Le Soir SOIRD’ÉTÉ bermuda & panama Etsions’offrait · peut-être avec une cravate. Non pas...

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19/08/12 18:49 - LE_SOIR du 20/08/12 - p. 14 S i vous passez vos vacances en Croatie, vous reviendrez peut-être avec une cravate. Non pas que le col cravate soit de ri- gueur sur les plages de Split ou de Dubrovnik, mais parce que la cravate est une invention des Croates. L’histoire commence au début du XVII e siècle. Toute l’Europe est en guerre. Catholiques contre protestants, c’est la guerre de Trente Ans. Pendant plusieurs, années, la France de Louis XIII réussit à se tenir éloignée du con- flit. Mais en 1635, elle n’a plus d’autre choix que de s’impliquer à son tour. A l’époque, il n’y a pas encore d’armée de métier. Les belligé- rants emploient principalement des mercenaires. Richelieu char- ge donc deux de ses maréchaux de lever une troupe de 1.600 hom- mes. Leur choix se porte sur des soldats croates qui, jusque-là, tra- vaillaient au service de l’Espa- gne. Ils ont fait forte impression lorsqu’ils ont déferlé sur la Picar- die. Ils ont même créé un mouve- ment de panique à Paris où l’on a craint qu’ils puissent arriver. Ce sont des hussards, des soldats de la cavalerie légère. Ils sont très ra- pides, très agiles, très habiles. La France décide donc de les recru- ter. Comme la plupart des soldats de l’époque, les hussards croates ne portent pas d’uniforme parti- culier. Ils ont cependant un signe distinctif : une fine bande d’étof- fe, une espèce d’écharpe nouée autour du cou. C’est une vieille tradition croate. Quand un hom- me part à la guerre, sa femme lui offre une écharpe en signe de sa fidélité et pour qu’il ne l’oublie pas. Chaque fois qu’il nouera cet- te écharpe, il songera à sa femme et à sa famille restées au pays. En France, les guerriers croa- tes frappent les esprits. Par leur ardeur au combat, on l’a dit, mais aussi en raison de leur écharpe… qui va bientôt faire fureur à la cour de Louis XIII. La corde au cou Dans ces années-là, les mes- sieurs ont l’habitude de porter de la dentelle autour du cou. Il y a d’abord eu les fraises, de larges collerettes plissées – tellement larges et tellement encombran- tes qu’elles entravaient les mou- vements. Peu à peu, la fraise s’est donc éclipsée au profit du jabot fixé sur le plastron. Mais lorsque les Croates arrivent avec leur écharpe simplement nouée, les courtisans trouvent cela incroya- blement élégant. En langue croate, Croatie se dit « Hrvatska », croate « hrvats- ki ». C’est ainsi que naît le mot « cravate ». En 1643, à la mort de Louis XIII, son fils, Louis XIV hérite du trône… et d’un attrait pour la cravate. Il crée même au palais la fonction de cravatier. Le Roi a déjà à son service un Grand Maître de la Garde-Robe, mais il souhaite qu’une personne puisse se consacrer exclusive- ment à ses cravates, générale- ment de larges cravates de den- telle blanche qu’il faut choisir, assortir, nouer et ajuster. Evidemment, si le roi de Fran- ce porte la cravate, tout le mon- de se doit de la porter… Louis XIV est imité. Notamment par le roi d’Angleterre, Charles II. Et à partir de là, de fil en ai- guille, la cravate va s’imposer à travers le monde et traverser les époques. Elle est un temps menacée de disparition au moment de la Ré- volution. Elle ne survit d’ail- leurs ni à la révolution chinoise, qui impose le col Mao, ni à la ré- volution iranienne des mollahs, qui la considèrent comme un symbole de l’impérialisme occi- dental. Chez nous, malgré l’évolution des modes, elle demeure un in- contournable de la garde-robe masculine. « Tant vaut l’hom- me, tant vaut la cravate », di- sait Balzac. Certains y voient aujourd’hui un symbole phallique. C’est ou- blier un peu vite que, pour les soldats croates, ce petit bout d’étoffe était d’abord le signe d’attachement à une femme. La femme qui avait réussi à leur mettre la corde au cou ! CHRISTINE MASUY La virilité c’est toute une histoire (1/6) bermuda & panama Demain La série en radio Retrouvez la série bermuda & panama en radio, sur La Pre- mière. Chaque matin vers 9 h 15, Christine Masuy racon- te comment un nom de lieu est entré dans la langue. Demain : Les gémisse- ments des Gémonies K arl (1) s’est levé un beau matin particulièrement fier de lui lors- qu’il a découvert ce petit mot dans son bol à céréales : « Quel- le nuit fantastique, mon chéri ! En espérant que tu sois un jour aussi viril à la verticale qu’à l’horizontale. » Tout à son triomphe nocturne, Karl n’a pas tout de suite saisi la perfidie du pro- pos. Mais, lorsqu’il s’est retrouvé devant son café tel un George Clooney en pré- chauffage, son franc est tombé : à lire le mot doux d’Andreia, sa petite amie, sa viri- lité n’aurait jamais débordé de leurs ébats. Le reste du temps, sa vigueur revendiquée n’avait donc que la verticalité d’un chicon cuit. Lui, Karl, prénom dont l’étymologie germanique signifie « fort et puissant ». Un grand vide s’est alors installé en Karl qui s’est senti dégonfler par le caoutchouc poreux de son ego. Il s’est jeté dans une li- brairie comme on se jette à la mer pour en dévaliser la presse féminine, mais aussi pour faire cette trouvaille nommée Histoi- re de la virilité (2), un ouvrage replet bour- ré d’attitudes mâles antiques et contempo- raines, susceptibles de lui attirer envie et considération. Une admiration incom- pressible, un cri triomphal : « Ça, c’est un homme ! » Andreia, chère vieille chose, il y a un bout de temps que tu tarabustes les hom- mes. Dans l’Histoire de la virilité qu’ont publiée en 2011 Alain Corbin, Jean-Jac- ques Courtine et Georges Vigarello, on dé- couvre qu’avant d’être la petite amie de Karl, Andreia fut un terme grec ancien qui disait déjà ce que le mot latin vir installera pour longtemps dans nombre de langues occidentales, « virilita », « virilité » « viri- lity » : principes de comportements et d’actions désignant, en Occident, les quali- tés de l’homme achevé, autrement dit, le « plus parfait du masculin ». A l’époque, le plus parfait du masculin ne consiste pas à partager les travaux mé- nagers. C’est le courage à la guerre, la vaillance, la domination sexuelle. Mais contrairement à ce que l’on pourrait pen- ser, la valorisation de cette gymnastique ne désignait pas « l’homme ». Mais « ce- lui qui représente au mieux, et au plus loin, le masculin », écrit l’historien Geor- ges Vigarello. En face, les trembleurs, les hésitants, les peureux étaient stigmatisés. Du jeune spartiate au chevalier médiéval, la construction de la virilité passait par la puissance et le choc. A l’époque, il était donc assez difficile de passer pour viril sans afficher bosses, ec- chymoses et cicatrices. Etre refroidi et transpercé de toutes parts lors d’un com- bat vous ouvrait le panthéon de la virilité. Heureusement pour notre ami Karl qu’une goutte de sang effraie, cette concep- tion a évolué. Il y a cent manières d’être viril, même si le culte de la force guerrière a continué à traverser les siècles pour arri- ver jusqu’à nous. Viril, on peut l’être par l’attitude, la morale, le poil, le geste, le sport, la paresse, la découverte, la manière de porter le chapeau (dans tous les sens du terme), l’appartenance déclarée à une clas- se sociale, la braguette et l’estomac, la jam- be et même le mollet. La fragilité. La virilité est en fait moins primaire qu’il n’y paraît. Bernard Andrieu est philo- sophe du corps à l’Université Nancy II : « Pour moi, analyse ce scientifique, la viri- lité n’a rien à voir avec une attitude natu- relle. C’est plutôt une attitude de genre, un choix, un style d’existence, un mode de vie, et qui n’est donc pas lié nécessairement à un sexe ou à une biologieMais alors, que faire ? Pas de panique : « Je pense que le stéréotype de la virilité physique se poursuit, assure Bernard An- drieu. Par exemple à travers l’iconogra- phie gaie, voyez Têtu, toute cette iconogra- phie culturiste du corps mâle, puissant, etc. » On pourrait y ajouter côté hétéro, les matchs de catch, les concours de gonflet- tes ou les campagnes de recrutement de notre Défense nationale, lesquelles « dégenrent » les recrues féminines en les masculinisant pour les besoins de l’art mi- litaire. Mais la virilité a aussi évolué. En s’écolo- gisant notamment : « Il y a une autre con- ception qui s’est mise à l’avant, qui est une virilité plus “écologique”, davantage fon- dée sur l’engagement, le courage, l’opiniâ- treté, l’humanitaire. Il s’agit d’une “virili- té sociale” qui bat en brèche la “virilité in- dividuelle”. » Cette dimension plus collective est répa- ratrice : « Du coup, les gringalets qui ne sont pas valorisés dans les salles culturis- tes et sur les plages, trouvent des modes de valorisation différents. » A écouter notre philoso- phe du corps, le geek qui passe sa vie derrière son ordi au ris- que de la scoliose, ne déve- loppe guère que les mus- cles de son index à force de cliquer, est susceptible de se transfor- mer en un arché- type d’une nouvelle virilité. « L’héroïsation n’a pas disparu avec Fa- cebook et Twitter, confirme Bernard An- drieu. On va s’y vanter d’avoir fait un cer- tain nombre de choses. Cette virilité plus “écologique” est aussi celle des réseaux, où on va s’associer à d’autres individus pour apparaître plus fort par rapport à des cau- ses. Je pense notamment aux révoltes ara- bes, aux Indignés, ce qui se passe au Cana- da aujourd’hui. Tous ces mouvements col- lectifs où le corps individuel prend des atti- tudes d’affrontements virils avec les forces de l’ordre, mais au service d’un idéal plus grand que lui. » Ceux qui pensent que la puissance et la domination sexuelles constituent les seu- les marques de virilité, chose que pourrait laisser accroire aujourd’hui la banalisa- tion de la pornographie, peuvent donc al- ler se rhabiller. Leurs arguments sont d’ail- leurs à la baisse (lire ci-contre). « La socié- té ne valorise plus forcément l’érection com- me un signe de cette virilité, souligne dans la foulée Bernard Andrieu. Les femmes el- les-mêmes ont acquis une certaine autono- mie dans les modes de satisfaction et l’hom- me qui pensait trouver simplement dans son sexe l’expression de sa virilité est en cri- se. Il est obligé de la déplacer vers d’autres domaines, qui sont classiquement la réus- site sociale, l’argent, l’apparence, etc. » Au- tant de signes remis en cause par une au- tre crise, économique et financière celle- là. On n’est jamais sûr de rien. Répétons-le donc haut et fort : la virilité ne passe pas que par le physique et les ap- parences, loin là. Marilyn Monroe écrivait ainsi dans son journal que la virilité de l’es- prit et la vivacité intellectuelle peuvent mettre le corps entre parenthèses pour se retrouver dans le geste de l’artiste, du créa- teur, de l’ingénieur ou de l’artisan… Les préjugés ont toutefois la vie dure. Etre viril sous le diktat du jeunisme passe souvent par l’obligation d’être ou de rester jeune. Aucun fabricant de blockbusters ne songerait aujourd’hui à réaliser un James Bond avec un Roger Moore, alors la soixan- taine sonnante et bedonnante, comptant fleurette à de jolies espionnes sorties de l’œuf. Et pourtant, on peut être vieux et vi- ril, en dépit de la fuite en avant des testos- térones. Sexologues et psychologues s’ac- cordent à dire qu’au crépuscule de l’hom- me, la « qualité dans l’intensification » va s’imposer lors de l’acte sexuel, moment où la force physique et/ou morale s’exprime- ra « dans un moment bref et très intense ». La jeunesse, elle, cherche la multiplica- tion des ébats, la force étant alors disponi- ble en quantité… Mais, à nouveau, que valent ces expres- sions de la virilité face à la détermination et à la fragilité d’un Clint Eastwood dans Impitoyable (72 ans lors de la sortie du film), à la force morale d’un Nelson Man- dela (94 ans) ou à l’extrême assurance in- tello-urbaine d’un BHL (64 ans). Qu’on se rassure : pour paraphraser Andy Warhol, chacun aura droit à ses quinze minutes de virilité. PASCAL MARTIN PHILIPPE RODRIGUES ROULEAU (St.) (1) Prénom d’emprunt pour une histoire vraie. Il a le mérite d’être absent de la rédaction du Soir. (2) Histoire de la virilité en trois tomes sous la direc- tion d’Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Geor- ges Vigarello, Paris, 2011. Editions du Seuil. Des couleurs et des hommes Ou pourquoi le rose souligne à merveille votre virilité, Mes- sieurs. Le sens du beau « Les proportions entre la tige du sexe et le gland doivent être harmonieuses, c’est-à-dire que ce dernier doit avoir une lon- gueur légèrement supérieure à celle de la verge dressée. Le mem- bre en érection a une légère courbe concave [...] Au-delà de 14 centimètres de longueur, quand ces proportions sont respectées, le sexe de l’homme, quand il est érigé, ne peut que séduire la femme par son harmonie. Le gland, découvert, agressif, a un as- pect lisse, brillant, une coloration rose foncé qui excite le désir du sexe opposé. Alors qu’un membre flasque, dont le gland est petit, mal formé, de teinte livide, ne peut que l’éteindreMarcel Rouet, culturiste et docteur en psychosomatique, dans Virilité et puissance sexuelle, Puget-sur-Argent, 1990. EN AVOIR OU PAS L’histoire d’un nom qui tire son appellation d’un lieu. Chaque jour, pendant l’été. Le Tarzoon de Picha et ce bon vieux Zeus. On peut marquer les imagina- tions sans être gaulé comme un âne. La virilité a mille autres facettes. Un certain sens de la dérision ou une bon- ne culture, par exemple. © D. R. ANNE-SOPHIE LEURQUIN « Une virilité plus “écologique”, davantage fondée sur l’engage- ment, le courage, l’opiniâtreté, l’humanitaire » « La virilité est une attitude de genre, un choix, un style d’existence, un mode de vie » MORCEAU CHOISI SOIR D’ÉTÉ Viril à l’horizontale « et » à la verticale. C’est le défi imposé à l’homme par la société. Mais impossible d’être bon en tout. Il faut savoir composer, innover. S on entrejambe a fait la une en juillet dernier. Un Américain de 41 ans, Jonah Falcon, a été re- foulé aux contrôles de sécurité de l’aéroport de San Francisco pour cause de pénis trop proéminent. C’est qu’avec ses 22,8 cm au repos (33 cm en érection), la verge de M. Falcon passe rarement inaper- çue. Les agents croyaient qu’ils dissimulaient un objet dange- reux dans son pantalon. Gageons que plusieurs hom- mes se seraient accommodés de vivre pareille humiliation ! Le phallus de celui que le magazine Rolling Stones a surnommé Mr. Big est pourtant une exception. D’après une étude publiée en oc- tobre 2011 par l’Académie natio- nale de chirurgie de France, un pénis « assoupi » mesure en moyenne entre 9 et 9,5 cm, et en- tre 12,8 et 14,5 cm à l’état d’« éveil ». D’autres statistiques existent. Selon des chercheurs de l’Université de Californie, seuls 2,5 % des hommes réussissent des érections de plus de 17,4 cm. Le pénis du commun des mortels (68 %) mesure entre 11,7 et 15,2 cm au garde-à-vous. Une source d’angoisse Qu’à cela ne tienne, ces mesu- res réconfortantes ne parvien- nent pas à apaiser nombre d’hom- mes, pour qui grosse verge rime avec grosse virilité. Le Dr. Robert Andrianne, urologue à Liège, le confirme : « Deux hommes sur trois ont un jour pensé que leur verge était trop petite ». Mais, nuance le spécialiste, « la plu- part en guérissent, sauf un pour- centage moindre ». Ces éternels insatisfaits souffrent de ce que les urologues appellent familière- ment le « syndrome du vestiai- re ». La facilité d’accès à la pornogra- phie sur Internet a en outre impo- sé de nouveaux « standards » de virilité. Coïncidence ou pas : hausse observée des opérations d’allongement du pénis. Mais de telles chirurgies appor- tent-elles la virilité à ceux qui ont toujours cru en être dénués ? « Poserait-on la même question à une femme qui se met des im- plants dans les seins ? », réplique Bernard Andrieu, philosophe du corps à l’Université Nancy II. « Si une personne vit mal avec son corps, poursuit-il, et si elle croit que cette virilité passe par une transformation physique, pour- quoi pas ? On voit bien que la chi- rurgie esthétique fait partie d’un processus de ré-estime de soi. Les gens vont rechercher quelque cho- se comme une réappropriation d’eux-mêmes, sans quoi ils ont l’impression de ne pas être virils. » Si ces hommes pouvaient faire la tournée des vestiaires de gym, ils verraient que le pénis – avec un grand P – n’a jamais été aussi petit. C’est du moins ce que révè- le une étude italienne, menée au- près d’hommes dans la vingtai- ne. Les résultats sont trou- blants : la verge est plus courte de 10 % aujourd’hui qu’il y a 60 ans. Les pénis au repos mesu- raient en moyenne 9,7 cm en 1948, alors qu’ils peinent à dé- passer les 9 cm aujourd’hui. Qu’adviendra-t-il de la virilité dans quelques générations ? Du moins de la virilité par l’organe ? La question peut paraître trivia- le, et pourtant les scientifiques n’entendent pas en rire. D’une part, le rétrécissement des bis- touquettes pourrait être lié à l’augmentation de l’obésité chez les jeunes. Un surpoids tend à augmenter les quantités d’œstro- gène au détriment de la testosté- rone, l’hormone responsable de la croissance du phallus. D’autre part, les experts soupçonnent l’épandage de pesticides d’être une cause de ce rabotage. Ceux- ci perturberaient l’équilibre hor- monal du fœtus mâle, lové dans le ventre de sa mère. Ils influe- raient sur la taille du pénis, mais aussi sur le développement de malformations péniennes. PHILIPPE RODRIGUES-ROULEAU (ST.) SOIR D’ÉTÉ C’EST DU VÉCU AU XVII e siècle, les hussards croates se distinguaient par un bout de tissu élé- gamment noué autour du cou. Ainsi naquit la cravate. © D. R. La cravate des soldats croates Leçon 1 Tout n’est pas dans la culotte (heureusement) Chaque homme en a (en principe). Deux. Suspendus dans le scrotum. Là se situe à la fois le siège de sa virilité – ou du moins de sa fécondi- té- et ce qu’il a de plus fragile. La souffrance que doit engendrer un coup dans ces parties très intimes est inimaginable pour une fille. Et pourtant on a sans doute toutes pu observer la désarmante sensa- tion d’impuissance que procure un homme – ou un petit garçon – qui se tord de douleur après avoir été frappé là, dans ces petites cho- ses fragiles. Les bourses ou la vie... Comme l’auteur japonais Haruki Murakami le suggère dans son der- nier roman, via le personnage d’Aomamé, une femme spéciali- sée dans les cours d’auto-défense : « Ces attributs sensibles qui pen- dillent – si l’on ose dire –, c’est la plus grande faiblesse des mâles. » Une faiblesse revendiquée. Trans- formée en fierté toute virile : il n’y a pas pire insulte pour ledit mâle que de s’entendre dire qu’il n’en a pas… En Italie c’est même considé- ré comme un délit punissable d’une amende. La plus haute ins- tance judiciaire italienne a récem- ment rendu un jugement condam- nant un avocat qui avait ainsi insul- té son cousin juge de paix en plein tribunal. L’expression implique « non seulement un manque de viri- lité de la personne visée, mais aussi une faiblesse de caractère, un man- que de détermination, de compéten- ce et de cohérence, autant de ver- tus, qui, à tort ou à raison, sont identi- fiées comme apparte- nant au genre mascu- lin », a statué le juge. C’est central et sensible, on le voit. Et bien dissimulé : on ne les aper- çoit qu’au travers d’un slip de bain – heureusement en voie de dispari- tion – ou d’un boxer kangourou, plus répandu et quand même va- chement sexy, surtout quand il est porté par David Beckham. Le médecin les appelle des testicu- les. Dans le langage plus familier, voire vulgaire, la liste des synony- mes imagés est longue : burettes, burnes, coucougnettes, roubigno- les, roupettes, roustons, valseuses. Le plus répandu est sans aucun contexte le mot couille qui a don- né lieu a de multiples expressions qui valent leur pesant d’or. Entre le couillu et le couillon, nulle com- mune mesure. Et si on vous les cas- se, ce n’est pas spécialement l’uro- logue qu’il faut aller trouver… C’est que ça part en couille. Et si on s’offrait quinze minutes de virilité ? Le Soir Lundi 20 août 2012 Le Soir Lundi 20 août 2012 14 15 1NL www.lesoir.be

