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Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptationréservés pour tous les pays, y compris la Russie.

© 1948 Librairie Gallimard.

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AMINTIREI NINEI

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AVANT-PROPOS

Philosophie, gnoses, « techniques mystiques », lapensée orientale occupe depuis assez longtemps lacuriosité de l'Occident pour qu'on puisse souhaiterde voir écrite quelque jour l'histoire de ce succès.Le livre vaudrait la peine. En attendant, ce n'estpoint témérité de prédire que le Yoga y tiendra uneplace privilégiée. Son importance intrinsèque suffi-rait à la lui garantir, à défaut même de l'inséparableauréole de mystère qui en a toujours accompagné ladiffusion hors de l'Inde. « Mystère » réel, d'ailleurs.Aucune technique orientale, peut-être, ne comporteune initiation aussi dure et aussi prolongée. Dansl'élite même qui fait retraite dans les ashram hima-layens, seule une minorité parvient à forcer les se-crets du Yoga. Cet ésotérisme foncier et naturels'est trouvé, en outre, compliqué du fait d'une suren-chère peu scrupuleuse. Le Yoga a été, à l'usage del'Occident, aggravé de mystères d'un aloi suspect,qui ne l'ont rendu plus sensationnel que parce qu'ilsen altéraient la signification et la valeur. Sur cepoint, l'abondance des exemples nous embarrasseplutôt, tant on a vu pulluler, dans les deux mondes,de « Yoga à la portée de tous ». Chaque fois oupresque, les auteurs s'engagent à « révéler » au cha-land les « secrets » millénaires de la sagesse hindoue.Nous ne voudrions pas mettre en cause leur bonnefoi, mais le malheur veut que toutes les révélations

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TECHNIQUES DU YOGA

annoncées en matière de techniques yogiques sou-lèvent autant de nouveaux problèmes, le plus sou-vent insolubles.

Si bien qu'on se trouve acculé, en fin de compte,à la question préalable que peut-on, utilement,dire du Yoga sans abuser d'une curiosité désarméeni décevoir les esprits soucieux d'une informationpertinente? Laissons de côté les études qui s'adressentexclusivement à l'indianiste. Seuls deux genres delivres nous paraissent justifier d'une vraie utilité

10 Un traité pratique des techniques du Yoga.20 Un exposé d'ensemble, embrassant, d'une part,

les doctrines et les pratiques du Yoga, de l'autre,leur histoire et celle de leur influence dans le champsi vaste de la spiritualité indienne.

A notre avis, le traité pratique se heurte à desdifficultés considérables et présente, à maints égards,de sérieux dangers pour le lecteur. En effet, les élé-ments essentiels des pratiques yogiques sont loind'être toujours communicables par voie d'écriture,non plus, du reste, que par simple enseignementoral. Leur transmission ne se conçoit guère sans unedémonstration disons gymnique ou physiolo-gique, concrète et directe. Il entre dans ces pratiquesnombre de gestes des attitudes corporelles parexemple que l'on ne saurait apprendre que d'aprèsdes modèles; et aussi nombre d'« expériences phy-siologiques » (entre autres, l'augmentation volontairede la chaleur du corps) qui réclament l'assistanceet la direction d'un maître. Aussi, voué d'avance àêtre incomplet, un tel traité serait, par-dessus lemarché, périlleux. Même dûment avertis, il se ren-contrerait encore des lecteurs pour s'obstiner à exé-cuter sans contrôle tels ou tels exercices, quitte àrisquer de graves accidents. La pratique non sur-veillée de la rythmique respiratoire (prânayàma)s'est fréquemment soldée par des affections pulmo-

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AVANT-PROPOS

naires caractérisées. Faut-il mentionner aussi lestroubles nerveux auxquels exposent l'amateur impru-dent certaines techniques tantriques, nous pensonssurtout à celles de l'« érotique mystique »?

