IBM France - Revue Think n°2

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THINK. Bureaux, usines, publications… Très vite, le slogan se diffuse chez IBM. Chaque collaborateur reçoit un petit carnet, sur lequel est inscrit le mot THINK, pour noter ses idées. Des panneaux “THINK” traduits dans toutes les langues sont affichés dans les locaux de l’entreprise, dans le monde entier.THINK symbolise depuis la culture d’IBM. Plus qu’un mot d’ordre, c’est une philosophie ancrée dans le travail quotidien des IBMers : réfléchir, sans cesse réfléchir, à la valeur ajoutée qu’IBM apporte à ses clients, et innover, réinventer l’entreprise en permanence, pour bâtir une planète plus intelligente.THINK est aujourd’hui un magazine de réflexion ouvertsur les grands enjeux de société. Sa vocation : donner aux lecteurs les clés pour prendre un temps d’avance. Les futurs lecteurs de THINK seront plus riches d’idées, de points de vue, de bonnes pratiques qui les aideront à se poser les bonnes questions, avant d’agir. Car comme le disait aussi Thomas J. Watson Sr. : “La phrase ‘Je n’y avais pas pensé’ a coûté au monde des millions de dollars”.

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THINKUne revue IBM France

Matriser la complexitMode demploi destination des dirigeantsSynthse de lIBM Global CEO Study 2010. Contributions dAlain Bnichou, Chantal Jouanno, Franois-Daniel Migeon, Luc Montagnier et Jean-Louis Le Moigne.

En 1911, lors dune runion avec ses quipes, celui qui va prsider aux destines dIBM pendant plus de quarante ans, Thomas J. Watson Sr., dclare : Nous avons tous le mme problme. Nous ne pensons pas assez. Penser a rendu possibles tous les progrs depuis la nuit des temps. Puis, il se saisit dun crayon bleu et crit 5 lettres sur un tableau :

( P-E-N-S-O- N-S )

THINK. Bureaux, usines, publications Trs vite, le slogan se diffuse chez IBM. Chaque collaborateur reoit un petit carnet, sur lequel est inscrit le mot THINK, pour noter ses ides. Des panneaux THINK traduits dans toutes les langues sont affichs dans les locaux de lentreprise, dans le monde entier. THINK symbolise depuis la culture dIBM. Plus quun mot dordre, cest une philosophie ancre dans le travail quotidien des IBMers : rflchir, sans cesse rflchir, la valeur ajoute quIBM apporte ses clients, et innover, rinventer lentreprise en permanence, pour btir une plante plus intelligente. THINK est aujourdhui un magazine de rflexion ouvert sur les grands enjeux de socit. Sa vocation : donner aux lecteurs les cls pour prendre un temps davance. Les futurs lecteurs de THINK seront plus riches dides, de points de vue, de bonnes pratiques qui les aideront se poser les bonnes questions, avant dagir. Car comme le disait aussi Thomas J. Watson Sr. : La phrase Je ny avais pas pens a cot au monde des millions de dollars.

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Miser sur la transparence pour matriser la complexitPar Benot RaphalOn a la mauvaise habitude de croire quInternet est un nouveau mdia, alors quil est un espace public qui redessine notre relation aux produits, linformation, nos amis. Tandis que les mdias se battent pour produire toujours plus dhistoires et danalyses, tandis que les marques tentent de toucher un public de plus en plus infidle, il schange quotidiennement plus d1,5 million de contenus sur Facebook, 90 millions de tweets sur le service de micro-blogging Twitter, alors que presque autant darticles sont publis sur les blogs. On a la mauvaise habitude de croire que les contenus produits par les internautes ne sont pas des informations de premire main, quils ne font que commenter des informations produites par les grands mdias. La ralit est plus nuance : de plus en plus de professionnels, hommes politiques compris, partagent leurs donnes et leurs analyses sans passer par le filtre des mdias traditionnels. En juin 2010, le dput UMP Lionel Tardy dcidait de couvrir lui-mme sur Twitter, en direct, de mal organiser leur veille dinformation et contrler ce qui se dit sur elles. laudition de Raymond Domenech, qui avait t ferme la presse ! Quelle rponse apporter ? Cloisonner le Dans le domaine de la sant, par exemple, Net et ses contenus nest ni raliste ni 71 % des Franais utilisent Internet comme souhaitable, mais Internet a besoin dtre source dinformations, juste aprs leur nervur. Pour cela, les seuls journalistes mdecin. Le besoin dchanger et de ne suffisent pas. Ils doivent sappuyer sur partager, de trouver des informations utiles les internautes et les mdias sociaux afin de pour mieux vivre sa maladie semble plus dtecter les bons experts qui oprent dj, important que ce que les mdias tradi- dans leurs communauts professionnelles tionnels ont offrir sur le sujet. Il existe ou quotidiennes, un filtrage de linformation. ainsi plus de 2000 groupes Facebook sur Et se concentrer sur leur mission : sortir la seule polyarthrite. des informations mais surtout faire sortir Quest-ce que cela signifie ? Que nous linformation. Cest--dire la vrifier, puis la sommes entrs dans un monde de plus mettre en scne pour la rendre intelligible en plus complexe, o chaque individu et utile. peut devenir metteur et producteur De leur ct, les entreprises ne doivent dinformation et de sens. Que dans cet plus tant se tourner vers les mdias traditionnels que vers les utilisateurs. univers, les internautes ne remplacent pas les journalistes : ils se tournent les Lentreprise peut ainsi elle-mme devenir uns vers les autres et sapproprient collec- mdia. Elle peut alors aider ses clients tivement une ou plusieurs parties de leurs mieux sinformer, et leur permettre de fonctions. mieux linformer en retour. Cette complexit gnre une confusion Car matriser la complexit, cest accepter croissante. Pour les utilisateurs, mais aussi dabandonner la communication, ce graal pour les entreprises, qui ont de plus en plus des annes 1980, pour la transparence.

Benot Raphal a t Directeur Adjoint de la rdaction du quotidien Vaucluse Matin, avant de piloter la stratgie Internet du groupe Dauphin Libr. En 2007, il a fond Le Post (www.lepost.fr), un mdia en ligne participatif et communautaire lanc par le Monde Interactif. Aujourdhui, consultant en mdias sociaux, il explore, sur son blog La Social Newroom (www.benoitraphael.com), les nouveaux usages de linformation et la montisation digitale.

