EVALUATION DU PARTENARIA ETT DE LA CONCEPTION DAN US …
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EVALUATION DU PARTENARIAT ET DE LA CONCEPTION DANS UN PROJET-PILOTE DE SANTE MENTALE COMMUNAUTAIRE AXE SUR LE MAINTIEN EN MILIEU NATUREL
PRISME - CLSC DE L'ERABLE
S A N T É C O M
institut national de santé publique du Québec 4835, avenue Christophe-Colomb, bureau200
Montréal (Québec) H2J3G8 Tél.: (514)597-0606
É V A L U A T I O N D U P A R T E N A R I A T
ET DE L A C O N C E R T A T I O N
D A N S U N P R O J E T - P I L O T E
DE S A N T É M E N T A L E C O M M U N A U T A I R E
A X É S U R LE M A I N T I E N EN M I L I E U N A T U R E L
P R I S M E - C L S C D E L ' É R A B L E
ÉVALUATION DU PARTENARIAT ET DE LA CONCERTATION
DANS UN PROJET-PILOTE DE SANTÉ MENTALE COMMUNAUTAIRE
AXÉ SUR LE MAINTIEN EN MILIEU NATUREL
PRISME - CLSC DE L'ÉRABLE
par
Claude Nélisse Sociologue
Université de Sherbrooke
avec la collaboration de
Paula Vachon Intervenante communautaire Réseau Prévention Suicide
Recherche subventionnée par la
Direction de la Santé Publique
Régie Régionale de la Santé et des Services Sociaux Mauricie—Bois-Francs
Août 1997
En mémoire de Nicole Dussault
REMERCIEMENTS
i
Cette recherche n'aurait pas eu lieu sans la collaboration de nombreuses
personnes. Nous remercions en premier lieu toutes celles qui ont très aimablement
accepté de nous rencontrer en entrevue. La confiance et l'intérêt qu'elles ont accordés à
notre démarche nous ont été précieux et nous leur sommes gré de la précision et de la
franchise de leurs propos. Nous remercions aussi Paula Vachon, assistante de recherche,
pour nous avoir épaulés dans toutes les opérations de la recherche en nous faisant
profiter tout particulièrement de sa grande connaissance du monde communautaire et des
bonnes relations qu'elle entretient avec tous ses membres. Nos remerciements vont aussi
à Marielle Fillion et France Tanguay qui ont conféré à tous les documents produits la plus
grande qualité qui soit. Nous tenons également à exprimer toute notre gratitude à Rémi
Moisan, directeur général du CLSC de l'Érable, pour son empressement à répondre à
toutes nos demandes quant à la gestion administrative et financière de cette recherche.
Nous ne pouvons terminer sans témoigner une reconnaissance toute particulière à Nicole
Dussault. N'eussent été son grand intérêt pour la santé mentale, sa ténacité et son
courage dans l'action, on peut dire que le PRISME n'aurait probablement jamais vu le jour.
C'est encore elle qui, heureuse et étonnée à la fois de la réception positive et du succès
du programme, initiera la présente recherche évaluative et en assurera avec succès la
coordination d'ensemble.
ii
RÉSUMÉ
La présente recherche traite du partenariat et de la concertation en santé mentale
dans la région des Bois-Francs. Il s'agit plus précisément de caractériser et d'évaluer ces
deux processus sociaux tels qu'ils se sont noués, des années 1990 à 1996, autour d'un
projet-pilote d'implantation d'une équipe de base. Le PRISME - programme de
réadaptation et d'intégration en santé mentale de l'Érable - est une "équipe-terrain-
multidisciplinaire" qui offre un soutien continu aux personnes qui présentent des troubles
mentaux sévères et persistants.
Le premier objectif a pour objet le partenariat dans l'implantation du PRISME : il
s'agit d'expliciter les conditions favorables et défavorables qui ont prévalu de la naissance
du programme jusqu'à son évolution présente (conditions tant politiques qu'économiques,
culturelles que sociales). Le second a pour objet la concertation : il s'agit d'expliciter les
relations concrètes entre les intervenants du PRISME et ceux des autres institutions du
réseau, du communautaire et du privé en mettant en relief les difficultés et les solutions
émergentes pour y faire face tant au niveau administratif qu!au niveau des pratiques
quotidiennes centrées sur les problèmes particuliers des usagers.
La recherche est descriptive, monographique et qualitative. Pour le premier objectif les sources de données sont les traces écrites, l'histoire racontée et commentée ainsi que les réponses à un questionnaire d'attitudes. Pour le second les sources sont les documents administratifs et des entrevues d'explicitation à partir d'une mise en situation. L'observation de deux séances d'un comité de coordination de zone a été utilisée dans les deux cas.
Le premier chapitre présente la demande, l'objet, la portée et la méthodologie de
la recherche en clarifiant particulièrement les termes de partenariat et de concertation en
différenciation avec la continuité de service.
La construction du PRISME est ensuite située dans son contexte. Des dynamiques
locales favorables à ce programme sont repérées tant au niveau sociodémographique
i
iii
qu'en terme de développement régional d'un intérêt et de compétences en matière de santé mentale. Un élément essentiel est la présence d'un mouvement communautaire fort et vivace dans le territoire des Bois-Francs ; mouvement particulièrement proactif et propice au partenariat.
Ce partenariat est décrit comme certain (i.e. l'appui des intervenants les uns aux autres est basé sur des perceptions réciproques globalement positives, toujours nuancées et exemptes des préjugés traditionnels), réservé (i.e. les partenaires supportent le nouveau venu en autant que l'arrivée de ce dernier n'oblige personne à des changements majeurs) et fragile (i.e. des phénomènes comme l'incertitude quant à la reconfiguration du système, la persistance des hiérarchies socioprofessionnelles... réactivent facilement des rapports d'adversité entre lès personnes et les groupes). Le partenariat est dit globalement de bon aloi : il mérite l'estime pour avoir surpassé les nombreux obstacles classiques dans le domaine mais il s'arrête là où les intérêts prioritaires des uns ou des autres seraient menacés.
Nous rendons compte de la concertation en décrivant d'abord ce qu'elle signifie pour les acteurs les plus directement concernés : intervenants communautaires, travailleurs sociaux en secteur psychiatrique et psychiatres. Un examen particulier est fait des échanges entre le PRISME et les services et instances de coordination internes au CLSC. Toutes ces descriptions permettent de dire que la concertation est réelle mais minimale, plus silencieuse qu'entreprenante, plus commandée par les mandats et fonctions à remplir qu'intéressée à un projet de renouvellement des pratiques.
Le partenariat-concertation-autour-du-PRISME améliore certainement plusieurs
services aux usagers, à leurs proches et à leurs familles. Mais la question de la continuité
de service - et surtout de la continuité de soutien - reste un point absent des discussions
et des intentions. Ce partenariat et cette concertation sont donc un pas dans la bonne
direction, mais sans constituer (encore ?) un témoignage exemplaire et éloquent de la
Politique de santé mentale que tous aimeraient voir implantée mais dans laquelle peu sont
disposés à investir énergiquement.
i v
TABLE DES MATIÈRES
Pago
Remerciements i Résumé ii Liste des figures vi Liste des abréviations vii Liste des annexes viii
CHAP. I PORTÉE ET OBJET DE LA RECHERCHE
1.1 La demande de recherche 1 1.2 Objectifs et limites de la recherche 6 1.3 Partenariat et concertation : clarification de vocabulaire 9 1.4 Méthodologie 26
CHAP. Il LA CONSTRUCTION DU PRISME DANS SON CONTEXTE
2.1 Des dynamiques locales favorables au PRISME 31 2.2 Un mouvement communautaire bien établi 35 2.3 L'élaboration du PRISME 41
CHAP. Ill UN PARTENARIAT DE BON ALOI
3.1 Les appuis officiels 49 3.2 Un partenariat certain 51 3.3 Conditions favorables 62 3.4 Un partenariat réservé 68 3.5 Un partenariat fragile: facteurs objectifs défavorables 72
CHAP. IV UNE CONCERTATION SILENCIEUSE ET FONCTIONNELLE
4.1 La concertation au cœur de l'action communautaire 80 4.2 Les travailleurs sociaux veillent aux compromis 84 4.3 La concertation : diffusion-relais de la psychiatrie 87 4.4 La difficile concertation à l'interne du CLSC 92 4.5 Complémentarité des services et concertation fonctionnelle 99
CHAP. V SYNTHÈSE ET CONCLUSION GÉNÉRALE
5.1 L'équipe de base comme projet-pilote 105 5.2 Clientèle cible d'une équipe de base en santé mentale . . . 107 5.3 La spécificité d'action d'une équipe de base . 108 5.4 Composition et modalités organisationnelles d'une équipe
debase 110
Bibliographie 113
ANNEXES
N.B. Dans le présent document le générique masculin est utilisé sans aucune discrimination et uniquement pour alléger le texte.
LISTE DES FIGURES
Modèle politique de coordination de l'action
Sociogramme des appréciations entre intervenants
Réseau des relations sociales et professionnelles entre intervenants.
Vil
LISTE DES ABRÉVIATIONS
CSMQ = Comité de la Santé Mentale du Québec.
Les D 6 et Table des DG = La Table de concertation des Directeurs généraux des établissements de santé et de services sociaux du territoire des CLSC Suzor-Coté et de l'Érable
Les gens de l'Erable, dè HDA, de Suzor-Coté = Toutes les personnes interviewées (directions,
cadres, praticiens) appartenant à l'organisation en cause.
HDA = Hôtel-Dieu d'Artabaska.
Les intervenants en SM= Tous les praticiens et gestionnaires des services directs qui travaillent en santé mentale dans Suzor-Coté—de l'Érable.
MSSSS = Ministère de la Santé et des Services Sociaux.
PRISME = Programme de réadaptation et d'intégration en santé mentale de l'Érable.
PROS = Plan régional d'organisation des services de santé mentale pour la région Mauricie—Bois-Francs.
Suzor-Coté—de l'Érable = Les territoires couverts par les deux CLSC du même nom ou Région 04, zone 6.
I-
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v i i i
LISTE DES» ANNEXES
Annexe 1 Le but et les objectifs du projet-pilote de l'implantation d'une équipe de base
en santé mentale.
Annexe 2 Évaluation du partenariat. Questionnaire.
Annexe 3 Liste des personnes interviewées.
Annexe 4 Histoires de cas (vignettes).
t Annexe 5 Lettre de présentation aux interviewés.
Annexe 6 Recommandations et conclusion extraites de Belle-lslet Bergeron et
Dussault, 1989.
Annexe 7 Ressources disponibles en santé mentale sur le territoire du CLSC de
l'Érable selon l'intensité des problèmes (document interne dit "l'assiette")
i
CHAPITRE I
PORTÉE ET OBJET DE LA RECHERCHE i
1.1 La demande de recherche
Le maintien dans le milieu naturel des personnes qui présentent des troubles
mentaux sévères et persistants est une priorité politique, un souhait général et...
un défi de taille. Les services existants - institutionnels, communautaires et privés -
ne peuvent facilement à eux seuls contrer le syndrome de la porte tournante. La
présence d'une équipe de base en santé mentale dans un CLSC est une réponse
possible.
Le PRISME - programme de réadaptation et d'intégration en santé mentale
de l'Érable - est une "équipe-terrain-multidisciplinaire" rattachée aux services de
santé courants du CLSC qui offre un soutien continu aux personnes qui présentent
des troubles mentaux sévères et persistants. Le support à la communauté, le
maintien dans le milieu naturel, le soutien aux familles et aux proches ainsi que la
réintégration sociale sont à la base des activités de cette équipe dont l'objectif
général est de diminuer d'ici 10 ans de 10% le taux d'hospitalisation et de
réhospitalisation de ces personnes1.
Le PRISME est le résultat d'une proposition d'actualisation présentée à la
Régie régionale en mai 1992. Celle-ci l'a retenue comme projet-pilote et les
opérations ont débuté en janvier 1993 avec l'arrivée de quatre professionnels (un
médecin, une psychologue, Une infirmière et une travailleuse sociale).
1 Pour plus de détails sur ce programme, voir Belle-lsle, Carie, Dussault et Gaulin (s.d.)
2
L'implantation et l'actualisation des mandats d'une équipe de base en santé
mentale ne vont pas facilement de soi. Bien qu'une telle pratique soit fortement
valorisée dans tous les documents et politiques officielles depuis la fin des années
80, sés implications suscitent souvent des questionnements et des résistances
diverses.
Faisant partie de la restructuration d'ensemble des services de santé
mentale, une équipe de base comme le PRISME soulève inévitablement (1) une
question conceptuelle récurrente : la division entre première, deuxième et troisième
lignes et (2) les absences et discontinuités de service occasionnées par les rivalités
professionnelles et les "logiques d'établissement". Concrètement une telle équipe
de base innove en valorisant une redéfinition des mandats traditionnels et en
initiant un esprit de partenariat et de concertation, de façon concrète et
quotidienne.
En modifiant des pratiques existantes, l'implantation d'une telle équipe
accroît - au moins momentanément - les Incertitudes et les tensions dans le réseau
de distribution des services. Cette difficulté n'est pas propre à:la santé mentale ;
elle vaut pour tous les secteurs et elle est de taille. On admettra avec Robert
SCHNEIDER qu'en ce domaine "la grande majorité des expériences ont échoué ;
certaines ont survécu et finalement, un très petit nombre a réùssi" (1987. : X).
De l'avis général de la.grande majorité des intervenants en santé mentale
(tant du communautaire que delà psychiatrie) de la zone Suzor-Coté et de l'Érable,
le PRISME peut être dit une réussite. En effet, par ce programme, une clientèle qui
n'avait jusqu'à présent à peu près aucun service en miljeu naturel reçoit maintenant
des services de qualité. Ce maintien en milieu naturel éviterait l'hospitalisation dans
i
3
des pourcentages avoisinant ceux constatés par les évaluations faites de divers
programmes de soutien communautaire2.
Mais la grandeur même de cette réussite n'est pas estimée égale par tous
les acteurs impliqués. De plus, la reconnaissance d'une telle réussite n'en livre pas
d'elle-même les raisons et tout observateur ou intervenant étranger au programme
pourra toujours penser que cette performance est due aux qualités exceptionnelles
de quelques personnes ou à des circonstances locales particulières, voire à la
chance tout simplement. Le succès d'une innovation est toujours insuffisant à lui
seul pour en prévoir et en garantir d'autres applications.
C'est bien pourquoi la Régie régionale a conféré, dès le départ, au PRISME
le statut de projet-pilote espérant ainsi "dégager plusieurs enseignements afin
d'étendre son application dans d'autres territoires de CLSC..." (lettre de J.D.
ALLAIRE, coordonnateur des services en santé mentale, à R. MOISAN, directeur
général du CLSC de l'Érable, 26 mai 1992). Par la suite la Régie et le CLSC
conviendront ensemble des informations à fournir par ce dernier ainsi que des
mécanismes d'évaluation du programme3.
Cette demande d'évaluation de la Régie, en vue d'éventuelles applications
ultérieures, constitue la toile de fond de la présente recherche. Le PRISME était
disposé à produire lui-même la majorité des informations convenues et prit
l'initiative de contacter un chercheur externe afin de rendre compte de façon
2 Voir plus particulièrement Cormier et al. (1990) et Tessieret Clément (1992). 3
"Ces renseignements devraient nous permettre de nous assurer de la réalisation de votre proposition telle que soumise, de la formulation d'une programmation en conséquence et de l'identification des apprentissages que nous pourrons faire grâce à votre projet en ce qui a trait à l'application des concepts d'équipe et de service de base en santé mentale. (Lettre de J.D. Allaire à R. Moisan, 7 janv. 1993)
i t
4
détaillée et crédible de là dynamique des relations entre lui et ses différents
partenaires4.
/
La construction du projet de recherche, présenté au printemps 1995 à la
Direction de la santé publique, s'est faite en tenant compte de demandes
différentes restées le plus souvent à l'état implicite. La recherche devait certes
rencontrer les critères du programme de subventions^ Elle devait aussi satisfaire
à une part importante des objectifs et indicateurs de résultats convenus entre la
Régie et le PRISME (pour plus de détails, voir document de travail, annexe 1).
Mais il y a plus. Un projet de recherche évaluative présente toujours la
particularité de mettre à contribution des personnes ou des groupes dont les
actions et le travail seront ultimement objets d'appréciations mis publiquement en
circulation. On comprendra aisément qu'un tel projet se doit de viser une objectivité
exempte de partisànnerie, mais capable par ailleurs de respecter et de prendre au
sérieux le bien-fondé des diverses positions (affectives, morales, politiques...) en
regard de l'objet évalué. *
Ainsi à partir de discussions préliminaires avec les membres du PRISME et
l'auxiliaire de recherche, mais aussi et surtout à partir d'une première lecture de
toute la documentation disponible sur et autour du programme, nous avons délimité
un projet de recherche qui devait permettre de rendre compte à la fois de
Concrètement le contact était à l'initiative de M™ N. Dussault, intervenante sociale très impliquée dans le PRISME. Ce contact s'explique par les relations antérieures que N. Dussault et moirmême (Claude Nélisse) entretenions depuis quelques années: j'avais eu le plaisir de diriger son essai de maîtrise en service social portant sur la désinstitutionnaiisation et nous avions eu, par la suite, de longues et régulières discussions sur les problèmes de réinsertion sociale ainsi que sur les avantages et les difficultés des PSI (plan de service individualisé). Néanmoins, en dehors de ce contact amical, comme chercheur pressenti pour le projet de recherche, fai eu deux rencontres officielles avec P. Belle-lsle et N. Dussault ainsi qu'une rencontre avec les quatre membres du PRISME et la coordinatrice en charge de ce programme.
;
5
l'enthousiasme, des doutes et des oppositions à l'égard du PRISME en particulier
mais aussi de toutes autres formes de pratiques ou de services proches et
"concurrents" de ce programme.
Schématiquement, la "carte des positions" se présentait ainsi. Il y avait
d'abord le PRISME dont les membres étaient à la fois heureux de l'acceptation de
leur projet et étonnés, d'une certaine manière, de l'accueil rapide et positif en
provenance de tous leurs partènaires. "Ça marche mieux que prévu" pensaient-ils.
Ils souhaitaient, eux, comprendre les raisons d'être de ce bon accueil et voir en
quoi cela tenait à la qualité de ce qu'ils pouvaient tenir, à bon droit comme une
"formule gagnante1'.
Par ailleurs, les membres ou les partisans des ressources voisines (Centre
de jour de l'Hôtel-Dieu d'Artabaska, les Centres d'intégration communautaire de
l'Hôpital Ste-Thérèse et surtout l'équipe en santé mentale du CLSC Suzor-Coté)
pouvaient sentir leurs services injustement traités par une recherche qui, ne
s'intéréssant qu'au PRISME, ignorerait leur présence dans le champ de la santé
mentale et leurs opinions en là matière. C'est pourquoi ces dernières seront
pleinement considérées dans la présente recherche.
Il fallait compter aussi avec un fàit plus diffus et plus général : une certaine
méconnaissance de ce que faisait précisément le PRISME avec le sentiment de
n'avoir rien d'important à en dire et, plus encore, l'impression que "ce n'est peut-
être pas de nos affaires" et qu' "on a pas de raison majeure de porter atteinte à sa
bonne réputation", La recherche a recueilli les perceptions et les questionnements
de ces personnes qui ne s'attendaient pas à être interpellées.
Ces positions seront évidemment détaillées et nuancées tout au long de ce
rapport. Mais il est important de dire ici que toutes les personnes pressenties au
départ ont accepté très aimablement de nous rencontrer, qu'elles se sont
exprimées avec précision et sans arriére-pensée et qu'elles y ont mis le meilleur de
leurs énergies pour favoriser le succès de notre entreprise.
.2 Objectifs et limites de la recherche
Le 30 avril 1993, la Régie régionale avait déjà précisé et détaillé le but
général de l'évaluation du projet-pilote en établissant six (6) objectifs qui se lisaient
ainsi :
1. Clarifier et valider l'hypothèse du PROS sur la contribution spécifique d'une
équipe de base dans les services de base.
2. Distinguer la contribution de la première et de la deuxième ligne.
3. Clarifier la contribution des services de base en matière de réadaptation,
réintégration sociale et le maintien dans le milieu de vie.
4. Dégager les conditions minimales favorisant l'implantation des équipes de
base en santé mentale.
5. Identifier les écueils à éviter dans l'implantation d'une équipe de base.
6. Convenir des informations requises pour assurer un suivi des activités de
l'équipe de base par la Régie, à l'intérieur du rapport d'activité annuel.
Ces objectifs ont été revus et validés, le 19 octobre 1994, lors d'une
rencontre entre les responsables de la Régie et du PRISME. Le présent projet de
recherche reprend et fait sien ces objectifs en les aménageant techniquement de
façon à les intégrer dans une planification cohérente et opérationnelle de la
recherche.
Compte tenu des différences dans la nature et la portée des problèmes à
examiner ainsi que dans les types d'organismes et de professionnels impliqués, on
peut dire que :
les trois premiers objectifs ont un même objet : la spécialisa-
tion/coordination du travail qui affëcte directement la continuité et la
complémentarité des services'en milieu naturel ;
les objectifs 4 et 5 ont aussi un même objet : l'implantation d'un service
inexistant dans un réseau déjà constitué ;
le dernier objectif réfère au problème des systèmes d'information de gestion.
C'est un problème technique qui a trouvé sa solution à même le système
informatique du CLSC.
Du point de vue de fa recherche, il était plus intéressant et plus utile de
débuter par les objectifs 4 et 5. Ce premier objectif de recherche a été formulé
ainsi :
Expliciter les conditions favorables et défavorables qui ont prévalu de la naissance du PRISME jusqu'à son évolution présente (conditions tant politiques qu'économiques, culturelles que sociales).
Les trois premiers objectifs ont été'regroupés pour donner lieu à un second
objectif de recherche qui se lisait ainsi :
Expliciter les relations concrètes entre les intervenants du PRISME et ceux des autres institutions du réseau et du communautaire et du privé en mettant en relief les difficultés et les solutions émergentes pour y faire face tant au niveau administratif qu'au niveau des pratiques quotidiennes centrées sur les problèmes particuliers des usagers.
Ainsi que nous le définirons au point suivant (1.3), le premier objectif réfère
à ce que nous appellerons le partenariat et le second à la concertation. La
recherche examinera ces deux processus sociaux à l'oeuvre dans le champ de la
santé mentale, dans la région des Bois-Francs, du début des années 1990 jusqu'au
milieu de l'année 1996. Néanmoins l'étude centrera l'analyse de ces processus en
gardant le focus sur le PRISME. Nous parlerons alors de "partenariat-concertation-
autour-du-PRISME".
Avant d'aborder ces concepts, il est utile d'énoncer clairement les limites de
la présente recherche. Celle-ci n'abordera en aucune manière la "vie interne0 du
PRISME ni comme équipe de travail (type de pratiques, organisation du travail,
modalités de prise de décision...) ni comme dynamique interpersonnelle et
interprofessionnelle.
Une seconde limite a trait aux rapprochements possibles entre le PRISME
d'un côté et lés services de réadaptation comme le Centre de jour et les Centres
d'intégration communautaire et l'équipe en santé mentale du CLSC Suzor-Coté de
l'autre. Nous analyserons les rapports entre eux tous mais nous éviterons toute
comparaison qui justifierait un quelconque classement quant à leur utilité ou leur
valeurrespective. < ;
La troisième et dernière limite a rapport à la continuité de service. Nous nous
sommes abstenus d'enquêter à ce sujet pour des raisons pas très claires au début,
lors de la préparation même du projet. Cette enquête aurait nécessité l'entrevue de
plusieurs usagers et de leurs proches ainsi que le suivi de nombreux dossiers. Les
exigences en termes de compétences, temps, argent... nous ont paru tout de suite
hors de notre portée et de ce que nous présumions réaliste en termes d'attentes de
la Régie et du PRISME.
Mais une autre raison a aussi joué dont nous n'avons pris conscience que
vers la fin de |a recherche. Aucune des personnes et ou des groupes rencontrés
pour la préparation de cette recherche n'a manifesté d'intérêt à ce sujet. Même
plus, deux courtes tentatives de notre part auprès de deux intervenants différents
se sont rapidement terminées par : "non, interviewer des usagers ce serait
compliqué et pas utile pour comprendre le partenariat11 (le "maillage" a dit l'un
d'eux). Ceci manifeste un "point aveugle" que nous rencontrerons très souvent par
la suite : on pourrait comprendre les pratiques intersectorielles et interprofession-
nelle^sans inclure celles d'usagers. Nous verrons en conclusion que cette limitation
est sérieuse : elle empêchera, d'une certaine manière, de poser des jugements nets
et décisifs sur la valeur finale du partenariat et de la concertation.
Partenariat et concertation: clarification de vocabulaire
Dans tous les domaines d'intervention, il est communément admis
aujourd'hui que la qualité des interventions dépend directement du fait qu'elles sont
conduites ou pas en partenariat. Ce dernier terme néanmoins n'est pas toujours
très clair ni très stable. Plusieurs significations sont présentes en même temps et
il est aussi fréquemment associé ou confondu à des termes voisins comme
"concertation", "collaboration", "continuité", "maillage"
Même si les littératures professionnelles et institutionnelles ne sont pas
toujours très claires à cet égard, nous devons pour les fins de recherche nous en
donner des définitions plus précises et les situer dans un cadre théorique
homogène. Loin de nous l'idée que ces définitions soient les seules bonnes : il
s'agit en quelque sorte d'une "convention de vocabulaire", utile pour mieux décrire
le réel, pour clarifier nos réflexions et surtout pour donner un sens précis, juste et
communicable aux résultats de notre recherche. Pour rendre ces définitions
pertinentes, il nous faut cependant les construire au plus près de ce qui se dit et
s'écrit en santé mentale, ces derniers temps, au Québec.
1.3.1 Le partenariat en sant6 mentale
1 0
Dans le domaine de la santé mentale5, le terme partenariat apparaît au
grand jour, pour la première fois, en 1987, comme titre même du Rapport Harnois.
Il est néanmoins important de rappeler que ce rapport s'est fortement inspiré de
l'Avis émis deux ans plus tôt par le Comité de la santé mentale du Québec (1985).
Un court détour sur cet Avis est éloquent.
i.3.1.1 Le partenariat : une exigence de complémentarité différentielle.
Pour l'essentiel, cet Avis porte sur la recherche d'une définition "non
normative" et "problématique" de la santé mentale. Prenant comme fil
conducteur le modèle vulnérabilité/stress et les théories sur les mécanismes
d'adaptation, le Comité élargit et structure l'ensemble des savoirs à sa
disposition selon un modèle tridimensionnel dans lequel les trois dimensions
retenues6 sont "essentiellement complémentaires" (siouligné par les auteurs
eux-mêmes, : 131). "...Si la santé mentale se situe au point de convergence
entre ces trois grandes dimensions" (:132), il devient "essentiel de penser
les actions dans une optique de complémentarité et de pluralisme" (:142).
Tout au long de ce rapport nous nous en tiendrons à la distinction proposée par le Comité Harnois "Pour mieux désigner la réalité plus visible et mieux cernée des personnes dont la santé mentale est perturbée ou menacée, nous parlerons du CHAMP DE LA SANTÉ MENTALE. Le terme DOMAINE DE LA SANTÉ MENTALE sera utilisé, quant à lui, pour désigner l'univers élargi des réalités ayant une influence sur la santé mentale de la population et des groupes qui la composent" (Comité Harnois, 1987:33).
Les trois axes sont l'axe biologique (composantes génétiques et physiologiques des potentialités humaines), l'axe du psychodéveloppement (les composantes affectives, cognitives et relationnelles à l'oeuvre dans les relations de l'individu au monde) et l'axe contextuel (les diverses conditions, interpersonnelles et sociétales, qui influencent les problèmes rencontrés par les individus ainsi que les stratégies qu'ils utilisent pour- y répondre).
1 1
Dans ce sens, le Comité propose des principes généraux d'action : la
modification du rôle des professionnels (du leadership à des rôles de
soutien et de complément), rétablissement d'une collaboration entre les
professionnels et les groupes et communautés, une perception de ces
derniers non plus comme seules sources de problèmes mais comme dotés
de dynamiques propres à comprendre et à promouvoir, la création d'un
groupe de coordination interministériel...
Ces quelques clés pour l'action introduisent les notions de
collaboration (entre professionnels), de complémentarité (entre niveaux et
types d'intervention et d'intervenants) et de coordination (entre secteurs de
l'action étatique). Ces notions, qui seront reprises plus tard par d'autres sous
le terme de partenariat, sont ici des exigences pratiques imposées par la
définition de la santé mentale. C'est le propre de la santé mentale d'être
multidirectionnelle et d'exiger, en conséquence, des actions et des services
nécessairement complémentaires.
1.3.1.2 Le partenariat: changement de responsabilité, change-ment d'attitude.
Le Comité Hamois nous propose, lui, la définition suivante du
partenariat : "... une mobilisation concertée de la personne, de ses proches
et des intervenants, des intervenants entre eux, des ressources publiques
et de celle du milieu" (Comité Harnois, 1987, :50). Le développement du
partenariat est une des sept orientations spécifiques destinées à actualiser
les principes généraux avancés par le Comité. Le premier de ces principes
se lit ainsi : "La primauté de la personne et le respect auquel elle a droit" et
signifie pour l'essentiel "sa reconnaissance comme réalité de départ et
raison d'être de toute action en santé mentale", ,la prise en considération "de
son contexte de vie et environnement social" et l'exigence de "miser sur son
1 2
potentiel, d'encourager sa participation et de favoriser la contribution des
acteurs et des milieux qui lui sont significatifs" (:48).
-_ . '
Ce principe de la primauté de la personne est le point de départ et le
motif central du rapport du Comité. Au risque de simplifier, on peut dire que
l'argumentation clé est la suivante. Constat : les personnes aux prises avec
des problèmes de santé mentale se retrouvent objet dans un système de
services non intégré et incapable de les approcher globalement, de
respecter leurs besoins et de prendre positivement en compte leur potentiel
ainsi que celui de leurs proches, de leurs familles et de leurs milieux.
