Jullien Montalban

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    Crise conomique et crises des industries : des relations mdiates. Un cadre danalyse des mdiations macro-mso appliqu lanalyse de la

    crise des industries pharmaceutique et automobile

    Bernard Jullien et Matthieu Montalban GREThA UMR 5113, Universit Montesquieu Bordeaux IV

    Introduction : La crise qui sest ouverte depuis dsormais deux ans est avec raison considre comme la crise dun rgime daccumulation particulier : elle est effectivement la consquence dun ensemble de dsquilibres macroconomiques et de lchec du mode de rgulation canaliser ces dsquilibres. Paralllement cette analyse, il est pertinent de souligner, avec la plupart des analystes, que ce sont les drives et lautonomisation du fonctionnement du secteur financier, avec le dveloppement de produits et crances douteuses, le rgime de concurrence et les systmes dincitation particuliers qui sy sont dvelopps, qui furent les allumettes qui firent exploser la dynamite dun rgime macroconomique instable. Sur ces bases, on peut par exemple traiter de la financiarisation comme de linstitutionnalisation de la subordination au secteur de la finance et du capital financier de lensemble de la dynamique conomique, amenant une nouvelle hirarchie entre industries et formes institutionnelles, ainsi qu des transformations plus ou moins diffrencies entre secteurs. Dans le mme temps, sil ne sagit ici pas de nier le caractre systmique et global de la crise, celle-ci impacte diversement les diffrents secteurs : il existe une distribution intersectorielle des effets de la crise et cela interroge clairement le rapport entre crise macroconomique et crise sectorielle puisque les dsquilibres macroconomiques non seulement nont pas les mmes effets sur toutes les industries mais ressortent encore comme tant largement la consquence de dsquilibres intersectoriels et de dynamiques sectorielles partiellement autonomes. Les approches traditionnelles de la crise du capitalisme se centrent sur lanalyse des rgimes daccumulation et les problmes de bouclage macroconomique et dinstabilit financire. Elles sinterrogent plus rarement sur ses consquences sectorielles et moins encore sur ses ventuels dterminants sectoriels. Ainsi, les approches macroconomiques ont les dfauts de leurs avantages : elles permettent de simplifier lanalyse, mais elles risquent toujours soit de faire prvaloir implicitement lide dun pur isomorphisme macro-mso-micro, soit, ce qui revient au mme, lhypothse dune pure subordination du mso au macro. Pour progresser, il apparat alors ncessaire de concevoir et de reprsenter les rgimes de mdiation entre le macro et le mso, afin danalyser les conditions de soumission ou de soustraction des secteurs au rgime macroconomique, et, en retour, la contribution des secteurs ltablissement et lentre en crise des rgimes daccumulation. La question des dsquilibres intersectoriels nest certes pas nouvelle pour la TR, mais elle se pose aujourdhui avec une acuit particulire et nous incite construire des outils thoriques pour comprendre les processus darticulation et/ou dautonomisation du mso au macro. Ces problmatiques furent abordes il y a une vingtaine dannes par la TR : en effet, les travaux de Bartoli et Boulet (1990) ou de Du Terte (1995) posaient ces questions, en montrant que le secteur peut tre dfini comme un espace de rgulation spcifique, ayant ses propres lois ou rgimes de fonctionnement, tout en tant articul au global. Cette problmatisation navait toutefois pas dbouch sur une grille danalyse partage du secteur, permettant de construire des formules dlucidation des mdiations mso/macro. Dans cette communication, nous proposons de montrer en quoi la grille danalyse propose par Jullien et Smith (2008) et

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    Montalban (2007) est en mesure de produire une lucidation de ces dynamiques darticulation entre crises macroconomiques et crises msoconomiques. Ainsi, nous prsenterons dabord ce cadre thorique (1), pour lappliquer ensuite aux industries automobile, pharmaceutiques et financires (2). Ainsi, nous montrerons tout dabord que les effets diffrencis de la crise du rgime daccumulation entre ces secteurs sexpliquent par les mdiations sectorielles particulires qui tantt connectent directement le rgime sectoriel aux tendances macroconomique tantt ly soustraie partiellement. Enfin, nous engagerons lentreprise, plus ambitieuse, qui consiste inverser la causalit et attribuer aux industries leurs responsabilits dans lentre en crise du rgime macroconomique (3). Partie 1 : Un cadre thorique pour apprhender le changement et les crises dans les industries Depuis longtemps, la TR a soulign limportance des quilibres entre sections productives pour expliquer les rgimes daccumulation (Bertrand, 1983). De mme, lapproche de la TR a propos danalyser les conditions darticulation entre rgime daccumulation et secteurs. Ces travaux soulignent implicitement quun certain type darticulation intersectorielle est une condition de la croissance. Nous proposons donc un cadre danalyse pour expliciter les formes de mdiation entre secteurs, et entre secteur et rgime macroconomique. Conformment aux travaux rgulationnistes sur la question et aux travaux de la sociologie conomique, ce cadre vise dconstruire limage rifie de lconomie dominante dun secteur aux frontires et dont les modes de fonctionnement du rgime de concurrence seraient naturels, pour une reprsentation du secteur comme une construction sociale et politique mdiatise par des rapports institutionnaliss entre les firmes et lensemble des parties prenantes, et valids par la socit. Il en rsulte que les frontires du secteur et les chelles de rgulation ne sont pas intangibles mais ngocies et rengocies politiquement, ce qui implique par la mme un certain partage de la valeur et des droits entre les industries. 1.1/ La concurrence : conception spcifique du contrle plus que processus darwinien

    Pour que les hypothses de transparence et de nomenclature du modle de concurrence soient satisfaites, il faut quexistent des institutions. Ces institutions crent des barrires lentre en mme temps quun espace concurrentiel spcifique avec ses rgles particulires. Ds lors, ces rgles sont des enjeux de luttes concurrentielles pour les firmes sinscrivant dans le champ comme pour celles des champs connexes. Cest la raison pour laquelle les espaces concurrentiels ne ressemblent pas une guerre de tous contre tous organisant la survie des plus aptes mais des jeux structurs dans des champs autour de rgles et de hirarchies relativement stables. Plus gnralement, les firmes cherchent en permanence viter la concurrence. Si tel est le cas, cest parce que, comme le prtendait Polanyi (1944), humainement et conomiquement, la violence potentielle du processus concurrentiel est insoutenable. Ds lors, la dialectique concurrentielle ne se noue effectivement que si elle est circonscrite et donc rgule. Elle lest comme les champs chez Bourdieu (2000) par ltablissement de frontires dune part et par ltablissement de rgles au terme desquelles, sur chaque domaine de rivalit, le jeu est circonscrit pour viter de dgnrer en guerre hobbesienne. Ds lors, dans le jeu concurrentiel, le ressort comportemental pour cerner le jeu des firmes est moins la maximisation du profit que lvitement et le contrle de la concurrence (White, 1992 ; Fligstein, 1996). Dans la dfinition des rgles, les firmes ne sont que partiellement autonomes pour deux raisons. Dabord, les rgles ont un caractre mergent et renvoient aux routines et identits

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    sectorielles que lhistoire des industries produit. Lautre part de ces mmes rgles est produite sur un mode plus dlibr et implique un travail politique qui produit des accords et une rpartition des pouvoirs entre firmes au terme desquels ce que la concurrence autorise et ce quelle ne saurait justifier est dfini. Ensuite, ce travail politique a grer une forme dincompltude politique des industries. Ainsi, lorsquil sagit des frontires du secteur, cest se prmunir contre de nouvelles entres et in fine rgler le sort de lindustrie par rapport aux autres avec lesquelles elle se trouve en concurrence dans laccs aux ressources et aux marchs que les acteurs semploient. Ds lors, les rgles produire appellent des arbitrages dans lattribution des droits que les firmes seules ne peuvent rendre. Le recours des rgulations et systmes de lgitimation dfinis dans des espaces plus directement politique est alors ncessaire et les relations lEtat apparaissent comme stratgiques (Fligstein, 1996). Lordre qui sinstitutionnalise est marqu par un certain arbitraire et favorise les intrts des uns contre ceux des autres. Comme tel, lordre institutionnel qui constitue lindustrie rgle un conflit sans le rsoudre. En arbitrant au profit des uns dans le contexte qui le voit se nouer, le compromis qui stablit porte ses propres fragilits en ce que les lss ne manqueront pas de se saisir des occasions de rouvrir le conflit et de contester tout ou partie des rgles auxquelles ils avaient un temps paru souscrire. Ce processus implique donc des compromis organisant des asymtries de pouvoir et daccs aux ressources et suscite des contestations correspondant des logiques de dsinstitutionnalisation orientes vers des vellits de rinstitutionnalisation de lactivit autour dautres compromis. Les acteurs peuvent jouer non seulement des diffrents domaines de rgulations, types de rgles et registres de lgitimit mais aussi des diffrents niveaux gographiques de dfinition des rgles : lorsque le compromis qui se dgage nationalement nest pas ou plus satisfaisant au sens de Simon pour certains, alors les niveaux europen ou mondial peuvent se prsenter comme des espaces dopportunits pour obtenir que stablissent des rgles qui rvaluent leurs ressources politiques et stratgiques et leur permettent doprer dans le champ concurrentiel des dplacements favorables. Dautres cas rvlent des logiques inverses o les firmes relocalisant lespace concurrentiel en obtenant par exemple de la rgle europenne une interprtation nationale qui les prmunit des mfaits de lapplication de la rgle gnrale. Ainsi la rivalit des acteurs se situe dune part au niveau de laccs aux ressources et aux marchs qui conditionne leurs positions comptitives et dautre part au niveau des interprtations et dfinitions des rgles elles mmes. Pour exhiber, de manire stylise1, comment ce jeu opre effectivement dans des industries dtermines, il convient de se doter dun cadre conceptuel qui permette le balisage analytique des champs (2).

