Du rôle de l"image dans le fonctionnement et l'analyse des SUC
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1
Besson Raphaël
Chargé d’études en économie urbaine - Agence INterland (Lyon, Paris, Bangalore)
Doctorant en aménagement et urbanisme - Laboratoire PACTE (UJF - Grenoble)
Du rôle de l’image dans la conception, le fonctionnement et l’analyse des
Systèmes Urbains Cognitifs
Nouvelles voies pour la recherche en sciences humaines. Premier congrès international de jeunes
chercheurs en sciences humaines.
Avril 2012
2
SOMMAIRE
Introduction 3
I Du rôle de l’image dans la fabrique des Systèmes Urbains Cognitifs 5
II Utilisation de l’outil vidéo et apports méthodologiques 9
III Les personnages et les lieux de l’investigation 11
3
INTRODUCTION1
Les mutations récentes du capitalisme, où la « connaissance » tend à remplacer les ressources
naturelles et le travail physique comme outils de croissance économique2, transforment en profondeur les
villes contemporaines. Dans ce contexte, les villes dites « post-fordistes »3 adaptent leurs structures
productives, spatiales et socio-organisationnelles aux exigences de la nouvelle économie. L’une des
manifestations les plus claires de ces mutations réside dans la multiplication de projets de « districts
technologiques », de « clusters créatifs », de « clusters culturels », de « districts du design » ou encore de
« cyberdistricts ».
Ces projets se construisent selon nous sur le même type de modèle, le modèle des « Systèmes
Urbains Cognitifs » (SUC), que nous définissons comme une concentration urbaine d’institutions formelles4 et
informelles5 de l’innovation, qui interagissent entre elles et avec le tissu économique, spatial et socioculturel
des villes, au travers de rapport de proximités intenses et variés, dans le but de générer une dynamique
systémique et ouverte d’innovation dans des secteurs technologiques ou sectoriels hybrides6. Ces SUC qui
émergent au cœur même des villes, font suite à des politiques publiques fortes de revitalisation
socioéconomique et urbaine, sur des sites d’environ 200 hectares et emblématiques de l’époque fordiste7.
L’enjeu étant de créer sur ces espaces urbains intenses et attractifs du point de vue des activités à fort
contenu d’innovations et de connaissance et de la classe dite « créative »8, les conditions physiques d’une
plus grande capacité relationnelle entre acteurs hétérogènes.
1 Cet proposition de film s’intègre dans le cadre d’une thèse menée par Raphaël Besson et qui a pour titre : « Les Systèmes Urbains Cognitifs. Supports privilégiés de production et de valorisation d’innovations ». 2 La structure productive de cette nouvelle économie préoccupe la communauté scientifique élargie, qui multiplie à son égard les propositions interprétatives : « économie cognitive » (Walliser, 2000) ; « hyper-capitalisme » (Rifkin, 2000) ; « capitalisme cognitif » (Rulliani, 2000 ; Boutang, 2008 ; Colletis, 2008) ; « e-economy » (Castells, 1996) ; « économie du savoir » (Foray, 2000) ; « économie créative » (Howkins, 2001 ; Scott, 2006). 3 La notion de « ville post-fordiste » regroupe une multiplicité de définitions partielles, de considérations à la fois économiques, sociales et politiques, si bien qu’il apparaît très difficile d’en donner une définition simple et univoque. 4 Entreprises innovantes, laboratoires de recherche publics et privés, universités, grandes écoles, écoles techniques. 5 Utilisateurs intermédiaires et finaux des innovations, activités artistiques, créatives et culturelles, mais aussi habitants. 6 Les SUC ne limitent pas leur portée à un secteur économique ou technologique particulier. Ils se caractérisent davantage par un processus d’hybridation entre différents champs sectoriels : industries créatives, santé, sciences de la vie, mobilité et sécurité, science de l’information, TIC, nanotechnologies, environnement, énergie etc. 7 Nous faisons ici référence aux anciens espaces fonctionnels comme les « zones industrielles », « technopôles » ou « campus universitaires », séparés des villes ou à l’écart de celles-ci. 8 La « classe créative » est définie par Richard Florida (Florida, 2002). Elle se caractérise par un fort capital culturel et un rôle majeur dans le développement économique des villes post-fordistes. Productrice, mais aussi consommatrice de la ville contemporaine, cette classe métropolitaine est sensée transformer progressivement certains quartiers de villes en véritables écosystèmes créatifs. Cette classe serait particulièrement exigeante en termes de qualité de vie et d’aménités urbaines.
