Du Calepin visuo-spatial aux traitements visuo-spatiaux de l’information. R´esolution de...
-
Upload
nico-michou-saucet -
Category
Documents
-
view
33 -
download
6
description
Transcript of Du Calepin visuo-spatial aux traitements visuo-spatiaux de l’information. R´esolution de...
-
Du Calepin visuo-spatial aux traitements visuo-spatiaux
de linformation. Resolution de lepreuve de Corsi par
des patients Alzheimer
Chrystelle Beau
To cite this version:
Chrystelle Beau. Du Calepin visuo-spatial aux traitements visuo-spatiaux de linformation.Resolution de lepreuve de Corsi par des patients Alzheimer. Psychology. Universite deProvence - Aix-Marseille I, 2011. French.
HAL Id: tel-00645278
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00645278
Submitted on 27 Nov 2011
HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.
Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a` la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.
-
UNIVERSITE DE PROVENCE AIX-MARSEILLE I U.F.R. de Psychologie
Ecole doctorale 356 : Cognition, Langage, Education
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DAIX-MARSEILLE UNIVERSITE Spcialit: Psychologie Cognitive
Prsente et soutenue publiquement le 9 dcembre 2011 par
Chrystelle BEAU
DU CALEPIN VISUO-SPATIAL AUX TRAITEMENTS VISUO-SPATIAUX DE
LINFORMATION Rsolution de lpreuve de Corsi par des patients Alzheimer
Sous la direction de Mireille BASTIEN-TONIAZZO, P.U.
JURY :
Mireille BASTIEN-TONIAZZO, Professeur, Universit Aix-Marseille I, directeur Evelyne CLEMENT, Matre de Confrences Habilit, Universit de Rouen, rapporteur Pierre-Yves GILLES, Professeur, Universit Aix-Marseille I, examinateur Emmanuel SANDER, Professeur, Universit Paris 8, rapporteur
-
Remerciements
Cette thse est pour moi une histoire, celle de rencontres diffrents moments de ma
vie et de mon parcours universitaire.
Tout dabord, je pense que je nen serais pas l aujourdhui si je navais pas eu la
chance davoir comme enseignant Jean- Franois Camus, Jeff . Mr Camus a su faire natre
en moi la curiosit pour les sciences cognitives, intrt qui na cess depuis dtre croissant.
Mes penses vont sa mmoire.
Par la suite, mon parcours ma permis deux autres rencontres: Mr et Mme BASTIEN.
Ces deux professeurs passionns savent galement rendre les tudiants passionns par le
fonctionnement cognitif humain. Je souhaite en premier lieu grandement les remercier pour
cela, une des plus grandes richesses que peuvent nous apporter les professeurs est lenvie
daller plus loin dans la comprhension du monde, des individus et pour ma part dans celle de
la cognition humaine.
Je tiens particulirement remercier le professeur Mireille Bastien davoir accept de
me prendre comme doctorante et cela malgr mon loignement gographique, sans vous je
nen serais pas l aujourdhui.
Un grand merci au professeur Claude Bastien pour ses conseils sur lanalyse des
protocoles individuels, ils me furent prcieux.
Je tiens galement chaleureusement les remercier pour leur coute, leur disponibilit,
leur accueil, leur soutien et pour le fait davoir tout simplement cru en moi et ce travail.
Je remercie Mme Evelyne Clment, Mr Emanuel Sander et Mr Pierre-Yves Gilles
pour lintrt port ce travail en ayant accept dtre membres du jury.
-
Cette thse naurait galement pas t possible sans la participation des sujets, au del
des recueils de donnes, chaque exprimentation fut loccasion de rencontres humaines riches
et touchantes.
Merci ma famille et mes amis pour leur soutien et leur rconfort dans mes
moments de doute, de dcouragement comme de joie. Je tiens tout particulirement
remercier :
Dany, ma maman pour ton soutien, tes encouragements et pour avoir toujours t l
pour moi chaque moment de mon existence.
Jean-Philippe, tu es arriv dans ma vie en plein milieu de ma thse et tu as d de
nombreuses reprises composer avec ; ta patience, ta joie de vivre et ton amour mont
maintes reprises aide avancer.
Mamy, qui ne comprenant pas tout de mon travail me demandait rgulirement si
javais bien avanc dans mes devoirs et si jallais avoir de bonnes notes.
Je ddie cette thse toi papa, parti trop tt pour tre mes cots aujourdhui. Je sais
que tu aurais t fier et heureux pour moi. Souvent tu te demandais si jirais jusquen doctorat
et bien mme si cela na pas toujours t facile jy suis arrive.
Une pense Alain mon frre, tu nous as galement quitts trop tt pour pouvoir
partager ces moments avec moi.
Et mon ppre.
-
Rsum A ce jour, pour rendre compte du traitement de linformation visuo-spatiale,
lhypothse dominante est celle du calepin visuo-spatial (Baddeley, 1986), qui renvoie aux modles structuralistes de la mmoire. Cependant ces types de modles postulant lexistence de plusieurs modules autonomes sont actuellement remis en question et les thories fonctionnelles rcentes dfendent lide dun systme mnsique unique. Cest dans cette perspective que se situe notre recherche qui sorganise autour de trois questions.
La premire consiste dfinir les diffrents traitements visuo-spatiaux mis en uvre lors de la manipulation dinformations visuo-spatiales. La seconde tente dtablir des profils comportementaux des traitements visuo-spatiaux caractristiques du vieillissement normal et pathologique (Alzheimer). La troisime porte sur lexpression de la flexibilit cognitive chez des sujets gs lors de la rsolution du problme des blocs de Corsi (preuve visuo-spatiale squentielle).
Deux expriences ont t ralises dans lesquelles les participants (personnes ges souffrant de maladie dAlzheimer et personnes ges saines) devaient rsoudre la tche des blocs de Corsi, dans sa version ordre direct (exprience 1) et dans ces versions ordre direct et indirect (exprience 2). Les donnes ont t exploites en recourant une mthodologie danalyse de protocoles individuels permettant une analyse qualitative un degr suffisamment fin des rponses des sujets. Dans la premire exprience, nous nous sommes intresse aux diffrentes erreurs rencontres lors de la rsolution de lpreuve. Dans la seconde tude, nous avons tendu nos analyses aux traitements visuo-spatiaux inhrents ces erreurs. Les rsultats obtenus ont permis de dfinir cinq grands traitements visuo-spatiaux (le traitement vectoriel, vectoriel partiel, identit stricte, approximatif et mixte), de mettre en vidence des profils comportementaux concernant le traitement vectoriel partiel et identit stricte pour les sujets gs sains lors de la condition indirecte et de montrer lexpression de flexibilit cognitive spontane chez les sujets Alzheimer et sains lors des traitements visuo-spatiaux squentiels.
Nos analyses ont ainsi permis de proposer une approche diffrente du traitement de linformation visuo-spatiale en substituant le concept de traitement visuo-spatial celui de calepin visuo-spatial ainsi que dapprofondir les connaissances de celui-ci aussi bien dans le vieillissement normal que pathologique (Alzheimer) en analysant les sujets en action.
-
Title
FROM VISUO-SPATIAL SKETCHPAD TO
VISUOSPATIAL PROCESSING OF INFORMATION
The Corsi block-tapping task solving by patients with Alzheimers disease.
-
Abstract
Currently, to account visuospatial information processing, the dominant hypothesis is that of the visuospatial sketchpad (Baddeley, 1896), that refers to structural memory models. However, such models postulating the existence of several independent modules are being questioned and recent functional theories defend a single memory system. Our research therefore is organized in this perspective around three questions.
The first one aim to define the different visuospatial processing when visuospatial information is needed. The second one is to attempt to establish behavioral profiles of the visuospatial processing by normal ageing people and pathological one (Alzheimer). The third question is to express the cognitive flexibility of elderly patients when solving the Corsi block-tapping task (sequential visuospatial task).
Two experiments were conducted where participants (seniors affected by Alzheimers disease AD and a control group of elderly) had to solve the Corsi block-tapping task, in the direct condition (experiment 1) and in the direct and indirect conditions (experiment 2). The data were analyzed using the methodology of individual protocols analysis allowing to obtain qualitative results. In the first experiment, we examined different errors encountered during the resolution of the task. In the second research we extended our analysis to visuospatial processing associated with these errors.
We identified five major visuospatial processing: the vector processing, partially vectorial, strict identity, approximate identity and mixed, to highlight behavioral profiles on the partially vectorial processing and strict identity to the healthy elderly subjects in the indirect condition and show the expression of spontaneous flexibility in AD patients and normal subjects.
Our analysis allowed us to propose a different approach that improve knowledge about both normal and pathological (here Alzheimers disease) ageing. Analyzing the subjects in action, conducts to speak in terms of visuospatial processing rather than visuospatial sketchpad.
-
Mots cls
Information visuo-spatiale, mmoire, modle systme unique, cognition incarne, analyse de
protocoles individuels, Blocs de Corsi, rsolution de problme, maladie dAlzheimer,
flexibilit cognitive.
-
Key words
Visuo-spatial information, memory, memory as a single system, embodied cognition, analysis
of individual protocols, Corsi block-tapping task, problem solving, Alzheimers disease,
cognitive flexibility.