Diagnostic : cette absence d'intégration et cette "dépersonnalisation" est le
fruit d'un mouvement d'institutionnalisation auquel tous les acteurs ont
participé chacun à leur manière (Comité Harnois, :25-26), le tout renforcé et
soutenu par l'intervention massive de l'État7. Solution : poser autrement les
fondements de l'intervention de l'État: qu'il partage ses responsabilités et
ses fonctions avëc celles des personnes, des familles, des groupes et des
communautés locales et régionales... "dans le respect des particularités et
des compétences de chacun" (Comité Harnois, :45).
Cette solution - qui fait de l'État un partenaire parmi d'autres et non
plus une autorité centrale - implique un changement d'attitude,chez tous les
partenaires. "Dans une démarche de partenariat élargi, nous proposons (..)
que chacun, depuis le simple citoyen jusqu'au responsable des .décisions au
niveau gouvernemental, en passant par les intervenants en santé mentale,
s'interroge sur ses attitudes, ses croyances de même que ses convictions
Pour le Comité, cette intervention massive de l'État "a permis d'assurer une meilleure accessibilité aux services et une meilleure équité dans la distribution des ressoures...(mais)... la monopolisation des lieux de définitions des priorités^ des modes dé dispensation des soins et des services ainsi que des mécanismes de contrôle, a contribué à priver progressivement le citoyen souffrant de problèmes mentaux de la capacité d'entraide des familles et des communautés" (Harnois, 1987, .42)
1 3
par rapport à sa propre santé mentale et, au premier chef, par rapport aux
exigences des personnes aux prises avec un problème d'ordre mental"
(Comité Harnois, avant-propos). Cette attitude personnaliste génère une
conduite partenariale, "une façon privilégiée d'oeuvrer en santé
mentale" (:5).
1.3.1.3 Le partenariat : une façon de faire de la planification régionale ?
Reprenant les grandes lignes du Rapport Harnois, la Politique de
santé mentale déposée en 1989 par la Ministre T. Lavoie-Roux, inscrira la
consolidation du partenariat comme un des cinq "objectifs et orientations" de
cette politique. La définition de ce partenariat reste intégralement celle du
Comité Harnois mais avec deux ajouts paradoxaux. D'un côté, sa portée en
est élargie: il est la façon de faire à la fois des partenaires (personnes,
familles et proches, intervenants et communauté), de l'organisation des
services au sens large, et de la mise en oeuvre de l'intersectorialité au sein
du gouvernement. Et le texte de bien préciser, en deux pages, les
spécificités pàrtenariales de chacune de ces façons de faire (Gouvernement
du Québec, 1989, :26-28). "C'est toutefois (nous dit ce même passage) dans
l'organisation des services que le partenariat se révèle la façon privilégiée
d'oeuvrer en santé mentale" (id, :27).
Ce privilège est motivé par:
1. La nécessité de réponses adaptées au milieu de vie ;
2. Par l'existence de différences interrégionales quant aux problèmes,
aux populations en besoin et aux ressources disponibles ;
3. Par la volonté de maximiser l'utilisation efficace et efficiente des
ressources, le dynamisme communautaire et l'intégration coopérative
des services délivrés par les divers secteurs (autres que santé et
1 4
services sociaux) reliés à la santé mentale. Ce privilège, énoncé
dans les orientations, est tel qu'il ne sera plus question que de
l'organisation des services lorsque l'énoncé de politique abordera les
moyens d'action. Les cinq pages qui présentent en détail ces moyens
sont titrées: "Pour consolider le partenariat" et le premier paragraphe
éclaire le partenariat d'une nouveau sens. "Le partenariat implique
des collaborations à tous les niveaux, de la personne jusqu'aux
instances décisionnelles. Il se concrétise principalement dans
l'organisation des services au niveau régional et dans l'exercice des
responsabilités gouvernementales" (id, :52).
Le partenariat est certes toujours une attitude également valable pour
tous, mais sa motivation est maintenant directement liée à une politique.
Cette politique en est une de décentralisation et son moyen devient la
planification régionale qui, sous la responsabilité des conseils régionaux
aidés en cela par les comités tripartites8, devra produire des plans
d'organisation de services qui devront être approuvés par le Ministre
conformément à des critères bien précis.
"L'esprit de partenariat" (id, :54) est devenu le mode d'action obligé
dès Régies régionales à l'égard de tous... et donc aussi de ce partenaire
important (i.e. le Gouvernement du Québec) dont la responsabilité collective
sur nombre de questions essentielles lui permet de "donner l'exemple d'un
véritable partenariat et des possibilités offertes par une approche inter
sectorielle" (id, :56).
6
Pour une analyse des comités tripartites, voir Lamoureux (1994).
1 5
1.3.2 Cadre théorique
Du rapide tour d'horizon précédent, nous retenons les éléments explicites
suivants:
1. Le partenariat est une attitude nouvelle :
2. Cette attitude est également valable pour tous les acteurs impliqués dans le
domaine de la santé mentale ;
3. Elle suppose la mobilisation concertée de ces acteurs.
Nous retenons de plus un glissement de sens quant aux motifs justifiant
cette attitude nouvelle. En gros, pour le Comité de la Santé mentale du Québec, la
recherche de complémentarité dans l'action se justifie par la nature
multidirectionnelle de la santé mentale. Pour le Comité Hamois, il s'agit d'un
changement de responsabilités de tous les acteurs pour une prise en charge des
personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale qui soit effectivement
respectueuse de leur potentiel et de leurs "besoins en situation". Pour la Politique
de santé mentale c'est le moyen privilégié d'une planification régionale
conséquente d'une politique de décentralisation.
Le sens (i.e. la direction ou la finalité) du partenariat nous paraît de plus en
plus évident. Même si les textes ne le disent pas explicitement, ils énoncent en
creux un sens politique ; que ce soit sous l'aspect "noble" d'une redéfinition des
responsabilités générales de chacun ou sous celui plus "terre-à-terre" de
l'organisation des services et de la planification des ressources9.
Ce sens politique du partenariat ressort nettement de l'examen du déroulement des textes. Hormis les introductions, le terme partenariat (et ses quasi-synonymes) apparaissent, à la suite de l'exposé des problèmes et de la précision des notions, dans les. orientations ou perspectives proposées comme base d'une politique d'ensemble du domaine. On remarquera aussi que le thème du partenariat apparaît presque toujours conjointement à celui de l'État.
16
Pour la présente recherche, nous proposons la définition suivante:
Le partenariat est une attitude politique, nonnative et volontaire, induisant (et s'appuyant simultanément sur) une collégialité de tous les acteurs dans la coordination de l'action.
Le diagramme suivant (fig. 1) permettra d'en préciser le contenu en la situant
dans un cadre théorique un peu plus global.
Figure 1 : Modèle politique de coordination de l'action
Depuis plus de dix ans, un constat s'impose avec force : dans le domaine de
la santé et des services sociaux les dispensateurs de services sont, au centre, en
position de pouvoir et n'agissent qu'en fonction de leur spécificité propre. La
Commission Rochon officialisera un tel constat en pariant d'un système en otage"
dont un des principaux problèmes est d'offrir des services "trop souvent
discontinus, incomplets et impersonnels" (Commission Rochon, 1988, chap. 1, 3°
part.).
Le fait précédent est assez banal. On le retrouve dans la majorité des autres
secteurs d'activités en Occident et correspond à un effet généralisé de ce que la
sociologie appelle communément "la division du travail". Dans le domaine qui nous
occupe, il s'agit du partage des tâches et des fonctions : les professionnels
accomplissent un travail individuel et fragmentaire tandis que les organisations et
les établissements se distinguent par des missions ou des mandats spécialisés et
cloisonnés.
Toute division du travail pose un problème de taille: la coordination de
l'action. Le monde des rapports humains est toujours potentiellement instable et
conflictuel. La coopération et la collaboration entre acteurs ayant dés impératifs
pratiques divergents, voire contradictoires, sont toujours une nécessité et un
problème fondamental dans l'accomplissement d'une action un tant soit peu sociale
et développée. Comment assurer une coopération stable autour des "problèmes"
et de leurs "solutions", dirait-on aujourd'hui ?
Dans nos sociétés, trois grands moyens sont simultanément à notre
disposition pour permettre une coordination plus ou moins satisfaisante: le marché
(le contrat et le prix), l'organisation politique (la loi et le pouvoir) et là solidarité
1 9
communautaire (appartenance à des groupes et liens sociaux élémentaires)10. Pour
des raisons historiques qui dépasseraient largement le propos de la recherche, on
peut dire que l'avènement de l'État-Providence - dans le domaine de la santé et des
services sociaux en particulier - a donné lieu à des modalités de gestion et
d'intervention très fortement régulées par l'organisation politique.
Par "organisation politique", il ne faut pas entendre ici une organisation
particulière pas plus que l'organisation d'ensemble du système politique
proprement dit. Il s'agit seulement d'une manière (ensemble institutionnel de
normes, ressources, dispositifs et outils) capable de réguler localement un domaine
d'activités ; manière qui est inspirée, voire induite assez directement, par l'action
étatique. Cette régulation impulsée par l'État est toujours contraignante pour
l'ensemble du domaine et porte principalement sur la délimitation et l'attribution
des compétences et responsabilités, la désignation des leaders, la définition de la
légitimité et du bien commun, la résolution des conflits, la gestion des pouvoirs et
l'allocation des ressources.
Cette coordination de l'action par la régulation politique peut prendre deux
formes contrastées : l'ordre hiérarchique d'un côté et la collégialité de l'autre. Dans
le premier cas, les acteurs sont définis par des rapports de pouvoirs asymétriques
(la subordination), des échanges sont fortement codifiés, des tâches finement et
scientifiquement définies a priori, un contrôle "illimité" et pointilleux de la conformité
des conduites à de multiples systèmes normatifs internes, une centralisation des
décisions et des pouvoirs, un arbitrage des conflits par dessaisissement des
intéressés et recours aux autorités supérieures... Dans le second cas, des statuts
égalitaires président aux rapports entre les acteurs, les échanges sont plus souples
et libres, les tâches peuvent se définir en cours d'action, les décisions et les
Les développements qui suivent sont directement inspirés de Friedberg (1993) et Ogien (1988).
2 0
pouvoirs sont partagés et négociés en autogestion, les conflits se règlent au plus
près de l'action par la recherche d'un consensus entre acteurs directement
impliqués... ,
Dans l'ordre hiérarchique, la coordination de l'action est produite par
l'impositiori officielle d'un acteur central en position d'extériorité et de surplomb par
rapport aux "terrains" et aux acteurs. En bout de ligne (hiérarchique, justement)
l'État ordonne directement et par délégation un domaine d'activité. La collégialité,
quant à elle, coordonne l'action en structurant les espaces de négociations et de
jeux dans lesquels les acteurs participeront également à la définition de cette action
et la gestion de leur place respective et de leurs possibilités d'action. Ultimement,
celle-ci est autoconstruite et autogérée : elle est autonome.
Le partenariat est un mixte particulier de ces deux modèles politiques
de coordination. C'est l'introduction volontaire de la collégialité - ou d'un surcroît
de collégialité - dans un ordre fortement hiérarchisé.
C'est que les deux modèles, dans l'univers quotidien des services publics
en particulier, ne sont pas également "réalisés" si on peut dire. Avec la réforme
Castonguay, l'État et ses institutions centrales ont imposé et généralisé une
approche top-down de plus en plus respectueuse de la division hiérarchique
traditionnelle entre décision législative, implantation administrative et exécution
opérationnelle. C'est cette action étatique indépendante, légale, rationnelle et
autoritaire qui, face à ses nombreux échecs, est fortement remise en question
depuis le milieu des années 80.
Ces remises en question sont certes le fait de groupes sociaux divers aux
orientations politiques variées. Mais c'est toujours l'État qui, par ses commissions
d'enquêtes, ses comités parlementaires, ses projets de loi..., orchestre les débats
et les propositions. C'est toujours lui qui "en se redéployant, prend appui sur
2 1
plusieurs axes dont une régionalisation et une localisation de son administration,
une reconnaissance et une sollicitation des solidarités et dynamismes des milieux,
des organismes et services communautaires en place, entre autres, une mise en
place de structure de concertation, de partenariat, de négociation, une nécessité
d'adapter les actions et services aux diverses réalités particulières, enfin un appel
à l'intersectorialité" (Lamouréux, 1994 :23).
Dans ce sens le partenariat est plus une volonté qu'un fait. C'est plus
précisément une attitude politique: de l'État en premier et, à sa suite, de tous les
acteurs impliqués par cette nouvelle politique. Par cette attitude, l'État manifeste,
par exemple, le retrait de certaines de ses prérogatives gestionnaires, son
abstention possible de l'usage de contraintes, le renoncement à sa capacité de
décision autonome. Les acteurs, quant à eux, annoncent à tous la reconnaissance
mutuelle de leurs capacités et leur résolution à recourir à la négociation plutôt qu'à
la force ou encore à préférer la discussion ouverte aux marchandages politiques.
Cette attitude est moins une prédisposition psychologique permanente ou un choix
de valëur "profond" que la posture et l'engagement publics d'une certaine
détermination à "jouer le jeu" d'une manière plus égalitaire, flexible et franche qu'à
l'accoutumée.
De fait, communément, la régularité des rapports entre les acteurs est
l'exercice de la fbrce au service des intérêts particuliers dans une coordination de
l'action hiérarchiquement imposée. Le partenariat, lui, est une norme "idéale" à
laquelle consentent librement et volontairement tous les acteurs en manifestant, à
chaque occasion, un parti pris pour la collégialité. Le partenariat est un pari : on fait
comme si on était égal, comme si les différences d'intérêts étaient surmontables,
comme si les conflits pouvaient être tranchés sans l'usage de la contrainte.
Le partenariat suspend la hiérarchie des compétences et l'inégalité des
pouvoirs... Mais pour combien de temps ? En tout lieu et toute occasion ? Bien sûr
2 2
que non: Tous le savent : cette suspension est toujours momentanée et
conjoncturelle. "Le partenariat ouvre un espace de concertation et de coopération
spécifique, régi par des règles d'échange et d'usage particulières. Il s'y traite de
certaines questions, limitées à la seule sphère de ce qui est négociable
publiquement par chacune des parties prenantes. Hors de cet espace; il est
possible de considérer que les diverses activités pratiques de circonstance se
déroulent selon d'autres règles, appropriées au type d'impératifs pratiques que leur
engagement professionnel ou politique impose" (Ogien, 1988, :21)
D'où la question permanente de chacun: l'attitude partenariale manifeste des
autres ne cache-t-elle pas un "feux jeu" ou une tactique opportuniste ? Même plus
simplement : est-elle autre chose qu'une bonne intention qui n'engage
effectivement à rien en dehors des manifestations officielles ? Cette question est
d'autant plus cruciale que toute entreprise partenariale présuppose souvent "la
reconnaissance èt le respect des spécificités de chacun". Un tel rappel réveille
facilement les antagonismes passés et évoque surtout la possibilité toujours
présente que chaque membre puisse à tout moment mobiliser la hiérarchie et les
pouvoirs pour orienter à coup de force la démarche commune, voir pour sortir
légitimement du partenariat.
La connaissance du partenariat, dans un domaine d'activité donné, nous
informe bien des intentions et des engagements publics des acteurs impliqués
quant à leur approche collégiale des questions politiques propres à ce domaine
(orientation des actions, délimitation des fonctions et responsabilités, affectation
des ressources...). Mais cette connaissance ne nous dit rien quant au
fonctionnement concret et quotidien des rapports et des pratiques dans la
prestation et la gestion des services directs.
Une question reste ouverte: comment l'exigence de partenariat "qui est au
fondement du modèle de collégialité qu'elle propose, peut-elle se traduire
2 3
pratiquement dans l'activité collective de professionnels de l'intervention sur autrui
et de responsables administratifs détenteurs de positions statutaires, de missions
techniques et d'autorités de décisions inégales et hiérarchiquement ordonnées ?"
(Ogien 1988, :19).
À la connaissance du partenariat comme attitude politique normative et
volontaire, doit s'ajouter en contrepartie la connaissance de la concertation définie
comme comportements et processus de coopération sur le terrain qui :
"se tissent entre intervenants provenant d'organismes et de professions différents, s'identifiant à divers courants idéologiques, et qui se concentrent autour des problèmes particuliers vécus par les clients" (White, Mercier et Roy, 1993, :20).
La concertation ici réfère à l'ajustement réciproque des comportements, à
l'élaboration commune de buts spécifiques à chacun, à la construction d'ententes
sur ce qui fait problème dans les actions... ; ces différentes opérations étant le plus
souvent les fruits d'un travail ad hoc, en face-à-face et au jour le jour. La
concertation interrompt les cours d'action individuels pour permettre de projeter des
actions "rationnellement accordées les unes aux autres. Mais tout cela se fait dans
le feu même de cette.action, en temps réel et dans les situations professionnelles
et institutionnelles les plus ordinaires. Notons aussi que cette concertation vaut
autant pour la collaboration entre intervenants engagés dans la prestation des
services directs que pour celle qui lie les opérateurs, les cadres et les directions
dans la gestion des conditions d'exercice de cette prestation.
Le partenariat et la concertation, dans la théorisation de cette recherche11,
La définition de ces termes est loin d'être stabilisée et, dans d'autres littératures, il arrive que les deux termes soient tout à fait synonymes et équivalents ou qu'un seul soit utilisé sans distinction aucune. Ainsi, dans, la littérature politique, particulièrement en ce qui regarde l'administration publique, le termé concertation
(à suivre...)
s
2 4
ne sont ni opposés ni identiques. Ce sont deux feces complémentaires d'un même
phénomène: l'insertion de la collégialité dans un fonctionnement hiérarchique d'un
domaine d'action. On peut le voir sous l'angle politique de l'orientation et de la
gestion de ce domaine: comme posture publique où chacun, dans les réunions
officielles - et seulement là - s'engage à ne pas activer les antagonismes les uns
à l'égard des autres, à ne pas faire prévaloir son point de vue et à adhérer aux
règles et aux conventions produites en commun: c'est le partenariat. On peut le voir
sous l'angle de la maîtrise pratique et collective de toutes les actions
(professionnelles et autres) propres à ce domaine: c'est la concertation.
Le partenariat est un jeu politique (sans signification péjorative) qui existe
ou pas, qui prévaut ou ne prévaut pas. Joué par tous et s'imposant à tous il en est
la règle constitutive, dans un domaine et un temps donnés bien sûr. Que cette règle
soit facile - ou difficile - à admettre et à respecter, c'est ce qu'une enquête peut
décrire et essayer d'expliquer. La concertation, quant à elle, admet des degrés
d'existence: les actions faites de concert sont plus ou moins nombreuses,
régulières, complètes ; elles sont accomplies avec plus ou moins de soin et de
rigueur et portent plus ou moins à conséquence. L'enquête ici observera des
nuances et des variations dans des pratiques quotidiennes assez informelles, peu
visibles et, tout compte fait, assez banales.
Mais avant de laisser ce cadre théorique pour des considérations
méthodologiques conséquentes, il faut préciser un troisième terme très souvent
associé aux deux précédents : la continuité. Avec White, Mercier et Roy, dont nous
partageons pleinement la problématique théorique, nous dirons que "la continuité
se construit à partir des stratégies ponctuelles des usagers, des intervenants et des
11(...suite) était le plus en usage fin des années 7 0 et dans les années '80. Il était dans la continuation directe de "la participation" (terme en vogue dans la décade précédente) et son usage était - et est encore parfois - équivalent à la notion actuelle de partenariat.
2 5
membres du réseau naturel (...). La continuité ne peut donc se mesurer uniquement
à partir des pratiques organisationnelles et professionnelles, mais elle doit être
appréhendée surtout à partir de l'adéquation du rapport entre les ressources
disponibles pour les personnes psychiatrisées vivant dans la communauté et leur
capacité ou désir d'y recourir" (White, Mercier et Roy, 1993, :15).
La continuité de service n'a de sens que du point de vue pratique des
usagers, tandis que la concertation renvoie aux pratiques convenues entre les
dispensateurs de service. Ce sont, ici aussi, les deux faces complémentaires d'un
même objet : la valeur et l'effectivité du service rendu. Mais si la concertation est
nécessaire pour assurer une continuité, on peut dire, qu'à elle seule, elle n'est pas
une garantie. Une concertation peut, en effet, multiplier des services, ceux-ci
pouvant être adéquats.ou pas et le tout pouvant facilement maintenir des contrôles
professionnel et institutionnel sur les clientèles.
La concertation est une condition nécessaire mais non suffisante de la
continuité de service. Et il en va de même pour le partenariat, lui aussi, condition
nécessaire mais insuffisante à la concertation. La présente recherche s'attachera
à rendre compte de ce qu'il en est de la concertation sans pouvoir,
malheureusement, s'attarder à son pendant: la continuité de service.
1.3.3 Le-partenariat-concertation-autour-du-PRISME.
Ce point sera court mais d'importance. En définissant le partenariat comme
une.attitude politique, on pourrait laisser entendre qu'une telle attitude est un trait
profond qui caractériserait de façon stable la conduite des acteurs dans la plupart
des situations où ils se trouvent: Sans nier l'existence d'une certaine stabilité dans
les identités, on peut cependant dire que cette vision est quelque peu erronée. Si
elle était vraie, les acteurs n'auraient aucune difficulté à prédire avec justesse et
en toute circonstance les positions, voire les gestes, des autres. Or tel n'est pas
26
le cas. Selon les problèmes, les domaines ou les enjeux, un même acteur a des
attitudes partiellement différentes. Tout professionnel ou gestionnaire avisé le sait
fort bien: "en matière de...", X peut être assez constant. Mais changement de sujet,
changement d'attitude. Tout ceci est encore plus vrai pour la concertation qui est
un ensemble de rapports concrets et circonstanciels fortement dépendant des
changements internes ou externes à ce réseau.
Mais il nous faut réintégrer Le PRISME dont on peut dire, théoriquement du
moins, qu'il est à la fois un effet et un acteur du partenariat et de la concertation.
Comme effet on peut présumer que son apparition n'aurait pas été possible sans
un ensemble de conditions partenariales favorables qui lui sont étrangères. Comme
acteur on peut présumer qu'il a participé positivement (ou négativement) à
l'éventuelle transformation de ces conditions. Il en va de même de la concertation:
il ne peut faire sans les autres mais il peut, par ailleurs, en faire plus où moins,
mieux ou pire. Notre recherche s'intéressera au PRISME en le comprenant toujours
dans un ensemble plus large.
Ainsi tout ce qui va être dit dans ce texte vaut pour le partenariat noué
autour du PRISME en non pour tout autre partenariat réel ou possible en d'autres
domaines. Bien sûr cela vaudrait aussi pour toute autre équipe de base en santé
mentale considérée plus ou moins équivalente au PRISME. Certaines observations
seront certainement transférables ailleurs et nous ne nous priverons pas nous-
mêmes de faire certaines généralisations. Mais par cette courte remarque, nous
invitons le lecteur à être attentif aux particularités de la situation à l'étude et prudent
dans les transferts possibles à d'autres situations.
Méthodologie
La recherche est descriptive, monographique (ou étude de cas) et
qualitative. La différence entre les deux objectifs de recherche énoncés
27
précédemment (l'un sur le partenariat, l'autre sur la concertation) oblige à deux
plans de recherche distincts.
1.4.1 Plan de recherche sur l'implantation et le partenariat
Le programme étant en opération depuis deux ans lorsque la recherche a
débuté, l'analyse de son implantation a nécessité, dans un premier temps, une
reconstruction sociohistorique. Celle-ci s'est faite par confrontation entre deux
sources de données:
A. Toutes les traces écrites qui ont un rapport direct ou indirect avec ce
programme et ce depuis que l'idée première en a été lancée. C'est l'histoire
événementielle, que nous avons reconstruite dans la première étape de la
recherche.
B. Les souvenirs et les interprétations postérieures de cette histoire par les
acteurs impliqués de fait (neutres, favorables ou défavorables au projet).
Ces données ont été obtenues par entrevues. Nous avons soumis nos
connaissances et perceptions quant à la création et à l'implantation du
PRISME à toutes les personnes (N = 32) et leur avons demandé de les
compléter, d'en donner leur version et de s'en expliquer. À noter que pour
23 d'entre elles, cet échange ne constituait que la première partie de
l'entrevue tandis que pour les neuf (9) autres, (personne de.direction, cadre
ou organisateur communautaire) tout je temps d'entrevue y était consacré.
Les prédispositions culturelles et politiques au partenariat ont été analysées
à partir de deux sources de données:
A. Un questionnaire-maison administré auprès des intervenants principaux
(institutionnels, communautaires et privés) quant à leurs attentes,
2 8
perceptions et satisfactions mutuelles. Plus précisément, ce questionnaire
standardisé mesure des attitudes comme prédispositions latentes selon trois
(3) composantes (cognitives, émotionnelles et tendances à l'action) envers
chacun des partenaires réels et potentiels présentés anonymement comme
acteur générique (ex. les médecins de polycliniques, les CLSC, les groupes
communautaires... de la région Mauricie—Bois-Francs). (Voir consignes et
copie du questionnaire, annexe 2).
B. L'observation (avec notes) de deux rencontres, d'une journée chacune, du
Comité d'actualisation de zone. À la première de ces rencontres, les
membres terminaient le "bilan des besoins" et à la seconde, ils
entreprenaient le délicat problème d'établir les priorités à soumettre à la
Table de concertation. Nous avons pu par la suite suivre à distance
l'évolution de ce dossier12.
1.4.2 Plan de recherche sur la concertation dans la prestation des services
Deux sources de données ont été ici considérées pour être soumises à une
validation par triangulation:
Dans le projet de recherche initial, nous avions ici prévu deux sources de données qui devaient être (1) des notes suivies (événements, commentaires, observations...) consignées dans un cahier spécial fourni aux interviewés après l'entrevue et (2) une rencontre-colloque d'une journée avec invitation à tous les intervenants locaux en santé mentale (rencontre enrégistrée avec comme ordre du jour une restitution par le chercheur des principaux résultats obtenus jusque-là et un débat sur les services de base en santé mentale. Ces deux types d'activités ont été éliminés lorsque nous nous sommes rendus compte que les personnes étaient surchargées et qu'une recherche "autour du PRISME" ne représentait pas un intérêt suffisant pour les mobiliser si fortement D'un autre côté, le côté "artificiel" de la rencontre-colloque prévue a été très avantageusement remplacée par le "naturel" de l'observation de deux séances réelles du Comité d'actualisation de zone.
2 9
1. Tous les documents institutionnels (protocoles, formulaires...) ont été
analysés les uns par rapport aux autres pour saisir aux mieux les éventuels
problèmes de relations entre services.
2. Des entrevues (N = 23) auprès de praticiens et gestionnaires de service
quant aux pratiques concrètes de coordination de leurs activités. Il s'agissait
de soumettre aux interviewés des situations et problèmes types de référence
et d'explorer avec eux la faisabilité et la probabilité des solutions possibles13.
L'interviewé était mis en situation par une histoire de cas (choisie parmi deux
possibles, voir annexe 4). L'entrevue visait à rendre explicite ce que ferait
l'interviewé et ce que ferait, selon lui, les autres intervenants. Aussi peu
directive que possible, elle imposait cependant un questionnement
ascendant-descendant (des alternances entre pourquoi ? et comment ?)
Nous avons interviewé 32 personnes au premier tour si on peut dire. Par la
suite 7 personnes (4 directeurs ou cadres et 3 praticiens) ont été entrevues une
seconde fois. Deux entrevues ayant eu lieu en groupe de 2 et une en groupe de 3,
nous disposons donc, au total, de 35 entrevues. Elles étaient d'une durée d'une
heure environ et conduites de façon semi-structurée. Elles se sont déroulées
davantage comme une discussion ou un échange que comme une série de
questions réponses programmées. Elles ont été conduites de fin novembre 1995
à juin 1996. Un quart l'ont été par Madame Paula VACHON, assistante de
Nous avions initialement prévu ici une autre source de données : le suivi intensif de 2 ou 3 cas "critiques" (cas difficiles, inhabituels, litigieux du point de vue continuité de services), suivi fait par le chercheur, par téléphone et courte entrevue, "en temps réel" le plus possible. Les problèmes de confidentialité ont eu raison de notre intention. Mais aussi le fait que selon la majorité des intervenants "il n'y avait pas vraiment de cas difficiles ou litigieux". Du point de vue technique d'entrevue, nous avions prévu une incitation directe à classer les actions narrées dans l'entrevue selon la distinction entre première, deuxième et troisième ligne. Nous avons rapidement cessé cette incitation dès que nous nous sommes aperçus qu'elle bloquait trop souvent les échanges et que les interviéwés l'employaient d'eux-mêmes au besoin.
30
recherche et le reste par le chercheur principal lui-même. La manière d'approcher
les interviewés, de leur présenter la recherche et des garanties déontologiques à
fait l'objet d'une lettre (voir exemplaire en annexe 5).
Les entrevues (ou parties d'entrevues) portant sur l'implantation et le
partenariat (plan 1) était très dépendantes de la nature et de l'importance des
interactions de l'interviéwé passées et présentes avec le PRISME. La grille était
d'autant plus individualisée que nous accroissions le nombre d'entrevues et que
nous cernions mieux les questions et les enjeux. Cette individualisation se justifie
par le fait que l'interviewé n'est pas ici un représentant d'une population donnée
mais un informateur exprimant la position qu'il occupe ou occupait effectivement
dans la situation, objet de l'enquête.
Pour des raisons évidentes de commodité dans la conduite même de
l!échange ainsi que dans le traitement ultérieur des données, l'entretien a été
enregistré sur cassette avec la permission de l'interviewé bien sûr. Ce dernier était )
informé de la possibilité d'interrompre l'enregistrement s'il le souhaitait: Deux
demandes seulement nous ont été faites dans ce sens, et pour de courtes périodes.
L'analyse des données s'est faite à partir des documents, des notes
d'observation, de deux écoutes (avec notes résumées) de la majorité des entrevues
et du verbatim de six (6) entrevues jugées essentielles. Le traitement des données
s'est fait selon les consignes et techniques proposées par HUBERMAM et MILES
(1991) et l'élaboration des explications s'est faite selon l'analyse itérative (YIN,
1984). Ce sont là des méthodes de plus en plus reconnues pour ce type de
recherche où l'exposé des résultats et celui des interprétations s'entrecroisent en
cours de route et se développent mutuellement tout au long d'une argumentation
qui dessine progressivement un portrait précis, détaillé et nuancé de ce que l'on a
à comprendre.