Sommaire6-7

Dcembre 2010

Quand la complexit est une forceditorial dAlain Bnichou, Prsident IBM France.

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Un supermarch qui vous comprend Le Centre de Solutions Mtiers de lIBM Forum La Gaude imagine le supermarch du futur. Les futurs managers aux manettes Prparer les tudiants leurs futures responsabilits grce aux jeux vido ? Cest le principe des serious games.

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La complexit. Mode demploi destination des dirigeants Avant-propos de Raphal Capelli, General Manager dIBM Global Business Services. Synthse de lIBM Global CEO Study 2010. Interview de Michel Meunier, Prsident du Centre des Jeunes Dirigeants Retour sur lIBM Global Student Study 2010.

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16-17 Agir et penser en complexit dans lentreprise Dcryptage par Jean-Louis Le Moigne, animateur du Rseau Intelligence de la Complexit MCX-APC. 18-19 Assumer la complexit du dveloppement durable Analyse de Chantal Jouanno, ancienne Secrtaire dtat charge de lcologie. 20-21 Une succession de solutions inventer pour moderniser ltat Tmoignage de Franois-Daniel Migeon, Directeur Gnral de la Direction Gnrale de la Modernisation de ltat. 22 Une vision simplifie de la mdecine ne permet pas de traiter des maladies toujours plus complexes Interview du Professeur Luc Montagnier, Prix Nobel de mdecine 2008 pour lidentification du virus responsable du SIDA. Le Centre Hospitalier dAvignon soigne son systme dinformation Ltablissement de sant a rvolutionn son infrastructure informatique et a amlior ainsi la qualit des soins et le confort des patients.

26-27 Roland-Garros : la technologie au service du spectacle IBM accompagne la FFT pour offrir aux internautes la mme motion quau stade. Fabrice Santoro raconte comment la technologie amliore les performances. 28 Ailleurs IBM intervient dans le monde entier dans des domaines insouponnables avec un seul mot dordre : rendre la plante plus intelligente. Quand la French Touch de lanimation rejoint les gants dHollywood Sappuyant sur IBM, le studio franais Mac Guff a anim la nouvelle superproduction amricaine en 3D relief Moi, moche et mchant. Lecture La socit simmisce dans la fabrique des dcisions Agir dans un monde incertain, un essai sur la dmocratie technique.

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Alain Bnichou Prsident IBM France

Quand la complexit est une forceLa complexit est devenue la proccupation numro un des dirigeants dentreprise et des hauts responsables du secteur public. Pourtant, daprs la dernire tude Global CEO Study publie en 2010 par IBM, des solutions existent: le leadership cratif, lapprofondissement de la relation client et la dextrit oprationnelle. Des principes quIBM connat et applique depuis dix ans, explique Alain Bnichou, Prsident dIBM France.La complexit peut tre transforme en avantage conomique.Concurrence accrue, volatilit des marchs, incertitudes conomiques, volution des publics Tout concourt faire de la complexit le dfi majeur de la dcennie 2010. Dans le cadre de notre Global CEO Study, laquelle ce deuxime numro de Think est consacr, nous avons cherch savoir comment les dirigeants dentreprise et les hauts responsables publics ragissaient face cette complexit. Notre premire conclusion est que ces dirigeants ont conscience du problme. Mais quils sont inquiets. Ils sont prs de 80% estimer que la complexit va saccrotre au cours des annes venir, et 50 % estimer que leur organisation nest pas prte relever le dfi. Nous voulons leur dire que les solutions existent. Oui, la complexit peut tre transforme en avantage conomique. Cest possible et nous lavons constat. Certains dirigeants ont su prendre les mesures de long terme ncessaires. Ils lont fait selon trois grands axes : le leadership cratif, lapprofondissement de la relation client et la dextrit oprationnelle. Les dirigeants les plus performants pratiquent le leadership cratif. Ils exprimentent de nouveaux modles de business. Ils privilgient les innovations radicales. Ils prennent des risques, certes calculs, pour atteindre leurs objectifs stratgiques. Ils grent intelligemment

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linformation pour nourrir une connaissance approfondie, voire une intimit avec leurs clients. Enfin, ils revisitent leurs modes opratoires, pour gagner en rapidit et en flexibilit.

an rflchir aux nouveaux usages et concevoir, avec nos clients, les innovations qui changeront notre quotidien. Nous noublions pas que linnovation est aussi managriale. IBM a dfini, en 2003, trois valeurs partages par lensemble des salaris dIBM : se mobiliser pour le succs de chacun de nos clients ; innover pour que lentreprise progresse, et le monde avec elle ; fonder toutes les relations sur la confiance et la responsabilisation. Car nous pensons que cest en dveloppant une vraie culture de collaboration, dinnovation et dexcellence quIBM peut aider ses clients crer de la valeur. Cette culture se traduit dans le comportement des quipes IBM, qui combinent un got pour les grands dfis et la rsolution de problmes complexes, la prise de risques bon escient et la recherche permanente de nouvelles ides.

La rinvention permanenteCes conseils, nous nous les sommes dabord appliqus nous-mmes. IBM est confronte, comme toutes les autres entreprises, une complexit sans prcdent. La mondialisation de lconomie, lmergence des standards ouverts et lvolution du comportement de nos clients ont reprsent autant de dfis, auxquels nous avons d faire face, en nous transformant.