    1.2 Cadre conceptuel dapprhension des champs concurrentiels

    Notre reprsentation des champs concurrentiels (Jullien, Smith, 2008) les traite comme des espaces rguls dans lequel les incertitudes sont rduites la fois par des rfrences communes et un certain mimtisme et par une action collective qui amne les firmes dfinir conjointement les conditions dans lesquelles elles collaborent et/ou entrent en rivalit. Pour cela, on les reprsente comme inscrites dans cinq sphres : celle de la production et de la concurrence (au cur du schma) et quatre sphres lies qui correspondent aux conditions dans lesquelles elles accdent aux grandes catgories de ressources que sont les financements, les approvisionnements, le travail et les clients et dans lesquelles le couple concurrence-

    1 Nous ne pouvons pour les lecteurs soucieux de disposer des lments qui viennent lappui des interprtations produites ici que renvoyer dautres publications plus focalises sur nos deux cas (v. bibliographie).

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    coopration se trouve projet en mme temps que soumis des contraintes externes qui renvoient la place de lindustrie dans le systme productif et social global. Ces quatre sphres font lobjet de rgulations qui se spcifient et se stabilisent au niveau du secteur et que nous nommons rapports institus (RI). La production et la structuration de stratgies imposent darticuler ces rapports. Cette articulation dfinit, quand on lenvisage au niveau de la population des firmes rivales, la structure du champ. Envisage du point de vue de chaque firme, lorganisation en assure larticulation en produisant une interprtation spcifique de chacun des rapports et en dfinissant ainsi un positionnement stratgique. Le champ est ainsi une forme daccs spcifique aux quatre grandes catgories de ressources et un espace de diffrenciation des stratgies dans lequel les places occupes par les firmes sont distribues de telle sorte que le rgime concurrentiel y est soutenable .

    Figure 1 Un champ concurrentiel structur autour de 4 piliers

    Ce cadre permet de distinguer les diffrents niveaux de rgulation. En effet, lhypothse est que les formes dinstitution des diffrents rapports sont distinctes. Plus prcisment, on fait lhypothse que chaque rapport institu est susceptible davoir pour chaque industrie une structure spcifique, de se diffrencier pour une mme industrie des autres rapports institus structurant du point de vue des normes juridiques applicables entre autres et enfin de se modifier et dentraner des restructurations plus ou moins amples de lindustrie selon quil contamine ou non les autres rapports institus. Pour qualifier nos RI du point de vue de leur cohrence interne , nous proposons denvisager la dimension sociale de la transaction que linstitutionnalisation du rapport doit rgler dans deux registres la fois distincts et lis : celui des relations entre dtenteurs et utilisateurs des ressources et celui des relations entre concurrents. En effet, puisque nous dfinissons une industrie comme un ordre institutionnel qui est une manire dominante de concevoir la production et la concurrence dans une activit, un espace et une priode donns, les RI ressortent comme dots dune double nature : ils sont la fois des relations entre

    Le champ, les structures de

    lindustrie et son identit (la conception of control )

    Firmes et industries comme articulation des 4 RI dans les

    organisations et la concurrence

    RI n1 Rapport salarial

    RI n2 Rapport dapprovisionnement

    RI n3 Rapport financier RI n4

    Rapport commercial

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    stakeholders engags dans la production et des relations entre concurrents projetant leur rivalit dans chaque RI. Cest la raison pour laquelle les relations de pouvoir et la division des rles entre dominants et domins dans le champ que Fligstein (1990 ; 1996 ; 2001) met au cur de sa dfinition des conceptions du contrle sont envisages au niveau de chacun des RI. Concernant ces rapports qui sont donc la fois rapports des dirigeants aux salaris, des dirigeants aux actionnaires et cranciers, des acheteurs aux fournisseurs et des commerciaux ou concepteurs des produits aux clients et rapports de concurrence des firmes entre elles dans chacun de ces quatre registres, nous proposons de les caractriser en trois tapes successives organises autour de trois couples de C.

    i) Le premier (conflit-coordination) voque la question conomique fondamentale aux deux niveaux : on a des acteurs qui sont en conflit dintrt mais qui doivent nanmoins se coordonner pour que production et concurrence puissent se nouer. Qui sont les parties en prsence comme dtenteurs et utilisateurs des actifs (colonne de gauche) et comme concurrents dans laccs aux ressources et aux dbouchs (colonne de droite) ? Telle est ici la question.

    ii) Le second (compromis-convention) permet de caractriser la fois le mode de coordination qui prvaut et le contenu plus qualitatif qui est donn la transaction par linstitutionnalisation du rapport.

    iii) Le troisime (coopration-coercition) propose de faire du rapport un bilan politique en se demandant, aux deux niveaux, qui domine qui avec les instruments qualifis au niveau du second couple.

    Figure 2

    La structure de chaque Rapport Institu

    Ces rapports sont dfinis au niveau de lindustrie en lien les uns avec les autres puisque, ensemble, ils dfinissent un ordre qui doit dgager une complmentarit institutionnelle qui le dote la fois de la fonctionnalit minimale et de la soutenabilit politique dont il a besoin pour tre prenne et organiser ainsi, politiquement et conomiquement, la vie de lindustrie2. Etant donne dune part linscription de chaque industrie dans les conomies et socits dune part et le caractre interindustriel de la concurrence pour laccs aux ressources et aux marchs dautre part, les RI ne peuvent se penser dans leurs dimensions conomiques et 2 Pour rendre compte des dimensions trans-sectorielles et montrer comment ce qui se noue comme RI est li au reste de la socit et de lconomie, nous proposons ailleurs (Jullien, Smith, 2008) une prsentation plus complte de ces RI o, en surplomb de cette matrice, les ressources en provenance des ordres politique, juridique et conomique prvalant globalement sont exhibes.

    Rapports entre 6Cs

    STAKEHOLDERS CONCURRENTS

    Conflit - Coordination Identit des dtenteurs et utilisateurs des ressources ou actifs impliqus dans les transactions

    Identit des firmes dominantes et des firmes domines

    Compromis Convention Qualification des solutions retenues pour assurer la coordination

    Facteurs expliquant les ingalits daccs aux ressources ou actifs

    Coopration - Coercition Evaluation du degr dasymtrie entre stakeholders

    Evaluation du degr dasymtrie entre concurrents

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    politiques que comme des formes dinscriptions spcifiques dans des structures conomiques et politiques qui les dpassent et au sein desquels ils puisent leur lgitimation en mme temps quils les lgitiment en les incarnant et en en manifestant la fonctionnalit ou la praticabilit. Cest la raison pour laquelle, en surplomb des RI qui oprent au niveau msoconomique, il convient de reprsenter le contexte institutionnel tel quil se structure au niveau macro de manire ce que, dans ce cadre danalyse, il ressorte comme impratif de saisir les liens mdiats et rciproques qui unissent les OI aux rgimes de rgulation dans lesquelles ils ont sinsrer et aux crises et refontes desquelles ils participent.

    Figure 3

    Les interrelations des RI et des contextes institutionnels macro

    Lintrt de la reprsentation propose tient au fait que les chelles gographiques auxquelles renvoient ces RI ne sont les mmes ni dune industrie lautre, ni dune priode lautre, ni dun RI lautre pour une mme industrie. On peut en effet considrer que quatre chelles territoriales doivent sarticuler dans llaboration des rgulations : lchelle des territoires, lchelle nationale, lchelle rgionale (UE par exemple) et lchelle globale. Le travail politique multi-niveau par lequel les acteurs se saisissent des opportunits quils peroivent ces chelles dtermine alors une prdominance de lun ou lautre niveau pour chacun des RI. On a alors le choix entre deux usages possibles de notre reprsentation. Le premier consiste retenir le plus petit commun dnominateur et dfinir lindustrie ce niveau pour ne reprsenter au cur du schma que des acteurs soumis pour les quatre rapports aux mmes contraintes. Le second consiste retenir plutt le plus grand dnominateur et considrer la diffrenciation constate aux diffrentes chelles territoriales comme dessinant des espces de sous-secteurs en concurrence. Bien videmment, ces deux approches sont complmentaires mais cest plutt la seconde qui semble indique lorsquil sagit de senqurir du degr de globalisation des activits.

    1.3 Rgime international, rgulations nationales et rgulations sectorielles : autonomie des

    dynamiques sectorielles et interdpendance des modles de capitalisme Par rapport la littrature sur les types de capitalisme et leur apptence passe pour le recours la figure de lisomorphisme institutionnel (Lung, 2008) qui permet de retrouver au niveau des formes dorganisation de firmes les grands traits des modles nationaux, notre conceptualisation dresse deux barrires analytiques.

    Un rapport

    institu sectoriellement : 6C

    - Conflit

    Coordination

    - Compromis

    Convention

    - Coopration -

    Coercition

    Contexte institutionnel :

    espace des contraintes et opportunits pour le rapport instituer

    Structures conomiques

    Droit

    Structures politiques MACRO

    MESO

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    i) Chaque RI peut dabord ne pas tre rgul nationalement et, mme sil lest, cest

    de manire mdiate car une industrie dtermine opre une traduction ou une diffraction des rgles qui se dgagent en gnral : par le travail politique que les acteurs nouent entre eux et avec les responsables des politiques publiques, ceux-ci peuvent obtenir dans certains cas une soustraction au droit commun dans dautres lalignement des rgles prvalant dans lindustrie sur celles prvalant en gnral. Dans la mesure o, plus encore que les rgimes macroconomiques, les OIs doivent dgager une complmentarit institutionnelle pour offrir la production et des stratgies diffrencies les unes des autres un espace institutionnel praticable durablement, il y a peu de chance que la qute de ces complmentarits dbouche sur la reproduction isomorphe de la forme de mise en cohrence qui prvaut au plan macroconomique.

    ii) Comme lavaient montr il y a presque 30 ans les travaux sur lartisanat ou sur les fordismes priphriques, la soustraction de pans entiers de lconomie aux tendances macroconomiques gnrales ressort comme une ncessit fonctionnelle et politique pour ltablissement mme du rgime gnral. De la mme manire que la diversit des modles productifs au sein dun secteur accrot la soutenabilit de lOI qui a distribuer les rles entre MP pour stabiliser une conception du contrle, la diversit des OI et la soustraction dune part dentre eux au rgime gnral et ses contraintes est la fois une condition de son tablissement qui a besoin que soient mnages des exceptions pour que soit confirme la rgle et un lment de sa stabilit qui repose sur une division intersectorielle du travail, du pouvoir, de la valeur et de laccs aux ressources.

