La Voie Du Tarot - Jodorowsky Alexandro, Costa Mar

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le tarot pour Jodo & Marianne

Transcript of La Voie Du Tarot - Jodorowsky Alexandro, Costa Mar

  • ditions Albin Michel, 2004

    ISBN : 978-2-226-29070-0

    Centre national du livre

  • Prsentation

    Comment crire un livre sur le Tarot ?Autant tenter de vider la mer avec unefourchette

    Depuis prs de quarante ans, le travaildAlexandro Jodorowsky pouse lamultiplicit dynamique du Tarot :lectures, leons, trouvailles,confrences Sil avait fallu transcrirece matriel dans son intgralit, nousaurions plusieurs dizaines de milliers depages tout aussi passionnantes que

  • dsorganises, abordant tour tourdivers aspects de cet art qui ne se laisseenfermer dans aucune rigidit.

    Puisque ce ntait pas possible, etquil fallait un livre et un seul, nousavons fait, Alexandro et moi-mme, lechoix de prsenter le Tarot sous desangles suffisamment varis pour que cetouvrage puisse la fois servir demanuel aux dbutants et doutil derflexion aux tarologues expriments,tout en conservant aux lecteurs le plaisirde la lecture.

    Voil pourquoi toutes les parties de celivre comportent une introduction

  • rdige la premire personne parAlexandro, retraant son parcoursunique, celui dune vie entire, encompagnie de ce matre exigeant, de cetalli puissant quest le Tarot.

    Pour toute la partie technique, notresouci a t dtre fidles lextrmeplasticit du Tarot : la fois clair etprofond, linaire et multidimensionnel,ludique et complexe il ne se laisserduire aucun des innombrablespossibles quil ouvre. Cest pourquoinous avons cherch construire unouvrage qui puisse se lire soit parfragments, soit dans la continuit, o

  • chaque sujet soit abord la foislonguement et brivement, et o lesimages fassent sans cesse cho au texte,tant il est vrai que le Tarot constitueavant tout un apprentissage du voir.

    Ce livre sorganise donc en cinqparties. La premire a pour but defamiliariser le lecteur avec la structureglobale du Tarot, ses fondementsnumrologiques et symboliques. Ladeuxime examine un par un les Arcanesdits majeurs . La troisime fait demme avec les Arcanes dits mineurs .La quatrime partie reprsente ce quenous avons voulu tre un premier pas

  • dans la lecture dynamique du Tarot :ltude de paires, de couples, dediverses combinaisons entre deux carteset davantage. Virtuellement, chaquelment du Tarot est ainsi reli tous lesautres. Enfin, la cinquime partie estconsacre la lecture proprement dite.

    Nous tenons remercier toutparticulirement Barbara Clerc, quidepuis des annes transcrit et archive lesleons et les lectures bnvolesdAlexandro Jodorowsky Elle a mis notre disposition toutes ces archives quisans elle seraient restes de lordre dela tradition orale.

  • M. C.

    N.B. : La prsente tude se fonde surla version restaure du Tarot deMarseille (voir ce quen dit AlexandroJodorowsky dans son Introduction). Lelecteur pourra se procurer ce jeu auprsde la maison Camoin (BP 291,13269 Marseille cedex 08).

  • Introduction 1

    Cest Tocopilla, petit port chilienblotti entre le glacial ocan Pacifique etles plateaux montagneux du dsert deTarapac, la rgion la plus sche aumonde, o pas une goutte de pluie nesttombe depuis des sicles, qu sept ansjai eu mon premier contact avec lescartes cause de la chaleur extrme,les commerants fermaient boutique midi et jusque vers cinq heures delaprs-midi. Jaime, mon pre, baissait

  • le rideau mtallique de sa MaisondUkraine sous-vtements fminins etarticles domestiques et partait jouer aubillard chez le fou Abraham , un juiflituanien, veuf, chou l dans descirconstances mystrieuses. Dans cehangar o les femmes nentraient pas,les marchands concurrents, autour dunetable verte, dcrtaient la paix etaffirmaient leur virilit en faisant descarambolages. Selon la philosophie deJaime, sept ans un enfant avait dj lecerveau form et on devait le traitercomme un adulte. Le jour de monseptime anniversaire, il me permit de

  • laccompagner au billard Je ne fusimpressionn ni par le bruitassourdissant des boules quisentrechoquaient ni par leurs sillagesblancs et rouges qui traversaient le tapisvert olive ; ce qui retint mon attention etme fascina, ce fut le chteau de cartes.Le fou Abraham avait la manie deconstruire, avec des paquets de cartes,de grands chteaux. Il laissait cetensemble, toujours diffrent, vaste, haut,sur le comptoir du bar, loin des courantsdair, le faisant durer jusqu ce que lui-mme, ivre, le dtruist en lui donnantdes coups, pour aussitt se mettre en

  • construire un autre. Narquois, Jaime mepoussa vers le maboul , mordonnantde lui demander pourquoi il faisait cela.Lui, avec un sourire triste, rpondit unenfant ce quil ne voulait pas dire auxadultes : Jimite Dieu, petit. Celui quinous cre nous dtruit et, avec nosrestes, Il reconstruit.

    Le samedi soir et le dimanche aprsdjeuner, pour vaincre lennuiprovincial, mon pre recevait lamaison un groupe damis avec lesquelsil jouait aux cartes pendant des heures,tandis que Sara Felicidad, ma mre,seule femme, servait les bires et les

  • canaps, change en ombre. Le reste dela semaine, les cartes dormaientenfermes sous cl dans une armoireCes cartons me fascinaient, mais ilmtait interdit dy toucher. Daprs mesparents, ils taient rservs aux seulsadultes. Cela me mit dans lide que lescartes, fauves dangereux qui nepouvaient tre dompts que par un sage,Jaime en loccurrence, avaient despouvoirs magiques Comme ilsutilisaient des haricots la place defiches, tous les lundis ma mre, peut-trepour librer sa peine dtre exclue dujeu, les mettait bouillir et en faisait une

  • soupe, que jengloutissais avec lesentiment quelle mapportait une partiede ces pouvoirs.

    Mon physique de fils dmigrsrusses, trs diffrent de celui desChiliens autochtones, me priva damis.Mes parents, enferms dix heures parjour dans la Maison dUkraine, leurcommerce, ne pouvaient soccuper demoi. Accabl par le silence et lasolitude, jentrepris un jour dinspecterles meubles de leur chambre danslespoir de trouver un dtail qui mepermettrait de savoir quel visage ilscachaient derrire leurs masques

  • indiffrents. Dans un coin de lapenderie, entre les vtements parfumsde Sara Felicidad, je trouvai une petitebote en mtal, rectangulaire. Lesbattements de mon cur sacclrrent.Quelque chose me dit que jallais avoirune rvlation importante. Je louvris. lintrieur il y avait une carte du Tarot, Le Chariot . Sur elle, un princeconduisait un vhicule en flammes. Leslangues de feu, ajoutes par des traits lencre noire, avaient t colores laquarelle jaune et rouge. Cet incendiemintrigua au plus haut point. Qui avaitpris la peine de transformer le dessin

  • original en y ajoutant des flammes ?Perdu dans mes penses, je nentendispas arriver ma mre. Surpris en pleindlit, jassumai ma culpabilit et luitendis la carte. Elle la pritrespectueusement la serra contre sapoitrine et se mit pleurer grossanglots Lorsquelle se calma, elle meraconta que son dfunt pre avaittoujours port cette carte dans lapochette de sa chemise, prs du cur.Ctait un danseur de ballet, russe,mesurant deux mtres de haut, avec unechevelure blonde lonine, qui, amoureuxde ma grand-mre juive, sans y tre

  • oblig lavait accompagne dans sonexil. En Argentine, maladroit comme illtait pour tout ce qui touchait auxdtails de la vie quotidienne, il avaitgrimp sur un tonneau dalcool pouressayer de rgler la flamme dunelampe. Le couvercle du rcipient avaitcd, et il tait tomb dans lalcool avecle quinquet dans les mains. Le liquidestait enflamm et mon grand-pre avaitpri brl. Sara Felicidad tait ne unmois aprs cet atroce dcs. Un jour,Jash, sa mre, lui avait confi quelleavait trouv la carte, intacte, au milieudes cendres de son bien-aim. Une nuit,

  • aprs lenterrement, les flammes duChariot taient apparues sans quepersonne ne les et dessines. Ma mrene doutait pas de la vracit de cettehistoire. Moi, dans mon innocencedenfant, je la crus aussi.

    Lorsque jeus dix ans, mes parents,ayant vendu leur commerce,mannoncrent que nous allions partirpour Santiago, la capitale. Perdre aussibrutalement mon territoire me plongeadans une brume mentale vnneuse. Mamanire dagoniser fut de grossir.Devenu un petit hippopotame, je metranais jusqu lcole, les yeux au ras

  • du sol, ayant limpression que le cieltait une vote de ciment. celasajouta le rejet de mes camarades declasse lorsquils constatrent dans lesdouches, aprs un cours de gymnastique,que mon sexe navait pas de prpuce. Juif errant ! , me crirent-ils en mecrachant dessus. Le fils dun diplomatequi venait darriver de France cracha audos dune carte et me la colla sur lefront. Riant aux clats, ils me poussrentdevant une glace. Ctait un Arcane duTarot de Marseille, LHermite . Jyvis mon infamant portrait : un tre sansterritoire, solitaire, transi de froid, les

  • pieds blesss, marchant depuis uneternit la recherche de quoi ? Dequelque chose, quoi que ce ft, qui luidonnerait une identit, une place dans lemonde, une raison de vivre, Levieillard soulve une lampe. Quesoulve mon me millnaire ? (Face lacruaut de mes camarades, je sentis quemon poids tait une douleur transportedurant des sicles.) Se pouvait-il quecette lampe ft ma conscience ? Et si jentais pas un corps vide, une masseuniquement habite par langoisse, maisune trange lumire qui traverse letemps, empruntant dinnombrables

  • vhicules de chair, la recherche de cettre impensable que mes grands-parentsappelaient Dieu ? Et si limpensabletait la beaut ? Quelque chose desemblable une agrable explosionparut briser les barrires quiemprisonnaient mon esprit. La tristessefut balaye comme poussire Aveclangoisse dun naufrag je me mis larecherche du port o se runissaient lesjeunes potes. Il sappelait Caf Iris.Iris, la messagre des dieux, celle quiunit le ciel et la terre, le complmentfminin de Herms ! Et moi, on mavaitcoll sur le front un (H)ermite ! Cest

  • dans ce caf-temple que je rencontraides amis : des acteurs, des potes, desmarionnettistes, des musiciens, desdanseurs. Je grandis parmi eux,cherchant aussi, dsesprment, labeaut. Dans ces annes quarante, ladrogue ntait pas la mode. Nosconversations, rendues imptueuses parla fivre cratrice, sternisaient autourdune bouteille de vin qui, peine vide,tait remplace par une autre. Au petitmatin, affams et ivres, pour brlerlalcool nous courions jusquau parcforestier. En face, dans un sous-soltroit, habitait Marie Lefvre, une

  • Franaise de soixante ans qui vivait enconcubinage avec Nene, un garon dedix-huit ans. Cette dame tait pauvre,mais elle avait toujours dans sa cuisineune grande marmite pleine de soupe,magma chaotique qui contenait les restesde nourriture quon lui donnait aurestaurant voisin en change de seslectures de cartes aux clients. Tandis queson amant ronflait, nu, Marie, couvertedune robe de chambre chinoise, nousservait de pleines assiettes o, au milieudu dlicieux bouillon, nous pouvionstrouver du poisson, des boulettes deviande, des lgumes, des crales, du

  • vermicelle, du fromage, des foies depoulet, de la panse de buf et biendautres dlicatesses. Ensuite, elle nouslisait un Tarot dessin par elle, sur leventre de son amant que mme un coupde canon ne pouvait rveiller. Cettrange contact avec les cartes futdcisif : grce cette femme, dans moncur le Tarot est pour toujours rest uni la gnrosit et lamour sans limites.Soixante ans se sont couls depuis et,suivant son exemple, je lai toujours lugratuitement. Tandis que je me sentaisprisonnier dans lle culturelle qutaitalors mon pays, Marie Lefvre me

  • prdit : Tu voyageras dans le mondeentier, sans arrt, jusqu la fin de ta vie.Mais coute bien : quand je dismonde, je parle de la totalit delunivers. Quand je dis fin de ta vie, jeparle de ta prsente incarnation. Enralit, sous dautres formes, tu vivrasautant que vivra lunivers.