-
Adresse du laboratoire
LPL: Laboratoire Parole et Langage UMR 6057 CNRS Universit de Provence 5 avenue Pasteur BP 80 975 13604 Aix-en-Provence
-
Table des matires
Partie thorique ___________________________________________________________ 21
Introduction ______________________________________________________________ 21
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire ____ 27
1.1 Les modles de mmoire court terme ______________________________________ 27
1.1.1 Le modle de Waught et Norman (1965) __________________________________________ 27
1.1.2 Le modle dAtkinson et Schiffrin (1968) __________________________________________ 29
1.2 La mmoire de travail : le modle initial de Baddeley (1986) _____________________ 31
1.2.1 Principes gnraux du modle __________________________________________________ 31
1.2.2 Les travaux fondateurs de Baddeley et Hitch (1974) _________________________________ 33
1.3 La mmoire de travail de Baddeley (1986) un modle trois composants __________ 35
1.3.1 La boucle phonologique _______________________________________________________ 36
1.3.1.1 Leffet de longueur des mots _______________________________________________ 38
1.3.1.2 Leffet de similarit phonologique ___________________________________________ 38
1.3.1.3 Leffet de suppression articulatoire __________________________________________ 39
1.3.1.4 Leffet dcoute inattentive ________________________________________________ 40
1.3.2 Le calepin visuo-spatial ________________________________________________________ 41
1.3.3 Ladministrateur central _______________________________________________________ 41
1.4 La prdominance du lobe frontal ___________________________________________ 44
1.5 Arguments thoriques en faveur des modles structuraux ______________________ 46
1.5.1 Dissociations fonctionnelles ____________________________________________________ 46
1.5.2 Donnes anatomiques ________________________________________________________ 47
1.5.3 Donnes statistiques __________________________________________________________ 47
1.6 Conclusion _____________________________________________________________ 48
CHAPITRE 2. Le calepin visuo-spatial dans le modle de Baddeley _____________ 51
2.1 Les travaux princeps de Brook (1967, 1968) __________________________________ 51
2.2 Mise en vidence exprimentale du calepin visuo-spatial _______________________ 53
2.3 Donnes neuroanatomiques_______________________________________________ 55
-
2.3.1 Cas cliniques ________________________________________________________________ 56
2.3.2 Apport de la neuroimagerie ____________________________________________________ 56
2.4 Proprits du calepin visuo-spatial _________________________________________ 58
2.4.1 Architecture fonctionnelle _____________________________________________________ 58
2.4.2 Nature des informations _______________________________________________________ 60
2.4.3 Capacit du calepin visuo-spatial ________________________________________________ 62
2.4.3.1 Epreuves dempan visuel __________________________________________________ 63
2.4.3.2 Lpreuve des blocs de Corsi _______________________________________________ 65
2.5 Limites mthodologiques des preuves testant le calepin visuo-spatial ____________ 67
2.5.1 La question des tches interfrentes _____________________________________________ 67
2.5.2 La simple dissociation avec la boucle phonologique __________________________________ 69
2.6 Arguments en dfaveur des modles structuraux ______________________________ 71
2.6.1 Arguments en dfaveur du modle de Baddeley (1986) ______________________________ 71
2.6.1.1 Remise en cause des effets psychologiques classiques ___________________________ 71
2.6.1.2 Modles alternatifs de mmoire de travail ____________________________________ 72
2.6.1.2.1 Le modle de Logie (1996) ______________________________________________ 72
2.6.1.2.2 Le modle de Baddeley (2000) ___________________________________________ 74
2.6.1.2.3 Le modle MNESIS (2003) _______________________________________________ 76
2.6.2 Les limites des modles structuraux ______________________________________________ 78
2.6.2.1 Les limites conceptuelles __________________________________________________ 78
2.6.2.2 Lapproche fonctionnaliste ________________________________________________ 80
2.6.2.2.1 Les travaux de lcole no-Piagtienne ____________________________________ 80
2.6.2.2.2 Rsolution de problme et flexibilit cognitive ______________________________ 82
2.7 Conclusion _____________________________________________________________ 84
CHAPITRE 3. Nouvelle approche de la mmoire : les modles uni-systme _______ 87
3.1 Les modles traces multiples : vue densemble ______________________________ 87
3.2 Les conceptions intgratives de la mmoire de travail __________________________ 89
3.2.1 Le modle de Cowan (1988, 1995, 1999, 2005) _____________________________________ 89
3.2.2 Le modle dEngle et collaborateurs (1992, 1999, 2002) ______________________________ 91
3.3 Le modle de Versace, Nevers et Padovan (2002) ______________________________ 93
3.3.1 Description du modle ________________________________________________________ 93
3.3.2 Nature des composants _______________________________________________________ 95
3.3.3 mergence et rcupration des connaissances _____________________________________ 97
-
3.4 Vieillissement cognitif ___________________________________________________ 100
3.4.1 Vieillissement et modle de Versace et al. (2002) __________________________________ 100
3.4.2 Vieillissement et dficits visuo-spatiaux __________________________________________ 101
3.4.2.1 Lapproche structuraliste et le calepinvisuo-spatial ____________________________ 101
3.4.2.1.1 Le vieillissement normal _______________________________________________ 101
3.4.2.1.2 Le vieillissement pathologique __________________________________________ 102
3.4.2.2 Approche unitaire et dficits visuo-spatiaux __________________________________ 103
3.5 Traitements visuo-spatiaux et anatomie fonctionnelle _________________________ 104
3.5.1 Donnes neurophysiologiques _________________________________________________ 104
3.5.1.1 La voie ventrale ________________________________________________________ 106
3.5.1.2 La voie dorsale _________________________________________________________ 107
3.5.2 Dysfonctionnement visuo-spatiaux et maladie dAlzheimer___________________________ 107
3.5.3 Le rle de lhippocampe ______________________________________________________ 109
3.6 Conclusion ____________________________________________________________ 112
Partie exprimentale _______________________________________________________ 117
CHAPITRE 4. Exprience 1 ____________________________________________ 119
4.1 Objectifs et hypothses__________________________________________________ 119
4.2 Mthode _____________________________________________________________ 120
4.2.1 Participants ________________________________________________________________ 120
4.2.2 Bilan psychomtrique ________________________________________________________ 120
4.2.3 Matriel ___________________________________________________________________ 122
4.2.4 Procdure _________________________________________________________________ 123
4.3 Analyses qualitatives ____________________________________________________ 124
4.3.1 Modlisation de la rsolution des blocs de Corsi ___________________________________ 124
4.3.2 Critres danalyse des erreurs __________________________________________________ 128
4.4 Attentes gnrales _____________________________________________________ 129
4.4.1 Prdictions concernant la longueur des squences reproduites correctement aux blocs de Corsi
__________________________________________________________________________ 129
4.4.2 Prdictions concernant les types derreurs ________________________________________ 129
4.5 Rsultats de lexprience 1 _______________________________________________ 130
4.5.1 Rsultats globaux la condition directe de lpreuve des blocs de Corsi _________________ 130
4.5.2 Analyses quantitatives sur les diffrents types derreurs _____________________________ 130
4.5.2.1 Erreurs de direction _____________________________________________________ 131
-
4.5.2.2 Erreurs de localisation ___________________________________________________ 131
4.5.2.3 Erreurs de nombre ______________________________________________________ 131
4.5.2.4 Erreurs dinversion ______________________________________________________ 131
4.6 Discussion ____________________________________________________________ 132
CHAPITRE 5. Exprience 2 ____________________________________________ 135
5.1 Introduction ___________________________________________________________ 135
5.2 Objectifs et hypothses__________________________________________________ 135
5.3 Mthode _____________________________________________________________ 136
5.3.1 Participants ________________________________________________________________ 136
5.3.2 Bilan psychomtrique ________________________________________________________ 137
5.3.3 Matriel et procdure ________________________________________________________ 139
5.4 Analyses qualitatives ____________________________________________________ 140
5.4.1 Russite ___________________________________________________________________ 140
5.5 Traitements visuo-spatiaux induisant un chec _______________________________ 143
5.5.1 Dfinition des diffrents traitements visuo-spatiaux ________________________________ 143
5.5.1.1 Traitement visuo-spatial vectoriel partiel ____________________________________ 143
5.5.1.2 Traitement visuo-spatial identit stricte _____________________________________ 145
5.5.1.3 Traitement visuo-spatial approximatif ______________________________________ 145
5.5.1.4 Le modle des contraintes de Richard, Poitrenaud et Tijus (1993) _________________ 147
5.5.1.5 Traitement mixte _______________________________________________________ 148
5.5.1.6 Traitement alatoire ____________________________________________________ 149
5.5.1.7 Traitement endroit et traitement lacunaire __________________________________ 150
5.5.2 Schmatisations des traitements visuo-spatiaux induisant un chec ____________________ 150
5.6 Hypothses oprationnelles ______________________________________________ 159
5.6.1 Attentes gnrales pour le groupe Alzheimer et le groupe contrle ____________________ 159
5.6.1.1 Prdictions sur la longueur des squences correctement reproduites lpreuve des blocs
de Corsi _____________________________________________________________________ 159
5.6.1.2 Prdictions sur les diffrents types de traitements visuo-spatiaux _________________ 159
5.6.2 Attentes gnrales au sein du groupe Alzheimer ___________________________________ 160
5.6.2.1 Prdictions sur la longueur des squences correctement reproduites lpreuve des blocs
de Corsi _____________________________________________________________________ 160
5.6.2.2 Prdictions sur les types de traitements cognitifs visuo-spatiaux __________________ 160
5.7 Rsultats _____________________________________________________________ 161
-
5.7.1 Analyses quantitatives de la longueur des squences correctement reproduites __________ 161
5.7.1.1 Condition directe _______________________________________________________ 161
5.7.1.1.1 Groupe Alzheimer-groupe contrle ______________________________________ 161
5.7.1.1.2 Au sein du groupe Alzheimer ___________________________________________ 162
5.7.1.2 Condition indirecte _____________________________________________________ 162
5.7.1.2.1 Groupe Alzheimer-groupe contrle ______________________________________ 162
5.7.1.2.2 Au sein du groupe Alzheimer ___________________________________________ 163
5.7.2 Analyses quantitatives des diffrents types de traitements cognitifs visuo-spatiaux _______ 164
5.7.2.1 Traitements visuo-spatiaux vectoriels partiels ________________________________ 164
5.7.2.1.1 Analyses intergroupes _________________________________________________ 164
5.7.2.1.2 Analyses intra-groupe Alzheimer ________________________________________ 165
5.7.2.2 Traitement visuo-spatiaux identit stricte____________________________________ 165
5.7.2.2.1 Analyses intergroupes _________________________________________________ 165
5.7.2.2.2 Analyses intra-groupe Alzheimer ________________________________________ 165
5.7.2.3 Traitements visuo-spatiaux approximatifs ___________________________________ 165
5.7.2.3.1 Analyses intergroupes _________________________________________________ 165
5.7.2.3.2 Analyses intra-groupe Alzheimer ________________________________________ 166
5.7.2.4 Traitement visuo-spatiaux mixtes __________________________________________ 166
5.7.2.5 Traitements visuo-spatiaux alatoires _______________________________________ 166
5.7.2.6 Traitements endroit lors des parcours indirects _______________________________ 166
5.7.2.6.1 Analyses intergroupes _________________________________________________ 166
5.7.2.6.2 Analyses intra-groupe Alzheimer ________________________________________ 167
5.7.2.7 Parcours lacunaires pour lensemble des traitements visuo-spatiaux ______________ 167
5.7.2.7.1 Analyses intergroupes _________________________________________________ 167
5.7.2.7.2 Analyses intra-groupe Alzheimer ________________________________________ 167
5.8 Analyses de lhomognit de traitement intra et inter-conditions _______________ 169
5.9 Discussion ____________________________________________________________ 171
Discussion gnrale _______________________________________________________ 177
Conclusion et perspectives __________________________________________________ 183
Rfrences bibliographiques ________________________________________________ 195
Annexes _________________________________________________________________ 219
Index des figures et tableaux ________________________________________________ 285
-
Introduction
~ 21 ~
Partie thorique
Introduction
Ce travail de recherche sappuie sur ltude et lanalyse des traitements visuo-spatiaux
mis en uvre lors de la rsolution de lpreuve des blocs de Corsi (Corsi, 1972 ; Milner,
1971), tche communment utilise comme preuve de mmoire de travail, chez des sujets
gs sains et atteints de maladie dAlzheimer. Il dfend une conception fonctionnelle et
constructiviste (Bastien, 1997 ; Bastien & Bastien-Toniazzo, 2004 ; Clment, 2009 ; Inhelder
& Cellrier, 1992 ; Sander, 2000 ; 2006 ; Sander & Richard, 1997) de la mmoire et des
processus cognitifs impliqus lors du traitement de linformation visuo-spatiale et de la
rsolution de problmes de cette mme nature.