Global CEO StudyIBM a interrog plus de 1 500 dirigeants et hauts responsables des secteurs public (20 %) et priv (80 %) travers le monde, dont 140 en France

Ainsi, pour les cinq prochaines annes, nous continuerons sur cette lance en investissant dans des domaines fort potentiel : le Cloud computing et la nouvelle gnration de centres de donnes, capables de rpondre aux attentes IBM a anticip lvolution du march, en de nos clients en matire de rduction des cots, investissant dans des domaines trs forte damlioration de la qualit de services et de valeur ajoute et en repositionnant son cur scurit ; lanalyse prdictive pour transformer de mtier vers les services et les logiciels. les masses de donnes en informations Par ailleurs, nous avons pertinentes, et bien sr les Nous vivons un moment marchs de croissance, acclr ladaptation de nos oprations pour devenir critique. Nous sommes comme lInde, le Brsil et la Chine. la premire entreprise glo- convaincus, chez balement intgre. Ce IBM France, que cest qui sest traduit par des aujourdhui quil faut agir, Nous vivons un moment rsultats concrets pour et agir vite, pour gagner critique. Nous sommes nos clients, en termes ensemble la bataille convaincus, chez IBM defficacit et de qualit de la complexit. France, que cest aujourde service. dhui quil faut agir, et agir vite, pour gagner ensemble la bataille de la Notre culture est fonde sur linnovation et la complexit et contribuer btir une plante transformation permanentes. IBM est la plus plus intelligente, en amliorant la vie de nos grande organisation de R&D prive. Nous concitoyens et en rpondant aux grands enjeux consacrons plus de 6 milliards de dollars par de notre socit.

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La complexit. Mode demploi destination des dirigeantsCOMPLEXIT :DeParisNewYork,dePkinRiodeJaneiro, pourlesdirigeantsdelaplante,cestLEmotdeladcenniequivient decommencer.Unmotquipourraitsonnercommeunepromesse dopportunitsmaisqui,lheuredelaglobalisationetdesnouvelles technologies,estencoresouventsynonymedinquitude,deplongedans linconnu.Un leader sur deux est dailleurs convaincu que son organisation nest pas suffisamment prpare y faire face.Pourautant,lesmotifs doptimismenemanquentpas.Lecru2010delIBM Global CEO Study, quiainterrogquelque1500dirigeantstraverslemonde,dontprsde150 enFrance,ouvrequelquespistespluttstimulantes.Lesfirmesfranaises quisortentdulotsaventcapitalisersurlacomplexitenpariantsur lacrativit,laqualitdelarelationclientetlagilitdeleurorganisation. Surtout,lagnrationtricoloremontante,auscultepourlapremirefois parlaGlobalStudentStudy,nedoutepasdesavoirlapprivoiserpourla mettreauservicedelavenirdelaplanteetdeshommesquilhabitent.

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La nouvelle donne du management cratifPar Raphal Capelli, General Manager dIBM Global Business ServicesLors de la Global IBM CEO Study 2010, nous avons eu loccasion de partager avec de nombreux dirigeants des plus grandes entreprises et des plus grandes organisations publiques du monde entier nos rflexions concernant le nouvel environnement conomique n de la crise. Ces changes ont abouti au constat suivant : un ensemble de mouvements interagissent et sinterpntrent de manire toujours plus imprvisible face aux bouleversements constants des tendances conomiques. Ces mouvements sont ports par un ensemble de facteurs tels que lacclration de la mondialisation, la monte en puissance des pays mergents, la hausse de la rglementation, les nouveaux impratifs de la gestion des ressources humaines ou encore lexplosion du tout numrique et les questions environnementales. Dans un tel contexte, nous ne pouvions que nous interroger sur la russite et la performance de certaines entreprises et tenter de comprendre comment elles taient parvenues non seulement affronter cette complexit mais surtout en faire un facteur de diffrenciation et de croissance. Nous avons pu retirer de notre tude plusieurs lments de rponse. Tout dabord, il apparat clairement que la crise a servi de catalyseur en oprant un tri entre les multiples priorits des organisations. Elle a confirm, par exemple, limportance primordiale de la relation au client : o quil se trouve dans le monde, chaque client doit se sentir unique et tre trait en tant que tel. La crise a galement soulign limportance de la dextrit oprationnelle. Pour tirer parti dun environnement difficile, un dirigeant doit savoir faire voluer son entreprise et ladapter aux constants changements des marchs. premier lieu, savoir se dfaire du pass pour envisager lavenir et ne pas hsiter se remettre en cause pour faire face au changement. Ensuite, par de nouveaux modes de communication managriale, tre capable dexpliquer plutt que dimposer, afin de susciter plus efficacement ladhsion. Pour conclure, le management cratif repose sur la capacit prendre des dcisions rapides, sans attendre davoir runi 100 % des informations. En rsum, bien savoir vaut mieux que tout savoir. Le dfi est donc de pouvoir transformer en informations pertinentes les donnes brutes sur les clients, sur le march, sur les risques et, plus gnralement, sur lactivit de lentreprise elle-mme. Nous sommes persuads que cet enjeu est vital pour les entreprises et les organisations publiques. Nous avons ce titre fortement investi dans ce domaine pour proposer des logiciels, des offres et des services qui permettent aux dirigeants de prendre, non seulement de bonnes dcisions, mais surtout les meilleures dcisions compte tenu de linformation leur disposition. Nous tirons, comme principale leon de notre tude, que la complexit doit tre considre comme une opportunit pour les entreprises dont elles se doivent de tirer le meilleur parti.

Raphal Capelli General Manager dIBM Global Business Services Derrire ces enjeux se dessine une nouveaut majeure : ce que nous appelons le management cratif apparat dsormais comme une ncessit pour lentreprise. Il repose sur trois grands principes. En

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La complexit, facteur dinnovation et de croissance pour les entreprisesImpossible dy chapper. Entre globalisation et nouvelles technologies, les entreprises et leurs dirigeants sont entrs de plain-pied dans lre de la complexit. Comment ne pas la subir, mais au contraire la transformer en levier de croissance et de cration de valeur ? En cultivant comme jamais crativit, intimit avec le client et dextrit oprationnelle, rpondent les dirigeants interrogs la faveur de la grande enqute IBM Global CEO Study 2010.Complexit. Le mot revient en boucle dans les entretiens de la grande enqute quIBM a mene cette anne auprs de plus de 1 500 dirigeants travers le monde (1 541 exactement), dont quelque 140 en France. Dans les trois prcdentes ditions de lIBM Global CEO Study, le changement faisait figure de dfi numro un. Dsormais, cest le sentiment dun monde de plus en plus incertain qui domine, un monde de plus en plus volatil o la complexit est partout. , Au moment mme o les entreprises luttent pour merger dune des plus graves crises conomiques et financires de laprsguerre, leurs dirigeants confient leur dsarroi : ils nagent en pleine incertitude et expriment lintuition que la nouvelle et lide quils se font de leur capacit y donne requiert un nouveau style de faire face) pourrait tre inquitant. Il est leadership. Tous voient surtout stimulant ds lors particulirement dans Pour grer la complexit, que lon prend la peine de la complexit une sorte quatre qualits me regarder les choses de de nouvelle frontire. paraissent essentielles : plus prs. Prs de huit dirigeants la vision, la volont, Ltude IBM sintresse sur dix (79 %) estiment en la capacit crer ainsi particulirement effet que le niveau de de la valeur, la vitesse la famille de ceux que complexit auquel ils Denis Kessler, Prsident nous appellerons les surseront confronts sera du Groupe Scor performeurs. Autrement dit, les organisations qui encore plus lev demain ont montr leur aptitude sortir du lot en tandis quun sur deux pense que son entreprise nest pas prpare y faire face. majorant leurs marges de manuvre oprationnelles. Certaines entreprises Ce complexity gap (la diffrence entre ont en effet ralis au cours des cinq la complexit anticipe par les dirigeants

