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Benoît Desavoye avec

Christophe Ducamp, Xavier de Mazenod, Xavier Moisant

Les Blogs

Nouveau média pour tous

M21 Editions

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V2.0 - ISBN: 2-9520514-3-7

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

Copyright © M21 Editions 2005

M21 Editions

Paris m21editions.com

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L’auteur

Benoît Desavoye, consultant, a fondé « Haut Et Fort » en 2003,

une des premières solutions de blogging française. Son site d’information LesBlogs.com a été élu meilleur site de l’année 2003 catégorie informatique par Yahoo France. Diplomé de Sciences-Po Paris, il a également créé une web agency en 1999.

Avec lui, ont participé à l’écriture : Christophe Ducamp, conseil en communication et technologies.

Fondateur d'elanceur (elanceur.org ) et de CraoWiki (wiki.crao.net), Xavier de Mazenod, ancien journaliste, responsable de plusieurs

blogs, fondateur - associé de la société de conseil adverbe.com, Xavier Moisant, directeur de Place de la Démocratie

(placedelademocratie.net), responsable de la campagne Internet de Jacques Chirac en 2002.

Le Phénomène blog

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Préface

La révolution des blogs est aussi importante que l'arrivée du courrier électronique

Les blogs sont partout : chefs d'entreprises, mères au foyer,

salariés, photographes et autres passionnés en tout genre nous racontent tous les jours ce qu'ils vivent et ce qu'ils ont appris. Pourtant, sur environ 12 millions de blogs début 2005 dans le Monde, une bonne moitié sont des blogs d'adolescents. Pour eux, c'est normal de partager avec leurs amis, cela n'a rien d'étrange. Ils ne lisent pas la presse quotidienne, leur média est l'Internet, leur moyen de communication préféré n'est même plus le courrier électronique mais la messagerie instantanée.

Observez des enfants jouer ensemble ou se retrouver dans la cour de récréation. Ce qu'ils font le plus naturellement est de partager ce qu'ils ont vécu, ce qu'ils ont entendu et ce qu'ils ont appris. Ils existent auprès de leurs amis par le partage d'information. Prenez les jeux vidéos par exemple. Depuis les débuts d'Internet les passionnés de jeux vidéos savent bien qu'ils ont peu de chance de finir un jeu vidéo de plus en plus complexe seul et partagent leurs trucs et leurs astuces. Ils ont bien compris que l'information avait beaucoup plus de valeur une fois partagée que gardée pour soi.

Pour tous ceux qui comme moi sont séparés de leur adolescence

depuis pas mal d'années, le phénomène est différent. Les blogs sont surprenants et donnent une impression étrange de leurs auteurs: « quel égocentrique ! Je me demande bien pourquoi il raconte sa vie tous les jours celui-là ». Normal, depuis que nous sommes entrés dans l'univers professionnel on nous apprend que le pouvoir vient de la protection de l'information.

Regardez de plus près la manière dont fonctionne la majorité des entreprises : plus vous avez d'information, plus vous avez de pouvoir. Un manager en haut de l'échelle a une vision globale de l'entreprise, réfléchit sur sa stratégie car il a accès à l'ensemble de l'information de tous les départements, tandis qu'un simple chef de

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projet n'aura accès qu'à l'information de son propre projet, sans aucune idée de ce que pense "la tête" de l'entreprise et en faisant en sorte de ne pas partager ce qu'il aura appris puisque c'est grâce à ce savoir qu'il pourra progresser dans la hiérarchie.

Et si nous n'avions pas le bon référentiel ? Et si c'était les

adolescents qui avaient raison et nous tort ? Nous avons grandi dans un monde où les médias traditionnels nous ont habitué à recevoir l'information de peu de sources vues comme fiables. Les journalistes ont eu jusqu'à ce jour le monopole de l'information car il était tout simplement difficile et onéreux de créer un quotidien ou une chaîne de TV.

Les médias traditionnels n'ont fait que renforcer ce sentiment de valeur au contrôle de l'information puisque leur propre modèle est basé sur celui-ci. Progressivement nous sommes passés d'une seule chaîne de TV à des centaines, de quelques grands titres de presse à l'explosion des gratuits et la naissance du phénomène des blogs donne tout d'un coup à chacun la capacité d'être sa propre source.

Le partage de l'information est une valeur bien connue des

informaticiens avec l'explosion du phénomène open source et la création d'un système d'exploitation comme Linux, capable de rivaliser avec le géant Microsoft, alors qu'il est totalement le fruit d'ingénieurs bénévoles qui partagent leur travail. L'open source se répand désormais à d'autres secteurs que l'informatique et en particulier celui des biotechnologies avec la naissance en ce début 2005 de BioForge, organisation à but non lucratif dont l'objectif est de faire progresser les biotechnologies à une vitesse jamais connue auparavant par le partage du savoir de milliers de scientifiques dans le monde.

Vous me direz certainement tout cela est bien beau mais ce n'est

pas pour moi, c'est trop compliqué. Détrompez-vous. Des particuliers comme vous et moi, sous l'impulsion de Jimmy

Wales, ont lancé il y a quelques années le projet de créer une encyclopédie complètement écrite et corrigée par vous et moi, un savoir que chacun peut enrichir et corriger à sa guise, comme si vous pouviez corriger une page d'un livre sur laquelle vous trouveriez une

Le Phénomène blog

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erreur. Aujourd'hui, Wikipedia a plus d'audience sur Internet que ses concurrents commerciaux et est riche de plus de 450 000 articles après 4 ans, tous écrits et ouverts aux corrections de 150 000 utilisateurs.

Un média sur Internet en Corée du Sud, OhmyNews, a détrôné tous les autres sur le plan de l'audience et du contenu. Il est écrit par plus de 30 000 contributeurs "citoyens".

« Open sourcez vous » Les blogs sont l'équivalent du phénomène de l'open source à un

niveau personnel et accessible à tous. Essayez et vous l'expérimenterez par vous-même. Dans votre vie de tous les jours, vous apprenez beaucoup, que ce soit sur un plan personnel ou un plan professionnel.

Prennez Pascale Weeks par exemple (http://scally.typepad.com) qui écrit depuis des mois sur son blog une recette de cuisine par jour avec un talent incroyable. Pourquoi faire ? Pour partager ce qu'elle a appris. Oui, mais pourquoi faire ? Pour apprendre à son tour des autres. Le blog de Pascale a des milliers de lecteurs quotidiens et des milliers de commentaires qui enrichissent chaque jour son contenu: ses lecteurs proposent à leur tour des variantes sur une recette, des anecdotes, critiquent la recette du Ti-punch en soumettant la leur.

Que s'est-il passé avec le blog de Pascale ? C'est simple, en partageant sa passion pour la cuisine, une communauté très fidèle de passionnés de cuisine se retrouve chaque jour sur son blog, échange en permanence et s'enrichit de l'expérience des autres. Aucun lecteur-contributeur du blog de Pascale et pas même Pascale elle même n'aurait accès à un savoir aussi riche sans le blog.

On me demande presque tous les jours comment je fais et

pourquoi je passe autant de temps sur mon blog chaque jour. Beaucoup s'interrogent de ma santé intellectuelle et la plupart me prennent pour un étrange égocentrique. Nous sommes pourtant de plus en plus à avoir compris l'intérêt de partager ce que nous apprenons tous les jours dans notre vie professionnelle.

C'est vrai que j'investis beaucoup de mon temps (environ trois heures par jour) à lire les blogs des autres et à écrire sur le mien. Ce qui est le plus souvent incompréhensible pour mon entourage, c'est

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que j'apprends et m'enrichis à mon tour beaucoup plus que par n'importe quel autre moyen par plus de 5000 commentaires reçus sur mon blog.

En voici un exemple. Je ne parle pas allemand et avant cette

expérience sur mon blog l'an dernier, je ne connaissais personne en Allemagne et je voulais pourtant lancer mon entreprise, Six Apart, là-bas. La manière traditionnelle est peu séduisante. Passer peut-être par le poste d'expansion économique, contacter un chasseur de têtes, trouver un partenaire... Difficile, lent et coûteux. Je me suis décidé à essayer de lancer ma filiale allemande en utilisant exclusivement mon blog.

J'ai donc écrit sur mon blog en anglais une petite note demandant si des allemands me lisaient et si c'était le cas s'ils accepteraient de m'aider. En quelques heures j'ai reçu à ma grande surprise une dizaine de commentaires et courriers électroniques d'allemands me proposant leur aide pour lancer mon activité.

Curieux de poursuivre l'expérience, je leur ai proposé d'organiser des dîners dans leurs villes respectives en invitant qui le souhaitait. La magie des blogs allait commencer à opérer, de nombreux blogueurs allemands écrivaient: "un entrepreneur français que nous ne connaissons pas mais qui a l'air sympa vient à notre rencontre, joignez-vous à nous".

Nous nous sommes retrouvés à une dizaine à Francfort, une

quinzaine à Munich, une cinquantaine à Hambourg... J'ai à chaque fois retrouvé des personnes ayant les mêmes centres d'intérêt que moi: des entrepreneurs, des investisseurs, quelques journalistes et des étudiants qui rêvaient de créer leur entreprise. Normal, mon blog a peu d'intérêt pour les autres. Outre les excellentes soirées passées en Allemagne, j'ai constitué un précieux réseau d'une centaine d'amis allemands en une semaine qui m'ont aidé à obtenir les premiers rendez-vous que je souhaitais organiser en particulier avec les opérateurs télécom et Internet allemands.

En quinze jours j'avais recruté le manageur allemand de mon activité, la personne qui m'avait le plus marqué durant ces dîners, et en un mois mon entreprise était lancée en Allemagne. Jamais je n'aurais

Le Phénomène blog

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réussi à aller aussi vite par des méthodes traditionnelles sans connaître ce marché.

Mais pourquoi ces blogueurs allemands sont-ils venus à ma

rencontre et m'ont autant aidé ? Un blog est basé sur le partage. Partagez tous les jours votre expertise et ce que vous apprenez d'un point de vue personnel et professionnel, faîtes le pendant plusieurs mois et vous serez certainement surpris du résultat. Vous constituerez sans aucun doute une petite communauté de personnes qui ont les mêmes centres d'intérêt que vous autour de vous et celles-ci, reconnaissantes de tout ce que vous partagez avec elles, vous aideront à leur tour.

A votre tour d'essayer, tentez de "désapprendre" ce que vous appris et répétez après-moi: "l'information a plus de valeur si elle est partagée que protégée".

Et si vous changiez de mode de pensée ?

Loïc Le Meur

Loïc Le Meur, entrepreneur à succès et pionnier du blogging avec

la solution Ublog rachetée par Six Apart, leader mondial du secteur,

dont il est aujourd’hui directeur général Europe (emea). Son blog :

http://www.loiclemeur.com/france/

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Avant-propos A l’image des blogs où les échanges sont nombreux et fructueux,

cet ouvrage est collectif puisque quatre auteurs ont collaborés à son écriture. Les interviews et citations de bloggers sont aussi nombreuses, nous les remercions au passage chaleureusement de leur grande disponibilité pour répondre. L’ouvrage se compose de trois parties.

La première propose une vision et une explication du phénomène

blog. Pourquoi un simple outil fait-il autant parler de lui, quels sont les enjeux en présence, à quels phénomènes plus vastes se rattache le blogging ? L’objectif est d’aborder de façon transversale car transdisciplinaire les blogs afin de ne pas les réduire à un phénomène technique, sociologique ou économique en traitant dans leur globalité les implications du phénomène. Benoît Desavoye est l’auteur de cette partie, avec Xavier Moisant pour les implications dans la sphère politique.

La deuxième partie poursuit l’analyse en se penchant plus particulièrement sur l’usage des blogs dans le monde des affaires. Les différents bénéfices pouvant être retirés par les services d’une entreprise sont abordés sous un angle concret avec des exemples ou des pistes puisque la pratique est toute récente. Christophe Ducamp a coordonné ces aspects, secondé par Xavier de Mazenod et Benoît Desavoye.

La troisième et dernière partie rentre dans les aspects concrets et pratiques du blogging. Vous y trouverez des exemples de blogs couvrants de nombreuses thématiques, les outils que vous pouvez utiliser, ainsi que de nombreux conseils pour bien démarrer. Xavier de Mazenod a rédigé cette partie avec Benoît Desavoye.

Commencez à bloguer

L’objectif de ce livre est évidemment de vous inciter à bloguer.

Ouvrez donc votre blog si vous n'en avez pas encore. Aller au chapitre Les différentes solutions de blogging » dans la troisième partie de l’ouvrage pour découvrir différentes possibilités existantes ou profitez de l'offre amicale de Typepad réservée à nos lecteurs pour ouvrir 3

Le Phénomène blog

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mois gratuitement un blog en utilisant leur solution. Au moment de l’inscription indiquez le mot ‘decouverte’ dans le champ code promotionnel.

Le Phénomène blog

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1. Le Phénomène blog

Le phénomène passera-t-il par vous ?

Dans son édition du 11 décembre 2004, le quotidien Libération faisait sa une sur : La blog génération ; la même semaine la chaîne de télévision M6 proposait à tous les internautes de créer leur blog sur son site, le journal Le Monde ayant fait quelques jours plus tôt une proposition du même type à ses abonnés. Pendant ce temps, la radio Skyrock initiait déjà plus d’un million de jeunes au blogging sur son service Skyblog lancé fin 2003.

Quel peut bien être cet outil qui réussit le quasi tour de force d’être utilisé et prescrit à leur audience par des médias aussi divers que ceux que nous venons de citer, en étant, qui plus est, disponble uniquement sur Internet ?

Un blog est un outil qui permet à tout internaute de s’exprimer sur

internet en tenant un journal : son utilisation ne nécessite aucune compétence technique. Le phénomène blog accompagne la croissance fulgurante de l’utilisation d’internet, sa vulgarisation et son intégration à nos habitudes quotidiennes.

Plus important encore, les blogs - et là réside certainement le cœur du phénomène – répondent à un besoin des internautes de s’exprimer, d’échanger, de converser avec d’autres personnes.

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Si Internet est un formidable moyen de communication, les blogs ont permis à nombre d’internautes d’engager effectivement des conversations sur la toile.

1.1. Qu’est ce qu’un blog ? Définir ce qu’est un blog n’est pas simple. La multitude de

définitions existantes en est la preuve. L’origine de cette difficulté est que les blogs sont à la fois un outil et un phénomène aux facettes multiples. Que l’on s’attache au fond ou à la forme, et la définition variera rapidement. Nous nous attacherons donc plutôt à dresser un tableau car la définition du blog est en partie un reflet de ses propres centres d’intérêts.

Un blog est un outil

Un blog est avant tout un outil de publication permettant à n’importe quel internaute de mettre en ligne des textes et des images aussi facilement qu’il le ferait avec un logiciel de traitement de texte.

Il est important d’avoir à l’esprit qu’au moment où les premiers outils de blogging sont apparus, la possibilité de publier ou de mettre à jour un site de façon intuitive sans connaissance informatique était soit coûteuse, soit réservée à des personnes ayant des compétences informatiques avancées leur permettant de développer les interfaces et outils nécessaires.

Les blogs font partie de la famille des outils de gestion de contenu parfois appelé CMS (abréviation de l’équivalent anglais Content Management System). Si l’utilisation des blogs a pris une telle ampleur c’est notamment parce qu’ils ont su ne rien renier des avantages techniques des CMS, tout en allant à l’essentiel en sachant sacrifier de nombreuses options, sources de complexité inutile pour une majorité des utilisateurs potentiels. Pour réussir à simplifier l’utilisation des CMS, les blogs ont notamment adopté une forme très standardisée c'est-à-dire comportant une structure et des éléments caractéristiques.

Le Phénomène blog

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Un outil comportant des éléments caractéristiques

On peut savoir que l’on se trouve face à un blog lorsque l’on rencontre sur une page web un certain nombre d’éléments caractéristiques.

Tout d’abord, une liste de notes1, classées dans un ordre

chronologique inversé, constituant la colonne vertébrale du blog. Les notes peuvent être de nature et de tailles variables, même si dans la pratique, la forme courte est la plus fréquente.

1 Ces notes se présentent sous la forme de paragraphes clairement

distincts appelés aussi billets ou posts (en anglais). Nous parlerons dans l’ouvrage de « notes ».

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Chaque Note est accompagnée de plusieurs attributs prenant souvent la forme de liens hypertextes : lien permanent2, commentaires3, catégorie dans laquelle est classée cette note.

Ensuite, des archives, souvent sous forme d’un calendrier

cliquable, sont consultables ; elles peuvent aussi être organisées par thèmes.

