La grande Glute .

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Non, l'auteur ne nous fera pas croire que de telles arnaques puissent être le fait de nos élites en France. De Gauche comme de Droite, chez nous, tout le monde est irréprochable! Oui, mais...........

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La grande gLute.

Réajustant son nœud de cravate, et véri-fiant une dernière fois que rien ne venait ternir l’éclat des boutons dorés de la veste de son uni-forme, le Commandant Ronald de Saint Frus-quin frappa discrètement à la porte du bureau de son colonel.

Un sonore Entrez ! Emis par une splendide voix de basse- taille traversa sans faiblir la pourtant solide porte en chêne du bureau du père du régiment.

Ouvrant ladite porte avec déli-catesse, puis la refermant avec le même luxe de pré-cautions, il accom-plit un demi tour réglementaire et le regard comme perdu sur la ligne

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bleue des Vosges, avança de trois pas. Droit dans ses bottes et désormais à une distance du bureau qu’il jugea suffisante, il effectua un im-peccable salut.

Repos ! Claironna encore la mâle voix du Chef puis elle ajouta :

Asseyez-vous, Saint Frusquin !Le Colonel Gaètan de Guerlas était un petit

bonhomme rondouillard, tentant de masquer une nature débonnaire derrière un visage qu’il pensait rendre farouche par une épaisse mous-tache grisonnante.

Saint Frusquin, je vous connais bien ! Vos dé-corations témoignent de l’honneur avec lequel vous avez jusqu’alors servi votre pays, comme le firent toujours vos ancêtres et les miens.

Nous autres gentilshommes de France, savons où se trouve notre devoir, quel que soit le Régime qui tient provisoirement les rênes du pouvoir. C’est sur vous que je compte pour mener à bien la délicate mission que je vais vous confier.

Extirpant une double page dactylographiée de son sous-main berbère, en cuir à la damas-quine, cadeau d’un chef de tribu du sud maro-cain, il poursuivit :

Voici ce que notre ministère m’a fait parvenir, pas plus tard qu’hier, dit-il en agitant le docu-ment sous le nez de son subordonné.

S’il escomptait par ce geste, imprégner à

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distance son interlocuteur de l’auguste conte-nu du message ministériel, l’air interrogateur de son vis-à-vis lui indiqua que le transfert ne s’était pas effectué correctement. Aussi jugea-t-il nécessaire de pallier cette inefficacité par une plus traditionnelle voie orale.

Il semblerait, selon l’auteur de la note que les récents événements d’Indochine ainsi que les menaces de troubles qui pèsent sur nos dépar-tements d’Algérie ne soient pas étrangers à une sorte d’incompréhension entre les masses popu-laires de France et son Armée qui entraîne une désaffection de la jeunesse pour le glorieux mé-tier des Armes.

Il nous est donc fortement suggéré, dans cette note, de procéder à quelque action susceptible de créer un salutaire sursaut, notamment chez les jeunes recrues de la classe 54/2C que nous venons d’accueillir dans nos casernes.

Il est indiqué, à titre d’exemple d’action à mener de susciter chez l’un des nouveaux arrivants ou mieux encore, chez un groupe de ceux-ci, la réalisation d’une

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sorte de chef-d’oeuvre en relation avec le métier dans le civil de l’impétrant.

Je rajoute, que personnellement un peu étonné par le contenu du texte, je m’en suis ouvert au-près du Général Lacombillette de Balpot, com-mandant notre belle région Militaire.

J’ai été surpris d’apprendre tout l’attachement qu’il éprouvait pour cette action et encore plus surpris d’apprendre que des crédits ministériels d’un montant inhabituellement élevé seraient consacrés à cette intéressante entreprise.

Voici donc, mon ami, votre mission : trouver chez nos pt’its gars celui qui par l’intérêt ou la beauté de sa réalisation attirera sur notre Régi-ment les projecteurs de l’actualité !

- Bien compris, mon Colonel, je m’en occupe séance tenante !

Après un de nouvel impeccable salut suivi du rituel demi-tour droite, Saint Frusquin sortit du Saint des Saints.

Il était en fait un peu désemparé, car, et ce n’était plus un secret pour personne, cet héri-tier des grandes familles de héros, était d’une bêtise affligeante, qu’une éducation parfaite ainsi qu’une élégance naturelle, signe distinctif des gens de qualité ne parvenaient à faire illu-sion que dans les premiers temps.

D’innombrables rebuffades avaient par le passé convaincu le brave garçon, car il était tout

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de même bien brave, qu’il valait mieux choisir des interlocuteurs aux possi-bilités intellectuelles com-patibles avec les siennes.

Or comme il n’avait pas compris grand-chose au discours du Colonel, il décida de ne répercu-ter les ordres que vers le capitaine de la troisième compagnie.

Les respectivement ca-pitaines des première, se-conde et quatrième com-pagnies étaient tous trois de rusés gaillards qu’il

redoutait d’affronter.Morbizeau, lui, était un gros garçon sanguin,

dont l’uniforme était constellé de glorieuses dé-corations. Sorti du rang, il finissait sa carrière sans aucun espoir de pro-motion supplémentaire. Jeune engagé dans la 2e DB, il avait courageuse-ment combattu les Alle-mands jusqu’à la victoire

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finale, gagnant de-ci de-là, médailles et galons de sous-off.

Alternant ensuite en Indochine promotions pour faits d’armes et dégradations pour insu-bordination assorties de plusieurs mises aux arrêts de forteresse, Morbi était toutefois ap-précié de ses hommes qui se méfiaient tout de même un peu de ses accès de (fièvre colo-niale). Mais dans un autre genre, Morbi était au moins aussi c.. que le Commandant de Saint Frusquin.

Ce dernier trouva sans peine le capitaine au bar du mess des officiers, où il attaquait bra-vement de face l’un des premiers pastis de la journée.

Entraînant Morbi sur une table un peu à l’écart des oreilles du jeune appelé, préposé au service du bar, il lui expliqua, en buvant un café, ce qu’il avait retenu du problème.

Morbi fulmina : Y croient, ces andouilles que c’est avec des

conneries pareilles que les gars vont apprendre à déloger des salopards sur un piton ?

- Bien que je le ressente un peu différemment, concéda de Cinq Frusques (comme le surnom-maient d’irrévérencieux jeunes gens), je ne suis pas éloigné de penser comme vous.

Mais les ordres sont les ordres, je vous saurai gré de vouloir bien faire le nécessaire au sein

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de votre compagnie. Laissez, les consomma-tions sont pour moi, ajouta-t-il, laissant ainsi entendre en quelle haute estime il tenait son interlocuteur.

Une fois seul, Morbi sentit l’utilité d’un se-cond pastis qui lui fut en effet d’un grand se-cours pour prendre la décision qui s’imposait.

