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SOMMAIRELA REVUE

LE MONDE ALPHABÉTIQUE EST

PUBLIÉE PAR LE REGROUPEMENT DES GROUPESPOPULAIRES EN ALPHABÉTISATION DU QUÉBEC;ELLE SE VEUT LE REFLET DE L'ALPHABÉTISATIONPOPULAIRE ET ENTEND EN FAIRE LA PROMOTION.ELLE S'ADRESSE D'ABORD AUX ANIMATRICES ETAUX ANIMATEURS DES GROUPES POPULAIRES ENALPHABÉTISATION AFIN D'ALIMENTER LEUR RÉ-FLEXION ET LEURS PRATIQUES.

COMITÉ DE RÉDACTION : Laurent Demers, anima-teur à La Boîte à Lettres de Longueuil; ClaireLachapelle, animatrice à Alpha-Nicolet; MarioRaymond animateur à La Porte Ouverte deSaint-Jean-sur- Richelieu; Ginette Richard coor-donnatrice au secteur pédagogique; MichelineSéguin, responsable à la revue; à titre ponctuel,Mozart Longuefosse du Centre N'A Rivé deMontréal et Colette Paquet d'Atout-Lire deQuébec.COMITÉ PÉDAGOGIQUE : Maryse Beaudoin del'Arbralettre de Sherbrooke, Claudette Bérubédu Centre Mot-à-mot de Shipshaw, MadeleineJean de l'ABC des Manoirs de Terrebonne,Lucie Latraverse de COMSEP de Trois-Rivières,Berthe Lacharité, responsable des formationsau Regroupement, en plus des membres régu-liers du Comité de rédaction.COLLABORATIONS POUR CE NUMÉRO: SuzanneDaneau, Marcel Desjardins, Hélène Hagan,Mario Haman, Claire Lachapelle, Gilles Landry,Lucie Latraverse, Johanne Letourneux, SimoneLizotte, Fulvie Loiseau, Danielle Marchessault,Johanne Ménard-Brown, Danyka Morissette,Dominic Morissette, Wendy Moss, RaymondRobitaille, Sylvie Tardif et Serge Wagner.REMERCIEMENTS AUX PERSONNES RENCONTRÉES

EN ENTREVUE : Julia Jean, Jeanne-D'Arc Perreaultet Sylvie Sévigny, participantes dans des grou-pes d'alphabétisation populaire.CONCEPTION GRAPHIQUE : Pierre LachancePHOTOGRAPHIES DE LA PAGE COUVERTURE : SuzanneDaneau, Dominic Morissette et La JarnigoineSAISIE DE TEXTE : Michou MarchandRÉVISION : Claudine VivierCORRECTION D'ÉPREUVES : Nicole Delva et BertheLacharité

La publication de la revue est financée par leSecrétariat d'État à l'alphabétisation à Ottawa.Elle paraît deux fois l'an : au printemps et àl'automne. Le tirage est de 500 exemplaires.Le choix des thèmes et des textes est soumis aucomité à qui revient la décision de leur publica-tion dans la revue.PRIX: à l'unité : 8,00$CORRESPONDANCE : Veuillez adresser toute corres-pondance au Regroupement des groupes po-pulaires en alphabétisation du Québec, 5040,boulevard St-Laurent, Montréal (Québec),H2T 1R7. Téléphone: (514) 277-9976Télécopieur: (514) 277-2044

© RGPAQ1992Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Qué-bec et Bibliothèque du CanadaISSN: 1183-515X

Imprimée sur papier recyclé

LE MONDE ALPHABETIQUEAUTOMNE • HIVER, 1992

...DEUX GRANDS THEMES

...RELIEFS• Mettre la communauté dans le coup

...PRÊTS À PORTER• Informatique et alphabétisation :

Deux logiciels de simulation

. . .ÉCHOS ET RÉFLEXIONS• L'alphabétisation en milieu rural• Un projet pas fou du tout : les comités locaux

d'alphabétisation en milieu rural

...DOSSIER• Les femmes et l'alphabétisation ou comment

et pourquoi mobiliser les femmes pourl'alphabétisation des femmes

• Réflexion sur l'alphabétisation des femmesfrancophones en Ontario

• Comment réussit-on à «arrimer» lutte contre laviolence faite aux femmes et alphabétisation?

• Deux témoignages de femmes, participantesà La Jarnigoine

• Femmes et analphabétisme au Salvador• L'alphabétisation des femmes burkinabè :

un exemple concret

...HUMOUR• J'ai vécu mon analphabétisme...

...CÔTÉ JARDIN• Lancement du livre «Rose Latulipe»

...AU-DELÀ DE LA LETTRE• Pourquoi je n'ai pas pu

...D'AILLEURS• La recherche de l'intérieur ou la recherche1

participative en alphabétisation des adultesau Royaume-Uni

...À VOIR, À LIRE

...COURRIER

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D'abord une réflexion sur les problèmes particuliers de l' «alpha-bétisation en milieu rural», des questionnements mais aussi quelqueséléments de solution, soit par l'implantation de «comités locaux d'al-phabétisation» ou par une démarche pour «mettre la communautédans le coup».

Le thème du Dossier porte, en second lieu, sur la problématiquespécifique de 1'«alphabétisation des femmes». Le Monde alphabétiqueapporte donc un éclairage particulier sur les causes de l'analphabétis-me des femmes tant au niveau international qu'à l'échelle nationale.La revue propose une réflexion sur la mobilisation des femmes pourl'alphabétisation d'autres femmes en posant les questions du pourquoiet du comment.

Parallèlement, des femmes racontent leurs expériences d'animatri-ces ou de participantes en alphabétisation populaire. Des femmes d'ici,des femmes francophones d'Ontario, mais aussi des femmes participantà des projets d'alphabétisation de femmes au Salvador, en Amériquecentrale, et au Burkina Faso en Afrique.

Du côté des participantes et participants dans les groupes d'alpha-bétisation populaire, la revue propose, pour la première fois, le témoi-gnage d'une participante haïtienne dans un groupe d'alpha. Ce té-moignage met en lumière les difficultés inhérentes à la condition despersonnes immigrantes analphabètes, difficultés qu'elles rencontrentpour s'adapter à la société d'accueil, surtout lorsque des membres decette même société exploitent leur situation précaire de réfugiés pour lesisoler davantage et en tirer profit.

Pour d'autres participantes et participants, la vie a été plus «rose»le jour du lancement du livre Rose Latulipe, qu'elles et ils ont conçu etproduit ensemble dans leur atelier d'alpha populaire.

Le récit d'une expérience londonienne de recherches participativesen alphabétisation populaire avec des personnes analphabètes, en-gagées dans le processus même de la recherche, démontre la possi-bilité d'intégrer les personnes analphabètes fonctionnelles dans unerecherche-action de ce type.

Et enfin, une lettre de l'un des plus fidèles lecteurs du Mondealphabétique qui a pris plaisir à nous faire part de ses réflexions sur lalecture.

N'hésitez surtout pas à en faire autant!

Micheline Séguin,responsable à la revue

au nom du comité de pédagogie

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Mario Haman de La Porte Ouverte,Saint- Jean-sur-Richelieu

D a n s le cadre d'un projet financé par leSecrétariat national à l'alphabétisation, la Porte Ouverte a mené, l'hiverdernier, une campagne de sensibilisation et de recrutement. Cette campagne,issue d'un projet antérieur, était destinée à devenir un instrument de mesurepermettant d'expérimenter le plan d'intervention en sensibilisation à l'in-tention des intervenantes et intervenants en alphabétisation.

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L'organisme a élaboré unprojet s'étalant sur trois pha-ses. La première, qui a eu lieuau cours de l'automne 1990,consistait à répertorier lesstratégies de sensibilisationmenées par les organismesd'alphabétisation au Québec.La seconde phase devait per-mettre l'élaboration d'un pland'intervention en sensibilisa-tion proposant des approcheset des méthodes de travail. Leplan était composé d'une par-tie théorique et d'une partiemettant l'accent sur la planifi-cation. Le document ne pro-posait toutefois aucun exem-ple pratique susceptible d'il-lustrer dans la réalité les te-nants et les aboutissants d'unedémarche de sensibilisation1.Faute d'exemple, la troisièmephase allait servir de labora-toire en matière d'interventionen sensibilisation. Autrementdit, des activités de sensibili-sation allaient être menéesdans le milieu johannais2

- lieu d'opération de la PorteOuverte - en s'inspirant duplan d'intervention en sensi-bilisation comme documentde référence. Ainsi donc, unefois la phase trois terminée, unexemple-type venait bonifierle plan d'intervention. Ducoup, la Porte Ouverte bénéfi-ciait des retombées des acti-vités en sensibilisation sur sonterritoire tout en parrainant labonification du document enquestion.

Par où commencer?

Nous nous proposons icid'exposer les différentes éta-pes par lesquelles nous som-mes passés lors de ces activitésen sensibilisation. Nous tenonsà signaler que ces activités desensibilisation sont le fruit deréflexions collectives menéespar des équipes d'intervenantset d'intervenantes qui se sontsuccédées au cours des deuxpremières phases de la recher-che.

Une période de question-nement précède nécessaire-ment l'action. Pourquoi sensi-biliser? Pourquoi ne pas s'entenir uniquement au recrute-ment? À quoi doit-on attri-buer l'analphabétisme? Quel-les sont les causes et les con-séquences de l'analphabétis-me? Quel message veut-onlaisser à nos interlocutrices etinterlocuteurs? Ce question-nement nous permet de bâtirun discours et ainsi de mieuxsaisir notre rôle.

A quelle porte aller frapper?

Par la suite, arriventd'autres interrogations maisd'ordre plus pragmatique. Oùaller? Qui rencontrer? Com-ment les rencontrer? Évidem-ment, le plan d'interventionen sensibilisation soulève cesquestions et offre la possibilitéde les mettre clairement parécrit et en ordre. En revanche,

il n'y a que nous qui puissionsfournir les réponses. Les objec-tifs, les moyens utilisés, les ré-sultats escomptés et les éva-luations, c'est nous qui les dé-terminons.

Dans un premier temps, ilnous semblait fondamental detout lire sur le phénomène del'analphabétisme en n'omet-tant aucun élément essentiel.Par exemple, au fil de nos lec-tures, nous avons déniché di-verses statistiques concernantles coûts économiques et so-ciaux de l'analphabétisme auCanada. Dans un documentintitulé Analphabétisme etalphabétisation, guide pourune intervention, publié par leministère de la Main-d'oeuvre,de la Sécurité du revenu et dela Formation professionnelle,on parlait de pertes et de coûtspour l'entreprise et pour la so-ciété s'élevant à environ 15milliards de dollars au Cana-da et 4 milliards de dollars auQuébec en 1989. Ces estima-tions tenaient compte des coûtsdes accidents de travail et de lasécurité au travail, de la baissede la productivité, de la forma-tion de base financée par lesemployeurs, des pertes de gainsde travail, et des coûts liés auchômage excluant les presta-tions d'assurance-chômage.Par conséquent, ce genre d'in-formation soulevait beaucoupd'intérêt aux yeux des person-nes oeuvrant pour des entre-prises privées. Lors de mes ren-

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contres avec elles, celles-cimanifestaient une grande cu-riosité pour les impacts néga-tifs de l'analphabétisme sur lemarché du travail. Chaqueinterlocutrice ou interlocuteuroeuvre dans des créneaux dif-férents - économique, social,politique ou humain auxquelsil a fallu que nous adaptionsnotre discours. Pour les uns, ils'agit par exemple des coûtsentraînés par l'analphabétis-me; pour les autres, ce peutêtre le prix humain associé àcette problématique. En som-me, il suffit d'accumuler suffi-samment d'informations pourréussir à tenir un langage quitouche son interlocutrice ouinterlocuteur.

Au départ, nous pour-suivions deux objectifs: menerune campagne de sensibilisa-tion et de recrutement. Nouscomptions à la fois sensibiliserdivers intervenantes et inter-venants du milieu afin d'ins-taurer un réseau permanentde contacts au sein de la com-munauté johannaise et recru-ter de nouveaux participantset participantes pour le comptede la Porte Ouverte. Dans lecas des intervenantes et inter-venants, la tâche a été relati-vement facile. Nous avonsdressé une liste de gens sus-ceptibles d'entrer en contactavec plusieurs personnes dansleurs activités respectives: tousles intervenantes et interve-nants sociaux et les membresdes organismes commu-nautaires oeuvrant sur uneproblématique précise (santémentale, violence conjugale,

alcoolisme, etc. ), les prêtres dechacune des paroisses, les res-ponsables du personnel et lesreprésentantes et représentantssyndicaux dans les grandesentreprises et usines de la ré-gion, les fonctionnaires desdifférentes institutions gou-vernementales (Centre travail-Québec, Centre d'emploi duCanada, Centre local des ser-vices communautaires, etc. ),les clubs sociaux et associa-tions (Club Optimiste, Club desLions, Club de l'âge d'or, etc. ),les centres d'accueil et la basemilitaire de Saint-Jean-sur-Richelieu qui est le plus grosemployeur de la ville. Mise àpart la base militaire, l'ensem-ble de ce réseau se retrouvedans n'importe quelle agglo-mération suffisamment po-puleuse.

Pour ce qui est du recrute-ment de nouveaux partici-pants et participantes, la tâ-che fut moins aisée. D'abord,comme personne ne l'ignore,rejoindre des gens qui ne lisentpas ou très peu, n'est pas unemince affaire. Nous sommespartis de l'hypothèse trèsrépandue dans les milieux del'alphabétisation populaireque, règle générale, analpha-bétisme et pauvreté sont inti-mement liés. Dès lors, nousnous sommes mis à quadrillersystématiquement, avec lesprécieuses informations re-cueillies auprès des ministresdu culte de chacune desparoisses, les poches de pau-vreté de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu. Nous nous envoudrions de ne pas souligner

la contribution des prêtres aucours de cette mini-enquête àlaquelle ils ont si bien répon-du. Véritables acteurs sociauxdans leur entourage, les prê-tres ont démontré une grandesensibilité au projet ainsiqu'une étonnante connais-sance de leur milieu.

Il ne s'agissait pas ici dedébusquer impunément lespauvres ou de mener unechasse aux indigents, maisplutôt d'introduire dans leursfoyers une information sus-ceptible de soulever leur curio-sité au point de les amener àenclencher une démarched'alphabétisation.

Les outils promotionnels

Après avoir déterminé lesclientèles-cibles, nous devionsconcevoir des «outils» promo-tionnels à la portée de celles-ci.Nous avons dû premièrementidentifier les caractéristiquespour chacune des clientèles-cibles. Les intervenantes et in-tervenants dont il est questionplus haut, qui constituaientnotre première clientèle-cible,sont des gens très occupés quiont peu de temps à nous con-sacrer, et bien entendu, à con-sacrer au matériel écrit quenous avons préparé pour eux.Notre matériel devait donc êtrefacile d'utilisation et discret.Plus qu'un simple dépliant, ilne devait toutefois pas pren-dre les allures d'un rapport.Un délicat dosage entre l'expé-ditif et le fastidieux. Notre choixs'est arrêté sur le «kit»! S'appa-rentant au dépliant quant au

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format, il rejoint le documentpar la densité de son contenu.De fait, à l'intérieur du kit, sixpetites fiches explicatives,disposées par ordre d'impor-tance coiffées de titres brefs etclairs, proposent un aperçusynthétisé de l'analphabétis-me (Qu'est-ce que La PorteOuverte?; Services offerts; Dé-finition de l'analphabétisme;Statistiques alarmantes!;Votre appui nous est précieuxet Faire du dépistage). Non re-butant par sa conception, lekit propose aux lectrices etlecteurs une somme d'infor-mations suffisante et répondainsi au manque de disponi-bilité chez les intervenantes etintervenants.

Bien sûr, ces kits n'au-raient pas fait l'objet d'unegrande attention s'il n'y avaitpas eu de rencontres préala-blement fixées. Avant tout,nous avons contacté par télé-phone tous les organismes dontnous avons fait mention plushaut. Nous leur expliquionsen quoi consistait la PorteOuverte et ce que nous atten-dions d'eux. A la fin de lacommunication téléphonique,nous obtenions presque tou-jours un rendez-vous. Nousprenions bien soin de nousmettre à leur entière disposi-tion pour la date et l'heure dela rencontre (de jour commede soir). Incidemment, plus de70 organismes, soit quelquescentaines de personnes, ontainsi été rencontrées. Des res-ponsables du personnel del'usine Westinghouse en pas-sant par les agentes et agents

du Centre d'emploi du Cana-da ou d'une équipe d'interve-nantes et intervenants so-ciaux, tous les interlocutriceset interlocuteurs ont démon-tré un vif intérêt pour la pro-blématique de l'analphabétis-me. Nous en faisions autantde notre côté en manifestantnotre intérêt pour les activitésde nos hôtes. De cette façon, larencontre se déroulait sousforme de conversation, ce quifavorisait les rapprochements.Nous avons également prispart à diverses activités (misesur pied d'une série télévisée etdéjeuner-causerie) qui se sontgreffées à notre campagne desensibilisation en nous met-tant en étroite relation avec leréseau des organismes com-munautaires de la région.

D'une part, nous avonssensibilisé et conscientisé cesintervenantes et intervenants-clés en privilégiant l'approchedirecte; d'autre part, ces per-sonnes deviennent, par voiede conséquence, des agentsmultiplicateurs qui, dans leurschamps d'activités respectifs,vont tenter de briser le cerclevicieux de l'analphabétisme.

En ce qui concerne la se-conde clientèle-cible, le maté-riel misait davantage sur laconcision du message. Les ca-ractéristiques de cette clientè-le n'étant pas les mêmes, nousavons tablé sur des élémentsplus visuels. Le «présentoir»,comme nous l'avons appelé,constituait à nos yeux l'outille plus adéquat. Surmontéd'un crochet cartonné en for-me de point d'interroga-

tion, pouvant tenir à une poi-gnée de porte, le message pro-posait de «Référer un parent,une amie... aux ateliers de lec-ture et d'écriture de la PorteOuverte». Les coordonnéeshabituelles jumelées à quel-ques informations incitatives(gratuité, respect de l'anony-mat, formation adaptée, etc. )complétaient le contenu duprésentoir.

Saint-Jean-sur-Richelieuet ses environs comptant prèsde 80 000 habitantes et habi-tants, il était financièrementet humainement impensablede rejoindre l'ensemble de lapopulation. En outre, les infor-mations fournies par les prê-tres sur les quartiers et pâtés demaisons les plus pauvres deleurs paroisses ont suffi pourcibler précisément les secteurssusceptibles d'abriter des genséprouvant des difficultés à lireet à écrire. Par la suite, il suffi-sait de faire du porte à portependant quelques jours pourcirconscrire les secteurs en es-pérant que l'entourage immé-diat des analphabètes lirait leprésentoir et se chargerait d'enparler à la maison.

