Dièse, Hors Série PUNK
-
Upload
revue-diese -
Category
Documents
-
view
247 -
download
2
description
Transcript of Dièse, Hors Série PUNK
#PUNK
2
Illustration : Tarmasz
3
# Édito
Illustration Tarmasz page 02
Edito page 03
Série de photos Thibault page 04
Musique ! Ludwig von 88 page 08
Série photo Rouge Gorge page 10
Playlist commune page 14
Interview Tarmasz page 16
Punkrockers page 18
Sommaire
Hors série pour nous donner un peu de temps. Un souffle.
Dièse est un peu débordé. Les choses se corsent et on est pas
toujours sûrs d’être là au prochain numéro.
Alors j’espère que vous profiterez de ces quelques pages.
Nous serons de retour en février, passage en bi-mensuel et on se
refait une beauté.
La revue change de mains, se retape malgré sa prime jeunesse.
On se charge de trouver de nouvelles idées qui nous aident aussi,
comme tous ceux qui peuplent ce hors série, à sortir de la norme. A
être intéressant, enfin, puisque c’est notre mission.
Passez des fêtes comme il faut et à la prochaine.
Lised
Article Bukowski page 20
Série photo Antigone page 22
Illustration Tarmasz page 31
Rétrospective Kévin Smith page 32
Illustration Sophie page 34
Nouvelle page 35
Illustration Mara page 39
4
# Photographie par Thibaulthotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie hotographie
5
6
7
8
# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !# Musique !
« HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULALA, HOULA HOULA HOULA-LA ! » - LUDWIG VON 88, HOULA LA !
LUDWIG VON 88
BRANCHE TON JACK.
Parlons un peu musique. Ludwig,
c’est une guitare, une basse, deux
chanteurs et une boîte à rythme.
Simple et efficace. Avant d’en dire
plus je souhaite préciser que ce
groupe est avec quelques très ra-
res autres l’une de mes seules
explorations dans l’univers punk.
N’étant pas familier avec ce genre,
il est possible que quelques détails
m’échappent. Pour toute réclama-
tion, veuillez vous adresser à mon-
sieur Elmer Bacon, il se fera un plai-
sir d’y répondre.
Une guitare saturée et une basse
qui la suit, on se limite à quelques
accords pour une simplicité et un
minimalisme qui répondent assez
à ce que l’on attend d’une musique
punk, tout du moins lorsque l’on
est, comme moi, un néophyte. Ceci
laisse toute la place à la voix, car
ce que l’on écoute principalement,
ce sont les paroles et non la douce
mélodie qui berce nos oreilles d’en-
fants un peu trop agités. Elle est
calme comme un orage et douce
comme un rugbyman. Ça gueule
plus que ça ne chante pour débiter
moult phrases à caractère plus ou
moins intéressant et plus ou moins
humoristique, l’un n’excluant pas
l’autre pour autant. A la percussion,
nous avons un prodige, un monstre
de technicité et de rythmes nuan-
cés. La boîte à rythmes.
Prenez votre sérieux. Amenez-le loin dans le désert. Sans eau. De préférence attaché à un radiateur. Maintenant, vous êtes prêts à écouter du Ludwig von 88. En préliminaire, il faut savoir que ce groupe de banlieusards s’est formé en 1983 et a été connu en 86 par un album, le premier du groupe, nommé « Houlala » dont les chansons sont remplies d’une subtilité sans borne et d’une sagesse à toute épreu-ve (cf ci-dessus). Moi-même je n’ai connu ce groupe que tard, en 2007, avec une chanson de leur tout dernier album, « La révolution n’est pas un diner de gala », nommée « Thorfin le Pourfendeur » qui ra-conte l’histoire d’un viking de haut niveau avec des équipements de grosbill (appellation d’un personna-ge bourrin increvable dans nombre de jeux de rôles, on peut être punk et jouer à Donjons et Dragons ça n’est pas incompatible) qui massacre, pille, viole et tue les dieux, le tout dans une bonne humeur propre à un gaillard nordique.
9
HE’S BACH !
Cependant, le sérieux, on a beau
l’attacher dans le désert, le clouer
sur une croix, le laisser sur une mon-
tagne à poil dans la neige, il revient
toujours. Et il n’est jamais content.
Ainsi, au beau milieu des chansons
sur les tueurs de bouchers, Oui-Oui,
on trouve d’autres textes sur le trafic
de drogue, les ghettos, bien que le
tout reste présenté ironiquement et
permettent de garder la bonne hu-
meur, du moins la plupart du temps.
« La Ganja », parodie de « La Bam-
ba », nous présente par exemple
le problème de la drogue dans les
valises diplomatiques. Quant aux «
Trois P’tits Keupons », c’est en ré-
férence aux brigades motorisées de
cet illustre personnage qu’est Pas-
qua. Pour ceux que ça intéresse,
cherchez des documents sur l’af-
faire Malik Oussekine. L’album «
Hiroshima » fait figure d’exception
et laisse un goût amer. Le groupe y
raconte toute l’histoire de la bombe
atomique, de sa conception dans «
Manhattan » jusqu’à ce qu’il advient
des survivants dans « Hibakusha ».
Etonnant non ?