CHAPITRE II
LA CONSTRUCTION DU PRISME DANS SON CONTEXTE
Des dynamiques locales favorables au PRISME
Des dynamiques locales assez particulières, tant au niveau des Bois-Francs
que dans la sous-région de l'Érable, ont fonctionné comme conditions nettement
favorables à l'implantation, par le CLSC de l'Érable, d'une équipe de base en santé
mentale.
2.1.1 La solidarité autonomiste de Plessisville
Considérons d'abord le portrait sociodémographique de la région de l'Érable.
Sa population est en décroissance alors que celle d'Arthabaska est en croissance.
Les deux sont vieillissantes, mais la première l'est plus rapidement que la seconde.
La région de l'Érable connaît des pertes d'emplois industriels (le cas de Forano par
exemple) et le départ de certains services gouvernementaux (Centre d'Emploi
Canada, Ministère des transports du Québec). Face à cette décroissance lente
mais continuelle, les acteurs locaux sont "sur la brèche", ensemble et très orientés
par la recherche de toute activité nouvelle.
Il en va ainsi des États généraux du monde rural qui, politiquement,
développent et renforcent une certaine "solidarité autonomiste". Une solidarité si
bien reconnue à l'extérieur qu'elle aurait fait écrire dans un document de la Régie
que "l'Érable était une nouvelle Beauce en développement communautaire".
Cet autonomisme vient aussi d'une rivalité avec Victoriaville. Plessisville est,
en effet, toujours deuxième (par rapport à Thetford-Mines dans le comté fédéral et
par rapport à Victoriaville au provincial). Cette dernière est menaçante: "On ne veut
pas se faire manger par Victo" nous ont dit trois personnes de Plessisville. Et deux autres de Victoriaville nous ont dit qu"'ils veulent toujours faire à part, à Plessisville".
Luttes de clocher passées, certainement. Mais des traces restent vives et
non sans effet Un des premiers effets qui nous intéressera (voir plus loin 2.2) sera
celui de la constitution d'un communautaire stable construit sur une base sociale
assez large. En santé plus particulièrement, quoique l'ancienne rivalité entre
l'Hôpital du Sacré-Coeur et l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska soit aujourd'hui oubliée,
persiste une tendance chez les gens de Plessisville à se rendre plus volontiers à
Québec qu'à Victoriaville14.
2.1.2 L'alliance des directions d'établissement
Au niveau de la région des Bois-Francs, une concertation - voire une
solidarité un peu particulière - existe entre les directions d'établiissements. Ils se
perçoivent volontiers en avance sur le reste de la région dans plusieurs dossiers
(dont celui de la santé mentale) et ils se voient fortement unis dans une attitude
proactive par rapport à la Régie. Il y a entre eux des différences certaines
d'orientation. Mais souvent, ils préféreront, disent-ils, passer outre ces différences
afin qu'une ressource nouvelle soit affectée à la région plutôt que de n'avoir rien.
Selon un médecin en activité à Plessisville, "Il y a encore des gens qui vont chercher leurs radiographies à Arthabaska pour aller se faire opérer à Québec". "Y vienne en beau maudit le monde d'Artabaska, quand ils le savent (...), il y a un manque de maturité, car les gens ont encore bien le droit de se faire soigner où ils veulent". Par ailleurs, une personne de Victoriaville, étrangère au monde de la santé et des services sociaux, mais assez active de longue date dans les affaires locales, nous a dit très sérieusement "c'est bien qu'il y ait des spécialistes en santé mentale à Plessisville, car il y a beaucoup de monde qui vivent seuls et reculés dans les montagnes du coin et qui ne sortiront jamais pour se faire soigner en ville (sous-entendu à Arthabaska)... y sont vieux, les enfants sont partis... ils ont bien des problèmes spéciaux car ils se mariaient entre eux.."
33
"Lorsque le dossier est bon, on est toujours prêt à passer notre tour et à ne pas se concurrencer".
La Régie ne semble pas populaire ici: "elle consulte peu dans l'ensemble,
elle est sur urgence, nous met des couteaux dans le dos (...) faut dire qu'elle les
reçoit de Québec elle aussi..." Tous les directeurs généraux sont cependant
d'accord sur un point: "en santé mentale, avec la Régie, c'est le beau fixe".
2.1.3 Un CLSC médical et social bien implanté dans son milieu
Le CLSC de l'Érable est un "vieux CLSC" (de la première génération), à
vocations multiples et "bien identifié" à son milieu, dit-on souvent. Il est en bonne
partie le résultat d'une concession dans une bataille pour sauver l'Hôpital du Sacré-
Coeur de Plessisville. Et la construction de son édifice en juillet 1975 est
indissociable de son unité de soins de longue durée (40 lits) et de son Centre de
jour de 60 places. Cela explique le fait, qu'aux yeux de tous, l'image du CLSC soit
si fortement marquée d'une vocation médicale et hospitalière.
il était, au départ, "ce qui restait de l'hôpital" auquel on adjoignait un module
sociocommunautaire dont peu de personnes - la direction de l'époque y compris,
semble-t-il - ne savait très précisément ce qu'il faisait ou ce qu'il pourrait faire.
Comme la plupart des autres CLSC de cette première génération, il connaîtra
cependant lui aussi, dès ses débuts, une lutte acerbe entre le médical et les
sociocommunautaires dont les enjeux multiples se sont cristallisés ici autour de la
question du salariat des médecins.
Il était hors de portée de notre recherche de comprendre le détail et les
épisodes des affrontements pas plus que les diverses sorties qui se sont
succédées. Mes entrevues ne m'ont pas permis non plus d'avoir une idée claire de
3 4
l'état des rapports actuels entre ces deux univers. Mes impressions sont cependant
que:
1. La tendance médicale est notablement plus forte que la tendance
sociocommunautaire et qu'en conséquence, tout projet nouveau doit se
modeler en partie sur les pratiques et la culture médicales standard et
recevoir l'approbation implicite des acteurs partageant cette vision ;
2. Des tensions sourdes persistent entre ces deux vocations qui rendent
difficiles, voire impossible à long terme, un programme qui tenterait de se
définir à la jointure des deux univers.
Les deux remarques précédentes ne sont nullement deux jugements négatifs
sur la vie interne du CLSC de l'Érable. Beaucoup d'autres CLSC connaissent ces
mêmes difficultés qui sont inscrites structurellement dans leurs missions mêmes
et qui constituent donc pour chacun un défi toujours difficile à relever. Nous
signalons cependant ces difficultés ici parce qu'elles vont nous permettre de
comprendre plus loin (4.4) certains obstacles et malentendus qui attendent
vraisemblablement toute implantation d'une équipe de base en santé mentale en
CLSC.
Le CLSC de l'Érable, par ailleurs; "connaît sa population" y compris en santé
mentale. Les praticiens médicaux et sociaux (qu'ils soient en privé, en CLSC ou en
communautaire) se connaissent fort bien au point de se retrouver souvent dans les
"mêmes dossiers" et de se référer les cas avec aisance. Le nombre de praticiens
est assez élevé pour permettre un large éventail de compétences en tout domaine
et assez limité pour favoriser les échanges verbaux personnalisés. Les intervenants
sont bien "maillés", selon une expression à la mode.
35
Par ailleurs, en ce qui concerne plus spécifiquement les personnes
présentant des troubles sévères et persistants, l'éloignement (tout relatif qu'il soit)
d'un centre hospitalier comme HDA rend plus légitime et plus facile l'implantation
d'une ressource spécialisée proche en qui les patients et leurs proches pourraient
progressivement avoir confiance. Face à la moindre situation de crise, les urgences
hospitalières sont des solutions attirantes parce que "faciles" dans une certaine
mesure. Il est communément reconnu, en santé mentale, que plus on est proche
de ces ressources ou plus grand est leur nombre, plus il est difficile de mettre en
oeuvre des ressources plus légères en CLSC comme de type communautaire. Le
CLSC de l'Érable, grâce aux caractères situationnels dits plus haut, offraient un
terrain très favorable à l'expérimentation d'une équipe de base destinée à cette
clientèle.
Un mouvement communautaire bien établi.
La présence d'un mouvement communautaire fort et vivace dans le territoire
des Bois-Francs n'est plus à démontrer. Cette région, dès la fin des années 60,
voyait naître des comités d'action - d'inspiration jociste entre autres - qui allaient
progressivement initier ou soutenir des initiatives de plus en plus nombreuses et
variées. On peut dire que tous les mouvements (syndicaux, populaires, coopératifs,
des femmes, de défense des droits...) que connaîtra le Québec ont trouvé leur
pendant dans les Bois-Francs. L'activité communautaire (au sens large) y a
toujours été en croissance et on peut même affirmer que cette région, relativement
à son étendue et à sa population, a connu et connaît une activité aussi, sinon plus
intense, que celle des grands centres urbains de Montréal ou de Québec.
36
En lien plus immédiat avec la présente recherche, nos observations mettant
en évidence quelques traits du développement communautaire particulièrement
favorables au partenariat15:
^ Il se caractérise d'abord par sa polyvalence : d'étroites collaborations entre
des initiatives et des actions de secteurs différents. Contrairement à ce qui
se passait souvent dans diverses régions du Québec, ici les échanges sont
permanents entre les coopératives (d'habitation, de travail, de
consommation...) et les organisations communautaires de service ; de même
qu'entre ces deux dernières et les organismes syndicaux au départ,
municipaux, sanitaires et scolaires par la suite. Polyvalence aussi d'un point
de vie idéologique : selon les périodes, toutes les orientations propres aux
mouvements sociaux ont pu se manifester sans qu'aucune d'entre elles ne
domine effectivement les autres. Ce développement communautaire se
caractérise ainsi - par une assez grande capacité d'adaptation aux
changements sociopolitiques et aux besoins manifestés par diverses
populations. On lui reconnaîtra aussi le pouvoir de saisir les opportunités qui
se présentent à lui et de négocier de façon crédible avec les différents
acteurs institutionnels ;
^ Il se caractérise aussi par sa régulation concertée (par "régulation" on
entend la production de valeurs, de normes et de règles qui engagent
réciproquement les membres). Les échanges entre une bonne partie des
groupes les plus importants ou les plus actifs (plus de la majorité
probablement) ont toujours été favorisés par l'existence d'un lieu ou d'une
Cette partie du rapport reprend, dans un vocabulaire un peu différent, ce que des organisateurs communautaires chevronnés nous ont dit et ont écrit surtout (Labonté, 1990 et Ninacs 1990). Il faut dire que l'histoire du mouvement communautaire des Bois-Francs a été bien rendue par beaucoup de ses militants dans diverses productions académiques (esssais de maîtrise en particulier).
i
i
37
instance à la fois de coordination et de "leadership développemental" si on
peut dire. Le CRIS (Centre de relèvement et d'information sociale) a bien
joué ce rôle de 1972 à 1981. Une Table de concertation, issue d'un sommet
syndicalo-populaire justement, reprenait ce travail de lien, d'appui et de
création de nouveaux projets jusqu'à ce que la Corporation de
développement communautaire des Bois-Francs en impulse une orientation
plus forte encore à partir de 1984 ;
L'existence d'un tel lieu commun est importante à bien des points de vue.
Nous en retiendrons en particulier deux avantages:
1. Cela permet la présence d'un nombre important d'intervenants
communautaires permanents qui peuvent accumuler des
connaissances précises et pertinentes dans tous les secteurs de la
vie régionale ainsi que des savoir-foire en matière de développement
communautaire. Ces connaissances et ces compétences sont aussi
transmises aux nouvelles recrues. Il y a ainsi à la fois une grande
stabilité de l'action dans le temps et un renouvellement possible à
chaque génération ;
2. Un réseau d'échanges et de solidarité se constitue entre organismes.
Mais il y a surtout le développement progressif d'une estimation
mutuelle du travail de chacun et d'un capital de confiance très élevé
entre les intervenants. Cela empêche les blocages et les ruptures
brusques du mouvement collectif ; blocages et ruptures assez
fréquents qui sont dus à des conflits internes ou à l'entrée d'acteurs
étrangers plus ou moins adversaires au mouvement communautaire.
C'est ainsi, par exemple, que l'ensemble du réseau communautaire
en santé mentale a pu constituer ses pratiques en se protégeant
facilement des effets jugés déstabilisants, selon beaucoup,
38
. provoqués par l'arrivée de mouvements alternatifs "radicaux" comme
le SRAD. Dans le même sens, on notera le support offert par les
groupes communautaires à l'Entrain qui a connu, durant sa première
année, des difficultés notables de fonctionnement.
Ces deux avantages accroissent notablement la crédibilité d'ensemble du
mouvement communautaire ainsi que celle de chacun des membres. Cette
crédibilité, nous le verrons plus loin (3.3.3 et 4.1) aura une grande importance tant
dans le réseau partenarial du PRISME que dans les concertations concrètes entre
intervenants en santé mentale.
Cette dynamique communautaire est, pour l'essentiel, assez identique dans
les deux sous-régions que sont celles correspondant respectivement aux territoires
des CLSC Suzor-Coté ou de l'Érable. Il y a certes des différences, voire même des
appréciations mutuelles négatives. Certains intervenants regréttent qu'un autre
regroupement - Le Réseau communautaire de l'Érable inc. - se soit constitué en
1987 à Plessisville ét cela parallèlement à la Corporation de développement
communautaire des Bois-Francs dont la résidence est à Victoriaville. Nous
n'entrerons pas ici dans l'argumentation des uns et des autres. Rien ne nous
indique en effet qu'il y ait là un véritable antagonisme. Par ailleurs, cette "division",
si elle limite la consolidation d'un réseau communautaire régional, présente aussi
un côté positif: elle rapproche beaucoup les groupes, intensifie leurs échanges
directs et quotidiens ; permettant ainsi une meilleure coordination et une plus
grande solidarité. Cette solidarité peut aller jusqu'à des moments de fusion entre
les membres. On constitue alors une "gang d'ami(e)s" où tout le monde se connaît
et se fréquente sur le mode du "party de fin de semaine". Ces moments - à la fois
positifs et négatifs pour la vie du mouvement - n'ont de sens que dans un espace
local assez étroit. On peut comprendre alors que des personnes dont le lieu de
travail et d'appartenance sont à une demi-heure d'une autre lieu se voient
progressivement "en dehors du coup". Cette distance, assez minime par ailleurs,
a pu jouer dans la création de deux regroupements dans les Bois-Francs.
La dynamique communautaire est certes moins intense dans le territoire de
l'Érable que dans celui d'Arthabaska. Mais la comparaison reste délicate : on est
principalement dans un milieu agricole en difficulté dans le premier cas et en milieu
urbain (avec mobilité et une certaine croissance économique) dans le second. Les
enjeux principaux ne sont pas les mêmes. Dans le cas qui nous intéresse plus
directement - celui de l'Érable - on peut dire que dans le passé (et au présent
encore) "on se mobilise contre la fermeture de..." et le "on" comprend tant des
organisations de services que des associations industrielles et agricoles, tant des
syndicats que les représentants d'institutions (commissions scolaires, municipalités,
CLSC...). Pour l'essentiel, il s'agit de sortir d'une certaine "mentalité de village"
(avec les rivalités paralysantes qui l'accompagnaient) au profit d'une défense et
d'une possible revalorisation des ressources au niveau de la MRC.
Dans ce travail de "modernisation", l'action du CLSC de l'Érable est notable
et estimée par tous. Les organisateurs communautaires du CLSC en particulier ont
contribué au lancement de nombreux groupes communautaires en évitant avec
succès de créer ou de maintenir une dépendance à l'institution néfaste
généralement pour eux. On peut dire que les rapports entre tous les groupes, et,
entre eux et le CLSC, sont ouverts et faits d'estime mutuelle.
Cela était particulièrement vrai dans le passé récent alors que dans un
avenir proche, ces rapports seront plus "délicats". Les regroupements par secteur,
suscités par un financement de l'État "tatillon" ët bien différenciés, provoquent du
durcissement dans ces rapports et des négociations laborieuses et très coûteuses
en regard du peu de moyens dont ils disposent. Le membership peut en souffrir à
moyen terme : lorsque les offres viennent d'une technocratie, les citoyens ont une
. . 40
perception moins claire de leurs besoins prioritaires. Le partenariat, dans ce
contexte, s'avère plus difficile.
Nous terminerons cette partie sur le développement communautaire en
décrivant succinctement une expérience en santé mentale précisément qui
témoigne bien de l'existence d'un partenariat authentique et "efficace" entre le
CLSC de l'Érable et une ressource communautaire.
En 1986, quelques citoyens, préoccupés par le taux de suicide élevé sur le
territoire de la MRC de l'Érable, font appel à la collaboration d'un organisateur
communautaire pour leur prêter main forte. Suicid'aide ainsi constitué négocie par
la suite un protocole d'entente avec le CLSC. Afin d'éviter de doubler les services
et de rendre possible la réponse continue, ils s'entendent sur un partage de la ligne
téléphonique de l'établissement (les intervenants sociaux sur les jours et heures
d'ouverture des CLSC et les intervenants de Suicid'Aide sur toutes les périodes
restantes). De plus ces derniers recevront le support nécessaire d'un intervenant
social du CLSC.
-En 1992, lorsque la Régie octroiera une subvention à ce qui deviendra le
Réseau de Prévention Suicide des Bois^Francs inc., ce dernier sera bien consolidé
pour élargir la portée de son action. Le cordon sera coupé avec le CLSC, mais non
les collaborations entre intervenants qui font très souvent équipe dès que la
situation le demande. Le CLSC de l'Érable est heureux de cette collaboration. Il tire
gloire de cette réussite. Certains intervenants communautaires se demandent
cependant s'il pourra facilement garder, dans l'avenir, sa philosophie de
collaboration égalitaire, sa connaissance et sa présence directe au milieu.
41
2.3 L'élaboration du PRISME
Nous montrerons ici qu'un intérêt particulier pour la santé mentale s'est
manifesté assez tôt et avec constance au CLSC de L'Érable. Quelques employés
ont progressivement développé des compétences en la matière et le CLSC était
tout à fiait prêt à proposer un programme articulé dès que l'opportunité en fut offerte
par la Régie Régionale.
L'intérêt du CLSC de l'Érable pour la santé mentale s'est manifesté assez
tôt, semble-t-il. Ainsi un programme de sensibilisation intitulé "C'est pas grave, rien
que vos nerfs..." est mis en oeuvre en 1982. Un autre intitulé "Quand je file un
mauvais coton" le suivra en 1987. L'année précédente il participait à l'opération
"Prévention suicide" et initiait le réseau Suicid-Aide selon la démarche décrite au
point précédent.
Par ailleurs, au printemps 1997, lors même de la sortie du Rapport Brunet,
la Table des DG dégageait trois (3) ou quatre (4) priorités (nos données ne sont
pas concordantes) pour fins d'études. La santé mentale en était une. Il serait plus
juste cependant de parler de "maladies mentales" car les commandes passées à
un comité restreint d'intervenants désignaient les "états dépressifs" et le burn-out
comme objets d'investigation16. Le comité présentera quatre documents à la Table
des DG. Quoique utilisant déjà le vocabulaire et la théorisation générale proposée
par le CSMQ (1985), les travaux restent hésitants (selon moi) entre une description
épidémiologique des "états dépressifs" et diverses données sur l'ampleur des
troubles mentaux. Les données comparatives entre les territoires Suzor-Coté—de
En plus de deux personnes provenant du DSC de l'Hôpital Ste-Croix, le comité comprenait des intervenants reconnus déjà dans leur milieu respectif comme ayant un intérêt, voire une tâche officielle, pour les problèmes de santé mentale. Les deux CLSC avaient chacun un représentant ainsi que le CH d* Artabaska et le CSS-Centre du Québec (voir Comité en santé mentale de la Table des D.G.(1988 -1990)
42
l'Érable, la région-04 et l'ensemble du Québec sont trop disparates pour révéler
quelques traits saillants que ce soit qui seraient propres aux premiers. Il en va de
même pour la connaissance du système, de soins et de services ainsi que pour la
perception qu'ont les intervenants des problèmes rencontrés par les gens vivant de
tels états et des interventions possibles. Sur tous ces thèmes, les documents
redisent et recommandent pour l'essentiel ce que le Rapport Harnois avait publié
un an plus tôt.
Ces recommandations seront néanmoins suivies d'une étude de faisabilité
confiée en 1990 à la firme Girard, Roy et Associés inc. Je n'ai pu prendre
connaissance de cette étude, mais seulement des réactions du Comité restreint ;
réactions destinées à la Table des DG. Huit activités y sont détaillées. La principale
vise la création d'équipes multidisciplinaires d'intervention curative en santé
mentale dans chacun des CLSC au coût de deux millions et demi sur cinq ans. À
ma connaissance, ces recommandations ont été sans suite directe. Néanmoins,
cette expérience aura au moins pour résultats de :
^ Renforcer une certaine idée à l'effet que l'ampleur des troubles mentaux et
de leurs diverses conséquences était forte pour les territoires Suzor-Coté et
dë l'Érable ; voire même plus importante que dans le reste du Québec ;
^ Faire apparaître un manque flagrant de ressources légères pour faire face
aux états dépressifs17 ;
On renforce ici l'idée d'une inégalité - jugée injustifiable par beaucoup - entre la grande majorité des services psychiatriques destinés aux deux pour cent de la population dit "cas lourds" et le peu de ressources dites légères affectées à là fois à la prévention, au traitement et à la réinsertion sociale de tous les autres cas.
4 3
^ D'acculturer les DG et de former quelques intervenants aux nuances des
discours psychiatriques récents ainsi qu'aux orientations et aux cadres
précis mis de l'avant, cette année-là même, par la politique de santé mentale
(MESSS, 1989). C'est le début d'une compréhension minimale commune et
"moderne" des problématiques en santé mentale ; compréhension partagée
ici par une bonne dizaine dè personnes clés dans lé domaine.
Par ailleurs, et parallèlement à la démarche précédente, le CLSC de
l'Érable, à la demande de son directeur général, formait un comité de trois
intervenants afin "de dresser un tableau des problèmes de santé mentale les
plus fréquemment rencontrés sur le territoire" (Belle-Isle, Bergeron,
Dussault, 1989, :4). Le rapport présente d'abord un relevé méticuleux de la
prévalence des troubles psychosomatiques et des troubles mentaux à partir
d'une compilation des diagnostics apposés à la clinique externe du CLSC
durant trois ans (1986-1989). Dans les vingt pages qui suivent et clôturent
le document, les auteurs insistent sur le fait qu'au-delà des Rapports
Harnois et Brunet et de la Politique de santé mentale:
"deux grands courants de pensées se sont profilés à l'intérieur des CLSC qui sans toutefois s'affronter sont devenus des antagonistes. Ces deux tangentes sont mieux connues sous l'appellation de "la position des durs" et la "position des purs" (Belle-Isle, Bergeron, Dussault, 1989, :175)n18
Le CLSC de l'Érable devra prendre position, disént-ils, et plusieurs passages
de leur texte argumentent clairement en faveur de la "position des durs". Ils
Les "durs" défendent l'idée de la réinsertion sociale des ex-psychiatrisés et de l'intervention en situation de crise pour contrer le "syndrome de la porte tournante. Les "purs" soutiennent que la promotion et la prévention de la santé mentale sont prioritaires dans la mission des CLSC.
4 4
s'appuient sur l'approche bio-psycho-sociale et sur différents documents
ministériels en matière de distribution de services pour dire que :
"L'ensemble de ces constats nous a obligé à jeter un regard critique sur ce qui se fait à l'intérieur du CLSC de l'Érable en matière de santé mentale et surtout à questionner notre propre culture organisa-tionnelle" (id. :183)
Leurs recommandations et conclusion sont "claires et nettes" comme on dit.
Nous nous permettons de les mettre en annexe (6) de ce rapport car elles seront
reprises ultérieurement dans mes analyses.
Les effets des deux études précédentes (Suzor-Coté—de l'Érable et de
l'Érable seul) ne sont pas faciles à établir avec certitude ; les acteurs impliqués n'en
ayant que des souvenirs vagues. Tous admettent cependant, que peu de choses
ont été initiées en matière de santé mentale de la fin de l'année 90 au milieu de
l'année 92.
Sous. réserve d'erreur de notre part, la conjonction de trois facteurs
expliquerait ce statu quo:
^ Le dossier "santé mentale" est dans cette période l'affaire de la Régie
régionale qui poursuit activement la confection du PROS ; les acteurs locaux
sont "en attente" ;
% Dans les deux cas les rapports ont été "tablettés" en attendant que des
argents neufs soient éventuellement disponibles ;
^ Des divergences et tiraillements persistent quant à la portée de l'intervention
des CLSC en santé mentale. La position des "purs" reste prédominante pour
la majorité des acteurs ; soit qu'ils en défendent le bien-fondé, soit qu'ils la
4 5
tiennent simplement pour plus "réaliste". Seul le groupe "Belle-lsle-
Bergeron-Dussault" (si je peux me permettre) soutient la "position dés durs",
supporté en cela, il faut le dire, par quelques autres intervenants qui "y
croient" mais "attendent" les résultats du PROS.
Un effet indirect; mais important pour la suite, de ces deux études est d'avoir
solidifié un duo d'intervenants qui amorcera, lentement mais sûrement, un réseau
d'intervention plus large dont nous dirons l'importance plus loin. Le duo, formé du
Dr Pierre Belle-lsle (omnipraticien) et de Mme Nicole Dussault (agente de relations
humaines), possède des caractéristiques intéressantes, très favorables à un
partenariat élargi. Ainsi:
Chacun d'eux, dans ses expériences professionnelles passées, a été
régulièrement exposé à des cas de santé mentale. Leur motivation pour ce
secteur d'action est confirmée. Les processus d'apprentissage, nécessaires
à une pratique spécialisée, peuvent alors être activés dans l'action elle-
même ;
Les deux intervenants se formeront "sur le tas" en maintenant tout à fait à
jour et ensemble deux ordres de connaissances souvent disjoints: celles qui
ont trait aux troubles de la santé mentale (savoirs psychiatriques) et celles
qui relèvent du système de distribution de services et d'organisation des
pratiques19. Cela leur permettra d'approfondir une approche bio-psycho-
Ces derniers savoirs ont à la fois pour objet les cadres (frames) intellectuels qui construisent une vision d'ensemble de la réalité sur laquelle tous travailleront et les problèmes et moyens d'organisation des services. Ces savoirs nouveaux étaient formulés dès 1985 par le Comité de la santé mentale du Québec, ils seront repris par le Rapport Harnois pour constituer finalement l'ossature de la Politique de santé mentale. Ces savoirs, plus récents que les recherches et les théories psychiatriques contemporaines, sont cependant aussi importants que ces dernières dès qu'on vise la
(à suivre...)
4 6
sociale qu'ils utiliseront, entre autres, comme guide pratique adapté à
chacun des troubles mentaux à l'étude (voir chap. Il de Belle-Isle, Bergeron,
Dussault, 1989) ;
% Les deux univers - médical et psychosocial - composant toute action de type
CLSC sont ici présents en complémentarité ; les deux intervenants ayant eu
l'occasion, dans leur travail antérieur respectif, d'établir des échanges
mutuellement satisfaisants.
L'intérêt principal du duo n'est pas dans les bienfaits d'une collaboration
entre deux intervenants comme individus mais bien plus dans le fait de servir
d'interface entre deux univers étrangers et traditionnellement assez méfiants l'un
de l'autre. Les deux univers ici sont plus précisément celui des médecins
généralistes locaux (qui reconnaissent volontiers au Dr Belle-Isle un intérêt et une
expertise générale notable en matière de santé mentale) et des intervenants
sociaux et communautaires (M™ Dussault connaissant une notoriété
professionnelle auprès d'une certaine partie de ses collèges dit "psychosociaux"
et surtout d'une forte reconnaissance de la part de la grande majorité des
intervenants communautaires)20.
Ce que nous venons de décrire depuis le début de ce chapitre permet de
comprendre la teneur du dossier PRISME qui sera présenté par le CLSC de
19(...suite) mise au point de programmes d'intervention efficaces. Ces deux types de savoirs ne sont pas toujours convergents ("technocratiques" ou "spécialistes bornés" entend-on souvent).
20
Les entrevues à notre disposition (celles de ces deux intervenants comme celles des autres acteurs) fourmillent de données appuyant ce qui est avancé ici, tant à ce qui a trait aux expériences et aux compétences des personnes qu'à la crédibilité qui est la leur dans divers milieux. Leur nombre ainsi que leur caractère dispersé et personnel nous empêchent de les décrire systématiquement.
4 7
l'Érable à la Régie régionale comme proposition d'actualisation des services de
base définis dans le PROS. Il fait la preuve d'une continuité d'intérêt et de pratique
du CLSC pour la santé mentale, son argumentation reprend l'essentiel des études
précédentes en les centrant sur les "troubles majeurs" et les objectifs proposés de
l'équipe se justifient par l'approche bio-psycho-sociale et sont opérationnalisés en
lien avec l'ensemble des services existants.
En arrêtant son choix sur le projet présenté par le CLSC de l'Érable, la Régie
régionale demande à celui-ci un complément d'information qui donnera lieu de sa
part à un second dossier plus étoffé encore que le premier. Une comparaison entre
les deux textes nous indique que:
^ On insiste plusieurs fois et fortement dans le second document sur le fait
que l'équipe de base ne sera pas une alternative mais un complément aux
services en place (qu'ils soient institutionnels, privés ou communautaires);
^ On y parle de "santé mentale communautaire" et on qualifie pour la première
fois l'équipe de base "d'équipe-terrain" dont l'objectif principal sera le
maintien dans le milieu de vie naturel" (Moisan, Dussault, 1992, :8) ;
^ On offre des garanties quant aux critères d'efficacité avancés par le Comité
de la santé mentale du Québec (respect de la médication appropriée,
intervention de crise et visites dans les milieux de vie, continuité des
services à long terme (PSI)... ;
% On priorise les clientèles avec plus de précisions ;
On détaille toutes les activités principales prévues en prenant soin de les
situer par rapport aux autres services disponibles sur le territoire ;
4 8
^ Pour ces deux derniers points en particulier le texte se tient très prêt des
termes et des balises du PROS.