Prtendre lexistence dun calepin visuo-spatial, sous-composant dun modle
structuraliste (modle de la mmoire de travail de Baddeley, 1986) spcialis dans le
traitement de linformation visuo-spatiale nest pas compatible avec une conception systme
unique de la mmoire tel quon peut lenvisager dans le courant actuel de la cognition situe.
Notre thse se propose de substituer le concept de traitement visuo-spatial celui de calepin
visuo-spatial.
Pour appuyer notre thse, les exprimentations que nous avons ralises ont eu pour
objectif de dfinir les diffrents traitements cognitifs visuo-spatiaux, dgager des profils
comportementaux de traitements visuo-spatiaux propres au vieillissement normal et
pathologique (maladie dAlzheimer), de mettre en vidence lexpression de flexibilit
cognitive lors de la rsolution de lpreuve des blocs de Corsi. Et enfin dapporter des
arguments pour valider une approche unitaire de la mmoire.
Dans les approches thoriques fondamentales en psychologie cognitive comme en
pratique clinique, le fonctionnement et lvaluation de la mmoire de travail sont des
-
Introduction
~ 22 ~
questions incontournables. Lanalyse approfondie du concept de mmoire de travail suffit
rendre compte de la place centrale quil occupe dans les hypothses relatives au
fonctionnement cognitif humain en raison du nombre lev dactivits mentales que cette
mmoire implique. En examinant plus en dtail lun des points de vue sur la mmoire de
travail, en particulier celui propos par Baddeley (1986), force est de constater que les
concepts de boucle phonologique et dadministrateur central font lobjet davances
thoriques plus marques que celui de calepin visuo-spatial. Ce dsquilibre thorique sest
notamment traduit par un dsquilibre clinique : la boucle phonologique et ladministrateur
central ont fait lobjet dune diversit dpreuves qui na pas son quivalent pour le calepin
visuo-spatial. Une des explications pourrait rsider dans le fait que lhypothse dominante
propose par Baddeley (1986) au sujet de la structure du calepin visuo-spatial, est celle dun
registre passif de stockage accompagn dun processus de rafrachissement actif qui jouerait
un rle dauto-rptition analogue celui de la boucle phonologique. Or, bien que cette
conception ait t reprise par Logie (1995) qui dfinit le registre passif sous le terme de
visual cache et voque linner scribe pour dfinir le mcanisme actif, lautorptition
visuo-spatiale reste un processus difficile dfinir donc tudier. A ce jour, dans le domaine
largi des sciences cognitives, aucune donne exprimentale ne permet en effet de dcrire
correctement une architecture fonctionnelle vraiment raliste du calepin visuo-spatial. Une
des raisons est certainement lie la limite consistant le dcrire par une analogie stricte avec
la boucle phonologique (Baddeley, 1986 ; Logie, 1996 ; Logie & Pearson, 1997). La limite
thorique que nous soulignons se traduit en pratique clinique : lorsque les psychologues sont
amens raliser des valuations neuropsychologiques dans le cadre de consultations
mmoire, les lacunes thoriques relatives au calepin visuo-spatial posent des difficults dans
linterprtation des dficits visuo-spatiaux par ailleurs objectivs.
Dans le secteur mdical les termes rencontrs dans les comptes-rendus
neuropsychologiques sont les suivants : mmoire pisodique verbale, mmoire pisodique
visuo-spatiale, mmoire de travail auditivo-verbale, mmoire de travail visuo-spatiale, calepin
visuo-spatial. De faon implicite et explicite ces termes renvoient une certaine conception
de la mmoire : les modles structuraux. Dans lapproche structuraliste, la mmoire est dcrite
comme compose de plusieurs systmes indpendants. Pour notre part, nous dfendons la
conception dun systme unitaire de la mmoire, dont lide centrale repose sur lexistence
-
Introduction
~ 23 ~
dune unique mmoire compose dune accumulation de traces mnsiques pisodiques,
multidimensionnelles et distribues (Versace, Nevers & Padovan, 2002). Un aspect essentiel
des conceptions fonctionnelles de la mmoire est quelles ne dissocient plus oprations de
traitement et reprsentations (Rousset & Schreiber 1992).
Dans les modles unitaires, la mmoire de travail nest plus considre comme un
systme autonome dont le but est de maintenir court terme de linformation (Eustache,
Lechevalier & Viader, 1996). La mmoire de travail est reprsente comme la partie active
de LA mmoire via la mise en uvre de processus attentionnels contrls (Cowan, 1988 ;
Engle et al., 1992, 1999). La capacit limite de stockage nexiste pas, puisque la mmoire de
travail nest pas considre comme une structure spcifique, mais serait lie aux
caractristiques de lactivation qui lui est inhrente. Notre approche de la mmoire de travail
et lvaluation que nous en faisons diffrent de celles des modles structuralistes comme celui
de Baddeley (1986), pour lesquels il sagit dune capacit gnrale de mmoire de travail,
refltant les capacits dun individu sans que le contexte et les connaissances antrieures
jouent de rle sur les performances (capacit globale transfrable nimporte quelle autre
activit similaire). A la diffrence, lapproche uni-systme attribue un rle fondamental aux
connaissances stockes en mmoire ainsi quau contexte. De ce fait, il devient primordial
danalyser le fonctionnement cognitif des sujets en situation.
En nous situant dans lapproche du constructivisme psychologique lors des situations
de rsolution de problmes, nous dfendons le fait que les sujets sont situs dans leurs
connaissances (espace contextuel interne) partir du contexte externe de la tche c'est--dire,
la consigne, le type de matriel ou encore la condition demande.
Dans cette recherche nous avons eu recours la mthodologie danalyse de protocoles
individuels (API). Cette mthode danalyse nous apparat comme lune des plus pertinentes
pour comprendre les mcanismes cognitifs mis en uvre par les sujets lors de la rsolution de
problme. En effet, sur le versant clinique, la majorit des rsultats des tests cognitifs se limite
une cotation exact/inexact, ce qui conduit des interprtations de nature dichotomique
(vrai/faux, bon/mauvais, compris/incompris) pour le moins grossires et in fine peu
heuristiques. Le point de vue dfendu ici ne considre pas les erreurs comme synonymes
dincohrence mais au contraire, comme pouvant tre plus informatives que la rponse exacte
(Sander, 2002). Leur analyse peut donc permettre de remonter la source mme des
oprations mentales impliques. Les API reposent sur lide que les erreurs sont des traces
-
Introduction
~ 24 ~
observables de processus non observables et quelles peuvent servir de donnes pour
comprendre le fonctionnement cognitif humain. Lidentification des erreurs permet de mieux
comprendre les mcanismes impliqus dans les rponses fournies. Ceux-ci constituent les
paramtres de llaboration dun modle de simulation. Une utopie serait de prtendre pouvoir
simuler lensemble des comportements humains mais ce but idal nest videment jamais
atteint (Sander, ibid.). Lanalyse de protocoles individuels a donc comme objectif de fournir
les lments pour une simulation des comportements. On entend ici par protocole un
ensemble de donnes comportementales recueillies dans des situations o les sujets sont
engags dans une situation cognitive complexe (Richard, 2004 ; Richard & Poitrenaud, 1988 ;
Sander, ibid.). En ce sens, les analyses de protocoles individuels sont complmentaires des
tudes quantitatives.