De plus, nous avons ren-du visite à des comptoirs vesti-mentaires, dessous-sols d'égli-se et des endroits où on faisaitla distribution du pain. Nousavons également rendu visiteà la maison qui accueille lesitinérantes et itinérants à Saint-Jean-sur-Richelieu. Durant cestournées, nous en profitionsévidemment pour discuteravec les gens et leur laisser del'information. Au total, nous

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avons consacré 18 semaines àdes activités de sensibilisationdans le milieu johannais.

Il apparaît opportun,comme pour la formation,d'évaluer une campagne desensibilisation et de recrute-ment. À court terme, on peutaffirmer à juste titre que celle-ci a contribué à nous amenerdes participantes et partici-pants nouveaux. L'objectif derecrutement a donc été atteint.Quant à l'objectif de sensi-bilisation, sa portée est plusdifficile à évaluer. Cet objectifs'inscrit cependant dans unedémarche de visibilité et desollicitation que l'organismemène depuis déjà quelquesannées et dont les retombéessont appréciables. La PorteOuverte bénéficie déjà d'ap-puis financiers et d'encoura-gements de la part de parte-naires johannais. En nous ac-cueillant, les intervenantes etintervenants du milieu johan-nais consolident ainsi leur rôlede partenaires vis-à-vis de LaPorte Ouverte, qui pourracompter sur une communau-té plus large reconnaissant lapertinence de son action. C'estune entreprise de longue ha-leine que de nouer des liensdans le milieu, mais dans uncontexte économique où ilsemble toujours plus difficiled'assurer la suivie du groupe,cet appui a une grande valeur.

1. Il est à noter que les deux phases ont fait l'objetd'un article publié dans le no2 de la revue Le Mondealphabétique, coiffé du titre «La sensibilisation àrepenser».

2. Nom donné aux habitants et habitantes de la villede Saint-Jean.

INFORMATIQUE ETALPHABÉTISATION:

LOGICIELSDE SIMULATION

Gilles Landry, de Lettres en Main, Montréal

Depuis plusieurs années, le groupe populaired'alphabétisation Lettres en Main s'intéresse à l'uti-lisation de la micro-informatique en alphabétisa-tion. Le traitement de texte, par exemple, est rapi-dement devenu un outil d'apprentissage privilégiédans le cadre de nos ateliers. Toutefois, il nous estvite apparu que ce type de logiciels ne convenait quepartiellement à certains participants et participantes(les analphabètes complets surtout). Par conséquent,il nous fallait des logiciels conçus expressément enfonction des besoins réels des adultes analphabètes.

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Au début, le problèmesemblait insoluble. Construireun logiciel entraînait des coûtsnettement prohibitifs pour unpetit organisme comme lenôtre. Heureusement, les tech-niques évoluent et l'apparitiondes programmes d'hypertexte(qui sont en fait de véritableslangages de programmation)nous a donné la possibilité decréer nos propres logiciels sansdevoir dépenser des fortunes.

Parce que ce type d'ap-proche nous semble répondrevéritablement aux besoinsdes adultes analphabètes,nous avons choisi de conce-voir des logiciels qui simulentdes situations réelles de vie.Ainsi, nous avons construitdeux programmes qui, nousl'espérons, seront les premiersd'une longue série: Situationde vie 1 (le métro et le guichetautomatique); Situation devie 2 (le centre d'emploi).

Ces deux logiciels sontconstruits sur le même princi-pe. En fait, ils sont formés d'unensemble de piles de fiches liéesles unes aux autres qui for-ment un scénario qui simuleune activité quotidienne plau-sible. De plus, chacune de cespiles peut être utilisée de façonindépendante comme outild'apprentissage.

Les scénarios sont trèssimples. En entrant dans lepremier programme, l'utilisa-teur ou l'utilisatrice se trouvedevant un tableau qui lui offreun choix d'activités: aller voirun film, aller au restaurant,acheter un gâteau, etc. À l'aidede la souris, il ou elle choisitune de ces activités et reçoitune consigne: prendre le mé-tro à une station choisie defaçon aléatoire, se rendre àune station déterminée parl'animateur, entrer dans uncentre commercial, retirer 20dollars au guichet automa-tique, trouver le commerce quiconvient à l'activité (par exem-ple, la pâtisserie s'il s'agitd'acheter un gâteau) et yentrer. Évidemment, si la per-sonne fait un mauvais choix àl'une ou l'autre de ces étapes,elle se retrouve devant unmessage d'erreur.

Pour ce qui est du secondlogiciel, soit le centre d'emploi,il fonctionne à peu près de lamême façon. L'utilisateur oul'utilisatrice doit tout d'abordchoisir un degré de difficulté.Le programme lui proposeensuite de chercher un emploiparticulier. La personne doitalors se rendre au centre d'em-ploi, trouver la fiche corres-pondant à l'emploi désiré sur

les tableaux d'affichage etremplir le bon formulaire à lafin de l'exercice. En fait, con-trairement au premier logiciel,celui-ci permet à l'utilisateurou l'utilisatrice de travailler sonécriture.

Au moment d'écrire ceslignes, seul le premier logiciela fait l'objet d'une vérificationauprès des participants et par-ticipantes de Lettres en Main,qui l'ont trouvé attrayant etfacile à utiliser; toutefois, il fautdire que ces personnes avaientdéjà une certaine expériencede l'informatique, puisquecelle-ci fait partie de leur dé-marche d'alphabétisation àLettres en Main.

Cependant, deux problè-mes se sont présentés: l'utilisa-tion de la souris et la lecture duplan du métro. Le premier s'estrésorbé très rapidement lors-que les participantes et partici-pants se sont rendu compteque, pour passer d'un écran àl'autre, il ne s'agissait pas decliquer dans des icônes, maissimplement dans des champsinvisibles. Le second problèmen'a pas été aussi facile à ré-soudre pour tout le monde. Enfait, plusieurs participants etparticipantes ont encore de ladifficulté à lire des plans. Tou-tefois, comme l'un des buts du

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logiciel est justement de tra-vailler sur ce type de problè-mes, il n'y a là rien de tragi-que. Au contraire!

Finalement, le seul élé-ment inconnu quant à lapertinence de ce logiciel restesa capacité de susciter unvéritable transfert des acquis,et il est encore trop tôt pourl'évaluer correctement.

Les scénarios proposéspeuvent cependant devenirrépétitifs. Toutefois, la struc-ture même des programmesde ce type nous permet de lesétoffer et de les rendre éven-tuellement plus complexes.Il suffit de créer de nouvellespiles de fiches pour activerd'autres stations de métroou d'autres lieux publics. Endéfinitive, ce n'est qu'unequestion de temps, d'énergieet de moyens financiers.

Pour ce qui est du maté-riel requis pour faire fonc-tionner ces deux logiciels, ilfaut disposer d'un ordina-teur Macintosh (MacintoshPlus, Macintosh SE, Macin-tosh Classique, MacintoshPortable ou appareil de lafamille Macintosh II) avecun minimum de deux mé-gaoctets de mémoire vive. Ilserait également souhaita-ble, mais pas obligatoire, dedisposer d'un disque rigide.Enfin, il faut disposer d'uneversion du programme Hy-per Card 2. 0.

À vous de jouer!

P ar opposition aux insti-tutions, à Ludolettre, nous

faisons de l'«éducation dou-ce», c'est-à-dire que nous utili-sons des approches et des mé-thodes qui tiennent compte dela réalité de chaque partici-pante et participant en respec-tant son rythme, son environ-

nement, sa façon d'appren-dre, ses contraintes personnel-les, économiques et sociales.

Depuis leur fondation, lesgroupes d'alphabétisationpopulaire ont lutté afin de fai-re reconnaître cette spécificité.Mais les groupes d'alphabéti-sation populaire en milieu

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rural ont d'autres caractéris-tiques qui leur sont propres:l'éloignement et le manquede services.

Les distances à parcourirsont grandes, les transports encommun à toutes fins prati-ques inexistants. Le recrute-ment doit donc s'effectuer par

le porte à porte afin de rejoin-dre les gens habitant dans lesrangs. Une fois recrutés, ils ontpeur d'être reconnus commeanalphabètes par leur com-munauté, d'où l'importancede créer un fort sentimentd'appartenance au grouped'éducation populaire et d'y

faire participer la commu-nauté.

De plus, la faible densitéde la population pose problè-me. Il faut donc plus d'énergie,plus de ressources pour recru-ter un groupe de dix person-nes. «Or, nous savons d'expé-rience que si une certaine som-

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me suffit à un programme ur-bain de 80 personnes, cettemême somme ne permettraprobablement de desservirqu'une vingtaine de person-nes en milieu rural ou dansune réserve1. » Le ministère del'Éducation en tient-il compte?Pas du tout.

Les services sont en géné-ral inadéquats. Ils ne tiennentpas compte des distances àparcourir. C'est aussi vrai pourles autres institutions gouver-nementales comme les C.T.Q.(Centres travail Québec) etautres. Le C.LS.C. (Centre lo-cal de services communautai-res) qui dessert notre villagede St-Léonard d'Aston estinstallé en plein champ àSte-Monique, à plusieurskilomètres de distance! Lessuccursales sont situées dansles grands centres où une mul-titude d'autres services existentdéjà, comme le centre d'héber-gement pour femmes, les hô-pitaux, les centres d'emploi oules regroupements d'assistéssociaux, etc. Que voulez-vous,les budgets sont établis et lesdécisions sont prises dans lesmilieux urbains!

Monsieur Tony Fuller,participant à la conférencesur l'alphabétisation en mi-lieu rural, résume bien la situa-tion : «En contraste avec lescentres urbains, les centresdont la population est infé-rieure à 10 000 habitants pré-sentent un premier trait :moins populeux, ils comptentmoins de bénéficiaires, moinsd'électeurs (d'où une impor-

tance moindre sur le plan po-litique), moins de contribua-bles et moins d'employeurs.(...) La diversité des régionsrurales suscite d'énormes obs-tacles à la mise en oeuvre deprogrammes centralisés. Cesorganismes obéissent norma-lement au principe de l'uni-versalité dans la mise sur piedet l'implantation de program-mes sociaux. Lorsqu'il s'agitdes régions rurales, il devientdifficile de réaliser les pro-grammes sur une base d'éga-lité, les infrastructures néces-saires y étant absentes2.»

Comme vous pouvez leconstater, la situation, déjàtrès difficile pour les groupesurbains, devient catastrophi-que en milieu rural. Les bud-gets sont votés au pro rata dela population! Nous avonsdonc moins d'argent, moinsde services et plus de travailnon rémunéré!

Qu'en est-il ailleurs? Est-ce seulement au Québec queles choses se passent ainsi? Lorsde la rencontre internationalede l'alphabétisation en milieurural à Ottawa, les gensoeuvrant en alphabétisationen milieu rural ont été unani-mes: le sous-financement desorganismes en milieu rural estencore plus catastrophiquequ'en milieu urbain. Nousavons donc un beau problèmeinternational à partager! Ouf.on se sent moins isolés...

Que peut-on faire pouraméliorer notre sort une foisqu'on a écrit mille et unelettres aux divers paliers gou-

vernementaux, sans compterles téléphones? (En ville, onfait moins souvent des appelsinterurbains; si au moins onpouvait «virer les frais»!) Etbien, on se regroupe. On fondeun centre d'éducation popu-laire en offrant des ateliers-conférences, des ateliers d'al-phabétisation populaire, descours de bricolage pour lesenfants, du transport-escortebénévole (300 demandes pournotre première année!), descuisines collectives, une mai-son de jeunes, un bottin desressources communautaires.On loue une maison, deuxmaisons en y ajoutant d'autreslocaux parce que c'est troppetit; on fait appel à 40 béné-voles, aux programmes gou-vernementaux d'emploi, àCentraide, aux Soeurs, àMonseigneur, au Secrétariatd'État, à la Caisse populaire,au Curé, au Club optimiste.On remplit beaucoup de for-mulaires et on espère qu'unjour... ce sera notre tour!

1. Extrait du discours de Betty Butterworth, cadreà la direction de l'alphabétisation du ministère de/' Éducation de l'Ontario, lors de la Conférence surl'alphabétisation en milieu rural, tenue à Ottawaen mai 1991.

2. Actes de la Conférence internationale sur l'al-phabétisation en milieu rural, tenue à Ottawa du10 au 13 mai 1991, par l'Unesco, pp.13-14.

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Un projetpas fou du tout :les comités locaux d'alphabétisation en milieu rural

Marcel Desjardins du Centre d'alphabétisation des Basques, Trois-Pistoles

C'est bien connu, tenter desensibiliser la population engénéral au problème del'analphabétisme et au vécudes personnes analphabètesn'est pas chose facile; tous lesgroupes populaires d'alpha-bétisation peuvent en témoi-gner. Il est encore plus difficiled'en arriver à une sensibilisa-tion concrète et suivie qui dé-bouchera sur une participa-tion active du milieu.

Dans le contexte parti-culier d'une région éloignéedont la population est disper-sée dans de petites municipali-tés, on doit utiliser tous les

moyens pour relever le défi,des plus traditionnels aux plusoriginaux. C'est pourquoi leCentre d'alphabétisation desBasques tente depuis quelquesannées, d'implanter dans laMunicipalité régionale decomté (M.R.C.) des comitéslocaux de lutte contre l'anal-phabétisme et de promotionde l'alphabétisation.

Tour d'horizon

La région des Basquesregroupe onze municipalitéspour une population de prèsde 12 000 personnes. Coincée

entre Rivière-du-Loup etRimouski, elle connaît depuisdes décennies, un exode mas-sif et un vieillissement de sapopulation. Le taux de chô-mage passait de 18% en 19811

à 24% en 19902, tandis queles bénéficiaires de l'aide so-ciale représentaient près de14% de la population adulteen 19853. Le taux de scolaritéest l'un des plus faibles auQuébec. En 1990, 38% de lapopulation adulte ne possé-dait pas un secondaire II2.Actuellement, les Basques sesituent au septième rang desM.R.C. les plus démunies sur

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la centaine de M.R.C. du Qué-bec1.

Située au coeur des Bas-ques, la petite municipalitéde Trois-Pistoles constitue, avecses 5 000 habitants, le carre-four économique et le centrede services de la M.R.C. Lesgens des municipalités envi-ronnantes doivent s'y rendrepour avoir accès à la plupartdes services professionnels. Ilen va de même pour les servi-ces d'éducation aux adultes.Ainsi, même si la Commissionscolaire de Rivière-du-Loup(responsable de la formationdes adultes dans les Basques)offre depuis 1984 des coursd'alphabétisation, ces derniersne sont dispensés qu'à Trois-Pistoles, au détriment des per-sonnes sous-scolarisées desmunicipalités éloignées.

En général, la popula-tion préfère voir l'analphabé-tisme comme un problèmemarginal. Les gens sont fiers etles personnes analphabètescraignent d'être identifiées,préférant vivre leur situationdans l'anonymat. L'aide so-ciale et l'assurance-chômagesont fréquemment considé-rées comme seules possibilitésde revenus et cette notion setransmet souvent des parentsaux enfants.

C'est dans ce contexte quele Centre Alpha s'efforce de-puis neuf ans de sensibiliser lapopulation et d'organiser desateliers d'alphabétisation danstoutes les municipalités de laM.R.C.

Le pourquoides comités locaux

Au cours de ses premiè-res années d'activités, le Cen-tre n'a réussi à organiser desateliers d'alphabétisation quedans les deux principalesmunicipalités de la M.R.C.Nous cherchions désespéré-ment à rejoindre les popula-tions des municipalités dis-persées en vue de les amenerà participer activement à lalutte contre l'analphabétisme.

Nous avions utilisé tousles moyens traditionnels desensibilisation - médias écritset électroniques de la région,soirées-conférences, tournéestéléphoniques, affiches et dé-pliants, rencontres d'organis-mes et rencontres individuel-les - sans obtenir les résultatsescomptés. Nous devionstrouver autre chose pour per-mettre à toutes les personnesanalphabètes du territoired'avoir accès chez elles à desateliers d'alpha populaireadaptés à leurs besoins. Il nousfallait aussi chercher lameilleure formule pour enga-ger activement les partici-pants et participantes dans leprocessus d'alphabétisation, ceque nous considérons commeprimordial.

La formule des comitéslocaux pouvait-elle répondreà nos attentes?

Création des comités

Bien que la mise en pla-ce d'un réseau de comités d'al-

phabétisation ne soit pas uneidée originaire du Centre, laformule semblait intéressanteet nous l'avons adoptée.

À l'aube de l'Année in-ternationale de l'alphabétisa-tion, le Centre a donc présenté,dans le cadre du Programmede soutien à l'alphabétisationpopulaire autonome, un pro-jet visant la création d'un ré-seau de comités de bénévolespour les neuf municipalités duterritoire qu'il dessert.

Dès la première année,ce projet nous a permis de créercinq comités dans les différen-tes municipalités et par là,d'augmenter considérable-ment la sensibilisation et laparticipation aux ateliers. LeCentre et les comités ontorganisé près de 1 100 heuresd'ateliers de formation, rejoi-gnant ainsi plus de 100 parti-cipants et participantes.

Chaque comité est com-posé de trois à sept personnesbénévoles prêtes à consacrerdu temps pour aider les per-sonnes défavorisées de leur lo-calité. On y retrouve en géné-ral une bonne proportion depersonnes sous-scolarisées quiparticipent à l'organisationd'activités d'alphabétisationdont les ateliers.

Rôle des comitéset du Centre

Bien implantés dansleur municipalité respective,les comités sont amenés à yjouer un rôle bien précis, àsavoir participer activement à

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la sensibilisation du milieu,au recrutement des personnessous-scolarisées et à l'organi-sation de la formation (calen-drier des activités, contenu desateliers, recherche d'un local,participation au choix desanimatrices et animateurs,etc.).

Les membres des comi-tés sont aussi membres de lacorporation et un représentantde chaque comité siège auconseil d'administration. Lescomités bénéficient d'un bud-get annuel de fonctionnementfourni par le Centre.

De son côté, le Centreassure l'encadrement, le sup-port et la formation nécessai-res au bon fonctionnement desactivités des comités.

Une démarche arduemais combien valorisante

Bien que la mise enplace et le maintien d'une tellestructure exigent du temps etbeaucoup d'énergie, la dé-marche est très valorisantepour les travailleurs et tra-vailleuses du Centre et les bé-névoles des comités.

Le plan d'interventioncomporte deux principalesphases: premièrement, unerecherche intensive de béné-voles en vue de la création descomités et deuxièmement, unsuivi constant du travail effec-tué par les différents comités.

En ce qui a trait à lapremière phase, on a dû toutd'abord dresser une liste d'unetrentaine de personnes béné-

voles déjà actives dans leurmunicipalité et susceptibles defaire partie de leur comité lo-cal, appeler et rappeler cha-cun et chacune pour leur ex-poser la démarche, essuyer denombreux refus (dur pour lemoral), créer et acheminer dela documentation adaptée,organiser et participer auxrencontres d'information et decréation du comité et répéterces opérations pour chaquecomité à créer.

