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LA RUE DE RICHELIEU

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DU MEME AUTEUR

EVOCATION DU VIEUX PARIS (prix d'histoire 1954 de l'Aca- démie française — fondation Thérouenne). Tome, 1 : Le Cœur de Paris. Tome 2 : Les Faubourgs. Tome 3 : Les Villages. LE PALAIS DU LOUVRE, sa vie, ses grands souvenirs historiques. SAINT-GERMAIN-L'AUXERROIS, église collégiale, royale et parois- siale et son quartier. (En collaboration avec l'abbé Maurice Baurit, curé de Saint- Germain-l'Auxerrois ; préface de S. E. le cardinal Feltin ). GIBETS, PILORIS ET CACHOTS DU VIEUX PARIS (prix d'histoire 1957 de l'Académie française — fondation J.-J. Berger). LES 200 CIMETIÈRES DU VIEUX PARIS. DICTIONNAIRE HISTORIQUE DES RUES DE PARIS (prix d'histoire 1964 de l'Académie française — second prix Gobert). LE PALAIS ROYAL ET IMPÉRIAL DES TUILERIES ET SON JARDIN.

Chez Pierre Guastalla PARIS ET SES ARBRES (18 gravures sur cuivre de Pierre Guas- talla).

Au Club français du Livre CONNAISSANCE DU VIEUX PARIS (prix d'histoire 1957 de l'Aca- démie française — fondation J.-J. Berger et prix 1957 de la Ville de Paris, du Syndicat des journalistes et écrivains). Ce titre a été édité, en 1963, en édition populaire (1 : Rive droite ; 2 : Rive gauche et les îles ; 3 : Les Villages) aux éditions d'art Gonthier.

En préparation L'ILE SAINT-LOUIS, rue par rue, maison par maison.

Le Grand prix littéraire du Conseil général de la Seine a été attribué en 1957 à l'auteur pour l'ensemble de son œuvre.

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JACQUES HILLAIRET

L A R U E

D E R I C H E L I E U

LES EDITIONS DE MINUIT

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INTRODUCTION

Si j'ai souvent arpenté la rue de Richelieu en me rendant à la Bibliothèque Nationale, je l'ai rarement fait sans me heurter aux fantômes des célébrités qui l'ont habitée puisqu'il n'y a pas dans tout Paris une seule rue qui, sur ses mille mètres, en ait abrité autant.

Que de grands noms sont liés à elle ! Des chefs d'Etat : Louis XIV et le Régent (N° 6 bis), voire un futur président de la République, Jules Grévy (N° 15), des ministres illustres entre tous : Richelieu naturellement (N° 6 bis) et Mazarin (N° 58) et Louvois (N° 69) et le duc de Choiseul (N° 93) et l'abbé Terray (N° 101). D'autres ministres encore : Phelipeaux, comte de Saint-Florentin et duc de La Vrillière « qui porta trois noms et ne s'en fit aucun » (N° 78), le marquis de Miromesnil (N° 69) et Chauvelin (N° 43). J'ai vu le convoi funèbre de Molière (N° 40) tourner le coin de la rue des Petits-Champs et celui de Diderot (N° 39) prendre la rue Traversière. Ici, c'est une charmante jeune fille qui s'efface contre le mur de l'hôtel de Nevers afin de ne pas être éclaboussée par le carrosse qui emporte M. de La Poupelinière (N° 59), tout rouge de sa dispute avec la fille de Mimi Dancourt ; elle ne sait pas que dans quatre ans elle règnera sur le roi sous le nom de marquise de Pom- padour (N° 50).

Son fantôme me fait rejoindre celui de mademoiselle de La Vallière (N° 6 bis) et évoquer ceux d'autres célébrités féminines de cette rue : Ninon de Lenclos (N° 66) qui en partit pour les Madelonnettes et mademoiselle Guimard (N° 76), ce « petit sac d'os », comme aimait dire Sophie Arnould. Plus avisées que cette dernière et fourmis autant que cigales, les demoiselles Le Duc (N° 95) et Bigottini ( N 67 et 89) eurent la sagesse de placer leur argent dans des maisons de cette rue.

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Voici mademoiselle de Blois (N° 73), fille de Louis XIV, la seconde de ce nom, et la princesse de Lamballe (N° 71) dont la mort odieuse reste présente à tous. Ici (N° 58 bis), la marquise de Lambert a tenu son salon, antichambre de l'Académie ; c'est près de la porte de son ancien hôtel que plus tard on maîtrisera Louvel dont l'alène meurtrière, en assassinant le duc de Berry (N° 69), devait changer la des- tinée de la France.