Ayant ingurgité d’un trait le revigorant breu-vage, il se rendit sans plus tarder au mess des sous-offs, où il était certain de trouver l’homme de la situation.

L’adjudant Figueras était en effet au bar.

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Il y reposait ses cordes vocales irritées par de récents et nombreux aboiements d’ordres lors des exercices matinaux de maniement d’armes.

La potion salvatrice était conditionnée dans des boites en métal de forme cylindriques. Cette spécialité adoucissante et désaltérante tout à la fois, était selon l’inscription imprimée dessus en lettres gothiques, élaborée par la brasserie Kronembourg.

Ayant accepté d’accompagner l’adjudant dans sa cure, deux nouvelles boîtes métalliques vinrent décorer le bar en formica imitation teck.

Ayant été en Indochine, en tant que cabot-chef (caporal-chef), sous les ordres de Morbi, qui à l’époque avait au feu gagné un galon de serre-patte (sergent), il tutoyait ce dernier dans l’intimité.

Toi, t’as besoin de quéq-chose !- Tu l’as dit bouffi ! Répondit finement le pi-

taine (capitaine) et sans luxe de précisions inu-tiles, qu’il aurait d’ailleurs été bien en peine de fournir, il expliqua avec concision qu’il devait mettre au plus vite la main sur un appelé du contingent, spécialiste dans l’un de ces foutus métiers de civils, si possible rare et compliqué.

Deux nouvelles boîtes de bibine vinrent hu-maniser toute la sécheresse impersonnelle, des ordres ainsi transmis vers un échelon subal-

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terne.Morbi regagna son bureau tandis que Figué-

ras se dirigeait vers le bâtiment où se trouvaient les chambrées des lascars de la quatrième com-pagnie.

Le bidasse de semaine, revenant des cuisines repéra de loin l’adjudant, qu’il jugea au sor-tir du bar des sous-offs, se diriger vers la qua-trième en question. Il se précipita dans le cou-loir menant aux chambrées en hurlant :

- Gaff les mecs, v’là le Juteux qui radine! (Prenez garde, chers amis, car notre Adjudant vient nous rendre visite!)

Figuéras se dirigea de préférence vers la chambre 2B au fond et à droite où il savait ne rencontrer aucun de ces sales petits merdeux d’intellectuels, qu’il soupçonnait de se foutre de sa g….. sous leur air faussement respectueux.

Au moment précis de l’irruption de Fi-gueras dans la chambrée, un sonore «Garde à vous» hurlé avec conviction par le soldat de première classe Bougras, réchauffa le coeur du vieux grognard.

- Repos, vous pouvez fumer! Répondit l’adjudant suivant la tradition.

Avertis à temps, les huit gaillards avaient en un tournemain fait disparaître toute trace d’activités délictueuses pour les remplacer par d’édifiantes occupations. Le

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10 Histoires étranges....Gonidec, Vacheron et Pottier qui préalable-ment menaient un poker d’enfer, astiquaient désormais leurs godillots avec application. Verdier écrivait à sa maman, Gadet astiquait les boutons de sa tenue de sortie tandis que son complice Guilloux avec qui il faisait souvent le mur pour retrouver des coquines chez la Mère Grauju lavait ses chaussettes dans son casque lourd. Le grand Mauduis comme à son habi-tude ne faisait rien et le petit Lardisson dessi-nait.

Figueras annonça:- Ecoutez-moi, bande de brèles, y’en a-t-y

un parmi vous qui aurait un métier pas comme les autres?

Grand silence, indiquant que la question intriguait.

- Bon, on va procéder autrement! Le Goni-dec qu’est ce que tu fabriques dans le civil?

- Cultivateur, mon lieutenant. ( il est d’usage d’accorder ce titre aux adjudants et adjudants-chefs)

- M’intéresse pas! toi Gadet?- Boulanger, mon lieutenant.- M’en fout! Toi Guilloux?- Tourneur- fraiseur, mon lieutenant.- Passons! Toi Lardisson?- Glutier, mon lieutenant.- Grutier sur une petite grue ou sur une

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grande?- Pas grutier avec un T, mon lieutenant,

glutier avec un L comme dans glotte.- Bon j’ai compris! Faudrait voir à parler

correctement. Et ...à quoi tu t’occupes comme glutier?

- Ben, je fabrique des glutes, mon lieute-nant.

- Tu serais donc comme qui dirait, artisan-glutier?

- En quelque sorte, mon lieutenant.- Toi mon p’tit gars, tu m’intéresses, Le Ca-

pitaine va certainement te convoquer!Là-dessus, Figueras sortit de la chambre

et alla directement au mess des sous-offs pour mettre un peu ses idées au clair. Il avait, à maintes reprises, remarqué que la Kronen-bourg, agissant comme un puissant tonique, rendait parfaitement claire une situation qui peu avant posait problème.

Effectivement, au préposé au bar, qui lui servait une deuxième boite destinée à consoli-der le traitement, il demanda avec le plus grand naturel:

- Toi, Ruas, qu’est pas militaire dans le ci-vil, t’as t-y connu des glutiers?

- Oui mon lieutenant, le voisin de palier de mes parents, à Bagnolet, Monsieur Da Silva était grutier chez Batignolles, mais maintenant il est à

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12 Histoires étranges....la retraite!

- Faudra te récurer les oreilles, j’ai pas dit grutier, j’ai dit glutier.

- Alors là, mon lieutenant, j’ai jamais en-tendu parler.

Figueras se dit qu’il avait eu du pot de dégotter si vite l’oiseau rare, c’est Morbi qui allait être content! Cela méritait bien une autre bière et par-dessus une petite sieste. Le pitaine attendra l’après-midi pour apprendre qu’une longue et perspicace enquête venait d’aboutir.

Et puis, aujourd’hui c’était mardi et la traditionnelle réunion des capitaines chez le commandant de Saint Frusquin. A l’issue de cette importante réunion hebdomadaire, Fi-gueras savait que Cinq Frusques et Morbi se dirigeraient ensemble vers le mess des officiers pour vérifier la qualité du pastis. C’est là qu’il attaquerait et montrerait aussi au comman-dant quel sous-officier efficace il était. Le grade d’adjudant-chef était désormais à sa portée!

La réussite de l’opération impliquait un chronométrage précis. Sortant du poste de garde à l’entrée de la caserne à la seconde même où les deux officiers apparaîtraient sur le seuil du bâtiment où se tenait la réunion, il se dirigerait vers la quatrième compagnie.

Leurs deux trajectoires se croiseraient alors fatalement un peu avant l’entrée du mess

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et Figueras attaquerait alors bille en tête.L’opération, menée avec brio se conclut

par un contact rapproché avec l’adversaire à quelques mètres prés de l’endroit prévu par notre stratège. La main au contact du calot, ef-fectuant un salut impeccable, d’une voix forte et les yeux braqués sur Morbi, Figueras annon-ça:

- Mission accomplie, mon capitaine, j’ai votre homme!

