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GYMNASE AUGUSTE PICCARD 2013 La Haine, entre fiction et réalité LA REPRÉSENTATION DE LA BANLIEUE FRANÇAISE PAR MATHIEU KASSOVITZ TRAVAIL DE MATURITÉ EN GÉOGRAPHIE RÉALISÉ PAR DIMA FARRA, 3MS2 MAÎTRE CONSEILLER : M. ETIENNE STEINER

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GYMNASE AUGUSTE PICCARD

2013

La Haine, entre fiction et réalité

LA REPRÉSENTATION DE LA BANLIEUE FRANÇAISE PAR MATHIEU KASSOVITZ

TRAVAIL DE MATURITÉ EN GÉOGRAPHIE

RÉALISÉ PAR DIMA FARRA, 3MS2 MAÎTRE CONSEILLER : M. ETIENNE STEINER

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Table des matières 1. Introduction .................................................................................................................. 1

1.1 Présentation générale du sujet ........................................................................................ 1

1.2 Présentation de la problématique ................................................................................... 1

1.3 Hypothèses ....................................................................................................................... 2

1.4 Méthodes de réponse à la question de recherche .......................................................... 2

2. La ville : les banlieues françaises ................................................................................... 3

2.1 Introduction ...................................................................................................................... 3

2.2 Histoire des banlieues ...................................................................................................... 3

2.3 La marginalisation progressive des banlieues .................................................................. 8

2.4 Les banlieues aujourd’hui .............................................................................................. 12

3. Le film : La Haine ..........................................................................................................15

3.1 Présentation du film ....................................................................................................... 15

3.2 Résumé du film ............................................................................................................... 16

3.3 Présentation technique .................................................................................................. 17

3.4 Présentation du contenu ................................................................................................ 19

4. Partie déductive : analyse ............................................................................................23

4.1 Introduction .................................................................................................................... 23

4.2 Analyse de la thématique et des motifs ......................................................................... 23

4.3 Analyses de scènes ......................................................................................................... 26

5. Conclusion ...................................................................................................................37

5.1 Rappel de la problématique ........................................................................................... 37

5.2 Réponse à la question de recherche et confrontation à l’hypothèse initiale ................ 37

5.3 Limites du travail et ouvertures ..................................................................................... 38

5.6 Conclusion générale ....................................................................................................... 38

6. Bibliographie ...............................................................................................................39

6.1 Livres ............................................................................................................................... 39

6.2 Sites internet .................................................................................................................. 39

6.3 Articles internet .............................................................................................................. 40

6.4 Articles ............................................................................................................................ 41

6.5 Autres ............................................................................................................................. 42

7. Annexe ........................................................................................................................43

7.1 Interview de M. Jean-Marc Stébé .................................................................................. 43

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1. Introduction

1.1 Présentation générale du sujet

Le sujet « Villes et Cinéma » pour mon travail de maturité a été mon premier choix. J’aime beaucoup le cinéma et lorsque je me suis décidée pour celui-ci, j’envisageais déjà de traiter La Haine. Le but visé par ce travail dans le cadre général « Villes et Cinéma » est d’analyser un film qui parle de la ville et de le comparer à la réalité de celle-ci. La Haine de Mathieu Kassovitz parle des cités françaises, qui représentent des zones particulières en périphérie de la ville et qui comportent une forte dimension sociale. Bien qu’il date de presque vingt ans, ce film me semble incroyablement d’actualité. Il était déjà culte pour les jeunes de l’époque, et l’est devenu pour ceux d’aujourd’hui. La Haine, souvent désigné comme un chef-d’œuvre du cinéma français, semble vouloir montrer la banlieue de façon réaliste. Mais à quel point y parvient-il ? Cette question mène à l’étude de la problématique de ce travail.

1.2 Présentation de la problématique

Vinz (Vincent Cassel) joue les gangsters devant la glace.

L’objectif de ce travail est de comparer la ville narrée à la ville réelle. Dans ce cadre, je me suis naturellement posé la question de savoir si ce film comporte des clichés. Les banlieues sont en effet facilement victimes de clichés véhiculés par les médias. Les nouvelles du journal télévisé par exemple, en donnent souvent une image chaotique et violente. À la sortie de La Haine en 1995, les avis étaient partagés : si certains y avaient perçu le véritable visage de ces banlieues, d’autres reprochaient au film ses stéréotypes. Aujourd’hui encore, il y a débat. C’est pour cela que j’ai choisi de traiter la problématique de la représentation de la banlieue dans La Haine par Mathieu Kassovitz, de ses clichés et de son réalisme.

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J’ai ainsi établi toute une liste de questions auxquelles je vais tenter de répondre par mon travail. En voici quelques exemples : Comment Mathieu Kassovitz a-t-il choisi de représenter la banlieue? En montre-t-il tous les aspects? La représentation des cités par Mathieu Kassovitz est-elle fidèle? Est-elle plutôt focalisée sur des clichés ou est-elle réaliste? Est-ce volontaire?

1.3 Hypothèses

Il est difficile pour moi d’émettre d’ores et déjà des hypothèses quant à cette problématique, n’ayant, pour l’instant, que très peu de connaissances sur les banlieues. La seule image que j’ai de celles-ci vient des médias et de quelques clips vidéo que l’on peut voir à la télévision. Je me trouve donc dans la position d’une personne lambda comme le grand public, pour juger ce film. La représentation de la banlieue par Mathieu Kassovitz ma semblée crédible. On n’y croise pas de grands délinquants, même si on y voit des jeunes sur les nerfs, au lendemain d’une nuit d’émeutes. La façon qu’a le réalisateur de montrer qu’une accumulation de petites causes déclencherait graves conséquences, pourrait correspondre à la réalité. Je pense que l’on y saisit bien le quotidien de ces jeunes banlieusards.

1.4 Méthodes de réponse à la question de recherche

Pour répondre à la question de recherche, je vais utiliser deux méthodes. La première sera de me documenter un maximum sur le sujet afin d’en connaître le plus possible. La deuxième, plus déductive, me fera visionner le film de nombreuses fois, puis l’analyser. D’abord de manière globale, en dégageant les différentes thématiques par exemple, puis de manière plus ciblée, en analysant des scènes du film. La documentation conduira à la compréhension du phénomène des banlieues. Pour commencer, au travers d’un historique qui pourra expliquer pourquoi elles existent là aujourd’hui. Ensuite, j’étudierai des statistiques de l’Insee (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, France) qui permettront d’établir qui sont les habitants des cités. Une dernière partie fera le bilan de la situation actuelle. Concernant le film, des informations sur le tournage et le réalisateur le situeront à l’époque. Suivra une description détaillée des protagonistes et des lieux principaux. La partie analytique s’intéresse aux thématiques récurrentes du film. Il est possible par exemple d’observer la façon dont est montrée la banlieue tout au long du film, de manière globale. L’approche des scènes, plus ciblée, détaillera les mouvements de caméra, les plans ou les comportements des personnages de plus près, plus en profondeur.

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2. La ville : les banlieues françaises

2.1 Introduction

La banlieue a eu de nombreux statuts au fil des siècles et celle-ci a beaucoup changé au fil du temps. La définition qui peut ainsi être trouvée dans le dictionnaire est la suivante : « Ensemble des localités administrativement autonomes qui environnent un centre urbain et participent à son existence »1 Ce que sont les banlieues n’est donc pas vraiment clair, la banlieue contemporaine étant évidemment bien différente de celle du moyen-âge. Il va s’agir de comprendre comment nous sommes passés de simplement une « ville se déployant à l’extérieur de la ville » à de grands ensembles d’immeubles qui abritent les familles d’ouvriers immigrés.

2.2 Histoire des banlieues

Comprendre le phénomène que sont les banlieues françaises est une tâche complexe, car l’évolution de celles-ci a été déterminée par différents facteurs comme les crises économiques, les guerres ou des choix politiques et sociaux, tels que les décisions influant sur les flux migratoires ou celles concernant le logement social par exemple.

Pour comprendre les problèmes qui accablent les cités de nos jours, il est impératif de connaître l’histoire des banlieues du XIXe siècle à aujourd’hui en étudiant l’effet de ces différents facteurs. La banlieue, mot composé des termes ban et lieue, était au XIIIe siècle une zone en périphérie de la ville, d’un périmètre d’environ une lieue (4 440 mètres) où s’exerçait le droit de ban. Le ban, d’après le Lexique de l’ancien de français, de Godefroy2, est un territoire soumis à la juridiction d’un seigneur. Plus tard, ce seront les villes qui exerceront leur pouvoir sur ces secteurs proches d’elles. Concrètement, les premières banlieues sont les faubourgs qui se développent à l’extérieur des villes. Ils ne font pas partie de la ville, peuvent même en être séparés par une muraille mais ont un caractère urbain, en comparaison de la campagne environnante. Les faubourgs restent cependant des lieux marginaux, le roi interdisant la construction de ceux-ci. Cela si peu respecté, que les murs de Paris seront détruits plusieurs fois pour être rebâtis plus loin. On peut retrouver ce développement au travers des noms de lieux qui font partie de Paris (le Faubourg St-Honoré par exemple).

1 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/banlieue/7849 2 http://micmap.org/dicfro/search/lexique-godefroy/

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Plan de Paris et de ses faubourgs, XVIIIe. On peut voir les faubourgs se développer à l’extérieur des murs

(1771).3

Au XIXe siècle, le paysage urbain change radicalement. Les différentes révolutions industrielles vont tout remodeler. Dorénavant, l’industrie se concentre, contrairement à l’artisanat qui était auparavant dispersé. Les trois facteurs qui vont décider de l’emplacement des industries sont la main-d’œuvre, les matières premières ainsi que le marché de la consommation. S’installant d’abord dans les villes afin de limiter les trajets, le manque de place et l’insalubrité des lieux vont pousser les industries, chimiques ou textiles par exemple, à s’exiler aux limites extérieures des agglomérations, dans les banlieues. En effet, la place disponible y est plus importante et les coûts (salariaux, fonciers, immobiliers) moindres. Les installations des différentes usines vont requérir de la main-d’œuvre et provoquer ainsi un essor démographique important dans ces zones par l’arrivée de nombreux ouvriers et employés. De 1851 à 1901, la population urbaine augmente de 75% pour l’ensemble de la France. La région parisienne va concentrer plus de 30% de ces nouveaux citadins.2 C’est le début de nombreux changements, qui laissent peu à peu apparaître la banlieue « moderne ». Les conditions de vie y sont moins bonnes qu’à Paris. Même si les logements sont plus grands, moins de la moitié disposent d’une concession d’eau. Les usines imposent des conditions de travails plus dures et les salaires sont moins élevés. Mais les emplois ouvriers se faisant rares dans la capitale, les prolétaires sont forcés à la quitter.

3 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84417175.r=paris+faubourgs.langFR

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Vue d’Ivry-sur-Seine, 1875 env.4

Durant l’entre-deux-guerres, l’extension des banlieues connaîtra une certaine transformation. Si la première génération de banlieues est liée à l’industrie, on pourra assister après 1918 au début des banlieues pavillonnaires. Bien qu’il en existât avant la première guerre mondiale, celles-ci étaient les résidences secondaires de riches Parisiens. Ces nouveaux pavillons sont habités par les classes ouvrières et moyennes. Ces habitations, construites entre 1920 et 19305, sont presque uniquement des résidences individuelles. Les constructions se feront de façon anarchique et éparse. Elles manqueront souvent d’eau, d’électricité et de voies d’accès. La crise du logement qui les contraint à vivre loin de la ville et la mauvaise qualité de leurs bâtiments engendreront un sentiment de révolte chez ces nouveaux banlieusards qu’on appellera « mal-lotis ». Le statut industriel de la banlieue parisienne sera renforcé par la première guerre mondiale. Le développement de domaines tels que l’aéronautique, l’automobile ou la pharmaceutique va être très marqué. Par exemple, les effectifs des usines Renault6 passent entre 1914 et 1919 de 4 400 à 21 200 salariés. Il y en aura plus de 32 000 en 1936. Durant l’entre-deux-guerres, la majorité des actifs de la région parisienne est donc ouvrière. Les débuts de la banlieue « sociale » (dite également « rouge ») se font pendant cette période-ci. Les partis de gauche seront au pouvoir dans de nombreuses communes entourant Paris, considérée alors comme de droite conservatrice. Les différents partis progressistes s’engagent pour soutenir et encadrer les plus démunis, qui sont nombreux. Aux « mal-lotis » évoqués

4 http://histoire19.hypotheses.org/899 5 STEBE, Jean-Marc, La crise des banlieues, PUF, Collection Que sais-je ?, 2ème édition, 2002 pp.21 6 STEBE, Jean-Marc, La crise des banlieues, PUF, Collection Que sais-je ?, 2ème édition, 2002 pp.24-25