Ludwig von 88, c’est aussi un nom
qui peut prêter à confusion. Pour le
« Ludwig Von », c’est en référence
à Ludwig Van Beethoven, en réfé-
rence (donc une référence au carré
c’est fabuleux) à Orange mécani-
que. C’est simple, c’est facile à in-
terpréter. Maintenant pour le 88, il y
a plusieurs
explications. La première, ce serait
pour faire chier les néo-nazis. En ef-
fet le 88 est un « symbole » pour les
bas du front nazillons de cinquième
génération consanguine. La deuxiè-
me serait qu’il y a 88 constellations
visibles dans le ciel. Enfin, ça serait
un pastiche du 77 qui serait l’année
d’émergence du punk. Une chose
est sûre, la réponse existe et pour
une fois elle n’est pas 42.
RÉ CAPITULATION.
Ludwig von 88 est un groupe (mais
ça vous vous en doutiez) issus d’une
seconde vague de punk dont le but
n’a jamais été de vendre leur mu-
sique mais juste de se faire plaisir.
Et ça a marché. Usant de l’humour
comme intermédiaire pour faire
passer des messages relativement
plus importants que ceux que l’on
peut retrouver maintenant dans la
plupart des chansons d’aujourd’hui
(ils n’ont jamais été signés, ça joue
peut-être pas mal) sans pour autant
le noyer dans trop d’absurdités. Ré-
cemment est paru un album nommé
« Mort aux Ludwig Von 88 » qui est
constitué de reprises de chansons
du groupe. Avec un bassiste parti
loin dans le sud et un guitariste qui
joue désormais dans Sergent Gar-
cia, ça n’est pas demain la veille du
prochain concert ou album de Lud-
wig Von 88. Mais dans nos cœurs il
restera vivant !
Liam
10
# Photographie par Rouge Gorge
11
12
13
14
# P
layl
ist
com
mun
e
Les Sheriff - A la chaleur des missiles Une des meilleure chansons d’un
des grands groupes de l’âge d’or
du punk français, qui nous donne
envie de sauter partout et de cra-
cher nos tripes, puisque de toutes
façons il n’y aura pas de lende-
main. Parfait.
Svinkels - Reveille le punkLe Svink, c’est un peu un rappeur
qui violerait un punk en train de
faire un coma éthylique. Inclas-
sable musicalement, d’un goût
souvent douteux, mais si avec le
son qu’ils envoient tu bouges pas
ton boule, c’est que t’es sourd ou
tétraplégique.
Like a bad girl should - the CrampsLa chanson sexuelle par excel-
lence. Une voix déglinguée et
des paroles sales. Parfait pour
baiser.
Surfin Bird - The trash-men Ce n’est par pour rien que Ku-
brick en a fait le générique de
son Full Metal Jacket et que John
Waters l’a intégré dans le fameux
Pink Flamingos. A écouter quand
vous avez envie de vous énerver
un bon coup mais surtout pas au
réveil : trop violent.
Vivre libre ou mourir - Bérurier NoirUn classique du punk français,
entre des paroles qui font mou-
che et une rage au ventre qui naît
lorsqu’on l’écoute.
Gogol Bordello - Won-derlust KingPour ceux qui ne connaissent
pas, Gogol Bordello c’est un mé-
lange de musique traditionnelle
d’Europe de l’Est et de punk-rock
New-Yorkais, le tout porté par un
charismatique chanteur-guitariste
à moustache proéminente. Won-
derlust King résume tout ça, entre
guitare acoustique, violon, accor-
déon et chant rauque. Un appel à
voyager, dans la musique comme
dans les textes.
Guerilla Poubelle - De-main il pleutBah ouais Till et sa bande font
un peu pitié de nos jours, mais
bon faut admettre qu’à l’époque
cet album avait été une petite
révolution dans le paysage punk
français. Et qui n’est pas capable
de chanter ce morceau par coeur,
à l’avoir trop brailler en soirée ou
ayant appris les trois accords sur
sa guitare en se sentant l’âme re-
belle?
Kortatu - Zu atrapatu arteKortatu, c’est un grand classique
du punk basque, je sais pas si
c’est très connu au-delà, mais
pour vous donner une idée les
mecs ont quand même fait le Zé-
nith de Paname avec les Bérus
en 88. Et même si je pourrais pas
vous dire de quoi ça parle, c’est
punk avec des relents de ska et
ça déchire.
Mononc’ Serge & Ano-nymous - J’pue pas j’sens l’punkBon d’accord c’est plus proche
du métal que du punk musicale-
ment mais ils suffit de les voir une
fois sur scène, costards souillés
et cheveux gras pour voir qu’ils
ont captés l’esprit. Cette chanson
est un magnifique hommage aux
odeurs de tabac froid, de bière
discount, de chiens, de sueur et
de foutre qui hantera pour tou-
jours les squats keupons de par
le monde.
Now I Wanna Sniff Some Glue - The RamonesLe pourquoi du comment qui
pourrait bien expliquer leur état
actuel. Jme la passerais presque
au réveil.
So Much Trouble - IziaLe rejeton Higelin a du rock plein
les tripes et il faut bien que ça
s’entende.
Sour Cherry - The KillsChanson en boucle. Du riff, du
rythme et du corps qui balance.
La bonne musique ne se perd
pas.
NewYork NewYork - Nina HagenDu déjanté à l’état brut, une voix
hors norme qui me rend jalouse
mais me laisse plus admiratrice
qu’autre chose. Du grand Nina
Hagen dont on ne peut se lasser.
Havana Affair - The Ra-monesMême topo que pour les Clash,
je suis incapable d’en choisir une
seule, ça vaut bien le coup que
j’en mette deux.