De plus, le second document présente 10 annexes qui sont autant de lettres
d'appui d'établissements, de groupes communautaires, d'"autorités médicales" et
de la Table des DG. Il fout faire la preuve ici d'un maillage possible et d'une bonne
dynamique de collaboration dans le territoire. La Régie reconnaîtra publiquement
l'existence d'une telle dynamique. Le PRISME, lui, parlera plus volontiers de
partenariat et il en fera sa "marque de commerce" dès son ouverture.
Le mot partenariat est certes acceptable et sensé ici. Mais i| me faut
maintenant le caractériser, le nuancer ou plus justement en saisir les ressorts en
y distinguant les points forts et les points faibles. C'est là l'objet du chapitre
prochain où, pour ce faire, nous allons requestionner et établir des liens entre
certaines données déjà présentées en partie et d'autres provenant d'observations
directes et des réponses au questionnaire.
CHAPITRE III
UN PARTENARIAT DE BON ALOI
Dans ce chapitre nous verrons que derrière les appuis officiels (3.1), un esprit
certain de partenariat (3.2) préside bien aux relations entre les intervenants en santé
mentale. Ce partenariat est supporté par des échanges hiérarchiques actifs et de solides
réseaux d'intervenants (3.3). Les engagements y sont néanmoins réservés (3.4) et ce
partenariat reste encore fragile (3.5).
3.1 Les appuis officiels
On peut partir des lettres d'appui annoncées à la fin du chapitre précédent.
Elles illustrent assez bien la nature générale du partenariat en cause.
Ces lettres qui respectent les usages protocolaires en la matière, ne disent
pas toujours précisément les attitudes de fond de ceux qui les émettent. Il faut,
comme on dit, lire un peu entre les lignes. Mais soyons clair au départ: les appuis
qu'elles expriment sont tout à fait authentiques, mes entrevues ne laissant aucun
doute à cet égard. Mais les détails indiquent, si on peut dire, l'intensité de cet
appui. Ainsi les lettres en provenance de HDA et de l'Hôpital St-Julien avancent
l'idée de prêts de service. Mais ceux-ci restent bien hypothétiques et, au
demeurant fort modestes. La lettre de HDA s'inquiète d'une éventuelle duplication
de services et plusieurs autres lettres insistent sur l'assurance reçue d'un travail en
étroite collaboration avec tous les intervenants du milieu21 Cette idée de
21
À noter que la plupart des lettres ont été écrites suite à une réunion d'information sur le projet d'implantation du PRISME. Cela explique une certaine similitude de vocabulaire et l'insistance de tous sur la collaboration. Le compte rendu de cette réunion mentionne en effet que "Le consensus est clair tous s'entendent pour appuyer
(à suivre...)
50
collaboration entre tous est presque obsessive ; un peu comme si elle ne pouvait
aller de soit qu'il faut toujours en exiger d'autrui des preuves publiques et que... "le
PRISME se le tienne pour dit !".
Plus intéressant encore pour comprendre les nuances de ce partenariat est
la résolution de support et d'appui de la Table des DG. Elle est proposée par M. R.
Desrochers, directeur du CLSC Suzor-Coté alors même que l'approche de ce
CLSC, quant aux équipes de base en santé mentale, est différente et opposée à
celle du PRISME. Cette opposition est notoire et pleinement ouverte. Son
représentant peut cependant soutenir, en toute franchise, une position adverse
dans la mesure où :
^ Le projet du PRISME est solidement bâti, avec des personnes compétentes
et un cadre organisationnel fiable ;
^ Les autres DG lui aocordent leur appui ;
^ Une ressource de plus dans la région Suzor-Coté—de l'Érable est en soi
une "bonne affaire", aux retombées secondaires positives pour tous.
C'est une illustration exemplaire d'une attitude partenariale: un acteur n'a
pas la même vision d'un problème ou d'une pratique donnée qu'un autre mais il
supporte minimalement l'intérêt de cet autre en s'interdisant d'y faire obstacle alors
qu'il pourrait pratiquement et légitimement le foire.
21(...suite) le projet et des lettres précisant la volonté de chacun des organismes de collaborer, dans un esprit de complémentarité et de partenariat, seront acheminées au bureau du directeur général..."(annexe 11 de Moisan, Dussault, 1992). Font exceptions à ce mouvement les lettres des directeurs d'établissements ainsi que celle du Dr. Parenteau, chef de département de psychiatrie de HDA (celle-ci étant la plus personnalisée et la plus engageante de toutes).
51
On pourra toujours dire qu'une telle attitude est très intéressée: "je te
soutiens aujourd'hui... tu me soutiendras la prochaine fois". Le retour de
l'ascenseur, comme on dit. Il est important d'admettre ce fait incontournable: le
partenariat n'est pas un geste gratuit ou la manifestation d'une identité - d'une
fusion - psychologique ou culturelle commune. C'est un type de rapport (parmi
d'autres possibles) où chacun y retrouve un intérêt bien pensé. Mais cela n'est pas
possible sur la simple volonté d'un acteur. Il faut qu'existent au moins quelques
conditions objectives qui incitent tous et chacun à s'engager dans le partenariat22.
Les conditions objectives sont détaillées plus loin et par la suite la force des
engagements sera appréciée au plus juste. Mais au préalable on va s'assurer que
ce partenariat existe bel et bien de façon généralisée.
3.2 Un partenariat certain
Deux types de preuves complémentaires nous permettent de dire qu'un
partenariat existe bel et bien en santé mentale en général et autour du PRISME en
particulier. La première relève de la manière avec laquelle les acteurs parlent les
uns des autres et la seconde des attitudes mutuelles révélées par les réponses au
questionnaire.
3.2.1 Des perceptions sans préjugés
La manière avec laquelle les acteurs parlent les uns des autres a été
analysée (1) dans les nombreuses parties des entrevues où de telles opinions
étaient émises et surtout (2) observées dans les séances de deux jours du Comité
d'actualisation de zone.
Les conditions objectives sont nécessaires mais jamais suffisantes. Ce ne sont que de bonnes raisons et non des causes mécaniques. L'engagement nécessaire lui aussi, reste fondamentalement une activité libre de l'acteur qui peut toujours en sortir ou s'y investir plus ou moins puissamment.
52
Les entrevues comme les discussions en comité manifestent de la part de
chacun une connaissance nuancée non seulement des problèmes de son travail,
de son service ou de son organisation mais aussi de la situation et des difficultés
propres aux autres acteurs. La connaissance des autres (comme acteurs impliqués
en santé mentale) est assez "réaliste" et juste, exempte des préjugés traditionnels
qui peuplent bien souvent nos univers de travail.
Les discussions en comité étaient à la fois très animées et particulièrement
vives, surtout que le Comité approchait des échéances qui lui étaient fixées et qu'il
se devait de faire ses recommandations. Malgré l'urgence d'en finir, les problèmes
qui suscitaient des divergences n'étaient cependant pas évacués. Un temps
d'examen raisonnable y était consacré et la conclusion faisait l'objet de transactions
assez âprement discutées. Vu de l'extérieur, il semble bien que ces négociations
étaient plutôt du type "gagnant-gagnant"23, qu'on prenait soin d'explorer diverses
alternatives et que les décisions finales étaient véritablement des compromis dont
le contenu et ses implications étaient "lucidement" admis par tous.
Un autre point était remarquable. Les temps de parole laissés à chacun,
sans être égaux, n'étaient cependant pas dépendants des statuts des uns et des
autres. Les interventions se répondaient la plupart du temps et indiquaient une
compréhension assez juste de ce qui avait été dit préalablement. Par ailleurs tout
en respectant d'assez près son ordre du jour, les procédures étaient très peu
contraignantes indiquant bien par là, une confiance du groupe dans sa propre
démarche. Les membres se connaissent assez pour ne pas avoir besoin
d'instaurer la procédure en mesure de sécurité. Un tel "relâchement" des
La relecture de nos notes indique cependant trois moments, assez courts, où les débats étaient plus durs et où la décision indiquait nettement un vàinqueur. Il nous a semblé cependant qu'il s'agissait plus d'un rééquilibrage des pouvoirs que d'une victoire décisive d'un acteur sur un autre.
53
procédures permet une exploration plus large des problèmes et une expression
individuelle moins autocensurée.
L'absence de préjugés - d'évidences assénées ou de réponses toutes faites
- était tout à fait caractéristique des discussions du Comité. On peut en imputer la
raison (1) au fait du petit nombre de personnes, (2) de personnes qui d'une manière
ou d'une autre devront de toute façon continuer à collaborer, et (3) de personnes
qui ont toutes, d'une certaine manière, des fonctions de leadership (avec le fair play
et la politesse raffinée qu'exige cette fonction). Mais cette absence de préjugés
s'est confirmée dans toutes les entrevues. Il y a bien sûr fréquemment des
jugements négatifs sur la conduite d'un autre. Mais ces jugements sont documentés
et justifiés, si on peut dire. Ils expriment un autre point de vue, sur un objet assez
circonscrit souvent, et non une affirmation globale sur la personnalité même du
sujet. Sans pour autant que les personnes se perçoivent toutes positivement (loin
de là dans certains cas), il n'a pas de perception extrémiste et systématiquement
déqualifiante des autres. L'interviewé accompagne souvent son jugement négatif,
lorsque c'est le cas, d'une tentative d'explication qui réfère à la situation de l'autre
et non à sa personne.
Reste néanmoins, dans quelques cas, des traces de préjugés tenaces, en
particulier entre "l'hospitalier" et "le CLSC". On entretient l'idée de deux cultures
incompatibles. Le premier dit que le second ne fait que réfléchir et remplir des
dossiers, sans vraiment agir. Le second accuse le premier de garder absolument
l'argent, les patients et le statu quo... "derrière leurs beaux discours du service aux
clients". Ces accusations nous ont paru parfois plus un "baroud d'honneur" ritualisé
qu'une attaque bien pensée et calculée. Empêchent-elles le partenariat ?
Probablement pas. Mais elles peuvent soutenir certains obstacles ainsi qu'on le
verra plus loin (3.5.2).
54
3.2.2 Des perceptions globalement positives
Cette faible activation des préjugés était si étonnante que nous nous
sommes demandés parfois si les interviewés n'étaient pas restés complètement sur
leur réserve en s'adressant à nous. La réécoute de quelques extraits, à l'occasion,
nous indique le contraire. Et c'est ce que nous confirment les réponses, tout à fait
anonymes elles, au questionnaire conçu à cet effet.
Dans les pages qui suivent, nous allons argumenter à partir des réponses à ce questionnaire afin de montrer le caractère vraisemblable des affirmations suivantes:
1. En santé mentale, dans la région Suzor-Coté—de l'Érable, les intervenants
se perçoivent mutuellement de façon assez positive tant dans leurs
compétences, que dans leur collaboration et leur esprit de partenariat et de
concertation ;
2. Certains intervenants (les professionnels non médicaux ispécialisés en
psychiatrie et les permanents des groupes communautaires) sont perçus
plus positivement et unanimement pariensemble que d'autres (généralistes
ou omnipraticiens en particulier), mais les marges sont peu significatives ;
3. Il n'y a pas d'intervenants qui se perçoivent très très positivement et qui en
perçoivent d'autres très très négativement. Dit autrement, les appréciations
mutuelles ne se répartissent nullement selon "les bons" et "les mauvais".
Les appartenances institutionnelles ou professionnelles rie créent pas de
clivage du type "nous" / "les autres".
Les argumentations que nous allons développer peuvent être un peu
laborieuses à suivre. Elles ne sont pas indispensables pour la suite du texte et si
55
le lecteur veut bien accorder quelques crédits aux affirmations que nous en tirons,
il peut reprendre sa lecture au point 3.3.
Généralement, on peut dire d'abord que les intervenants ne sont pas jugés
très différentiellement selon les huit (8) compétences retenues pour caractériser
ses activités ou ses fonctions en santé mentale. S'il est jugé bon, il est jugé assez
également bon en tout. Même chose pour les jugements négatifs. Les
représentations restent très globalisées et compactes, un peu comme si on ne
pouvait se juger les uns et les autres à la fois très fort sur un point et très faible sur
un autre.
Il y a cependant des nuances qui expriment, d'une certaine manière, des
différences de culture organisationnelle. Ainsi, 1/4 des réponses en provenance du
communautaire marque un écart sur une seule compétence et quelques écarts
seulement sur deux compétences ou plus24. Les réponses en provenance des
CLSC sont plus "extrémisantes" : près de la moitié marque un écart sur une
compétence et un peu plus du quart un écart sur deux compétences. C'est tout le
contraire pour les réponses en provenance des établissements : très peu d'écarts
sur une compétence et pratiquement aucune sur deux:
Un écart signifie ici que l'opinion d'un répondant, sur les huit (8) compétences, en présente au moins deux non contiguës sur l'échelle +2 +1 -1 -2. Un écart sera compté si une compétence est cochée +2 et une autre -1 ou encore +1 et -2, (+2 et -2 ne s'étant présenté aucune fois). Nous.avons choisi une échelle sans point neutre (0) au centre pour "forcer" les intervenants à plutôt prendre position alors qu'ils auraient tendance, dit-on parfois, à se cantonner souvent dans la neutralité. Expérience faite, notre échelle aurait dû alors avoir six (6) positions et non quatre (4). Car avec moins de choix, les répondants ont pu vouloir éviter les extrêmes et se sont donc trouvé à "balancer" entre -1 et +1, une manière comme une autre ici de ne pas trop prendre position.
56
Il y â plusieurs interprétations possibles aux deux remarques précédentes,
mais les hypothèses seraient totalement impossibles à traiter par le matériel à notre
disposition. Nous préférons donc n'en tirer aucun enseignement.
Un point important par contre est très évident: la très grande majorité des
opinions sont légèrement positives. Pour comprendre la portée de ce résultat, il faut
bien voir que chaque opinion (celle du psychiatre sur le bénévole par exemple)
pouvait aller de -16 à +1625. Une opinion "0" peut signifier soit (A) que 4
compétences ont été jugées très négatives (-2) et que 4 autres l'ont été très
positivement (+2), soit (B) que 4 compétences ont été jugées un peu négatives (-1 )
et 4 autres un peu positives (+1), soit encore (C) une combinaison intermédiaire de
type, par exemple, 3 très négatives, 4 un peu positives et une très positive.
Or si l'on se rappelle l'observation faite plus haut sur l'absence d'écart
extrême, cela signifie que l'alternative (A) est pratiquement absente et que
l'alternative (C) est peu présente. L'alternative (B) est, de loin, majoritaire. Dit
autrement, les opinions vont se distribuer au centre et une opinion légèrement
positive (+2 ou +4) signifie qu'elle est composée très souvent de cinq (5) ou six (6)
jugements positifs à +1 pour trois (3) ou deux (2) jugements négatifs à t1. (Une
opinion assez positive totaliserait de +8 à +12 et une opinion très positive +14 ou
+16).
Si nous tenons compte du fait que nous disposons d'un total de 30 réponses,
nous dirons que le score reçu par chaque intervenant peut se situer entre - 480
(-16X30) à + 480 (+16X30). Ces deux chiffres extrêmes nous permettent de situer
les intervenants les uns par rapport aux autres.
Ce calcul s'obtient en donnant +2 à "tout à fait d'accord", +1 à "en accord", -1 à "en désaccord", -2 à "tout à fait en désaccord". Cette échelle s'applique à 8 items ou compétences pour chaque opinion. Les deux extrêmes sont donc =16 (+2 X 8) et -16 (-2X8).
57
Appréciations des compétences par intervenant
tes professionnels non médicaux spécialisés en psychiatrie : +226 (dif=15)
les intervenants permanents communautaires : +212 (dif=50)
les psychiatres : +162 (dif=87)
les bénévoles : +129 (dif=10)
les travailleurs sociaux non spécialisés en psychiatrie +106 (dif=50)
les psychologues non spécialisés en psychiatrie : +90 (dif=30)
les infirmières non spécialisées en psychiatrie : +29 (dif=66)
les généralistes ou omnipraticiens : +16 (dif=59)
(les données dif= seront utilisées plus loin)
Nous constaterons d'abord qu'aucun intervenant n'est jugé négativement.
Cela ne signifie pas évidemment qu'il n'ait reçu aucune appréciation négative forte
(-2) ou faible (-1). Cela signifie qu'au total il récolte un peu ou beaucoup plus
d'appréciations positives que négatives. Avoir +16 à notre questionnaire pourrait
s'écrire "pas pire ou acceptable, qui répond au minimum". Avoir +225 peut signifier
quelque chose comme "être très apprécié, se voir reconnaître au moins cinq fois
plus de points forts que de points faibles".
Mais ces chiffres hiérarchisent plus qu'ils n'évaluent. Les mêmes données
traduites dans une représentation visuelle du type sociogramme est plus parlante.
58
Faiblement positives
Assez positives
Très positives
Appréciations négatives
Figure 2: Sociogramme des appréciations entre intervenants
59
De ce sociogramme (et des autres données non présentes pour éviter son
alourdissement), nous tirons principalement trois observations.
L'essentiel est d'abord dans l'existence d'un trio qui se dégage nettement par
ses appréciations positives réciproques allant de fortes à très fortes. Il unit, autour
des professionnels non médicaux spécialisés en psychiatrie, les psychiatres et les
intervenants permanents communautaires. S'y ajoutent secondairement les
bénévoles qui reçoivent également des trois premiers une appréciation positive.
En second lieu les appréciations entre la plupart des autres intervenants,
non représentés dans l'organigramme, sont positives bien sûr mais elles se
distribuent au hasard, sans donner lieu à quelque réseau significatif que ce soit.
On retiendra en troisième lieu les appréciations négatives. Sur le grand total
leur nombre est faible et leur distribution ne donne aucunement lieu à un sous
réseau qui serait mis en marge de l'ensemble. Ainsi les infirmières non spécialisées
reçoivent des appréciations négatives des psychiatres et du communautaire mais
qui sont partiellement compensées par celles émises très positivement par les
professionnels non médicaux spécialisés en psychiatrie. Par ailleurs les
généralistes ou omnipraticiens reçoivent des appréciations négatives des
travailleurs sociaux non spécialisés en psychiatrie et du communautaire surtout
mais elles sont partiellement compensées par les appréciations positives des
psychiatres entre autres.
En réponse à la question neuf (9) sur la collaboration et les échanges avec
treize ressources, on peut dire que tous les intervenants - à l'exception des gens
du communautaire - estiment cette collaboration plus que satisfaisante. Pour le
communautaire, les insatisfactions ont rapport quelque peu avec les urgences
hospitalières, mais surtout avec les groupes de défense des droits et les groupes
autopsy ; ces deux dernières ressources faisant l'objet, elles aussi, d'une
6 0
insatisfaction mitigée de tous les intervenants. Par ailleurs aucune ressource
n'obtient vraiment un score maximum ; même pas des intervenants qui en sont les
"propriétaires" si on peut dire. Cela manifeste de la part de tous un sens critique et
réaliste, prédisposant chacun à reconnaître un minimum de valeur aux autres et
des limites à ses propres prétentions.
Les réponses à la question dix (10) confirment tout à fait les données
précédentes. A l'effet de savoir qui a un meilleur esprit de partenariat et de
concertation ainsi qu'une meilleure qualité de travail - et inversement l'esprit et la
qualité les plus faibles - aucun des intervenants n'obtient jamais plus de 1/3 des
choix exprimés. On pourrait penser que les individus se choisissent positivement
ou négativement selon leur groupe institutionnel ou professionnel d'appartenance.
La distribution des données selon ces sous-groupes confirme une-part assez
normale de cette tendance (on reconnaît plus de valeur "aux siens" qu'"aux autres")
mais le spectre est assez large et on voit du "bon" et du "moins bon" un peu
partout.
Par ailleurs, dans ce concours, ceux qui récoltent le plus de choix positifs
sont ici aussi les professionnels non médicaux spécialisés en psychiatrie et les
intervenants permanents des groupes communautaires ; les choix négatifs allant
aux infirmières non spécialisées et aux généralistes. Quant aux réponses à la
dernière question, elles s'avèrent malheureusement peu fiables par rapport à l'objet
estimé (le besoin de formation au partenariat) et nous n'en tiendront donc pas
compte dans nos interprétations26.
Quatre répondants ont en effet dit que les médecins et les psychiatres recevaient déjà des budgets pour la formation et qu'ils les excluaient de leurs réponses. Et surtout les répondants ont vraiment fait leurs choix à partir de considérations différentes sans un même rapport à l'objet mesuré. Ainsi le plus typique en est que les généralistesTsont le plus souvent proposés comme ceux à qui on devrait payèr de la formation, alors que les infirmières non spécialisées (dont les scores sur les autres questions sont toujours
(à suivre...)
61
Reste un type de données important: la plus ou moins grande unanimité ou
pas qui caractérise la totalité des appréciations émises à l'égard d'un intervenant.
La notation "dif^" dans le tableau précédent en est l'indice27. Un plus petit chiffre
signifie une plus grande unanimité et un chiffre plus élevé des opinions nettement
plus divergentes selon que les répondants sont du communautaire ou des CLSC
ou des établissements hospitaliers.
Ainsi les deux premiers qui récoltent le plus de choix positifs les reçoivent
avec unanimité, si on peut dire. La divergence la plus grande, par contre (dif=87),
se rapporte aux psychiatres qui arrivent cependant en troisième place. Les
psychiatres "divisent l'opinion" si on peut dire. Les établissements hospitaliers,
toutes professions confondues, les apprécient beaucoup (+89 pour 9 répondants);
les permanents communautaires un peu (+8 pour 7 répondants) tandis que les
travailleurs sociaux non spécialisés en psychiatrie des CLSC les déprécient
quelque peu (-4 pour 4 répondants). Mais à y bien regarder, les chiffres sont à
prendre avec des pincettes lorsqu'on a d'aussi petits nombres. Ainsi le total de -4
contient à la fois un -10 et un +8 (avec en plus -2 et 0).
À la vue de cet écart, nous sommes retournés aux entrevues faites auprès
de ces deux répondants. Nous avons constaté que la personne qui a mis -10
n'indiquait aucune activité de travail qui l'ait mis en contact avec des services
26(...suite) proches de celui des généralistes) sont ici désignées comme celles à qui on en donnerait peu. Ce n'est pas le besoin de formation qui a servi ici de critère mais l'opportunité pratique.
27
Nous avons repérer les différences en classant les questionnaires selon les 4 types de répondant suivants: psychiatres, permanents communautaires, travailleurs sociaux non-spéciaiisés en psychiatrie et professionnels non médicaux spécialisés en psychiatrie. Nous les avons aussi classés selon trois appartenances institutionnelles: communautaire, CLSC, établissements hospitaliers. Les résultats entre les deux classifications sont sensiblement les mêmes. Nous présentons ici ceux fournis par le seconde classification.
62
psychiatriques alors que celle qui a mis +8 nous a parlé de deux contacts réussis
avec ces services. Cela nous a ramené à ce qu'on pourrait tenir pour une évidence:
il y a plus de chance d'avoir des perceptions positives des autres lorsqu'on est
entré en contact avec eux que lorsqu'on ne les connaît que de l'extérieur ou par
ouï-dire seulement.
C'est avec une telle idée que nous avons réinterprété certaines données du
questionnaire. Ainsi nous pensons que les appréciations les plus faibles obtenues
par les infirmières non spécialisées en psychiatrie et les généralistes (appréciations
assez divisées aussi) proviennent essentiellement de répondants qui ont eu peu
ou pas de contact professionnel avec eux. Dans ce cast ce sont des stéréotypes
plus globaux qui détermineraient les perceptions. De nombreuses autres données,
trop longues à présenter ici, autoriseraient une interprétation semblable.
Si bien que, d'une façon globale, la grandè majorité des appréciations sont
positives parce que la plupart des personnes rencontrées ont eu l'opportunité de »" -
collaborer effectivement. Ces contacts effectifs pourraient expliquer aussi en partie
pourquoi ces appréciations ne sont jamais "absolument" positives. Dit autrement
les intervenants en santé mentale, dans la région Suzor-Coté—de l'Érable ont
des perceptions réciproques globalement positives, mais nuancées et sans
ralliement ou coalition à partir des appartenances institutionnelles ou
professionnelles traditionnelles. C'est là le signe significatif d'un bon esprit de
partenariat dont il resterait encore à voir par quoi il est soutenu et avec quelle
intensité les intervenants s'y engagent.
Conditions favorables
3.3.1 La Table des DG
La Table des DG, en matière de santé mentale, avait ét a encore un
dynamisme de type proactif, et cela préalablement à la mise en chantier du PROS.
Un des facteurs relève d'un sentiment partagé chez les DG d'une grande distance
et d'une velléité "autoritaire" (selon leur perception) à l'égard de la Régie
régionale28. Une certaine solidarité de groupe favorable au partenariat
s'expliquerait par la présence d'un "adversaire" commun, réel ou supposé. C'est ici
un phénomène bien documenté en psychologie sociale.
Les coordonnateurs par ailleurs sont convaincus que cette Table des DG
tient compte et respecte, autant que foire se peut, les propositions qui viennent de
la base (en particulier dans le cas du Comité d'actualisation de zone). Ils sont
conscients des divergences possibles entre eux; divergences qu'ils estiment très
profondes dans certains dossiers. Néanmoins presque tous pensent qu'aucun ne
peut faire cavalier seul, que "c'est donnant-donnant" et donc que finalement un
certain équilibre des pouvoirs prédomine. Ils pensent alors que la Table fait bien
"front commun" lorsque cela est nécessaire.
Cette confiance des coordonnateurs à l'égard des DG comme groupe est
également bien perçue par ces derniers qui estiment dès lors que le travail des
comités composés de gens de terrain est un travail sérieux et que leurs résultats
doivent être pris sérieusement en compte. Deux permanents communautaires nous
ont dit aussi que les DG ont un sens et un respect du communautaire.
Cette relation de confiance mutuelle crée une synergie qui, nous devons le
dire, nous a quelque peu étonnés: nos observations dans d'autres sites ou d'autres
Nous tenons ces perceptions pour des données dans la mesure où mes entrevues sont très redondantes à ce sujet. Néanmoins, je n'ai pu vérifier leur "fond de vérité" si tant est que cela se vérifie. De plus je ne peux comparer cette situation à celle qui prévaut dans d'autres régions. Je ne peux donc affirmer que cette situation est tout à fait particulière à la Région Suzor-Coté—de l'Érable. Nous devons cependant dire que la force et la constance exprimées de cette "opposition" à la Régie ont à voir avec la dynamique de la Table. Néanmoins, pour nous, cette question reste difficile, dans la mesure où une part ce cette opposition nous est peut être adressée comme chercheur-messager; les DG sachant qu'un rapport s'en ira à la Régie.
6 4
secteurs de la santé et des services sociaux au Québec vont souvent en sens
contraire. Ceci dit, un rappel important est nécessaire: notre observation vaut pour
le domaine de la santé mentale, des années 1990 à 1996.
3.3.2 Connaissance et respect mutuels
La "densité" sociodémographique de la région Suzor-Coté—de l'Érable, au-
delà des différences dites plus haut (2.1.1) entre les deux sous-territoires, est
particulièrement favorable au partenariat. On peut dire en gros que tous les
individus, dans un temps relativement court de quelques années, peuvent se faire
connaître en dehors de leur organisation respective: leur intérêt, leur spécificité et
leur orientation professionnelle seront facilement reconnus par tout autre individu
impliqué dans le même secteur. Nous sommes ici loin de l'anonymat des moyens
et grands centres urbains où chaque professionnel (sauf exception) n'est connu
qu'au titre de représentant/officiel ou pas, de son organisation. Les luttes et les
préjugés interorganisationnels y sont plus forts que les individus dont l'action sera
jugée à l'aune de la réputation de son lieu de travail. Ici au contraire les
professionnels peuvent raisonnablement espérer faire connaître précisément leurs
positions et les discuter, les négocier avec d'autres en dehors des positions
officielles de leurs employeurs.
Ce fait n'est pas rare au Québec. Mais il me semble très fort ici : tous les
gens rencontrés connaissaient, avec détail et justesse, la carrière professionnelle
des autres. Cela était vrai entre gens appartenant au réseau institutionnel. Mais,
fait plus rare, cela était aussi vrai entre gens de ce réseau et ceux du
communautaire au sens large. Et il important ici de se rappeler ce que nous avons
dit plus haut du communautaire (2.2): il est ici un. acteur particulièrement
dynamique, bien établi qui a "de la profondeur dans l'équipe" comme on dit au
hockey.
6 5
Par ailleurs, le caractère beaucoup plus urbain que rural de l'ensemble de
la région, fait que ces mêmes individus ne sont pas insérés dans des réseaux
parentaux, amicaux et communautaires (au sens ancien) tels qu'ils ne pourraient
s'exprimer publiquement sous l'effet des contrôles sociaux de proximité. Les
professionnels peuvent ainsi foire connaître leurs positions sans prendre de risques
majeurs, sans subir la marginalisation ou l'exclusion. Les divergences peuvent être
dévoilées, explicitées et débattues ouvertement.
Cette situation d'équilibre (être assez proches pour se faire connaître/ assez
lointains pour ne pas être réprimés) favorise le partenariat. Ainsi, dans le cas
présent, deux avancées rassortent nettement.
D'abord l'opposition entre les deux façons de concevoir une équipe de base
en santé mentale (les "purs" et les "durs") a pu s'expliciter, l'une par rapport à
l'autre, en divers moments et lieux. (Un relevé de nos données sur ce point indique
cinq (5) occasions de débats). Le fait d'avoir pu élucider ces positions antagonistes
est, contrairement à ce qu'on pense parfois, favorable au partenariat car il permet
une transparence, des attentes plus claires et des prédictions plus justes sur la
conduite des autres. C'est "le respect mutuel"29.
En second lieu, la possibilité pour le PRISME de défendre la spécificité de
son orientation a eu pour effet, non pas de la durcir constamment, mais de la
préciser, de la négocier surtout et de fournir ainsi aux autres des gages de bonne
foi. Une lecture pointilliste de tous les documents produits par le PRISME indique
une constante dans des modifications qui sont autant d'adaptations à des attentes,
voire à des exigences, d'autres acteurs. Cela peut paraître paradoxal, mais il est
Un peu laconiquement on pourrait dire qu'une (petite) partie du succès de l'option du PRISME avancée par le CLSC de l'Érable est redevable à l'option adverse ouvertement défendue par le confrère le plus semblable, soit l'autre CLSC de la région.
fréquent que dans bien des situations, la liberté d'expression produit non pas un
accroissement d'"ëxtrémisme" mais bien plutôt un certain degré de normalisation.