Dans cette maison (N° 83) naquît Pauline Viardot, que sa sœur, la Malibran, ne manqua d'y venir voir. Leurs noms conduisent à l'évocation d'autres chanteurs et compositeurs à qui cette rue fut familière : Sacchini qui y mourut (N° 14), Grétry (N° 52), Paër (N° 79) qui y mourut aussi, Méhul et Chérubini (N° 78) qui, fait assez singulier pour ces illustres et graves personnages, tinrent là un magasin de musique ; Judith Pasta y habita en meublé (N° 61), de même que Meyerbeer (N° 97), mais Garat logea dans le petit hôtel de Villarseaux (N° 102) qu'avait antérieurement loué Voltaire et où devait mourir sa fameuse nièce, madame Denis, alors épouse du sieur Duvivier.

Ces gamins qui tournent en rond autour d'un sexagénaire qu'ils raillent pour le bonnet de coton et la robe de chambre qu'il porte en permanence savent-ils que Molière (N° 40) les portera demain sur la scène lors de la première du Malade imaginaire, ce, à l'insu de son propriétaire, le conseiller Foucault (N° 21). Il faut l'intervention de ses voisins, tous artistes de renom, de Mignard (N° 23), des peintres Cor- neille (N° 36) et des sculpteurs, les deux frères Marsy (N° 38) pour que ce magistrat soit délivré de cette turbu- lente jeunesse.

Ces cris qui se font entendre devant le N° 12 proviennent d'une nouvelle dispute entre Marie-Joseph Chénier et son irascible maîtresse. La demeure des autres poètes et gens de lettres est moins tapageuse, que ce soient celles de Désaugiers (N° 48), de Martainville (N° 61), de Tallemant des Réaux et de Brillat-Savarin (N° 66), de Stendhal ( N 50 et 67), de François de Callières (N° 72), des abbés de Boisrobert (N° 75) et Barthélémy (N° 101) ou celle de Regnard et de Balzac ( N 103 et 112).

Que de grands savants, de célèbres marins et militaires, d'intègres magistrats, tous honneur de leur profession, ne trouve-t-on dans cette rue ! Citons parmi eux : le grand

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argentier Bertrand Dufresne (N° 12), l'abbé Eusèbe Renau- dot (N° 68), petit-fils du fondateur de la Gazette de France, les docteurs Marjolin (N° 79) et Bouillon-Lagrange (N° 9 1 ) Boissonnade (N° 103), l'amiral Duguay-Trouin qui y mourut (N° 77), l'amiral d'Estaing (N° 95), les ingénieur s-généraux de Gribeauval (N° 43) et de Vallières (N° 83), le maréchal de France, comte de Vaux (N° 101), l'intendant Joseph- Nicolas Foucault (N° 21), le premier président Bochart de Saron (N° 26), les présidents Hénault ( N 22, 42, 47, 48) et Ménars ( N 77 à 83) et le maître des requêtes Guyot de Chenizot (N° 41).

Les financiers et hommes d'affaires ne pouvaient se désin- téresser de cette rue en cours d'essor ; aussi y voit-on les Monnerot (N° 46), Law (N° 58), Charles Chastelain ( N 58, 89), Pierre Crozat et Laborde (N° 91) et les frères Pâris (N° 106). Des agents de change, des avoués et des notaires réputés y eurent leurs études ou y furent proprié- taires ; Péan de Saint-Gilles (N° 87) est le plus célèbre d'entre ces derniers. Sous la Révolution, le voisinage de la Salle du Manège devait y attirer des représentants de la Na- tion, tels le baron Alquier (N° 25) et le fameux conven- tionnel Bar ère, qui s'y logea en meublé (N° 103).

Molière n'est pas le seul comédien qui illustra cette rue où l'on trouve dans un hôtel meublé (N° 8) mesdemoiselles Mars, la mère et la fille, cette dernière au début d'une car- rière qui devait être étincelante, Monrose (N° 18), Dazin- court qui logea aussi en meublé (N° 22) tandis que Potier était propriétaire de l'immeuble (N° 26) où il mourut. Emilie Contat (N° 83), Valmore (N° 9) qui n'avait pas encore épousé Marceline Desbordes et beaucoup d'autres comédiens et comédiennes dont on citera les noms plus loin habitèrent la rue de Richelieu, ce qui est normal étant donné le nombre de théâtres que cette rue desservait.

Car elle en a desservi trois et non des moindres puisque deux d'entre eux étaient la Comédie-Française (N° 6 bis) et l'autre, l'Opéra ( N 69, 71), le troisième étant la salle Louvois ( N 69, 71) où fut le Théâtre-Italien. Elle en a même desservi cinq puisqu'elle passait entre l'Opéra-Comique et le théâtre Feydeau, tous deux édifiés sur le terrain d'an- ciens hôtels de cette rue. Si de plus l'on tient compte des tumultueuses galeries du jardin du Palais-Royal à son extré- mité sud et du bruyant jardin Frascati à son extrémité nord,

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on comprendra mieux encore combien cette rue fut animée, recherchée et enviée par les restaurateurs, cafetiers et com- merçants. D'où les cafés Minerve (N° 8), de Foy (N° 46), Richelieu (N° 103), les restaurants Beauvilliers (N° 26), Lemardelay (N° 100), Lointier (N° 104) et ces grands magasins de nouveautés, de frivolités, de châles et de cache- mires, de tulles et de soieries, aux enseignes si alléchantes.