Nous avons choisi comme tche visuo-spatiale, lpreuve des blocs de Corsi (Corsi,
1972 ; Milner, 1971) pour diffrentes raisons. Tout dabord, cette tche prsente des
consignes simples et elle ne ncessite pas des sujets une familiarisation parfois difficile un
protocole exprimental lourd et complexe. Nous avons choisi de conserver la version
originale dveloppe par Corsi (ibid.) et non une version informatise, car nos sujets sont des
personnes ges (saines ou atteintes de maladie dAlzheimer) et cette population est souvent
peu familiarise avec les outils informatiques. Par ailleurs, certaines tudes tendent montrer
que les diffrences qui existent entre la version classique et les versions informatises ne
semblent pas jouer un rle dans les rsultats (Fischer, 2001 ; Nelson, Dickson & Banos,
2000). Par ailleurs, dans la mesure o cette preuve est lune de celles utilise dans la
clinique, elle nous est apparue pertinente pour remettre en question lapproche structuraliste
en proposant une analyse diffrente, base sur une approche fonctionnelle.
Le chapitre 1 prsente les conceptions multi-systmes de la mmoire qui constituent
lapproche dominante en psychologie cognitive. La premire partie concerne les modles de
mmoire court terme (Atkinson & Schiffrin, 1968 ; Waught & Norman, 1965). La seconde
partie est centre sur le modle de mmoire de travail de Baddeley (1986) avec le rappel des
diffrents composants : la boucle phonologique, le calepin visuo-spatial et ladministrateur
central. Dans une troisime partie sont abords les diffrents arguments thoriques sur
lesquels sappuient les modles structuraux.
-
Introduction
~ 25 ~
Le chapitre 2 a pour objet la description dtaille du calepin visuo-spatial tel quil est
propos dans le modle de Baddeley (1986). Aprs avoir voqu dans une premire partie les
travaux de Brooks (1968) et dans une seconde partie les diffrentes tudes qui ont voulu
mettre en vidence lexistence du calepin visuo-spatial, la troisime partie de ce chapitre
aborde les donnes neuroanatomiques. La quatrime partie est consacre larchitecture
fonctionnelle, la nature des informations manipules et la capacit du calepin visuo-
spatial. Une cinquime partie traite des limites mthodologiques rencontres dans ltude du
calepin visuo-spatial (Roulin, & Monnier, 1994). Enfin dans une dernire partie sont abordes
les limites propos des modles structuraux, ainsi que les diffrents modles alternatifs de la
mmoire de travail qui ont t labors pour rpondre ces critiques (Baddeley, 2000 ; Logie,
1996 ; Eustache & Desgranges, 2003).
Le chapitre 3 aborde lapproche uni-systme de la mmoire. La premire partie
prsente les conceptions thoriques des modles traces multiples (Hintzman, 1984 ; 1986 ;
Logan 1988 ; Medin & Schaffer, 1978 ; Nosofsky 1984, 1986, 1998 ; Whittlesea, 1987). La
seconde partie dcrit les modles intgratifs de la mmoire de travail (Cantor & Engle, 1993 ;
Cowan, 1988, 1995, 1999, 2005 ; Engle, Kane & Tuholski, 1999). La troisime partie de ce
chapitre est centre sur le modle de Vercace, Nevers et Padovan (2002), la quatrime sur le
vieillissement cognitif et les raisons pour lesquelles cette tude porte sur une population ge
(saine et pathologique) et la dernire concerne lanatomie fonctionnelle des traitements visuo-
spatiaux avec notamment la description de la voie ventrale et de la voie dorsale.
Les chapitres 4 et 5 sont ddis aux expriences ralises dans cette recherche.
La premire tude dcrite dans le chapitre 4 sintresse la rsolution de la condition
directe de lpreuve des blocs de Corsi chez des patients Alzheimer et des sujets contrle gs
sains. Les critres de russite ont t modliss sur la base danalyses de protocoles
individuels, partir desquels diffrents types derreurs rencontrs lors de la rsolution de cette
preuve ont t identifis. Cette premire tude a cherch mettre en vidence un ventuel
profil comportemental derreurs propre aux sujets Alzheimer et aux sujets contrle.
Lexprience prsente dans le chapitre 5 ne porte plus sur les diffrents types
derreurs rencontrs dans la rsolution des blocs de Corsi mais sur la nature des traitements
visuo-spatiaux mis en uvre lors de cette preuve visuo-spatiale squentielle. Dans cette
-
Introduction
~ 26 ~
tude, les deux conditions des blocs de Corsi, cest--dire, la condition directe et indirecte, ont
t analyses. La population de cette tude est toujours constitue de sujets Alzheimer et de
sujets contrle gs sains. Lobjectif de cette exprience est double : dune part, dgager un
profil comportemental de traitements visuo-spatiaux caractristique dune population donne
(sujets Alzheimer ou sujets gs sains) et dautre part, tudier la flexibilit cognitive lors de la
rsolution de lpreuve, dans la ligne des travaux de Clment (2008, 2009). Lauteur
interprte la mise en uvre de traitements cognitifs diffrents en fonction des proprits de la
situation comme lexpression de flexibilit cognitive.
La description des expriences ralises se poursuit par une discussion qui se prolonge
dans une conclusion gnrale qui clt ce manuscrit.
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 27 ~
1 CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
Cest avec la volont dtudier scientifiquement et de comprendre le comportement
humain que nat le cognitivisme. Or, rompant avec le courant behavioriste, les chercheurs
sintressent ainsi de plus en plus ce qui se situe entre les stimuli et les rponses cest--dire
aux processus sous-jacents aux comportements. Cependant, les avances technologiques, en
particulier celle de la mise au point de lordinateur changent les mthodes exprimentales en
psychologie. Lintroduction de lordinateur dans les recherches cre des mthodes
dinvestigation de plus en plus riches et diversifies et gnre un tournant dans les sciences
cognitives dont la perspective thorique se tourne vers le courant du traitement de
linformation, traitement expliqu par les modles computo-symboliques. Lobjectif est
justement didentifier ce qui se produit au cours des diffrentes tapes du traitement de
linformation (attention, mmoire, perception). La psychologie prend un nouvel essor pour
tenter de dcouvrir les processus cognitifs impliqus dans les tches proposes aux sujets. Les
modles computo-symboliques reposent dune part sur le caractre symbolique des
reprsentations mentales et dautre part sur la nature modulaire et squentielle des traitements.
Une des particularits des systmes mnsiques dans ces modles est la succession
dtapes (traitement squentiel) qui associe chacune un systme mnsique spcifique,
comme dans les modles de Waugh et Norman (1965), dAtkinson et Schiffrin (1968), et dans
les modles de mmoire court terme et le modle de mmoire de travail de Baddeley (1986)
que nous allons dcrire dans les parties suivantes.
1.1 Les modles de mmoire court terme
1.1.1 Le modle de Waught et Norman (1965) Le modle de Waught et Norman (1965) est inspir du modle de Willian James (1890)
qui porte sur la distinction entre une mmoire primaire et une mmoire secondaire, reposant
sur lide dune dissociation entre les deux. James fonde sa thorie sur une analyse de la
notion du temps. Il pense de manire intuitive que le temps prsent ne porte ni sur linstantan
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 28 ~
ni sur une dure longue, mais sur une dure quil estime moins dune minute . Avant ou
aprs ce segment temporel, les expriences seraient, selon lui, considres comme des
conceptions appartenant au pass ou au futur. La plupart de ces segments temporels
correspondent au prsent psychologique des sujets et seraient rapidement oublis. Dautres, en
revanche, seraient maintenus plusieurs minutes, plusieurs heures ou encore de manire
dfinitive. Cette thorie suppose quil nexiste pas dtats mentaux instantans et que la
conscience dun tat mental est toujours un aprs-conscience. En effet, un tat mental ne
prendra de valeur pour un sujet qu travers la mmoire que celui-ci en a. La mmoire
primaire se dfinit alors comme celle qui porte sur les contenus qui sont prcisment dans le
prsent mental du sujet. La mmoire secondaire correspond quant elle, aux contenus qui
ont appartenu au prsent mental mais qui ncessitent une rcupration. Une des hypothses de
James est que pour pouvoir tre rcupr, ltat mental doit avoir exist un temps minimum
dans le prsent mental des sujets. La thorie de James (ibid.) repose essentiellement sur une
analyse intuitive mais elle offre une approche intressante de la notion de mmoire immdiate
qui est justement lorigine de la plupart des modles sur la mmoire. Ainsi, dans le modle
de Waugh et Norman (1965) (figure 1) chaque stimulus verbal (les auteurs effectuent leurs
expriences avec des apprentissages verbaux) entre dans la mmoire primaire mais la capacit
de ce registre est limite. De ce fait, les nouveaux stimuli qui entrent, prennent la place de
ceux qui y sont dj prsents. Les items sont donc oublis si aucune autre activit comme la
rptition mentale nest mise en uvre par les sujets. En revanche, si un stimulus prsent est
rpt mentalement, il peut rester en mmoire primaire. De ce fait, il a des chances leves
dentrer en mmoire secondaire (mmoire permanente). Les auteurs avancent lhypothse que
la mmoire primaire et la mmoire secondaire ne fonctionnent pas comme deux systmes
totalement indpendants. La probabilit de rappel dun item est la fois fonction de sa
probabilit de prsence en mmoire primaire ainsi que de sa probabilit dtre pass en
mmoire secondaire.
Pour Waugh et Norman (ibid.), les deux systmes de mmoire bien que distincts par
leurs caractristiques prsentent une interdpendance dans la probabilit de rcupration des
informations.
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 29 ~
Figure 1. Reprsentation schmatique du modle de Waugh et Norman (1965).
