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Hydatidose : Kyste hydatique L’hydatidose humaine est une cestodose provoquée par la forme larvaire d’un ténia du chien : Echinococcus granulosus. Il s’agit d’une anthropozoonose constituant un véritable fléau dans certains pays d’élevage. Epidémiologie La forme larvaire se développe préférentiellement dans le foie. Elle est constituée d’une membrane lamellaire (couches stratifiées de polysaccharides) tapissée d’une membrane germinative (cellules à l’origine de la larve) et se remplit progressivement d’un liquide clair « eau-de-roche ». Elle peut contenir des vésicules et des centaines de protoscolex (200 microns), têtes des futurs adultes, munies de ventouses et de crochets. Autour de la larve hydatide, se forme l’adventice, réaction fibro-scléreuse de l’hôte, qui délimite les contacts avec l’hôte. Est appelé « kyste hydatique » la larve hydatique plus l’adventice. Kyste hydatique entier Kyste hydatique ouvert avec vésicules filles remplies d’un liquide clair contenant les protoscolex.

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Hydatidose : Kyste hydatique

L’hydatidose humaine est une cestodose provoquée par la forme larvaire d’un ténia du chien : Echinococcus granulosus. Il s’agit d’une anthropozoonose constituant un véritable fléau dans certains pays d’élevage.

Epidémiologie

La forme larvaire se développe préférentiellement dans le foie. Elle est constituée d’une membrane lamellaire (couches stratifiées de polysaccharides) tapissée d’une membrane germinative (cellules à l’origine de la larve) et se remplit progressivement d’un liquide clair « eau-de-roche ». Elle peut contenir des vésicules et des centaines de protoscolex (200 microns), têtes des futurs adultes, munies de ventouses et de crochets.Autour de la larve hydatide, se forme l’adventice, réaction fibro-scléreuse de l’hôte, qui délimite les contacts avec l’hôte. Est appelé « kyste hydatique » la larve hydatique plus l’adventice.

Kyste hydatique entier

Kyste hydatique ouvert avec vésicules filles remplies d’un liquide clair contenant les protoscolex.

Le cycle est hétéroxène :- l’hôte définitif hébergeant les adultes : c’est le chien.- l’hôte intermédiaire hébergeant la forme larvaire : le mouton habituellement,

l’homme accidentellement. La contamination se fait après absorption orale des embryophores (œufs embryonnés) de E. granulosus présents dans les fecès de chien parasité. La contamination humaine se fait :

- soit directement par contact avec un chien infesté (œufs présents sur le pelage) - soit indirectement, par l’intermédiaire de crudités ou d’eau souillées par les

embryophores.

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C’est une parasitose cosmopolite qui sévit surtout dans les régions d’élevage, en particulier dans les régions où de grands troupeaux de montons sont gardés par des chiens :

- Bassin méditerranéen, en particulier Algérie (régions de Constantine ++), Chypre, Péninsule ibérique, Sicile et pour la France, Bouches-du-Rhône et Corse.

- Amérique du Sud (Argentine, Uruguay)- Australie, Nouvelle Zélande- Asie Centrale

Dans ces foyers, l’hydatidose atteint surtout les enfants, en contact étroit avec les chiens et les professions exposées : bergers, vétérinaires.

Symptomatologie clinique et paraclinique

L’hydatidose est caractérisée par la lenteur de son évolution et par son allure insidieuse. Elle reste asymptomatique pendant de nombreuses années. Elle est bien souvent découverte à l’occasion d’une radiographie systématique ou d’une complication. La symptomatologie, lorsqu’elle existe, dépend de la localisation.