    Il en rsulte que la question que nous posons exige que lon rompe avec toutes les simplifications qui font des industries ou des entreprises de simples figures illustratives dune macro-analyse pour restituer la complexit de ce jeu des diffrenciations qui est au cur du dploiement des ordres eux-mmes. Ainsi, par exemple, certains ont dfendu que la varit des modles de croissance nationaux nest pleinement comprhensible que si lon est mme de prendre en compte la diversit de leurs modes dinsertion internationaux qui en conditionne largement la soutenabilit (Leaver et Montalban, 2009). Ainsi, les secteurs et les grands groupes multinationaux capitalistes sont capables de sautonomiser partiellement du national et de construire des complmentarits institutionnelles sectorielles dpassant les frontires nationales qui construisent en mme temps la soutenabilit des rgimes de croissance nationaux et leur interdpendance. Cest par exemple en se basant sur les exportations que le rgime de croissance allemand sest form, et cest galement en capturant des marchs extrieurs par fusions-acquisitions que les grands groupes franais ont pu extraire des rentes et soutenir en partie le modle de capitalisme en France. Cela suppose implicitement une complmentarit entre les rgimes de croissance nationaux. Il en rsulte que mme sil est instable et/ou en dsquilibre permanent, la varit des modles de croissance nationaux telle quelle peut tre saisie sur une priode doit supposer lexistence dun rgime international qui nourrit la stabilisation des formes diffrencies de capitalisme. Le rgime international, conue comme une forme institutionnelle selon la TR, dfinit les contraintes affrentes aux modes de dveloppement nationaux, et en cela il peut tre considr comme la forme institutionnelle dominante (Fourquet, 2004). Cette ide vaut assez largement au niveau de chaque industrie dont lOI, lorsque lon lapprhende au plan global - ce qui parat pertinent pour des industries comme la finance, lautomobile ou la pharmacie - est aussi un Ordre International qui confre certaines nations

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    un rle dominant ou, tout le moins, un avantage dans le cadre de la conception du contrle de lindustrie qui stablit un temps. On conoit alors que lorsquil y a entre en crise, cette question de lOrdre International soit pos aussi quitte ce quelle soit referme ensuite : les domins ont dans la crise une opportunit de changer leur place dans la hirarchie et tentent de sen saisir. Simplement, une nouvelle fois, la figure sectorielle observable ce niveau ne reproduit pas la plupart du temps le rgime international et lordre international observable pour une industrie dtermine a bien sr voir avec le rgime international mais renvoie des mdiations spcifiques qui impliquent que, se nouant dans des termes diffrents, il nen reproduise ni lordre ni les formes. Dans ce contexte, ct des rformes structurelles privilgies par lconomie politique des tenants des approches de la VoC, les dbats et les rgulations qui concernent les questions commerciales, les normes applicables aux produits, les droits de proprit ou les fiscalits importent et dessinent une mso-conomie politique dune importance analytique et empirique cruciale pour cerner cette structuration partiellement autonome des O2I dune part et la contribution des OI la structuration ou aux restructurations des formes de capitalisme dautre part. Au-del du statut illustratif ou emblmatique que peuvent avoir des industries comme celles que nous tudions dans lapprhension de mta-dynamiques comme celles de la globalisation, de la financiarisation ou de lavnement de la socit de la connaissance, le type dapproche que nous bauchons ici en forme de programme de recherche doit permettre de mieux saisir la dynamique, les enjeux, la teneur et in fine la ralit des dites tendances pour une industrie ou une socit particulire. Fondamentalement, il sagit doprationnaliser des principes aussi communment admis dans la TR que peu traduits en concepts opratoires. Partie 2 : Les consquences et origines diffrencies des crises dans les industries pharmaceutiques, de la finance et lautomobile Il va de soi que la crise financire va impacter les 3 secteurs. Mais limpact sera videmment diffrent, du fait de mdiations diffrentes amenant une articulation toujours spcifique entre lindustrie et le niveau macroconomique : la crise financire tant une crise de lindustrie financire, elle la touche directement comme lindustrie automobile qui se trouve rationne dans ses financements par la structure de son OI qui la connecte de faon profonde avec la finance. A contrario, lOI de lindustrie pharmaceutique la protge largement de la crise financire, et la crise qui touche ce secteur est largement endogne et de nature trs diffrente de la crise globale. 2.1 Les origines de la crise financire : la crise endogne dun secteur (1) De nombreux travaux ont analys les origines de la crise financire, et il peut paratre inutile dy revenir. Notre ambition nest pas ici de discuter ou contester les diffrentes analyses produites de cette crise, mais de souligner la dimension sectorielle dans cette crise financire. En effet, cette crise peut sanalyser au moins de deux manires : soit comme la consquence de dsquilibres macroconomiques de long terme lis dun ct, la croissance des ingalits aux Etats-Unis, qui aurait conduit les mnages sendetter pour maintenir leur niveau de consommation, dautant plus quils taient soutenus par des politiques montaires accommodantes, de lautre lis au dsquilibre commercial croissant rendu temporairement possible par le statut de monnaie impriale du dollar. Nous ne discutons pas ici de cette explication laquelle nous souscrivons largement. Lautre explication se centre en gnral sur les drives de la finance, comprise ici comme industrie de la finance : les acteurs de la

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    finance auraient t conduits, par les structures mme de la concurrence et des incitations dans ce secteur, des comportements de prises de risques croissantes. En effet, lindustrie de la finance depuis sa libralisation est soumise la concurrence pour la captation de lpargne des mnages. Ce secteur est structur par son RI financier, qui a la particularit dtre aussi son RI commercial : le mtier de lindustrie financire tant dtre un intermdiaire entre les agents besoin de financement et les agents capacit de financement (outre celui dorganisation du systme de paiement pour les banques), il sagit doffrir des produits dpargne aux agents besoin de financement, notamment les mnages fortuns et les salaris, et ensuite de prter ou placer cette pargne dans des titres ou des agents besoin de financement. Donc les clients sont en pratique ou bien les cranciers de ces acteurs, ou bien leurs dbiteurs : cest donc une relation financire qui gouverne le RI commercial. Ce secteur sest fortement complexifi, avec la cration de multiples sous-secteurs et dacteurs diffrents, au gr des innovations financires : le secteur bancaire (fourniture de crdit, organisation du systme de paiement, offre de produits drivs, fusions-acquisitions, missions de titres), les organismes de crdit hypothcaire et de crdit la consommation, lassurance, les secteurs de la gestion dactifs effectus par les caisses dpargne, les mutual funds, les hedge funds, les fonds de pension, lassurance-vie et les fonds de private equity (ajoutons que les banques sont elles-mmes dans le secteur de la gestion dactifs puisquelles possdent de nombreux mutual funds et autres OPCVM). Comme le mtier de ces institutions est de placer lpargne et que les mouvements de libralisation ont dcloisonn les marchs, il en rsulte quelles sont en pratique aussi clientes les unes des autres ou quelles sinvestissent les unes dans les autres. Ainsi, le RI commercial/financier structure galement directement les rapports entre ces acteurs autant que les rapports entre pargnants et le secteur. Le RI financier domine ce secteur en ce sens que pour attirer de nouveaux clients et pargnants-investisseurs, il faut leur proposer un rendement toujours plus lev pour leur placement pour un risque dtermin et que le rapport commercial se dfinit lui-mme selon des arguments et des principes financiers. Ce principe sinstitutionnalise dans des conventions et normes varies, dont la valeur actionnariale, les pratiques comme la diversification de portefeuille, ltalonnage (benchmarking). Mais il existe galement des normes, obligations fiduciaires et juridiques respecter, qui structurent fortement lactivit financire, comme les ratios prudentiels de type Ble I ou II dans le secteur bancaire, la prudent man rule pour lindustrie des fonds de pension qui dfinit les bonnes pratiques et obligations fiduciaires que doivent respecter les trustees et gestionnaires de fonds lgard de leurs bnficiaires (Montagne, 2006) et aussi les obligations (on pourrait mme dire les impratifs) de liquiditMais comme le montrent Montagne (2006) et Aglietta (2007a), depuis la loi ERISA et les mouvements de libralisation financire, les normes prudentielles sont de se conformer de plus en plus aux standards de la profession financire concernant la gestion de portefeuille. Globalement, lensemble de ces institutions sont tenues par lobjectif de maximisation de profit et de valeur pour lactionnaire, ce qui compte tenu de la concurrence, les pousse offrir des rendements de plus en plus levs leurs clients, en leur proposant des innovations financires toujours plus risques, conformment lvolution de la prudent man rule et grce la libert de plus en plus grande offerte par ces acteurs dans leurs possibilits dinvestissement. Afin datteindre ces objectifs, le RI demploi qui sest invent repose essentiellement sur des rmunrations variables en fonction de la performance des gestionnaires relativement au benchmark (bonus, commissions) afin dinciter surperformer le march et afin dattirer les meilleurs spcialistes. Le RI dapprovisionnement est en fait l aussi compltement idiosyncrasique et est en pratique fusionn avec les RI commerciaux et financiers : il ne sagit pas bien videment dacheter

