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Chapitre 1
Grammaire universelle
et pragmatique du discours
Daniel Vanderveken
Département de Philosophie
université du Québec à Trois-Rivières
3351, boul. des Forges, C.P. 500
Trois-Rivières (QC) G9A 5H7, Canada
Comme les grammairiens et les philosophes de l’âge classique l’ont souligné, les deux fonctions
principales du langage sont de donner aux êtres humains des moyens pour exprimer et communiquer avec
clarté et précision leurs pensées conceptuelles à contenu propositionnel. Y-a-t-il des traits transcendants
que toute langue naturelle doit posséder pour être capable de remplir ses deux fonctions essentielles
d’expression et de communication de nos pensées conceptuelles, et si oui, quelle est leur nature ? En quoi
consiste notre compétence linguistique ? Telle sont les questions dont je traiterai dans ce chapitre.
Selon la théorie des actes de discours, les unités premières de signification et de communication dans
l’usage et la compréhension du langage, sont des actes de discours du genre appelé par Austin (1962)
illocutoire. Les locuteurs qui veulent communiquer font plus que représenter des faits du monde en
exprimant des propositions ayant des conditions de vérité. Ils relient toujours le contenu propositionnel de
leurs pensées au monde avec des forces illocutoires. Ils entendent alors accomplir à un moment
d’énonciation des actes illocutoires individuels comme des assertions, questions, promesses, demandes,
conseils, déclarations et saluts, qui sont pourvus de conditions de félicité plutôt que de conditions de vérité.
Ce faisant, ils manifestent leurs attitudes (croyances, désirs, intentions) à propos des faits représentés. Qui
plus est, quand ils poursuivent un discours, les locuteurs entendent en outre y accomplir des interventions
comme échanger des salutations, donner des nouvelles, débattre sur une question, raconter une histoire,
expliquer et justifier leurs positions, délibérer comment agir, négocier une affaire, régler un différend, faire
un rapport, une évaluation, un certificat ou un éloge. Pareilles interventions qui durent un intervalle de
moments successifs sont des actes illocutoires de niveau supérieur qui sont conjoints quand plusieurs
interlocuteurs les poursuivent (Vanderveken 1997, 2001).
Comme les locuteurs expriment et communiquent leurs pensées conceptuelles en tentant d’accomplir
des actes illocutoires, la logique des actes de discours contribue à la théorie des universaux langagiers en
formulant les lois nécessaires et universelles qui gouvernent la félicité des actes illocutoires dans l’usage et
la compréhension du langage. A mes yeux, la forme logique des actes illocutoires (en bref des illocutions)
impose des exigences formelles à la structure profonde de toute langue naturelle possible ainsi qu’à
l’esprit de ses interlocuteurs compétents. Ainsi certains traits syntaxiques, sémantiques et pragmatiques
sont transcendants et universaux car ils sont indispensables. Une langue dépourvue de pareils traits ne
pourrait fournir à sa communauté linguistique des moyens appropriés pour exprimer et communiquer leurs
pensées conceptuelles. Qui plus est, comme la compétence linguistique est avant tout la capacité
d’accomplir et de comprendre des actes illocutoires individuels et conjoints, les interlocuteurs compétents
doivent avoir certaines capacités mentales pour pouvoir pleinement utiliser et comprendre une langue
naturelle. En particulier, ils doivent être capables de faire des actes de référence et de prédication et de
distinguer au niveau propositionnel le vrai du faux, et au niveau illocutoire le succès de l’échec et la
satisfaction de l’insatisfaction. Ils doivent également pouvoir raisonner, faire des inférences valides aussi
bien pratiques que théoriques et coopérer en coordonnant intelligemment leurs contributions dans le
discours. Pareilles capacités exigent d’eux la faculté de raison.
Comme nous le verrons, il y a une relation interne entre les fonctions essentielles et la structure
profonde du langage. Les langues naturelles possèdent un riche vocabulaire et une grammaire puissante,
elles mettent à la disposition de leurs interlocuteurs beaucoup d’énoncés afin d’exprimer et de
communiquer leurs pensées en accomplissant de diverses façons, littéralement, sérieusement ou non, des
actes illocutoires. Elles leur donnent également les moyens de former de nouveaux énoncés et d’enrichir
leurs capacités expressives. La structure de surface des énoncés courants peut induire en erreur.
Néanmoins, les interlocuteurs appréhendent la forme logique des actes illocutoires tentés lorsqu’il y a
signification et compréhension. En outre la forme logique des traits transcendants du discours est celle qui
convient à leurs fonctions.
1.1. Principes de la logique illocutoire
Il existe plusieurs niveaux d’unités de communication dans la poursuite du discours, de même qu’il existe
plusieurs niveaux d’unités syntaxiques en syntaxe logique. Selon la théorie des actes de discours, les unités de
base sont les actes illocutoires élémentaires comme les rappels, les promesses, les questions, les conseils, les
définitions et les compliments qui sont composés d’une force illocutoire F et d’un contenu propositionnel P.
D’un point de vue logique, pareils actes illocutoires sont des actes de discours de premier niveau : des
locuteurs individuels entendent les accomplir à un moment d’énonciation en utilisant des mots en un seul
contexte d’emploi d’une langue.
Comme Searle et moi-même l’avons expliqué dans Foundations of Illocutionary Logic1 chaque acte
illocutoire élémentaire de la forme F(P) est pourvu d’un but illocutoire intrinsèque à la force F qui lui est
propre.
Il y a cinq buts illocutoires que les locuteurs peuvent tenter d’atteindre sur un contenu propositionnel :
– le but assertif (propre aux assertions, conjectures et aveux) qui sert à représenter comment les choses
sont dans le monde ;
– le but engageant (propre aux promesses, menaces et serments) qui sert à engager le locuteur à une
action ;
– le but directif (propre aux demandes, ordres et questions) qui sert à tenter de faire agir l’interlocuteur ;
– le but déclaratoire (propre aux nominations, dons et verdicts) qui sert à faire une action au moment de
l’énonciation par le seul fait de dire qu’on la fait ;
– le but expressif (propre aux saluts, excuses, plaintes et remerciements) qui sert à exprimer des
attitudes du locuteur.
Les énoncés des langues naturelles servant à accomplir littéralement les actes illocutoires élémentaires
sont des énoncés élémentaires pourvus d’un marqueur et d’une clause exprimant respectivement une force
illocutoire et un contenu propositionnel en chaque contexte possible d’énonciation. Les marqueurs de force
les plus courants sont le mode verbal et le type syntaxique de l’énoncé. Ainsi les énoncés déclaratifs
1. Cambridge University Press 1985, 2009.
servent à faire des assertions, les énoncés impératifs à donner des directives et les interrogatifs à poser des
questions. Les énoncés performatifs servent à faire des déclarations et les exclamatifs servent à exprimer
des attitudes du locuteur. Comme nous l’avons montré2, les énonciations performatives réussies sont des
déclarations par lesquelles le locuteur accomplit en parlant l’acte de discours nommé par leur verbe
performatif.
Certains actes illocutoires de premier niveau ont une forme logique plus complexe que les illocutions
élémentaires de la forme F(P). Tels sont les actes de dénégation illocutoire comme les refus qui sont de la
forme F(P) et dont le but est de rendre explicite l’inaccomplissement par le locuteur d’un acte illocutoire
F(P), les actes illocutoires conditionnels comme les offres de la forme (Q F(P)) dont le but est
d’accomplir un acte illocutoire F(P) non pas catégoriquement mais à la condition qu’une proposition Q soit
vraie et enfin les conjonctions illocutoires comme les alertes qui sont de la forme (A et B) et dont le but est
d’accomplir simultanément deux actes illocutoires A et B. Ainsi les refus sont des dénégations
d’acceptations, les offres sont des promesses conditionnelles à leur acceptation par l’interlocuteur, et les
alertes sont des avertissements d’un danger imminent qui sont faites avec la directive d’y prendre garde.
Les interlocuteurs se parlent rarement avec le seul but d’accomplir des actes illocutoires individuels
isolés à un moment d’énonciation. Au contraire, ils sont en interaction dans la poursuite de discours où ils
dialoguent. Ils font la plupart de leurs actes illocutoires individuels momentanés avec l’intention de
contribuer à tour de rôle à des interventions illocutoires plus longues, grâce à leurs échanges verbaux. Ils
entendent, par exemple, se saluer, souhaiter la bienvenue, décrire une situation, dresser un procès-verbal,
argumenter, prendre une décision, faire un plan, un bilan, une entrevue, une consultation, une critique, un
sermon, un éloge, du marchandage ou de la propagande, établir une nomenclature, une classification ou une
évaluation ou procéder à une cérémonie institutionnelle comme une inauguration, un mariage, un baptême.
Pareilles interventions discursives sont des illocutions de niveau supérieur qui durent plusieurs
énonciations successives. Elles ont toutes un but linguistique propre que j’appelle leur but discursif
correspondant à une direction possible d’ajustement entre les mots et les choses. Dans mon optique, il y a
quatre buts discursifs que les interlocuteurs peuvent tenter d’atteindre sur un thème en conversant :
- le but descriptif (propre aux nouvelles, expertises, confidences, diagnostics et explications) qui
consiste à décrire comment les choses sont dans le monde ;
- le but délibératif (propre aux négociations, paris, marchandages et sermons) qui consiste à délibérer
comment agir dans le monde ;
- le but déclaratoire (propre aux nomenclatures, testaments, inaugurations, évaluations et illustrations)
qui consiste à agir dans le monde en faisant des déclarations ;
- le but expressif (propre aux salutations, bienvenues, hommages et protestations) qui consiste à
exprimer leurs attitudes communes.
D’un point de vue logique, les interventions pourvues d’un but discursif propre sont de véritables actes
illocutoires dont la conduite est régie par des règles constitutives : les interlocuteurs peuvent réussir à les
poursuivre en accomplissant successivement des actes illocutoires majeurs de certaines formes logiques en
un arrière-plan conversationnel approprié. Certains peuvent être poursuivis par un seul locuteur. Tels sont
les mémoires, rapports, démonstrations, délibérations et testaments que l’on peut faire en soliloquant.
Beaucoup sont des actes illocutoires conjoints que plusieurs interlocuteurs doivent avoir l’intention
commune de réaliser. Songez aux entrevues, débats, consultations, marchandages, prises de rendez-vous,
examens, paris, enchères, contrats, traités, codes, compromis, permis de conduire, élections, procès,
règlements à l’amiable et délibérations de jury.
Comme Wittgenstein (1956) l’a fort bien souligné, les interlocuteurs sont engagés dans des formes de
vie sociale où ils partagent des fins communes. Le plus souvent, leur objectif est extra-linguistique, par
exemple : fabriquer un produit, nettoyer la maison. Ils pratiquent alors des jeux de langage qui ne sont pas
2. Cambridge University Press 1985, 2009.
purement discursifs. La logique illocutoire n’a pas la tâche de faire une théorie de tous les jeux de langage
possibles. Quand l’objectif poursuivi par les interlocuteurs est extra-linguistique, l’analyse du jeu de
langage pratiqué relève moins de la logique que des sciences humaines et naturelles appliquées et de
techniques. Il faut autre chose que des actions verbales pour réparer une voiture. Comme Wittgenstein et
Searle (1991), je pense qu’une véritable théorie de tous les jeux de langage est impossible. Wittgenstein
(1956) a raison de dire qu’il y a un nombre « incalculable » de jeux de langage possibles. Car le nombre de
nos buts et formes de vie possibles est « illimité ». La logique illocutoire a la tâche restreinte d’analyser la
structure et le dynamisme logiques des seuls jeux de langage à but discursif dont la conduite obéit à des
règles constitutives. Pareille tâche est importante car chaque jeu de langage à but extra-linguistique contient
des parties à but discursif. Des interlocuteurs ayant l’objectif de réparer une voiture devront décrire la
réparation à faire et délibérer qui va faire quoi.
Ainsi il y a une hiérarchie de différents niveaux d’unités de communication dans l’usage et la
compréhension du langage. Chaque jeu de langage que des interlocuteurs pratiquent en échangeant des
mots au sein de formes de vie communes est une suite d’interventions verbales et non-verbales, les
échanges verbaux à but discursif étant quant à eux des suites d’actes illocutoires auxiliaires. Pour faire
pareils échanges, les interlocuteurs doivent coordonner leurs énonciations et accomplir à certains moments
leurs actes illocutoires individuels avec l’intention commune d’atteindre le même but discursif. Pour
exprimer le type d’intervention qu’ils entendent poursuivre, les langues naturelles mettent à leur disposition
des verbes discursifs comme « décrire », « expliquer », « démontrer », « débattre », « délibérer »,
« parier », « négocier », « marchander », « élire », « léguer », « voter » et « protester ».
Des énoncés impératifs comme « Expliquons pourquoi ceci est arrivé ! », « Réglons ceci à l’amiable
! », servent à offrir à d’autres interlocuteurs de poursuivre un certain type de discours. Maints verbes
discursifs ont un usage performatif : « Je vous lègue par la présente tous mes biens ! », « Je vous
exhorte à être brave ». Beaucoup de verbes expositifs d’Austin (1962) sont performatifs notamment :
« illustrer », « argumenter », « récapituler », « répondre », « répliquer », « objecter », « concéder »,
« conclure », « déduire », « analyser », « formuler » et « classifier ».
Les jeux de langage à but discursif ont un thème en plus d’un type discursif. On peut négocier
différentes affaires, raconter différentes histoires et classifier différents domaines. Bien des jeux de langage
ayant le même but discursif ne jouent pas le même rôle dans la poursuite du discours. Chaque langue
distingue naturellement maints types de conversations avec le même but discursif et maintes forces avec le
même but illocutoire. Les promesses, les menaces, les serments et les vœux sont des actes illocutoires
engageants de forces différentes ; il faut les accomplir en obéissant à différentes règles constitutives.
En analysant les forces illocutoires, Searle et moi avons décomposé chaque force en six composantes :
– son but illocutoire propre (la composante principale),
– son mode d’atteinte de but illocutoire,
– ses conditions sur le contenu propositionnel,
– ses conditions préparatoires,
– ses conditions de sincérité,
– et son degré de puissance,
qui déterminent les règles constitutives à suivre.
Pour être identiques, deux forces doivent avoir les mêmes composantes de chaque genre. Autrement,
elles déterminent différentes conditions de félicité lors de l’expression des contenus propositionnels. Il en
va de même au niveau supérieur. Les négociations, les sermons, les marchandages, les tentatives de
règlement à l’amiable, les paris et les contrats sont des interventions délibératives obéissant à différentes
règles constitutives. Outre son but discursif, chaque type de jeu de langage a quatre autres composantes :
son mode d’atteinte de but discursif, ses conditions thématiques, d’arrière-plan et de sincérité qui
déterminent ces règles constitutives. Deux types discursifs avec différentes composantes n’ont pas la même
fonction. Leurs discours avec le même thème n’ont pas les mêmes conditions de félicité.
Les principales conditions de félicité des actes illocutoires sont leurs conditions de succès et de
satisfaction. Par nature les actes illocutoires sont des actions intrinsèquement intentionnelles que les
locuteurs tentent d’accomplir. A la base de pareilles tentatives il y a des croyances, désirs et intentions des
locuteurs, qui sont des attitudes propositionnelles composées d’un mode psychologique M et d’une
proposition P. La logique illocutoire doit traiter des actions et attitudes constitutives des actes illocutoires.
Les actes illocutoires sont logiquement liés aux autres genres d’actes de discours (actes d’énonciation, de
référence et de prédication, actes d’expression de propositions et d’attitudes, actes de tenter un acte
illocutoire et actes perlocutoires). C’est en faisant des énonciations orales ou gestuelles que les locuteurs
tentent d’accomplir leurs actes illocutoires. Pareilles tentatives (dont Austin et Searle ne parlent pas) sont
un nouvel acte de discours important dans notre taxonomie, car elles sont constitutives de la signification.