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19/08/12 18:49 - LE_SOIR du 20/08/12 - p. 14

S i vous passez vos vacances enCroatie, vous reviendrez

peut-être avec une cravate. Nonpas que le col cravate soit de ri-gueur sur les plages de Split oude Dubrovnik, mais parce que lacravate est une invention desCroates.

L’histoire commence au débutdu XVIIe siècle. Toute l’Europeest en guerre. Catholiques contreprotestants, c’est la guerre deTrente Ans. Pendant plusieurs,années, la France de Louis XIIIréussit à se tenir éloignée du con-flit. Mais en 1635, elle n’a plusd’autre choix que de s’impliquerà son tour.

A l’époque, il n’y a pas encored’armée de métier. Les belligé-rants emploient principalementdes mercenaires. Richelieu char-ge donc deux de ses maréchauxde lever une troupe de 1.600 hom-mes. Leur choix se porte sur dessoldats croates qui, jusque-là, tra-vaillaient au service de l’Espa-gne. Ils ont fait forte impressionlorsqu’ils ont déferlé sur la Picar-die. Ils ont même créé un mouve-ment de panique à Paris où l’on acraint qu’ils puissent arriver. Cesont des hussards, des soldats dela cavalerie légère. Ils sont très ra-pides, très agiles, très habiles. LaFrance décide donc de les recru-ter.

Comme la plupart des soldatsde l’époque, les hussards croatesne portent pas d’uniforme parti-culier. Ils ont cependant un signedistinctif : une fine bande d’étof-fe, une espèce d’écharpe nouéeautour du cou. C’est une vieilletradition croate. Quand un hom-me part à la guerre, sa femme luioffre une écharpe en signe de safidélité et pour qu’il ne l’oubliepas. Chaque fois qu’il nouera cet-te écharpe, il songera à sa femmeet à sa famille restées au pays.

En France, les guerriers croa-tes frappent les esprits. Par leurardeur au combat, on l’a dit, maisaussi en raison de leur écharpe…qui va bientôt faire fureur à lacour de Louis XIII.

La corde au couDans ces années-là, les mes-

sieurs ont l’habitude de porter dela dentelle autour du cou. Il y ad’abord eu les fraises, de largescollerettes plissées – tellementlarges et tellement encombran-tes qu’elles entravaient les mou-vements. Peu à peu, la fraise s’estdonc éclipsée au profit du jabotfixé sur le plastron. Mais lorsqueles Croates arrivent avec leurécharpe simplement nouée, lescourtisans trouvent cela incroya-blement élégant.

En langue croate, Croatie se dit« Hrvatska », croate « hrvats-ki ». C’est ainsi que naît le mot« cravate ».

En 1643, à la mort de LouisXIII, son fils, Louis XIV héritedu trône… et d’un attrait pour lacravate. Il crée même au palaisla fonction de cravatier. Le Roia déjà à son service un GrandMaître de la Garde-Robe, maisil souhaite qu’une personnepuisse se consacrer exclusive-ment à ses cravates, générale-ment de larges cravates de den-telle blanche qu’il faut choisir,assortir, nouer et ajuster.

Evidemment, si le roi de Fran-ce porte la cravate, tout le mon-de se doit de la porter… LouisXIV est imité. Notamment parle roi d’Angleterre, Charles II.Et à partir de là, de fil en ai-guille, la cravate va s’imposer àtravers le monde et traverser lesépoques.

Elle est un temps menacée dedisparition au moment de la Ré-volution. Elle ne survit d’ail-leurs ni à la révolution chinoise,qui impose le col Mao, ni à la ré-volution iranienne des mollahs,qui la considèrent comme unsymbole de l’impérialisme occi-dental.

Chez nous, malgré l’évolutiondes modes, elle demeure un in-contournable de la garde-robemasculine. « Tant vaut l’hom-me, tant vaut la cravate », di-sait Balzac.

Certains y voient aujourd’huiun symbole phallique. C’est ou-blier un peu vite que, pour lessoldats croates, ce petit boutd’étoffe était d’abord le signed’attachement à une femme. Lafemme qui avait réussi à leurmettre la corde au cou ! ■

CHRISTINE MASUY

La virilité c’est toute une histoire (1/6)bermuda & panama Demain

La série en radioRetrouvez la série bermuda &panama en radio, sur La Pre-mière. Chaque matin vers9 h 15, Christine Masuy racon-te comment un nom de lieuest entré dans la langue.

� Demain : Les gémisse-ments des Gémonies

Karl (1) s’est levé un beau matinparticulièrement fier de lui lors-qu’il a découvert ce petit motdans son bol à céréales : « Quel-le nuit fantastique, mon chéri !