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précédemment, viennent s’ajouter à présent les nombreux chômeurs de la dépression de 1929. En 1936, le département de la Seine compte 33.7% de chômeurs recensés3. Les banlieusards sont donc assistés par des associations locales qui, par exemple, leur font des dons de nourriture et prennent en charge leurs enfants. A la suite de la Seconde guerre mondiale, la France subit une crise du logement, la guerre ayant détruit un grand nombre d’immeubles. Ceux qui sont encore debout, eux, commencent à dater et sont en mauvais état. Finalement, à cause des différentes crises, la construction de nouveaux immeubles a pris beaucoup de retard. En 1947, on estime que 50% des Français sont mal-logés.7 Le nombre de citadins va exploser, comme augmente la population française en général. Entre 1946 et 1975, la concentration urbaine va doubler, et d’énormes bidonvilles se déploient en périphérie des villes.8 Malheureusement, les nouveaux logements sociaux ne seront pas une priorité pour l’Etat français, qui tarde à réagir et se concentre sur les reconstructions des dégâts de guerre et le développement de l’industrie lourde. Les sans-abris sont alors nombreux et la situation est précaire.9 La construction va commencer sérieusement aux alentours des années 60, mais pendant ce temps, de nombreuses personnes se sont installées dans les squats et les bidonvilles qui se développent dans la région parisienne. Des ZUP (Zones à urbaniser en priorité) seront déterminées, et il faudra construire le plus et le plus vite possible. Les architectes de cette époque décident donc de créer de grands bâtiments de logement collectif, qualifiés de « grands ensembles ». L’édification de quartiers aux bordures tracées à l’équerre, composés de tours et de barres commence alors. Plus de 2.2 millions de logements seront ainsi construits, atteignant des tailles pharaoniques. Ces bâtiments, vus comme seule réponse à l’essor démographique, seront vite qualifiées de « cités-dortoirs ». Malgré l’installation d’espaces verts, ceux-ci sont insuffisants par rapport à la taille des ensembles et ont un air artificiel. Ces cités sont démunies de commerces et de différents services. Très rapidement, de nombreuses critiques sont émises contre ces bâtisses. Les nuisances sonores et le peu de place sont mis en cause. On désignera une « maladie des grands ensembles » par le terme de « Sarcellite » (dérivé de Sarcelles, une ville représentative de ce type de logements). Elle se définit par l’amplification des taux de suicide, de la délinquance ou de l’ennui. Pour tenter d’arrêter ces dommages, on interdira la construction de ce genre d’immeubles et on privilégiera une aide aux familles pour qu’elles s’installent dans des pavillons individuels. Les familles qui en ont les moyens vont donc quitter les lieux dès que possible pour des communes alentours, et ainsi opérer un changement dans la population de ces banlieues, y laissant ceux qui n’ont pas les ressources pour s’en aller, les plus pauvres.

4 PAULET Jean-Pierre, les banlieues françaises, ellipses, Transversale débats, 2004 p. 30 8 STEBE, Jean-Marc, La crise des banlieues, PUF, Collection Que sais-je ?, 2ème édition, 2002 p. 31 9 STEBE, Jean-Marc, La crise des banlieues, PUF, Collection Que sais-je ?, 2ème édition, 2002 p. 32

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Bidonville de Nanterre, 196010

A la suite du choc pétrolier de 1973 et de la crise, la France va changer sa politique d’immigration. L’accès des étrangers aux habitations sera facilité, l’attribution des HLM auparavant refusés aux immigrés sera encouragée. Le regroupement des familles sera autorisé, ce qui assoira l’installation définitive des ouvriers venus travailler dans les années 60. Malgré la tentative de répartir ces familles au milieu des Français, les immigrés habitent presque tous dans les logements sociaux et se trouvent inévitablement rassemblés. La population de jeunes étrangers passe de 18% à 34% entre 1968 et 1982 en Seine-Saint-Denis.11 Les violences urbaines dans les banlieues commenceront aux environs des années 70, mais la prise de conscience ne se fera qu’en 1981, lors de la retransmission nationale par les médias des émeutes dans la cité des Minguettes. Le peuple français ainsi que ses dirigeants se rendent alors compte que dans ces périphéries de villes oubliées, la situation est plus précaire que l’on ne croyait. Depuis ces premiers troubles, la situation des banlieues n’a que très peu changé. Les émeutes à Clichy-sous-Bois en 2005 ont été les plus notables des dernières années, car elles ont duré plusieurs semaines et se sont généralisées dans toutes la France. Depuis celles-ci, des violences urbaines ont régulièrement eu lieu, citons-en quelques-unes : Villiers-le-Bel (2007), Firminy (2009), Grenoble (2010), Amiens (2012), et, plus récemment encore, à Trappes cette année. Malheureusement, les choses n’évoluent que très peu, et en dehors des élections présidentielles où les candidats les évoquent souvent, sans que jamais rien ne bouge, les émeutes sont les seuls moments où l’on entend parler des cités.

10 http://m-ogre.blogspot.ch/2008/05/tranges-trangers.html 11 Audition de Mme Tribalat, 27.01.13 http://videos.senat.fr/video/videos/2011/video7471.html

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Vue aérienne des Minguettes, Venissieux. (Rhône-Alpes 69), 201012

2.3 La marginalisation progressive des banlieues

Nous avons vu précédemment que les premiers grands ensembles étaient dans les années 1960, un symbole de modernité, proposant à leurs futurs habitants de quitter leurs logements insalubres. Ils étaient un véritable signe de progrès pour la population. Malheureusement, celle-ci a rapidement déchanté et les logements ont très vite vieilli. Construits dans la précipitation afin de loger de nombreuses personnes, leurs architectes étaient préoccupés par la taille, la quantité et la vitesse de leur production. Ils négligèrent par contre nombreux aspects tels que la qualité des matériaux ou de l’architecture. Très rapidement, des plaintes seront émises par rapport à de nombreuses carences. Les pièces sont très mal agencées, avec des salles de bains et des cuisines très exiguës; l’isolation, tant thermique que phonique, est extrêmement mauvaise ; les matériaux, de mauvaise qualité et mal choisis, se dégradent rapidement.

12 http://www.rue89lyon.fr/2012/07/31/venissieux-encore-et-toujours-parent-pauvre-de-rhone-alpes/

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Les bâtiments tombent en ruine, ici à la cité des Bosquets, Montfermeil (93), 200713

Peu après, la population des ensembles va donc se modifier. Les premiers habitants étaient considérés comme privilégiés de vivre dans ces logements dits « modernes », mais la dégradation des lieux va les pousser à déménager. Ceux qui n’auront pas les moyens seront obligés de rester et, suite à la nouvelle politique sur les HLM, les immigrés, plus pauvres encore, vont les rejoindre. C’est donc à partir de là qu’un nouveau type de population va se développer dans les banlieues HLM: pauvre, immigrée et avec un taux de chômage élevé. Petit à petit, différents facteurs agiront et accentueront la marginalisation de la banlieue par rapport à la ville. Après les Trente Glorieuses, le mouvement ouvrier s’épuisera et les crises économiques dues aux chocs pétroliers vont fortement augmenter le chômage. Les différentes aides sociales mises en place par le mouvement ouvrier vont peu à peu disparaître et ne seront pas remplacées. Les institutions qui permettaient aux quartiers de communiquer avec l’Etat et qui facilitaient l’intégration des citoyens vont disparaître pareillement. La localisation de ces ensembles en périphérie des villes, très mal reliés à celles-ci, a accentué la séparation entre ces deux entités. Complétement exclus, les cités sont entourées d’autoroutes et il n’y a que très peu de transports publics. Le chômage va toucher aussi bien les jeunes à la recherche d’un premier emploi que les anciens ouvriers.

13 http://www.foam.org/foam-magazine/portfolios/j/jr

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Suite à ceci, de nombreuses personnes devront se tourner vers les aides sociales, ce qui leur donnera un statut d’« assistés ». Le chômage aura une grande incidence sur les familles et l’éducation des jeunes. La scolarité de ceux-ci deviendra compliquée. Les banlieues vont s’engager dans un cercle vicieux de chômage et de pauvreté, devenant un lieu où les taux de misère et de délinquance sont très élevés. Pour résumer, on pourra d’une certaine manière établir un profil type de la population de ces cités, dites « Zones Urbaines Sensibles », ces banlieues ayant des caractéristiques similaires les unes avec les autres14. Premièrement, une population très jeune :

Pyramide des âges en ZUS et Unités englobantes, au 1er janvier 2006

Source : Insee, recensements de la population.

La part des 0-6 ans est plus d’un tiers supérieure aux zones urbaines environnantes. La part des moins de 20 ans est supérieure d’un quart. A l’opposé, on peut voir que la part des 60 ans et plus est beaucoup moins présente en ZUS que dans les zones environnantes. Ensuite, la population immigrée y est deux fois plus importante que dans les unités urbaines alentours.

14 Sauf indication contraire, tous les chiffres viennent d’un rapport de l’Insee publié en

décembre 2010 : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1328

En % ZUS UU englobantes

Moins de 20 ans 31.6 24.9

60 ans et plus 14.8 19.8

En % ZUS UU englobantes

Etrangers 17.5 8.2

Français par acquisition 10.3 5.9

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Il y a 17,5 % d’étrangers, dont plus de la moitié sont originaires des pays du Maghreb. Il y a 10,3 % de Français d’acquisition, c’est-à-dire ceux qui ont obtenu la nationalité après la naissance. Les familles de cinq personnes et plus sont deux fois plus nombreuses en ZUS qu’alentour :

En % ZUS UU englobantes

Cinq personnes et plus 12.7 6.6

Par opposition, les logements sont plus petits. On peut donc en déduire logiquement qu’il y a plus de gens pour moins d’espace :

La plus grande partie des logements en ZUS sont de trois et quatre pièces (60%). Cela est en partie dû au fait que ces zones sont à 60% composées d’HLM (par comparaison, 20 % dans les régions alentours) et que ceux-ci proposent justement des appartements de cette taille. De ce fait, les familles qui sont logées dans ces HLM se retrouvent souvent dans des logements trop petits. La formation et l’emploi chez les jeunes est également un grand problème. Leur niveau de formation est plus bas dans les ZUS que dans les autres milieux urbains. La moitié des habitants ne possèdent pas de diplôme supérieur au brevet des collèges (équivalent du certificat). Les diplômés universitaires sont deux fois moins présents qu’ailleurs et l’on considère que 25% des élèves les plus faibles viennent des ZUS, 60 000 jeunes quittant l’école sans qualification chaque année.15 Le taux de chômage chez les jeunes est très élevé, il peut atteindre 50% chez les 15-24 ans16. Au final, le taux de pauvreté (le seuil français est à moins de 964€ par mois) est de 36,1%17en 2011, alors qu’en 2006 il était encore de 30,5%. Ceci nous montre que la situation dans ces zones qualifiées d’« à problèmes » est encore loin d’être réglée. Sauf indication contraire, les chiffres viennent d’un rapport de l’Insee publié en décembre 2010 : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1328

15 http://www.meirieu.com/ACTUALITE/banlieues_cts.pdf 16 http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/15/les-banlieues-premieres-victimes-de-la-crise_1791604_3224.html 17 http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/15/les-banlieues-premieres-victimes-de-la-crise_1791604_3224.html

En % ZUS UU englobantes

Cinq pièces et plus 16.9 26.2

Six pièces et plus 4.4 10.8

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2.4 Les banlieues aujourd’hui

Des policiers devant des véhicules incendiés, le 28.10.05, à Clichy-sous-Bois [Joël Saget/AFP]18

Les chiffres cités ci-dessus provenant d’un rapport publié en 2010, il est évident que les cités sont encore un problème à l’heure actuelle. La crise économique touche bien plus gravement les zones urbaines sensibles que les autres zones urbaines. Entre 2010 et 2011, le taux de chômage est passé de 21,9% à 22,7%, tandis que pour les zones alentours il est resté stable depuis 2009, environ 9.5%19.L’évolution importante du taux de pauvreté de ces zones ces dernières années a déjà été évoquée plus haut. La population se paupérise et les classes sociales s’homogénéisent. Ces quartiers ont tendance à se renfermer sur eux-mêmes, devenant peu à peu des ghettos. Les actions des politiques ont empêché la catastrophe. La mise en place de crédits dès les années septante montre que les cités ne sont pas abandonnées des pouvoirs publics. Jean-Marc Stébé explique de quelles manières les crédits, qui se sont d’abord focalisés sur le cadre bâti, seront efficaces :« Pour améliorer la situation, on pourrait axer les crédits, non pas en direction du cadre bâti, des cages d’escalier, mais orienter plus sensiblement les crédits vers la lutte contre la délinquance, la lutte contre les inégalités ou plus important encore, les écoles et les apprentissages. C’est le point important ; C’est par la culture, l’apprentissage, l’école, l’élévation du niveau scolaire que nous parviendrons à régler le problème des quartiers difficiles. »20

