Le Facteur Urbain_Défis à Relever Pour Soutenir Le Développement Urbain Durable

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LA VILLE, ACTEUR DE DEVELOPPEMENT Défis à relever pour soutenir le développement urbain durable Actes du séminaire international de la CTB Bruxelles, 18-19 décembre 2007 Reflection and discussion paper - 2008/01

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LA VILLE, ACTEUR DE DEVELOPPEMENTDéfis à relever pour soutenir le développement urbain durable Actes du séminaire international de la CTB Bruxelles, 18-19 décembre 2007

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  • LA VILLE, ACTEUR DE DEVELOPPEMENT

    Dfis relever pour soutenir le dveloppement urbain durable

    Actes du sminaire international de la CTBBruxelles, 18-19 dcembre 2007

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    Reflection and discussion paper - 2008/01

    CooperATioN TeCHNiQUe BeLGeSocit anonyme de droit public finalit socialerue Haute 147 - 1000 Bruxelles Belgique T +32 (0)2 505 37 00 F +32 (0)2 502 98 [email protected] www.BTccTB.org

  • CTB-1

    Les organisateurs tiennent remercier toutes les personnes impliques dans ce sminaire, tant au sein de la CTB quailleurs, pour leur contribution, leur appui, le temps et lnergie quils ont investis afin de rendre possible ce sminaire et la ralisation de ces comptes-rendus. Nous remercions tout particulirement les orateurs pour leurs contributions et leurs articles ainsi que tous les participants pour leur prsence et leurs commentaires critiques.

    Ce rapport a t rdig par la CTB. Les opinions exprimes dans les articles sont celles des orateurs et ne refltent pas ncessairement celles de la CTB.

    Pour toute remarque ou pour demander plus dinformations, vous pouvez vous adresser [email protected].

    Comit ditorial : Sara Feys (coordination), An Eijkelenburg, Paul Verl

    Appui : Lies Decock, Bram Riems

    Editeur responsable : Carl Michiels, rue Haute 147, B-1000 Bruxelles, Belgique

    Communication externe : Julie Leduc

    Traduction et rvision : Marie-Line Simon, Sophie Frre, Thierry Pirard, Emmie Vanneste (CTB), Lexitech, Linguanet

    Conception graphique : www.cibe-cvo.be

    Cration et impression : CIBE vzw

    Ce document est imprim sur du papier contenant 55% de fibres recycles et 45% de pulpe certifie FSC avec encre vgtale.

    La CTB est certifie pour son systme de gestion environnementale suivant la norme internationale ISO 14 001 et le systme deco-audit europen EMAS.

    REG.NO.BE-BXL- 008

  • Sommaire

    Introduction 4

    Discours 7

    Discours dintroduction Carl Michiels, CTB, Prsident du Comit de Direction 8

    Discours douverture 10 Sabine Laruelle, Ministre belge de la coopration au dveloppement

    Session 1 : Dveloppement urbain : Point de la situation 13

    Le dveloppement urbain durable : Contexte actuel 14 Mohamed El Sioufi, Shelter Branch, Global Division, ONU-HABITAT

    Le monde en tenue de ville 20 Thomas Melin, Service Dveloppement urbain, Sida, Sude

    Visionnaires et techniciens : rles et relations dans la lutte contre la pauvret urbaine et la rduction des dpendances externes 23 Terry Standley, ancien collaborateur dONU-HABITAT et consultant indpendant

    Reconnatre les forces agissantes urbaines au-del de la notion de pauvret 25 Filip De Boeck, Institut de recherche anthropologique en Afrique (IARA), KULeuven,

    Belgique (animateur des dbats)

    Dbats Session 1 28

    Session 2 : Amnagement urbain et logement 31

    Vulnrabilit et violence - quel projet pour la planification urbaine ? 32 Nabeel Hamdi, Universit dOxford Brookes et Unit Planification du dveloppement,

    Royaume-Uni

    Lespace comme ressource dans la rduction de la pauvret et la gestion des conflits et des catastrophes naturelles 36 Kelly Shannon, ASRO (Architectuur, Stedenbouw en Ruimtelijke Ordening),

    KULeuven, Belgique

    Projet dassainissement et de rhabilitation urbaine du canal Tan Hoa-Lo Gom : Enseignements tirs 37 Ahn Le Dieu, Ho Chi Minh Ville, Vietnam

    La planification urbaine et le logement : Approches et mthodes 39 Benot Legrand, CTB Cambodge (animateur des dbats)

    Dbats Session 2 40

  • Session 3 : Services de base : Accessibilit et fourniture 43

    Services de base lattention des plus pauvres : Dfis et contraintes 44 David Satterthwaite, International Institute for Environment and Development (IIED),

    Royaume-Uni

    La sant en milieu urbain 48 Wolfhard Hammer, GTZ, Allemagne

    Expriences en matire de soins de sant en milieu urbain 50 Frank Haegeman, CTB Laos (rapporteur)

    Expriences en matire dinfrastructures urbaines 52 Jan van Lint, CTB Vietnam (rapporteur)

    Pauvret urbaine 53 Francis Lelo Nzuzi, CTB, Rpublique dmocratique du Congo (animateur des dbats)

    Un environnement diffrent, une approche diffrente ? 54 Paul Bossyns, CTB, Belgique (animateur des dbats)

    Dbats Session 3 56

    Session 4 : Gouvernance urbaine : le rle des acteurs 61

    Le dveloppement urbain-contexte actuel 62 Rolf Dauskardt, Institute for Housing and Urban Development Studies (IHS), Pays-Bas

    Le rle des partenaires de dveloppement en termes de gouvernance locale 65 Raphal Magyezi, Association ougandaise des gouvernements locaux, Ouganda

    Esmeraldas : une ville nouvelle pour de nouveaux citoyens 67 Ernesto Estupian Quintero, Maire dEsmeraldas, quateur

    Soutenir le dveloppement urbain durable : les agences de dveloppement sont-elles prtes relever le dfi ? 69 Jean Bossuyt, European Centre for Development Policy Management (ECDPM), Pays-Bas

    Dbats Session 4 71

    Conclusions 75

    Rsum, conclusions, suggestions 76 Han Verschure, Postgraduate Centre Human Settlements, ASRO (Architectuur,

    Stedenbouw en Ruimtelijke Ordening), KULeuven, Belgique

    Profil des orateurs 79

    Pour en savoir plus 85

  • CTB-4

    Le contexteAu cours des dernires dcennies, les zones urbaines ont connu un dveloppement sans prcdent. Aujourdhui, quelque 50 % de la population mondiale, soit plus de 3 milliards dindividus, vivent dans des villes ou des habitats urbains, et cette tendance semble devoir se poursuivre, particulirement dans les pays pauvres. Lurbanisation est un processus complexe et li au contexte, comportant des aspects socio-conomiques, politiques, environnemen-taux et spatiaux. Ceci pose des dfis globaux qui exigeront des solutions appropries en termes dorganisation, de planification et de gestion, mais aussi une volont et une reconnaissance politiques.

    Le paradigme de laide a considrablement volu au cours des 10 dernires annes, en se recentrant sur la rduction de la pauvret. Les principes de la Dclaration de Paris (2005), adopts sous les auspices de lOCDE/CAD, visent accrotre limpact de laide au dveloppement en encourageant une plus grande maturit des parte-nariats entre pays bnficiaires et partenaires de dveloppement. Laccent se dplace clairement de la presta-tion de services vers le dveloppement des capacits tant aux niveaux individuel, organisationnel et institutionnel. Paralllement, vu les ressources limites et la complexit de la situation, des choix stratgiques doivent tre faits concernant les priorits et les mthodologies. Ceci ncessite une interaction entre de nombreuses parties pre-nantes dont les intrts divergents, comprenant les autorits, le secteur priv, et surtout les citoyens eux-mmes.

    Le sminaire

    Dans le droit fil de la tradition, la Coopration technique belge (CTB) a organis, les 18 et 19 dcembre 2007, son quatrime sminaire international annuel, intitul The urban [F]actor - Challenges facing sustainable urban development .

    Durant deux jours, des reprsentants de partenaires au dveloppement et dagences dexcution, dorganisations internationales, dinstances gouvernementales, des experts actifs dans des projets de coopration au dveloppe-ment, des municipalits, des institutions acadmiques, des groupes de rflexion, des ONG, etc. se sont rassem-bls pour dbattre des dfis relever pour soutenir le dveloppement urbain. Lobjectif global du sminaire tait de se pencher et de rflchir sur les rles jous par les diffrents acteurs dans le dveloppement urbain. Quel rle la coopration internationale au dveloppement peut-elle jouer dans la promotion du dveloppement urbain durable ? Comment les agences de dveloppement peuvent-elles amliorer leurs activits oprationnelles en milieu urbain en vue de susciter un glissement de projets mis en uvre dans des environnements urbains vers de vritables projets urbains et un dveloppement urbain durable ?

    M. Carl Michiels, Prsident du Comit de direction de la CTB, et Mme Sabine Laruelle, Ministre belge de la coopration au dveloppement, ont ouvert le sminaire, qui sarticulait autour de quatre sessions thmatiques :

    dveloppement urbain : point de la situation urbanisme et logement : approches et mthodologies services de base en milieu urbain : accessibilit et fourniture gouvernance urbaine : le rle des acteurs

    Durant chaque session thmatique, trois orateurs principaux ont prsent leur contribution au sujet. Leur prsen-tation a t suivie par une priode de dbats et de questions, suscites par les contributions des intervenants .

    Vu ltendue du thme et des questions abordes par le sminaire, les discussions ont bien entendu port sur des sujets trs divers. Nanmoins, certains thmes et questions taient rcurrents : la dichotomie entre rural et urbain ; la question de la mise lchelle et de la transfrabilit des principes ; le sens de lapproche multisectorielle ; la ncessit de nouveaux outils et instruments pour les villes et pour la coopration au dvelop-pement en gnral ; le sens de la participation communautaire et la ncessit dun renforcement institution-nel et des capacits.

    introduction

  • CTB-5

    Toutes ces proccupations trouvent leur cho dans les textes et les transcriptions des discussions et, comme on pouvait sy attendre, certaines questions ont suscit des rponses controverses, tandis que dautres sont rests ouvertes ou sans rponse .

    Quelques rflexions et lignes directrices pour le futur

    Dans cette section, nous souhaitons mettre en lumire certaines ralisations et rflexions cls suscites par le sminaire. Lorganisation dun sminaire sur le thme du dveloppement urbain sest avre un choix pertinent et opportun : la comprhension du rle des villes dans le dveloppement est dune importance cruciale pour la coopration internationale au dveloppement. Comme plusieurs orateurs lont dit durant le sminaire, les villes ont besoin dtre soutenues, non seulement parce que de nombreux pauvres y vivent, mais aussi parce quelles constituent un [f]acteur cl pour le dveloppement.