Une fois le comité créé,il importe d'en assurer le suivi,de prévoir de la formation pourses membres, de préparer avecle comité un plan de travailpour sa localité et répéter cesopérations... et ce, presque si-multanément car le tempspresse. Ouf.

Le travail de créationdes comités doit s'effectuer audébut des sessions de forma-tion, c'est-à-dire en septembre-octobre et en Janvier-février.Les membres aspirent à desréalisations concrètes. Lacréation de groupes de partici-pants et participantes aux ate-liers constitue déjà pour euxune réussite qui les incite às'impliquer davantage.

La formule des comitéslocaux est intéressante et enri-chissante au plan personneldu fait qu'elle valorise les bé-névoles qui désirent consacrerdu temps pour venir en aideaux personnes défavorisées deleur localité. Elle permet aussiaux participants et partici-pantes d'acquérir et de déve-lopper de nouvelles connais-

sances et compétences, de ren-contrer d'autres personnes,d'apprendre le travail d'équi-pe et de développer un senti-ment d'appartenance. Cetteparticipation donne aussil'occasion de se faire connaî-tre dans son milieu commepersonne impliquée dansl'avancement d'une cause quilui tient à coeur et génère unsentiment d'être plus utile à sacommunauté.

Même si tout ça peutparaître bien beau, il fautfaire attention à l'optimismeabsolu. La démarche est sou-vent semée d'embûches.Ainsi, le Centre n'a pas réussià créer ou maintenir des comi-tés dans toutes les municipali-tés de la M.R.C. Les ressourceshumaines et matérielles fontsouvent défaut; les bénévolessont difficiles à recruter; les dé-placements sont fréquents,l'organisation de la formationet la formation, même pour lesmembres des comités, est ardueet le maintien de la structuren'est pas du tout de tout repos.

Enfin, si la formule peutvous intéresser, à vous d'endécouvrir toutes les facettes etsi possible, de nous faire partde votre expérience.

1. M.R.C. des Basques, Profil socio-économiquede la M.R.C. des Basques, 1986.

2. Centre Alpha des Basques, Recensement 1990,1990.

3. Gouvernement du Québec, Plan d'action enmatièrededéveloppementrégional,OP.D.Q.,nov.1988.

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Les femmes etl'alphabétisation

ou comment et pourquoimobiliser les femmes pour

l'alphabétisation des femmes

Hélène Hagan et Micheline Séguin

Des facteurs communs contribuent àl'analphabétisme tant chez les hom-mes que chez les femmes. La pauvre-té, la marginalisation, l'exploitationsont le lot des analphabètes, mais

pour les femmes, ces phénomènes sont accen-tués et elles les vivent différemment.

Des chiffres

• À l'échelle internationale

Les disparités entre les pays du Nord etceux du Sud se retrouvent aussi dans les tauxd'analphabétisme. Selon des données del'Unesco de 1990,98% des adultes analphabè-

tes se retrouvent dans les pays du Tiers monde;il reste que de 10 à 20% des populations despays industrialisés ne savent ni lire, ni écrire,ni calculer.

Qu'en est-il pour les femmes? Sur la pla-nète, une femme sur trois est analphabète et leplus souvent, ces femmes vivent dans des paysen développement avec un taux d'analpha-bétisme féminin de près de 80% dans les paysles moins avancés (Unesco, 1990).

Dans le monde, le pourcentage de foyersdirigés par une femme seule s'élèveaujourd'hui à 35% environ. La majorité deces familles vivent sous le seuil de la pauvreté.

Le Bureau international d'éducation(BIE), dans le cadre de l'Année internationale

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de l'alphabétisation, a publié un rapport quisignale que 86% des personnes analphabètessont des femmes. Entre 1960 et 1985, les statis-tiques comparées montrent un écart croissantentre les hommes et les femmes : en 1960, lesfemmes représentaient 58% du milliardd'analphabètes, comparativement à 60% en1970 et 63% en 1985.

Ce sont là quelques données qui mettenten lumière la discrimination dont les femmesfont l'objet dans le domaine de l'éducationdans le monde, et par conséquent, leur non-accès à une pleine participation à la société alaquelle elles appartiennent. Elles font ainsil'objet d'une marginalisation et sont, avecleurs enfants, les plus pauvres et n'ont pas

accès à des logements décents et à des soins desanté adéquats.

• À l'échelle nationale

Au Canada, les chiffres tant de Statisti-que Canada que du rapport de Southam Newsne montrent pas beaucoup d'écart entre lespourcentages de femmes et d'hommes anal-phabètes au pays.

Pour le Québec, parmi les personnesagées de 16 à 69 ans «capables de satisfaire àla plupart des exigences de lecture courantes»,55% sont des femmes comparativement à58% d'hommes. Le niveau de compétence delecture des femmes québécoises est légèrement

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inférieur à celui des hommes(Statistique Canada, 1989).

Un portrait statistique duministère de l'Éducation duQuébec1 mentionne qu'unemajorité des personnes sous-scolarisées sont des femmes,dans une proportion légère-ment plus élevée. Par contre,cette proportion augmentedans le cas des personnes al-lophones : près de 70% despersonnes allophones inscritesaux activités d'alphabétisationen milieu scolaire sont desfemmes et environ la moitiésont originaires d'Haïti. Ce-pendant, chez les 15-29 ans, lasituation est inversée puis-qu'on y retrouve une majoritéd'hommes sous-scolarisés,dont un grand nombre sontdes «décrocheurs». De maniè-re générale, tant dans lescommissions scolaires qu'enmilieu populaire, les femmessont majoritaires en alphabé-tisation.

Comme le fait remarquerÉlise De Coster2, «les statisti-ques, rares et parfois contra-dictoires, portent souvent surle degré de scolarité ou sur lephénomène général de l'anal-phabétisme. Son caractère par-ticulier chez les femmes n'estjamais posé comme un fait àpartir duquel travailler.» C'estce genre de réflexion que sepropose de faire le Monde al-phabétique avec ce «Dossier».

La problématique

La rencontre nationale duRéseau national d'action-éducation des femmes3 de mai

1989 a démontré que l'anal-phabétisme des femmes seprésentait comme un problè-me tout à fait particulier. Cettespécificité se manifeste d'aborddans les causes de l'analpha-bétisme chez les femmes. Eneffet, les femmes sont souventanalphabètes parce qu'ellesont dû se conformer aux rôlessociaux qui leur étaient dévo-

L'alphabétisa-tion est plus

qu'un facteurd'égalité entreles hommes et

les femmes; elleest au noeud dela question d'unsavoir-pouvoir.Quel savoir?

Quel pouvoir?Où intervenir,

sur quoi etcomment?

lus. Nombre d'entre elles ontdû abandonner leurs étudespour aider à la maison oun'ont pu fréquenter l'école. Cechoix était d'autant plus ac-cepté que l'éducation desfemmes était jugée moins im-portante.

Les cultures et les histoiresdiffèrent pour chaque pays;cependant elles mettent en re-lief un même fait social de

discrimination à l'égard desfemmes dans le domaine del'éducation, soit par des tauxélevés d'analphabétisme oupar des préjugés bien enraci-nés sur leur rôle dans la socié-té. En effet, les femmes sontexclues de l'école ou encore,quand elles y ont accès, l'édu-cation qui y est dispenséecontribue souvent à renforcerleur subordination à l'intérieurde la société4.

Plusieurs embûches leurnuisent parfois tout au long deleur vie et les empêchent mê-me de reprendre des étudespréalablement abandonnéesou d'aller s'alphabétiser,comme le manque de temps àcause d'une lourde charge detravail (domestique et fami-lial), le manque de confianceen elle, la dévalorisation so-ciale, la culpabilité et la peurde la résistance, voire mêmede la violence des hommes deleur entourage.

Spécificité égalementdans les besoins liés à leur par-ticipation et leur assiduité auxgroupes d'alphabétisation.Souvent à la maison et res-ponsables des enfants, lesfemmes ont besoin de servicesde transport et de services degarde. Elles ont également be-soin de matériel et de situa-tions d'apprentissage liés àleurs préoccupations.

Spécificité dans les raisonsqui poussent les femmes às'alphabétiser. Savoir lire,écrire, compter, s'exprimer n'apas nécessairement la mêmesignification pour les hommesque pour les femmes, ni les

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mêmes répercussions. Alorsque les hommes vont s'alpha-bétiser pour des raisons profes-sionnelles, les femmes veulentsouvent apprendre à lire, écri-re et compter pour des motifsrattachés à leur rôle social demères, d'éducatrices et de res-ponsables de l'économie do-mestique au sein de la famille.Spécificité encore dans les re-tombées de l'alphabétisationdes femmes qui rejaillissent surl'éducation des enfants et surla collectivité en général.

Toutes ces spécificités netrouvent souvent pas de ré-ponses adéquates dans lesprogrammes d'alphabétisa-tion qui sont offerts pour tous.Souvent, les méthodes ou lesapproches ne s'avèrent pasappropriées pour répondre auxbesoins spécifiques des fem-mes. Dans certains cas, dansdes pays en développement,l'alphabétisation est dispenséepar des hommes qui ne croientpas vraiment à la nécessitépour les femmes d'apprendre,ni à leur capacité de le faire.

Premier pas pour sortir del'isolement dans lequel lesconfinait l'analphabétisme etpour obtenir plus de justice,l'accès des femmes à l'alpha-bétisation leur permet un cer-tain contrôle sur leur vie; elleleur ouvre aussi la voie à uneplus grande autonomie, à lapossibilité de jouer un rôle actifdans la société (même à desniveaux très proches d'elles ettrès immédiats comme l'école,les centres de femmes, lesgroupes populaires, etc.); elleaccroît enfin leurs moyens

de défendre leurs droits. Maisnous devons poser la ques-tion : quelle alphabétisation?«...l'alphabétisation acquiertune signification lorsque lesfemmes en tirent profit pourprendre conscience de leuroppression et, en même temps,pour s'organiser et se formeren vue d'entreprendre de véri-tables activités indépendan-tes5.» L'alphabétisation popu-laire conscientisante doit-elleprendre un visage particulier?

Deux autres questionssurgissent alors. Faut-il que cesoit uniquement des femmesqui alphabétisent d'autresfemmes? Faut-il qu'elles se re-groupent entre elles exclusive-ment en atelier pour partici-per et apprendre en fonctionde leurs besoins?

Une démarchecentrée sur lesbesoins des femmes :la méthode thématique

Au Québec, les femmesfréquentent en très grandnombre les groupes populairesd'alphabétisation, et la trèsgrande majorité des interve-nants en alphabétisation po-pulaire sont des femmes.Pouvons-nous tabler sur unecertaine coïncidence : les be-soins des animatrices en al-phabétisation et les besoins desparticipantes se recoupent-ils?

Les besoins des femmesanalphabètes comportent descaractéristiques spécifiquesqui déterminent l'approche, sinous parlons d'une approchecentrée sur les besoins de l'ap-

prenante. La démarche pro-posée sera alors basée sur unmodèle d'alphabétisation quioffre une réelle alternative àleur situation particulière,comme c'est souvent le caspour les personnes immigran-tes, les jeunes ou les personnesdétenues. Et ce, dans des ateliersnon mixtes selon des théma-tiques qui partent de leurspréoccupations. «Lors de larencontre nationale de mai1989, il a été admis que lesfemmes décidaient souvent des'alphabétiser pour répondreaux besoins et aux attentes deleur entourage... La définitiondes buts et des objectifs peutalors être l'occasion d'une pre-mière prise de conscience : lesfemmes ont le droit de penserd'abord à elles-mêmes, et cesans aucune culpabilité. Lamotivation n'en est que plusgrande et les chances de réus-site augmentent d'autant. Ilne faut cependant pas s'at-tendre à ce qu'elles exprimentd'autres ambitions dès le début.Il serait illusoire de penserqu'elles pourront tout de suiteexprimer leurs attentes. Maisau fur et à mesure qu'elless'acclimateront à ce nouveaumilieu, elles se découvrirontdes ressources qu'elles igno-raient et verront s'élargir leurperspective6.»

Il s'agit, en regard des be-soins des femmes concernéeset de la réalité des lieux deformation, de planifier en-semble le processus de forma-tion. Les situations d'appren-tissage multiples, les objectifs,les contenus, les méthodes et

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les techniques orientent ceprocessus, que ce soit dans lechoix des thèmes, dans laconstitution du groupe, dansla planification des activités,dans le choix des tâches, etc.Dans l'action se joue une carteimportante dès le premiercontact : quand la démarchefavorise le partage des savoirs,ceux-ci émergent et se déve-loppent plus aisément. Com-ment utiliser toutes les res-sources des personnes dugroupe? Déléguer est un verbeactif en démocratie.

Axée sur la valorisationde l'expérience et des connais-sances des participantes, cetteméthode favorise l'établisse-ment de rapports égalitai-res, le développement socio-politique et le maintien d'unhaut niveau de motivation.

Quels sont les thèmes àprivilégier? Sont-ils utiliséspour la critique et l'autocritiquede l'oppression? Commentpeut-on l'imaginer aussi dansdes ateliers mixtes? Dans lesdifférents lieux de formation?En regard de l'engagementpolitique de l'animatrice?Comment amorcer un pro-cessus d'apprentissage et deconscientisation qui tiennecompte de la réalité des fem-mes?

Il n'est pas simpliste d'ar-ticuler cette problématiquelargement, aux plans interna-tional et national, autour de laviolence, de la pauvreté, del'alimentation, de la santé, del'éducation, du travail, de lamode, des sports, etc.

L'approche conscienti-

sante demande un certainmilitantisme et un fond d'op-timisme de la part des fem-mes, parce que la prise de pa-role révèle aux femmes desétats de fait peu réjouissants.La motivation doit cependantpouvoir se ressourcer. Com-ment? «...ce qui pourrait re-présenter une préoccupationsupplémentaire et une sur-charge de travail pour les ani-matrices des groupes de fem-mes devient un moyen d'ac-

l'analphabétisme et qu'à sontour, l'analphabétisme «ren-force» la pauvreté7.

L'alphabétisation tradi-tionnelle est technique etfonctionnelle. Elle transmetdes compétences qui devraientaccroître des revenus insuffi-sants ou contribuer à procurerde l'emploi. Dans le contextemondial actuel de récession,il y a lieu de questionner cesattentes. L'alphabétisation estplutôt politique : son objectif

non d'autant plus efficace qu'ilpermet de travailler en mêmetemps à différentes facettesd'un même problème et en-courage la concertation sur lesdiverses questions relativesaux femmes2.»

Les changements visés

Il existe une tragique sy-métrie entre analphabétismeet pauvreté. L'analphabétismeengendre-t-il la pauvreté? Ona de bonnes raisons de croireque la pauvreté alimente

est de transformer des «indivi-dus faibles» en «personnespuissantes», des individuspassifs en membres actifs de lacommunauté. Mais commentcontrer «la faiblesse» et «l'im-puissance» dans le portraitéconomique d'aujourd'hui?Comment maintenir cette vo-lonté de réussir (le concept dela réussite étant à définir enfonction des objectifs!), la dé-termination? Comment con-trer les résultantes de l'oppres-sion : dépendance, manqued'initiative, craintes des res-

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ponsabilités, peur excessivedes échecs, recherche d'appro-bation, réflexed'«autodénigre-ment», et habitudes de con-sommation de services? Quelssont les bénéfices réels de l'al-phabétisation pour une ap-prenante, à court et moyentermes? Est-ce que sa démar-che améliorera ses conditionsde vie? Et en quoi?

Des programmes d'al-phabétisation appropriés per-mettraient aux femmes de re-cevoir une formation qui lesaide à accroître leurs revenus,à satisfaire leurs besoins, àparticiper activement et plei-nement à la vie culturelle de lacommunauté et à la critiquer.Car les femmes ne peuventparticiper aux programmesd'alphabétisation si elles doi-vent continuer à assumer en-tièrement leurs responsabili-tés et leurs rôles traditionnels.De là l'importance d'expliquerà la communauté dans sonensemble et aux femmes elles-mêmes l'enjeu de cette éduca-tion afin d'obtenir leur appui.

Comme le faisaient re-marquer l'Unesco8 et d'autresorganismes, pour que lesfemmes et les filles puissentparticiper aux programmesd'alphabétisation, il seraitnécessaire de combattre lespréjugés sociaux et culturelss'opposant à l'éducation desfemmes.

En ce qui concerne l'al-phabétisation des femmes auQuébec, il serait intéressantd'orienter la réflexion sur larelation très étroite qui unit larecherche et le développement,

car nous sommes en situationde pénurie d'informationspertinentes. Il faudrait diffuserles informations, les expérien-ces dans nos ateliers. Les mé-thodes et les moyens, qui per-mettent des progrès tangibles,devraient faire l'objet de pu-blications et les moyens de lefaire devraient être mis à laportée des groupes. La problé-matique de l'analphabétismedes femmes est assortie deplusieurs spécificités et les ex-périences novatrices menéesen ce sens devraient nous êtrecommuniquées. Dans les uni-versités, les programmes derecherche féministe devraientaussi s'y intéresser.

Il ne faudrait pas croireque la dernière décennie qui a«post-féminisé» les program-mes de formation à l'universitéet ailleurs a vu pour autantchanger la condition fémini-ne. Il ne suffit pas de féminiserles termes! Nous devons étudierles besoins éducatifs des grou-pes de femmes défavorisées etce, en corrélation étroite avecles spécificités de leur vécu, etdans toutes les sphères d'acti-vités. Le futur de l'alphabétisa-tion et l'alphabétisation futu-re dépendent de la qualité desprogrammes de formation eten grande part aussi de la vo-lonté politique des femmes con-cernées. La médiation actuellede l'information donne unetrop grande place aux préoc-cupations, aux idéologiesdes groupes sociaux domi-nants, ce à travers le monde, ycompris le Québec. Qu'on sele dise!

De plus cette problémati-que s'étend aussi à d'autresaspects de la condition fémi-nine en alphabétisation dontnous n'avons pas parlé, maisqui sont tout aussi présents etimportants comme la questiondu bénévolat des femmes enalphabétisation, ou encore latrès grande présence des fem-mes immigrantes à l'intérieurdes groupes d'alphabétisation.La réalité le commanderait!

1. Ministère de l'Éducation. Direction générale del'éducation des adultes. Population inscrite à desactivités d'alphabétisation dans les commissionsscolaires du Québec : Portrait statistique 1988-1989, Québec, juin 1990.

2. Élise de Coster (La Jarnigoine). «Femmes etalphabétisation : un mouvement qui s'impose», inAlpha 92, Unesco, 1992.

3. Voir L'alphabétisation et les femmes franco-phones au Canada; Rapport de la rencontre na-tionale, RNAEF, août 1989 et L'alphabétisationdes femmes francophones, guide à l'intentiondes formatrices, RNAEF, 1990.