Comme on dit "Ca va mieux, il devient parlable !". (On notera ici l'importance du
"cadre commun de compréhension" développé assez tôt à l'occasion d'activités de
recherche; voir ci-dessus 2.3.3 et 2.3.4)
3.3.3 Un noyau interface
Un troisième facteur objectif qui a favorisé le partenariat est l'existence
d'intervenants créant des ponts ou des interfaces entre la majorité des sous-
secteurs interpellés de fait par le PRISME. La figure 3 visualise ce réseau.
67
CLSC de l'Érable
3.3.4 Un programme "à la mode"
Un quatrième et dernier facteur favorable au partenariat est l'inscription
assez nette du PRISME dans le courant de la désinstitutionnalisation et de la non
institutionnalisation en santé mentale. Un programme qui vise à éviter la
psychiatrisation (quel qu'en soit sa qualité) attire positivement l'attention. Surtout
dans une région où "aller au 6e", ne serait-ce que pour un temps court - constitue
encore un stigmate assez fort30
On a dit plus haut aussi (2.3.5) à quel point le duo Belle-lsle-Dussault s'était
formé "sur le tas". Cela permettait au PRISME de tenir publiquement un discours
faisant référence aux savoirs cliniques et organisationnels en santé mentale des
plus officiel et à jour. Ces deux derniers faits signifient que le projet du PRISME ne
pouvait que socialement recevoir un bon accueil. Des réserves, voire une critique
de fond, étaient possible"ët ont effectivement été émises. Mais le poids de la
charge pèse sur ceux et celles qui les émettent et non sur le PRISME, dont les
objectifs sont des plus louables. Ces réserves et critiques ne pouvaient d'ailleurs
être faites que dans le monde circonscrit des intervenants et gestionnaires en santé
mentale. Cette situation favorise le partenariat autour du PRISME car une
opposition trop nettement marquée et répétée apparaîtrait à contre-courant.
3.4 Un partenariat réservé
Mais cette dernière incitation au partenariat laisse elle-même voir sa limite:
un engagement qui ne serait fait que pour éviter de perdre la face n'est pas très
profond; ce qui, soit dit en passant, n'est pas totalement négligeable. Les
"Aller au 6e" = faire un séjour dans les services psychiatriques de HDA. Le stigmate que laisse un tel séjour est aujourd'hui moindre que par le passé. Mais il reste quand même plus fort dans une région comme celle-ci que dans des centres urbains plus importants. "Ça se sait plus vite... jusqu'à ta job et à l'aide sociale".
6 9
paragraphes qui suivent vont tenter d'apprécier la force de l'implication
partenariale.
On peut dire que c'est le PRISME lui-même qui s'est engagé le plus dans le
partenariat. C'est avec fébrilité et ténacité - avec souplesse aussi on l'a vu - qu'il
a soigneusement recherché des contacts et des accords avec tous les acteurs
externes au CLSC de l'Érable. Il en va tout autrement dans ses relations avec les
acteurs internes. Certains diront que la PRISME n'a pas véritablement recherché
de rapports partenariaux avec ses collègues. Ce jugement peut se comprendre.
Mais la question des rapports entre individus ou unités de travail dans une même
organisation n'est pas, à proprement parler, un problème de partenariat mais de
coordination et de collaboration à l'institution (CLSC dans ce cas)31. La nuance est
essentielle "pour ne pas se tromper de problème" comme on dit, et la question sera
examinée dans le chapitre suivant sur la concertation.
En second lieu, ce sont les groupes communautaires qui, malgré leurs
maigres ressources en temps et en personnel, investissent dans la qualité de leurs
rapports avec le PRISME. On peut y voir, bien sûr, les fruits des bonnes relations,
passées et présentes, entre Mme Dussault et eux. Mais il faut y voir aussi une
certaine proximité idéologique quant à la non-institutionnalisation, voire à la
"dépsychiatrisation". Ils savent que les argents neufs mis dans le PRISME ne leur
Les partenaires, dans le discours commun du monde des affaires ou des services publics, sont des acteurs qui appartiennent à des organisations étrangères. Les acteurs dans une organisation ont des rapports qui sont construits par l'organisation et ne peuvent se comprendre qu'à l'intérieur d'une dynamique institutionnelle propre à l'organisation en cause. Cette différence dans la nature de ces rapports n'est pas facile à saisir surtout en ces derniers temps où les modes manegariales modernes tentent de briser le tissu organisatiorinel traditionnel pour transformer l'organisation en unités de service autonomes reliées entre elles comme sur un marché et faisant ainsi de chaque acteur non plus un employé mais un entrepreneur responsable au service de l'organisation. Beaucoup de luttes aujourd'hui dans nos milieux de travail sont provoquées par ces transformations. Les problèmes "de partenariat" du PRIME à l'interne en sont une bonne illustration.
7 0
reviendraient pas, tant les tâches de ce dernier sont essentiellement socio-
médicales. Ils pensent que les résultats de PRISME sont moins coûteux ques'ils
étaient assurés par des services psychiatriques. Ils estiment donc globalement
qu'un renforcement de ces services est souhaitable et que cela pourrait ultimement
permettre le transfert de ces petites économies pour supporter leur développement.
Dans la conjoncture actuelle, ils seront des alliés "naturels" de toute équipe de
base en santé mentale qui leur garantira la compréhension et le respect intégral de
leur spécificité. Les garanties à donner doivent aller au-delà des textes et des
discours. La bonne foi ne suffit pas. Elles doivent reposer sur des relations de
confiance antérieures et éprouvées dans des actions communes.
Quant aux ressources institutionnelles, leur engagement est ici d'une
implication matérielle ou financière très limitée. À l'exception de l'Hôpital Ste-
Thérèse, aucun acteur du réseau n'est directement pénalisé en terme de
ressources par l'existence du PRISME. Quelques passages d'entrevues
m'indiquent cependant qu'il en irait autrement si les établissements ou services
avaient à se départir de quelques-unes de leurs ressources au bénéfice du
PRISME.
Il y a bien quelques nuances ici et là entre acteurs. Les travailleurs sociaux
de HDA, les plus (vaguement) menacés au départ, admettent que quelques
ressources pourrait, en théorie, être redistribuées autrement. Mais au bénéfice de
quj et comment, ce n'est pas clair pour eux. Ils savent de toute manière, qu'ils
n'auront pas grand chose à dire de telles réallocations assez hypothétiques encore.
Pour l'admistration de HDA et les psychiatres, les ressources hospitalières
en psychiatrie sont déjà sous la moyenne québécoise. Et s'il y avait des argents
neufs, ils estiment qu'ils devraient être affectés à des ressources ambulatoires
comme le Centre de jour. Au mieux accepteraient-ils participer au financement
d'une équipe de base comme "point de service".
71
Quant au CLSC Suzor-Coté, on comprend très bien que son orientation
générale lui interdise de supporter, financièrement dans son territoire ou plus
idéologiquement ou politiquement à l'extérieur, un programme comme le PRISME.
Restent les médecins en pratique privée qui sont, on l'imagine bien, satisfaits de
l'existence d'un programme qui ne leur enlève aucune clientèle et qui, au contraire,
leur permet de référer aisément les "cas difficiles".
Chacun admet que le PRISME offre ou pourrait offrir, des services utiles;
d'une utilité jugée plus ou moins forte selon chacun. Personne ne peut donc être
contre. Mais personne, à l'exception du communautaire, n'est vraiment pour au
point d'y engager, financièrement et politiquement surtout, des énergies au cas où
cela s'avérerait nécessaire. Dit autrement le PRISME - et toute autre équipe de
base en santé mentale assez semblable - n'est pas le fruit d'une action collective
où chacun, convaincu du bien-fondé du projet, investit une part de ses ressources
et.s'engage ainsi à le promouvoir.
On peut parler ici d'un partenariat réservé comme tonalité générale. La clé
de cette réserve étant la complémentarité entre services existants. Dans la mesure
où le PRISME est un plus "quelque part" et que, pour cela, il n'oblige à aucun
changement majeur, chacun est bien prêt à lui donner sa chance. Cette
prédisposition est tout à fait sincère. Même plus: si le PRISME satisfait à ses
engagements, un soutien plus actif sera pensable.
Nous tenons ces indications sur des engagements possibles des parties
d'entrevues où nous avons exploré, quelque peu, divers scénarios quant au futur
des ressources en santé mentale dans la région. Mais les idées avancées étaient
conditionnelles aux reconfigurations de service et aux réallocations budgétaires de
la Régie régionale. Et l'incertitude, à cet égard, est un facteur défavorable au
partenariat.
72
3.5 Un partenariat fragile : facteurs objectifs défavorables.
3.5.1 Incertitude, irréalisme et statut quo.
Une majorité notable d'interviewés estiment que la Régie "ne sait pas très
bien ce qu'elle veut" en matière de santé mentale ou - plus justement - qu'elle subit
les pressions changeantes et hésitantes du Ministère et qu'elle les reporte "sur le
terrain". Tout le monde admet que la Régie est claire et constante dans son
intention d'établir des équipes de base en santé mentale. Mais beaucoup estiment
que cette volonté est plus ou moins ferme et surtout qu'elle est à la merci de
considérations budgétaires imprévisibles. Les tâches exactes de ces équipes ainsi
que leur rattachement institutionnel leur semblent variables et incertains. Comme
témoin de ces hésitations, certains répondants font référence aux incertitudes
quant à l'avenir des CIC. D'autres invoquent le fait que le mandat, en matière de
santé mentale, n'est pas exclusif et que le partage des responsabilités reste très
flou.
La présente enquête ne peut dire si de telles perceptions sont fondées ou
non et si l'incertitude perçue n'est qu'un prétexte à un certain "immobilisme
attentiste". Mais ce problème est symptomatique d'un trait plus général dans les
rapports entre acteurs. Il s'agit d'une bonne volonté certaine mais "abstraite",
détachée, "en survol" par rapport aux difficultés concrètes et récurrentes dans le
champ de la santé mentale.
Cette dernière attitude - assez partagée par tous (à des degrés divers bien
sûr) - apparaît nettement lorsqu'on compare la connaissance vaste et précise que
chacun a des problèmes concrets et le caractère général, globalisant et systémique
des débats et des documents publics. Nous avons dit plus haut (3.2) à quel point
les acteurs avaient une connaissance assez précise et juste les uns des autres.
Mais ces dernières connaissances, exprimées aisément en privé comme en groupe,
7 3
ne donnent cependant pas lieu, à une vision concrète et "stratégique" des
orientations centrales à prendre collectivement à court ou à moyen terme. Dit
autrement, les "comités de travail", à quelque niveau qu'ils soient ont peine à
répondre à une question du type: "Quels sont les deux ou trois changements
majeurs à introduire entre nous pour les deux ans à venir ?".
Les divers lieux de discussions dont nous avons pu percevoir quelques
traces32 étaient engagés dans un même pattern, si on peut dire. Tous les
problèmes pratiques y sont également décrits avec précision et reconnus par tous.
À chaque problème une solution est proposée et convenue. Cela donne de vastes
tableaux "hyperréalistes", bâtis de plus en plus conformément aux cadres
conceptuels émis par le Ministère et aux grilles standardisées produites par les
PROS. Ces cadres perdent leur fonction de guide ou d'aide à la découverte et à la
décision pour devenir des manuels d'opérations prescriptifs et contraignants.
La confbrmisation à ces cadres normatifs a certes des effets favorisant une
meilleure communication autour d'une compréhension commune des
problématiques (ex. différences entre dépression névrotique, situationnelle,
suicide...), des principes directeurs quant à l'organisation des services, de
l'importance des divers niveaux d'intervention (promotion, prévention...). Mais, à
l'inverse, les recommandations sont "à tout vent" et dégagent bien mal des priorités
opérationnelles. De plus des questions concrètes et impliquantes comme, par
exemple, "faut-il instaurer des ressources particulières de première ligne en
CLSC?", ou encore "l'équipe psychiatrique de HDA peut-elle vraiment assurer la
continuité des services à long terme?"... restent non-discutées en groupe. Ce
"silence" et cette absence de priorisation nette permettent à chaque protagoniste
Notre observation a porté uniquement sur deux lieux. D'abord sur les demandes de la Table des DG et des travaux du comité restreint tels que décrits plus haut en 2.4.2. Et surtout sur deux séances (avec un suivi ultérieur à distance) des travaux du Comité d'actualisation de zone.
7 4
de lire en fin de compte les situations comme il le désire et de maintenir ou de
développer des projets selon la logique traditionnelle qui est la sienne.
En résumé, s'il y a probablement les incertitudes du Ministère et de la Régie,
il y a aussi une incapacité collective, sur le terrain, à convenir d'une analyse
commune des principaux enjeux et à prioriser les actions les plus urgentes. En fin
de compte, c'est le statut quo. Par rapport à une nouvelle ressource comme le
PRISME (et ceci vaudrait pour toute autre ressource probablement) chacun s'y
adapte bien volontiers et change, au besoin, ses comportements. Mais ces
changements sont mineurs et "à la marge". Il n'est pas évident, après enquête,
qu'ils s'inscrivent bien dans une transformation (même lente) du système de soins
et d'aide en santé mentale.
3.5.2 La persistance des hiérarchies
L'obstacle précédent est principalement de nature politique au sens large.
Il a trait à l'action publique et à ses difficultés notoires à introduire des
changements substantiels dans des secteurs très professionnalisés comme la
santé et les services sociaux. Beaucoup imputeront ces difficultés - et nos
paragraphes précédents le suggèrent aussi - à la centralisation étatique et à la
manière technocratique d'imposer des changements. Mais ce n'est qu'une partie
de la vérité. L'autre partie est à rechercher dans les luttes corporatistes entre
établissements et dans la tendance forte (quoique très inégale) des professionnels
à la monopolisation de leurs activités. Ces traits, bien décrits dans le rapport de la
Commission Rochon, restent présents dans le cas qui nous occupent. Nos
observations les ont retracés à de nombreuses reprises. Nous en retiendrons deux
exemplaires.
Le premier à trait à ce que nous pourrions appeler les velléités de
supervision, voire de contrôle, d'une ressource telle une équipe de base en santé
75
mentale. Un des points, dans nos entrevues, était un test hypothétique: "Si la Régie
dégageait demain matin des argents neufs pour constituer une équipe de base en
santé mentale, où devrait-elle se situer, selon vous?" La grande majorité des
répondants ont pris soin de distinguer le lieu d'implantation de l'équipe de son
rattachement administratif ou plus justement institutionnel. Tous s'accordent sur
une implantation très proche des populations : CLSC, clinique privée, centre
d'achat... peu importe. L'essentiel étant le rattachement dont chacun estimait que
son service ou son établissement était le mieux placé pour en garantir les
conditions de travail et la qualité des résultats. Plusieurs ont distingué rattachement
administratif et supervision des personnels en essayant de concevoir des doubles
rattachements. Mais au-delà de ses tentatives, une certaine constante demeurait
: plus l'interviewé appartenait à une profession, un service ou un établissement
haut placé dans la hiérarchie sociale - implicite mais bien réelle - de notre système
sociosanitaire, plus son opinion sur le rattachement était directe, simple et bien
assurée. Ici comme ailleurs bien souvent, plus on a de pouvoirs, plus on est
autorisé à en accumuler. Et le partenariat est uri partage des tâches, des influences
et des responsabilités conforme à cet ordre général traditionnel.
Le second exemplaire est plus symbolique et non moins révélateur de la
persistance des hiérarchies sociales. Le rapport annuel 93-94 de l'Hôtel-Dieu
d'Arthabaska indique que ce dernier a "enregistré une baisse de 7% des visites
externes en psychiatrie, explicable comme suit:
^ L'intervention des professionnels de l'équipe de base du CLSC de l'Érable
favorise une réponse ponctuelle aux besoins de cette clientèle;
La mise sur pied de groupes de thérapie à court et moyen terme permet
d'intégrer..." (Voir Hôtel-Dieu d'Arthabaska, s.1)
76
Dans les jours et les semaines qui ont suivi, le PRISME a diffusé une copie
de cette page et utilisé verbalement ces données, à quelques occasions pour
justifier le bien-fondé de son action. Qu'a-t-il fait et dit, au juste ? Notre enquête ne
peut l'exhiber. Cependant nous avons longuement entendu parlé de la "bourde du
Dr Belle-lsle" qui "a utilisé ces informations hors contexte" pour 'Vanter la
performance du .PRISME" et "aller se mettre en avant". L'affaire est montée en
épingle dans le monde bien restreint des DG et des intervenants institutionnels. On
invoque bien sûr la limite temporelle des données, le peu de fiabilité de la
méthodologie, l'impossibilité de conclure quant aux résultats du PRISME. À
l'évidence, ces objections sont fondées.
Néanmoins, comme observateur extérieur, nous avons du mal à admettre
qu'elles aient pu justifier, à elles seules, la vigueur de l'attaque dirigée à l'endroit
du Dr Belle-lsle et l'obligation qui lui aurait été faite de faire "amende honorable".
Il faut remarquer d'abord que le PRISME est ici réduit à un seul membre, soit le
médecin. Il est fait aussi plusieurs fois référence à son statut de généraliste, "... un
généraliste très compétent, plus que bien d'autres même en santé mentale, mais
la recherche, c'est encore autre chose...". La controverse a dû prendre un tour bien
acrimonieux si je me fie à l'intensité émotionnelle avec laquelle les protagonistes
nous en reparleront plus d'un an après.
Mais le plus étonnant encore est que personne, dans ces entrevues, n'ait fait
ni référence à ni usage d'un document statistique, paru entre temps; document plus
détaillé et plus fiable et qui conclut:
"La présente analyse, bien que ne portant que sur trois années , nous laisse entrevoir des indications assez claires de l'efficacité de l'équipe de base en santé mentale. Cependant seule une analyse rétrospective sur plusieurs années permettra de confirmer cette efficacité... Toutefois, les résultats de la consultation de l'équipe du service social de l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska appuient cette tendance observée statistiquement" (HDA, 1995)
77
Il ne s'agissait donc pas d'une querelle d'interprétation, comme cela est si
fréquent à l'occasion d'études, quelles qu'elles soient. D'autres petits indices nous
permettent de soutenir une conclusion à l'effet que cet événement (1) était
occasionné par des discussions (bien informelles encore) sur l'intérêt ou
l'éventùalitâ d'implanter une équipe semblable au PRISME à Victoriaville et (2)
qu'il tient sa force de la permanence d'une animosité sourde mais certaine entre le
médico-hospitalier et les services médicaux ou sociaux généraux ou de première
ligne.
Ce type d'animosité, toute proportion gardée, est également actif dans les
niveaux plus bas du champ sociosanitaire. Ainsi deux interviewés, très étrangers
l'un de l'autre et extérieurs au CLSC de l'Érable, nous ont dit que le PRISME "se
prenait trop au sérieux", qu' "il se gonfle" en "se présentant un peu partout comme
des bons". Un des interviewés, employé d'un Centre hospitalier, a ajouté "au moins
deux CLSC me l'ont dit, leur Fédération ne reconnaît même pas leur modèle".
Le nombre de personnes impliquées dans les deux cas étant assez limité,
il serait tentant d'y voir des conflits de personnalité. Nous pensons qu'au contraire,
il s'agit ici de la concrétisation d'une difficulté systémique. Le PRISME, à qui tous
accordent au départ et de bonne foi quelques crédits, est soumis par la suite à une
épreuve moins sur sa "performance réelle" ("voyons les résultats concrets de votre
travail") que sur le respect de leur place dans la hiérarchie sociale implicite au
système ("reste-t-il bien dans le rang?").
Cela met inévitablement le PRISME dans une situation à double contrainte.
D'un côté, il est présupposé et attendu qu'il soit efficace; c'est sur cette base qu'on
lui a accordé quelques crédits de départ. On lui demande donc de "faire ses
preuves". Mais comme il ëst un nouveau venu dans le champ, "à lui seul de les
faire", la charge de la preuve est de son côté. Ce qui l'oblige à une certaine
7 8
visibilité sociale sans quoi on lui reprochera - ce que deux interviewés ont
effectivement fait - "de manquer de transparence", voire de faire les choses en
cachette33. Et dés que cette visibilité s'accroît, on reproche à l'autre sa prétention
excessive, son peu de reconnaissance de ceux qui lui avaient donner des crédits
de départ. En se rendant visible, pour faire ses preuves, le nouveau joueur ne
"redonne pas exactement à César tout ce qui revient à César".
Le PRISME a connu et connaît ici un phénomène fréquent et d'autant plus
fort et "subtil" qu'on est dans des milieux fortement intellectualisés, invités ou
soumis aujourd'hui à plus de compétitivité. L'excellence consiste à se comporter de
plus en plus comme un entrepreneur au service d'une organisation plus générale.
La personne qui prend une initiative importante réactive des rapports d'adversité
dans les relations avec les acteurs qui, eux aussi, sont des entrepreneurs au
service de la même organisation.
En conclusion,
Les obstacles que nous venons de décrire n'annulent pas eux seuls le
partenariat. Ce dernier est une résultante et la difficulté est d'en estimer la
consistance et la stabilité à travers les processus systémiques qui l'avantagent et
ceux qui lui font obstacle.
Nous avons montré que le "partenariat autour du PRISME" était certain,
réservé et fragile. En le qualifiant globalement de partenariat de bon aloi nous
voulons signifier qu'il mérite l'estime compte tenu justement des obstacles qui, très
très souvent encore dans le champ de la santé et des services sociaux, bloquent
l'émergence de rapports partenariaux nouveaux.
33
Ce qui sous-entend souvent une conclusion du type ".. et qui a donc des choses à cacher".
7 9
Cependant l'important est d'en saisir la portée (actuelle du moins). Ce
partenariat n'est pas le fait d'un projet commun à tous les acteurs. On ne peut pas
dire que le PRISME est une ressource construite à partir d'une besoin de services
identifié et reconnu valable par la majorité des protagonistes. N'eût été de
l'obstination des deux personnes initiatrices, le PRISME n'aurait certainement
jamais vu le jour. Non pas qu'une telle ressource apparaisse vaine ou inutile. Au
contraire, la très grande majorité l'estimait et l'estime d'une "certaine utilité", sans
quoi le partenariat n'aurait pas été possible.
Mais tout est dans ce "certaine" : il signifie ici que chaque acteur peut
trouver un intérêt particulier à l'existence de cette nouvelle ressource et qu'il est
donc prêt à collaborer, jusqu'à un certain point, avec elle. Ce qui est recherché par
chacun est une complémentarité par rapport à ce qui est déjà là et ne pourra être
affecté par le nouvel arrivant. Cette vision "utilitariste" correspond à une
réorganisation marginale dans la distribution actuelle des services en santé
mentale. Le partenariat-autour-du-PRISME améliore probablement plusieurs
services aux usagers. Il n'est cependant pas (encore?) un témoin éloquent de la
Politique en santé mentale que beaucoup aimeraient voir implantée mais dans
laquelle bien peu sont disposés à investir. Reste néanmoins cette question: ce
partenariat permet-il effectivement une forte ou une faible collaboration concrète
dans l'amélioration des services? La réponse à cette question est l'objet du chapitre
suivant.
CHAPITRE IV
UNE CONCERTATION SILENCIEUSE ET FONCTIONNELLE
La concertation désigne l'ensemble des échanges entre les praticiens ou
intervenants motivés par le fait que leurs actions portent sur les problèmes propres à un
même usager. Dans ce chapitre nous rendons compte de la concertation "autour du
PRISME" en trois temps.
Nous décrivons d'abord ce que le fait de se concerter représente et signifie pour
les acteurs les plus directement concernés : intervenants communautaires (4.1),
travailleurs sociaux en secteur psychiatrique (4.2) et les psychiatres (4.3). Par la suite
nous examinons les échanges entre le PRISME et les services et instances de
coordination internes au CLSC de l'Érable (4.4).
À partir des descriptions précédentes nous tentons de rendre compte des
caractéristiques essentielles de cette concertation en général (4.5). Nous la disons réelle
mais minimale, plus silencieuse qu'entreprenante, plus commandée par les fonctions à
remplir qu'intéressée à un projet de renouvellement des pratiques.
4.1 La concertation au coeur de l'action communautaire.
"La concertation, j'y crois. On a besoin de se concerter... le partenariat, je n'y crois pas. Plusieurs personnes qui deviennent partenaires, par définition ces gens-là sont tous sur le même pied d'égalité, ils sont partenaires, vont faire les mêmes profits... et ça ne m'intéresse pas d'être partenaire..." (une interv. commun.)
La position précédente est clairement exprimée par trois intervenants
communautaires sur cinq. Pour elles et eux, le partenariat présuppose une égalité
entre les parties qui, d'une certaine manière, partagent les mêmes droits et les
mêmes obligations. Cette égalité n'existant pas dans les faits, les groupes
81
communautaires estiment que toute volonté de partenariat est une certaine
imposition qui leur est faite en vue de lier leurs actions aux intérêts prioritaires des
professionnels et des établissements.
À l'inverse, la concertation leur paraît essentielle.
"Moi, je la vois [la concertation] comme ça la résolution du problème... Il faut viser une approche globale... que toutes les ressources soient mises à contribution. Le médecin a un rôle à jouer... le travail d'un psychologue, d'une infirmière, c'est important. Le travail que nous autres on fait c'est important, le Réseau de prévention suicide des Bois-Francs c'est important, le travailleur de rue. (...) concentre-toi sur les forces et sur ce que tu as à faire et fais-le du mieux que tu peux, après réfère vers la ou les ressources adéquates..." (un interv. commun.).
Nous avons retenu l'extrait précédent parce qu'il exprime deux éléments que
nous retrouvons dans toutes les entrevues faites auprès des groupes
communautaires.
Le premier est le caractère foncièrement pragmatique de la concertation :
c'est la résolution d'un problème qui commande d'établir des relations avec les
autres. Dans cette perspective le travail de chacun est également important et il
doit être connu et reconnu à sa juste valeur par tous les autres. La base de la
concertation réfère aux problèmes des usagers (personnes et familles) ainsi qu'aux
problèmes pratiques rencontrés par les intervenants dans leurs actions
quotidiennes. C'est sur cette base qu'ils jugent de la conduite des autres et de la
qualité des services. Les disputes quant aux ressources, les luttes d'influence, la
participation aux divers comités régionaux... leur semblent importantes, mais non
prioritaires. Ce n'est pas sur cette base politique qu'ils établissent leurs relations
et qu'ils apprécient l'action des autres. La concertation, pour eux, s'évalue au jour
le jour, "sur le plancher des vaches" et les appels au partenariat les laissent le plus
souvent sceptiques et méfiants.
82
Lé second point est dans la suite du premier. Parce que la concertation est
un problème pragmatique, l'importance des relations de travail nouées avec lés
autres est proportionnelle à la proximité sociale et à la quantité des échanges
quotidiens. Ainsi les intervenants communautaires décrivent concrètement la
concertation en invoquant spontanément d'abord les relations qu'ils ont avec les
autres intervenants communautaires, puis avec les praticiens des CLSC et de
l'hospitalier ensuite et ultimement avec les spécialistes médicaux et le personnel
cadre des établissements. Cette "hiérarchisation" n'exprime nullément un choix de
valeur quant à l'importance relative accordée à chacun. Pour les intervenants
communautaires rencontrés, tous et chacun ont une place égale et importante en
regard d'une prise en charge globale d'un problème de santé mentale.
Pour eux les débats idéologiques et théoriques sur la nature (sociale ou
biologique) des troubles mentaux ainsi que les questions de préséance d'un
traitement médical ou d'un suivi social sont des "affaires passées" tout à fait
secondaires. Contrairement à "certaines positions extrémistes", ils estiment que la
maladie mentale existe, qu'ils ne peuvent ignorer les diagnostics posés et que la
médication est utile et acceptable. Ils reconnaissent tous volontiers qu'eux-mêmes
doivent user de beaucoup de retenue dans l'utilisation des diagnostics et qu'ils ne
peuvent prendre aucune initiative en matière de médication. Chacun a ses
compétences particulières, admettent-ils et ils estiment que dans la région des
Bois-Francs, "on est insatisfait de personne", "tout le monde fait bien sa job".
La concertation se mesure alors, dans chaque cas, à la bonne volonté et à
la disponibilité à échanger concrètement avec les autres dans un esprit de
résolution de problème. C'est, dit un intervenant communautaire,
"le souci de travailler avec les autres (...) mais ceux qui sont le plus soucieux de la concertation c'est le communautaire et les travailleurs sociaux en psychiatrie".
8 3
Pour comprendre cette phrase à sa juste portée, il faut dire que les
intervenants communautaires des Bois-Francs, en plus de reconnaître la job bien
faite des autres, apprécient positivement aussi le fait qu'il est toujours facile de
communiquer et d'échanger avec les autres intervenants quand cela est
nécessaire. Les échanges - même avec les psychiatres - sont toujours assez
rapides et satisfaisants34. Mais les différences, quant à la concertation, viennent
des missions spécifiques respectivement du communautaire et des travailleurs
sociaux en psychiatrie.
Le communautaire n'est pas complémentaire au réseau (autre manière de
dire qu'il ne peut être partenaire) car il travaille autrement.
"Nous on est en égalité de fait avec les usagers (...) les gens nous parlent très librement., ils ne se sentent pas jugés, analysés... on les aide à briser leur isolement, on les accompagne... et on voit globalement à leur insertion sociale"
Cette visée d'insertion (maintien ou rétablissement) oblige à mobiliser toutes les ressources possibles et à assurer des suivis multiples, souples et variés. C'est pourquoi la concertation est au coeur même de leur travail. Pour les groupes communautaires et selon eux, la concertation est "naturellement" leur souci pratique, quotidien et permanent.
De leurs points de vue, il en va de même pour les travailleurs sociaux en
psychiatrie dont une bonne partie de la tâche vise aussi l'insertion des usagers.
Cette quasi-identité dans les missions n'est pas sans problème dans la mesure où
les salaires des uns et des autres - pour une même tâche - sont bien différents.
Plusieurs intervenants communautaires nous ont dit qu'il y a quelques années, "il était plus difficile de rejoindre les psychiatres, quoique cela se faisait déjà". Ils admettent que c'est bien mieux aujourd'hui et que les difficultés (quand il y en a) sont dues au nombre nettement trop faible de psychiatres dans la région.