    La coopration internationale au dveloppement et ses agences, telles que la CTB, doivent marquer un temps et sinterroger pour valuer de manire critique leur propre fonctionnement et leurs priorits. Les sminaires internationaux de ce type constituent une excellente plate-forme pour favoriser une sensibilisation tant au sein quen dehors de la CTB et de la Coopration belge au dveloppement. Ils encouragent une attitude rflchie, critique et constructive.

    La complexit des contextes urbains a t souligne et mise en vidence maintes reprises durant le sminaire. Toutefois, tous les acteurs impliqus, y compris les agences de dveloppement, doivent viter le marcage de la complexit . La complexit ne doit pas mener limmobilisme ou la paralysie. Les villes ont besoin dattention, ds aujourdhui : la complexit ne peut tre un prtexte pour retarder le soutien. En outre, une vision dichotomique du rel (urbain-rural, riche-pauvre, formel-informel, etc.) peut aussi conduire la paralysie. Les villes, dans toute leur complexit, requirent une approche plus nuance.

    Les prcdents sminaires internationaux de la CTB traitaient des approches sectorielles (SWAps pour Sector Wide Approaches) et de la Dclaration de Paris, et ces deux sujets ont nouveau t soulevs durant ce sminaire Les agences de coopration au dveloppement ne doivent pas agir seules. Leurs interventions de- vraient tre dveloppes en partenariat et intgres une approche sectorielle ou mme, comme cela a t suggr, des approches axes sur la ville . Les principes dappropriation, dalignement et dharmonisation restent pertinents dans un contexte urbain. Tous les intervenants ont soulign leur manire limportance de la coopration et de la collaboration entre les diffrents acteurs (qui ne sont pas ncessairement les parte-naires traditionnels ) et entre tous les secteurs et tous les domaines de spcialisation. Garder lesprit ouvert et entretenir un dialogue permanent est crucial pour atteindre cet objectif.

    Lintervention dans les villes est encore rendue complexe par le nombre dobjectifs diffrents poursuivis par les parties prenantes et par la faon dont celles-ci divergents et sopposent, tant donn quils doivent tre incor-pors dans le mme dialogue. Continuer le business as usual ne fonctionnera pas si nous voulons soutenir et exploiter les dynamiques locales inities par des maires actifs, des associations de gouvernements locaux, des mouvements populaires, des organisations locales, etc. Reste une question importante : comment sy prendre ?

    Bien que le renforcement des capacits nait pas t explicitement lordre du jour, son importance a t souligne plusieurs reprises. Cest par le biais du renforcement des capacits que les agences de dveloppe-ment peuvent soutenir au mieux les individus, les organisations et les institutions dans lexercice de leur rle en faveur dun dveloppement durable.

    Introduction

  • CTB-6

    Comment pouvons-nous voluer ? Comment passer lchelle suprieure ? Comme la dit un des orateurs de manire un peu brutale, Nous en avons assez des projets pilotes, il nous faut des projets denvergure. Plusieurs intervenants ont mentionn lapproche partenariat en guise de rponse prliminaire cette ques-tion : une bonne gouvernance urbaine nest possible quen impliquant les secteurs public, priv et la socit civile. De plus, il est clairement ncessaire dtablir des liens avec des institutions acadmiques pour soutenir la recherche applique et le renforcement des institutions locales, car nous avons besoin de partenaires locaux.

    compte-rendu

    La prsente publication se veut un compte-rendu du sminaire et tente de restituer au mieux la dynamique des deux journes de prsentations et de dbats. Cest une compilation de synthses rdiges par certains orateurs et de transcriptions rvises dautres contributions sur base des enregistrements effectus durant le sminaire. Nous avons galement ajout un rsum des questions et rponses tires de chaque session et une section avec des liens utiles et des lectures recommandes qui devrait permettre aux personnes intresses dexplorer plus en dtail les sujets abords.

    Nous esprons que cette publication contribuera placer le dveloppement urbain durable au rang de nos prior-its et marquera le dbut dune intensification continue de nos efforts dans ce domaine.

    Lquipe de rdaction

    Remarque : Toutes les prsentations PowerPoint sont disponibles sur www.btcctb.org et se trouvent galement sur le CD-ROM The Urban [F]Actor , disponible sur demande : [email protected].

    Villes, (f)acteurs de dveloppement une brochure thmatique dite par la CTB (2008)

    Cette brochure explore plusieurs expriences de la CTB menes dans des villes dAfrique, dAmrique latine et dAsie. DHo Chi Minh Ville Quito en passant par les communes de Kinsenso ou Kimbanseke Kinshasa, ces projets illustrent diffrentes manires de contribuer au dveloppement urbain. Pour recevoir une copie gratuite, envoyez-nous un message ladresse [email protected]. La brochure peut galement tre tlcharge sur le site web www.btcctb.org.

  • discours

  • CTB-8

    Carl Michiels, CTB, Prsident du Comit de Direction

    Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs, chers invits, chers amis et collgues,

    Pour la quatrime anne conscutive, la Coopration Technique Belge a le plaisir de vous accueillir son smi-naire international de fin danne, que lon peut dsormais considrer comme une tradition annuelle bien ta-blie. Les annes prcdentes, des vnements similaires ont t organiss sur le thme de la sant (2004), des approches SWAp dans le secteur de lducation (2005) et lanne dernire, le sminaire traitait de la mise en uvre de la Dclaration de Paris.

    Cette anne, nous aborderons un tout autre dfi, non li un secteur particulier ou des modalits daide, mais un contexte bien spcifique : le contexte urbain dans les pays en dveloppement.

    2007 est lanne o, pour la premire fois, la population mondiale urbaine excdera la population rurale, ce qui signifie qu lheure actuelle, une personne sur deux est tablie en zone urbaine. Cest pour cette raison que le 21e sicle est souvent appel le sicle urbain, au vu de lvolution et de lchelle sans prcdent atteinte par le phnomne durbanisation.

    Quelques exemples de nos pays partenaires entre les annes 70 et aujourdhui illustrent bien ce phnomne. Kinshasa, la population a augment de 2 millions dhabitants dans les annes 70 environ 8,4 millions de nos jours. Dans le mme temps, la population de villes comme Dakar, Quito et Ho Chi Minh Ville ont plus que doubl. Cela dit, la croissance urbaine mondiale est de plus en plus absorbe par des implantations urbaines secondai-res ou moyennes, et cest en Afrique sub-saharienne que lon retrouve les taux de croissance urbaine les plus levs.

    Cette croissance urbaine fait grimper la densit de manire critique, ce qui augmente la pression sur les res-sources rares, loccupation des terres marginales et les besoins additionnels en services et commodits, qui sont dj mis rude preuve, quand ils ne sont pas inexistants. Lincidence sur les pauvres, en particulier, et les implications pour lurbanisme sont normes.

    La porte de ces chiffres ne peut tre ignore. Ils illustrent lampleur du dfi que reprsente le dveloppement urbain pour tous les acteurs concerns : les agences de dveloppement, les gouvernements nationaux et locaux, les organisations de la socit civile et les citadins du monde entier.

    Do ce sminaire intitul : Le [f]acteur urbain - Dfis relever pour soutenir le dveloppement urbain durable. La CTB a cr cette plate-forme en vue de rassembler une communaut de pratique, qui ne serait lie ni au secteur, ni aux acteurs. Nous aimerions stimuler les changes entre les experts de terrain, les universitaires, la communaut des ONG, les experts du secteur priv (consultants) et les autorits. Pour permettre ces chan-ges, un ventail dorateurs reconnus et issus de diffrentes institutions ont t invits prsenter leur point de vue sur les dfis relever pour un dveloppement urbain durable.

    Le sminaire a pour objectif de se pencher et de rflchir sur les rles jous par les diffrents acteurs dans le dveloppement durable, tout en prenant en considration les bonnes pratiques internationales. En mme temps, nous considrons cette rflexion comme une opportunit de se poser non seulement la question du comment des interventions en milieu urbain, mais aussi du pourquoi de lattention sans relche porte au dveloppe-ment urbain. Le dfi immense impos par la croissance urbaine acclre exige des rponses audacieuses dans un contexte o un grand nombre dacteurs se concentrent sur un large ventail de priorits parfois contradic-toires. Le rle de la coopration au dveloppement internationale et des diffrentes agences de dveloppement dans la promotion dun dveloppement urbain durable devrait tre examin en dtail.

    diScourS dintroduction

  • CTB-9

    Pour les agences de dveloppement comme la CTB, un des dfis majeurs est de comprendre les spcificits des contextes urbains et dadapter leurs activits oprationnelles de manire adquate. Mme pour un donateur aussi modeste que la Belgique, les projets de petite envergure peuvent et doivent constituer un levier permet-tant dobtenir des rsultats importants en milieu urbain. Mme si la pauvret est le problme, largent nest pas ncessairement la solution. Nous devrions susciter un glissement de projets mis en uvre dans des environne-ments urbains vers des projets qui contribuent rellement un dveloppement urbain durable, tout en gardant lesprit les principes de la Dclaration de Paris. Pour la pratique du dveloppement et ses praticiens, cela implique un glissement dobjectifs plutt pratiques des objectifs qui intgrent des questions tant pratiques que stratgiques.

    Avant de vous prsenter notre Ministre de la Coopration au dveloppement, Madame Sabine Laruelle, je me permets de vous souhaiter, au nom de la CTB, une discussion fructueuse et enrichissante. Nous esprons que ce sminaire pourra contribuer de manire utile la comprhension du concept dimplantation urbaine et des dfis relever pour un dveloppement urbain durable.

    Discours

  • CTB-10

    Sabine Laruelle, Ministre belge de la coopration au dveloppement

    Mesdames, Messieurs,Chers amis,

    Je tiens vous remercier pour lintrt que vous manifestez pour ce sminaire international organis par la Coopration Technique Belge et qui runira pendant deux jours des experts de terrain, des universitaires, des groupes de rflexion et des autorits autour dun thme important : Le facteur urbain - Dfis relever pour soutenir le dveloppement urbain durable .

    Avant le milieu du XXIe sicle (), la ville sera le principal lieu de vie de lessentiel de lhumanit, crit Jacques Attali dans Une brve histoire de lavenir .Et il poursuit : Des centaines de villes seront plus peuples quune centaine de pays daujourdhui. Alors que plus des deux tiers des humains y vivront, des sommes gigantesques devront tre consacres leur infrastruc-ture. La ville sera le cadre des plus importants investissements collectifs et le premier collecteur dimpts. Cest l que se concentrera lessentiel de laction politique venir.