    Plus tard, en France, jai travaillavec Marcel Marceau, qui me fit le plusgrand honneur quil ait jamais octroydans sa compagnie : montrer, immobile,dans une pose suggestive, les pancartesqui annonaient le titre de sespantomimes. Ainsi, chang en statue de

  • chair, jai voyag pendant cinq ans dansun grand nombre de pays. chaquereprsentation, Marceau se donnaitcorps et me. Ensuite, puis, ilsenfermait de longues heures dans sachambre dhtel. Le lendemain, sansvisiter la ville, il retournait au thtrepour rpter un nouveau numro oucorriger les lumires. Moi, seul dans cespays dont bien souvent je ne parlais pasla langue, je visitais des muses, desrues pittoresques, des cafs dartistes.Peu peu, je pris lhabitude derechercher les librairies sotriques,pour y acheter des Tarots. Je rassemblai

  • ainsi une collection de plus de millejeux diffrents : lalchimiste, lerosicrucien, le cabalistique, le gitan,lgyptien, lastrologique, lemythologique, le maonnique, le sexuel,etc. Tous taient composs du mmenombre de cartes, soixante-dix-huit,divises en cinquante-six Arcanesmineurs et vingt-deux Arcanes majeurs.Mais chacun avait des dessins diffrents.Parfois, les personnages humains taienttransforms en chiens, chats, licornes,monstres ou gnomes. Chaque exemplairecontenait un livret o lauteur seproclamait porteur dune vrit

  • profonde. Je ne comprenais ni le sens nilusage de cartes si mystrieuses, maisje leur portais une grande affection, ettrouver un nouveau jeu me remplissaitde joie. Navement, jesprais trouver leTarot qui me communiquerait ce que jecherchais avec tant dangoisse : le secretde la vie ternelle

    Au cours de lun de mes voyages auMexique en tant quassistant deMarceau, je fis la connaissance deLeonora Carrington, pote et peintresurraliste qui pendant la guerre civileespagnole avait vcu une histoiredamour avec Max Ernst. Lorsque celui-

  • ci avait t fait prisonnier, Leonora avaitsombr dans une crise de folie, avectoute lhorreur que cela implique, maisaussi avec toutes les portes que ce malouvre dans la prison de lespritrationnel. Minvitant manger un crneen sucre qui portait mon nom grav surle front, elle me dit : Lamourtransforme la mort en douceur. Les os dusquelette de lArcane XIII sont ensucre. Lorsque je me rendis compteque Leonora utilisait dans ses uvresles symboles du Tarot, je la priai deminitier. Elle me rpondit : Prendsces vingt-deux cartes. Examine-les une

  • une et dis-moi ensuite ce que signifiepour toi ce que tu vois. Dominant matimidit, je lui obis. Elle notarapidement tout ce que je lui disais.Lorsque je terminai, avec la descriptiondu Monde, jtais tremp de sueur. Unsourire mystrieux sur les lvres,lartiste peintre me murmura : Ce quetu viens de me dicter, cest le secret.Chaque Arcane, tant un miroir et nonune vrit en soi, devient ce que tu voisen lui. Le Tarot est un camlon. Aussitt aprs elle me fit cadeau du jeucr par loccultiste Arthur EdwardWaite, avec des dessins de style mille

  • neuf cent, qui deviendrait trs la modeparmi les hippies. Je crus que Leonora,que je voyais comme une prtresse,mavait livr la cl du lumineux trsorqui tait au centre de mon intrieurobscur, sans me rendre compte que cesArcanes agissaient seulement commedes excitants de lintellect.

    De retour Paris, je me mis frquenter un caf de la place desHalles, La Promenade de Vnus o, unefois par semaine, Andr Bretonretrouvait son groupe surraliste. Je mepermis de lui offrir ce Tarot de Waite,attendant, avec un orgueil dissimul, son

  • approbation. Le pote observaattentivement les Arcanes, avec unsourire qui se transforma peu peu engrimace de dgot. Cest un jeu decartes ridicule. Ses symboles sont dunelamentable vidence. Il ny a rien deprofond en lui. Le seul Tarot valable estcelui de Marseille. Ses cartes intriguent,elles meuvent, mais jamais elles nelivrent leur secret intrinsque. Je me suisinspir de lune delles pour crireArcane 17. Fervent admirateur dugrand surraliste, je jetai ma collectionde cartes la poubelle, ne gardant que leTarot de Marseille, cest--dire la

  • version quen avait publi Paul Marteauen 1930.

    Mme si, comme Breton, jecomprenais fort peu le sens de ces cartesqui, ct des sduisantes images deWaite, semblaient hostiles, surtout lesArcanes mineurs, je dcidai de lesgraver dans ma mmoire, esprant ainsique ce que mon intellect ne pouvaitdchiffrer, mon inconscient le ferait. Jeme mis mmoriser chaque symbole,chaque geste, chaque ligne, chaquecouleur. Peu peu, aid par une patienceobstine, je parvins, les yeux ferms, visualiser, quoique imparfaitement, les

  • soixante-dix-huit Arcanes Pendant lesdeux annes que dura cette exprience,je me rendis chaque matin laBibliothque nationale de Paris pourtudier les collections de Tarot donnespar Paul Marteau et les livres consacrs ce thme. Jusquau XVIIIe sicle, leTarot avait t assimil un jeu dehasard, son sens profond ntant pasperu. On en avait mutil ou transformles dessins, lornant de portraits denobles, le mettant au service des fastesde la cour. Chaque trait disait unechose diffrente, souvent encontradiction avec les autres. En ralit,

  • au lieu de parler objectivement du Tarot,les auteurs faisaient leur autoportraitdans lequel ils imbriquaient dessuperstitions. Je trouvai des croyancesmaonniques, taostes, bouddhistes,chrtiennes, astrologiques, alchimiques,tantriques, soufies, etc.

    On aurait dit que le Tarot tait undomestique toujours au service dunedoctrine extrieure lui Mais lachose la plus surprenante que jeconstatai fut celle-ci : depuis que lepasteur protestant et franc-maon Courtde Gbelin (1728-1784) avait publi lehuitime volume de son encyclopdie,

  • Monde primitif, en 1781, attribuant auTarot des caractristiques sotriques etpas seulement ludiques, personne navaitjamais vritablement examin lesArcanes, ni lui ni ses disciples. Sans serendre compte que ces cartes sont unlangage optique qui exige dtre vu danstoute ltendue de ses dtails, Gbelinprend ses fantaisies pour des ralits etle dclare venu dgypte Hiroglyphes appartenant au Livre deToth, sauv des ruines dun templemillnaire , publiant une mauvaisecopie du Tarot de Marseille o illimine une multitude de dtails, octroie

  • un zro au Mat et le baptise Le Fou ,pour lui donner une significationngative : Il na de valeur que cellequil donne aux autres, exactementcomme notre zro : montrant ainsi querien nexiste dans la folie. Il ajoute unpied la table du Bateleur, changeLEmpereur et LImpratrice en Roy etReyne, Le Pape et La Papesse en Grand-Prtre et Grande-Prtresse, baptiselArcane XIII, sans nom, La Mort , setrompant sur le nombre de Temprancesur laquelle il imprime un XIII ; dcideque dans lArcane VII celui qui conduitle chariot est Osiris triomphant ; nomme

  • LAmoureux Le Mariage ; Ltoile, La Canicule ; Le Diable, Typhon ; Le Monde, Le Tems (sic) et Le Pendu, La Prudence (en lemettant debout) ; il suprime les couleursainsi que lencadrement originalconsistant en un rectangle initiatiquecompos de deux carrs. Ainsi prtend-il corriger les erreurs de loriginal.

    partir de cette publication dupremier trait sotrique sur le Tarotdans le Monde primitif, les occultistesont commenc dlirer, ngligeant de sepntrer des dessins du Tarot deMarseille, considrant la copie de Court

  • de Gbelin et ses explicationsgyptiennes comme lauthentique vritsotrique. En 1783, un devin la mode,le coiffeur Alliette, sous le pseudonymede Eteilla (1750-1810), produit un Tarotfantaisiste qui se rattache lastrologieet la Kabbale hbraque. PuisAlphonse-Louis Constant, alias liphasLvi (1816-1875), malgr son immenseintuition, ddaigne le Tarot de Marseille,quil trouve exotrique et, dansDogme et rituel de la haute magie 2,dessine une version sotrique duChariot, de La Roue de Fortune, duDiable ; il tablit que les vingt-deux

  • Arcanes majeurs illustrent lalphabethbreu et carte les cinquante-sixArcanes mineurs. Cette ide est adoptepar Grard Encausse, qui sous lepseudonyme de Papus (1865-1917) sepermet de crer un Tarot avec despersonnages gyptiens qui illustrent unestructure cabalistique hbraque. Aprsces tentatives de greffer sur le Tarottoutes sortes de systmes sotriques,des milliers de livres se fondant sur une tradition inexistante sont crits,voulant prouver que le Tarot fut cr parles gyptiens, les Chaldens, lesHbreux, les Arabes, les hindous, les

  • Grecs, les Chinois, les Mayas, lesextraterrestres, voquant aussilAtlantide et Adam, qui lon attribuele dessin des premires cartes sous ladicte dun ange. (Pour la traditionreligieuse, les uvres sacres onttoujours une origine cleste. Laralisation du systme symbolique nestpas abandonne linspirationpersonnelle de lartiste, elle est octroyepar Dieu lui-mme) Le mot Tarot serait gyptien (tar : chemin ; ro, rog :rel), indo-tartare (tan-tara : zodiaque),hbreu (tora : loi), latine (rota :roue ;orat : parle), sanskrit (tat : le tout ;

  • tar-o : toile fixe), chinois (tao :principe indfinissable), etc. Diffrentsgroupes ethniques, des religions, dessocits secrtes ont revendiqu sapaternit : Gitans, juifs, chrtiens,musulmans, maons, rosicruciens,alchimistes, artistes (Dali), gourous(Osho), etc. On trouve en lui desinfluences de lAncien Testament, desvangiles et de lApocalypse (dans descartes comme Le Monde, Le Pendu,Temprance, Le Diable, Le Pape, LeJugement), des enseignements tantriques,du Yi Jing, des codex aztques, de lamythologie grco-latine Chaque

  • nouveau jeu de cartes renferme lasubjectivit de ses auteurs, leur visiondu monde, leurs prjugs moraux, leurniveau limit de conscience Commedans le conte de Cendrillon, o lesdemi-surs sont prtes couper un boutde leur pied pour pouvoir chausser lapantoufle de vair, chaque occultistemodifie la structure originale

    Pour faire concider le Tarot avec lesvingt-deux chemins de lArbre de Viequi unissent les dix sphirots de latradition cabalistique, A. E. Waitechange le numro huit de La Justicecontre le numro onze de la Force,

  • transforme LAmoureux en LesAmoureux, etc., falsifiant ainsi lasignification de tous les ArcanesAleister Crowley occultiste appartenant lordre du Temple dOrient (OTO),change aussi les numros, les dessins (etdonc la signification) ainsi que lordredes cartes. La Justice devientLAjustement ; Temprance, LArt ; LeJugement, Aeon. Il limine les Valets etles Cavaliers, quil remplace par desPrinces et Princesses Oswald Wirth,occultiste suisse, franc-maon etmembre de la Socit thosophique,dessine lui-mme son Tarot en

  • introduisant dans les Arcanes nonseulement des costumes mdivaux, dessphinx gyptiens, des chiffres arabes etdes lettres hbraques la place deschiffres romains, des symboles taostes,la version alchimique du Diableinvente par liphas Lvi, mais ilsinspire aussi de la version maladroitede Court de Gbelin (voir sa MaisonDieu, sa Temprance, sa Justice, sonPape, son Amoureux), paraissantaffirmer que le Tarot de Marseille estune version populaire, autrement ditvulgaire, du Tarot de Gbelin Lesmilliers dadeptes dune secte rose-

  • croix amricaine affirment que le Tarotgyptien de R. Falconnier unsocitaire de la Comdie-Franaise quile dessina et le publia en 1896, leddiant Alexandre Dumas fils constitue un jeu sacr original Troissicles de rves et de mystification !