La pratique yogique peut, dans son détail, resterfermée à un sujet occidental. Le phénomène n'engarde pas moins pour lui un extrême intérêt. Iln'est que de le traiter à sa juste valeur, c'est-à-direà la fois comme doctrine sotériologique, commetechnique mystique et comme une authentique his-toire de la spiritualité de l'Inde. En effet, l'histoiredu Yoga coïncide à peu près avec celle de la spiri-tualité indienne. Loin de former l'apanage d'uneécole philosophique ou d'une secte magico-religieuse,ses techniques ont été adoptées et utilisées partoutes les gnoses et sotériologies. J'ai eu l'occasiond'insister sur ce caractère pan-indien du Yoga dansmon Yoga. Essai sur les origines de la mystique in-dienne (Paris-Bucarest, 1936) dont la présente étudeexploite, il va sans dire, la documentation et lesconclusions. D'autre part, certaines particularités duYoga mettent en relief un aspect souvent négligéde la mystique indienne, à savoir la volonté de con-quête du réel. Le professeur Masson-Oursel a depuislongtemps souligné que l'Inde ne connaît pas seule-ment, comme cela avait paru longtemps un dogme,une libération négative, mais encore une liberté designe positif. Nous aurons à voir comment tel Yogamet en œuvre cette liberté pour s'approprier la maî-trise absolue de la vie et la conquête totale du réel.A cet égard, les problèmes soulevés par le Yogaprésentent des analogies avec certains problèmesde la philosophie occidentale moderne. Nous noussommes scrupuleusement abstenus de hasarder dansnotre exposé le moindre rapprochement entre cesdiverses traditions philosophiques. Cette discrétionn'implique pas que nous rejetions le bien-fondé ou

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la possibilité de tels rapprochements. C'est ainsi quenous pensons à ce que l'on pourrait dénommer lespréliminaires existentialistes de tant de gnoses etde techniques indiennes. Notons toutefois que, pourl'Inde, l' « existentialisme » et avec lui biend'autres solutions philosophiques occidentales nesaurait constituer que les préliminaires d'une doc-trine ou d'une technique. Jamais un Indien n'ad-mettra de réduire l'homme à la condition humaine.

Pour lui, une telle condition, si désespérée qu'on lasuppose, n'est, en aucune hypothèse, définitive. Ellepeut, à tout moment et par n'importe qui, êtredépassée, dût ce dépassement consister dans l'anéan-tissement pur et simple de cette même condition.

Le problème du Yoga n'intéresse pas seulementl'indianiste ou l'historien de la pensée orientale. Ilattend pareillement une réponse de l'ethnologue, dumédecin, du psychologue et du philosophe. En écri-vant cette étude, nous avions en vue, avant tout,

ces dernières catégories de lecteurs. Aussi n'avons-nous jamais reculé devant les parenthèses ou lesgloses capables d'alerter leur attention et de lesencourager à attaquer les inconnues du Yoga, àpartir de leur méthode propre et des exigences deleur objet. Nous ne nous sommes jamais cru auto-risé, du fait que nous nous adressions à un lecteurnon indianiste, à escamoter les difficultés ou à sim-

plifier de parti pris notre exposé en évitant les sec-teurs trop arides ou en ne retenant que le texte« noble » et édifiant.

Le lecteur soupçonnera aisément les applicationspratiques que les techniques yogiques peuvent sug-gérer ou promettre à la psychologie et à la médecine.Si nous ne nous y sommes pas arrêté davantage,c'est que nous ne nous reconnaissons pas la compé-tence requise pour une discussion profitable.

Les vues exposées ici touchant les théories et les

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techniques duYoga doivent leur substance à troisannées d'études poursuivies à l'Université de Cal-cutta sous la direction du professeur SurendranathDasgupta et à un séjour de six mois à l'ashram deRishikesh, dans l'Himalaya.

Un cours professé à l'Université de Bucarest, en1934-1935, nous avait permis de jeter les bases d'uneétude comparée des techniques contemplatives asia-tiques. LJannée suivante, nous avons repris la ques-tion dans le cadre, cette fois, de l'histoire généraledes religions. Sur l'invitation de MM. P. Masson-Oursel et L. Renou, nous avons exposé, dans deuxcommunications à l'Institut de civilisation indienne

de la Sorbonne, une partie des conclusions de celivre. Les discussions auxquelles ces communicationsont donné lieu nous ont été des plus précieuses.Mlle Adrienne Cofflard a revu une première rédac-tion française de ce petit livre et notre ami, MihailSora, a traduit du roumain les importantes additionsqui donnent au présent texte sa physionomie propre.Enfin, notre savant ami et collègue, M. GeorgesDumézil, a bien voulu réviser, avec un soin minu-

tieux, tout l'ouvrage. Nous sommes heureux de leurdire ici notre gratitude.

Paris, octobre 1946.

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TRANSCRIPTION

â (â) = fr. â; î = fr. î; u = fr. ou; û = fr. ou long;e = fr. é long fermé; ai (âi) = ei de all. Brei; o = fr.ô; au (âu) = au de ail. Baum; c, ch = fr. tch; j,jh = fr. dj; y = i cons. de fr. yeux;ç = fr. ch;sh = fr. ch sans arrondissement des lèvres; s = fr.ss; h = all. h mais sonore.