1.1.2 Le modle dAtkinson et Schiffrin (1968) Parmi les modles sriels c'est--dire dans lesquels linformation entrante est cense
transiter dun registre mnsique un autre, le modle dAtkinson et Schiffrin (1968) est le
plus rpandu et, de ce fait, un des modles de mmoire court terme le plus influent.
Figure 2. Reprsentation schmatique du modle dAtkinson et Schiffrin (1968).
RS : registre sensoriel (visuel, auditif, tactile). MCT : mmoire court terme. MLT : mmoire long terme
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 30 ~
Ce modle comporte trois composants distincts, plus prcisment trois types de
registres mnsiques : le registre sensoriel, le registre court terme et le registre long terme
(figure 2). Ces registres constituent larchitecture du modle et sont considrs comme les
aspects structuraux. Sur cette structure se greffent les processus de contrle qui ont la
possibilit dtre modifis par les sujets. Il sagit des processus dencodage, de rptition
mentale ou encore de recherche en mmoire.
Le premier registre du systme est le magasin sensoriel. Linformation y est dabord
traite en parallle et enregistre selon la modalit du stimulus (iconique, choque ou tactile).
La trace sensorielle dcline de manire trs rapide (au del de lordre de la milliseconde).
Finalement, seule une partie de linformation prsente dans le registre sensoriel est
slectionne pour aboutir dans le magasin court terme, voie de passage oblige pour
atteindre le magasin long terme. Plus prcisment, ce sont les informations sur lesquelles le
sujet porte son attention qui sont transfres dans le magasin court terme. Linformation
prsente dans le registre court terme nest pas forcement stocke sous la mme dimension
sensorielle que celle du registre sensoriel dentre. Les auteurs voquent souvent le magasin
court terme sous le terme auditory-verbal-linguistic laissant supposer quils privilgient la
modalit auditive dans le stockage des informations court terme. Au niveau de ce registre,
linformation peut faire lobjet dune rcapitulation articulatoire ou encore dun travail
dlaboration. Ces mcanismes permettent de faire durer le temps de prsence des
informations et jouent galement un rle dans le transfert des stimuli vers le registre long
terme. Les informations stockes dans le magasin court terme sont immdiatement et
directement disponibles. Le registre long terme, quant lui, permet de stocker les
informations de manire dfinitive tout en prenant en compte leurs caractristiques
smantiques. Leur rcupration ncessite linteraction entre des indices issus de
lenvironnement du sujet ainsi quun plan de rcupration en mmoire issu des traitements
raliss lors des diffrents apprentissages antrieurs. Ce processus complexe permet de
stocker un nombre dinformations quasiment illimit (Gaonach & Larigauderie, 2000). Ainsi,
le registre long terme a comme proprit dtre un registre structur dont lorganisation
slabore partir des diffrents apprentissages raliss par les sujets. Atkinson et Schiffrin
(ibid.) invoquent des transferts, c'est--dire des passages dinformations du registre court
terme vers le registre long terme. Ces transferts sont considrs comme une copie des
stimuli, les informations ne disparaissant pas pour autant du registre court terme. Mais il y a
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 31 ~
galement des transferts dans lautre sens, du registre long terme vers celui court terme qui
permettent aux sujets dutiliser les informations stockes en mmoire long terme lors de
traitements de nouvelles informations dans le registre court terme.
En dpit de lintrt quils ont suscit, les modles de Waugh et Norman (ibid.) et
dAtkinson et Schiffrin (ibid.) ont t contests sur plusieurs points, entre autres sur lide que
la dure de maintien des informations dans le registre court terme est un facteur dterminant
du passage en mmoire long terme. Mais les critiques les plus importantes proviennent de la
neuropsychologie. Plusieurs cas cliniques de patients en particulier ceux de KF et HM
(Shallice & Warrington, 1970), remettent en cause les rapports entre le registre court terme
et celui long terme. En effet, ces modles ne peuvent expliquer les dficits rencontrs en
mmoire court terme sans altration de la mmoire long terme et vice versa. Ces limites
sont le point de dpart des propositions mises par Baddeley et Hitch (1974) concernant une
architecture plus complexe et dynamique de la mmoire court terme, travaux qui ont donn
lieu au premier modle de Baddeley (1986).
1.2 La mmoire de travail : le modle initial de Baddeley (1986)
1.2.1 Principes gnraux du modle Comme le soulignent Miyake et Shah (1999) le terme mmoire de travail se trouve
utilis pour la premire fois dans des travaux de Miller, Galanter et Prinbram (1960) mais ce
nest vraiment quavec Baddeley (1986) que cette expression est devenue clbre et
incontournable et que les procdures exprimentales se sont multiplies en sciences
cognitives. Baddeley (ibid.) dfinit la mmoire de travail comme un systme de maintien
temporaire et de manipulation de linformation, ncessaire pour raliser des activits
cognitives complexes, telles que la comprhension, lapprentissage ou encore le
raisonnement. Le concept de mmoire de travail comprend, outre les fonctions de maintien de
linformation, un ensemble de processus cognitifs dont lobjectif est la manipulation des
informations pour la ralisation dun but. La mmoire de travail est mise en uvre dans une
multitude dactivits cognitives, telles que le calcul, la comprhension, la lecture (Gathercole
& Baddeley, 1993 ; Seigneuric, 1998) et le raisonnement complexe (Ehrlich, Tardieu &
Cavazza, 1993 ; Kyllonen & Stephen, 1990). Dans cette revue de question nous naborderons
pas toutes les activits cognitives inhrentes la mmoire de travail humaine, notre
thmatique de recherche tant le traitement et la rsolution de problmes visuo-spatiaux. En
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 32 ~
1999, Baddeley et Logie proposent une autre dfinition de la mmoire de travail : celle-ci
renverrait un certain nombre de composants fonctionnels de la cognition qui permettraient
lhomme de comprendre et de reprsenter mentalement son environnement immdiat, de
retenir des informations concernant son pass immdiat, dacqurir de nouvelles
connaissances, de rsoudre des problmes, de dfinir, de formuler ou de raliser des buts .
En dpit de la diffrence avec la toute premire dfinition de Baddeley (ibid.), le rle
primordial et essentiel quelle joue dans les activits mentales, cognitives humaines est encore
soulign.
Le concept de mmoire de travail est fond sur lide dun mcanisme commun ddi
la fois au stockage et au traitement des informations. Il est important, lorsque lon aborde ce
concept, de tenir compte des limites de la mmoire court terme qui sont supposes reflter
une limitation fondamentale des capacits humaines de traitement de linformation (Miller,
1956). Une question thorique se pose alors : les ressources cognitives utilises pour
mmoriser de manire immdiate et celles qui sont utilises pour mmoriser lorsque lon se
trouve dans une tche cognitive plus complexe, sont-elles les mmes ? En dautres termes,
disposons-nous de ressources indpendantes pour la mmorisation et le traitement des
informations ? En voquant lexistence dune mmoire de travail, il convient daborder les
rapports qui existent entre mmoire court terme et mmoire de travail. Il existe un rapport
entre les limites de lempan mnmonique et les limites de traitement de linformation en
mmoire de travail . La limitation de la mmoire court terme et la limitation de la
mmoire de travail auraient-elles la mme proprit cognitive, cest--dire un volume de
processus disponibles pour effectuer la fois le stockage et le traitement dinformations ? La
limitation de la quantit dinformation qui peut tre manipule est lune des caractristiques
fondamentales de la mmoire court terme. Il est toutefois possible de dpasser cette
limitation communment admise de 72 lments, en mettant en uvre des stratgies de
regroupement. On entend par stratgies de regroupement, le fait dorganiser en unit (chunk)
plus grande les stimuli disposition (ex : la srie de chiffres 2-5-4-6-7-3 peut se regrouper en
deux units 254/673). Miller (ibid.) conoit le regroupement comme lunit de base de la
mmoire court terme. Baddeley (1994) y voit un caractre plus dynamique puisquil pense
que la notion de regroupement renvoie la nature active des processus cognitifs mis en uvre
dans la mmoire court terme.
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 33 ~
Avant de dcrire le modle de mmoire de travail de Baddeley (1986), nous allons
aborder les travaux princeps mens par Baddeley et Hitch (1974).
1.2.2 Les travaux fondateurs de Baddeley et Hitch (1974) Baddeley et Hitch publient en 1974, un texte qui prsente une srie de rsultats issus de
diffrentes expriences. Cet article est considr comme le texte fondateur du modle de
mmoire de travail de Baddeley (1986).
Une premire srie dexpriences porte sur des preuves de raisonnement verbal
(vrification de phrases). Les sujets doivent, par exemple, dire si la phrase B prcde A est
vrifie dans la prsentation dun dessin reprsentant AB (ou BA). Certaines des phrases sont
vraies, les autres fausses. Les phrases diffrent par leur degr de complexit syntaxique, selon
quelles sont affirmatives ou ngatives et la voix active ou passive. Simultanment au
jugement de ces phrases, les sujets ont une tche secondaire. Avant chaque phrase ils voient
des listes ditems (1, 2 ou 6) qui peuvent tre des lettres ou des chiffres. Ils doivent les
maintenir en mmoire et les restituer aprs la tche de raisonnement verbal. Une condition
contrle est introduite, dans laquelle seule la vracit de la phrase est demande aux sujets.
Les temps de rponse des sujets sont enregistrs. Les rsultats montrent que le temps de
vrification est le mme lorsquil ny a aucun, voire 1 ou 2 items retenir, alors quil y a un
ralentissement lorsquil y a en 6 mmoriser. Ces rsultats se retrouvent seulement chez les
sujets qui ont correctement mmoris les items. Pour les auteurs, ce ralentissement peut
sinterprter comme un phnomne de comptition entre les processus de maintien des items
mmoriser et ceux qui servent la prise de dcision sur la vracit des phrases.