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dernires annes de belles performances (y compris pendant la crise) et leurs dirigeants se sentent plutt arms pour affronter le monde qui vient. Il ne sagit pas l dune question dactivit ou de zone gographique, puisque ces bons lves se trouvent dans tous les secteurs et aux quatre coins de la plante. Le cru 2010 de lIBM Global CEO Study rvle plutt que les cls du succs sont porte de tous ds lors que les organisations se donnent les moyens de sadapter en permanence aux chambardements du monde. Les sur-performeurs sont confiants dans leurs propres capacits prosprer dans la complexit. Et, mieux encore, grce elle.

79 % des dirigeants anticipent un niveau de complexit lev/trs lev dans les cinq prochaines annes. 49 % seulement se sentent prts y faire face.

Trois enseignements majeurs mergent de ltude. Le premier consacre le rle essentiel de la crativit. Plus encore que leurs pairs, les dirigeants qui tirent parti de la complexit placent celle-ci au-dessus de tout et mobilisent leur nergie traduire cette conviction dans leur action quotidienne. Pour mener bien leur stratgie, nos champions de la crativit nhsitent pas remettre en cause le statu quo, prendre des risques calculs, encourager lexprimentation tous les niveaux (la crativit est laffaire de tous), innover dans leur mode de management et de communication (plutt la conviction que lautorit), et par-dessus tout rinventer en permanence leur business model.

Une attitude qui leur permet dapprivoiser lincertitude, sans craindre damnager leur plan stratgique et de prendre rapidement une dcision chaque fois que ncessaire (43 % dentre eux privilgient la rapidit de dcision contre 28 % seulement pour les autres dirigeants). Deuxime enseignement de ltude : les organisations les plus performantes sont aussi celles qui nhsitent pas revisiter de fond en comble la relation client.

La qualit de celle-ci a bien entendu toujours t centrale, mais la multiplication des sources dinformation, lirruption de nouveaux canaux dchanges, notamment avec les rseaux sociaux, ont tendance la fragiliser en modifiant radicalement les habitudes des clients. Imaginons que si Facebook tait un pays, il serait avec 500 millions dutilisateurs fin juillet 2010 le troisime au monde par la taille ! Une rvolution. Dsormais, il ne sagit plus

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seulement dtre proche de son client, mais de le faire littralement entrer dans lentreprise, den faire un membre de lquipe, en lassociant troitement la cration de nouveaux produits et services (on parle de plus en plus de co-cration).

88 % des dirigeants interrogs (et 95 % des sur-performeurs) voient dans cette capacit devenir en quelque sorte lintime de chaque client la priorit des priorits. Cest notamment la cl du succs auprs des nouvelles gnrations. Les nouvelles techno- France dAmadeus logies facilitent cette Pour les organisations intimit nouvelle condition de savoir comme pour leurs dirigeants, la question transformer la profusion dinformations n'est donc pas d'viter la complexit mais en intelligence des nouveaux besoins de se donner les moyens dy faire face et comportements. et, mieux encore, de sen servir pour lapprivoiser et en tirer parti. LIBM Global Le troisime enseignement de lIBM Global Study 2010 montre clairement que, CEO Study met en valeur la capacit faire matrise, celle-ci devient un levier de de la dextrit oprationnelle la meilleure croissance et de cration de valeur inestimable ds lors quelle est saisie rponse possible la complexit et lhyper-concurrence dans un monde global. comme une occasion de briser le statu L encore, les sur-performeurs sortent quo, dinnover tous les niveaux et de du lot en pariant sur la simplification des se donner les moyens en ractivit, en agilit de faire la diffrence. processus de production comme de loffre

de produits et services, en cultivant lefficacit dune approche diffrencie, la fois globale et locale (do lirruption et la pertinence du terme glocal), ladaptabilit permanente (aux nouveaux marchs, aux nouvelles mthodes de production et de management) et la flexibilit des cots Nous concevons nos ( la baisse, bien sr !). produits avec nos clients. Davantage encore que Cest un point cl leurs pairs, ils en attendent de notre stratgie. des nouveaux produits Nous passons beaucoup et services, sources dun de temps les couter supplment substantiel avec en tte le souci de chiffre daffaires permanent de linnovation (20 %) au cours des cinq Jean-Paul Hamon, prochaines annes. Vice-prsident excutif

Quand les sur-performeurs font la diffrence, ils sont...