Un usage langagier est pourvu de signification quand le ou les locuteurs tentent d’accomplir un acte
illocutoire, peu importe s’il y a succès ou échec. Pour réussir, il faut utiliser les mots appropriés dans un
arrière-plan conversationnel adéquat. Ainsi pour se mettre dans l’obligation légale d’agir, un locuteur doit
bien exprimer l’action à laquelle il entend formellement s’engager. Il doit aussi avoir le droit de la faire.
Pour établir un contrat, des interlocuteurs doivent délibérer en se concertant et s’engager
conditionnellement à la fin à des actions réciproques futures.
Les conditions de succès d’un acte illocutoire sont celles qui doivent être remplies pour réussir à
l’accomplir. Certains actes illocutoires réussis en engendrent d’autres (toute requête contient une demande,
certaines requêtes sont des prières) et ont des effets perlocutoires (l’interlocuteur est parfois influencé).
Afin d’expliquer les formes d’engendrement des différents genres d’actes de discours, il convient d’intégrer
la logique illocutoire dans une logique révisée de l’action qui tienne compte de l’intentionnalité des agents
et de leurs attitudes.
Les actes illocutoires sont doublement liés aux attitudes de leurs agents. En leur qualité d’actes
intrinsèquement intentionnels, ils contiennent des croyances, désirs et intentions. Quiconque tente un acte
illocutoire désire et a l’intention de l’accomplir et croit en être capable. Qui plus est, tout agent d’acte
illocutoire exprime des attitudes (en cas d’assertion une croyance, en cas d’engagement une intention, en
cas de directive un désir) qu’on appelle ses conditions de sincérité. Chaque locuteur sincère a les attitudes
qu’il exprime.
En accomplissant les actes illocutoires élémentaires de forme F(P) les agents expriment des attitudes
propositionnelles de forme M(P) sur les faits représentés par leur contenu.
Comme Descartes3, la logique illocutoire utilise les deux catégories de base de cognition et de volition.
Chaque attitude propositionnelle est cognitive ou volitive.
Parmi les cognitives, il y a la croyance, l’assurance, le savoir, la certitude, la conviction, la
confiance, la foi, la présomption, la fierté, la vanité, l’orgueil, la surprise, l’étonnement, la stupéfaction,
la prévision, l’anticipation et l’attente. Toute attitude cognitive contient une croyance en la vérité de son
contenu propositionnel.
Parmi les attitudes volitives, il y a le désir, le vouloir, le souhait, l’intention, l’ambition, le projet,
l’espoir, l’espérance, l’aspiration, la satisfaction, le plaisir, le contentement, la joie, l’amusement, la
jouissance, la concupiscence, la crainte, le regret, la tristesse, la désolation et la terreur. Chacune contient
un désir de l’existence du fait représenté.
3. Voir son traité Les passions de l’âme réédité dans R. Descartes (1953).
Comme Searle, je préconise une catégorie tout à fait générale de volition s’appliquant aussi bien aux
désirs dirigés vers le passé (la honte), vers le présent (la jouissance, l’irritation) ou le futur (l’espérance)
qu’aux désirs que l’agent croit ou sait être satisfaits (l’allégresse) ou insatisfaits (la déception, le regret).
Bien des attitudes individuelles ont une nature plus complexe que les attitudes propositionnelles. En
plus des sommes d’attitudes comme le doute, il y a les dénégations d’attitudes comme le désaccord et
l’incrédulité et les attitudes conditionnelles comme les intentions de se défendre en cas d’attaque. Dans
mon idéographie, M(P) est la dénégation de l’attitude M(P), (Q M(P)) est l’attitude conditionnelle qui
consiste à avoir l’attitude M(P) à la condition que la proposition antécédente Q soit vraie et (M(P) et
M’(P’)) est la conjonction ou la somme des attitudes M(P) et M’(P’). Une incrédulité est la dénégation
d’une croyance et un désaccord la dénégation d’un accord. Comme il faut s’y attendre, quiconque
accomplit la dénégation d’un acte illocutoire exprime ipso facto la dénégation de l’attitude correspondant à
l’acte dénié. Quiconque refuse exprime son désaccord. Comme la dénégation illocutoire, la dénégation
psychologique est irréductible à la négation propositionnelle. Refuser de venir, ce n’est pas accepter de ne
pas venir. De même, être en désaccord avec une offre, ce n’est pas pour autant être en accord avec l’offre
contraire. Avoir une attitude conditionnelle de la forme (Q M(P)) c’est avoir catégoriquement l’attitude
M(P) si et seulement si la proposition antécédente Q est vraie. Quiconque accomplit un acte illocutoire
conditionnel exprime une attitude conditionnelle. Celui qui offre son aide à l’interlocuteur exprime son
intention conditionnelle de l’aider s’il accepte.
Certaines attitudes sont des sommes d’attitudes plus simples. Celui qui doute d’un fait est doublement
incrédule aussi bien de l’existence que de l’inexistence de ce fait et il croit que ce fait est alors possible.
Quiconque accomplit une conjonction d’actes illocutoires exprime la conjonction des attitudes des actes en
question. Celui qui alerte exprime sa croyance en l’imminence d’un danger et son souhait que
l’interlocuteur y réagisse. Les locuteurs poursuivant un type de discours ont des attitudes individuelles qui
durent : ils persévèrent à tenter d’atteindre leur but discursif. Lors d’un dialogue, ils ont en outre l’intention
commune de coopérer afin de l’atteindre. Comme Searle (1990) l’a montré, pareilles intentions communes
sont irréductibles à des sommes d’attitudes individuelles.
Comme les attitudes, les actes illocutoires sont dirigés vers des objets et faits du monde et ils ont pour
cette raison des conditions de satisfaction. Leurs agents sont en effet pourvus d’intentionnalité au sens de
la phénoménologie. La notion de satisfaction est basée sur celle de correspondance. Le plus souvent,
l’agent d’une attitude ou d’un acte illocutoire entend établir une correspondance entre ses idées et les
choses dans le cas psychologique et entre ses mots et les choses dans le cas illocutoire. Son attitude et son
acte illocutoire ont alors des conditions de satisfaction. La notion de satisfaction est une généralisation de la
notion de vérité qui couvre la plupart des attitudes et actes illocutoires. Tout comme les assertions et les
croyances sont satisfaites quand elles sont vraies, les désirs et les souhaits le sont quand ils sont réalisés,
les engagements quand ils sont tenus, les intentions quand elles sont exécutées, les directives et les volontés
quand elles sont suivies.
Les attitudes cognitives comme les illocutions assertives ont la direction d’ajustement qui va de l’esprit
aux choses. Elles sont satisfaites quand leur contenu propositionnel est vrai. Les idées et mots de l’agent
correspondent alors aux choses telles qu’elles sont ou seront dans le monde. Quand l’agent réalise que cela
n’est pas le cas, il change d’office ses idées. Il n’en va pas de même pour les attitudes volitives et les
illocutions engageantes et directives dont la direction d’ajustement va des choses à l’esprit. Pour qu’elles
soient satisfaites, les choses doivent en venir à correspondre aux idées et mots de l’agent. En cas
d’insatisfaction, c’est le monde qui est fautif, pas le locuteur. Souvent ce dernier garde ses désirs et il reste
alors insatisfait.
Contrairement aux états cognitifs et aux illocutions assertives, certains états volitifs comme les
intentions et les volontés et toutes les illocutions engageantes et directives ont des conditions de satisfaction
irréductibles aux conditions de vérité de leur contenu propositionnel. Pour que pareilles attitudes et
illocutions soient satisfaites, il ne suffit pas que leur contenu propositionnel soit ou devienne vrai. Il faut
qu’il le soit ou le devienne à cause d’elles. Pour qu’un agent exécute une intention et tienne une promesse
préalable, il doit faire l’action en question afin d’exécuter cette intention et de tenir cette promesse.
Il y a alors causalité intentionnelle (Searle) : l’attitude ou l’acte illocutoire est une (parfois la) raison
pratique pour laquelle survient l’action représentée par le contenu. Beaucoup d’actes illocutoires réussis et
d’états mentaux exprimés ou possédés sont insatisfaits. Des croyances sont fausses, des souhaits irréalisés
et des intentions préalables révoquées. Il nous arrive aussi de faire des assertions fausses, de violer nos
promesses et de désobéir à des directives. Cependant les conditions de succès et de satisfaction de nos actes
illocutoires sont logiquement liées tout comme les conditions de possession et de satisfaction de nos
attitudes. Tout agent d’une attitude ou d’une illocution est dans un état mental : il représente comment les
choses doivent être dans le monde pour que son attitude ou illocution soit satisfaite. Quiconque ressent un
désir est capable de déterminer ce qui doit se passer dans le monde pour que son désir soit réalisé.
Quiconque donne un ordre sait dans quelles conditions l’interlocuteur obéit à cet ordre. C’est pourquoi les
principaux objectifs de la théorie des actes de discours sont d’élaborer une théorie récursive unifiée de la
félicité et de la vérité4.
Tous les actes illocutoires n’ont pas la même valeur dans la poursuite d’un discours. Certains sont
capitaux. Tout marchandage contient des engagements, directives ou offres d’achat ou de vente. D’autres
sont superflus. Les actes illocutoires superflus peuvent être impertinents et ratés. Ils n’empêchent pas le
discours de continuer. En revanche, la réussite des actes illocutoires capitaux dont la nature est déterminée
par le type et le thème du discours est indispensable. Les interventions à but discursif sont satisfaites quand
leurs actes illocutoires capitaux le sont. Ainsi des parties respectent un contrat quand elles tiennent leurs
engagements réciproques principaux5.
1.2. Logique illocutoire et grammaire universelle
Quelles différentes espèces d’universaux devons-nous étudier en théorie des actes de discours ?
Comment confirmer leur existence en chaque langue naturelle possible ?
A mes yeux, la meilleure façon de découvrir les universaux dans l’usage du langage est d’étudier la
nature de traits transcendants essentiels comme la signification, les types de sens, et de dénotations, les
forces illocutoires, la nature des propositions, les espèces d’actes de discours, d’actes illocutoires et
d’attitudes, leurs conditions de félicité, les contextes possibles d’énonciation et leur arrière-plan
conversationnel, les circonstances possibles, l’engagement illocutoire et psychologique, la vérité, la
nécessité, la cohérence, l’analycité et l’inférence. Pareils traits transcendants sont constitutifs de tout usage
et interprétation possible du langage. Leur étude est donc importante pour toutes les sciences qui traitent du
langage, de l’action et de la pensée. Je considèrerai surtout ici les universaux qui sont de nature logique,
sémantique, pragmatique ou mentale. Faute d’espace, je traiterai peu des universaux ontologiques
(comment l’univers du discours est stratifié en toute langue).
Les langues naturelles mettent à notre disposition un riche vocabulaire pour exprimer les actes
illocutoires, les états psychologiques et les propositions. Mais elles sont ambiguës et leurs conventions
grammaticales sont si compliquées qu’il est fort difficile d’analyser directement la forme logique sous-
jacente des actes illocutoires tentés et des attitudes exprimées.
Premièrement, il n’y a aucune correspondance biunivoque entre les forces illocutoires et les verbes ou
marqueurs de force des langues naturelles. Comme Searle et moi (1985) l’avons remarqué : « Illocutionary
forces are, so to speak, natural kind of language use, but we can no more expect the vernacular expressions
4.Voir mon livre Les actes de discours (1985). 5 Je caractérise la structure et le dynamisme des jeux de langage à but discursif dans mon prochain livre
Communication in Discourse. J’explique les principes de mon approche dans mon article « Principes de pragmatique formelle du discours » en 2007.
to correspond exactly to the natural kinds than we can expect vernacular names of plants and animals to
correspond exactly to the natural kinds » (p. 179).
Ainsi certaines forces illocutoires ne sont pas actuelles en français. On ne peut, en France, ni répudier
sa femme ni casser son mariage en le déclarant, alors qu’on peut le faire ailleurs en suivant la
coutume. Certaines forces actuelles ne sont pas réalisées syntaxiquement ni lexicalisées. Aucun marqueur
français n’exprime de force illocutoire engageante. Nul ne peut donc s’engager directement en français à
une action future. On peut seulement s’y engager indirectement en affirmant qu’on va la faire ou de façon
performative en déclarant qu’on s’y engage. En outre, des verbes performatifs comme « accepter » et
« jurer » sont ambigus quant au but illocutoire. L’acte de jurer que ceci s’est passé est assertif, celui de
jurer d’agir est engageant. Enfin des verbes expositifs comme « répliquer » et « conclure » ne nomment
pas d’interventions à but discursif propre. Il y a des conclusions descriptives, délibératives, déclaratoires et
expressives.
Une seconde raison pour distinguer avec soin les forces illocutoires, d’une part, et les verbes
performatifs et marqueurs de force, d’autre part, tient au fait que les langues naturelles ne sont pas
idéographiques. Beaucoup d’énoncés du même type syntaxique (les énoncés déclaratifs : « Il est mort »,
« Franchement, il est mort », « Hélas, il est mort », « Bien sûr, il est mort ») expriment des actes
illocutoires avec des forces assertives différentes. De même, bien des verbes performatifs au comportement
syntaxique semblable (les verbes « ordonner », « défendre » et « permettre ») n’ont pas la même forme
logique. Seul le premier « ordonner » nomme une force illocutoire directive. Car l’acte de défendre quelque
chose est juste, l’ordre de ne pas la faire et l’acte de permettre la dénégation illocutoire de l’acte de la
défendre. Finalement, des verbes performatifs comme « baptiser », « informer », « présenter », « critiquer »,
« confesser », « témoigner » et « protester » nomment aussi bien une force illocutoire qu’un type discursif.
Comme il faut s’y attendre, la force illocutoire nommée est capitale dans le type discursif correspondant.
Les mêmes considérations valent pour les attitudes que les langues servent à exprimer et nommer. Il n’y
a aucune correspondance biunivoque entre les modes psychologiques et les verbes ou noms d’attitudes
propositionnelles des langues naturelles. Qui plus est, beaucoup de verbes et noms d’attitudes sont ambigus
et n’ont pas la même forme logique. L’état d’être sûr est parfois cognitif, parfois volitif. Une déception
n’est pas une attitude propositionnelle. Etre déçu d’un fait c’est désirer qu’il n’existe pas. Certains termes
nomment en outre des dénégations (mécontentement), des conjonctions (doute) ou des attitudes communes
(consensus).
On ne devrait pas trop se fier à la structure de surface du langage ordinaire. Il vaut mieux, comme
Frege l’a dit, analyser indirectement la structure profonde des énoncés via leur traduction dans une
idéographie formelle désambiguïsée. J’ai utilisé à cette fin dans la sémantique formelle du succès et de la
satisfaction de mon livre Meaning and Speech Acts (1990-91) la langue idéographique d’une logique
illocutoire et intensionnelle unifiée d’ordre supérieur contenant une logique propositionnelle révisée où
des propositions strictement équivalentes sont distinguées. L’utilisation d’une idéographie nous permet de
disposer d’un vocabulaire théorique grâce auquel chaque acte illocutoire exprimable peut en principe être
analysé de façon canonique et lié systématiquement par diagramme aux autres. Car les formes
grammaticales des énoncés de l’idéographie reflètent clairement à la surface la forme logique des
illocutions exprimées. Ainsi l’idéographie permet d’exhiber après traduction la forme logique des actes
illocutoires que les énoncés des langues naturelles servent éventuellement à accomplir.
Toutes les constantes et syncatégorèmes logiques de la logique illocutoire expriment des traits
universaux du langage comme l’identité, les buts illocutoires, leurs modes d’atteinte, conditions sur le
contenu propositionnel, préparatoires et de sincérité et degré de puissance caractéristiques, le succès, la
vérité, l’application fonctionnelle, la -abstraction et l’abstraction sur les circonstances. Comme Montague
(1974) l’a montré, en traduisant les clauses des énoncés ordinaires dans la langue-objet idéographique de la
logique intensionnelle, la sémantique formelle explique rigoureusement la signification des énoncés
déclaratifs en clarifiant la forme logique et les conditions de vérité des propositions. De même, en
traduisant les marqueurs de force et les verbes performatifs ordinaires dans l’idéographie de la logique
illocutoire, la sémantique formelle procède à une meilleure explication de la signification de tous les types
d’énoncés en exhibant la forme logique et les conditions de félicité des actes illocutoires. Selon
Cocchiarella (1997, p. 71) : « This enlarged framework is not at odds with Montague’s intensional logic, it
should be emphasized, but is really a conservative extension of the latter that simply adds a recursive
theory of success and satisfaction to Montague’s theory of truth ».