Ensuite, une liste de liens vers d’autres sites, fréquemment des

blogs, est disponible sur le côté dans la colonne, on parle de blogroll. Egalement, une possibilité de syndication de contenu sous la

forme d’un lien vers un fichier au format xml qui reprend le contenu du blog, notamment les dernières notes.

2 Lien permanent : permalink en anglais. Ce lien est l’adresse web (url)

unique de la note permettant d’y accéder de façon permanente et ainsi d’y faire référence depuis une autre page internet.

3 Possibilité de faire un commentaire ou de consulter ceux déjà existants

Le Phénomène blog

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Ces éléments caractéristiques font que la plupart des blogs se

présentent sous la forme d’une page comportant deux ou trois colonnes, les notes étant situées au centre. Pour Evan Williams, fondateur de Blogueur, pionnière des plates-formesde blogs rachetée par Google en 2003, c’est d’ailleurs le format, « des textes courts et mis à jour régulièrement » qui est caractéristique des blogs puisque ce format convient très bien aux auteurs et aux lecteurs.4

Un outil aux usages si multiples qu’il est devenu un véritable phénomène

Leur facilité d’utilisation explique l’adoption rapide des blogs par des publics aussi variés :

qu’un adolescent souhaitant tenir son journal en ligne et échanger avec ses amis,

qu’un journaliste retrouvant agréablement un peu de liberté tant sur la longueur des textes qu’il peut publier que sur les sujets qu’il peut aborder,

qu’un professionnel spécialiste d’un domaine publiant de façon régulière de l’actualité ainsi que ses propres analyses pour asseoir sa crédibilité auprès de ses pairs ou aux yeux de ses clients.

Cette variété des usages, des utilisateurs et le nombre de blogs

créés justifient que l’on puisse parler au sujet des blogs, de phénomène.

4 « Blogs are really about the format -- frequent, short bursts of text -- a

format that happens to work very well on the web, both for readers ("people don't read on the web") and writers/publishers. » Evan Williams – http://www.useit.com/alertbox/20001001_comments.html

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Quoi de commun entre tous ces blogs ?

On retrouve chez chaque blogueur une même envie de disposer d’un espace qui lui appartient, qui lui permet de s’exprimer et d’échanger librement avec d’autres internautes.

Ainsi Alain Juppé, qui blogue depuis septembre 2004 et qui a pourtant accès aux médias pour s’exprimer, écrit dans un billet intitulé : Miracle du blog 5 : « […] Changement radical qu'apporte Internet: dans aucune de mes réunions politiques classiques je n'aurais pu établir un tel début de dialogue, aussi ténu soit-il. Ce n'est certes qu'un outil [ndlr : à propos du blog] comme le rappelle sans cesse mon ami Dominique Wolton. Ce qui compte, c'est le contenu. Mais l'outil est bigrement innovant! »

Ce besoin de pouvoir diffuser ses idées et d’échanger avec

d’autres internautes est une attente légitime puisqu’elle est un des mythes fondateurs de la démocratisation de l’internet dans le courant des années 90. Les blogs ont su répondre à ce besoin, ce qui explique qu’ils aient connu une adoption et un succès si rapide.

C’est pourquoi un des traits fondamentaux du phénomène est son aspect social et communautaire. Dave Winer, fondateur de la solution de blogging Userland6, définit les blogs comme : « des communautés de publications web personnelles »7.

En effet, face à un blog le lecteur est avant tout face à une personne : le blogueur. Sylvain Carle a très justement titré un article sur ce sujet, Le carnet Web : un concentré d'essence humaine,8 dans lequel il explique : « Les carnets sont autant de porte-voix, une bonne partie de l'expérience provient de l'interaction entre carnetiers ».

Certains commentateurs expliquent que le pourcentage

d’internautes ayant ou qui auront un blog ne dépassera jamais 5 Le 4 janvier 2005, http://www.al1jup.com/viewPost.php?id=79 6 http://www.userland.com 7 http://newhome.weblogs.com/personalWebPublishingCommunities 8 Cet article n’est plus consultable en ligne

Le Phénomène blog

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quelques pour cents et donc que parler de phénomène est exagéré. C’est mal comprendre les processus à l’œuvre. En effet, on ne mesure pas l’importance d’un phénomène uniquement en quantifiant son origine mais au travers de ses effets. Les blogs constituent « à la fois un moyen d'expression et un intermédiaire transmettant un message à l'intention d'un groupe ». Ils sont donc par définition un média9 pour lequel il faut prendre en considération à la fois le ou les émetteurs, mais aussi et surtout l’importance de leur audience. Les audiences sont très inégales d’un blog à l’autre, mais il est évident que le phénomène dépasse largement le cercle des auteurs de blogs, au travers de leur lectorat d’internautes.

1.2. Chiffres et typologie Le succès des blogs est une rencontre entre un outil et des

utilisateurs suffisamment nombreux et familiarisés à internet.

Des utilisateurs plus nombreux et mieux formés à internet…

Le taux de pénétration d’internet n’a cessé de croître depuis que les accès grand public ont vu le jour.

Historique des taux de pénétration sur 30 jours par pays Pays 2002 2000 1999 Etats-Unis 72% 59% 59% Canada 62% 60% 56% Corée 53% 45% 31% Royaume-

Uni 50% 35% 33%

Japon 47% 33% 33% Allemagne 43% 37% 29%

9 Média : tout support de diffusion et de transmission de l'information

(radio, télévision, journaux, affiches, ordinateur, etc.) constituant à la fois un moyen d'expression et un intermédiaire transmettant un message à l'intention d'un groupe. (source : Encyclopedia Hachette).

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France 37% 30% 22% (source Ipsos/Reid - décembre 200210) Les perspectives de croissance du nombre d’utilisateurs

d’internautes restent élevées

(Source : Computer Industry Almanac) Les attentes et les usages ne cessent de croître, si l’ont prend par

exemple les pratiques vis-à-vis d’internet en tant que source d’information : Libération 15/1//2004 – Les Français très en ligne : « En France, Internet représente désormais 22 % de la consommation totale des médias, contre 10 % l'an passé. Une sacrée envolée du temps passé en ligne, qui place le Web juste derrière la radio (29 %) et nettement devant les journaux (9 %) et les magazines (9 %). La télé reste le média le plus consommé (32 %). C'est ce qui ressort d'une étude de la société Millward Brown pour la European Interactive Advertising Association. »

Derrière ces données il y a un public d’utilisateurs pour lesquels

internet est devenu un outil de la vie quotidienne, ils sont de plus en plus apte à appréhender les outils informatiques et multimédias, ceux sont les auteurs et lecteurs potentiels des blogs.

…trouvent dans l’outil blogs une réponse à leurs besoins

10 Cité par le Journal du Net http://www.journaldunet.com/cc/01_internautes/inter_penetration_mde.s

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Le Phénomène blog

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Les blogs ont d’ores et déjà conquis de nombreux utilisateurs en transformant plusieurs millions d’internautes en auteurs, lecteurs ou commentateurs réguliers de blogs.

La montée en puissance des blogs étant récente, tout au plus 2 ou 3 ans, les chiffres sont à prendre avec précaution, ce sont plutôt les tendances et les ordres de grandeur qui doivent attirer notre attention. Le tableau que nous dressons ici ne sera donc composé que de petites touches.

D’après une étude de Pew Internet & American Life Project

publiée en mars 2004 mais conduite un an auparavant, 2 à 7% des internautes auraient un blog. La marge d’erreur est importante, mais quand bien même il s’agirait de 2% cela correspond déjà à un nombre de blogs considérables pour un phénomène si récent.

D’après une autre étude de PEW et publiée en janvier 200511, 27% des internautes américains seraient des lecteurs de blogs (soit 32 millions de lecteurs) contre 17% en février 2004, soit un bond de 58%.

Concernant les fonctionnalités typiques des blogs comme la

possibilité de faire des commentaires ou celle de s’abonner au blog grâce à son flux xml (ndlr : voir plus loin l’explication de ces flux), ce sont respectivement 12 et 5% des internautes qui sont concernés, ce qui constitue des chiffres élevés puisque 12% de lecteurs non passifs permet de frôler les 4 millions de commentateurs. Quant aux 5% d’utilisateurs de flux xml pour consulter de l’information en provenance de blogs ou de sites disposant de tels flux, c’est aussi un chiffre très intéressant car la démocratisation de cette pratique reste très récente. On peut donc parler d’une propagation très rapide.

Une autre société, Perseus12, dans un étude conduite fin 2003,

estimait qu’il y aurait fin 2004 10 millions de blogs, contre plus de 4

11 téléchargeable sur

http://www.pewinternet.org/pdfs/PIP_blogging_data.pdf 12 http://www.perseus.com/blogsurvey Cette étude porte cependant sur

un nombre limité de services de blogging, oubliant ainsi par exemple les blogs hébergés en nom propre.

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millions pour fin 2003. A nouveau ici nous avons une croissance impressionnante du nombre de blogueurs.

Pour Technorati enfin, moteur de recherche spécialisé dans les blogs, 12 000 blogs se créent chaque jour13. Les estimations de Technorati diffèrent de celles de Perseus, mais à nouveau attachons-nous surtout au taux de croissance.

Evolution du nombre de blogs lancés dans le monde (en millions) 2004 2003 Evolution

2004/2003 Septembre 4,1 0,9 +355% Juin 3 0,4 +650% Mars 2 0,1 +1900% Source Technorati 2004 Le nombre de lecteurs et d’auteurs de blogs croît donc chaque

année avec des taux de croissance à 2 chiffres. Cette progression est moins impressionnante sachant que l’on part de presque zéro mais elle démontre toutefois que les blogs rencontrent un vrai engouement chez les internautes qui utilisent en plus de façon significative les technologies xml pour s’informer alors même qu’elles nécessitent un petit apprentissage.

L’étude de Perseus est parmi les plus intéressantes car elle

s’intéresse au profil des bloggeurs en établissant notamment une pyramide des âges dans laquelle les jeunes ont une large place

Tranche d’âge Nombre de blogs

crées %

10-12 55.500 1.3% 13-19 2.120.000 51.5% 20-29 1.630.000 39.6% 30-39 241.000 5.8% 40-49 41.700 1.0%

13 Cité par le Journal du Net dans son édition du 3 novembre 2004 http://www.journaldunet.com/0411/041103blogs.shtml

Le Phénomène blog

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50-59 18.500 0.4% 60-69 13.900 0.3% Total 4.120.000 100.00% Source : Perseus http://www.perseus.com/blogsurvey On le voit, les adolescents arrivent en tête, comme le prouve par

ailleurs le succès de Skyblog en France. Les blogs conviennent sans doute particulièrement aux besoins des adolescents, déjà majoritaires dans l’utilisation d’outils comme la messagerie instantanée. Les adultes, souvent moins pionniers, devraient toutefois voir leur proportion d’utilisateurs augmenter.

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1.3. Les internautes reprennent le pouvoir Le Figaro Economie a très bien résumé un des aspects majeurs lié

à la montée en puissance des blogs en titrant un article sur ce thème Les internautes reprennent le pouvoir14.

Très schématiquement plusieurs « ères » se sont succédées sur

internet durant ces 10 dernières années : l’esprit pionnier des années 90 où le web sortait des milieux

spécialisés, techniques ou universitaires pour s’ouvrir même timidement à ceux qui prenaient conscience du potentiel incroyable de ce nouveau média.

L’esprit marchand et l’effet de mode : l’engouement des entrepreneurs, investisseurs et du monde de l’entreprise en général a été concomitant de l’ouverture d’internet au grand public. Le web devient alors un vaste espace marchand utilisé par les entreprises au grand regret de certains pionniers. Dans le même temps, le web devient accessible au grand public. Après l’éclatement de la bulle, certains croient voir un effet de mode dans cet engouement.

La démocratisation et la banalisation : non content de s’ouvrir au grand public internet devient véritablement un média de masse. Les utilisateurs commencent à être expérimentés. Internet se diffuse, se banalise, fait désormais partie de notre quotidien.

C’est à ce stade que la montée en puissance des blogs intervient.

Les blogs sont, je crois, symptomatiques de ce que l’on peut appeler une réappropriation du web par les internautes du fait de trois phénomènes, dans chacun desquels les blogs peuvent jouer un rôle :

une présence plus marquée des individus en tant que tel, l’action prend le pas sur l’interaction,

14 Avec les blogs, les internautes reprennent le pouvoir, Le Figaro

Economie, 26 juillet 2004 par Jacques-Olivier Martin

Le Phénomène blog

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une transformation de plus en plus fréquente des internautes-consommateurs en internautes-producteurs.

Une présence plus marquée des individus

Les internautes reprennent le pouvoir parce qu’ils se mettent à exister sur internet, mettant peu à peu les individus sinon au premier plan, au moins en bonne place sur le web. Ils ne sont plus seulement les visiteurs d’une page ou des consommateurs, mais ils utilisent internet comme moyen de communication interpersonnel au travers des emails et de la messagerie instantanée. Internet devient ainsi un espace de socialisation. Véritables médias voire tribunes personnelles, lieux d’échanges grâce aux commentaires, les blogs jouent un rôle important pour donner aux individualités leur place et un rôle sur le web.

L’action prend le pas sur l’interaction

On vante depuis ses débuts l’interactivité d’internet. Cette dernière est longtemps restée un vain mot mais elle est désormais prise en compte sur la majorité des sites qu’un internaute visite. L’internaute va interagir avec le site où on lui propose des espaces ou de l’information personnalisés en fonction de ses choix ou des informations qu’il accepte de donner.

Si l’interaction, c'est-à-dire la situation dans laquelle l’action de

l’internaute vient en réponse à une sollicitation d’un site, est de plus en plus fréquente, l’action, dans laquelle cette fois l’initiateur est l’internaute est beaucoup plus rare lorsqu’elle diffère d’un simple envoi d’email, d’une conversation par chat ou de l’échange de fichiers par un système de peer to peer. Pour prendre un exemple, disposer d’un excellent réseau de bus est très pratique pour un piéton, mais avoir son propre vélo, bien que plus lent ou fatiguant, confère une indépendance et une liberté non négligeables. Tel est le type de différence que nous établissons entre l’action et l’interaction ; dans l’action l’internaute est indépendant, il est le moteur.

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Les applications que nous venons de citer (email, chat et échange

de fichiers) permettant l’action initiée par l’internaute, sont d’ailleurs extrêmement populaires. Parmi les causes de cette popularité, la liberté d’initiative laissée à l’internaute qui n’a pas à aller sur un site ou à dépendre d’un service en particulier, joue certainement un grand rôle à côté de leur simplicité d’usage.

Les blogs qui contribuent, en tant que médias personnel, à placer

la simplicité d’utilisation et la liberté d’action - en l’occurrence d’expression - de l’internaute au centre de leurs usages, sont un phénomène dont l’ampleur est à ce titre comparable à celle qu’ont pu faire naître les communications par email, par chat ou les échanges de fichiers. Andrew Sullivan, auteur d’un blog très influent, sous-titrait son article The Blogging Revolution15 ainsi : « Les blogs sont aux mots ce que Napster était à la musique ».

Grâce aux blogs, leurs auteurs sont devenus libres de s’exprimer

en ligne. Ils sont moteurs de l’action, lancent des débats, diffusent leurs idées. C’est pourquoi les blogs sont une application qui connaît un succès comparable à celles qui avaient auparavant déjà donné aux internautes ce rôle moteur.

Cette liberté d’action permet aux internautes-blogguers de

reprendre le pouvoir tout en facilitant les possibilités de dialogues par blogs interposés ou au travers de commentaires très faciles à faire. Si l’action est au premier plan, l’interaction, utile et constructive n’est donc pas laissée de côté, bien au contraire.

Les consommateurs deviennent des producteurs

15 The blogging Revolution paru dans le magazine Wired en mai 2002.

http://www.wired.com/wired/archive/10.05/mustread.html?pg=2 Napster est le logiciel qui a popularisé l’échange de fichiers entre internautes (peer-to-peer). http://www.andrewsullivan.com

Le Phénomène blog

31

La possibilité offerte aux internautes d’agir et de s’exprimer de plus en plus facilement notamment grâce aux blogs joue bien entendu un rôle majeur dans cette réappropriation du web par les internautes. Dans une rhétorique marxiste, on pourrait dire que les internautes se réapproprient les moyens de production de l’information et des contenus en général.