95% 61%

prioriser lintimit avec le client

jouer la simplification pour mieux grer la complexit

43% 38%

dcider rapidement en dpit des incertitudes

Grer la complexit est pour nous une priorit, ce qui nest pas contradictoire avec la ncessit de simplifier en permanence lorganisation et loffre de produits et services.Paul Delaoutre, Directeur Gnral, branche grands magasins du Groupe Galeries Lafayette

LIBM Institute for Business Value

Ltude IBM Global CEO Study a t dirige aux tats-Unis par Saul Berman, Global & Americas Leader pour le IBM Strategy & Change Consulting group dIBM Global Business Services, et Peter Korsten, Vice-prsident et Global Leader de lIBM Institute for Business Value. Pour consulter ltude complte et visionner des tmoignages de dirigeants, rendez-vous sur ibm.com/ceostudy2010/fr

Nous devons btir une nouvelle stratgie plus que jamais centre sur le consommateur et mettre en place le bon systme de distribution multi-canal avec le meilleur mix produits/services possible en sappuyant sur la connaissance intime de nos clients. Arnaud Mulliez, Prsident dAuchan Hypermarchs France et de la division e-commerce du Groupe Auchan

faire de linnovation la priorit absolue

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Nous sommes la veille dun basculement de modle conomiqueMichel Meunier, 37 ans, a pris ses fonctions de Prsident du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) le 26 juin dernier loccasion du congrs de Nantes. Il explique comment les Jeunes Dirigeants veulent faire de la complexit un atout au service de la performance globale.Quel regard portez-vous sur lirruption de la complexit dans la vie des entreprises ?Michel Meunier. Le monde devient de plus en plus complexe, il y a de plus en plus dinteractions, de facteurs extrieurs susceptibles de venir impacter tout moment la vie et la stratgie de lentreprise. Tout dirigeant doit dsormais intgrer ces facteurs (globalisation, nouvelles technologies, rglementations, raret des ressources naturelles, enjeux environnementaux, etc.) dans sa rflexion stratgique, apprendre vivre avec limprobable (souvenons-nous de lpisode du volcan islandais !) et affronter une acclration de la complexit conomique mais aussi sociale, et socitale. mais si lon veut comprendre et intgrer la complexit dans une approche stratgique, il faut sen donner les moyens. Depuis 2000, le Centre des Jeunes Dirigeants (CDJ ) a dvelopp un cursus de formation au mtier de dirigeantentrepreneur baptis Copernic. Le premier module lui propose un cadre et une mthodologie pour diriger et entreprendre par la complexit car en apprhender les enjeux, imaginer les outils daccompagnement et le pilotage au quotidien sont devenus aussi essentiels que la comprhension de lenvironnement conomique, social et socital. Michel Meunier Prsident du CJD un rle jouer en crant de la richesse mais aussi en assumant sa responsabilit sociale au sens large du terme. La solidarit est inscrite dans les gnes des Jeunes Dirigeants. Nous avons t les premiers, il y a prs de vingt ans, lancer lide dentreprise citoyenne ! Aujourdhui, passer du solitaire au solidaire, cest troquer une gouvernance qui ne servirait que les actionnaires pour prendre en compte lintrt de tous les acteurs, salaris et partenaires. Cest aussi initier des modes de management collaboratifs tous les niveaux, et dabord dans les territoires o lchange avec lensemble des acteurs favorise un dveloppement plus harmonieux. Notre mot dordre, rveiller les consciences pour changer dre (aire, air), fait cho cette volont de grer la complexit dans toutes ses dimensions, en mettant lconomie au service de la vie. Nous sommes la veille dun basculement de modle conomique et les plus jeunes lont bien compris.

Quel est limpact de la complexit sur le mtier de dirigeant ?M.M. Il y a encore quelques annes, on pouvait se permettre de grer au feeling

Votre dernier congrs tait plac sous le signe de lentreprise solidaire. En quoi la solidarit est-elle une rponse au dfi de la complexit ?M.M. Complexit et solitude ne font gure bon mnage. La crise a montr la fragilit du systme. Face cette fragilit croissante, la solidarit est une force et lentreprise a

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La complexit en hritagePour la premire fois, les chercheurs dIBM ont complt leur enqute auprs des dirigeants par une plonge dans les ttes et les curs des tudiants, autrement dit de ceux qui demain incarneront la relve. Quelle est leur manire de concevoir le leadership, leurs priorits ? La gnration du Millnaire laisse entrevoir lmergence dun nouveau systme de valeurs.Dans quelques annes, pratiquement un salari sur deux dans le monde sera issu de la gnration du Millnaire*. Cette relve, qui dmarre sa carrire, voire hante encore les bancs de luniversit et des grandes coles, va donc bientt imprimer sa marque sur le management des entreprises. Voil pourquoi la Global Student Study 2010,

mene par IBM auprs de quelque 3 600 tudiants du monde entier, est particulirement fconde pour comprendre ce qui se prpare dans les ttes bien faites de nos enfants : mettront-ils leurs pas dans ceux de leurs ans ou auront-ils une vision sensiblement diffrente de leur rle au service des entreprises et de la plante ? Premier constat : si les tudiants portent sur la situation conomique mondiale un regard proche de celui de leurs prdcesseurs, notamment en ce qui concerne son vidente (et croissante) complexit, ils nen tirent pas les mmes conclusions. Le monde global et interconnect est leur univers. Ils sont tombs dans la marmite quand ils taient petits. Non seulement la complexit ne leur fait pas peur mais ils sont confiants dans leurs capacits sen faire une allie grce labondance et la qualit de linformation dsormais disponible. Mais, et cest lenseignement essentiel, la Global Student Study 2010 rvle aussi lmergence dune nouvelle hirarchie des proccupations et, in fine, dun nouveau systme de valeurs au sein de la future gnration de leaders. Quand les dirigeants en poste voient dans lvolution des marchs

et dans les nouvelles technologies les deux grands dfis auxquels leurs organisations seront confrontes dans les prochaines annes, la relve insiste sur la globalisation et le dveloppement durable. Elle sinquite de la raret annonce des ressources, plbiscite le socialement responsable et affirme sa volont de repenser la notion de richesse pour reprendre les mots dun tudiant franais. Une volution des esprits qui va de pair avec lide que les futurs dirigeants se font des qualits dun bon leadership. Certes, sur un point essentiel, la gnration du Millnaire se situe dans la continuit parfaite de ses illustres prdcesseurs: elle place la crativit en tte des qualits dun bon leader. Mais pour le reste, elle exprime une aspiration nouvelle devenir un citoyen global, responsable vis--vis des autres et vis--vis de la plante selon la formule dun tudiant amricain. Bref, en pleine crise des valeurs, nos futurs leaders se voient bien investis de la lourde tche den inventer de nouvelles. Idalisme propre la jeunesse ou ralisme prcoce ? Lavenir le dira...

* Ceux qui sont ns entre la fin de la dcennie 70 et le milieu des annes 90.