18 http://www.directmatin.fr/france/2012-10-26/clichy-sous-bois-attend-toujours-de-tourner-la-page-191890 19 http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/15/les-banlieues-premieres-victimes-de-la-crise_1791604_3224.html 20 Voir interview en annexe

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Les améliorations apportées au cadre bâti ont procuré aux habitants des quartiers sensibles des habitats plus humains. Les effets des crédits dirigés vers le social, eux, ne se verront que sur le long terme, mais c’est ainsi que la situation des quartiers sensibles va notablement évoluer. On peut rajouter que par rapport aux années nonante, deux choses ont principalement changé : premièrement, le rôle de la religion ; tandis que celle-ci est presque inobservable dans les années 1990, elle semble être à présent une part importante de l’identité des jeunes ; la deuxième transformation touche au trafic de drogues qui, bien que déjà existant à l’époque, s’est développé au point de devenir un véritable crime organisé. En effet, des cités entières se retrouvent à participer à ce négoce illégal, plus ou moins contre le gré des individus impliqués21. On peut noter un exemple de la nouvelle dimension qu’a prise le religieux et qui s’est passé très récemment à Trappes, dans les Yvelines (78). De la nuit du 19 au 20 juillet 2013, ont eu lieu des affrontements entre la police et plus de 200 individus. Ces violences ont eu lieu après un contrôle policier qui aurait mal tourné. Un homme se serait opposé au contrôle d’identité de sa femme portant le voile intégral. Il aurait réagi violemment et attaqué le policier. Suite à son arrestation, un attroupement se serait formé devant le commissariat, dégénérant petit à petit.22 Les habitants du quartier dénoncent une certaine tension avec la police, qui ferait preuve, d’après certains, d’islamophobie. Pourtant, il y a trente ans, l’Islam avait une tout autre place. Abdelaziz Chaâmbi évoque ce qui a changé depuis la marche des Beurs de 1983 : «En 1983, lors de la marche, ce n’était pas bien vu. Les jeunes étaient dans une problématique d’assimilation, se renommaient Momo au lieu de Mohamed. L’islam à l’époque, c’était un truc de vieux, totalement ringard.» D’après lui, si l’islam est à nouveau important chez les jeunes, c’est que rien n’a changé à la suite des marches. M’Hammed Henniche explique lui que les jeunes issus de l’immigration dans les quartiers populaires « s’identifiaient en tant qu’Algériens, Marocains ou Tunisiens, selon la nationalité de leurs parents. Puis il y a eu l’identité beur qui voulait rompre avec l’héritage des parents, pour la plupart illettrés. Aujourd’hui, les nouvelles générations n’hésitent pas à se revendiquer musulmanes et françaises, avec une volonté de visibilité, alors que leurs aînés rasaient les murs »23 Les populations immigrées en sont à présent à leur 2ème voire 3ème génération. Leurs enfants sont français mais gardent malgré tout leur identité étrangère, qu’ils peuvent revendiquer à travers l’islam. De plus, au travers des enfants et petits-enfants, la population pratiquante devient de plus en plus importante, et donc visible.

21 Un chapitre entier et détaillé sur le « Business » : BRONNER Luc, La loi du Ghetto, enquêtes dans les

banlieues françaises, Calmann-Lévy, 2010 22 VINCENT Elise, Trappes : un jeune blessé à l'œil, six arrestations, in Le Monde, 20.07.2013 http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/07/19/rassemblement-violent-devant-le-commissariat-de-trappes_3450392_3224.html 23 VALENTINO Véronique, Marche des beurs 1983-Trappes 2013: la nouvelle génération se revendique

Française et musulmane, in Slate, 02.08.2013 http://www.slate.fr/story/76090/apres-trappes-musulmans-francais-mobilisation-exasperation

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Ces populations d’origine étrangères mais de nationalité française représentent malgré tout une part importante de la population française actuelle. La discrimination raciale reste très présente. Afin d’améliorer la situation, la police et les autorités devront notamment accepter que la population française actuelle est composée d’une certaine diversité ethnique et culturelle. Jean-Marc Stébé explique qu’il faudrait accepter la population d’origine étrangère comme française et suivre l’exemple des Etats-Unis. : « Comme il y a plus de population d’origine étrangère, d’origine seulement, et non pas d’étrangers, mais de couleur, donc différents, il peut y avoir un amalgame entre couleur de peau et immigré. Si on n’arrive pas à admettre que la population française est une diversité de couleur de peau et de culture, c’est difficile. A partir du moment où l’on a compris que c’est une population de couleur de peau et de culture, et bien là on aura fait un grand pas. Mais aujourd’hui nous n’avons pas encore fait ce pas là. On est plus en retard qu’aux États-Unis. Aux États-Unis c’est clair qu’un Noir est américain, un Juif est américain. On dit Noir américain, Juif américain, mais Arabe français, cela n’existe pas. »24 Certaines choses changent, mais les problèmes restent. Les difficultés des banlieues ne sont évoquées que lors des élections et quand il y a des violences spectaculaires. Cela nous confirme que les problèmes que vivent leurs habitants sont les mêmes qu’à l’époque où a été tourné La Haine. Les violences de Trappes sont malgré tout alarmantes, car il y a quelques années, pour que de tels événements se déclenchent, il fallait au moins un mort. Les choses semblent s’enflammer de plus en plus rapidement aujourd’hui.

24 Voir Interview de Jean-Marc Stébé en annexe

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3. Le film : La Haine

3.1 Présentation du film

Le film choisi pour ce TM est La Haine, à mettre en corrélation non pas avec une ville, mais avec les banlieues parisiennes. Ce film, sorti en 1995 et réalisé par Mathieu Kassovitz, est culte pour beaucoup de jeunes d’ hier et d’aujourd’hui.

3.1.1 Fiche technique25 :

Titre : La Haine

Réalisation : Mathieu Kassovitz

Scénario : Mathieu Kassovitz

Production : Christophe Rossignon pour Lazennec Productions, La Sept Cinéma, StudioCanal et Kasso inc. Productions

Directeur de la photographie : Pierre Aïm Ingénieur du son : Vincent Tulli

Montage : Mathieu Kassovitz et Scott Stevenson

Date de sortie en France : 31 mai 1995

Film français

Format : Noir et blanc - 1,85:1 - son Dolby numérique - 35 mm

Lieu du tournage : Chanteloup-les-Vignes, Cité de la Noé

Durée : 95 minutes

Budget : 2,59 millions d'euros (15 millions de francs de l’époque.)

Âge légal : 16 ans

Récompenses : Prix de la mise en scène (Cannes 1995), César du meilleur film, César du meilleur monteur, César du meilleur producteur (1996)

25 http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Haine http://www.imdb.com/title/tt0113247/fullcredits?ref_=tt_ov_st_sm

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3.1.2 Biographie de Mathieu Kassovitz :

Né en 1967, Mathieu Kassovitz n’a que 28 ans lors de la sortie de son second long-métrage, La Haine. Fils d’un réalisateur et d’une monteuse, il réalise son premier long-métrage en 1993, Métisse, dans lequel on peut déjà voir Hubert Koundé. Il se fera vraiment connaître en réalisant La Haine, qui connaîtra un succès international. Il est également acteur et l’on pourra notamment remarquer son rôle dans Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2001). Malheureusement, aucun film qu’il réalisera ensuite n’obtiendra le même succès que La Haine. Ce succès, qui justement lui a ouvert les portes de Hollywood, mènera à des superproductions médiocres. On pourra notamment citer Gothika (2003) et Babylon AD (2008). Dernièrement, il fera plus parler de lui en exprimant des idées très controversées, ou en critiquant le cinéma français, qu’en réalisant des longs-métrages. Heureusement, L’Ordre et la Morale, sorti en 2011, est bien meilleur que les productions précédentes, et l’on semble retrouver le Mathieu Kassovitz des débuts.

3.2 Résumé du film

Ce long métrage raconte une journée essentielle dans la vie de trois jeunes gens d’une cité de la banlieue parisienne, la cité des Muguets. Un blanc, Vinz (Vincent Cassel), un arabe, Saïd (Saïd Taghmaoui), et un noir, Hubert (Hubert Koundé). Cette journée se situe après une nuit d’émeutes, conséquences d’une bavure policière qui a envoyé un jeune de la cité à l’hôpital. Les trois amis traînent dans la cité et le début de la journée s’écoule lentement, rythmé entre des phases d’ennui et de confrontations entre eux et la police. La rumeur circule qu’un policier aurait perdu son revolver et Vinz avoue à Saïd et Hubert que c’est lui qui l’aurait retrouvé. Il déclare qu’il a l’intention d’en faire usage dans le cas où Abdel, le jeune à l’hôpital, mourrait. De là va s’ensuivre une dispute, Hubert n’étant pas d’accord avec Vinz. Il pense que tuer ne fera pas bouger les choses. Saïd ne prendra pas réellement parti et tentera plutôt de réconcilier ses deux amis. La journée va continuer et, après une tentative infructueuse de rendre visite à Abdel à l’hôpital, qui les confrontera encore à la police, Saïd se retrouvera au commissariat, alors qu’il tentait seulement de contenir Vinz. Suite à ceci, Vinz et Hubert vont encore se disputer et Hubert va se séparer d’eux pour un petit moment. Il se recroiseront plus tard et partiront à Paris ensemble, car Saïd veut récupérer de l’argent que lui doit Astérix. Arrivés à Paris, ils sont plutôt perdus, et trouveront à grand peine son appartement. Les choses déraperont encore, à la fois entre Astérix et les protagonistes et, tout de suite après, avec des policiers qui arrêteront Hubert et Saïd. Ils seront victimes de mauvais traitements dans le commissariat et relâchés trop tard pour prendre le dernier train vers leur cité. Condamnés à passer la nuit à Paris, ils vont traîner dans les rues et rencontrer des problèmes partout où ils iront, se disputant tantôt avec des mondains lors d’un vernissage dans une galerie, tantôt avec des skinheads dans la rue.

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Finalement, la longue journée s’achève et Saïd, Hubert et Vinz sont enfin rentrés chez eux. C’est le petit matin et tout semble paisible ; ils ont l’air réconciliés. Vinz confie son arme à Hubert, lui faisant comprendre qu’il est finalement en accord avec lui. Ils croisent alors le policier vu à plusieurs reprises dans la cité durant la journée. Alors qu’il menace Vinz de son arme, un coup de feu va partir involontairement et tuer le jeune homme. A ce moment, sous le regard horrifié de Saïd, Hubert va sortir l’arme que Vinz vient de lui confier et la pointer sur le policier. Celui-ci va le viser à son tour et l’on entendra un dernier coup de feu, sans en connaître la source.

3.3 Présentation technique

3.3.1 Conditions de tournage

Les débuts de la production ont été difficiles. Mathieu Kassovitz était un jeune cinéaste avec un seul film au compteur, souhaitant réaliser une œuvre sur un sujet plutôt polémique, en noir et blanc et avec une poignée d’acteur inconnus. Le budget est assez pauvre, en raison de ces facteurs handicapants. La télévision avait accepté de passer le film à condition que, s’il n’était pas un succès, il soit diffusé en couleur. Le film ayant été une réussite commerciale, nous n’avons que très peu d’images de la version couleur. L’effet noir et blanc a été rajouté en post-production à l’aide d’une pellicule spéciale. Ce choix du noir et blanc était avant tout un choix économique. Kassovitz n’avait pas les moyens d’avoir des images satisfaisantes avec la couleur, il a donc recouru au noir et blanc. Le film est ainsi truffé de techniques innovantes en raison du petit budget. Le film aurait dû s’appeler « Droit de Cité », car il plaisait plus aux financeurs que « La Haine ».

Le film ressemble à tout autre chose une fois en couleur !

A la suite d’un repérage, Mathieu Kassovitz avait sélectionné une quinzaine de cités potentielles. La cité choisie pour le tournage est en réalité la seule où Kassovitz a pu obtenir la permission de filmer. C’était la cité Noé, à Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines (78). Filmer dans la banlieue n’a pas été une mince affaire, d’après Kassovitz, car le plus dur ne fut pas d’obtenir les autorisations officielles, mais celles des habitants. Chanteloup-les-Vignes n’est de loin pas la banlieue la plus sordide, par opposition aux « 4000 », à la Courneuve, par exemple. Elle plut au réalisateur par son esthétisme et son architecture particulière, avec ses barres d’immeubles courbes et colorées.