4. Voir le numéro spécial sur «La question del'alphabétisation : l'optique féministe sur la lectureet l'écriture", dans À Pleine Voix, Les femmes etl'éducation populaire, Vol.4, n° 1 (janvier-février1990). Bulletin publié par le Programme desfem-mes du Conseil international d'éducation desadultes, Toronto.

5. Agenta Lind, Mobiliser les femmes pour l'al-phabétisation. Genève, Unesco/Bureau interna-tional d'éducation, 1990, page 15.

6. Réseau national d'action-éducation des femmes.L'alphabétisation des femmes francophones.Guide à l'intention des formatrices. Toronto,RNAEF, 1990, page 22.

7. Voir Malcolm S.Adis Esliah. Analphabétisme etpauvreté, BIE, 1990.

8. Barbara A. McDonald et Thomas G. Sticht.Instruire la mère c'est éduquer l'enfant. Unesco,1990.

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Réflexion surl'alphabétisation

des femmesfrancophones

en Ontariopar Johanne Ménard-Brown

du Centre d'Alpha de Prescott, Hawkesbury, Ontario

E n Ontario, il existe

plusieurs programmes d'alphabétisation. Ils sont of-ferts par les collèges communautaires, les conseilsscolaires et le secteur populaire. Ce dernier est de loincelui qu'a privilégié la population francophone. Tou-tefois, le secteur populaire répond-il aux besoins desfemmes francophones? L'approche populaire a gran-dement contribué au développement de l'identité cul-turelle des francophones en Ontario. Cependant, pourles femmes, le développement de l'identité se situeaussi au niveau du développement personnel. Il s'agitpour elles d'un aspect primordial. A l'occasion d'unerecherche-action effectuée par le Réseau nationalaction-éducation des femmes (RNAEF), des apprenan-tes francophones se sont exprimées à ce sujet.

Le programme Alphacommunautaire del'Ontario (ACO)

En Ontario, on retrou-ve dix programmes différentsd'alphabétisation. Le pro-gramme ACO s'adresse ausecteur populaire. C'est ce quiexplique pourquoi le secteurpopulaire a une préférencepour l'alphabétisation cons-cientisante. On constate eneffet que les commissions sco-laires et les collèges commu-nautaires offrent surtout unealphabétisation fonctionnelleet scolarisante1.

La politique d'alpha-bétisation de l'Ontario vise dif-férents groupes-cibles dont lesfemmes et les francophones.Selon les statistiques du minis-tère de l'Éducation de la pro-vince, la proportion d'appre-nants et d'apprenantes estpassablement égale dans ungroupe comme dans l'autre.Faut-il en conclure que l'al-phabétisation populaire ré-pond aussi bien aux besoinsdes hommes qu'à ceux desfemmes?

Pour les Franco-onta-riennes, les besoins se situent àdeux niveaux: elles sont fran-cophones et elles sont femmes.

En permettant le déve-loppement de l'alphabétisa-tion populaire, le programmeACO a largement contribué ànous faire prendre consciencede notre statut de groupe cul-turel minoritaire. Cette prisede conscience a eu pour effetde permettre aux Franco-ontariennes et Franco-ontariens de prendre la paro-

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le et d'affirmer leur identitéculturelle. On peut donc direque l'alphabétisation popu-laire répond relativementbien aux besoins culturels etlinguistiques de la popula-tion franco-ontarienne. Onne peut pas dire la même cho-se pour ce qui est des besoinsdes Franco-ontariennes en tantque femmes.

Le point de vue des femmes

Déjà en 1989, les ap-prenantes faisaient connaître,à l'occasion d'une recherche-action menée par le Réseaunational d'action éducationdes femmes (RNAEF), des be-soins précis: celui de « permet-tre aux femmes de se connaî-tre et de se reconnaître; d'ac-quérir ou de garder confianceen elles-même; de poursuivreun cheminement personnel;de développer des outils pourla prise de parole2.»

Plus récemment, lesfemmes ont réaffirmé la né-cessité de modifier les attitu-des, les leurs et celles des hom-mes, pour mettre fin au sexis-me qui découle de la divisionsexuelle des rôles.

Pour les participantes àcette enquête, le sexisme est àl'origine des difficultés qu'ellesrencontrent tant au niveau dumarché du travail que sur leplan de leur formation. Sesentant seules responsablesdu soin et de l'éducation desenfants, les femmes n'arriventpas à «faire reconnaître leursbesoins de formation commeune priorité» (une participanteà la recherche-action). Par

ailleurs, se sentant moins res-ponsables des enfants, leursconjoints ne sont pas toujoursdisposés à garder ces derniers.

Une des façons d'amélio-rer cette situation consiste àfaire en sorte que les questionsrelatives à la condition fémini-ne fassent partie des contenusdu matériel d'alphabétisa-tion3. Toutes les répondantesont en effet insisté pour que ledéveloppement personnel, cequi inclut les relations inter-personnelles, fasse partie detoute démarche d'alphabéti-sation. Ce volet de l'alphabéti-sation des Franco-ontariennessemble toutefois peu dévelop-pé. Néanmoins, le program-me ACO, par l'approche qu'ilprivilégie, pourrait répondreplus adéquatement aux be-soins des femmes. Ce faisant,les Franco-ontariennes pour-raient contribuer plus effica-cement à la prévention del'analphabétisme chez lesjeunes.

Les femmeset la préventionde l'analphabétisme.

Se sentant responsablesde l'éducation des enfants, lesfemmes se disent grandementpréoccupées par la réussitescolaire et l'avenir de leursenfants. De ce fait, elles consti-tuent un maillon essentiel dela lutte contre l'analphabétis-me. Par ailleurs, toutes s'en-tendent pour dire que l'appuile plus précieux qu'elles reçoi-vent quand elles s'alphabéti-sent provient de leurs enfants.Ce qui permet d'affirmer

que l'alphabétisation «inter-génération» menée dans uneapproche populaire répon-drait plus adéquatement auxbesoins des femmes. De plus,ce type d'alphabétisation con-tribuerait à modifier les atti-tudes sexistes chez les jeunes.

Enfin, ce modèle d'al-phabétisation, parce qu'il per-met aussi le développementde l'identité culturelle sur leplan tant individuel que col-lectif, pourrait ralentir l'assi-milation.

On constate qu'en On-tario, des efforts considérablessont consacrés à l'alphabéti-sation des francophones et desfemmes. Le programme ACOa permis aux francophones dedévelopper un programmeadapté à leurs besoins. Toute-fois, beaucoup reste à faire pourque les Franco-ontariennespuissent jouer leur rôle dans laprévention de l'analphabétis-me chez les jeunes. Il est doncsouhaitable, pour répondreaux besoins de ces dernières,que le programme ACO pren-ne en considération la possibi-lité d'introduire dans ses acti-vités les questions relatives à lacondition féminine.

Je tiens à remercier les membresdu comité alpha du Réseau nationalaction-éducation des femmes pour leurcollaboration.

1. Ontario, le ministère de l'Éducation, juillet1992.

2. RNAEF, L'Alphabétisation et les femmes fran-cophones au Canada, Rapport de la RencontreNationale, août 1989, page 24.

3. Recherche-action menée par le RNAEF; lesrésultats ont été publiés en octobre 1992.

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Comment réussit-on à«arrimer» lutte contre la violence

faite aux femmes etalphabétisation?

Depuis la mise sur piedde Comsep (Centred'organisation mauri-

cien de services en éducationpopulaire), la réalité des fem-mes en général - et plus parti-culièrement celle des femmessocio-économiquement dé-munies - a toujours été une denos grandes préoccupations.Les comités de Comsep sontdes moyens de réaliser des ac-tivités qui permettent d'amé-liorer les conditions de vie desfemmes. À titre d'exemples,les cuisines collectives, le col-lectif femmes à faibles reve-nus, le comité des femmes«cheffes» de famille et bien sûrl'envol alpha.

Aujourd'hui, nous aime-rions mettre en lumière unedes activités en alphabétisa-tion que nous organisons cetteannée et qui nous permetd'«arrimer» la lutte contre laviolence faite aux femmes etl'alphabétisation en passantpar des cours d'autodéfense.

L'an dernier, le collectif defemmes de notre Centre a or-ganisé, les 5 et 6 mars, un

Lucie Latraverse et Sylvie Tardifpour l'équipe de Comsep,

Trois-Rivières

colloque sur la pauvreté desfemmes. La démarche mêmedu colloque se voulait une dé-marche d'éducation populai-re. Les principes de cette ap-proche, entre autres la prise deconscience individuelle et col-lective des participantes de leurcapacité d'entreprendre desactions pour améliorer leursconditions de vie, furent res-pectés. Toutes les étapes, tantla prise de conscience que laconsultation et la définitiondes besoins furent réalisées paret pour les femmes défavori-sées socio-économiquement.Une première au Québec!

Plus de 230 femmes detout âge venues de tous lescoins de la région Mauricie-Bois-Francs partagèrent leurexpérience de vie et leurs con-naissances. Elles ont pris laparole et poursuivaient unobjectif commun, à savoirtrouver ensemble des moyensnouveaux afin d'améliorerleur situation.

Toutes nos participantesen alphabétisation ont prispart au sondage sur les thèmes

devant être abordés lors ducolloque. Certaines d'entreelles étaient membres des co-mités «aviseur» et «contenu»et d'autres ont participé à titrede comédiennes à la présen-tation de la pièce de théâtre aucolloque. Elles ont pour laplupart participé aux atelierset aux plénières pendant lesdeux jours.

Les différentes recom-mandations issues de ces deuxjournées ont orienté notreprogramme de travail pourl'année 1992-1993. Inévita-blement, nous retravailleronsles thèmes suivants : l'aidesociale, la monoparentalité, letravail, l'autonomie financiè-re, l'alimentation, la solidaritéinternationale, les politiquesfamiliales, la violence conju-gale et la violence faite auxfemmes.

Pour y arriver, nous avonscomplètement restructurénotre programme en alpha-bétisation pour l'année quivient. L'objectif de cette res-tructuration est de mieux «ar-rimer» nos comités d'éduca-

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tion populaire avec celui del'alphabétisation. Par exem-ple, une apprenante qui par-ticipe à neuf heures d'ateliersuivra six heures en alphabé-tisation-conscientisation thé-matique et trois heures dansune option de son choix (thè-mes énumérés plus haut).

Le thème de la violencefaite aux femmes nous posaitun problème majeur, soit ladifficulté d'amener les femmesà participer à ces ateliers sanspour autant se mettre à dosleur conjoint et d'arriver à ceque les dits ateliers soientcomposés uniquement de fem-mes. Les ateliers de Comsepétant mixtes jusqu'à mainte-nant, les animatrices avaienteu, par le passé, beaucoup deréactions négatives de la partd'hommes de leurs groupeslorsque ce thème était abordé.

Lors du colloque, plusieursfemmes avaient exprimé le faitqu'elles étaient elles-mêmesvictimes de violence et vi-vaient des situations tantôtstressantes, tantôt dévalori-santes, souvent douloureuses.

L'idée nous est alors venue demettre sur pied à l'intérieurmême des ateliers d'alphabé-tisation l'option autodéfenseofferte uniquement aux fem-mes.

Les possibilités offertes parune telle activité sont innom-brables, tant en condition fé-minine qu'en alphabétisation.La dévictimisation, le proces-sus d'escalade de la violence,des moyens concrets de dé-fense, l'orientation spatiale, leréapprentissage de la con-fiance en soi, la prise de parole,ne sont que quelques exem-ples d'éléments à aborder. Lapremière partie de ce cours detrois heures sera plus pratique(apprentissage de mouve-ments, cris, etc.). Quant à ladeuxième partie, elle sera plus«académique», soit par la lec-ture de textes, l'apprentissagede mots nouveaux, l'expres-sion orale et écrite. La tenued'un journal de bord s'avèreêtre aussi un outil intéressant,tant en ce qui a trait à l'exer-cice de l'écriture qu'en tantque complément à la démar-

che d'expression et d'affirma-tion de soi.

Comme la compositiondu groupe sera de niveauxmultiples, les activités d'al-phabétisation reliées authème se devront d'être adap-tées à chacune des partici-pantes. Ici réside le grand défipour l'animatrice qui, soit diten passant, a commencé elleaussi à suivre des coursd'autodéfense.

Comsep entame doncune passionnante aventureavec des femmes qui désirentêtre mieux reconnues et mieuxrespectées dans leur quoti-dien. Qui sait? Peut-être nousverrons-nous, dans un avenirtrès rapproché, en train d'éla-borer un contenu d'activitésoffertes exclusivement auxhommes, qui s'inscrira dansl'objectif que nous poursui-vons, à savoir améliorer lesconditions de vie des femmeset, ce faisant, les rapportshommes-femmes. On y pensedéjà!

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Les femmes immigrantesen milieu ruralet l'alphabétisationSimone Lizotte, bénévole à Alpha-Nicolet

Les femmes immigrantes denotre région sont présentesdans tous les secteurs de la viequotidienne. Ce sont des fem-mes que l'on retrouve danstous les métiers et toutes lesprofessions...

Sont-elles acceptées là oùelles sont? Disposent-elles desressources nécessaires à leursurvie? Connaissent-elles lesservices et les ressources dumilieu où elles vivent?

Les expériences vécues parces femmes immigrantes enmilieu rural face à l'alphabéti-sation sont uniques, différen-tes et diversifiées. Nous avonsconsulté plusieurs de ces fem-mes et voici ce qu'elles ont dit:• Elles sont perplexes et

craintives;• Elles ne veulent pas d'aide

précise de peur de se fairedire «Tu n'avais qu'à resterchez vous»;

• Elles craignent leur mariqui n'accepte pas les ren-contres féministes, les ren-contres populaires et les ren-contres communautaires.Pour d'autres hommes, c'estle contraire: ils profitent dutravail de leur femme;

• Elles ne veulent pas êtreidentifiées comme person-nes analphabètes... la plu-

part désirent que leurs di-plômes soient reconnus;

• L'alphabétisation, elles ycroient, mais il faut que lasociété les accepte avec leurculture;

• L'alphabétisation, oui, maisà condition qu'il ne s'agissepas d'un substitut pour enarriver à des emplois quepersonne ne désire;

• L'alphabétisation, oui, maisen autant qu'elle ne mena-ce pas l'unité et la stabilitéde la famille.

Voici quelques résumés detémoignages plus précis:

* Une femme immigrante sui-vant des cours de conversation(communication orale) : «Enfrançais, on se débrouille assezbien... les enfants nous aident sicela ne fonctionne pas. Mais enregard du marché, il est avanta-geux de connaître l'anglais. Monmari m'envoie prendre des cours.Lui, il reste à la maison, il s'occupedes besoins de la ferme, pas del'administration.»

* Une femme immigrante sé-parée et mère de plusieursenfants : sa grande préoccupa-tion, donner le confort minimumà ses enfants. Pour y arriver, elletravaille, ici et là; elle fait de grostravaux ménagers. Son salairedépend du bon vouloir des fa-

milles qui l'emploient, parcequ'elle est sur le bien-être social.L'alphabétisation, oui, mais celademande beaucoup de temps.Ses relations sociales restent trèslimitées. Elle se fait assez souventdire: «débrouille-toi avec tes pe-tits...»

* Une femme immigrante quivit depuis plus de trente ans auQuébec : «Je suis Québécoise àplein. J'ai réalisé mes rêves. Je suisautonome. Parler et écrire, pas deproblème. (...) Je souhaite à tou-tes mes consoeurs de surmonterle handicap de la langue... desuivre des cours d'éducation enalphabétisation, de s'intégrer dèsle début au sein d'un organismepopulaire et dans un groupecommunautaire. Elles peuvent yapporter leur contribution à partentière. Toutes devraient être ca-pables de dire: «Nous avons desconnaissances, des richesses, descompétences, donc nous les uti-lisons au service du pays d'ac-cueil.»

En somme, les femmes im-migrantes en milieu rural...vivent l'isolement, mais engénéral, elles souhaitent l'in-tégration et veulent collaborerà l'enrichissement socio-culturel du Québec.

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Témoignage deJeanne-D'Arc Perreault

de La Jarnigoine,recueilli par Micheline Séguin le 8 septembre 1992

Jeanne-D'Arc est âgée de 67 ans.Elle est veuve et mère de six en-fants, trois Mes et trois garçons.Elle vit seule depuis la mort de sonmari.

«Ça faisait des années queje voulais aller à l'école, maisj'étais trop gênée pourm'avancer. Ça m'a toujoursbloquée dans la vie parce queje n'ai pas d'instruction. Dansla famille j'en parlais pas, saufà ma fille la plus vieille. C'estma fille qui a été secrétaire etqui enseigne l'informatique àStella-Maris qui m'a dit«voulez-vous y aller à l'éco-le?» J'ai dit «oui j'aimerais ça,mais je suis bien trop vieillemaintenant, je vais faire rirede moi», et je me suis mise àpleurer. Là, elle m'a donné desnuméros de téléphone. J'ai faitune dizaine de téléphonesdans des écoles. On a fini parme dire d'appeler à La Jarni-goine. l'ai dit «c'est quoi ça,La Jarnigoine?» J'ai télépho-né, j'ai eu un rendez-vous et jesuis allée; j'ai parlé, parlé avecÉlise, je me suis débourrée!Ça a bien fonctionné.

Ça va faire ma troisièmeannée que j'ai commencé ici.J'ai commencé au mois deseptembre et j'ai fait toute lapremière année; mais l'annéepassée, j'ai commencé aprèsles fêtes parce que mon mariest décédé entre temps et je

n'étais plus capable. Je pleu-rais tout le temps. Alors j'aitout changé, j'ai tout peinturé,fait jeter des murs à terre.

Mon mari c'était un hom-me instruit; moi je savais lire etécrire mais je faisais beaucoupde fautes. Des fois j'écrivais et ilme disait «c'est plein de fautes,tu ne sais pas écrire». Des fois ille disait devant le monde et çame blessait. Mais je ne suis pasplus folle qu'une autre. Quandj'écrivais une lettre, j'écrivais àla fin de chaque lettre, «neregardez pas les fautes, j'écrisavec mon coeur. Les fautes, jesais qu'il y en a, mais je ne lesvois pas, j'écris avec moncoeur. » Quand j'ai commencé,il ne croyait pas à ça. Il necroyait pas que j'étais capabled'apprendre. J'ai fait mon che-min toute seule, ce n'est pasgrâce à lui, c'est grâce à mafille; il y avait juste ma fille laplus vieille qui m'encoura-geait. Pourtant, dans la mai-son c'est moi qui faisais tout, ilne faisait rien. Les comptes,c'était lui par exemple. Je nesavais pas compter. Maisquand la paie arrivait, c'estmoi qui la divisais pour enmettre à la banque et quandça rentrait à la banque, ça nesortait pas. Il n'a jamais con-duit, c'est moi qui conduisaisl'auto depuis 1972. J'avais unebonne base quand il est décé-

dé. Quand j'ai commencé àfaire les chèques après sa mort,les deux, trois premiersn'étaient pas bons, et je re-commençais. J'ai commencéà compter l'année dernière, lesdivisions et tout...