1) Hydatidose hépatiqueLa plus fréquente : 60-70 % des cas, souvent multiple (30 %), parfois associée à d’autres localisations, en particulier pulmonaires : 10 %Le kyste hydatique évolue souvent pendant plusieurs années (3 à 10 ans) avant que les manifestations cliniques apparaissent. Il est souvent diagnostiqué à l’âge adulte.A la latence des formes débutantes s’oppose la gravité des complications.

a) Kyste hydatique du foie non compliquéIl réalise un tableau d’une hépatomégalie bien tolérée, découverte :

- lors d’un examen systématique (abdomen sans préparation – A.S.P. – par exemple)

- à l’occasion de manifestations allergiques (urticaires)

A l’examen clinique, on observe un gros foie indolore, isolé, à surface lisse le plus souvent.

Une radiographie sans préparation de l’abdomen révèle parfois une déformation en « brioche » de la coupole diaphragmatique droite, en cas de localisation supérieure, le plus souvent des calcifications cernant complètement ou partiellement le kyste.

La ponction biopsie hépatique est formellement contre-indiquée car elle présente des risques de dissémination des protoscolex et d’échinococcose secondaire et des risques de choc anaphylactique. En fait, elle est de plus en plus souvent pratiquée par les radiologues à titre diagnostique, mais aussi thérapeutique (injection de produit scolicide).

Les opacifications vasculaires sont utilisées par certains chirurgiens en pré-opératoire : splénoportographie ou artériographies sélectives du tronc coelique et de la veine mésentérique supérieure. Elles apportent des renseignements précis sur les rapports des vaisseaux sanguins avec le ou les kystes. Les kystes d’un certain volume donnent des images :

- de refoulement vasculaire- d’encorbellement de l’arborisation portale ou artérielle hépatique- de lacune avasculaire, en général nette, au temps parenchymateux

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- au temps artériolaire de l’artériographie, apparaît souvent un liseré hypervascularisé autour du kyste (péri-adventiciel).

L’échotomographie est parfaitement tolérée, elle permet d’identifier des kystes de 1 à 2 cm de diamètre et de préciser la nature liquidienne ou solide de la tumeur. La rate et les reins sont explorés au cours du même examen.

La tomodensitométrie (scanner) est actuellement le moyen radiologique le plus utilisé, aussi bien pour le diagnostic que pour la surveillance post-opératoire. Elle fournit des renseignements plus précis que l’échotomographie (en particulier elle permet de repérer des kystes de moins de 1 cm de diamètre) ; mais elle est plus coûteuse. Elle permet de visualiser la rupture d’un kyste : image en « étoile » traduisant le décollement des membranes parasitaires.

scanner d’un kyste hépatique

b) Kyste hydatique du foie compliquéLa guérison spontanée est rare, et la tendance naturelle du kyste hydatique du foie est de se compliquer. Ces complications sont souvent graves.

- Ouverture dans les voies biliairesElle se traduit par l’apparition de douleurs de la région hépatique, de troubles dyspeptiques, de poussées d’urticaire.Si l’ouverture des voies biliaires est suffisamment large pour permettre la migration de débris parasitaires, on observera des coliques hépatiques (douleurs souvent intenses), un ictère par rétention, des manifestations d’angiocholite (douleur et fièvre).

- InfectionElle succède à la fissuration dans les voies biliaires. Elle est le plus souvent subaiguë, fragilisant le kyste et en favorisant la rupture.

- RuptureElle s’effectue dans toutes les directions, surtout dans le péritoine et la plèvre

- la rupture dans le péritoine est parfois favorisée par un traumatisme (accident de voiture, de sport…). Elle peut être dramatique d’emblée avec syndrome péritonéal (« ventre de bois ») et choc anaphylactique ; elle peut être aussi muette et ne sera révélée que tardivement par la découverte d’une échinococcose secondaire.

- la rupture dans la plèvre ou les bronches est à l’origine d’une échinococcose pleuropulmonaire secondaire. Elle se traduit par une suppuration bâtarde de la base droite.

- Autres complications

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Elles sont plus rares :- Compression des voies biliaires extra-hépatiques avec ictère rétentionnel- Compression du système porte avec hypertension portale- Compression des veines sus-hépatiques avec syndrome de Budd-Chiari.