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    des moyens de productions des fournisseurs (si on excepte bien sr lachat de matriel informatique et de btiments, qui ne reprsentent quun cot relativement modique), mais de placer largent issue des investisseurs en achetant des titres pour en retirer un rendement qui leur est redistribu, ce qui peut supposer aussi de sapprovisionner en informations, via des agences de notation ou des analystes financiers ou dautres institutions financires (ces derniers pouvant tre intgrs en devenant de quasi-salaris) : encore une fois, les fournisseurs ne sont rien dautres que les dbiteurs de lindustrie financire (entreprises, mnages, Etatsmais aussi acteurs financiers eux-mmes) et les fournisseurs dinformation de cette industriedont une bonne part font partie de lindustrie. Si on reprend lanalyse de Lordon (2008) et Orlan (1999), la concurrence-cupide qui en rsulte pousse linvention de produits de plus en plus complexes spculatifs et paradoxalement, un mimtisme toujours plus important. Linvention des subprimes est clairement lie ce processus : il sagissait dinventer une nouvelle classe dactifs lis aux crdits hypothcaires aux mnages pauvres, les sous-primes, dont on esprait, par la titrisation et le tranching (dcouper un risque en diffrentes tranches quon peut ensuite agrger avec dautres pour crer un nouvel actif), pouvoir retirer un profit lev tout en se prmunissant du risque (notamment en revendant le crdit une fois retransform par agglomration avec dautres actifs, ce quon appelle le modle originate and distribute ), amenant des prises de risques croissantes. Comme les acteurs ne savaient plus ce quils achetaient et que les structures dincitation poussent spculer sur des actifs pourris parce que les autres le font, il en a rsult les dconvenues que lon sait. Lordon montre ainsi que ce sont les structures implacables du champ de la finance, qui ont pouss aux fameuses drives, qui nont rien de comportements dviants, mais sont les consquences mme du fonctionnement normal de ce secteur. La dissmination des actifs, conscutives au dcloisonnement de ce secteur, sa globalisation et aux multiples interrelations entre institutions financires a entran la propagation de la crise tous les compartiments ou presque de la finance. Ce rappel permet de souligner combien quil sagit l dune dynamique sectorielle, lie un OI trs spcifique, qui a engendr la crise financire que lon a connue et qui sest propage lensemble du monde. 2.2 Lindustrie automobile : les consquences sectorielles dune crise macro

    2.2.1/ LOI automobile avant la crise Sans remonter jusquaux annes de grande croissance, on peut, pour saisir comment la crise se noue dans cette industrie emblmatique tenter de caractriser lO2I dans lequel, bon gr mal gr, elle stait installe depuis une vingtaine dannes. Cette priode a correspondu une relative stagnation des volumes sur la plupart des marchs dits mrs et (surtout partir des annes 90) une croissance lente dabord et plus rapide ensuite sur les marchs mergents et particulirement en Chine. Globalement, comme lindique lextraordinaire succs depuis vingt ans de la thmatique de la lean production aux caractristiques et au bilan assez largement mythiques (Pardi, 2009), lindustrie toute entire sest engage dans une rationalisation des manires de procder qui prvalaient dans la priode prcdente pour essayer de trouver dans une priode de stagnation les ressorts dune soutenabilit maintenue. Pour restituer la dynamique concurrentielle telle quelle sest peu peu stabilise alors, on pourrait considrer que la croissance que nassuraient plus les marchs domestiques a t recherche deux niveaux :

    i) chacun a essay de trouver cette croissance sur le dos de ses concurrents en cherchant faire crotre ses parts de marchs en diffrenciant son offre et en multipliant les innovations produits et il en est rsult une croissance trs significative de la varit diachronique et synchronique des offres ;

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    ii) la plupart des producteurs ont cherch tendre laire gographique sur laquelle il travaillait en exportant dabord et en simplantant ensuite sur dautres marchs mrs et dans les mergents ; pour ceux qui neurent pas linitiative de cette dynamique, le fait de se voir oppos sur ses propres marchs les nouvelles offres qui en ont rsult a conduit devoir faire de mme (Jetin, 2009).

    Dans ce contexte, le modle dominant qui tait encore assez largement le modle volume et diversit issu du sloanisme a t, comme le GERPISA la montr, assez largement dstabilis par le modle rduction des cots volumes constants quincarnait Toyota et que beaucoup ont cherch imiter sans forcment saisir dans quelles conditions cette mise sous pression permanente de lensemble des composantes dun sous systme productif tait soutenable (Freyssenet et al., 2000). Il en est rsult que au-del de ces problmatiques applications des leons du toyotisme , la recherche dune rationalisation de ce modle productif est pass essentiellement par deux vois toutes deux problmatiques.

    i) La premire a concern le rapport financier puisque cest par la croissance externe que les entreprises considres ont cherch amortir leurs dpenses de dveloppement sur des volumes accrus et suceptibles de se vendre sur lensemble des continents grce, en particulier, la commonolisation des plateformes (Freyssenet et al., 2003a, 2003b) ; GM, Ford et Volkswagen en Europe incarnent cette stratgie ;

    ii) La seconde a concern la refonte profonde du rapport dapprovisionnement qui a alors acquis une dimension centrale. Ce ft en effet par lexternalisation de fonctions autrefois intgres qui tait cense la fois permettre de dgager du cash immdiatement et de profiter ensuite la fois de la spcialisation des fournisseurs et des ressorts du march pour les mettre sous pression que le second processus de rationalisation majeur sest nou. L encore, les oprations Delphi et Visteon de GM et Ford furent emblmatiques mais la tendance ft gnrale et conduisit une vive croissance de lindustrie quipementire y compris en Europe (Frigant, 2009).

    Lensemble de ces oprations furent ralises avec plus ou moins de bonheur et globalement les constructeurs europens impliqus dans cette dynamique russirent plutt mieux que les constructeurs amricains sur lun et lautre axe stratgique quand ils pratiqurent les deux (cas de Volkswagen par exemple) (Lung, 2007). Les oprations de croissance externe penses dans une logique financire et de contrle propre au RI concern posent en effet de trs lourds problmes dintgration oprationnelle qui correspondent la gestion de leurs effets de contamination sur linscription des entreprises et de leur organisation dans les trois autres RI. Ainsi, les vellits des constructeurs amricains de pratiquer des oprations intercontinentales (GM-Daewoo, Ford-Mazda) trs dfendables a priori financirement rvlrent des problmes de gestion de la production, des approvisionnements ou de cohrence des politiques produits insurmontables (Mercer 2009 ; Senter, Mc Manus, 2009) alors que la croissance europenne de Volkswagen (Seat, Skoda) parvint les dpasser (Juergens, 2009). Quant aux oprations dexternalisation, elles permirent effectivement, en Europe en particulier, dinitier une nouvelle division du travail technologique et de nouvelles formes du partage du risque technologique et commercial. Elle imposait nanmoins pour tre russie sans nuire aux qualits des produits des innovations organisationnelles importantes qui, sur le fond, impliquaient de renoncer au moins partiellement aux avantages du march (Fujimoto, 2008). L encore la voie europenne savra en partie parce quelle avait dj t largement pratique par le pass - beaucoup mieux mme de grer la mutation que la voie amricaine

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    o lexternalisation impliqua assez clairement un appauvrissement des capacits des constructeurs concevoir des vhicules comptitifs. Quant la rduction des cots volumes constants pratique par Toyota, elle avait t invente historiquement pour sassurer, sur la base dune production assez diversifie sur un march relativement troit, une comptitivit que la croissance des volumes ne pouvait garantir. Elle se rvla tre aussi ensuite, condition que les volumes croissent pour assurer aux diffrents stakeholders et en particulier aux salaris les contreparties terme des efforts quon leur demandait prsentement, un outil puissant pour exporter et pour faire face des marchs o la varit des produits doit crotre fortement. Les Etats-Unis et le peu de rsistance quils opposrent la pntration japonaise offrirent Toyota ces volumes pour ses usines japonaises dabord et pour ses transplants ensuite (Shimizu, 2009). Pour les spcialistes allemands et les entreprises qui comme Honda et, moins clairement, Renault privilgient ce que Boyer et Freyssenet (2000) appellent un modle innovation et flexibilit , les nouvelles conditions de march taient plutt plus porteuses ds lors que la dynamique concurrentielle de lensemble de lindustrie et la diffusion dans la priode de modes de distribution des revenus plus concurrentiels favorisaient plutt lexpression de leurs qualits dinnovation et/ou leurs capacits sadresser des clientles soucieuses de se distinguer par leurs achats automobiles. Dans tous les cas la mutation intervenue dans lOI de lindustrie a fait peser sur les entreprises des contraintes dadaptation trs forte qui ont eu tendance limiter la profitabilit densemble du secteur qui apparat comme un oligopole trs troit dans lequel, mme chez les constructeurs qui font tout pour se dfausser dune large partie des cots ou des risques sur lamont, on gagne fort peu dargent. Si tel est le cas, cest en particulier parce que, globalement, au niveau du RI commercial, la diversification synchronique et diachronique des productions, et lacclration des innovations technologiques qui laccompagne, ne peut pas seffectuer cots constants et induit sur des marchs de renouvellement une difficult croissante vendre des vhicules neufs aux mnages qui ne sont pas prts payer pour les qualits dont on dote les produits quon met en march (Jullien, 2009). Il en rsulte une pression la baisse de lensemble des cots et une qute de flexibilit pour faire face, en particulier, aux dboires commerciaux enregistrs sur tel ou tel modle qui pose tous les niveaux et en particulier pour les RI salariaux et dachat - des problmes de soutenabilit. Cest dans ce contexte quest intervenue en particulier dans les dernires annes, le mouvement trs net de dlocalisation des fabrications et, plus rcemment, de certains pans de la conception vers les pays bas salaires. Ils ont permis de continuer la fuite en avant dans cette voie en rglant au fond par la violence - ou la coercition dans le vocabulaire mobilis plus haut les problmes de soutenabilit des RI poss : en mettant une pression trs forte sur les salaris et sur les fournisseurs et sous-traitants, on les met au pas et parvient faire accepter ceux qui survivent la violence des nouvelles rgles ; on ne parvient pas toutefois renverser une tendance lpuisement du paradigme commercial dont on mesurait, ds avant la crise, quil fissurait lordre institutionnel et international fragile qui stait structur autour de lindustrie automobile japonaise challenge par des europens qui, les uns comme les autres, survivaient en partie grce au dclin partout dans le monde des positions de Ford et de GM.