I wanna be your dog - Iggy pop and The Stooges J’ai rarement envie de me sou-
mettre, mais quand je me mets à
écouter cette chanson, je pourrai
aller jusqu’à lécher des pompes.
C’est dit.
Rock the casbah - The Clash Une amie m’a dit récemment :
«Quand je marche dans la rue et
que j’écoute ce bon vieux classi-
que, j’ai l’impression que la ville
m’appartient». Eh bien, je pense
la même chose.
Chick Habit - April MarchReprise du très connu «Laisse
tomber les filles» avec rudement
plus d’énergie et de mordant. Dé-
couverte au tournant d’un film de
Tarantino, c’est dire.
Brand New Cadillac -The ClashComme trop de Clash ne tue pas
le Clash on en remet un couche
bien méritée.
Drive Dead Slow -Sahara HotnightsDans une bagnole, entre potes,
clope au bec et bière dans la
main ou en sautant partout, cette
chanson énergique et peu connue
ne semble pas vieillir. On se sent
puissant quand on l’écoute.
15
16
Un mot de fin pour le début ?Maxilase parce que c’est mon sirop
préféré
Qui de l’oeuf ou la poule (ou le dinosaure tant qu’on y est) est ar-rivé en premier ? Savoir qui est arrivé en premier,
pourquoi c’est tellement important,
on fait pas la course! mais si tu
veux vraiment savoir, c’est l’oeuf.
épui la pieuvre ensuite, puisque la
poule descend du dinosaure et que
la pieuvre a inventé les dinozores,
et que les oeuffes, c’est comme des
pti pyjamas.
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
Serpent mon cul
Comment tu fais pour sortir d’un avion hanté par des chameaux fantômes cannibales?
Déjà j’évite d’y rentrer (ça a l’air mo-
che)
TARMASZ
TARMASZ EST UNE DE CES CHOUETTES FILLES AVEC DES MONDES PLEIN LA TÊTE DANS LESQUELS ELLE SE PERMET DE VIVRE ET DE FAIRE UNE CROIX SUR LA NORME. INTERVIEW RENVERSÉ D’UNE PERSONNE DÉCALÉE.
Si je te dis ‘être normal’ tu me ré-ponds ?
Chaipa, on est tous un peu normaux
non? si tu m’avais demandé de dé-
finir «être con» ou «avoir la «scarla-
tine» j’aurais eu de quoi dire, mais
là? peut-être que la normalité abso-
lue se situe aux environ des person-
nes qui arrivent à garder la même
voix quoi qu’ils racontent
Si je te dis ‘punk’ tu me réponds ?ces branquignolles qui ont failli
m’avoir à une époque?
Dommage que la moitié des punks
soient des tels clichés que chaque
mot sorti de leur bouche me semble
être une attaque aérienne plurinu-
cléaire lancée sur l’autel du «tout le
monde est unique» outre ça ya des
belles idées dans le mouvement, lu-
mineuses même, le douite yourself
ça pousse les gens à se démerder
tout seuls et à être multifonction
plutôt que de rester dans une place
de consommateur statique, et puis
ça montre qu’on peut faire plein
de trucs trop bien avec pas énor-
mément de sous.. le fanzinat, plus
largement l’auto-édition, l’auto-pro-
duction (musique, films..) les squats
culturels, même une certaine forme
de piratage, pour moi ça correspond
à un versant de la culture punk. et
ça c’est trop bien
Musicalement tu te traînes vers quels sonotones ?J’aime bien de tout mais surtout les
musiques qui grincent et qui cris-
sent ou qui sautent, les paroles qui
racontent des histoires, les concerts
à costumes. Au hasard: puppetmas-
taz, stupeflip, bérurier noir.
# Interview
17
Comment tu t’échappes ? (sens volontairement plus que large pour permettre tout genre de ré-ponse toussa)Je m’échappe pas, téfou ça vou-
drait dire que je suis prisonnière, et
je me laisse pas faire moi, je vais
où je veux quand je veux sinon gare
à tes fesses. Mais si s’échapper ça
veut dire mon gros kiff de temps en
temps heu, je dirais, les autotam-
ponneuses, la grande galerie de
l’évolution, regarder zorro, et met-
tre la main dans un aquarium de
requins, mais je l’ai jamais fait mal-
heureusement!
Dans quels coins tu as baroudé et puis qu’est-ce que t’en as tiré/rapporté ?On a bien voyagé en amérique du
sud avec ma maman et mes frères
et ma soeur, on a vu presque tout
le continent, on a même été jusque
tout en bas, à ushuaïa; là où ya les
pingouins! J’en ai rapporté heuuu
une notion différente de l’ennui et
plein de carnets de route illisibles?
Les jours passés entassés dans le
minibus par 38° sur des caillasses
où on peut rien faire sauf se cogner
la tête contre la vitre toutes les 8
secondes, ça te donne l’occasion
de penser à tous les trucs auxquels
t’avais jamais pensé avant et d’in-
venter tout un tas de choses j’ai
aussi compris dans mes voyages
qu’on a beau fuir loin très loin au
bout du monde, il y a toujours une
boutique pour métalleux pas loin, où
qu’on aille.
Si tu inventes des mots c’est qu’t’en as jamais assez ?Bof, y’en a quand même assez
pour tout dire, seulement il faut les
décorer un peu, ou les changer de
sens (comme avec les panneaux-
flèches sur la route, là où c’est mar-
qué «c’est par là» tu le retournes de
l’autre côté et hop tout le monde est
bien couillonné!)