    Une uvre sacre est par essenceparfaite ; le disciple doit ladopter toutentire, sans essayer de lui ajouter ouretirer quoi que ce soit. Personne ne saitqui a cr le Tarot, ni o ni comment.Personne ne sait ce que le mot Tarot signifie ni quelle langue il appartient.

  • On ne sait pas non plus si le Tarot futainsi ds lorigine ou sil est le rsultatdune lente volution qui auraitcommenc avec la cration dun jeuarabe nomm nabbe (cartes) et auquelfurent ajouts, au fil des ans, les Arcanesmajeurs et ceux capricieusementnomms Honneurs . Le seul fait decrer de nouvelles versions du Tarot deMarseille, anonyme comme toutmonument sacr, en simaginant quilsuffit de changer les dessins ou le nomdes cartes pour raliser une grandeuvre, est pure vanit.

  • Quelle fut lintention du crateur decette cathdrale nomade ? Un seul trehumain a-t-il pu donner forme une sigrande encyclopdie de symboles ? Quifut capable de rassembler de tellesconnaissances en une seule vie ? Laprcision du Tarot est telle, ses rapportsinternes et son unit gomtrique sont siparfaits quil nous est impossibledaccepter que cette uvre fut ralisepar un initi solitaire. Seulement,inventer la structure, crer lespersonnages avec leurs costumes et leursgestes, tablir la symbologie abstraitedes Arcanes mineurs exige un grand

  • nombre dannes de travail intense. Lacourte dure dune vie humaine ny peutsuffire. liphas Lvi, dans son Dogme etrituel de la haute magie 3, si on lit entreles lignes, exprime cette intuition : Cest un ouvrage monumental etsingulier, simple et fort commelarchitecture des pyramides, durablepar consquent comme elles ; livre quirsume toutes les sciences et dont lescombinaisons infinies peuvent rsoudretous les problmes ; livre qui parle enfaisant penser ; inspirateur et rgulateurde toutes les conceptions possibles : lechef-duvre peut-tre de lesprit

  • humain, et coup sr lune des plusbelles choses que nous ait laisseslAntiquit ; clavicule universelle,vritable machine philosophique quiempche lesprit de sgarer, tout en luilaissant son initiative et sa libert ; cesont les mathmatiques appliques labsolu, cest lalliance du positif lidal, cest une loterie de pensestoutes rigoureusement justes comme lesnombres, cest enfin peut-tre ce que legnie humain a jamais conu tout lafois de plus simple et de plus grand.

    Si nous voulions imaginer lorigine duTarot (dj en 1337, dans les statuts de

  • labbaye de Saint-Victor de Marseille,les jeux de cartes sont interdits auxreligieux), il nous faudrait remonter aumoins lan mil. cette poque, dans leSud de la France et en Espagne, onpouvait voir dans une saine paix, riges proximit les unes des autres, uneglise, une synagogue et une mosque.Les trois religions se respectaient et lessages de chacune delles nhsitaient pas discuter et senrichir au contact demembres des autres. Il est vident quedans les Arcanes II, V, XIII, XV, XX,XXI, on trouve linfluence duchristianisme. Dans la tte du squelette

  • de lArcane sans nom, on peut distinguerles quatre lettres hbraques, yod-h-vav-h, qui dsignent la divinit, et surla poitrine du Pendu les dix sphirots delArbre de Vie cabalistique. Dans lesArcanes mineurs apparaissent dessymboles musulmans : par exemple, enhaut de lAs de Coupe, un cercle avecneuf points reprsente de toute videncelennagone initiatique Il est possiblequun groupe form de sages des troiscroyances, prvoyant une dcadence deleurs religions qui, par soif de pouvoir,conduirait invitablement la haineentre sectes et loubli de la tradition

  • sacre, se soient concerts pour dposercette connaissance dans un humble jeude cartes, ce qui quivaudrait laprserver et la dissimuler, afin quelletraverse les tnbres de lHistoirejusqu parvenir un avenir lointain odes tres dun niveau de conscienceleve dchiffreraient son merveilleuxmessage.

    Ren Gunon, dans Symbolesfondamentaux de la science sacre 4,crit : Dans son folklore le peupleconserve, sans les comprendre, lesdbris de traditions anciennes, remontantmme parfois un pass si lointain quil

  • serait impossible de le dterminer [] ;il remplit en cela la fonction dune sortede mmoire collective plus ou moinssubconsciente, dont le contenu, unesomme considrable de donnes dordresotrique, est manifestement venuedailleurs.

    J. Maxwell, dans Le Tarot le symbole,les arcanes, la divination 5, est lepremier auteur qui revienne lorigine,reconnaissant que le Tarot de Marseille(celui de Nicolas Conver) est un langageoptique et que pour le comprendre il fautle regarder. Plus tard, Paul Marteau,dans son livre Le Tarot de Marseille 6,

  • imitant Maxwell, reproduit les cartes,les analyse une par une, dtail par dtail,tenant compte de leur numro, de lasignification de chaque couleur, dechaque geste des personnages.Cependant, bien quil poursuive levritable chemin de ltude du Tarotinaugur par Maxwell, il commet deuxerreurs. Dune part son jeu nest quuneapproche de loriginal. Ses dessins sontla copie exacte du Tarot de Besanondit par Grimaud la fin du XIXe sicle,qui reproduisait lui-mme un autre Tarotde Besanon dit par Lequart et sign Arnoult 1748 . Il se permet aussi de

  • modifier certains dtails, peut-tre pouren faire sa proprit et pouvoir ainsi lecommercialiser et toucher des droitsdauteur. Dautre part, il conserve lesquatre couleurs de base imposes parles machines de limprimerie au lieu derespecter les anciennes couleurs, plusvaries, des exemplaires peints lamain

    Cependant, ne trouvant aucun Tarotplus proche de lauthentique que celuide Paul Marteau, je me livrai lui avecun respect rvrencieux. Je me suisrendu compte que si quelquun pouvaitmapprendre le dchiffrer, ce ntait

  • pas un matre de chair et dos, mais leTarot lui-mme. Tout ce que je voulaissavoir tait l, entre mes mains, devantmes yeux, dans les cartes. Il taitessentiel darrter dcouter lesexplications fondes sur la tradition ,les concordances, les mythes, lesexplications parapsychologiques, et delaisser parler les Arcanes Pourlintgrer ma vie, outre le mmoriser,je ralisai avec lui quelques actes queles esprits rationnels considreront sansdoute purils. Par exemple, jai dormichaque nuit avec une carte diffrentesous mon oreiller, ou pass toute la

  • journe avec lune delles dans mapoche. Jai frott mon corps avec lescartes ; jai parl en leur nom, imaginantle rythme et le ton de leur voix ; jaivisualis chaque personnage nu, imaginses symboles couvrant le ciel, compltles dessins qui semblent disparatre dansle cadre : jai donn un corps entier lanimal qui accompagne Le Mat et auxacolytes du Pape, prolong la table duBateleur jusqu trouver dans linvisibleson quatrime pied, imagin dopendait le voile de La Papesse, vu versquel ocan coulait le fleuve quinourrissait la femme de Ltoile et

  • jusquo allait le bassin de La Lune.Jimaginai ce que Le Mat avait dans sapoche et Le Bateleur dans son sac, lelinge de corps de La Papesse, la vulvede LImpratrice et le phallus deLEmpereur, ce que Le Pendu cachaitdans ses mains, qui appartenaient lesttes coupes de lArcane XIII, etc. Jaiimagin les penses, les motions, lasexualit et les actions de chaquepersonnage. Je les ai fait prier, injurier,faire lamour, dclamer des pomes,gurir.

    Le mot Arcane majeur oumineur ntant imprim sur aucune

  • partie du jeu, on ne devait pas voir lescartes comme secret, chose cache,chose occulte et trs difficile connatre Il dpendait de moi deleur donner un nom : Gravures, Cartes,Figures, Arcanes, Victoires, le choixtait libre. Comme il y avait les mots pe , Coupe , Bton et Deniers , joptai pour Arcanes (majeurs et mineurs), puis pour un ordrealphabtique : A pour Arcanes ; B pourBton ; C pour Coupe ; D pour Deniers ;E pour pe ; F pour Figures.

  • Jai dvelopp ma connaissance duTarot de Paul Marteau pendant plus detrente ans, organis des ateliers, animdes cours, lenseignant des centaines etdes centaines dlves En 1993, jereus une carte dans laquelle PhilippeCamoin, descendant direct de la famillemarseillaise qui imprimait depuis 1760le Tarot de Nicolas Conver, me racontaitlaccident de voiture dans lequel sonpre, Denys Camoin, avait trouv lamort. Cette disparition tragique lavaitprofondment affect, dautant que lamunicipalit avait profit de cedramatique vnement pour exproprier

  • le terrain de limprimerie, dmolircelle-ci et lever la place une coledentaire. Incapable de faire son deuil,aprs de vaines tentatives poursintgrer la socit, Philippe devintermite. Il passa dix annes enferm dansla maison de son pre, dans la petiteville de Forcalquier, sans autrecommunication avec le monde quuneantenne satellite qui lui permettait derecevoir plus de cent chanes diffrentessur son tlviseur. Cest ainsi quilapprit les rudiments de douze langues.Lcran cathodique devint soninterlocuteur. Il crut pouvoir sentir

  • lodeur des personnes qui apparaissaientsur lcran. Lorsquil avait un problme,une interrogation, il appuyait au hasardsur le bouton de sa tlcommande et,comme par magie, une image, unemission, lui donnait une rponse. Unenuit dinsomnie, alors que lhorlogeindiquait trois heures, il posa cettequestion : Que dois-je faire pourcontinuer la tradition familialeinterrompue par la mort de mon pre ? ,et il appuya sur le bouton. Japparus surlcran, rpondant un journaliste.Philippe eut la sensation que jemadressais lui en particulier.

  • Quelques jours plus tard il rpta lamme question et je rapparus surlcran. Ce phnomne se produisit unetroisime fois. Cest pourquoi il dcidade revenir dans le monde et mcrivitpour me demander un rendez-vous

    Quand je le vis arriver, il me futimpossible de lui donner un ge. Ilpouvait aussi bien avoir cinquante ansque vingt ans, on aurait aussi bien dit unsage quun enfant. Il avait des difficults sexprimer. Entre chacun de ses motssinstallaient de longs silences. Ildonnait limpression de ne rien dire depersonnel, que tout lui tait dict depuis

  • une lointaine dimension. La transparencede sa peau rvlait quil tait vgtarien. la base de ses pouces il portait untatouage. Une lune sur le gauche, unsoleil sur le droit Il voulut assister mes cours de Tarot. Les autres lves sedemandaient si Philippe tait muet. Ilavait une immense difficult tablirdes relations avec les tres humains. Illui tait plus facile de communiqueravec des entits dautres mondes. Ledieu Shiva lmouvait parce que, bienquil ft une entit divine, rpandantlamour et la fertilit, tous les dmonslui obissaient.