Voici celui du Grand-Mogol (N° 26) tenu par Rose Bertin qui avait eu, jadis, la comtesse du Barry et Marie-Antoinette comme principales clientes, ceux du Triomphe de Trajan (N° 71), de la Ville de Bombay (N° 76) du Persan (N° 78), du Petit-Dunkerque (N° 79), de la Compagnie des Indes (N° 80), de Gagelin (N° 81) avec Worth comme employé, de la Caravane (N° 82), de La Petite-Jeannette (N° 103) ; voici ceux du fleuriste Nattier ( N 29, 62, 75, 79), du par- fumeur Tessier (N° 49), du chocolatier-confiseur Masson ( N 28-28 bis et 29), du marchand de cannes Verdier (N° 83) ; voici les magasins de Chevallier, tailleur de l'Em- pereur (N° 8), de Staub (N° 92) où s'habillait Lucien de Rubempré, d'Hippolyte Leroy (N° 79) dont Joséphine, puis Marie-Louise furent clientes, de Ebeling, (N° 81) fournis- seur de Louis-Philippe et de sa nombreuse famille, de Buisson (N° 112) cher à Balzac, celui du gantier John Walker (N° 90) et le plus étincelant de tous, celui de l'orfèvrerie- joaillerie Fossin (N° 62) successeur de Nitot. Voici enfin trois librairies fort achalandées, celle de Curmer (N° 47), de Bossange (N° 60) et d'Hetzel (N° 78).

La presse prit aussi possession de la rue de Richelieu ; des journaux y eurent leur siège ou leur imprimerie : l'Illustra- tion (N° 60), le Temps ( N 92 et 101), le Constitutionnel et le Petit Journal (N° 112), le Journal (N° 100) ; de nos jours on y trouve encore l'Aurore (N° 100) et l'Information (N° 108). Tant de lieux de plaisir, tant de commerces, tant d'animation devaient conduire à l'ouverture de nombreux hôtels meublés recherchés par les provinciaux et les étrangers que cette rue attirait comme un miroir aux alouettes. Cin- quante maisons de la rue de Richelieu, soit donc près de la moitié d'entre elles, ont été utilisées comme hôtels meublés, totalisant quelque quatre-vingt-quatre noms divers. De ces hôtels, il nous en reste quatre antérieurs à la Révolution : le plus ancien de tous, de 1770, au N° 50, puis les N 22, 95 et 63, respectivement de 1788, 1791 et 1797. Autre parti-

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cularité : deux boulangeries-pâtisseries sont toujours au même endroit, l'une depuis 1810, l'autre depuis 1828, aux N 51 et 92.

Assez étonné de ce que la rue de Richelieu, la plus riche en gloires de toutes sortes, ait été négligée par les historiens de Paris, j'ai désiré combler cette lacune. J'avais déjà réuni un grand nombre de renseignements appuyés par une sérieuse prospection lorsque le hasard mit entre mes mains un inté- ressant ouvrage, paru en 1882, La Maison mortuaire de Mo- lière, par Auguste Vitu. Si ce livre contenait 68 pages sur cette maison, il en contenait, en appendice, 403 portant sur tous les autres immeubles, ce qui, à première vue, mit un terme à mon désir. Un examen plus poussé de cet ouvrage m'a montré que l'auteur s'était souvent très éloigné de son sujet, particulièrement en s'attardant longuement sur la gé- néalogie des habitants de cette rue. I l fallait élaguer. Enfin, il contenait des contradictions que ne manqua pas de relever Maurice Dumolin lorsque, avec sa rigueur et sa précision de polytechnicien, il traita de la rue de Richelieu dans son étude sur L'enceinte des Fossés-Jaunes (1930). Jacques Bou- lenger avec son Boulevard (1933), Paul Jarry avec ses Ma- gasins de nouveautés (1948) m'ont également beaucoup secondé.

Si le passant qui se rend à la Bibliothèque Nationale attarde parfois ses regards sur les maisons qu'il longe, il n'en est pas de même pour les automobilistes qui descendent en trombe la rue de Richelieu sans autres pensées que d'arriver au prochain carrefour avant que le feu vert ne devienne rouge. Puisse ce petit livre leur rappeler qu'ils passent devant de vieilles maisons françaises qui méritent bien un peu de leurs pensées.

A. C.

Paris, 1965-1966.

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CHAPITRE PREMIER

GENERALITES

Les buttes Saint-Roch et des Moulins — Les marchés aux pourceaux et aux chevaux — La deuxième porte Saint-Ho- noré — Les fiefs Popin, Saint-Victor et de la Grange-Bate- lière — L'enceinte de Charles V — L'enceinte de Louis XIII — L'hôtel de Richelieu — La rue et la porte de Richelieu.