J’ai récemment élaboré la logique des actions et des attitudes individuelles constitutives des actes
illocutoires de premier niveau (voir Vanderveken, 2005, 2006, 2008) et suis en train d’enrichir
l’idéographie illocutoire en y ajoutant leurs nouvelles constantes logiques6. Contrairement aux philosophes,
les logiciens ont négligé l’intentionnalité propre à l’agir humain. J’ai comblé la lacune en élaborant une
logique de l’action où comme en philosophie, les actions intentionnelles, celles que les agents tentent
d’accomplir, ont la primauté. Dans mon optique, l’agent qui accomplit sans le vouloir une action aurait pu
en principe la tenter. Qui plus est, cette action involontaire est l’effet d’actions intentionnelles de cet agent
à la base desquelles il y a ses tentatives premières. Ma logique de l’action contient une théorie des
tentatives, du succès et des formes d’engendrement d’actions.
La philosophie analytique et la logique contemporaines restent confinées aux attitudes paradigmatiques
de croyance, savoir, désir et intention. J’ai élaboré une théorie plus générale des attitudes. Selon mon
analyse, les modes psychologiques ont d’autres composantes que leur catégorie de base de cognition ou de
volition. Des modes d’attitudes comme l’attente, le savoir et l’intention ont une façon propre de croire ou
de désirer, des conditions propres sur leur contenu propositionnel ou des conditions préparatoires
particulières. Grâce à pareilles composantes j’ai défini récursivement l’ensemble de tous les modes
psychologiques d’attitudes propositionnelles. Comme Descartes l’avait anticipé, les deux modes de
croyance et de désir sont primitifs.
Les autres modes plus complexes sont obtenus en leur ajoutant des composantes nouvelles. Quiconque
a une intention ressent un désir si fort qu’il est disposé à agir tôt ou tard dans le monde afin de satisfaire ce
désir. Il veut rendre existant le fait désiré dans le monde. Cette façon volitive spéciale est propre au mode
psychologique d’intention. Quiconque possède une intention entend alors agir tôt ou tard. Parfois il entend
agir au moment même de l’intention. Il a alors une intention présente d’agir (ce que Searle appelle une
intention en action). Parfois l’agent a l’intention d’agir à un moment ultérieur. Il a alors une intention
préalable. Un agent peut avoir aujourd’hui l’intention de se promener demain. Après-demain, il ne pourra
plus avoir cette intention. Car l’action en question sera alors passée. Le mode psychologique d’intention a
la même condition particulière sur le contenu propositionnel que la force illocutoire d’engagement. Le
contenu des intentions et des engagements de chaque agent à un moment doit représenter une action
présente ou future de cet agent relativement à ce moment. Le mode d’intention comme la force
d’engagement a en outre la condition préparatoire que l’agent est capable de faire l’action. Quand il en est
incapable, l’engagement et l’intention sont défectueux. Dans le cas illocutoire, le locuteur peut sans doute
mentir afin de tromper l’allocutaire. Dans le cas psychologique, en revanche, l’agent ne peut se mentir à
lui-même. Quiconque a une intention croit donc être capable de l’exécuter. Ma logique des attitudes
individuelles contient une théorie récursive de leurs conditions de possession et de satisfaction.
Les agents sont, ou à tout le moins se sentent, libres d’agir. Quoi qu’il en soit, leurs actions et attitudes
ne sont pas déterminées. Quand ils font ou pensent quelque chose, ils auraient pu faire ou penser autre
chose. Ma théorie de l’action et des attitudes admet l’indéterminisme et elle est compatible avec la liberté
des agents. Elle adopte une conception ramifiée du temps (Prior, 1967) et utilise des modalités historiques
(Thomason, 1984). Selon la conception ramifiée du temps, chaque moment représente un état complet
possible du monde actuel à un instant donné. Plusieurs moments incompatibles peuvent succéder à un
moment dans le futur de ce monde. Ce moment appartient alors à plusieurs histoires ayant le même passé et
présent mais différentes continuations historiques. Chaque histoire représente un cours possible d’histoire
du monde actuel.
6. Voir l’idéographie dans mon prochain livre Propositions, Truth and Thought.
Comme Belnap (2001), je pense que les circonstances possibles considérées en théorie de la vérité sont
des paires d’un moment du temps et d’une histoire à laquelle ce moment appartient. Certaines propositions
sont vraies à un moment selon toutes les histoires auxquelles ce moment appartient. Leur vérité est alors
établie peu importe comment le monde continue. Les propositions passées ont une valeur de vérité établie à
chaque moment car le passé est unique. Toutes les histoires auxquelles appartient un moment ont le même
passé à ce moment. Il en va de même pour les propositions qui attribuent des attitudes propositionnelles ou
des actes illocutoires élémentaires aux agents. Quiconque croit ou affirme quelque chose à un moment,
croit ou affirme alors cette chose quelle que soit l’histoire considérée. Contrairement au passé qui est
unique, le futur est ouvert. Le monde peut continuer de plusieurs façons après les moments indéterministes.
Ainsi la vérité des propositions futures dépend de la continuation historique du moment que l’on considère.
Les propositions futures peuvent être vraies à un moment, selon certaines continuations possibles de ce
moment, et fausses à ce moment selon d’autres.
Grâce à sa logique de l’action, du temps, des attitudes et des modalités, la logique illocutoire peut
dorénavant mieux analyser les actes illocutoires individuels et leurs contenus propositionnels. Son
idéographie permet d’exprimer les actions passées, présentes et futures, les capacités et les attitudes des
interlocuteurs. Ainsi en formulant les règles syntaxiques de formation et d’abréviation de la nouvelle
langue-objet idéale, les postulats de signification gouvernant ses interprétations possibles et les axiomes et
règles d’inférences de son système axiomatique, la logique illocutoire formule des lois universelles
gouvernant les actes illocutoires et leurs actions et attitudes constitutives dans toutes les langues naturelles.
Grâce à la logique illocutoire, la sémantique formelle peut dorénavant interpréter indirectement des
fragments plus riches des langues naturelles contenant des énoncés de tous les types syntaxiques (aussi
bien non-déclaratifs que déclaratifs) exprimant des forces quelconques. Il n’est plus nécessaire de réduire
pour des raisons théoriques ad hoc les énoncés non déclaratifs aux énoncés déclaratifs. La sémantique
formelle peut clarifier la signification propre aux verbes illocutoires et marqueurs de force en exhibant les
composantes des forces qu’ils expriment. De même grâce à la logique des attitudes, elle peut mieux
analyser la forme des énoncés exclamatifs et clarifier la signification des verbes et noms d’attitudes
propositionnelles en exhibant les composantes de leurs modes psychologiques et en expliquant leurs
conditions de possession et de satisfaction. Grâce à la logique de l’action, elle peut mieux analyser les buts
illocutoires directif et déclaratoire, la forme des énoncés impératifs et performatifs et clarifier la
signification des verbes et noms d’action. La philosophie de l’esprit à la base de la théorie des actes de
discours distingue les pensées conceptuelles avec différentes directions d’ajustement entre l’esprit et les
choses. Des actes mentaux comme les tentatives et les engagements sont irréductibles à des jugements de
même que les attitudes volitives sont irréductibles à des croyances et les actes illocutoires engageants,
directifs et déclaratoires à des assertions7.
1.3. Les universaux linguistiques
Etant donné la nature de nos pensées conceptuelles, il y a dans toute langue naturelle des universaux
linguistiques du côté des forces illocutoires, des modes psychologiques et des types discursifs comme il y
en a du côté des propositions et des thèmes. Les expressions qui nomment pareils universaux linguistiques
se prêtent à la traduction radicale. Toute lingua philosophica adéquate pour exprimer nos pensées doit
contenir des constantes ou syncatégorèmes logiques représentant pareils universaux.
Les universaux linguistiques matériels
D’un point de vue théorique, les universaux linguistiques matériels sont des éléments de base de la
pensée conceptuelle comme la référence, la prédication, les catégories psychologiques de cognition et de
volition, les buts illocutoires et discursifs qui sont constitutifs de la structure logique profonde du langage.
Ainsi, l’idéographie de la logique illocutoire doit contenir des expressions servant à faire des actes de
7. Voir à ce sujet l’article de Candida de Sousa Melo « Possible Directions of Fit between Language, Mind and the
World », 2001.
référence et de prédication et à atteindre les cinq buts illocutoires assertif, engageant, directif, déclaratoire
et expressif. Les faits atomiques du monde dont nous avons l’expérience existent en une circonstance
quand des objets y ont certaines propriétés ou y entretiennent certaines relations. Pour que nous puissions
représenter pareils faits en parlant une langue, il faut que celle-ci nous donne les moyens de nous référer à
leurs objets et de leur attribuer les propriétés ou les relations qui leur sont propres.
Sans expressions référentielles et prédicatives nous ne pourrions exprimer en parlant les propositions
élémentaires dont la vérité dépend du seul fait que des objets de référence ont certains attributs. Nous ne
pourrions communiquer toutes nos pensées conceptuelles sans avoir des moyens linguistiques d’atteindre
les cinq buts illocutoires. Car nous ne pourrions alors distinguer toutes les directions possibles d’ajustement
entre les mots et les choses. Toute langue naturelle possible doit donc contenir des marqueurs ou des verbes
exprimant des forces assertives, engageantes, directives, déclaratoires et expressives de même qu’elle doit
contenir des clauses exprimant des propositions élémentaires représentant des faits atomiques du monde.
Selon la logique illocutoire, les quatre directions possibles d’ajustement entre les mots et les choses
expliquent les cinq buts illocutoires : assertif, engageant, directif, déclaratoire et expressif des actes
illocutoires élémentaires et les quatre buts discursifs : descriptif, délibératif, déclaratoire et expressif des
jeux de langage.
La direction d’ajustement des mots aux choses
Les actes illocutoires à but assertif (comme les assertions, les conjectures, les prédictions, les
témoignages) ont la direction d’ajustement des mots aux choses. Leur but est de représenter comment les
choses sont dans le monde. Lors des énonciations assertives, les mots utilisés devraient correspondre aux
objets tels qu’ils sont dans le monde. Au niveau du discours, les jeux de langage à but descriptif (comme
les expertises, les rapports, les diagnostics et les explications) ont la même direction d’ajustement des mots
aux choses. Ils servent à décrire ce qui se passe dans le monde. Ainsi, les actes illocutoires capitaux des
discours descriptifs sont assertifs et ces discours sont satisfaits quand ils sont exacts c’est-à-dire quand
leurs énonciations assertives capitales sont vraies.
La direction d’ajustement des choses aux mots
Les actes illocutoires à but engageant ou directif (comme les promesses, les vœux, les acceptations, les
demandes et les ordres) ont la direction d’ajustement des choses aux mots. Leur but est d’assigner au
locuteur (lors des engagements) et à l’interlocuteur (lors des directives) le rôle de transformer le monde
pour qu’il s’ajuste à leur contenu propositionnel. Pour que pareilles illocutions soient satisfaites, l’un des
protagonistes de l’énonciation doit changer les choses représentées pour qu’elles correspondent aux sens
des mots utilisés. Au niveau du discours, les jeux de langage à but délibératif (les sermons, les
négociations, les marchandages, les tentatives de règlement à l’amiable et les exhortations) ont la même
direction d’ajustement des choses aux mots. Ils servent à délibérer comment les interlocuteurs devraient
agir dans le monde. Leurs actes illocutoires capitaux sont engageants ou directifs. Les délibérations servent
autant à engager qu’à tenter d’engager les interlocuteurs à des actions futures réciproques. Les discours
délibératifs sont satisfaits quand ils sont respectés c’est-à-dire quand leurs énonciations engageantes et
directives magistrales sont respectivement tenues et suivies. Chaque interlocuteur est un locuteur potentiel
dans la poursuite du discours. C’est pourquoi un seul but discursif, le but délibératif, correspond à la
direction d’ajustement allant des choses aux mots.
La double direction d’ajustement
Les actes illocutoires à but déclaratoire (comme les définitions, les appellations, les bénédictions, les
condamnations, les dons et les nominations) ont la double direction d’ajustement. Leur but est que le
locuteur transforme en parlant le monde en y faisant l’action qu’il dit faire par le simple fait de le dire. Les
déclarations réussies rendent vraies leur contenu propositionnel ; elles changent les choses représentées en
les faisant correspondre aux sens des mots utilisés lors de l’énonciation.
Les jeux de langage à but déclaratoire (comme les nomenclatures, les classifications, les testaments, les
licences, les diplômes et les discours tenus lors de la promulgation des lois ou dans les cérémonies de
baptême et de mariage) ont la même double direction d’ajustement. Ils servent à transformer le monde (et
parfois même les langues existantes) en faisant des déclarations. Pareils discours sont satisfaits quand ils
sont exécutoires c’est-à-dire. quand leurs déclarations magistrales sont réussies.
La direction vide d’ajustement
Les actes illocutoires élémentaires à but expressif, n’ont pas de véritables conditions de satisfaction. Le
locuteur n’entend pas alors établir de correspondance entre les mots et les choses. Il tient en général pour
acquis la vérité de leur contenu propositionnel. Les actes illocutoires à but expressif (les excuses, les
remerciements, les plaintes, les saluts, les vantardises) ont la direction vide d’ajustement. Leur but est juste
de manifester des états mentaux du locuteur à propos du fait représenté. Ainsi, lors des énonciations
expressives, les locuteurs n’entendent pas représenter comment sont les choses ni les changer. Ils veulent
seulement exprimer ce qu’ils ressentent à leur propos. C’est pourquoi les illocutions expressives ne sont ni
satisfaites ni insatisfaites. Elles sont plutôt appropriées ou inappropriées. Une illocution expressive est
inappropriée quand le genre d’attitude exprimée ne convient pas au fait qui l’inspire ou quand ce fait
n’existe pas. Les jeux de langage dont le but est expressif (les échanges de salutations, les bienvenues, les
hommages, les éloges et les manifestations publiques de croyance et de respect) ont la même direction
d’ajustement vide. Ils servent à exprimer des attitudes communes propres à leurs interlocuteurs. Leurs
actes illocutoires capitaux sont expressifs.
Les universaux linguistiques formels
Contrairement aux universaux linguistiques matériels, les universaux formels ne sont pas des éléments
de base transcendants de la pensée conceptuelle. Ce sont plutôt des opérations universelles sur les traits de
base transcendants. Parmi les universaux linguistiques formels, il y a bien entendu des opérations logiques
sur les propositions comme les fonctions de vérité, la généralisation existentielle et les modalités
historiques ainsi que les opérations qui consistent à ajouter des composantes nouvelles aux forces
illocutoires ou à augmenter ou diminuer leur degré de puissance. Comme le premier Wittgenstein (1961)
l’a souligné, une langue incapable d’exprimer les fonctions de vérité ne pourrait servir à représenter les
faits complexes du monde. Nous représentons des faits atomiques en prédiquant des attributs de certains
objets de référence lors de l’expression de propositions élémentaires. Cependant il y a bien d’autres faits
plus complexes dont l’existence dans le monde est compatible avec l’existence et l’inexistence des faits
atomiques. Il y a les faits négatifs qui existent quand d’autres faits n’existent pas, les faits disjonctifs qui
existent quand deux faits sont tels qu’au moins l’un d’entre eux existe, les faits généraux qui existent quand
tout objet a un certain attribut. Les fonctions de vérité et les opérations de généralisation servent à
représenter pareil faits complexes. C’est pourquoi la plupart des philosophes et logiciens, dont Frege,
Russell, Wittgenstein, Chomsky, Montague et Quine, soutiennent qu’elles sont des universaux
linguistiques.