  • Je dcidai dentreprendre une actionthrapeutique en faisant usage de lapsychomagie. Si la mort du pre avaitbris les liens qui unissaient son fils aumonde, pour les restituer il fallait relierPhilippe la tradition familiale. Pourcela, je lui proposai que nousrestaurions ensemble le Tarot deMarseille cette poque, il mesemblait que cette tche consistaitseulement liminer les petits dtailsajouts par Paul Marteau, et peut-tre affiner quelques dessins qui, avec letemps, de copie en copie, avaient finipar se transmettre de faon confuse

  • Philippe accueillit ma proposition avecenthousiasme. Il prit conscience quectait pour cela quil tait venu mechercher. Je parlai avec sa mre et luidemandai son aide. Comme, la mort deson mari, elle avait offert une importantecollection de Tarots diffrents muses,elle nous remit des lettres derecommandation. Nous fmes toujoursbien reus et il nous fut permis dobtenirdes diapositives de toutes les cartesutiles notre recherche. Mme Camoinconservait aussi une importantecollection de planches dimprimeriedatant du XVIIIe sicle. Au bout dune

  • anne de recherches, nous nous rendmescompte de limmensit du travail quinous attendait. Il ne sagissait pas demodifier quelques dtails ou de prciserquelques traits, il fallait entirementrestaurer le Tarot, en lui rendant sescouleurs originales, peintes la main, etles dessins que les copistes successifsavaient effacs. Par bonheur, si surcertains exemplaires subsistaient desparties fragmentaires, sur dautresapparaissaient des parties quicompltaient ce qui avait t perdu.Nous avons d travailler sur desordinateurs puissants, grce auxquels

  • nous avons pu comparer, en posant uneimage sur lautre, dinnombrablesversions, parmi lesquelles celles deNicolas Conver, de Dodal, de FranoisTourcaty, de Fautrier, de Jean-PierrePayen, de Suzanne Bernardin, deLequart, etc.

    Nous avons travaill cetterestauration pendant deux ans. Philipperenoua ses liens avec le monde, faisantpreuve dune extraordinaire habilet. Ilse servait de lordinateur comme unspcialiste. La complexit de la tcheexigea des machines plus adquates. Neregardant pas la dpense, sa mre nous

  • fournit les lments techniques au fur et mesure de nos besoins La difficultde ce travail de restauration rsidaitdans le fait que le Tarot de Marseille secompose de symboles troitement lisles uns aux autres ; si lon modifie unseul trait, toute luvre est adultre. AuXVII

    e sicle existait un grand nombredimprimeurs du Tarot de Marseille. Lesexemplaires du XVIIIe sicle sont descopies de Tarots antrieurs. Nous nepouvions donc accepter quun Tarot duXVIII

    e sicle ft loriginal : il tait fortpossible que la version de Nicolas

  • Conver, de 1760, contnt des erreurs etdes omissions. Si au dbut les dessinstaient peints la main, le nombre decouleurs fut limit quand les machinesindustrielles firent leur apparition dansles imprimeries du XIXe sicle. Selon lesimprimeurs, les traits et les couleursfurent reproduits avec plus ou moins defidlit. Ceux qui ntaient pas initissimplifirent les symboles lextrme.Ceux qui les copirent ajoutrent deserreurs aux erreurs. Dautre part, aprsavoir tudi un grand nombre de jeux,nous avons constat que certains Tarotsavaient des dessins identiques et

  • superposables, et pourtant chacunpossdait des symboles quinapparaissaient pas sur les autres. Nousen avons dduit quils avaient t copissur un mme Tarot, plus ancien,aujourdhui disparu. Cest ce Tarotoriginal que nous voulions reconstituer.

    Nous avons but sur un obstacleapparemment infranchissable : aucunmuse ne possdait un Tarot deMarseille complet, ancien, peint lamain Notre travail fut interrompupendant un temps qui nous parut uneternit. Soudain, je me souvins quMexico, place Rio de Janeiro,

  • cinquante mtres de la maison quejhabitais autrefois, vivait lantiquaireRal Kampfer, spcialiste en reliquesaztques et mayas. En 1960, il avaitvoulu me vendre un vieux Tarot franais , peint la main, dont ilmavait demand dix mille dollars. lpoque, obnubil par la version deWaite, je le trouvai inintressant, et detoute faon bien trop cher. Et jeloubliai Miracle : prs de chez moiavait peut-tre exist le prcieuxexemplaire qui nous faisait tellementdfaut !

  • Philippe et moi partmes pour Mexicoet, tout mus, frappmes la porte delantiquaire. Un homme jeune nousouvrit : ctait le fils de Ral Kampfer,qui tait dcd. Le garon gardaitreligieusement, dans une pice, lesobjets quavait laisss son pre. Il nesavait pas que parmi eux se cachait unTarot. Il nous demanda de laider lechercher. Au bout dun bon moment, trsangoissant, nous lavons dcouvert dansune bote en carton, au fond dune malle.Le garon nous le vendit pour un prixraisonnable, et nous rentrmes Parisavec notre trophe. Ce Tarot nous servit

  • de guide essentiel pour restaurer lesanciennes couleurs par ordinateur.

    mesure que nous avancions dansnotre travail, je subissais de vritablescourts-circuits spirituels. Javaispendant tant dannes greff sur monme le Tarot de Paul Marteau, donnant chaque dtail la signification la plusprofonde possible chose que jepouvais faire en dposant dans lesArcanes un amour sans limites , quecertains changements eurent sur moileffet de coups de poignard.

    Au fond, le travail de restaurationexigeait quune partie de moi-mme, au

  • nom de la mutation, accepte de mourir.Les deux ds du Bateleur du Tarot dePaul Marteau lun sur le 1 et lautresur le 5 (donnant 15, le numro duDiable), cachant sur leur face opposeun 2 et un 6 (donnant 26, la somme deslettres de la divinit [Yod, 10 + H, 5+ Vav, 6 + H, 5]), ce qui me permettaitde dire que le dmon ntait quunmasque de Dieu , en se transformantdans la version restaure en trois dsmontrant chacun trois faces qui au totaldonnaient sept (trois fois sept galent21, le numro du Monde), faisaientchanger ces symboles en dautres

  • absolument diffrents qui mobligeaient faire des efforts mentaux puisantspour les substituer ceux qui mtaientsi chers.

    La mme chose madvint avec leschaussures blanches de LEmpereur :javais pris lhabitude de penser que lepuissant monarque faisait des pas duneirrprochable puret, aussi pleins desagesse que sa barbe blanche. Mais enralit les chaussures taient rouges et labarbe bleu ciel : des pas dune activitconqurante, semblables la croix dusceptre qui impose sa marque sur lemonde et une barbe dhomme sensible,

  • spirituel, rceptif, plus intuitifquintelligent. Dans LAmoureux, je dus mon grand chagrin oublier le parallleque je faisais entre le personnagecentral, que Marteau montrait nu-pieds,et Mose qui se dchausse pour entendrela voix du Trs-Haut dans le buissonardent. Il fut douloureux dadmettre quece personnage avait des chaussuresrouges, aussi actives que celles deLEmpereur ou du Mat, ce qui donnait son amour un aspect moins divin et plusterrestre. Dans le Tarot de Marteau, LePendu ntait pas attach par un pied,dans le ntre oui. Je dus passer dun

  • personnage qui avait librement dcidde ne pas agir un autre qui recevait sesliens comme une loi cosmique contrelaquelle il ne pouvait se rebeller, ce quisignifiait que la libert, pour lui, taitdobir la Loi. Dans lArcane XIII duTarot de Marteau, le squelette se coupaitun pied : autodestruction ; dans le ntreil se donnait un pied bleu ainsi quunbras et une colonne vertbrale de lamme couleur, acte constructif qui serptait dans sa faux, o lancien rougese mlait ce bleu cleste, signifiant unesemence desprit. Le Diable qui chezMarteau brandissait une pe en la

  • prenant par la lame, se blessant btementla main, tenait chez nous une torche,donnant de la lumire aux tnbres. DansLa Maison Dieu apparurent troismarches initiatiques et une porte, ce quiimpliquait que les deux personnages netombaient pas mais sortaientjoyeusement, de leur propre volontEt tant dautres dtails qui changrentma vision. Jeus bien sr besoin detemps pour abandonner le Marteau. Jecommenai par mlanger les deuxpaquets, que je prsentais ensemble auconsultant Peu peu, lancien parut sedesscher comme les feuilles en

  • automne tandis que le nouveau acquraitchaque jour une nergie plus intense. Unmercredi matin, dans le jardin de monpavillon de Vincennes, au pied duntilleul touffu, jenterrai mon Tarot tantaim de Paul Marteau, avec la douleurdun fils qui enterre sa mre, et plantaidessus un rosier. Ce soir-l, au cafSaint-Fiacre o je faisais chaquesemaine mes lectures gratuites du Tarot,jutilisai pour la premire fois, et pourtoujours, le Tarot restaur. Cettepremire fois concida avec la venuedevant ma table de Marianne Costa. Marencontre avec elle fut aussi importante

  • que celle avec Philippe Camoin. SansMarianne, je naurais jamais pu crirece livre. Mme sil est difficile lesprit rationnel daccepter que riennest accidentel dans la nature, que toutce qui arrive dans lunivers est causpar une loi prtablie, que certainsvnements sont crits dans le futur etque leffet prcde la cause, lapparitionde ma collaboratrice me semble luvredun destin tabli par une entitinconcevable.

    Marianne fut dabord mon lve, puismon assistante, et nous avons fini parlire le Tarot ensemble, accomplissant

  • 1.

    2.3.4.

    ainsi ce quindiquent les Arcanes :LEmpereur-LImpratrice, La Papesse-Le Pape, La Lune-Le Soleil. Liniti abesoin de son complment fminin, etvice versa, pour que tous deuxparviennent une lecture guide par laConscience cosmique.

    A. J.

    Cette Introduction, les Ouvertures descinq parties du prsent ouvrage et laConclusion, ont t traduites delespagnol (Chili) par Nelly Lhermillier.Rimp. d. Bussire, Paris, 1992.Op. cit.d. Gallimard, Paris, 1962.

  • 5.6.

    Librairie Flix Alcan, Paris, 1933.Arts et mtiers graphiques, Paris, 1949.

  • PREMIRE PARTIE

    STRUCTUREET

    NUMROLOGIEDU TAROT

  • Ouverture

    Le Tarot est un tre

    La plupart des auteurs de livres surle Tarot se contentent de dcrire etdanalyser les cartes une une sansimaginer lensemble du jeu en tant quetotalit. Pourtant, la vritable tude de lasignification de chaque Arcanecommence par un ordre cohrent de toutle Tarot : de chaque dtail, aussi infimesoit-il, partent des lignes dunion quiembrassent les soixante-dix-huit cartes.

  • Pour comprendre ces multiplessymboles, il faut avoir vu le symbolefinal que constitue leur totalit : unmandala. Daprs Carl Gustav Jung, lemandala est une reprsentation de lapsych, dont lessence nous estinconnue : les formes rondessymbolisent en gnral lintgritnaturelle, alors que les formesquadrangulaires reprsentent la prise deconscience de cette intgrit. Pour latradition hindoue, le mandala, symbolede lespace sacr central, autel ettemple, est la fois une image du mondeet la reprsentation du pouvoir divin.