Le promeneur qui, en octobre 1624, venant du village du Roule, se dirigeait vers Paris voyait sur sa gauche, avant de franchir le rempart de Charles V à la porte Saint-Honoré (N° 161 rue Saint-Honoré), la sordide butte Saint-Roch (car- refour de l'avenue de l'Opéra et de la rue Thérèse), formée au XIV siècle par des dépôts de voirie amoncelés sur une terre dépendant de l'évêque de Paris. Couronnée de moulins et de misérables masures, cette butte portait sur sa pente sud le marché aux pourceaux (rue d'Argenteuil) et sur sa pente orientale le marché aux chevaux (place du Théâtre- Français), respectivement installés là depuis 1360 et 1605. De plus, il voyait au nord-ouest de cette butte celle des Moulins (carrefour des rues des Petits-Champs et Sainte- Anne), plus récente que la précédente puisque cet autre amas de gravois et d'immondices ne datait que de 1536.

Peut-être notre promeneur s'attarda-t-il à rechercher la vieille chaumière, à l'enseigne des Genets, où Jeanne d'Arc avait été transportée après sa blessure lorsque, le 8 septembre 1429, elle avait attaqué la porte Saint-Honoré pour délivrer Paris des Anglais, maison que l'on situe vers le N° 4 de notre place du Théâtre-Français.

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C'est sur le terrain de ce marché aux chevaux et sur celui qui le prolongeait au nord que devait être percée, en 1634, la rue de Richelieu. Le marché aux chevaux dut alors partir pour s'installer dans un endroit que délimiteraient de nos jours les rues Louis-le-Grand, des Petits-Champs, des Capu- cines et le boulevard, endroit qu'il devait quitter en 1687 pour faire place à un couvent de capucines. Quant au terrain situé au nord de ce marché, il n'était que jardins maraîchers, cultures et marais relevant du grand fief de la Grange-Bate- lière dans lequel étaient enclavés les petits fiefs Popin et Saint-Victor.

Ce fief Popin était déjà cité en 1170. Alors très étendu, il n'était pas seulement « in Villetta Episcopi » puisqu'il s'étendait en ville jusqu'aux abords du Châtelet. Il eut parmi ses possesseurs Jehan Popin qui, prévôt des marchands de 1293 à 1296, dota Paris de son premier abreuvoir (le pro- longement de la rue des Lavandières-Sainte-Opportune jus- qu'au quai l'a fait disparaître en 1854). Ce fief sortit de la famille Popin en 1344. Il appartint alors aux frères Godefroy, puis à Henri de Villecroix à qui Etienne Marcel, prévôt des marchands de 1355 à 1358, l'aurait acheté en 1357 pour la somme minime de 34 livres parisis. Il devînt plus tard la propriété, en 1414, du bourgeois Jean de Montreux ; en 1436, celle de Jean de Châtillon ; vers 1600, celle de la fa- mille Voisin ; en 1632, celle de Guillaume le Père, receveur des domaines, dont la petite-fille, mariée à Michel Veslut de la Crosnière, le vendit, en 1744, à Mgr de Vintimille, arche- vêque de Paris.

Le fief de Saint-Victor datait du temps où, en 1206, un certain Jean de Fontenay avait vendu à l'abbaye de Saint- Victor 40 arpents de terre, s'étendant du Roule jusqu'au voisinage de notre rue des Petits-Champs ; le cardinal de Lorraine, abbé de Saint-Victor, avait dû réduire ce lot, en 1595, à 26 arpents disséminés en diverses parcelles que la rue de Richelieu devait plus tard entamer.

Au nord du fief Popin s'étalait l'important fief de la Grange-Batelière dont l'origine remontait aux marais et prai- ries que Louis VII le Jeune avait donnés, en 1153, aux chanoines de Sainte-Opportune. Il appartint au XIII siècle aux sieurs de Laval ; en 1424, à Jean de Malestroit, évêque de Saint-Brieuc ; en 1435, au comte de Vendôme ; en 1473, à son gendre, le duc Jean de Bourbon ; en 1487, au conseiller

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du roi Robineau et, enfin, en 1514, au gendre de ce dernier, le notaire et secrétaire du roi René Vivien qui, en 1566, vendit à la Ville 26 arpents de terres de ce fief sur lesquels on envisageait alors d'implanter des retranchements, amorce de la future enceinte de Paris (1633). La Ville devait, entre 1620 et 1630, céder sous forme de baux à long terme ces terrains à des particuliers, notamment au chirurgien François Thévenin dont nous retrouverons souvent le nom plus loin.