Il y a des arts que tu ne touches pas ?Plein, cépa que j’ai pas envie mais
juste que chui lamentable, en parti-
culier dans la musique, et aussi aux
claquettes (ça me rend très triste)
Qu’est-ce qui t’inspire ?
les tout petits chapiteaux et les his-
toires de lézards.
les grandes épopées et les mytholo-
gies interminables
Créer c’est une nécessité ?Plutôt un réflexe défensif
Et puis tarmasz, c’est qui au juste ?alors là il va falloir que je parle à la
troisième personne? ha non ça va
pas tout tout. Tarmasz c’est moi,
j’aime marcher sur des huîtres, fen-
dre l’eau et peindre des feux d’artifi-
ces au pochoir sur les murs du ciel.
j’habite dans une cabane à malakoff
à côté de paris, et j’élève des raies
manta en papier que j’entraîne à
franchir le mur du pacifique. J’aurais
voulu naître avec le don d’ubiquité
et savoir parler en ultra-sons. ya
tellement de choses au monde quej
veux faire, alors j’essaie tout faire à
la fois, très très vite avant de trop
grandir. j’aime pas la drogue ni walt
disney, mais j’aime Sa majesté des
mouches, Zazie dans le métro & la
mythologie grecque. Un jour j’étais
sur un fleuve, j’ai vu un poisson vo-
lant sauter en l’air tout près du ba-
teau, et on s’est regardés dans les
yeux, et il est retourné dans l’eau, et
c’est un très bon souvenir.
Lised
18
PUNKROCKERS
Ya un truc qui me chiffonne, c’est quand j’entends
à l’insu de mon plein gré, dans le bus ou au supermarché
insipides présentés comme «LA musique des Années
pour une certaine frange de la population, ce soit une
ça me hérisse, et même ça me chagrine. Quoi ? Et bien
qu’on n’avait que cette daube à se mettre dans les
J’ai eu 20 ans, à l’aube de ces fameuses années
ville de Montpell, et soyez sûr que ça rockait sévère
les vieux locaux perdus dans les vignes. Sans parler
pas mal. Punkrockers, ouais, comme dans la chanson
«Sheena is ...» Et si vous ne savez pas, allez-y voir
De tout ça, j’en garde encore les preuves, des épreuves
Pandore à moi.
Alors, puisque la cause est belle, j’accepte
de tous ces vieux clichés qui sont pour moi
bon, si la mienne est enfuie, une autre jeunesse
que son héritage. Qu’en fera-t-elle de ses instants
? Moi, je ne suis dans cette affaire qu’un humble
commentaire. Par contre, je veux partager
bien collé à notre peau :
On n’est pas des gens d’ici
Vous ne nous connaissez pas
On n’a pas le cœur sur la main
On fait pas de sentiment
On fout des claques aux enfants
On pète la gueule aux vieux
Un pavé dans la vitrine
C’est comme ça qu’on s’éclate
Parce qu’on est
Des sales mômes venus d’ailleurs
Cette planète c’est pas la notre
On n’en a rien à foutre
C’est une reprise du morceau
ce», par les OTH,
paroles de Spy. Rassurez-vous
Bon et bien, bonne continuation
Le Futur C’est Maintenant...
19
PUNKROCKERS
j’entends (rassurez-vous tout à fait
supermarché en général), des tubes
Années 80». Je ne nies pas que,
soit une réalité, mais j’avoue que
? Et bien l’idée qu’on puisse croire
dans les oreilles !
années 80, dans cette bonne vieille
rockait sévère dans les caves des cités et
Sans parler des concerts, où ça pogotait
la chanson des Ramones, vous savez,
allez-y voir par vous même.
des épreuves même, dans ma boite de
j’accepte de la rouvrir, pour livrer aux yeux
pour moi bien plus que des souvenirs...Mais
jeunesse est là, qui me sollicite et revendi-
ses instants volés à une époque survoltée
qu’un humble témoin, je ne ferais pas d’autre
partager aussi un de ces couplets qui ont si
gens d’ici
connaissez pas
sur la main
sentiment
aux enfants
vieux
vitrine
s’éclate
d’ailleurs
notre
morceau de The Météors, «Teenagers from outer spa-
Rassurez-vous ; que de la frime !
continuation les jeunes et n’oubliez pas,
Maintenant...
Winie
Pêl
e-m
êle
: OT
H, L
a S
ouris
Dég
lingu
ée, L
es V
ierg
es, L
es S
hérif
s, M
athi
eu e
t son
rat
Sid
, Win
ie s
ous
le r
egar
d de
Joh
nny
Rot
ten
et d
ans
le m
iroir
Dom
i et D
idie
r de
s O
TH
.P
hoto
s To
ny Ia
copo
nelli
et E
ric M
aury
20
# Portrait
BUKOWSKI
L’ŒUVRE DE BUKOWSKI, QUI N’AURAIT CERTAINEMENT PAS AIMÉ ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME « UN GRAND MONSIEUR », C’EST UN PEU COMME DES ÉCLATS DE VERRE S’ACCROCHANT À DE LA DENTELLE, COMME DU SANG ÉCLABOUSSANT UN JOLI MINOIS. C’EST DOULOUREUX, RÉVOLTANT. DE LA POÉSIE EN SOMME.
Bukow… Quoi ?
Auteur américain né en 1920, on
peut dire que dès le début de sa vie,
Bukowski avait tout pour devenir l’âme
tourmentée que nous connaissons.