Ce fut le commandant de Saint Frusquin qui prit la parole:

- Morbizeau, une fois encore, vous sem-blez avoir rondement mené cette affaire! Je vous prierai de vouloir bien solliciter de votre brave subalterne, quelques éclaircissements sur ce ra-pide succès!

- Vas-y, raconte-z-y au Commandant! In-tervint à son tour le supérieur de l’adjudant.

- Ben voilà, après avoir sélectionné ce ma-tin une douzaine des nouveaux appelés, après le jus, je les ai testés un par un et j’ai trouvé un glutier.

- Loin de moi l’idée de dévaloriser de quelque façon la qualité de votre intervention, mais quel intérêt un grutier peut-il présenter en la présente occurrence?

- S’cusez mon commandant, c’est pas un grutier, mais un glutier et même un artisan-glu-

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14 Histoires étranges....tier!

- Ah bon! j’aime mieux ça, j’avais entendu grutier.

- Moi aussi! Surenchérit Morbi, fais gaffe quand tu prononces, sans ça, on confusionne!

- Bien, demain matin, à neuf heures, Mor-bizeau, vous m’amenez le lascar à mon bureau!

Puis il ajouta qu’il devait sans tarder avertir le Colonel de la progression rapide de la mission suggérée par les plus hautes instances gouvernementales.

Tournant les talons, il laissa sur place les deux vieux complices, fort décontenancés.

Morbi reprit vite la direction des opéra-tions et offrit un pastis au mess des officiers. C’était la première fois que Figueras allait franchir les portes de ce haut lieu, un peu my-thique pour lui, mais il pensait confusément que cet événement ne constituait que les pré-mices d’autres futures prometteuses félicitées.

De Saint Frusquin ne put voir le colonel qui était parti «en ville», selon le jeune sergent qui servait de secrétaire au maître des lieux.

Cinq Frusques qui n’était jamais au cou-rant de quoi que ce soit, était peut-être au régi-ment, le seul à ignorer que le colonel de Guer-las prenait chaque jour le thé chez une jeune veuve des plus charmantes, qu’il avait instal-lée dans ses meubles et qui n’avait depuis bien

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longtemps, plus rien à lui refuser. De Guerlas, on ne sait pourquoi, considérait que le célibat sublimait en quelque sorte la mission de l’aris-tocratique guerrier qu’il était, espèce en voie d’extinction.

Gaston Chiral, le jeune sergent, exerçait une occulte influence sur tout le régiment de-puis que «pépère Gaétan» comme il appelait en son absence le colonel, se déchargeait sur lui de toute cette ennuyeuse organisation de son emploi du temps.

- Mon commandant, vous n’aurez qu’à ve-nir demain matin à neuf heures précises!

On vous recevra! Rajouta-t-il avec la lé-gère condescendance, qu’il savait pouvoir s’au-toriser sans risque avec le pusillanime officier.

- Zut et rezut, jura in petto le brave gar-çon, et moi qui ai convoqué Morbizeau et son glutier à la même heure, tant pis, on fera avec!

Là-dessus, il décida de rentrer chez lui, dans les beaux quartiers où il vivait avec sa soeur aînée. Il avait tout juste le temps d’en-dosser sa tenue de gala pour l’accompagner à la soirée au profit des nécessiteux du Costa-Ri-ca patronnée par Monseigneur l’évêque.

L’idée ne l’effleura même pas de consul-ter le Larousse en vingt-quatre volumes pour épauler sa mémoire défaillante sur la profes-sion de glutier.

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La soirée caritative fut une réussite à tous points de vue, Monseigneur félicita chaleureu-sement la chorale des Enfants de Marie qui avait interprété avec brio plusieurs oeuvres du répertoire sacré. Hortense-Arthémise de Saint Frusquin la grande soeur était l’âme de cette pieuse institution qui regroupait des jeunes filles de bonne famille, mais acceptait aussi, sous certaines conditions, des filles issues de milieux plus modestes. Elle était secondée dans cette noble tâche par Germaine Galubet qui n’était rien moins que l’héritière des fromage-ries Galubet. Onésime Galubet son vieux père était plus connu sous le nom de Roi du Camem-bert.

Hortense-Arthémise caressait en secret le projet de transformer le déjà long célibat de son amie Germaine eu une union harmonieuse avec son jeune frère de quarante-trois ans.

Ronald n’avait jamais montré une atti-rance excessive pour le sexe faible et lui aurait même préféré la chaude camaraderie de l’un de ses frères d’armes, si la rigueur de ses convic-tions religieuses n’avait contrarié ce doux pen-chant.

Par ailleurs, la nature s’était montrée par-ticulièrement ingrate envers Germaine Galu-bet sur le plan de l’aspect physique. La beauté

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intérieure de l’âme de la vieille fille et son compte en banque des plus ronde-lets séduisaient plus pour tout dire la soeur que le frère.

Mais la vieille de-meure de famille que l’avant-dernier des Saint Frusquin venait par son décès de léguer à son ne-veu aurait bien besoin, surtout la tour nord, de longs mois d’importants travaux.

Germaine, n’était pas restée insensible à

l’élégance et au charme de l’officier de carrière et pour tout dire, serait bien heureuse de se faire donner des «madame la Baronne». Papa avait de quoi redorer bien des blasons!

Monseigneur l’évêque qui était par ail-leurs un cousin éloigné des Saint Frusquin avait donné son améthyste à baiser au commandant.

Hortense s’était ouverte à lui de ce projet matrimonial, et il se promettait, dès que pos-sible, de gourmander Ronald sur son fâcheux célibat.

Comme à l’accoutumée, le principal inté-

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ressé n’avait d’aucune manière soupçonné cet innocent complot et ce ne fut qu’avec la légi-time satisfaction d’avoir pour un temps renoué avec ceux de sa condition qu’il alla se coucher.

Demain, il faudrait bien résoudre cet en-nuyeux contretemps du glutier, en évitant les pièges qu’il soupçonnait tendus nombreux sur son chemin.

Le lendemain matin, comme si un clairon fictif l’y incitait, il sauta du lit à six heures pé-tantes et comme tous les matins, rasé de près, il alla porter à sa soeur la tasse de café, en lieu et place d’une domesticité ayant depuis des dé-cennies déclaré forfait.

Sur le coup de sept heures et demie il télé-phona au poste de garde en ordonnant au jeune aspirant responsable, de contacter au plus vite le capitaine Morbizeau.

Contrairement aux ordres de la veille, ce dernier, accompagné du jeune appelé, devrait se trouver à neuf heures au secrétariat du colo-nel.

Comme tous les jours il monta à neuf heures moins le quart dans la jeep qui l’atten-dait avec son chauffeur à la porte de son im-meuble.