De simples visiteurs, lecteurs, consommateurs de l’internet, les internautes deviennent des producteurs de contenus. Grâce aux blogs ils peuvent désormais très facilement publier des textes, diffuser des images, échanger des commentaires. La production de contenu est ainsi potentiellement mise à la portée de chacun.

Pour le sociologue Olivier Blondeau16: « L'appropriation pourrait, dans le domaine des NTIC et en particulier des outils du Net, précéder l'innovation technologique. En un mot, dans un domaine technologique non-stabilisé mais déjà accessible au grand public, l'usage est lui-même producteur d'innovation ». En d’autres termes, l’internet n’est plus dans les seules mains des techniciens, et les internautes eux-mêmes par leur usage contribuent à l’innovation.

Les blogs permettent l’expression, les échanges, les rencontres, ils

redonnent l’initiative aux internautes. Les barrières technologiques existent encore mais deviennent plus faciles à franchir car les blogs sont faciles à utiliser. Tels sont les éléments forts qui montrent que les blogs contribuent à la réappropriation d’internet par les internautes.

16 Olivier Blondeau est sociologue, co-auteur de Libres enfants du

Savoir numérique, anthologie du libre Edition de l'Eclat, mars 2000. Article : Tous producteurs, tous consommateurs, Février 2003

http://www.autourdulibre.org/2003/article19.html

32

1.4. Les origines du phénomène et les raisons du succès

Alors que 12 000 blogs se créent chaque jour17 on peut légitiment se demander quels sont les facteurs d’un tel succès et comment est né ce qu’il est légitime de qualifier de phénomène.

Parmi les facteurs clés de succès les plus importants on citera : le fait qu’un blog est un outil centré sur la personne, il n’a pas

de sens sans son auteur. la façon dont les blogs s’articulent entre eux, créant une sorte

d’organisation à la fois distribuée et décentralisée cumulant les avantages de chacun de ces modes.

Bref historique

Au tout début

D’après Dave Winer18, fondateur de la solution de blogging Radio Userland, le premier blog était celui de Tim Berners-Lee, inventeur du world wide web, qui tel un monsieur Jourdain de l’internet bloguait sans le savoir. Le premier site web19 aurait ainsi été une sorte de blog puisqu’il proposait une sélection de liens vers d’autres sites qu’il jugeait intéressants.

En 1996 et en 1997, d'autres carnets Web sont apparus. Parmi les lesquels, Scripting News20 puis, Slashdot21 de Rob Malda. C’est aussi en décembre 1997 que John Barger invente le terme de weblog qui

17 Source Technorati – Evidemment de nombreux blogs sont aussi

abandonnés chaque jour, d’autant plus que de nombreuses solutions gratuites sont disponibles. Cependant le solde reste largement positif et ce nombre de créations demeure la preuve d’un véritable engouement.

18 http://newhome.weblogs.com/historyOfWeblogs 19 Qui est archivé à cette url : http://www.w3.org/History/19921103-

hypertext/hypertext/WWW/News/9201.html 20 http://www.scripting.com Blog de Dave Winer 21 http://slashdot.org

Le Phénomène blog

33

signifie log of the Web (littéralement, « journal de bord sur le Web », « blog » étant la contraction de « web-log »).

Premiers outils clés en main

En juillet 1999 la société Pitas lance un service en ligne permettant de créer et de faire héberger son blog, suivie en août 1999 par la société Pyra d’Evan Williams qui lance Blogueur22, une solution de blogging qui permet de créer gratuitement son blog en quelques minutes. Le service qui va permettre le décollage rapide du nombre de blogs du fait de leur facilité d’usage est né.

C’est en août 200323 que SixApart, initiateur de la solution de blogs Movable Type, lance sa solution clés en main Typepad.

Une actualité tragique

Le 11 septembre 2001 est aussi une date importante pour les blogs d’après Virginia Postrel, ex-éditrice du magazine américain d'opinion Reason : après « avoir atteint le ground zero », les américains ont eu le désir de savoir ce que leurs collègues, leurs voisins et le monde entier pensaient et ressentaient. Les weblogs fournissaient le moyen idéal de transmettre ces impressions"24. Le jour des attaques, le service de blogging Blogueur a constaté une augmentation de 22% des notes publiées par rapport à la moyenne25. Glenn Reynolds, responsable d’InstaPundit, un des blogs ayant le plus de succès, a aussi constaté26 le véritable décollage des blogs après le

22 Annonce de l’ouverture du service sur le blog d’Evan Williams http://www.evhead.com/1999/08/we-just-launched-cool-new-tool-at-

pyra.asp 23 Note annonçant l’ouverture de la version publique

http://www.sixapart.com/log/2003/08/typepad_preview.shtml 24 Ces weblogs qui intriguent le Net - Journal du Net 10/09/2002 http://www.journaldunet.com/0209/020910blog.shtml 25 Evan William a publié cette information sur la page d’accueil de

blogueur.com le 12 septembre 2001. 26 Intervention de Glenn Reynolds dans le Guardian du 20 février 2003,

On the warpath http://www.guardian.co.uk/online/story/0,3605,898665,00.html

34

11 septembre. Avec cet événement sont nés ceux que l’on a qualifiés de warblogs.

Ils ont décrit le 11 septembre puis la guerre contre le terrorisme et

ont donc « couvert » tout naturellement la guerre en Irak. Sur un sujet un peu différent, mais où l’aspect de lutte planétaire est également présent, sont nés les blogs concernant l’épidémie de pneumopathie atypique (SARS)27. A nouveau, nombreuses étaient les personnes souhaitant avoir des informations, ayant besoin de s’exprimer, surtout lorsque leurs gouvernements refusaient de reconnaître l’ampleur du problème. Ici aussi l’outil blog s’est révélé adapté.

Le tsunami de décembre 2004 en Asie sera également « couvert »

par les blogueurs. Les blogs permettant une fois de plus de relayer l’information directement, depuis les témoins du raz-de-marée vers les internautes du monde entier, sans avoir nécessairement à passer par les médias. Les blogs donnent la possibilité de s’exprimer, à la fois aux rescapés et aux proches, de glaner des informations. Alors que les médias ont tendance à « tourner en boucle » en diffusant les mêmes informations. Le blog tsunamihelp.blogspot.com a ainsi été mis en place en quelques heures et a été alimenté par une trentaine de blogguers. Pour Jeffrey Henning, numéro deux de Perseus Development, « Le tsunami sera peut-être "le 11 septembre" des bloggeurs asiatiques »28.

De plus en plus libre de blogguer

En juin 2001, l’outil de blogging open-source b2/cafelog29 voit le jour. Aujourd’hui, cet outil a donné naissance à deux successeurs que sont Wordpress30 et b2evolution31, tous deux d’une très grande qualité avec des mises à jour paraissant régulièrement.

27 Exemple du blog en anglais d’un chinois

http://home.wangjianshuo.com/archives/categories/sars.htm 28 Cité dans une dépêche AFP du 29 décembre 2004. 29 http://cafelog.com 30 http://www.wordpress.org 31 http://www.b2evolution.net

Le Phénomène blog

35

Côté francophone32, l’outil le plus abouti est Dotclear qui voit le jour en août 2003, sous la houlette d’Olivier Meunier. Les solutions de blogging open-source permettent de créer son blog soi-même33, pour peu que l’on ait les quelques connaissances techniques nécessaires. Utiliser son propre outil donne une indépendance appréciable.

D’autres outils à installer mais non open-source existent comme Movable Type34 de la société SixApart ou pmachine35 de la société éponyme.

Le blogueur devient carnetier

En juin 2001 toujours, naissance de Joueb.com, plateforme de création et d’hébergement de blogs, pionnière francophone à l’initiative de Stéphane Gigandet36, qui en 2004 a lancé une autre plateforme Viabloga37.

Le 22 novembre 2002, Stéphane Le Solliec38 met en ligne ce qui deviendra la solution d’hébergement et de création de blog U-blog.

Il faut attendre mai 2003 pour qu’un nouveau service dédié aux blogs voit le jour en France avec la version française de 20six.

Les choses s’accélèrent ensuite avec le lancement en septembre 2003 d’Haut Et Fort et fin novembre de Canalblog par Jean-Baptiste Clot39. Depuis juin 2004, plusieurs nouvelles solutions de blogging se créent chaque mois.

32 François Planque qui dirige les développements de b2evolution est

français mais le projet est disponible avant tout en anglais d’où la qualification de francophone réservée à Dotclear dont le site est d’abord disponible dans la langue de Molière.

33 Il est nécessaire de disposer d’un hébergement pour installer installer soi-même le système de blogging. Les solutions clés en main fournissent un hébergement et un outil déjà installé.

34 Dont la version 1.0 est sortie le 8 octobre 2001 http://www.movabletype.org/news/2001_10.shtml#000053 35 http://www.pmachine.com 36 Blog personnel de Stéphane Gigandet : http://stephane.viabloga.com 37 http://www.viabloga.com 38 Un des blogs de Stéphane Le Solliec : http://blog.metacites.net 39 Blog de Jean-Baptiste Clot : http://webmaster.canalblog.com

36

Les médias s’en mêlent

En janvier 2003, la radio Skyrock ouvre son service de blogging Skyblog. Le succès est fulgurant puisque leur nombre est en croissance constante pour atteindre le million de blogs créés en novembre 2004.

D’autres médias se lancent avec l’ouverture d’un service de blogs par Europe 2 en septembre 2003 ou des FunBlogz40 en mars 2004.

Courant 2004, des journalistes du Monde, de Libération et du Nouvel Observateur se mettent à bloguer de façon officielle pour leur journal.

En décembre un pas de plus est franchi quand M6 et Le Monde,

c'est-à-dire des médias généralistes de masse, vont jusqu’à proposer des solutions de blogging, d’ailleurs haut de gamme, l’une à tous les internautes, l’autre à ses abonnés.

Aller plus loin

L’excellente synthèse du blogueur Laurent Gloaguen dans sa note Petite histoire de la blogosphère donne une chronologie du blogging en particulier francophone.

http://embruns.net/blogosphere/001306.html En anglais, Rebecca Blood, auteur d’un livre sur les blogs41 nous

propose un billet de synthèse sur les débuts du blogging, daté de septembre 2000

http://www.rebeccablood.net/essays/weblog_history.html

Une synthèse d’outils existants

40 http://blog.funradio.fr 41 We've Got Blog: How Weblogs Are Changing Our Culture Rebecca

Blood, 2002. Perseus Publishing.

Le Phénomène blog

37

Il est difficile pour le profane de comprendre pourquoi les blogs sont un outil novateur et un phénomène si intéressant. En effet, à première vue, il s’agit d’une simple page web affichant une liste de textes. Tout juste peut-on dire qu’elle est très simple à mettre à jour. Mais pour un internaute qui n’a jamais essayé ni parfois même songé à mettre en ligne ses propres textes ou contenus multimédia, l’innovation que constitue cette facilité de mise à jour n’est pas évidente à saisir.

C’est parce que les blogs sont une synthèse réussie d’outils et de

pratiques qui sont nés sur internet depuis une dizaine d’années, que leur caractère novateur peut facilement être sous évalué. En effet, la plupart de leurs caractéristiques ont déjà pu être aperçues au sein d’autres outils, ce qui empêche de voir en eux un outil innovant. Toute leur force est justement d’avoir su cristalliser les meilleures techniques et pratiques pour devenir un outil non pas novateur techniquement mais simplement parfaitement adapté aux besoins du plus grand nombre et donc novateur dans la facilité et la diversité des usages possibles. De même que le baladeur numérique Ipod d’Apple est devenu un objet culte alors que d’autres baladeurs peuvent sembler avoir, sur le papier, des caractéristiques comparables, le blog est devenu l’outil culte du moment sur le « créneau » de l’expression en ligne pour tout public. Dans les deux cas d’ailleurs, les outils ont presque créé les usages, qui étaient latents faute d’outils justement, et donc aussi leur marché.

Nous allons comparer point par point les blogs à différents outils

populaires sur internet pour comprendre à la fois quels sont les emprunts faits à chacun et quels sont les apports des blogs42.

Le format des blogs

42 Pour cela il est nécessaire de recourir à une certaine généralisation

pour établir les pratiques qu’on peut considérer comme standard. Il serait dans bien des cas possibles de trouver des contre exemples, mais ceux-ci seront en principe des cas isolés.

38

Le format assez court des notes publiées sur un blog n’a pas été créé par eux. Ce format est né progressivement lors de l’utilisation de Usenet puis des forums ou du chat. En effet, l’internaute multiplie les interventions au fil de sa journée dans les chats, forums, etc., Il ne peut donc pas se permettre d’écrire un roman pour chacune d’elles.

Le format et le style des écrits sur Internet a souvent tendance à se situer dans une zone intermédiaire entre ce qui se pratique pour les écrits papiers « traditionnels » et la conversation orale très informelle car par nature plus spontanée.

Ce caractère assez court pourrait être un aspect en apparence anodin et pourtant il joue un rôle important dans le succès que les blogs rencontrent.

Dans un forum, on intervient facilement dans un style oral, comme si l’on prenait part à une discussion, On peut donc écrire seulement deux à trois lignes, l’important est de participer à la discussion, d’apporter un élément nouveau.

Sur un site web traditionnel (site institutionnel ou pages

personnelles), le style d’écriture se rapproche de celle d’un article. Dans ce cas si l’on n’a pas suffisamment de choses à écrire, on préfère ne rien publier. Un blog étant une sorte de journal écrit au fil de la plume, des notes qui ont d’autant plus de sens lorsqu’elles sont prises ensemble, le seuil minimal à partir duquel on s’autorise à publier un texte est ainsi nettement plus facile à atteindre. C’est donc un frein important qui est ici levé pour bien des blogueurs qui publierait de ce fait bien moins de textes en dehors de leur blog.

Blogs et forums : se faire entendre dans le brouhaha43

43 Les blogs multi-auteurs existent, mais, étant minoritaires, ils ne seront

pas pris en compte dans cette section.

Le Phénomène blog

39

Les objectifs sont propres à chaque auteur d’un blog ou

responsable d’un forum mais dans les grandes lignes on peut dire que le blog répondra aux objectifs de son auteur qui est souvent d’écrire afin de pouvoir ensuite échanger avec ses lecteurs alors que le forum, outil d’expression et d’échange d’une communauté, évoluera en fonction de la participation des membres de la communauté. Le forum est moins facile à manier, il offre la facilité d’échanger, généralement sur une thématique donnée, mais atteindre des objectifs précis sur les sujets abordés, la fréquence et le nombre des échanges reste délicat. Le blog lorsqu’on ouvre est un outil au même titre que le forum mais ayant un seul auteur, celui-ci sait déjà, même au fond de lui, ce qu’il espère en faire et la réussite du blog dépend donc en grand partie de lui-même.

Si on raisonne en terme de responsabilité, le blog est sous la

pleine et entière responsabilité de son auteur. Le forum, bien plus impersonnel voit par définition passer des contributeurs multiples, utilisant souvent un pseudo, les responsabilités sont donc bien plus

40

diluées44. Lorsqu’il écrit un texte pour un forum l’internaute n’aura pas dans bien des cas la même attitude que si il écrivait sur son propre blog. Nous verrons plus loin comment cet aspect contribue à la qualité des blogs au travers de la construction d’une véritable réputation numérique.

Dans le droit fil des deux aspects qui précédent le contrôle des

sujets abordés et de la ligne éditoriale en général est totalement entre les mains du blogueur alors que pour le forum le responsable aura tendance à laisser au moins en partie les participants sinon lancer au moins proposer les sujets de discussions qui ensuite partent dans des directions échappant au responsable, ce qui fait d’ailleurs tout l’intérêt d’un forum.

Concernant l’interactivité, elle bien sûr très forte dans un forum,

lieu d’échange par excellence, puisque c’est sa raison d’être. Au sein du blog les discussions sont possibles dans les commentaires sur chaque note, elles vont échapper au blogueur et peuvent ainsi partir dans n’importe quelles directions. La note initiale donne le thème et ensuite les discussions peuvent commencer. Cependant le blogueur étant seul à publier des notes, celles-ci étant mises en avant bien plus que les commentaires cela donne une forte cohérence au blog et place le blogueur au premier plan. Au travers des commentaires le blog ne se prive donc pas des avantages du forum en terme d’interactivité tout en laissant au blogueur le contrôle total de la ligne éditoriale.

Les trackbacks, fonctionnalités spécifiques aux blogs que nous

expliquerons plus loin, permettent de suivre une discussion entre blogueurs c'est-à-dire se déroulant non pas au sein des commentaires liés à une note mais par blogs interposés. A nouveau l’interactivité au sein des blogs se fait sans gommer les individualités.