    2.2.2 La dsinstitutionnalisation de lOI automobile dans la crise ( ?) Le rgime concurrentiel associ lO2I qui sest mis en place entre les annes 80s et 2000 a vu la conception du contrle de lindustrie changer suffisamment pour donner un avantage

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    assez systmatique au modle productif rduction des cots volume constant . Il a permis aux autres stratgies de se prenniser moyennant dassez lourdes adaptations que tous les constructeurs ne sont pas parvenus oprer (Freyssenet, 2009). Il a continu dtre trs dpendant de volumes importants de produits vendus et ce dautant plus que chacun voulant tre prsent partout dans le monde et y russir mieux que ses concurrents pour crotre plus vite que le march, les surcapacits se sont accumules et se sont apparies au niveau du rapport commercial - un biais assez systmatique de surqualit qui conduisait les constructeurs doter leurs produits de caractristiques que les clientles taient dautant moins prtes payer que les revenus du travail voluaient lentement. Il en est rsult une incapacit chronique de certains constructeurs sur dassez longues priodes viter les pertes : ce fut le cas des Big 3 partir du dbut des annes 2000 (Jetin, Freyssenet, 2009) ou de Fiat dans les annes 90 (Volpato, 2009). Il en est rsult galement une pression insoutenable mise sur les salaris et les quipementiers et sous-traitants qui sadossait assez largement aux dlocalisations qui permettaient une mise en concurrence des sites et se traduisait par une dsindutrialisation relative des grands pays automobiles que ne freinaient que les concessions consenties en termes de salaires et de conditions de travail sur les sites dassemblage et/ou lapprovisionnement des sites dassemblage en pices et sous-ensemble dans les pays bas salaires. Dans ce contexte, les caractristiques macroconomiques des rgimes de croissance des pays dvelopps qui sont parvenus dynamiser leur consommation intrieure sans distribuer de revenus du travail en facilitant laccs au crdit et en entretenant via le crdit hypothcaire en particulier un effet richesse aussi puissant quinsoutenable a jou pour lautomobile un rle cl. Elles ont en effet permis que surcapacit et surqualit soient assez largement masques en permettant que le nombre et le type de voitures de voitures vendues se maintiennent non seulement aux Etats-Unis mais encore au RU, en Espagne ou en Irlande des conditions de march assez favorables. Ceci nempchait pas que la prolifration des modles et limportance des capacits installes mettent de manire rcurrente les constructeurs dans des situations commerciales difficiles et les conduisent dployer pour valider leurs offres une large batterie daides la vente plus ou moins soutenables (Jullien, 2009). Outre les classiques rabais, les constructeurs, aux Etats-Unis en particulier, firent ainsi un usage immodr du crdit taux zro. Ils multiplirent galement les formules de ventes qui proposent aux clients de ne financer que la diffrence entre la valeur du vhicule neuf et celle, anticipe, du mme vhicule la revente 3 ou 4 ans aprs (modle dit des crdits ballons ) : en faisant, sur ces valeurs rsiduelles , des hypothses optimistes, on facilitait ainsi lcoulement de produits chers qui reprsentent un risque important de perte en capital pour lacheteur. On liait dans le mme temps la profitabilit de lopration la qualit des prvisions sur les valeurs rsiduelles et/ou la rpartition du risque pris sur les dites valeurs. Ces mcanismes qui se nouent au niveau du RI Commercial et indiquent la tnacit du lien entre lO2I automobile et le rgime de croissance qui avait cours dans beaucoup de pays jusqu la crise. Ils ont correspondu une forme de financiarisation du portefeuille dactivits des constructeurs (Froud et al., ) qui ont fait jou leurs socits captives de financement un rle croissant pour faire en sorte que les innovations financires viennent au secours des dfaillances du rapport commercial tant en facilitant artificiellement la leve de lincertitude sur les dbouchs quen assurant aux groupes automobiles une profitabilit que leur division automobile nassurait plus. Ils ont vu leur dploiement facilit par une mutation assez sensible des marchs qui a conduit ce que les ventes particulier rgressent au profit des ventes flotte.

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    Elle sest inscrite dans les structures macroconomques assez immdiatement puisquelle a correspondu aux changements de la rpartition des revenus qui ont privilgi lencadrement suprieur rput tre le plus actif dans la nouvelle conomie ou la socit de la connaissance en gnralisant, pour des raisons fiscales souvent, la pratique du vhicule de fonction comme lment de rmunration. Elle sest incarne par exemple dans lexpansion trs marque des entreprises de Location Longue Dure auxquelles les employeurs sadressent pour grer les flottes de vhicules qui permettent dquiper leurs cadres et a largement contribu fournir aux marques dites premium comme Audi, BMW (Pries, 2009) ou Mercds (Khler, 2009) les bases de leur extraordinaire croissance sur la priode 1995-2005. Cette expansion a sucit les apptits de lensemble des constructeurs qui ont tous dans cette dcennie nourrit lambition daccder cet eldorado o la fameuse valeur semblait pouvoir tre accessible : ce furent chez les japonais et corens les lancements de marques premium (Lexus, Infiniti, ) ; ce fut pour Fiat la relance de Alfa ; ce fut larrive de Ghosn la tte de Renault laffichage de trs fortes ambitions sur les plus de 27 000 euros . Bien videmment, mme avant la crise, ce mimtisme stratgique induisait un taux dchec important et, de fait, une destruction de valeur au moins aussi ample que la cration de valeur gnre. Avec le relais du succs de ces stratgies sur des marchs mergents comme le march russe, elles continuaient toutefois dtre avec les dlocalisations des fabrications des produits plus standards et, en particulier de celles des petits vhicules, vers les pays bas salaire les stratgies dominantes. Dans ce contexte, on saisit comment et pourquoi la crise de 2008-2009 a pu avoir lampleur que lon sait pour lindustrie automobile mondiale pour laquelle volumes et valeurs des produits vendus taient globalement gonfls par des anabolisants macroconomiques qui cessrent dtre disponibles : crdit bon march, bulle immobilire, croissance vive des hauts revenus cessant dalimenter le march, on a assist aux Etats-Unis dabord et sur lensemble de la plante ensuite un effondrement indit de la demande en volume et en valeur. La rpartition de ces baisses de volumes et des dgts quils ont impliqus sexpliquent largement par le degr de disponibilit de ces anabolisants dans le pass rcent dune part et par la fragilit relative des diffrents acteurs dautre part. Le march amricain qui salimentait massivement de ces trois drogues et qui continue de reprsenter le quart du march mondial a baiss de plus de 40%. En Europe, les baisses sont contenues pour les marchs allemands o franais dont les rgimes de croissance faisaient moins intervenir ces lments. Elles sont terribles pour les marchs espagnols ou anglais. Le march irlandais quant lui a baiss de 67% entre le printemps 2008 et le printemps 2009 ! Chez les constructeurs trs lis au march amricain, on sait ce que cela a signifi pour les Big 3. On sait peut tre moins dans quelles difficults se trouvent Toyota, Honda ou encore Porsche, Mercds ou BMW. Les europens sont du coup moins mal en point et souffrent dautant plus quils taient lis aux marchs espagnols et anglais (cas des franais). Dans la chane de valeur, lamont dj fragile financirement avant la crise voit se mulitplier les faillites et ne peut plus engager les dpenses de R et D dont les constructeurs ont besoin pour dapprovisionner en technologies. Ceci signifie que lO2I est largement remis en cause puisque les caractristiques de tous les RI et en particulier du RI commercial et du RI dachat ressortent comme insoutenables et puisque la hirarchie internationale des constructeurs et des nations automobiles qui prvalait est largement conteste, Volkswagen prtendant explicitement aujourdhui au leadership plantaire et Renault, sans tre aussi explicite, entendant tre le promoteur dune forme de nouveau jeu concurrentiel. Sans surinterprter ce qui se produit actuellement, on peut considrer ici que le positionnement du premier consiste considrer que le changement de

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    contexte sans changement radical de lOI doit permettre de changer lordre international et confrer ses positions comptitives une valeur dominante. A linverse, Renault-Nissan en jouant la fois le VE et le Low Cost veut imposer une rnovation assez radicale du rapport commercial dans lequel la dimension publique du bien et de lindustrie automobile serait plus explicitement intgre et un changement technologique qui implique des changements importants dans lidentit des parties prenantes au rapport dapprovisionnement que les dirigeants de lAlliance pensent tre mme de mieux grer que dautres. Ils cherchent pour cela des allis politiques mme de soutenir leur travail de rinstitutionnalisation de lordre automobile alors que le travail politique de VW semble essentiellement orient vers la prservation de lexistant.

    2.3 Lindustrie pharmaceutique : un rgime de soustraction aux tendances macroconomiques et une crise sectorielle

    Lindustrie pharmaceutique est marque par un OI trs spcifique, qui a permis de lui assurer un dveloppement extrmement rapide pendant le XX sicle, mme pendant les priodes de crises du capitalisme du fait de son autonomie. En revanche, depuis les annes 2000, le secteur apparat tre entr dans une crise, mais une crise endogne sexpliquant la fois par lentre de nouveaux concurrents, dune volution endogne des politiques publiques et des difficults du modle dinnovation. Ainsi, la crise du secteur pharmaceutique nest pas lie et ne sera que peu affecte par la crise globale du rgime daccumulation financire.

    2.3.1 LOI pharmaceutique avant sa crise LOI de lindustrie pharmaceutique sest historiquement structur autour du RI commercial. Plus prcisment, cest lintervention de lEtat via linstitutionnalisation dune rglementation du mdicament. Les structures institutionnelles du secteur sont lies aux formes spcifiques du RI commercial, lies aux rles des systmes de sant et de la rglementation sanitaire sur les mdicaments qui constituent le cur des rgles dchange. Ces rgles dchange sont le produit de compromis politiques entre les intrts de lEtat, de lindustrie, des prescripteurs (professionnels de sant) et les patients, cest--dire entre la rentabilit dun ct et la sant publique de lautre. Entre les patients, lindustrie et lEtat, il existe un conflit possible sur la qualit des produits (risques deffets secondaires) et les prix, et en mme temps, les agents sont dpendants les uns des autres (ncessit de se coordonner). Ainsi, sil existe un doute sur la qualit des mdicaments, le march peut disparatre. Des rgles dchange ont peu peu merg : suite de nombreux accidents thrapeutiques, les mdicaments doivent rpondre aux critres de qualit, scurit et montrer quils agissent significativement sur lorganisme pour tre commercialiss ; les industriels effectuent donc des essais cliniques trs coteux denviron 6 ans, tandis que lagence nationale du mdicament (FDA aux Etats-Unis, AFSSAPS en France, EMEA au sein de lUnion Europenne) tudie les dossiers pour donner ou non lAutorisation de Mise sur le March (AMM). Les rglementations et les agences sont nationales, mais des harmonisations sont mises en place (protocoles internationaux dHelsinki sur les bonnes pratiques dessais cliniques et les bonnes pratiques de fabrication ), notamment lchelle europenne par le biais de lagence europenne. Cependant, lAMM ne peut tre fournie que nationalement, mme si les groupes peuvent demander des AMM europennes . La relation entre lagence et lindustrie est donc relativement coercitive avec lagence dominante, mme si en pratique, il y a des interactions voire des cooprations rgulires entre industriels et fonctionnaires, et mme si les entreprises peuvent bnficier dinformations que nont pas les agences. Les rgles dchange concernent aussi les systmes de remboursement, de tarification et de sparation entre prescripteur/patient/payeur. La prescription est en gnral le fait du mdecin, ce qui implique l encore une dpendance de