A neuf heures il retrouvait Morbi et son glutier au secrétariat du colon (le colonel).

Le jeune sergent si efficace prit son télé-

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phone et annonça que les trois visiteurs atten-daient.

- Faites-les entrer, que diable! Entendit-on grogner à travers la porte.

Sept secondes plus tard, le commandant, le capitaine et le deuxième pompe (soldat de seconde classe), étaient au garde à vous devant le bureau.

- Asseyez-vous, mes bons amis! vociféra le jovial moustachu, ainsi voici votre oiseau rare ?

Morbizeau, sur un signe de Saint Frus-quin se lança.

- Mon colonel voici le soldat Lardisson, Glutier dans le civil.

- Mais vous êtes venu sans votre grue mon brave! Est-ce, une grue à deux pattes comme celles de la rue du Moulin (rue chaude dans la vieille ville) s’esclaffa le vieux briscard, pen-sant ainsi mettre tout le monde à l’aise.

Lardisson, peu impressionnable, rectifia:- Suis pas grutier avec une grue, mon colo-

nel, j’suis glutier et je fais des glutes!Dix longues secondes s’écoulèrent avant

que de Guerlas réagisse.- Va falloir que j’aille voir le toubib, c’est

ce foutu bazooka de l’autre jour qui m’a chansti-qué les oreilles! Mais j’aime mieux ça! Tudieu Morbizeau voilà de l’original!

Mais dites-moi, mon jeune ami, dans votre

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20 Histoires étranges....profession de glutier, quelle est votre spécialisa-tion?

- Ben vous savez, mon colonel, chez nous on fait sa glute de A jusqu’a Z. Enfin depuis que le père s’est ramassé du haut d’une échelle, di-sons que je suis le seul à avoir repris le flambeau. Comme dit papa, je suis la cinquième génération dans notre gluterie. Mais vous savez, depuis la grande crise de 1929 on a plus de bas que de hauts, même que papa il a fallu qu’il aille tra-vailler à la Fabrique pour joindre les deux bouts.

Mais si que je serais pas venu ici, j’aurais commencé une grande glute encore plus grande que celle que Siméon Lardisson, le grand-père de mon grand-père n’a jamais pu finir, vu qu’il s’est fait tuer à Sedan en 1870.

- Ah la guerre, la guerre! Les Lardisson ont perdu leur glute et nous l’Alsace et la Lorraine.

Mais cette glute dont votre incorporation à malheureusement retardé la réalisation et qui surpasse en taille celle de votre ancêtre, quelles en sont les dimensions ?

- Vous savez, mon colonel, mon projet fai-sait six mètres de haut et également douze mètres à la base y compris les évents, mais surtout ce sera je pense la première de style discoïdal. En vendant six hectares de prairie et de champs de pommiers, j’ai de quoi acheter le bois et les écha-faudages pour construire ma « Méduse », car c’est ainsi que j’ai décidé d’appeler mon proto-

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typeIl parait qu’aux Etats-Unis d’Amérique,

une glute de vingt et un mètres de haut de style cylindro-ogival a été réalisée en bois sur une ar-mature métallique. L’opération aurait été finan-cée par la Navy.

Désireux de cacher à ses subordonnés sa totale incompréhension devant toute réalisation scientifique, mais subjugué par le bagout du

jeune binoclard ( Jérémy Lar-disson portait, fichée sur son nez boutonneux, une paire de lunettes équipée de deux verres épais, à rendre jaloux n’importe quel phare breton), De Guerlas im-provisa:

- N o u s sommes reconnaissants à nos amis américains de l’aide précieuse qu’ils nous ont accordée lors de la libération de notre pays, nous rendant ainsi monnaie de la pièce que le marquis de Lafayette leur avait donnée, mais nous devons leur mon-trer que nos savants valent bien les leurs et que

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22 Histoires étranges....nous savons encore forger nos propres armes. Nos glutes disqui.. disquo..

- Discoïdales, mon colonel, souffla Jérémy.- Comme vous dites, mon jeune ami, elles

valent certainement les cylindro-machin améri-caines. Mes amis, ajouta-t-il englobant du re-gard les trois individus assis devant lui, je dois maintenant vous avertir que rien de ce que je vais maintenant vous révéler ne doit transpirer hors de ces murs.

Ce que Saint Frusquin savait déjà sur la campagne de valorisation de nos Forces Ar-mées, initiée par les plus hautes instances, fut développé avec brio par de Guerlas, avec tou-tefois un enthousiasme sans doute imprudent et certainement prématuré.

Un courrier chiffré partira dès la fin de la matinée à destination du général Lacombillette de Balpot, lui permettant, du fait de cette prise de décision ultrarapide, de couper l’herbe sous les pieds de ses homologues, responsables des autres Régions Militaires.

- Merci à tous, mes amis, vous pouvez dis-poser, conclut-il.

Saint Frusquin, restez, nous devons à pré-sent régler quelques détails.

Le vieux stratège expliqua que d’impor-tantes dispositions devaient être prises sans tarder, afin que pas un seul bouton de guêtre

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ne manquât lorsque la Région se manifesterait positivement.

Vous trouvez pas que votre petit génie a un petit air mal foutu? Faut m’arranger ça!

Tout d’abord, vous allez le muter vite fait à mon étage comme adjoint technologique. Pas mal hein! Adjoint technologique. Si on vous de-mande à quoi ça correspond, vous n’aurez qu’à dire Secret Défense. Vous le collerez dans le bu-reau vide au bout du couloir.

Faudra aussi l’envoyer chez le tailleur et le bombarder première classe.

Pour les lunettes, n’y touchez pas, ça lui donne une binette d’inventeur génial, plus vrai que nature.

Là-dessus, rompez, tout le monde a du pain sur la planche!

Sitôt seul, de Guerlas décrocha son télé-phone et commença à former le numéro du bureau du général puis se ravisa et reposa le combiné.

Il faut vous dire qu’en présence d’autres militaires, autant supérieurs que subordonnés, de Guerlas réagissait aux événements avec une célérité qui forçait l’admiration. Les ordres fusaient immédiatement montrant l’extraor-dinaire puissance analytique du cerveau de ce fier descendant des chevaliers médiévaux.

La réalité était malheureusement tout

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autre. Dans l’intimité notre homme se trouvait constamment confronté à de cruels dilemmes, voire à d’infernales quadratures du cercle.

Cela commençait au petit matin blême, dès son réveil, un doute hideux distillait en son pauvre cerveau les venimeux poisons de l’in-certitude.

Etait-il vraiment judicieux d’affronter ce matin le petit crachin qu’il avait pu entrevoir en écartant les doubles rideaux de la fenêtre de sa chambre, avec le nouvel uniforme en luxueuse sergine, que Lookwood and son, le tailleur de l’élite, lui avait fait livrer la veille ?