2) Hydatidose pulmonaireElle se rencontre dans 15 à 20% des cas

- tantôt secondaire, compliquant un kyste hydatique du foie,- tantôt primitive, lorsque l’embryon hexacanthe a, d’emblée, forcé le barrage hépatique.

a) Elle est souvent latente et découverte lors d’un examen radiographique systématique, sous forme d’une ou plusieurs opacités arrondies intra-parenchymateuses : en « boulet de canon » ou en « lâcher de ballons » en cas de localisations multiples surtout secondaires.

Kyste hydatique pulmonaire en « boulet de canon »

b) Manifestations cliniques Elles apparaissent en général plus précocement que dans le cas de l’hydatidose hépatique :

- dyspnée, gêne respiratoire- toux d’irritation- douleurs intra-thoraciques parfois.

c) Evolution Ce kyste est fragile, la réaction de l’hôte ou adventice est réduite et il est soumis à d’importantes contraintes mécaniques.Il peut se rompre brutalement dans les bronches, provoquant une vomique de liquide clair et salé, avec débris parasitaires (comme des peaux de raisins sucées).Il peut aussi se fissurer, s’infecter et engendrer des hémoptysies abondantes.

Image en « lâcher de ballons »

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L’image radiologique dans ces cas se modifie : croissant clair supérieur plus ou moins net, ou image hydro-aérique, avec parfois membranes flottant sur le niveau liquide comme nénuphar (figure 5).

Aspect tomodensitométrique d’un kyste hydatique hépatique rompu

Aspect radiologique d’un kyste hydatique pulmonaire rompu

Kyste hydatique sain

Croissant clair

Image hydro-aérique

Image hydro-aérique avec décollement des membranes parasitaires

Kyste hydatique rompu

Membrane décollée (aspect en « étoile »)

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3) Autres localisations (rares)

a) Cérébrale Elle engendre un syndrome tumoral, surtout chez l’enfant, avec hypertension intracrânienne (céphalées, vomissements…)

b) SpléniqueLe kyste hydatique est souvent calcifié et bien toléré mais il peut aussi se rompre à l’occasion d’un traumatisme ou d’une ponction intempestive devant une grosse rate.

c) OsseuseLes localisations les plus fréquentes sont le rachis, le basin et les os du crâne.Dans les os, l’hydatide est mal limitée (pas d’adventice) prenant un aspect multivésiculaire. Elle se traduit par ses images géodiques arrondies ou ovalaires.Cette hydatidose n’est parfois découverte qu’à la suite d’une fracture spontanée, elle est d’exérèse difficileL’atteinte rachidienne peut se compliquer de compression médullaire.

Tous les organes et les tissus peuvent être le siège d’une hydatidose. La symptomatologie varie avec l’organe parasité, mais comprend essentiellement des signes de compression.

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE

Il est orienté par l’interrogatoire et l’enquête épidémiologique, ainsi que par des examens radiologiques.

1) Diagnostic indirect : de présomption (avant l’intervention chirurgicale)

a) Non spécifiqueL’éosinophilie est variable :

- au stade de kyste avéré, elle est normale ou légèrement augmentée (7 à 15%)- elle est plus élevée à la phase initiale de croissance où le contact entre le parasite et l’hôte est le plus intime, et en cas de fissuration ou de rupture.

Les paramètres hépatiques sont normaux sauf en cas de compression biliaire.

Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles est observée en cas d’infection du kyste. Les IgE totales sont augmentées dans 50 à 80 % des hydatidoses humaines.

b) Spécifique :La sérologie, associée aux signes cliniques et aux techniques d’imagerie, a beaucoup de valeur pour le diagnostic de l’hydatidose avant l’intervention chirurgicale.

Les méthodes utilisées sont nombreuses :- certaines sont sensibles, utilisées comme test de dépistage : immunofluorescence

indirecte, hémagglutination indirecte, ELISA.