En espérant que tu sois un jour aussi virilà la verticale qu’à l’horizontale. »

Tout à son triomphe nocturne, Karl n’apas tout de suite saisi la perfidie du pro-pos. Mais, lorsqu’il s’est retrouvé devantson café tel un George Clooney en pré-chauffage, son franc est tombé : à lire lemot doux d’Andreia, sa petite amie, sa viri-lité n’aurait jamais débordé de leurs ébats.Le reste du temps, sa vigueur revendiquéen’avait donc que la verticalité d’un chiconcuit. Lui, Karl, prénom dont l’étymologiegermanique signifie « fort et puissant ».

Un grand vide s’est alors installé en Karlqui s’est senti dégonfler par le caoutchoucporeux de son ego. Il s’est jeté dans une li-brairie comme on se jette à la mer pour endévaliser la presse féminine, mais aussipour faire cette trouvaille nommée Histoi-re de la virilité (2), un ouvrage replet bour-ré d’attitudes mâles antiques et contempo-raines, susceptibles de lui attirer envie etconsidération. Une admiration incom-pressible, un cri triomphal : « Ça, c’est unhomme ! »

Andreia, chère vieille chose, il y a unbout de temps que tu tarabustes les hom-mes. Dans l’Histoire de la virilité qu’ontpubliée en 2011 Alain Corbin, Jean-Jac-ques Courtine et Georges Vigarello, on dé-couvre qu’avant d’être la petite amie deKarl, Andreia fut un terme grec ancien quidisait déjà ce que le mot latin vir installerapour longtemps dans nombre de languesoccidentales, « virilita », « virilité » « viri-lity » : principes de comportements etd’actions désignant, en Occident, les quali-tés de l’homme achevé, autrement dit, le« plus parfait du masculin ».

A l’époque, le plus parfait du masculinne consiste pas à partager les travaux mé-nagers. C’est le courage à la guerre, lavaillance, la domination sexuelle. Mais

contrairement à ce que l’on pourrait pen-ser, la valorisation de cette gymnastiquene désignait pas « l’homme ». Mais « ce-lui qui représente au mieux, et au plusloin, le masculin », écrit l’historien Geor-ges Vigarello. En face, les trembleurs, leshésitants, les peureux étaient stigmatisés.Du jeune spartiate au chevalier médiéval,la construction de la virilité passait par lapuissance et le choc.

A l’époque, il était donc assez difficile depasser pour viril sans afficher bosses, ec-chymoses et cicatrices. Etre refroidi ettranspercé de toutes parts lors d’un com-bat vous ouvrait le panthéon de la virilité.Heureusement pour notre ami Karlqu’une goutte de sang effraie, cette concep-tion a évolué. Il y a cent manières d’êtreviril, même si le culte de la force guerrièrea continué à traverser les siècles pour arri-ver jusqu’à nous. Viril, on peut l’être parl’attitude, la morale, le poil, le geste, lesport, la paresse, la découverte, la manièrede porter le chapeau (dans tous les sens duterme), l’appartenance déclarée à une clas-se sociale, la braguette et l’estomac, la jam-be et même le mollet. La fragilité.

La virilité est en fait moins primairequ’il n’y paraît. Bernard Andrieu est philo-sophe du corps à l’Université Nancy II :« Pour moi, analyse ce scientifique, la viri-lité n’a rien à voir avec une attitude natu-relle. C’est plutôt une attitude de genre, unchoix, un style d’existence, un mode de vie,et qui n’est donc pas lié nécessairement àun sexe ou à une biologie. »

Mais alors, que faire ? Pas de panique :« Je pense que le stéréotype de la virilitéphysique se poursuit, assure Bernard An-drieu. Par exemple à travers l’iconogra-phie gaie, voyez Têtu, toute cette iconogra-phie culturiste du corps mâle, puissant,etc. » On pourrait y ajouter côté hétéro, lesmatchs de catch, les concours de gonflet-

tes ou les campagnes de recrutement denotre Défense nationale, lesquelles« dégenrent » les recrues féminines en lesmasculinisant pour les besoins de l’art mi-litaire.

Mais la virilité a aussi évolué. En s’écolo-gisant notamment : « Il y a une autre con-ception qui s’est mise à l’avant, qui est unevirilité plus “écologique”, davantage fon-dée sur l’engagement, le courage, l’opiniâ-treté, l’humanitaire. Il s’agit d’une “virili-té sociale” qui bat en brèche la “virilité in-dividuelle”. »

Cette dimension plus collective est répa-ratrice : « Du coup, les gringalets qui nesont pas valorisés dans les salles culturis-tes et sur les plages, trouvent des modes devalorisation différents. »

A écouter notre philoso-phe du corps, le geekqui passe sa viederrière sonordi au ris-que de lascoliose,ne déve-loppeguère queles mus-cles deson indexà force decliquer, estsusceptiblede se transfor-mer en un arché- type d’une nouvellevirilité.

« L’héroïsation n’a pas disparu avec Fa-cebook et Twitter, confirme Bernard An-drieu. On va s’y vanter d’avoir fait un cer-tain nombre de choses. Cette virilité plus“écologique” est aussi celle des réseaux, oùon va s’associer à d’autres individus pourapparaître plus fort par rapport à des cau-ses. Je pense notamment aux révoltes ara-bes, aux Indignés, ce qui se passe au Cana-da aujourd’hui. Tous ces mouvements col-lectifs où le corps individuel prend des atti-tudes d’affrontements virils avec les forcesde l’ordre, mais au service d’un idéal plusgrand que lui. »

Ceux qui pensent que la puissance et ladomination sexuelles constituent les seu-les marques de virilité, chose que pourraitlaisser accroire aujourd’hui la banalisa-tion de la pornographie, peuvent donc al-ler se rhabiller. Leurs arguments sont d’ail-leurs à la baisse (lire ci-contre). « La socié-té ne valorise plus forcément l’érection com-me un signe de cette virilité, souligne dansla foulée Bernard Andrieu. Les femmes el-les-mêmes ont acquis une certaine autono-mie dans les modes de satisfaction et l’hom-me qui pensait trouver simplement dansson sexe l’expression de sa virilité est en cri-se. Il est obligé de la déplacer vers d’autresdomaines, qui sont classiquement la réus-site sociale, l’argent, l’apparence, etc. » Au-tant de signes remis en cause par une au-tre crise, économique et financière celle-là. On n’est jamais sûr de rien.

Répétons-le donc haut et fort : la viriliténe passe pas que par le physique et les ap-parences, loin là. Marilyn Monroe écrivaitainsi dans son journal que la virilité de l’es-prit et la vivacité intellectuelle peuvent

mettre le corps entre parenthèses pour seretrouver dans le geste de l’artiste, du créa-teur, de l’ingénieur ou de l’artisan…

Les préjugés ont toutefois la vie dure.Etre viril sous le diktat du jeunisme passesouvent par l’obligation d’être ou de resterjeune. Aucun fabricant de blockbusters nesongerait aujourd’hui à réaliser un JamesBond avec un Roger Moore, alors la soixan-taine sonnante et bedonnante, comptantfleurette à de jolies espionnes sorties del’œuf. Et pourtant, on peut être vieux et vi-ril, en dépit de la fuite en avant des testos-térones. Sexologues et psychologues s’ac-cordent à dire qu’au crépuscule de l’hom-me, la « qualité dans l’intensification » va

s’imposer lors de l’acte sexuel, moment oùla force physique et/ou morale s’exprime-ra « dans un moment bref et très intense ».La jeunesse, elle, cherche la multiplica-tion des ébats, la force étant alors disponi-ble en quantité…

Mais, à nouveau, que valent ces expres-sions de la virilité face à la déterminationet à la fragilité d’un Clint Eastwood dansImpitoyable (72 ans lors de la sortie dufilm), à la force morale d’un Nelson Man-dela (94 ans) ou à l’extrême assurance in-tello-urbaine d’un BHL (64 ans). Qu’on serassure : pour paraphraser Andy Warhol,chacun aura droit à ses quinze minutes devirilité. ■ PASCAL MARTIN

PHILIPPE RODRIGUES ROULEAU (St.)

(1) Prénom d’emprunt pour une histoire vraie. Il a le

mérite d’être absent de la rédaction du Soir.

(2) Histoire de la virilité en trois tomes sous la direc-

tion d’Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Geor-

ges Vigarello, Paris, 2011. Editions du Seuil.

Des couleurs

et des hommesOu pourquoi le rosesouligne à merveillevotre virilité, Mes-sieurs.

Le sens du beau« Les proportions entre la tige du sexe et le gland doivent êtreharmonieuses, c’est-à-dire que ce dernier doit avoir une lon-gueur légèrement supérieure à celle de la verge dressée. Le mem-bre en érection a une légère courbe concave [...] Au-delà de 14centimètres de longueur, quand ces proportions sont respectées,le sexe de l’homme, quand il est érigé, ne peut que séduire lafemme par son harmonie. Le gland, découvert, agressif, a un as-pect lisse, brillant, une coloration rose foncé qui excite le désirdu sexe opposé. Alors qu’un membre flasque, dont le gland estpetit, mal formé, de teinte livide, ne peut que l’éteindre. »

Marcel Rouet, culturiste et docteur en psychosomatique,dans Virilité et puissance sexuelle, Puget-sur-Argent, 1990.

ENAVOIROU PAS

L’histoire d’un nom qui tireson appellation d’un lieu.Chaque jour, pendant l’été.

Le Tarzoon de Picha et ce bon vieux

Zeus. On peut marquer les imagina-

tions sans être gaulé comme un âne.

La virilité a mille autres facettes. Un

certain sens de la dérision ou une bon-

ne culture, par exemple. © D. R.

ANNE-SOPHIE LEURQUIN

« Une virilité plus “écologique”,davantage fondée sur l’engage-ment, le courage, l’opiniâtreté,l’humanitaire »

« La virilité est une attitudede genre, un choix,un style d’existence,un mode de vie »

MORCEAU CHOISI

SOIRD’ÉTÉ

Viril à l’horizontale« et » à la verticale.

C’est le défi imposé à l’hommepar la société. Mais impossible d’êtrebon en tout. Il faut savoir composer,

innover.

S on entrejambe a fait la une enjuillet dernier. Un Américain

de 41 ans, Jonah Falcon, a été re-foulé aux contrôles de sécurité del’aéroport de San Francisco pourcause de pénis trop proéminent.C’est qu’avec ses 22,8 cm au repos(33 cm en érection), la verge deM. Falcon passe rarement inaper-çue. Les agents croyaient qu’ilsdissimulaient un objet dange-reux dans son pantalon.

Gageons que plusieurs hom-mes se seraient accommodés devivre pareille humiliation ! Lephallus de celui que le magazineRolling Stones a surnommé Mr.Big est pourtant une exception.D’après une étude publiée en oc-tobre 2011 par l’Académie natio-nale de chirurgie de France, unpénis « assoupi » mesure enmoyenne entre 9 et 9,5 cm, et en-tre 12,8 et 14,5 cm à l’étatd’« éveil ». D’autres statistiquesexistent. Selon des chercheurs del’Université de Californie, seuls2,5 % des hommes réussissentdes érections de plus de 17,4 cm.Le pénis du commun des mortels(68 %) mesure entre 11,7 et 15,2cm au garde-à-vous.

Une source d’angoisseQu’à cela ne tienne, ces mesu-

res réconfortantes ne parvien-nent pas à apaiser nombre d’hom-mes, pour qui grosse verge rimeavec grosse virilité. Le Dr. Robert

Andrianne, urologue à Liège, leconfirme : « Deux hommes surtrois ont un jour pensé que leurverge était trop petite ». Mais,nuance le spécialiste, « la plu-part en guérissent, sauf un pour-centage moindre ». Ces éternelsinsatisfaits souffrent de ce que lesurologues appellent familière-ment le « syndrome du vestiai-re ».

La facilité d’accès à la pornogra-phie sur Internet a en outre impo-sé de nouveaux « standards » devirilité. Coïncidence ou pas :hausse observée des opérationsd’allongement du pénis.

Mais de telles chirurgies appor-tent-elles la virilité à ceux qui onttoujours cru en être dénués ?« Poserait-on la même question àune femme qui se met des im-plants dans les seins ? », répliqueBernard Andrieu, philosophe ducorps à l’Université Nancy II. « Siune personne vit mal avec soncorps, poursuit-il, et si elle croitque cette virilité passe par unetransformation physique, pour-quoi pas ? On voit bien que la chi-rurgie esthétique fait partie d’unprocessus de ré-estime de soi. Lesgens vont rechercher quelque cho-se comme une réappropriationd’eux-mêmes, sans quoiils ont l’impression dene pas être virils. »

Si ces hommespouvaient faire

la tournée des vestiaires de gym,ils verraient que le pénis – avecun grand P – n’a jamais été aussipetit. C’est du moins ce que révè-le une étude italienne, menée au-près d’hommes dans la vingtai-ne. Les résultats sont trou-blants : la verge est plus courtede 10 % aujourd’hui qu’il y a 60ans. Les pénis au repos mesu-raient en moyenne 9,7 cm en1948, alors qu’ils peinent à dé-passer les 9 cm aujourd’hui.