Le blog enfin est plus accessible car on se trouve face à un

individu à qui on peut tout simplement faire part de son opinion ou

44 Il ne s’agit pas de responsabilité au sens juridique puisque celle-ci

reste individuelle mais de la responsabilité quand au bon fonctionnement et à la pérennité du forum ou du blog.

Le Phénomène blog

41

poser une question, cette question pouvant même intervenir au milieu de commentaires déjà déposés par d’autres. Dans le forum on se trouve face à un groupe souvent difficile à identifier clairement, ce qui peut être intimidant voire déroutant. La question de l’accessibilité est cependant loin d’être tranchée en faveur de l’un ou de l’autre, car noyés dans la masse des intervenants d’un forum, certains internautes pourront aussi se sentir plus à l’aise pour y intervenir.

En tant que source d’informations ou d’archives les blogs et les

forums obéissent à des logiques très différentes. Le forum correspond à une ou plusieurs discussions en cours, qui au bout d’un certain temps s’arrêtent ou évoluent sous la forme d’autres discussions, on parle de fils de discussions. Au fur et à mesure les archives du forum sont donc des discussions laissées en l’état et organisées souvent par grands thèmes et de façon éventuellement chronologique. Au final, seul le moteur de recherche interne permet de retrouver au travers de mots clés les discussions qui peuvent intéresser un internaute.

Il est rare de vouloir suivre à posteriori l’ensemble d’une discussion excepté sur certains sujets techniques pour lesquels en confrontant les questions posées aux réponses fournies l’internaute pourra utilement trouver des éléments de réponses à des questions déjà formulées qu’il se poserait aussi.

Le blog correspond de son côté à la pensée de son auteur. Celle-ci

peut être difficile à aborder, partir dans différentes directions, mais l’unicité de la source donnera toujours une cohérence à l’ensemble. Le blog est classé de façon chronologique et souvent organisé par catégories. Lorsqu’on lit une note intéressante on peut donc facilement suivre le cheminement chronologique si celui-ci à un sens ou accéder aux autres notes sur le même thème pour retrouver à posteriori toutes les pièces.

Blog et forum sont donc deux outils différents. L’un est un outil totalement au service d’une communauté tandis que l’autre, plus tourné vers son auteur, reste toutefois un espace propice aux échanges.

42

Aller plus loin

- Livre blanc de Jean-Claude Morand (Cyber Strat) : Etude comparative des weblogs avec les forums web

http://www.cyberstrat.net/White%20Paper%20-%20Blogs_Forums.pdf

- Commoncraft – Online community strategies for business : What are the Differences Between Message Boards and Weblogs ?

http://www.commoncraft.com/archives/000768.html

Blogs et systèmes de gestion de contenu

Les blogs font partie des systèmes de gestion de contenu (ou CMS). Cependant ils peuvent être différenciés des autres CMS en prenant comme critère la standardisation de la partie publique du site qu’ils permettent d’administrer.

Un système de gestion de contenu comporte une partie publique qui affiche les différents contenus aux visiteurs, et une interface d’administration accessible, avec un nom d’utilisateur et un mot de passe, aux responsables du site qui peuvent avoir des droits différenciés (administrateurs, rédacteurs,…) : c’est l’interface d’administration.

Les blogs ont pour particularité d’avoir une partie publique qui comporte un certain nombre d’éléments caractéristiques : archives, notes présentées dans un ordre chronologique inversé, liste de liens,… C’est la standardisation de cette partie publique, conçue pour couvrir un large éventail des besoins possibles qui a rendu possible le développement des services de blogging en ligne offrant la possibilité d’avoir son propre blog opérationnel en deux minutes.

Avant que les blogs ne voient le jour, les CMS étaient des outils

complexes, « livrés » sous forme de briques pouvant être assemblées et utilisées facilement, du moins lorsque l’utilisateur avait les connaissances nécessaires en programmation. Avoir son propre CMS était donc coûteux en temps ou financièrement. Bien que les CMS se soient considérablement simplifiés, les blogs restent les seuls CMS véritablement grand public dont certains existent sous la forme de services en ligne.

Le Phénomène blog

43

Les blogs, comme tout CMS, disposent d’une interface d’administration, mais elle est volontairement simplifiée. Il n’existe d’ailleurs pas de règle permettant de dire en voyant l’interface d’administration d’un CMS si celui-ci est ou non un blog. On peut simplement dire que les outils de blogging ont les interfaces les plus claires et simples d’emploi.

Un point crucial à l’origine du succès rencontré par les blogs est

qu’ils ont repris de nombreux points forts des CMS à savoir que le contenu est stocké dans une base de données. Ce qui permet de séparer la forme du fond, et de modifier les contenus au travers d’une interface dédiée et simple. Le contenu d’un blog peut ainsi être diffusé sous de nombreux formats. Il est facile de faire une version d’un blog spéciale pour les terminaux mobiles (téléphones et P.D.A.) ou d’exporter le contenu du blog vers un autre site.

Le corollaire de l’utilisation d’une base de données est le recours à des pages dites dynamiques pour afficher le contenu du blog. Celles-ci sont généralement bien mieux codées et optimisées pour être correctement référencées dans les moteurs de recherche. Un webmaster amateur qui codait lui-même ses pages personnelles ne pouvait avoir les connaissances techniques nécessaires pour bien

44

optimiser son code : son référencement était donc moins bon. L’utilisation d’un outil de blogging, qui est un véritable outil professionnel de gestion de contenu, augmente donc la visibilité sur internet du contenu qu’y publie le blogueur, c'est-à-dire en d’autres termes son audience.

Les éditeurs de blogs, comme pour la plupart des CMS, sortent

régulièrement de nouvelles versions. Ce qui permet aux utilisateurs de disposer d’un système qui reste à la pointe des technologies. Ces nouvelles versions donnent lieu à des mises à jour qui se font soit de façon transparente pour les utilisateurs d’un service en ligne, soit nécessitent une mise à jour assez facile pour ceux qui utilisent un système de blogging à installer soi-même.

Les outils de blogging ont su, pour l’essentiel, éviter un écueil fréquent en s’accordant dans les grandes lignes sur certaines technologies ou langages. Ainsi, le contenu d’un blog est généralement disponible sous la forme d’un flux xml, des pings45 vers différents moteurs de recherches peuvent être faits et les trackbacks entre blogs sont possibles. Derrière ces termes obscurs que nous traitons en détail un peu plus loin, l’important est de retenir que les différents outils de blogging communiquent très bien entre eux. Ce qui confère un avantage supplémentaire à un blog qui peut ainsi faire partie facilement d’une vaste communauté de blogueurs. Les communautés humaines ne se créent pas par magie. Les barrières techniques qui pourraient exister sont en tout cas très minces et les blogs sont les premiers CMS à les avoir autant abaissées.

Blogs et pages perso : même combat mais à armes inégales

Blogs et pages personnelles ont pour point commun très fort d’avoir le même objectif : permettre à un internaute de disposer d’un espace d’expression sur internet.

45 Envoyer un ping veut dire que, lorsqu’on publie une nouvelle note, le

blog signale cette publication à un certains nombres de moteurs de recherche par un procédé appelé « ping ».

Le Phénomène blog

45

Commençons par préciser ce que nous entendons par page personnelle : les pages personnelles sont ces sites web qui ont vu le jour avec la démocratisation d’internet lorsque de nombreuses offres gratuites - ou pour des sommes dérisoires - d’hébergement de sites ont vu le jour. Ainsi, tout internaute pouvait potentiellement avoir un espace lui permettant de mettre en ligne des pages html avec ses textes, des photo et tout élément multimédia de son choix.

Des services en ligne comme Geocities ou Multimania ont ainsi

hébergé des millions de pages personnelles. Les blogs permettent de dépasser une limite importante des pages

personnelles, à savoir la complexité de création et de mise à jour. En effet, même si certains sites avaient développé des outils pour simplifier la création de sa page personnelle, il était à peu près impossible pour quelqu’un n’ayant pas des rudiments de html ou ne sachant pas ce qu’est un réseau, le protocole ftp ou un serveur, de pouvoir créer ses pages personnelles et encore moins de les modifier facilement. Avec un blog, tout internaute pour peu qu’il ait un minimum d’expérience de la navigation sur internet, est en mesure de publier ses textes voire même des éléments multimedia.

Les pages personnelles avaient rencontré un fort engouement

mais leur complexité de mise en œuvre les cantonnait tout de même à un pourcentage réduit de la population des internautes. Les blogs eux ne se heurtent pas à ce problème. La seule limitation des blogs est simplement que tout le monde ne souhaite pas disposer d’un espace qui lui appartient pour publier des textes faute d’envie ou de temps.

L’utilisation d’un blog par rapport aux pages personnelles traditionnelles équivaut à utiliser un outil simple, puissant et professionnel de gestion de contenu au lieu de « bricoler » soi-même pour mettre son contenu en ligne de façon artisanale. Ceci n’a rien de péjoratif pour les pages personnelles dont la réalisation intéresse certaines personnes mais qui était pour beaucoup d’autres soit rébarbative soit même une contrainte infranchissable à la publication sur internet.

46

Conclusion

La réussite des blogs en tant qu’outil est grandement liée au fait qu’ils ont su retenir les meilleures pratique et les meilleus éléments issus de nombreux outils pour répondre aux besoins des internautes. Depuis leur naissance à la fin des années 90, les outils véritablement dédiés au blogging se sont depuis constamment améliorés. En 2005, nous bénéficions donc de solutions de blogging qui sont le fruit de plus de 5 années d’adaptation liées aux retours d’expérience des utilisateurs. Ce qui permet de disposer aujourd’hui d’outils parfaitement adaptés aux besoins d’un large éventail de publics.

Une réponse à des besoins d’ordre psychologique

Comme l’écrit brillamment Dolores Tam46 dans son billet intitulé Cybernarcissisma, mon vautour... et en guise d’avertissement : « Cybernarcissisme : plusieurs y sont sensibles et savent l'éviter. D'autres n'y voient que du feu et s'y laissent consumer ». On peut en effet trouver de nombreuses raisons d’ordre psychologique - plus ou moins valorisantes - qui expliquent le nombre si important et sans cesse grandissant de blogueurs, voici celles qui sont les plus significatives47.

Satisfaction de l’Ego

Certaines personnes ont besoin de sentir qu’elles comptent aux yeux des autres, qu’elles sont au centre de l’attention. Rendre public leurs avis, pensées, ou leurs faits et gestes quotidiens dont l’importance et l’intérêt n’a pas de doute à leurs yeux, les remplit de satisfaction. Ainsi pour Scott Rosemberg48, rédacteur en chef de

46 Dolores Tam dans son blog Les coups de gueules de la grande

rousse : http://radio.weblogs.com/0105068/2002/11/03.html 47 Cette sélection est principalement issue d’une liste établie par John C.

Dvorak : The blog phenomenon - 5 février 2004, PC Magazine 48 Cité par Francis Pisani sur le blog http://www.bcrux.com : Et

maintenant les blogs - 4 janvier 2003.

Le Phénomène blog

47

Salon.com, « les blogs obéissent à une sorte “d’économie de l’ego“. Publier ce qu’il pense [le blogueur], recevoir des commentaires le font “se sentir bien“ ».

Besoin de s’affirmer au sein de la société

Afin de se prouver qu’elle existe et qu’elle n’est pas un simple rouage dans la société ou membre d’une organisation, une personne peut au travers de son blog montrer en quoi elle est différente, en quoi elle se démarque des autres. Cet aspect, contrairement au précédent assez excessif, est sans doute assez répandu.

Lecteur narcissique

Cette fois-ci plaçons-nous du point de vue non pas du blogueur mais du lecteur du blog. Cette lecture peut lui fournir une vision rassurante, reflet de lui-même.

Jean-Philippe Morin décrit très bien cette situation49 : « Et ici, un

paradoxe qui n’en est pas un : ces individus qui ne sont plus intéressés par leurs voisins sont pourtant très intéressés à lire la vie des autres, sur leurs blogs. Pourquoi ? Parce qu’ils se retrouvent ailleurs – reconnaissance de l’ego dans celui d’un autre. Nous ne lisons que les bloggeurs qui nous ressemblent, qui nous rejoignent. Narcisse regarde dans l’eau du réseau, jusqu’à ce qu’il y trouve un reflet. Plutôt que d’affronter l’étrangeté et la différence d’un voisin inconnu, il est plus rassurant de se reconnaître dans la personnalité d’un bloggeur qu’on lit. Et c’est une relation hygénique, propre – sans contact, à distance.

L'ère de la “communication“, l'ère de narcisse hypnotisé par un reflet qu'il croit le sien. »

49 Jean-Philippe Morin : Individualisme et blogs sur son blog

http://www.darnziak.com dans le billet daté du 18 mai 2003 accessible depuis les archives mensuelles.

48

Moyen de s’évader

Le blog peut représenter un espace où exprimer librement sa créativité, voire, sur un autre registre, un défouloir. En effet, être en ligne a un effet désinhibant. Cette désinhibition est liée pour John Suler50 aux facteurs suivants :

Anonymat : le blogueur a la possibilité de prendre un faux nom. Ainsi les pseudos sont fréquents.

Invisibilité : le blogueur n’est pas en situation de face à face avec son public.

Asynchronisme : écriture et lecture du blog ne se font pas nécessairement au même rythme ou aux mêmes heures

Nivellement : dans les contacts établis via l’internet, les différences et les écarts, tout de suite visibles dans le même réel, disparaissent. Chacun a les mêmes possibilités de s’exprimer.

Bien sûr les facteurs expliquant cet effet désinhibant ne sont pas

propres à l’internet, puisqu’ils se retrouvent sous diverses formes avec les mêmes effets dans la communication écrite en générale ou dans l’utilisation du téléphone dans une moindre mesure.

Besoin de partager avec les autres

Le blog peut constituer un outil de socialisation. Il permet de s’insérer dans une communauté de blogueurs partageant les mêmes centres d’intérêts. Il peut ainsi être l’occasion d’échanges, de débats. Il peut aussi faire naître un lien entre le blogueur et ses lecteurs (les lecteurs pouvant bien sûr être eux-mêmes - ou non - des blogueurs). En ce sens un blog est donc loin d’être seulement un journal intime en ligne : la dimension d’échange est centrale, sinon le blogueur ne rendrait pas son blog public. Consciemment ou inconsciemment, les commentaires de ses lecteurs, les échanges avec d’autres blogueurs sont ce que le blogueur attend.

50 John Suler. (2002). The Online Disinhibition Effect. In The

Psychology of Cyberspace (orig. pub. 1996),

Le Phénomène blog

49

Lutter contre le désoeuvrement

Le blog leced.net qui n’est plus en ligne aujourd’hui a publié un excellent billet sur ce thème :

Le blog serait-il le nouveau trainspotting? « Le film Trainspotting a eu un certain succès, mais le terme

"trainspotting", lui, n'est connu que de peu de gens. Il s'agit d'une activité à laquelle s'adonnent les chômeurs de la région d'Edimbourg, caractérisée par un certain marasme économique, et qui consiste à passer la journée sur les quais de gares et à y compter le nombre de trains qui arrivent à l'heure, en retard, leurs destinations, leurs changements d'itinéraires, etc. Les trainspotters se font ainsi des carnets de statistiques personnels. Ce n'est certainement pas pire que de sombrer dans la solitude ou l'alcoolisme: au moins cela donne une raison de se lever le matin et ça permet de discuter avec d'autres trainspotters.

Ce qui me conduit tout naturellement à faire une analogie avec le blogging. J'ai constaté autour de moi que le fait de blogueur est loin d'être l'apanage de ceux qui ont une vie bien remplie (bien que cela puisse être le cas), mais semble plutôt celui d'une tranche de la population qui... s'emmerde: chômeurs, étudiants touristes, personnes dont le travail ne demande pas un grand investissement personnel, etc.

Ce n'est pas étonnant si l'on considère: • le temps que demande la mise en place et la maintenance d'un

blog, temps dont l'homme pressé est totalement dépourvu. • le besoin universel de créer quelque chose qui soit une

réalisation personnelle, de s'occuper de ce projet et de lui faire tenir la distance, en dépit du fait d'avoir un job ou un hobby particulier qui le satisfasse.

• les moyens de communication que représentent les commentaires et les trackbacks, les liens que l'ont place entre blogs et qui font parfois se rencontrer les blogueurs après quelques chats: tout cela contribue à lutter contre l'isolement dont l'individu ayant peu d'occupations pourrait souffrir. »

50

source : blog leced.net

En définitive, au travers du blog en perpétuelle élaboration, c’est

aussi l’identité du blogueur qui se construit. Comme l’explique par ailleurs le théoricien des médias Joshua Meyrowitz51, l’adoption d’un nouveau média – et tel est encore le statut d’internet et des blogs – semble impliquer un déplacement ou un obscurcissement des limites entre les sphères privées et publiques.