84
Mais, disent les intervenants communautaires, "on finit par passer là-dessus", "c'est
hors de notre contrôle pour eux comme pour nous" et depuis longtemps déjà "on.
travaille bien main dans la main".
En extrapolant un peu, on pourrait dire que, pour les groupes
communautaires, la concertation en santé mentale dans la région des Bois-Francs
est un état de fait tout à fait satisfaisant et qui est dû, pour l'essentiel, à la maturité
des groupes eux-mêmes et à leurs heureux échanges avec les travailleurs sociaux
de HDA.
Un tel jugement est-il fondé ? Notre enquête le confirme en général. Mais les
détails présentés ci-après apporteront des nuances non négligeables qui porteront
particulièrement sur certaines limites à la portée concrète de cette concertation.
Nous commencerons par aller voir ce qu'en disent les travailleurs sociaux en
psychiatrie.
Les travailleurs sociaux veillent aux compromis
Les travailleurs sociaux en psychiatrie perçoivent en bonne partie leur travail
comme une médiation entre les services hospitaliers psychiatriques - "l'interne"
comme ils disent - et tous les autres intervenants "externes" d'une certaine
manière, Dans un sens ils collectent le plus possible de données de toute origine
afin de fournir aux psychiatres les informations pertinentes afin que ces derniers
puissent faire un diagnostic complet. À l'inverse, ils organisent tous les services
complémentaires au traitement psychiatrique en informant les usagers et leurs
proches - ainsi que tous les autres intervenants - des diverses ressources
disponibles dans la communauté.
Ils observent un "changement de mentalité" lent mais certain chez tous les
intervenants :
85
"C'est fini le jour où on disait : nous autres on fait ça et vous autres arrangez-vous avec le reste. On a maintenant à partager un problème ensemble... on a à décider ensemble par rapport à ce problème, ça objective davantage sur toute la situation et si l'on réussit à faire ça, on réussit à donner des services personnalisés et appropriés plus complets..."
Ce partage des connaissances sur un cas et cette décision commune sont-
ils plus qu'un idéal ou un voeu pieux ? À leur avis, c'est aujourd'hui une façon de
faire qui se réalise bien plus facilement que par le passé mais qui dépend
beaucoup, à chaque fois, des intervenants impliqués. "Les cas ne sont jamais
pareils" et au-delà des différences de situations des usagers, il y a surtout les
différences de compétences et les "petites rivalités" entre les intervenants.
Les différences de compétences sont assez bien identifiables : elles
dépendent finalement de l'expérience et de la "formation continue", si on peut dire
de chacun, à l'égard des cas de santé mentale. Pour eux, il est important que tout
autre intervenant - qu'il soit médecin généraliste, professionnel au CLSC ou
intervenant communautaire - accepte de se spécialiser minimalement sur les
maladies mentales. Il faut "penser maladie" et pas seulement "santé mentale" ou
"réadaptation sociale à l'état pur"(sic). Selon eux, cette approche est aujourd'hui
assez bien partagée par tous, en CLSC comme dans le communautaire. Mais cela
n'a pas toujours été facile. Dans l'entrevue, ils évoquent à plusieurs reprises
l'existence de rivalités qu'ils se devront d'aplanir par leur travail de médiation. Ils
comparent souvent leur travail à la construction d'un PSI où, à la suite de multiples
contacts,
"...on doit s'interroger à savoir qu'est-ce qu'on doit récupérer et qu'est-ce qui est récupérable, qu'est-ce qu'on va prioriser comme service., .et tous ensemble on a un problème (...) et nécessairement on va arriver avec des compromis... (...) l'important qu'on ait l'heure juste tout le monde, ça prend du travail ça..."
86
Là où les sources des rivalités évoquées ne sont jamais clairement décrites
et il nous est difficile de les intégrer à notre recherche. Deux points cependant
rassortent avec une certaine netteté.
Les travailleurs sociaux devraient d'abord combler un fossé entre, d'un côté,
les références et les demandes en provenance des CLSC en particulier et les
attentes et disponibilités des psychiatres, de l'autre. La charge de travail de ces
derniers étant assez grande, il faut
"...leur présenter (aux psychiatres) les dossiers comme du monde. Sinon ils (les praticiens peu familiers avec les problèmes de santé mentale) créent des résistances. Quand on crée de la résistance avec les psychiatres, ce sont des grosses résistances".
Par ailleurs, ces mêmes travailleurs sociaux doivent veiller à faire circuler
les demandes et les informations de "clinicien à clinicien ou de praticien à praticien"
(sic) car dans les "grosses boîtes" que sont les établissements il faut passer par les
hiérarchies. La question des pouvoirs, des missions et des mandats entre en ligne
de compte : le tout retarde et les refus se multiplient. Le travail social, par la
personnalisation des contacts, facilite beaucoup les "accommodements" entre
ressources au bénéfice des usagers et de leurs familles.
La concertation semble donc bien une tâche importante pour les travailleurs
sociaux à HDA et, comme chercheur, nous n'avons pas de doute qu'ils s'en tirent
de façon satisfaisante. D'abord tous les autres intervenants sont assez élogieux à
l'égard de leur travail. Et surtout, dans notre exercice de simulation de cas, ce sont
eux qui ont décrit avec le plus de netteté, de précisions et de nuances les diverses
alternatives probables à la situation proposée35.
Une telle analyse de cas fonctionne un peu comme un test révélateur des savoirs pratiques que les uns ont des autres et de la familiarité concrète que le répondant a
(à suivre...)
87
Mais - telle est du moins notre opinion - c'est une tâche qui est probablement
plus difficile qu'ils ne veuillent bien le laisser entendre. On peut, en effet, à bon
droit, estimer que leur insistance sur les problèmes de concertation signifie que ces
derniers sont des problèmes très présents et sérieux. La concertation n'irait donc
pas globalement de soi, à telle enseigne qu'il fout donc des agents qui veillent
particulièrement à son bon fonctionnement en facilitant les compromis.
4.3 La concertation : diffusion-relais de la psychiatrie36.
En matière d'échanges entre intervenants, une chose étonne : autant les
psychiatres disent avoir peu de demandes et de références en provenance de
l'extérieur dè l'hôpital, autant les autres intervenants des divers secteurs
soutiennent s'adresser régulièrement à eux et être bien souvent satisfaits de leurs
disponibilités. Nous avons tenté d'y voir objectivement un peu plus clair. Sans
succès. D'un côté comme de l'autre, les chiffres et les données factuelles sont
inexistantes. La vérité est probablement entre les deux. Reste à comprendre
néanmoins la raison d'être et les effets de cette forte divergence dans les
perceptions de ce que sont les relations entre intervenants.
35(...suite) de l'ensemble du champ de pratique. De toutes les personnes interviewées, les travailleurs sociaux à HDA ont été les plus "performants" à ce test.
36 L'expression "la psychiatrie" désigne ici la position des psychiatres de HDA considérée dans sa globalité, comme point de vue général ou ligne de fond. Car, bien évidemment, chacun des trois psychiatres expriment des opinions et des attentes personnelles et différenciées. À cet égard, celles du Dr Parenteau, directeur du département, s'écarte le plus des deux autres. Sa fonction de gestion ainsi que son implication dans les dossiers en santé mentale lui donnent une connaissance fine du travail et de la compétence dé tous les autres intervenants, communautaires y compris. Il accorde, par ailleurs, plus de crédits à leurs interventions et leur reconnaît un potentiel d'action plus grand. Mais au-delà de ces nuances - importantes par ailleurs - un certain nombre de jugements, d'appréhensions et de volontés de base sont assez communs; formant ainsi ce qu'on peut appeller une "culture psychiatrique". C'est elle que nous allons aborder dans cette partie du texte.
On notera d'abord un premier point : les psychiatres sont assez silencieux
quant à leurs relations avec les intervenants communautaires. Une seule évocation
en matière communautaire : ils comprennent mal - et jugent peu utile - toute
structure alternative qui, comme le SRAD* vise l'accompagnement des patients
dans une démarche qui n'aurait d'autre but que la seule défënse des droits. Dans
le même sens, ils appréhendent, même à titre d'intervenant en CLSC, la présence
de personnes aux orientations antipsychiatriques.
Les relations avec les médecins généralistes leur paraissent meilleures que
par le passé mais les références que ces derniers leur font sont encore trop
souvent peu élaborées ou trop inadéquates. Ils leur font sensiblement les mêmes
reproches que ceux qu'ils adressent aux intervenants des CLSC.
Car c'est à l'égard de ces intervenants des CLSC que leurs critiques sont les
plus appuyées. Elles valent également pour les deux CLSC des Bois-Francs, le
Prisme ne faisant pas vraiment, selon eux, de différence37. L'extrait suivant résume
fort bien l'esprit général présidant à leur perception :
"Il y a eu une jonction avec le Prisme sur le plan administratif ; sur le plan clinique, il n'y en a pas eu. Peut-être qu'il pourrait y en avoir plus, avec ces gens-là que je connais un peu (...) s'il y avait plus de disponibilités de part et d'autre (...) peut-être le Prisme réapparaîtrait comme quelque chose avec lequel on pourrait bien travailler en collaboration ; un peu comme on le fait avec le Centre de jour..."
On remarquera d'abord - et c'est valable pour l'ensemble des entrevues -
qu'il n'est pas question ici de concertation mais de jonction (un terme assez formel)
et de collaboration (un terme plus ponctuel). La jonction administrative réfère au
Ils admettent cependant que la présence au PRISME d'un médecin, intéressé et compétent en santé mentale, est une différence importante. Mais ce qui fait que "ça marche un peu mieux là qu'ailleurs" (sic) n'est qu'une question de personne et non pas d'équipe, ou de projet-pilote et encore moins de structure officielle.
protocole signé entre HDA et le Prisme ainsi qu'à tout formulaire de référence où
ne figurent que des informations des plus sommaires. L'absence de jonction
clinique signifie que, pour un patient donné, il y a rarement des échanges
approfondis d'informations et d'opinions.
Les psychiatres regrettent une telle situation. Et c'est avec force détails et
insistance qu'ils en décrivent les effets les plus dommageables. Il y a d'abord la
duplication de services : selon eux, elle est plus fréquente qu'on ne le dit et ces
"services complémentaires offerts en CLSC" sont bien souvent inutiles. Mais il y a
pire parfois : les praticiens, par manque de formation sérieuse sur les pathologies
mentales, défont souvent auprès d'un client ce qu'ils (les psychiatres) ont mis
beaucoup de temps à construire. "De quel droit se permet-on d'intervenir avec mon
patient ?". Et en dernier lieu, pour eux, ce manque de formation des divers
praticiens est responsable de la mauvaise qualité du tri ou du screening. Ce qui a
pour effet d'occasionner une forte surcharge des services psychiatriques38.
Quant à l'explication d'une telle situation, ils s'en tiennent à l'évocation peu
convaincue - "peut-être, s'il y avait..."- d'une absence de disponibilités due à la forte
charge de travail des uns et des autres. Un peu comme si chacun évitait d'appeller
les autres par souci de ménagement mutuel des temps de travail ! L'argument a
certes du vrai dès lors que les ressources se font toujours plus rares. Mais il est un
peu court.
Ils évoquent volontiers les nombreuses situations où des clients manipulateurs, des "mangeurs de services", des maîtres-chanteurs au suicide... ont souvent raison de l'ignorance de praticiens incompétents qui ne peuvent leur dire non et qui, pour ne pas prendre de risques, les réfèrent en psychiatrie. À quoi s'ajoutent les caractériels, les troubles transitoires - quand ce ne sont pas les problèmes conjugaux ou les états d'ébriété du samedi soir - que les intervenants poussent trop facilement dans "l'entonnoir de la psychiatrie".
90
La référence au Centre de jour, comme exemple de collaboration réussie,
nous oriente sur une seconde explication. Au Centre de jour, les réunions sont
interdisciplinaires : la plupart des intërvenants sont présents, les échanges sont
directs, chacun donne son opinion :
"Ces réunions de groupe permettent d'avoir une idée plus juste sur une pathologie et permettent une bonne jonction, une bonne articulation entre ce qui se fait ici et ce qui se fait ailleurs..."
La justesse et l'efficacité des interventions - psychiatriques et autres - sont
directement dépendantes de la connaissance de la pathologie en cause. Cette
connaissance appartient d'abord et avant tout au psychiatre qui place ainsi son
savoir et sa compétence au centre de toutes les relations nouées entre
intervenants. C'est moins le psychiatre comme poste ou personne centrale d'un
ensemble de relations que la psychiatrie comme savoir de référence incontournable
qui, dans cètte perspective, donne sens et légitime les interventions en santé
mentale.
Ainsi, la collaboration - très souhaitée par les psychiatres - prend d'une
certaine manière la forme d'un réseau, d'un maillage où le savoir psychiatrique et
ses impératifs, autour d'un cas donné, se diffusent de relais en relais. Les
intervenants se distribuent ainsi du centre à la périphérie selon l'importance de
leurs fonctions et des compétences requises pour exécuter leurs tâches
conformément à ce que requiert le savoir psychiatrique le plus à jour.
Le psychiatre deviendrait alors de plus en plus consultant et de moins en
moins traitant ; réservant cette dernière action aux pathologies lourdes non
stabilisées. Il se verrait ainsi assurer des permanences dans les équipes de base
91
en santé mentale. C'est d'ailleurs à cette condition qu'il accorderait toute sa
confiance à cette nouvelle ressource39.
Dans cette perspective, chaque intervenant se doit de fàire circuler de la
périphérie au centre toute information jugée utile par ce dernier. C'est cette
information qui permettra au psychiatre de produire un meilleur diagnostic et de
valider les diverses interventions faites par tout un chacun. À l'inverse, chaque
intervenant se doit de penser son action après s'être assuré de son bien-fondé
"psychiatrique" si on peut dire et, en cas de doute, de se rapporter au psychiatre.
Ce modèle de concertation - que nous qualifions de diffusion-relais - n'est
pas pure volonté des psychiatres. Il est, en fait, plus ou moins bien partagé et
intériorisé par la grande majorité des intervenants que nous avons rencontrés.
C'est ce qui explique, pensons-nous, le fait que ces intervenants aient beaucoup
insisté dans les entrevues pour dire qu'ils entraient souvent en contact avec les
psychiatres. Et comme ces derniers, de l'avis de tous et d'eux-mêmes, vivent un
peu moins que par le passé dans leur "tour d'ivoire", ces contacts nouveaux sont
vécus jusqu'à présent comme satisfaisants par la majorité des non-psychiatres.
Pour les psychiatres, ces ouvertures sont heureuses... mais bien trop foibles
encore. Il ne faudrait pas arrêter en si bon chemin. Ils s'attendent donc à ce que les
collaborations s'accroissent... à l'initiative des autres, principalement. Car ils sont
bien peu nombreux, comparativement aux autres praticiens, et leurs fonctions les
maintiennent "en urgence" d'une certaine manière au centre du réseau, dans les
services hospitaliers. Ils veulent savoir ce qui arrive à leurs patients, ils ont besoin
La présence en CLSC d'un médecin généraliste, particulièrement intéressé et formé en santé mentale, leur semble un strict minimum en deçà duquel il est inadmissible de parler sérieusement d'une équipe de base. Mais il faudrait au moins y adjoindre un psychiatre en consultation; sinon, idéalement, un encadrement et une supervision directe sous la direction du département de psychiatrie.
92
de feed-back précis sur leurs interventions, ils peuvent donner de précieux
conseils... ils désirent ardemment les échanges. Mais ils ne savent trop comment
les provoquer, et ne se sentent pas ténus de le faire40.
4.4 La difficile concertation à l'interne du CLSC.
En résumé des points précédents on peut dire que la concertation en santé
mentale dans la région des Bois-Francs en général, et plus particulièrement autour
du PRISME, est jugée assez satisfaisante par tous. Il n'en va pas de même à
l'intérieur du CLSC de l'Érable. Au moment dè notre enquête - hiver et printemps
1996 - on peut résumer sommairement les principaux éléments de la manière
suivante.
Les servicès médicaux courants perçoivent assez positivement le PRISME
tout en ne comprenant pas toujours très bien comment établir les bonnes
références. Par le biais du CMDP, les médecins généralistes ont été bien informés
des orientations et du fonctionnement du PRISME et ils sont heureux de sa
présence dans la mesure où les cas de santé mentale les plus lourds sont
beaucoup moins directement présents dans leur service. Ils disent cependant avoir
peu de contacts avec le PRISME et le perçoivent un peu comme isolé dans le
CLSC;
Les services de maintien à domicile s'attendaient, lors de l'arrivée du
PRISME, à pouvoir utiliser cette nouvelle ressource. Ils seront très vite déçus dès
qu'ils se feront dire non à la quasi-totalité de leurs demandes et qu'ils en
apprendront la raison : " on n'est pas dans l'assiette" selon une expression qui leur
semble bien parlante (voir copie de ce tableau dit "assiette" en annexe 7). Ils
Ils ajoutent aussi qu"'il y a encore parfois des préjugés à leur égard" et que leur participation à des comités - surtout quand les bureaucraties s'en mêlent - n'ont jamais été â leur avantage.
93
doivent se battre,sans grand succès, pour faire accepter qu'une personne de plus
de 64 ans puisse présenter des troubles mentaux graves.
Les services sociaux courants expriment une déception tout à fait semblable
à la précédente. Ils estiment n'avoir pas bien été informés des orientations du
PRISME, n'avoir pu discuter avec ses membres des modalités d'échanges et ils
comprennent mal les motifs des refus qui leur sont faits. "On ne peut pas utiliser le
PRISME, disent-jls, mais on peut se faire utiliser par eux". La situation persiste et
ils ne voient pas - comme praticiens des services sociaux courants - ce qu'ils
pourraient faire pour l'améliorer. Ils sont "vraiment résignés".
Pour compléter le tableau, il est cependant important de noter que les
intervenants et leurs coordonnateurs estiment la grande compétence des membres
du PRISME ainsi que la qualité de leur aide lorsqu'il leur est demandé de
l'information, du support et des "coups de main". Plus encore, les liens entre
services sont tout à fait satisfaisants dans bien des cas. Les difficultés et
déceptions - importantes néanmoins - se présentent cinq (5) ou six (6) fois l'an
(estimation sommaire).
Quoique notre étude ne nous permette pas d'analyser spécifiquement la
dynamique organisationnelle du CLSC de l'Érable, nous n'avons pu faire autrement
que de recevoir également tous les commentaires qui nous étaient faits et de
comprendre autant que possible quelques raisons d'être de ces difficultés de
concertation entre les protagonistes. Les trois explications que nous livrons ici sont
partielles (d'autres pourraient certainement s'ajouter à la liste) et vraisemblables (il
y a des chances qu'elles soient vraies, mais sans toutes les preuves souhaitables).
94
4.4.1 Élaboration et implantation du PRISME
Une première explication a trait au processus d'élaboration et d'implantation
du PRISME. Celui-ci a été conçu principalement par deux personnes à l'emploi du
CLSC mais en impliquant beaucoup plus des partenaires externes qu'internes ; la
raison principale en étant une de recherche de partenariat. Le calendrier
d'élaboration et d'implantation était, de plus, très dépendant des aléas et des
opportunités "politiques" locales, régionales et québécoises en santé mentale.
Dans un tel contexte, les promoteurs d'un nouveau prpgramme cultivent
avant tout les relations externes au détriment d'une recherche d'intéressement
pratique des collègues à l'interne. "Le PRISME arrive, voilà... et c'est ça...". L'entrée
est vécue comme un fait accompli et personne ne sera partie prenante de
l'actualisation à venir. Le sentiment d'un "parachutage" est présent : il occasionnera
des luttes acrimonieuses sur la répartition des locaux41, sur les réquisitions
administratives, le "millage", le logo, les enregistrements statistiques...
"Les privilèges du nouveau-né" pensent quelques personnes qui en parlent
comme le "chouchou, le petit dernier qui a un beau budget fermé, alors que nous
on est coupé". Ajoutons, pour terminer, que les présentations initiales du PRISME
ont pu être trop courtes compte tenu, en particulier, des particularités et de la
spécificité, strictement bien délimitée, de ses orientations et de ses priorités.
Il faut être conscient, que dans bien des organisations, l'entrée d'une nouvelle équipe pose, dès le départ ,des problèmes de ressources matérielles et surtout de locaux qui obligent une restructuration des espaces, physiques et symboliques, dans laquelle la grande majorité des membres sont engagés malgré eux. Et le meilleur emplacement du PRISME, pour des raisons de dispositions tout à fait locales, l'amenait à occuper des locaux à la fois fort prisés de l'administration et quelques peu isolés, à la marge de l'ensemble de l'établissement.
95
4.4.2 Catégorisation et chevauchement des clientèles
Une seconde explication a trait précisément à cette spécification et aux
délicats problèmes qu'elle pose inévitablement en termes de catégorisation et de
chevauchement des clientèles. Les personnes admises au PRISME (avec leurs
familles et leurs proches) doivent présenter "des troubles mentaux sévères et
persistants". Cette appellation récente, pour tous ceux et celles qui ne sont pas
pleinement familiers avec le vocabulaire psychiatrique, n'est pas bien plus claire
que celle de "malades mentaux chroniques" qu'elle supplante depuis peu42. On
peut toujours s'en référer à six (6) ou sept (7) diagnostics du DSM-IV. Mais cela n'a
pratiquement pas de sens pour les non-psychiatres, la grande majorité des
médecins généralistes y compris..
Pour tous ces derniers il est difficile de ne pas y inclure ce qui leur paraît
être et se présente à eux comme "une dépression profonde", des "idées
suicidaires", une "phobie" ou de l'"anxiété chronique". La frontière n'est pas
toujours claire entre une dépression majeure et une dépression situationnelle. Dans
ce cas, on peut comprendre que les intervenants jouent "safe" comme on dit et
qu'ils s'attendent à recevoir parfois, au-delà des informations et des conseils
experts, une offre au moins partielle de prise en charge.
Une difficulté de même nature a trait aux chevauchements. Outre le cas
assez classique des troubles mentaux chez les personnes âgées, à qui revient le
suivi d'une famille dont la mère dite "psychotique" demande un service pour "qu'on
place rapidement ses deux enfants qu'elle ne peut plus supporter du tout ?" Qui
On comprend mieux l'importance de ces difficultés lorsqu'on compare la classification mise de l'avant officiellement dans la Politique de santé mentale (Gouvernement du Québec, 1989) avec celle proposée plus récemment par le Comité de la santé mentale du Québec (1994) qui, pour l'occasion, reprend celle de Santé et Bien-Être Social Canada.
se doit de recevoir l'adulte "désinstitutionnalisé" qui a été mis à la rue par son
propriétaire pour tapage et bris répétés ? Hormis en période de crise, il est légitime
de n'y voir qu'un problème de placement ou d'hébergement. Mais il est tout aussi
légitime, dans une perspective de prise en charge globale, d'y voir des cas
normalement assignables à des programmes comme le PRISME.
La situation est plus épineuse encore dans les cas pour lesquels un
diagnostic n'a pas encore été posé. Au cas où le docteur P. Belle-lsle est appelé
à poser ce diagnostic, comme membre du PRISME, il se trouve alors à là fois juge
et partie. Certaines de ses décisions seront facilement jugées partiales et "sans
appel".
Ce qui est difficile et pénible pour les intervenants non familiers avec ces
clientèles lourdes, c'est d'avoir le fardeau de la preuve lorsqu'ils font une référence
alors qu'ils sont précisément ceux qui connaissent le moins bien la problématique
en cause. Novices d'une certaine manière, ils ont à justifier leurs choix et leurs
jugements, seuls, face à des experts, décideurs de surcroît. Les jeux sont pipés :
c'est du moins ainsi qu'ils le vivent. Frustrés par des refus dont ils comprennent mal
le bien-fondé, ils finissent par "surveiller" tous les cas possibles et ils accuseront
le PRISME de prendre quelques fois des décisions injustes, discriminatoires, en
"passe-droit".
À ces accusations lè PRISME répond qu'il vise un service optimal à une
clientèle bien précise plutôt qu'une dispersion des efforts. Pour nous faire une
place et upe clientèle, dit-il, nous avons été très flexibles au début. Le resserrement
nécessaire des critères par la suite est la source des difficultés et frustrations
présentes. À quoi s'ajoutent, selon le PRISME toujours, les cas "pathétiques" où
97
tout le monde est impuissant, mais qui n'ont pas à relever pour autant de sa
responsabilité43.
Les problèmes de catégorisation et de chevauchement des demandes sont
communs et permanents dans tous les établissements et plus largement dans
toutes les bureaucraties professionnelles. Les manières de les gérer consistent à
faciliter les échanges face à face à la base, à produire ensemble des règles, et à
négocier régulièrement entre les cadres responsables des unités de travail. Ces
manières échouent parfois ici parce que persiste activement un certain
cloisonnement entre les coordinations propres aux CLSC (celui de l'Érable comme
ailleurs) : celles qui gèrent "le médical" d'un côté et le "social" ou le
"sociocommunautaire" de l'autre.
4.4.3 L'opposition du médical et du social.
La décision de rattachement du PRISME aux services médicaux courants fut
prise dès le début de son implantation sans que personne n'ait, pensons-nous, la
pleine conscience des implications à moyen et long terme de ce choix44. Il n'y a rien
là de plus normal dans la mesure où les rivalités traditionnelles entre le médical et
Le cas type de cette situation est celui du "client qui appelle tous les vendredis en après-midi et occupe un intervenant social plus d'une heure de temps". On aurait entendu plusieurs fois au CLSC des paroles du genre "Ce cas-là, c'est de la maladie mentale... il va y aller, lui, au PRISME !" (interv. PRISME).
Les détails de cette prise de décision sont assez vagues dans l'esprit des interviewés. Plusieurs nous ont dit qu'elle était basée sur une recommandation antérieure suite à la recherche de Belle-lsle, Bergeron et Dussault (1989). Or, la recommandation en cause (3.1) se lit ainsi "Au plan organisationnel, cette équipe pourrait tout autant être rattachée au module social qu'à la clinique externe ou qu'au maintien à domicile" (id.t .185). Outre l'énoncé d'un ou deux arguments généraux, personne n'a pu nous restituer les termes précis du débat et le processus même de la prise de décision. À supposer qu'il y ait eu débat et processus explicites!. Il est bien possible que le tout se soit passé très rapidement et dans le seul registre de l'implicite.
98
le social s'étaient quelque peu estompées ; surtout dans un CLSC comme celui de
l'Érable où la présence d'activités médicales a toujours été notable: Mais
l'introduction du PRISME, comme nouvelle ressource importante en ces temps de
réduction, a exacerbé une opposition qui est, d'ailleurs, toujours beaucoup plus vive
qu'on ne veut bien le croire.
Mais il y a plus. La santé mentale en général et surtout le PRISME dans ses
orientations spécifiques appellent des pratiques qui ne peuvent être que vraiment
médicales et sociales à la fois. Le suivi bio-psycho-social de la personne ainsi que
le maintien minimum de ses relations familiales et sociales - dans des situations
changeantes, incertaines et dramatiques souvent - commandent une égale
mobilisation souple et rapide de ressources et de compétences médicales,
psychiatriques, psychosociales et communautaires.
Le PRISME, comme,toute équipe de base en santé mentale, est tenaillé
entre deux perspectives contradictoires. Il peut être défini, en effet, en fonction
d'une logique de "première, deuxième ou troisième ligne" ou en fonction d'une
politique de traitement et maintien en milieu naturel.
Dans le premier cas, nous avons affaire à une manière de structurer un
réseau de distribution de services qui peut être opératoire, en santé physique
surtout, dans la mesure où on peut "enchaîner" des ressources et compétences
différenciées en fonction d'un ensemble de maladies dont le traitement et l'évolution
sont assez prévisibles. La logique des lignes est une logique administrative qui
peut classer des activités avec efficacité en autant que ce classement puisse être
mis en correspondance avec des processus de prise en charge stables, reconnus
et normalisés. On peut systématiser des activités, parce qu'on peut systématiser
des états de maladies et des trajectoires assignables aux malades.
99
Dans le second cas, nous avons affaire non plus à des structurations de
processus mais bien à une finalité commune à des actions diverses. La finalité ici
est ('"amélioration de la qualité de vie en milieu naturel" et les actions sont celles
d'intervenants multiples aux intérêts, aux valeurs, aux compétences... vraiment
différents. La coordination de l'action ici est beaucoup plus exigeante. Il ne s'agit
plus, comme dans la logique des lignes, de préciser toujours plus finement des
places dans un processus global, avec des intervenants qui se conforment aux
fonctions et aux tâches ainsi prescrites. Il est plutôt demandé à chacun des
intervenants de penser et d'accomplir ses activités en fonction d'une finalité ultime
qui ne peut être approchée que par la réussite, non de chacun, mais de la
concertation effective de tous.
Les textes du PRISME et tous les discours enregistrés à l'interne comme à
l'externe du CLSC oscillent entre ces deux perspectives (i.e. 1èr0- 2 e - 3 e ligne -VS-
maintien en milieu naturel). Ni l'une ni l'autre ne sont claires dans leurs implications
et tous les utilisent presque toujours pour justifier à posteriori leurs positions. Elles
deviennent plus des "paroles de guerre" que des moyens intellectuels pour mieux
comprendre et agir. Et chacun a toujours raison : ces deux perspectives sont
également mises en vigueur à tous les niveaux du secteur de la santé et des
services sociaux. Le CLSC, lui, devrait se fonder sur les deux. Un défi difficile et...
impossible encore (selon nous) en santé mentale.
4.5 Complémentarité des services et concertation fonctionnelle.
Dans les faits, bien involontairement, les rapports noués entre le PRISME
et ses partenaires internes au CLSC sont assez proches de ceux que l'on
rencontrait traditionnellement - et qu'on peut croiser encore - entre les services
psychiatriques et toute autre ressource non psychiatrique. À l'interne, le PRISME
n'a pu éviter une certaine "ghettoïsation". il est devenu la "forteresse psychiatrique"
du CLSC, selon l'expression souvent utilisée pour désigner les unités hospitalières
5
100
en santé mentale45. Il faut bien jouer des savoirs psychiatriques pour lui adresser
une demande. Une demande qu'il serait tenté de refuser de peur de devenir,
comme son homologue hospitalier, le déversoir des urgences et des services de
première ligne.