Qu’adviendra-t-il de la virilitédans quelques générations ? Dumoins de la virilité par l’organe ?La question peut paraître trivia-le, et pourtant les scientifiquesn’entendent pas en rire. D’unepart, le rétrécissement des bis-touquettes pourrait être lié àl’augmentation de l’obésité chezles jeunes. Un surpoids tend àaugmenter les quantités d’œstro-gène au détriment de la testosté-rone, l’hormone responsable dela croissance du phallus. D’autrepart, les experts soupçonnentl’épandage de pesticides d’êtreune cause de ce rabotage. Ceux-ci perturberaient l’équilibre hor-monal du fœtus mâle, lové dansle ventre de sa mère. Ils influe-raient sur la taille du pénis, maisaussi sur le développement de

malformations péniennes. ■ PHILIPPE

RODRIGUES-ROULEAU

(ST.)

SOIRD’ÉTÉ

C’EST DU VÉCU

AU XVIIe siècle, les hussards croates se distinguaient par un bout de tissu élé-

gamment noué autour du cou. Ainsi naquit la cravate. © D. R.

La cravatedes soldats croates

Leçon 1Tout n’est pasdans la culotte(heureusement)

Chaque homme en a (en principe).Deux. Suspendus dans le scrotum.Là se situe à la fois le siège de savirilité – ou du moins de sa fécondi-té- et ce qu’il a de plus fragile. Lasouffrance que doit engendrer uncoup dans ces parties très intimesest inimaginable pour une fille. Etpourtant on a sans doute toutespu observer la désarmante sensa-tion d’impuissance que procureun homme – ou un petit garçon –qui se tord de douleur après avoirété frappé là, dans ces petites cho-ses fragiles. Les bourses ou la vie...Comme l’auteur japonais HarukiMurakami le suggère dans son der-nier roman, via le personnaged’Aomamé, une femme spéciali-sée dans les cours d’auto-défense :« Ces attributs sensibles qui pen-dillent – si l’on ose dire –, c’est laplus grande faiblesse des mâles. »Une faiblesse revendiquée. Trans-formée en fierté toute virile : il n’ya pas pire insulte pour ledit mâleque de s’entendre dire qu’il n’en apas… En Italie c’est même considé-ré comme un délit punissabled’une amende. La plus haute ins-tance judiciaire italienne a récem-ment rendu un jugement condam-nant un avocat qui avait ainsi insul-té son cousin juge de paix en pleintribunal. L’expression implique« non seulement un manque de viri-lité de la personne visée, mais aussiune faiblesse de caractère, un man-que de détermination, de compéten-ce et de cohérence, autant de ver-

tus, qui, à tort ou àraison, sont identi-fiées comme apparte-

nant au genre mascu-lin », a statué le juge.

C’est central et sensible, on le voit.Et bien dissimulé : on ne les aper-çoit qu’au travers d’un slip de bain– heureusement en voie de dispari-tion – ou d’un boxer kangourou,plus répandu et quand même va-chement sexy, surtout quand il estporté par David Beckham.Le médecin les appelle des testicu-les. Dans le langage plus familier,voire vulgaire, la liste des synony-mes imagés est longue : burettes,burnes, coucougnettes, roubigno-les, roupettes, roustons, valseuses.Le plus répandu est sans aucuncontexte le mot couille qui a don-né lieu a de multiples expressionsqui valent leur pesant d’or. Entrele couillu et le couillon, nulle com-mune mesure. Et si on vous les cas-se, ce n’est pas spécialement l’uro-logue qu’il faut aller trouver…C’est que ça part en couille.

Et si on s’offraitquinze minutes de virilité?

Le Soir Lundi 20 août 2012 Le Soir Lundi 20 août 2012

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1NL www.lesoir.be

Page 2: Le Soir SOIRD’ÉTÉ bermuda & panama Etsions’offrait · peut-être avec une cravate. Non pas que le col cravate soit de ri- ... que faire ? Pas de panique : ... scoliose, ne déve-loppe

20/08/12 18:40 - LE_SOIR du 21/08/12 - p. 14

D e quelqu’un dont on dit dumal – beaucoup de mal –,

on dit qu’on le voue aux gémo-nies. Les gémonies, c’est un esca-lier de la Rome antique… oùétaient exposés les corps des con-damnés.

Tous les chemins mènent à Ro-me. Et dans la Rome antique,tous les chemins mènent au fo-rum. En des temps très anciens,le forum était une espèce de mar-ché. On y trouvait des bouchers,des poissonniers et toutes sortesd’autres boutiquiers. Ces com-merces générant pas mal de dé-chets et plus encore d’odeurs,tous ces gens ont un jour étépriés d’aller s’installer ailleurs.Peu à peu, dans la Rome impéria-le, le forum devient plutôt le cen-tre civique de la cité. C’est notam-ment là qu’est rendue la justice.Et lorsqu’un citoyen est condam-né, il ne faut pas l’emmener bienloin puisque c’est également làque se situe la prison.

Cette prison, que l’on appelle« le Tullianum », est en fait uneenfilade de cachots souterrainscreusés au pied de la colline duCapitole qui domine le forum.C’est à cet endroit, selon la tradi-tion, qu’auraient été détenussaint Pierre et saint Paul avant demourir en martyrs.

On ne reste généralement quetrès peu de temps dans cette pri-son puisque c’est aussi un lieud’exécution. A l’époque, on étran-gle les condamnés dans leur cellu-le, à l’aide d’une cordelette. Ilfaut cependant que cela served’exemple au peuple. Une fois lecondamné exécuté, on sort doncle corps du cachot, à l’aide d’uncroc, et on l’expose en place publi-que.

A Rome, pour qu’il soit bien vi-sible, on pose le corps des suppli-ciés sur un escalier qui mène duforum à la colline du Capitole, unescalier que l’on appelle scalae ge-moniae, l’escalier des Gémonies.On peut ainsi lire chez ValèreMaxime, un auteur antique, àpropos d’un condamné : « Il ren-dit le dernier soupir dans la pri-son publique et son corps, déchirépar la main du bourreau et laissésur les marches des Gémonies, futpour tout le forum l’objet d’unhorrible spectacle. » Une fois lespectacle terminé, les restes dumalheureux sont jetés dans leTibre.

Petits meurtres entre amisDe très nombreux condamnés

ont ainsi été voués aux gémonies.Notamment Vercingétorix, lechef gaulois, fait prisonnier parCésar après la bataille d’Alésia.Comme beaucoup d’autres, il fini-ra étranglé puis jeté dans le fa-meux escalier. Le mot « gémo-nies » vient en fait du verbe « gé-mir ». C’est donc, littéralement,l’escalier des gémissements…

L’escalier des Gémonies esttrès utilisé sous Tibère, empe-reur au Ier siècle de notre ère. Ti-bère fait agrandir la prison, leTullianum, et il multiplie les exé-cutions. Suétone écrit de Tibè-re : « Il veut du sang ; le vin luidevient insipide. Comme de vinjadis, de sang il est avide. »

Parmi les proches de Tibère,il y a Séjan. C’est son ami, sonconfident et au fil des années,Séjan devient en quelque sortele numéro deux de l’Empire.Lorsque Tibère se retire quel-que temps dans son île de Capri,par exemple, c’est lui qui règnesur Rome. Mais Séjan rêve dedevenir calife à la place du cali-fe… Pour atteindre son objectif,il fait empoisonner le fils de Ti-bère, puis il séduit la veuve et de-mande sa main, espérant ainsientrer dans la famille impérialeet devenir un jour empereur àson tour. Tibère n’est pas dupe.Séjan est condamné à mort et,comme tous les condamnés àmort, il est voué aux gémonies.Pour que sa vengeance soit com-plète, Tibère exige aussi que lesdeux enfants de Séjan, un petitgarçon et une petite fille, soientégalement exécutés. Et commeil n’est pas permis d’exécuterune vierge, on raconte que lafillette est violée par le bourreauavant l’exécution de la sentence.

Tibère est un tyran. Les Ro-mains le détestent. Lorsqu’ilmeurt, en l’an 37, le peuple n’hé-site pas à manifester sa joie. Cer-tains voudraient même que l’onexpose son corps aux Gémoniespuis qu’il finisse dans le Tibre. Ilsera finalement incinéré et inhu-mé, mais au milieu des huées. ■

CHRISTINE MASUY

La virilité c’est toute une histoire (2/6)

Inutile d’y aller par quatre che-mins : très longtemps, les gays onteu un œuf à peler avec la virilité.Remarquez, ce ne sont pas eux quiont pris l’initiative : leur définitionsociale à l’ère moderne, actionnéeévidemment par la gent hétéro-sexuelle, s’est d’abord opérée parle prisme de la féminité. L’émanci-pation homosexuelle masculine,dans les années 60 du siècle passé,a donc commencé par un investis-sement systématique, une quasi-appropriation, d’une imagerie co-difiée de la masculinité. Et quoi deplus codifié que… l’uniforme ? Lepremier, le plus emblématique dela période de l’émancipation ho-mosexuelle : celui de l’ouvrier. Bot-tines, jeans, T-shirt blanc (ou che-mise à carreaux) et, détail qui eutson heure de gloire, la petite mous-tache assortie de cheveux courts.Un look magnifié, en version body-buildée dans les années 70, parFreddie Mercury.Mais, comme autant de balises duterritoire imaginaire de la virilité,c’est tous les uniformes qui sont, sil’on ose dire, passés à la casserole :policier, pompier, militaire, ma-rin… Et insensiblement, plus lesgays sortaient du ghetto et en-traient dans le champ social visi-ble, plus ils truffaient de subver-sion et d’autodérision ces clichésde la virilité renvoyés au mondehétérosexuel. Le pompon : le grou-pe Village People, qui n’hésita pasà ajouter le cow-boy et l’Indien à lapanoplie des clichés gayifiés, aux-quels le monde hétéro ne vit pour-tant que du feu. (Il n’y voit tou-jours pas malice, à en juger par leshordes se trémoussant, aux fêtesde mariage au son de leur « YM-CA », ode à la galipette entre gar-çons.)Après l’exaltation du vêtement, cel-le du corps : se souvient-on encorequ’il y a une vingtaine d’années,ce sont les gays qui ont coloniséles salles de fitness, les extirpantdu monde fermé du culturisme ?De même que, parallèlement, ilsont commencé à piquer aux da-mes, et cette fois sans plus crain-dre de se faire traiter de femmelet-tes, les soins du visage et du corps,et autres parfums. Pour être unhomme, on voulait bien transpirer,mais pas jusqu’à emporter l’odeurdu vestiaire et de l’embrocation…Mais le plus fort allait venir : toutcet attirail d’une masculinité re-vue, c’étaient les mecs hétéros quiallaient commencer à se l’appro-prier. Comme ils se sont appropriéla boucle d’oreille, élément ô com-bien emblématique d’une homo-sexualité masculine féminisée !Tant et si bien qu’aujourd’hui, onfinit par penser que plus un hom-me se pomponne, plus il est…hétérosexuel !Imperceptiblement, minutieuse-ment, les gays se sont ainsi sortisdu réduit d’une pseudo-féminitéimaginée tel un stigmate par lemodèle hétéro-machiste domi-nant, pour réinstaller dans le main-stream de la société une imageriesublimée, et finement subvertie,de la virilité. Aujourd’hui, il n’y aplus que l’hétérosexuel pour êtreun homme qui s’ignore.

bermuda & panama Demain

La série en radioRetrouvez la série Bermuda &panama en radio, sur La Pre-mière. Chaque matin vers9 h 15, Christine Masuy racon-te comment un nom de lieuest entré dans la langue.

� Demain : Un aller-retourdepuis Hambourg

Si certains hommes aujourd’huin’ont plus aucun scrupule à arbo-rer fièrement une chemise roseou violette au travail, il est moinssûr que ces mêmes hommes ac-

cepteraient que leur fils de trois ans fré-quente une garderie aux couleurs de Bar-bie. C’est qu’après tout, pensent-ils, la viri-lité commence dès le berceau !

Et pourtant, s’il y a une chose qu’ensei-gne l’histoire de la mode, c’est que les vête-ments masculins d’hier deviennent sou-vent les vêtements féminins de demain.Les corsets, les robes (tuniques), les perru-ques et les dentelles ont longtemps étél’apanage du « sexe fort » avant que lesfemmes ne se les réapproprient à leur fa-çon. De la même manière, plusieurs cou-leurs ont migré de Mars à Vénus sansqu’on ne sache trop ni comment ni pour-quoi.