Sur les plans psychologique et illocutoire, les différentes opérations logiques sur les modes et les forces
permettent aux locuteurs de chaque langue de lier les contenus propositionnels de leur pensée au monde
avec tous les modes psychologiques et toutes les forces illocutoires qui sont linguistiquement significatives
pour leur communauté. Quand une façon cognitive ou volitive, une condition sur le contenu propositionnel
ou une condition préparatoire sont significatives pour une communauté linguistique, ils peuvent toujours
être ajoutés aux modes primitifs de croyance et de désir et être incorporés dans des modes psychologiques
actuels de cette communauté. Ainsi les modes de prévision et de souhait sont universels car dans toute
langue les locuteurs peuvent exprimer des propositions qui sont futures et ressentir des désirs dont la
réalisation est indépendante de leur volonté. De même, quand un mode d’atteinte de but illocutoire, une
condition sur le contenu propositionnel, une condition préparatoire ou une condition de sincérité sont
significatives pour une communauté linguistique, ils peuvent toujours être ajoutés aux forces existantes et
incorporés dans des forces illocutoires actuelles de cette communauté. Ainsi la force de commandement est
actuelle dans toute langue où des locuteurs peuvent invoquer une position d’autorité. Car ce sont des
directives données d’une position d’autorité. De même, les locuteurs peuvent augmenter ou diminuer selon
leurs besoins le degré de puissance des forces actuelles dans toutes les langues naturelles. La force directive
de suggestion est universelle car suggérer à quelqu’un d’agir c’est juste tenter faiblement de le faire agir.
Tout comme chaque langue naturelle doit donner à ses locuteurs les moyens d’exprimer toutes les fonctions
de vérité, temporalisations et généralisations logiques des propositions qu’elle exprime, elle doit également
leur donner les moyens de lier les propositions au monde avec tous les modes psychologiques et les forces
illocutoires complexes ayant des composantes significatives additionnelles aux modes et forces primitifs.
Selon Searle et d’autres philosophes, il y a un principe d’exprimabilité des pensées conceptuelles. Tout
agent d’un état ou acte de pensée conceptuelle peut en principe l’exprimer en tentant d’accomplir un acte
illocutoire. Autrement il ne pourrait déterminer les conditions propres de satisfaction de cette pensée.
Comme l’objectif primordial de la logique illocutoire est de formuler les lois nécessaires et suffisantes qui
gouvernent la félicité des actes illocutoires dans toutes les langues humaines possibles, la logique
illocutoire est transcendantale au sens de Kant (1965) et du premier Wittgenstein (1961). Car sa théorie du
succès fixe des limites à l’usage du langage qui restreignent ce qui peut être pensé, de même que sa théorie
de la satisfaction fixe des limites au monde qui restreignent ce qui peut exister et être l’objet d’expérience.
Nous pouvons représenter les faits dont nous avons l’expérience en y pensant conceptuellement. En
décrivant adéquatement les lois nécessaires et universelles qui gouvernent le succès des actes illocutoires la
logique des actes de discours articule les formes a priori de nos pensées conceptuelles dirigées vers les faits
du monde. Ce qui rend a priori pareilles lois c’est qu’elles sont des conditions de possibilité mêmes de
détermination de la signification. Il nous est impossible de ne jamais avoir de pensée conceptuelle véritable
dont l’expression violerait ces lois.
Bien entendu, comme Wittgenstein l’a remarqué dans le Tractatus, la logique du langage ne délimite
qu’indirectement ce qui peut être pensé. Elle ne fixe des limites qu’aux usages du langage pourvus de
signification servant à exprimer de véritables pensées. Dans notre optique, les limites de la pensée se
montrent elles-mêmes linguistiquement dans le fait que des énoncés de certaines formes logiques sont
illocutoirement incohérents (ils expriment des actes illocutoires imperformables) ou analytiquement ratés
(ils ne peuvent jamais être utilisés littéralement avec succès). Nous pensons certes parfois à des pensées
impossibles. Nous sommes même capables d’en décrire la forme en philosophie analytique. Cependant,
nous n’entretenons jamais à la première personne de pensée impossible, tout comme nous n’utilisons
jamais avec succès des énoncés illocutoirement incohérents sans vouloir dire autre chose que ce que nous
disons. Ainsi la logique illocutoire, en tant qu’elle contribue à la grammaire universelle, fait progresser la
philosophie transcendantale dans la tradition classique de la lingua philosophica (Cocchiarella, 1998, p 71-
72).
1.4. Les universaux logiques de la théorie des actes de discours
L’objectif fondamental de la logique illocutoire est de formuler les lois valides gouvernant la félicité et
la vérité. Dans mon optique, le langage, l’action et la pensée sont inséparables. Les actes illocutoires, qui
sont les unités de signification et de communication, sont des actions intrinsèquement intentionnelles que
les locuteurs tentent toujours d’accomplir. La logique illocutoire fait partie d’une logique générale de
l’action et des attitudes contenant une théorie du succès et des différentes formes d’engendrement
d’actions, qu’elles soient ou non volontaires.
Dans mon approche, à la base de tout agir il y a les tentatives premières des agents qui sont leurs
véritables actions de base engendrant leurs autres actions. D’un point de vue philosophique, les tentatives
sont un genre très spécial d’action. Chaque tentative individuelle est personnelle et subjective. Seul l’agent
lui-même peut faire sa propre tentative. Nul autre ne le peut. Ainsi quand deux locuteurs différents
réussissent à faire publiquement le même acte illocutoire, ils le font grâce à différentes tentatives
personnelles (dans ce cas, de bouger leur corps afin d’émettre des signes). Aucune tentative n’est
déterminée. Quiconque fait une tentative aurait pu tenter autre chose ou ne rien tenter du tout. Les
tentatives sont des actions intrinsèquement intentionnelles. Quiconque fait une tentative la fait
intentionnellement. Aucune tentative n’est involontaire. Qui plus est, il suffit de tenter de faire une tentative
pour la faire ipso facto. Une tentative est essentiellement un acte mental. L’agent qui tente de lever le bras
échoue quand une force externe l’en empêche. Mais il a quand même alors mentalement tenté de lever son
bras en formant consciemment l’intention en action correspondante. Faire une tentative c’est agir
intentionnellement afin d’atteindre un autre objectif. C’est, par exemple, lever volontairement le bras afin
de saluer quelqu’un.
Les intentions et les tentatives ont la même direction d’ajustement qui va du monde à l’esprit et leurs
conditions de satisfaction sont liées. Dans les deux cas, l’agent doit faire en sorte que les choses en
viennent à correspondre à ce qu’il vise. Une intention est satisfaite quand l’agent l’exécute, une tentative
quand il atteint son objectif. Il y a cependant une différence ontologique entre les intentions et les
tentatives. Les intentions sont des états mentaux alors que les tentatives sont des actions mentales. Les
agents ont consciemment ou non leurs intentions, alors qu’ils font consciemment leurs tentatives. Chaque
tentative contient une intention consciente en action. Il convient de distinguer la tentative elle-même de
l’action tentée et l’intention de son exécution. Bien des intentions ne sont pas exécutées et bien des
tentatives ratent. Pour exécuter une intention, il faut tenter de l’exécuter. Il arrive qu’un agent oublie l’une
de ses intentions préalables. Il arrive aussi qu’il ne tente pas de l’exécuter au moment approprié par
faiblesse de volonté ou parce qu’il la révise. Parfois l’agent tente d’exécuter son intention, mais il échoue.
Pour réussir à atteindre son objectif, il faut faire une bonne tentative en une circonstance appropriée. Le
prêtre rate sa tentative de baptiser l’enfant quand il se trompe de nom propre (mauvaise tentative) ou de
bébé (mauvais objet de référence). L’accomplissement des tentatives n’implique pas leur satisfaction.
Reste à expliquer la nature des actions intentionnelles en général. Accomplir intentionnellement une
action c’est juste réussir à l’accomplir. Comme les philosophes de l’action l’ont souligné, pour qu’un agent
réussisse à faire des choses, il ne suffit pas qu’il le tente et qu’elles arrivent. Il faut en outre qu’elles
arrivent à cause de sa propre tentative. L’agent ne réussit pas quand c’est la nature ou quelqu’un d’autre qui
fait les choses en question. Souvent la tentative de l’agent est la cause même des choses tentées. Cependant
il y a parfois surdétermination causale. Les choses tentées arrivent pour différentes raisons et pas seulement
à cause de la tentative de l’agent. D’autres agents l’ont fait également. Dans ce cas, il n’est pas vrai que si
l’agent n’avait pas fait sa tentative, les choses tentées ne seraient pas survenues. La tentative de l’agent est
alors une raison pratique parmi d’autres de l’atteinte de son objectif.
Le plus souvent nous accomplissons intentionnellement une action afin d’en accomplir une autre. Nous
bougeons les cordes vocales afin de proférer des sons et de faire une énonciation orale. Les actions
volontaires sont liées par la relation d’être des moyens de parvenir à des fins (Aristote). Nous utilisons des
énoncés afin de tenter d’accomplir des actes illocutoires. Cependant nos actions intentionnelles ont des
effets involontaires. En faisant un compliment on peut sans le vouloir déplaire à l’allocutaire (acte
perlocutoire involontaire). Certains genres d’actions en contiennent d’autres. Nul ne peut marcher sans
bouger ni implorer sans demander. En accomplissant une action du premier genre on accomplit ipso facto
une action du second. Qui plus est, certaines instances d’actions en engendrent parfois d’autres. Quiconque
affirme une proposition qui est future relativement au moment de l’énonciation fait alors une prédiction.
Quiconque fait une promesse qu’il n’a pas l’intention de tenir ment alors. Notre logique de l’action formule
les lois fondamentales qui gouvernent les différentes espèces d’engendrement d’actions verbales ou non.
Dans ma logique, toutes les actions involontaires des agents sont engendrées par leurs actions
intentionnelles de base qui sont en général des tentatives de bouger des membres de leur corps. Cependant,
tous les effets non voulus des actions intentionnelles ne sont pas des actions, mais seulement ceux qui sont
historiquement contingents et que l’agent aurait pu tenter. En bougeant nous agitons inévitablement des
particules subatomiques. Parfois nous subissons des échecs. Pareils événements nous arrivent. Ce ne sont
pas de véritables actions. Car les agitations de particules sont inévitables et les échecs impossibles à tenter.
Grâce à la logique de l’action, la logique illocutoire explique comment les actes illocutoires sont
engendrés et liés aux autres genres d’actes de discours comme les actes d’énonciation, de référence, de
prédication, les expressions de propositions et d’attitudes, les tentatives d’actes illocutoires et les actes
perlocutoires. Les locuteurs tentent d’accomplir leurs actes illocutoires publics en émettant des signes. Il
convient d’expliquer comment et en quelles conditions ils réussissent et de quelles façons leurs actes
illocutoires réussis en engendrent d’autres (chaque invitation contient une requête) et ont des effets
perlocutoires volontaires ou involontaires (l’auditeur est parfois influencé). A la base de toute
communication, les agents tentent de mouvoir des membres de leur propre corps et cela engendre
(Goldman 1970) de diverses façons leurs actes de langage. Cet engendrement dans la communication est
d’abord physiquement causal (nous utilisons oralement les énoncés en proférant des sons); il est ensuite
conventionnel (la signification des énoncés sert à déterminer la nature des actes illocutoires exprimés).
L’engendrement est parfois simple (les locuteurs réussissent leurs actes illocutoires individuels lorsqu’ils
font une bonne tentative dans un contexte approprié) ou par extension (ils accomplissent parfois
indirectement des actes illocutoires non littéraux et ils réussissent à poursuivre ensemble des dialogues à
but discursif quand ils accomplissent à tour de rôle les actes illocutoires majeurs indispensables).
Quelques lois fondamentales concernant les directions possibles d’ajustement fixent des limites et
imposent un ordre logique aux différentes façons possibles de lier des propositions au monde lors de
l’accomplissement d’actes illocutoires et de la possession d’attitudes. Selon la théorie des actes de
discours, le langage est l’œuvre de la raison et la rationalité est constitutive de la compétence linguistique.
Bien sûr, les locuteurs humains sont imparfaitement rationnels. Il leur arrive d’être incohérents, de croire et
d’affirmer des propositions nécessairement fausses et d’avoir « l’intention et de s’engager » à faire des
actions impossibles. Qui plus est, leurs engagements illocutoires et psychologiques ne sont pas aussi forts
qu’ils devraient l’être d’un point de vue logique. Nous affirmons et croyons des propositions sans pour
autant affirmer et croire toutes leurs conséquences logiques. Cependant, les locuteurs compétents sont
toujours, à tout le moins, minimalement rationnels.
Premièrement, ils sont minimalement cohérents. Ils n’ont pas d’attitudes propositionnelles ni ne tentent
d’accomplir des actes illocutoires élémentaires qu’ils savent a priori insatisfaisables. Ainsi, ils n’ont pas de
croyances ni ne font d’assertions qu’ils savent a priori fausses en vertu de leur compétence. De même, ils
ne font pas des promesses qu’ils savent a priori impossibles à tenir, ni ne donnent de directives qu’ils
savent a priori impossibles à obéir. C’est pourquoi ils ne veulent pas dire ce qu’ils disent quand ils utilisent
des énoncés comme « Je ne suis pas moi-même », « Viens sans bouger ! » et « Je m’engage à ne tenir
aucun engagement », dont la clause exprime une contradiction flagrante. Deuxièmement, ils ne peuvent
avoir certaines attitudes sans en avoir d’autres, ni tenter d’accomplir certains actes illocutoires sans tenter
d’en accomplir d’autres.
La logique illocutoire procède à une analyse prédicative de la forme logique des propositions qui tient
compte du fait qu’elles sont les contenus de nos pensées conceptuelles. Contrairement à la logique
classique, elle n’identifie pas toutes les propositions ayant les mêmes conditions de vérité. Maintes
propositions vraies dans les mêmes circonstances n’ont pas la même valeur cognitive ou volitive. Quand on
tente de mettre un fruit sur la table, on ne tente pas alors de faire en sorte que ce fruit soit sur la table et
dans l’espace. On sait que ce fruit est un objet matériel dans l’espace quoi que l’on fasse. De façon générale
nous savons peu de propositions nécessairement vraies en vertu de notre compétence. Nous apprenons a
posteriori beaucoup de propriétés essentielles des objets du monde. J’entends ici par propriété essentielle
d’un objet une propriété qu’il a réellement en toute circonstance possible. Chaque personne humaine a le
même code génétique et les mêmes parents en toutes circonstances. Autrement ce ne serait pas elle.
Cependant beaucoup ignorent leur code et certains ne connaissent pas leurs parents. Non seulement on a
besoin d’un critère d’identité propositionnelle plus fin en logique de l’action et des attitudes mais il faut en
outre expliquer les possibilités subjectives en plus des objectives. Il nous arrive de croire et de tenter de
faire des choses impossibles. La logique traditionnelle ne traite que des possibilités objectives. Les
propositions objectivement possibles sont celles qui sont vraies en, au moins, une circonstance possible.
Elles représentent des faits qui pourraient exister en un cours possible d’histoire de ce monde. Les
propositions subjectivement possibles en revanche, sont celles qui sont vraies selon au moins un agent en au
moins une circonstance possible. Certains se trompent sur l’identité de leurs parents. Ils croient alors des
propositions objectivement impossibles.
La logique traditionnelle des attitudes, qui ignore les possibilités purement subjectives, est incompatible
avec les données de base de la philosophie du langage. Selon la logique épistémique standard due à
Hintikka (1971), ce sont des circonstances possibles qui sont compatibles avec la vérité des croyances des
agents à un moment. On dit qu’un agent croit une proposition à un moment quand cette proposition est
vraie en toutes les circonstances possibles compatibles avec ce qu’il croit alors. Il en résulte que tous les
agents humains sont censés être logiquement omniscients, c’est-à-dire croire toutes les propositions
nécessairement vraies. En outre quiconque croit une proposition est censé ipso facto croire toutes celles
qu’elle implique logiquement. Enfin les agents sont censés être soit parfaitement rationnels soit totalement
irrationnels. Quand au moins une circonstance possible est compatible avec les croyances d’un agent, ce
dernier ne peut alors croire de proposition nécessairement fausse. Autrement, il est censé croire n’importe
quoi. Cependant, comme les philosophes grecs l’avaient déjà souligné, il est paradoxal de croire que toute
proposition est vraie. Qui plus est, nous devons apprendre bien des propositions nécessairement vraies et il
nous arrive d’être incohérent aussi bien en science que dans la vie courante.