    Mme sil sagit dune uvre de fiction, ces prvisions trouvent cho dans lvolution des dernires dcennies qui ont vu les zones urbaines connatre un dveloppement sans prcdent. lheure actuelle, quelque 3 milliards 300 millions de personnes vivent dans des villes ou des habitats urbains, cest dj plus de 50% de la population mondiale !

    Cette tendance nest pas prs de sarrter, tout particulirement dans les pays pauvres : daprs les estimations des Nations unies, les villes compteront 5 milliards dhabitants en 2030. Et plus de 90% de cette croissance devrait se concentrer dans les villes des pays en dveloppement, surtout dans les cits de petite et moyenne taille.

    Ce dveloppement aura un impact non seulement sur ces villes, mais aussi sur le monde dans son ensemble, suite laccentuation des ingalits sociales et des pressions de plus en plus fortes sur lenvironnement.

    Il importe donc dagir !

    Le lien entre les zones rurales et urbaines est extrmement complexe et interdpendant. Ainsi, les zones urbaines abritent de plus en plus de personnes issues des populations rurales et en qute de meilleures conditions de vie ou de travail, alors que la scurit alimentaire dans les villes est largement trib-utaire de la production agricole rurale.

    Il nest ds lors pas tonnant que ce soit dans les villes que les concentrations de pauvret soient les plus leves : on estime que plus dun tiers des habitants des villes, soit plus dun milliard dindividus, vivent, ou plutt survivent, sans logement convenable ou accs aux services de base, dans des conditions prcaires menaant leur existence.

    Je suis donc convaincue de limportance du travail que vous allez accomplir durant ces deux journes de smi-naire, au cours desquelles vous examinerez les phnomnes et les dynamiques du dveloppement urbain dans toute sa complexit.Car cette question nest pas anecdotique : le dveloppement urbain durable est lun des dfis majeurs de notre poque.

    La Coopration belge sintresse depuis de nombreuses annes la problmatique du dveloppement urbain.

    Des experts de la Coopration belge ont particip activement aux Confrences des Nations unies sur lHabitat, Vancouver en 1976, Istanbul en 1996, New York en 2001, et Vancouver nouveau en 2006.

    diScourS douVErturE

  • CTB-11

    La Belgique soutient depuis plus de 25 ans le Programme des Nations unies pour les tablissements humains, devenu ONU-HABITAT.Ce soutien rgulier a fait de la Coopration belge lun des plus importants contributeurs de cette institution qui a pour but damliorer les conditions de vie et dhabitation des personnes prcarises dans les pays en dveloppement.

    Ce partenariat nous a notamment permis daccorder, travers le programme Housing in development , une attention particulire au renforcement de la capacit des professionnels, des dcideurs et des travailleurs de plus de trente pays dAfrique et dAsie pour amliorer les programmes de logement et augmenter lusage de technologies appropries aux spcificits locales.

    Depuis 1995, la Coopration belge est lun des principaux contributeurs du programme multilatral Localising Agenda 21 : Action Planning for Sustainable Urban Development . Ce programme, implant dans plusieurs villes du Vit Nam, du Kenya, du Maroc et de Cuba, se focalise dlibr-ment sur des cits de taille moyenne et encourage la solution de problmes quotidiens pour les habitants, tels lamlioration du logement, laccs leau potable et aux sanitaires, et lamlioration de lenvironnement dans les villes. Il a aussi pour objectifs de renforcer la capacit dvelopper des visions long terme et de stimuler le dialogue et la participation de tous les acteurs urbains dans leur rle de partenaires rels du dveloppement durable.

    En ce qui concerne la coopration indirecte, la Belgique soutient de nombreux programmes initis par les univer-sits et par les organisations non gouvernementales dans le domaine du dveloppement urbain, notamment le projet Housing for the Poor men par lONG Selavip dans 16 pays en dveloppement, ou les projets mens par les ONG Habitat et Dveloppement, Coopibo, au Rwanda et en Tanzanie, ou Protos, en Hati.

    Je tiens galement citer les actions menes par plusieurs de nos villes et communes, comme le soutien apport par la ville de Bruxelles la ville de Kinshasa, ou celui de Lige envers Lubumbashi, en Rpublique dmocratique du Congo.

    Notre coopration bilatrale directe sest quant elle investie dans un important projet Ho Chi Minh Ville au Vit Nam, qui a pris fin en 2006 ; elle dveloppe aujourdhui des projets multisectoriels Kampala en Ouganda. Les programmes durgence initis par la Belgique au Burundi et en Rpublique dmocratique du Congo com-portent de nombreux volets concernant les villes et lamlioration des conditions de vie de leurs habitants, notamment des projets dadduction deau, dassainissement des gouts, de lutte contre lrosion et de rfection de routes dans plusieurs cits congolaises.

    Mesdames et Messieurs,

    Je nnumrerai pas toutes les actions de la Coopration belge ayant des implications urbaines.Je voudrais aussi insister sur limportance du secteur priv dans le dveloppement urbain, et je pense notam-ment aux classes moyennes particulirement actives dans toutes les villes du monde, aux artisans, aux com-merants et aux travailleurs qui assurent le dynamisme et la croissance de toutes les cits.Le secteur priv peut et doit jouer son rle en matire de dveloppement urbain, en partenariat avec les autorits publiques qui peuvent favoriser la mobilisation des fonds ncessaires linvestissement, garantir un climat poli-tique et juridique favorable celui-ci, et amliorer les services de base la population.

    Pour les pays pauvres, le dveloppement urbain est non seulement synonyme de ncessit dinvestissements, mais aussi dorganisation et de gestion appropries.

    Le dveloppement urbain est un processus complexe qui se focalise sur des aspects socio-conomiques, poli-tiques et environnementaux, mais aussi sur des questions doccupation structure de lespace urbain.

    Discours

  • CTB-12

    Cela requiert des interactions entre diffrentes parties prenantes, aux intrts distincts, en ce compris les autorits, le secteur priv et les citoyens eux-mmes. Cette attention aux populations locales est capitale pour nous car nous voulons que notre coopration au dvel-oppement incite placer lhumain au cur des proccupations, fussent-elles gopolitiques.

    Lattention apporte au dveloppement urbain dans sa globalit est jusqu prsent reste limite au sein de la coopration malgr les implications urbaines de nombreux projets.Mais ladoption par la Communaut internationale des Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement a dj inflchi cette approche et induit une rflexion plus spcifique sur la lutte contre la pauvret en milieu urbain.LObjectif n7, relatif lenvironnement durable, intgre explicitement lamlioration des conditions de vie des habitants des taudis (bidonvilles), qui nont ni source sre deau potable, ni sanitaires.

    Ce sminaire a pour objectif de se pencher et de rflchir sur les rles jous par les diffrents acteurs dans le dveloppement durable, tout en prenant en considration les bonnes pratiques internationales. Quel rle la coopration internationale devrait-elle jouer dans la promotion du dveloppement urbain durable ? De quelle manire les agences de dveloppement peuvent-elles amliorer leurs activits oprationnelles dans les contextes urbains en vue de susciter un glissement de projets mis en uvre dans des environnements urbains vers de vritables projets urbains et dassurer un dveloppement urbain durable ?Quel rle la coopration peut-elle jouer dans lavenir au vu de la complexit croissante de la problmatique urbaine ?

    Lapproche multisectorielle est une voie possible, tout comme des supports aux rformes institutionnelles visant amliorer la bonne gouvernance.Forte de son exprience, la Belgique peut jouer un rle de facilitateur dans la ncessaire coopration entre les bailleurs de fonds en faisant preuve dinnovation, en sappuyant sur le travail en rseau et en investissant dans la formation.

    Mesdames et Messieurs,

    Pour continuer contribuer efficacement au dveloppement, il faudra adapter notre action la ralit urbaine et aux besoins rels des populations des villes de la plante.

    Jespre que les rflexions, les contacts, les changes que vous aurez durant ces deux jours de sminaire par-ticiperont au renforcement de cette cohrence que nous devons imprativement dvelopper pour rpondre ce dfi majeur quest le dveloppement urbain harmonieux et durable.

    Je vous remercie de votre attention.

  • Session 1

    dveloppement urbain Point de la situation

  • CTB-14

    Dclaration de Madame Anna Tibaijuka, Sous-secrtaire gnrale des Nations unies, Directrice excutive dONU-HABITAT.

    Mohamed El Sioufi, ONU-HABITAT, Chef du Shelter Branch, Global Division.

    Madame le Ministre de la Coopration au dveloppement,Monsieur le Directeur gnral,Monsieur le Prsident du Comit de direction de la CTB,

    Mesdames et Messieurs,

    Je suis heureux que la Coopration Technique Belge (CTB) ait consacr ce sminaire international annuel aux dfis relever pour soutenir le dveloppement urbain durable . Je vous flicite pour cet intrt opportun, car 2007 est une anne trs particulire, une anne qui marque un tournant dans lhistoire de lhomme. Pour la premire fois, la moiti de lhumanit vit en ville. Nous sommes lamorce dune nouvelle re urbaine. Et cette nouvelle re saccompagne dun nouveau dfi, le dfi de lurbanisation durable.

    Lampleur et le rythme de lurbanisation : pourquoi nous devrions tre inquietsIl est vident aujourdhui que certains des plus grands dfis qui attendent lhumanit dans ce nouveau millnaire sont lurbanisation rapide et chaotique et lintensification de la pauvret urbaine.

    Depuis 1950, lhumanit a connu son expansion la plus rapide, passant de 2,5 milliards 6 milliards dtres humains.60% de cette hausse ont touch des zones urbaines, en particulier dans le monde en dveloppement, o la population urbaine a plus que sextupl en 50 ans peine.Laugmentation quasi-totale de la population qui est prvue entre 2001 et 2030, soit environ 2 milliards de personnes, se droulera dans les zones urbaines.Prs de la moiti de laugmentation, soit 1 milliard de personnes, sera concentre dans des bidonvilles urbains. Ajoutons ce chiffre au milliard dhabitants de bidonvilles dj existants et nous pouvons constater clairement que le succs de la lutte pour le respect des Objectifs du Millnaire pour le dveloppement se jouera dans les grandes villes.Les principaux dfis relever seront concentrs en Asie et en Afrique subsaharienne, en particulier dans les pays les moins avancs, o quelque 78% de la population urbaine vivent dans des bidonvilles.En termes de pourcentage, la proportion de la population urbaine mondiale passera de 50% de la popula- tion mondiale totale en 2007 environ 60% en 2030.Chaque anne, la population urbaine mondiale augmentera denviron 70 millions de personnes, soit lquivalent de sept nouvelles mgapoles de 10 millions dhabitants chacune.Limpact de cette hausse sera avant tout perceptible dans le monde en dveloppement, en particulier en Asie du Sud et du Sud-Est et en Afrique subsaharienne.