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Afin de pouvoir se faire accepter par les habitants de la cité, Kassovitz alla s’y installer environ deux mois avant le début du tournage, accompagné de son équipe technique et des acteurs. Il put ainsi être le plus près possible du milieu et en profita pour apporter quelques changements à son scénario. Son intégration fut facilitée par une association de jeunes de la cité, « Les Messagers ». Mathieu Kassovitz déclare que sans eux, il n’aurait pas pu s’y introduire de la même manière. Cette association, montée par les plus vieux de cette banlieue encadre les plus jeunes et a eu un rôle médiateur entre ceux-ci et l’équipe de tournage. On peut noter que la plus grande partie des figurants du film sont des habitants de la cité.

3.3.2 Techniques de tournage

Le film est composé d’un grand nombre de plan-séquences. C’est-à-dire que la séquence, ou la scène entière est tournée sans coupure, en un seul plan. Il en résulte une caméra très mobile, qui tourne autour des personnages. Kassovitz déclare lui-même détester le découpage et ne l’utiliser qu’en cas de nécessité. La Haine est un film très riche, chaque plan ayant pour but de dégager une idée, et les mouvements de la caméra en sont un élément essentiel. Il y a également une esthétique très particulière et recherchée, le choix du noir et blanc n’en étant qu’un exemple. L’influence du cinéma américain est flagrante. Martin Scorsese, notamment, est une source d’inspiration importante chez Kassovitz, et la scène de Vinz et du miroir est un clin d’œil à celui-ci.

3.3.3 Style narratif

Le film raconte la montée en tension de la haine entre les personnages et la police dans la cité durant une journée. Le réalisateur marque le temps qui passe avec des indications chronologiques à différents moments de la journée, la première étant à 10h38 et la dernière à 6h01 le lendemain. Le réalisateur raconte que l’idée lui en est venue lorsqu’il a entendu parler de la mort de Makomé M'Bowolé26 dans un commissariat, suite à une bavure policière. La narration sur une journée du scénario vient de la question que Mathieu Kassovitz s’est ensuite posée : comment la tension pouvait-elle croître à un tel point que l’un se fasse tuer par l’autre à la fin de la journée, quand tout semblait avoir commencé normalement ? Do the Right Thing (1989), de Spike Lee, raconte de la même manière comment par une chaude journée d’été, un habitant de Brooklyn va se faire tuer par des policiers lors d’une émeute.

26 Jeune homme de 17 ans qui a été tué par balle à bout portant par un policier tandis qu’il était menotté à un radiateur, dans un commissariat du XVIIIème arrondissement à Paris en 1993.

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3.4 Présentation du contenu

3.4.1 Présentation des personnages

Les trois prénoms des personnages, qui sont montrés lors de la première apparition de chacun dans le film.

Saïd, Vinz et Hubert, avec le collier représentant leur confession respective.

Le trio central du film est plutôt improbable. Chacun d’eux est un échantillon d’une minorité ethnique. Vinz, caucasien de confession juive, Saïd, d’origine maghrébine et Hubert, d’origine noire africaine. L’idée est de donner au groupe une physionomie universelle, à laquelle tout le monde peut s’identifier. Malgré leurs différences, ils parlent de la même manière, s’habillent de façon similaire. Ils sont tous les trois des « produits de la banlieue », et inséparables. En dépit de leurs bêtises à répétition et de leur manie de toujours faire déraper les choses, ils restent un trio attachant qui donne envie d’être suivi tout au long du film. Lors de leur première apparition leur prénom est montré, par un tag pour Saïd, par une bague rappelant un poing américain portant le nom de Vinz ou par une affiche pour un match de boxe avec le nom d’Hubert. Ils ont également tous les trois un collier arborant leur confession, respectivement musulmane, juive et chrétienne. On peut noter que malgré tout, mis à part la rengaine de Vinz après chaque histoire qui lui est racontée « Je la connaissais, mais avec un rabbin », la religion ne sera absolument pas évoquée par les trois protagonistes autrement que par leurs colliers. Le premier personnage de ce trio, Vinz, interprété par Vincent Cassel, est un Juif susceptible et aux gestes agressifs. Il est violent tant dans ses paroles que dans ses gestes. Soucieux de son image, il semble vouloir se créer une identité de garçon violent. A l’aide de ses jeux de mains quand il imite un pistolet ou dans la très fameuse scène où il imite Travis dans Taxi Driver devant un miroir, il tente de se donner cet air de « gangster ». Lorsqu’il discute avec Hubert sur le toit, il fait savoir qu’il veut aller en prison car il est « le dernier à pas en avoir fait. » Le revolver trouvé dans la cité est à ses yeux plus une occasion d’enfin prouver sa valeur et d’épater la galerie qu’un moyen de répondre à la mort d’Abdel. Ses différentes hallucinations semblent renforcer l’impression qu’il vit à travers une image et dans un monde qu’il se crée. Qu’elles soient de natures violentes (quand il s’imagine tirer sur un policier à Paris, par exemple) ou absurde (la vache ou la danse juive), il est souvent en plein fantasme.

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Ses expressions lorsqu’il parle d’Abdel, « un des nôtres », montrent son sentiment et son besoin d’appartenance à un groupe. Quand il sort à Paris avec les plus vieux de la cité et que les choses dégénèrent, on peut voir que Vinz est mal à l’aise et, qu’en vérité, il n’est pas le dur qu'il essaye de paraître. On apprend de lui qu’il vit dans un appartement avec sa petite sœur, sa mère et sa grand-mère. Saïd, Maghrébin de confession musulmane (il porte la main de Fatma à son cou), est le rigolo de la bande. Plus petit que ses deux amis, il est très volubile et plein d’énergie. Lorsqu’Hubert et Vinz se disputeront, il jouera toujours le rôle de médiateur en tentant de les réconcilier. On ne découvre ni son appartement ni ses parents. Son grand frère apparaît une fois, faisant preuve d’autorité en lui disant qu’il ne peut pas rester sur un toit. Sa sœur est également aperçue, dans la gare, lorsqu’il tentera, en vain, d’être autoritaire à son tour et de la forcer à rentrer chez eux. Il mentionnera une fois ses parents en disant qu’il ne participera pas aux émeutes « pour rentrer à la maison et que mes parents ils m’égorgent ». Ne connaissant même pas Abdel, il ne voit pas l’intérêt d’y prendre part. Hubert pourrait être qualifié de « force tranquille » du trio. On peut voir dans sa chambre que ses icônes sont des sportifs noirs tels que Mohammed Ali ou les Black Panthers aux JO de Mexico. Il pratique la boxe dans un objectif de canalisation de la colère. C’est grâce à cela qu’il avait pu obtenir une salle pour la cité. Celle-ci sera détruite lors des émeutes et Hubert en sera lassé : « C’est plus dans des sacs qu’ils ont envie de cogner. », confiera-t-il à Karim Belkhadra qui joue le policier aimable de la cité. Hubert est calme et réfléchi. Il est le seul à exprimer son désir de quitter la cité, mais il se fait sans cesse rattraper par la réalité : « - Je croyais que tu avais arrêté le shit ? - Je croyais aussi. » Ou bien : «- J’en ai marre, il faut que je parte d’ici. - Mais oui. Si tu vois une épicerie en route, ramène- moi une salade ! », lui répond sa mère d’un ton ironique. Il a un frère plus âgé qui est en prison et une sœur cadette. Sa mère est enceinte et Hubert participe aux dépenses de la maison grâce à l’argent de ses deals. A ses yeux Vinz s’éloigne du droit chemin, à l’image de son frère, et il tente de le raisonner à plusieurs reprises.

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3.4.2 Présentation des lieux

Vues aériennes de Chanteloup-les-Vignes, 1978 et 199027

Le film se déroule en deux parties bien distinctes, l’une dans la cité et l’autre dans la ville de Paris. Il est possible de voir que le réalisateur a utilisé de nombreuses techniques pour accentuer la coupure entre les deux. La plupart des scènes sont filmées dans des décors réels, très peu en studio (par exemple les plans à intérieur des salles de bains des appartements de la cité, car elles étaient trop petites.)

La place de la scène finale telle qu’elle est visible aujourd’hui sur Google Maps28et le parc de la scène du

vélomoteur29

Chanteloup-les-Vignes, cité où a été tourné La Haine, a un style architectural particulier, avec ses barres d’immeubles aux formes courbes et colorées, et bon nombre de places rondes entourées d’immeubles. L’architecte en est Emile Aillaud. Dans le film, qui se passe un lendemain d’émeutes, les lieux sont en ruine. Mais Mathieu Kassovitz dit lui-même qu’ils n’ont parfois même pas eu besoin de détruire vu l’état de délabrement avancé des bâtiments.

27 http://www.culture.gouv.fr/documentation/merimee/PDF/sri11/IA78001159.pdf 28 https://www.google.ch/maps/preview?hl=fr#!q=Rue+des+Commerces%2C+Chanteloup-les-Vignes%2C+France&data=!1m8!1m3!1d3!2d2.029461!3d48.972312!2m2!1f262.4!2f90!4f75!2m4!1e1!2m2!1swPi_iliuz-p1n7461UNHOQ!2e0!4m10!1m9!4m8!1m3!1d13246!2d2.037082!3d48.970593!3m2!1i1920!2i971!4f13.1&fid=5 (Photo datant d’octobre 2012) 29 http://www.culture.gouv.fr/documentation/merimee/PDF/sri11/IA78001159.pdf Place de l’Echauguette (2007)

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Les lieux dans la cité sont occupés d’une manière insolite : un toit devient un endroit où se réunir et faire un barbecue, une gare se transforme en piste de danse. Tous les coins sont bons pour s’asseoir et discuter, que cela soit sur une place de jeu ou sur quatre bêtes blocs de béton sortant du sol au milieu de nulle part. Les appartements sont, sans grande surprise, exigus.

Vue sur la rue de Rennes, lorsque le trio arrive à Paris

La partie filmée à Paris se déroule dans les beaux quartiers. L’appartement dans lequel va Saïd afin de récupérer de l’argent est très spacieux. Mais, par opposition, les personnages se retrouvent souvent dans des espaces fermés : les toilettes ou le poste de police en sont des exemples.

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4. Partie déductive : analyse

4.1 Introduction

Cette partie de l’analyse se divisera en deux parties. La première se concentrera sur l‘œuvre dans sa globalité. Elle analysera les thèmes qui réapparaissent durant tout le film. La deuxième partie quant à elle, approchera les scènes de manière plus ciblée. Cela permettra de voir de manière précise comment Mathieu Kassovitz montre les choses.

4.2 Analyse de la thématique et des motifs

Un bon nombre de thèmes sont abordés dans La Haine. Tout d’abord, il y a celui des bavures et des violences policières. Celui-ci n’étant pas forcément pertinent par rapport à la problématique, il faudra plutôt s’intéresser au second grand thème, celui de la vie quotidienne des jeunes de banlieue. Le premier point, le plus flagrant lors du visionnage du film, est l’inactivité des jeunes. Les personnages ne vont pas à l’école, ne travaillent pas. Ils se retrouvent et errent sans but dans la cité. Mathieu Kassovitz explique que lorsqu’il s’est installé dans la cité, il a pu faire l’expérience de ce « syndrome du porche », comme il l’appelle. Dans la cité, il n’y a ni magasins ni cinéma, rien qui puisse faire passer le temps. On les voit donc assis, à fumer du haschich et à discuter de choses futiles à longueur de journées. Kassovitz y trouve l’explication des différentes tensions entre eux et la police. Ils n’ont rien à faire donc ils font des bêtises.

4.2.1 Les histoires racontées

Un garçon raconte l’histoire de la caméra cachée à Vinz. Ils sont tous en train de s’ennuyer, complètement

inactifs. On peut noter l’ironie de « L’avenir c’est nous » et « La ville c’est nous tous » en arrière-plan, vu qu’aucun des jeunes n’est à l’école, ni au travail et qu’ils vivent dans un environnement totalement délabré.