N’était-il pas plus raisonnable de remettre sa tenue 47 dans laquelle son « oeuf colonial » que d’autres dénommaient « durillon de comp-toir », bref pour les civils peu au fait de la termi-nologie casernicole, son estomac un peu avan-tageux, se trouvait confortablement dissimulé ?

Oui bien sûr! Mais d’un autre coté, les quelques décorations récompensant une conduite digne d’éloges lors du débarquement en 1944 seraient du plus bel effet sur le fin tis-sage de l’oeuvre d’art du bon faiseur.

Encore qu’à bien y réfléchir, ne vaudrait-il mieux pas réserver aux fidèles de la grand messe de 11 heures, dimanche prochain, la ré-vélation du glorieux accoutrement ?

C’est à ce moment d’intenses tergiver-

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sations que Bachir, son fidèle ordonnance de-puis 10 ans, faisait irruption dans la chambre comme tous les jours en hurlant:

Bijour mon coulonel, t’y mets quoi comme tenue aujourd’hui ?

- Ben voyons, Bachir, la 47 évidemment! - t’as rison mon colonel!Bachir lui servait alors comme d’habitude

un grand bol de café noir, qu’il songeait depuis longtemps à remplacer par quelques rondelles de saucisson avec un grand verre de Juliénas, mais là aussi il pesait le pour et le contre depuis de nombreuses années.

Mais revenons à l’issue de la réunion où comme d’habitude Gaètan de Guerlas venait

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avec concision et célérité de lancer l’opération Méduse.

Le sergent Chiral frappa à la porte et en-tra dans le bureau comme si l’autorisation lui en avait été accordée.

- Mon colonel, vous téléphonez au général ou bien on lui envoie un rapport sur cette affaire?

- On envoie un rapport chif-fré, bien sûr! Prenez note et pas-sez ça au chiffre, fissa!

Ouf! Se dit de Guerlas, la balle est dans le camp du géné-ral, et quand je dis la balle c’est par souci des convenances, je ne sais quel pressentiment m’incline à penser qu’il s’agit plutôt d’un bâton merdeux.

Dans ledit « camp » du général en ques-tion, sitôt arrivé en code morse au bureau du chiffre de la région militaire, le message fut ac-tivement déchiffré sur la « moulinette «récupé-rée dans les surplus américains de la Seconde Guerre Mondiale.

L’adjudant-chef Leborgne, conscient de l’importance du document fit immédiatement appeler une jeep avec chauffeur et indiqua au jeune troufion du contingent qui la conduisait de le mener au plus vite au village de Ram-

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bouilly sur Mer où le restaurant de l’hôtel de la Langouste d’or servait de popote ordinaire au Général.

Toute la bourgeoisie locale venait y dégus-ter les somptueuses spécialités du grand chef étoilé au Michelin, Gianfranco Lombardelli. Sans doute justifiés par l’art consommé du Maître à accommoder les ingrédients les plus onéreux de la région, les prix indiqués sur la carte assuraient aussi l’entre-soi des fortunées élites locales.

Mis à part quelques rares individus de basse extraction, mais à qui leur fortune colos-sale constituait un sésame universel, l’essentiel de la clientèle était pour le minimum, conve-nable et bien pensante.

Lacombillette de Balpot ne cachait pas son appartenance à l’ordre du Saint Sépulcre et retrouvait parfois lors de gastronomiques rencontres, le comte du pape Xavier Radul de Moildar (titre hérité de son aïeul) ainsi que deux autres convives à l’allure distinguée. Cer-tains prétendaient que rodait alors autour de la table, comme une odeur d’Opus Déi.

Tout cela pour vous aider à comprendre que certaines instances gouvernementales socialistes et de plus, de toute vraisemblance franc-maçonnes ne constituaient pas la tasse de thé de notre général.

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Ce vendredi, les deux messieurs distin-gués devaient avoir d’importantes occupations en d’autres lieux et Lacombillette et Radul fai-saient tous les deux maigre en attaquant après deux homards flambés au whisky un gros tur-bot sauce suprême.

Le maître d’hôtel vint chuchoter à l’oreille du plus haut gradé de la région que l’un de ses subordonnés désirait lui remettre un message.

Basculant vers lui sa main gauche à l’index tendu, le général qui en se retournant avait aperçu l’adjudant-chef qui se tenait vers l’entrée du restaurant planté le calot à la main, signifia à ce dernier qu’il pouvait s’approcher.

- Alors Leborgne, c’est la guerre ou bien vous avez foutu le feu au QG?

- Mon général c’est un chiffré classe TX et je me suis dit...

- Donnez-moi ça et allez attendre un peu aux cuisines, pour le cas où! Gianfranco va vous faire servir un petit en-cas.

Le messager claqua les talons et après un demi-tour impeccable s’éloigna et disparut dans les communs.

Lacombillette lut longuement le rapport très détaillé émanant de cette vieille ganache de de Guerlas.

Pliant ensuite en quatre le document et l’insérant dans l’une de ses poches il dit à son

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vis-à-vis:- Je pense posséder dans le message qui

vient de m’être remis tous les ingrédients d’un potage que nous allons servir à tous ces soit-di-sant députés serviteurs zélés de la ‘Démocras-seuse’. Puissent-ils en crever et que le Seigneur nous inspire dans notre lutte contre la Gueuse républicaine. Je suggère que nous contactions au plus vite nos Frères qui n’ont pu se joindre à nous ce midi! D’intéressantes opportunités devraient à mon avis de dégager pour eux dans cette affaire.

Les deux «Frères» en question étaient d’une part Joseph Deribet-Sach héritier et actuel PDG des Acièries de l’Ouest et d’autre part Jean-Jacques Forestar dont le grand-père maternel avait su en temps utile vendre les mil-liers d’hectares qu’il possédait au Congo Belge. Il était actuellement propriétaire d’une soixan-taine de carrières en France et en Belgique et

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était depuis peu majoritaire dans le capital des cimenteries Portlander. Jean-Jacques se flat-tait de plus de liens familiaux avec la famille royale belge.

Ce ne fut que trois jours plu tard, lorsque Deribet-Sach fut revenu d’un voyage en Alle-magne, que Forestar réunit tout le monde dans son château de la Rouvraie.

Il fut décidé que Radul de Moildar serait le coordonnateur des grandes lignes du pro-jet. Lacombillette entreprendrait toutes les démarches auprès du ministère des Armées en présentant le projet sous les plus chatoyantes apparences.

Deribet-Sach selon sa propre expression «tenait en laisse» une bonne douzaine de dépu-tés socialistes et serait bien sûr assuré de l’ap-pui de ceux du centre droit.