Les cinq principaux facteurs qui vont impacter les entreprises dans les annes venirPourundirigeantactuel... Lvolutiondesmarchs Lesnouvellestechnologies Lasituationmacro-conomique Lescomptences Larglementation 56 % 39 % 38 % 37 % 35 % Pouruntudiant... Laglobalisation Lesnouvellestechnologies Lvolutiondesmarchs Laquestionenvironnementale Lasituationmacro-conomique 55 % 46 % 46 % 42 % 39 %

Les cinq principales qualits dun leaderPourundirigeantactuel... Crativit Intgrit Capacitpenserglobal Capacitdinfluence Ouverturedesprit 60 % 52 % 35 % 30 % 28 % Pouruntudiant... Crativit Capacitpenserglobal Intgrit Capacitpenserdurable Ouverturedesprit 63 % 51 % 37 % 35 % 29 %

Source. Inheriting a Complex World: Future Leaders Envision Sharing the Planet, IBM Institute for Business Value, 2010.

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Jean-Louis Le Moigne Animateur du Rseau Intelligence de la Complexit

Agir et penser en complexit dans lentreprisePiloter une entreprise dans toutes ses complexits, cest ajuster en permanence ses objectifs et ses process aux volutions de son environnement, en sachant quil ny a pas de vrit absolue en la matire. Et cest aussi, pour ses responsables, permettre tous les collaborateurs de lentreprise dexercer leur intelligence afin de comprendre ce quils font individuellement et collectivement, argumente le professeur et ingnieur Jean-Louis Le Moigne, animateur du Rseau Intelligence de la Complexit MCX-APC.Comment dfiniriez-vous la complexit ?La complexit dsigne ces enchevtrements de multiples processus irrguliers et insparables au sein desquels les organisations humaines agissent en tentant de les comprendre. Ce fut longtemps en cherchant rduire la complexit la complication : tout dcouper en autant de parcelles quil se pourra, parcelles que lon relie en longues chanes linaires de raisons toutes simples. Ne pouvons-nous restaurer aujourdhui les mthodes de raisonnement pragmatique : dans lincertain, chercher relier pour comprendre et crer ? Sattacher dabord dcrire, rflchir sur les modles et dlibrer, tout en restant modeste. Edgar Morin nous le rappelle : comprendre ce nest pas tout comprendre, cest reconnatre quil y a de lincomprhensible.

La solution ne consiste-t-elle pas simplifier ?Tout le monde croit que simplifier, cest produire une reprsentation non fausse, pas exhaustive, de la situation. Mais sinterroge-t-on sur les critres et les mthodes de simplification ? Dcouper un poulet comme on coupe un saucisson, en tranches parallles ? Chacun cite des exemples: pour simplifier sa gestion, cette grande entreprise dcide que chaque cadre se comportera l'avenir comme un entrepreneur individuel. Vision simpliste qui engendre de mortelles guerres de baronnies dont on sait les effets pervers. Ceci alors que ces cadres peuvent exercer lintelligence de leur action collective en co-laborant ces rich pictures des contextes dans lesquelles ils agissent.

Diriez-vous que lentreprise est une organisation complexe ?Lentreprise est un concept qui na pas de ralit tangible. Les Anglo-Saxons nutilisent pas le terme dentreprise, mais plutt de business organisation, pour dsigner ce magma dtres humains en interactions avec des magmas de projets. Toute entreprise peut tre vue comme un vortex: on ne peut pas la prendre dans la main et pourtant elle agit sans cesse. Ne peut-on penser lentreprise comme une organisation vivante, systme ouvert qui fonctionne et se transforme, et non comme une structure mcanique reprsente par un organigramme fig?

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Ne peut-on caractriser de faon plus spcifique la complexit des entreprises ?Une organisation humaine doit sans cesse se dfinir la fois par ses points de vue sur ses contextes (un tapis de processus divers) et par ses projets, eux-mmes divers et voluant en fonction, en particulier, des rsultats de ses actions en cours. Surtout lorsque la mise en uvre de nouveaux moyens suggre de nouvelles possibilits daction et par l suggre de nouvelles fins. Do des appels de plus en plus frquents une rflexion thique sur laction de lentreprise. Le possible nest pas ncessairement le souhaitable, dautant plus que laction collective conduit des situations irrversibles, une des caractristiques essentielles de laction en complexit.

seul quantitatif qui appauvrit la comprhension des phnomnes. Pourtant ils sont trop souvent victimes du syndrome GI-GO ( Garbage In, Garbage Out ) en nenrichissant pas assez les donnes des problmes.

de disposer de reprsentations riches de laction collective dans laquelle leur propre activit sinscrit. Le principe rcursif (les produits sont eux-mme producteurs de ce qui les produit) permet de rendre compte des phnomnes de transformation interne. Il exprime leffet du comportement du systme sur sa structure interne propre. En transformant leur environnement, les entreprises se transforment aussi. Ainsi se comprennent les effets dapprenance organisationnelle. Le principe dialogique (lassociation consciente de deux logiques qui la fois sexcluent et nourrissent mutuellement) est une manire de reconnatre quon ne peut sparer lantagoniste du complmentaire, la comptition de la coopration. Comme il faut une source chaude et une source froide pour le travail dune machine, il faut une tension entre ordre et dsordre pour quune organisation soit active. Ce qui conduit sans cesse lentreprise des comportements non optimum (mono-critre), mais pragmatiques, satisficing, selon Herbert Simon. Yves Barel disait que la complexit est en attente de bricoleurs, et pour faire avec la complexit dune entreprise, ne faut-il pas clairer plusieurs domaines la fois, prendre des dtours, ruser ? La complexit appelle la stratgie (Edgar Morin), et elle se construit toujours chemin faisant.