  • Une image capable de conduire celui quila contemple lillumination Seloncette conception, je me suis proposdordonner le Tarot comme si jeconstruisais un temple. Dans toutes lestraditions, le temple rsume la crationde lunivers, vu comme lunit divinequi a explos en fragments. Osiris,enferm dans un coffre par ses ennemisjaloux et son frre Seth, est jet dans leseaux du Nil, mutil, dcoup, puisressuscit par le souffle dIsis.Symboliquement, les Arcanes du Tarotsont un coffre o a t dpos un trsorspirituel. Louverture de ce coffre

  • quivaut une rvlation. Le travailinitiatique consiste rassembler lesfragments jusqu retrouver lunit Onpart dun paquet de cartes, on mlangeles Arcanes et on les tale plat, cest--dire que lon met Dieu en pices. Onles interprte, on les rassemble dans desphrases. Le lecteur initi (Isis, lme),dans une qute sacre, runit lesmorceaux. Le Dieu ressuscite, non plusdans la dimension immatrielle maisdans le monde matriel. Avec le Tarot oncompose une figure, un mandala, quipermet de lembrasser tout entier dunseul regard.

  • Cette ide que les cartes navaient past conues une une comme dessymboles spars , mais comme desparties dun tout, ne mest pas apparuedun coup. Ce fut un long processus partidintuitions vagues, mais au fil des ansjai fait des dcouvertes qui prouvaientavec certitude la volont dunion de cet tre quest le Tarot.

    Jordonnai les cartes en posant lesnombres pairs ma gauche et lesimpairs ma droite, parce que dans lestraditions orientales les nombres pairssont considrs passifs et les impairs

  • actifs, et que le ct droit est considractif et le gauche passif. Je comparai lesornementations des temples occidentauxavec celles des orientaux. Sur la faadedes cathdrales gothiques, par exempleNotre-Dame de Paris, Jsus-Christ,androgyne, debout entre un dragonterrestre et un dragon cleste, nous bnitsur la porte centrale. Sur la porte situe sa droite (notre gauche en tant quespectateurs) slve la Vierge Marie(fminit, rceptivit) et sur la porte sagauche nous voyons un prtre dominerun dragon de sa canne (masculinit,activit). Au contraire, dans les temples

  • bouddhistes tantriques, les divinitsmasculines se placent face notre ctgauche en tant que spectateurs, et lesfminines face notre ct droit. Celasexplique par le fait que Bouddha nestpas un dieu, mais un niveau que tout trehumain, sil ralise la grande uvrespirituelle, peut atteindre. Le croyantcesse dtre spectateur et se place entrele mle et la femelle, converti en temple,face lextrieur. Au contraire, le Christest une divinit, aucun croyant ne peut ledevenir, il ne peut que limiter. Lessaints orientaux sont des bouddhas. Lessaints occidentaux imitent leur Dieu

  • raison pour laquelle les cathdralesagissent comme des miroirs. La droitede ldifice reprsente notre ct gaucheet sa gauche notre ct droit Le Tarotde Marseille, produit judo-chrtien,nous indique dans Le Monde (XXI) quenous devons lutiliser comme un miroir :la dame tient dans sa main gauche lebton actif et dans sa main droite lacornue rceptive (voir p. 53)

    Je me guidai sur ces dtails etdautres, quil serait trop longdnumrer, pour former peu peu desgroupes de cartes, qui finirent un jourpar sunir en un mandala. Jobtins un

  • svastika, symbole du tourbillon cratifautour duquel stendent les hirarchiesqui en manent. Ce symbole, qui indique lvidence un mouvement de rotationautour du centre, action du Principedivin sur la manifestation, fut longtempsconsidr comme un emblme du Christ.En Inde, on en fit lemblme duBouddha, parce quil reprsente la Rouede la Loi (Dharmachakra), mais aussilemblme de Ganesh, divinit de laconnaissance. En Chine, le svastikasymbolise le nombre dix mille, qui est latotalit des tres et de la manifestation.Cest aussi la forme primitive du

  • caractre fang : il indique les quatredirections de lespace carr, de la terre,expansion horizontale partir du centre.Dans le symbolisme maonnique, lecentre du svastika figure ltoile polaire,et les quatre bras (lettre gamma grecquedont la forme est celle dune querre)qui la constituent, les quatre positionscardinales de la Grande Ourse autourdelle (la Grande Ourse symbolise uncentre directeur ou clairant).

    Cependant, je dois le reconnatre, lesArcanes peuvent tre ordonns en un toutdinnombrables faons. Le Tarot tant uninstrument essentiellement projectif, il

  • ny a pas en lui une forme dfinitive,unique, parfaite. Cela saccorde avec lesmandalas dessins par les moinestibtains avec des sables de couleur. Ilsse ressemblent tous, mais ne sont jamaissemblables.

    Notre tude commence par lacomprhension de ce mandala : on nepeut analyser les parties sans connatrele tout. Lorsquon connat le tout, chaquepartie acquiert une signification globaleet rvle ses liens avec toutes les autrescartes. Lorsquon joue dun instrumentdans un orchestre, il fait rsonner tous

  • les autres. Le Tarot est une uniondArcanes. Lorsque, au bout denombreuses annes, je parvins lerunir dans ma premire versioncohrente du mandala, je lui demandai : quoi me sert cette tude ? Quel estle pouvoir que tu peux me donner ? Jimaginai que le Tarot me rpondait : Tu dois seulement acqurir le pouvoirdaider. Un art qui ne sert pas gurirnest pas un art.

    Mais quest-ce que gurir ? Toutemaladie, tout problme est le produitdune stagnation, quelle soit corporelle,sexuelle, motionnelle ou intellectuelle.

  • La gurison consiste retrouver lafluidit des nergies. On peut trouvercette conception dans le livre deLaotseu, le Tao te-king, et de faon trsprcise dans le Livre des mutations ouYi Jing Le Tarot correspondait-ildune manire ou dune autre une tellephilosophie ? Sachant que le langageoptique du Tarot ne pouvait tre enfermdans une seule explication verbale, jedcidai de faire miennes les paroles duBouddha : La Vrit est ce qui estutile , en donnant aux quatre Couleursune signification dont je noserais enaucune manire affirmer quelle tait

  • unique ou dfinitive, mais la plus utilepour lusage thrapeutique que jesouhaitais donner aux Arcanes. Il mesemblait quau lieu dutiliser le Tarotcomme une boule de cristal, faisant delui un outil permettant des voyantsexotiques de pntrer dhypothtiquesavenirs, je devais le mettre au servicedune nouvelle forme de psychanalyse,la tarologie.

    Ma tendance premire, lorsquejessayai dordonner les cartes en unmandata, fut dobtenir une formesymtrique. Aprs dinfructueux essais,

  • je pus constater limpossibilit dunetelle tche. Je me souvins que lors demon premier voyage au Japon, le guidequi me faisait visiter lancien palaisimprial me fit remarquer quaucun murntait construit en ligne droite,quaucune porte ou fentre ntaitdivise en carrs symtriques : pour laculture japonaise, la ligne droite et lasymtrie taient dmoniaques.Effectivement, en tudiant lart sacr, onpeut constater quil nest jamaissymtrique. La porte de la cathdraleNotre-Dame de Paris situe notregauche est plus large que la porte situe

  • notre droite Tout art symtrique estprofane. Le corps humain nest pas nonplus symtrique : notre poumon droit atrois lobes, le gauche en a deux. Le Tarotdmontre quil est un art sacr, carjamais sur une carte la partie suprieurenest identique linfrieure, ni le ctgauche au ct droit. Il y a toujours unpetit dtail, parfois trs difficile discerner, qui rompt la ressemblance.Par exemple, le Dix de Deniers, premire vue parfaitement symtrique,porte dans langle infrieur, notredroite, un denier diffrent des autres : ilne compte que onze ptales, alors que

  • les deniers situs dans les trois autresangles en ont douze (voir p. 326). Lafleur de lextrmit infrieure de laxecentral a deux courtes feuilles jauneclair lintrieur et jaune fonc lextrieur, alors que les deux feuilles dela fleur de lextrmit suprieure delaxe sont plus longues. Je pense que lescrateurs du jeu ont volontairementdessin des dtails infimes pour nousapprendre voir. La vision que noustransmettent nos yeux change selon notreniveau de conscience. Le secret divin nese cache pas, il est devant nous. Le faitque nous le voyions ou non dpend de

  • lattention que nous mettons observerles dtails et tablir des liens entreeux.

    Une fois conscient que sous unesymtrie apparente le Tarot niaittoujours les rptitions, je commenai me rendre compte que les Arcanesmineurs sorganisaient suivant une loique lon pouvait formuler ainsi : Surquatre parties, trois sont quasimentgales et une est diffrente. Et sur lestrois gales, deux se ressemblentdavantage. Autrement dit : ([1 + 2]+ 3) + 4. Les exemples sont multiples.En voici quelques-uns :

  • sur les quatre Couleurs (pe,Coupe, Deniers, Bton), trois portent lenom dobjets fabriqus (pe, coupe,denier), un porte le nom dun lmentnaturel (bton). Et parmi les troispremires Couleurs, deux objets sontplus ressemblants (coupe et denierreposent sur une surface), le troisimeest diffrent (une main tient lpe enlair) ;

    lpe, le Bton et la Coupe ont desnumros, les Deniers nen ont pas. Danslpe et le Bton, les V ont la pointetourne vers le centre, dans la Coupeelle est tourne vers lextrieur ;

  • les Valets dpe, de Bton et deDeniers ont des chapeaux. Celui deCoupe va tte nue. Le Valet dpe etcelui de Deniers ont des chapeaux peuprs semblables. Celui de Bton porteun bret trs diffrent ;

    les Reynes de Bton, de Coupe et deDeniers, outre le symbole qui leurcorrespond, lvent dans lautre main unobjet. La Reyne dpe, non ;

    trois Roys sont lintrieur dunpalais, le quatrime au milieu de lanature. Trois portent une couronne, lequatrime un chapeau ;

  • pour les Cavaliers, trois chevauxsont bleus, le quatrime est blanc.

    Etc.

    Si nous recherchons cette loi dans lesreligions, les mythologies, la ralit,nous trouverons, par exemple :

    dans le christianisme, trois (Pre,Fils, Saint-Esprit) plus un (ViergeMarie). Sur ces trois, deux sontimmatriels (Pre, Saint-Esprit), letroisime (Jsus-Christ) est incarn :Autrement dit : ([Pre + Saint-Esprit]+ Jsus-Christ) + Vierge Marie ;

  • dans les quatre vangiles, trois seressemblent (Marc, Matthieu, Luc), unest diffrent (Jean). Et parmi les troisqui se ressemblent, deux sont peu prssemblables (Marc, Luc), le troisimelgrement diffrent (Matthieu).Autrement dit : ([Marc + Luc]+ Matthieu) + Jean ;

    la Kabbale distingue quatremondes : trois immatriels diviss endeux qui forment le Macroposopus Atziloth (Arch-typal) et Briah(Cratif) et un qui est leMicroposopus, Yetzirah (Formatif). Cetrio nourrit la Fiance, Asiah (Matriel).

  • Autrement dit : ([Atziloth + Briah]+ Yetzirah) + Asiah ;

    les quatre Nobles Vritsdcouvertes par Gautama, le Bouddha :la souffrance, le dsir, la cupidit, laVoie du milieu. Autrement dit : ([Dsir+ Cupidit] + Souffrance) + Voie dumilieu ;

    les quatre castes de lInde antique.Action dans le monde matriel : lessudras (ouvriers), les vasyas(commerants), les kshatriyas(guerriers). Action dans le mondespirituel : les brahmanes (religieux).