À l'externe, l'esprit de partenariat et une certaine concertation dite plus haut
ont permis et permettent des échanges nouveaux alors qu'à l'interne, une
rigidification progressive des rapports rend plus difficile la concertation et a fragilisé
le partenariat, à court terme du moins. Mais il ne faudrait pas noircir le tableau. Si
le partenariat est très bon à l'externe et incertain à l'interne, la concertation dans
les deux cas n'est peut-être pas si différente qu'il n'y paraît à première vue.
Dans les deux cas, en effet, la grande majorité des acteurs partage une
vision implicite de la concertation assez semblable. L'essentiel pour chacun est de
pouvoir coordonner son action avec les autres en échangeant à partir d'une
définition claire des mandats et missions, d'une spécification détaillée des objectifs
et des clientèles de chaque service, du respect intégral de l'autonomie de chacun
et d'une régulation précise de ces échanges (qui, quand, quoi, comment...). La
Nous attirons l'attention du lecteur sur le fait que dans les paragraphes précédents nous nous efforçons de caractériser et d'expliquer des situations sans en imputer la responsabilité à qui que ce soit Quand nous disons, par exemple, que le PRISME n'a pu éviter... nous ne voulons pas dire qu'il a essayé et n'a pas réussi, ou qu'il n'a pas essayé, ou qu'il a cherché à maintenir, ou encore que d'autres l'ont forcé à... Nous ne regardons pas qui serait à la source de cette situation mais les caractéristiques de celle-ci qui infléchissent le comportement des personnes ou groupes impliqués: Ceci pour deux raisons. D'abord nous n'avions ni le mandat ni les moyens de faire enquête; au sens de rendre compte à des autorités des conduites humaines en cause. Et surtout, en second lieu, nous pensons que les dynamiques de travail s'expliquent beaucoup plus par des phénomènes sociaux "objectifs" propres aux situations dans lesquelles ces êtres humains sont impliqués que par des traits personnels propres à chacun d'eux. Pour nous, des conflits sociaux peuvent produire des "conflits de personnalité" par exemple; mais non l'inverse.
101
gamme des services doit pouvoir se représenter aisément comme "système intégré
et continu", lequel ne doit souffrir aucun dédoublement ou chevauchement.
Cette gamme de services est pensée en fonction de clientèles bien
circonscrites. C'est l'approche "service-client" qui supplée (au moins dans les
intentions) la défense des territoires et des pouvoirs traditionnellement impartis aux
établissements et aux professions. Et selon l'esprit même du partenariat,
l'implantation de cette gamme de services intégrés est plus Une prérogative des
acteurs de terrain eux-mêmes que le fait d'une instance centrale et autoritaire.
Mais ces changements récents ont leurs limites : cette vision des services
présuppose encore que ceux-ci soient séparables, autonomisables et
complémentaires tant pour les prestataires que pour les usagers. Ces services sont
conçus les uns par rapport aux autres selon un principe de division formelle des
activités où chacun ^ prestataires comme usagers toujours - voit sa place et son
rôle assez bien prédéterminés.
Certes, on n'entrevoit moins la nécessité d'une structure où, comme par le
passé, tout le terrain était centré sur l'hôpital avec le médecin comme chef
d'orchestre. On se représente volontiers un orchestre sans chef attitré où le
partenariat permettra d'établir consensuellement les programmes à présenter
chaque année avec une distribution des rôles claire et convenue par tous. Mais il
n'est pas question d'improvisation ou de création originale : les programmes et les
rôles sont prédéterminés. Les interventions ne s'inventent pas les unes les autres,
de manière ad hoc, dans le cours de l'action elle-même. Les scénarii sont certes
écrits par les acteurs eux-mêmes et avec grande précaution. Mais c'est le scénario
qui ést décisif et la performance de ces acteurs se mesurera dès lors par la
conformité de leurs gestes aux multiples prescriptions initiales.
102
Dans la région 04, pour la période observée, on peut dire que les
partenaires, bien disposés les uns à l'égard des autres, se concertent avec succès,
assez souvent ; quoique de façon inégale. Mais cette concertation, pour heureuse
qu'elle soit, reste un accomplissement silencieux et réservé des tâches et
fonctions, produits visibles et "labellisés" des accords partenariaux (plans
d'organisation, protocoles d'entente...). En se concertant, on se parle de la situation
d'un usager, des alternatives possibles, des ressources disponibles, des
compétences de chacun, de ce qui a été fait46... Mais cela n'ira pas jusqu'à une
prise en charge conjointe avec responsabilité partagée. On ne crée pas ensemble
un projet pour et avec l'usager. On reste en quelque sorte individualiste dans
l'action (les médecins plus que d'autres, peut-être, mais ce n'est qu'une question
de degré). L'action d'un professionnel - et de tout intervenant - s'arrête là où
commence celle d'un autre. La concertation n'est pas une mise en commun et une
action partagée mais seulement la bonne transmission des informations ainsi qu'on
transmet le témoin dans une course à relais.
Nous traduisons ici une certaine vision de la concertation sous-jacente aux
comportements des partenaires. C'est une vision prégnante qui guide beaucoup de
comportements. Pas tous, cependant. Il existe, en effet, des concertations plus
proches d'une prise en charge conjointe avec implication des usagers et partage
des responsabilités. Quel volume ? C'est bien difficile à dire, car les interviewés en
Une caractéristique des réponses aux entrevues nous a étonné. Dans la seconde partie de cette entrevue, lorsqu'il s'agit de commenter un cas fictif, la majorité des intervenants parlent péu ou difficilement de la conduitè possible ou prévisible des autres. La description de ces conduites est générale et exprimée dans un vocabulaire très institutionnel. D'un autre côté, l'usager et ses proches sont pratiquement absents de tous les commentaires. Il est délicat d'interpréter une telle caractéristique qui peut dépendre pour une bonne part de certaines particularités mal contrôlées de l'entrevue. Nous y voyons cependant l'indice de ce que les intervenants se connaissent moins par leurs actions concrètes et communes que par leurs fonctions officielles. Dit autremènt, les situations de concertation seraient encore peu l'occasion d'apprentissages mutuels "dans et par l'action".
103
parlent très peu. Ce n'est pas une question de secret. On n'y pense pas trop, tout
simplement. C'est une réussite dont on est heureux de signaler la présence, mais
qui relève un peu du hasard. Ce n'est pas une situation modèle, une norme à
atteindre, le critère même d'une concertation réussie.
Dans l'ensemble, les attentes à l'égard de la concertation - comme
implication concrète de plusieurs autour de la situation particulière d'un usager -
sont réelles mais limitées souvent à une conformité à des normes, valeurs et
procédures établies. Tous souhaitent et participent effectivement à ce que ces
dernières soient flexibles et autogérées au plus près des terrains. Mais chacun
s'attend, par ailleurs, à oeuvrer en un lieu précis qui lui est propre, dans un
système de services intégrés, continus, complémentaires... Pour la majorité des
intervenants (avec une certaine exception pour le communautaire) la concertation
est une collaboration discrète selon une logique institutionnelle bien définie plutôt
que l'engagement dans des activités quotidiennes communes visant la recherche
de pratiques vraiment innovantes47.
N'y aurait-il vraiment rien de nouveau ? Doit-on ici aussi, en matière de
concertation, admettre avec le Vérificateur général du Québec que la Politique de
santé mentale est un échec ? La conclusion qui suit avance une réponse.
Dans les termes propres à White et al. (1992 et 1993), on pourrait dire que la concertation en santé mentale dans la région des Bois-Francs se rapproche du modèle de la collaboration. Néanmoins le modèle de la complémentarité reste prégnant chez beaucoup comme représentation idéale. . Il faut dire que les textes institutionnels -ministériels en tête - restent assez bien accrochés à ce dernier modèle.
CHAPITRE V
SYNTHÈSE ET CONCLUSION GÉNÉRALE
Dans l'ensemble, les résultats observés ici sont assez proches de ceux
présentés par d'autres recherches. Parlant de concertation entre les proches, les
intervenants en clinique externe et le réseau de la santé et des services sociaux
Dufort et al. (1994) concluent que :
"Malheureusement les données de l'étude portent à croire que cette concertation n'est pas toujours présente et semble parfois difficile, voire même impossible à réaliser" (: XIII)
Analysant le partenariat dans le développement d'un service d'intervention
de crise, Lebeau et Viens (1991) écrivent :
"Les rapports interstructurels et interorganismes ont donné naissance à de nouvelles alliances stratégiques plutôt qu'à une pratique d'interventions de réseau ou une action collective de résolution de problème" (Lebeau et Viens, 1991, :131)
Se demandant en conclusion "... pourquoi ces sous-systèmes de pratique
ne conduisent pas à "faire autrement"", ils répondent par une hypothèse sur
"... la définition d'un discours apparemment consensuel sur la personne, la globalité, la multidisciplinarité, le partenariat: en somme, la production d'un discours idéologique collectif qui justifie et maintient la poursuite d'objectifs individuels" (id., :137).
La partenariat et la concertation ne seraient-ils finalement que matière à
rhétorique ? Quoique nous admettions, nous aussi, les nombreux usages
mystificateurs de ces thèmes, le résultat global de la présente recherche ne conclut
pas exactement de cette manière.
105
Un esprit de partenariat est bel et bien en vigueur, en santé mentale, dans
le réseau de la santé et des services sociaux de la région des Bois-Francs. Cela
rend possible réellement des concertations entre intervenants plus directes et
flexibles que par le passée Mais ces dernières restent fragiles, discrètes et
prudentes. Elles ne s'aventurent que rarement dans les pratiques novatrices que
supposerait la mise en oeuvre effective et sérieuse de la politique québécoise en
santé mentale. L'ensemble de ces pratiques - celles du PRISME y compris -
s'inscrit positivement et proactivement même, dans cette réorientation d'ensemble.
Le mouvement est bien engagé. Il est cependant lent et réservé. Ses résultats ne
sont pas encore à la hauteur des ambitions de cette politique.
Nous présentons ici, pour terminer, quelques remarques et commentaires
susceptibles d'aider, avec modestie et réserve, à la conception et à l'implantation
d'autres expériences proches ou semblables au PRISME.
L'équipe de base comme projet-pilote.
Le PRISME s'est constitué conformément au mécanisme dit de "proposition
d'actualisation" privilégié par le PROS en santé mentale. Sans juger de la validité
ou pas de ce mécanisme, nous devons néanmoins en signaler un problème. En
plaçant les proposeurs dans une certaine compétition et en donnant un statut de
projet-pilote à leur programme, ce mécanisme les met dans une situation
paradoxale où il faut d'un côté développer un entrepreneurship soucieux de
visibilité et de l'autre s'intégrer le plus "normalement du monde" dans la culture
propre à un établissement. L'équipe doit à la fois publiciser ses activités (et donc
se distinguer) et donner satisfaction à des attentes nombreuses et diverses (et
donc se conformer).
Le PRISME a surtout satisfait à la première condition en étant présent à
l'externe dans de nombreuses activités où il pouvait justifier le bien-fondé de ses
106
orientations et, plus encore, montrer qu'il était "une formule gagnante". Mais cela
ne va pas sans risques ainsi que nous avons pu l'observer. La difficulté majeure
vient de ce qu'un tel faire-valoir implique que ses promoteurs puissent exhiber
publiquement des résultats peu contestables. Sans quoi les reproches et
accusations sont faciles: "ils se pètent les bretelles", "une belle vitrine avec pas
grand chose dans le magasin"...
Or les résultats d'un projet-pilote sont, par définition, plus facilement
discutables que ceux d'un programme bien établi. Mais il y a plus. Les actions (1 )
de maintien en milieu naturel, (2) auprès d'une clientèle "lourde et chronicisée", (3)
en santé mentale constituent vraiment un domaine où les données sont des plus
molles qui soient (soft data). Globalement, depuis une vingtaine d'années, nous
savons mieux assurer les soins spécialisés psychiatriques et les compétences en
réadaptation se sont nettement améliorées. La description des interventions et la
mesure des résultats y sont donc un peu plus assurées. Mais la (ré)intégration
familiale et sociale reste un défi dont lés exigences sont énormes et d'autant plus
souvent mésestimées qu'on est loin du lieu précis de cette action. En cette matière,
on voit mal et souvent, on ne voit pas les résultats.
En dehors des critères pertinents mais sommaires comme les niveaux de
médication, les taux de réhospitalisation, le nombre d'épisodes de crise... (pour un
bon exemple, voir Cormier et al. ,1990), personne ne peut prétendre à une
connaissance un tant soit peu pertinente et fine de la qualité dé services en regard
des diverses trajectoires des usagers, de leur qualité de vie et des effets sur les
familles et leurs proches. Il y aurait lieu d'ailleurs dans les années à venir de
développer ici des approches et des instruments d'analyse nouveaux adéquats à
ces situations d'intervention particulièrement complexes par le nombre et la variété
des personnes impliquées.
107
D'ici là toute évaluation d'équipe plus ou moins semblable au PRISME -
évaluation interne comme externe, formelle ou informelle - devra toujours être
considérée avec circonspection.
5.2 Clientèle cible d'une équipe de base en santé mentale.
La spécificité du PRISME est claire et répétée à souhait par ses membres:
il vise la réadaptation et l'intégration des personnes présentant des troubles
mentaux sévères et persistants. Nous l'avons vu précédemment (4.4.2), cette
restriction ne va pas de soi. Elle se justifie par l'absence de services en milieu de
vie pour cette population particulière alors que de tels services existent dans les
programmes habituels en CLSC pour les personnes vivant des troubles mentaux
transitoires et celles dont la santé mentale est menacée.
Cette justification bute cependant sur une première série d'obstacles.
D'abord il n'est pas évident que les CLSC disposent des ressources nécessaires
compétentes et disponibles quant aux services à rendre aux personnes présentant
des troubles mentaux transitoires. D'autant plus que la distinction entre ces
dernières et les premières ("malades mentaux chroniques") est plus formelle que
réelle du point de vue de services en milieu naturel ou communautaire. Cette
distinction est probablement plus facile à faire si l'on use des classifications
diagnostiques du DSMIV. Mais les services en CLSC se classent beaucoup moins
selon la nature du trouble mental que selon la trajectoire de la personne et les
multiples conditions psychosociales et sociales qui la déterminent. De ce dernier
point de vue il est fréquent que des clientèles qui vivent des troubles mentaux
transitoires requièrent sensiblement les mêmes services que les autres.
La spécificité d'une équipe de base en santé mentale devrait être finement
établie et de façon ad hoc en tenant compte de ces obstacles. Nous pensons qu'il
est essentiel de dresser un portrait aussi réaliste que possible des services et des
108
ressources en personnel (compétentes et disponibles) propre au CLSC en cause.
C'est en mettant ce tableau en rapport avec des données d'une étude fiable des
besoins locaux de services en santé mentale qu'il sera possible de décider
précisément des clientèles à desservir. Ainsi une équipe de base en santé mentale
pourrait, dans certains CLSC, ne s'adresser qu'aux clientèles "lourdes et
chroniques" alors que dans d'autres elle pourrait élargir ses critères à des
clientèles moins chronicisées.
Dans un cas comme dans l'autre, il sera toujours nécessaire - tant dans la
conception que dans l'implantation d'une équipe - d'impliquer tous les intervenants
dans les décisions touchant ce découpage des clientèles. Et cela après avoir
assuré une bonne formation sur les particularités de chacune d'elles ; une
formation non uniquement axée sur les pathologies cliniques et les traitements
psychiatriques mais centrée sur les trajectoires des patients, leurs particularités
psychosociales, la multiplicité des formes d'intervention et des diverses conditions
de leurs efficacités. Tout découpage des populations posera toujours problème.
L'important est de maintenir une vision claire de ces problèmes et de veiller
soigneusement à rechercher un minimum de consensus quant aux décisions qui les
concernent.
La spécificité d'action d'une équipe de base.
Admis des clientèles présentant des troubles mentaux sévères plus ou moins
chroniques, il semble bien que toutes les interventions doivent converger vers une
amélioration de la qualité de vie des personnes avec maintien en milieu naturel
(Mercier, 1993, Santé mentale au Québec, 1988). Cette situation est vue
aujourd'hui à la fois comme le meilleur état de bien-être possible pour ces
personnes et comme un impératif économique (virage ambulatoire).
109
La notion de (ré)intégration sociale caractérise une telle situation idéale: elle
désigne la finalité d'action, non d'un type d'établissement ou d'intervenant, mais de
tout un réseau de soins, d'aides et d'interventions. La (ré)intégration n'est pas le
but propre d'un acteur mais l'horizon sur lequel tous et chacun, devenus
partenaires, pourront et devront fixer leurs objectifs spécifiques.
Mais cette visée générale de (ré)intégration sociale ne va pas de soi, elle
non plus, comme nous l'avons vu précédemment pour le PRISME lui-même (4.4.3).
Il y a d'abord une difficulté de vocabulaire. En effet dans la Politique de santé
mentale, et à sa suite dans les PROS, la réadaptation et la réintégration figurent
comme un type de services directs à la clientèle (le dernier de la gamme
précisément). On peut certes définir des services précis de réintégration (en
famille, à l'emploi, à l'école...) avec un ou des organismes ou intervenants
particulièrement mandatés à cet effet. Mais le risque est grand de confondre ce
niveau des services (et leurs spécificités respectives) avec celui de la finalité
générale commune à tous.
Cette confusion est très fréquente : elle conduit les intervenants à
coordonner leurs actions selon la définition de la seule place qu'ils occupent
chacun dans un système prédéfini où toutes les cases (les territoires ou les
"créneaux" comme ils disent) sont établies en fonction des mandats et des
expertises. La (ré)intégration n'est qu'une place parmi d'autres, occupée par des
intervenants spécialisés. Chacun agit conformément à la place qui lui est désignée
et n'a pas à s'engager avec les autres dans des actions vraiment communes où on
viserait ensemble, chaque fois, à maximiser une qualité de vie en milieu naturel
(qualité pour le patient comme pour ses proches).
La (ré)insertion sociale du patient est-elle uniquement l'affaire d'une équipe
de base en santé mentale ? Si oui, il faudrait en tirer les conséquences à la fois
quant à sa composition et quant à ses relations - formelles alors - avec les
110
intervenants qui précédent. Et dans ce cas, faut-il parler de première ou de
troisième ligne ? Si par contre, on récuse cette division du travaild'aide et de soins
(et ce serait notre position), il faut oublier ces distinctions selon des systèmes en
lignes pour leurs préférer une organisation en réseaux flexibles où la valorisation
de la finalité commune est mise de l'avant plutôt que le respect intégral des
prérogatives de chacun.
Il s'agit dans ce dernier cas d'un changement de culture à l'intérieur de tout
le secteur de la santé et des services sociaux. Ce n'est pas l'affaire d'un jour, ni
d'un an. Si cela est visé à long terme, il est important alors d'accroître les
discussions et les débats à ce sujet car toute équipe de base (en CLSC ou pas)
s'adressant particulièrement à des clientèles "lourdes et chronicisées" doit
s'orienter nécessairement dans un sens ou dans l'autre. Et il en va aussi
directement de ses rapports partenariaux avec les autres et surtout des
engagements mutuels de tous dans des concertations concrètes.
5.4 Composition et modalités organisationnelles d'une équipe de base.
La présente enquête sur le PRISME avait comme toile de fond, pour
plusieurs interviewés, la présence "concurrente" de deux autres types de pratique
fort proches de la première : les CIC (Centre d'intégration communautaire) de
l'Hôpital Ste-Thérèse et les pratiques et projets d'équipe de base en santé mentale
du CLSC Suzor-Coté. Les données recueillies nous ont permis surtout de
comprendre les particularités du PRISME sans pouvoir nous livrer aucunement à
une recherche comparative sérieuse.
Reste néanmoins une question générale d'importance : y a-t-il une forme
meilleure, voire idéale, d'équipe de base en santé mentale ? Personnellement,
nous ne le croyons pas et la majorité des interviewés vont pratiquement dans le
même sens. De l'avis de plusieurs, les structures sont secondaires. L'essentiel,
111
disent-ils, dépend de la qualité des personnes. Nous ne partageons cependant pas
cette justification.
Une équipe de base peut, en effet, être composée de diverses manières
avec plusieurs modalités organisationnelles et rattachée, éventuellement, à
d'autres établissements qu'un CLSC, voire à une instance communautaire
autonome. Mais ces variations structurelles ne sont pas neutres pour autant. Au
contraire, les modalités choisies influenceront toujours grandement ce que pourra
faire ou pas l'équipe. Il n'y a cependant pas de formule passe-partout et l'important
est dès lors de choisir ces modalités en fonction des contextes locaux.
La qualité des personnes impliquées est certainement une variable
importante de ce contexte en cause. Mais cette qualité des personnes s'est
construite et est reconnue à partir de leur performance dans la situation passée et
présente et non par rapport à une situation nouvelle en projet. Or celle-ci, comme
on l'a vu au point précédent, est soit orientée vers la réorganisation d'un système
formel de services continus, complémentaires... ou vers un réseau flexible de
ressources mobilisables en vue de l'amélioration de la qualité de vie des usagers
en milieu naturel.
Plus que la qualité en soi des personnes, l'essentiel pour construire une
équipe de base.en santé mentale est leur implication dans des projets locaux
concrets visant moins cette continuité de services qui "... telle qu'elle existe dans
le modèle de complémentarité, est une continuité de soins, imposée, plutôt qu'une
continuité de soutien, recherchée par la personne elle-même" (White, Mercier, Roy,
1993, :144). C'est la mise en réseau de ces intervenants et gestionnaires
partageant des engagements communs lorsque des personnes le demandent qui
est une des situations les plus propices à l'émergence d'une équipe de base.
112
"Assurer la primauté de la personne" ou "la personne au centre des
services" sont deux principes bien connus aujourd'hui. Si on veut aller au-delà du
simple slogan idéologique, il est essentiel de réorienter plus fërmement les attentes
et les pratiques sur cette exigence de continuité de soutien.
Cette dernière exigence marque d'ailleurs bien les limites de ja présente
recherche. Nous avons tenter, en effet, de décrire et d'expliquer un certain état des
rapports partenariaux et des concertations noués par les protagonistes en santé
mentale dans la région des Bois-Francs ; et cela, tout particulièrement en regard
du PRISME dans sa construction et dans ses deux premières années de
fonctionnement Nous avons pu en indiquer quelques points forts et points faibles
et poser des jugements globaux en référence à la fois à ce que nous savons du
passé et à ce que propose la Politique de santé mentale.
Mais ces évaluations restent partielles, on n'est certain que ce qui nous
paraît foible ou fort l'est vraiment. Le critère vraiment décisif devrait être les
résultats concrets de ce qui a été observé en regard des usagers, de leurs familles
et de leurs proches.
Pour donner pleinement ses effets, toute étude sur le partenariat et la
concertation devrait être mise en relation avec une connaissance plus fine des
diverses trajectoires des clientèles, de leurs appropriations et de leurs
appréciations des services reçus. Ce sont des connaissances de ce type qu'il
faudra prioritairement développer dans les années à venir. S'intéresser moins aux
prestataires de service et plus aux usages et aux usagers. Sans quoi une certaine
manifestation de partenariat et de concertation, même bien réelle, ne sera pas
toujours garante de la continuité de soutien et de la qualité de vie des personnes.
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I ANNEXE 1
LE BUT
Approfondir les différents concepts en cause et mettre en lumière les gestes à poser et les
adaptations éventuellement requises pour étendre leur application dans d'autres territoires
de CLSC.
LES OBJECTIFS
^ Clarifier le contribution spécifique d'une équipe de base dans les services de base.
Distinguer la contribution de la première et de la deuxième ligne.
•sp Clarifier la contribution des services de base en matière de réadaptation,
réintégration sociale et le maintien dans le milieu de vie.
Dégager les conditions minimales favorisant l'implantation des équipes de base en
santé mentale.
Identifier les écueils à éviter dans l'implantation d'une équipe de base.
^ Convenir des informations requises pour assurer un suivi des activités de l'équipe
de base par la Régie, à l'intérieur du rapport d'activité annuel.
INDICATEURS DE RÉSULTATS
Les indicateurs de résultats ont été déterminés en référant au but et aux objectifs
du projet-pilote. Rappelons que le but visé par la Régie Régionale est:
Approfondir les différents concepts en cause et mettre en lumière les gestes à poser et les adaptations éventuellement requises pour étendre leur application dans d'autres territoires de CLSC.
Pour chacun des six objectifs du projet-pilote, des indicateurs ont été identifiés.
1. Clarifier et valider l'hypothèse du PROS sur la contribution spécifique d'une équipe
de base dans les services de base.
a) La procédure interne du CLSC de l'Érable clarifiant le rôle de l'équipe de
base par rapport aux autres services du CLSC, y incluant les modalités de
référence interservices ;
b) La trajectoire d'une personne à travers l'ensemble des services de base du
territoire ;
c) La collecte et l'analyse des données clientèle-services qui permettent
d'identifier les référants, la nature de la demande, les services requis, la
capacité et les limites de réponse de l'équipe de base ;
d) Un avis du comité d'actualisation par zone de coordination.
2. Distinguer la contribution de la première et de la deuxième ligne dains un milieu
semi-rural.
a) L'entente de service intervenue entre la première et la deuxième ligne.
Cette entente devra clarifier les aspects suivants: les rôles, les mandats, les
champs d'intervention de chacun, les modalités de référence et/ou de suivi
conjoint, les liens de support professionnel entre eux et à l'intention d'autres
ressources oeuvrant en santé mentale ou dans un secteur connexe, les
mécanismes qui assureront la non-duplication et la complémentarité des
programmes et des services. "
b) L'analyse et les commentaires du CLSC après l'expérience de ce qui devrait
préciser les protocoles d'entente.
3. Clarifier la contribution des services de base en matière de réadaptation,
réintégration sociale et le maintien dans le milieu de vie.
a) Le document du CLSC qui décrit la conception de leurs actions dans ces
domaines ;
b) Un avis du comité d'actualisation par zone de coordination.
4. Dégager les conditions minimales favorisant l'implantation des équipes de base en
santé mentale.
Une analyse critique du CLSC mettant en lumière les enjeux de l'implantation en
termes d'étapes à franchir avant la mise en place, les aspects organisationnels de
la mise en place (recrutement, sélection, formation...), les attentes face aux
partenaires y compris le Régie Régionale...
5. Identifier les écueils à éviter dans l'implantation d'une équipe de base.
Un bilan sur l'expérience telle qu'elle s'est vécue par l'ensemble des partenaires.
6. Convenir des informations requises pour assurer un suivi des activités de l'équipe
de base, à l'intérieur du rapport d'activité annuel de l'établissement.
Le CLSC, selon la codification de la classification de la clientèle, identifie les
données statistiques qui permettront de suivre les activités de l'équipe de base
dans le centre d'activités de la santé mentale.
I ANNEXE 2
ÉVALUATION DU PARTENARIAT
QUESTIONNAIRE
Après les échanges que vous venez d'avoir sur l'histoire des relations
partenariales en santé mentale, nous aimerions connaître vos opinions et
perceptions quant aux compétences des divers intervenants actifs dans
ce champ.
Auriez-vous la bonne obligeance de remplir le petit questionnaire qui suit?
Soyez assuré(e) de la confidentialité de vos réponses: seuls Claude
Nélisse et Paula Vachon en auront connaissance et les règles
déontologiques qui vous ont été communiquées par écrit plus tôt
s'appliqueront intégralement ici.
Les opinions recherchées sont générales et il est possible que pour l'une
ou l'autre question, vous ayez envie d'apporter des distinctions ou des
précisions. Lorsque cela arrivera, mettez un crochet juste là où vous
aimeriez en dire plus. Nous commencerons ainsi la seconde partie de
l'entrevue en reprenant verbalement et systématiquement ces points.
Voici certaines opinions concernant les compétences de différents intervenants. Pourriez-vous nous dire si vous êtes plutôt en accord ou en désaccord avec chacune de ces opinions.
1- En général, la plupart des psychologues non spécialisés en psychiatrie:
— Se soucient de la prévention des problèmes èt de la promotion de la santé.
— Dépistent bien les problèmes de santé mentale.
— Accueillent bien la personne qui présente ces problèmes.
— Analysent et évaluent avec justesse ces problèmes.
— Interviennent efficacement en regard de ces problèmes.
— Orientent et réfèrent bien quand c'est nécessaire.
— Accompagnent, suivent et relancent bien s'il y a lieu.
— Se soucient du maintien dans le milieu de vie de la personne ou de sa réintégration sociale le cas échéant.
2- En général, la plupart des psychiatres:
— Se soucient de la prévention des problèmes et de la promotion de la santé.
— Dépistent bien les problèmes de santé mentale.
— Accueillent bien la personne qui présente ces problèmes.
— Analysent et évaluent avec justesse ces problèmes.
— Interviennent efficacement en regard de ces problèmes.
— Orientent et réfèrent bien quand c'est nécessaire.
— Accompagnent, suivent et relancent bien s'il y a lieu.
— Se soucient du maintien dans le milieu de vie de la personne ou de sa réintégration sociale le cas échéant.
Tout à fait d'accord
En accord
En désaccord
Tout à fait en désaccord
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
Tout à fait d'accord
En accord
En désaccord
Tout à fait en désaccord
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
3- En général, la plupart des intervenants permanents dans les ressources communautaires:
— Se soucient de la prévention des problèmes et de la promotion de la santé.
— Dépistent bien les problèmes de santé mentale.
— Accueillent bien la personne qui présente ces problèmes.
— Analysent et évaluent avec justesse ces problèmes.
— Interviennent efficacement en regard de ces problèmes.
— Orientent et réfèrent bien quand c'est nécessaire.
— Accompagnent, suivent et relancent bien s'il y a lieu.
— Se soucient du maintien dans le milieu de vie de la personne ou de sa réintégration sociale le cas échéant.
Tout à fait d'accord
En accord
En désaccord
Tout à i en désac
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
4- En général, la plupart des travailleurs sociaux non spécialisés en psychiatrie:
— Se soucient de la prévention des problèmes et de la promotion de la santé.
— Dépistent bien les problèmes de santé mentale.
— Accueillent bien la personne qui présente ces problèmes.
— Analysent et évaluent avec justesse ces problèmes.
— Interviennent efficacement en regard de ces problèmes.
— Orientent et réfèrent bien quand c'est nécessaire.
— Accompagnent, suivent et relancent bien s'il y a lieu.
— Se soucient du maintien dans le milieu de vie de la personne ou de sa réintégration sociale le cas échéant.