    Quimplique cette expansion rapide de la population urbaine ? La combinaison de laugmentation prvue de la population urbaine et de la population actuelle des bidonvilles, proche dun milliard de personnes, signifie que quelque 2,8 milliards de personnes auront besoin dun logement et de services urbains dici 2030. Lexactitude de ce chiffre na pas beaucoup dimportance. Lessentiel est son ordre de grandeur. Prs de 3 milliards de personnes, soit environ 40% de la population mondiale, auront besoin dun logement et dinfrastructures et services urbains de base dici 2030. Le besoin de logement dans cette pri-ode concernera environ 565 millions dunits de logement. Cela reprsente 22,6 millions dunits de logement par an ou la construction de 61 918 units de logement par jour ou de 2 580 units par heure.

    LE dEVELoPPEMEnt urBAin durABLE : contEXtE ActuEL

  • CTB-15

    LE dEVELoPPEMEnt urBAin durABLE : contEXtE ActuEL

    La pauvret urbaine et le dfi des bidonvilles

    Nos recherches rvlent une augmentation de la population des bidonvilles de lordre de 100 000 person- nes par jour.La plupart des habitants de bidonvilles nont pas accs un logement correct ni une source sre deau potable et de sanitaires.Ils vivent dans des conditions de surpeuplement, souvent dans des endroits marginaux et dangereux. Ils sont entours de dchets bruts qui affectent leur sant et celle de leurs enfants.

    Pourquoi sommes-nous arrivs cette situation ?

    Que cachent ces tendances alarmantes ? Nous nous posons cette question depuis la confrence Habitat II de 1996. Nos recherches continues montrent la prsence de plusieurs facteurs.

    Premirement, le discours du dveloppement durable sest peu intress, au fil des ans, lurbanisation et au dveloppement urbain. Beaucoup continuent de croire que les efforts consacrs au dveloppement rural auront un impact sur les migrations. Peu importe de savoir si la russite sera au rendez-vous ou pas. Nous avons atteint le stade o la croissance urbaine rsulte majoritairement de laugmentation naturelle de la population urbaine existante et plus dune migration.

    Deuximement, la source principale de croissance conomique des pays en dveloppement se trouve de plus en plus dans les villes. Dans de nombreux pays, lindustrie et les services forment une part toujours croissante du revenu national par rapport lagriculture. En Asie, les zones urbaines reprsentent gnralement 30 40% de la population et environ 60% du PNB. La plupart des emplois sont crs dans le secteur informel de lconomie - environ 7 nouveaux emplois sur 10 en Afrique subsaharienne. La croyance populaire selon laquelle lconomie informelle finira par tre absorbe par lconomie formelle ne se produit pas.

    Une troisime raison est lie lide dj ancienne que les pauvres urbains vivent mieux que les pauvres ruraux puisquils ont accs des services et infrastructures de base, vu la proximit de ceux-ci. Le rapport 2006-2007 sur ltat des villes dans le monde, publi par ONU-HABITAT, dmystifie pour la premire fois cette prsomption majeure. Ce rapport dmontre que les habitants de bidonvilles risquent davantage de mourir jeunes, de souffrir de malnutrition et de maladies, dtre moins duqus et de bnficier de moins de possibilits demploi que le reste de la population. La mortalit infantile et juvnile est directement lie aux conditions de vie dans les bidonvilles et pas aux revenus. Ces conditions sont le surpeuplement, le manque de scurit, la contamination de la nouriture et le manque daccs leau potable, aux sanitaires et lvacuation des ordures.

    Bref, les habitants de bidonvilles souffrent dun double danger : ils vivent dans des conditions prilleuses et leur situation dsespre constitue le point faible de laction des pouvoirs publics et de laide au dveloppement internationale.

    La pauvret urbaine et la scurit doccupation

    Mais la vie dans les bidonvilles revt une autre dimension qui est peut-tre encore plus pernicieuse et qui contribue incon-testablement lengrenage de la pauvret. Je me rfre ici au problme de labsence de scurit doccupation et au fait de vivre sous la menace constante de lexpulsion. Les bidonvilles sont tolrs tant quils offrent lconomie une rserve de main-duvre bon march proximit de l o elle est ncessaire. Quand la valeur des terrains occups excde celle de la main-duvre bon march, les habitants de bidonvilles sont inluctablement expulss.

    En tant quagence des Nations unies charge de la promotion des droits au logement, nous avons peu darguments avancer contre les lois du march. Cependant, labsence de procdure rgulire et de compensa-tion, sous forme de solutions de logement de remplacement ou de compensation financire, voire des deux, est tout bonnement inacceptable. Les expulsions irrgulires par la force touchent plus de 2 millions de personnes chaque anne.

    Session 1: Dveloppement urbain: Point de la situation

  • CTB-16

    Les grandes villes et le changement climatiqueLa semaine dernire, dans le cadre de la Confrence des Nations unies sur le changement climatique de Bali, jai soutenu que lurbanisation modifiait irrversiblement nos schmas de production et de consommation. Aujourdhui, selon nos valuations, 75% de la consommation dnergie mondiale ont lieu dans les grandes villes et 80% des missions de gaz effet de serre lorigine du rchauffement de la plante proviennent des zones urbaines.

    Le rchauffement de la plante aggrave les problmes environnementaux, sociaux et conomiques existants et engendre de nouveaux dfis. Toutefois, il est vital de reconnatre que les grandes villes et les citadins ne sont pas seulement les victimes du changement climatique, mais font galement partie du problme. Cela implique quils doivent aussi faire partie de toute solution durable. Vu ce qui prcde, le lien entre le changement climatique et le problme de la pnurie deau ne peut pas tre apprhend correctement si lon omet de considrer le pro-gramme durbanisation et le dveloppement des bidonvilles.

    La mission de lONU

    Aujourdhui, lurbanisation est enfin prise au srieux. En 1996, lors de la Confrence Habitat II dIstanbul, 171 pays ont ratifi le Programme pour lhabitat, un guide complet sur le dveloppement urbain inclusif et participatif.

    En 2000, les dirigeants mondiaux se sont engags en faveur des Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement. Les cibles 10 et 11 relatives leau et lassainissement ainsi qu lamnagement des bidonvilles, dans le cadre de lobjectif 7 visant assurer un environnement durable, ont une forte connotation urbaine. En 2001, lAssemble gnrale a adopt une rsolution faisant passer ONU-HABITAT du stade de centre celui de pro-gramme des Nations unies part entire et a invit ONU-HABITAT mettre sur pied le Forum urbain mondial comme un groupe de rflexion sur les questions urbaines.

    Lexperience dONU-HABITAT dans lapprhension des dfis urbainsJe souhaiterais vous faire partager certaines des expriences que nous avons accumules au cours des 15 dernires annes en relevant des dfis urbains par lintgration de contributions normatives et oprationnelles aux programmes et projets. Ces russites sont le rsultat de partenariats entre ONU-HABITAT et une multitude de donateurs et dagences dexcution :

    => Programme Rapid Urban Sector Profiling for Sustainability (RUSPS)

    Vous ntes pas sans savoir que les problmes urbains sont trs complexes et devraient tre envisags dans une perspective intgre plutt que via des approches sectorielles porte limite. ONU-HABITAT a labor le pro-gramme Rapid Urban Sector Profiling for Sustainability dans le but de soutenir la dfinition, lchelle locale et nationale, de politiques de rduction de la pauvret urbaine contribuant la mise en uvre des OMD.

    Lapproche sappuie sur les termes de rfrence standard de ltude sur le profil du secteur urbain qui ont t dfinis par lUE et exploits par ONU-HABITAT, sur la base de lexprience acquise avec les programmes Agendas 21 locaux , Cits viables , etc. Le RUSPS est une valuation concrte rapide des besoins urbains prioritaires, des lacunes en matire de renforcement des capacits et des rponses institutionnelles existantes lchelon local et national. Les thmes analyss sont notamment : la gouvernance locale, les tablissements humains et les bidonvilles, les terres et la scurit doccupation, le genre, le dveloppement conomique local, les services de base et lenvironnement urbain.

  • CTB-17

    Ces profils ont t mis en uvre dans plus de 20 pays entre 2004 et 2007. Les activits de suivi comprennent notamment un programme de planification stratgique de 50 villes moyennes dgypte, des programmes de rhabilitation en Somalie et en Afghanistan ainsi que des activits de planification et de budgtisation participa-tives au Sngal, en Rpublique dmocratique du Congo et au Mozambique. Nous envisageons actuellement la conclusion dun accord avec le secrtariat ACP/CE en vue, dune part, dassurer le suivi dun programme partici-patif dassainissement des bidonvilles dans 12 pays africains et, dautre part, dtablir des profils rapides dans 18 pays supplmentaires. Ce programme a t principalement financ par les pouvoirs publics italiens et la CE.

    => Programmes Agendas 21 locaux et Cits viables

    Au cours des quinze dernires annes, les programmes Agendas 21 locaux et Cits viables , financs par la Belgique et les Pays-Bas, ont aid les autorits locales identifier et rsoudre des problmes denvironnement cls. Les programmes se concentrent sur le dveloppement durable de villes secondaires, en les aidant identi-fier des secteurs dintervention stratgiques, mobiliser des acteurs et des ressources locaux, mettre sur pied des partenariats et entreprendre des actions concrtes. Les programmes appuient aussi un rseau dinstitutions nationales et rgionales qui apportent une assistance technique dans le domaine de lamnagement urbain et aident transposer les enseignements tirs dans des cadres juridiques spcifiques aux pays.

    Les deux programmes ont soutenu plus de 60 villes en Afrique, dans les tats arabes, en Asie, en Amrique latine et dans les Carabes. Dans ces villes, des rsultats concrets ont t obtenus dans des domaines thmatiques allant de lassainissement et de la gestion des dchets solides la mobilit urbaine, en passant par le patrimoine naturel et culturel, les fleuves et lacs urbains, les infrastructures de front de mer, la pollution atmosphrique et laccs aux services urbains.

    Lexprience acquise avec ces programmes reprsente le fondement sur lequel ONU-HABITAT a bti sa stratgie en vue daider les grandes villes du monde en dveloppement relever le nouveau dfi du changement clima-tique. cet gard, nous sommes actuellement en train de mettre sur pied un rseau de dveloppement urbain durable (Sustainable Urban Development Network SUD-Net) qui se concentrera dans un premier temps sur les grandes villes et le changement climatique. Via ce rseau, nous esprons crer des partenariats entre des autorits locales et des instituts denseignement suprieur. Cela contribuerait renforcer les capacits qui font tant dfaut et sont requises pour intgrer les proccupations relatives au changement climatique dans les processus de planification et de budgtisation des autorits locales.