Des caractères italiques dans un mot écrit en ca-ractères romains, et vice versa, marquent des pho-nèmes particuliers r = r + i très bref; n = n deail. Anker; m = fr. n (m) nasalisé; n = n mouillé ·(gn) du français; t, th. = angl. t; d, dh = angl. d;h = (visarga), arrêt brusque dans l'émission de lavoyelle qui précède.

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CHAPITRE PREMIER

LES DOCTRINES

1. YOGA ET SÂMKHYA.

« Yoga » est un terme équivoque. Très fréquentdans la littérature et la tradition orale indiennes,

sa signification a changé d'un siècle à l'autre, d'unetradition à l'autre. Parler avec profit du Yoga, onne le peut avant d'avoir précisé de quel « Yoga »il est question. En effet, comme nous leverronstout à l'heure, s'il y a un Yoga « classique », systé-matique, il y a également un Yoga populaire, « ba-roque »; s'il y a, ensuite, un Yoga ascétique, unautre, érotique, lui fait pendant. Si, dans certainestraditions ou sectes, le Yoga est en tout premierlieu un système de pratiques « magiques » (l'accenty étant mis sur la volonté et l'autodiscipline dupratiquant), dans d'autres traditions, au contraire,le Yoga est surtout un moyen servant à obtenirl'unio mystica, l'union de l'âme humaine à l'âmedivine. Que cette diversité extrême de significationset de valeurs soit révélatrice du fait même de la

fonction qu'a le Yoga dans l'histoire de la spiritua-lité indienne, c'est ce que nous tâcherons de prouverdans le présent essai. Mais, avant de chercher dansquelle mesure toutes ces significations très diverses,

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TECHNIQUES DU YOGA

voire contradictoires, se correspondent, il est demise de les examiner, chacune à part.

Yoga, dont la racine est yuj (« lier ensemble »,« tenir serré », « mettre sous le joug »), est un termeservant, en général, à désigner une technique d'ascèse,une méthode de contemplation. Toute autre définitionrenverrait à la définition de telle ou telle espèceparticulière de Yoga. Si, en effet, l'on disait unetechnique d'ascèse et une méthode de contemplationayant pour but de libérer le « soi » dont l'hommeest la prison, on définirait le Yoga « classique »par excellence, la « philosophie » du Yoga, exposépar Patanjali dans son célèbre traité Yoga-Sûtra.Et si l'on précisait le but que poursuivent cettetechnique d'ascèse et cette méthode de contempla-tion en disant, par exemple, qu'il est d'obtenir l'unionmystique des « âmes » humaine et divine, on donne-rait du Yoga une définition qui ne s'appliqueraitqu'au Yoga de la Bhagavad-Gïtâ ou d'autres tradi-tions mystiques. Au fond, c'est le terme même deyoga qui a permis cette grande variété de signifi-cations si, en effet, étymologiquement, yuj veutdire « lier », il est cependant évident que le « lien »auquel cette action de lier doit aboutir présuppose,comme sa condition préalable, la rupture des liensqui unissent l'esprit au monde. En d'autres termesl'unio mystica ne peut avoir lieu si l'on ne s'est paspréalablement « détaché » du monde, si l'on n'a pascommencé par se soustraire au circuit cosmique,faute de quoi on n'arriverait jamais à se retrouver,ni à s'« automaîtriser »; même dans son acception« mystique », c'est-à-dire même en tant que signi-fiant l'union, le Yoga implique le « détachement »préalable de la matière, l'émancipation par rapportau « monde ». L'accent est mis alors sur l'effort del'homme (« mettre sous le joug »), sur son auto-discipline, grâce à laquelle il peut obtenir la « con-

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LES DOCTRINES

centration » de l'esprit, avant même qu'il demandecomme dans les variétés mystiques du Yoga

l'aide de la divinité. « Lier ensemble », « tenir serré »,

« mettre sous le joug », tout cela a pour but d'unifierl'esprit, d'abolir la dispersion et les automatismesqui caractérisent la conscience profane. Pour lesécoles du Yoga « dévotionnel »(mystique), cette« unification » ne fait évidemment que précéder lavéritable union, celle notamment de l'âme humaineà Dieu.