Quand t'es toujours chezvous, que tu vas faire tes com-missions et que tu retourneschez vous, tu ne veux pas allertrop loin, te retarder... Je mefaisais des repères et j'amenaistoujours les enfants avec moi,car je ne voulais pas les fairegarder. Je les ai élevés sévère-ment mais je ne le regrette pas.Dans ce temps-là, mon marine s'occupait pas beaucoupdes enfants, c'était moi. Quandils étaient plus vieux, il étaitplus proche.

Quand les enfants étaientjeunes, je leur disais «soyezchanceux que je vous envoie àl'école parce que j'ai le coeurde vous envoyer», parce qu'unjour mon garçon m'avait ditque je ne savais rien. Çam'avait fait mal. Je n'avaispersonne pour en parler, avecma fille, ça fait juste trois ansque j'en parle. Je disais quej'avais fait jusqu'à la septièmeannée, mais je ne pouvais pasleur montrer, j'avais seulementune troisième année et des foisje ne comprenais pas ce que jelisais et je faisais semblant. Ilfallait qu'ils se débrouillent

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tout seuls, car mon mari ne lesaidait pas. Aujourd'hui, quandje ne comprends pas, je saiscomment chercher dans le dic-tionnaire. Maintenant, mesautres enfants aussi trouventça le «fun» que j'aime ap-prendre et ils m'encouragent.Je leur ai dit parce que je n'étaisjamais là quand ils appelaient.Je venais ici deux fois par se-maine. Ils m'ont demandé ceque je faisais que je n'étaisjamais là. Aujourd'hui tout lemonde me pousse. D'aprèseux, ils me trouvent le «fun».

Des gens dans le groupeme disaient, parce que je nevoulais pas recommencer toutde suite cette semaine à venirau centre, «ne me fais pas ça,si tu ne viens pas, moi nonplus». Je leur dis «ça va marchersans moi, je t'ai connu justel'année passée!». Ils me disent,«tu as tellement d'entrain, tunous donnes du "guts" ettout.» Je leur dis, «arrêtez-moiça!» C'est drôle, parce que sin-cèrement, je ne me pensaispas, je ne me connaissais pasde même! Il me semblait que jen'étais rien à côté des autresqui sont instruits. Maisaujourd'hui, je vois bien.Comme je le disais à mon mari,qui avait soixante personnessous ses ordres dans son travail,«t'es bien instruit, mais tu n'aspas d'éducation!»; parce quenous aussi on vaut autantqu'eux autres, qu'ils nous don-nent de la place! Maintenant,quand il y en a quelques-unsqui prennent trop le plancher,je leur dis.

Quand je peux aider les

autres, je le fais. Ça a l'air queje suis peut-être bonne pourentraîner les autres. J'ai aidéd'autres personnes comme çaà prendre leur place, je leurdisais «ne donne pas ta place,prends ta place!» J'avais uneamie de femme, elle ne fonc-tionnait plus sans aide. Je luidis «fais ta vie». C'est pour elleaussi; comme moi, j'ai vécupour moi, là; il fallait que jem'en sorte. On n'est pas làpour se caler, on est là pours'entraider.

J'étais une personne re-pliée sur moi-même. Ça m'abien aidée; aujourd'hui, je suisouverte. Je prends ma place. Jem'en rends compte, je ne suispas la même. Je me sens bienmieux dans ma peau. De ve-nir ici, ça m'a donné plus con-fiance en moi. On m'acceptaitcomme élève même si c'étaitplein. Ça m'a enrichie, c'estnormal. C'est quasimentcomme une résurrection. Ça aété une nouvelle vie. Au lieu detoujours me reculer comme j'aitoujours fait, je peux m'avan-cer. Je fonce. Par exemple, jefais partie de l'Association despetites soeurs de l'Assomption.Elles étaient à côté de cheznous et quand j'ai eu mes en-fants, elles venaient me rele-ver. C'est un groupement defemmes; on appelait ça lesgardes-malades des pauvres.Après j'ai fait beaucoup de bé-névolat pour elles. Je me suisfait des amies mais j'avais ja-mais parlé en avant. Au moisde décembre, j'ai préparé etprésenté la réunion; c'était lapremière fois depuis quarante

ans que je faisais ça. Je disais,«je ne serai jamais capable»,mais elles disaient «tu vas êtrecapable». J'ai dit «je vais es-sayer». Je ne pensais jamaisque j'étais capable. J'étais fiè-re.

J'étais allée au Forum1, pasl'année passée, l'autre avant.J'avais aimé ça. Dans les ate-liers, j'étais avec une «gang»,j'ai parlé quasiment l'avant-dernière. Ça me gênait de par-ler, je voyais tout le monde. Jeme suis aperçue que c'étaitpas des gens comme moi. Il yen avait un qui venait du gou-vernement, d'un bureaud'assurance-chômage, je l'aipiqué. J'avais écrit tous les ter-mes que je ne comprenais paset je lui ai dit, «vous là, qu'est-ce que ça veut dire tel mot, etça et ça? je n'ai pas de dic-tionnaire sur moi.» J'étais as-sez fière après, même les autresm'ont remerciée. Je ne voulaispas repartir en me sentantrabaissée par eux autres, je nevoulais pas, alors je leur ai dit.

Je vois mes fautes mainte-nant. Je ne les vois peut-êtrepas toutes, mais ça s'en vientet j'aime ça. Je lis, pas telle-ment des livres parce que jen'ai pas le temps, j'aimerais çapar exemple, mais je lis desrevues et des textes pas troplongs et instructifs.

1. Il s'agit du Forum Une société sans barrièresorganisé par le RGPAQ, l'ICEA et la CEQ enoctobre 1990.

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Témoignage deSylvie Sévigny

de La Jarnigoine,

recueilli par Micheline Séguinle 8 septembre 1992

Sylvie participe aux ateliers d'alphabétisation à La Jarnigoinedepuis quatre ans. Elle a 33 ans, est célibataire et vit seule.

«J'ai entendu parler descours à La Jarnigoine par LeGuide du Nord1. Mon frère avu l'annonce. J'ai téléphoné etj'ai eu un rendez-vous avecÉlise. Je pensais que ce seraitdans une couple de jours, maiselle m'a demandé de venir toutde suite. Ça m'a surprise, maisje suis allée.

Je travaillais au Coliséedu livre. Je mettais les prix surles livres, mais personne nesavait que je ne savais ni lire niécrire; pour les chiffres ça allait,et pour compter aussi. Maisc'était très dur. Une journée,j'ai dit à mon «boss» que j'al-lais prendre des cours; il m'amise à la porte.

Avant ça, j'ai travaillécomme caissière. Avec l'argent,je n'avais pas à lire et à écrire.Mais j'ai eu des petites «bad-lucks», comme un petit gar-çon qui arrivait avec un papier.J'étais obligée de lui demander,«qu'est-ce que tu viens cher-cher?» et il disait «du beurre depeanut». Quand je savais quec'était ça, je regardais le mot etje regardais sur le pot, parceque j'étais capable de dire sic'était un «a» ou un «b». Dansmes jobs, je travaillais telle-ment juste avec mes mainsque je ne m'arrêtais pas pourme dire que je ne savais paslire et écrire. Mais une journée,j'ai eu une affaire à lire et àsigner et c'est là que je me suisarrêtée pour me dire que ceserait bon de retourner à l'école.Tout ce qui comptait pour moi,c'était de savoir lire et écrire.

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Ma langue maternelle,c'est le français mais j'ai été àl'école en anglais. On avaitune heure de cours de françaispar semaine. J'ai lâché l'écolej'avais douze ou treize ans,parce que les profs ne mecroyaient pas quand je leurdisais que je ne comprenaispas, même au cours de fran-çais.

Dans ma famille, monfrère a été le seul qui m'a en-couragée à retourner à l'école.Quand je disais à mon pèreque je ne savais pas lire, il neme croyait pas. Il disait quec'était parce que je ne voulaispas aller travailler. Il a eu de lamisère à l'accepter mais après,il m'a encouragée. Ma mèrec'était pareil. Mais mon petitfrère est même venu me re-conduire à la commissionscolaire le premier jour, pourêtre sûr que j'y aille.

Avant de venir ici, j'étaisallée dans une commissionscolaire. Mais on était telle-ment de monde, que c'est beausi le prof avait cinq minutespour moi, quand je disais queje ne comprenais pas. Ça fai-sait deux, trois ans et j'étaistoujours au même niveau; onrépétait toujours la mêmechose et on n'avançait pas.On faisait plutôt des jeux. Onfaisait deux rangées chaquecôté, et on faisait des mots avecun «a» et un autre avec un «b».C'était plus oral qu'écrit, etquand c'était le temps d'écrire,c'était trop dur pour moi; je

disais que je ne comprenaispas. Le niveau de la classe étaittoujours trop haut, ou trop basquand c'était dans une classeorale.

Quand je suis arrivée ici,c'était bon. On apprenait avecdes sons. À la commissionscolaire, on n'avait jamais faitça. Ici, il y a plus de femmes. leme sentais mieux parce c'étaitplus des femmes. On n'étaitpas jugé comme c'est déjà ar-rivé à la commission scolaire.On était deux filles avec tout lereste de gars et on n'était pasbienvenues. Les hommes di-saient: «tu devrais être à lamaison, même si tu sais paslire, ce n'est pas grave, tu vasavoir un «chum» qui va tefaire vivre.» Si on voulait avoirde l'aide, on demandait à ce-lui à côté de nous autres et il nevoulait pas nous aider. Jen'étais pas bien là et j'ai quitté.J'étais toujours stressée et jen'apprenais pas pendant cetemps-là. Ici, il y a plus defemmes et je me sens plus àl'aise pour parler de moi, demes problèmes. Je suis moinsgênée. Je ne me sens pas jugée,je me sens bien ici. C'est com-me une famille.

Dans un atelier, avecMaryse, on a dessiné le contourde notre corps, on a mis desphotos tout le tour de notrecontour. Toutes les photosqu'on a mises là, on a ditpourquoi on les a mises là,c'était comme notre vécu. Onl'a dit, puis on a écrit ce que ça

voulait dire pour nous autres.J'avais choisi une photo d'unarbre avec toutes les lettres etcette photo-là, pour moi, çavoulait dire que toute ma viej'aurais aimé savoir lire et écri-re. J'aurais aimé être cet arbre-là. Une autre photo avec unefemme et un homme, pourmoi, c'était comme mes pa-rents. J'aurais aimé que mesparents m'aident à lire et écrirequand j'étais jeune. On parleplus de nous, on est plus àl'aise pour parler de toutessortes de choses et on en parleplus.

Dans un groupe, on étaitquatre ou cinq femmes, maisdeux ont laissé. On a écrit untexte2. On a écrit nos phrasesau tableau pour commencer,même avec les fautes. On apris une phrase et on a vu leserreurs. On a parlé de la phrase.Ma phrase c'était de pouvoirlire des histoires à mon filleul.On prenait des petits textes eton décidait le texte qui allaiten premier, en deuxième,troisième. Le groupe avaitchoisi le thème sur le pouvoir.

Maintenant, il m'arrivemoins de «badlucks». Je netravaille pas pour l'instant,mais je peux aller remplir desformules. Je peux lire des fac-tures, des contes, c'est mer-veilleux. J'attends encore uneannée pour l'écriture, qui mefait encore peur; j'ai encorebeaucoup de misère, mais jesais bien lire; je lis le journaltous les jours et je me pratique

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pour l'écriture. Durant l'été,j'ai refait toute seule des chosesqu'on avait faites dans legroupe et au retour j'ai mon-tré mes feuilles pour voir oùj'avais plus de misère, pour medonner plus confiance.

Je fais du bénévolat ici aucentre de Jour depuis deux anset j'en fais aussi au Chaînon3

depuis huit ans. Au Chaînon,je m'occupe des cafés-rencontres et des déjeuners dusamedi matin, et toutes sortesde choses. Je m'assois avec lesfemmes et elles me racontentleurs problèmes, je les écouteet je ne les juge jamais. J'ap-prends toujours. Ici je rencon-tre tous les groupes, celui desespagnols, je rencontre tout lemonde et je parle avec eux-autres. Ça m'aide beaucoup.Je donne aussi le cours de basesur l'ordinateur à d'autrespersonnes. Ça me donned'autres expériences. Ça medonne plus confiance en moi.Plus tard, j'aimerais donnerdes cours à d'autres qui saventni lire ni écrire, la base.»

1. Journal du quartier Villeray à Montréal.

2. Voir le document publié par La Jarnigoine en1989, sur l'analphabétisme des femmes : Al-phabétisation, le pouvoir entre les mains. Desparticipantes ont écrit un texte collectif. Sylvie étaitdu nombre.

3. Centre d'accueil et d'aide pour les femmes de larégion de Montréal.

Femmeset analphabétisme

au SalvadorDanyka Morissette et Dominic Morissette,

d'ÉducAtion

Au Salvador, paysd'Amérique centrale, l'année 1991 s'est terminéepour le peuple salvadorien sur une lueur d'espoirinespérée: après plus de 12 ans de guerre civile, leSecrétaire général des Nations Unies a réussi ànégocier un accord de cessez-le-feu entre les deuxforces rivales (l'armée et le Front de libération na-tionale Farabundo Marti). L'année 1992 ne pouvaitmieux commencer.

La guerre a laissé des cicatrices profondes. Cepeuple est maintenant à l'aube d'une nouvellepériode: la reconstruction de la société. La tâche estardue mais la volonté des gens, à toute épreuve.

Au cours d'un séjour au Salvador en août1991, nous avons pu constater les ravages causéspar ce conflit armé et la situation précaire danslaquelle celui-ci a laissé les femmes salvadoriennes.À cause de la guerre et des pertes humaines, denombreuses femmes se sont retrouvées seules res-ponsables de leur famille et de leurs proches parents.Malgré tout, elles restent marginalisées et oppri-mées parle système actuel. La majorité d'entre ellesn'ont aucune possibilité d'avancement et un desplus grands obstacles qu'elles doivent surmonterpour améliorer leur sort est l'analphabétisme.Pourtant, ces femmes jouent un rôle-clé dans l'amé-lioration de la situation familiale et donc sociale.

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PHOTO : Dominic Morissette

Lors de ce voyage, nousnous sommes particulièrementintéressés à l'analphabétismedont les femmes salvadorien-nes et leur famille sont victi-mes. L'infrastructure du systè-me scolaire a en effet été gran-dement endommagée durantla guerre: plus de 1200 écolesont été fermées et 170 détrui-tes1. Le taux d'analphabétis-me s'élève à 67% dans les vil-les et à 73% dans les zonesrurales et plus de la moitié despersonnes analphabètes sontdes femmes. On retrouve plusde 10 300 enseignants sansemploi, alors que pour com-bler les besoins de la popula-

tion, il faudrait plutôt ouvrir14 000 postes d'enseignants.

C'est pendant notre sé-jour que nous avons pris con-naissance du travail accomplipar l'Association des femmessalvadoriennes (ADEMUSA).Cette association travaille avecplus de 3 700 femmes de tousles secteurs de la population ets'intéresse aux revendicationséconomiques, sociales et juri-diques des femmes et des en-fants. Elle offre, entre autres,des ateliers en alphabétisationet en éducation populaire dansdifférentes communautésmarginales. Nous avons trèsrapidement constaté à quel

point les femmes de cet orga-nisme étaient frustrées de nepouvoir donner de façon con-venable leurs ateliers populai-res d'alphabétisation et, par lefait même, de ne pouvoir lesétendre à d'autres commu-nautés, vu le manque crianten matériel didactique. De lànous est venue l'idée de lesaider.

Nous avons fondéÉDUCACTION2, et en colla-boration avec ADEMUSA,nous avons élaboré un projetde soutien aux ateliers d'al-phabétisation offerts par cetteassociation de femmes salva-doriennes. Nous voulons en-

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courager les efforts d'ADEMU-SA en achetant du matérieldidactique adéquat et suffisantpour le bon déroulement deces ateliers et voir à l'éventuel-le possibilité de les étendre àd'autres communautés.

De plus, nous croyonsfortement en la nécessité desensibiliser la population denotre pays à la réalité salvado-rienne. C'est pourquoi ledeuxième volet de notre projetse déroule ici et a pour but defaire connaître la situation del'éducation au Salvador. Lasensibilisation de notre socié-té, face au reste du mondenous semble tout aussi impor-tante; c'est une manière indi-recte de soutenir les efforts sal-vadoriens pour une paix du-rable.

Le Salvador est à unpoint tournant de son histoire;nous voulons soutenir les ef-forts de développement dé-ployés à la base. C'est avec ceprojet de soutien à la lutte con-tre l'analphabétisme que nousvoulons encourager les effortsdes femmes salvadoriennesen matière d'éducation popu-laire.

1. Ce s données et celles qui suivent proviennent duCentre de coopération avec le Salvador (CCES)pour la région de Montréal.

2. ÉDUCACTION, organisme à but non lucratifvoué à la sensibilisation du public québécois à lasolidarité internationale.

L'alphabétisation des femmes

burkinabè:un exemple concret

Suzanne Daneau1

Coordonnatrice de la Boîte à Lettres de Longueuil

J'ai eu à travailler, de 1989 à 1991, au nord du BurkinaFaso dans quatre villages en périphérie d'une petite ville,l'étais là pour appuyer un projet de développement à savoirla mise sur pied de petites unités économiques gérées par lesgroupements villageois féminins. Ces groupements repré-sentaient environ 3 000 femmes et avaient déjà plusieursréalisations à leur actif. Réalisations qui, malheureusement,avaient été récupérées par les hommes une fois devenuesrentables.

Avec les femmes, nous avons réfléchi à des solutionspour contrer ce problème et nous en sommes venues en-semble à la solution suivante: l'alphabétisation en mooré2. Siles gestionnaires de ces boutiques villageoises, de ces moulinsà mil, de ces banques de céréales, de ce petit crédit voulaientsavoir où l'argent allait, voulaient connaître les pertes ou lesbénéfices de leurs petites coopératives, voulaient prendre desdécisions éclairées sur l'ensemble de l'entreprise, ellesdevaient apprendre à lire, écrire et compter pour devenirainsi plus autonomes et prendre complètement en charge lagestion des coopératives.

Sur les 3 000 femmes membres des groupements villa-

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geois féminins, seulementdeux étaient alphabétisées audébut du projet, puisqu'ellesavaient eu la chance de termi-ner leurs études primaires3. Unepremière campagne d'alpha-bétisation a été organisée danstrois villages et 150 femmesont pu se libérer pour suivre laformation intensive de 54 joursdonnée par un alphabétiseurdu village. La préparationd'un tel événement est trèscomplexe et demande énor-mément de temps et d'énergie:1- faire accepter l'idée par lechef du village et par leshommes; 2- trouver un localet un moment propice, cesfemmes étant extrêmementoccupées; 3- organiser le repasdu midi car les femmes fontsouvent plusieurs kilomètresà pied matin et soir pour par-ticiper; 4- acheter et distribuerle matériel nécessaire, etc. Lacampagne d'alphabétisationa été prise en charge financiè-rement à 100 % par le projet.