    => Programme de dveloppement urbain en Somalie (Somalia Urban Development Programme SUDP)

    Le SUDP est un programme parapluie qui coordonne les interventions dans le secteur urbain, dans la rgion somalienne. Le programme a t dfini sur la base des besoins valus et des priorits identifies dans le profil de secteur urbain susmentionn et il a t test sur le terrain en 2002. Sur un financement provenant essentiel-lement de la CE, ONU-HABITAT a conduit un consortium form de 4 agences des Nations unies et de 2 ONG inter-nationales. Les partenaires sont aujourdhui au nombre de 15.

    Lobjectif de ce programme complet est dintgrer trois volets principaux lchelle locale : (1) la gouver-nance, notamment des rformes lgales et institutionnelles, un renforcement de la gouvernance municipale et de la participation de la socit civile aux activits de planification ; (2) la gestion urbaine, notamment la plani-fication stratgique, la matrise du dveloppement, la gestion des valeurs foncires, le rglement des litiges et la restitution, les finances municipales, la fourniture des services de base et le dveloppement conomique local ; et (3) la mise en uvre de projets locaux. Les projets du SUDP sont mis en uvre dans les grands centres urbains de la rgion somalienne.

    Session 1: Dveloppement urbain: Point de la situation

  • CTB-18

    => Rseau global doutils fonciers (Global Land Tool Network GLTN)

    Le GLTN, un rseau de rseaux globaux, se concentre sur la dfinition, lchelle nationale et mondiale, des outils fonciers grande chelle requis pour la dfense des plus pauvres et de lgalit des sexes. Ces outils permet-tront et aideront atteindre lObjectif 7, Cible 11, des OMD. Les objectifs sont : (1) amliorer la connaissance globale, la prise de conscience et les outils en vue de favoriser une gestion foncire en faveur des plus pauvres et de lgalit des sexes et (2) renforcer, le cas chant, les capacits dans certains pays afin de mettre en uvre des outils en faveur des plus pauvres et de lgalit des sexes dans le but damliorer la scurit doccupation des populations pauvres.

    La Sude et la Norvge sont les principaux donateurs financiers du systme de Basket Fund volutif. Les autres partenaires sont notamment des organismes multilatraux, la socit civile et des instituts de formation. Le GLTN se concentre sur cinq thmes qui permettront de surmonter les entraves existantes lamnagement foncier en faveur des plus pauvres : droits et registres fonciers, amnagement foncier, gestion foncire, droit foncier et valeur foncire. 18 outils ont t identifis dans ces thmes.

    Harmonisation, alignement et coordination du secteur foncier en vue de la rduction de la pauvret au Kenya

    En accord avec le nouveau programme sur lefficacit de laide au dveloppement, le groupe des partenaires de dveloppement sur le secteur foncier (Development Partners Group on Land DPGL) entend fournir et grer laide apporte au secteur foncier kenyan en vue de rpondre aux principes dharmonisation, dalignement et de coordination (HAC). Ce groupe met laccent sur : le renforcement de la capacit des pouvoirs publics laborer et mettre en uvre des politiques et des programmes fonciers ; lalignement de laide des donateurs sur les priori-ts des pouvoirs publics ; llimination des doubles emplois et des chevauchements dans les initiatives daide. Le DPGL, form en 2003, a soutenu le Ministre de lAmnagement foncier par lentremise du Programme daide la rforme foncire (Land Reform Support Programme LRSP), qui impliquait le soutien de llaboration dune politi-que foncire, la mise en uvre de cette politique, la transformation des institutions, la dfinition de Systmes de gestion des informations foncires (Land Information Management Systems LIMS) en faveur des plus pauvres, la mise en uvre de recommandations sur lattribution illgale de terres publiques et la dfinition de Directives concernant lexpulsion par la force (Forced Eviction Guidelines) au Kenya. Les partenaires du dveloppement sou-tenant le Basket Fund sont Sida, DFID, DCI (aide irlandaise) et USAID.

    => Partenariats urbains pour la rduction de la pauvret (Urban Partnerships for Poverty Reduction UPPR)

    Depuis 2000, le gouvernement du Bangladesh, le PNUD et ONU-HABITAT soutiennent un projet de partenariats locaux pour la rduction de la pauvret urbaine (Local Partnerships for Urban Poverty Alleviation Project LPUPAP). Ce projet a dmontr la russite dune approche communautaire du partenariat en vue de rduire la pauvret urbaine au bnfice denviron 300 000 personnes pauvres. LUPPR profitera des expriences positives de ce projet et des enseignements tirs de son analyse et de lvaluation de son incidence sur la pauvret. DFID alloue environ 120 millions de dollars US sur une priode de 7 ans (2007-2014) pour amliorer les moyens de sub-sistance et les conditions de vie de 3 millions de citadins pauvres et extrmement pauvres au Bangladesh.

    Le projet (UPPR) encouragera les partenariats avec des communauts pauvres urbaines, des autorits locales, la socit civile et le secteur priv. Lobjectif est la rduction de la pauvret urbaine au Bangladesh par lamlioration des moyens de subsistance et des conditions de vie de 3 millions de citadins pauvres et extrme-ment pauvres, en particulier des femmes et des filles (3 % de la cible 11 des OMD). Les rsultats comprennent notamment : une amlioration des cadres de vie, une amlioration des conditions conomiques et un environne-ment de politique urbaine en faveur des populations pauvres.

  • CTB-19

    Plan stratgique et institutionnel moyen terme dONU-HABITAT - la voie suivreAfin dextrapoler ces expriences et de relever les dfis de lUrbanisation durable, nous avons amorc un pro-cessus dlaboration de notre plan stratgique et institutionnel moyen terme (Medium Term Strategic and Institutional Plan MTSIP) pour la priode 2008-2013. La Vision du MTSIP est dinstaurer une urbanisation durable par le biais du Programme pour lhabitat : un logement adquat pour tous et un dveloppement durable des tablissements humains .

    Notre mission est de contribuer runir, dici 2013, les conditions ncessaires pour permettre des efforts internationaux et nationaux concerts de mettre en place une urbanisation plus durable, notamment par des actions visant endiguer le dveloppement des bidonvilles et prparer le terrain en vue dune rduction ultrieure du nombre dhabitants de bidonvilles et dune inversion de la tendance travers le monde.

    Cinq domaines cibles se renforant mutuellement ont t identifis comme une approche intgre de la mise en uvre dune urbanisation plus durable :

    advocacy, suivi et partenariats efficaces ; la promotion de mthodes participatives dans le domaine de lamnagement urbain et de la gouvernance urbaine ;la promotion de la gestion foncire et du logement en faveur des populations pauvres ; des infrastructures et des services urbains de base respectueux de lenvironnement ; le renforcement des systmes de financement des tablissements humains.

    Nous vous invitons vous joindre nous et nos partenaires du monde entier afin dapprhender les probl-mes urbains dans lesprit de notre plan stratgique et institutionnel moyen terme (MTSIP). Nous nous rjouis-sons notamment daborder, dans les prochains mois, de nouveaux domaines de collaboration possibles avec la Coopration belge au Dveloppement qui apporte, via divers programmes, un soutien constant ONU-HABITAT depuis 1979.

    4e session du Forum urbain mondial

    Avec plus de 10 000 dlgus, la troisime session du Forum urbain mondial, qui sest tenue Vancouver en 2006, a dmontr un intrt croissant pour lavenir des tablissements humains. Ministres et maires, indus-triels et habitants de bidonvilles ont tous reconnu la ncessit de joindre leurs efforts pour surmonter la crise urbaine.

    Le gouvernement chinois accueillera la 4e session du Forum urbain mondial dans la ville de Nankin, du 13 au 17 octobre 2008. Le thme sera lUrbanisation harmonieuse et se concentrera sur : lharmonie sociale, cono-mique, environnementale, spatiale, historique et gnrationnelle. Jespre que les tats membres et tous les partenaires du Programme pour lhabitat se prpareront correctement au Forum urbain mondial et profiteront de loccasion pour prsenter leurs meilleures pratiques afin que nous continuions dapprendre les uns des autres dans la mise en uvre du Programme pour lhabitat dans ce monde urbanis et mondialis.

    Session 1: Dveloppement urbain: Point de la situation

  • CTB-20

    LE MondE En tEnuE dE ViLLE

    Thomas Melin, Service Dveloppement urbain, Sida, Sude

    Ce sminaire tombe point nomm, puisque de plus en plus de gens (et dagences) sont concerns par le dveloppement urbain. Lagence sudoise de coopration au dveloppement (Sida) est une des seules disposer dun service spcifiquement ax sur le dveloppement urbain. Dans toutes ses actions, Sida se concentre sur un objectif : aider crer les conditions permettant aux pauvres damliorer leurs conditions de vie. Deux pers-pectives fondamentales orientent ses efforts : dune part, la perspective des droits , et dautre part, la perspective des pauvres . Cette dernire est malheureusement la plus difficile respecter puisque beau-coup de projets, daprs notre exprience, finissent par amliorer en partie la situation de la classe moyenne.

    Sida est en charge denviron la moiti des fonds de dveloppement du gouvernement sudois, dont plus de 10% sont destins au dveloppement urbain. Le dpartement Dveloppement urbain de Sida travaille avec la moiti de ce budget, soit environ 80 millions deuros. Nanmoins, les fonds varient danne en anne et il est trs difficile de dterminer quels fonds sont urbains ou pas. LOCDE/CAD, qui opre un suivi des statistiques de financement de la coopration au dveloppement, ne fait pas de diffrence entre les fonds urbains et non urbains dans les sta-tistiques. Quoi quil en soit, la Sude consacre entre 5 et 10% de ses fonds au dveloppement urbain. En compa-raison, daprs les calculs de la coopration norvgienne au dveloppement, environ 4% de lensemble des fonds issus de laide publique au dveloppement (APD) sont destins des zones urbaines. Ces chiffres sont totalement drisoires compte tenu du fait que la moiti de la population mondiale vit en milieu urbain. Notre service travaille dans le cadre dune politique daction en matire de projets urbains, dveloppe en 20061.

    Nous vivons dans un monde urbain. Contrairement aux intentions des Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement, la population des bidonvilles est en pleine croissance. Il y a une corrlation certaine entre la croissance conomique et lurbanisation, mais la question est de savoir lequel gnre lautre. Le dveloppe-ment conomique peut provenir du monde urbain, mais cela nimplique pas forcment que le dveloppement urbain se fasse en faveur des pauvres (pro-poor development). Ce nest pas parce que les gens y sont pauvres que nous travaillons au dveloppement des villes, mais parce que nous avons besoin delles, et que sans les villes, il ny a pas de dveloppement. Dhabitude, lorsquil est question durbanisation et des villes, les gens com-mencent parler de tous les problmes urbains, mais les villes offrent galement de nombreuses opportunits. Lenvironnement urbain permet de bnficier davantages sociaux et culturels, de centres de communication et dun secteur priv souvent trs dynamique. Il constitue le berceau des mouvements dmocratiques et dispose de puissantes organisations de la socit civile. Cest l que se retrouvent les politiciens et que les dcisions sont prises, que les entreprises ont leur sige, etc. Les villes constituent des moteurs de croissance pour les autres villes comme pour la campagne.