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    lindustriel vis--vis du mdecin, et du patient vis--vis du mdecin. Il existe une relative communaut dintrts entre lindustrie et les professionnels de sant, ce qui implique une relation plutt cooprative (ce qui se traduit par divers cadeaux de lindustrie ces derniers pour inciter la prescription). Ensuite, il existe en revanche des intrts contradictoires entre les financeurs/payeurs (comme lassurance-maladie) et les industriels, prescripteurs et patients, les premiers ayant intrt contrler les dpenses, les seconds ayant intrt ce que les remboursements soient les plus importants possibles. Nous sommes donc loin de la figure habituelle de la transaction marchande. Le remboursement des mdicaments par les systmes de sant implique que les prix ne fonctionnent plus comme rgulateurs de la demande, celle-ci augmentant en fonction des besoins. Il existe ainsi une forme de socialisation plus ou moins forte de la demande selon les pays. Le cas du RI commercial amricain est trs spcifique, car il fonctionne largement selon un systme assuranciel priv. Les modes de tarification divergent de faon notable entre les pays : les prix sont rglements, bas et ngocis entre lEtat et les industriels en France (les contrles des prix taient mme trs svres avant les annes 1990), ils sont dtermins en fonction dune marge de profit minimale au Royaume-Uni, alors quaux Etats-Unis ils y sont libres et beaucoup plus levs quailleurs. En plus, la publicit sur les mdicaments thiques est interdite, sauf aux Etats-Unis. La taille du march des gnriques et de lOTC dpend galement trs largement des politiques nationales ainsi que du systme de brevet. Il existe donc une prgnance relativement forte de la rgulation nationale sur le rapport commercial. Nanmoins, chacun des rapports commerciaux nationaux est marqu par lexistence dun systme de remboursement, par une rglementation obligeant la mise en place des essais cliniques pour obtenir une AMM et il existe un certain nombre dharmonisations internationales sur des rgles dchange et des droits de proprit (Montalban, 2008). On distingue trois catgories de mdicaments : les mdicaments thiques sont des mdicaments fournis sur prescription mdicale et protgs par un brevet ; les mdicaments gnriques sont des copies de mdicaments thiques non protgs par des brevets ; enfin les mdicaments Over The Counter (OTC) sont fournis sans prescription. La brevetabilit du mdicament (relativement rcente en ralit et fruit dun combat politique permanent) dfinit ainsi les droits de proprit de la relation commerciale. LAMM et les brevets crent des barrires lentre, permettent dextraire des rentes de monopole considres comme une incitation innover. Nous analysons par notre cadre et les figure le rapport commercial tel quil sest construit par le travail politique des acteurs en France et aux Etats-Unis de nos jours. Pour ce qui est du cas de la France, le rapport est structur par un systme dassurance-maladie public obligatoire, maintenant des prix relativement bas, une brevetabilit du mdicament ainsi quune rglementation des mdicaments et des AMM en accord avec le contexte europen. Enfin, les structures de gouvernance sont largement dpendantes du droit de la concurrence (europen pour ce qui est de la France), tandis que les mdicaments gnriques sont autoriss depuis la fin des annes 1990. Dans le cas amricain, le systme de sant est largement priv et assurantiel, organis le plus souvent par des Health Maintenance Organization autour de systmes de gestion de soins ; en revanche, les patients trs pauvres et les personnes gs en incapacit sont pris en charge par les systmes fdraux Medicaid et Medicare. Les compromis lavantage de lindustrie permettent de garantir un systme de prix libres et un rgime de proprit intellectuelle trs protecteur. Nanmoins, les structures de gouvernance de lindustrie dpendent la fois des lois antitrust et de lHatch Waxman Act qui organise la concurrence entre gnriqueurs et entreprises produisant des mdicaments de marques.

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    Lensemble de ces rgles ont permis dassurer une certaine stabilit de la hirarchie de march et donc laccumulation du capital sur le long terme. Historiquement, la conception du contrle de lindustrie dans les annes 1980 jusquaux dbuts des annes 1990 tait fonde sur la protection du brevet visant extraire des rentes de monopole. Les modles productifs qui ont historiquement prvalu jusqu la fin des annes 1980 taient des modles de firmes verticalement intgres et relativement diversifies dont la stratgie visait mettre sur le march des mdicaments thiques innovants, assurant lautofinancement des cots fixes de R&D levs de la firme, tout en se diversifiant pour dans des activits connexes. Le degr dintgration verticale sexpliquait par la ncessit de protger les innovations et les essais cliniques, les technologies de criblage des molcules communes entre chimie et pharmacie. Beaucoup de groupes tant le produit de diversifications vers laval de lindustrie chimique, leur portefeuille dactivits tait trs diversifi, notamment dans la chimie et lagrochimie. Ainsi, certains groupes allemands, suisses ou franais taient des conglomrats (Bayer, Hoechst ou Rhne Poulenc par exemple). Lindustrie pharmaceutique a longtemps t un secteur peu concentr, essentiellement cause du nombre de pathologies humaines traiter et du nombre de thrapies (Hamdouch et Depret, 2001). Figure : le rapport commercial aux Etats-Unis

    Figure : le rapport commercial en France

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    Le RI commercial a dtermin la structure gnrale de lOI de lindustrie. En effet, les dbouchs tant assurs et les ncessits dattirer des salaris trs qualifis pour dvelopper des innovations long terme ont amen un RI demploi fond sur des salaires relativement levs, un haut niveau de protection social et des systmes de gestion des carrires, mais dont le niveau dinstitutionnalisation a pu varier (la firme ou la branche), tandis que lintgration verticale assurait un contrle de linnovation, et que la rentabilit permettait dassurer lautofinancement. Mais le secteur a subi deux volutions notables dans les annes 90 : la financiarisation et le passage du paradigme de la chimie au paradigme des biotechnologies (avec le dveloppement de la gnomique, de la biologie molculaire et de la protomique). Avec la financiarisation progressive du RI financier, les Big Pharma (les groupes dominants du secteur) se sont conformes de plus en plus aux normes de la SHVM. En effet, cette industrie tant lune des plus rentables avec lindustrie ptrolire, elle constitue lun des placements prfrs des investisseurs institutionnels. Pour sadapter ce nouveau contexte, les Big Pharmas ont, partir des annes 90 aux Etats-Unis (et la fin des annes 90 dans le reste du monde), adopt une nouvelle conception du contrle : la conception blockbuster. Il sagissait de se recentrer sur les activits de mdicaments thiques (les groupes pharmaceutiques taient originellement des conglomrats issus de la chimie), en particulier les blockbusters qui sont des mdicaments gnrant plus dun milliard de dollars par an, et sur le march amricain, qui de part ses caractristiques institutionnelles, en particulier le prix trs levs des mdicaments conscutif la libert des prix et le rle de la publicit directe aux patients, assure des marges trs leves aux groupes. En effet, linvention de la conception blockbuster est essentiellement un produit du march amricain, puisque ce dernier reprsentait prs de 49% du chiffre daffaires mondial du secteur, et de prs de 72% des ventes de blockbusters. Les groupes y taient dautant plus incits que les analystes financiers fondent leur valuation financire essentiellement sur le chiffre daffaires que permettra dengendrer ses produits, et donc sur le nombre de molcules fort potentiel dans

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    les phases avances (dites II et III) du portefeuille de R&D (appel communment pipeline). Pour atteindre cet objectif, les groupes ont d dployer un marketing considrable (les dpenses de marketing reprsentent en moyenne le double des dpenses de R&D) et ont utilis les marchs financiers pour crotre par fusions-acquisitions et revendre les filiales en dehors du cur de mtier. Ces fusions avaient pour but daugmenter la taille critique en R&D et le nombre de molcules dans le pipeline, de rationaliser la R&D mais aussi daugmenter le rseau de commercialisation et de bnficier du rseau dalliances en R&D (Hamdouch et Depret, 2001 ; Montalban, 2007 et 2008 ; Leaver et Montalban, 2009). Mais cette financiarisation profonde de lindustrie ne sest pas traduite par une rationalisation des investissements : bien que les Big Pharma dpensent en volume plus en rachats dactions et dividendes quen R&D sur la priode des annes 1990, la fois pour satisfaire les actionnaires et pour soutenir le cours de Bourse de faon financer leurs stratgies de fusion-acquisitions, cela na gure affect la croissance des dpenses de R&D, qui a cr de faon trs rgulire sur la priode, situation qui ne fut possible que par le RI commercial trs spcifique, qui assure une rentabilit norme qui permet de sautofinancer tout en redistribuant beaucoup aux actionnaires. Graphique : Dpenses de R&D et distribution de valeur aux actionnaires (DVA*) des plus grandes Big Pharma

    Sources : Thomson financials et rapports annuels *La DVA est la somme des rachats dactions et des dividendes distribus En effet, une seconde transformation profonde de cette industrie a t la redfinition du RI dapprovisionnement, via le dveloppement de lindustrie des biotechnologies. Outre les dcouvertes scientifiques, lvolution de ce secteur sexplique grandement par lvolution du rgime de proprit intellectuel invent aux Etats-Unis avec larrt Chakrabarty et le Bayh Dole Act (Coriat et Orsi, 2003 ), puis en partie tendu avec les accords ADPIC lOMC (qui obligent les pays en dveloppement adopter un rgime de proprit intellectuel quivalent aux pays riches, lexception de clauses durgence nationale donnant droit lutilisation de licences obligatoires) et du lobbying considrable de lindustrie pharmaceutique pour obtenir des financements publics de ce secteur via deux mcanismes : lOrphan Drug Act, sign en 1983, qui a permis dinventer le statut de mdicaments orphelins et lassurance de dductions fiscales hauteur de 50% du cot de la R&D pour ces produits, et les financements du National Institute of Health qui ont cr de manire considrable depuis cette poque : ainsi entre 1976 et 2006, ce sont prs de 454 milliards de dollars qui furent dpenss dans ce secteur (Lazonick et Tulum, 2008). Les Big Pharma en ont alors profit pour externaliser la R&D de faon considrable aux socits de biotechnologies, qui se sont alors organiser en rseaux dalliances en R&D, et de transformer progressivement leur modle dinnovation. Le RI dapprovisionnement qui sest institutionnalis se fonde sur la coopration entre biotechs et Big Pharmas, les premires assurant les activits de R&D, les secondes soccupant de leur financement en prenant des participations (leur assurant ainsi un contrle de linnovation) via des contrats de R&D trs flexibles (souvent accompagns