Les problèmes sont bien pires dans le cas de la logique traditionnelle des attitudes volitives qui procède
selon la même approche. Selon elle, un agent désire à un moment le fait représenté par une proposition
quand cette proposition est vraie en toutes les circonstances possibles compatibles avec la réalisation de ses
désirs à ce moment. Or, contrairement à ce qui se passe dans le cas des croyances, il ne suffit pas
d’apprendre qu’une chose est impossible pour cesser alors de la désirer.
On a proposé d’introduire en logique des circonstances impossibles où des propositions nécessairement
fausses seraient vraies. Pareille introduction est très ad hoc et elle n’est ni nécessaire ni suffisante. J’ai
préconisé de garder les seules circonstances possibles et de changer d’approche. Les circonstances
possibles sont des possibilités objectives. Les objets y ont donc réellement toutes leurs propriétés
essentielles. Pour expliquer les possibilités subjectives qui ne sont pas objectives, j’ai proposé une théorie
plus fine du sens et de la vérité qui permet, on le verra, une analyse adéquate des attitudes et tentatives. Ma
logique propositionnelle non classique (Vanderveken 2009) est prédicative en ce sens qu’elle analyse la
forme des propositions en tenant compte des prédications que nous faisons en les comprenant. Voici ses
principes.
Chaque proposition a une structure finie de constituants. En l’exprimant, nous prédiquons des attributs
(des propriétés ou relations) d’objets auxquels nous nous référons via des concepts. Comprendre les
conditions de vérité d’une proposition, c’est comprendre quels attributs les objets de référence doivent
posséder en une circonstance possible pour que cette proposition y soit vraie. Comme Frege l’a souligné,
toute référence est indirecte. Nos illocutions et attitudes sont dirigées vers des objets subsumés sous des
concepts. Pareille analyse rend compte des attitudes dirigées vers aucun objet ou vers des objets inexistants
voire impossibles comme la Fontaine de Jouvence. Elle explique aussi pourquoi certaines attitudes et
tentatives concernent les objets qui tombent sous certains concepts sans pour autant concerner les mêmes
objets sous d’autres concepts. Jocaste est la mère d’Œdipe. En se mariant avec Jocaste, Œdipe a donc
épousé sa propre mère. Il ne soupçonnait pas ce qui les reliait, puisqu’il avait déjà une mère différente de
Jocaste.
En plus de tenir compte de la structure de constituants des propositions, la logique prédicative fournit
une meilleure explication de leurs conditions de vérité. Notre connaissance du monde est incomplète. Nous
ignorons les valeurs de vérité de maintes propositions car nous ignorons les dénotations réelles de la plupart
de leurs concepts et attributs en bien des circonstances passées, présentes et a fortiori dans le futur. Chaque
concept donne des critères d’identité à l’objet de référence. Mais peu de critères d’identité permettent
d’identifier cet objet. Cependant nous pouvons, en principe, penser à des dénotations que les concepts et
attributs que nous avons à l’esprit pourraient avoir. Le chef de police à la recherche d’un voleur pense à
différentes personnes susceptibles d’avoir commis le vol. Outre les dénotations objectives réelles propres à
nos concepts et attributs il y a leurs dénotations subjectivement possibles. Pour cette raison, je préconise de
considérer en tout usage et interprétation du langage d’autres assignations possibles de dénotation aux
attributs et concepts que la seule assignation standard de la dénotation réelle qui associe par hypothèse à
chacun sa dénotation réelle en chaque circonstance. Les assignations possibles de dénotation sont des
fonctions du même type que l’assignation réelle. Chacune associe à tout concept individuel un objet
individuel unique ou rien en chaque circonstance possible. Selon l’assignation réelle, le voleur d’un objet
est le voleur réel quand pareil voleur existe. Selon d’autres assignations, c’est un autre agent voire
personne. Dans le même ordre d’idées, chaque assignation possible de dénotation associe à toute propriété
d’individus en chaque circonstance l’ensemble des individus sous concepts qui possèdent selon elle cette
propriété. Quand nous avons à l’esprit des concepts et propriétés, seules certaines assignations possibles de
dénotations sont alors compatibles avec la vérité de nos croyances. Supposons que, selon le chef de police
au début de son enquête, le voleur est fort petit. Alors toutes les assignations possibles de dénotation selon
lesquelles ce voleur est grand sont incompatibles avec ce que ce policier croit.
Dans mon optique, ce sont des assignations possibles de dénotation aux sens plutôt que des
circonstances possibles qui sont compatibles avec la satisfaction des attitudes et actes illocutoires. Voilà ma
façon de traiter des possibilités subjectives. Les assignations possibles de dénotation dans l’usage et la
compréhension respectent bien entendu les postulats de signification que les agents ont intériorisés en
apprenant le langage. Les mères et les reines sont des femmes selon toute assignation possible de
dénotation. Quand une proposition est vraie en une circonstance selon une assignation possible de
dénotation, sa négation y est fausse selon cette même assignation. Les agents respectent les postulats de
signification gouvernant les mots qu’ils comprennent en parlant et en pensant.
Dans ma logique, les propositions sont d’abord et avant tout vraies ou fausses en des circonstances
possibles selon des assignations possibles de dénotation à leurs concepts et attributs. Celui qui exprime ou
comprend une proposition en un contexte d’énonciation ignore souvent sa valeur de vérité en ce contexte. Il
sait juste en la comprenant que cette proposition y est vraie selon des assignations possibles de dénotations
à ses constituants et fausses selon d’autres. Ainsi chaque proposition élémentaire attribuant une propriété à
un objet sous un concept est vraie en une circonstance selon une assignation possible de dénotation quand,
selon cette assignation, l’individu tombant sous ce concept en cette circonstance y a la propriété prédiquée.
La plupart des propositions ont beaucoup de conditions possibles de vérité. Nous ignorons quelle est
l’assignation réelle de dénotation. Mais pour qu’une proposition soit vraie en une circonstance, il faut bien
entendu qu’elle y soit vraie selon l’assignation réelle de dénotation. La vérité exige la correspondance.
Toute proposition vraie en une circonstance correspond à un fait qui y existe réellement. Ainsi parmi toutes
les conditions de vérité possibles d’une proposition, il y a bien ses conditions de vérité réelles à la Carnap
qui correspondent à l’ensemble des circonstances possibles où cette proposition est vraie selon l’assignation
réelle de dénotation. Ma logique distingue les possibilités subjectives des possibilités objectives. Une
proposition est subjectivement possible quand elle vraie en au moins une circonstance possible selon au
moins une assignation possible de dénotation. Elle pourrait alors être vraie selon un agent. Pour qu’elle soit
objectivement possible, il faut qu’elle soit en plus vraie selon l’assignation réelle de dénotation en au moins
une circonstance possible. Chaque possibilité objective est subjective mais pas l’inverse. Voilà pourquoi
notre rationalité est imparfaite.
Pour que deux propositions soient identiques, il ne suffit pas qu’elles aient les mêmes attributs et
concepts. Il faut qu’elles soient vraies en chaque circonstance selon les mêmes assignations possibles de
dénotation à leurs sens constituants. La logique illocutoire distingue les propositions nécessairement
équivalentes dont l’expression exige des actes de référence et de prédication différents comme la
proposition que Montréal est une ville, et celle que Montréal est une ville et pas une hypoténuse. Elle
distingue également les propositions nécessairement fausses qu’il nous arrive de croire (que les baleines
sont des poissons) des contradictions flagrantes (que les baleines ne sont pas des baleines) que nul ne peut
croire. Les tautologies (et les contradictions) flagrantes sont des cas limites de propositions nécessairement
vraies (et nécessairement fausses). Elles sont respectivement vraies (et fausses) en chaque circonstance
selon toutes les assignations possibles de dénotation et pas seulement selon l’assignation standard réelle de
dénotation. Nul ne peut avoir à l’esprit une tautologie (ou une contradiction) flagrante sans savoir a priori
qu’elle est nécessairement vraie (ou nécessairement fausse).
Dans mon approche, les agents humains représentent les faits vers lesquels leurs attitudes et illocutions
sont dirigées. Quiconque possède une attitude propositionnelle ou tente d’accomplir un acte illocutoire
élémentaire particulier a alors à l’esprit les attributs et concepts de son contenu. Quand il ne les a pas
consciemment, il est à tout le moins capable de les exprimer. Autrement, il serait incapable de déterminer
les conditions de satisfaction de son attitude ou illocution. Une attitude ou illocution avec des conditions de
satisfaction totalement indéterminées serait sans contenu ; ce ne serait pas une véritable attitude ou
illocution. De plus, ce sont des assignations possibles de dénotation aux sens plutôt que des circonstances
possibles qui sont compatibles avec la satisfaction des attitudes, tentatives et illocutions élémentaires des
agents.
A chaque agent « a » et moment « m » du temps, correspondent ainsi :
– premièrement, l’ensemble Croyance des assignations possibles de dénotation aux concepts et
attributs qui sont compatibles avec la vérité des croyances de cet agent à ce moment ;
– deuxièmement, l’ensemble Désir des assignations possibles de dénotation qui sont compatibles
avec la réalisation des désirs de cet agent à ce moment, ainsi que l’ensemble Tentative des assignations
possibles de dénotation compatibles avec l’atteinte des objectifs des tentatives de cet agent à ce moment.
Pareils ensembles ne sont pas vides. Aucun agent ne peut tout croire, ni tout désirer. Dans mon optique,
un agent « a » croit une proposition à un moment « m » (quelle que soit l’histoire considérée) quand il a
alors à l’esprit tous les concepts et attributs de cette proposition et qu’elle est vraie à ce moment dans
l’histoire hm qui lui est propre selon toutes les assignations possibles de Croyance compatibles avec ce
qu’il croit alors.
Nous ignorons ce qui se passera plus tard dans le monde. Cependant, bien de nos croyances sont
dirigées vers le futur. Comme Occam l’a souligné, pour que pareilles croyances soient vraies, il faut que les
choses soient à un moment postérieur comme nous le croyons maintenant dans la continuation historique
actuelle de ce moment, quelle qu’elle soit. Les autres continuations historiques possibles n’importent pas.
Quand un moment a plusieurs continuations historiques possibles, celle qui adviendra est encore
indéterminée à ce moment. Cependant si le monde continue, il continuera d’une seule façon. Chaque agent
est tourné vers le futur réel.
Il y a une différence importante entre le désir et la croyance. Certains faits existent selon nous en toute
circonstance possible. En revanche, nous ne pouvons désirer un fait sans croire que ce fait pourrait ne pas
arriver. Car chaque désir contient une préférence. Quiconque ressent un désir distingue ipso facto deux
façons différentes dont le monde pourrait être : selon la première, les choses qu’il représente sont comme il
le préfère ; selon la seconde, elles ne le sont pas.
Pour qu’un agent désire à un moment m le fait représenté par une proposition, il ne suffit pas qu’il ait à
l’esprit cette proposition et qu’elle soit vraie à ce moment en l’histoire hm selon toutes les assignations
possibles de l’ensemble compatibles avec ce qu’il désire alors. Il faut aussi que cette proposition soit fausse
selon l’agent en une circonstance. Il nous arrive parfois de désirer boire et parfois de désirer ne pas boire.
Mais il ne nous arrive jamais de désirer boire ou ne pas boire.
Les conditions de possession des attitudes propositionnelles sont entièrement déterminées par leur mode
et leur contenu. Chaque composante d’un mode détermine une condition nécessaire particulière de
possession des attitudes ayant pareil mode, toutes les composantes ensemble des conditions de possession à
la fois nécessaires et suffisantes. Ainsi un agent a possède une attitude cognitive (ou volitive) de la forme
M(P) à un moment m quand il croit (ou désire) alors le contenu propositionnel P, il ressent à ce moment sa
croyance (ou son désir) de P de la façon cognitive ou volitive propre à son mode M, la proposition P
satisfait alors les conditions sur le contenu propositionnel de M et enfin cet agent présuppose et croit alors
toutes les propositions déterminées par les conditions préparatoires de son mode M relativement au
contenu P. Par exemple, un agent a l’intention de P à un moment quand le contenu propositionnel P
représente alors une action présente ou future de cet agent, il éprouve alors un tel désir de P qu’il est
disposé à faire cette action et enfin il présuppose et croit alors en être capable.
Les tentatives, qui sont intentionnelles, contiennent les mêmes conditions sur le contenu
propositionnel que les intentions. Pour qu’un agent a tente un objectif P à un moment m, il faut que cet
agent ait alors consciemment l’intention de P (P représente alors une de ses actions présentes ou
futures) et que la proposition P soit alors vraie en l’histoire hm selon toutes les assignations possibles de
dénotation de Tentative compatibles avec la satisfaction de ses tentatives à ce moment.
On peut analyser les conditions d’atteinte des buts illocutoires en s’inspirant de l’analyse des conditions
de possession des croyances et désirs. Certaines assignations possibles de dénotation aux concepts et
attributs sont compatibles avec la vérité des actes assertifs de chaque locuteur à un moment. Certaines (en
général d’autres) assignations possibles de dénotation sont compatibles avec la tenue des engagements du
même agent à ce moment. Certaines sont compatibles avec l’obéissance aux directives données par le
même agent à ce moment. Et ainsi de suite. Un locuteur réussit à atteindre le but illocutoire assertif sur une
proposition à un moment m quand il exprime à ce moment ses concepts et attributs et que cette proposition
est alors vraie en l’histoire hm selon toutes les assignations possibles de dénotation compatibles avec la
vérité de ses actes assertifs à ce moment. Il en va de même pour les autres buts illocutoires quand la
proposition exprimée satisfait leurs conditions sur le contenu propositionnel dans le contexte de
l’énonciation.
Ma logique des attitudes et illocutions tient compte de la réalité psychologique et langagière. Certaines
de nos croyances et assertions sont fausses, certaines de nos tentatives ratent. Dans ce cas, l’assignation
réelle de dénotation aux concepts et attributs est incompatible avec ce que nous croyons, affirmons et
tentons. Notre connaissance et nos capacités sont limitées. Quand nous ignorons la dénotation de certains
sens en certaines circonstances, de nombreuses assignations possibles de dénotation à ces sens en ces
circonstances sont alors compatibles avec nos croyances. Contrairement à l’approche traditionnelle, mon
analyse explique pourquoi nous ne sommes ni logiquement omniscients ni parfaitement rationnels. Nous
n’avons pas à l’esprit tous les attributs. Voilà pourquoi nous ignorons bien des vérités nécessaires.
Enfin, il nous arrive de croire, désirer et tenter des choses impossibles. Dans ce cas, les assignations
possibles de dénotation compatibles avec ce que nous croyons ou désirons ne respectent pas des propriétés
essentielles des objets auxquels nous pensons. Notre code génétique n’est déterminé par aucun postulat de
signification. Nous pouvons croire en avoir un autre. Mon approche résout les paradoxes épistémiques
traditionnels.
Toutefois les agents humains restent minimalement cohérents et rationnels selon ma logique. Ils ne
peuvent croire ni désirer n’importe quoi et leurs croyances et désirs en contiennent d’autres. En effet il y a
toujours des assignations possibles de dénotation aux sens compatibles avec la satisfaction de leurs
attitudes et actes illocutoires, et pareilles assignations et donc leurs attitudes et illocutions elles-mêmes,
obéissent par nature aux postulats de signification. Quiconque comprend une proposition respecte en vertu
de sa compétence les postulats de signification. Quand Œdipe a l’intention et accepte d’épouser Jocaste, la
reine de Thèbes, il a alors l’intention et il accepte d’épouser une femme.