    Il est faux de croire que les pauvres vivent surtout la campagne, ou que les pauvres des zones rurales sont moins bien lotis que ceux des villes. La pauvret surbanise de plus en plus. La coopration au dveloppement se doit de travailler avec les pauvres, o quils soient. Deuximement, la migration temporaire est trs frquente : les populations ne sont jamais tout fait urbaines ou tout fait rurales dans le monde daujourdhui. Largent aussi a tendance migrer nous avons tous dj entendu parler des envois de fonds effectus du Nord vers le Sud, mais une grande quantit dargent circule galement des zones urbaines aux zones rurales. Cest pourquoi il serait ncessaire de faciliter les liens entre rural et urbain ou plutt les interdpendances rural-urbain de manire rduire la pauvret dans son ensemble. Malheureusement, lenvironnement politique nest pas rellement prt soutenir ces mouvements de personnes et de fonds entre les zones urbaines et rurales. Cest un point quil nous faut amliorer : permettre les liens entre rural et urbain et renforcer linterdpendance rural-urbain.

    La pauvret urbaine a clairement chang de visage au fil du temps. Il y a une dizaine dannes, les tudes indi-quaient que les priorits des pauvres de la ville taient leau et lassainissement. lheure actuelle, ce sont la criminalit et linscurit qui occupent la premire place. Il nous faut vraiment nous efforcer malgr notre manque dexprience en la matire de crer des environnements urbains srs. Les changements climatiques ont eux aussi de plus en plus dimportance, en particulier si lon sait que la majorit des zones urbaines se situent

    1. Politique de Sida, Dpartement de Coopration conomique et dinfrastructure, service Dveloppement urbain (INEC/URBAN)Fighting Poverty in an Urban World - Support to Urban Development, 1er octobre 2006. Cette poli-tique a t dveloppe dans la ligne du livre : Tannerfeldt G. and Ljung P., More Urban - Less Poor, An Introduction to Urban Development and Management, publi par Earthscan, Londres, 2006.

  • CTB-21

    2. Lectures recommandes : Allen, A. and You, N. (2002) Sustainable Urbanisation: Bridging the Green and Brown Agendas, publi par le DPU en collaboration avec ONU-Habitat et avec le soutien de DFID. Londres ; et McGranahan, G. & Satterthwaite, D. (2000) Environmental health or ecological sustainability? Reconciling the Brown and Green agendas in urban development, in : C. Pugh (d.), Sustainable cities in developing coun-tries, Earthscan, Londres, pp.73-90

    en bord de mer. Par consquent, la majeure partie de la population des villes sera touche par des catastrophes naturelles lies aux changements climatiques.

    Les milieux urbains varient fortement de lun lautre et ncessitent des solutions diffrentes : les diffrences entre riches et pauvres par exemple au Brsil ou en Afrique du Sud sont considrables et ces ingalits sont lorigine dune instabilit croissante. Il est par exemple particulirement inquitant de constater que les pauvres paient souvent plus cher pour leau que les riches, notamment si lon compare New York et Barranquilla, en Colombie. Le VIH/SIDA est particulirement virulent en milieu urbain, mais les programmes de lutte contre le virus ne tiennent pas suffisamment compte des zones urbaines et de leurs besoins spcifiques.

    Les villes sont complexes. Les villes sont comme des cosystmes, si lon change quelque chose un endroit, ce changement touchera tout le reste de la ville. Il est par consquent extrmement difficile de travailler en milieu urbain. Une autre raison cela est que la plupart des organisations, des personnes, des projets et des programmes constituent des silos. On a lhabitude de travailler sur un thme la fois mais cette approche ne fonctionne pas vraiment dans les villes. Ces problmes complexes ncessitent donc des solutions complexes.

    Par consquent, toute solution se doit dtre locale ; les solutions globales nexistent pas. Nous estimons nan-moins que les aspects suivants mritent quon leur consacre une attention spcifique :

    Intgration du dveloppement local et national. Le gouvernement central na bien souvent aucune connaissance en gouvernance locale. Paralllement, on assiste une dcentralisation des comp-tences, mais les ressources ne suivent pas. Amlioration de la gouvernance et de la gestion urbaine , en particulier en ce qui concerne les changements climatiques : 75 80% du changement climatique est li aux villes. Les villes bien gres bnficient dune planification, la planification se base sur des dcisions politiques, et celles-ci ncessitent une bonne gouvernance. Infrastructure et services municipaux. En matire denvironnement, le monde dvelopp envisage lassainissement selon une perspective verte , cologique. Les besoins environnementaux des pays en dveloppement sont plutt bruns , autrement dit immdiats, localiss et lis la sant2. Les technolo-gies les plus rcentes devraient tre utilises en lieu et place des plus anciennes, de manire trouver plus rapidement des solutions. Terre et logement. Le logement nest pas forcment li aux btiments : il met les gens en scurit, rduit leur vulnrabilit et leur offre la possibilit de monter un commerce chez eux. Le logement est forte-ment li laspect de genre et il constitue un thme essentiel qui ncessite une intervention : il y a eu assez des projets pilotes et nous devons maintenant passer la vitesse suprieure. Compte tenu du fait que 900 millions de personnes ont besoin dun logement adquat et dinfrastructures adaptes, il faut trouver des solutions finances localement. Les banques locales et les institutions financires peuvent jouer un rle cl dans ce processus. En ce qui concerne le logement des mnages bas revenus, la plupart des pays ne prvoient pas de politique de logement en faveur des plus pauvres et le contexte politique aurait mme tendance compliquer la mise en place de logements lattention des mnages bas revenus. Construire des nouveaux btiments pour tous ces gens est tout simplement impossible. Mais lon pourrait envisager de passer par la voie de la rhabilitation des taudis : quelques annes de rhabilitation des taudis et din-vestissements lents, et on obtiendrait une maison. Le processus dobtention dune terre ou dun logement diffre totalement en Occident et dans la plupart des pays en dveloppement. La situation dune majorit de gens pour ce qui est de leur logement et de la terre o ils vivent est par consquent trs instable en raison dune absence totale de lgislation en matire doccupation des terres. La rsolution formelle de loccupation des terres nest probablement pas la seule solution, mais une lgalisation plus large est ncessaire. La proprit dans les projets lis au logement est bien souvent la solution privilgie, mais elle nest pas toujours faisable. Dautres solutions intermdiaires, entre le formel et linformel, doivent tre envisages, de manire permettre aux gens de se sentir plus en scurit et de les faire participer la construction dune ville meilleure.

    Session 1: Dveloppement urbain: Point de la situation

  • CTB-22

    Rduction des risques lis aux catastrophes naturelles . Il nous faut construire des villes bien gres de manire rduire limpact des catastrophes naturelles venir. Pour ce faire, nous devons trouver des solutions pour les pauvres, car les catastrophes naturelles touchent toujours davantage les pauvres qui vivent dans les plaines fluviales, sur des pentes, etc.

    Pourquoi avons-nous si peu progress jusquici ?

    Tout dabord, il y a un manque de comprhension du monde politique, tant dans les pays dvelop-ps quen dveloppement. Les intrts se situent ailleurs, et peu de politiciens ralisent que les bidonvilles accueillent chaque jour 100.000 nouveaux habitants, 365 jours par an. Et mme lorsquil y a une comprhension, il ny a gnralement pas la volont politique de changer cette situation. Ceci se reflte dans les documents stratgiques pour la rduction de la pauvret (DSRP). La pauvret urbaine y est rarement mentionne3. Si nos pays partenaires ne lincluent pas dans leurs stratgies, comment les donateurs peuvent-ils se battre pour cette cause? Lorsque la comprhension et la volont politique sont prsentes, et que les documents stratgiques parlent de la pauvret urbaine, il nexiste que trs peu doutils pour sy attaquer. Et mme si nous disposons des outils adquats, il ny a pas assez dacteurs et dinstitutions rgionales pour former des partenariats. Pour rsu-mer la situation, nous avons besoin dun plan commun: il est temps que les donateurs unissent leurs efforts.

    Quest-il alors possible de faire pour inclure la pauvret urbaine parmi les priorits ? Les agences de dveloppement doivent influencer les conseillers et les pays partenaires, les organisations multilatrales, les donateurs et les ONG et soutenir le dveloppement des institutions rgionales, car nous avons besoin de partenaires locaux. En outre, nous avons dsesprment besoin de recherche applique et de chiffres afin de pouvoir dmontrer la ralit des problmes dont nous discutons aujourdhui.

    Quelques exemples de ce que lon peut faire, pour terminer, ne ft-ce que pour nous aider nous rappeler que nous ne parlons pas seulement de politiques et de statistiques, mais de personnes et de leur ralit quotidi-enne. Les 100 000 personnes qui rejoignent les bidonvilles chaque jour ont besoin dun meilleur environnement et peuvent crer un meilleur environnement pour elles-mmes, pour peu que nous les soutenions. Puisque le monde surbanise, il devient trs important pour nous de comprendre la ncessit de penser autrement. Si nous persistons dans les anciennes faons de penser, nous recevrons les mmes rponses quauparavant. Il nous faut penser diffremment. Ds lors, si le monde revt sa tenue de ville, nous devons revtir la ntre aussi.

    3. Sida, Urban Issue Paper: Poverty reduction strategies, www.sida.se

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    ViSionnAirES Et tEcHniciEnS : rLES Et rELAtionS dAnS LA LuttE contrE LA PAuVrEt urBAinE Et LA rduction dES dPEndAncES EXtErnES

    Terry Standley, ancien collaborateur dONU-HABITAT et consultant indpendant

    Le prsent expos vous propose ma manire de voir les rles et les relations en tant que professionnel actif depuis plus de quarante ans dans le domaine de la coopration technique, o jai endoss toutes sortes de fonctions dans de nombreux pays du monde en dveloppement. Je ne suis actuellement li aucune agence, ins-titution ou entreprise. Les thses de cet expos sinspirent de ce que jai pu constater loccasion de mon enga-gement direct toutes ces annes en faveur de la rduction de la pauvret urbaine et du renforcement simultan des capacits, en vue de rduire les dpendances externes au sein du gouvernement central et local et des ONG internationales et locales. Limportance dans lhistoire du dveloppement dune approche aussi pragmatique des procdures en jeu nest plus dmontrer. Je tiens nanmoins insister sur le fait quune exprience de cette ampleur nest pas ncessairement un gage de clart et de confiance et quil ne faut surtout pas se laisser aller gnraliser sans discernement.