De toutes les significations qu'a le mot yoga dansla littérature indienne, celle qui est le mieux précisée,c'est celle qui a trait à la « philosophie » Yoga (yoga-darçana) telle notamment qu'elle est exposée dansle traité de Patafijali, Yoga-Sûlra, ainsi que dansses commentaires. Un darçana1 n'est évidemmentpas un système de philosophie, au sens occidental.Mais il n'en est pas moins un système d'affirmationscohérentes, coextensif à l'expérience humaine, qu'iltâche d'interpréter dans son ensemble, et ayant pourfin de « délivrer l'homme de l'ignorance » (quelquevariées, par ailleurs, que soient les acceptions dontle mot « ignorance » est susceptible d'être le véhicule).Le Yoga est l'un des six « systèmes de philosophie »indiens orthodoxes (orthodoxe voulant dire en l'occur-rence tolérés par le brahmanisme, à la différencedes « systèmes » hérétiques, comme, par exemple, lebouddhisme ou le jaïnisme). Et ce Yoga « classique »,tel qu'il a été formulé par Patafijali et interprétépar ses commentateurs, est aussi le plus connu dansl'Occident. Cela est dû, très probablement, au faitqu'il fait partie des six darçanas orthodoxes etqu'ainsi il est très riche en documents écrits, etc.Mais, comme nous le verrons dans le présent essai,

1. Darçana = vue, vision, compréhension, point de vue,doctrine, etc. (de la racine drç = voir, contempler, com-prendre, etc.).

TECHNIQUES DU YOGA 2

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le privilège dont a joui le Yoga-Sùtra de Patanjaliest, du moins en partie, exagéré. A côté de ce Yoga« classique », il y a eu, et il y a encore de nos jours,d'innombrables autres formes de Yoga, non moins

intéressants que le premier, tant au point de vuethéorique que technique.

Nous commencerons nos recherches par une revue

des théories et des pratiques Yoga, telles que les aformulées Patanjali. Nous avons plusieurs motifs deprocéder ainsi premièrement, parce que l'exposéde Patanjali est un « système de philosophie » (Yoga-darçana); en deuxième lieu, parce qu'un nombreconsidérable d'indications pratiques relatives à latechnique ascétique et à la méthode contemplativey sont condensées, indications que les autres variétésde Yoga (les variétés asystématiques) « déforment »,ou plutôt colorient, conformément à leurs proprespoints de vue; enfin parce que le Yoga-Sûtra dePatanjali est le résultat d'un énorme effort non seule-ment pour rassembler et classer une série de pra-tiques ascétiques et de recettes contemplatives, quel'Inde connaissait depuis des temps immémoriaux,mais aussi pour les mettre en valeur d'un point devue théorique, en les fondant, en les justifiant eten les intégrant dans une philosophie.

Mais Patanjali n'est pas le créateur de la « philo-sophie » Yoga, de même qu'il n'est pas ni nepouvait être l'inventeur des techniques yogiques.Il avoue lui-même (Yoga-Sûtra, I, 1) qu'il ne fait,en somme, qu'éditer et corriger (atha yogânushâsa-nam) les traditions doctrinaires et techniques duYoga. Les milieux fermés d'ascètes et de mystiquesindiens connaissaient, en effet, bien avant lui, les

pratiques yogiques. En ce qui concerne les cadresthéoriques et le fondement métaphysique que Pa-tanjali donne à ces pratiques, son apport personnelest minime. Il ne fait que reprendre, dans ses grandes

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lignes, la dialectique Sâmkhya qu'il fait aboutir àun théisme, assez superficiel au demeurant, et oùil exalte la valeur pratique de la méditation. Lessystèmes philosophiques Yoga et Sâmkhya se res-semblent à tel point que la plupart des affirmationsde l'un sont valables pour l'autre aussi. Les diffé-rences essentielles entre eux sont peu nombreuses1. tandis que le Sâmkhya est athée, le Yoga estthéiste, puisqu'il postule l'existence d'un Dieu su-prême (Içvara) 2. alors que, selon le Sâmkhya, laseule voie de salut est celle de la connaissance méta-

physique, le Yoga accorde une plus grande impor-tance à la technique de la concentration.

Ainsi, Patanjali s'est borné à rédiger un petitmanuel, ou plutôt un aide-mémoire, à l'usage desascètes qui s'adonnaient à la méditation Yoga ma-nuel qui, d'ailleurs, est presque incompréhensiblesans les explications des commentateurs. Parmitoutes les recettes techniques conservées par la tra-dition ascétique, Patanjali a choisi celles qu'uneexpérience séculaire avait suffisamment vérifiées.En les formulant et en les systématisant, il les aintégrées dans un darçana, une « philosophie »; ilexplique leur valeur pragmatique et essaie de justi-fier leur rôle pour obtenir la délivrance. L'effortproprement dit de Patanjali s'est dirigé notammentvers la coordination du matériel philosophiqueemprunté au Sâmkhya autour de ces recettestechniques de la concentration, de la méditation etde l'extase. Grâce à Patanjali, le Yoga, d'une tradi-tion « mystique » qu'il était, est devenu un darçana,c'est-à-dire un « système de philosophie ».