Battu régulièrement par son père jus-
qu’à ses 16 ans, il avait pour interdic-
tion formelle de fréquenter les autres
enfants de son quartier. Ravagé par
une acné sévère pendant son adoles-
cence, il se forgera à partir de cet ins-
tant là, une carapace de rejeté social,
d’exclu, comme une carapace pour se
protéger de sa laideur . Entre un père
violent et une mère parfaitement effa-
cée, soumise (c’est l’image qu’il aura
de la Femme jusqu’à la fin de ses
jours), l’écrivain a commencé très tôt
à se noyer dans l’alcool et à y trouver
son inspiration. Quittant le foyer fami-
lial très jeune, sa vie est désormais
celle d’un marginal, allant d’hôtel cras-
seux en bars miteux, suivant les parias
et autres rejetés.
«Toi, tu es laid, et tu ne connais pas ta chance :au moins, si on t’aime, c’est pour une autre raison»Extrait des Contes de la folie ordinaire
21
«Je retourne aux putes et au scotch, pendant qu’il est encore temps.Si j’y risque ma peau, il me paraît moins grave de causer sa propre mort que celle des autres»Extrait des Contes de la folie ordinaire
Un poète qui ne fait pas l’unani-mité
C’est un personnage asocial, ayant
un certain goût pour la provocation,
voire, n’ayons pas peur des mots,
de la vulgarité, l’obscénité. Les tex-
tes de Bukowski choquent, révoltent
et dérangent profondément l’Amé-
rique qu’il décrit avec noirceur et
violence dans son œuvre. Critique
de la société, de la médiocrité, du
capitalisme, du pouvoir. Il va sans
dire, qu’il ne pouvait être appré-
cié de tous. L’alcool a toujours été
comme un fil conducteur dans sa
vie, il a écrit tous ses ouvrages sous
l’emprise de la boisson, cependant,
sous l’aspect ivrogne du personna-
ge se cache une sensibilité à fleur
de peau. Une vision du monde sin-
gulière, obscure, mais parfois, suc-
cinctement, éclairée par une lueur
d’espoir. Sur sa tombe figure l’ins-
cription « Don’t try » (N’essaie pas),
épitaphe à entendre dans le sens «
n’essaie pas, fais le. »
Découvertes
Quelques uns de ses ouvrages ont
été traduits en français, notamment
deux œuvres représentatives du
personnage : le recueil de nouvelles
« Contes de la folie ordinaires », et
« Jouer du piano ivre comme d’un
instrument à percussion jusqu’à ce
que les doigts saignent un peu » qui
rassemble plusieurs poèmes.
Récemment pour sa campagne
GO FORTH, Levi’s a utilisé l’un des
poèmes de Bukowski, surement
son texte le plus optimiste « The
laughting heart », à découvrir sur le
site de la marque.
Caroline M.
22
# Photographie par Antigone# Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie # Photographie
23
24
25
26
27
28
29
Illustration : Tarmasz
31
32
# Rétrospective # Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective# Rétrospective
De son propre vécu, il nous parle de
la difficulté et de l’importance des re-
lations humaines, en amitié comme
en amour, mais aussi de la pression
sociale qui peut peser sur nos vies
de différentes manières. Film après
film, il tisse des liens à la fois entre
les différents protagonistes, et à la
fois entre les films eux-mêmes, cha-
cun faisant écho à un autre. Le tout
nous donne un ensemble qui s’en-
tremêle de façon plus poussée et
cohérente que de simple sequels.
Smith nous rappelle avec une sé-
rie de personnages décalés et at-
tachants qu’il n’est pas nécessaire
d’être ce que l’on nous demande
d’être pour avoir une belle vie, et
c’est pourquoi ses films, bien que
loin d’être sans défauts, sont aussi
touchants.
KEVIN SMITH
UN AUTRE POINT DE VUE.
L’ESPRIT PUNK, DANS LE CINÉMA COMME AILLEURS, C’EST -À MON SENS- AU DELÀ DE CERTAINS CHOIX ESTHÉTIQUES, LA VOLONTÉ DE S’AFFRANCHIR DES CODES PRÉ-ÉTA-BLIS AFIN DE SUIVRE SA PROPRE VOIE. KEVIN SMITH, À LA BASE DESSINATEUR, DEVENU RÉALISATEUR AUTODIDACTE, S’Y EST ATTELÉ PENDANT 12 ANS, À TRAVERS SON VIEW ASKEWNIVERSE, UN UNIVERS DE FICTION DE SIX FILMS (AINSI QU’UNE SÉRIE ANIMÉE ET QUELQUES COMICS).
1994 :CLERKS, LES EMPLOYÉS MODÈLES (CLERKS)
Apologie du DIY (budget dérisoire,
tournage sur son lieu de travail, ma-
tériel bricolé), Clerks est le premier
film de Kevin Smith, et sans doute
un de ses meilleurs. Il raconte une
journée de travail (presque) ordi-
naire de deux employés, l’un de
supérette et l’autre de vidéo-club,
Dante et Randal, entre discussions
pseudo-philosophiques, clients per-
turbés, nécrophilie et match de hoc-
key.
J’ai honnêtement du mal à trouver
un défaut à ce film. La réalisation
est sobre et efficace (plan fixe mon
amour), les acteurs, sans être ex-
cellents, sont chouettes, et les dialo-
gues fabuleux. L’ensemble dans un
noir et blanc légèrement granuleux
qui donne un rendu plutôt sympa.
Je préfère ne pas m’épancher pour
laisser le plaisir de la découverte. A
voir, vraiment.