Comme Searle (2005) l’a souligné, la logique des désirs et des intentions est fort différente de celle des
croyances. Les agents peuvent simultanément avoir une intention et croire que l’exécution de cette
intention aura un certain effet sans pour autant désirer ni avoir l’intention de produire cet effet. Celui qui
refuse une offre peut croire qu’il irritera l’interlocuteur sans pour autant désirer ni avoir l’intention de
l’irriter. En pareil cas, il y a un conflit entre les intentions et les croyances de l’agent à un moment.
Certaines assignations possibles de dénotation compatibles avec l’exécution des intentions de cet agent ne
sont pas compatibles avec la vérité de ses croyances au même moment. Car l’effet non voulu de l’action
visée n’a pas lieu selon les premières assignations. Ce conflit entre le volitif et le cognitif arrive quand
l’agent croit que l’effet non voulu est une conséquence inévitable de l’action visée. Une intention préalable
de P et une croyance qui est alors nécessaire que si P alors Q n’engage pas l’agent à avoir l’intention
préalable de faire Q. Chacun sait qu’il peut à tort croire que des effets non voulus sont inévitables. Il serait
plus heureux s’ils ne se produisaient pas. Il convient de réviser le principe de Kant (1965) : quiconque tente
de réaliser une fin veut les moyens nécessaires ou les effets qu’il sait faire partie de la réalisation de cette
fin. Ce principe ne s’applique pas aux intentions préalables. Cependant les agents sont rationnels ; ils
doivent coordonner minimalement leurs attitudes cognitives et volitives en tentant d’agir dans le monde.
Ainsi une forme restreinte du principe de Kant : « Tout agent qui veut la fin est engagé à vouloir les
moyens nécessaires » s’applique aux tentatives comme aux intentions en action (Searle, 2001). Quiconque
tente d’atteindre un objectif et sait que pour l’atteindre il doit faire autre chose, tente alors ipso facto l’autre
chose. Pareille restriction du principe kantien est valide dans ma logique.
Quand les locuteurs savent a priori en vertu de leur compétence qu’un acte illocutoire F(P) de force
primitive ne pourrait être satisfait sans qu’un autre F(Q) le soit, ils ne peuvent alors tenter d’accomplir le
premier F(P) sans tenter d’accomplir le second F(Q). C’est pourquoi nul ne peut affirmer une proposition
sans pour autant affirmer toutes les autres propositions que celle-ci implique fortement. Les engagements
illocutoire et psychologique sont partiellement compatibles avec la relation plus fine d’implication forte de
la logique prédicative. Une proposition en implique fortement une autre quand elle est composée de toutes
ses propositions élémentaires et qu’elle l’implique tautologiquement en ce sens qu’elle ne peut être vraie en
une circonstance selon une assignation possible de dénotation sans que l’autre le soit. Contrairement à
l’implication stricte de Lewis, l’implication forte est cognitive. Quand une proposition en implique
fortement une autre, nous le savons a priori ; nous ne pouvons exprimer la première sans avoir à l’esprit la
seconde et sans savoir qu’elle l’implique. L’implication forte est finie, para-consistante et décidable. Elle
fonde les engagements illocutoires et psychologiques tenant aux conditions de vérité. Certaines lois de la
déduction naturelle comme l’élimination de la disjonction engendrent de l’implication forte. Leurs
prémisses impliquent fortement leur conclusion. Ainsi quiconque désire (ou tente de) boire de l’eau ou du
vin désire (ou tente de) boire. D’autres lois comme celle de l’introduction de la disjonction n’engendrent
pas d’implication forte. On peut désirer boire sans pour autant désirer boire ou souffrir.
Beaucoup de philosophes, dont Searle (2005), sont fort sceptiques à l’égard de la logique de la raison
pratique. Sans doute, le désir et les attitudes volitives ont, à cause de leur direction d’ajustement du monde
à l’esprit, des propriétés (comme l’indétachabilité et l’inévitabilité de l’incohérence) qui compliquent leur
formalisation logique. Cependant pareilles propriétés ne mettent aucunement en question la logique des
attitudes et de l’action. Searle est forcé d’admettre l’existence de relations logiques intériorisées
d’engagement et d’incompatibilité entre attitudes et actions à cause des principes mêmes de sa philosophie.
Selon lui quiconque a une attitude et tente une action a, à l’esprit, les conditions de satisfaction de cette
attitude et les conditions de succès de cette action.
Ce n’est pas parce qu’elles ont la direction d’ajustement du monde à l’esprit qu’il n’y a pas de logique
propre aux attitudes volitives, tout comme ce n’est pas parce qu’ils ont la direction d’ajustement du monde
au langage qu’il n’y a pas de logique des actes illocutoires engageants et directifs. Au contraire, les
attitudes volitives sont logiquement liées entre elles et avec les cognitives en vertu de leurs conditions de
possession et de satisfaction que j’ai définies récursivement. De même les actes intentionnels sont
logiquement liés entre eux et avec des attitudes en vertu des conditions de succès et de satisfaction de leurs
tentatives. Ma logique explique des particularités d’attitudes volitives comme leur indétachabilité et le fait
que l’on puisse désirer des choses que l’on croit impossible. Elle explique les tentatives d’accomplissement
d’actes illocutoires et la nature des buts illocutoires grâce à sa logique de l’action. Ainsi donner une
directive c’est réussir à tenter de faire agir l’interlocuteur en lui adressant une énonciation exprimant
l’action que l’on désire qu’il fasse. Réussir à faire une déclaration c’est faire une action au moment de
l’énonciation en vertu de l’énonciation en affirmant qu’on accomplit alors cette action.
La logique illocutoire définit récursivement, on le verra, les conditions de félicité des actes illocutoires
de toute force. Elle révise la conception courante de la rationalité en expliquant pourquoi les agents
humains sont imparfaitement rationnels et parfois incohérents, Elle reconnaît qu’ils ne sont pas
logiquement omniscients et qu’ils ne font pas toutes les inférences théoriques valides. Cependant elle
explique aussi pourquoi les locuteurs ne sont pas tout à fait irrationnels mais restent minimalement
cohérents et font certaines inférences pratiques ou théoriques valides.
Beaucoup de lois fondamentales gouvernant les buts illocutoires et les catégories de cognition et de
volition sont liés à la rationalité. Ainsi, une limite de la pensée se montre dans la loi selon laquelle la
satisfaction des tentatives et des actes illocutoires avec la direction d’ajustement des choses aux mots exige
la vérité contingente a posteriori de leur contenu propositionnel. Nul ne pourrait transformer le monde en y
rendant existant un fait qui y existe inévitablement quoi que l’on fasse. Nul ne peut même avoir l’intention,
ni tenter, de faire un acte qu’il sait être impossible. C’est pourquoi les énoncés impératifs et performatifs
comme « Viens ou ne viens pas ! » , « Je promets de venir ou de ne pas venir », et « Je vous demande ou ne
vous demande pas votre aide » dont la clause exprime une tautologie flagrante sont illocutoirement
incohérents.
Il y a aussi un ordre logique transcendant qui est imposé par la direction d’ajustement aux actes
illocutoires. D’une part, les déclarations, qui ont la double direction d’ajustement, sont pour cette raison le
type le plus fort d’actes illocutoires élémentaires. Leur accomplissement suffit à rendre vrai leur contenu
propositionnel et à établir une correspondance entre les mots et les choses. C’est pourquoi chaque acte
illocutoire élémentaire réussi pourrait être accompli par déclaration lors d’une énonciation performative. En
revanche, aucune autre espèce d’acte illocutoire n’engage fortement le locuteur à une déclaration. Il est
donc erroné de considérer les déclarations comme étant des actes illocutoires paradigmatiques. Les énoncés
performatifs ne sont pas des formes paradigmatiques d’expression pour illocutions. Seules les déclarations
ont la double direction d’ajustement. D’un autre côté, les actes expressifs, qui ont la direction vide
d’ajustement, sont l’espèce la plus faible d’illocutions. Tout acte illocutoire a des conditions de sincérité.
Par conséquent, chaque espèce d’acte illocutoire engage fortement le locuteur à un expressif. Mais l’espèce
expressive d’acte illocutoire n’engage fortement le locuteur à aucune autre. Bach et Harnish (1979) ont
considéré à tort les illocutions expressives comme des actes illocutoires paradigmatiques.
La définition récursive de l’ensemble des fonctions de vérité décrit des traits transcendants dans la
détermination des conditions de vérité des propositions. Ainsi, les formes logiques des tautologies et des
contradictions flagrantes sont universelles. Et les propositions de certaines formes logiques en impliquent
fortement d’autres dans toute langue naturelle. De même, les définitions récursives de l’ensemble des
modes psychologiques et l’ensemble des forces illocutoires décrivent des traits transcendants dans l’usage
du langage. En particulier, il y a cinq forces illocutoires primitives en chaque langue naturelle. Ce sont les
forces illocutoires les plus simples possibles : elles ont un but illocutoire caractéristique, pas de mode
spécial d’atteinte de ce but, un degré neutre de puissance et seulement les conditions sur le contenu
propositionnel et les conditions préparatoires et de sincérité qui sont déterminées par leur but. Les cinq
forces primitives sont :
(1) la force illocutoire d’assertion qui est nommée par le verbe performatif « affirmer » et réalisée
syntaxiquement dans le type déclaratif d’énoncé ;
(2) la force illocutoire primitive d’engagement qui est nommée par le verbe performatif « s’engager » ;
(3) la force primitive directive qui est réalisée syntaxiquement dans le type impératif d’énoncé ;
(4) la force illocutoire de déclaration qui est nommée par le verbe performatif « déclarer » et exprimée
lors des énonciations performatives ;
(5) la force illocutoire primitive expressive qui est réalisée syntaxiquement dans le type des énoncés
exclamatifs.
Toutes les autres forces illocutoires peuvent être obtenues en leur appliquant des opérations booléennes
qui consistent à ajouter de nouvelles composantes ou des opérations abéliennes qui changent le degré de
puissance.
Ainsi, la force illocutoire de promesse est obtenue à partir de la force primitive d’engagement en
imposant le mode spécial d’atteinte de son but que le locuteur se met alors dans l’obligation d’agir. La
force de renonciation a la condition sur le contenu propositionnel additionnel selon lequel c’est un
engagement négatif. Renoncer à faire quelque chose c’est s’engager à ne plus le faire. La force illocutoire
de menace est obtenue à partir de la force d’engagement en imposant la condition préparatoire spéciale que
l’action à laquelle s’engage le locuteur est mauvaise pour l’interlocuteur.
Nous pouvons faire une analyse lexicale systématique des verbes illocutoires et marqueurs de force des
langues naturelles sur la base de la définition récursive de l’ensemble des forces possible. Certains types
syntaxiques d’énoncés comme les types déclaratif, impératif et exclamatif, expriment des forces primitives.
D’autres, comme les types conditionnels et interrogatifs expriment des forces dérivées. Les énoncés
interrogatifs servent à poser des questions, qui sont des demandes à l’interlocuteur d’une réponse (condition
spéciale sur le contenu propositionnel). Tout énoncé interrogatif (« Est-ce qu’il neige ? « ) est synonyme
avec un énoncé impératif correspondant (« Veuillez me dire si oui ou non il neige ! »).
Les conditions de succès des actes illocutoires élémentaires sont entièrement déterminées par les
composantes de leur force et de leur contenu propositionnel. Un locuteur réussit à accomplir un acte
illocutoire F(P) en un contexte d’énonciation quand, en ce contexte, il réussit à atteindre le but illocutoire
de la force F sur la proposition P avec le mode d’atteinte de F et P y satisfait les conditions sur le contenu
propositionnel de F, deuxièmement, ce locuteur présuppose que les conditions préparatoires de F(P) sont
alors remplies et réussit à exprimer avec le degré de puissance de F les attitudes des modes déterminées
par les conditions de sincérité de F à propos du fait représenté par le contenu propositionnel P. Ainsi pour
qu’un locuteur fasse une promesse en un contexte, il faut qu’il y exprime la proposition qu’il fait ou fera un
acte (condition sur le contenu propositionnel), qu’il s’engage lui-même à cet acte (but illocutoire) en
s’obligeant à le faire (mode d’atteinte), qu’il présuppose que l’acte est bon pour l’interlocuteur et qu’il
manifeste la forte intention de le faire (condition de sincérité et degré de puissance).
Il nous arrive de faire de fausses pré-suppositions et d’exprimer des attitudes que nous n’avons pas. Des
actes illocutoires réussis sont donc défectueux. C’est le cas des promesses qui sont désavantageuses pour
l’interlocuteur ou que le locuteur n’a pas la moindre intention de tenir. Pour qu’un acte illocutoire soit
accompli sans défaut en un contexte d’énonciation, il ne suffit pas qu’il y soit accompli avec succès ; il faut
en outre que ses conditions préparatoires et de sincérité y soient remplies. D’un point de vue logique, les
conditions de félicité des actes illocutoires sont la somme de leurs conditions d’accomplissement sans
défaut et de satisfaction. Bien des actes illocutoires assertifs, engageants, directifs et expressifs réussis sont
défectueux ou insatisfaits. Seuls les déclaratoires, qui ont la double direction d’ajustement, sont tels que
leur succès implique leur félicité. Austin qui a commis l’erreur de considérer les énonciations performatives
comme paradigmatiques a parfois réduit la félicité au succès.
De la définition générale du succès suivent quelques lois fondamentales d’engagement illocutoire fort
qui sont valides pour les forces en chaque langue naturelle. Quand une force illocutoire nouvelle est
obtenue en appliquant une opération à une force, cette nouvelle force est soit plus forte soit plus faible que
la force argument. Une force F est plus forte qu’une autre F’ quand il n’est pas possible d’accomplir une
illocution de la forme F(P) sans pour autant accomplir une autre de la forme F’(P). Les opérations d’ajouter
des composantes et d’augmenter le degré de puissance engendrent des forces plus fortes. Ainsi, toute force,
dont le degré de puissance est positif, est plus forte que la force primitive avec son but illocutoire.
Quiconque jure, promet, fait vœu, accepte ou menace de faire quelque chose s’engage ipso facto à le faire.
Des lois universelles d’engagement psychologique semblables suivent de la définition de la possession
d’attitudes propositionnelles. Comme les opérations sur modes ajoutent des composantes nouvelles (des
façons cognitives ou volitives, des conditions sur le contenu propositionnel ou des conditions
préparatoires), elles engendrent des modes psychologiques plus forts. Quand un mode M a plus de
composantes que M’, chaque attitude de forme M(P) contient une attitude de forme M’(P). Car elle a
davantage de conditions de possession. Quiconque anticipe, sait, est certain, ou convaincu de quelque
chose, y croit. Quiconque espère, est content, joyeux, ravi ou jouit de quelque chose, la désire.
En vertu de sa forme logique, chaque acte illocutoire tenté engage le locuteur à de nombreux autres. Un
acte illocutoire engage fortement le locuteur à un autre quand il ne peut alors accomplir cet acte sans ipso
facto accomplir l’autre. Toutes les supplications et les questions contiennent des demandes mais la
réciproque n’est pas vraie. Les demandes qui sont faites sans prier humblement l’interlocuteur d’agir ne
sont pas des supplications. Celles qui peuvent être accordées sans aucune réponse de l’interlocuteur ne sont
pas des questions. Quiconque entend accomplir un acte illocutoire entend ipso facto accomplir les autres
actes illocutoires ayant moins de conditions de succès. Mais les locuteurs sont aussi parfois engagés à des
actes illocutoires plus forts. Celui qui demande en s’agenouillant humblement et en pleurant fait plus que
demander ; il supplie et même implore l’interlocuteur. Celui qui demande à l’interlocuteur une réponse lui
pose une question. Ma sémantique formelle générale explique par l’engendrement simple pareils
engagements à des actes illocutoires plus forts. Dans les contextes où sont manifestement remplies des
conditions sur le contenu propositionnel, des conditions préparatoires ou de sincérité, spéciales, l’acte
illocutoire littéral réussi engendre alors des actes illocutoires d’une force supérieure. Dans les autres
contextes, il n’y a pas de tel engendrement illocutoire simple.