Tout à fait d'accord
En accord
En désaccord
Tout à 1 en désac
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
5- En général, la plupart des bénévoles (dans les groupes communautaires, les amis ou proches reconnus comme "aidants naturels"...):
— Se soucient de la prévention des problèmes et de la promotion de la santé.
— Dépistent bien les problèmes de santé mentale.
— Accueillent bien la personne qui présente ces problèmes.
— Analysent et évaluent avec justesse ces problèmes.
— Interviennent efficacement en regard de ces problèmes.
— Orientent et réfèrent bien quand c'est nécessaire.
— Accompagnent, suivent et relancent bien s'il y a lieu.
— Se soucient du maintien dans le milieu de vie de la personne ou de sa réintégration sociale le cas échéant.
Tout à fait En En Tout à fart d'accord accord désaccord en désaccord
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • n • • • • •
6- En général, la plupart des infirmières non spécialisées en psychiatrie:
Tout à fait En En Tout à fait d'accord accord désaccord en désaccord
— Se soucient de la prévention des problèmes et de la promotion de la santé. • • • •
— Dépistent bien les problèmes de santé • • • • mentale. • • • • — Accueillent bien la personne qui présente • • • • ces problèmes. • • • • — Analysent et évaluent avec justesse ces
problèmes. • • • • — Interviennent efficacement en regard de
ces problèmes. • • • • — Orientent et réfèrent bien quand c'est
nécessaire. • • • • — Accompagnent, suivent et relancent bien
s'il y a lieu. • — Accompagnent, suivent et relancent bien s'il y a lieu. • • • •
— Se soucient du maintien dans le milieu de • • vie de la personne ou de sa réintégration • • • • sociale le cas échéant.
/ 7- En général, la plupart des généralistes ou omnipraticiens:
— Se soucient de la prévention des problèmes et de la promotion de la santé.
— Dépistent bien les problèmes de santé mentale.
— Accueillent bien la personne qui présente ces problèmes.
— Analysent et évaluent avec justesse ces problèmes.
— Interviennent efficacement en regard de ces problèmes.
— Orientent et réfèrent bien quand c'est nécessaire.
— Accompagnent, suivent et relancent bien s'il y a lieu.
— Se soucient du maintien dans le milieu de vie de la personne ou de sa réintégration sociale le cas échéant.
8- En général, la plupart des professionnels non médicaux spécialisés en psychiatrie (psychologue, infirmière, travailleuse sociale, ergothérapeute...):
Tout à fait d'accord
En accord
En désaccord
Tout à 1 en désac
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
— Se soucient de la prévention des problèmes et de la promotion de la santé.
— Dépistent bien les problèmes de santé mentale.
— Accueillent bien la personne qui présente ces problèmes.
— Analysent et évaluent avec justesse ces problèmes.
— Interviennent efficacement en regard de ces problèmes.
— Orientent et réfèrent bien quand c'est nécessaire.
— Accompagnent, suivent et relancent bien s'il y a lieu.
— Se soucient du maintien dans le milieu de vie de la personne ou de sa réintégration sociale le cas échéant.
Tout à fait En En Tout à fait d'accord accord désaccord en désaccord
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
V
9- En général, la collaboration et les échanges professionnels sont avec:-
Très 1 Très satisfaisants Satisfaisants Insatisfaisants insatisfaisai
@ Les urgences hospitalières • • • • © Les groupes d'entraide • • • • ® Les ressources intermédiaires • • • • e Les hôpitaux généraux, de courte durée • • • • ® Les C.L.S.C. • • • • e Les groupes de défense des droits • • • • ® Les départements psychiatriques des • • • • hôpitaux de courte durée • • • • © Les centres d'accueil et de réadaptation • • • • ® Les cliniques médicales privées • • • • e Les centres de jour • • • • © Les groupes auto-psy. • • • • @ Les centres d'acceuil et d'hébergement • • • • ® Les centres hospitaliers psychiatriques • • • •
10- Parmi tous les intervenants de la liste suivante: 1. Les psychologues non spécialisés en psychiatrie. 2. Les psychiatres. 3. Les intervenants permanents des ressources communautaires. 4. Les travailleurs sociaux non spécialisés en psychiatrie. 5. Les bénévoles - aidants naturels. 6. Les infirmières non spécialisées en psychiatrie. 7. les généralistes ou omnipraticiens. 8. Les professionnels non médicaux spécialisés en psychiatrie.
Je pense que le meilleur esprit de partenariat et de concertation se rencontre chez les: Q
(inscrire les deux chiffres qui correspondent aux deux intervenants choisis.)
Je pense que l'esprit de partenariat et de concertation le plus faible se rencontre chez les: Q ] Q
Je pense que la meilleure qualité de travail dans leur activité professionnelle se rencontre chez les: Q Q
Je pense que la plus faible qualité de travail dans leur activité professionnelle se rencontre chez les: Q Q ]
11- Supposons que des séminaires de formation développent bien des aptitudes au partenariat et à la consultation ont fait leurs preuves au Québec. Votre Régie régionale dispose cette année de $100,000.00 pour une telle formation. Elle vous consulte et vous demande de répartir cette somme pour la formation des intervenants qui en auraient le plus besoin selon vous.
J'accorderais: i
K K
aux psychologues non spécialisés en psychiatrie. aux psychiatres. aux intervenants permanents des ressources communautaires, aux travailleurs sociaux non spécialisés en psychiatrie, aux bénévoles - aidants naturels, aux infirmières non spécialisées en psychiatrie. aux généralistes ou omnipraticiens. aux professionnels non médicaux spécialisés en psychiatrie.
TOTAL:
Merci beaucoup pour vos réponses, vous pouvez maintenant signifier à Pintervieweur ou à l'intervieweuse les passages où vous avez mis un crochet.
v j
ANNEXE 3
LISTE DES PERSONNES INTERVIEWÉES
Remarque:
E1 : Signifie que toute l'entrevue de cette personne a porté uniquement sur
l'implantation et le partenariat (plan 1).
E1 + E2 : Signifie que l'entrevue a porté dans un premier temps sur les thèmes
précédents et dans un second temps sur la concertation (plan 2)
BARTKOWIAK, Jean, Directeur général, H.D.A. E1
BEAUCHENES, Huguette, t.s., psychiatrie, H.D.A. E1 + E2
BELLE-ISLE Pierre, M.D., Clinique de méd. fàmil. et PRISME E1+E2
BOURSIER, Sylvain, organisateur communautaire, CLSC de l'Érable E1
BERGERON, Benoit, coordonnateur Le P A S . E1 + E2
BUSSIERE, Paul, ta., psychiatrie, H.D.A. E1 + E2
CAMIRE, René, coordonnateur, services sociocommunautaires,
CLSC de l'Érable E1 + E2
CHARROIS, Lucylle, coordonnatrice, services de santé courants,
CLSC de l'Érable E1 + E2
CODAIRE, Madeleine, coordonnatrice à la réadaptation, H. St-Julien E1 + E2
DEMERS, Anne-Marie, intervenante communautaire, L'Entrain E1 + E2
DESROCHER, Richard, Directeur général, CLSC Suzor-Coté E1
DUSSAULT, Nicole, intervenante sociale, PRISME E1 + E2
FRADETTE, Pierrette, présidente-fondatrice Le P.A.S. E1 + E2
GRENIER Hélène, intervenante sociale, CLSC Suzor-Coté E1 + E2
HAYES, Myriam, chef de service C.I.C. de Trois-Rivières E1
HODUC, Viviane, M.D., serv. de santé courants, CLSC de l'Érable E1 + E2
ISABELLE, Johanne, infirmière, PRISME E1 + E2
LABONTE, Henri-Paul, une entrev. comme agent de dév. commun. E1
Une seconde entrev. comme coordonnateur de l'Entrain E1 + E2
LAROCHE, Michèle, responsable du dossier "santé mentale",
Régie Régionale, Trois-Rivières E1
MÉTHÉ, Marie-Hélène, directrice, Maison des Femmes. E1 + E2
LECLERC, Yoland, coordonnateur, psychiatrie, H.D.A. E1 + E2
LEVASSEUR, Jean, t.s., psychiatrie, H.D.A. E1 + E2
MOISAN, Rémi, Directeur général, CLSC de l'Érable E1
NINACS, William A., organisateur communautaire, Corporation
de développement communautaire des Bois-Francs E1
PARENTEAU Rosaire, Dr. psychiatre, chef de département, H.D.A. E1 + E2
PERREAULT, Robert, Dr. psychiatre, H.D.A. E1 + E2
PICARD, Robert, M.D., DSP, Hôpital St-Julien El
ROY, Yvon, coordonnateur, serv. sociaux courants, CLSC Suzor-Coté E1 + E2
TALEB Ben Aid, Dr. psychiatre, H.D.A. E1 + E2
VAILLANCOURT, Sylvie, t.a.s., serv. sociaux courants, CLSC de l'Érable E1 + E2
VEILLEUX, Jacinthe, intervenante, maintien à domicile, CLSC de l'Érable E1 + E2
ANNEXE 4
VIGNETTES - HISTOIRES DE CAS
HISTOIRE DE CAS N»1
M. Richard habite Princeville, il a 40 ans et est maniaco-dépressif depuis 3 ans.
Il prend assez régulièrement sa médication sous la "surveillance" de sa conjointe qui le
"menace" quelques fois, comme il y a quelques années, de "demander le divorce s'il ne
se prend pas en main".
Il travaille depuis 16 ans dans une petite entreprise locale. Il est un bon employé
avec peu de périodes d'absence. Son patron s'est toujours assez bien habitué à ses
petites sautes d'humeur.
Ces sautes sont plus nombreuses depuis une dizaine de jours. Il a pratiquement
arrêté sa médication. Il propose sans arrêt des changements dans son travail et la
"chicane a pogné" trois fois avec ses collègues et son patron. Il consomme cinq à.six
bières le soir et répète à sa femme qu'il voudrait acheter une petite shop pour partir à son
compte. Madame est inquiète car il refuse systématiquement de prendre sa médication,
quoique, par ailleurs, il accepte toujours que ce soit elle qui gère ses revenus.
Vendredi midi, son employeur lui signifie ne plus avoir besoin de ses services pour
deux ou trois mois. C'est une mise à pied temporaire, à cause d'une baisse de production,
et qui vaut aussi pour deux ouvriers plus jeunes (les deux derniers entrés).
Il est rentré chez lui, pour le repas du midi, très survolté. Il est reparti à sa
"dernière" demi-journée de travail en disant qu'il allait reprendre certains des outils qui
étaient à lui, selon ses dires....
(à compléter selon les interviewés)
Sa femme, très très inquiète, appelle l'urgence du
qui vous la transfère immédiatement à titre de
ou
Sa femme, qui connaît assez bien les services de.... (nom du groupe communautaire),
vous appelle, très très inquiète
HISTOIRE DE CAS N« 2
Stéphanie a 19 ans, au début de sa deuxième année d'université à Québec. Des
difficultés personnelles se sont présentées à la fin de son CEGEP et se sont accrues de
plus en plus fréquemment l'an dernier. Ce début d'année est très difficile ; elle entre en
délire et demeure cloîtrée trois bonnes journées, seule dans sa chambre.
La responsable des résidences étudiantes appelle la police qui l'emmène au Centre
Hospitalier de l'Université Laval. Après 5 jours, elle est transférée au Département de
psychiatrie de l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska. Suite à une hospitalisation de 21 jours, elle est
référée à son médecin de famille et au PRISME. Son "retour" dans sa famille y crée un
haut niveau de stress et son évolution, à elle, reste encore incertaine au moment où....
...dix jours plus tard, son père devient délirant et est hospitalisé à l'Hôtel-
Dieu d'Arthabaska dans la journée du samedi...
La famille restante (sa mère et son frère de 21 ans) panique, pour l'état du père
certes ; mais aussi et surtout pour celui de Stéphanie: ils soupçonnent une maladie grave.
Et, tôt le lundi matin, Stéphanie et sa mère - sous l'entraînement pressant de cette
dernière - se présentent au PRISME.
Selon vous, quel sera le scénario des événements le plus probable.... et pourquoi.,
en ce qui regarde les actions de tous les intervenants possibles ?
ANNEXES
LETTRE DE PRÉSENTATION AUX INTERVIEWÉS Lettre individualisée - Modèle de base
Sherbrooke, le
Madame (qualification) (adresse)
Réf. Recherche: Évaluation du partenariat.... programme PRISME.
Madame,
C'est avec honneur que je m'adresse à vous et que je sollicite votre collaboration pour la recherche ci-haut mentionnée.
Vous trouverez ci-joint un court texte présentant le cadre administratif et les objectifs de cette recherche ainsi que les règles déontologiques qui régiront notre rencontre et mes comptes rendus publics.
Au titre de et de je souhaiterais vous rencontrer pour une entrevue d'une durée d'une heure environ. Celle-ci se déroulera plus comme une discussion ou un échange que comme un interrogatoire fait de questions-réponses programmées.
Le premier thème sera votre perception des relations générales (passées et présentes) entre les diverses ressources en santé mentale dans la zone 06 et plus particulièrement des vôtres avec le PRISME. Dans un second temps, je recevrai vos commentaires sur les problèmes concrets de coordination de service dans votre milieu à partir d'un cas fictif prédéterminé.
Je serai à ..... lieu , dates de disponibilité, téléphone....
Vous trouverez en annexe à la présente, un questionnaire sur le partenariat. Pourriez-vous le compléter, selon les consignes présentées sur la première page et me le remettre lors de notre rencontre.
En vous remerciant beaucoup pour votre précieuse collaboration, je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes meilleurs sentiments.
Claude Nélisse, Professeur-chercheur, Université de Sherbrooke
ÉVALUATION DU PARTENARIAT DANS UN PROJET-PILOTE
DE SANTÉ MENTALE COMMUNAUTAIRE
AXÉ SUR LE MAINTIEN EN MILIEU NATUREL
PRISME - CLSC DE L'ÉRABLE
Programme de subventions en Santé Publique, Régie Régionale de la Santé et des
Services Sociaux Mauricie—Bois-Francs
Établissement assurant la gestion administrative: CLSC de l'Érable.
Dépôt du rapport final : décembre 1996.
Chercheur principal: Claude Nélisse, doct. en sociologie, Université de Sherbrooke. Matinées et soirées: (819) 569-1154 Après-midi: (819) 821-7252 Télécopieur: (819) 821-6930
Assistante de recherche: Paulà Vachon, Ste-Sophie.
En soirée: (819) 362-2132
Secrétaire de la recherche: France Tanguay.
N.B. Le texte complet du protocole de recherche peut être obtenu sur demande auprès
du chercheur principal.
Objectifs de la recherche
Le premier objectif a pour objet le partenariat dans l'implantation du PRISME: il
s'agit d'expliciter les diverses conditions favorables et défavorables qui ont prévalu de sa
naissance à son évolution présente (conditions tant politiques qu'économiques, culturelles
que sociales).
Le deuxième objectif a pour objet la concertation dans la recherche de la continuité-
complémentarité des services: il s'agit d'expliciter les rouages entre les intervenants du
PRISME et ceux du réseau, du communautaire et du privé en mettant en relief les
difficultés et les solutions émergentes pour y faire face tant au niveau administratif qu'au
niveau des pratiques quotidiennes.
Règles déontologiques
L'équipe de recherche, composée de Claude Nélisse et Paula Vachon :
1. Présentera par écrit les objectifs de la recherche et les réexpliquera au besoin
avant l'entrevue ;
2. Présentera, avant que ne débute l'entrevue, les objets et les types d'information
recherchés dans celle-ci et le déroulement prévu;
3. Communiquera et discutera les règles suivantes qui portent sur la confidentialité
et l'anonymat.
3.1 L'entrevue
Pour des rajsons évidentes de commodité dans la conduite même de
l'échange ainsi que dans le traitement ultérieur des données, nous
souhaiterions vivement pouvoir enregistrer l'entretien sur cassette.
3.1.1 Ce dernier ne pourra être réécouté ou retranscrit que par les seuls
membres de l'équipe et par la suite la cassette sera effacée.
3.1.2 Nous nous abstiendrons systématiquement de communiquer à
d'autres quelque donnée que ce soit provenant de cette entrevue.
3.1.3 S'il arrive, au cours de l'entretien, que vous souhaitiez interrompre
l'enregistrement, nous fermerons l'appareil jusqu'au moment où vous
nous autoriserez à le remettre en marche.
Malgré ces précautions, vous pouvez ne pas apprécier l'enregistrement.
Vous êtes libre d'accepter ou de refuser et vous pouvez nous communiquer votre
choix juste avant l'entrevue.
3.2 Compte rendu et texte final
Lors de la publication des rapports, il nous sera difficile de garantir
l'anonymat absolu. Cela vient de ce que vous êtes peu nombreux dans la
situation qui est l'objet de cette recherche et que vous vous connaissez
assez bien quant à vos positions respectives sur certains problèmes. Dans
le rapport de certains événements, nous devrons probablement utiliser des
noms propres, au moins pour des personnes clés, bien connues de tous par
ailleurs.
Nous maximiserons cependant l'anonymat en:
3.2.1 Utilisant que des informations documentées avec mention des
sources.
3.2.2 En ne citant jamais aucun commentaire particulier d'un acteur sur un
autre acteur.
3.2.3 En livrant les "interprétations des faits" que vous pourriez faire (1 ) à
titre d'hypothèses, (2) seulement si elles sont corroborées par
plusieurs autres acteurs et (3) sans nommer les sources.
ANNEXE 6
RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION
(extraites de Belle-lsle, Bergeron et Dussault, 1989)
ETUDE DE L ' E T A T DE LA SANTE MENTALE
DE LA POPULATION DU T E R R I T O I R E A P A R T I R DES
D I A G N O S T I C S DE LA C L I N I Q U E EXTERNE ET D 'URGENCE
DU C . L . S . C . DE L ' E R A B L E
P i e r r e B e l l e I s l e , o m n i p r a t i c i e n
L y n d a B e r g e r o n , i n f i r m i è r e
N i c o l e D u s s a u l t , a g e n t e de r e l a t i o n s humai nés
Nos recommandations vont donc dans le même sens et v i s en t à imp lante r
i c i , une programmation en mat iè re de santé mentale qui r e s p e c t e r a
l ' en semb le des p r i n c i p e s o r g a n i s a t i o n n e l s et d ' i n t e r v e n t i o n s p rônés
par une mul t i tude de t ravaux et de r appo r t s de recherche.
Dans ce t te opt ique de cohérence nous recommandons donc que le C . L . S . C .
de 1 ' E r a b l e :
1. Déc la re la santé mentale comme étant l ' u ne de se s p r i o r i t é s
pour l e s c inq p rocha ines années;
Adopte, à l ' i n t é r i e u r de l ' i n s t i t u t i o n , les p r e c i p e s o r g a n i s a -
t i o n n e l s de la c o n c e r t a t i o n et de la complémentar i té en t r e
le s i n te rvenant s et l e s s e r v i c e s , de .façon à f a v o r i s e r la j o n c t i o n
entre le.médical et le p s y c h a - s o c ï a l ;
3. implante une équipe permanente d ' i n t e r v e n t i o n e- san té menta le ,
composée ae quat re i n t e r v e n a n t s à temps co.no 1 et dont
un(e) psychologue formé(e) à l ' i n t e r v e n t i o n de groupe et à
l ' i n t e r v e n t i o n i n d i v i d u e l l e b rève, un(e) i n t e r v e n a n t e ) p s y cho -
s o c i a l ( e ) , un(e) i n f i r m i e r ( è r e ) en santé communautaire, un (e )
a u x i l i a i r e f a m i l i a l (e) et d ' u n médecin de la c l i n i q u e ex te rne
sur une base de temps p a r t i e l éva luée à un minimum d ' u n e jou rnée
semaine. Se ra i en t également appelés à se j o i nd re à l ' é q u i p e ,
s e l on le s problémat iques rencont rées et les beso in s de la program-
mat ion, un(e) n u t r i t i o n n i s t e et un(e) o r g a n i s a t e u r ( t r i c e )
communautaire.
3.1 Au p lan o r g a n i s a t i o n n e l cette équipe p o u r r a i t tout
autant ê t re r a t t achée au module s o c i a l q u ' à la c l i n i q u e
externe ou q u ' a u maint ien à d o m i c i l e . Cependant,
quelque so i t le cho ix de la d i r e c t i on à cet égard ,
nous recommandons t r è s fortement que t ou te s l e s s o l u t i o n s
s o i en t envi sagées de façon à ce que 1 ' équ i pe pui s se
ê t re en l i e n c on t i nu avec tous l e s i n t e r v e n a n t s de
tous l e s s e c t eu r s d ' i n t e r v e n t i o n s au C . L . S . C . . et
q u ' e l l e s o i t le p l u s près p o s s i b l e de sa c l i e n t è l e .
3.2 L ' é q u i p e d ' i n t e r v e n t i o n en santé mentale couv r i ra i t
l e s v o l e t s s u i v a n t s : l ' i n f o r m a t i o n , le d é p i s t a g e ,
l ' i n t e r v e n t i o n de c r i s e , le t r a i t ement , la r é i n s e r t i o n
s o c i a l e . E l l e o f f r i r a i t donc les s e r v i c e s d ' i n f o r m a t i o n
sur l e s problèmes de santé mentale tant a l ' i n t e r n e
qu ' à l ' e x t e r n e , 1 'ensemble des s e r v i c e s de base en
santé mentale que sont l ' a c c u e i l , l ' é v a l u a t i o n , le
t ra i tement s e l on l ' a pp roche b i o - p s y c h o - s o c i a l e , l ' i n t e r -
ven t i on de c r i s e , le s u i v i de cour t terme, l ' o r i e n t a t i o n
ve r s l e s au t r e s s e r v i c e s du t e r r i t o i r e et b ien entendu,
e l l e s e r a i t a u s s i responsab le des p l an s de s e r v i c e s
q u ' e l l e a u r a i t à b â t i r dans chacun des ca s . E l l e
aura i t également un r ô l e d ' i n t e r l o c u t e u r auprès des
b é n é f i c i ai r e s et de leur f a m i l l e , tout autant q u ' a u p r è s
des i n t e r v e n a n t s de tous les s e r v i c e s , i n t e r n e s et
e x t e r n e s , de façon à s ' a s su re r de 1 a c on t i nui té des
s e r v i c e s , du l i e n entre ces s e r v i c e s et de re spect
des i n d i v i d u s dans l ' a p p l i c a t i o n des p lans de s e r v i c e s
et de t r a i t e m e n t .
3.3 En mat ière de r é i n s e r t i o n soci a ie e l l e au ra i t un rô l e
p r imord ia l d ' i n f o r m a t i o n , de sou t i en et de suppo r t
auprès des fami1 les des personnes aux p r i ses avec
de g raves problèmes de santé mentale.
3.4 En accord avec les recommandations du comité de t r a v a i l
s o u s - r é g i o n a l Suzor -Côté et de l ' E r a b l e sur la p r o b l é -
matique des é ta t s d é p r e s s i f s , 1 ' équ ipe d 1 i n t e r v e n t i o n s
en santé mentale s e r a i t d ' une pa r t , en l i e n . é t r o i t
avec un comité c o n s u l t a t i f s o u s - r é g i o n a l en san té
mentale, et d ' a u t r e p a r t , avec toute au t re s t r u c t u r e
s o u s - r é g i o n a l e , éventuel 1ement créée pour répondre
aux besoi ns de la populat ion durant l e s heures et
l e s pé r i ode s où le C . L . S . C . ne p o u r r a i t o f f r i r l a
gamme complète des s e r v i c e s d ' i n t e r v e n t i o n s .
3.5 A f i n d ' a s s u r e r des s e r v i c e s de q u a l i t é et une bonne
i n t é g r a t i o n de tous l e s i n te r venan t s et s e r v i c e s con -
cernés , i l e s t important de p r é v o i r , dès la c o n s t i t u t i o n
de 1 ' é q u i p e , un mécanisme permanent d ' é v a l u a t i o n des
i n t e r v e n t i o n s et des a c t i v i t é s .
Pour a s s u r e r une s u p e r v i s i o n adéquate, nous p roposons
qu ' un (une ) p r o f e s s i o n n e l ( l e ) du t e r r i to i r e , reconnu (e )
pour sa compétence, son e x p e r t i s e et son expé r i ence
en mat ière d ' i n t e r v e n t i o n s auprès des personnes s o u f f r a n t
de problèmes légers et g raves de santé mentale, s o i t
r e q u i s ( e ) par le C . L . S . C . , sur une oase c o n t r a c t u e l le
ou au t re , a f i n d 'assumer ce r ô l e et ce, j u s q u ' à ce
que l ' é q u i p e s o i t en mesure d 'a s sumer un r ô l e d ' a u t o -
é v a l u a t i o n .
Le domaine de 1 1 i n t e r v e n t i o n en santé mentale e s t
va s te et nous c r o yon s , de façon unanime, qu ' on ne
s au ra i t prendre t rop de p récau t i on s a f i n de g a r a n t i r
1 ' e x ce l l e n ce des s e r v i c e s qui se ront d i s p e n s é s , t ou t
autant que de la compétence de ceux et ce 11 es qu i
en assumeront la r e s p o n s a b i l i t é .
4. Imp 1 an te , sur une base permanente, un s e r v i ce spéci a 1i sé
de c o n s u l t a t i o n matr imon ia le et q u ' i l le fa s se c o n n a î t r e de
façon à ce q u ' i l p u i s s e ê t re a c c e s s i b l e pour l ' e n semb le de
no t re popu l a t i on .
5. S ' i m p l i q u e sér ieusement dans l ' i n s t a u r a t i o n c-j la r e s t a u r a t i o n
d ' u n s e r v i c e s p é c i a l i s é d ' i n t e r v e n t i o n s et de t ra i tement en
a 1 c o o l i sme et toxicomani e de façon à répondre à 1 ' ampleur des
b e s o i n s en ce domaine.
6. Délègue à l ' en semb le des équ ipes de t r a v a i l déjà e x i s t a n t e s
au C . L . S . C . , le mandat ae s ' o c c u p e r du vo le t de la p r é v e n t i o n
en santé mental e, de façon à cont i nuer le t r a va i 1 déjà bi en
amorcé.
7. Di spénse, à tous l e s i n t e r v e n a n t s su scept ib1 es d ' i n t e r v e n i r
auprès des personnes aux p r i s e s avec des problèmes de s an té
menta le, une format ion axée p r i o r i tairement sur 1 ' app roche
b i o - p s y c h o - s o c i a l e et l ' i n t e r v e n t i o n de c r i s e .
C O N C L U S I O N
Le C . L . S . C . de l ' E r a b l e 1 a i s s e r a - t - i 1 pas ser le t r a i n en mat i è re
de santé mentale? A c c e p t e r a - t - i 1 de s ' i m p l i q u e r au n iveau du d é p i s -
tage , de 1 1 in tervent i on, du t ra i tement et de la ré i n s e r t i on s o c i a l e
de ceux et de c e l l e s qui s o u f f r e n t de probl èmes de santé men ta 1 e
au s e i n de sa popu la t i on ?
Le présent t r a v a i l se v o u l a i t tout au p l u s apporter c e r t a i n e s préc i -
s i o n s sur l ' ampleur des problèmes psychosomat iques et de s an té mentale
rencont rés à la c l i n i q u e ex te rne du C . L . S . C . Les données r e c u e i l l i e s
sont parcel l a i r e s , b ien s û r , ma i s e l l e s ont l ' a v a n t a g e d ' a p p o r t e r
un é c l a i r a g e p lus p r é c i s et une conna i s sance mieux é c l a i r é e de no t r e
c l i e n t è l e en demande de s e r v i c e s .
Les s o l u t i o n s ne do ivent p l u s ê t r e uniquement p r é ven t i v e s ou uniquement
méd ica le s . E l l e s se d o i v e n t d ' ê t r e conc rè te s , g l o b a l e s et s u r t o u t
teni r compte de tous 1 es a spec t s du vécu des per sonnes . L ' approche
b i o - p s y c h o - s o c i a l e d e v r a i t ê t r e 11 approche' p r i v i 1 é g i é e par le C . L . S . C .
de l ' E r a b l e , et ce, le p l u s rapidement p o s s i b l e .
Les usagers du t e r r i t o i r e ne dev r a i en t p l u s ê t r e t ou jou r s r é f é r é s
à V i c t o r i a v i l i e ou A r thaba ska pour recevo i r des s e r v i c e s de base
en santé mental e, des s e r v i ces de psychothérap i e, de c o n s u l t a t i on
matr i moni a ie ou encore des s e r v i c e s spéci a 1i sés en a 1 c o o l i sme et
tox icomanie.
Le C . L . S . C . e s t l a r e s s o u r c e la p l u s complète, l a p l u s a c c e s s i b l e ,
la mieux équ ipée et s u r t ou t la p l u s près de l a p o p u l a t i o n de la
M.R.C. de l ' E r a b l e . Les u t i 1 i s a t e u r s t t r i c e s ) de ses s e r v i c e s dev ra i en t
y r e c e v o i r des s o i n s de q u a l i t é en con fo rmi té avec l e s n o u v e l l e s
tendances en mat i è re de santé mentale. Conséquemment, l a c l i n i que
externe ne d o i t p l u s ê t re l ' u n i q u e r e s s ou r ce d i s p o n i b l e . L ' a l l i a g e
du p s y c h o - s o c i a l et du médical nous semble o f f r i r l a m e i l l e u r e p i s t e
d ' i n t e r v e n t i o n et s u r t o u t la p lus s u s c e p t i b l e de répondre aux be so i n s
des u s a g e r s ( è r e s ) .
Ce t r a v a i l p o u r r a i t ê t r e en quelque s o r t e un déc lencheur , un po in t
de départ pour entamer un processus de remise en q u e s t i o n de ce
qui se f a i t et de ce q u ' i l est p r i o r i ta i re - d ' i n s t a u r e r et de réamé-
nager au C . L . S . C . de l ' E r a b l e pour a t t e i n d r e un n iveau d ' e f f i c i e n c e
et d ' e x c e l l e n c e dans le secteur de la santé mentale.
ANNEXE 7
Ressources disponibles en santé mentale
sur le territoire du CLSC de l'Érable selon l'intensité des problèmes
(document interne dit "l'assiette")
G 1 2 , 6 3 5 E x . 1