  • Autrement dit : ([Sudras + Vasyas]+ Kshatriyas) + brahmanes ;

    dans les quatre lments, troissemblables (air, eau, feu) et un diffrent(terre). Et parmi les trois semblables,deux plus proches (air, feu) et undiffrent (eau). Autrement dit : ([Air+ Feu] + Eau) + Terre ;

    sur la tte humaine, les oreilles, lesyeux et les fosses nasales sont doublestandis que la bouche est une. Lesoreilles et les yeux sont spars. Lesfosses nasales sunissent en un seul nez.Autrement dit : ([Oreilles + Yeux]+ Narines) + Bouche.

  • Grce cette formule, on peut

    ordonner les quatre tempraments delorganisme (nerveux, lymphatique,sanguin, bilieux), les quatre trios duZodiaque (Blier-Lion-Sagittaire,Gmeaux-Balance-Verseau, Cancer-Scorpion-Poisson et Taureau-Vierge-Capricorne) ; les quatre phases delAlchimie : luvre au jaune(citrinitas), luvre au rouge (rubedo),luvre au blanc (albedo), luvre aunoir (nigredo) ; les quatre tats de lamatire (gazeux, liquide, solide etrayonnant) ; etc.

  • Enfin, en observant quelques gravures

    alchimiques dans le Rosaire desphilosophes, je trouvai une confirmationdu mandala du Tarot

  • NumrologieSi je donnais au Mat le rle de

    commencement infini et au Monde celui

  • de fin infinie, si je comprenais que lesValets, Reynes, Roys et Cavaliers, neportant pas de numro, ne pouvaientdans chacune des quatre Couleurssidentifier en tant que 11, 12, 13 et 14,je me trouvais avec six sries de dixnombres : pe du Un au Dix, Coupe duUn au Dix, Deniers du Un au Dix, Btondu Un au Dix, Arcanes majeurs duBateleur La Roue de Fortune, Arcanesmajeurs de La Force au Jugement Sije voulais comprendre lessence duTarot, je devais visualiser ces dixnumros, avec leurs six aspects. Parexemple, le Un comprend les quatre As

  • plus Le Bateleur et La Force LeBateleur est reprsent par un homme etLa Force par une femme. Lpe et leBton sont des symboles actifs, la Coupeet les Deniers, des symboles rceptifs.Ce qui me dmontrait que ces dixnombres ne pouvaient tre dfiniscomme masculins ou fminins, mais tout instant comme des androgynesDans la numrologie traditionnelle, jedcouvris cependant quon dclarait lenumro 1 comme le premier chiffreimpair, actif, mle, le Pre, lunit, etle numro 2 comme le premier chiffrepair, passif, fminin, la Mre, la

  • multiplicit Il me fut impossibledadhrer cet sotrisme antifministeo les numros 2, 4, 6, 8 et 10, qualifisde fminins , sont synonymesdobscurit, de froid et de ngativit ; eto lon associait aux nombres impairs,1, 3, 5, 7 et 9, exalts en tant quemasculins, lumire, chaleur etpositivit Pour viter cela, endfinissant les dix nombres, jliminaitout concept de fminit ou demasculinit. Je prfrai associer lesnumros pairs la rceptivit et lesnombres impairs lactivit. Une femmepeut tre active et un homme rceptif.

  • Je trouvai aussi, dans un grand nombrede livres, une dfinition du numro 2comme dualit 1 + 1 Ce qui me parut,en lappliquant au Tarot, trs maladroit.Car si nous adoptons cette thorie, il nenous reste plus qu interprter chacundes nombres suivants comme de simplesadditions de lunit ; le 3 serait : 1 + 1+ 1 ; le 4 : 1 + 1 + 1 + 1, et ainsi jusqu10. Une autre tendance sotriqueconsistait donner aux numros unesignification en fonction du rsultatdadditions intrieures. Le pluscomplexe de tous serait le 10, diffrentselon quil tait le rsultat de 9 + 1, 8

  • + 2, 7 + 3 ou 6 + 4 (le rsultat denombres rpts, comme 5 + 5, tantexclus). Ce systme, nayant aucuneraison de sarrter additionnerseulement deux chiffres, conduit desaberrations telles que : 10 = 1 + 2 + 3+ 4. Ou bien, 10 = 3 + 5 + 2, etc.

    Un symbole est une totalit, comme uncorps. Il serait ridicule daffirmer que lecorps humain est la somme de deuxjambes + deux bras + un tronc + une tteet, en suivant ce chemin, + un foie,+ deux yeux, etc. De mme quil estabsurde, dans le Tarot, de dfinir chacundes dix numros comme la somme

  • dautres numros. Pour comprendre sonmessage, nous devons considrer chacunde ces dix nombres comme un tre, avecses caractristiques trs particulires.

    Pour commencerLe jeu de Tarot se prsente comme un

    tout complexe et dconcertant pour ledbutant. Certaines cartes semblent plusfaciles interprter que dautres,charges de symboles plus ou moinsfamiliers. Les unes reprsentent despersonnages, les autres des figuresgomtriques ou des objets ; certaines

  • portent un nom, dautres un numro,dautres encore ne sont ni intitules ninumrotes. La tentation serait grande desappuyer sur des structures djconnues, comme lastrologie ou diversesformes de numrologie, pour aborderltude de ce jeu. Mais comme tous lessystmes cohrents, comme toutes lesuvres dart sacr, le Tarot contient sastructure propre quil nous appartient dedcouvrir.

    Dans de nombreuses initiations, on ditque lhomme ne peut que sapprocher dela vrit sans jamais la connatre par lelangage, et quen revanche il est

  • possible de connatre la Beaut, refletdu Vrai. Ltude du Tarot peut donc treentreprise comme une tude de labeaut. Cest par le regard, en acceptantdaccorder foi ce que nous voyons,que son sens se rvlera peu peu nous.

    Dans cette premire partie, nous nousproposons de voir quels indices le Tarotnous donne pour comprendre sa structureet sa numrologie. partir de ces bases,nous construirons un mandala permettantdorganiser la totalit du jeu dans unefigure quil est possible dembrasserdun seul regard. Dans ce mandala, les

  • soixante-dix-huit cartes du jeuconstituent une figure quilibre, un toutcohrent.

    Pour construire le mandala, il estncessaire de se familiariser dabordavec les Arcanes majeurs, les quatreCouleurs des Arcanes mineurs, lafonction et la valeur des cartes, et avecla symbolique des nombres qui sous-tend toute lorganisation du Tarot et reliechacun de ses lments au tout.

    Nous aborderons ensuite lasignification et quelques diffrentssystmes dorganisation possibles des

  • onze couleurs prsentes dans lesArcanes du Tarot.

    N. B. : Lorsque nous utilisonslappellation Couleur pour dsignerles quatre symboles des Arcanesmineurs (pe, Coupe, Deniers, Bton),cest toujours avec une initialemajuscule pour le distinguer du nomcommun couleur . De mme, nouscrivons Arcanes avec unemajuscule pour dsigner les cartes du

  • Tarot afin de les distinguer des cartes dujeu anglais. Nous mettons galement unemajuscule Tarot pour lediffrencier du jeu populaire. Enfin,nous convenons dcrire Figures pour dsigner les Arcanes de cettenature.

    Considrant larticle dfini commefaisant partie intgrante du nom desArcanes majeurs, nous crivons : LeMat, Le Bateleur, etc. (voir aussi p. 130-131). Pour les Arcanes mineurs : As,Deux, Trois, etc., et Valet, Reyne, etc.

    Enfin, lordre de succession desCouleurs dans les numrations et les

  • descriptions sera en gnral et parconvention : pe, Coupe, Bton,Deniers suivant lordre anatomique dcrit p. 62 ; ou encore, de bas en haut :Deniers, Bton, Coupe, pe.

  • COMPOSITIONET RGLES

    DORIENTATION

    Le Tarot de Marseille est compos de78 cartes, ou Arcanes. Le terme arcane est driv du latin arcanum,qui signifie secret . Il renvoie unsens cach, un mystre dfiant lerationnel, et nous parat appropri dansla mesure o nous utilisons le Tarot nonpas comme un divertissement mais

  • comme un jeu charg dun sens nonexplicite quil convient peu peu dedcouvrir.

    Les 78 Arcanes du Tarot se divisent endeux groupes principaux : 22 Arcanesdits majeurs et 56 Arcanes dits mineurs . Cette dnominationtraditionnelle fait cho, dans le jeu detarot populaire et dans de nombreux jeuxde cartes, la double notion de Couleuret datout : une catgorie de cartes estdsigne comme plus puissante, capablede surpasser toutes les autres.

    Les Arcanes mineurs nous permettentdexaminer les aspects les plus

  • quotidiens, et aussi plus personnels, dela vie matrielle, psychique ouintellectuelle. Nous verrons quilsrenvoient diffrents degrs de nosbesoins, dsirs, motions et penses,alors que les Arcanes majeurs dcriventun processus humain universel, quienglobe tous les aspects spirituels deltre. Les deux chemins sont initiatiqueset complmentaires, on peut dire que lesArcanes mineurs, avec leurs quatreCouleurs, sont comme les quatre piedsdune table, dun autel, ou les quatremurs dun temple.

  • Identifier les ArcanesTous les Arcanes sont contenus dans

    un rectangle noir dont les proportionssont celles dun double carr.

    Les Arcanes mineurs se subdivisent en40 cartes numriques qui reprsentent lasrie de 1 10 dans chacune desCouleurs : pe, Coupe, Bton, Deniers.Ces cartes nont pas de cartouche et,pour les sries pe, Coupe et Bton,ont leur numro crit des deux cts. Lasrie des Deniers ne porte pas denombres. Les 16 Figures des Arcanesmineurs, galement appeles Honneurs

  • (peut-tre en raison du fait quellesreprsentent des personnages delaristocratie), sont 4 par srie : Valet,Reyne, Roy, Cavalier (cet ordre setrouve expliqu plus loin, p. 63 sqq).Elles portent toutes un cartouche au basde la carte indiquant leur nom, sauf leValet de Deniers qui le porte critlatralement notre droite sur le ct dela carte.

    Pour distinguer les Arcanes majeursdes Figures, nous avons un indice trssr : les Arcanes majeurs comportenttous un cartouche suprieur o est inscritleur numro. Ce cartouche est vide dans

  • le cas du Mat, mais il est nanmoinsprsent, alors que les Figures nontquun cartouche infrieur o leur nomest inscrit (sauf dans le cas du Valet deDeniers, sur lequel nous reviendrons).Les Arcanes majeurs ont donc deuxcartouches, lun en haut avec leurnumro et lautre en bas de la carte quiporte leur nom, sauf dans le cas delArcane XIII, que lon appelledailleurs aussi lArcane sans nom .

  • LES ARCANESMAJEURS

    Premier contactPour se familiariser avec le Tarot, le

    plus simple est de commencer paridentifier et comprendre les Arcanesmajeurs, reconnaissables leurcartouche suprieur. Ces cartes sont aunombre de 22, numrotes en chiffresromains de I XXI, plus Le Mat qui napas de numro (et qui a donn naissance

  • lExcuse dans le jeu de tarotpopulaire).

    talez-les sur une table de la maniresuivante : tez du paquet dArcanesmajeurs la premire et la dernire carte,soit Le Mat et Le Monde (XXI). Puisordonnez les Arcanes majeurs sur deuxranges, dans lordre numrique de I Xet de XI XX, et encadrez-les avec LeMat (qui semble venir la rencontre decette double range) et Le Monde (quisemble la regarder en dansant). Dans cetordre, il est possible de voir que lesArcanes majeurs sont organiss en deuxsries (voir pages suivantes).