1.5. Universaux sémantiques dans l’usage du langage
Comme il fait partie de la signification linguistique de tout énoncé qu’il sert à exprimer des actes
illocutoire en chaque contexte possible d’emploi, il y a une ramification générale des notions sémantiques
fondamentales d’analyticité, de cohérence et d’implication logique ainsi qu’une définition récursive d’une
énonciation pleine de félicité dans la sémantique formelle que je préconise pour le langage ordinaire.
Premièrement, il faut distinguer en sémantique les notions de cohérence illocutoire et de cohérence véri-
conditionnelle. Certains énoncés comme « Les baleines sont des poissons » sont illocutoirement cohérents
en ce sens qu’ils expriment des actes illocutoires performables. D’autres sont véri-conditionnellement
cohérents : ils expriment des actes illocutoires satisfaisables.
Il faut aussi distinguer les notions d’analyticité illocutoire et véri-conditionnelle. Des énoncés comme
l’énoncé paradoxal de Moore « Il pleut et je ne le crois pas » ont des énonciations analytiquement ratées :
on ne peut les utiliser littéralement avec succès. D’autres comme « Je n’existe pas » ont des énonciations
analytiquement insatisfaites : on ne peut les utiliser littéralement avec satisfaction. Pareilles notions
sémantiques n’ont pas la même extension. L’énoncé « Les baleines sont des poissons » est illocutoirement
cohérent mais véri-conditionnellement incohérent. Les énonciations de l’énoncé de Moore ne sont pas
analytiquement insatisfaites. Elles sont en outre illocutoirement cohérentes.
Tout comme la réussite ou la satisfaction de certains actes illocutoires entraine la réussite ou la
satisfaction d’autres, certains énoncés en impliquent illocutoirement ou véri-conditionnellement d’autres.
L’énoncé performatif « Je vous demande votre aide » implique illocutoirement l’énoncé impératif
« Veuillez m’aider ! ». Il n’est pas possible d’utiliser littéralement avec succès cet énoncé performatif sans
faire pour autant la demande exprimée par l’énoncé impératif. L’énoncé impératif « Veuillez m’aider ! »
implique véri-conditionnellement l’énoncé déclaratif « Vous pouvez m’aider ». Quiconque accorde la
demande que cet énoncé exprime rend vraie l’assertion exprimée par l’énoncé déclaratif.
Notre analyse sémantique des formes linguistiques d’expression pour les actes illocutoires sert à
distinguer logiquement différentes classes d’énoncés exprimant différentes espèces d’actes illocutoires dans
le langage ordinaire. Il y a des lois universelles d’incohérence illocutoire et véri-conditionnelles pour les
énoncés, de même qu’il y a des lois universelles d’imperformabilité et d’insatisfaisabilité pour les
illocutions. Comme nous l’avons vu, des énoncés de certaines formes logiques (par exemple, les énoncés
déclaratifs, impératifs et performatifs dont la clause exprime une contradiction) expriment des actes
illocutoires à la fois imperformables et insatisfaisables dans tous les langages. De même il y a des lois
sémantiques universelles d’implication illocutoire et véri-conditionnelle entre les énoncés, de même qu’il y
a des lois universelles d’inclusion de conditions de félicité entre les illocutions. Les énoncés performatifs
constituent le type le plus fort d’énoncé car les déclarations sont le type le plus fort d’acte illocutoire. C’est
pourquoi chaque énoncé performatif implique illocutoirement l’énoncé non performatif lui correspondant.
En revanche, parmi les énoncés cohérents, seul un énoncé performatif peut en impliquer illocutoirement un
autre. Pour des raisons semblables, les énoncés exclamatifs sont le type le plus faible d’énoncé. Les
énoncés de tous les types syntaxiques impliquent illocutoirement les énoncés exclamatifs leur
correspondant. Ainsi, l’énoncé déclaratif « Hélas, il est mort » implique illocutoirement l’exclamatif « Quel
malheur qu’il soit mort ! ». Mais aucun énoncé exclamatif cohérent n’implique illocutoirement d’énoncé de
type non-expressif.
Grâce à la logique illocutoire, la sémantique formelle peut dorénavant formuler de nouveaux genres de
lois valides d’implication logique pour les énoncés de tous les types syntaxiques en raison de la forme
logique des actes illocutoires qu’ils servent à accomplir. Qui plus est, elle peut également expliquer et
dériver des principes d’inférence valide aussi bien pratique que théorique. Selon la terminologie de la
théorie des actes du discours, un inférence est valide quand il n’est pas possible que ses prémisses
expriment des actes illocutoires avec une certaine valeur de succès ou de satisfaction sans que sa
conclusion exprime également un acte avec les mêmes ou d’autres valeurs. Certaines inférences sont
pratiques : leur conclusion exprime une illocution avec la direction d’ajustement des choses aux mots.
D’autres inférences sont théoriques : leur conclusion exprime une illocution avec la direction d’ajustement
des mots aux choses.
Jusqu’à présent, la logique contemporaine et la sémantique formelle se sont confinées à l’étude des
formes valides d’inférence théoriques dont les prémisses ne peuvent être vraies sans que leur conclusion le
soit également. Cependant, il est bien clair que nous sommes incapables de faire en vertu de notre seule
compétence linguistique de nombreuses inférences théoriques valides. Car nous comprenons les
propositions sans savoir pour autant toutes leurs conséquences logiques. Nous devons apprendre les
mathématiques.
Qui plus est, il y a quatre autres genres d’inférences valides qui tiennent aux conditions de succès et de
satisfaction ;
– les inférences valides du premier genre sont celles dont les prémisses ne peuvent être réussies (c’est-à-
dire exprimer des illocutions réussies) sans que leur conclusion le soient également. La conjonction des
prémisses de pareilles inférences valides implique illocutoirement leur conclusion ;
– les inférences valides du second genre sont celles dont les prémisses ne peuvent être satisfaites sans
que leur conclusion le soit également. La conjonction de leurs prémisses implique véri-conditionnellement
leur conclusion ;
– les inférences valides du troisième genre ont des prémisses qui ne peuvent être réussies sans que leur
conclusion soit satisfaite ;
– le quatrième genre est la réciproque du troisième. Toutes ces espèces différentes d’inférences valides
existent en chaque langue naturelle et elles n’ont pas la même extension.
Du point de vue de la grammaire universelle, les principes d’inférence valide les plus intéressants sont
ceux que les locuteurs ont intériorisés en apprenant leur langue maternelle, car ils reflètent la nature même
de la raison humaine et constituent la logique naturelle décidable innée de la compétence linguistique.
La sémantique logique de la théorie des actes de discours est capable de formuler pareils principes
innés.
Une découverte importante de la théorie des actes de langage, c’est que les paradoxes sémantiques
comme le paradoxe du menteur n’apparaissent pas vraiment dans l’usage du langage. Certes les langues
naturelles contiennent des énoncés paradoxaux comme « Cette assertion est fausse » et l’on peut ajouter
« Je ne tiendrai pas cette promesse », « Désobéissez à cet ordre ». Comme les philosophes grecs l’avaient
remarqué, les énonciations sui-référentielles de pareils énoncés semblent être satisfaites si et seulement si
elle sont insatisfaites. Contrairement à Russell, Tarski et bien d’autres, je ne pense pas que les langues
naturelles soient pour autant incohérentes. Quand les formes logiques des marqueurs de force et des clauses
de pareils énoncés sont bien analysées, il apparaît que leurs énonciations sui-référentielles ne peuvent être
satisfaites sans qu’elles soient réussies. Or, les actes illocutoires qu’elles expriment ne sont pas
performables à cause de la cohérence minimale des locuteurs compétents. Par conséquent, les énoncés
paradoxaux en question sont plutôt incohérents à la fois illocutoirement et véri-conditionnellement.
Comme Prior (1971) l’a anticipé dans sa discussion de la croyance, le paradoxe du menteur est de la
forme « Il existe une proposition P telle que j’affirme P et il n’est pas vrai que P et P est cette même
proposition (à savoir qu’il existe une proposition P telle que j’affirme P et il n’est pas vrai que P) ». Quand
le paradoxe du menteur est ainsi analysé, il apparaît n’être qu’une assertion fausse qu’aucun locuteur
minimalement rationnel ne pourrait jamais tenter de faire. Son contenu propositionnel est une contradiction
flagrante. C’est donc une erreur que d’exclure la sui-référence de l’idéographie logique et d’empêcher la
formation des énoncés paradoxaux dans les langues-objets de la logique et de la philosophie pour éviter
l’incohérence. Premièrement, cela n’est pas nécessaire car il n’y a pas ici de véritable paradoxe.
Deuxièmement, pareille exclusion restreint beaucoup trop les capacités expressives de l’idéographie
logique. Il y a toute une série d’énoncés sui-référentiels forts intéressants, par exemple : « Cet énoncé sert à
faire une assertioné », le Cogito ergo sum de Descartes. Les énonciations de pareils énoncés sont à la fois
analytiquement réussies et vraies. D’ailleurs certains types d’actes illocutoires, notamment les déclarations,
sont par nature sui-référentiels. Comme Austin l’avait déjà remarqué, les énonciations performatives
explicites contiennent l’adverbe « par la présente » qui en fait des énonciations sui-référentielles.
1.6. Les universaux pragmatiques
Une théorie sémantique du langage traite exclusivement de la signification littérale. Cependant souvent
le locuteur veut dire autre chose ou plus que ce qu’il dit dans la conversation.
Premièrement, l’acte illocutoire principal de l’énonciation est différent de l’acte illocutoire littéral
lorsque le locuteur fait une figure de style comme de la métaphore, de l’ironie ou de l’indirection. Ainsi en
posant la question : « Voulez-vous aider ? », le locuteur peut vouloir d’abord et avant tout demander
indirectement de l’aide.
Deuxièmement, le locuteur entend parfois accomplir implicitement des actes illocutoires non littéraux
secondaires en plus de l’acte illocutoire principal. Si l’on vous demande « où est Paul ? », et que vous
répondez « il est à Paris ou à Londres », vous affirmez implicitement que vous ignorez exactement où. La
capacité de vouloir dire autre chose fait partie de notre compétence linguistique et elle excède notre
capacité de parler littéralement. Tout ce qu’un locuteur veut dire, il ou elle pourrait en principe le dire selon
le principe d’exprimabilité de nos pensées conceptuelles. Cependant la réciproque n’est pas vraie. C’est une
des conséquences du principe de la rationalité minimale du locuteur. Il nous est impossible d’utiliser
littéralement les énoncés illocutoirement incohérents. Celui qui dit « Je ne suis pas identique à moi-même
aujourd’hui » ne comprend pas ce qu’il dit ou bien il veut dire autre chose comme « Je ne me sens pas
aujourd’hui comme je suis d’habitude ».
Les unités de base du discours sont les actes illocutoires que les locuteurs entendent accomplir, peu
importe qu’ils soient littéraux ou non. D’où l’importance d’une théorie générale de la signification capable
d’interpréter les énonciations non littérales en sémiotique. Selon ma conception de la sémiotique
(Vanderveken, 1991, 1997), c’est à la pragmatique que revient la tâche propre d’expliquer notre capacité
d’accomplir et de comprendre les actes illocutoires non littéraux. Jusqu’à présent, il y a eu peu de progrès
dans l’élaboration de la pragmatique théorique. Grice (1975) suivi par Searle (1979), Bach et Harnish,
Récanati et d’autres ont fait des remarques importantes sur la signification non littérale en explorant l’idée
que l’usage du langage est gouverné par des maximes conversationnelles comme la maxime de qualité
« Dites le vrai ! », « Soyez sincère ! », la maxime de quantité « Soyez aussi informatif qu’il le faut ! », la
maxime de manière « Soyez clair ! » et la maxime de relation « Soyez pertinent ! ». Mais leurs analyses de
la signification du locuteur sont restées informelles, partielles et sans contenu théorique précis. Qui plus est,
elles ne s’appliquent qu’aux énonciations assertives faites dans le discours informatif.
Selon Grice, les interlocuteurs comprennent les énonciations non littérales en faisant des inférences sur
la base de l’hypothèse que les locuteurs respectent les maximes conversationnelles. Searle et moi avons
utilisé l’approche déductive de Grice en théorie des actes de discours. Dans notre optique, le locuteur qui
entend accomplir des actes de discours non littéraux s’attend à ce que l’interlocuteur le comprenne en se
fiant : premièrement, à sa connaissance de la signification de l’énoncé utilisé ainsi qu’à sa capacité de
comprendre les conditions de félicité de l’acte illocutoire littéral ; deuxièmement, à leur connaissance
mutuelle de certains faits de l’arrière-plan conversationnel, et troisièmement à la capacité qu’a
l’interlocuteur de faire des inférences sur la base de l’hypothèse qu’il respecte (lui, locuteur) les maximes
conversationnelles. Pour comprendre l’acte illocutoire principal non littéral d’un contexte d’énonciation, il
faut donc identifier l’acte illocutoire littéral et comprendre que cet acte littéral ne peut être l’acte principal
visé si le locuteur respecte les maximes conversationnelles. Selon pareille conception, la pragmatique,
conçue comme la théorie de la signification du locuteur incorpore donc la sémantique conçue comme la
théorie de la signification de l’énoncé ainsi qu’une théorie des maximes conversationnelles et l’analyse des
aspects pertinents de l’arrière-plan conversationnel.
J’ai proposé d’expliquer et de généraliser les deux maximes de qualité et de quantité en utilisant la
logique illocutoire.
La maxime de qualité
D’un point de vue logique, une acte illocutoire est de qualité parfaite quand il est plein de félicité dans
la terminologie d’Austin à savoir à la fois réussi, sans défaut et satisfait. Ainsi la maxime de qualité en
vient à être un principe tout-à-fait général de la logique illocutoire : veillez à ce que l’acte illocutoire que
vous tentez d’accomplir soit approprié, c’est-à-dire plein de félicité ! Il y a une définition inductive des
conditions de félicité en logique illocutoire. Le nouveau principe est donc bien une explication et
généralisation de la maxime de qualité de Grice. Il vaut pour toutes les espèces d’énonciations, qu’elles
soient ou non assertives. Ainsi, il y a la sous-maxime de qualité pour les commandements : Veillez à ce que
votre commandement soit une directive réussie que vous ayez l’autorité de donner, auquel vous voulez que
l’interlocuteur obéisse et auquel il obéira effectivement. De même, il y a la sous-maxime de qualité pour les
assertions : Veillez à ce que votre assertion soit réussie et vraie ! Ayez de l’évidence et croyez ce que vous
affirmez ! Comme il fallait s’y attendre, la formulation de Grice de la maxime de qualité est tout juste le
cas particulier de la qualité pour les assertions.
La maxime de quantité
Chaque acte illocutoire est une espèce naturelle d’usage du langage qui sert à atteindre des buts
linguistique au cours de la conversation. D’un point de vue logique, un acte illocutoire est de quantité
parfaite quand il est aussi fort qu’il le faut (ni trop fort ni trop faible) pour atteindre les buts linguistiques
courants du locuteur. De part leur forme logique, certains actes illocutoires sont plus forts que d’autres, en
ce sens qu’ils ont plus de conditions de félicité qu’eux. Les actes illocutoires plus forts servent à atteindre
des buts linguistiques plus forts. Ainsi un locuteur qui voudrait presser un interlocuteur de le sortir d’une
situation périlleuse et qui lui demanderait seulement de l’aide accomplirait un acte illocutoire trop faible
pour parvenir à ses fins. Sur la base de ces considérations, la maxime de quantité devient : Veillez à ce que
l’acte illocutoire que vous tentez d’accomplir soit aussi fort qu’il le faut (ni trop fort ni trop faible) !
Cette explication de la maxime de quantité vaut pour toutes les espèces d’énonciations. Ainsi, il y a la
sous maxime de quantité particulière pour les directives : « Veillez à ce que votre directive soit aussi forte
que requise ! ». La formulation que Grice fait de la maxime de quantité est le cas spécial de quantité
s’appliquant aux énonciations informatives.