Le contenu de ces forma-tions était très centré sur levécu de ces femmes et sur leurspréoccupations quotidiennes:les soins aux enfants, l'hygiè-ne, une alimentation pluséquilibrée, l'eau, le travail auxchamps, la gestion des unitéséconomiques, l'élevage, etc.

À la fin de la campagne,les femmes ont fait l'objet d'uneévaluation et environ 50%d'entre elles ont passé cettepremière étape avec succès;très fières d'elles, elles pou-vaient s'attendre à suivre lasurformation remise après lapériode des récoltes.

Une question s'est alorsposée: comment ces femmesallaient-elles pouvoir garderleurs acquis jusqu'à la deuxiè-me formation? Elles ont étéaussitôt engagées dans la ges-tion des unités économiquesde leur village avec l'appuinécessaire jusqu'à la prochai-ne formation: une s'est re-trouvée secrétaire du conseild'administration, une autreremplissait le cahier de ventede la boutique, une troisièmes'occupait des dépôts et desretraits à la caisse populaire,etc., le tout sous la supervisiontrès étroite, il faut le dire, del'équipe du projet.

Après les récoltes, la sur-formation a débuté et environ75 femmes y ont participé. Lecontenu était divisé en deuxétapes: la suite de l'apprentis-sage de récriture et une basede connaissances en gestionde petites coopératives. Cetteformation a duré 32 jours ets'est terminée par une grossefête de village avec démons-trations de lecture, d'écriture,de calcul et de solutions deproblèmes et où la majoritédes femmes ont reçu un di-plôme qui sanctionnait le faitqu'elles étaient alphabétisées.La majorité de ces femmesse sont par la suite mises àparticiper activement aux ac-tivités et au fonctionnementde leur groupement. Les hom-mes qui participaient encore àla gestion de ces activités sesont donc subtilement fait«tasser», non sans problèmedans certains cas.

Le projet tirait bientôt à sa

fin et une dernière préoccupa-tion nous a effleure l'esprit ettracassait certaines femmes: laformation de femmes alpha-bétiseures. Une troisièmeséance de formation a doncété organisée, en ville cette fois-ci, et les groupements ont en-voyé les 15 femmes les plus«fortes» pour recevoir une for-mation d'alphabétiseure,pendant 21 jours.

Maintenant, chacun desvillages compte un certainnombre de femmes alphabé-tisées travaillant dans les coo-pératives ainsi que quelquesfemmes en mesure de conti-nuer la formation.

Cette démarche, échelon-née sur deux ans, ne s'est évi-demment pas faite sans pro-blème, surtout pour ces fem-mes déterminées à apprendreet à acquérir plus d'autonomiedans leur vie. Ces femmes ontdû se battre contre leur maripour pouvoir participer à laformation, elles ont dû y par-ticiper en compagnie d'un oude plusieurs de leurs enfantsqui pleuraient et qui s'impa-tientaient, elles ont dû tra-vailler et étudier après leursnombreux travaux domesti-ques épuisants. Elles ont rele-vé le défi. De quoi être fières!

1. Ex-coopérante pour l' Organisation canadiennede solidarité et de développement à Ouahigouyaau Burkina Faso.

2. Langue parlée par un des 60 groupes ethniques,les Mossi qui représentent environ 49% de lapopulation.

3. Toutes les autres étant complètement anal-phabètes, n'étant pas capables d'écrire leur nom etpour une bonne partie d'entre elles n'ayant jamaisvu de matériel écrit.

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J'AI VÉCU MON ANALPHABÉTISME... EN FIN DE SEMAINEJohanne Letourneux, de la Boîte à Lettres

Epaisse, nouille, mouleà gaufres, bachibouzouk,bonne à rien! J'le savais que çamarcherait pas, que je seraispas capable. J'comprends rien,j'ai jamais rien compris. Je suisune tarte. Faites-moi cuire!Vous ne m'avez pas crue, vousm'aurez cuite! J'le savais pour-tant. J'étais pas bonne à l'école,je vois pas pourquoi je seraismeilleure aujourd'hui. Mesparents m'ont jamais encou-ragée. C'est vrai! Y'étaientcontre... Y trouvaient ça inuti-le. (Encore aujourd'hui.)

Finalement personnem'aime. Pis à part de ça, le profy m'ennuie royalement. C'estun twit! Un... **!»#%$. Pis sur-tout, surtout, je vais vous ledire bien franchement, j'aipeur, j'ai mal au ventre.

C'est fini, ni-ni. J'aban-donne. Plus jamais on me re-prendra à suivre des coursd'anglais! Quand je pense quec'est moi qui ai décidé de pren-dre ces cours-là. Pour me sentirmoins épaisse, pour me fairedes petits namis zanglais...ben, pour faire comme tout lemonde, pour me sentir utile.Toutes mes amies sont trilin-gues bon. Pis aussi, j'voulaislire la constitution en anglais.(J'la comprends pas en fran-çais.)

Ça fait deux jours que jemanque mes cours, je m'en-ferme chez moi pis je me rongeles ongles...et l'autre... le mi-nistre Page, qui se laissaitpousser les siens! Pis je me ré-volte beaucoup. J'écoute la té-lévision. Juste en français, bon.J'ai le droit, pis c'est utile.

Tout ça a commencéquand le prof m'a fait lire touthaut devant toute la classe, untexte que j'avais jamais vu dema vie. L'enfer, la torture chi-noise. C'est pas humain.Quand je pense que j'adoraisfaire lire les participants etparticipantes à haute voix.Pauvres bêtes!

C'était affreux, tout lemonde m'écoutait. J'avaisl'impression d'être un microgéant et les autres de groshauts-parleurs. Dans le silen-ce de la classe, ma voix étaitinsupportable. Pourquoi moi?Pourquoi pas l'autre à côté?Yé pas bon. Ou pourquoi pasfaire ça en gang? J'pourraisbeugler avec le troupeau touten cachant mon accent devache espagnole pognée dansles barbelés.

Si vous saviez comme jevoulais bien lire, avec un belaccent, une belle prononcia-tion. Même que j'avais ajoutéune touche sensuelle dans ma

voix. Ça pogne toujours.J'voulais tellement bien faire,j'voulais être parfaite, lameilleure. J'voulais que le profme remarque, j'voulais...j'voulais qui trouve que je lisbien, que j'ai pas d'accent...que... j'voulais qui m'aime!

J'ai tout raté. Je distor-sionnais. Je lisais comme unongle qui glisse sur un tableau.Je me voulais douce et suave,je trompettais comme une si-rène d'ambulance. Après madélecture... le silence. Les hauts-parleurs silaient. Le prof m'ajuste posé une question: cellequi fallait pas. Celle que jeposais tout le temps à mesparticipants quand j'ensei-gnais en alphabétisation.

«Qu'est-ce que t'as com-pris dans le texte?» what?Qu'est-ce que j'ai compris dansle texte, mais ça va pas non!Pendant que je m'évertue àme faire aimer, il faudraitqu'en plus je réfléchisse. Je suisdans l'émotif moi monsieur, jene suis pas dans l'intelligencemoi monsieur... enfin pas là,pas tout de suite. Repassez moncher! Y m'écoute pas, y'a le nezdans son maudit manuel.Encourage-nous, fais quelquechose. Dis-nous qu'on est bons.Même si on est grands! Ça faitlongtemps qu'y a pas été sur

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un banc d'école lui. Y s'ensouvient plus, c'est quoi ap-prendre.

Ben moi, je vais m'en sou-venir pour lui. Moi je l'ai vécu.Ça fait mal, ayoye bobo!C'est pas l'fun du tout du tout.T'es toujours en train de teremettre en question pis de tetrouver nounoune. Quand jepense que j'ai enseigné pen-dant cinq ans en me pensantbien finfïnaude, bien compré-hensive, bien à l'écoute deleurs peurs, de leurs besoins.J'voulais tellement bien faire,j'voulais les aider. J'voulais êtrele meilleur appui... j'voulais,j'voulais... tellement qu'yaiment, que je les aime, pisqu'y s'aiment, ô traîtrise, ôdouce infamie, morbleu!l'avais rien compris, mais rien,rien de leurs souffrances phy-siques et morales. J'avais pasmal au ventre moi, j'avais pasla chienne moi, j'avais pas peurd'être ridicule pis de me trom-per moi. Je m'entendais mêmeassez bien avec moi-même.Quelques crises d'estimationpeut-être. Mais c'était passa-ger... une pinotte! C'est pasentre les deux oreilles que çase passe tout ça, mais dans leventre, ça tire et ça crampe,ça bafouille et ça trébuche.

Pis ils remettent ça cetteannée. Ils reviennent dans lesateliers, de plus en plus nom-breux, de plus en plus masos.Décidément, je comprendraijamais rien. Sont fous cesanalphabètes!

1. Publication collective élaborée à partir de la légende du même nom par des participantes et participantsayant une déficience légère.

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Déjà la fin d'avril mil neufcent quatre-vingt-douze... Pourle groupe de participantes etde participants d'Alpha-Nicolet en difficulté d'appren-tissage, c'est aujourd'hui unegrande fête. Tous et toutes ontrevêtu leurs plus beaux vête-ments, car nous nous prépa-rons à accueillir les parents etles amis qui viendront au lan-cement de notre livre «RoséLatulipe» cet après-midi.

La préparation

Les lieux se doivent d'êtreà la hauteur de l'événement.Chacun y met du sien : il y al'aspirateur à passer, l'épous-setage à faire, les tableaux àlaver et la décoration...

Ensemble, on préparel'ordre du jour : accueil, si-gnature du livre d'or, mot debienvenue... Chacun devientl'hôte de la fête. Et bien en-tendu, il y a la répétition gé-nérale où l'on essaie de sentirl'auditoire présent devantnous. Le stress est grand. Onhésite, on reprend plusieursfois le scénario, car cet après-midi, ensemble, nous auronsà raconter l'histoire à nos in-vités.

Après dîner, je proposeune dernière répétition, maischacun se dit prêt. On se ras-sure les uns les autres... Je croisqu'on fond, j'avais besoin decet appui.

La fête

Il est maintenant 13h30.Notre photographe (un parti-cipant d'un autre groupe) estdéjà sur les lieux. Les person-nes invitées arrivent et sontaccueillies à tour de rôle parSylvie et Luc. Marjolaine etChantale font signer le livred'or. On invite les gens à serendre dans la salle où auralieu l'événement.

Comme animatrice, jeprésente l'ordre du jour etPaula souhaite la bienvenue,l'explique les objectifs pour-suivis tout au long de notreprojet :

Redonner confiance de-venait l'objectif principal.Comme il s'agit d'un groupeayant de grandes difficultésd'apprentissage, ces partici-pants et participantes ont ra-rement l'occasion d'être misen valeur. La moitié de cegroupe ne sachant ni lire, niécrire, ils ont souvent l'im-pression d'être bons à rien.Avec eux, le dessin s'est avéréle moyen par excellence pourleur redonner confiance etc'est dans ce but que nousavons décidé d'illustrer l'his-toire de Rose Latulipe.

Faciliter la compréhen-sion du texte était aussi unobjectif important et le dessinsemblait tout indiqué pour yarriver. (J'avais souvent re-marqué qu'on oubliait les élé-ments importants dans unephrase qu'on venait de lire).Ainsi, après avoir écouté la

lecture d'un paragraphe del'histoire de Rose Latulipe, ti-rée de la cassette de la série «Lalittérature de l'oreille», nousdevions trouver les principauxpersonnages et les actions po-sées par chacun d'eux. Et c'étaitparti, on devenait l'artiste...Cela n'a pas toujours été faci-le: «C'est bien trop difficile!,me disait l'un d'eux; - On n'yarrivera jamais!, poursuivaitune autre; - Je sais que c'estdifficile; moi-même, j'aurais dumal à le faire mais au fond, jecrois que vous pouvez y arri-ver.»

Et chacun reprenait soncrayon et, sous mes yeux,s'accomplissait le miracle: lespersonnages prenaient vie... àl'émerveillement de toutes ettous; les yeux étincelaient decette lueur indescriptible de lasatisfaction, de la fierté et de lajoie d'avoir réussi.

Ce projet nous a aussi per-mis de développer notre senscritique, car ayant à choisir lesdessins qui représentaient lemieux l'histoire, nous avonsdû voter... Ce petit livre pour-rait devenir un outil de travailimportant pour les sessions àvenir.

C'est aussi grâce à ce pro-jet que nous pouvons vivre unmoment exaltant dont noussommes fiers : le lancement denotre livre.

Et voilà le moment tantattendu : Daniel s'approche,dévoile notre livre, le présenteet nomme les artistes qui y ontcollaboré. Profitant de l'occa-

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sion, il déborde de son rôle et en profite pour remercier uneà une toutes les personnes d'Alpha-Nicolet, même celles quin'ont pas participé au projet. Les invités trouvent ça biendrôle...

Pour nous maintenant, voici l'étape cruciale : c'est ànous de prouver que nous pouvons raconter l'histoire deRose Latulipe. Je présente donc un à un les dessins desparticipants et des participantes et lentement, mais d'unefaçon vivante et spontanée, l'histoire prend forme et lespersonnages s'animent par les explications du groupe.Certains parents sont émus devant la réussite de leur jeune.Doutaient-ils de leur possibilité de réussir? Chose certaine,l'émotion est grande...

Deux membres de l'organisme sont ensuite invités àremettre un livre à chacun et à chacune des auteurs. Toussont heureux de recevoir enfin le fruit d'un si dur labeur.

On profite aussi de l'occasion pour inviter la présidented'Alpha-Nicolet à remettre une attestation de cours à cha-cun des participants et participantes, car c'est en mêmetemps la clôture de notre session.

Et voici maintenant le mot de la fin, prononcé en choeurpar le groupe : merci!

Je me rends compte que la tenue d'un tel événementdépasse de beaucoup les objectifs de départ qui étaient deredonner confiance et de faciliter la compréhension dutexte, puisqu'il nous a aussi permis de développer notre senscritique.

L'histoire de Rose Latulipe aura-t-elle une suite...?

Les personnes immigrantesanalphabètes vivent une doublemarginalisation; elles doiventd'une part régler leur situationvis-à-vis de l'Immigration et,d'autre part, s'adapter à leuranalphabétisme dans la sociétéd'accueil. Dans le témoignagede Julia Jean qui suit, vients'ajouter en plus, le problème dustatut de travailleuse domesti-que. Ces travailleuses sont parti-culièrement isolées et exploitées.

«Je suis venue au Canadaen octobre 1973 comme tra-vailleuse domestique pour uncontrat de trois ans. À la fin demes trois ans, mes patronsvoulaient que je retourne enHaïti. Pendant mon séjour chezmes employeurs, ils ne vou-laient pas que je parle ou entreen contact avec personnecar, me disaient-ils,la G.R.C1

m'arrêterait si l'Immigrationme trouvait.

Le monde alphabétique, numéro 4, automne-hiver 1992 : Les femmes et l’alphabétisation - RGPAQ

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Pourquoi je n'ai pas pu...témoignage recueilli par Fulvie Loiseaude la Maison d'Haïti, en juin 1992

Ils ne m'ont jamais con-duite à l'Immigration pourrenouveler mon contrat. J'aitravaillé pendant les cinq an-nées qui ont suivi chez ces gensà raison de cent dollars le mois.À partir de 1985, je n'ai reçuaucun salaire; vu que j'étaisnourrie, logée gratuitement, jedevais travailler aussi gratui-tement.

J'ai travaillé sept jours sursept sans congé. J'ai effectuédes tâches ménagères de tou-tes sortes : repassage, lavage,nettoyage, cuisine. Quand jerecevais des lettres de mon filsje ne pouvais pas les lire.

En mai 1986, par un bien-heureux hasard, j'ai rencontréune amie de longue date sur leboulevard Saint-Michel;quand je lui ai raconté com-ment je vivais au Canada, ellem'a conseillée d'aller à laCommunauté chrétiennehaïtienne de Montréal. Là, on

m'a recommandé de réclamermon passeport auprès de mesemployeurs; ces derniers n'ontpas voulu me le rendre. Ainsimon amie a-t-elle pris l'initia-tive de me conduire à l'Immi-gration. J'avais si peur de re-tourner en Haïti que je nemangeais et ne dormais pas.

Dès ma première visite àl'Immigration, on m'a donnéun permis de séjour et de tra-vail. Le médecin de l'Immi-gration a demandé qu'on medonne l'aide sociale. En raisonde mon état de santé, je devaisrester chez moi pour me repo-ser et bien me nourrir pourreprendre force car j'étais àl'état squelettique. J'ai ren-contré un conseiller à l'Immi-gration qui m'a encouragée àaller à l'école à la Maisond'Haïti.

En septembre 1986, je suisarrivée à la Maison d'Haïti.C'est là que j'ai commencé à

voir un peu clair. J'ai apprisque l'Immigration avait ré-gularisé les gens qui vivaientillégalement au pays en deuxoccasions, soit en 1980 et 1982.Bien que le gouvernement aitfait appel par la radio, la télé-vision et les médias pour ré-gulariser la situation de cesgens, je ne pouvais être aucourant car je ne regardais pasla télévision puisque je necomprenais rien. Et ne sachantni lire ni écrire, ne comprenantpas le français, je ne pouvaispas faire valoir mes droits.

Maintenant, cela fait déjàsix ans que je suis des cours à laMaison d'Haïti. Je peux liredes lettres de mon fils et celame procure une grande satis-faction. Je vis seule depuis sixans, je rêve de l'arrivée de monfils au Canada.»

1. Gendarmerie royale du Canada

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La recherche de l'intérieurou la recherche participative

en alphabétisationdes adultes

au Royaume-UniWendy Moss, membre du Réseau RaPAL1

(Traduit de l'anglais par Raymond Robitaille)

«On dit aussi aux enseignants que l'enseigne-ment n'a rien à voir avec la recherche...»«Si les enseignants et les étudiants exerçaient lepouvoir de réinventer la connaissance... ilsaffirmeraient le pouvoir de réinventer la société.»

(Paolo Freire et Ira Short)

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Il est rare que nous nousconsidérions nous-mêmescomme des chercheurs dans lavie quotidienne. C'est pour-tant ce que nous sommeslorsque nous «magasinons»pour trouver un produit auplus bas prix ou que nousfrappons aux portes du quar-tier pour demander aux gensà quels types de cours ils aime-raient participer dans leurcentre communautaire. Com-me le disent les auteurs del'article d'Alpha 922, «la re-cherche consiste à poser desquestions, à rechercher destendances, à découvrir d'unemanière systématique l'infor-mation dont on a besoin pourrépondre à nos questions.»