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    doptions) pour grer les irrversibilits. Comme les biotechs sont la fois finances par les fonds publics, les Big Pharmas et galement les fonds de capital-risque, cela limite les prises de risques pour les grands groupes, tout en leur permettant de bnficier ventuellement de molcules intressantes lorsquelles parviennent en stade avanc, ce qui leur permet de les racheter ou des les co-promouvoir, donc de bnficier des profits engendrs par ces molcules. Dans le mme temps, les groupes ont galement externalis une partie de la fabrication et des essais cliniques des faonniers et des Contract Research Organizations (CRO). Le RI dapprovisionnement a t videment contamin par et cohrent avec le RI financier et le RI commercial, puisque lexternalisation permet de transfrer les risques tout en limitant les apports en capital, conformment aux normes actionnariales. Le RI commercial a par ailleurs t fortement influenc par lindustrie grce un lobbying constant pendant les annes 90, grce plusieurs lois comme le FDA Modernization Act, visant assurer le maintien de ces conditions exceptionnelles pour la croissance de lindustrie.

    2.3.2 Une crise du secteur qui conduit la rinstitutionnalisation de lOI Mais cet OI est entr en crise partir du dbut des annes 2000. Tout dabord, les exigences sanitaires augmentant pour des raisons politiques et culturelles, cela a engendr une inflation des dpenses de R&D, alors que dans le mme temps le nombre de nouvelles entits molculaires a eu tendance dcrotre entre le milieu des annes 90 et les annes 2000. Et cela bien que les agences du mdicament aient eu tendance acclrer leurs dlais dexamens des dossiers dautorisation de mise sur le march. Il en a rsult une dcroissance de la productivit de la R&D. Dailleurs, les grands groupes ont plutt eu tendance utiliser des innovations incrmentales, autrement dit proposer des molcules apportant une amlioration trs marginale par rapport celles dj sur le march (ou mdicaments me too), voire parfois, moins efficaces. Cela sexplique en partie par le ciblage de pathologies des pays riches, qui sont surtout des maladies dgnratives comme le cancer ou Alzheimer, ou lies lobsit ou la psychiatrie. Certaines revues mdicales indpendantes ont dailleurs fortement critiqu parfois le laxisme des agences du mdicament, qui donnaient des autorisations des produits dont lefficacit relative par rapport aux traitements existants tait douteuse. Mais suite des accidents sanitaires graves comme celui du Vioxx (un anti-inflammatoire commercialis par Merck & Co, qui fut accus dtre responsable de plusieurs milliers de crises cardiaques), la ncessaire re-lgitimation de la FDA sest traduite par un durcissement de cette dernire. Le ralentissement de la productivit de la R&D na pour le moment pas t contrebalanc pour le moment par le nouveau modle dinnovation, qui sil a permis un certain nombre davances thrapeutiques relles, na pas pour le moment permis de renouveler suffisamment les pipelines pour offrir assez de nouveaux blockbusters. Le nouveau modle dinnovation se fonde sur une rationalisation plus grande de la R&D, par une la recherche des causes biologiques des maladies (par lutilisation de la gnomique et la biologie molculaire) pour slectionner ensuite les cibles et fabriquer ensuite des molcules ou protines adquates pour sinsrer dans les cibles (stratgie cl-serrure ). Graphique : la rduction de la productivit de la R&D pharmaceutique

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    Source : FDA et PhRMA Paralllement au ralentissement de la R&D, les Etats ont tent de rguler le niveau des dpenses de sant, en mettant en place un certain nombre de dremboursement des mdicaments, ou encore en promouvant des mdicaments gnriques pour faire pression la baisse sur les prix. Lindustrie du gnrique sest fortement dveloppe et constituant dsormais de nouveaux entrants dans le champ, elles en contestent lOI fragilisant la position des Big Pharma. Leur pntration du march et lvolution des politiques publiques se comprennent dautant mieux que les innovations thrapeutiques se font attendre, et que les stratgies des Big Pharma consistent trs souvent contrler le march en dposant de nouveaux brevets ou en demandant des largissements des domaines thrapeutiques pour un mme mdicament. Dans la mme veine, certains groupes ont exploit certaines dispositions de lHatch Waxman Act de 1984, qui avait pour but initialement de promouvoir le march des gnriques : une entreprise de gnriques peut vouloir contester un brevet dun mdicament selon le paragraphe IV de la loi, ce qui lui donne droit normalement 180 jours dexclusivit sur le march, mais ce mme paragraphe autorise la firme propritaire du brevet dattenter un procs lentreprise de gnriques qui conteste le brevet, ce qui lui offre une protection du brevet automatique de 180 jours jusquau procs, et qui pouvait tre renouvele plusieurs fois si jamais plusieurs brevets sont contests pour le mme produit. Cette perspective de procs a initialement dsincit les entreprises de gnriques contester les brevets. Mais, la fin des annes 1990, les abus des Big Pharmas ainsi que la concurrence plus marque des entreprises indiennes et canadiennes ont pouss enlever cette disposition, fragilisant les blockbusters des Big Pharmas et entranant une plus grande incertitude. Enfin, lopinion publique est dsormais de plus en plus critique face aux pratiques de lindustrie, en particulier avec laffaire de laccs aux mdicaments anti-SIDA dans les pays en voie de dveloppement. Graphique : le dclin de la rentabilit des Big Pharma

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    En consquence, la reconfiguration de lOI et le bouleversement de la hirarchie du march ont pes sur la rentabilit de lindustrie, qui a diminu depuis le dbut des annes 2000. La raction des groupes a t dessayer de trouver un substitut la conception du contrle blockbuster, considre en effet comme problmatique car les modles promus apparaissent dsquilibrs et inappropris, par des stratgies non encore parfaitement claires. La raction dominante est de tenter de sinvestir encore plus dans les biotechnologies. Le modle dominant du blockbuster ne pouvait sadresser qu de grands marchs ; mais lorsque ces marchs grandissent, les risques deffets secondaires en font autant. Par ailleurs, le recours la gntique est contradictoire avec lide de grands marchs : on doit effet sadresser des populations plus petites, ayant des facteurs gntiques communs. Les groupes dominants ont donc mis en uvre des acquisitions de biotechs ayant des produits intressants, notamment des mdicaments orphelins et des vaccins, pour rpondre ces nouvelles problmatiques (par exemple, Genentech est dsormais intgr dans Roche ; Chiron a t rachete par Novartis ; Immunex par AstraZeneca ; rachat de Serono par Merck KGaA). Ainsi, lavenir serait ensuite dans des niches et des maladies graves (des pays riches) sans traitement, comme le cancer, afin de pouvoir faire payer des marges encore plus leves que par le pass. On parle parfois de modle nichebuster , pour souligner quil sagit de pouvoir gnrer des chiffres daffaires levs, mais sur des niches. Mais cela suppose aussi que le RI commercial, notamment les systmes de sant, la rglementation et la proprit intellectuelle sadaptent en consquence (accepter de payer et rembourser des mdicaments au prix trs lev), or cela na rien dun combat politique gagn davance. Cest ce qui explique le travail politique de lindustrie pour faire reconnatre le concept de mdicament orphelin. Dans le mme temps, les Big Pharmas ont commenc se diversifier dans les gnriques, pour pouvoir contrler le march et limiter lrosion des ventes, et ont repris les fusions-acquisitions (rcente fusion entre Pfizer et Wyeth ; fusion entre Schering-Plough et Merck & Co ; fusion avorte BMS et Sanofi-Aventis). Enfin, les groupes pour ragir la crise ont mis en place un certain nombre de restructurations et de licenciements, tout en continuant leurs mouvements de rationalisation industrielle et dexternalisation pour diminuer les cots. Graphique : la multiplication des acquisitions de biotechs en fin de priode

    Source : Thomson financials Ainsi, la crise de lOI de lindustrie pharmaceutique est essentiellement endogne, et na pas grand-chose voir avec la crise financire. Dailleurs, le terme crise est aussi trs diffrent : si la rentabilit financire des Big Pharma a baiss, celle-ci est toujours suprieure 15%, et si la hirarchie du march se trouve en partie bouleverse, elles sont toujours dominantes... Mais il restera voir comment une crise dun secteur, ou mme son mode de fonctionnement, peut fragiliser la dynamique dun rgime de croissance macroconomique.