La maxime de quantité impose des conditions sur la force aussi bien que sur le contenu propositionnel
des actes illocutoires tentés. Ainsi, nos directives ne devraient pas être trop fortes. Si nous voulons
demander à quelqu’un un verre de cognac, ne l’implorons pas (cette force directive serait plus forte qu’il ne
le faut). Et ne demandons pas plus que ce que nous voulons (ne demandons pas toute la bouteille si nous
voulons seulement un verre). D’un autre côté, nos directives ne devraient pas non plus être trop faibles. Si
nous voulons invoquer notre position d’autorité, faisons plus que dire à l’interlocuteur d’agir (la force de
notre directive serait trop faible) ; donnons-lui plutôt un commandement. En outre, commandons-lui de
faire tout ce que nous voulons.
Il y a une loi universelle de respect des maximes conversationnelles. Pourquoi les interlocuteurs
doivent-ils respecter autant que possible les maximes conversationnelles ? Comme Grice je pense que le
respect universel des maximes conversationnelles est une conséquence du fait que tout locuteur compétent
est un agent pourvu de raison. Cela est particulièrement clair pour le respect des deux maximes de qualité
et de quantité qui concernent la forme logique même des actes illocutoires. De par sa nature, chaque acte
illocutoire est un moyen d’atteindre des buts langagiers dans la conversation. Selon la raison pratique, un
agent rationnel devrait utiliser en chaque circonstance des moyens qu’il y juge effectifs. Pour cette raison,
un locuteur rationnel désirant parvenir à son but ne devrait pas tenter d’accomplir en un contexte un acte
illocutoire qu’il sait manifestement raté, défectueux ou insatisfait. En outre, un agent rationnel devrait en
chaque circonstance choisir les moyens les plus effectifs pour parvenir à ses fins. D’un point de vue
logique, à chaque but linguistique possible correspond un acte illocutoire unique qui sert le plus
effectivement à atteindre ce but. Car deux actes illocutoires avec les mêmes conditions de félicité sont
identiques. Ainsi, un locuteur ne serait pas rationnel s’il choisissait d’accomplir en un contexte un acte
illocutoire manifestement trop faible ou trop fort pour parvenir à son but. Il n’agirait pas alors de la façon la
plus effective pour l’atteindre.
Grice et Searle n’ont pas tenté d’analyser formellement la nature des inférences à faire pour comprendre
les énonciations non littérales. Cependant, j’ai indiqué comment formaliser leur approche en pragmatique
formelle. Dans mon optique, il y a deux façons principales selon lesquelles un locuteur peut tenter de faire
inférer par l’interlocuteur ce qu’il signifie sur la base de l’hypothèse qu’il respecte les maximes
conversationnelles. Ces deux façons sont l’exploitation et l’usage des maximes.
L’exploitation d’une maxime
Ma notion d’exploitation d’une maxime est plus générale que celle de Grice. Un locuteur exploite une
maxime conversationnelle quand il entend attirer l’attention de l’interlocuteur sur certains faits de l’arrière-
plan conversationnel afin que ce dernier reconnaisse les faits suivants : premièrement, lui, le locuteur, ne
respecterait pas cette maxime conversationnelle si l’acte illocutoire principal était l’acte littéral ; mais il est
capable de respecter la maxime sans violer une autre maxime. Qui plus est, il veut coopérer et continuer la
conversation en cours si bien qu’il entend accomplir un autre acte illocutoire principal. Enfin, le locuteur
entend que l’interlocuteur sache qu’il entend qu’il comprenne tout cela.
Lors de l’exploitation de la maxime de qualité, le locuteur entend que l’interlocuteur reconnaisse qu’il y
a dans l’arrière-plan des faits mutuellement connus incompatibles avec des conditions de félicité de l’acte
illocutoire littéral. Quand l’interlocuteur reconnaît cela, il comprend que le locuteur n’entend pas accomplir
l’acte illocutoire littéral mais un autre acte principal ayant des conditions de félicité différentes de celles qui
sont manifestement violées dans l’arrière-plan. Qui plus est, le locuteur identifie ces autres conditions non-
littérales de succès en les tirant de faits de l’arrière-plan conversationnel mutuellement connus. Supposons
que quelqu’un vous dise « Je vous promets que vous allez regretter ceci » dans un arrière-plan où il entend
vous faire savoir qu’il réagira en faisant une chose très mauvaise pour vous. Ce locuteur exploite alors la
maxime de qualité. Son énonciation n’est pas une promesse. De toute évidence, il ne présuppose pas qu’il
va faire quelque chose bon pour vous, l’interlocuteur (condition préparatoire d’une promesse). Il
présuppose le contraire. En pareille situation, vous comprenez que ce locuteur entend vous menacer
ironiquement. Sa menace diffère seulement de la promesse littérale par le fait qu’elle a la condition
préparatoire opposée, à savoir que l’action à laquelle il s’engage est mauvaise pour vous, l’interlocuteur.
Lors de l’exploitation d’une maxime il y a seulement une violation apparente de cette maxime au niveau
littéral. Car l’acte illocutoire principal non littéral est lui compatible avec l’arrière-plan.
Lors de l’exploitation de la maxime de quantité, le locuteur entend que l’interlocuteur reconnaisse que
l’acte illocutoire littéral est trop faible ou trop fort pour atteindre son but linguistique courant. Ainsi un
locuteur qui vous dit « Votre travail n’est pas mal » exploite la maxime de quantité pour faire une litote
quand il est manifestement fort impressionné par ce que vous avez fait. En pareil contexte, vous devriez
comprendre que ce locuteur entend indirectement faire une assertion plus forte que l’assertion littérale, à
savoir affirmer que votre travail est très bon. Si, au contraire, quelqu’un vous dit « Votre travail est
exceptionnellement bon » en un contexte où il est manifeste que votre travail n’est pas si bon que cela, il
exploite alors la maxime de qualité et de quantité pour faire une hyperbole. Dans ce cas, son assertion
principale est moins forte que la littérale.
L’utilisation d’une maxime
Un locuteur utilise une maxime conversationnelle quand certains faits de l’arrière-plan conversationnel
sont tels qu’il entend que l’interlocuteur reconnaisse qu’il ne respecterait pas cette maxime en
accomplissant l’acte illocutoire principal s’il n’accomplissait pas également un autre acte illocutoire non-
littéral secondaire. Qui plus est, il entend également que l’interlocuteur sache qu’il entend qu’il reconnaisse
tout cela.
Lorsqu’un locuteur utilise la maxime de qualité, il entend que l’interlocuteur fasse un inférence sur la
base de l’hypothèse que son acte illocutoire principal est approprié (plein de félicité). Supposons que
quelqu’un auquel vous avez posé la question : « Est-ce que Jean a une compagne ? », vous réponde : « Il est
homosexuel ». Dans un arrière-plan où il est tenu pour acquis que les homosexuels n’ont pas de compagne,
il utiliserait alors la maxime de qualité pour répondre implicitement par la négative à votre question.
Lorsque, d’autre part, le locuteur utilise la maxime de quantité, il entend que l’interlocuteur fasse alors
une inférence sur la base de l’hypothèse que son acte illocutoire principal est aussi fort qu’il le faut pour
parvenir à son but linguistique courant. Si l’arrière-plan conversationnel est tel que ce locuteur accomplit
cet acte à la place d’autres plus forts qui étaient attendus, il faut comprendre qu’il entend implicitement
s’abstenir de les accomplir. Répondre seulement « J’essaierai » à la question « Promettez-vous de m’aider
? », c’est le plus souvent utiliser la sous-maxime de quantité « Engagez-vous aussi fortement que vous le
voulez ! » afin d’impliciter conversationnellement que l’on n’entend pas promettre.
Comme Grice l’a remarqué, la plupart des actes illocutoires non littéraux ont deux propriétés
importantes :
– premièrement, ils sont annulables contextuellement, en ce sens qu’il y a d’autres contextes possibles
d’énonciation avec d’autres arrière-plans où le même locuteur aurait pu utiliser les mêmes mots sans tenter
de les accomplir. En outre, ils sont aussi indétachables : si le locuteur avait utilisé un autre énoncé
exprimant le même acte illocutoire littéral dans le même arrière-plan conversationnel, il aurait alors
également voulu les accomplir. D’un point de vue théorique, ces deux propriétés des actes illocutoires non
littéraux sont importantes. Leur annulabilité montre que certaines conditions sont nécessaires pour qu’un
locuteur puisse vouloir dire autre chose que ce qu’il dit. Quand pareilles conditions ne sont pas remplies, la
signification du locuteur peut seulement être littérale.
– deuxièmement, leur indétachabilité montre que certaines conditions relatives à la forme de l’acte de
discours littéral et l’arrière-plan conversationnel sont suffisantes pour que la signification du locuteur soit
différente de celle de l’énoncé utilisé. Quand ces conditions sont remplies, la signification du locuteur ne
peut alors être entièrement littérale.
L’une des tâches principales de la pragmatique est de formuler les conditions nécessaires et suffisantes
pour qu’il y ait signification non littérale du locuteur. Sur la base des considérations précédentes, j’ai fait la
conjecture suivante en pragmatique : un locuteur entend accomplir un acte illocutoire non littéral principal
quand il exploite des maximes conversationnelles et, ensuite, il entend impliciter conversationnellement
qu’il accomplit un acte illocutoire non littéral secondaire quand il utilise pareilles maximes dans le
contexte de son énonciation. J’ai ainsi expliqué la nature de certaines figures importantes de style comme
l’ironie, l’indirection, l’hyperbole et les implicitations conversationnelles. J’ai aussi argumenté qu’il y a
une méthode effective de décision pour identifier l’acte illocutoire principal ironique ou indirect à partir de
l’acte illocutoire littéral et des faits pertinents de l’arrière-plan conversationnel, qui sont toujours en
nombre fini. Dans mon optique, notre capacité de faire et de comprendre les énonciations non littérales est
effective et elle fait partie de notre compétence linguistique. Je traite également des énonciations non
sérieuses que nous faisons en jouant une pièce de théâtre ou en racontant un récit de fiction. Pareilles
énonciations ne sont pas littérales car nous faisons alors semblant d’accomplir l’acte littéral. A mes yeux,
les énonciations non sérieuses capitales en fiction sont des déclarations. L’auteur déclare alors que certaines
choses se passent dans son propre récit. En faisant semblant que des personnes existent et font telles et
telles actions dans le monde, l’auteur d’un récit de fiction crée en fait par déclaration ses personnages et
faits fictifs en faisant de véritables énonciations performatives non littérales.
Remarquons qu’une pragmatique formelle intégrée des actes illocutoires non littéraux est nécessaire
pour établir un lien théorique entre la sémantique synchronique et la sémantique diachronique. Car des
significations non littérales récurrentes dans des formes de vies récurrentes de l’arrière-plan tentent à être
lexicalisées ou réalisés syntaxiquement après un certains temps. Ainsi on peut développer une théorie du
changement de signification expliquant comment de nouvelles significations non littérales (par exemple des
métaphores ou actes de discours indirects morts) surviennent dans l’histoire d’une langue.
1.7. Universaux cognitifs dans l’usage du langage
Certaines capacités mentales sont constitutives de la compétence linguistique. Pour être capables
d’accomplir et de comprendre les actes illocutoires, les locuteurs compétents doivent d’abord être
capables d’exprimer des propositions représentant des faits du monde. Ils doivent pour cela pouvoir faire
des actes de référence et de prédication et distinguer le vrai du faux. Ils doivent en plus avoir des
croyances, intentions et désirs et être capables d’atteindre les buts illocutoires et discursifs. Pour cela il
leur faut distinguer les différentes directions possibles d’ajustement entre les mots et les choses ainsi que le
succès de l’échec et la satisfaction de l’insatisfaction. Enfin, ils doivent être capables de reconnaître les
traits contextuels et faits pertinents de l’arrière-plan pertinents et de raisonner en faisant des inférences
pratiques et théoriques valides.
Comme Searle (1984) l’a signalé, les ordinateurs n’ont pas toutes ces capacités mentales. Les
ordinateurs, qui sont des machines de Turing concrètes, sont certes capables de faire des opérations
syntaxiques, de manipuler des mots et des symboles en développant des programmes formels. Mais ils sont
incapables de faire de véritables opérations sémantiques liant des mots du langage avec des choses dans le
monde. C’est pourquoi pareilles machines sont incapables de penser de même qu’elles ne peuvent
pleinement utiliser et comprendre le langage. Les ordinateurs peuvent parfois simuler l’intelligence et la
compréhension dans les interactions verbales avec l’homme. Mais cette simulation ne constitue en aucun
cas une véritable duplication.
Comme Davidson (1984) et Searle, je pense que toute théorie sémantique et pragmatique adéquate de la
signification doit tenir compte du fait que les langues naturelles sont des langues humaines possibles,
qu’elles peuvent être apprises et comprises assez rapidement par des êtres intelligents comme vous et moi
dont les capacités cognitives sont à la fois créatives et restreintes. Ainsi, il y a des universaux cognitifs dans
l’usage du langage. Comme nous ne pouvons accomplir qu’un nombre fini d’actes illocutoires en chaque
contexte, il y a une loi universelle de fondement à la base de l’accomplissement réussi des actes de
discours. Tous les actes illocutoires individuels qu’un locuteur réussit à accomplir en un contexte sont des
actes qu’il accomplit par le fait d’accomplir un acte illocutoire unique plus fort qui engendre tous les autres
en ce contexte. Cet acte est engendré par une tentative de base de mouvement corporel de ce locuteur.
Certains traits logiques, comme l’engagement et l’implication illocutoires forts, l’imperformabilité et
l’incohérence illocutoire, sont innés : nous les savons a priori en vertu de notre compétence linguistique.
Par conséquent, il y a des méthodes effectives universelles de reconnaissance de pareils traits logiques.
Contrairement à Montague qui avait tendance à considérer la sémantique formelle et la grammaire
universelle comme faisant partie des mathématiques, je pense comme Chomsky (1975) que la philosophie
et la psychologie ont un rôle important à jouer dans l’élaboration de la grammaire universelle. Même d’un
point de vue formel, nous avons besoin d’une théorie fort constructive de la signification et de la
compréhension afin d’expliquer les capacités mentales créatives des locuteurs compétents.
Les investigations sur les universaux linguistiques dans la performance sont donc interdisciplinaires. La
théorie des actes de discours doit utiliser les ressources des différentes sciences qui traitent de la
communication et de l’action. Non seulement la logique et la philosophie du langage, de l’action et de
l’esprit, mais également la linguistique, l’anthropologie, la science cognitive, la psychologie, les
mathématiques et l’informatique doivent jouer un rôle important. Pour cette raison, il y a plusieurs façons
de confirmer l’adéquation matérielle et formelle des lois fondamentales préconisées par une grammaire
universelle. Certaines assertions exigent une confirmation empirique de l’observation des données
linguistiques, psychologiques ou anthropologiques. Pour confirmer qu’il y a seulement six composantes
différentes en chaque force illocutoire, il convient d’analyser la structure formelle et l’ensemble des
marqueurs de force et des performatifs dans de nombreuses langues de type différent. Pour étudier la
rationalité minimale des locuteurs compétents, il faut vérifier empiriquement, par des méthodes
psychologiques, le raisonnement actuel des locuteurs dans la conduite des conversations réelles. Qui plus
est, certaines lois exigent une preuve logique. Pour confirmer que la langue engendrée et interprétée selon
un mécanisme est bien humaine, il convient de procéder à une définition récursive de la signification et de
prouver la décidabilité de ce qui est supposé être connu a priori en vertu de la compétence linguistique.
Pour rendre compte de la rapidité du temps réel de la compréhension, il convient de prouver que le temps
de la décision de l’algorithme utilisé a une limite minimale supérieure. Enfin, comme la grammaire
universelle traite des formes a priori de la pensée, certaines de ses lois exigent plus qu’une confirmation
empirique ou une preuve logique. Elles nécessitent ce que Kant a appelé une déduction transcendantale.
Considérons la classification des buts discursifs et illocutoires selon laquelle il y a seulement quatre buts
linguistiques lors de la poursuite d’un discours et cinq façons de lier en parlant un contenu propositionnel
au monde. Il convient, je pense, de faire une déduction transcendantale des différents buts discursifs et
illocutoires en partant des différentes directions possibles d’ajustement entre l’esprit et les choses.
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