  • Regardez les Arcanes ainsi ordonnset notez les dtails qui vous apparaissentspontanment. Prtez attention ladirection des regards : parfois tournsvers la droite, parfois vers la gauche, etdans certains cas droit devant, aveccertains personnages qui nous regardenten face (comme La Justice, Arcane VIII,le visage du Soleil, Arcane XVIIII, ouencore lange du Jugement, Arcane XX).Certaines images vous inspireront peut-tre de la sympathie, de la rpulsion, dela joie ou de la peur. Ces ractionsproviennent de notre ducation et denotre histoire personnelle : le Tarot est

  • un puissant outil projectif o notreregard va identifier des modles djconnus, ce qui nous fera, dans unpremier temps, ragir selon des schmasde comportement habituels.

    Par exemple, de nombreusespersonnes sont effrayes parlArcane XIII, qui reprsente unsquelette. Dans notre civilisation, cetteimage est identifie la mort. Mais en yregardant de plus prs, nous nousapercevons que le personnage est bleu,rouge et couleur chair : il sagit dunsquelette vivant, actif, dune force detransformation en mouvement Pour

  • accepter cette interprtation delArcane XIII, il faut commencer parreconnatre le premier mouvement que lavision de cette carte nous inspire. Il enva de mme pour tous les Arcanesmajeurs : tel personnage semblerasduisant, tel autre repoussant ouantipathique. Lun nous rappellera ungrand-pre bienveillant, lautre unpatron dominateur, une sduisantematresse ou une tante svre Necraignez pas de recueillir vosimpressions. Notez comment vous voussentez dans ce premier contact avec lesArcanes majeurs. Vous remarquerez sans

  • doute une foule de dtails, certainsuniques, dautres communs deux ouplusieurs cartes. Faites confiance votreregard : cest lui qui sera le mieux mme de vous guider dans la dcouvertedu Tarot.

    La premire srie des Arcanes majeurs (I X) reprsente des personnages humains

    ou animaux dans des situationsidentifiables. Le sommet de la carte, dansla plupart des cas, concide avec la tte duou des protagonistes, sauf dans le cas de

    lArcane VI (LAmoureux) o le ciel abriteun soleil et un petit ange enfantin. On

    pourrait qualifier cette srie de claire ,

  • reprsentant des images connotationhistorique ou sociale.

    Ensuite, commencez reprer lespoints communs entre les cartes qui sontlune au-dessus de lautre, celles qui setrouvent au mme degr sur lchelledcimale.

  • Dans la deuxime srie des Arcanesmajeurs (XI XX), les personnages et les

    situations prennent un caractre plusallgorique et moins raliste. On pourraitqualifier cette srie de plus obscure ,

    car elle semble se drouler dans ununivers psychique et spirituel proche du

    rve. Des personnages mythiquesapparaissent, anges et diable ; partir de

    lArcane XVI, le ciel est prsent avec desmanifestations nergtiques, des astres,

    des missaires divins.

  • Par exemple : entre le I et le XI, laforme du chapeau est presque la mme.Une situation similaire unit le II etle XII : lune couve un uf, lautre estsuspendu comme un ftus ou un pouletattendant de natre. Le point commun

  • peut aussi tre la direction du regard,comme entre les Arcanes III et XIII ouIIII et XIIII, ou encore le nombre deprotagonistes et leur disposition danslespace, comme entre lArcane V etlArcane XV o un personnage centralplus grand surplombe deux acolytes pluspetits. Entre lArcane VI et lArcaneXVI, nous assistons pour la premirefois de la srie lintervention dunlment cleste : langelot dans le VI etle panache multicolore dans le XVI. Onpourrait dire quentre Le Chariot etLtoile, le point commun est lefirmament toil, reprsent sous la

  • forme dun dais au-dessus du Chariot, etdirectement prsent comme lmentcosmique dans Ltoile. De mme que lecouple Lune-Soleil reprsente dans denombreuses civilisations le coupleparental cosmique, de mme nousvoyons entre La Justice et LHermite seformer un couple visage humain. EnfinLa Roue de Fortune et Le Jugementreprsentent clairement, chacun samanire, un moment dcisif de clturedun cycle et de rouverture dunenouvelle vie.

  • Les Arcanes de la srie I Xralisent leur action vers le haut.

    Le Bateleur lve son bton de mmeque LImpratrice, LEmpereur, Le Papeet le prince du Chariot lvent leursceptre.

    La Papesse relve son visage dulivre, les trois personnages deLAmoureux sont unis par langelot quivole au-dessus deux, LHermite lvesa lampe et La Justice indique le ciel deson pe, comme le sphinx de La Rouede Fortune.

  • Les Arcanes de la srie XI XXralisent leur action vers le bas.

    La femme de La Force agit sur lemuseau de lanimal qui appuie la tte surson pubis.

    Le Pendu pend tte vers le bas. Le squelette de lArcane XIII fauche

    avec sa faux vers le profond sol noir. Lange Temprance verse ses

    liquides ou ses fluides dun vase hautvers un vase bas.

    Le Diable rgne sur deux diablotinsenfoncs de leurs pieds-racines dans lesol obscur.

  • Les deux personnages de La MaisonDieu marchent sur les mains enregardant la terre.

    Ltoile vide ses amphores dans unfleuve qui coule ses pieds.

    Linfluence de la lune, danslArcane XVIII, agit jusquau crustacqui lobserve depuis les profondeurs deleau.

    Le Soleil bnit deux jumeaux. Dans Le Jugement, un ange envoie

    son appel musical un homme, unefemme et un enfant qui surgissent enressuscitant de leur tombe.

  • Ces interprtations sont donnes titredexemple. Vous pouvez tre daccordou non avec elles, nous verrons par lasuite comment elles sinscrivent dansltude en dtail des Arcanes majeurs(deuxime partie). Ces dtails, etdautres que vous pourrez remarquer,sont autant dindices qui vont nouspermettre peu peu didentifier lanumrologie du Tarot.

    Le Tarot est progressifNotez maintenant la manire dont les

    numros des Arcanes sont crits. Vousconstaterez ce qui au premier abord

  • semble tre une anomalie : IIII(LEmpereur) ; VIIII (LHermite) ; XIIII(Temprance) ; XVIIII (Le Soleil).

    En effet, en chiffres romainstraditionnels :

    4 = IV = 5 19 = IX = 10 1

    14 = XIV = 15 119 = XIX = 20 1

    Dans les Arcanes correspondants du

    Tarot :4 = IIII = 1 + 1 + 1 + 1

    9 = VIIII = 5 + 1 + 1 + 1 + 1

  • 14 = XIIII = 10 + 1 + 1 + 1 + 119 = XVIIII = 10 + 5 + 1 + 1 + 1 + 1

    La notation numrique est donc

    organise de manire uniquementprogressive : le Tarot se refuse considrer le 4 comme un [5 1], le 14comme un [15 1], le 9 comme un [10 1] et le 19 comme un [20 1]. Ce dtailest une cl pour la comprhension duTarot : il nous indique ici quil tend additionner plutt qu soustraire. Endautres termes, il dcrit un processusdavance et de croissance degr pardegr.

  • Cette dcouverte nous incite procder par additions, et non parsoustractions, lorsque nous tudions lastructure du Tarot.

    Ces simples constatations nouspermettent dj de constituer une figurecohrente dorganisation du Tarot fondesur sa propre structure. En effet, partirde trois constats :

    le Tarot est progressif ;la plus haute valeur des Arcanesmajeurs est 21 (XXI) ;le Tarot procde par additions,on peut placer les cartes dans lordre

    numrique et les relier deux deux en

  • onze couples dont la somme donne 21.Nous obtenons alors la figure ci-dessous.

    Ce schma nous suggre de nouveauxrapprochements entre Arcanes majeurs :si 21 (XXI) reprsente la ralisation etla plus haute valeur dans le Tarot,chacune des additions suggres icipourrait tre une possibilit, un cheminvers cette ralisation.

    Par exemple : Mat et XXI. Lnergie fondamentale

    sincarne dans la ralisation totale. I et XX. Un jeune homme ou un jeune

    esprit, sur le chemin de linitiation,

  • reoit lappel irrsistible de la nouvelleconscience.

    II et XVIIII. Une femme, unereligieuse, sappuie sur la lumire duPre universel pour comprendre un textesacr.

    III et XVIII. Une autre femme,crative, sensuelle et incarne, plongedans le mystre intuitif du fminin

    Etc.

  • Pour embrasser dun seul coup dil lesvingt-deux Arcanes majeurs, on peut

    utiliser ce schma qui les relie en onzepaires dont la somme donne 21, chiffre de

    la ralisation. (Voir p. 433 sqq.).

    Lenjeu nest pas ici de dtailler toutesces rencontres entre deux cartes. Ellesseront tudies postrieurement (voirquatrime partie).

    Mais ce premier schmadorganisation des Arcanes majeurs,

  • dans sa simplicit, nous permet decomprendre que le Tarot est agenccomme un tout organique et harmonieux.En sappuyant sur des lments de sastructure, on peut constituer des schmasqui nous aident le comprendre mieux.Si lon accepte la mtaphore du Tarotcomme un tre structur, un corps-espritdot dune dynamique propre, onpourrait dire quil nous invite sans cesse danser avec lui.

    Le Mat et Le Monde :organisation spatiale duTarot

  • Le Mat et Le Monde, la premire et ladernire cartes de la srie des Arcanesmajeurs, peuvent tre considrs commelalpha et lomga des Arcanes majeurs,le premier et le dernier chelon, lesdeux points entre lesquels se dploienttoutes les possibilits. Le Mat seraitalors un commencement perptuel et LeMonde un aboutissement infini.

    Si vous les placez lune ct delautre dans cet ordre, il est vident queLe Mat semble se diriger avecdtermination vers lovale du Monde, ola femme nue semble son tourlappeler, laimanter vers elle. Le Mat

  • peut tre considr ici comme lnergiefondamentale, sans dfinition, cest--dire sans limites. Cest ainsi que laBible et de nombreuses cosmogoniesnous prsentent lnergie cratricedivine : une activit sans limites et sansprcdent, surgie dun nant sans tempset sans espace. Mais si Le Matdemeurait seul, il courrait le risque detourner sans fin autour de son bton :lnergie crative peut spuiser sansbut si elle ne se matrialise pas dans uneralisation, un monde, une crature.Dans cette perspective on peut voir LeMonde encadr par quatre lments

  • comme quatre points cardinaux avec, aucentre, la femme-me-matire insminepar lnergie du Mat.

    Mais lordre des cartes est essentiel.

    En effet, si on place les cartes danslordre Le Monde-Le Mat, la situationest tout autre : Le Monde nest plus laralisation de rien, mais un enfermement

  • qui regarde dsesprment dans le videdu pass, un commencement difficiledont la seule issue possible est unelibration pure et simple. Cest ce quesemble faire Le Mat, qui schappe decette claustration (on peut imaginer quelanimal bleu qui le pousse est commeune mise en action de lovale bleu duMonde). Mais dans son effort de fuite,Le Mat ne va nulle part en particulier :de mme que lespace o la femme duMonde plongeait son regard demeuraitvide, le chemin du Mat souvre ici versle nant.

  • Ces observations nous permettent devoir que le Tarot, outre sa structureprogressive, possde une orientationpropre dons lespace qui seradterminante autant pour la constructiondu mandala que pour les lectures venir.Le choix quont fait ses crateurs dyadjoindre des cartouches crits enfranais, en caractres latins, doit nousdonner encore un indice : le Tarot se litdans le sens de lcriture, de la gauchevers la droite. On peut donc dduire quesa ligne de temps empruntera lemme schma : lextrme gauche, cequi a dj t vcu ou fait ; au centre, ce

  • que lon est en train de vivre ou defaire ; lextrme droite, ce que lonpourra faire ou ne pas faire, vivre ou nepas vivre. Ces constatations consistenten fait replacer le Tarot dans soncontexte culturel, qui est celui delEurope mridionale du Moyen ge.