René Vivien mourut vers 1572. Après sa mort, d'autres lots se détachèrent de son fief au bénéfice de ses enfants, dont Marie et Louis Vivien. Marie Vivien épousa en premières noces Daniel Bourgoin, receveur des tailles à Lisieux, qui devint propriétaire des marais cultivés situés entre nos rues Vivienne, Saint-Marc, de Richelieu et le boulevard. Les deux filles, Henriette et Geneviève, que Marie Vivien eut de son mariage avec Daniel Bourgoin, épousèrent respectivement le conseiller au parlement Anne-Louis I Pinon de Quincy et André-François-Paul Lefebvre d'Ormesson. Son frère, Louis Vivien, seigneur de Saint-Marc, qui devait laisser son nom aux rues Vivienne et Saint-Marc, eut trois filles, Louise, Catherine et Jeanne. La première épousa le correcteur des Comptes Claude Feydeau, seigneur d'Erouville ; la seconde, en 1625, le chevalier Pierre Feydeau, seigneur de Vaugien, et la troisième, Alexis Edenin. Ce nom de Feydeau se re- trouve dans celui d'une rue du même quartier. Une petite- fille de Catherine Feydeau épousa, en 1683, le conseiller au Grand Conseil Nicolas Bertin de Vaugien, ce qui fit que le fief de la Grange-Batelière était la propriété, en 1737, de ces familles Bourgoin, Pinon, Lefebvre d'Ormesson, Feydeau, Edenin et Bertin de Vaugien. Il eut, avant la Révolution comme dernier seigneur, mais non propriétaire, le chevalier Anne-Louis II Pinon (1720-1787), vicomte de Quincy-sur- Cher, président à la chambre des enquêtes jusqu'en 1771 et neveu d'Anne-Louis I Une rue prenait, en 1784, son nom, que remplaça, en 1850, celui de Rossini.

Avant de franchir la porte Saint-Honoré, notre voyageur voyait, dressé devant lui, le rempart dont Etienne Marcel puis Charles V avaient entouré Paris. Commencé en 1356, terminé en 1383, il comportait une forte muraille érigée sur un talus qui la surélevait. Côté campagne, un fossé large de 30 mètres environ et plein d'eau à certains endroits la protégeait ; il était lui-même précédé d'un fossé également

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large, mais à sec. De l'extérieur à l'intérieur, l'ennemi ren- contrait donc : le chemin de contrescarpe, l'avant-fossé sec, un dos d'âne, le fossé plein d'eau, puis le rempart surélevé, le tout constituant une zone large de près de 100 mètres. Ici, ce rempart, venant de la porte Montmartre (82, rue Montmartre), suivrait de nos jours la rue du Mail, couperait la rue des Bons-Enfants entre ses e x - N 31 et 33, celle de Valois entre ses N 16 et 18, le jardin du Palais-Royal sui- vant une ligne oblique nord-est-sud-ouest, pour aboutir à la porte Saint-Honoré ci-dessus indiquée.

Une fois cette porte franchie, notre voyageur, entré dans Paris, trouvait à sa gauche un îlot triangulaire limité par ce rempart, la rue des Bons-Enfants et la rue Saint-Honoré. Longeant cette dernière, il trouvait, toujours sur sa gauche, quelques maisons, appelées d'après leurs enseignes : de l'Ours, du Chapeau-Rouge et du Cygne, que suivait, en retrait d'une vaste cour (emplacement de la cour d'honneur du Palais-Royal), l'hôtel que le cardinal de Richelieu venait d'acheter afin de se rapprocher du palais du Louvre, rési- dence de Louis XIII.

Cet hôtel, dont l'origine remontait à 1298, avait été la propriété de la famille d'Angennes de 1415 à 1606, année où Catherine de Vivonne, femme de Charles d'Angennes, marquis de Rambouillet, lui préféra le bel hôtel qu'elle venait de faire construire dans la rue Saint-Thomas-du-Louvre. Son hôtel, dont le jardin touchait le rempart de Paris, fut vendu 34 500 livres à Pierre Forget, seigneur de Fresnes, secrétaire des commandements de Henri IV, dont la veuve, Anne de. Beauvilliers, le céda au cardinal de Richelieu pour 90.000 livres le 7 septembre 1624.

De 1624 à 1633, le cardinal arrondit son acquisition par l'achat des quelques maisons qui, en bordure de la rue Saint- Honoré, séparaient son hôtel de la rue des Bons-Enfants et en se faisant donner par le roi, en 1626, la partie du rempart et de son fossé comprise entre les rues Saint-Honoré et des Bons-Enfants, ce qui lui permit d'allonger son jardin d'une centaine de mètres vers le nord.

Par lettres-patentes du 23 novembre 1633, il fut décidé que l'enceinte de Charles V serait démolie entre les portes Saint-Denis et Saint-Honoré et remplacée par une nouvelle enceinte, celle-ci bastionnée, englobant dans Paris les fau- bourgs de la Ville-Neuve (Bonne-Nouvelle) et Saint-Honoré.