Est-ce que les personnesapprenantes et les animateurset animatrices sont des cher-cheurs qui peuvent participerau processus de recherche et lediriger? Les chercheurs, cher-cheuses, praticiens et prati-ciennes du réseau RaPAL (Re-search and Practice in AdultLiteracy) pensent que la ré-ponse à cette question est etdoit être «oui».

Nous présentons ici le ré-sumé d'un article rédigé partrois personnes de ce réseau, -Mary Hamilton, Roz Ivanic etDavid Barton - publié dansAlpha 922, ainsi que l'expé-rience d'un projet de recher-che sur la pédagogie ouverteen éducation de base desadultes (Open Learning inAdult Education Project3),projet conjoint des universités

de Londres et de Lancaster quirecourt à une approche sem-blable.

Les participants, les parti-cipantes, les animateurs etanimatrices des groupes d'al-phabétisation font souvent dela recherche dans leurs activi-tés de tous les jours - parexemple, la planification et laréalisation d'un nouveaucours suivi de son évaluation,la rédaction de rapports, lasensibilisation, et les échangesdans le groupe sur le sentimentque donne le fait de ne passavoir lire ni écrire. RaPAL croitque les compétences du cher-cheur et de la chercheuse fontpartie intégrante des com-pétences de la vie et del'apprentissage quotidiens- lorsqu'on fait de la rechercheà proprement parler, on con-sacre simplement plus d'éner-gies à enregistrer, observer, ré-fléchir et écrire.

Dans les activités de re-cherche participative4, les per-sonnes qui font l'objet de larecherche participent à ladéfinition des objectifs, à laplanification et aux résultats.Elles ont une certaine autoritésur les composantes de la re-cherche. Cette façon de fonc-tionner se démarque des mo-dèles de recherche tradition-nels où un groupe réduit«d'experts» pose ses questionsen fonction d'objectifs qui se-ront ceux des organismes sub-ventionnant la recherche etdes personnes en mesure de sefaire publier. Ils refléteront

inévitablement les intérêts etpréoccupations de ces groupeset individus. Les personnes quifont l'objet de la rechercheauront rarement la chance deposer elles-mêmes des ques-tions; et parfois, elles ne verrontmême pas le produit final.

Traditionnellement, leschercheurs ont aussi insisté surl'importance de l'objectivité etde la neutralité, indispensableà leurs yeux pour se rapprocherle plus possible de la vérité.L'article publié dans Alpha 922

suggère que l'inclusion de laperspective des personnes surqui porte la recherche contri-bue à donner une vue d'en-semble qui se rapprochebeaucoup plus de la vérité : «Ilest facile d'alléguer... qu'unepersonne de l'extérieur... n'apas une perspective objectiveet impartiale, mais tout sim-plement une autre perspecti-ve; et si celle-ci n'est pas con-trebalancée par un point devue de "l'intérieur", elle peutêtre tout à fait partiale.»

Aux yeux de RaPAL, latradition de «recherche objec-tive» crée un énorme fossé entreles chercheurs et les «objets» dela recherche. Pour nous, il esttrès important que l'alphabé-tisation des adultes développedes modèles différents de re-cherche qui s'appuient sur lespersonnes de «l'intérieur» ets'inspirent des approches par-ticipatives. Ce type de recher-che reflète bien la philosophiede l'alphabétisation des adul-tes centrée sur la personne

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apprenante et offre aux gensune chance de raconter leurpropre expérience. La recher-che participative rompt avecl'image traditionnelle que lespersonnes alphabétisées ontdes personnes analphabètes,à savoir des individus margi-nalisés qui luttent pour survi-vre, par exemple. Comme JaneMace (1992) le dit si bien : «lareprésentation à la troisièmepersonne des "analphabètescomme les autres" risque tou-jours de nous faire tomber dansles stéréotypes... Il nous fautd'authentiques voix qui par-lent à partir de leur propreexpérience, et dans leurs pro-pres mots2.» En d'autres mots,au lieu d'imaginer la perspec-tive des personnes apprenan-tes, il faut simplement allerleur demander de la formuler.

De quelle façon la recher-che participative peut-ellefonctionner dans la pratiqueet qu'avons-nous appris jus-qu'ici à RaPAL?

Les activités de RaPAL

Le groupe a été mis surpied après une série de sémi-naires sur l'alphabétisation desadultes et une recherche réa-lisée entre 1984 et 1988 auRoyaume-Uni. Il réunit tantdes universitaires que despraticiens et praticiennes.Nous publions un bulletin troisfois par année, des articles oc-casionnels et un guide biblio-graphique sur l'alphabétisa-

tion. Nous cherchons à offrirune tribune nationale (et in-ternationale) à la recherchesur l'alphabétisation écritedans un langage accessible, etqui encourage apprenants etanimateurs à se considérercomme des chercheurs qui re-courent au bulletin pour dif-fuser leurs rapports et leursprojets. Un collectif édite etpublie le bulletin.

Le groupe RaPAL a égale-ment co-parrainé deux sémi-naires de fin de semaine en1989 et 1990 sur la pratique dela recherche. Ces séminairesont permis à des apprenants etanimateurs en éducation debase des adultes d'explorerleurs habiletés en recherche etde planifier leurs propres pro-jets5.

Il faut souligner la riches-se des questions de recherchesoulevées conjointement partoutes les personnes partici-pant à ces séminaires - qu'ellessoient apprenantes, cher-cheuses ou animatrices - ainsique la confiance qu'elles ontdéveloppée envers la rechercheune fois qu'elles ont eu l'occa-sion de développer leurs tech-niques de recherche.

Le projet depédagogie ouverte

Ce projet de recherche surdeux ans est financé par leconseil de financement desuniversités (Universities Fun-ding Council) mais entretient

des liens étroits avec RaPAL ets'inspire de ses idées. Des équi-pes de travail6 à Lancaster,dans le nord-ouest de l'Angle-terre et à Londres, examinentles réalisations des centresd'apprentissage ouvert deshabiletés de base (Basic SkillsOpen Learning Centres7), missur pied en 1988. Ce projet acommencé à l'automne 1991,et s'efforce d'assurer un degréélevé de participation des ap-prenants et apprenantes. Ilemprunte tant aux méthodestraditionnelles de recherche(un questionnaire national)qu'aux méthodes participati-ves - les deux chercheuses àtemps plein, Sue Bergin etChristine O'Mahony, ont réa-lisé un travail intense sur troisétudes de cas où elles ont ob-servé et interviewé apprenantset animateurs sur leur expé-rience d'apprentissage etd'animation ouverte. Mêmesi les apprenants et apprenan-tes n'ont pas fixé les objectifsde cette recherche, ils contri-buent à modifier et à réorien-ter le projet et à le rapprocherde leurs propres préoccupa-tions plutôt que des questionsformulées par des personnesde l'extérieur. Nous présentonsen terminant des idées issuesde discussions avec les mem-bres de l'équipe du projet etcertaines des mesures que nousavons adoptées pour assurerque le projet soit «participatif»ainsi que les leçons que nousavons tirées de cette expé-rience.

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Quatre principales questions:

* Premièrement, com-ment faire en sorte que lesapprenants et apprenantesparticipent réellement à la re-cherche et pas simplement àtitre de figurants? Nous avonsdécouvert que la volonté departiciper des adultes et leurconfiance dans leurs réflexionssur le processus d'apprentissa-ge dépendent directement deleur sentiment d'appartenan-ce au centre. Comme le ditChristine O'Mahony (1992) :«la collaboration de bon coeurdes étudiants à la recherchedépend en grande partie dufait que leur centre chercheréellement à entendre leurpoint de vue.»

Même si cette conditionn'est pas toujours remplie, ilreste qu'un grand nombre deces personnes font de la re-cherche dans leur vie person-nelle. Elles se questionnent etréfléchissent sur le monde, etse montrent intéressées à par-ticiper à notre projet. Fait im-portant, nous discutons desobjectifs et de la planificationdu projet avec des apprenantset apprenantes et nous leurfournissons des lieux et dusoutien pour réfléchir sur leurspropres processus d'apprentis-sage au moyen de discussions,d'ateliers et de séminaires te-nus les week-ends.

* La deuxième questionconcerne la confidentialité etla paternité de la recherche.

En général, les personnes quifont l'objet de recherches sontcitées sans être identifiées ou lesont sous un pseudonyme.Bien que le droit à la confiden-tialité soit extrêmement im-portant, l'anonymat risque detotalement occulter la contri-bution de ces personnes à larecherche. L'équipe de recher-che a donc demandé à toutesles personnes concernées lapermission de mentionner leurnom et les a encouragées àmûrement réfléchir avant deprendre une décision. Toute-fois, la décision de quelqu'unpeut avoir une incidence sur ledroit à la confidentialitéd'autres personnes (parexemple si un participantmentionne le nom d'une ani-matrice).

* La troisième questiontouche aussi la paternité de larecherche. Nous voulons queles personnes contrôlent cequ'on écrit à leur sujet. L'équi-pe de recherche a invité tousles participants à la rechercheà écouter une transcriptionorale et à effectuer tous leschangements qu'ils désiraient.Les participants pourront aussivoir de quelle façon leurs pa-roles sont présentées dans lesrapports finaux et nous espé-rons que les apprenants etapprenantes participeront di-rectement à la rédaction durapport du projet. Bien que cesmesures semblent assez sim-ples, Christine O'Mahony ex-plique que les réactions des

apprenants et apprenantes àla lecture de leurs paroles sontpartagées - beaucoup se sontdit très satisfaits des transcrip-tions alors que les nombreuseshésitations et le «mauvais»langage en ont alarméd'autres. Certains animateursse sentaient insatisfaits de lafaçon dont ils avaient expriméleur point de vue. Il faut trou-ver des façons de résoudre avecdélicatesse ces difficultés.

* La quatrième questiondécoule des précédentes. Nousavons découvert que contrai-rement à la recherche tradi-tionnelle, la recherche partici-pative reconnaît le principevoulant que le processus derecherche fasse évoluer toutesles personnes qui y participent.Les apprenants et apprenan-tes découvrent des forces et unpotentiel nouveaux à traversla participation. Ils découvrentde nouvelles façons de faire enapprenant ce qui se passe dansd'autres organismes et leschercheurs sont contraints demodifier leurs stratégies et leursapproches - parfois après desnégociations douloureuses. Leschercheurs neutres sont rem-placés par des chercheurs plushumains qui acceptent departager, de négocier et d'ap-prendre dans le cadre de rela-tions dynamiques et inter-actives.

L'influence que les appre-nants et apprenantes ont puavoir sur notre recherche s'estdéjà fait sentir. Il nous reste à

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décrire l'expérience des genspar rapport a divers projetset approches pédagogiquesnon pas uniquement dansle langage des bailleurs defonds (apprentissage ouvert,apprentissage en groupe,etc.) mais aussi en termes defacteurs plus difficiles à cer-ner et à quantifier comme,par exemple, les attitudes etsentiments des animateurs,des animatrices, des appre-nants et des apprenantes, laperception de soi et les rela-tions.

À mesure que nous ac-cumulerons de l'expérience,ceux et celles d'entre nousqui participent à RaPAL etau projet Open Learningespèrent développer desmoyens de plus en plus ef-ficaces pour permettre auxapprenants et apprenantesde déterminer les objectifsdes projets de recherche etassurer leur participation, etcelle des animateurs et deschercheurs en tant que col-laborateurs du processus derecherche. Nous savons déjàque de ces conditions dépendle succès de la recherche.Nous espérons que nos ré-

flexions encourageront les ap-prenants et apprenantes et lesanimateurs et animatrices enalphabétisation des adultes àdévelopper leurs propres pro-jets de recherche.

1. Wendy Moss travaille au Projet Open Learningin Adult Basic Education Project du GotdsmithsCollege de l'Université de Londres et elle faitpartie du Réseau RaPAL (Research and Practicein Adult Lileracy).

2. Mary Hamilton, Roz Ivanic et David Barton.«Recherche participative en alphabétisation : oùen sommes-nous ?», in Alpha 92, Unesco, 1992.

3. L'éducation de base des adultes (Adult BasicEducation, ABE) est un terme générique auRoyaume- Uni pour designer les classes et les pro-grammes d'alphabétisation, de numération etd'anglais langue seconde destinés aux adultes.

4. On trouvera dans l'ouvrage de Mary Hamiltonet al (1992) des références à d'autres auteurs quiont écrit sur la recherche participative et les pra-tiques apparentées.

5. RaPAL, Bulletin No. 9, été 1989.

6. Les équipes sont composées de Sue Bergin(chercheuse), Mary Hamilton et David Bartonpour l'Université de Lancaster; ChristineO'Mahony (chercheuse), Wendy Moss et JaneMace pour le Goldsmiths College de l'Universitéde Londres.

7. En 1988-1989, le gouvernement britannique afinancé 72 centres expérimentaux d'apprentissageouvert des matières de base en Angleterre et auPays de Galles. Ces centres devaient être bienmeublés et accueillants, entièrement équipés d'or-dinateurs et d'appareils audiovisuels. Les adultesayant besoin d'aide en éducation de base pou-vaient participer de manière flexible et suivre leurspropres programmes d'apprentissage avec l'appuiet les conseils de personnes-ressources. La plupartde ces projets ont dans un premier temps reçu unfinancement sur trois ans.

Vous pouvez nous écrire aux adresses suivantes:

RaPAL a/s Bolton Royd CentreManningham Lane,BradfordBD8 7BB Royaume-Uni

The Open Leaming in Adult Basic Education Projecta/s Denise RawlinsonCSET Université de LancasterLancasterLA1 4YL Royaume-Uni

Deux logiciels de simulation spé-cialement conçus à l'intention despersonnes en alphabétisation. Lesdeux programmes proposés ici si-mulent des situations de la vieréelle, comme le métro et un gui-chet automatique dans le premiercas, et un centre d'emploi dansl'autre.

Les scénarios sont construitssimplement à l'aide du logiciel deprogrammation Hyper Card. L'uti-lisateur ou l'utilisatrice se trouvedevant une série de choix à fairepour atteindre son objectif préala-blement déterminé, soit aller voirun film en utilisant le métro oualler retirer de l'argent dans unguichet automatique. Le deuxièmelogiciel propose à l'utilisatrice oul'utilisateur de chercher un emploiprécis dans un centre d'emploi etde remplir un formulaire de de-mande d'emploi.

Pour le moment, seul le premierlogiciel est disponible; le second lesera en janvier 1993. Pour se pro-

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curer ces logiciels ou obtenir desrenseignements supplémentaires,il suffit d'appeler la firme qui enassure la distribution.

Disponible à Micro-IntelTéléphone : (514) 528-1905.

LES QUESTIONSD'ALPHABEILLE (1)

par Alphabeille Vanier

À l'aide du logiciel Hyper Card,Alphabeille a créé de petits fichiersfaits sur mesure pour les partici-pantes et participants. Entreautres, des piles programmées trèssimplement, qui permettent d'affi-cher une question à l'écran, defaire apparaître et disparaître laréponse en «cliquant» à des en-droits déterminés.

Ces piles de 20 à 30 fiches por-tent sur des thèmes particulierspour l'apprentissage du français.Elles sont regroupées en dix sec-tions qui répondent à des objectifsprécis. Elles sont très faciles àutiliser même si vous ne connaissezpas Hyper Card. Et si vous con-naissez un peu ou beaucoup celogiciel, vous pourrez vous-mêmesles compléter ou les adapter à vosbesoins.

Disponible à Alphabeille VanierTéléphone : (418) 527-8267

HISTOIRE DE TONITOOU L'ALPHABÉTISATION AUHONDURAS (1989)

Vidéo de 12 minutes de Patrick)Henriquez et d'Alexandra Szacka,dans la série Nord-Sud produitepar Radio-Québec.

«Tonito a lutté pour apprendre àlire et à écrire. Aujourd'hui, il veutfaire bénéficier son village de sesconnaissances. Il a regroupé lesgens pour la construction d'une

première école qui ne fut pas re-connue par le gouvernement. (...)Il a persuadé les citoyens de cons-truire une école conforme aux de-mandes du ministère de l'Éduca-tion, (...) qui ne leur accorde tou-jours pas de maître. En attendant,Tonito se fait professeur (...).»

Carrefour international

Disponible à CarrefourinternationalTéléphone : (514) 272-2247

ATOUT-LIRE, DIX ANSD'ALPHABÉTISATIONPOPULAIRE

par le groupe Atout-Lire

Un document d'information etde sensibilisation à l'occasion dudixième anniversaire du groupepopulaire d'alphabétisation duquartier Saint-Sauveur de Québec.La réflexion du groupe Atout-liresur la problématique de l'anal-phabétisme, ses causes et consé-quences mais aussi les réalisa-tions mises en oeuvre pour le con-trer et le prévenir, donne un por-trait d'ensemble de la situation auQuébec.

L'intérêt du document résideaussi dans l'historique de l'inter-vention du groupe en alphabéti-sation, sa philosophie, sa pédago-gie et son type de gestion particu-liers à l'alphabétisation populaire,de même que les services qu'offreAtout-Lire dont il est abondam-ment fait mention. Le texte estponctué de témoignages de parti-cipantes et participants et dephotographies-souvenirs de cesdix années d'intervention dans lemilieu.

Disponible au prix de 15$(pour les groupes populaires)à Atout-LireTéléphone : (418) 524-9353

UNE COOP ET DES MOTS.POINT DE DÉPART

par le Carrefour d'éducation po-pulaire de Pointe St-Charles

Outil pédagogique à l'intentiondes animateurs et animatrices enalphabétisation populaire et desintervenants et intervenantes dansles coopératives d'habitation, «cecahier raconte l'histoire d'ungroupe de personnes qui adhè-rent à un projet de coopératived'habitation. Il est divisé en quatreparties qui relatent chacune unaspect particulier de la mise surpied de la coopérative.»

Faire l'apprentissage de la lectu-re ou mettre sur pied une coopéra-tive d'habitation, voilà la double

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utilité d'Une Coop et des mots. Ontrouve dans chaque partie du ca-hier une série de fiches pédagogi-ques conçues en lien avec l'histoi-re. Ces fiches touchent les troisaspects suivants : un ou des ob-jectifs de travail, des pistes d'ani-mation et des propositions d'exer-cices.

Disponible au prix de 25$au Carrefour d'éducationpopulaire de Pointe St-CharlesTéléphone : (514) 596-4444

VOYAGE DANS LE TEMPSpar le Tour de lire

«Un livre sur l'histoire du Québecpour les lectrices et lecteurs débu-tants, mettant en vedette des gensd'ici, des gens comme vous et moi,qui ont fait l'histoire par leurshistoires vécues : leurs amours,leurs ambitions, leurs valeurs,leurs succès et leurs échecs.

Des personnages connus, qui ontoccupé une place sur le théâtre denotre histoire nationale : Cartier,Jeanne Mance, Lévesque, la Bol-duc, Irma Levasseur et quelquesautres.»