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Les histoires racontées sont un élément central du film. Il commence même et se termine aussi de cette manière, par le fameux leitmotiv de la chute et de l’atterrissage. Il est raconté par Hubert à plusieurs reprises durant le film. « C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien. Mais l’important de ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage ». Répétée à la fin du film mais avec une légère variation - ce n’est plus un homme qui tombe mais la société - elle prend tout son sens et permet de saisir le message que Mathieu Kassovitz souhaite transmettre. On ajoute à celle-ci des anecdotes provenant de partout. Saïd raconte des choses qu’il a entendues à la télévision, des blagues ou il s’invente une vie. Un jeune garçon va lui aussi rapporter ce qu’il a vu à la télévision. Cet épisode de caméra cachée, dont il ne se rappelle même plus qui était la célébrité piégée, ne semble pas avoir de sens. « Et alors ? », lance Vinz. « - Bon voilà, c’est fini quoi », répond le jeune. Toutes ces histoires se racontent pour passer le temps et sont un reflet de l’ennui perçu durant tout le film. Lorsqu’on les évoque, on ne peut s’empêcher de penser à celle de l’étrange petit homme rencontré dans les toilettes à Paris. Une histoire que même les personnages peinent à comprendre. A la fin de celle-ci aussi, on se demandera à nouveau « et alors ? ». Il y a évidemment de nombreuses interprétations possibles. L’homme raconte un événement de sa vie, quand il était déporté dans un camp de travail. Ils sont dans un train et celui-ci s’arrête afin qu’ils puissent aller aux toilettes dans la nature. Un certain Grunwalski, camarade du narrateur, s’éloigne trop et le train part sans lui. Alors qu’il court pour essayer d’attraper la main qui se tend du wagon, son pantalon encore dégrafé tombe, l’obligeant à s’arrêter pour le remonter. Il se remet à courir, et la même scène se répète. Il n’arrivera jamais à rattraper le train. On peut interpréter cette histoire comme un rappel que les générations antérieures ont vécu des choses bien pires que les derniers événements dans la banlieue. On peut également l’entendre comme un avertissement à Vinz, qui est un personnage très fier, à l’image de Grunwalski qui ne veut pas lâcher son pantalon. S’il refuse d’accepter le fait qu’Hubert a raison et de « lâcher prise », les choses vont mal se finir. A la fin de cette histoire, on se dit « C’est tout ? », comme après celle de la caméra cachée. Comme après le film lui-même, à la fin irrésolue ? La Haine a des airs de parabole ou de fable. La définition d’une « fable » est la suivante : « La fable est un court récit allégorique, généralement en vers, qui se conclut par une sentence morale, appelée moralité.30 ». On peut établir un lien entre une fable et ce film tant sur le plan de la morale que sur celui des allégories. Le leitmotiv du début, répété à la fin ne pourrait-il pas être assimilé à une morale ? C’est une mise en garde de la part du réalisateur, qui nous signifie que l’on tombe et que l’atterrissage n’est pas loin. Le trio lui-même, qui pourrait sortir tout droit d’une blague de Saïd, tant il est stéréotypé, (« C’est l’histoire d’un Juif, d’un Noir et d’un Arabe… »), ressemble à ce que l’on trouve dans les fables. Chacun d’eux pourrait être une figure allégorique : Hubert serait par exemple la Sagesse ou la Morale et Vinz, la Haine, à l’image du renard rusé ou du paon vaniteux. Penser que Saïd peut en fait être le narrateur de l’histoire n’est pas totalement déplacé non plus. Le film s’ouvre et se ferme sur deux plans quasi similaires : gros plan sur les yeux fermés de Saïd, bruit d’horloge et de coups de feu. Cela peut signifier qu’un jour s’achève ou que la

30 http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/fable/50876

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boucle est bouclée. Ou bien on peut le lire comme un flash-back : Saïd se remémore la journée en se demandant comment il en est arrivé là. Finalement, je pense que La Haine peut être qualifiée de « fable des temps modernes ».

4.2.2 L’opposition entre la cité et Paris

Mathieu Kassovitz semble avoir mis les choses à l’envers. Quand on pourrait penser voir la banlieue comme un milieu hostile et les beaux quartiers de Paris comme un lieu sûr, c’est tout le contraire qui est représenté. De par plusieurs techniques, tant sur le fond que sur la forme, la banlieue nous est montrée comme un lieu bienveillant pour les protagonistes. On peut tout d’abord noter la manière dont elle est captée, par une caméra coulante, avec de grands mouvements, ce qui donne un sentiment d’espace et de liberté. Et La plupart des lieux filmés sont à l’extérieur. Par opposition, lorsque nos trois héros sont à Paris, ils sont souvent à l’intérieur et la caméra est plus fixe. Le réalisateur dit lui-même qu’il voulait que la cité soit belle et fluide, et que les protagonistes s’y sentent comme des « poissons dans l’eau» [sic]. Certes, les lieux sont délabrés et glauques, mais c’est là que les personnages se sentent bien. La bande-son va renforcer cette impression, car elle est en stéréo lorsqu’on est dans la cité, avec une multitude de bruits provenant de tous les côtés. A Paris, le son sera en mono, ce qui accentuera la sensation d’écrasement. Les confrontations avec la police dans la banlieue finiront bien ; Samir, le bon policier, viendra chercher Saïd. L’arrestation de Saïd et d’Hubert à Paris, elle, finira très mal. Saïd soulignera bien le malaise qu’ils éprouvent lorsque le taxi refusera de les emmener chez eux : « On est enfermés dehors ». Ceci conforte l’image d’une banlieue coupée du monde et protectrice, comme une « bulle », par opposition à Paris représentant le cruel monde extérieur. C’est l’inverse des images qu’on se fait généralement de ces endroits. Ainsi, il y a une certaine angoisse et une montée de tension dans la ville et au petit matin, lorsqu’ils rentrent dans leur cité, on ne peut s’empêcher de se sentir soulagé. Mais c’est une fausse fin heureuse, et on est d’autant plus surpris par la vraie, qui, contre toute attente, se déroulera dans la banlieue. Cette représentation de la banlieue, que l’on pourrait qualifier de fantasme, s’éloigne donc de la réalité. Bien qu’au premier abord elle semble dépeinte avec objectivité et même si le film n’en cache pas les dérèglements, elle est plus proche d’une vision idéalisée de Kassovitz.

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4.3 Analyses de scènes

L’analyse des scènes permet une approche plus détaillée du film. Les scènes ont été choisies selon différents critères, mais elles devaient globalement montrer le quotidien des jeunes de la cité.

4.3.1 Analyse de la scène dans le parc

Le deal d’Hubert. Jeu avec les mains et la fresque en arrière-plan.

Cette scène, après 12 minutes de film, suit le trio à travers la cité. Elle est composée d’un seul plan d’une longueur de 2 minutes. Dans ce plan-séquence, ils croisent un trio de policiers, puis entrent dans une place entourée d’arbres. Vinz raconte les émeutes de la veille, lorsqu’ils entendent un vélomoteur dont ils tentent de reconnaître le propriétaire au bruit du pot d’échappement. Finalement, Hubert va à la rencontre d’un habitant de la cité pour un petit deal. Le plan-séquence est un long travelling fluide qui commence dans le dos d’un trio de policiers. L’uniformité de ceux-ci, et le fait que l’on ne puisse voir leurs visages, laisse une impression d’anonymat en comparaison du trio qui arrive en face, lui totalement disparate. La caméra suit les policiers et l’on entend leurs talkies-walkies mais on perçoit également clairement ce que raconte Vinz. Il se vante de ses exploits de la veille, mais lorsque les policiers arrivent à sa hauteur, il se tait jusqu’à ce qu’ils aient passé leur chemin. Arrivés sur la petite place, le trio va s’arrêter pour écouter le bruit d’un vélomoteur et la caméra va faire un travelling circulaire autour de lui et suivre ce son. Le fait qu’ils puissent reconnaître à qui le véhicule appartient uniquement à son bruit montre la familiarité des trois amis avec leur environnement. Ils connaissent tout le monde dans la cité. L’instant d’après ils vont croiser un groupe de jeunes qu’ils vont saluer, et cela va accentuer ce sentiment.

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L’anonymat des policiers opposé à la disparité du trio

Saïd exprime sa désapprobation par rapport aux émeutes, dont il ne voit pas l’intérêt. Ils vont s’arrêter et Hubert va rencontrer un jeune homme pour un petit deal. Bien que ce commerce de drogue soit au premier plan, la bande-son livre la conversation entre Vinz et Saïd qui se passe au second plan. Mathieu Kassovitz va également jouer avec les décors, puisque la fresque de l’immeuble en arrière-plan, qui représente la fameuse œuvre de Michel-Ange où Dieu touche la main d’Adam, va faire écho aux mains d’Hubert et du jeune. C’est la première fois que l’on voit l’un d’eux avoir une activité afin de gagner de l’argent. La seconde fois que l’on verra quelqu’un avoir l’équivalent d’un job ce sera Darty, qui fait du recel. Personne n’a de véritable travail. Cette courte scène résume bien le quotidien des jeunes de la cité. Ils marchent, parlent de tout et de rien, ne travaillent pas, dealent et enfin croisent la police, avec laquelle il y a une tension sensible. Saïd, qui s’oppose clairement aux émeutes, va dire à la toute fin de la séquence : « Moi, tout qu’est-ce que je sais, c’est que je cours pas plus vite que les balles». A la fin du film, il sera le seul à s’en sortir. Cette phrase sera reprise par Vinz lorsqu’il menacera le skinhead : « Alors, tu cours pas plus vite que les balles, fils de pute, hein ?! ». Vinz reprend souvent les phrases qu’il entend (un autre exemple en est l’affaire du zoo, à Thoiry) et cela accentue l’idée qu’il cherche à se créer une identité. Le fait également qu’il se vante des émeutes, mais qu’il se taise lorsqu’il croise les policiers, laisse supposer qu’il n’était peut-être pas aussi courageux qu’il ne le prétend lors des violences. Dans cette scène, il dit également que les émeutes sont pour « un des nôtres », ce qui souligne son besoin d’appartenance au groupe de jeunes de la banlieue. Saïd, lui, dit qu’il ne le connait même pas. Dans tout le film, avec l’histoire de l’arme notamment, Vinz tentera de se faire une image de dur, de gangster.

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4.3.2 Analyse de la scène sur le toit

La scène se situe à 14 minutes du début du film et dure environ 4 minutes. Elle intervient après quelques plans de déambulations du trio dans la cité et à la suite d’un petit deal d’Hubert. On voit le groupe entrer dans une cage d’escalier complètement détruite. Arrivés en haut, ils se dirigent vers le grill pour obtenir des merguez. Hubert en obtient une gratuitement et Vinz paie, tandis que Saïd essaie d’en négocier une. Mais cela ne marche pas. Il chipe alors une saucisse et s’enfuit en courant, en se faisant poursuivre. C’est alors que Nordine, son frère aîné, qui semble habitué à toutes les bêtises de Saïd, va intervenir et calmer les choses. Il ordonne à son jeune frère de s’en aller, mais celui-ci reste et va s’asseoir avec les jeunes de son âge. Il va tenter de s’intégrer à la conversation, mais les autres ignorent totalement ses interventions. Quand enfin il se fait remarquer, on entend à nouveau parler du revolver dont il était question au début du film. La caméra va ensuite se concentrer sur Hubert et Vinz, qui sont à l’écart, et on entend Vinz dire qu’il souhaite faire de la prison et Hubert tenter de le raisonner. Un petit de la cité va ensuite interpeller Vinz, car il aperçoit le maire. Vont s’ensuivre quelques insultes et jets de pierres, jusqu’à l’intervention de policiers sur le toit. Les forces de l’ordre vont essayer de faire redescendre les banlieusards, mais ceux-ci, avec comme porte-parole Nordine, ne vont pas du tout obéir et les policiers vont redescendre sous les insultes et les moqueries. Les plus vieux vont malgré tout ordonner aux plus turbulents de descendre, ce qu’ils vont faire sans trop discuter. Il y a un grand nombre de personnages dans cette scène, beaucoup de figurants. Ils semblent tous s’être réunis par groupe d’âge. Les plus vieux, avec le frère aîné de Saïd dans un coin, Saïd avec d’autres jeunes vers des canapés et des plus jeunes, des enfants, vers la rambarde. Vinz et Hubert sont à l’écart et discutent ensemble. Cette scène devait à l’origine être un plan-séquence, mais fut coupée à cause du nombre de personnages et d’actions à suivre en même temps. Le tout étant devenu trop chaotique, il y a donc eu un montage. Mathieu Kassovitz a eu de la peine à gérer les choses (on le voit même

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passer dans le champ à environ 16’05 ‘’ !) Malgré tout, la caméra virevolte entre les groupes et montre l’agitation qui règne sur le toit. Comme souvent dans le film, des choses se passent sur tous les plans. Par exemple, quand le jeune homme qui est sur la photo avec Abdel vient interrompre Vinz et Hubert pour leur emprunter de l’argent, ceux-ci refusent et continuent leur conversation. En arrière-plan, on voit alors ce jeune aller solliciter les enfants vers la rambarde ; l’un d’entre eux va accepter. On l’apercevra encore un peu plus tard, au second plan, toujours en train de demander de l’argent, derrière Saïd, vers les canapés. Cela renforce cette impression d’agitation de tous les côtés sur ce toit.