La deuxime srie dexpriences porte sur des tches de comprhension. Les auteurs
demandent aux sujets deffectuer une preuve de rappel et une autre de comprhension. Dans
ces expriences, Baddeley et Hitch (ibid.) combinent tche de comprhension dun texte en
modalit orale avec une tche de rappel ditems (6 chiffres) galement prsents oralement.
Lordre de passation des tches varie. Le groupe exprimental a la configuration suivante :
prsentation des chiffres et du texte, puis rappel des chiffres suivi du rappel du texte et de la
tche de comprhension. Pour le groupe contrle, lordre est diffrent : prsentation du texte
et des chiffres, puis rappel des chiffres suivi du rappel du texte et de la tche de
comprhension. Le groupe exprimental doit donc maintenir les chiffres en mmoire durant la
prsentation auditive du texte, contrairement au groupe contrle. Les rsultats montrent que le
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 34 ~
score de comprhension est meilleur pour le groupe contrle. Toutefois les rsultats qui
tmoignent dune incompatibilit entre le stockage et le traitement ne sont obtenus que
lorsque les chiffres retenir sont au nombre de 6. La mme exprience ralise avec 3 chiffres
rappeler ne rvle aucun effet significatif.
Une autre srie dexprience porte sur des tches de rappel libre. Baddeley et Hitch
(ibid.) prsentent une liste de 16 mots avec comme consigne, de la mmoriser. Cette liste de
mots est combine une srie de chiffres prsents oralement (0, 3 ou 6). Lordre de
passation est le suivant : chiffres puis prsentation des seize mots puis rappel des mots suivi
de celui des chiffres. Les analyses ralises sur le rappel des mots montrent que le nombre de
chiffres mmoriser ne joue pas sur leffet de rcence mais sur tout le reste de la courbe
dapprentissage. Les auteurs concluent que le maintien dune charge mnsique de 6 items
occupe la mmoire court terme ou mmoire de travail (la distinction est encore floue).
Cest par ces expriences que Baddeley et Hitch (ibid.) ont mis en avant des liens avec
ce qui est traditionnellement considr comme lempan mnmonique1 et la rsolution de tche
de mmoire court terme. Lexcution de tches cognitives est perturbe lorsquon ajoute une
charge mnsique dpassant un certain seuil, celui de 6 items. Aucun effet ne se produit
lorsque la charge est infrieure 3 items. Ainsi, il ny aurait comptition entre stockage et
traitement que lorsque la charge mnsique se rapprocherait de ce qui est considr comme la
limite de lempan de mmoire, c'est--dire 7 items (Miller, 1956).
Au vu de ces rsultats, Baddeley et Hitch (ibid.) admettent lexistence dun systme
commun de mmoire de travail, systme concernant la fois le stockage et le traitement des
informations. Mais ce systme doit tre considr en grande partie sans lien avec lempan
mnsique. Les diffrentes expriences nont pas mis en vidence de comptition entre
stockage et traitement. Il faut cependant tenir compte la fois de lautonomie de ce systme
de mmoire de travail par rapport au stockage et de son ventuelle implication dans ce mme
stockage. Un autre systme de mmoire de travail, spcifique au stockage, doit tre pris en
considration avec dventuels changes entre stockage et traitement. Les auteurs dcrivent
alors une composante ddie au stockage qui ne peut oprer aucun traitement et une
composante consacre au traitement avec comme fonction essentielle dassurer un rle dans le
contrle du stockage et dans la rcupration des informations.
1 Le terme d'empan de mmoire fut propos par le psychologue allemand Hermann Ebbinghaus (1850-1909) qui fut le premier conduire des expriences en laboratoire sur la mmoire. L'empan de mmoire est le nombre d'items maximum dont peut se rappeler le sujet
immdiatement aprs une seule prsentation.
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 35 ~
Les travaux raliss par Baddeley et Hitch (ibid.) qui proposent une composante
passive et une composante active dans les mcanismes de stockage et de traitement court
terme ont ainsi conduit proposer le concept de mmoire de travail qui a donn lieu au
modle de la mmoire de travail de Baddeley (1986).
1.3 La mmoire de travail de Baddeley (1986) un modle trois composants
Le modle de Baddeley (1986) sinscrit dans un cadre modulariste classique et se
prsente comme un systme hirarchis en plusieurs sous-systmes articuls. Chacun des
diffrents composants de larchitecture est donc conu comme disposant dune certaine
autonomie de fonctionnement. On distingue un systme de supervision amodal,
ladministrateur central, dont le rle est de slectionner, coordonner et contrler les oprations
de traitement des deux systmes esclaves chargs de stocker temporairement les
informations. Ces deux systmes auxiliaires sont dune part la boucle phonologique destine
au stockage des informations verbales et dautre part le calepin visuo-spatial qui assure le
stockage des informations visuelles et spatiales (figure 3).
Dun point de vue fonctionnel, la mmoire de travail est perue comme la structure qui
permet aux sujets de reprsenter mentalement les informations provenant de leur
environnement et de les maintenir actives dans lintention de penser, de raisonner ou encore
de poursuivre tout autre but.
Figure 3. Reprsentation schmatique du modle de la mmoire de travail, Baddeley (1986).
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 36 ~
1.3.1 La boucle phonologique La boucle phonologique est destine au stockage temporaire de linformation verbale. Il
sagit du composant qui a fait lobjet des plus nombreuses recherches. Il serait divis en deux
sous-composants principaux, le stock phonologique et le mcanisme de rcapitulation
articulatoire.
Baddeley (1986) nest pas le premier voquer le mcanisme de rcapitulation
articulatoire. Brown (1958) et Peterson et Peterson (1959) staient dj intresss vers la fin
des annes 50 aux mcanismes oprant en mmoire en court terme. Au-del du fait que leur
paradigme est couramment repris en psychologie exprimentale, le cadre thorique quils
proposent est particulirement intressant. Ces auteurs ont voulu montrer que la mmoire
court terme ou mmoire immdiate requiert des mcanismes diffrents de ceux qui sont
impliqus en situation dapprentissage. Brown (ibid.) avance lhypothse que les interfrences
proactives et rtroactives rencontres dans lapprentissage napparaissent pas en mmoire
court terme. Le seul mcanisme jouer un rle est le dclin spontan de la trace en mmoire.
Concernant lempan mnsique (72), Brown (ibid.) essaie de voir pourquoi ce qui dpasse
de cet empan est oubli. Il avance lhypothse que les traces qui servent de support la
rtention immdiate ont comme particularit dtre sensibles au temps. Si on prsente au sujet
une squence longue, alors le dclin temporel des traces en mmoire ne permettra pas le
rappel de certains items. Il ne faut pas que la longueur de la squence retenir dpasse celle
de lempan mnsique. Pour viter le dclin rapide des traces, les sujets doivent mettre en
uvre un mcanisme de rptition mentale, qui empche loubli en permettant llaboration
de nouvelles traces. Si on empche les sujets de mettre en uvre une telle activit lors de la
phase de prsentation et celle de rappel, en induisant une tche supplmentaire, loubli est
alors plus rapide que sans tche concurrente.
Une des expriences de Brown (1958), consiste demander aux sujets de rappeler des
consonnes (une quatre paires) lues prcdemment avec un intervalle de 5 secondes entre la
prsentation et le rappel. Dans la premire condition, lintervalle est laiss libre et dans la
deuxime condition une tche supplmentaire est introduite : lire 5 paires de chiffres. Les
rsultats montrent que le rappel dans la premire condition est quasiment parfait alors quil
nest en moyenne que dune paire de consonnes dans la deuxime condition. Si la rptition
mentale est empche, loubli est rapide. Lobservation de Brown (ibid.) souligne la limitation
temporelle des capacits en mmoire court terme. La mtaphore spatiale (mmoire court
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 37 ~
terme dcrite comme un rservoir de volume limit) est abandonne pour un postulat
thorique clairement explicite : le dclin spontan des traces. Le mcanisme permettant le
maintien des traces est lui aussi explicite dans le fondement thorique de Brown : la rptition
mentale.
Les diffrents travaux raliss par Brown (ibid.) et Peterson et Peterson (ibid.), ont mis
en vidence que lorsquon se trouve dans une situation qui ne relve pas de lapprentissage,
les traces prsentes en mmoire ont tendance vite disparatre, si aucune activit
mnmonique nest mise en uvre pour les maintenir. Ce type de mmorisation a donc des
caractristiques spcifiques. Il porte sur une petite quantit dinformations qui, si elles ne sont
pas ractives par rptition mentale, sont rapidement oublies.
Baddeley (1986) avance lhypothse que le stock phonologique est passif. Il recevrait
directement linformation verbale prsente auditivement et une de ses particularits serait le
fait que la quantit dinformations sestompe en quelques secondes (1,5 seconde en
moyenne). Le deuxime sous composant, la rcapitulation articulatoire serait un sous-
composant actif et aurait comme fonction le rafrachissement des informations permettant leur
maintien en mmoire court terme, ainsi que le transfert de linformation verbale prsente
visuellement vers le systme de stockage phonologique (figure 4). Plusieurs donnes
empiriques (leffet de longueur des mots, leffet de similarit phonologique, leffet de
suppression articulatoire et leffet dcoute inattentive) corroborent lexistence de ces sous-
systmes. Elles font lobjet des parties suivantes.
Figure 4. Reprsentation schmatique du modle de la boucle phonologique (Baddeley, 1986, 1993).
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 38 ~
1.3.1.1 Leffet de longueur des mots Baddeley, Thomson et Buschanan (1975) proposent des sujets des tches de
mmorisation immdiate, qui consistent en un rappel de mots courts (cl, sac, sol) et de mots
longs (bibliothque, tournesol, mcanique). Les rsultats obtenus montrent que le rappel des
mots courts est meilleur que celui des mots longs. Le maintien en mmoire court terme
impose donc la mise en place dun processus de rafrachissement de linformation, nomm
boucle articulatoire. Si les traces en mmoire ne sont pas rafrachies, elles disparaissent en
1,5 seconde en moyenne. Mais cet effet dpend-il du nombre de syllabes prsentes dans les
mots ou du temps de prononciation des mots ? Plusieurs tudes montrent des corrlations
entre la vitesse darticulation des mots et la taille de lempan mnsique : plus la prononciation
des mots est rapide, plus lempan est lev (Ellis & Hennely, 1980 ; Hulme, Maughan &
Brown, 1991). La variable la plus importante serait donc la dure de prononciation des mots.