Quels repres pour agir et penser en complexit ?La complexit nest pas un mot solution, cest un mot problme, rappelle E. Morin. En revanche, ajoute-t-il, la faon de penser complexe se prolonge en faon dagir complexe. Et la faon de penser complexe commence par la faon de dcrire la situation dans laquelle on se propose dagir intentionnellement: elle nest jamais compltement donne puisquelle dpend des points de vue que chaque responsable adopte. On comprend que les dirigeants de lentreprise soient particulirement attentifs la qualit et la richesse des processus informationnels qui sy dveloppent : ils ne sont nullement rduits au Pour sexercer cette intelligence de la complexit, Edgar Morin a dgag trois principes de la Pense Complexe : Le principe hologrammatique (le tout est inscrit dans la partie qui est inscrite dans le tout) permet dclairer la complexit des phnomnes dmergence crative dans lentreprise. Si le tout est plus que la somme des parties, la partie est plus quune fraction du tout. Manager, ce nest pas seulement coordonner le tout, cest aussi inciter ses collaborateurs exercer leur intelligence en leur permettant

18 ThinkChantal Jouanno ancienne Secrtaire dtat charge de lcologie et Ministre des Sports depuis novembre 2010

Assumer la complexit du dveloppement durableLe dveloppement durable constitue un dfi partag par lensemble de la socit, des particuliers aux entreprises, en passant par les pouvoirs publics. Pour Chantal Jouanno, ancienne Secrtaire dtat charge de lcologie et Ministre des Sports depuis novembre 2010, la mise en place dune vraie conomie verte peut permettre de le relever collectivement ds aujourdhui, malgr sa complexit. Lenjeu est de taille : assurer lavenir.Comment grer la complexit du dveloppement durable en tenant compte du rchauffement climatique, de la rarfaction des ressources nergtiques et du besoin de dveloppement conomique des entreprises ?Le dveloppement durable peut encore apparatre comme une notion complexe, et jen conviens. Mais il ne faudrait surtout pas que cette complexit soit facteur dimmobilisme. Cest trop facile. Le progrs de lhumanit, cest dassumer sa complexit. Le dveloppement durable est avant tout une ncessit : nous ne pourrons dans le futur continuer vivre, produire et consommer comme nous le faisons aujourdhui et ce, encore moins, quand neuf milliards dhommes et de femmes aspireront, eux aussi, une qualit de vie et de confort comparable la ntre. Il ne sagit bien entendu pas de se priver de tous les apports de notre socit moderne mais de fuir ses excs. Les progrs technologiques sont et seront toujours ncessaires mais ils ne suffiront pas rsoudre les crises environnementales auxquelles nous sommes confronts: diviser par cinq la consommation dun quipement lectrique ou lectronique est tout fait mritoire mais si, dans le mme temps, on dcuple le nombre dunits vendues, soit par augmentation du nombre dacheteurs soit par raccourcissement de la dure de vie des quipements, les problmes restent identiques. Dautant plus quau-del de la consommation dnergie, tout produit gnre dautres impacts, consomme des ressources et gnre des dchets. Cest tout lobjet de la Stratgie Nationale de Dveloppement Durable 2010-2013 (SNDD) adopte cet t: donner chacun, entreprises ou autres organisations, le cadre ncessaire structurer sa dmarche de dveloppement durable, pour laider en grer la complexit et identifier ses propres enjeux et leviers daction. Neuf dfis communs ont ainsi t dfinis, dont le premier est celui dune production et dune consommation durable. Cette conomie verte ouvre tous les secteurs des opportunits en matire dinnovation et, bien mene, sera source de comptitivit pour les entreprises. En effet, en les incitant tre plus sobres en carbone et moins gnratrices dimpacts sur lenvironnement, elle pourra renforcer leur robustesse face aux variations et augmentations des cots de lnergie et la pression croissante exerce sur les matires premires tout en rpondant aux attentes naissantes de leurs clients ou de leurs consommateurs, eux aussi en qute de modes de production et de consommation plus durables.

Quelles solutions peut-on proposer pour rpondre ces attentes parfois contradictoires ?Il nous faut nous orienter, pas pas mais toujours rsolument, vers une conomie plus verte et plus quitable: cest--dire la fois dcarbone et sobre en ressources, quelles quelles soient (ressources non renouvelables, espace, air, eau,), et plus juste, tant dans la rpartition des richesses que des efforts fournir.

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En tant que partenaires, rgulateurs et faciliteurs, en quoi les pouvoirs publics peuvent-ils aider les entreprises relever ces dfis ?Au-del de leurs rles traditionnels de rgulateurs, les pouvoirs publics sont des catalyseurs. Ainsi, ils agissent pour mettre en place et prenniser de nouveaux modes de gouvernance, comme par exemple en instituant le tout rcent CNDDGE (Conseil national du dveloppement durable et du Grenelle Environnement). Il runit cinq collges reprsentant la socit civile (lus, employeurs, salaris, ONG Environnementales et autres parties prenantes) afin dclairer ou danalyser les choix des pouvoirs publics en matire de dveloppement durable.

Cette conomie verte ouvre tous les secteurs des opportunits en matire dinnovation et, bien mene, sera source de comptitivit pour les entreprises.

Dans dautres occasions, les pouvoirs publics accompagnent la formalisation de politiques et dobjectifs quantifis en matire de dveloppement durable par les diffrents secteurs professionnels. Cest le cas notamment des conventions sur les engagements pris, dans le cadre du Grenelle Environnement, par des secteurs professionnels. Ces conventions dengagement Grenelle, signes par plus de vingt secteurs ce jour, sont la preuve par lexemple que le Grenelle Environnement nest pas quune affaire de pouvoirs publics ou de missions rgaliennes : le Grenelle est avant tout lengagement de toutes les parties de la socit. Laction des pouvoirs publics ne relve pas que de linterdiction ou de la limitation ventuelles en termes de composition et de caractristiques des produits. Elle peut aussi accrotre la transparence de loffre afin dorienter le choix des acteurs et leur permettre de prendre en compte de nouveaux facteurs de dcision telle la protection de lenvironnement. Une application concrte et emblmatique du Grenelle Environnement est la mise en place dun affichage gnralis des caractristiques environnementales des produits, ce qui permettra, terme, aux consommateurs qui le souhaitent de mieux prendre en compte lenvironnement dans leurs actes dachat. Du ct des producteurs et des distributeurs, cela induira aussi de nouveaux facteurs concurrentiels. Ce nouvel affichage commencera par une phase dexprimentation fixe par la loi Grenelle 2 (loi dengagement national en faveur de lenvironnement): jai souhait que cette exprimentation soit volontaire, ouverte aux entreprises de tous secteurs ou leurs groupements pour crer et optimiser les systmes dinformation environnementale futurs!