Le projet de l’énigmatique engin secret du jeune Lardisson manquait manifestement d’ambition et sans toutefois leur en dévoiler la finalité des experts en métallurgie pour les oeuvres vives et en BTP pour les importantes installations périphériques, lui seraient ad-joints. Une première réunion technique en pré-sence d’un expert en construction navale mit en évidence que le maintient d’une hauteur de six mètres pour la Méduse , mais avec un diamètre

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porté à 22 mètres et trente-trois centimètres ( nombre d’or oblige avait précisé l’expert) ne nuirait en rien, bien au contraire, à l’efficaci-té du dispositif, ainsi que le confirma Jérémy Lardisson.

Le petit consortium mis sur pied par notre général et les trois capitaines d’industrie fut le premier étonné de la facilité avec laquelle le projet se concrétisa.

Une première réunion technique avec les équipes du ministère initiatrices du projet fit apparaître la nécessité de l’organisation rapide d’une sorte de symposium regroupant déci-deurs et spécialistes.

Pour des raisons de discrétion et de confort intellectuel des participants, ceux-ci furent isolés pendant une semaine entière dans un luxueux hôtel d’une petite ile des Antilles.

L’enthousiasme des congressistes montra combien ce choix était judicieux. De fait, le pro-jet «Méduse» fut choisi à l’unanimité comme le plus susceptible de rendre à la France la fier-té de son armée et il fut décidé de mettre les bouchées doubles afin de le concrétiser dès que l’exécutif aura donné son feu vert.

De nombreux députés confirmèrent leur soutien sans réserve au projet présenté par De-ribet-Sach. Un vote nocturne de l’Assemblée Nationale ratifia le tout sans aucun amende-

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ment. L’armée française disposait sur le terri-

toire national de plusieurs vastes zones en gé-néral impropres à la culture, où elle pouvait tout à loisir tester les nouveaux armements à l’abri des regards de curieux parfois malinten-tionnés.

Le jeune Lardisson ayant indiqué qu’un lac ou étang de quelques hectares et d’une pro-fondeur minimale de vingt mètres était néces-saire pour tester la Méduse , le ministère déci-da que l’immense terrain militaire situé près d’Embourbe-le-Petit dans le département de Marne et Garonne accueillerait les scienti-fiques. D’anciennes carrières dont on extrayait déjà dans l’antiquité la fameuse pierre à bri-quer (et non pas à briquet comme le dit impro-prement une inculte populace) n’étaient plus exploitées depuis bien longtemps. En fait de-puis qu’un malencontreux coup de pioche avait en 1830 percé la roche sous laquelle une petite rivière souterraine cheminait clandestinement, en moins d’un an l’immense carrière devint un profond plan d’eau bientôt colonisé par la gent piscicole et batracienne.

Cette abondance de nourriture ne tarda pas à attirer parfois quelques rares volatiles de passage, friands d’alevins et de tendres têtards.

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C’est en 1919 que par la volonté d’un amoureux des oiseaux et de la nature, cette perle d’eau claire malheureusement enchâssée dans un sol caillouteux recouvert çà et là d’une chiche végétation entama sa transformation en une grouillante et verdoyante réserve ornitho-logique.

Y débarquèrent en effet à cette époque, venant directement de Verdun, quelques resca-pés d’une compagnie d’infanterie commandée par le capitaine Scarbouchu. Ce dernier était ce que l’on nommait à l’époque une « gueule cassée ». Un éclat d’obus germanique lui avait sectionné net son avant-bras droit après lui avoir arraché une oreille et un bon morceau de la joue.

Au cours de la décennie suivante sous la houlette du capitaine, des centaines d’appellés du contingent, pour la plupart cultivateurs dans le civil, plantérent de jeunes arbres sur la berge nord du lac et des plantes aquatiques dans une portion du lac peu profonde. Scarbouchu de-vint commandant puis c’est en lieutenant-colo-nel qu’il admira pour la dernière fois les cen-taines d’échassiers qui revenaient au nid le bec plein de proies pour leurs oisillons. L’histoire ne dit pas si dans sa maison de Bonifacio il ne regrettait pas parfois son cher lac.

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Les premiers jours du mois qui suivit le vote à l’Assemblée virent débarquer dans les grands peupliers du nord du lac une compa-gnie de sarcelles cendrées et sur la Rive-Sud une demi-douzaine de jeeps Panhard. De ces véhicules descendirent quelques individus tous revêtus de sahariennes couleur sable et aussi quelques officiers supérieurs, les uns en tenue kaki et deux autres en vareuse bleu marine.

Le contenu (en un seul mot) de l’une des sahariennes était un grand échalas dont les fines lunettes à monture dorée soulignaient l’intellectualité d’un visage distingué. D’un ample mouvement du bras il désignait visible-ment à un auditoire attentif, une vaste portion des berges du lac.

Xavier-Dominique Jouffrault-Roudèje ne cachait jamais à ses interlocuteurs qu’il était détenteur d’un master d’Harvard et comme il émaillait volontiers sa conversation d’expres-sions anglo-saxonnes, nul ne mettait la chose en doute. Il faisait partie du « staff » de Jean-Jacques Forestar qui lui avait le mois passé tenu les propos suivants.

- Mon petit Domi (Forestar familier de-puis toujours des Joufrault-Roudège avait bien souvent jadis fait sauter le petit Domi sur ses genoux) tu es le seul à qui je puisse confier une

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mission un peu délicate dont je vais mainte-nant t’entrete-nir.

C o m p t e tenu d’une conjonc ture actuellement morose et de nos récentes c a t a s t r o -phiques opéra-tions minières au Mexique, la survie du groupe ne tient plus qu’à la généreuse manne du minis-tère. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que toute l’opération ne semble reposer que sur l’im-probable savoir d’un bien peu crédible scienti-fique.

J’ai donc obtenu que le dénommé Lardis-son Jérémy soit, durant le laps de temps qu’il doit encore à la défense de la France, détaché dans notre Centre d’Etudes de Verluche-le-Vicomte. Deux ingénieurs des Aciéries de l’Ouest, spécia-listes de la résistance des matériaux s’y trouvent aussi pour l’épauler dans les calculs de l’impo-sante structure mécanique.

C’est toi, mon Domi, qui joueras le rôle de porte-parole du « père de la Méduse ». Moins

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on sortira ce zèbre et moins on risquera de faire foirer la combine.

A toi d’expliquer combien Monsieur Lar-disson est surchargé de travail et t’a délégué à sa place.

Tu n’auras qu’un seul leitmotiv:« tout avance comme prévu, mais secret

militaire exigeant, tu n’es pas habilité à en dé-voiler plus. »

Ce que tu penses de Lardillon:« tout simplement le Léonard de Vinci du

vingtième siècle. »Inutile de t’en dire plus, je crois que tu es

encore plus doué que moi pour jeter de la poudre aux yeux, bon sang ne peut mentir.

Xavier-Dominique savait depuis toujours qu’il ne devait qu’uniquement son patronyme à l’époux de sa mère et qu’il était en fait le seul héritier de son actuel vis à vis.