1995 : LES GLANDEURS (MAL-LRATS)
Deuxième film de Smith, et dispo-
sant d’un budget plus conséquent
après le succès de Clerks, Mallrats
a subit un échec commercial à sa
sortie (et n’est même jamais sorti
en salles en France), avant de de-
venir paradoxalement un film culte
lors de sa release vidéo. On suit un
nouveau duo de personnages, T.S.
et Brodie, un peu loosers, un peu
geeks, qui décident de se changer
les idées, après leurs s’être fait lar-
gués quasi-simultanément par leurs
copines, de la meilleure façon qu’ils
trouvent, en allant trainer dans un
centre commercial. Ils y croiseront
entre autres Jay et Silent Bob, les
dealers de Clerks (personnages
les plus récurrents du View Askew-
niverse), ainsi qu’Alyssa, une des
protagonistes du film suivant, et re-
trouveront (évidemment) leurs ex,
qu’ils tenteront de reconquérir.
Bien que plus classique, dans la for-
me comme dans le fond, Mallrats se
laisse vraiment bien regarder, porté
par un humour toujours aussi effi-
cace (bien qu’inégal par moments),
et surtout par le plaisir sincère qu’on
ressent qu’a Kevin Smith à faire
avancer ses personnages et son
univers.
33
1997 : MÉPRISE MULTIPLE (CHA-SING AMY)
Retour au succès pour ce film,
considéré comme un des meilleurs
du réalisateur, Chasing Amy nous
propose cette fois la compagnie de
Holden et Banky, deux dessinateurs
de comics connus pour leur série
Bluntman & Chronic, superhéros
inspirés de Jay et de Silent Bob.
Holden tombe amoureux d’Alyssa,
rencontrée lors d’un comic-con, qui,
malheureusement pour lui, est les-
bienne. Il deviendront néanmoins
très proche, au grand désespoir de
Banky, jaloux de leur amitié (ainsi
que légèrement homophobe).
Ce film est encore plus axé sur l’ami-
tié et l’amour que les précédents.
On y retrouvera des sujets comme
l’acceptation du passé de l’autre,
l’évolution des relations, ainsi que
des dialogues très crus pour l’épo-
que sur le sexe, que l’on pourrait re-
trouver aujourd’hui dans le Kaboom
d’Araki par exemple. L’humour est
toujours aussi présent, même si
par certains aspects le film est plus
sombre que ses prédécesseurs.
1999 :DOGMA
A mes yeux le chef d’oeuvre de
Smith, qui bien que non sans liens
avec le reste de l’univers, s’en déta-
che beaucoup. Dogma est un pam-
phlet acerbe et complètement barré
de la religion chrétienne (et non pas
de la croyance en elle-même, la dis-
tinction est importante). Sa sortie
entrainera une polémique suite aux
plaintes et manifestations de la Ca-
tholic League.
Bethany mène une existence mor-
ne et sans foi depuis que son mari
l’a quitté après qu’ils aient appris
qu’elle était stérile. Pourtant, elle
est choisi par Metatron, la voix de
Dieu, d’une mission sacrée. Elle
doit empêcher deux anges déchus,
Loki et Bartleby, de retourner au pa-
radis, car cela montrerait que Dieu
est faillible et détruirait l’équilibre du
monde. L’accompagneront dans sa
quête deux prophètes, une muse
ainsi que le 13e apôtre.
Bon, niveau réalisation, qui dit élé-
ments fantastiques dit effets spé-
ciaux, et, entre le budget toujours
modeste et l’âge, ça n’a pas très
bien vieilli.
Mais c’est un film véritablement
jouissif à voir tant le scénario est dé-
lirant, tout en restant cohérent et en
amenant une réflexion sur les ques-
tions de la foi et de la religion.
2001 :JAY & BOB CONTRE-AT-TAQUENT (JAY AND SILENT BOB STRIKE BACK)
Le film qui devait initialement clôtu-
rer le Wiew Askewniverse. L’histoire
prend suite à celle de Chasing Amy.
Jay et Silent Bob, qui seront donc
les personnages centraux du film,
apprennent que le comics Blunt-
man & Chronic va être adapté en
film, alors qu’ils n’en ont pas donné
l’accord à Banky. Ils décident donc
d’aller à Hollywood pour faire le fai-
re annuler, suite aux commentaires
peu élogieux qu’ils en lisent sur in-
ternet.
L’idée de départ était plutôt sympa-
thique, on recroise brièvement les
personnages des opus précédents
durant le début du film, toute la par-
tie à Hollywood est assez géniale,
avec des acteurs plus ou moins
connus qui s’auto-parodient, ainsi
que Gus van Sant. Et le final est ex-
cellent. Le problème étant qu’entre
temps, on a pour une heure de road
movie un peu débile et sans grand
intérêt. Bon quelques vannes fonc-
tionnent, la plupart beaucoup moins,
et le scénario part un peu n’importe
comment, ce qui contraste avec les
premiers films. Bref, on peut s’en-
nuyer assez rapidement.
A regarder dans la continuité des
autres, mais plutôt négligeable donc
si on le prend séparément.
2006 :CLERKS 2
Douze ans après Clerks premier du
nom, on retrouve avec plaisir Dante
et Randal, qui sont maintenant em-
ployés de fast-food depuis quelques
mois, après qu’ils aient accidentelle-
ment mis le feu à leur lieu de travail.