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- d’autres sont plus spécifiques : électrosynérèse, immunoélectrophorèse avec identification d’un arc spécifique (l’arc 5) et maintenant western blot, ces dernières étant utilisées comme techniques de confirmation.

Ces tests (en général au moins deux de dépistage) permettent le diagnostic de la majorité des cas d’hydatidose hépatique (90%) (sauf les kystes morts ou avec une paroi très épaisse et calcifiée).

Ils sont au moins constamment positifs dans les autres localisations, en particulier pulmonaires (65%) et osseux (30%).

La surveillance sérologique post-opératoire montre, après une ascension du titre des anticorps dans les 4 à 6 semaines après l’intervention chirurgicale, leur disparition en plusieurs mois (jusqu’à 5 ans) si la cure a été complète. Leur augmentation secondaire doit faire suspecter une récidive du kyste.

2) Diagnostic direct : diagnostic de certitude

a) Analyse de vomique ou de ponction d’un kyste hydatiqueL’examen microscopique direct sur le liquide contenu dans le kyste permet d’affirmer le diagnostic, en mettant en évidence des débris de membrane lamellaire, des crochets ou des protoscolex entiers. Cet examen direct permet de déterminer la vitalité éventuelle des protoscolex.

b) Analyse d’une pièce d’exérèse L’examen macroscopique du kyste permet d’apprécier sa taille, l’épaisseur de la paroi kystique et l’état des membranes parasitaires : blanchâtres ou d’aspect pseudo-gélatineux. L’examen microscopique anatomo-pathologique peut éventuellement être fait après fixation. Il ne permet pas d’apprécier la vitalité des protoscolex.

TRAITEMENT

1-Chirurgical (essentiellement)Il faut enlever le kyste le plus complètement possible et éviter tout essaimage parasitaire au

cours de l’intervention. L’idéal est d’enlever le kyste sans l’ouvrir.

Si le volume du kyste ou l’importance de ses rapports anatomiques l’interdit, il faut le stériliser au préalable en injectant de l’alcool à 95° (ou une solution salée hypertonique, ou de l’eau oxygénée) – avant de l’ouvrir pour évacuer les éléments parasitaires (technique PAIR : ponction, aspiration, injection, ré-aspiration).

Une échographie de contrôle et une sérologique de contrôle sont à faire tous les trois mois pendant la première année suivant l’opération avec un contrôle à deux ans.

2-Médical (parfois)

Le traitement médical seul est indiqué quand : L’état général ou cardiaque obligeant à différer l’intervention chirurgicale Les kystes sont inopérables (osseux, kystes multiples…) Il y a rupture pré-opératoire du kyste, en prévention d’une échinococcose secondaire.

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Il y a récidive après cure chirurgicale.

Actuellement, on utilise surtout un dérivé imidazolé, l’albendazole (Eskazole®), il n’y a pas de consensus sur les doses et la durée du traitement.

L’efficacité de cette thérapeutique dépend de la taille et de la localisation des kystes, les meilleurs résultats étant observés pour des kystes de petite taille à localisation hépatique.

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PROPHYLAXIE

1) Individuelle : Elle passe par l’information et l’éducation sanitaire dans les zones d’endémie :

- Interdire l’accès des chiens dans les potagers- Se laver les mains après avoir caressé un chien- Eviter la promiscuité chien-enfant- Faire un dépistage sérologique des populations à risque : bergers, vétérinaires.

2) Collective Elle cherchera à interrompre le cycle naturel du parasite :

- Suppression des chiens errants- Leur interdire l’accès aux abattoirs- Administration régulière de ténifuges aux chiens familiers (avec destruction des fécès)- Surveillance sanitaire des abattoirs et destruction des viscères hydatifères.

En pratique, l’élevage des moutons en pâtures clôturées, réduisant la promiscuité chiens-moutons, est la méthode la plus efficace.

Image hydro-aérique avec décollemen

Image hydro-aérique

Croissant clairKyste hydatique sain