    Lintroduction explique en quoi visionnaires et techniciens sont deux choses bien distinctes en apparence et dans quelle mesure le fait davoir une vision est considr actuellement comme indispensable dans tous les domaines et tous les niveaux de la vie publique et commerciale. Elle sappuie galement sur un important ouvrage publi rcemment sur la mondialisation (Chanda 2007), qui value les actions et les motivations au cours des sicles des Marchands, des Prdicateurs, des Aventuriers et des Guerriers. Une analyse rapide aborde la question des relations actuelles avec ces catgories dacteurs que ce soient les ONG, les agences publiques daide, les institutions de formation ou les investisseurs directs trangers. Lvocation dune autre uvre significative sur le thme du dveloppement (Easterly 2006) permet dvaluer brivement les analogies qui existent entre le rle du Planificateur et celui du Chercheur. Le Planificateur est cens connatre toutes les rponses, appliquer des modles globaux et susciter des attentes, mais sans prendre la responsabilit de les satisfaire. Le Chercheur, quant lui, identifie une demande populaire variable, sadapte aux conditions locales et croit que seuls les initis en savent assez pour trouver des solutions pratiques appropries, qui doivent toujours tre produites localement. Ensuite, vnement plus ancien de lhistoire du dveloppement, lattaque virulente de louvrage Lords of Poverty (Hancock 1989) contre les agences et leurs consultants est cite en exemple pour nous rappeler limportance de reconsidrer la question des rles et des relations qui, dans une grande mesure, continue davoir une incidence prs de vingt ans plus tard. Pour souligner limportance de ce qui prcde, lexpos reprend des extraits dun pome satirique, The Development Set (Coggins 1978), qui taient cits intgralement en prface du livre mentionn prcdemment.

    Vient ensuite un rsum de mon approche de la Lutte contre la pauvret : respecter les priorits communau-taires ; assurer des bnfices rapides et directs ; identifier les actions qui dclenchent le mcanisme ; viter les relations conflictuelles avec les autorits (confrontation sans alination), et reconnatre le pouvoir des pargnes communautaires et des groupes de crdit. Et voici mes recommandations en matire de Rduction des dpendances externes : justifier en premier lieu le besoin dassistance de manire rigoureuse ; reconnatre avec franchise et liminer les attitudes axes sur la prestation de services de certaines agences ; soutenir les changes en face face entre communauts (dun mme pays ou de pays diffrents) et renforcer les capacits locales en matire didentification et de mise en place dactions. Je vous offre ensuite un aperu comparatif des diffrentes positions internationales de travail et de vie que jai pu endosser directement, ce qui me permet de parler des leons positives ou exemplaires que jai pu en tirer et qui sont toujours dactualit. Jai pu bnficier de dix formes diffrentes de conditions de travail et de vie, ce qui sest rpercut au niveau des rles et des relations : engagement direct par le gouvernement aux mmes conditions et sous le mme statut quun fonction-naire national ; contrats individuels bilatraux et daffectation directe des projets daide ; postes lis des dpartements, mais pas des projets spcifiques ; engagement et action au sein dune ONG locale ; employ dimportantes ONG internationales ; intervention pour des agences locales de consultance du pays ; en tant quassoci dentreprise et dans des quipes de gestion de projets au sein dimportantes agences internationales de consultance ; en tant que Conseiller technique principal lONU (CTA)/Gestionnaire de projet ; au sein dun institut international de formation et de recherche ; en tant que Conseiller rgional de lONU ; et enfin, comme consultant individuel indpendant freelance, bas dans un pays en dveloppement (statut actuel).

    Session 1: Dveloppement urbain: Point de la situation

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    Depuis le dbut des annes 60, lassistance technique et financire au niveau des villes a fortement volu : dans la priode qui a suivi lindpendance, des experts/conseillers individuels taient implants ; par la suite, on a plutt eu recours des quipes de projet enclave, voire des contrats de sous-traitance qui emploient de grandes quipes de consultants issus dune entreprise ou dun consortium pour la gestion des projets. Le rle et linfluence des ONG internationales et locales ont fortement volu, la notion dajustement sectoriel sest impose et on a cherch passer de projets restreints une approche par programmes. Enfin, lmergence de campagnes et programmes spcialiss lchelle mondiale et lintrt tardif pour lalignement et lharmonisation avec les stratgies dun pays compltent ce rapide survol historique.

    Je vous propose ensuite quelques anecdotes issues de mon exprience personnelle, car elles offrent des exem-ples trs parlants des diffrents rles et relations quil ma t donn de vivre, et qui furent toutes trs riches dapprentissages : Un programme national de rhabilitation de squats en Papouasie-Nouvelle-Guine (o je tra-vaillais pour les services publics) un projet de dveloppement urbain Dhaka (en tant que Conseiller technique principal pour ONU-Habitat) une exprience lInstitute for Housing and Urban Studies de Rotterdam (en tant que membre du personnel) une intervention au Npal dans le cadre du projet Urban Development through Local Efforts (UDLE) (en tant que consultant individuel indpendant pour la GTZ).

    Enfin, toujours en me basant sur ma large exprience personnelle dans le domaine, je passe en revue les diff-rentes lacunes des valuations conventionnelles des projets et programmes : elles ne peuvent tre complte-ment indpendantes et libres de censure lorsquelles manent dune agence ou dun gouvernement ; les bnfi-ciaires directs ne sont pas intgrs aux quipes dvaluation, les rsultats sont rarement soumis lopinion du public et sont de toute manire gnralement dcrits dans un jargon hermtique et ne sont pas traduits dans la langue locale ; elles se font trop tt aprs la clture (les consquences long terme sont rarement analyses) ; laccent est mis davantage sur lefficience des dpenses et la production des outputs prvus plutt que sur la qualit des amliorations au niveau des conditions de vie et la capacit perdurer tout en rduisant les dpen-dances externes ; lautovaluation globale de lagence est gnralement gre en interne et nest donc pas indpendante du pouvoir excutif en place.

    Rfrences : Chanda,N.(2007)Together: How Traders, Preachers, Adventurers, and Warriors Shaped Globalization, Yale University PressEasterly,W.(2006),The White Mans Burden: Why the Wests Efforts to Aid the Rest Have Done So Much Ill and So Little Good, Penguin Press HCHancock,G.(1989)Lords of Poverty: The Power. Prestige and Corruption of the International Aid Business, New York: Atlantic Monthly Press. Coggins,R.(1978)The Development Set, Journal of Communication 28 (1), 8080.

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    rEconnAtrE LES ForcES AGiSSAntES urBAinES Au-dEL dE LA notion dE PAuVrEt

    Filip De Boeck, Institut de recherche anthropologique en Afrique (IARA), KULeuven, Belgique (animateur des dbats)

    Les trajectoires sociales, culturelles, conomiques et politiques de nombreuses villes dans le Sud global se sont souvent dveloppes selon des modles historiques compltement diffrents de ceux des villes europennes et occidentales. Afin de capter et de cerner les ralits de ces diffrentes trajectoires urbaines, je crois quil est absolument ncessaire de rester proche des vies relles de ces citadins, des lignes spcifiques que ces vies dcrivent et des itinraires spcifiques qui se dploient dans lacte mme de vivre dans des contextes qui sont en effet souvent marqus par le manque, le dclin, la pnurie et la marginalisation, par une pauvret et une dsin-dustrialisation croissantes, ou par un manque despace grandissant et une densit dmographique toujours plus forte. En dpit de tous ces facteurs handicapants, de telles villes gnrent aussi des modes de vie urbains cara-ctriss par des stratgies inventives de recyclage et de rparation, par de nouveaux modes de mouvements, de nouvelles formes de dveloppement communautaire et de nouvelles faons de trouver une place au sein dune ville et bien au-del.

    Dans des paysages urbains tels que celui de Kinshasa, pour citer un exemple que je connais mieux, les notions de dveloppement communautaire sont recres et rinventes de multiples manires qui ne peuvent plus tre sai-sies par des lectures plus conventionnelles du tissu urbain et de ce que lon entend habituellement par urbanit . Par consquent, je suis convaincu que les notions conventionnelles de dveloppement et de progrs ne suffisent plus cerner les problmes auxquels de telles villes sont confrontes, ni offrir de solutions viables. Tout ce quelles semblent faire, cest enfermer lici et maintenant de la ralit urbaine dans une sphre dim-possibilit, en projetant thologiquement des idologies classiques et des formes standardises de solutions sur un futur hypothtique. Comme beaucoup lont not auparavant, le schma standard de dveloppement, qui implique un passage volutif dune tape la suivante, dun pass un avenir, du traditionnel au moderne ou du rural lurbain, ne nous livre en fait aucune reprsentation prcise de ce qui se passe rellement, a fortiori lorsquon lapplique au continent africain, o quelquefois le progrs et le dveloppement semblent enterrs dans un pass irrcuprable plutt que ancrs dans un futur plein de promesses (pensons au cas du Copperbelt congolais et zambien), et au fait quil ne reste que peu de chose des infrastructures gnres par les dveloppements industriels qui ont dferl sur cette rgion durant les annes 20 et 30. Face ces mondes post- dveloppement o les paradigmes de la modernisation ne peuvent plus sappliquer aisment, une transition directe dun stade de dveloppement lautre nest plus une ralit viable (pour autant quelle lait jamais t).

    Au lieu de cela, diffrentes ralits coexistent, souvent sous des formes surprenantes et imprvues qui obligent constamment les citadins faire preuve de flexibilit et faire preuve daptitudes limprovisation. Les rsidents urbains semblent exceller faire prcisment cela : souvrir limprvu qui se manifeste souvent en dehors des sentiers battus constituant la vie urbaine. Ils sont passs matres dans lart de dcouvrir des itinraires qui dpassent lvidence et dexploiter des chemins et des possibilits moins visibles, cachs dans les replis des expriences et domaines urbains. Les citadins se sont souvent entrans puiser avec bonheur dans cet imbroglio et exploiter pleinement les possibilits quoffrent ces juxtapositions. Ils sont constamment occups inventer de nouvelles faons dchapper aux contraintes et excs conomiques que la vie urbaine leur impose. Ils savent souvent o regarder et que chercher afin de crer du possible au sein de ce qui est apparemment impossible.