4
Pour étayer notre hypothèse de SUC et de leur capacité à se positionner comme des supports
privilégiés de production et de valorisation d’innovations, nous proposons la réalisation d’un film documentaire
d’une vingtaine de minutes. Entre le documentaire, le documentaire sociologique, le documentaire de
recherche, nous souhaitons réaliser un documentaire à « thèse scientifique » (Durand, 2001).
Après avoir brièvement évoqué du rôle de l’image dans la fabrique des SUC (I), nous traitons des
apports méthodologiques de l’utilisation de l’outil vidéo dans une analyse de l’adaptation des villes aux
transformations de l’économie (II). Notre troisième partie présente les principaux personnages et lieux de notre
investigation.
. Source : Raphaël Besson, Thibault Nugue, INterland.
5
I DU ROLE DE L’IMAGE DANS LA FABRIQUE DES SYSTEMES URBAINS COGNITIFS
Les nouvelles technologies liées à l’image sont omniprésentes dans la conception, la représentation
et le fonctionnement des Systèmes Urbains Cognitifs (SUC). L’image joue à notre sens un triple fonction :
• Attirer et produire les talents (1).
• Légitimer les projets de SUC (2).
• Produire des innovations (3).
1. L’attractivité et la production des talents.
Les images sont instrumentalisées dans une perspective de marketing et d’attractivité des talents. C’est le
cas notamment des images de représentation 3D produites par les architectes-urbanistes dans le cadre des
projets de SUC. En utilisant les nouvelles techniques de communication et de conception numérique, ces
derniers construisent une image partiellement fausse de la réalité, à travers une représentation quasi utopique
des villes innovantes. Ces images qui certes sont le fruit d’interprétations et de vérités partielles, contribuent
néanmoins à modifier "nos cartographies cognitives des réalités urbaines et les grilles d'interprétation à travers
lesquelles nous pensons les lieux et les communautés » (Soja, 2005, p. 323).
Les représentations virtuelles du projet Presqu’île (architectes Claude Vasconi et Christian de Portzamparc) et du projet
22@Barcelona.
Cet effacement progressif des frontières entre ville réelle et ville virtuelle, s’observe également à travers la
production des films marketing de présentation des projets de SUC. Ces films à fort degré d’iconicité nous
projettent dans un monde où l’innovation technologique, apparaît comme une panacée aux défis
économiques, sociaux et environnementaux du 21ème siècle.
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3. La production d’innovations.
Enfin, les technologies liées à l’image jouent dans les processus d’innovations eux-mêmes. On observe
en effet une intégration croissante des techniques numériques dans la conception et le fonctionnement des
SUC.
Les SUC expérimentent des formes de « proximités virtuelles » (Bourdeau-Lepage et Huriot, 2009).
Le dispositif du « 5ème écran »9 et les plateformes web 2.0 permettent de connecter les « créatifs » des SUC
à un espace public virtuel, un environnement permanent de relations et d’informations. Sur « 22@Barcelona »,
le « media TIC Building » apparaît comme l’incarnation de cette idée. Ce bâtiment a été conçu en intégrant les
Technologies de l’information et de la communication (TIC) les plus innovantes. L’objectif étant de stimuler les
interactions et les formes de proximités virtuelles entre les « créatifs » de 22@. Selon Enric Ruiz-Geli,
architecte du Media TIC Building, « l’architecture doit se concevoir comme une plateforme technologique (…)
La question des réseaux et des connexions est désormais plus importante que la question des matériaux de
construction eux-mêmes »10.
Le « media TIC Building » et le dispositif du 5ème écran.
On assiste ainsi à l’émergence d’environnements urbains favorables à l’innovation ouverte (Kaplan,
2008), à partir desquels les différents acteurs de la ville, collaborent aux tests et à l’invention de nouveaux
produits et services. Ces livings labs11, à l’instar du « MINATEC IDEAs Laboratory » de Grenoble, orientent
d’ailleurs souvent leurs investigations vers les technologies les de l’image. Ils expérimentent par exemple les
concepts de « réalité augmentée », qui permettent de superposer un monde virtuel à notre perception de la
réalité.