Interview ralise le 20 octobre 2010

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Une succession de solutions inventer pour moderniser ltatRendre ladministration plus rapide et plus efficace pour les usagers, tout en optimisant les cots. Pour mener bien cette mission, la Direction Gnrale de la Modernisation de ltat (DGME) aide les ministres mettre en uvre la Rvision Gnrale des Politiques Publiques (RGPP)1. Elle implique aussi lensemble des acteurs dans la transformation de ltat, explique son Directeur Gnral, Franois-Daniel Migeon.vocation transformer ladministration pour la rendre la fois plus agile, plus simple, plus efficace, plus ractive et plus conome des deniers publics. Il sagit in fine de proposer aux usagers des services accessibles, innovants et fiables. La force premire de la RGPP rside dans limplication du plus haut niveau de ltat : le Comit de suivi de la RGPP est conjointement prsid par le Secrtaire Gnral de llyse et le Directeur de cabinet du Premier ministre. La DGME veille lavance effective des mesures dcides. Elle identifie les blocages ventuels, afin dy remdier sans dlai. Laccompagnement est fondamental car un mouvement de transformation de lampleur de la RGPP implique lappui des7c

Franois-Daniel Migeon Directeur Gnral de la DGME

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En quoi la RGPP1 a-t-elle mieux intgr la complexit de ladministration publique que les autres rformes de ltat conduites ce jour ?

Comme toute organisation, ladministration est vivante. Elle doit voluer au rythme de son environnement, sadapter lvolution de la socit, se transformer pour rpondre aux attentes nouvelles des usagers (43 % des entreprises jugent complexes les dmarches administratives, et 70 % des usagers se plaignent de la longueur des dlais ), tout en prenant en compte les contraintes de financement. La RGPP rpond cette double exigence : elle a

principaux acteurs par des experts et des spcialistes. La DGME effectue, donc, des missions auprs des ministres pour les aider, faciliter la mise en uvre de la modernisation et leur transmettre des mthodes organisationnelles. Cest cette dmarche et cette gouvernance qui permettent de bien intgrer la complexit de ladministration dans le mouvement de rforme.

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Comment dfiniriez-vous la complexit propre votre mission de modernisation de ltat ?

La complexit est avant tout lie une question dchelle : comparez simplement la taille de ladministration et ses 2,5 millions

Think 21dagents, celle des entreprises du CAC 40 ! Ensuite, ltat sadresse tous les Franais, aux usagers de tous les secteurs, quils soient des particuliers, des entreprises, des collectivits locales ou des associations. Ces attentes sont trs diversifies, mais exigent toutes une fiabilit totale de la part des services publics. Par ailleurs, moderniser et innover supposent dtre en prise directe avec les usagers. Cest ce que fait la DGME, avec dune part un panel de plus de 5 000 usagers susceptibles de tester des nouvelles propositions, et dautre part en proposant chacun de contribuer directement, sans filtre, via le site : www.ensemble-simplifions.fr. Plus de trente mesures rpondant aux priorits des Franais ont dj t engages : la suppression des demandes de copies dtat-civil, le suivi en ligne du traitement des plaintes, la possibilit de demander en ligne son inscription sur les listes lectorales, etc. ltat ; nous devons proposer des solutions de transformation adaptes le plus finement possible aux problmatiques des administrations concernes. Il nexiste pas une solution unique mais plutt une succession de solutions inventer pour moderniser ltat. Cest pourquoi les principes de mthode comme ceux de la mthode Lean2, par exemple, sont particulirement adapts : ils permettent doptimiser sur le terrain les pratiques en sappuyant sur lexprimentation et lexpertise des agents, assurant une bonne comprhension des multiples mtiers de ladministration, et de ses missions. Les usagers constituent galement un soutien prcieux. Ils guident notre action en exprimant leurs attentes sur des services dont ils sont les premiers bnficiaires. En termes de moyens, les nouvelles technologies ont rvolutionn le rapport aux usagers. Elles ont cr de nouvelles interactions et contribu dcloisonner lorganisation de ladministration. Elles ont permis de se poser des questions essentielles sur le partage des donnes et leur confidentialit. cet gard, le succs de mon.service. public.fr (MSP), dvelopp par la DGME, permettant un accs rapide, simple et scuris aux services administratifs en ligne, a valeur de symbole. la fin septembre 2010, un million de Franais avaient choisi de grer leurs dmarches administratives en ligne via MSP ! Cest la preuve de lapptence des Franais pour ladministration lectronique, et la preuve de la capacit de ltat rpondre ces nouveaux dfis.

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Sur quels soutiens et sur quels moyens pouvez-vous compter pour mener bien votre mission ?La DGME est organise pour piloter la RGPP et mener bien la transformation, pour accompagner les ministres dans leurs projets, proposer de nouvelles pistes damlioration de la qualit de service. Outre le soutien politique dont nous bnficions, notre premier soutien provient des agents publics eux-mmes, car ils sont les premiers acteurs de la transformation. Cest pour cette raison que nous lanons, sous lautorit de Franois Baroin, Ministre du Budget et de la rforme de ltat, une cole de la Modernisation de ltat. Sa vocation sera de dvelopper le potentiel des responsables administratifs, pour russir la mise en uvre des transformations issues, notamment, de la RGPP.

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Comment rpondez-vous la double demande doffrir une meilleure qualit de services tout en ralisant des conomies budgtaires ?

Il ne faut jamais perdre de vue que laction de ltat trouve tout son sens dans la qualit du service rendu nos concitoyens. Nous devons dornavant le faire en contribuant la matrise des dpenses publiques. La DGME doit donc agir comme un catalyseur de la transformation de

[1] Lance en juin 2007, la Rvision Gnrale des Politiques Publiques (RGPP) est un programme de modernisation de laction de ltat. Aprs une phase daudits approfondis dans lensemble des ministres, plus de 300 rformes ont t engages pour recentrer ltat sur ses missions prioritaires et amliorer la qualit du service rendu lusager. [2] Mthode dorganisation issue de lindustrie automobile qui recherche laccroissement de la performance, de la productivit et de la qualit par lamlioration continue et llimination des gaspillages.