    Les aptitudes dployes et les stratgies inventes dans le domaine de lexistence urbaine se situent de multi-ples niveaux. Un niveau auquel nous consacrons constamment beaucoup dattention est celui des infrastructures matrielles. Dans les rflexions et les discours occidentaux sur la faon de planifier, de concevoir, dassainir et de transformer le site urbain et ses espaces publics, une place prpondrante a t accorde la croyance dans le pouvoir qua la forme construite dorganiser socialement lespace public et priv dans la ville. Ceci est, presque naturellement, considr comme une dimension ncessaire pour la cration dune identit urbaine. En effet, ceux qui souhaitent comprendre les faons dont lespace urbain se dploie et se conoit lui-mme ne peuvent gure sous-estimer limportance des infrastructures matrielles. Il est galement vrai que les villes sont dimportants sites de dveloppement technologique offrant des solutions tangibles certains des problmes pratiques qui

    Session 1: Dveloppement urbain: Point de la situation

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    se posent. Toutefois, dans de nombreuses villes du Sud global, le fait est que linfrastructure est dun type trs spcifique. Son fonctionnement est ponctu par des pannes, dfaillances et absences constantes, et des pans entiers de la vie urbaine se dploient par-del larchitecture de la ville. Face cette vie urbaine qui se situe en grande partie en dehors des paradigmes et concepts classiques que les gouvernements, les planificateurs urbain et les ONG emploient communment pour guider leurs actions et amliorer la qualits des logements urbains, notre dfi est de concevoir des modles alternatifs plus imaginatifs nous permettant de commencer aller au-del des stratgies et des typologies traditionnelles de larchitecture et de la planification urbaine.

    Une premire possibilit rside dans la vision de la ville non comme le produit dune planification ou dune orga-nisation minutieuse, mais comme le rsultat dun espace vivant gnr de faon alatoire, conu autour darchi-tectures, de formes urbaines tronques et de niveaux dhabitat infrastructurel. Ceci semble mieux fonctionner parce quils offrent aux habitants urbains une flexibilit bien plus grande permettant de capter les possibilits soudaines que fait surgir limprvu. Dans De Boeck and Plissart (2004: 235), jai donn lexemple du garage invisible . Le fait que tout ce dont on a besoin pour exploiter un garage nest pas un btiment appel garage mais un espace ouvert au bord de la route, marqu par un vieux pneu de voiture, montre clairement que de nombreuses activits dans la ville deviennent possibles non parce quil existe une infrastructure bien dveloppe pour les soutenir, mais plutt parce que cette infrastructure nest pas l, ou nexiste qu travers sa propre indi-gence. En dautres termes, les choses fonctionnent souvent mieux lorsquil est possible de court-circuiter toute dpendance vis--vis dinfrastructures et de technologies (instables) et de contourner les aspects complexes dentretien, de proprit et ainsi de suite.

    Une autre piste de rflexion diffrente sur les spcificits de la vie urbaine contemporaine dans le Sud global consiste considrer le rle du corps humain dans la conception des activits de la ville. Le corps forme souvent une unit infrastructurelle de base au cur de la construction de lespace urbain. De faon plus importante encore, nous avons besoin de nouvelles faons de rflchir aux mouvements que ces corps urbains dcrivent et aux lignes quils tracent individuellement et collectivement travers le temps et lespace. Par exemple, en raison de laccent mis sur la pauvret, nous avons souvent le sentiment que ces villes sont dconnectes des processus plus larges qui se droulent dans le contexte urbain global rel . Toutefois, ceci est trs loign de la vrit : les habitants du type de contexte urbain dont il est question ici sont de plus en plus insrs dans des rseaux extrmement complexes et mobiles dchange et dinterdpendance, qui ne dpassent pas seulement la fixit du niveau infrastructurel, mais aussi celui de la ville en tant quentit gographique. Comme en tmoignent mes propres recherches sur Kinshasa (De Boeck & Plissart 2004) mais aussi les tudes rcentes de collgues cher-cheurs tels que AbdouMaliq Simone (2004) ou Dominique Malaquais (2006), la vie urbaine ne peut se comprendre sans accorder de lattention aux faons dont les gens voluent dans la ville, travers elle et au-del delle. Non seulement les rseaux gnrs par les habitants des villes relient entre eux divers espaces gographi-ques, mais ils doivent aussi tre lus comme des forces se traduisant par une expression concrte dans divers rseaux associatifs qui souvent sinterpntrent, chacun avec sa propre dure de vie, sa propre fonctionnalit et son propre impact. Ces rseaux, qui ne sont pas ncessairement ancrs sur un lieu o un territoire gographi-que prcis, sont souvent des sites ouverts de flux, de contacts, de transmission, de circulation et de migration. travers ces diverses ralits en flux , des informations et des interconnexions sont canalises, rorientes et transformes. Par voie de consquence, ce que nous dsignons par le terme de ville est de plus en plus un site virtuel. La ville est souvent devenue un tat desprit plutt quune ralit physique sur la carte. Et afin de comprendre le vritable sens de ce type spcifique de vie urbaine, il sera ncessaire de prendre en compte le contenu de limaginaire, des aspirations, des rves et des dsirs urbains gnrs par ce courant urbain et qui lalimentent leur tour.

    Le fait de prendre en compte tous ces niveaux transforme les habitants des villes de victimes passives en parti-cipants actifs avec leurs propres projets sociaux, conomiques, politiques et religieux, qui se situe souvent bien au-del du niveau de la simple survie. Tout ceci gnre un ensemble spcifique de forces dans une exprience urbaine spcifique. Ceci cre galement la capacit ou la possibilit de devenir un acteur consentant dans ces rseaux urbains spcifiques. Celles-ci pourraient aller du trafic clandestin de bagues, en passant par les rseaux

    Session 1: Dveloppement urbain: Point de la situation

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    commerciaux ou ceux qui canalisent le flux des fonds transfrs entre la ville et ses diasporas, jusquaux organi-sations religieuses, souvent fort caractre transnational.

    Afin de comprendre les villes, et a fortiori dy intervenir, nous avons un urgent besoin de tenir compte de ce niveau de forces agissantes, des forces agissantes en rseau et de la grande mobilit qui les caractrise. Il est certainement trs significatif que beaucoup de ces villes ont explos gographiquement, quil existe un Kinshasa Bruxelles, Londres et Paris, ou que Bruxelles, Londres et Paris sont devenus dune certaine manire des faubourgs de Kinshasa, de Lagos ou de Dakar. Il est galement important, certes, dtre pleinement conscient du fait quil y a de nos jours plus de commerantes congolaises qui voyagent entre Kinshasa et la ville chinoise de Guangzhou, par exemple, quentre Kinshasa et Bruxelles. Comment ces divers ici et l se relient-ils entre eux et sinfluencent-ils rciproquement ? Comment cela affecte-t-il les notions didentit ou de diffrence, ou les dfinitions de territoire et de localit ? Comment cela bouscule-t-il notre comprhension des villes dans le Sud global comme tant des avant-postes (pr- ou post-) urbains de plus en plus pauvres en marge du rseau globalis du nouvel ge de linformation ? Comment cela nous oblige-t-il repenser les notions dordre (ou plus prcisment de manque dordre) que nous appliquons beaucoup trop facilement ces contextes urbains ? Quelle incidence cela a-t-il sur nos ides reues au sujet de ce qui est fonctionnel ou normal et de ce qui ne lest pas ?

    Cela fait trop longtemps que notre utilisation des mots pauvres , quartiers insalubres , et dautre termes similaires ont rendu invisibles les pratiques et expriences quotidiennes de la vie urbaine. Cela fait trop long-temps que ces villes demeurent des Villes de lombre, pour citer le titre dun rcent ouvrage de Robert Neuwirth (2004) o les gens qui habitent ces mondes sont rduits une sorte d humanit excdentaire invisible (Davis 2006). La notion de pauvret ne reconnat pas suffisamment les possibilits et met trop laccent sur les fai-blesses de ces lieux et des personnes qui y vivent. Ceci nous empche de reconnatre les forces agissantes que possdent ces rsidents urbains. Sans tomber dans lexcs qui consiste idaliser le niveau de linformel, qui trop souvent noffre que prcarit et rigueurs, il est nanmoins temps de transformer notre regard de la ville dans le Sud global en tant quentit problmatique voire pathologique, irrmdiablement pige dans la pauvret, lchec, la violence et la faillite. Mme si ceci nest pas aisment reconnaissable pour lil non averti, nous ferions bien de commencer rflchir davantage au potentiel catalyseur de la production urbaine de connaissances et la possibilit de pense critique et daction quelle engendre.

    Rfrences :Davis,M.(2006)Planet of Slums. Londres / New York : Verso.DeBoeck,F.&Plissart,M.-F.(2004)Kinshasa.Tales of the Invisible City. Gand, Tervuren : Ludion, Muse royal dAfrique centrale.Malaquais,D.(2006)Douala/Johannesburg/NewYork:CityscapesImagined.Dans:M.J.Murray&G.A.Myers (eds), Cities in Contemporary Africa. New York : Palgrave MacMillan.Neuwirth,R.(2005)Shadow Cities. A Billion Squatters. A New Urban World. New York/Londres : Routledge.Simone, A. (2004) For the City Yet to Come. Changing African Life in Four Cities. Durham/Londres : Duke University Press.

    Session 1: Dveloppement urbain: Point de la situation

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    dBAtS SESSion 1

    4. Les dbats sont retranscrits partir des enre-gistrements audio de la session concerne, et refltent le plus fidlement possible les propos tenus.

    Slection de questions et rponses4

    Pouvons-nous stopper la croissance urbaine ? Ne devrions-nous pas investir davantage dans les zones rurales ?

    Contrairement certaines croyances gnralises, la croissance urbaine est dans une large mesure provo-que par une croissance naturelle des villes. Lmigration est permanente, et les motivations essentielles

    sont lducation, les possibilits demploi et, de plus en plus, les consquences des catastrophes, que celles-

    ci soient naturelles ou dorigine humaine. (Mohamed El Sioufi, ONU-HABITAT)

    Il existe maintenant toute une nouvelle gnration de personnes dplaces lintrieur du Soudan, par exemple. Eleves selon un mode de vie urbain, ces personnes ne peuvent revenir en arrire. Mme si elles le pouvaient, la croissance dmographique fait que lenvironnement naturel ne pourrait soutenir leur ancien mode de vie bas sur llevage (Mohamed El Sioufi, ONU-HABITAT)Devons-nous vraiment poser cette question, tant donn que le mouvement vers la ville fait partie dun plan de survie individuel dune personne ou dune famille et est entrepris pour des raisons trs diffrentes, mrement rflchies ? Pouvons-nous nous riger en juges et dire : Vous avez fait le mauvais choix ! ? (Thomas Melin, Sida) La pauvret nest pas essentiellement un problme financier - la question rside principalement dans la manire dont on peut influencer sa propre situation. Lorsque vous vivez dans un bidonville, le plus souvent vous ntes pas reconnu, vous navez pas dadresse, et donc vous nexistez pas rellement. (Thomas Melin, SIDA)

    Comment pouvez-vous intgrer des questions de sant reproductive dans votre cadre daction ? Comment pouvons-nous planifier une ville si nous ne pouvons mme pas planifier une famille ?

    travers des approches de