La tradition indienne considère le Sàmkhya commele plus ancien darçana. Le nom sâmkhya a été inter-prété de différentes manières; le sens de « discrimi-nation » paraît le plus probable, le but principal decette philosophie étant de dissocier l'esprit (purusha)

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de la matière (prakrti). Le plus ancien traité est leSâmkhya Kârïkâ de Içvara Krishna; la date n'enest pas encore définitivement établie, mais en aucuncas elle ne peut être postérieure au ve siècle aprèsJésus-Christ (voir la note A à la fin du volume).Parmi les commentaires de Sâmkhya Kârïkâ le plusutile est Sâmkhya-tattva-Kaumudî de Vàchaspati Mi-çra (ixe siècle). Parmi les principaux textes de laphilosophie Sâmkhya, citons également Sâmkhya-pravacana-sûira (probablement du xive siècle), avecles commentaires d'Anirudha (xve siècle) et de Vijnâ-nabhikshu (xvie siècle).

Il ne faut certes pas exagérer l'importance de lachronologie des textes Sâmkhya. En général, touttraité philosophique indien comprend des concep-tions antérieures à la date de sa rédaction, concep-tions souvent fort anciennes. Si l'on rencontre dans

un texte philosophique une interprétation « nou-velle », on n'est pas tenu de croire qu'elle n'ait pasété envisagée auparavant. Ce qui paraît « nouveau »dans les Sâmkhya-Sûtra peut avoir, souvent, uneancienneté indéniable. On a donné une trop grandeimportance aux allusions et aux polémiques quel'on peut éventuellement identifier dans ces textesphilosophiques. Il n'est pas du tout exclu que cesréférences aient comme objet des opinions beaucoupplus anciennes que celles auxquelles apparemmentelles font allusion. Si l'on peut. fixer, dans l'Indeet encore, plus difficilement qu'ailleurs la datede la rédaction des différents textes, il est beaucoupplus difficile de fixer la chronologie des idées philo-sophiques elles-mêmes.

Une longue controverse, qui n'a pas encore prisfin, a pour objet Patanjali, l'auteur des Yoga-Sûtra.Quelques commentateurs indiens (le roi Bhoja, Ca-krapanidatta, le commentateur de Caraka, xie siècle,et deux autres du XVIIIe siècle) l'ont identifié à

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Patanjali, l'auteur du Mahâbhâshya, « grand com-mentaire » de la grammaire de Panini. L'identifica-tion a été acceptée par Liebich, Garbe et Dasgupta,et contestée par Woods, Jacobi et A. B. Keith.Dasgupta croit que les trois premiers chapitres desYoga-Sûtra ont été composés par Patanjali le gram-mairien, au le siècle avant Jésus-Christ, le quatrièmechapitre étant une addition tardive. Mais cette hypo-thèse n'a pas été acceptée, et comme dans ce dernierchapitre Jacobi et Keith ont découvert des tracesévidentes de polémique anti-bouddhiste ( Yoga-Sùtra,IV, 16, se réfère à l'école Vijnâvâda), l'ouvrage dePatanjali ne pourrait être antérieur au ve siècle.Jvala Prasad essaye de prouver que le Sûtra, IV, 16,n'appartient pas au texte de Patanjali, ne faisantque reprendre une ligne du commentaire de Vyâsa(vii-vme siècle), où celui-ci polémisait avec lesVijnanavâdins. Bien avant, Raja Bhoja avait observéque ce sûtra était une interpolation de Vyâsa, cequi l'a amené à ne pas le commenter. D'ailleurs,Dasgupta et Jvala Prasad relèvent que même si lesauteurs à qui se rapporte Yoga-Sûtra, IV, 16, sontles Vijnanavâdins, nous n'avons aucune raison decroire qu'il s'y agisse de Vasubandhu ou d'Asanga,comme l'affirment Keith et Hauer. Le texte pour-rait tout aussi bien se rapporter à une école idéalistebeaucoup plus ancienne, ainsi qu'on en trouve dansles premiers Upanishads.

Quelle que soit, là-dessus, la vérité, et, pournotre part, nous nous tenons du côté de Dasguptaet de Jvala Prasad ces controverses autour del'âge des Yoga-sûira sont d'une assez faible portée,car il est sûr que les techniques exposées par Patan-jali ont une ancienneté considérable. Et l'on ne peutnon plus contester l'ancienneté des spéculations surle Brahman, ou sur la « conscience universelle », quiont donné naissance aux doctrines Samkhya. Les

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