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L'entreprise de démolition et de reconstruction fut confiée à Charles Froger, secrétaire ordinaire de la chambre du roi, simple prête-nom à qui fut substitué, le même jour, Louis Le Barbier, alors contrôleur des domaines et bois de l'Ile-de- France et, l'an suivant, secrétaire et maître d'hôtel du roi. Personnage important, il avait commencé sa fortune entre 1610 et 1620 en spéculant sur des terrains et sur des entre- prises de travaux publics. Charles Froger et Pierre Pidou étaient de ses commis. Le Barbier reçut du roi, en compensa- tion de ces travaux de démolition et de reconstruction, afin de le lotir, le sol du rempart de Charles V, moins ce qui en avait été donné au cardinal de Richelieu ou ce que le roi s'était réservé. Le plan arrêté ordonnait, en particulier, l'ou- verture de deux rues, l'une perpendiculaire à la rue Croix- des-Petits-Champs et se dirigeant vers l'ouest — ce devait être la rue Neuve-des-Petits-Champs (des Petits-Champs) — l'autre perpendiculaire à la rue Saint-Honoré et se dirigeant vers le nord — ce devait être la rue de Richelieu (1).

Le cardinal qui depuis le début de cette année 1633 avait repris les acquisitions des terrains voisins de son hôtel, les continua de 1634 à 1642, ce qui le rendit propriétaire de tout le rectangle limité par les rues Saint-Honoré, de Riche- lieu, des Petits-Champs et des Bons-Enfants, à l'exception toutefois du pâté de maisons occupant l'encoignure des deux premières de ces quatre rues, lesquelles formèrent une enclave dans son domaine. Dès 1634, il fit commencer, par Lemercier, la construction du Palais-Cardinal et l'aménage- ment de son grand jardin.

L'histoire du Palais-Cardinal, plus tard Palais-Royal, sort du cadre de cet ouvrage. Notons cependant que lorsque le cardinal donna, dès le 6 juin 1636, à Louis XIII, son futur palais, dont il ne fut plus que l'usufruitier, il excepta de cette donation un terrain de forme à peu près carrée dont le côté

(1) Richelieu avait aussi envisagé de créer entre l'emplacement du marché aux chevaux et la porte Richelieu (cf. : ci-après), donc à l'ouest de la rue qui porte son nom, une grande place qu'il eut appelée Ducale à l'imitation de la place Royale (des Vosges), place carrée de 58 toises de côté (la toise équivalait à 1,949 mètre), environnée de « pavillons doubles, uniformes et profonds de 10 toises. L'Académie françoise y aurait été placée et les académiciens y auroient été logés. Desmarets, qui étoit du nombre, en avoit jeté le plan et le cardinal traitoit déjà avec les propriétaires lorsque la mort l'enleva ».

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occidental bordait la rue de Richelieu sur une longueur d'en- viron 72 mètres et dont le côté oriental bordait l'aile gauche de la seconde cour de son palais située à 70 mètres environ du côté précédent. Il réserva ce terrain pour qu'y soit édifié un hôtel tout à fait indépendant du Palais-Cardinal, l'hôtel de Richelieu, qui après lui, appartiendrait à son héritier, son petit-neveu, le futur duc de Richelieu, « capitaine-concierge » du palais. Richelieu mourut le 4 décembre 1642 avant que cet hôtel ait été construit, à l'exception toutefois des fonda- tions du bâtiment destiné à recevoir sa bibliothèque. Nous retrouverons cet hôtel en étudiant plus loin l'ex-N° 6 bis de la rue de Richelieu.

Pour récupérer par une spéculation immobilière une partie des énormes dépenses qu'il avait engagées, le cardinal de Richelieu se réserva en bordure de son nouveau domaine, soit le long de la partie orientale de la rue de Richelieu, ainsi que le long de la partie méridionale de la rue des Petits-Champs et le long de la partie occidentale de la rue des Bons-Enfants, une bande de terrain, profonde d'environ 14 mètres, qu'il découpa en parcelles ayant chacune 14 mètres de face, formant ainsi 45 lots de 196 mètres carrés chacun.

En 1638, il vendit 42 de ces lots à Louis Le Barbier (gar- dant les 3 autres pour des entrées dans son palais), dont 24 lots situés le long de la rue de Richelieu Mais Le Barbier fut autorisé à faire des lots de 16 et, même, de 24 mètres de face, ce qui réduisit le nombre de ces parcelles. Sur celles-ci Le Barbier s'engagea à bâtir en quatre ans des pavillons uniformes, conformes au plan fourni par le cardinal et dressé par Charles de Ry.