Selon Jo Paoletti, professeure associéeau département d’études américaines del’université du Maryland, l’attributiond’un genre aux couleurs est un phénomè-ne relativement récent. Pour la spécialistede l’habillement, il « n’existe d’ailleurs au-cune preuve historique que le rose ait étéconsidéré comme féminin ou non virilavant la moitié du XXe siècle ». C’était mê-me plutôt l’inverse…

Belgique, 1927. La princesse Astrid seprépare à accueillir son premier enfantqui, espère-t-elle, sera un garçon. Elle esttellement certaine de porter en elle un filsqu’elle décore la chambre du futur enfantd’une couleur très masculine : rose(NDLR : l’histoire ne dit pas si la princes-se reverra la décoration de la chambre lors-que l’enfant s’avérera finalement être unefille, Joséphine-Charlotte).

Rose ? Le magazine américain Time,qui rapporte la nouvelle dans ses pages,s’étonne de ce choix de couleur étonnantpour un petit garçon. La surprise est telleque la publication entreprend, la mêmeannée, une vaste enquête pour connaîtrela couleur des vêtements pour bébé à tra-vers les Etats-Unis.

Les résultats sont surprenants : les pe-tits garçons de Boston portent le rose, tan-dis que les petites filles portent le bleu.Idem à Chicago, Cleveland, San Franciscoet La Nouvelle-Orléans. Le stéréotype con-temporain (bleu pour garçons et rose pourfilles) s’applique, quant à lui, à Los Ange-les, Philadelphie et New York, encore que,dans la Grosse Pomme, le magasin Best’sfait cavalier seul en proposant des pyja-mas roses pour les garçonnets.

Dans le même temps, la confusion descouleurs existe aussi en Europe. Les mèresde Belgique ne sont pas les seules à vêtirleur bébé garçon de layettes roses ; cellesde Suisse et des Länder catholiques d’Alle-magne obéissent plus ou moins à la mêmerègle. Les Françaises, à l’inverse, optentplutôt pour leur bleu. Quant aux mères bri-tanniques, elles ont l’habitude de détermi-ner la couleur du pyjama de leur enfant enfonction de la teinte des yeux, sans tenircompte du sexe. Les poupons aux yeux noi-sette, par exemple, se voient plus souventaffublés de rose.

Le rose, une couleur virile ? « Le rose, àl’époque, était considéré comme une ver-sion pastel du rouge, et le rouge était consi-déré comme une couleur franche et mascu-line », explique Jo Paoletti, qui a décou-vert cette justification dans un vieux maga-zine de mode féminin de 1918. « Dans l’ar-ticle de ce magazine, précise Mme Paolet-ti, l’éditeur racontait avoir reçu des tonnesde demandes de la part des manufactu-riers et des détaillants pour que le magazi-ne tranche la question : le rose, c’est pourles filles ou les garçons ? Pour régler le pro-blème une fois pour toutes, le magazines’est donc prononcé en faveur du rose pourles garçons et du bleu pour les filles. »

Développer l’identité sexuelle ne faisaitpas partie, en outre, des priorités des pa-

rents de l’époque, loin de là. « Il y a un siè-cle, les enfants âgés de moins de cinq ansétaient perçus comme asexués, commen’ayant pas de sexualité. Les vêtir diffé-remment (NDLR : il était commun que lesbébés garçons portent des robes) aurait at-tiré leur attention sur leur différencesexuelle. Ainsi, souligner avec insistancele sexe d’un garçon de trois ans aurait ététrès mal vu en 1900, alors qu’en 2012 nepas souligner, à travers l’habillement, legenre de son enfant est jugé sévèrement.Nous sommes passés d’un extrême à l’au-tre ! », résume Jo Paoletti.

Si le rose apparaît aujourd’hui contraireà la virilité, il faudra attendre jusqu’à la findes années 1970 pour que le bleu, couleurdu parfait petit garçon, s’impose « virile-ment » en Occident. L’avènement de lapoupée Barbie en 1959 et de son imagerierose princesse contribue à ancrer le stéréo-type actuel dans les esprits. Le rose est parailleurs associé à l’homosexualité : à l’ins-tar des juifs d’Europe forcés de porterl’étoile jaune, les hommes homosexuels sevoient marqués d’un triangle inversé rosedurant la Seconde Guerre mondiale. Lesmouvements homosexuels à travers lemonde se réapproprieront ensuite ce sym-bole en signe de revendication de leurs

droits.Le rose n’est pas la seule couleur qui a

disparu de la garde-robe de monsieurpour garnir celle de madame. Le violet etses diverses teintes, autrefois associés à laroyauté et à la masculinité, sont repris parl’iconographie gay de la décennie 1970.Les mouvements homosexuels des États-Unis se réunissent sous la bannière « la-vande », la couleur obtenue par la fusiondes couleurs du drapeau américain : rou-ge, blanc et bleu. Le symbole du rhinocé-ros « lavande » (NDLR : un animal d’ordi-naire paisible qui peut toutefois sortir deses gonds lorsque provoqué) sera ensuitepropagé à l’échelle du monde avant d’êtreabandonné au profit du drapeau arc-en-ciel.

Au début des années 2000, le violet,sous les traits d’un doux et sympathique ex-traterrestre, déchaîne les passions. Le per-sonnage de Tinky Winky qui fait le succèsde l’émission pour enfants Les Teletubbiesest tout à tour critiqué par les milieux con-servateurs américains pour sa couleur rai-sin – associée à l’homosexualité – et sesmanières efféminées – le port du sac àmain, entre autres choses. Aussi absurdesoit-elle, la controverse scelle le sort du vio-let dans l’imaginaire collectif occidental :le mauve, le lilas et le violet ne sont plusdes couleurs viriles. Ces teintes sont au-jourd’hui présentes principalement dansl’habillement des jeunes filles.

Pour Jo Paoletti de l’université du Mary-land, le sort que les milieux conservateursont réservé à Tinky Winky n’est pas unehistoire anodine : « On ne peut pas analy-ser l’évolution des codes de la virilité à tra-vers l’Histoire sans prendre en considéra-tion la place de l’homophobie, et la maniè-re dont les gens perçoivent l’homosexuali-té. Soyons francs, la masculinité est mal-heureusement encore déterminée par deuxchoses : la masculinité, c’est ce qui n’estpas féminin, et la masculinité, c’est ce quin’est pas homosexuel ! » ■

PHILIPPE RODRIGUES-ROULEAU (st.)

Va te faire dessiner une

virilité, hé Bédé! La virilitéest partout dans l’art. La ban-de dessinée l’a parfois solide-ment malmenée. Heureuse-ment, il nous reste les molletsde Louis XIV.

rouge trique« Rouge. C’est le symbole de l’actionet de l’interdit. Il représente le cœuret la libido. Mais c’est aussi la cou-leur du sacré et du secret, de la scien-ce et de la connaissance ésotérique.Les sages et les initiés la cachentsous leur manteau, c’est pourquoi par-fois certains personnages énigmati-ques portent une grande cape noiredoublée intérieurement de rouge.C’est le ventre où la vie prend nais-sance. C’est la couleur martienne parexcellence. La couleur de la force etde l’agressivité. Nécessaire dans lavie professionnelle au quotidien. Elleapporte le dynamisme, la ténacité, lecourage, l’ardeur, la passion et la virili-té. »Un site astrologique, au hasard.

POURQUOIIL FAUT BIENÉCOUTER« YMCA »

L’histoire d’un nom qui tireson appellation d’un lieu.Chaque jour, pendant l’été.

JUREK KUCZKIEWICZ

« Il y a un siècle, les enfantsâgés de moins de cinq ansétaient perçus comme asexués,n’ayant pas de sexualité »

« Le rose était considérécomme une version pasteldu rouge, une couleur francheet masculine »

L es socialistes du PS sont plus virilsque les libéraux du MR et que les chré-

tiens-humanistes du CDH ? C’est peut-être votre opinion. Nous, nous ne contente-rons de rappeler que le rouge est associéau grand mouvement révolutionnaire quia secoué l’Europe et le monde au XXe siè-cle, s’imposant à la bourgeoisie et au cler-gé quand il ne les balayait pas. Le rouge estoffensif, le bleu apaise, le jaune cocufie,c’est bien connu.

Le rouge est aussi la couleur du sang quiempoisse le sable de l’arène lorsque l’épéepénètre la chair frissonnante du taureaupour y engendrer la mort. Donner la mort,mourir dans la violence, quelle plus bellemarque de virilité !, pense le guerrier.

La couleur et la virilité sont intimementliées, et l’on fera grâce ici de toutes les mé-taphores qui se sont classiquement inspi-rées de leur union. En revanche, la symbo-lique que colporte le noir est faite de tour-ments. De renversements. Noir comme lanuit, comme la mort. Noir comme les che-mises noires du fascisme. Noire comme lamain noire (Mano Negra)… Jusqu’au jouroù le noir est devenu beau : « Black isbeautiful ».

Du blanc, et encore du blancAvant était le blanc. Rien que le blanc.

Le très viril champion du monde de boxetoutes catégories, Cassius Clay (Moham-med Ali) a ainsi dit un jour : « On regardeMiss Monde, on voit du blanc, Miss Uni-vers encore du blanc, même Tarzan le roide la jungle au fond de l’Afrique estblanc. »

Et puis vint le noir. Il a fallu beaucoupde souffrance et de morts pour qu’auxEtats-Unis, la lutte pour l’émancipationdes Noirs arrive à ses fins. Après des an-nées de marche, de sit-in et d’émeutes, leCivil Rights Act de 1964 interdit toute for-me de discrimination dans les lieux pu-blics et le Voting Rights Act supprime l’an-née suivante les examens et autres impôtspour devenir électeur aux États-Unis.Mais sur le terrain, la ségrégation demeu-re et la peur ne rend pas les armes. Pour lacirconscrire, Martin Luther King et Sto-kely Carmichael décident d’organiser unemarche. Se battre pour une cause tout enrestant pacifique, n’est-ce pas là un som-met de virilité ?

Lors de cette action, Carmichael lanceun slogan qui deviendra un leitmotiv :

« Black Power » (le pouvoir aux Noirs),qui emballe la jeunesse noire américaine.Elle va chercher désormais à affirmer sonidentité et à s’intéresser à ses origines afri-caines, sources de fierté. Les Black Pan-thers y vont aussi de leur petite phrase :« Black is beautiful » (le Noir est beau),phrase dont la paternité est en réalité attri-buée à un professeur noir américain du mi-lieu du XIXe siècle : John Stewart Rock.

Plus question dès lors de singer le Blanc.Ce blanc qui réprime jusque dans la cou-leur de la tunique du Ku Klux Klan. Plusquestion de lui servir de porte-fardeaucomme le montrent ces photos noir etblanc qui font la virilité posthume de nosgrands-oncles colons.

Sexy BarackLe regard adressé au noir et aux Noirs

change. Black is Beautiful n’est bientôtplus un cri de guerre mais un slogan cultu-rel qui transforme l’approche de la négritu-de et du monde. Elle fait le bonheur desvendeurs de fringues et de posters. Ellecontribuera plus sérieusement à donneraux Etats-Unis son premier président noiravec Barack Obama en 2008.

Mais comme dans les années 60, l’Amé-rique reste dévorée par ses démons. Le 26février dernier, un jeune garçon noir pré-nommé Trayvon a été assassiné. Son meur-trier, George Zimmerman, un hommeblanc d’origine hispanique, a argumentéque Trayvon « portait un sweat à capu-che » et avait un comportement « lou-che ». Pas franc, donc pas viril. « Si j’avaisun fils, il ressemblerait à Trayvon », de-vait déclarer Barack Obama en bandantles muscles à l’approche de la présidentiel-le. Tollé dans le camp de l’opposition. Lerépublicain Newt Gingrich, alors dans lacourse aux primaires de son parti, devaitrépliquer d’un coup d’estoc : « Le prési-dent suggère-t-il que si la victime avait étéblanche, cela aurait été “OK” ? »

Sur un terrain plus léger, Barack Obamaest devenu la coqueluche des magazines fé-minins qui le trouvent sexy et viril. Noirdonc beau, mince, athlétique, éloquent, sé-duisant. Simple réflexe envers l’homme leplus puissant du monde ? « Son potentielhot ne se résume pas à cela, sinon cela fe-rait belle lurette qu’on fantasmerait surGeorge W. Bush », écrit l’un d’eux. ■

P.Ma

Porter du rose ou du violet ?Et pourquoi pas de la dentelle…

Pourtant, les vêtements et lesgoûts féminins d’aujourd’hui ontsouvent fait la fierté des hommes

autrefois.

SOIRD’ÉTÉ

Philippe Katerine pareil à lui-même. Hors normes. Paré à culbuter les cale-

çons et les conventions. Comme le fit le mouvement d’émancipation noir

dans les années 60 et 70 aux Etats-Unis qui réussit à faire de la couleur

des esclaves un « black beautiful ».

MORCEAU CHOISI

C’EST DU VÉCU

SOIRD’ÉTÉ

L’empereur ro-

main Tibère fit

enfermer et

exécuter de

très nombreux

condamnés

dans la prison

du Tullianum

(illustrée ici en

coupe schémati-

que). © D.R.

Les gémissementsdes Gémonies

Leçon 2 Black n’est pas seulement beautiful

De quelles couleurs sontfaits les (vrais) hommes ?