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    Figure : LOI pharmaceutique des annes 1990-dbut 2000 Figure : LOI pharmaceutique en crise de nos jours : instabilit et recomposition institutionnelle Partie 3 : Les causes sectorielles de la crise globale Dans la partie prcdente, nous avons que la crise a affect diffremment les 3 industries. Dans la partie suivante, nous allons voir que la crise globale sexplique galement par la

    Relation demploi:

    Hauts salaries et n iveaux

    de protection sociale,

    plans dp argne salariaux

    Relation financire:

    Valeur pour lacti cnnaire,

    combat pour le contrle,

    F&A et hauts dividendes

    Pharmaceutical industry:

    Conception du contrle

    blockbuster

    Relation commerciale:

    domination du mar ch US,

    remboursement des

    mdicaments par les assureurs

    ou les Etats, rglementation

    du mdicament par une

    agence

    Relation dapprovisionnement:

    externalisation de la R&D aux biotechs ;

    externalisation des essais cliniques aux

    CROs et de la fabrication aux faonniers

    Biotech: fragmented

    sector with suppliers

    of services,

    technologies and

    genomic firms

    RI emploi:

    Stock options

    pour les cadres

    et star scientist

    RI Commerciale:

    domination du march US,

    orphan drug act; Bayh Dole

    Act,

    Crise de la conception du

    contrle dominante : tentative

    daller vers une conception

    biopharmaceutique de type

    nichebuster

    RI Commercial

    Remise en cause du compromis, conflits sur la

    proprit intellectuelle avec les gnriques et

    entre pays riches et pays en voie de

    dveloppement, renforcement des exigences

    sanitaires

    RI financier

    Critiques de lincapacit des anciens

    modles extraire de la valeur ;

    RI dapprovis ionnement

    Acquisitions de biotech ; poursuite des

    mouvements dexternalisation ;

    Relation demploi

    downsizing, restructurations et

    rationalisations ; mais maintien de la

    forme historique du RI

    RI financire : financement par

    actions, Etat, capital-risque et grands groupes; pas de

    dividendes

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    dynamique endogne des industries, pour montrer que la causalit ne va pas que du macro au mso, mais aussi du mso au macro. En effet, les OIs sectoriels faonnent en partie les modes de rgulation macroconomique. 3.1 La crise (de lindustrie) financire : une crise dun secteur rentier qui se propage

    macro-conomiquement Le mouvement de financiarisation du capitalisme, analys par de trs nombreux auteurs htrodoxes (Aglietta et Rbrioux, 2004 ; Lordon, 2000, 2003, 2008 ; Boyer, 2000 ; Krippner, 2003 ; Froud et alii, 2006) est parfois dfini comme la mise en place dun rgime daccumulation tir par la finance, avec la finance comme forme institutionnelle dominante. Mais il peut tre aussi pens comme un mouvement dinstitutionnalisation de la domination du secteur financier sur les autres secteurs conomiques, ce qui nest dailleurs pas ncessairement contradictoire avec la premire conception. En effet, partir du moment o la finance fut libralise, que les investisseurs institutionnels se mirent sinvestir dans lactionnariat des grandes socits cotes, il en a rsult une transformation des RI financiers des autres industries, et la domination des critres de la valeur actionnariale (ShareHolder Value Management, SHVM) dans la stratgie des entreprises non financires, qui ont pouss des reconfigurations profondes des industries et des stratgies.

    Une premire consquence de la domination financire est la part des profits que parvient capturer ce secteur aux dpens des autres (avant la crise, prs de 50% des profits totaux de lconomie amricaine taient tirs par la finance). Le SHVM a pour traduction concrte les profits pour le secteur de la finance , cest--dire une subordination de laccumulation laccumulation financire. Ces profits prennent trs majoritairement la forme de dividendes, dintrts et de plus-values qui psent sur les comptes des socits non financires, et sont prlevs sur les autres industries. Le secteur de la finance est donc intrinsquement rentier. La seconde est lie la particularit du secteur financier, qui est en effet dtre au centre du rseau des RI financiers des autres industries. En effet, si le secteur financier est aussi prgnant dans le capitalisme, cest parce que les capitalistes industriels ont besoin du capital bancaire et de capitalistes financiers-prteurs dargent, autrement dit des hommes aux cus . Cest la fois la source de sa force (cest ce secteur qui est la source du capital-argent pour les autres) et lune des fragilits intrinsques du systme puisquune crise de ce dernier se rpercute mcaniquement sur les autres, via le rseau de relations financires. Ainsi, toute fragilisation du secteur financier se traduit mcaniquement par un rationnement du crdit voire un credit crunch, qui entrane dans sa chute la plupart des industries. Une telle transformation macroconomique est certes lie des modifications des compromis institutionnaliss macro , mais galement au travail politique continu de Wall Street pour faire prvaloir ses vues, ainsi qu des volutions endognes de la jurisprudence. Cest donc en partie ce secteur qui a remodel le rgime daccumulation amricain. Ce pouvoir de la finance, li aux multiples connexions financires aux autres industries, aux besoins de financement des industries et leur subordination la finance quimposent les normes de la valeur actionnariale, explique que les interventions gouvernementales soient obliges de soutenir le secteur de la finance. Ainsi, tant devenue forme institutionnelle dominante, la crise de la finance, notamment de lindustrie financire devient une crise du rgime daccumulation et du mode de rgulation. Cette crise impose dores et dj par les

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    dbats et mesures mises en uvre aux G20 de reconsidrer la place et la rgulation du secteur de la finance, ce qui suppose une transformation des compromis politiques macro . 3.2 Lindustrie auto : lacclration des dsquilibres macro du fait de choix stratgiques

    durablement inappropris

    Nul nest besoin de souligner ici la nature emblmatique de lindustrie automobile dans la caractrisation des rgimes macro-conomiques et de leurs solidarits avec les rgimes internationaux. Trs prgnants lorsquil sagissait de cerner le fordisme et/ou dlucider ce que pourrait tre le post-fordisme , ces dbats et la, parfois trompeuse, heuristique qui consistait incarner le dbat macroconomique par sa figure automobile a t un peu oublie lorsquil sest agi de cerner les caractristiques de la nouvelle conomie ou de la socit de la connaissance . Elle reprend du service dans les actuels dbats sur le dvelopement durable et semble nous engager renouer le fil et dpasser dans lexamen du cas automobile lambition illustrative pour cerner mieux pour le pass rcent comme pour le prsent et lavenir ce qua t et ce que devient le lien entre le ou les OI automobiles et les capitalismes dans lesquels ils ont se dployer. Dans lanalyse de la crise, on peut, pour aller vite considrer que les interprtations sordonnent entre deux ples : le premier se focalise sur le dimension bancaire et financire et le fait que ce niveau comme pour lconomie relle la crise de liquidit constitue le problme surmonter conjoncturellement et la menace conjurer durablement en revoyant plus ou moins compltement les rgulations financires qui ont exhib leurs insuffisances ; le second considre que lapptence des conomies pour les innovations financires et leur croyance en la capacit dune croissance continue de la valeur des actifs mobiliers et immobiliers constituent la contrepartie logique de rgimes de croissance qui staient organises sans croissance du pouvoir dachat du travail et taient pour cette raison fondamentalement insoutenable. En sadossant la premire interprtation, on peut considrer que la crise de la demande automobile comme la crise de loffre sont essentiellement explicables par la dynamique dpressive que le credit crunch implique en privant les acheteurs du bien final des capacits dacqurir des vhicules et/ou en les incitant diffrer un achat quils peuvent volontiers diffrer et en mettant les industriels face une difficult de faire face des cots fixes levs sans ces ventes dautant plus insurmontables quils sont eux aussi en butte une difficult de financement largement accrue (OFCE, 2009a). Lindustrie automobile, apparat alors principalement comme une victime de la crise financire. En sadossant la seconde interprtation, la parent entre la crise conomique et le rgime macroconomique apparat plus forte dans la mesure o, dans le rapport de travail et le rapport dapprovisionnement, le secteur automobile a incarn et soutenu le rgime de croissance insoutenable et o, dans le rapport commercial, comme nous lavons voqu, il na t possible de masquer linsoutenabilit des politiques produits et des investissements consentis que moyennant la mobilisation du crdit facile et dun certain nombre de subterfuges plus locaux dont la crise a rvl linsoutenabilit. Le cas des constructeurs amricains a t trait dans cette perspective par Freyssenet et Jetin de manire fort convaincante (2009). On a en effet pu constater comme Lazonick et OSullivan lavaient dj montr (2000) que les entreprises de la Old Economy concernes avaient pendant plus de 15 ans essay de rformer leurs pratiques pour dfendre la valeur pour lactionnaire et que leur downsizing par dsintgration verticale, leur intrt pour les services et, singulirement, les services financiers comme leur concentration sur les segments de march o la valeur client tait la plus forte ( light trucks ) ou leur volont de comprimer les cots

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    salariaux en recourant en particulier massivement aux dlocalisations mexicaines ont t les principaux ferments de la bonne sant finacire des Big 3 jusquaux annes 2000 puis de leurs insurmontables difficults ensuite. Celles-ci renvoient en effet pour partie lassez incomprhensible aveuglement des constructeurs amricains lorsquils ont paru oublier que les rductions deffectifs quimpliquait la dsintgration ne les dlestaient pas de la charge des retraites des personnels qui avaient t les leurs (Freyssenet, Jetin, 2009). Elles renvoient aussi et surtout la perte de comptences et dntrt pour les produits et les technologies qui a permis aux concurrents japonais puis corens dtre systmatiquement plus convaincants sur toutes les gammes de produits y compris les lights trucks. Pour synthtiser la situation, on peut reprendre le calcul de Lazonick qui a t plusieurs fois repris dans la presse daffaire ; GM a dpens en rachat de titre entre 1986 et 2002 des sommes qui en valeur actualises 2009 correspondraient 34 milliards de dollars soit le montant de ce qui a t requis en 2009 pour sauver lentreprise. De mme, cest pour crer de la valeur que Daimler avait rachet Chrysler en faisant valoir de potentielles synergies commerciales et industrielles qui devaient renforcer la comptitivit des deux entits. Les difficults persistantes rencontres par Chrysler et les pertes correspondantes ont conduit aprs quelques annes dinvestissements chercher un rtablissement rapide de la situation (Khler, 2009). Ce sont alors les dveloppements de nouveaux produits qui ont pti des efforts dconomies entrepris et lorsque, en 2009, il sest agi de trouver un repreneur Chrysler tait dans une situation commercialement insoutenable puisque sur la priode 2009-2014, seuls quatre produits devaient tre lancs sur la march amricain. En Europe ou au Japon, le rapport financier sil a t rform sur la mme priode et a permis la monte en puissance des fonds de pension amricains est rest trs fortement marqu par une prfrence pour un capital plus stable et patient avec un trs fort national bias (Dupuy, Lung, 2005 ; Juergens, Lung, Volpato, 2002). Il en est rsult une attention au cours des titres et la valeur pour lactionnaire trs notoirement accrue qui a impliqu des politiques de dividendes plus gnreuses, des programmes de rachat de titres plus importants et systmatiques et des objectifs de marge oprationnelle plus explicite et centraux. Justifis en partie par les capacits associes se prmunir des prises de contrles externes bien peu probables la plupart du temps tant donnes les pactes dactionnaires e