est le défi du système éducatif. Vu les transformations que
prévues pour le cursus scolaire au niveau du type du Bac et la langue
d’enseignement choisie, les besoins de la formation sont aujourd’hui accrus et
urgents. Par ailleurs, les CRMEF sont dans l’obligation de faire évoluer la
conception de la formation par « le passage d’un système fermé (on forme pour
11
Note ministérielle N° 15/134 du 11 Décembre 2015. 12
« Un learnscape est écosystème dans lequel les salariés se rencontrent, partagent des idées, se tiennent au courant,
racontent des histoires, collaborent, s’entraident, résolvent des problèmes, conceptualisent et formalisent de bonnes
pratiques, apprennent, enseignent, servent leurs clients, nouent des partenariats et se rassemblent en communauté
d’intérêts » (Parmentier, 2014, p. 338)
17
former) à un système ouvert à son environnement (on forme pour répondre aux
besoins de l’organisation et de ses membres, on forme pour investir). (GERARD,
LAVENDHOMME, & ROEGIERS, 1997, p. 237).Quant aux formateurs, ils doivent
intégrer dans leurs conceptions de la formation, l’apport de l’expertise extérieure
dans le but de répondre à différents besoins d’amélioration de la qualité la fois de la
formation et de la pratique enseignante, de la recherche, de la relève du corps
enseignant et du système éducatif.
18
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