Le Soir Mardi 21 août 2012 Le Soir Mardi 21 août 2012

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22/08/12 18:42 - LE_SOIR du 23/08/12 - p. 14

Quand un homme est cos-taud et baraqué, on ditparfois que c’est une ar-

moire à glace, en référence au mo-bilier massif et solide de nosgrands-mères. On dit aussi quec’est un malabar, costaud commeles hommes de Malabar, dans lesud de l’Inde.

L’histoire commence dansl’océan Indien, et plus précisé-ment à l’île de La Réunion. L’îleappartient à la France et, au fildes siècles, les Français ont profi-té de son climat tropical pour ycultiver du café, de la canne à su-cre et de la vanille. Mais autre-fois, au XVIIe ou au XVIIIe siè-cle, les Français ne mettent pasdirectement la main à la pâte. Ilsrecourent au travail des esclaves.

En 1794, après la Révolution,les hommes étant désormais li-bres et égaux, la France décided’abolir l’esclavage dans ses colo-nies. 250.000 esclaves devraientainsi être affranchis. Cependant,des voix se font immédiatemententendre: cette décision va rui-ner les colonies et mettre en dan-ger la prospérité de la France.L’abolition n’a pas le tempsd’être partout appliquée qu’elleest déjà abrogée, par Napoléon.

Il faut attendre 1848 pour quela France décide d’abolir l’esclava-ge. Le décret d’abolition porte lasignature d’Alphonse de Lamarti-ne. En effet, en ces années-là, lepoète est aussi ministre des Affai-res étrangères.

L’abolition de l’esclavage boule-verse l’organisation du travaildans les colonies. A La Réunion,on s’était moqué de la premièreabolition. Mais cette fois, les plan-teurs n’ont plus le choix. Ils doi-vent affranchir les 60.000 hom-mes qui, jusque-là, travaillaientcomme esclaves. Du coup, lamain-d’œuvre fait défaut. Il n’y aplus personne pour s’occuper desplantations. Il est possible d’enga-ger comme ouvriers les esclavesdevenus libres, mais cette solu-tion ne convient à personne. Niaux ex-esclaves, qui ne veulentplus avoir affaire à leur ancienmaître, ni aux maîtres, propriétai-res terriens habitués à une main-d’œuvre docile, bon marché… etqui ne veulent rien changer.

Des ouvriers indiens piégésLes Français de La Réunion

font appel à des volontaires quiaccepteraient de travailler à leursconditions, et ils engagent des In-diens. La plupart d’entre eux vien-nent du sud-ouest de l’Inde, unerégion qui a pour nom « la côtede Malabar ». Les populations yvivent assez pauvrement et la per-spective d’un emploi tente beau-coup d’hommes. D’autant qu’onleur promet un contrat à duréedéterminée, généralement trente-six mois au terme desquels ilspourront rentrer. On assistealors à une arrivée massive d’In-

diens à La Réunion. Rien qu’en1849, l’année qui suit l’abolitionde l’esclavage, pas moins de11.000 Indiens débarquent surl’île. Comme ils viennent le plussouvent de la côte de Malabar,on les appelle « les malabars».

Hélas, le travail dans les plan-tations ne ressemble pas à cequ’on leur a promis… Ils sont da-vantage considérés comme desesclaves que comme des ou-vriers et, une fois leurs 3 ans ter-minés, ils n’ont pas les moyensde rentrer chez eux. Ils s’instal-lent donc à La Réunion, et ils yfont souche, au point de consti-tuer aujourd’hui une part impor-tante de la population de l’île.

Les pionniers, engagés pourtravailler dur dans les planta-tions, étaient en général desgars bien baraqués. C’est proba-blement ainsi que le mot «mala-bar » a pris le sens qu’on lui con-naît désormais.

S’il s’est ensuite répandu, c’estgrâce à une marque de chewing-gum créée à la fin des années50. A l’époque, le Carambar con-naît déjà un grand succès et ilest possible que le nom Malabarait été choisi pour sa consonan-ce. «Quand y’en a marre, y’aMalabar », disait la pub. Le motva ainsi s’imposer via les en-fants, qui adorent les vignettesde l’emballage : les aventures deM. Malabar, un héros bâti com-me une armoire à glace...

Tout le monde a oublié que, àl’origine de ces malabars, il y aune terrible histoire d’esclava-ge. ■ CHRISTINE MASUY

La virilité c’est toute une histoire (4/6)bermuda & panama Demain

La série en radioRetrouvez la série Bermuda &panama en radio, sur La Pre-mière. Chaque matin vers9 h 15, Christine Masuy racon-te comment un nom de lieuest entré dans la langue.

� Demain : Seveso n’a paseu lieu à Seveso

Ce n’est pas pour rien si les joueursde foot excellent des pieds. C’estqu’ils sont incapables de maîtri-ser leurs mains ! Prenez Cristia-no Ronaldo, la star du Real Ma-

drid. En moins d’un an, le Portugais a dis-tribué les doigts d’honneur à tout vent :aux supporters du Racing Santander (sep-tembre 2011), aux partisans de l’équipe deBosnie lors d’un match de qualificationpour l’Euro (novembre 2011), à JavierMartinez de l’Athletic Bilbao au cours descélébrations du championnat d’Espagneremporté par le Real (mai 2012)… Ce gars-là est majeur, du moins par le doigt d’hon-neur.

Mais pourquoi le footballeur a-t-il cetteirrépressible envie de recourir à ce gestelorsqu’il est blessé dans son orgueil ? Unepartie de l’explication se trouve peut-être… dans son slip. « Le majeur symboli-se le pénis et les doigts regroupés autour,les testicules, expliquait il y a quelquesmois l’anthropologue Desmond Morris àla BBC. Ce geste présente un symbole phal-lique à l’adversaire : une manifestationprimitive de la contestation. »

Ronaldo souffrirait-il du « syndrome duvestiaire » ? Il y a là un pas que nous nefranchirons pas sur ce terrain savonneux.Mais force est d’admettre que le sportif,ou l’homo sapiens en général, a parfois ten-dance à s’exprimer par des gestes désespé-rés lorsque sa virilité se sent menacée. Et àdéfaut de baisser le pantalon, l’homme dé-fend la forteresse de sa masculinité pardes actions sublimées : en brandissant ledoigt du milieu comme un sceptre, en cam-brant les bras pour exhiber une armure demuscles, ou en s’empoignant les bijoux defamille à la vue de tous.

« Il y a des hommes qui vont tout extério-riser et qui vont croire que la virilité, c’estl’expression d’un mouvement », avanceBernard Andrieu, philosophe du corps àl’Université Nancy II. « Aussi ce besoinqu’éprouvent certains d’afficher leur virili-té avec grandiloquence n’est peut-être pasétranger », ajoute le philosophe, à une for-me de malaise identitaire : « C’est dur degénéraliser. Mais déjà Molière décrivaitça dans Le Bourgeois gentilhomme. Quel-qu’un qui a une grande confiance dans savirilité n’aura pas besoin de le montrer,alors que quelqu’un qui est en défiance cor-porelle, ou qui a peur de ne pas être à lahauteur, va exagérer sa virilité par ses ges-tes, notamment. »

Si certains hommes éprouvent ce besoinde « compenser de manière imaginaire »– dixit Bernard Andrieu – leurs angoissesmasculines, c’est peut-être également par-ce que nombre de jeunes femmes ont re-pris, par mimétisme ou par volonté de fai-re un pied de nez au « sexe fort », une ges-tuelle virile. C’est pourquoi lorsqu’une for-mation politique suggère de retirer àl’homme l’un de ses derniers privilèges ex-clusifs, les réactions sont violentes. La pro-position d’un parti de gauche de la régionsuédoise du Sörmland, en juin dernier,d’interdire la miction debout dans les toi-lettes des bâtiments publics, au motifqu’uriner assis facilite le nettoyage pour lepersonnel d’entretien, a été suivie d’unefronde unie de la blogosphère masculine àtravers le monde. Qu’on ose poser l’ultimequestion taboue – to pee or not to pee de-bout ? – a été reçu comme une attaquefrontale à la virilité.

Il est encore tôt pour dire si le mouve-ment de prohibition des urinoirs fera ta-che d’huile jusqu’à nos cuvettes. Mais cet-te controverse illustre l’importance quel’homme accorde à tout ce qui lui permet –pardonnez le cliché – de marquer son terri-toire. Uriner debout, bander les muscles,lever le majeur ou s’empoigner les bour-ses : toutes des manifestations ostentatoi-res de virilité. Encore heureux qu’ellessoient inoffensives.

On ne peut pas en dire autant de cer-

tains gestes. Rappelez-vous Zinedine Zida-ne lors de la finale de la Coupe du monde2006. Piqué au vif par un joueur adverseayant insulté sa sœur, le capitaine desBleus se rue tête première tel un bélier surle thorax de son calomniateur. D’abord dé-crié sur la planète foot, le « coup de bou-le » de Zizou est toutefois rapidement ex-cusé dans l’Hexagone. Car après tout, di-ront certains commentateurs, si Zizou aréagi de manière inadmissible, c’est qu’il aprobablement été provoqué par le joueuritalien de manière tout aussi inadmissible.

Par ailleurs, dans une étude du Centrenational de recherche scientifique(CNRS) de Paris, deux chercheurs enscience politique se sont penchés sur laréaction des supporters français. De l’avisde plusieurs d’entre eux, Zidane n’a faitque défendre l’honneur de sa famille.« Son coup de sang m’a plu. Enfin quel-qu’un qui, à un moment crucial de sa car-rière, fait passer son amour-propre avantla gloire. Bravo ! », écrivait sans ironie unlecteur de Ouest-France à l’époque, rap-portent les chercheurs.

Pour Bernard Andrieu, qui étudie l’inter-action des humains avec leur corps, la ba-nalisation du geste de Zidane montre àquel point la virilité s’auréole de violence,encore aujourd’hui. « Le rapport de forcedans le combat reste une délimitation dela virilité. On le retrouve beaucoup dansles luttes entre hooligans, entre banlieues,dans les lycées, mentionne le philosophe.Le critère, c’est : est-ce que l’expression dema force physique est suffisante pourqu’on me perçoive comme viril ? On le voitaussi dans le bizutage, le fait d’imposer saforce à quelqu’un, parce que derrière, il y ale pouvoir, l’obéissance, l’autorité. »

Civisme oblige, l’homme ne peut pas tou-jours prouver sa virilité en donnant impu-nément des baffes ! Qu’à cela ne tienne, lecorps de certains hommes se charge demontrer à tous qu’ils ne sont pas du genreà se laisser marcher sur les pieds et ce,sans même qu’ils en soient conscients. Ou-bliez les doigts d’honneur ou les « coupsde boule », un sourcil inquisiteur peut, à

lui seul, renvoyer n’importe qui dans sespetits souliers.

Exagéré ? Pas tant que cela, selon le spé-cialiste de la communication non verbale,Stephen Bunard : « La façon d’intégrer lavirilité, c’est à travers des traits de domi-nance, plus souvent visibles chez l’homme.Il peut s’agir d’un index pointé, de sourcilsqui se lèvent de manière unilatérale, sur-tout le droit qui met l’autre à distance, quiévoque l’autorité. Et puis il y a des mouve-ments d’épaules qui montrent la volontéde se mettre en scène : l’épaule droite, quiexprime la volonté d’être à la hauteur auxyeux des autres ; et l’épaule gauche, quirenvoie à un défi personnel. » L’ancien pré-sident français Nicolas Sarkozy constituel’archétype de la communication « viri-le », d’après l’expert en synergologie.

Est-ce à dire qu’il existe une grammairegestuelle virile ? La réponse n’est pas sisimple. Car les spécialistes de la communi-cation non verbale s’entendent sur le faitque 95 % des gestes sont universels etasexués. Les traits de dominance, bienque plus souvent associés à la gestuellemasculine, peuvent très bien se retrouverchez une femme : l’ancienne Première mi-nistre britannique, Margaret Thatcher,par exemple.

En d’autres temps, certains gestes au-raient cependant été catégorisés fémininsou masculins sur la base de critères arbi-traires. Dans l’Europe du XVIIIe siècle, leshommes qui se rendaient « coupables »de gestes jugés féminins – le tortillement

du fessier, le positionnement des mainssur les hanches ou l’agitation d’un poignetnonchalant – étaient perçus comme desêtres mi-homme mi-femme dénués de viri-lité. Et ils pouvaient encourir des peines sé-vères proportionnelles à leur « méfait ».