Voilà donc pourquoi c’était cet intéres-sant jeune homme qui expliquait avec force détails à un auditoire attentif, ce que seraient dans moins d’un an ces inhospitalières berges du lac.

- Vous êtes messieurs à l’endroit exact où s’élèvera bientôt l’immense hangar d’assem-blage de la Méduse. Vous avez sans doute remar-qué tout au long des deux kilomètres de chemin

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caillouteux que nos véhicules viennent d’em-prunter, des poteaux métalliques disposés de part et d’autre du chemin. Une épaisse chappe de béton armé de 12 mètres de large permettra aux convois spéciaux d’acheminer jusqu’au hangar les lourds éléments métalliques élaborés dans de lointaines usines, afin qu’ils y soient finalement assemblés.

Du hangar au lac, séparés par une cen-taine de mètres, sera également coulée une autre chappe de béton de forte épaisseur capable de supporter l’énorme poids de la Méduse qu’un berceau métallique glissant sur des rails amè-nera avec d’infinies précautions à son mouillage final.

Sur votre gauche, à la place du baraque-ment militaire que vous voyez où nous sera servi tout à l’heure un petit en-cas, s’élèvera une sorte de village provisoire susceptible de loger confor-tablement la centaine d’ouvriers et de collabora-teurs permanents.

Je passerai rapidement sur les construc-tions périphériques édifiées sur la droite du han-gar qui assureront le stockage et l’entretien des nombreux engins mécaniques ainsi que la petite centrale électrique équipée de huit groupes élec-trogènes. Des cuves de carburant d’une capacité totale de vingt-sept mètres cubes seront enterrées à proximité rendant le chantier totalement auto-

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nome.Voici Messieurs ce que m’a chargé de vous

décrire Jérémy Ardisson qui avec son équipe met en ce moment la dernière main au coeur propre-ment dit de l’appareil.

Je vous suggère maintenant de m’accom-pagner dans le baraquement où je l’espère, la table primera le cadre et où je répondrai à vos éventuelles questions si elles ne contreviennent pas à l’obligation de secret qui m’est imposé.

Suivant sans grand enthousiasme son ci-cérone vers le baraquement mal fichu en espé-rant pouvoir s’assoir un peu à l’ombre, la petite troupe entra dans le local bien plus vaste qu’il n’y paraissait de prime abord.

La vue du somptueux buffet tout nappé de blanc tissu se répandant jusqu’au sol en d’élégantes draperies faisait penser avec ses six serveurs dont le noeud papillon noir soulignait le smoking immaculé, à quelque solennel autel dressé avec ferveur pour honorer une puissante divinité, effaça immédiatement toute morosité sur le visage des participants.

La profusion des seaux à glace dans les-quels, prêtes au sacrifice fraichissaient une forte escouade de Dom Ruinart millésimé, émaillaient de leurs éclats adamantins les py-ramides de toast au béluga d’Iran le plus fin

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et les somptueux bouquets de gambas. Plus loin, foies gras d’oie truffés mêlaient leurs fragrances aux empilements d’arachnéennes tranches de Serrano.

Plus en retrait, deux rôtisseurs s’affai-raient autour de deux broches faisant tourner au dessus d’un lit de rougeoyantes braises, tendres chevreaux et grassouillets cochons de lait. Mais pourquoi, juste Ciel, avait-on affublé ces deux malheureux garçons d’une taleguilla, d’un chaleco le tout surmonté d’une montera ?

Xavier-Dominique, lui-même surpris de ce ridicule accoutrement de peones d’opérette craignit un court instant que les invités prennent

la chose en mauvaise part. Nos bonshommes n’allaient-ils pas s’identifier au pauvre taureau faisant les frais du spectacle ?

Vaines craintes, sans doute accoutumés dans leurs ministères respectifs à de plus fru-gales agapes, assurés désormais par cette surabondance de faire ripaille, c’est avec un semblant de noncha-

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lante sérénité qu’ils s’approchaient cependant du buffet.

Bientôt tous pourvus d’une coupe de brut par des serveurs attentifs, certains, plus aven-tureux avaient déjà ébréché une pyramide de toast grassement enduits du savoureux caviar.

Rassuré sur le moral retrouvé de ses in-vités, Xavier-Dominique comprit que l’heure n’était plus aux questions techniques. Tous sa-vaient maintenant que confié à des industriels capables d’une organisation aussi minutieuse-ment attentive aux moindres détails, le projet Méduse était désormais sur des rails solides.

Malgré d’héroïques efforts des convives, la gargantuesque forteresse de victuailles ne fut que partiellement consommée et une der-nière coupe de champagne permit de porter un toast à un projet unanimement encensé par ces intègres comptables des deniers de la Répu-blique.

Malgré les nids de poule de la piste mi-litaire, quelques « huiles des ministères » pi-quèrent un petit roupillon dans les jeeps qui les ramenaient vers la civilisation. Mais la semaine suivante, toutes les barrières administratives étant levées une noria de toupies déversa sur la zone TRD27 (son nom de code au ministère de la guerre) des centaines de tonnes du béton

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produit par les cimenteries Portlander.

Jour après jour, une route lisse comme un billard s’avançait vers le lac et bientôt, des fon-dations du hangar surgit l’énorme abri d’où un jour prochain l’arme secrète française, telle un puissant navire de guerre glisserait majestueu-sement vers sa base de lancement.

Huit mois s’étaient écoulés depuis la visite des officiels lorsque le premier convoi excep-tionnel, parti des Acièries de l’Ouest déposa dans le hangar la structure numéro 1 ou sept autres similaires la rejoindraient et se raccor-deraient pour former l’ossature de la Méduse.

Les épaisses plaques d’acier qui recouvri-raient in fine l’ensemble étaient en grande par-tie déjà forgées dans l’usine de Grunhilbach en Sarre dont Deribet-Sach était un important actionnaire.

A la Défense, les avis étaient partagés sur la finition de l’engin. Devait-il comme les autres matériels bénéficier de la classique peinture de camouflage ou bien au contraire avoir ses blin-dages en acier 18/8, traités poli-miroir ?

Malgré le surcout important de ce der-nier traitement, et un délai supplémentaire de deux mois qu’imposait ce minutieux processus, l’avis de l’Armée de l’Air fut prépondérant et le polissage fut adopté.

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Enfin le 15 février 1955, l’énorme engin, scintillant de mille feux sous la lumière des projecteurs venait d’être achevé. Lardisson manoeuvrant depuis l’étroit poste de com-mande seulement accessible par une ouverture coulissante pratiquement indécelable et duquel seul un étroit escalier métallique permettait d’atteindre la complexe machinerie interne, déclara que dès le long processus d’immersion achevé, la première glute discoïdale serait tota-lement opérationnelle.