Leffet de longueur des mots relve du processus de rcapitulation articulatoire et
sexplique par le fait que les mots longs prennent plus de temps tre rcapituls que les mots
courts. La trace des mots prcdents sestompe avant dtre rintroduite dans le stock
phonologique via la rcapitulation articulatoire.
1.3.1.2 Leffet de similarit phonologique Conrad (1964) avance lhypothse quen mmoire court terme, les diffrents stimuli
prsents aux sujets seraient retenus selon la manire dont ils sont prononcs. Pour tester cette
hypothse il compare les rsultats obtenus deux situations exprimentales diffrentes. La
premire consiste prsenter oralement une succession de lettres (1 toutes les 5 secondes).
Les sujets doivent transcrire ces lettres au fur et mesure. Cette tche est ralise avec un
bruit de fond rgl pour que les sujets commettent environ 50% derreurs dans la
transcription. Les erreurs commises par les sujets montrent que les groupes de lettres B C P T
V et F M N R S provoquent beaucoup plus derreurs que des groupes de lettres comme A
V J Q M. La seconde situation exprimentale consiste soumettre les sujets une srie de
prsentations-rappels de lettres (tires au hasard dans lalphabet). Les lettres de chaque srie
varient et sont prsentes visuellement sur un cran (toute les 0,75 secondes). Les sujets
doivent rappeler les lettres aussitt aprs la fin de la prsentation. Les erreurs des sujets
portent sur les mmes patterns de lettres que lors de la premire exprience, cest--dire sur
des lettres proches sur le plan phonologique. Pour Conrad (ibid.) les stimuli prsents par crit
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 39 ~
feraient lobjet dun recodage phonologique. Plus exactement, les sujets transformeraient les
lettres perues en leurs correspondants phonologiques.
Dans une autre exprience Conrad (1967, cit par Goanach & Larigauderie, 2000),
veut prciser le recodage phonologique. Pour cela il fait varier la dure de lintervalle de
rtention. Les sujets doivent redonner une srie de lettres aprs un intervalle de 2,4 ou 7,2
secondes. Les rsultats montrent que les rappels sont meilleurs avec lintervalle de 2,4
secondes, mais Conrad (ibid.) observe galement que la nature des erreurs est diffrente.
Aprs lintervalle de rtention de 2,4 secondes, ce sont essentiellement des erreurs de
confusion de lettres similaires sur le plan phonologique, alors que la nature des erreurs aprs
lintervalle de 7,2 secondes, semble alatoire. Conrad (ibid.) avance lhypothse que la
mmoire court terme utilise un codage phonologique pour la mmorisation des informations
mme si celles-ci sont prsentes par crit.
Plusieurs tudes menes par Baddeley (1966a, 1966b) ont galement mis en vidence,
lors de tche de rtention dinformations court terme, des interfrences entre diffrentes
listes retenir lorsque celles-ci prsentent des similarits phonologiques.
Leffet de similarit phonologique se traduit par le fait que le rappel de mots ou de
lettres qui se ressemblent au plan phonologique est moins bon que le rappel de mots ou de
lettres qui diffrent phonologiquement et ceci aussi bien en modalit verbale que visuelle
(Baddeley, Lewis & Vallar, 1984). Des segments linguistiques phonologiquement proches
comme B D P T sont plus difficiles mmoriser que des segments linguistiques
dissimilaires phonologiquement comme D F V X.
1.3.1.3 Leffet de suppression articulatoire La suppression articulatoire est la technique exprimentale la plus utilise pour tester
lhypothse de lexistence de la boucle articulatoire . Elle consiste introduire une tche
supplmentaire essentiellement de type rptition haute voix dun mme son ou syllabe.
Comme le son rpter est identique (ex : bla, bla, bla), aucune mmorisation nest ncessaire
mais la rptition mentale du matriel mmoriser est gne.
Baddeley et al. (1984) proposent dtudier leffet de suppression articulatoire dans une
tude o deux conditions sont introduites. La premire consiste en une prsentation orale des
items et la seconde condition en une prsentation crite. Les listes de mots retenir prsentent
galement deux caractristiques. La premire fait varier le facteur similarit phonologique et
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 40 ~
la seconde contrle leffet de longueur des mots. Les rsultats montrent quen modalit orale,
leffet de similarit phonologique apparat alors quaucun effet nest observ pour la longueur
des mots. En modalit visuelle (prsentation crite), aucun effet (similarit et longueur des
mots) napparat. Les auteurs avancent lhypothse que la suppression articulatoire peut gner
la rptition mentale des informations prsentes en modalit orale mais galement le
recodage de stimuli prsents visuellement vers leur code phonologiques respectifs. La
suppression articulatoire occupe la place du processus de rcapitulation articulatoire,
empchant la rptition des stimuli et donc le rafrachissement des traces dans le stock
phonologique et expliquant la disparition de leffet de longueur. La suppression de leffet de
similitude phonologique (en prsentation visuelle) serait lie au fait que le mcanisme de
rcapitulation est indispensable pour introduire le matriel verbal prsent visuellement dans
le stock phonologique.
1.3.1.4 Leffet dcoute inattentive Salam et Baddeley (1989) ont mis en vidence une dissociation lors dun paradigme
de paroles ngliger. Les sujets sont soumis une preuve de rappel immdiat aprs une
prsentation visuelle de mots. Un matriel supplmentaire (mots noncs voix haute) est
ajout simultanment et il est demand aux sujets de ne pas le prendre en considration. Les
auteurs font varier le degr de similarit phonologique et la longueur des mots constituant la
parole ngliger. Les rsultats obtenus montrent un effet significatif du facteur similarit
phonologique, mais aucun effet significatif du facteur longueur des mots. Le matriel non
pertinent entre automatiquement dans le stock phonologique. Lamplitude de leffet de
similarit est dautant plus importante que la similarit phonologique entre les distracteurs et
les items rappeler est proche.
Ces rsultats corroborent lide que le code phonologique et la boucle articulatoire
sont deux composants distincts. Une prsentation orale de stimuli induit un accs au code
phonologique mme si le sujet a pour consigne de ne pas prter attention ce matriel. Il
sagirait dun accs automatique. Ce mme matriel ninduirait par contre aucune mise en
uvre de la boucle articulatoire, qui ncessite un contrle de la part des sujets.
Ces donnes empiriques soutiennent la distinction entre un stock phonologique passif
et un processus de rcapitulation articulatoire actif.
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 41 ~
Le point suivant aborde un autre sous-composant du modle de mmoire de Baddeley
(1986), le calepin visuo-spatial.
1.3.2 Le calepin visuo-spatial Le calepin visuo-spatial est la deuxime composante du modle de Baddeley. Il est
dcrit comme le composant qui stocke linformation visuelle et spatiale mais galement
linformation verbale sous la forme dimages visuelles (Gathercole & Baddeley, 1993 ; Logie,
1995). Ce systme est galement connu sous le nom de bloc-notes visuo-spatial et intervient
dans des tches dimagerie mentale, de rotation mentale, de localisation et de mmorisation
dobjets non verbalisables.
Cette sous-composante ne sera pas davantage prsente ici, car les informations visuo-
spatiales font lobjet dun prochain chapitre entier (chapitre 2). Nous allons nous centrer sur le
troisime sous-composant : ladministrateur central.
1.3.3 Ladministrateur central Baddeley (1986) introduit ladministrateur central comme assurant les processus de
contrle en mmoire et le prsente comme un systme disposant de capacit et de ressources
limites. Il met lide que ladministrateur central serait responsable de la slection et de
lexcution des traitements. Il serait un lment cl dans le fonctionnement de la mmoire de
travail, en grant principalement le contrle de lattention. Il est conu comme un systme
attentionnel qui permet de coordonner des oprations des sous-systmes spcialiss et de
procder la slection stratgique des actions les plus efficaces.
Pour comprendre le fonctionnement de ladministrateur central, Baddeley sappuie sur
le modle de contrle attentionnel de Norman et Shallice (1980) (figure 5). Le modle de
Norman et Shallice (ibid.) galement appel modle du contrle attentionnel prtend que la
plupart des actions que nous ralisons sont inities par des schmas dactions (internes) ou des
indices environnementaux. Il arrive parfois que les actions ncessitent une intervention
attentionnelle. Cest effectivement le cas lorsque des indices contradictoires activent
plusieurs schmes daction qui entrent alors en concurrence, par exemple dans le cas dactions
nouvelles qui ncessitent que le plan daction soit modifi. Pour les auteurs, de tels cas
ncessitent llaboration de solutions nouvelles qui se doivent de runir les donnes propres
la situation, mais galement un recours aux informations stockes en mmoire long terme. A
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 42 ~
ce niveau de traitement interviendrait le systme de supervision attentionnel (SAS). Pour
Baddeley, ladministrateur central aurait des fonctions analogues celles du SAS.
Situation nouvelle ou
Problme
Situation familire ou routinire
Systme Superviseur Attentionnel(SAS)
-
-
++
-- -
Schmas
Action
Gestionnaire des conflits
Figure 5 : reprsentation schmatique du modle de Norman et Shallice (1980).
En 1996, Baddeley propose une fragmentation des fonctions de ladministrateur central
et distingue quatre grandes capacits : la coordination de doubles tches, la ralisation de deux
activits mentales simultanes, les oprations dattention slective et lactivation
dinformations en mmoire long terme.