Si les temps ont changé, il n’en demeurepas moins que certains gestes typique-ment féminins apparaissent « curieux »lorsque effectués par des hommes.« Quand on voit une femme qui se caresseentre la poitrine et le cou, c’est qu’elle veutinconsciemment attirer l’attention surune zone féminine. Alors que quand unhomme fait ça, c’est étrange, constate Ste-phen Bunard. De la même façon, quandun homme s’assied, il ne va pas, en règlegénérale, se croiser les jambes. Parce quel’homme ne porte pas de jupe ou de robe. Ets’asseoir avec les jambes écartées commedans Basic Instinct, il le peut, et c’est typi-quement masculin. Là encore, faire le con-traire est particulier. »

Enfin, au-delà des artifices, il y a la virili-té innée. Regardez-moi ce vieux cow-boyde Charles Bronson bien en face (photo ci-dessus). C’est pas des yeux revolver, ça ?Alors, Messieurs, laissez en paix vos doigtset vos boules en tout genre… Les femmesne s’y trompent pas. ■

PHILIPPE RODRIGUES-ROULEAU (ST.)

C’est quoi alors, un homme viril ?A quoi ça ressemble, en vrai ? Lan-cez la perche au milieu d’un es-saim de filles, genre lors d’un bar-becue et, entre la première bro-chette pas cuite et la dernière par-tie de Time’s Up, s’esquissera unportrait-robot des plus surpre-nants.L’homme viril, parfois, il a des che-veux. Parfois pas. Soit libres, on-dulés, mi-longs, plus Federer queChabal. Soit le joli crâne bien pro-filé d’un Bruce Willis. Ça dépenddes fois. Ça dépend pour qui.Parfois il est blanc, très blanc, nor-dique même comme Viggo Mor-tensen. Parfois peu importe d’oùil vient, pourvu qu’il ait la peausombre, un maillot moulant et un100 m à courir en moins de9 sec 63.Parfois il est mort, parfois pas. Par-fois il a une femme, parfois mille.Mille, oui parce qu’attention, il nefaut pas confondre homme virilet homme idéal. Tout le mondesait que l’homme idéal fait la lessi-ve, la vaisselle et le repassage.L’homme viril, au mieux, fait lacuisine. Joue au tennis, au foot,au hockey. Pas au golf.De l’avis de toutes, il a un grandfront droit, « des yeux rieurs maisqui vous transpercent ». Bleus ? Da-niel Craig. Bruns ? Hugh Jackman.Le nez de Javier Bardem. Le men-ton de Clooney. Le sourire de Pa-trick Dempsey (angélique) ou deBradley Cooper (carnassier), selonles jours.Et puis évidemment le torse deRussel Crowe, les fesses de Nadal,les cuisses et les bras des nageursolympiques – même si apprendrequ’ils font tous pipi dans la pisci-ne fait plonger leur taux de virilitébien au-dessous de zéro –, lespoils de Gerard Butler, la voix deSpringsteen (pas facile de se met-tre d’accord sur la voix : Stuart Sta-ples, Bono, Marc Lavoine, LennyKravitz, Bon Jovi ?), l’accent d’An-tonio Banderas, le lasso d’Harri-son Ford, les pistolets de ClintEastwood, les 900 chevaux deLewis Hamilton…Vers la fin de la soirée, quand ona vidé les cubis de rosé, quel-qu’un s’écrie, debout, en frappantsur la table : « Maaaaais on s’enfooooout, de la virilité ! RessuscitezPatrick Dewaere ! Clonez AdrienBrody ! » Se rassied. « Et on seraheureuses… »

Tout ce qu’il ne

faut pas faire

pour être viril.Se curer le nez,porter des chaus-settes dans dessandales ou plierses vêtementsavant de se cou-cher. Non, maisvous le faites ex-près ou quoi ?

Si on chantait« Frappez des mains sur les cuissesQue vos poitrines soufflentPliez les genouxLaissez vos hanches suivre le rythmeTapez des pieds aussi fort que vouspouvezC’est la mort ! C’est la mort !C’est la vie ! C’est la vie !Voici l’homme poiluQui est allé chercher le soleil, et l’afait briller de nouveauFaites face ! Faites face en rang !Faites face ! Faites face en rang !Soyez solides et rapides devant le so-leil qui brille ! »Paroles du Haka Ka Mate, le chant deguerre à la virilité animale des AllBlacks, rugbymen néo-zélandais.

LE PORTRAITDE L’HOMMEVIRIL

L’histoire d’un nom qui tireson appellation d’un lieu.Chaque jour, pendant l’été.

JULIE HUON

Le sportif a parfois tendanceà s’exprimer par des gestesdésespérés lorsque sa virilitése sent menacée

« Le rapport de forcedans le combatreste une délimitationde la virilité. »

ENTRETIEN

O n l’a écrit dans un précédentarticle : la taille du pénis est

en diminution. C’est un fait objec-tif. S’y ajoute une donnée subjecti-ve : nombreux sont les hommesqui pensent « en avoir une trop pe-tite ». Cette perception appelée« syndrome du vestiaire » peut nui-re ou biaiser leur virilité. RobertAndrianne est urologue au Centred’étude et de traitement des sexo-pathologies masculines (CHU), àLiège.

Parlons pénis… Comment articu-ler urologie, sexualité et virilité ?Toutes les pathologies urologiquesdu bas appareil urinaire peuventêtre teintées de sexualité. Donc, lemédecin doit être à l’écoute, en toutcas informer le malade de ce qui vaéventuellement perturber sa sexua-lité au moment d’améliorer sonbien-être. Prenons par exemple unmalade qui a des difficultés poururiner : si on lève l’obstacle à la mic-tion, il peut avoir des petits ennuissexuels. Donc, le malade doit êtreimpérativement informé. Tout estteinté de sexualité en urologie pource qui est du bas appareil urinaire.Je ne parle pas des reins bien sûr.Quand on opère quelqu’un desreins, il n’y a pas de sexualité impli-quée…Quelqu’un vient vous consulterparce qu’il a un pénis trop petit :est-ce vraiment de votre domaineou de celui d’un sexologue ?Au contraire, ce genre d’examensest riche en données. Je vois un ma-lade presque toutes les semainesqui souffre de ce qu’on appelle le« syndrome du vestiaire ». Il y atant de choses à dire sur le sujet…C’est-à-dire ?

Le « syndrome du vestiaire », c’estl’histoire très banale de cet hommequi a toujours eu le sentiment qu’ilavait une verge plus petite que sonami qui a le même âge et est de lamême « race ». Cela commence par-fois très tôt et cela se formalise àl’âge de l’adolescence parce que laverge grandit jusqu’à l’âge de 17-18ans puis elle arrête sa croissance.Nous avons des tableaux qui mon-trent la taille moyenne des vergesdes Caucasiens, des gens de cheznous, et c’est intéressant de voirqu’il y a une grande variété. Les pé-nis sont grands ou petits, mais laplupart sont de taille standard. Etpourtant, il y a des gens qui sont ensouffrance – cela s’appelle parfoisde la dysmorphophobie – alors queleur verge a une taille tout à faitnormale, mais ils ont ça dans la tê-te. Deux hommes sur trois ont unjour pensé que leur verge était peti-te. Mais tous guérissent de ça, saufun moindre pourcentage. Ce sontces malades-là qui consultent lors-qu’ils ont 25-30-35-40 ans en di-sant, « Moi j’ai toujours pensé quema verge était trop petite. Est-ceque vous pourriez faire quelquechose pour moi, Docteur ? » On en-tre alors dans un processus, sou-vent on se fait aider par un psycho-logue pour être sûr que ce n’est pasune pathologie « de secteur ». Carun tel malaise existe aussi chez lesfemmes : il y a des femmes qui pen-sent que leurs seins sont trop petitset les solutions existent. Donc leshommes imaginent qu’ils peuventaussi avoir des solutions. Mais ladifférence entre des seins et une ver-ge, c’est qu’une verge n’est pas stati-que. C’est quelque chose qui vit. ■

Propos recueillis par

Ph. R.R (st.)

Bouger comme un homme, pas sisimple ! Or nul besoin de recourir

à la vulgarité pour asseoir savirilité. La communication nonverbale d’un homme est souvent

bien plus révélatrice…

SOIRD’ÉTÉ

MORCEAU CHOISI

C’EST DU VÉCU

SOIRD’ÉTÉ

C’est de l’île de

Malabar que

s’exilèrent des

gars bien bara-

qués pour tra-

vailler dans les

plantations de

La Réunion, au

XIXe siècle.

© D. R.

Costauds commeles gars de Malabar

Le vestiaire, lieu de comparaisons où se cultivent les complexes anatomiques...

Doigts d’honneur, coupsde boule et « petits zizis »

Le footballeur Cristia-

no Ronaldo et tous

les adeptes du doigt

d’honneur devraient

s’inspirer de Charles

Bronson (photo ci-

haut). L’acteur améri-

cain, figure mythi-

que du cinéma wes-

tern savait, d’un seul

regard, imposer sa

virilité avec autorité.

Jeunes blancs-becs,

remballez donc vos

muscles et vos

« coups de boule »

et faites confiance à

votre virilité !

Leçon 4 Messieurs, nefuyez plus les vestiaires

Le Soir Jeudi 23 août 2012 Le Soir Jeudi 23 août 2012

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24/08/12 19:04 - LE_SOIR du 25/08/12 - p. 28

La virilité c’est toute une histoire (6/6)

Karl, tu ne penses pas que tu au-rais moins chaud si je t’enle-vais quelques poils du dos ?Karl, tu ne penses pas que te ra-ser les aisselles serait une bon-

ne idée ? Karl, tu ne penses pas que tu en-tendrais mieux en te débroussaillant lesoreilles ? Karl, tu ne penses pas… »

Il en a marre, Karl. Il voudrait bien gar-der tous ses poils dans les oreilles, Karl,le héros imaginaire de notre série, viril àl’horizontale (et beaucoup moins à la ver-ticale, selon sa petite amie). Pour con-templer le silence. Et continuer à faire lasourde oreille aux volontés d’Andreia,qui, il y a quelques années déjà, lui a for-tement conseillé de se raser la barbe,puis la moustache et enfin les dernierscheveux dissimulant sa calvitie. Qu’ad-viendra-t-il de ma virilité, se demandeKarl, si Andreia me coupe mes dernierspoils ?

Bonne question. D’autant que leshommes d’aujourd’hui ne savent plus oùdonner du rasoir. Entre la publicité,d’une part, qui valorise une esthétiquemétrosexuelle, et les magazines fémi-nins, de l’autre, qui préfèrent le look« übersexuel », la confusion est totale.Et puis il y a la chevelure « gélifiée » à laRonaldo, les rouflaquettes à la BradleyWiggins, la barbe de trois jours à la Beck-ham. Et tout ça, le torse impeccable-ment imberbe…

C’est que de nos jours, la virilité d’unhomme ne se mesure plus à l’aune de sesattributs pilaires. En réalité, le poil a con-nu des hauts et des bas. « Sa significa-tion n’a jamais été univoque, le sensqu’on lui donne varie en fonction deslieux et des époques. À certaines époques,il était moins mâle de porter du poil surles jambes », souligne ainsi Marie-Fran-ce Auzepy, professeure à l’UniversitéParis VIII et coauteure du livre Histoiredu Poil.

De quoi ajouter à la confusion. Dequoi également jeter un coup d’œil dansle rétroviseur.

Sauvages, sales, inconfortables : avantmême l’an zéro, les poils sont accusés detous les maux. Aussi, dès la préhistoire,l’homme cherche-t-il à en maîtriser lapropagation. Car les poils ont beau luidonner un aspect menaçant, ils le gê-nent néanmoins. Au vu des divers arte-facts dérivés de coquillages ou de dentsanimales découverts en divers endroits,les scientifiques croient aujourd’hui quel’homme des cavernes utilisait ces instru-ments pour faire un brin de toilette.

Si les motifs pour se raser sont d’abordpratiques, ils deviennent peu à peu arbi-traires. Naît alors… la mode. « On com-mence à voir le poil comme une manièrede styliser son apparence. L’objectif de-vient de redessiner son propre corps »,explique Bernard Andrieu, philosophedu corps à l’Université Nancy II. Or cetteutilisation ludique du poil, nuance-t-il,masque des désirs inconscients : « En serasant ou en s’épilant, l’homme dit nonau poil naturel, parce que le poil naturel,c’est le naturisme. Et le naturisme, c’estle refus de toute intervention sur le corps.L’homme, au contraire, veut contrôlertous les aspects de son corps. »

Ce rejet du poil naturel va ensuite dic-ter les codes de la virilité pour plusieurssiècles. En cause : son aspect rustre, quiramène l’homme à l’état sauvage. Lerasage n’est toutefois plus suffisant pour« dompter la bête ». Commence ainsi lagrande aventure de l’épilation masculi-ne.

Durant l’Antiquité, les fers de lance dumouvement « anti poils » sont les Égyp-tiens. Et ces derniers sont de loin les plusdéterminés. À preuve, l’arrachement dessourcils et des cils, torture à laquelle sesoumettent les pharaons !