Le jeune qui emprunte de l’argent à tout le monde, après son apparition vers Vinz et Hubert on le retrouve en

arrière-plan, puis vers Saïd.

Autre exemple : lorsque l’affaire des merguez est réglée et que le responsable du grill y retourne, on aperçoit au loin que d’autres jeunes lui ont volé des saucisses et on peut entendre en bruit de fond « Hey Oh, mes merguez ! – On t’a piqué tes merguez, enc… là ! » En effet, les sons dans cette scène sont multiples. Il y a tout d’abord de la musique, qui est intradiégétique au film, c’est-à-dire que les personnages l’entendent, et qui contribue à l’ambiance un peu festive de la scène. On saisit aussi des discussions de tous les côtés. La caméra est à hauteur d’épaule. Elle suit les personnages et se déplace d’un groupe à l’autre. Lorsque Vinz se penche au-dessus de la rambarde, elle passe au-dessus de la tête d’un enfant et va filmer ce qui se passe en contrebas, la vision devenant presque subjective. Quand les choses deviennent plus agitées, les mouvements sont plus secoués, les travellings plus saccadés. Par exemple, lorsque la caméra va de Vinz à la rambarde, puis de la rambarde jusqu’au lieu de la confrontation avec la police.

La caméra qui suit les mouvements des jeunes sur le toit, vue du maire en contrebas, les jeunes qui réagissent

rapidement de manière plutôt agressive.

Dans cette scène, Nordine, le frère de Saïd fait son apparition. Il semble être le seul à pouvoir faire preuve d’autorité sur les jeunes de la cité, les calmant lorsque la police est présente. Son autorité est même supérieure à celle des agents, venus pour les faire descendre, et qui finiront eux-mêmes par partir à ses ordres. Pour garder un certain calme sur le toit, un groupe de plus jeunes devra lui-aussi le quitter. Les policiers se font humilier et n’ont absolument aucun pouvoir sur les jeunes. Les choses sont très tendues. On peut voir sur le visage de Notre-Dame qu’il n’a pas apprécié la remarque de Vinz.

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En conclusion, nous avons ici une scène du quotidien des jeunes, qui semblent être habitués à ce toit, chargé d’une certaine tension entre eux, la police et le maire. On notera que la seule autorité qui compte pour ces enfants est celle des « grands » de la cité et que ceux-ci ont tout le pouvoir. L’impression générale qui ressort de cette scène est que les jeunes sont dans leur élément lorsqu’ils évoluent dans leur cité. Malgré tout, personne ne semble avoir quelque chose à faire, ni les enfants ni les plus vieux. Le dérapage ne semble jamais loin, la simple apparition du maire menant à des jets de pierre. La tension avec la police est palpable. Elle n’arrivera vraisemblablement pas à contenir des débordements.

4.3.3 Analyse de la scène des journalistes

L’inactivité et l’ennui sont visibles de façon récurrente dans La Haine.

Cette scène suit directement la scène sur le toit et se situe à 19 minutes du début du film, avec une indication d’heure comme unique transition entre les deux (12 :43). Elle nous indique que le temps a passé et que le trio est sûrement assis là depuis un moment. Le premier plan nous montre d’abord les personnages silencieux, chacun semblant dans ses pensées. Ce plan est en réalité « volé » ; les acteurs se préparaient à tourner la scène qui suit et Mathieu Kassovitz a laissé tourner la caméra à leur insu. Il y a ensuite un flash blanc et la séquence commence. Vinz est encore en train de rouler un joint, Saïd raconte une histoire. Hubert rit de celle-ci, n’en croyant pas un mot. Bien qu’ils soient assis sur une place de jeu avec deux enfants à côté, la conversation tourne autour du sexe. Une voiture passe discrètement en arrière-plan, sort du champ et revient en marche arrière. A l’intérieur, il y a des journalistes qui souhaitent poser des questions sur les émeutes. Saïd se lève, l’air vexé, et leur demande s’ils ont l’air de voyous. Les choses vont rapidement s’enflammer et on pourra

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voir le résultat dans l’œil de la caméra. Les journalistes vont ensuite prendre la fuite et le trio va quitter la place de jeu, atterré par leur comportement. On peut extraire deux thèmes principaux de cette séquence : l’ennui et les relations avec les médias. Premièrement, l’ennui, visible tout le long du film, résulte de l’inactivité des jeunes. Chassés du toit par l’arrivée de la police, ils se sont installés sur une place de jeu presque abandonnée. Elle est en mauvais état et vandalisée par des graffitis. Il y a seulement deux enfants présents, qui n’ont pas plus l’air de s’amuser que les trois protagonistes. Ces derniers n’ayant rien à faire, ils parlent et se racontent des histoires. Cette scène se répétera de nombreuses fois, avec des conversations sans queue ni tête. Le premier plan, suivi du flash et du deuxième plan, renforce beaucoup cette impression d’inactivité, car le temps semble passer sans que les personnages ne bougent ou ne trouvent quelque chose à faire. La deuxième partie de la séquence se concentre sur les médias et sur l’image de la banlieue qu’ils transmettent. Le trio a affaire à une journaliste plutôt impolie, qui les interpelle de loin, sans même sortir de sa voiture, prête à prendre la fuite à tout moment. Naturellement, ils s’offusquent. De plus, ces journalistes ne s’intéressent qu’aux scoops, « Est-ce que vous avez brûlé des voitures ? Cassé quelque chose ? », sans même leur demander leur avis sur les émeutes ou leur proposer de passer un message. Hubert va lancer un « On n’est pas à Thoiry, ici » que Vinz va reprendre en lançant des insultes. L’altercation se terminera avec le jet d’une pierre et la fuite des journalistes. Lorsqu’il y a un aperçu de ce que voit le caméraman, il est facilement imaginable que ce seront ces images qui seront retransmises à la télévision, confirmant l’attitude agressive des jeunes des banlieues.

Ces plans justifient la réplique d’Hubert, les protagonistes semblent au fond d’une fosse aux ours, filmés comme

animaux de foire.

Le message que tente de faire passer le réalisateur est que les médias choisissent de montrer la banlieue sous un son angle violent et que ce sont les journalistes, qui se promènent dans les cités comme s’ils observaient des bêtes de foire, qui provoquent ces réactions outrées. Il y a ici trois différents plans, avec d’abord les réactions du trio, filmé en contre-plongée, sans doute pour s’opposer à la vision du caméraman qui est en hauteur et qui a lui un point de vue en plongée sur Vinz. Le troisième plan est celui de la voiture des journalistes, vue depuis en bas, comme peuvent l’apercevoir Vinz, Hubert et Saïd. L’opposition plongée/contre-plongée est ici utilisée comme un effet pour accentuer la différence entre la réalité et ce qui est filmé.

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La contre-plongée et la vue subjective de la caméra en plongée.

Le fait que les journalistes soient en hauteur accentue ce sentiment de visite de zoo, comme s’ils observaient une fosse aux ours, en sécurité dans les hauteurs. Au niveau sonore tout est confus, les insultes se mélangent et on ne distingue plus grand-chose. On entend malgré tout le « Oh, ça va, ça va » de la journaliste, qui semble exaspérée par le comportement des jeunes et ne comprenant pas du tout ce qui aurait pu provoquer une telle réaction. Cette scène essaie d’expliquer le sentiment d’exaspération et de frustration que ressentent les habitants des cités vis-à-vis des médias. Ceux-ci cherchent en effet à faire des titres « à sensation ». Ils ne parlent des cités que lors de périodes de violences et ne les laissent pas s’exprimer. Cela renforce leur mauvaise image, puisqu’elles seront classifiées comme lieux dangereux, avec des habitants hostiles et agressifs, et jamais décrites dans la normalité de leur quotidien.

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4.3.4 Analyse de la scène du DJ

Plan aérien de la cité, filmé à l’aide d’un petit hélicoptère

Sans doute l’une des scènes les plus mémorables du film. A 39 minutes du début, le plan aérien de la cité nous donne un réel aperçu des bâtiments de celle-ci. Ce plan suit la dispute d’Hubert et de Vinz, qui se sont séparés depuis. Il vient juste après celui d’Hubert fumant dans sa chambre. Il va à la fenêtre, il y a un rapide coup d’œil sur la place en contrebas, puis le DJ Cut Killer apparaît se préparant à mixer un morceau désormais célèbre. S’ensuit la fameuse séquence dans les airs, puis un plan sur Saïd et Vinz en train d’apprécier le morceau. Vinz va apercevoir à nouveau la vache dont il avait parlé le matin-même, et ils vont s’en aller. Aux yeux de Mathieu Kassovitz, la scène est ratée, car une grande partie du budget y a été investi pour un résultat qu’il juge médiocre. En effet, il avait prévu que le plan soit beaucoup plus long et se termine au-dessus des personnages, mais cela n’a pas été possible. De plus, dans le plan originel, l’ombre de l’hélicoptère qui portait la caméra est visible sur la façade de l’immeuble. Elle a dû être effacée en post-production, ce qui était coûteux en 1995, le numérique étant encore hésitant à cette époque-là. On aperçoit les blocs, avec leurs balcons étroits. Le noir et blanc accentue la morosité et la dureté des lieux. Il y a des déchets éparpillés sur le sol, résultat des émeutes de la veille. Les plans de la place de jeux et des enfants ont été filmés à leur insu ; il s’agit d’une vraie scène de la vie dans la cité. La musique dans la scène est intra-diégétique, ce qui est le cas de toutes les autres dans le film. On entend des bruitages et des sons venir de tous les côtés C’est un mix de plusieurs samples dont : KRS One – Sound of da Police ; Assassin – Je glisse ; NTM – Nique la Police et finalement Edith Piaf – Je ne regrette rien. Ces choix ne sont évidemment pas anodins et le réalisateur ne s’en cache pas. Il déclare que le Je ne regrette rien signifie « On fait ces conneries, mais au final, on ne regrette rien ». Il souligne également que les habitants de la cité avaient des goûts très variés en matière de musique et cela explique le mélange étonnant de ces genres de musique plutôt opposés.

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Les deux personnages, dans la scène de Saïd et de Vinz, sont en train d’apprécier le morceau lorsque Vinz aperçoit la vache. Cette vache ne semble pas avoir de sens particulier, elle est l’une des multiples hallucinations du personnage. Le réalisateur explique que, la première fois qu’il est allé dans la cité, il y a vu des chameaux et a trouvé cela amusant. Il évoque également la phrase contre la police « Mort aux vaches ». Il y a un jeu de champ/contre-champ ; on aperçoit la réaction de Vinz, puis ensuite seulement ce qu’il voit est montré : la vache. Cela attise la curiosité du spectateur, qui souhaite voir la fameuse vache de cette cité. On voit Saïd jeter un œil, mais cela ne l’intéresse pas du tout, obnubilé qu’il est par la musique.

Champ/Contre-champ de Vinz et la vache. Hallucination ou réalité ?

Cette séquence donne un aperçu global de la cité ; Kassovitz peut nous montrer la nature des lieux dans lesquels évoluent les protagonistes presque dans son entier. On se rend compte à quel point les immeubles sont grands et écrasants. Le fait que Vinz soit le seul à voir la vache dans le film nous conforte dans l’idée qu’il est un personnage qui a des fantaisies et qui a parfois du mal à différencier la fiction de la réalité.

4.3.5 Analyse de la scène finale

Cette scène est la dernière du film (à 90 minutes du début) ; c’est le retour du trio dans la cité à la suite du périple à Paris. Ils se disent au revoir et Vinz confie le pistolet à Hubert, admettant qu’il a raison. Ils se quittent alors et l’on entend encore Saïd raconter une blague à Vinz. Une voiture de police va peu après s’arrêter près d’eux ; des policiers vont en sortir et attraper Vinz et Saïd. Hubert, qui allait dans la direction opposée, se retourne et revient précipitamment vers ses deux amis. Notre-Dame, un des agents, menace Vinz de son arme et un coup part par accident. Vinz s’écroule sur le sol ; Hubert sort son arme et Notre-Dame pointe la sienne sur lui. On entend à nouveau le leitmotiv du film, mais cette fois-ci ce n’est plus un homme qui tombe, c’est la société. Gros plan sur le visage de Saïd et on entend un dernier coup de feu. Le générique qui suit est silencieux et réduit à son strict minimum.

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Hubert pressent qu’il va se passer quelque chose. Le plan sur ses pieds montre qu’il accélère progressivement, ce

qui renforce la montée en tension de la scène.