Un livre qui contient 95 pages detextes simples et signifiants, avecune partie documentaire, unepartie romancée et plusieurs illus-trations.

Disponible au prix de 10$au Tour de lireTéléphone : (514) 521-2075

ROSE LATULIPEpar Alpha-Nicolet

Création collective d'un groupede participantes et participantsd'Alpha-Nicolet à partir de la lé-gende québécoise de Rose Latuli-pe. Tant les illustrations que lestextes du conte ont été conçus parles participantes et participantsen alphabétisation, avec la colla-boration de l'animatrice de l'ate-lier.

La brochure de 33 pages peutservir dans d'autres ateliers d'al-phabétisation populaire soit com-me modèle ou comme outil pourapprendre à partir de textes departicipantes et participants.

Disponible à Alpha-NicoletTéléphone : (819) 293-5745

JOURNAL ANNUELD'UN MONDALIRE

Un journal de 55 pages écrit etillustré par les participantes et

participants du groupe Un Mon-dalire. Il contient des poèmes, desexpériences, des rêves, des projetset beaucoup d'autres témoigna-ges, accompagnés de dessins etmême de photographies. Certainsdes textes sont dactylographiés,mais pour la plupart ils sont écritsde la meilleure écriture des per-sonnes qui ont collaboré au jour-nal.

Disponible à Un MondalireTéléphone : (514) 640-9228

L'ÉVALUATION DESAPPRENTISSAGES ENALPHA POPULAIRE

par Franklin Midy

Le numéro six de la collection«Un visa pour l'alpha pop», L'éva-luation des apprentissages enalpha populaire, représente lerésultat de quatre sessions de per-fectionnement offertes dans plu-sieurs régions au Québec parl'auteur, Franklin Midy.

Cette publication se veut unsoutien à la formation et l'autofor-

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mation. Elle vise à rendre accessi-ble le contenu théorique et prati-que de ces sessions. Elle répond àun besoin d'outils d'évaluation desapprentissages en alphabétisationpopulaire clairement exprimé de-puis plusieurs années. On y trou-vera donc des réponses auxquestions : quoi, quand, et com-ment évaluer? de même que desexemples de matériel permettantd'évaluer les apprentissages.

Ce document constitue, à la fois,un guide pratique et un outil deréflexion sur l'évaluation. L'ap-proche proposée par l'auteur in-siste sur la nécessité d'aborderl'évaluation de telle manière queles pratiques dans ce domainecorrespondent à la philosophiemême de l'alphabétisation popu-laire et de l'éducation populaire.

Disponible au RGPAQTéléphone : (514) 277-9976

J'AI RETROUVÉMES LUNETTES

par Poule Drouinet Louise Robichaud

Une bibliographie qui compiledes documents pour les nouveauxlecteurs et nouvelles lectrices. Ils'agit des livres de la récente col-lection spécialement adaptée auxpersonnes analphabètes fonc-tionnelles dont cinq succursalesde la Bibliothèque de la Ville deMontréal sont dépositaires.

Plus de 700 titres, rassembléssous des rubriques évoquant lesdomaines de vie des personnes,comme la famille, la santé, lesloisirs. «Les livres retenus ont étéévalués par des analphabètesfonctionnels inscrits en alphabéti-sation.» Ils sont présentés et iden-tifiés à l'aide de pictogrammes.La première partie du documentexplique la démarche suivie pourmonter cette collection particuliè-

soulignant l'importance de penserdes programmes d'alphabétisationadaptés aux contraintes et auxbesoins des femmes.

Disponible au CDEACFTéléphone : (514) 844-3674

re, alors que la deuxième partiepropose la liste bibliographiqueproprement dite.

Disponible chez DocumentorTéléphone : (418) 682-0705ou au CDEACFTéléphone : (514) 844-3674

MOBILISER LES FEMMESPOUR L'ALPHABÉTISATION

par Agneta Lind

Petite brochure publiée par leBureau international d'éducationà l'occasion de l'Année internatio-nale de l'alphabétisation, qui faitle tour de la question de l'alphabé-tisation des femmes. Elle met enévidence l'enjeu social et les avan-tages pour les femmes que consti-tue l'alphabétisation. Y sont égale-ment soulevées l'inadéquationentre plusieurs programmesexistants et les besoins des fem-mes ainsi que les difficultés ren-contrées par les femmes pour yparticiper. L'auteure conclut en

RECHERCHE SURLA FORMATION ETL'ACCRÉDITATIONDES ALPHABÉTISEURESEN ONTARIO FRANÇAIS

par Pierre Le Blanc, directeur derecherche

Une étude exhaustive sur la for-mation des alphabétiseures, réali-sée par une équipe de plusieursagents et agentes de recherche etplusieurs intervenants et interve-nantes en alphabétisation, qui li-vre un portrait général des besoinsde formation, des réalisations etdes accréditations offertes dansdivers milieux.

Le document, rendu public parla Direction de l'alphabétisationdu ministère de l'Education del'Ontario, propose une recherche-action avec dix personnes d'expé-rience en alphabétisation; démar-che de réflexion qui aboutit à unscénario de mise en oeuvre d'unestratégie de formation. Une propo-sition de stratégie de formation etd'accréditation des alphabétiseu-res y fait suite.

Disponible au CDEACFTéléphone : (514) 844-3674

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Faut-il lire?La question est d'actualité. Selonl'adage, c'est en forgeant qu'ondevient forgeron... La pédagogiemoderne prétend aujourd'huique c'est en lisant qu'on apprend àlire. Ce serait en lisant, surtout,que les apprenants s'alphabéti-seraient. Mais ce n'est pas tout :d'aucuns avancent que le princi-pe pédagogique s'appliqueraitégalement aux alphabétiseurs;que c'est en lisant que l'on de-viendrait [bon] formateur ouqu'on le resterait. L'arroseur se-rait-il à son tour arrosé?

La maxime semble sensée.Elle est le produit d'une sagessepopulaire que les pédagoguespointus n'avaient peut-être pasperçue. Dire aux apprenants : «Ilfaut lire!», voilà qui, somme tou-te, n'est pas si bête. Mais, s'il nousfaut aussi, intervenants, nous-mêmes lire, n'est-ce pas pousserun peu loin la charité chrétien-ne? Pourtant, on retrouvait jadiscette règle, sur les règles en boisd'érable, imprimée en rouge coca-cola : «Ne fais pas à autrui ce quetu ne voudrais pas qu'il te fît à toi-même». Voilà qui donne encoreà réfléchir. Si lire est pour soi unpensum, vouloir inciter autrui àlire relèverait du sado-masochis-me.

Il nous fallait donc tous nousmettre à lire, apprenants toutautant que formateurs! Le motd'ordre était lancé : Il faut lire. Toutallait bien. Mais voici que DanielPennac s'amène avec son irrévé-rencieux volume, Comme un ro-man1, affirmant que le verbe«lire» - tout comme le verbe«aimer» - ne supporte pas l'impé-

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ratif. Pennac dresse une liste decertains droits imprescriptibles dulecteur, droits au nombre de dix,comme les commandements quevous savez, le premier de ces droitsétant «le droit de ne pas lire».

OUF! Voilà un propos ra-fraîchissant, d'autant qu'au paysde Québec des voix s'élèvent quinous disent : «Il faut lire! Il fautlire!». Delindin din! «Il faut lire!»,adjure le journal La Presse, mar-telant sans cesse son slogan, «lepense donc je lis» ...La Presse, biensûr - avec un sous-entendu en-tendu à l'endroit des non-lecteurs.«Il faut lire!», décrétait à son tournotre ministre Page de l'Éduca-tion, en augmentant le temps delecture prescrit dans les pro-grammes de français2; les élèvesdevront lire quatre romans parannée, rien de moins. À tout lemoins, le ministre n'a pas con-traint les enseignants à la mêmecorvée.

Notre «romancier» français,il est vrai, ne s'oppose pas tant àla lecture en soi qu'à la lectureforcée, obligatoire. L'entreprisede Pennac vise à faire découvrirau lecteur le sens de la lecture et,surtout, le plaisir de lire. Hors duplaisir, point de lecture (vérita-ble)! Les formateurs ne doiventpas forcer la lecture : ils devraientplutôt instiller le désir de lire. Ceserait là tout l'art pédagogique.Nous voici plongés au cœur del'incontournable problème de la«motivation»3. Cas innombra-bles où la game de hockey, lebingo, le téléroman ou la vie sontpréférés à l'atelier d'alpha.

Pour développer le goût delire, Pennac propose d'adopterune attitude positive à l'endroitde l'écriture; chevalier pédagogi-que, il met de l'avant des trucs

apparentés à l'œuf de Colomb.Mais il y a un préalable, passésous silence, Pennac ayant dûpenser qu'il allait de soi : le for-mateur doit lui-même aimer lire!À cet égard, le «droit de ne paslire» aurait pour corollaire le«droit de ne pas être formateur».Réflexion faite, embaucher desformateurs qui n'aiment ni lalecture ni l'écriture équivaut peut-être à forcer des Témoins de Jeho-vah à tenir un sex-shop. On nepeut aller contre nature. MauriceNadeau, de Saint-Henri - celui-làmême qui a inspiré Salut Galar-neau, de Godbout* - affirmaitsouvent qu'il serait plus fructueuxd'enquêter sur la richesse que surla pauvreté. C'est le même Na-deau, ouvrier autodidacte, quiavait écrit, dans L'homme des ta-vernes5, que les jésuites avaientfait le vœu de pauvreté, non poureux-mêmes mais pour leurs em-ployés! Une partie de la solutionau problème de la motivationdes apprenants résiderait dans lamotivation des formateurs. C'estde ce côté qu'il faudrait d'abordscruter : formateurs, ne serions-nous pas tous un peu jésuites? Au«Tel père, tel fils» correspondrait«Tel enseignant, tel apprenant».Ne préfère-t-on pas trop souventMarilyn ou Rémi Duval à Mar-guerite Yourcenar, à GabrielleRoy, à Frank Smith ou à Foucam-bert?

Ne devrait-on pas trouverd'abord en soi la motivation né-cessaire pour être ensuite en me-sure de la communiquer auxautres? Vérité bien ordonnéecommence par soi-même. Cettevérité a toutefois échappé à notremeq de tantôt, qui vient de pu-blier un document de travail6 surles normes de compétences des

enseignants en alphabétisation.Dans la longue liste des compé-tences - plus de 68 - rien sur legoût de la lecture et encore moinssur celui de l'écriture. Ne serait-cepourtant pas là le fondement dela question? Aimer lire d'abord,méthodes, techniques et compé-tences venant par la suite.

lire pour le plaisir, donc.Mais lire aussi pour comprendre,lire pour le plaisir de compren-dre, pour autant qu'on ait le désirde comprendre. lire les mots etlire le monde, c'était la formulede Paolo Freire. lire le monde,notre monde, qui est de plus enplus alphabétique. Ne faut-il paslire pour comprendre le mondealphabétique?

Faut-il le lire, pour com-prendre Le Monde alphabétique?

Serge Wagner,Professeur à l'Universitédu Québec à Montréal

1. Pennac, D. , Comme un roman. Paris, Galli-mard, 1992.

2. MEQ. Pour une langue belle. Québec, sep-tembre, 1992

3. Heureusement, la motivation ne pose pasproblème à une partie de la clientèle del'alphabétisation : plusieurs assistés sociaux etassistées sociales, par exemple, sont forcés des'inscrire à l'éducation des adultes ... et de liresous peine de perdre leurs allocations. Voir à cesujet l'étude troublante de la CEQ sur l'éducationdes adultes dans les commissions scolaires auQuébec, Bourbeau, L. Les populations del'éducation des adultes en formation généraledans les commissions scolaires. Québec, CEQ,1992.

4. Godbout, J. , Salut Galarneau. Paris, Éditionsdu Seuil, Le volume est aussi disponible en formatpoche. 1967.

5. Nadeau, M., L'homme des tavernes. Montréal,Mouvement laïque de langue française, 1967.

6. MEQ. La formation des enseignantes et desenseignants en alphabétisation. Québec, mai, 1992.

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LISTE DESMONTRÉALMÉTROPOLITAIN

ATELIER DES LETTRES1710, rue BeaudryMontréal,H2L 3E7(514) 524-0507

ATELIERS MOT-À-MOT6497, rue AzildaAnjou,H1K 2Z8(514) 354-4299

CARREFOURD'ÉDUCATION POPULAIREDE POINTE ST-CHARLES2356, rue CentreMontréal,H3K 1J7(514) 596-4444

CENTRE DE LECTUREET D'ÉCRITURE3684, rue MentanaMontréal,H2L 3R3(514) 527-9097

CENTRE HAITIEND'ANIMATION ETD'INTERVENTIONSOCIALE7700, avenue d'OutremontC.P. 514, Succ. RStation St-Laurent,Montréal,H2S3M3(514) 271-7563

CENTRE PORTUGAISDE RÉFÉRENCE ETDE PROMOTIONSOCIALE4050, rue St-UrbainMontréal,H2W 1V3(514) 842-8045

CENTRE DESLETTRES ET DES MOTS8733, rue HochelagaMontréal,H1L2M8(514) 355-1641

COLLECTIF DE RECHERCHEET D'INTERVENTIONKISKEYA (CRIK)7115, CheminCôte-des-NeigesMontréal,H3R 2M2(514) 735-8867

COMITÉ D'ÉDUCATIONDES ADULTES DEST-HENRI (CEDA)2515, rue DelisleMontréal,H3J 1K8(514) 596-4422

CENTRE N'A RIVÉ7027, rue St-DenisMontréal,H2S2S5(514) 278-2157

LA JARNIGOINE6815, rue St-DenisMontréal,H2S2S3(514) 273-6683

LETTRES EN MAIN5483, 12e avenueMontréal,H1X 2Z8(514) 729-3056

MAISOND'HAÏTI8833, boul. St-MichelMontréal,H1Z 3G3(514) 326-3022

TOUR DE LIRE1437, boul. Pie IXMontréal,H1V 2C2(514) 521-2075

UN MONDALIRE12127, rue VictoriaMontréal,H1B 2R4(514) 640-9228

MONTÉRÉGIE

BOÎTE À LETTRES112, rue CherbourgLongueuil,J4J 4Z3(514) 646-9273

CLÉ DES MOTS9, boul. Montcalm NordBureau 415,Candiac,J5R3L5(514) 659-7941

COMQUAT INC.95, 5e avenuePincourt,J7V 5K8(514) 453-5226

LA PORTEOUVERTE439, boul. Séminaire NordSt-Jean-sur-Richelieu,J3B 5L4(514) 349-6827

LAURENTIDES-LANAUDIÈRE

ABC DES MANOIRS568, rue Léon-MartelTerrebonne,J6W 2J8(514) 471-6928

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GROUPES MEMBRESCOOP DESERVICESMULTIPLESLANAUDIÈRE2566, rue VictoriaSte-Julienne,J0K 2T0(514) 831-3333

REGROUPEMENTDES ASSISTÉSSOCIAUX DEJULIETTE MÉTRO181, rue Lajoie SudJoliette,J6E 5L3(514) 759-7977

DÉCLIC588, rue MontcalmC.P. 1439Berthierville,JOK 1A0(514) 836-7122

ALPHA-LAURENTIDESC.P. 351,Ste-Agathe-des-montsJ8C 3C6(819) 326-3733

SAGUENAY-LAC ST-JEAN

GROUPE CENTRELAC D'ALMA475, rue St-Bernard OuestAima,G8B 4R1(418) 668-3357

CENTRE ALPHADE LA BAIE802, boul. Grande-Baie NordLa Baie,G7B 3K7(418) 544-9890

CENTRE ALPHADE ST-HONORÉ1970, rue Hôtel de VilleSt-Honoré,GOV 1L0(418)698-5114

CENTRES MOT-À-MOT3760, rue St-LéonardShipshaw,GOV 1V0(418) 695-5385

QUÉBEC

ATOUT-LIRE325, rue Ste-ThérèseQuébec,G1K 1M9(418) 524-9353

ALPHABEILLEVANIER235, rue BeaucageVille Vanier,G1M 1H2(418) 527-8267

ESTRIE

ARBRALETTRE31, rue King OuestSherbrooke,J1H 1N5(819) 562-1466

ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

ALPHA-TÉMIS1019, Route 382Laverlochère,J0Z 2P0(819) 765-3431

BAS ST-LAURENT

CENTRED'ALPHABÉTISATIONDES BASQUES400, rue Jean-RiouxTrois-Pistoles,G0L 4K0(418) 851-4088

MAURICIEBOIS-FRANCS

ALPHA-NICOLET160, rue Frère-DominiqueC.P. 2550Nicolet,J0G1E0(819) 293-5745

C.O.M.S.E.P.749, rue St-MauriceTrois-Rivières,G9A 3P5(819) 378-6963

LUDOLETTRE460, rue PrincipaleC.P. 488St-Léonard-d'Aston,J0C1M0(819) 399-3023

CÔTE-NORD

LIRA400, rue ArnaudSept-Iles,G4R 3A9(418) 968-9843

MEMBRESOBSERVATEURS

COMITÉD'ALPHABÉTISATIONDU BAS ST-LAURENT424, rue RossC.P 1149Rimouski,G5L 7R1(418) 724-6749

GROUPED'ENTRAIDEIOTA160, rue CharronVille Lemoyne,J4R 2K7(514) 465-1803

LE TRAIT D'UNION1427, rue ThébergeVille St-Laurent,H4L 2N4(514) 744-5293

MEMBRESOBSERVATEURSHORS-QUÉBEC

CENTRED'ALPHADE PRESCOTT511, rue Principale EstHawkesbury, (Ontario)K6A 1B3(613) 632-9664

L'ABCCOMMUNAUTAIRE810, rue East MainWelland, (Ontario)L3B 3Y4

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Animationet alphabétisation :guide pratiquepar François Soucisse,septembre 1990,95 pages.RGPAQ.

Les personnesanalphabèteset l'apprentissagepar Michèle Dupuis,septembre 1990,85 pages.RGPAQ.

Approches et méthodes,un livre dont vous êtesle héros : Aventuredans le labyrinthedes approches etdes méthodes enalphabétisationpar Françoise Lefebvre,septembre 1990,35 pages.RGPAQ.

Le Monde alphabétique, revue du RGPAQ, publiée deux fois l'an.

D.I.R.A., Documentation, information, ressources, une réponse aux besoins des formatricesen alphabétisation, Nicole Gladu et Francine Pelletier, mars 1989,315 pages. RGPAQ. (25$)

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Comment créer...du matériel pédagogiquepar Michelle Saunier,septembre 1990,79 pages.RGPAQ.

Le langage intégrépar Guy Boudreau,avril 1992,71 pages.RGPAQ.

L'évaluation desapprentissages enalpha populairepar Franklin Midy,novembre 1992,120 pages.RGPAQ-Serviceaux collectivitésde l'UQAM.

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