Ces pavillons devaient avoir leur façade et leur entrée sur la rue de Richelieu avec, derrière, deux petites ailes symé- triques enfermant une courette intérieure fermée au fond par un mur aveugle appuyé contre la clôture du jardin du Palais-Cardinal ; les acquéreurs s'engageant à ne prendre au- cun jour sur ce jardin (1). Ces maisons, assez petites, privées de leur principal agrément, devaient peu séduire. Leur cons- truction, qui devait être terminée en 1640, était loin de l'être à la mort du cardinal et cette ceinture de pavillons

(1) C'est seulement au cours du XVIII siècle que des fenêtres seront ouvertes de ce côté.

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devait rester pendant douze ans dans l'état où Le Barbier l'avait abandonné lors de son décès en 1641. Il laissait alors un passif de 2 200 000 livres ; son commis, Pierre Pidou, le remplaça.

En 1655, le petit-neveu et héritier du cardinal, Armand- Jean de Vignerod du Plessis, duc de Richelieu, né en 1629, élevé par sa tante, la duchesse d'Aiguillon, étant devenu majeur, céda à Charles de Flacourt, trésorier provincial de l'extraordinaire des guerres en Angoumois, Aunis, Saintonge et Brouage, la totalité des places restant à bâtir et reprises aux créanciers de Le Barbier. Flacourt s'associa avec Simon de L'Espine, juré du roi ès œuvres de maçonnerie (plus tard, maître-général des bâtiments, ponts et chaussées de France) et avec l'entrepreneur Gauldrée-Boileau. D'où une société qui acheva entre 1655 et 1658 (année de sa dissociation) l'œuvre projetée en 1636.

La rue de Richelieu. — Partant de la rue Saint-Honoré et longeant le côté occidental du jardin du Palais-Cardinal, la rue de Richelieu fut donc ouverte en 1634, et dès cette date, porta ce nom, remplacé après la mort du cardinal, de 1643 à 1650, par l'appellation de rue Royale, ci-devant de Richelieu et par celle de rue de la Loi de 1793 à 1806.

Elle prenait alors fin à la porte Richelieu, ouverte par Le Barbier en 1635-1636 dans la nouvelle enceinte de Paris dont ici les rues Feydeau et Saint-Marc situent à peu près le tracé. De nos jours cette porte serait attenante aux N 79- 81 et aux N 76-78 de la rue de Richelieu, qu'elle barrait sur toute sa largeur (12 mètres).

Terminée en 1639, cette porte consistait en un simple pavillon en briques avec chaînages de pierre, d'une profon- deur de 9 mètres et d'une hauteur de 10, qui, après la mort de Louis XIII, fut enjolivé à chaque angle par une tourelle ronde en encorbellement et, au centre de sa façade nord, par un haut-relief, œuvre de Guillain, représentant Louis XIV enfant. Elle porta alors, comme la rue, le nom de Royale, qu'elle ne garda guère longtemps. Ce pavillon comportait au rez-de-chaussée, en plus de la loge du portier, une salle de chaque côté du passage public, plus un premier étage et un grenier. Il fut loué, en 1681, pour 300 livres par an pendant six ans, à Claude Boutet, fermier général des fermes royales, pour y établir le bureau des droits d'entrée ; en 1688, dans les mêmes conditions à son successeur, Christophe Charrière ;

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en 1693, pour 200 livres pendant trois ans, à l'avocat Léo- nard Lebreton.

Il ne pouvait être loué plus longtemps, car un arrêt du Conseil d'Etat du 24 février 1693 avait ordonné la démo- lition de cette porte, ce qui eut lieu en 1701. Il y avait, en effet, déjà une bonne dizaine d'années que l'enceinte de Louis XIII commençait à tomber en ruines et que son fossé, d'abord plein d'herbes et d'ajoncs, avait été cultivé, voire même, en certains endroits, nivelé et comblé par ses riverains.

Jusqu'alors, cette porte avait commandé le pont dormant, en maçonnerie, d'une seule arche, jeté au-dessus du fossé du nouveau rempart, rempart qui avec son fossé tenait une lar- geur d'environ 26 mètres. Au-delà de ce pont, la rue de Richelieu se continuait par un simple chemin de terre à tra- vers les marais cultivés. Ce fut d'abord le chemin de la Grange-Batelière qui, lorsque les terrains voisins furent lotis vers 1660 et bâtis une vingtaine d'années après, devint une rue pavée appelée successivement : Grande rue de la Grange- Batelière, rue du Faubourg-Richelieu, Grande rue du Fau- bourg-Richelieu, rue Neuve-Richelieu, et, enfin, de Richelieu lorsqu'elle atteignit, en 1704, le Nouveau-Cours (nos boule- vards Montmartre et des Italiens).