Au travers notamment des blogs – puisque ce sont les sites perso

et les forums qui ont initié ce mouvement – le web est en train de devenir ce que Thomas Erickson52 qualifie d’un véritable « Hypertexte Social ». Les nœuds du réseau ne sont plus vraiment des machines mais des personnes qui renvoient au travers des liens vers d’autres personnes, d’autres endroits dignes d’intérêt.

Des mécanismes vertueux valorisant les contenus de qualité

La création d’un blog étant à la portée de n’importe qui, le risque était grand que les blogs diffusent aussi n’importe quoi. Cependant, des mécanismes régulateurs agissent qui contribuent à mettre « sur le devant du web » les blogs dont la qualité est la meilleure. Par qualité, il faut entendre des textes qui dans leur domaine seront intéressants pour les spécialistes du sujet traité.

Sébastien Paquet53, de l’Université de Montréal, a très bien démonté un de ces mécanismes internes aux blogs. Il explique comment les blogs « stimulent la qualité ». En effet, les liens hypertextes sélectionnés par un blogueur et mis à disposition sur son blog orientent vers les sites ou blogs dont il juge qu’ils sont de qualité.

51 Joshua Meyrowitz, 1985, No Sense of Place : The impact of

Electronic Media on Social Behavior. New York - Oxford University Press. 52 Thomas Erickson, Advanced Technology Group Apple Computer,

Inc. The World Wide Web as Social Hypertext. January 1996. 53 Voir son excellent blog en anglais Seb’s Open Research

http://radio.weblogs.com/0110772

Le Phénomène blog

51

Il contribue ainsi à les mettre en avant. Ce mécanisme en se reproduisant sur tous les blogs fini par créer un cercle vertueux à l’image de ce qui se produit dans la littérature universitaire : les articles les plus souvent cités sont les plus lus et donc les plus cités.

Par ailleurs, les moteurs de recherche tel que Google accentuent

encore ce phénomène puisqu’ils accordent les meilleures places du classement des résultats notamment en fonction de la popularité de la page web (c’est à dire du nombre de liens hypertextes pointant vers elle).

David Walker54 analyse ce principe comme un système de gestion

de la réputation. Il a été introduit sur le web non seulement par Google mais aussi par des sites comme Amazon ou eBay qui demandent à leurs utilisateurs de donner des appréciations ou collectent automatiquement des données sur le comportement de ces derniers puis les utilisent pour afficher la popularité de tel ou tel produit voire même la fiabilité supposée d’un vendeur dans le cas d’eBay.

Un autre facteur crucial contribuant à la qualité des blogs est le

fait que leur contenu est clairement associé à leur auteur et qu’en plus ces contenus sont consultables très facilement sous forme d’archives. Ceci n’est par exemple pas le cas dans un forum où un auteur peut intervenir régulièrement sans pour autant qu’il soit possible de voir aisément toutes ses contributions sur ce forum. Les blogs donnent un sens à la construction d’une réputation pour chaque blogueur. Chaque auteur possédant son blog peut en quelque sorte capitaliser sur sa réputation grâce à ce blog, ce qui était beaucoup plus difficile à faire lorsqu’il disséminait ses interventions dans de multiples forums dont il ne gérait, en plus, pas lui-même le contenu. Le blog assure la stabilité nécessaire à l’établissement de relations dans la durée : relation entre blogueurs, relations entre le blogueur et ses lecteurs. Cette stabilité contribue à la qualité des contenus.

54 David Walker, Of Google, Amazon and Weblogs: reputation

management evolves http://www.shorewalker.com/pages/reputation_manager.html

52

Le blog est en quelque sorte à la fois un prolongement de

l’identité du blogueur en ligne, puisqu’au travers de ses textes il y livre un peu de lui-même55, et un espace au sein duquel des échanges peuvent naître entre le blogueur et d’autres internautes. Cette construction a donc une forte valeur pour l’auteur du blog, il ne publiera donc pas sans réfléchir n’importe quoi sur son blog puisque c’est sa réputation, la relation avec ses lecteurs qu’il pourrait alors remettre en cause.

1.5. Pourquoi le blogging ne prendra pas chez certains internautes ?

Nous venons de dresser un tableau des principales causes à l’origine du succès du blogging. Pour autant, il serait faux de tenir un discours expliquant que chaque internaute aura ou devrait avoir un blog.

Les internautes qui ne blogueront pas

Tenir un weblog et profiter de ses possibilités demande du temps, qu’il s’agisse d’un usage à titre personnel ou à titre professionnel. Développer un lectorat, des relations avec d’autres blogueurs nécessite de trouver des blogs ayant des centres d’intérêts proches des siens, d’y faire de temps en temps des commentaires. Bien que cette activité en ligne s’affranchisse des habituelles contraintes d’horaire ou de lieu - de la même façon que certains n’ont que peu de temps à consacrer pour être membre d’un club ou d’une association -, la situation pourra être la même pour les blogs.

Bloguer c’est vouloir s’exprimer. Et si certains se lancent dans

cette quête narcissique, elle n’est pas universelle.

55 Qu’il parle de lui, d’une de ses passions ou qu’il démontre un

expertise à caractère professionnel.

Le Phénomène blog

53

Les internautes qui ne liront pas de blogs

Certains ont des motifs par exemple pour ne pas ou peu lire des blogs, leur préférant les sources d’information traditionnelles plus « officielles ». Olivier De Doncke56 résume très bien un des principaux arguments : « On peut d'ailleurs opposer aux blogs deux des réserves que feu le sociologue Pierre Bourdieu avait adressées aux sondages publiés à tous vents dans la sphère médiatique : toutes les opinions ne se valent pas et tout le monde n'est pas capable de formuler une véritable opinion. Deux reproches qui ont valeur de préceptes lorsqu'on se promène dans la nouvelle jungle des weblogs... ». Si la critique peut être jugée sévère pour ne pas dire excessive, il reste vrai que trouver des blogs que l’on estime intéressants peu prendre du temps. On a vu que les contenus et donc les blogs de qualité ressortaient assez bien au dessus du lot, mais il faut tout de même une certaine recherche avant d’identifier les blogs qu’on lira ensuite assidûment.

Tout le monde n’est pas égal devant l’expression écrite. La

facilité de publication et de diffusion qu’offre le blog ne saurait changer cette situation puisqu’elle se situe sur un autre registre.

1.6. La blogosphère

Qu’est ce que la blogosphère ?

« La blogosphère est le terme désignant l’ensemble des blogs ainsi que les connexions les reliant entre eux. Les blogueurs lisent en effet souvent d’autres blogs vers lesquels ils font des liens ou y font référence dans leurs notes. Du fait de cette forte interconnection, un

56 Les blogs changent le web article paru dans Planet Internet le 26

février 2003 - Olivier De Doncke

54

esprit, des pratiques, voire une culture propre aux blogs ont vu le jour.

Ce terme est d’abord né d’une blague de Brad L Graham, le 10 septembre 1999 qui s’amusait dans un billet57 de l’ampleur du phénomène et de la terminologie associée : Goodbye, cyberspace! Hello, blogiverse! Blogosphere? Blogmos?. »58

Glenn Reynolds, blogueur américain reconnu59, voit dans la

blogosphère un phénomène comparable à la naissance des cafés en Europe au XVIIIe siècle. Les cafés sont alors devenus un lieu au sein duquel les intellectuels pouvaient lire leur journal, se rencontrer, débattre. Ils représentaient un lieu de socialisation entre le lieu de travail et le domicile. De nombreuses grandes idées y sont nées.

Nous sortirons dans ce livre de cette définition et vision un peu stricte de la blogosphère comme ensemble des blogs pour y inclure le véritable écosystème qui a vu le jour autour d’eux.

En effet, à la fois preuve et facteur venant renforcer le phénomène du blogging, de nombreux sites et services se sont créés dans le sillage des blogs.

De nombreux moteurs de recherche spécialisés dans les blogs ont

vu le jour. Ainsi le moteur Technorati dont la promesse est de répondre à la question : « Que se passe-t-il sur le web en ce moment ?»60 vous permet de savoir tout ce qui peut se dire dans la blogosphère en temps réel sur les mots clés de votre choix. Vous pouvez aussi savoir exactement quels sont les liens établis entre les blogs ou vers une note en particulier.

D’autres sites proposent de nombreux services annexes aux blogs : système de commentaires, système pour générer des flux de données issus de votre blog, modules de statistiques à installer sur votre blog, sondages et autres outils permettant d’afficher sur un blog

57 http://www.bradlands.com/weblog/1999-09.shtml 58 Cette définition est une synthèse traduite de la définition de

« blogosphere » de la version anglaise de l’Encyclopédie en ligne Wikipedia se trouvant à l’url : http://en.wikipedia.org/wiki/Blogosphere

59 Voir son blog: http://www.instapundit.com 60 http://www.technorati.com What’s happening on the web, right now

Le Phénomène blog

55

la liste des musiques que le blogueur est en train d’écouter, sont lancés presque chaque jour.

Ce qui rend l’ensemble que nous venons de décrire si intéressant vient des relations humaines qui se créent entre blogueurs. Nous allons donc voir comment la blogosphère peut créer du lien social, quels types de communautés s’y forment, pourquoi les blogs nous semblent un outil si propice à faire naître des communautés, pour finir par l’étude de quelques comportements ayant cours dans la blogosphère.

Les blogueurs forment-ils des communautés ?

Les blogueurs sont par définition des individus, généralement seuls auteurs de leur blog61. Cependant, de par la nature et les possibilités offertes par cet outil, les interactions sont nombreuses et donc les occasions d’entrer en contact avec d’autres internautes – qu’il s’agisse de lecteurs ou d’autres blogueurs. C’est pourquoi derrière le caractère personnel du blog se trouve en fait un fort potentiel pour donner naissance à de véritables communautés de blogueurs.

Qu’est ce qu’une communauté virtuelle ?

Les échanges entre blogueurs se déroulant sur internet, les communautés formées par ces derniers ne peuvent donc être qu’être des communautés dites virtuelles. Cette notion de communautés virtuelles est « ancienne » puisqu’elle a vu le jour dès les débuts de l’internet.62

Howard Rheingold définit les communautés virtuelles63 comme des: « regroupements socioculturels qui émergent du réseau lorsqu'un nombre suffisant d'individus participent à ces discussions publiques pendant assez de temps en y mettant suffisamment de coeur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au sein du cyberespace. »

61 Les blogs collectifs existent mais ils sont minoritaires, nous nous

intéresseront donc au cas dans lequel 1 blog = 1 blogueur 62 Arpanet, BBS voire le minitel. 63 Rheingold, Howard. Les communautés virtuelles. Paris: Addison-

Wesley France, coll. Mutations technologiques, 1995, p.6.

56

Cette définition est souvent discutée, la question étant notamment de savoir si l’on peut parler de communauté sans rencontre en face à face. Ce point sera pour nous sans importance, l’essentiel étant le constat que des blogueurs entrent en relation grâce à l’internet et aux blogs en particulier, cette rencontre pouvant déboucher ou non sur d’autres non virtuelles. Il se trouve cependant que les cas de rencontres ayant démarrées grâce aux blogs et débouchant sur des rencontres en face à face sont fréquents comme nous aurons l’occasion de le montrer.

La blogosphère, une micro-société ?

Pierre Bellanger, pdg de Skyrock, qui a lancé la solution de blogging Skyblog64 la réponse est oui : « Pour l'auditeur, l'internaute, la radio-communauté est un lien social puissant. Il n'est plus seul. Le partage et la solidarité réconfortent. 80% du trafic repose sur des échanges entre les internautes, par consultation de leurs propres contenus, 20% seulement concerne les contenus originaux de notre site. » Créateurs de lien social, espace d’échange, de discussion, de rencontre, les blogs sont une véritable micro-société, une juxtaposition de communautés avec leurs codes, leurs stars, leurs potins,…

Par souci d’une plus grande précision, il serait d’ailleurs plus

juste de parler de tribus de blogueurs que de communautés car les ensembles informels formés par les blogueurs correspondent plus souvent à la définition des premières.

Quelle différence entre une tribu et une communauté ?

Pour Federico Casalegno « dans le cas du tribalisme, le lien qui caractérise les membres ne se base pas directement sur une idée de calcul, sur un contrat, mais nous sommes plutôt face à une logique de la dépense où, à la place de calculer rationnellement le moment présent, on le vit pour ce qu’il est, hic et nunc. Ainsi, nous formons

64 Propos tenus lors des Journées Internationales de l'IDATE en

novembre 2004, retranscrits par Cyril Fievet dans Pointblog http://www.pointblog.com/past/000560.htm

Le Phénomène blog

57

des agrégats avec les autres parce que nous éprouvons des sentiments, des émotions communes et en commun. À une forme de lien communautaire fonctionnaliste succède ainsi une forme d’empathie par laquelle on fait corps avec les autres. […] les nouvelles technologies de communication permettent, en même temps, la formation de communautés », c’est-à-dire des agrégations structurées entre individus, plutôt finalisées, avec des structures hiérarchiques et instrumentales, de même que la cristallisation des "tribus ", c’est-à-dire des formes d’associations plus éphémères, transversales et empathiques, entre personnes jouant des rôles dans le théâtre de l’existence quotidienne. […] Les deux formes peuvent bien sûr coexister, mais elles ne coïncident pas. Une différenciation est ainsi nécessaire et l’opposition que je propose entre communauté et tribu pourrait trouver sa justification principalement dans le ludique. »65

L’élément clé à retenir de cette explication pour la blogosphère

est le fait que les blogs passent souvent du registre de la description, de l’élément factuel à des considérations plus personnelles, des impressions, des opinions. Ces registres cohabitent d’une note ou commentaire à l’autre, voire au sein même de ces derniers. Cela explique que la définition des groupes formés par les blogueurs, groupes qui se matérialisent justement dans les échanges au travers des notes et commentaires, fluctuent souvent entre la tribu et la communauté.

Dans le cas par exemple d’un groupe de blogueurs existant du fait de centres d’intérêts communs abordés au sein de leur blog, peuvent se juxtaposer des considérations personnelles, politiques, relationnelles venant brouiller les thématiques définissant les frontières initiales du groupe en question. Les contours de tribus

65 Federico Casalegno : Entre tribalisme et communautés ; des

configurations sociales émergeantes dans le cyberespace Janvier 2000. Ce texte pris dans une version non définitive a été réalisé dans le cadre d’un projet de recherche que la Sorbonne Paris V - CeaQ a mené avec le MIM – Media Institute Meeting – Paris. Il s’agit d’une recherche (2000 – 2001) sur les Mutations sociologiques liées au développement des nouveaux réseaux de communication.

58

peuvent ainsi se juxtaposer aux contours d’une communauté définie par une thématique.

Au sein de la blogosphère l’existence de relations entre blogueurs

est indéniable mais leur cartographie est donc complexe à établir. Il existe toute une palette de formes de regroupements. Federico Casalegno66 apporte à nouveau ici un éclairage intéressant : « Par les interactions se cristallisant dans le cyberespace, nous assistons à la formation de nombreuses communautés : matrice pour des nouvelles relations humaines, le réseau permet la rencontre – virtuelle ou/et réelle – entre personnes partageants des affinités. Cependant, ces formes d’agrégation communautaires ne se transforment pas nécessairement en tribu, expression d’une socialité fusionnelle, "chaude". »

Les blogueurs se lisent, se commentent, insèrent des liens dans

leurs notes vers d’autres blogs, indiquent la liste de leurs blogs favoris semant dans leur blog autant d’indices, permettant (au lecteur) de décrypter les liens qui l’unissent à d’autres blogueurs. Ils dessinent ainsi des groupes aux frontières floues et surtout mouvantes. Pour Justine Herbet67 : « la grande famille des connectés existe de moins en moins, la pluralité des réseaux en étant, finalement la preuve par excellence. On voit à quel point le modèle social américain de la " mosaïque socioculturelle" s’impose de lui-même sur l’internet contre l’universalisme républicain à la française ».

Les relations entre blogueurs peuvent s’établir du fait de centres d’intérêts communs donnant lieu à ce qu’il conviendrait d’appeler des communautés d’intérêt, voire des communautés de pratiques68. Les

66 Pour en savoir plus sur Federico Casalegno, consulter sa page

personnelle : http://www.ceaq-sorbonne.org/chercheurs/fcasalegno/fcasalegnohp.html

67 L’Internet, un nouveau moyen de se réunir Justine Herbet, dans Esprit Critique, revue életronique de sociologie, octobre 2001.