Suivra l’époque gréco-romaine qui

maintiendra la ligne dure envers la pilo-sité. Or, contrairement aux Égyptiensqui considèrent d’abord l’épilation com-me une manière d’éliminer les impure-tés, Grecs et Romains, eux, ne boudentpas leur plaisir ! Les thermes romains de-viennent le sanctuaire d’une lutte pilairesophistiquée, d’où les aristocrates dansle vent ressortent les gambettes douceset lisses. L’agencement jambes épi-lées/tuniques courtes, dit-on à l’époque,leur donne une allure très virile…

L’épilation masculine ne date donc

pas d’hier. Mais, de fait, les dernières dé-cennies contribuent à réactiver une prati-que passée dans la marginalité au coursdu Moyen-Age et de la Renaissance. Lapopularité du culturisme dans la secon-de moitié du XXe siècle, accentuée par ledéveloppement des appareils d’entraîne-ment, impose une nouvelle esthétique vi-rile. Le muscle n’est plus dissimulé sousle poil ; il est bien en évidence et huilé depréférence. L’industrie pornographiquefait sienne cette esthétique, et universali-se le stéréotype de l’homme glabre et hy-per musclé.

Pour Bernard Andrieu, qui étudie lamanière dont les humains interagissent

avec leur corps, l’épilation s’inscrit dansune nouvelle conception de la virilité oùl’authenticité fait loi. Abattre la forêt per-met de mieux admirer… l’arbre. « Il y al’idée que sans poils, il y aurait une sortede nudité de l’apparence, notamment auniveau des parties sexuelles, et qu’on au-rait la “vérité vraie”, comparativementau poil qui cache toujours quelque cho-se », estime le philosophe.

Si les poils du pubis, des jambes, dudos, des oreilles et du nez ont lutté pourleur survie à travers les âges, la barbe asu bénéficier d’une certaine clémence (li-re ci-contre). Quant au lien qui unitl’homme à ses cheveux, disons simple-ment que cela a toujours été l’amourfou !

Durant la Rome antique, l’homme vi-ril se démarque par son abondante che-velure. Car un vrai homme ne sauraitcombattre avec un front dégarni ! La cal-vitie est perçue comme la manifestationvisible d’une faiblesse physique. C’estpourquoi le concupiscent Caligula (em-pereur de 37 à 41 après J-C) va porter laperruque pour dissimuler sa chevelureclairsemée.

Un geste avant-gardiste, lequel seraimité seize siècles plus tard par le Roi-So-leil. « À partir du moment où Louis XIVa perdu ses cheveux à 18 ans, il a mis uneperruque. Et toute la Cour a mis une per-ruque. Et puis toute l’Europe a mis uneperruque. La calvitie d’un seul homme a

fait durer une mode jusqu’à la secondemoitié du XVIIIe siècle ! », relate l’histo-rienne Marie-France Auzepy.

De nos jours, l’homme chauve plaide lesurplus de testostérone – une réalité bio-logique – pour valoriser sa calvitie. « Plusde testostérones, plus de libido ! Plus de li-bido, plus de virilité ! », se dit notre amiKarl, plus que jamais prétendant au titred’amant fougueux.

L’équation n’est malheureusement pasaussi simple. Le stress, le manque d’activi-té physique et une alimentation grassesont autant de facteurs de risque associésà la dysfonction érectile qui affectent,sans discrimination, les chauves et leschevelus. Et attention aux recettes mira-cles censées ressusciter la crinière desbeaux jours. Plusieurs utilisateurs de mé-dicaments favorisant la repousse des che-veux se sont plaints de ne plus pouvoir af-ficher toute leur puissance. Il s’en est sui-vi une baisse draconienne de leur libido.

Tout compte fait, mieux vaut donc pui-ser sa virilité ailleurs que dans les hormo-nes. C’est ce que prône un célèbre évêquede Cyrène – NDLR : ancienne ville grec-que située dans l’actuelle Libye – en 400après J-C, dans un vibrant pamphlet inti-tulé Éloge de la calvitie. L’auteur, Syné-sios de son prénom, est doté d’un crâned’œuf. Pour autant, il ne se sent en riendiminué dans sa masculinité. Son bon-heur d’être chauve lui inspire un argu-mentaire étoffé comme le toupet qu’il n’a

plus : les bêtes sauvages ne sont-elles pascouvertes de poils ? Et les astres célestesne sont-ils pas nus ?

Pour l’évêque, il n’en faut pas plus pourconfirmer l’infériorité intellectuelle desbestiaux chevelus et pour affirmer le ca-ractère divin de l’homme dégarni. Derniè-re attaque de l’évêque à l’endroit des che-velus : ils sont efféminés.

Malgré ces explications, Karl n’est pasconvaincu. S’il comprend bien, sa calvitieaurait été jugée virile aux yeux d’un minis-tre du culte cyrénéen il y a 2.000 ans,mais ses poils de dos auraient répugnéÉgyptiens, Grecs et Romains ? Ah, qu’ilaimerait revenir au temps du disco… ■ PHILIPPE RODRIGUES-ROULEAU (ST.)

Citations

Refermons ici cette virile série quinous a valu bien du tracas. Pas unjour sans qu’un collègue s’enquiè-re de savoir pourquoi il n’a été con-vié à y tremper sa plume. « Pour-quoi c’est toi qu’on a choisi pourbourrer ces pages ? », nous a répé-té l’un de ces exaltés, du crin sur latête et des poils jusqu’aux yeux.Nous ne savions pas qu’un hom-me pouvait à ce point ressemblerà un coq sur son fumier malgrétout ce système pileux.C’est qu’évidemment, tous cesmessieurs de la rédaction se lajouent virile. Il y a le cavaleur foulancé sur les six étages de la mai-son. Le chauve qui raconte par-tout qu’il est bourré de testostéro-nes. L’intello persuadé que Sartreétait un sex symbole. Il ne man-que que le beau ténébreux qui atrop lu Blueberry. La relation au vi-ril revendiqué requiert beaucoupde patience, on vous l’accorde.Blague dans le coin, ces pages doi-vent une fière chandelle à l’Histoi-re de la virilité parue l’an dernierau Seuil. Elle les a en partie inspi-rées. L’orientation sociétale don-née à la recherche historique de-puis un demi-siècle a produit le pi-re et le meilleur. Mais ici on a trou-vé du surprenant. Certaines pagesde cet ouvrage coupent les poilsen quatre ou se grattent un peu,mais quel bonheur de voir enfincouchée sur le papier cette bonnevieille virilité. A lire à l ’horizontalecomme à la verticale.Et s’il fallait ne retenir qu’un fait vi-ril après ces millénaires d’homme-rie ? On voit arriver ces messieurs :où est l’archétype, le truc infailli-ble, le piège à filles qui leur per-mettra d’être à la femme ce que lefilet maillant est à la pêche indus-trielle ? Intéressés qu’ils sont.« Donne un poisson à un homme, ilmangera un jour. Apprends-lui à pê-cher, il mangera toute sa vie », au-rait dit Moïse Maïmonide. Vousavez compris les gars : faut appren-dre à pécher ! Tous seuls, commedes grands.Bon, c’est l’heure de la conclusion.Comme il est de bon ton dans lesmaisons bien tenues, il convientde remercier ceux qui vous ontaidé à mener à bien votre entre-prise.Je remercie donc… Oups, mais sije remercie, les remerciés vont pen-ser que je leur suis redevable,donc dominé, dévirilisé, castré…Au secours ! Laissez-moi sortir !Je remercie donc la nature pournous avoir faits si différemment vi-rils et tellement peu rancuniers àson égard. Je remercie Jean-PaulBelmondo pour avoir joué Le singeen hiver, ce grand film de la virilitéforte et sensible. Je remercie lemême Jean-Paul Belmondo pouravoir joué Le Magnifique et s’êtrepayé la tête de tous les magnifi-ques. Chacun fera ici son film.Mais je ne remercie pas en revan-che, mais pas du tout, le c… qui ainventé la virilité il y a trop long-temps déjà, qui m’oblige à rentrermon ventre devant les dames et àjouer les placides quand j’aimeraischanter à plein tube Carmina Bura-na.Burana, buriné, burné… Stop,pitié stop !

« Dieu, que le cri du morpion esttriste au fond des poils ! » San Antonio

« Dieu est impitoyable : il vousenlève les poils de la tête pour vousles replanter dans les oreilles » BruceWillis

« Là où il y a du poil, il y a de lajoie » Proverbe français

BURANA,BURINÉ,BURNÉ

PASCAL MARTIN

« En se rasant ou en s’épilant,l’homme dit non au poilnaturel, parce que le poilnaturel, c’est le naturisme »

« Quand Louis XIV a perduses cheveux à 18 ans, il a misune perruque. Et toute laCour a mis une perruque »

L es attentats du World TradeCenter ont changé le monde

à jamais. Et peut-être modifié,pour les années à venir, notreperception… de la barbe. Com-bien d’hommes barbus au teintmat ont-ils été appréhendés pardes policiers depuis la tragédie ?Combien se sont fait refuser desemplois ?

Intimidante, autoritaire, ré-barbative : ces qualificatifs pourdécrire la barbe semblent ancrésdans le vocabulaire contempo-rain, comme en témoignent lesrésultats d’une étude publiée enmars dernier dans le journalscientifique Behaviorial Ecolo-gy. Exposées à des photos d’hom-mes barbus et d’hommes gla-bres, la grande majorité des fem-mes sondées ont jugé les pre-miers plus agressifs que les se-conds, même si l’expression surleur visage était la même. Virilne signifie pas toujours amical.

Si 11 Septembre semble avoiramplifié les manifestations de« pogonophobie » (phobie despoils), la barbe n’a toutefois passuscité la crainte. Il fut même untemps où l’homme touffu pou-vait faire la barbe à n’importequel blanc-bec imberbe. Le do-minant, c’était lui.

3 millions d’années de barbeEn Grèce antique, la barbe est

signe de sagesse. Tous les plusgrands de la philosophie – Aris-tote, Socrate, Platon – la por-tent. Elle est non seulement con-sidérée comme une manifesta-tion pilaire de la sagacité, maiselle accède au rang de symbolede la virilité. Les divinités mascu-lines comme Zeus sont toujoursreprésentées avec une barbe, etles sculpteurs de l’époque réser-vent le même traitement aux per-sonnalités héroïques.

« À Rome, fais comme les Ro-mains. » L’expression prend icitout son sens. Car chaque empe-reur impose sa loi en matière de

pilosité faciale. « Hadrien (117après J-C) a pris la barbe, etConstantin (336) l’a enlevéedeux siècles plus tard », consta-te Marie-France Auzepy, coau-teure du livre Histoire du poil.Aussi la barbe est-elle considé-rée comme virile, pour peu quel’empereur soit capable de s’enlaisser pousser une !

L’avènement des religions mo-nothéistes viendra donner, demanière durable, ses lettres denoblesse à la barbe. Les chré-tiens représentent Jésus-Christcomme portant la barbe ; les mu-sulmans la portent pour respec-ter les volontés du Très-Haut etde son Prophète ; et les juifs or-thodoxes, qui n’utilisent que desciseaux pour l’entretenir et ra-brouent les rasoirs, la considè-rent comme sacrée.

L’époque contemporaine valo-risera, elle aussi, la toison dumenton. Au XIXe siècle, en Fran-ce, elle est autant signe de virili-té que de richesse. Les bourgeoisl’adoptent pour se distinguerdes domestiques, forcés d’affi-cher un visage imberbe.

Un événement inattendu vien-dra cependant contester ce rap-port de force en 1907. Se sentantbafoués dans leur virilité, lesgarçons de café parisiens font lagrève pour réclamer le droit deporter au minimum une mousta-che. Ils remporteront une vic-toire éclatante sur leurs em-ployeurs.

Hélas…Ces temps sont révolus. À

preuve, un grand sondage de2010 du magazine Esquire, le-quel a tranché en faveur del’homme lisse. Parmi l’échan-tillon de 10.000 Américaines,47 % ont affirmé préférer leshommes rasés de près contre unfamélique 8 % favorable à unebarbe raisonnablement fournie.C’est donc dire que plus ellepousse, et plus elle repousse !

P. R.-R. (St.)

Entre les poilus et les lisses,c’est la guerre depuis toujours.

Faut-il écouter ses poils pousserpour être viril ou plutôt être le roi

du rasoir ?Faisons-nous (un poil) mousser.

MORCEAU CHOISI

SOIRD’ÉTÉ

C’EST DU VÉCU

SOIRD’ÉTÉ

Depuis le 11 septembre 2001, la barbe des musulmans fait l’objet de stigmati-

sation… © A. P.

Egyptiens, Grecs et Ro-

mains de l’Antiquité ab-

horraient les poils. Ils

n’y voyaient que sauva-

gerie. Si la barbe, à l’in-

verse, a su tirer son

épingle du jeu à tra-

vers les modes et sur

tous les terrains (à

l’instar du rugbyman

français Sébastien Cha-

bal, sur la photo ci-con-

tre), les barbus n’ont

cependant pas de quoi

pavoiser. Car études et

sondages révèlent que

la barbe fait peur aux

femmes ! © A.P.

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