Cette scène joue sur le soulagement que le spectateur ressent lorsqu’il voit que les protagonistes sont enfin chez eux, puis sur la montée en tension créée par l’apparition de la police. Cela crée en effet une « fausse fin » heureuse, avec Vinz qui comprend ses erreurs et donne le revolver à Hubert, nous laissant croire que toute la trame de l’histoire liée à cet objet se termine enfin. Le « à demain » de Saïd nous conforte dans la certitude que la vie va reprendre normalement et qu’ils se reverront le jour suivant. Comme il le fait souvent, Saïd commence à raconter une histoire lorsqu’ils s’en vont. Malgré tout, la manière dont est construit ce plan nous laisse présager quelque chose. Le réalisateur s’est arrangé pour nous montrer à la fois le visage d’Hubert et le duo s’éloignant en arrière-plan. Si on voit encore les deux comparses, c’est que qu’il y aura encore des choses à voir. Le visage d’Hubert, qui exprime d’abord le soulagement qu’il ressent après une telle journée, va ensuite changer d’expression. Il a un mauvais pressentiment. La voiture va s’arrêter, il va se retourner et courir, prévoyant le malheur qui suivra. Effet de champ/contre champ sur la voiture et sur le visage d’Hubert, puis plan sur ses pieds, qui nous permet à la fois de voir la voiture et le pas qui s’accélère, en faisant monter la tension. On le voit ensuite lâcher le bonnet dans lequel était le revolver. Le plan suivant fait voir, grâce à un jeu de premier et de second plan (comme souvent dans cette scène), à la fois les expressions du policier quand il tue Vinz et la réaction d’Hubert. L’heure va ensuite changer, pour la première fois du film, et passer de 6 :00 à 6 :01. Le son de l’horloge va continuer, comme pour modifier le statut de celle-ci. Si, précédemment, la fonction de l’horloge était de nous raconter l’avancée de la journée, un peu à la manière d’une chronique, elle joue maintenant un rôle de compte-à-rebours, à mettre en corrélation avec la narration d’Hubert qui débute à ce moment-là : le compte-à-rebours de l’atterrissage. Les autres policiers ont tous disparus, le temps semble paradoxalement arrêté. Va s’ensuivre une « impasse mexicaine » (ou mexican standoff), chacun pointant son pistolet sur l’autre. La caméra va faire un travelling et passer entre les mains des deux personnages, pour finir sur un gros plan du visage de Saïd, éclairé par le gyrophare de la voiture de police.

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Le mexican standoff et le gros plan sur Saïd.

On peut noter que le film s’ouvre et se clôt à la fois sur un gros plan des yeux fermés de Saïd, accompagné du son d’un coup de feu et d’un bruit d’horloge.

Ils sont dans leur cité sensée être une « bulle protectrice », mais les rues sont vides et les bâtiments écrasants. De gigantesques fresques d’écrivains français tels que Baudelaire ou Rimbaud les observent. La présence de celles-ci est plutôt ironique. La cité n’a jamais paru aussi grise qu’en ce moment, au petit matin, éclairée par la lumière crue du gyrophare. Notre-Dame, interprété par Marc Duret, ne tue pas Vinz volontairement. Son but était plutôt de l’humilier, comme celui-ci l’avait fait avec lui auparavant sur le toit. Il a également été de service toute la nuit, ce qui explique le fait qu’il soit tendu et qu’il souhaite lui rendre la monnaie de sa pièce. Ce retournement de situation a un effet inévitable : le trio ne peut rien faire face à cette violence ; il semble subir la fatalité. Le film se clos sur une interrogation. On ne sait pas qui a tiré le coup de feu, toutes les interprétations sont possibles. Mais Vincent Cassel répond à la question ainsi : « Qui est-ce qui tire ? […] La réponse c’est : Ça n’a aucune importance. »31 En effet, l’objectif n’est pas de montrer que les policiers ou les jeunes sont des monstres. L’objectif du film est de montrer qu’à la fin de la journée, quelqu’un va tirer, peu importe à quel « camp » il appartient, et que les conséquences seront dramatiques pour tous.

31 DVD Collector de La Haine

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5. Conclusion

5.1 Rappel de la problématique

La problématique de ce travail de maturité porte sur le film La Haine et sur la représentation qu’il donne de la banlieue. Les quartiers sensibles sont des lieux sur lesquels on a facilement des idées reçues. Les médias à sensation aiment faire des reportages mouvementés sur ceux-ci. La Haine ne semblait pas avoir ce but-là, mais je me demandais quelle était la part de réalité et celle de la fiction dans ce film.

5.2 Réponse à la question de recherche et confrontation à l’hypothèse initiale

Mon hypothèse initiale était que la représentation de la banlieue me semblait réaliste. La présence d’une arme à feu par exemple, ne me semblait pas « cliché », car elle était justifiée par le contexte (un policier l’a perdue ; il n’y pas de gros trafic d’armes, de gangsters…). Bien que ce film s’inspire du réel, que l’idée vienne d’évènements qui se sont vraiment passés, il reste très simplificateur et à la surface des problèmes. Par exemple, chaque ethnie a un « ambassadeur », ce qui renforce l’idée que Mathieu Kassovitz fait des raccourcis. C’est sans doute volontaire de sa part ; il raconte une histoire et la romance. L’analogie avec une fable, évoquée plus haut, va dans ce sens : une histoire simplifiée, avec des personnages allégoriques, qui transmet une morale. Je pense que c’est ce qu’a voulu faire ici le réalisateur. Il déclare lui-même qu’il n’a pas souhaité « raconter l’histoire des banlieues, mais d’une banlieue 32» [sic]. La Haine nous montre une certaine face de la réalité, mais pas toutes. Ce film n’étudie pas vraiment le sujet en profondeur et il est également alourdi par de très gros stéréotypes, tels que la place des femmes ou la présence de parents, tous inexistants. Cela peut correspondre à une certaine réalité, mais reste malgré tout très insuffisant. Il aborde les bavures policières sans vraiment plonger en profondeur dans cette problématique. La présence et l’importance des armes sont exagérées pour l’époque. Les tensions et les violences entre les jeunes et la police sont certes présentes dans les quartiers difficiles, mais ceux-ci ne sont qu’une minorité des quartiers de France. Une fois replacés dans leur contexte, les différents éléments montrent que La Haine représente une réalité valable seulement pour une minorité de quartiers et reste plutôt caricaturale. Je pense que Mathieu Kassovitz se désaffranchit du réalisme volontairement, car il utilise toute une batterie d’effets durant le film. Cela nous montre que son but n’était pas de faire un documentaire. L’œuvre, bien qu’elle reste réductrice, ne triche pas complètement avec la réalité et ne s’appuie pas que sur des « clichés ».

32 Interview dans le DVD Collector de La Haine

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5.3 Limites du travail et ouvertures

Les banlieues sont un sujet complexe, car elles sont touchées par un très grand nombre de facteurs sociaux, économiques et politiques. On a vu, au début de ce travail, que leur histoire a été mouvementée. Il est difficile de soupeser tous ces éléments afin de les comprendre sociologiquement. Il est également prétentieux de croire les connaître par la lecture de quelques livres et d’articles de journaux. Les cités sont un phénomène unique, propre à la France. Pour qui vit en Suisse, il n’est pas aisé à comprendre. Les logements sociaux, par exemple, n’ont pas du tout la même place ici que là-bas, de par leur nombre et leurs dimensions33. Mais le sujet a été étudié du mieux possible avec les informations rassemblées. Il serait maintenant intéressant d'avoir l’avis des habitants de ces quartiers sensibles. Comment voient-ils leurs banlieues ? Comment s’y sentent-ils ? Et finalement, que pensent-ils de La Haine ?

5.6 Conclusion générale

Ce travail de maturité m’a permis à la fois d’étendre mes connaissances en urbanisme et en cinéma. Les problèmes des banlieues sont encore loin d’être réglés et j’ai pu voir à quel point La Haine est encore d’actualité, alors que ce film fête ses 18 ans en 2013. A l’époque, faire un film sur les cités était novateur, et le fait de s’y installer avant de tourner encore plus. J’ai pu également conclure que le film, malgré son aspect réaliste ne l’est pas tant que ça. Cela démontre qu’il faut toujours garder un œil critique lorsqu’on regarde des films, même et surtout les bons, et garder à l’esprit que ce sont des fictions nées dans l’imaginaire d’un auteur. Pour en terminer, j’ai beaucoup aimé étudier ce sujet dont on entend régulièrement parler aux nouvelles et aussi analyser une œuvre comme La Haine, qui fait encore partie des films favoris de beaucoup de jeunes de mon âge.

33 Voir l’interview de Jean-Marc Stébé en annexe

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6. Bibliographie

6.1 Livres

BAUDIN Gérard et GENESTIER Philippe, Banlieues à problèmes, la construction d'un problème social et d'un thème d'action publique, la Documentation française, 2002 Ouvrage sur les problématiques de la banlieue et les débats autour de celle-ci. BRONNER Luc, La loi du Ghetto, enquêtes dans les banlieues françaises, Calmann-Lévy, 2010 Luc Bronner, journaliste, est allé dans les banlieues et raconte ses différentes expériences et conversations avec les habitants. PAULET Jean-Pierre, les banlieues françaises, Ellipses, Transversale débats, 2004 Un ouvrage complet sur les banlieues, de leur création à l’exposition des différentes tensions dans celles-ci. STEBE, Jean-Marc, La crise des banlieues, PUF, Collection Que sais-je ?, 2ème édition, 2002 Ouvrage complet expliquant bien la banlieue et ses différents aspects VINCENDEAU Ginette, La Haine, I.B. Tauris, Ciné-Files: The French Film Guides, 2005 Ouvrage en anglais avec une analyse détaillée de la Haine ainsi que de nombreuses explications sur le film

6.2 Sites internet

Site de Mathieu Kassovitz : http://www.mathieukassovitz.com/izno/passe/real/films/la_haine.html Page Wikipédia sur Mathieu Kassovitz : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mathieu_Kassovitz Les banlieues ont aussi une histoire : http://www.ceras-projet.org/index.php?id=2441 Historique de la banlieue française. La politique de la ville et les violences urbaines de 2005 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000077-la-politique-de-la-ville-a-l-epreuve-des-violences-urbaines-de-2005/introduction La politique de la ville et son rapport avec la crise des banlieues de 2005 Les Banlieues en France : http://leuropedeslibertes.u-strasbg.fr/article.php?id_article=391&id_rubrique=72 Un bon texte sur la manière dont la France gère ses banlieues

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Les émeutes de banlieue en France : http://internationalist-perspective.org/PI/pi-archives/pi_45_banlieu.html Explication des émeutes de 2005 Eclosion de violence dans la banlieue parisienne : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=753 Les réactions de certains médias par rapport aux émeutes de 2005

6.3 Articles internet

CHERMANN Olivier, Les Banlieues 5 ans après les émeutes, in Radio France Internationale, 27.10.10 http://www.rfi.fr/france/20101027-banlieue-france-cinq-ans-apres-emeutes Mise au point cinq après les émeutes. CHEVALLEREAU Emmanuelle, Interview de Luc Bronner :"Dans certaines banlieues, les jeunes ont pris le pouvoir sur les adultes", in Le Monde, 27.10.10 http://www.lemonde.fr/societe/chat/2010/10/26/banlieues-cinq-ans-apres-les-emeutes-quel-espoir_1431471_3224.html Interview de Luc Bronner, auteur de La Loi du Ghetto, qui a vécu dans la banlieue. Editorial du « Monde », Banlieues : Une politique au compte-goutte, in Le Monde, 19.02.2013 http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/19/banlieues-une-politique-au-compte-gouttes_1834837_3232.html Explication de la façon dont la politique française gère le problème des banlieues. GAS Valérie, Banlieues, décryptage d’une vague de violence, in Radio France Internationale, 26.10.10 http://www.rfi.fr/actufr/articles/082/article_47043.asp Analyse de la situation des banlieues, des causes des émeutes et de l’avenir de celles-ci GAS Valérie, Violences Urbaines, comment gérer la crise, in Radio France Internationale, 02.11.2005 : http://www.rfi.fr/actufr/articles/071/article_39568.asp GUIGNARD Florent, Violences Urbaines et controverses politiques, in Radio France Internationale, 01.11.2005 : http://www.rfi.fr/actufr/articles/071/article_39542.asp LARROUTUROU Paul, Cinq ans après les émeutes, des habitants des banlieues témoignent, in France 24, 26.10.10 http://observers.france24.com/fr/content/20101026-5-ans-apres-emeutes-parties-clichy-temoignages-habitants-banlieues Mise au point sur les conséquences des émeutes dans les banlieues de 2005.