68 La communauté virtuelle est un terme générique regroupant en son sein d'autres types de communautés tels que: communauté d'intérêt, communauté de pratique, communauté d'apprentissage.

1. La communauté d'intérêt : Le point d'ancrage général de la communauté d'intérêt est le fait de communiquer et d'échanger sur des sujets

Le Phénomène blog

59

blogs mélangeant bien souvent les registres, le ton entre blogueurs étant direct et vite familier, se superposent à ce motif de rapprochement des raisons plus affinitaires. On peut au travers d’un blog se rendre compte non seulement que l’on partage éventuellement les mêmes centres d’intérêts mais aussi que l’on « s’entend bien » ou en tout cas que l’on s’entendrait bien (dans le monde non virtuel) avec son auteur.

Cette coexistence et ce passage continuel d’une forme de groupe à une autre, c'est-à-dire de la communauté à la tribu, se traduit par écrit dans le passage d’un registre de langue à un autre et explique par exemple que l’on puisse voir des commentaires sur certaines notes ou les esprits s’échauffent, dépassant le stade de l’argumentation ou des simples opinions. Certains blogueurs peuvent se sentir aussi soutenus par d’autres dans certains cas (difficultés, prises de position,…) ce qui donne naissance à des tribus parfois éphémères dépassant le cadre d’une relation de communauté d’intérêt ou de la relation auteur/lecteur.

Ainsi, pour un sujet aussi futile que la définition d’un blog donné par le site Batiweb69, définition qui avait choquée de nombreux blogueurs qui la trouvaient provocante, suivie d’une blague interpellant la directrice de cette publication, Anne Imbert, une polémique – dont la blogosphère a le secret - était née entre les pro et les anti70 Anne Imbert, laquelle prenait cela à juste titre avec beaucoup

communs de la vie et du travail. C'est une notion plus vague, moins efficace que les communautés de pratique.

2. La communauté de pratique : « Une communauté de pratique ce n'est pas qu'un site web, une base de donnée et un répertoire de " best practices ". C'est un groupe qui interagit, apprend ensemble, construit des relations et à travers cela développe un sentiment d'appartenance et de mutuel engagement.» (Cultivating Communities of Practice - CCP, Wenger et al, p. 34) http://www.ewenger.com Source : Cailler Florence, Frossard Danièle, Girod Véronique de l’unité TECFA de Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education de Génève http://tecfa.unige.ch:8888/riat140/40

69 http://www.news.batiweb.com/a.asp?ref=04110308 70 L’auteur de ces lignes était d’ailleurs parti prenante puisqu’il avait

choisi son camp dans cette « bataille » d’autant plus amusante qu’on était extérieur à la blogosphère.

60

de recul et un peu d’humour. De vibrants commentaires suivaient les notes publiées sur ce sujet sur une dizaine de blogs francophones. Cette anecdote est un bon exemple de la façon dont des groupes éphémères peuvent se former, ici sur le simple critère d’une réaction face à une initiative, blague pour certains, réaction stupide pour d’autres, et créer à l’échelle de la blogosphère de petites manifestations. Dans cet exemple on peut dire qu’au sein de la communauté des blogs s’intéressant aux médias, au traitement de l’information et aux relations blogueurs/journalistes se sont cristallisées des tribus éphémères articulées autour de notions ludiques, empathiques ou épidermiques.

S’il est évident que l’on constate la formation de groupes entre

blogueurs, ceux-ci sont multiples et très majoritairement informels. On ne peut donc établir ou même parler de listes de membres, l’existence de ces groupes est enfin difficile à définir dans le temps.

Les blogs : terreau de communautés florissantes

Si l’espace virtuel offert par le web permet d’abolir les contraintes spatiales pour nouer des relations interpersonnelles, d’autres contraintes demeurent voire même apparaissent de façon nouvelle par rapport à l’univers non virtuel.

En effet, les internautes peuvent se connecter n’importe quand, mais il n’est pas évident pour avoir une relation durable ou rencontrer un internaute en particulier de savoir à quelle heure ou sur quel site, forum, blog,… il va se connecter. Les relations sont donc souvent asynchrones. Cet aspect ne les empêche pas mais leur donne une tournure particulière de la même façon que le style télégraphique n’était pas le style épistolaire.

L’anonymat est aussi assez fréquent avec l’utilisation courante de pseudonymes ce qui, sans les empêcher, ne favorise pas l’établissement de relations durables ou tout du moins introduit des barrières ou des jeux spécifiques.

Face à ces questions, le blog dispose d’un certain nombre

d’avantages par rapport aux forums, aux systèmes de messageries

Le Phénomène blog

61

instantanée ou aux liste de discussions (par emails). En effet, le blog étant personnel et ayant une adresse internet stable, il laisse moins de place à l’anonymat. On peut bien sûr blogueur sous un pseudonyme mais comme il est rare d’avoir plusieurs blogs, le blog est de ce fait un élément de stabilisation de l’identité. L’internaute-blogueur peut être rattaché à son blog. Il communiquera dans bien des cas l’url de son blog lorsqu’il commentera d’autres blogs ou interviendra sur un forum. Grâce à cela, son blog peut à tout moment être consulté par ceux qui souhaitent prendre de ses nouvelles ou échanger avec lui par le biais des commentaires. Ces derniers sont par ailleurs bien souvent notifiés à l’auteur du blog immédiatement par email, ce qui permet tout en communiquant de façon asynchrone (contrairement au chat) d’accélérer les échanges.

Si l’on prend le cas du forum, les interventions des uns et des autres sont disséminées à la fois sur le ou les forums et dans le temps il est donc plus délicat d’avoir des échanges durables avec une personne dans un lieu impersonnel comme un forum.

Les logiciels de messagerie instantanée (icq, messenger, jabber,..) sont en revanche de très bons outils pour échanger avec un internaute en particulier, puisque l’on sait lorsqu’il est connecté ou non, et que l’on peut alors entrer à tout moment en contact avec lui. Cependant, cet outil n’est pas à proprement parler un outil communautaire parce qu’il est difficile de faire connaissance avec un internaute au travers d’un logiciel de messagerie instantanée. En effet, il faut préalablement que l’internaute ait communiqué son identifiant et bien souvent avoir été autorisé par lui à le contacter, ce qui ne favorise pas, c’est le moins que l’on puisse dire, les rencontres et donc la formation de communautés.

Les logiciels de messagerie instantanée permettent d’échanger entres internautes au sein d’une communauté déjà existante. En cela, ils s’apparentent un peu au téléphone puisqu’il faut avoir le numéro de la personne et que l’on appellera moins facilement quelqu’un que l’on ne connaît pas déjà.

Le blog par contre permet de faire connaissance avec quelqu’un

au travers de ses écrits et il est facile de laisser un commentaire pour prendre contact. Cette possibilité de faire tout naturellement

62

connaissance de façon totalement non intrusive facilite grandement les contacts et donc la formation de communautés.

Sur internet les échanges entre les individus ont lieu pour l’instant

essentiellement au travers de la médiation de l’écrit, que ce soit dans les forums, le chat, les listes de discussions ou les blogs. C’est pourquoi les blogs, au sein desquels l’identité du blogueur se confond en quelque sorte avec l’ensemble de ses écrits, sont des instruments si efficaces de socialisation en ligne. Les liens hypertextes entre blogs étant très nombreux, ils incitent aux rencontres puisqu’ils poussent à surfer vers d’autres blogs, c'est-à-dire d’autres occasions de découvrir et rencontrer une personne, auteur d’un blog, qui livre nécessairement une petite part d’elle-même dans son blog, qu’il s’agisse de sa facette professionnelle ou d’autres facettes. Les communautés étant le fruit de rencontres entre des individus, c’est en revenant à ce fondement que les blogs sont propices à leur éclosion.

Les comportements au sein de la blogosphère

Maintenant que nous avons mieux cerné la nature des groupes qui se forment au sein de la blogosphère, arrêtons nous sur quelques comportements71 courants sur le web au sein des groupes pour voir quelle forme ils prennent dans la blogosphère, toujours dans le but de mieux comprendre le fonctionnement et les spécificités de cette dernière.

Parmi les comportements dits « hostiles » :

Quelques définitions de comportements hostiles Le flaming est une pratique consistant à poster des messages

délibérément hostiles et insultants à un groupe de discussion (sur Usenet), un forum (sur un site web) ou une liste de diffusion (par

71 La typologie des comportements qui sera utilisée est issue de

Information exchange in virtual communities: a typology par Gary Burnett dans Information Research, Vol. 5 No. 4, July 2000

Le Phénomène blog

63

courrier électronique). De tels messages sont appelés flames. Une séquence d'échange de flames est connue sous le nom de flame war. Il s'agit généralement d'une « explication » (engueulade serait un terme moins châtié mais plus approprié) entre contributeurs.

Le flaming n'a jamais pour but d'être constructif, de clarifier une

situation ou de persuader quelqu'un. La motivation du flaming n'est pas dialectique mais plutôt sociale ou psychologique. Les « flameurs » essayent de s'imposer par la force plutôt que par la discussion. Ce qui est d'ailleurs pratiquement impossible sur internet.

Le flaming est à distinguer du trolling, caricaturé par Emily

Postnews, qui est l'envoi de messages dans le but de créer une controverse interminable. Les deux produisent souvent le même genre de résultat : une baisse notable du rapport signal-bruit du groupe ou de la liste.

Le spam (appelé familièrement polluriel - de pollution et courriel

- ou pourriel - de poubelle et courriel - au Québec et pollupostage dans les documents français de l'OCDE) est un courrier électronique non sollicité, envoyé la plupart du temps massivement et sans l'accord des destinataires, personnes à qui l'on envoie le message.

Source wikipedia, l’Encyclopédie Libre http://fr.wikipedia.org/wiki/Flame

http://fr.wikipedia.org/wiki/Spam Le flaming : ce comportement difficile à quantifier se produit de

temps en temps dans la mesure où les commentaires sur les blogs sont bien souvent totalement libres. En tant que responsable d’une plate-forme72, j’ai ainsi reçu plusieurs emails de blogueurs ne sachant pas quoi faire pour éviter d’être insultés sur leur blog sans raison par des inconnus. Ces comportements restent rares puisque les commentaires peuvent être effacés facilement et rapidement. Ensuite, contrairement à un forum qui, lorsqu’il est actif, peut recevoir beaucoup de trafic, les

72 Fondateur d’Haut Et Fort et responsable de cette plateforme jusqu’en

octobre 2004.

64

commentaires d’un blog, même si ce dernier est très lu, ont souvent d’une part comme premier et vigilant lecteur l’auteur du blog, et d’autre part des personnes qui connaissent l’auteur et vont donc rapidement lui signaler le problème.

Le trolling : cette pratique se rencontre de plus en plus, par

exemple sur les sites de médias permettant les commentaires à la fin des articles. En effet, les sujets d’actualités permettent souvent la controverse et ont un trafic significatif, ce qui permet à l’auteur du trolling de voir rapidement ses provocations suivies d’effet. Sur les blogs, cette pratique semble assez peu répandue car on prête davantage d’attention aux commentaires de personnes que l’on connaît ou dont on peut aller voir le blog73. De ce fait, ou le troller agit de façon anonyme et l’anonymat étant moins répandue sur les blogs, les lecteurs peuvent se rendre plus facilement compte de son dessein, ou le troller est identifié et dans ce cas il peut aussi être « connu » comme une personne pratiquant souvent le trolling ou en tout cas avec laquelle on préfère éviter l’expérience de rentrer dans des polémiques stériles.

Le spamming : appliquée habituellement aux emails, cette

pratique sévit aussi sur les blogs puisque, les commentaires étant ouverts, cet espace peut être utilisé librement et assez facilement pour faire des commentaires à caractère uniquement publicitaires. Les spams sont bien souvent l’œuvre de robots programmés pour insérer automatiquement des commentaires sur les blogs qu’ils vont rencontrer de liens en liens sur le web. Le champ destiné à indiquer l’adresse de son blog est aussi détourné pour indiquer l’adresse du site web dont le spammer vante les mérites. Cette pratique du spam est ainsi bénéfique pour le référencement de leur site web commanditaire qui voit son classement dans les moteurs de recherche s’améliorer, les nombreux liens depuis les commentaires des blogs « spammés » étant interprétés par Google comme un indice de la popularité de ce site. Le spam est véritablement un fléau pour les blogs. En effet, du fait de leur

73 Lorsque l’on commente un blog la possibilité est offerte d’indiquer

l’adresse de son propre blog qui sera visible et cliquable par les lecteurs du commentaire.

Le Phénomène blog

65

caractère ouvert ils sont quelque peu démunis. Si les commentaires sont assez simples à supprimer, en avoir plusieurs dizaines à supprimer toutes les semaines devient rapidement exaspérant. Pour autant, face à l’importance du problème, la plupart des plates-formes et des solutions de blogging mettent en œuvre des techniques pour diminuer fortement les risques de spams.

Pour conclure sur cette rapide analyse des comportements

hostiles, rappelons que l’univers virtuels les rend plus fréquents que dans les rapports en face à face qui permettent de s’expliquer plus facilement, de faire davantage dans la nuance. Dans le virtuel, il n’y a que les mots parfois sources d’incompréhension puisque bien entendu, les smileys74 ne suffisent pas toujours à faire transparaître l’humeur et les sentiments des protagonistes. Le style très concis qui s’est développé par commodité dans les échanges en ligne facilite d’autant cette incompréhension.

Nous distinguerons les comportements non-hostiles en deux types

selon qu’ils sont ou non liés à la recherche ou à l’échange d’informations.

Liés à la recherche ou l’échange d’information :

Annonces, diffusion d’information : comparativement à d’autres communautés, au sein de la blogosphère, la diffusion d’information est le comportement type. En effet, par définition, le blogueur est avant tout quelqu’un qui publie des notes sur son blog. Les discussions qui peuvent intervenir ensuite dans les commentaires ou entre blogueurs sont très importantes mais viennent nécessairement dans un deuxième temps seulement. Dans le chat, les forums ou les listes de discussion, l’échange et les demandes d’informations ont une place toute aussi importante. Le rôle central de ce type de comportement au sein de la blogosphère explique la récurrence des

74 Smiley : utilisation détournée de signes de ponctuation pour exprimer

ses émotions habituellement difificiles à faire passer dans les échanges assez brefs ayant court en ligne. Ainsi ;-) signifie un clin d’œil et un sourire, il faut voir ces signes en penchant la tête vers la gauche pour visualiser le sourire.

66

interrogations sur la relation entre blog et média, que nous traiterons ci-après.

Demandes d’information (par des membres de la communauté ou

des non-membres) : la blogosphère étant une communauté caractérisée par la forte indépendance des membres qui la constitue, ce type de comportement joue un rôle bien moins prépondérant que dans les forums ou les listes de discussions dont la raison d’être est justement l’échange d’informations entre les membres. Alors que vous pouvez lancer votre question telle une bouteille à la mer dans un forum ou une liste de discussion, dans la blogosphère, un appel à ses lecteurs représente une minorité des notes publiées mais l’écho rencontré sera différent puisque les blogueurs se connaissent souvent mieux que les membres d’un forum ou de certaines listes de discussion, dans la mesure où chacun peut se connaître en lisant simplement le blog de l’autre. Moins fréquentes, les questions posées par le blogueur sur son blog rencontreront sans doute davantage d’écho chez ses lecteurs qui en plus le connaissent en principe mieux que s’il intervenait sur un forum. Les forums et les listes de discussion ont pour eux l’avantage de réunir des publics spécialisés sur des thématiques précises en fonction desquelles vous pouvez choisir l’endroit le plus approprié pour poser votre question.

Les comportements non hostiles non liés à la recherche ou à l’échange d’informations :

Comportements neutres : humour, propos divers : ces comportements n’ont aucune spécificité particulière dans la communauté que forme la blogosphère par rapport à d’autres types de communautés.

Empathie, soutien et entraide psychologique : ce type de

comportement est bien plus présent dans la blogosphère que dans d’autres types de communauté. Si les blogs sont souvent qualifiés de « journaux intimes », c’est parce qu’une part significative des blogs correspond en effet à cette classification. Certains blogueurs trouvent dans le blogging un moyen d’extérioriser, de coucher par écrit leurs difficultés psychologiques, leur mal être mais aussi leur joie de vivre

Le Phénomène blog

67

ou leurs passions. Le blogging rencontre un succès auprès des adolescents75 qui sont par définition dans une période délicate de leur existence pour nombre d’entre eux. Ils trouvent dans la blogosphère d’autres blogueurs qu’ils connaissent déjà par ailleurs dans le monde non virtuel ou non, qui bien souvent peuvent les écouter, les soutenir. Les comportements d’entraide sont donc très fréquents au sein de la blogosphère.