La structure de ladministrateur central soulve une interrogation : en effet
ladministrateur central est-il un systme unitaire plusieurs fonctions ou est-il constitu de
processus de contrle indpendants ?
Baddeley (ibid.) sappuie sur des donnes issues de la neuropsychologie comme celles
obtenus par Lehto (1996) pour dire quil existerait diffrents sous composants. Lehto (ibid.)
essaie de voir si les tests des fonctions dites excutives sont indpendants ou non des
capacits de la mmoire de travail. Il utilise alors une large batterie dpreuves (tests simples
et dautres plus complexes) cense mesurer la mmoire de travail (tche dempan simple de
chiffres, de mots, de lecture, tche dempan de chiffres rebours, WCST, tour de Hano).
Les rsultats obtenus mettent en vidence des corrlations entre les preuves dempans
complexes. Ces rsultats vont dans le sens dun administrateur central conu comme un
ensemble de fonctions de contrle (ou excutives) fonctionnant indpendamment. Dautres
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 43 ~
recherches vont dans ce sens. Par exemple, Miyake, Friedman, Emerson, Witski et Howerter
(2000) ont mis en vidence trois fonctions excutives relativement distinctes : linhibition, la
mise jour et le shifting attentionnel 2 en montrant, aprs analyse, des corrlations leves
entre les preuves mesurant ces trois fonctions considres comme excutives. Mais
lanalyse de ces auteurs montre galement des corrlations, certes faibles, mais toutefois
prsentes entre des preuves testant ces trois fonctions excutives. Ils interprtent ces rsultats
comme rvlant lexistence dune ressource commune tous les composants de
ladministrateur central mais cette ressource commune demeure floue.
Une tude de Friedman et Miyake (2004) voque un fractionnement au sein mme
dun sous composant. Les auteurs rapportent que la fonction excutive inhibition peut elle-
mme tre fragmente en diffrents processus potentiellement autonomes : linhibition de
rsistance linterfrence proactive, linhibition des rponses dominantes et linhibition des
distracteurs lors dune tche en cours.
Synthse
Inspir par les travaux mens avec Hitch (1974) en 1986, Baddeley propose un modle
de mmoire de travail form de plusieurs composants articuls entre eux, ladministrateur
central, la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. Ladministrateur central est charg
de coordonner, de slectionner et de contrler les oprations de traitements des informations
provenant des systmes esclaves, la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. La
boucle phonologique est la composante responsable du maintien temporaire des informations
verbales et le calepin visuo-spatial des informations visuelles et spatiales de lenvironnement.
Il sagit dun modle hautement heuristique qui a servi de rfrence thorique pour de
nombreuses recherches empiriques sur le fonctionnement cognitif. Le point suivant est
consacr au rseau crbral dvolu la mmoire de travail. Ce rseau crbral inclut des
rgions corticales rtro-rolandiques, des rgions frontales ainsi que des structures sous-
corticales. Bien que le rseau soit vaste, la rgion frontale et plus particulirement
dorsolatrale du cortex prfrontal semble jouer un rle primordial dans la mmoire de travail,
comme nous allons le dtailler dans la partie suivante.
2 shifting attentionnel : dplacement attentionnel
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 44 ~
1.4 La prdominance du lobe frontal
Les lobes frontaux peuvent tre diviss en trois zones anatomo-fonctionelles distinctes
(Eustache & Faure, 1996) : laire motrice primaire (circonvolution frontale ascendante) qui est
implique dans la commande de la motricit lmentaire de lhmicorps controlatral, laire
pr-motrice implique dans lorganisation et le contrle des mouvements fins et squentiels et
le cortex prfrontal (partie la plus antrieure) qui va gouverner les aspects les plus labors du
comportement (cette zone ne possde pas de connexions avec les voies sensorielles ou
motrices mais avec les structures corticales et sous-corticales).
Le cortex prfrontal peut tre fragment en trois rgions, le cortex prfrontal
dorsolatral, le cortex prfrontal mdian et le cortex prfrontal orbito-frontal (figure 6). Le
cortex prfrontal reoit une information extrmement intgre en provenance de toutes les
aires sensorielles (Kolb & Wishaw, 2008) (annexe 1).
Figure 6 : vue latrale des principales subdivisions du lobe frontal (extrait de Neurosciences, Purves et al., 2005).
Le rseau crbral impliqu lors de tches testant la mmoire de travail implique les
rgions corticales rtro-rolandiques, les rgions frontales et les structures sous corticales, mais
cest la rgion prfrontale dorsolatrale qui joue un rle essentiel pour entre autres, les aspects
excutifs de la mmoire de travail.
Les premires recherches portaient sur lanimal. Par exemple, Miller, Li et Desimone
(1991), dans une de leurs expriences mene chez le singe, ont montr que le cortex prfrontal
dorsolatral joue un rle important dans llaboration dune action venir, en prparant une
action adaptative la tche en cours.
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 45 ~
Ces donnes neuro-fonctionnelles se retrouvent dans des travaux raliss chez
lhomme. Le cortex prfrontal dorsolatral est activ de faon significative lorsque
linformation ncessite de prparer une action, alors que lactivation est quasi inexistante
lorsque linformation en cours ne demande quun traitement de maintien en mmoire court
terme (Volle, Pochon, Lhricy, Pillon & Levy, 2005).
Le cortex prfrontal serait donc impliqu dans la manipulation et la prparation des
comportements labors (gestion excutive). Fuster (1989) met en avant un lien entre des
dficits en mmoire de travail et une dtrioration des circuits prfrontaux dorsolatraux.
Plusieurs tudes ont mis en vidence limplication du lobe frontal dans la mmoire de
travail en testant des patients atteints de lsions frontales dans des preuves de mmoire de
travail (Andrs, Van Der Linden, Collette & Le Gall, 1999 ; Baddeley, Della Sala, Papagno &
Spinnler, 1997 ; Benton, 1968; Milner 1964 ; Spatt & Goldenberg, 1993). La contribution du
cortex prfrontal dans la mmoire de travail a galement t mise en avant grce aux
techniques dimagerie crbrale fonctionnelle. DEsposito et al. (1995) testent la capacit de
coordination simultane de deux tches (une preuve de jugement smantique et une preuve
de rotation spatiale) en utilisant la RMNf3. Les auteurs montrent que lorsque les sujets
ralisent simultanment les deux tches, il y a une activation crbrale au niveau du cortex
prfrontal dorsolatral bilatral (Aires 9 et 46 de Brodmann) (annexes 2b et 2d).
Limplication du CPFDL dans le rseau neuronal de la mmoire de travail ne fait plus
lobjet de discussion. En revanche, son organisation anatomo-fonctionnelle nest pas encore
dtermine. Certains auteurs proposent que le CPFDL soit subdivis en diffrents modules
anatomiques de mmoire de travail qui diffrent entre eux selon la nature sensorielle de
linformation traiter (Goldman-Rakic, 1987 ; Levy & Goldman-Rakic, 1999, 2000). Pour
ces auteurs, en fonction de la nature des stimuli perus, diffrents modules de traitement
sactiveraient au sein du cortex pr-frontal. Au contraire, certains auteurs (Miller, 1999 ;
Rainer, Asaad, Miller, 1998) suggrent que le CPFDL ne serait pas divis en plusieurs sous
rgions qui effectueraient un traitement distinct lors de tches de mmoire de travail. Ces
auteurs pensent que la gestion des ressources mentales ncessite lintgration dinformations
multisensorielles. Petrides, Alivisatos, Evans et Myer (1993), Petrides (1995, 2005), Owen,
Millau, Laird et Bullmore (2005) se penchent galement sur lorganisation du CPFDL. Pour
3 RMN f : rsonnance magntique fonctionnelle
-
CHAPITRE 1. Lapproche dominante : les modles structuraux de la mmoire
~ 46 ~
eux, le CPFDL serait organis en deux rgions, une infrieure et une suprieure, rgions qui
effectueraient des traitements diffrents, relatifs la nature des oprations raliser. La rgion
infrieure serait ddie au maintien des informations en mmoire de travail et la rgion
suprieure serait implique dans la manipulation et la gestion squentielle des informations
maintenues en mmoire de travail.
Des tudes ralises chez le singe (Friedman & Goldman-Rakic, 1994, cits par
Schacter, 1999) ont montr que lactivation de certains neurones du lobe frontal impliqus
dans la mmoire de travail est rgule par un rcepteur la dopamine et que la diminution des
capacits en mmoire de travail chez les singes gs serait lie la diminution, avec lge, de
ces rcepteurs dopaminergiques.
Des tudes portant sur des sujets humains gs ont montr une diminution des
rcepteurs la dopamine dans le lobe frontal pouvant expliquer la baisse des performances en
mmoire de travail avec lavance en ge (De Keyser, Ebinger, & Vauquelin, 1990, cits par
Schacter & Desgranges, ibid.).
1.5 Arguments thoriques en faveur des modles structuraux
Les descriptions de la mmoire en tant que systmes multiples sont largement
dominantes dans les approches actuelles en psychologie cognitive. Mais quels sont les critres
qui permettent de prtendre lexistence de systmes indpendants ? Sur quels arguments
thoriques reposent-elles ?
Dans la littrature trois critres sont communment voqus, les dissociations
fonctionnelles, les donnes anatomiques et les donnes statistiques. Nous allons dcrire
brivement ces critres considrs comme les plus distinctifs.
1.5.1 Dissociations fonctionnelles Un des premiers arguments est sans doute la mise en vidence des dissociations
fonctionnelles. Le principe consiste mettre en place exprimentalement une variable et
comparer les effets de celle-ci lors de deux tches diffrentes censes mettre en vidence deux
systmes cognitifs distincts. Ce qui intresse les chercheurs est de voir sil apparat un effet
significatif de la variable sur les deux tches ou seulement sur une. Une dissociation