Dante s’apprête à déménager en
Floride avec sa fiancée, et Randal
décide d’organiser une fête d’adieu,
ce qui les conduira, par la force des
choses, en prison. Entre temps, on
retrouvera discussions sans sens,
discussions profondes et péripéties
diverses et variées.
Alors que dans la forme, Clerks 2 suit
le schéma classique d’une comé-
die américaine (tout en s’en jouant,
certes), ce qui peut décevoir, dans
le fond on retrouve du grand Kevin
Smith, avec des dialogues toujours
aussi efficaces, un humour toujours
aussi génial, et au final un message
toujours émouvant.
Thibault
34
Illustration : Sophie
BANSHEES
LA DOULEUR SE FRAYE UN CHEMIN À TRAVERS LE SOM-MEIL COMATEUX, PEUPLÉ DE RÊVES ABSURDES. UNE PULSATION LOINTAINE, COMME UN TAM-TAM AU COEUR D’UNE ÉPAISSE JUNGLE, TENACE ET OBSÉDANT. Oiseau de mauvais augure, se dit-elle, évitant tout mouvement,
la respiration réduite au minimum, dans une velléité de
se dérober à la migraine qui explose à présent derrière
son front. La main se met en
branle, tâtonne près du lit, là où le contenu de son sac
s’est répandu, hier soir, alors qu’une autre urgence la
talonnait. Sous ses paupières, une image se détache, ci-
garettes, clefs, kleenex, capotes, (ça S’ETAIT la bonne
trouvaille du moment), et puis l’aspirine enfin. Les
doigts refont l’inventaire
jusqu’à rencontrer l’arête de la plaquette, et le petit
bruit qu’émet l’alvéole en libérant son contenu lui pa-
rait plus doux que les accents de Setzer hier soir au
Rockstore.
Il lui faut pourtant se soulever pour avaler les compri-
més avec une gorgée d’eau tiède, la chaleur dans la cham-
bre est suffocante, avec ça des relents de tabac et de
baise qui soulèvent son estomac. Elle contient la nausée
à grand peine, tout en se maudissant d’avoir encore une
fois dépassé les limites de ce que son corps peut tolé-
rer en matière d’alcool. De la forme ensevelie sous les
draps moites monte un ronflement régulier qui l’exaspère,
elle attend un petit quart d’heure encore, le temps que
l’étau se relâche sur ses tempes, avant de se résoudre
à découvrir le corps abandonné près d’elle.
– Bouge-toi, parvient-elle à articuler.
Les mots tombent de ses lèvres dans une injonction mol-
le, aussi prend-elle soin d’y adjoindre une poussée har-
gneuse qui l’épuise aussitôt. Maintenant que le mal de
crâne a cédé, le besoin de dormir s’empare de sa volonté.
L’autre a tout juste réagi, étendant sur elle une main
osseuse dont les bagues jouent la seule note fraîche.
Alors elle se laisse emporter, repoussant le contact du
type dont le charme s’est largement émoussé en quelques
heures, elle sombre à son tour dans l’oubli.
Plus tard dans l’après-midi elle traine en ville, dé-
soeuvrée, à l’affut de la rencontre qui orientera le
reste de la journée. En terrasse du Novelty, elle trouve
la section rythmique des Charbons Ardents, bassiste et
batteur affalés autour de quelques bocks vides. Elle
comprend à leur diction - le regard lui reste prudemment
embusqué derrière les verres teintés -, qu’ils ont lar-
# Nouvelle
35
36
gement misé sur la codéine pour alimenter leur mal-être
existentiel. Ils lui en proposent d’ailleurs un fond de
tube, ensuite disent-ils, elle peut toujours venir as-
sister à la répèt.. Elle sourit, fait passer la poignée
de dragées bleues avec une gorgée de bière éventée, se
laisse reluquer un peu avant de poursuivre sa route avec
un «à plus» sans compromis. Descendant l’avenue, elle
sent leurs oeillades molles dégouliner du creux de ses
reins jusqu’aux chevilles, elle en rajoute un peu en
prenant appui du pied sur une jarre en béton où quelques
géraniums agonisent, elle remonte ses résilles mitées
puis se retourne et tire en direction des musiciens aux
abois une langue chargée. Elle les aime bien ces deux-
là, qui forment avec trois autres loustics, l’un des
groupes locaux les plus prometteurs, mais pour ce soir
elle a envie d’autre chose. L’été trimballe son lot de
promesses informulées, un goût d’ailleurs, un parfum
d’aventure et de transgression qui sont autant d’appels
impérieux auxquels elle ne sait qu’apposer cette errance
têtue, fouillant les recoins de sa ville, l’interrogeant
inlassablement dans l’espoir de lui arracher des aveux,
des secrets qui n’attendent qu’elle...
D’ailleurs, voilà Betty qui remonte la rue, sur le même
trottoir. Betty c’est son âme-soeur. Un vrai coup de
foudre entre elles. Un peu trop disjonctée peut-être.
Plus que Sol c’est sûr. Elles ont habité ensemble un
temps. Maintenant, Betty s’est trouvé un mec, un petit
bourgeois qui cherchait à s’encanailler. Il est bien
tombé ya pas à dire ! Ça n’empêche pas les deux filles
d’être toujours fourrées ensemble, en quête du bon plan
qui les fera triper. Et, à voir la façon dont Betty fon-
ce et bouscule les passants, elle a forcément une idée
en tête. Sa mignonne petite tête savamment décoiffée.
Les yeux, sertis de ce trait eye-liner parfait, se po-
sent sur Sol et les lèvres écarlates laissent échapper
le cri de ralliement :
– Super Sordos, au boulot !