9 Le « 5ème écran » se compose de panneaux publics technologiques qui dialoguent avec les téléphones portables, iPod et autres lecteurs… 10 Propos recueillis sur le site http://www.22barcelona.com. 11 Les « Living Labs » sont des entités publiques et privées où les entreprises, organismes publics, centres de recherche et habitants se rejoignent au sein du processus d’innovation (Kaplan, 2008).
8
Concepts de « réalité augmentée » expérimentés au sein du « MINATEC IDEAs Laboratory ». Exemples des concepts
« LOUN 2007 » et « ICI INFO 2009 ». Images extraites du site http://www.ideas-laboratory.com.
La place de l’image au sein des SUC nous incite à notre tour à recourir aux méthodes
visuelles dans le cadre de notre recherche sur l’adaptation des villes aux transformations du
capitalisme. Il s’agit de faire de la recherche sur les images, à partir des images, mais aussi avec les
images.
9
II OUTIL VIDEO ET APPORTS METHODOLOGIQUES DANS UNE ANALYSE DE L’ADAPTATION DES
VILLES AUX TRANSFORMATIONS DE L’ECONOMIE
La production audiovisuelle n’est pas considérée par les chercheurs ou les doctorants comme une source
légitime de connaissance scientifique. L’écrit domine l’univers des communications scientifiques : il est très
difficile de faire accepter à côté d’une communication orale la production d’un film.
Dès lors pourquoi recourir aux images ? Dans quelle mesure l’image filmée peut-elle prétendre produire
un savoir ? Quels sont les apports méthodologiques d’un film, dans une analyse de l’adaptation des villes aux
transformations du capitalisme ?
1. Produire des images en tant qu’instrument de recherche
Notre travail sur le terrain en utilisant la caméra se basera sur la méthode de l’observation participante
(enregistrement visuel à la place de prise de note écrite). Notre investigation se différenciera du documentaire
ou du reportage journalistique car elle sera basée sur des concepts théoriques qui guideront notre choix de ce
qui sera enregistré visuellement. Il s’agira de produire des images en tant qu’instruments de recherche, à
travers l’analyse des comportements, des ambiances architecturales et urbaines et la récolte d’informations.
Ces données seront ensuite codifiées, organisées et présentées selon des concepts sociologiques.
2. Analyser les représentations véhiculées par les images de la ville innovante et créative
Les images véhiculées par les projets de SUC (images de représentation 3D des projets, films marketing
etc.), constituent des éléments à part entière de notre recherche. Elles recèlent et expriment des idées qui
sont sociologiques dans leur usage et dans leur provenance.
3. Filmer le travail des créatifs
Alors que le travail cognitif tient une place essentielle dans nos sociétés, il est assez frappant de constater
que celui-ci est peu traité dans les films documentaires. Peu de films ont rendu compte du travail au sein des
entreprises innovantes, des centres ou des laboratoires de recherche, qui restent pour l’essentiel des mondes
10
opaques. D’où l’enjeu de filmer les conditions et les relations de travail dans l’univers de la ville innovante et
créative.
Cette perspective stimulante au premier abord, n’est pas sans poser un certain nombre de questions. Le
travail des créatifs et des chercheurs, par essence invisible, se prête-t-il à une œuvre filmique ? Un film peut-il
réussir à rendre compte de l’idée selon laquelle « l’air de la ville rend créatif » (Ascher, 2006) ? Qu’est-ce qui
du travail créatif peut se laisser filmer ?
Face à ces interrogations, nous sommes convaincus que l’image peut montrer des situations de travail
autres que celle que peut rapporter un texte. L’image nous semble constituer un outil nécessaire pour la
connaissance approfondie de ce qu’est le travail cognitif et la ville innovante aujourd’hui.
4. Communiquer sur les résultats de la recherche
La réalisation de ce film de recherche est également conçue comme le moyen de réaliser un produit de
communication diffusable, lors de colloques et de conférences. L’enjeu est double :
• Sensibiliser un large public aux problématiques de transformation des villes contemporaines. Les
thèses de recherche sont conçues et écrites pour un public ciblé. L’enjeu pour nous est de diffuser,
par la vidéo, des contenus scientifiques, des connaissances et des idées en direction d’un public
élargi. Ce film doit constituer un outil de débat et participer à la construction d’un esprit critique. Il doit
être une ressource incontournable pour qui veut comprendre les enjeux des évolutions des villes à
l’ère de l’économie de la connaissance.