Action collectives : ce type de comportement est assez fréquent et

la blogosphère montre une excellente capacité à s’organiser d’autant plus qu’elle est totalement décentralisée. Par exemple, l’opération Link and Think76 avait vu des blogueurs du monde entier se mobiliser pour sensibiliser sur la lutte contre le sida. Les blogueurs pouvaient afficher le logo avec un lien vers le site de l’opération, donner des liens vers d’autres ressources en ligne sur ce sujet. Une autre opération, cette fois-ci culturelle, appelée « Blogue ta musique » organisée par Jean-Luc Raymond77 et Blog-Art78 avait suscité une forte mobilisation dans la blogosphère à l’occasion de la fête de la musique. Les organisateurs la décrivent ainsi : « Sur ton blog, écris, compose, dessine, photographie sur le thème de la musique, des musiques et partage ta passion avec des blogueurs du monde entier... ». Cette opération a aussi été un beau succès dans la mesure ou les blogueurs ont en tant que tel étaient nombreux à participer à cette fête de la musique de la blogosphère.

Les relations sociales en ligne, une tendance lourde ?

La communauté que forme la blogosphère s’inscrit dans un mouvement plus large qui voit les individus utiliser internet pour se

75 Voir le succès phénoménal rencontré par Skyblog, la solution de

blogging de la radio française Skyrock touchant les adolescents qui a atteint à l’automne 2004 son millionième blog ouvert.

76 http://linkandthink.org/ 77 Jean-Luc Raymond, initiateur du blog Mediatic

http://mediatic.blogspot.com 78 Blog-Art, plateforme de publication de blogs : http://www.blog-

art.com

68

présenter, nouer des contacts, des relations en lignes, travailler ensemble sur des projets de groupes.

A côté des blogs, plusieurs types d’outils existent pour nouer des

relations en ligne. Les premiers d’entre eux, rencontrant par d’ailleurs actuellement un grand succès, sont les sites de réseaux-sociaux (social-networking en anglais). On citera aussi les wikis dont on se sert surtout pour travailler à plusieurs sur des projets de groupe.

Les sites dits de social networking comme tribe79, friendster,… ou pour l’univers professionnel linkedin, orkut ou le francophone viaduc, sont conçus pour augmenter la possibilité de nouer des contacts en ligne.

Arrêtons-nous plus particulièrement sur les sites de réseaux-

sociaux destinés aux professionnels. Lors de l’inscription, vous saisissez des informations équivalentes à celles figurant sur votre curriculum vitae ensuite vous créez des « connexions » avec des membres du site que vous connaissez ou au besoin vous invitez vos connaissances à s’inscrire sur ce site80. De proche en proche, vous pouvez ensuite entrer en relation avec les contacts de vos contacts. Vous pouvez aussi refuser d’entrer en relation avec quelqu’un. Il suffit de ne pas répondre à une sollicitation ou de la refuser explicitement. Ainsi, les sites de réseaux-sociaux sont un excellent outil pour utiliser et développer son réseau de relations. Le concept à l’origine de ces sites est la théorie des six degrés, qui démontre que le degré maximum de séparation entre deux individus est de six personnes81.

Quelles sont les différences ou les complémentarités entre les blogs et les outils de social-networking ?

79 http://www.tribe.net ; http://www.friendster.com ;

http://www.linkedin.com ; http://www.orkut.com ; http://www.viaduc.com 80 D’où la croissance exponentielle du nombre de membres du fait de

cette incitation à inviter ses connaissances à s’inscrire à leur tour. 81 Sur ce thème : Toile : l'Université de Columbia confirme la théorie

des "six degrés" Journal du Net, 20 août 2003. http://www.journaldunet.com/0308/030826sixdegrees.shtml

Le Phénomène blog

69

Comme l’exprime très bien Karl Dubost dans sa note Réseaux

sociaux logiciels (voir encadré) la limite des sites de social-networking par rapport aux blogs réside dans leur côté impersonnel.

Réseaux sociaux logiciels « Je ne peux qu'approuver Richard lorsqu'il dit Mon carnet Web

est mon logiciel de réseau social. Quelque soit les orkut, friendster, last.fm et autres mots magiques du moment, le carnet Web restera toujours votre outil principal de développement de votre réseau social sur le Web. Pour quelle raison ? Parce qu'il est vôtre, parce que vous en maitrisez le contenu et les fonctionnalités propres, parce que c'est chez vous et pas ailleurs, enfermé dans une petite boite.

Je ne sais pas quand les concepteurs de service de type Orkut comprendront qu'il faut donner la liberté aux utilisateurs, de leur rendre le contrôle de leurs données et donc de ne plus faire de bases centralisées et d'utiliser des systèmes de gestion locale à la FOAF ou autre (je suis agnostique sur le format dans ce cas, mais que ce soit au moins un format commun.) Je ne veux plus avoir à remplir un énième mot de passe, à définir un dixième profil, etc, laissez moi gérer cela localement dans un fichier que vous venez lire. Rendez moi mes

70

données et le contrôle de mes données. » http://www.la-grange.net/2004/10/08.html#gwailo Cette note est sous la licence "by-nc-sa"/2.0/deed.fr Plus

d’information à cette adresse : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/deed.fr

En effet, sur un site de social networking vous disposez d’un

espace, vous pouvez vous présenter, mais cet outil reste un annuaire, aussi bien conçu soit-il. Là où le site de réseaux-sociaux permet la mise en relation par personnes interposées, le blog permet la rencontre sans aucun intermédiaire puisque l’accès au blog est libre.

Loin de vouloir critiquer les sites de réseaux-sociaux, on peut considérer que les blogs sont complémentaires. En effet, s’inscrire sur un site de réseaux-sociaux peut permettre d’entrer en relation avec de nombreuses personnes. Libre à chacun d’indiquer l’adresse de son blog sur sa fiche de renseignements.

Cependant, la multiplication des outils et des sites n’est pas forcément bonne pour faciliter le développement des relations en ligne. Les sites de réseaux-sociaux utilisent pour l’instant plutôt des langages propriétaires et non interopérables. Imaginez l’annuaire téléphonique divisé en 6 ou 7 annuaires, certes avec plus d’informations et parfois thématiques, mais dans lesquels il faut vous inscrire pour être joignable ou chercher pour éventuellement trouver la personne que vous voulez joindre. Les blogs pourraient être utilisés pour faire du social-networking du fait que l’équation 1 blog = 1 personne est vraie dans une large majorité des cas, et surtout au travers des développements prometteurs autour du web sémantique. Ainsi, le projet FOAF82, qui est une application du web sémantique, est un vocabulaire permettant de décrire les personnes et les relations qu’elles entretiennent entre elles. Concrètement, chaque blogueur crée son fichier FOAF dans lequel il indique les informations de son choix83 le concernant ainsi que les liens qu’il peut avoir avec d’autres personnes. Ce fichier est accessible sur son blog, toujours au même endroit, aux moteurs de recherche ou n’importe quel service pouvant

82 http://www.foaf-project.org 83 Les possibilités de FOAF sont assez larges : état civil, entreprise, liens

avec d’autres personnes et nature de ses liens, projets, études,…

Le Phénomène blog

71

l’utiliser.

Grâce à ces informations, des moteurs utilisant les données FOAF pourraient répondre à des requêtes du type : « Quelles sont les personnes de moins de 30 ans habitant à Montréal, ayant un blog et aimant jouer au tennis ? ». Ainsi, on peut se risquer à leur envoyer un email si on cherche un partenaire sportif.

Néanmoins, tout le monde n’ayant pas encore de blog et le web sémantique et FOAF en particulier devant encore se diffuser, les sites de réseaux-sociaux ont fait naître des modes de relation qui sans eux n’auraient pas vu le jour si tôt ni avec une telle ampleur. Disposer de son blog que l’on peut enrichir progressivement, sur lequel on peut véritablement capitaliser en terme d’image est donc important pour établir des relations à côté des sites de réseaux-sociaux, au sein desquels on reste un simple profil avec des connexions dont la gestion nous échappe pour l’instant en partie.

Interview de Thierry Lunati, fondateur de Viaduc

(http://www.viaduc.com), site de social networking. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Thierry Lunati, ingénieur. J’ai dans le passé développé le moteur

de recherche Lokace, qui fut le premier moteur de recherche francophone, puis je me suis investi dans le développement de Caramail que nous avions créé avec mes associés deux ans après le lancement de Lokace. Viaduc s’inscrit donc dans la suite logique de ces précédentes aventures ☺

Vous suivez certainement de près l’activité et les échanges qui

voient le jour sur Viaduc, à quoi sert principalement votre service ? Pouvez-vous présenter les principaux types de relations qui y voient le jour ?

Effectivement, nous utilisons une batterie d’indicateurs statistiques nous permettant de suivre les modalités d’utilisation de Viaduc.

L’on constate tout d’abord de façon très nette que l’utilisation du service demande un temps d’adaptation. Plus de 50% des utilisateurs

72

commencent à tisser leur réseau de relations deux à trois semaines après leur inscription.

C’est sans doute le temps nécessaire pour appréhender les concepts de fonctionnement d’un réseau social et les concepts sous-jacentes : contact direct, distance entre deux membres, mise en relations, pratiques et usages en vigueur sur la plate-forme.

Ce délai d’adaptation chute considérablement (de deux semaines à un ou deux jours) pour les personnes qui rejoignent une sous-communauté de Viaduc (i.e. un ensemble de personnes fortement interconnectées entre elles). Le flux de messages entre ces «sous-communautés » (qui seront sous peu visualisables sur viaduc) et ces nouveaux arrivants est 3 fois supérieur au flux moyen de messages sur l’ensemble de la plate-forme.

En ce qui concerne les mises en relation, point central du service, nous enregistrons actuellement près de 500 demandes de mises en relation par jour (avec environ 20 000 membres). 15% des utilisateurs sont de gros consommateurs, c'est-à-dire qu’ils émettent une à deux demandes de mises en relation par jour, alors les 85% restants émettent une à cinq demandes de mises en relation par mois. Cependant, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions de ces chiffres. En effet, l’ancienneté sur la plate-forme contribue notablement à son utilisation : les membres inscrits depuis plus de trois mois se connectent deux fois plus souvent et émettent trois fois plus de demandes que les membres inscrits depuis moins de trois mois.

Sans connaître le détail des mises en relation, l’on peut cependant déduire de nombreux éléments fonction de l’émetteur, du récepteur et de la distance séparant les deux interlocuteurs :

40% des demandes de mises en relation ont trait à l’emploi au sens large : chasse par des recruteurs professionnels, candidature spontanée ou plus fréquemment, demande d’une personne vers une autre travaillant dans une société pour obtenir des renseignements sur la façon de postuler dans cette entreprise.

30% des demandes sont des demandes de renseignement ou d’expertise au sens large, généralement entre deux personnes assez éloignées (distance 3 ou 4), le premier demandant au second s’il peut l’aider ponctuellement dans une démarche

Le Phénomène blog

73

particulière (exemple : je souhaite m’expatrier à Londres, comment vous-y êtes vous pris ?).

Les 30% de demandes restantes sont d’ordre purement professionnelles : recherche de fournisseurs, de clients ou de partenaires.

Dans les 3 cas, les demandes bien rédigées et adressées à un interlocuteur judicieusement choisi, obtiennent un taux de réponse positif de l’ordre de 80%.

Bien entendu, ces éléments évoluent en permanence. Il est probable que lorsque nous aurons 100 000 membres et enrichit les fonctionnalités « communautaires » de l’outil, ces statistiques évolueront.

Lorsqu’un projet comme FOAF sera suffisamment mûr, n’auriez-

vous pas intérêt à laisser la gestion de leur profil aux utilisateurs pouvant l’assumer au travers d’un fichier foaf accessible depuis leur blog ?

A mon avis, FOAF est déjà suffisamment mûr pour que nous l’implémentions sur Viaduc et nous le ferions immédiatement, si nous n’avions pas d’autres priorités. En effet, il nous reste encore à mettre en place de nombreux services avant de pouvoir considérer Viaduc comme un outil mature.

Du fait que nous considérons que ces services, et en particulier, les outils de gestion de communauté, serviront aujourd’hui un plus grand nombre de nos utilisateurs, nous nous focalisons sur ceux-ci pour le moment.

Donc, rendez-vous courant 2005 pour la mise en œuvre de FOAF sur la plate-forme : le cahier des charges est déjà rédigé.

Vous délaisseriez ainsi l’aspect annuaire pour vous concentrer sur

la mise en relation pure. Pour ouvrir un compte sur viaduc les blogueurs qui le peuvent n’auraient quasiment qu’à indiquer l’adresse de leur fichier FOAF ?

Oui, c’est bien l’idée générale, même si je considère que l’on pourrait permettre aux blogueurs d’enrichir leurs propres blogs en disposant d’un « mini-viaduc » centrée sur les mises en relations du blogueur (élargi éventuellement aux lecteurs régulier du blog).

74

Les blogs à l’image des sites de social-networking permettent de nouer des contacts bien que cela soit plus indirect dans le cas des blogs. Quel est l’avenir des relations entre les sites de social-networking et les plates-formes et outils de blogging : complémentaires, partenaires, concurrents ?

A mon avis, 1/ Complémentaires sur l’aspect mise en relation : De très nombreuses personnes n’ont pas le temps ou les qualités

rédactionnelles nécessaires pour animer un blog de qualité. Ces personnes seront des lecteurs et non des créateurs de blogs. De ce fait, les mises en relation via un blog se font souvent dans le sens lecteur vers rédacteur. Les réseaux sociaux comme viaduc favorisent au contraire les échanges entre tous leurs membres.

2/ Concurrents sur l’aspect communautaire : A mon avis, les réseaux sociaux vont évoluer naturellement vers

la gestion de « sous-communautés », reflétant les liens entre leurs membres. Lorsque nous visualisons graphiquement la communauté actuelle des Viaducéens et que nous regroupons les personnes en tenant compte de leur distance, il apparaît déjà clairement plusieurs sous-communautés. Celles-ci peuvent tourner autour de quelques individus, être centrées sur un secteur d’activité particulier ou encore regrouper des personnes partageant le même centre d’intérêt.

A ce jour, nous ne permettons pas encore à ces communautés de s’identifier en tant que telles sur Viaduc, ce qui sera le cas mi-janvier 2005. Sur ce point, Blog et Réseau Sociaux sont susceptibles d’entrer en concurrence, avec un avantage aux blogs en termes de contenu et d’usabilité et un avantage aux réseaux sociaux en termes de gestion des relations entre membres de la communauté.

Je suspecte qu’à terme blogs et réseaux sociaux fusionneront, car le blog est l’outil idéal de contenu tandis que le réseau social est l’outil idéal de fédération des lecteurs et/ou rédacteurs de ces mêmes contenus.

Allez-vous proposer des fonctions spécifiques aux blogueurs

comme l’affichage de leurs derniers billets sur leur profil ? Oui, bien vu, c’est même la première fonctionnalité que nous

mettrons en place sur le site.

Le Phénomène blog

75

L’aggrégateur en ligne rss4you84 propose une forme de navigation sociale appelée «affinités» en indiquant aux utilisateurs qui le souhaitent quels sont les blogueurs qui lisent les mêmes flux xml qu’eux. De telles fonctionnalités ne permettraient-elles pas de compléter le principe « les amis de mes amis sont mes amis » qui sous-tend un site comme Viaduc par un « nous lisons les mêmes blogs, rencontrons-nous » venant encore enrichir le potentiel de mise en relation.

Bien entendu, mais nous pensons également que les flux rss peuvent avoir de nombreux autres usages au sein d’un réseau social et plus particulièrement dans la partie communautaire du site.

Pour conclure, le réseau des blogs constitue de fait aujourd’hui le

premier réseau social de la planète. Cependant, celui-ci est décentralisé par essence et ne peut donc constituer une plateforme de mise en relations efficace (autrement que ponctuellement).