    LArcane XXI, miroirdu Tarot et cldorientation

    Penchons-nous maintenant de plusprs sur la carte du Monde. Nous avonsvu que, en tant que valeur maximale des

  • Arcanes majeurs, elle symboliselaboutissement, la ralisation la plusgrande que le Tarot puisse nousprsenter.

    Nous allons voir que cette carte estaussi un miroir o toute la structure duTarot se reflte en rsum, quelle seprsente comme une cl de sonorganisation spatiale et symbolique.

    Nous y trouvons un ovale de feuillagebleu entour, aux quatre coins de lacarte, par quatre figures qui ne sont passans rappeler la vision dzchiel : unange, un animal couleur chair quipourrait tre un taureau (ou un cheval),

  • un lion et un aigle. La symboliquechrtienne est ici interprte avec unegrande libert puisquau milieu de cesquatre lments, ce nest pas la figure(masculine, barbue) du Christ que nousdcouvrons, mais bien une femme nue,signale comme telle par les rondeurs desa poitrine, la longueur de ses cheveuxet les courbes de ses hanches. Le Tarot,quoique imprgn par la symboliquereligieuse, se signale ici comme unimagier indpendant du dogme.

  • Cette figure fminine qui danse aumilieu de lovale pourrait tre uneallgorie de lme du monde, laquelleLe Mat insuffle son nergie cratrice. On

  • peut alors interprter les quatre figuresqui lentourent comme quatre lmentsconstitutifs de la ralit, quatre pointscardinaux, les quatre angles du monderel.

    Dans de nombreuses cultures, lemonde connu est dfini comme unefigure quatre cts, carr ou croix,auxquels sajoute un cinquime lmentcentral, axe ou point de rencontre, quiunit et dpasse les quatre directions. Lesymbolisme de la main humaine, avecses quatre doigts opposables au pouce,nest pas sans rappeler cette structure.On pourrait voir dans la carte du Monde

  • une proposition dorganisationsimilaire : au centre, lme qui danse,ltre essentiel prsent en chacun denous, dessence rceptive, anime par unsouffle crateur.

    Aux quatre coins, quatre nergies dontnous notons la disposition : dans lapartie infrieure de la carte, noustrouvons deux animaux terrestres, lunherbivore (lanimal couleur chair) etlautre Carnivore (le lion). Dans lapartie suprieure, deux tre ails : unange, figure de lamour inconditionnel,du don, porteur du message divin, et unaigle, animal prdateur mais dont la

  • symbolique nous renvoie la grandeur, lascension, la capacit humaine deslever vers les hauteurs. La carte duMonde est donc clairement structureavec une partie Ciel et une partie Terre.Si lon observe la forme et la proportiondes cartes de Tarot, on se rend comptequil sagit dun rectangle dont lahauteur est exactement deux foissuprieure la largeur, soit dun doublecarr : le carr Terre sous le carr Ciel.Il nous appartiendra alors, dans ltudedes cartes, de nous remmorer cettedouble dimension terreste et cleste aucentre de laquelle se dveloppe, selon la

  • gomtrie du Tarot, le processus charnelet spirituel de ltre humain.

    Voyons maintenant comment sedcomposent la droite et la gauche : notre droite en regardant la carte duMonde, nous trouvons les deux animauxprdateurs actifs et, dans la main de lafemme nue, un bton, symbole dupouvoir actif. Laigle et le lion sont deuxcarnassiers. Le premier est un oiseau deproie mle (il porte un phallus noir entreles pattes) et lautre un fauve carnassiergalement mle (les lionnes nont pas decrinire). Les deux sont actifs : le lionsur terre et laigle dans le ciel.

  • notre gauche, deux personnages decouleur dominante chair, dont nousavons vu que lun est un animalherbivore traditionnellement consacr auservice et au sacrifice, et lautre unange, messager de lamour divin. De cect, la femme porte dans sa main unebourse ou une fiole, cest--dire uncontenant rceptif. Traditionnellement, etde manire physiologique, la gauche estassimile aux forces rceptives etstabilisatrices, par opposition la droiteactive. Si lon se base sur ltude de lacarte du Monde, le Tarot semblefonctionner comme un miroir qui nous

  • renvoie limage de notre droite et denotre gauche, tout en conservant lanotion de haut cleste et de bas terreste.Un schma simplifi donne ceci :

  • Cette structure en cinq parties, ouplutt en quatre parties plus un centre,nest pas sans nous rappeler la structuredu Tarot lui-mme :

    les 22 Arcanes majeurs, reprsentantdes archtypes qui nous renvoient ladcouverte de notre tre essentiel,pourraient figurer dans lovale central ;

    les quatre sries dArcanes mineursdevraient alors trouver leur place auxquatre coins de cette carte du monde ,si nous parvenons les organiser seloncette double composition entre action etrception, Terre et Ciel.

  • LES ARCANESMINEURS

    Organiser les quatreCouleurs

    Les Arcanes mineurs sont subdivissen quatre Couleurs : pe, Coupe, Btonet Deniers, qui prsentent de nombreuxdtails nous permettant dtablir unecorrespondance avec les quatresymboles du Monde.

  • Pour vous en rendre compte,commencez par rassembler les cartesdes quatres Couleurs en quatre paquetsdistincts : pe, Coupe, Bton etDeniers. Vous obtenez alors quatrepaquets de quatorze cartes, contenantchacun dix cartes de valeurprogressive I X, et quatre Figures dontle rang et la famille sont inscritssur la carte.

    Chacun de ces paquets sera ensuitedivis entre deux paquets plus petits :dans le premier, vous mettrez les cartesordonnes de 1 10, dans lautre, lesFigures ranges dans lordre Valet,

  • Reyne, Roy, Cavalier. Vous avez donchuit paquets.

    Prlevez dabord les Valets de chaqueCouleur, et disposez-les ainsi (voir pagesuivante) :

    Pour distinguer lpe du BtonVoici les points de repre qui aideront

    le dbutant : De forme courbe, les pes sont

    disposes en ovale, de couleurdominante noire, avec deux sectionsbleues et deux sections rouges. Dans

    les cartes impaires, une pe estdessine au centre de cet ovale.

    Les cartes paires portent des motifsfloraux en leur centre.

  • Raides, les btons se trouventdisposs en forme de croix, ils sontde couleur dominante rouge avec lecentre bleu et les extrmits noires.

  • Ces Valets nous donnent certainsindices sur leurs symboles respectifs qui

  • corroborent le parallle avec la carte duMonde, et lorientation spatiale duTarot.

    Les Valets que nous avons placs duct gauche tiennent justement leursymbole dans la main qui correspond enmiroir notre gauche, la main rceptive,alors que les deux Valets de droitetiennent lpe et le bton notre droite.De mme, la direction de leurs piedsnous indique leur degr dactivit et derceptivit.

    Le Valet dpe, les deux pieds dansdeux directions diffrentes, est detendance active avec une tonalit

  • rceptive. Son symbole, lpe, estpoint vers le ciel. Actif et cleste, ilsapparente laigle dans la carte duMonde.

    Le Valet de Coupe se dirigersolument vers la gauche : ses deuxpieds vont dans cette direction,indiquant une rceptivit totale. Parailleurs, son symbole (la coupe) estouvert vers le ciel. Rceptive vers leciel, la coupe sassimilerait donc ausymbole de lange dans la carte duMonde.

    Le Valet de Deniers, un pied danschaque direction, pourrait tre qualifi

  • de rceptif/actif . Son symbole estprsent la fois sur la terre et dans samain, comme lor contenu dans la minequi devient monnaie dchange, maisplac aussi gauche de la carte.Rceptif vers la terre, il sapparente lanimal couleur chair dans la carte duMonde.

    Le Valet de Bton se dirigersolument vers la droite, il est actif etson symbole, le bton, est pos sur laterre. Actif vers la Terre : onlassimilera au lion de la carte duMonde.

  • Pour corroborer ces observations, onpeut aussi se fonder sur les quatre sriesde dix cartes. Vous remarquez que troisdentre elles sont numrotes sur lescts avec des chiffres romains : lpe,la Coupe et le Bton. Mais observonsles Deniers :

    Dans lpe et le Bton, les numrosont une direction identique ; ainsi, dans

  • les Cinq, par exemple, la pointe des V(dont on remarque quils sont un peuplus grands dans le Bton) va dans lesdeux cas vers le centre de la carte. Enrevanche, dans la Coupe, la pointe du Vse dirige vers lextrieur de la carte.

    Maintenant, observons lAs dpe.Parmi des formes que nous appelleronsflammches, il est manipul par une

  • main qui surgit en montrant son dos, delextrieur dune forme que nousdsignerons comme un nuage. LAs deBton, lui aussi parmi des flammches,est manipul par une main qui montre sapaume et surgit de lintrieur dun nuage.Les deux As ont donc un important pointcommun :

  • La Coupe se prsente debout,immobile comme un temple.

    Enfin lAs de Deniers, avec sesbranches qui poussent, peut trevisualis dans toutes les directions,couch comme un pice dor pose surune surface. Il est diffrent des trois

  • autres symboles. (Sur les As, voir aussip. 285.)

    Cette diffrence des Deniers se noteaussi dans le nom : alors que lpe, laCoupe et le Bton sont orthographis ausingulier sur toutes les cartes, lesDeniers sont au pluriel.

  • Revenons la carte du Monde, pourobserver une concordance avec cesobservations : lange, laigle et le lionont chacun une aurole. Lanimal couleurchair nen a pas. tant diffrent des troisautres, on peut penser quil correspond la srie des Deniers.

    Nous avons vu que le ct de la cartequi est notre droite correspond lactivit, terrestre avec le lion etcleste avec laigle dans le ciel. Lasimilitude (animaux de proie) renvoie la similitude entre lpe et le Bton.Lpe est forge par la main delhomme alors que la bton pousse de la

  • terre, on peut donc faire correspondre lapremire laigle et le second au lion. lange, on peut attribuer la Coupe,symbole du Graal.

    Correspondance entreles Couleurs, leslments et les nergiesde ltre humain

    Les quatre Couleurs du Tarot ne sontpas les quatre lments de lalchimie oudautres systmes (pe/air, Coupe/eau,Deniers/terre et Bton/feu), et encoremoins, comme la prtendu liphas Lvi

  • influenc par la lgende arthurienne,peut-on assimiler lpe la terre et lesDeniers lair ! En revanche, on peutinaugurer un systme decorrespondances qui semble cohrentavec les symboles des Arcanes mineurset qui, sans tomber dans leconcordantisme, nous permet dutiliserle Tarot comme un outil de connaissancede ltre humain. Ce choixdinterprtation suit un dit du Bouddha : La vrit est ce qui est utile.

    Voyons donc ce que nous pouvonsobserver pour construire, partir decette observation, une mthodologie de

  • lecture qui nous soit utile. Le Tarot sedivise selon une structure de 4 + 1 :4 Couleurs ou symboles, et 1 sriedArcanes majeurs. Or, dans la carte duMonde, quatre animaux ou tresentourent lovale bleu clair o danse unpersonnage fminin. On pourrait alorspenser que ces quatre lmentsreprsentent quatre nergies de ltrehumain, distinctes mais toutesncessaires, unies par la mmeconscience.

    Lpe, symbole traditionnel duVerbe, est une arme que lon forge, quelon trempe et que lon aiguise, comme

  • on aiguise son intelligence, ne serait-ceque par lapprentissage du langage. Ellereprsente lnergie intellectuelle etcorrespond laigle de lArcane XXI,capable de slever dans les hauteurs,dadopter un point de vue plus lev.Llment de lpe pourrait tre lair.

    La coupe, symbole christique duGraal, calice, outil ouvrag absolumentrceptif, est un symbole antique delamour. La Coupe pourra doncreprsenter lnergie motionnelle. LAsde Coupe ressemble une cathdrale et