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PENICAUT Nicole, Pourquoi tant de Haine ? Le succès du film de Kassovitz semble embarrasser ses promoteurs, in Libération, 17.06.95 http://www.liberation.fr/culture/0101146314-pourquoi-tant-de-haine-le-succes-du-film-de-kassovitz-semble-embarrasser-ses-promoteurs Réactions suite à la sortie de La Haine. RFI, Emeutes 2005, des promesses non tenues, in Radio France Internationale, 21.10.10 http://www.rfi.fr/actufr/articles/094/article_58301.asp Témoignage d’habitants de la banlieue par rapport à la suite des émeutes de 2005. ROLLAND Catherine, «On n'a pas tiré les leçons des émeutes de 2005», in Radio France Internationale, 26.11.07 http://www.rfi.fr/actufr/articles/095/article_59535.asp VALENTINO Véronique, Marche des beurs 1983-Trappes 2013: la nouvelle génération se revendique Française et musulmane, in Slate, 02.08.2013 http://www.slate.fr/story/76090/apres-trappes-musulmans-francais-mobilisation-exasperation VINCENT Elise, Trappes : un jeune blessé à l'œil, six arrestations, in Le Monde, 20.07.2013 http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/07/19/rassemblement-violent-devant-le-commissariat-de-trappes_3450392_3224.html

6.4 Articles

AIT-HAMADOUCHE Rabah, « Le malaise des Beurs à la Grande-Borne », in Le Monde diplomatique, juillet 2002, pp. 6-7 BERTRAND Olivier, « Jeune, musulman et français, une identité à faire accepter », in Libération, 15.04.03 CHAMBON Frédéric, « La quête identitaire de ces jeunes Lyonnais tournés vers l’Islam », in Le Monde, 12.02.03 SEURET Franck, « Les cinq chantiers », in Alternatives Economiques, no 242, décembre 2005, pp. 7-14 VAN RENTERGHEM Marion, « A la Courneuve, « Rebeus » et « Renois » disent la vie des « 4000 », in Le Monde, 01.07.05

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6.5 Autres

Retranscription d’une interview télévisée de Mathieu Kassovitz : http://ds3.ds.static.rtbf.be/article/pdf/kassovitz-1348131803.pdf La Haine - Edition Collector 3 DVD, Canal Plus .

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7. Annexe

7.1 Interview de M. Jean-Marc Stébé

Jean-Marc Stébé est un professeur de sociologie de l’université de Lorraine (France). Il travaille également au Laboratoire lorrain des sciences sociales (2L2S) pour lequel il effectue des recherches sur les quartiers d’habitat social, les utopies urbaines et les fragmentations territoriales. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et l’un d’eux a été une source d’information importante pour ce travail : La crise des banlieues (PUF, 2002). Premièrement, merci beaucoup de m’accorder votre temps et de répondre à mes questions. La Haine a été tourné pendant les années 90. Que pensez-vous de l’évolution des banlieues depuis ? Jean-Marc Stébé : Tout d’abord, il faut savoir que le film La Haine n’est pas un film d’une situation réelle, il est tourné à partir d’une histoire racontée et romancée. La situation n’a pas évolué dans le sens de la violence, elle a surtout évolué dans le sens de la pauvreté dans les banlieues sensibles. La population est de plus en plus défavorisée. C’est une évolution importante, la population se paupérise. Il y a une homogénéisation des catégories sociales qui donne le sentiment d’avoir des quartiers difficiles en France qui sont en train de s’enfermer à l’intérieur de murs et donc de se « ghettoïser ». Une chose majeure qui semble avoir changé depuis ces années-là, c’est la place de la religion. L’islam semble être devenu une part importante dans la vie des jeunes. J.-M. S. : L’islam a toujours existé et la culture arabo-musulmane est présente en France depuis les années 60, depuis les vagues d’immigration arabo-musulmanes, à la suite de la fin de la décolonisation des pays colonisés par la France, l’Algérie et le protectorat du Maroc. Aujourd’hui c’est une population qui se visibilise de plus en plus, elle se visibilise grâce aux regroupements familiaux, avec les enfants qui en sont maintenant à la 2 ou 3ème génération. Il n’y a pas plus d’islam, mais plus de monde et une démographie plus importante et donc une expression des minorités de plus en plus fortes. Les événements à Trappes n’en sont-ils pas les témoins ? Que pensez-vous du fait que la simple interpellation d’un homme ait pu déclencher de telles violences ? A l’époque, il fallait une mort pour que les choses flambent… J.-M. S. : Aujourd’hui il y une tension entre les forces de police et les jeunes issus de l’immigration. En tous cas, nos forces de police n’ont pas toujours été très tendres avec la population immigrée, pourtant ils ont reçu des formations pour améliorer le contact avec le public. C’est sûr que cela crée de temps en temps des petits soucis. Aujourd’hui on peut dire qu’il y a une situation qui est sensible, c’est pour cela qu’on les appelle les quartiers sensibles d’ailleurs, parce que une arrestation musclée, la mort de quelqu’un, une descente dans un

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appartement, un contrôle d’identité sont tous des événements difficiles et peuvent avoir comme conséquence une émeute. C’est à dire qu’il y a des espaces dans la vie qui sont des espaces sensibles. Comme il y a plus de population d’origine étrangère, d’origine seulement, et non pas d’étrangers, mais de couleur, donc différents, il peut y avoir un amalgame entre couleur de peau et immigré. Si on n’arrive pas à admettre que la population française est une diversité de couleur de peau et de culture, c’est difficile. A partir du moment où l’on a compris que c’est une population de couleur de peau et de culture, et bien là on aura fait un grand pas. Mais aujourd’hui nous n’avons pas encore fait ce pas là. On est plus en retard qu’aux États-Unis. Aux États-Unis c’est clair qu’un Noir est américain, un Juif est américain. On dit Noir américain, Juif américain, mais Arabe français, cela n’existe pas. A chaque élection présidentielle, le sujet des banlieues est abordé, mais à nouveau on voit toujours très peu de mouvement. Typiquement, l’évocation de « Plans Marshall » pour les banlieues, qui ne semblent pas mis en œuvre. La situation se prolonge et très peu de choses changent. Que pourraient faire les politiques pour changer les choses ? J.-M. S. : Au niveau politique, depuis les années 75, nous avons une politique en direction des banlieues, plusieurs millions de francs à l’époque et plusieurs centaines de milliers d’euros à présent, ont été investis pour les quartiers difficiles en France. Nous avons une politique de la ville en direction des quartiers sensibles, ceci est clair net et précis. Et si nous n’avions pas eu tout cet argent injecté vers les quartiers sensibles, on aurait des quartiers déshérités et abandonnés, comme aux Etats-Unis par exemple, où nous avons des quartiers abandonnés par les pouvoirs publics. Donc en France nous n’avons pas abandonné les quartiers sensibles. Pour améliorer la situation, on pourrait axer les crédits, non pas en direction du cadre bâti, des cages d’escalier, mais orienter plus sensiblement les crédits vers la lutte contre la délinquance, la lutte contre les inégalités ou plus important encore, les écoles et les apprentissages. C’est le point important ; C’est par la culture, l’apprentissage, l’école, l’élévation du niveau scolaire que nous parviendrons à régler le problème des quartiers difficiles. On a entendu malgré tout dernièrement parler de la destruction de tours et de barres d’immeubles, mais l’on entend très peu parler des résultats. Comment vont les choses ? Est-ce efficace ? J.-M. S. : On éradique les tours, dans la politique de la ville d’aujourd’hui, on abat les tours et barres, effectivement, on déconcentre, on déconstruit, c’est intéressant et efficace. Cela permet d’avoir des habitats plus humains, des immeubles de quatre étages ou des maisons mitoyennes par exemple. C’est un nouvel urbanisme, un nouvel ensemble, ce sont des politiques positives, mais il faut l’accompagner, et cela prend un certain temps, avec des politiques sociales, culturelles et scolaires. Les crédits devraient être orientés vers les écoles, pour apprendre à vivre ensembles. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde urbain. 78 à 80 % des pays européens vivent en villes. Il faut apprendre à vivre ensembles, car la France n’était pas la même en 1900. Nous apprenons actuellement à vivre ensembles, car vivre en ville n’est

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pas la même chose que vivre en campagne. Il faut bien comprendre que le monde aujourd’hui est urbain, les populations sont concentrées et cela demande à avoir des cours de civilité, savoir respecter l’autre et cohabiter avec lui. Est-ce que ces différentes démarches ont fonctionné ? Voit-on des progrès ? J.-M. S. : On voit aujourd’hui, que depuis les années 75 nos quartiers défavorisés ne sont pas tombés dans la misère et que ce n’est pas aussi catastrophique que les médias veulent bien le dire. Il n’empêche qu’il y a des inégalités, il n’empêche qu’il y a une homogénéisation dans les quartiers difficiles, car cela dépasse la politique de la ville. Il y a des problèmes d’ordre économique, qui nous imposent de prendre en compte ces dimensions économiques, culturelles et scolaire, sans l’aspect bâti. Sur le bâti, il y a des résultats. Il y une amélioration de l’énergie, on consomme moins, Il y a meilleur environnement et urbanisme. Il y a encore beaucoup à faire au niveau social. Les différentes démarches ne portent pas leurs fruits car il n’y pas eu assez de crédits investis dans cette direction et qu’il faut du temps avant de pouvoir observer des résultats Quant au film, La Haine, qu’en pensez-vous ? Représente-t-il bien les banlieues ? (Passées et présentes) Comment ? (Présence de stéréotypes ? Généralisation ? Ne montre qu’un aspect des choses ?) J.-M. S. : A l’époque il y avait beaucoup trop de stéréotypes, je n’avais pas trop apprécié. Aujourd’hui je pense qu’il y a des moments où cela peut se passer comme ça. Avec les armes à feu et autres, dans les quartiers difficiles de Marseille ou dans la région parisienne en Seine-Saint-Denis, à Gennevilliers ou à la Courneuve. Historiquement, c’était un peu caricatural, mais aujourd’hui, cela peut se rapprocher de quelques quartiers mais c’est une minorité. Il y a 4 500 000 logements sociaux en France. C’est un des pays au monde à en avoir le plus par rapport au nombre d’habitants (66 millions). 4 500 000 cela représente environ 13 millions qui y vivent et cela fait beaucoup de monde. Et sur les 13 millions, 15 % sont des logements dits « difficiles ». Il faut ramener les choses à leur place. Il y a des problèmes, des séparatismes de plus en plus fort mais cela ne reste qu’une minorité par rapport aux logements et quartiers en France.

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Résumé Le sujet de ce travail porte sur le film La Haine réalisé par Mathieu Kassovitz et les quartiers sensibles de France, souvent surnommés « cités ». Les quartiers sensibles font partie des sujets qui viennent régulièrement faire la une des médias français. En effet, ils sont souvent le théâtre d’affrontements entre leurs habitants et les autorités. Des reportages « à sensation » dans ces zones sont couramment diffusés à la télévision. Les sujets de ces reportages portent généralement sur les trafics de stupéfiant ou les braquages. Ces éléments font des cités des objets facilement caricaturés. Les quartiers difficiles sont alors représentés par des jeunes agressifs et délinquants. La Haine montre une cité fictive, celle des Muguets. Le scénario se déroule sur une journée, où le quotidien de trois jeunes est montré. Cette œuvre tente d’expliquer comment les confrontations entre les habitants des cités et les forces de police peuvent dégénérer au point qu’elles aient parfois des conséquences tragiques. Ce travail se base sur les questions suivantes : La représentation des cités françaises par Mathieu Kassovitz est-elle fidèle ? Dans cette fiction, quelle est la part de réalité ? Il s’agit de déterminer si ce film, qui a pour but de montrer la situation des banlieues dans les années nonante, le fait de façon réaliste. Afin de répondre à ces questions, ce travail se divise en deux parties. La première consiste en une recherche sur l’histoire des banlieues et leurs difficultés. Elle s’intéresse également au film et ses particularités. La deuxième partie de ce travail, plus déductive, analyse le film afin d’en tirer les conclusions qui permettront de répondre aux questions de recherche. Les recherches et analyses effectuées ont pu montrer que malgré le fait que l’objectif de Kassovitz était de montrer la réalité des banlieues, le film reste très romancé et simplificateur. Il demeure à la surface du sujet et il y a présence d’un certain nombre de stéréotypes sur les cités, tels que l’absence d’autorité parentale ou la présence exagérée des armes à feu. En revanche, en dehors de ces quelques points, le film garde une certaine part de réalisme et n’est pas seulement basé sur des clichés.