A l’inverse, les réseaux sociaux, centralisés par nature permettent

à leurs membres de capitaliser rapidement sur leur réseau existant et d’enrichir celui-ci aisément. C’est vraisemblablement le mariage des deux, avec l’ouverture des réseaux sociaux vers les blogs via l’adoption de normes standardisées (FOAF, RSS) qui permettra de faire la jonction entre la blogosphère, aujourd’hui ouverte et la « socialsphere », encore trop centrée sur elle-même aujourd’hui, sans doute du fait de sa relative jeunesse.

Quelles sont les différences ou les complémentarités entre les blogs et les wikis ?

84 Voir ci-après l’ interview des fondateurs de RSS4YOU

76

Les wikis sont des sites web sur lesquels les visiteurs peuvent très

facilement modifier les pages après s’être enregistré. Le mot wiki vient du tahitien wiki wiki qui signifie « vite ».

Parmi les multiples usages du wiki nous nous intéresserons à

celui de pouvoir réunir un groupe sur internet sur des projets communs. Le site le plus renommé reposant sur un wiki est certainement Wikipedia qui permet à tout internaute qui le souhaite de consulter gratuitement cette véritable encyclopédie en ligne. Il ne s’agit pas à proprement parler de relations sociales alors même qu’il s’agit d’un superbe projet que l’on peut qualifier d’utilité publique. Dans le cas de Wikipédia, on peut affirmer cependant que le projet prend largement le pas sur le groupe qui permet au projet de voir le jour. Ainsi, on ne peut pas vraiment dire que des relations sociales voient le jour, mais plutôt qu’un superbe projet connaît un grand succès. Crao Wiki85 est un autre exemple d’une communauté francophone centrée plutôt sur les nouvelles technologies mais pas exclusivement, qui a vu le jour autour d’un wiki, au sein de laquelle

85 http://wiki.crao.net CraoWiki a été crée en 2002 par Christophe

Ducamp

Le Phénomène blog

77

des internautes ont pu se rencontrer, nouer des contacts. Le lien avec les blogs est très fort dans la mesure où c’est à nouveau au travers de l’écrit, de contributions, d’échanges d’informations que se créent les relations. Au sein de Crao Wiki nombreux sont les membres qui ont leur blog ou leur page personnelle. Les responsables de Crao Wiki ont d’ailleurs pour particularité d’insister pour que les membres s’inscrivent sous leur vrai nom et pas uniquement sous un pseudonyme. Dans le cas de CraoWiki où des rencontres en face à face ont lieu régulièrement, on peut dire qu’une vraie communauté a vu le jour.

Cependant, les wikis, à la différence notable des blogs, sont

centralisés et nécessitent qu’une ou plusieurs personnes consacrent du temps à la gestion de la communauté. Ainsi, les contributions nombreuses des membres doivent souvent être mises en ordre, mises en forme,… afin que l’ensemble ait une certaine cohérence, soit utilisable et consultable par tous les membres ou des personnes extérieures à la communauté. Les blogs ont l’avantage de donner naissance à des communautés qui n’ont pas véritablement besoin d’organisateurs pour exister, les leaders lorsqu’ils existent pouvant changer au fil du temps, sans remettre en cause l’existence des groupes qui restent de toute façon informels.

Conclusion

La blogosphère est donc une société au sein de laquelle les relations entre les participants sont nombreuses, cette société a bien sûr des règles et codes spécifiques bien qu’informels, mais avec le temps, ses spécificités sont appelées à disparaître au fur et à mesure que l’utilisation des blogs, et plus généralement la possibilité offerte à chacun de s’exprimer en ligne, se généralisera.

Par ailleurs, nombreux sont les blogueurs qui après de nombreux

échanges par blogs interposés, au travers de commentaires, emails puis conversation par messagerie instantanée, après s’être échangés leur identifiant, en arrivent à se rencontrer réellement. Les rencontres Paris Carnet ou d’autres manifestations ayant réunis un nombre

78

significatif de participants à Montréal ou dans d’autres villes encore témoignent de la réalité des liens entre blogueurs. Cet aspect est très positif car le reproche souvent fait aux outils de communication en ligne est qu’ils se limitent aussi à des relations virtuelles c'est-à-dire déconnectées de la réalité. Les analyses très pertinentes de Dominique Wolton paraissent ainsi devoir ne s’appliquer que peu à la blogosphère lorsqu’il écrit par exemple à propos d’Internet : « On est au contraire face à un système d’information intégré, dont la finalité est plus du côté d’une économie-monde, que du côté d’une amélioration des relations interpersonnelles… »86

1.7. Naissance d’un nouveau média ? Une très large majorité de blogs sont écrits par des adolescents.

Les blogs s’intéressant à l’actualité ou qui ont vocation à apporter une information de qualité sur une thématique particulière représentent une minorité au sein de la blogosphère. Cette minorité attire cependant l’attention sur elle et est loin d’être négligeable. Focaliser son attention sur ces blogs est donc pertinent. Leur influence et les conséquences de leur existence dépassent largement leur nombre.

Après les radios libres, les blogs ?

Pendant les années 70 en France, des radios dites libres ont vu le jour. Elles revendiquaient la possibilité de s’exprimer librement en s’affranchissant de la tutelle de l’Etat qui contrôlait la plupart des radios. En 1981, les ondes ont été libérées, ce qui a permis au phénomène devenu légal de prendre sa pleine amplitude. Ces radios libres ont apporté une proximité géographique et thématique nouvelles : « De l'extrême gauche à l'extrême droite, des syndicats aux religions, des homosexuels à l'Armée du Salut, chacun possède sa

86 Dominique Wolton, Internet, et après ? Une théorie critique des

nouveaux médias, Champs Flammarion, 2000. p 105.

Le Phénomène blog

79

radio »87, suivie dans les années 90 par le développement et le succès de la libre antenne qui laisse une part importante aux auditeurs. Désormais, les radios locales privées et les gros réseaux commerciaux ont pris le devant des ondes. Certains y voient la fin d’un esprit, d’un espace de liberté et d’initiatives, et déplorent les difficultés, essentiellement financières, mais aussi pour l’obtention de fréquences d’émission, que rencontrent désormais bon nombre de petites radios.

Les blogs qui permettent une large diffusion, sont d’une

utilisation très simple et sont très certainement le nouveau média qui permettra à tous les groupes qui le souhaitent, quelle que soit leur taille, de toucher une large audience comme la radio a pu le permettre 25 ans auparavant. Pour répondre aux propos de Félix Guettari (voir encadré) qui pointe pour un média la nécessité d’avoir un public, une audience, un support, on peut considérer que les blogs sont le support, que l’audience est présente avec le nombre d’internautes et de leurs attentes qui ne cessent de croître, et que l’audience grâce au fonctionnement de l’internet, n’est donc plus l’apanage de personnes ou de groupes ayant les moyens financiers de la développer.

Le cinéma, la grand-mère et la girafe Entretien avec Félix Guettari par Abraham Segal, Revue Chimère

– Automne 1995 « […] Par exemple, on a rencontré le même problème avec les

radios libres. Au moment de la crise des radios du monopole en France, le

problème se posait de réinventer un nouveau type de rapport à la radio. On a pu s’apercevoir en effet qu’on pouvait imaginer des procédures d’énonciation tout à fait différentes et on en a expérimenté un certain nombre. Pour ma part, je l’ai fait avec des amis de Radio Tomate… Mais on voit bien que la situation s’est refermée. Aujourd’hui, ce sont des groupes de presse qui ont mis la main sur les radios, des groupes religieux, politiques ou publicitaires de toute

87 Site web de Jean-Marc Printz 100 ans de radio

http://100ansderadio.free.fr/liberation/1975-aujourd'hui/historique08.html

80

nature. De même, on voit bien que les progrès techniques qui étaient liés au super huit ou à de nouveaux instruments comme la vidéo pouvaient offrir une nouvelle définition, de nouvelles possibilités d’effectuer un « travail d’image ». Évidemment, ce n’est pas seulement du talent de tel ou tel créateur que dépend la production de subjectivité correspondante ; cela dépend aussi de la production d’un public, d’une audience, d’un support, ce qui renvoie bien sûr à toute une politique alternative débordant largement la problématique du cinéma et des médias. »

Les blogs permettent plus encore la proximité avec ses lecteurs

qu’avait introduite la radio avec ses auditeurs. Le succès rencontré par certaines plates-formes de blogging lancées par des radios vient par d’ailleurs appuyer l’évidence de ce rapprochement. Ainsi, pour Pierre Bellanger, PDG de la radio Skyrock, «la puissance d'internet réside dans le réseau social d'échanges électroniques qu'il permet. En un mot, la force de l'internet, c'est la conversation. Le XXe siècle a été l'âge de la diffusion. Le XXIe siècle est l'âge de la conversation. […] Notre radio n'est plus une radio traditionnelle, elle est devenue une radio-communauté. Nous formons avec la communauté électronique Web et mobiles un tout indissociable. L'internet n'est pas pour nous un moyen de diffusion, c'est une part organique de la radio. »88 Les conversations, les échanges suscités par la radio mais nécessairement limités du fait des possibilité de ce média, trouvent visiblement dans les blogs la continuité attendue par les internautes-auditeurs.

Bien entendu si l’esprit et les possibilités des blogs sont proches

de ceux de la radio, notamment des années 70 et 80, l’internet offre d’autres formes nouvelles que les radios sauront exploiter comme le montre l’existence de webradios, diffusant exclusivement sur internet, ou les possibilités du podcasting (sujet abordé plus loin).

Les blogs : une réponse au problème de la surinformation

88 Propos tenus lors des Journées Internationales de l'IDATE (voir note

N° 64)

Le Phénomène blog

81

Il est communément admis que nous sommes surinformés, c’est à dire que nous croulons sous une quantité très importante d’informations. La difficulté n’est donc plus de trouver les informations mais de les authentifier, les hiérarchiser afin de déceler celles qui sont importantes et crédibles.

Les blogeurs effectuent un important travail de filtrage de l’information qu’ils trouvent sur le web, c’est en cela qu’ils apportent une réponse au problème de surinformation. Cette valeur ajoutée correspond aussi désormais à une part importante du travail des journalistes.

Cependant, les journalistes n’ont parfois que quelques heures pour écrire un article alors que les blogeurs auront des jours pour le commenter, le critiquer, le compléter.

Sur un thème précis, une fois que vous avez identifié quelques blogs sérieux, en consultant leurs archives et en analysant leur point de vue sur des sujets que vous connaissez bien, en appréciant la pertinence et la qualité des sites vers lesquelles ils renvoient, vous pouvez par la suite les utiliser comme une source d’information fiable voire un véritable service d’alerte.

La supériorité des blogs sur d’autres types de médias est que vous

aurez une meilleure connaissance de leur auteur dont vous pouvez consulter aisément toutes les archives, et qu’ils sont gratuits. Un blogue est en quelque sorte un ami dont vous pourriez écouter les commentaires et dont vous savez d’expérience qu’il a un jugement sûr, à la différence importante qu’il vous suffit de consulter le blogue, d’y prendre les informations qui vous intéressent sans être en rien redevable de quoi que soit au blogeur. Ceci est une des grandes forces du web « hypertexte social ».

Bien entendu, cela n’enlève rien à la qualité de la source d’information que peut constituer un journal ou une chaine de télévision. Les blogs constituent juste un complément, une source alternative qui peut parfois dénoter avec le discours ambiant ou être très performante sur des sujets peu couverts par les médias. Les blogs en outre ne connaissent pas les contraintes de validation avant publication - et c’est un des gages de leur qualité - des médias professionnels.

82

Les médias eux-mêmes ne s’y sont pas trompés en incluant de plus en plus les blogs parmi leurs sources d’information.

Alors même qu’il est exact de considérer que les blogs participent à la surinformation en permettant à n’importe qui de devenir à son tour producteur d’informations et donc d’aggraver en quelque sorte la situation de surinformation que nous connaissons, c’est bien en faisant naître entre blogueurs et lecteurs un rapport différent de celui qui lie les médias traditionnels à leur audience que les blogs contribuent au final à apporter des réponses au problème de surinformation.

Les médias traditionnels professionnels conservent cependant

toujours un avantage qui devrait persister encore longtemps et qu’explique parfaitement la théorie des coûts de transaction89. Les blogs sont utiles mais il faut du temps pour trouver ceux qui sont pertinents et découvrir les nouveaux blogs intéressants. Ce temps représente un coût de transaction du fait de l’information qu’il faut recueillir. Or la promesse des médias traditionnels est justement de sélectionner des journalistes compétents à même de faire ce travail pour vous. Une fois que vous avez acheté votre journal, vous ne vous posez plus de questions, ou bien moins en tous cas, sur la pertinence des informations qu’il délivre. C’est par d’ailleurs du fait de cette promesse que de véritables scandales peuvent éclater lorsqu’une information avancée par un journaliste s’avère inexacte.

Les relations complexes entre les blogs et les médias

Quand on sait que le New York Times90 et le Guardian91 disposent de leurs propres blogs, que de nombreux journalistes, parmi les plus talentueux disposent aussi d’un blogue à titre personnel, on comprend que la relation entre les blogs et les médias est quelque

89 Voir O.E. Williamson, S.E. Masten [1995], Transaction Cost

Economics, Ed. Mark Blaug, Elgar Collection. 90 Exemple de blog :

http://www.nytimes.com/pages/politics/trail/index.html Interview du rédacteur en chef du New-York Times à propos d’un de ses blogs http://www.cyberjournalist.net/news/000935.php

91 http://blogs.guardian.co.uk/news/

Le Phénomène blog

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chose de complexe puisque tous les blogeurs sont loin d’être des amateurs inexpérimentés et donc des personnes que l’on pourrait définir comme des apprentis journalistes.

Pour comprendre cette relation, rappelons ce qu’est un média, comment il crée, utilise, recycle l’information qui constitue sa matière première.

Les médias font véritablement l’information en choisissant de décrire, d’étudier, d’analyser certains faits d’actualités. Ils puisent leur matière brute dans une multitude de sources : le travail des agences de presse leur permet d’être rapidement informés des faits majeurs, leurs propres journalistes vont aussi à la recherche de l’information, les autres médias enfin constituent aussi une source d’information. Cependant, certains faits échappent toujours pour tout ou partie aux médias.

C’est ici - notamment - que les blogs peuvent intervenir en tant que source complémentaire d’informations pour la presse traditionnelle. En effet, un blogeur qui est un spécialiste de son domaine, par exemple lorsqu’il y exerce sa profession, qui plus est à un haut niveau de responsabilité, et qui va échanger au sein d’une communauté de blogeurs sur un thème précis, constitue pour un journaliste une source d’information très qualifiée.

Le travail du journaliste conserve bien sûr tout son sens car le

journaliste talentueux saura resituer cette actualité dans son contexte, la traduire en terme compréhensible pour les non ou peu initiés, ce que des blogeurs même très compétents ne sauront ou n’auront pas envie de faire.

« Les blogs ne pourraient pas vivre sans les médias, dont ils se nourrissent ; mais ils leur rendent service en retour, en portant sur eux un regard critique. Il se forme peu à peu une sorte d'écosystème, les blogs jouant un rôle comparable à celui de ces oiseaux-dentistes qui se nourrissent dans les mâchoires des hippopotames. »92. On le voit dans cette analyse très pertinente d’un dossier de Libération, la relation entre les blogs et les médias est étroite et surtout

92 Le Monde selon blog, Libération 11 décembre 2004 par Pascal Riché

et Frédérique Roussel

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multilatérale ? On notera que les journalistes ne confient d’ailleurs ici pas le beau rôle aux blogueurs…

Pourtant, les blogs ne sont pas qu’une source d’information pour les médias. Les blogs vivent aussi pour certains d’entre eux en partie « grâce » aux médias. Une majorité des liens présents sur les blogs renvoient vers des articles écrits par des journalistes. Les blogeurs vont critiquer, commenter, compléter les articles en question. Pour autant ces articles constituent pour eux une sorte de matière première au même titre que des journalistes peuvent reprendre des faits et des opinions présentés dans un blogue pour écrire un article.

Si beaucoup d'acteurs de la presse ont adhéré à ce discours méfiant, voyant au travers des weblogs apparaître une nouvelle forme de concurrence, d'autres, dont le nombre ne cesse de croître, ont en revanche choisi de rebondir sur le phénomène. Certains grands quotidiens en ligne s'essaient désormais au weblogging. C’est une solution pratique qui leur permet notamment d'ouvrir un espace dédié à leurs grands reporters ou à leurs spécialistes qui peuvent directement publier en ligne des analyses ou des commentaires. Sur le site du New York Times, Paul Krugman, nominé au Prix Nobel d'économie, bénéficie d'un tel dispositif. Libération et le Monde se sont eux lancés dans l’ouverture de blogs thématiques.