Cette rue, large de 12 mètres et longue de près de 1 000 mètres depuis la rue Saint-Honoré, d'où elle partait à angle droit, jusqu'au Cours, relevait dans les grandes lignes, avant la Révolution, du fief de l'archevêque de Paris depuis son ori- gine jusqu'aux N 19-14 ; de là, du fief Popin jusqu'à la rue des Petits-Champs du côté pair et, en face, jusqu'au N° 63 ; de là, du fief de l'abbé de Saint-Victor jusqu'à la rue Saint-Augustin ; et de là jusqu'à son extrémité, du fief de la Grange-Batelière, à l'exception de la bande longeant la Bibliothèque Nationale actuelle qui dépendait de la censive royale depuis que Law l'avait achetée au fief précédent. Du point de vue paroissial, elle relevait de l'église Saint-Roch pour son côté ouest et de l'église Saint-Eustache pour l'autre côté.

La rue de Richelieu mit assez longtemps à être garnie de maisons. C'est ainsi que du côté pair il n'y en avait que deux en 1643 (le N° 26 actuel et l'ex-N° 28) et qu'il fallut attendre une trentaine d'années pour qu'elle soit presque entièrement bâtie de ce côté entre l'hôtel de Richelieu et la rue des Petits-Champs. Du côté impair, l'espace compris

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entre les rues Thérèse et des Petits-Champs ne le fut qu'après l'achat, vers 1660, du terrain des buttes Saint-Roch et des Moulins par Michel Villedo et ses associés. Cette rue prit alors son essor, ce qui fit écrire à Germain Brice en 1684 que « pour sa longueur et pour la beauté des maisons qui sont toutes bâties sur une mesme ligne », elle est une des plus belles de Paris.

Lorsque fut adopté, en 1806, le mode encore en vigueur de numérotage des maisons, la rue de Richelieu eut son point de départ entre les N 218 et 220 de la rue Saint-Honoré (le Palais-Royal était au N° 204) ; son terminus reçut le N° 115 du côté impair et le N° 108 du côté pair, numéros devenus de nos jours les N 103 et 112. Ce raccourcissement d'un côté et cet allongement de l'autre sont dus à des mesures mineures telles que la reconstruction de deux vieilles maisons en une seule, ou, inversement, le dédoublement d'un immeu- ble en deux maisons. Citons aussi l'incorporation, vers 1850, dans la rue de Richelieu des deux maisons de la rue Traver- sière (Molière) (ex-N 45 et 47) situées entre les rues Thérèse et Villedo, qu'avait mises à découvert, en 1840, l'arrondissement de l'angle très aigu qu'avait formé jus- qu'alors la rencontre des rues de Richelieu et Molière.

Le remaniement le plus important qu'ait subi la rue de Richelieu a été la démolition de ses premières maisons lors- qu'ont été formées, à partir de 1854, l'avenue de l'Opéra et la place du Théâtre-Français. Ont disparu alors, du côté im- pair, ses 60 premiers mètres ; de ce fait, ses e x - N 1 à 13 furent remplacés par deux seules maisons numérotées 1 et 3, le N° 15 faisant immédiatement suite au nouveau N° 3. De même ont disparu, du côté pair, ses 40 premiers mètres avec ses maisons N 2, 4 et 6 qui, jusqu'en 1863, avaient occupé l'espace compris entre la rue Saint-Honoré (ex-N° 218) et le Théâtre-Français (ex-N° 6 bis). L'ancien numérotage se retrouva à partir du N° 8, d'où il est resté constant jusqu'à la rue des Petits-Champs.

Nous donnerons d'ailleurs en tête de chacun des chapitres qui suivent un tableau de concordance entre les numéros actuels et ceux de 1806.

Depuis sa création, la rue de Richelieu a, du côté impair, perdu en 1863 les rues du Rempart et Jeannisson qui abou- tissaient respectivement entre ses e x - N 5 et 7 et 13 et 13 bis et, avec cette dernière rue, la cour Saint-Guillaume

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et le passage de la Brasserie. Par contre, elle a gagné, de ce côté : en 1780, la rue d'Ambroise ; en 1784, les rues Rameau et Louvois, suite à la disparition des grands hôtels de Jars et de Louvois, et en 1860, le passage des Princes.

Du côté pair, elle a perdu, vers 1829, le passage Breton aboutissant à son N° 38 ; en 1850, le passage du Café-de-Foy aboutissant à son N° 46 ; en 1863, le passage du Palais- Royal aboutissant à son ex-N° 6 et, en 1878, le passage du Prix-Fixe aboutissant à son ex-N° 10. En revanche, elle a gagné, en 1653, la rue Colbert ; en 1822, le passage de Beau- jolais aboutissant au N° 52, le passage Richelieu aboutissant au N° 18 et, en 1831, la rue de la Bourse qui a fait dispa- raître ses ex-N 76 et 78. Enfin, en 1864, la rue du Quatre- Septembre l'a coupée en deux, l'amputant de ses ex-N 68, 68 bis et 89.

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Familles R ESN EAU, METEZEAU, FOUCAULT et BAUDOUIN

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Familles LEPINE, CHEBRON de BONNEGARDE, GABRIEL et GOBERT