Les gens s’écartent, Sol se marre et toutes les deux
font mine de gerber aux pieds des délicats. Le
rituel accompli, elles entament un conciliabule fiévreux.
Hier, Betty a passé contrat avec les putes
du quartier gare, 2 bouteilles de whisky qu’elle doit
leur fournir avant 19h.
– Passe moi ton perf’, dit-elle à Sol.
Elle-même ne porte qu’un petit blouson de toile, dont
les manches ne sont pas assez raides pour accueillir les
bouteilles. Aussitôt dit, aussitôt fait, puis direction
le magasin de spiritueux le plus proche. Sol reste pru-
demment sur le trottoir, il paraît qu’elle n’est pas
douée pour ce genre d’exercice, qu’on peut lire ses in-
tentions sur son visage. Alors, Betty entre seule.
Elle traine un peu entre les rayons, avant de faire un
signal à Sol. Celle-ci, comme prévu, rejoint la cabine
téléphonique et compose le numéro du magasin. Ça devrait
suffire à distraire le gérant. Le temps pour Betty d’em-
37
mancher le whisky. Sol fait trainer la conversation tout
en guettant la porte de sortie. Tout-à-coup, elle voit
son amie qui passe le seuil comme si le diable était à
ses trousses. En T-shirt. Elle continue à courir jusqu’à
disparaître derrière la Poste.
Sol coupe la communication, mais garde le téléphone
collé à l’oreille comme si elle poursuivait un échange
passionnant. Le propriétaire du magasin est dans la rue,
il enrage et ameute les autres commerçants. Entre ses
mains, le cuir de Sol a un air piteux, de cette distance
elle a du mal à voir l’étiquette des bouteilles que le
cerbère désigne à la vindicte mercantile, mais il semble
que ce soit du Bourbon.
Les deux complices se retrouvent au bar St-Roch, dans
la pénombre du fond elles reprennent leurs esprits. Sol
un peu choquée par la perte de son perfecto. Betty se
scandalise :
– Ah l’enculé, il m’a à moitié arraché mes tifs !
Effectivement, sur la nuque, une touffe de cheveux est
partie, la peau soulevée est cramoisie.
– Tu m’expliques si tu veux, dit Sol, d’un ton sec
qu’elle regrette aussitôt, mais bon, la pensée de son
blouson confisqué lui fait mal.
Et Betty raconte, comment ce sauvage a allongé la main
au moment où elle allait passer la porte, agrippant son
outil de travail en même temps qu’une partie de sa ti-
gnasse. Elle a le don pour ça Betty, avec elle les mots
se mettent à danser, à pogoter pourrait-on dire dans ce
cas précis. Sol ne résiste pas à l’envie de rire, les
images que la parole de son amie évoquent la ravissent.
Surtout, quand elle décrit la mine du gars qui, alors
qu’il était sûr de l’avoir coincée, se retrouve avec «la
peau de l’ourse entre les mains»
– T’en fais pas pour ton cuir, dit-elle, je t’en trou-
verai un autre, et elle se penche par dessus la table
de bistrot pour coller un méga bécot sur la bouche de
Sol.
L’emmerdant, c’est que si les gagneuses de la rue de
Verdun n’ont pas leur commande, Betty est grillée auprès
elles. Et puis, elle a besoin de la thune ce soir, ab-
solument. Un plan de dreu divine, pas question que ça
lui passe sous le nez. Les deux foldingues se bidonnent
encore. Ni SOUS, ni DANS le pif. Betty, c’est l’aiguille
qui la fait fantasmer, autant qu’un beau mec. Comme elle
le dit à qui veut l’entendre, son terme préféré c’est
Pique-Nique, un planning de rêve dans un seul mot. Sol
la ramène sur terre, elle a peut-être une solution,
faut voir. Elle sait que sa tante garde toujours quel-
ques bouteilles dans son placard. Pas sûr qu’il y ait du
whisky par contre. La femme est à demi paralysée, pas
de soucis, en plus elle va être trop jouasse d’avoir de
la visite.
Betty lève un sourcil perplexe,
– Elle picole en cachette ou quoi, la vieille ?
38
– T’occupes et bouge ton cul ma grosse, répond Sol qui
aime bien sa parente.
A 19 h, elles ont réussi à fourguer le cognac et le gin,
plus, sans y croire, une bouteille de curaçao. Les putes
ont un peu râlé mais elles ont pris ce qu’il y avait. Les
filles se partagent le blé. – Avec ça on peut voir venir,
dit Betty, tu m’accompagnes à la brune ?
Sol hésite, pour la forme, elle ne sais pas dire non à
son amie, en même temps ça l’inquiète de la voir se dé-
foncer avec autant de constance.
– Tu préfères pas qu’on s’offre un peu de cette beu mor-
telle ?
Mais elle n’attend pas de réponse, elle connait par
coeur l’idylle entre Betty et son héroïne.
– Au fait, ton beau ténébreux d’hier soir, tu comptes le
revoir ? C’est un bon coup ?
Sol hausse les épaules, une punkette et un rocker ? No
future...
Winie.
39
Illustration : Mara
# L’équipe
Psylvia, rédactrice
Lisa Meyer, rédactrice
Léontine de Stradivarius, rédactrice
# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe# L’équipe
Lised, rédactrice-en-chef Antigone, rédactrice
Liam, rédacteur Massoa, graphisteCaroline M., rédactrice
Rouge Gorge, rédactrice