• Partager, ouvrir et diffuser les recherches sur la société et l'économie de la connaissance. Les
recherches sur ces thématiques se multiplient. Or, elles souffrent d’un manque de diffusion et
d’appropriation par les professionnels de l’urbanisme et la société civile en général. D’où l’importance
de la réalisation d’un film, facilitant l’accès aux travaux de recherche.
11
III LES PERSONNAGES ET LES LIEUX DE L’INVESTIGATION III. 1 LES LIEUX DE L’INVESTIGATION
Ce film aura comme lieux d’investigation les SUC de Barcelone (22@Barcelona) et Grenoble (GIANT
/ Presqu’île). D’autres lieux pourront être envisagés, à travers l’investigation éventuelle de Living Labs, Urban
Labs ou autres Fab Labs.
A. Filmer les lieux de production d’innovations
MINATEC (Grenoble).
B. Filmer les espaces publics et les architectures de la nouvelle économie
22 @Barcelona. Tour Agbar et Media TIC Building.
12
22@Barcelona. Espaces publics; Pueblo Nuevo Zona; 22@ Indra Corporate Building
III.2 LES PERSONNAGES
La réalisation du film impliquera une présence de plusieurs jours dans les SUC de Barcelone et
Grenoble. Les entretiens semi directifs chercheront à analyser la perception des effets des SUC sur la
capacité des acteurs à produire et à valoriser des innovations. Dans quelle mesure les SUC permettent-ils
d’intensifier et de maximiser le processus de production et de valorisation des innovations ? Quels sont les
mécanismes à l’œuvre ? Comment se traduisent d’un point de vue socioéconomique et spatial ?
Le matériau empirique de notre film sera constitué à partir d’entretiens semi-directifs conduits auprès
d’une dizaine de personnes, sélectionnées parmi les deux catégories suivantes :
- Les « producteurs d’innovations et les utilisateurs des SUC» : responsables de grandes
entreprises et de PME, représentants des organismes de recherche et de formation (universités,
laboratoires de recherche, clusters technologiques et clusters de recherche), responsables de cellule
de transfert, salariés des PME innovantes et étudiants intégrés aux programmes de recherche. Les
producteurs de connaissance seront sélectionnés au sein des principaux sites d’interface des
sphères de la recherche, de l’industrie, de la formation et de la société civile. Par exemple, le «
MINATEC IDEAs Laboratory », le « Bâtiment de Hautes Technologies » de la plateforme MINATEC
et le « Bâtiment des Industries Intégratives (B2I) » pour le site GIANT/Presqu´ile ; le media TIC
Building pour le projet 22@Barcelona etc.
- Les « producteurs du cadre spatial et les observateurs des projets de SUC » : responsables publics
d’aménagement et de développement, les maîtres d’œuvre des projets (architectes, consultants,
13
promoteurs etc.), élus locaux, mais aussi journalistes, universitaires et responsable d’associations
d’habitants, d’associations culturelles ou de représentation d’intérêts économiques.
Des grilles de questionnement différenciées seront utilisées en fonction de nos interlocuteurs. Pour chaque
catégorie d’analyse, une liste de données qualitatives sera développée. Ces éléments nous permettront de
rendre compte in fine de la perception globale par les enquêtés de l’influence des SUC sur leur capacité à
innover.
A. Filmer les producteurs d’innovations au sein des SUC - Illustrations
Les ingénieurs du pôle MINATEC de Grenoble
Les travailleurs créatifs de 22@Barcelona (Siège de Yahoo Europe et ateliers Toni Miró)
14
B. Filmer les « producteurs du cadre spatial et les observateurs des projets de SUC » - Illustrations
Les responsables des projets de SUC
Jean Therme (Directeur CEA Grenoble) et Josep Miquel Piqué, CEO of 22@Barcelona.
Les universitaires, observateurs des projets
Yann Moulier Boutang (économiste et essayiste) et Bernard Stiegler. (Philosophe, Directeur de l'IRI, Professeur à l'université de technologie de Compiègne) Conférence : contribution à une nouvelle critique de l’économie politique.
Intégration et valorisation des séminaires Géographie, économie et développement territorial. Gabriel Colletis (économiste).
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Intégration et valorisation des séminaires Géographie, économie et développement territorial. Bernard Pecqueur (économiste).
C. Intégrer les images issues des vidéos de présentation des projets
Vidéo de présentation de Minatec. Images extraites du site http://www.minatec.com/
Vidéo de présentation de 22@Barcelona