Il fallut attendre le mercredi 2 mars pour que Monsieur Letocart, délégué spécial pour les problèmes de défense nationale auprès du Président du Conseil, trouve un créneau dans son agenda pour honorer de sa présence l’im-mersion. Le général Lacombillette de Balpot, réel initiateur du projet accompagnerai Mon-sieur Letocart.

On déplora malheureusement l’absence des représentants de l’industrie lourde, mes-sieurs Deribet-Sach et Forestar étant retenus en Bolivie par d’importantes négociations avec les dirigeants de ce pays ami.

Il fut décidé que préalablement à l’im-mersion, le général rendrait un hommage pos-thume au comte Ranul de Moildar récemment décédé d’un arrêt cardiaque et seul respon-

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sable et coordonnateur des efforts de tous.Une estrade recouverte d’un dais avait

été érigée afin de permettre aux rares invités d’assister confortablement aux essais secrets du prototype 001 de la Méduse.

A 10 heures exactement, les lourdes portes coulissantes du hangar s’ouvrirent si-lencieusement et glissant lentement sur les six rails d’acier s’avança le berceau supportant l’énorme disque qui renvoyait le pâle éclat du soleil hivernal.

La petite assemblée sentit immédiatement qu’une ère nouvelle commençait et que désor-mais, plus rien ne serait comme avant. Comme inconsciente de l’agitation qu’elle déchainait dans les esprits, la Méduse avançait au pas, mue par la gravité du fait de la légère pente de

l’énorme dalle dont l’extrémité s’avançait dans les flots.

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Asservis par un astucieux dispositif oléo-pneumatique, de puissants freins à disques maintenaient constante la vitesse du chariot.

Du sas ouvert sur le poste de contrôle et dominant l’estrade officielle, le buste de Lar-disson semblait signifier à tous combien, lui, faible assemblage de chair et d’os, maîtrisait la monstrueuse construction.

Enfin le chariot disparut dans l’onde et la méduse maintenue par deux élingues flottait maintenant sur le lac et s’éloignait de la berge tirée par un long câble mu par un treuil depuis la rive opposée.

Arrivée au milieu du lac le beau submer-sible s’immobilisa et Lardisson après avoir soi-gneusement fermé derrière lui la porte étanche coulissante mis pied dans un dinguy qu’un mi-litaire avait approché à la rame.

Le fragile esquif s’éloigna d’une ving-taine de mètres de l’engin afin de vérifier le bon déroulement de la séquence d’opérations auto-matiques qu’un subtil mécanisme d’horlogerie allait enclencher dans quelques instants.

Un claquement significatif indiqua que des ballasts allaient maintenant s’emplir, ce qui allait permettre à la glute de venir doucement se poser sur le fond rocheux du lac. En moins de dix minutes, ce fut chose faite.

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C’est alors que jaillit hors de l’eau comme une sorte de demi-sphère métallique d’un bon mètre de diamètre, de toute évidence reliée à la glute immergée par un long tuyau souple, un peu comme une fleur de nénuphar émerge à la surface de l’eau, mais se trouve solidaire du fond par sa tige.

Un bon quart d’heure s’écoula encore puis surgissant des abimes une série de grosses bulles d’air vint crever la surface liquide conte-nue dans la demi-sphère et par l’effet d’une sorte d’amplification sonore lié à la forme très spéciale de la fine corolle métallique tout le monde entendit distinctement:

Gllut....gllut...glutt...gluttt- Cà marche! hurla Lardisson dans sa

barque en agitant frénétiquement les bras.Gràce à l’immense réservoir d’air conte-

nu dans les flans de la Méduse, trois mois plus tard, toutes les deux minutes, avec une régula-rité de métronome, de caverneux « glutt » ve-naient encore inquiéter les oiseaux migrateurs de passage.

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Epilogue.

Le général Lacombillette de Balpot fut admis à faire valoir ses droits à la retraite. Le jeune Lardisson fut envoyé dans les Aurès algériens pour aider à maintenir l’ordre dans nos beaux départements français d’Afrique du Nord, jusqu’a la fin de la durée légale de son incorporation sous les drapeaux. Puis comme ses compagnons de la même classe d’âge, il fut maintenu bien malgré lui six mois de plus.

Xavier-Dominique Jouffrault-Roudège rejoignit en Argentine son père naturel qui comme son ami Forestar avait reconverti dans ces terres australes ses précédents avoirs en Europe en d’immenses propriétés au sous-sol prometteur. Aucun accord d’extradition n’ayant été signé entre les deux pays, la France avait renoncé à demander des comptes aux deux hommes d’affaires.

Le dossier Méduse dort profondément depuis cette lointaine époque dans les archives du ministère où tout le monde veille à sa tran-quillité.

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Communiqué de l’auteur.

Si page après page vous avez réussi à ingurgiter en entier la potion que constitue la narration de cette lamentable histoire, je vous admire!

En ce qui me concerne, bien que j’en sois l’auteur, relire le tout fut au dessus de mes forces. Ne m’étant donc ni relu ni corrigé, il en résulte, chers lecteurs, que vous avez sans doute été amenés à déplorer une profusion de contre-sens, fautes de style et fautes d’orthographe dont ce malheureux texte est encore plus truffé que ceux que je commet d’ordinaire.

Veuillez me le pardonner.Rassurez-vous toutefois car mes pro-

chaines histoires seront parfaites car je viens de prendre toutes dispositions pour qu’il en soit ainsi.

Je viens en effet d’investir mon dernier billet de cinquante euros dans des grilles de LOTO émises par la Française des Jeux. Dès la semaine prochaine, heureux gagnant, je vais donc m’offrir tout ce que les grands éditeurs fournissent gracieusement aux «people» qui ont tant de belles histoires intimes à vous ra-

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conter.Les deux prochaines nouvelles passeront

donc préalablement par le filtre d’un, voire deux correcteurs professionnels, puis seront confiées à des experts en typographie qui dispo-seront texte et illustrations selon les canons de leur belle profession. Ainsi seront comblés les fins lettrés qui s’égaraient trop souvent dans la lecture des torchons indignes que je m’échinais sottement à réaliser de A jusqu’à Z

Pour les oeuvres suivantes que j’honore-rai de ma signature, afin d’éviter corrections et réecritures de phrases incompréhensible, elles seront directement imaginées et rédigées par l’un de ces «nègres» que je rémunerai grasse-ment et sans qui la littérature actuelle ne serait pas ce qu’elle est!

YV de BPost scriptum.Les photos vaguement redessinées qui

émaillent sans aucune logique ce très contes-table récit, représentent des militaires appelés ou de carrière de cette époque avec qui en ma compagnie risquèrent leur vie en Algérie pour le résultat que nous connaissons. Ces officiers, sous-officiers et troupiers étaient pour la plupart bien éloignés des caricatures présentées dans cette histoire et ont mérité votre respect.

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